PROGRAMME D’EVALUATION DU SECTEUR FINANCIER MALI FINANCEMENT DE L’AGRICULTURE NOTE TECHNIQUE OCTOBRE 2015 Cette note technique a été préparée dans le cadre d’une mission du Programme d’évaluation du secteur financier au Mali menée en mars 2015 sous la direction de Mehnaz Safavian (Banque mondiale) et sous la supervision du Pôle Finance et marchés des Pratiques mondiales de la Banque mondiale. Elle présente une analyse technique et des informations détaillées sur lesquelles reposent les conclusions et les recommandations de l’évaluation du PESF. De plus amples informations sur le PESF sont disponibles à www.worldbank.org/fsap. GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE POLE FINANCE ET MARCHES DES PRATIQUES MONDIALES Table des matières Contents I. Contexte ......................................................................................................................... 1 II. Sources de financement de l’agriculture .................................................................... 3 III. Appui public au financement de l’agriculture ........................................................... 8 IV. Contraintes du côté de la demande ............................................................................. 9 V. Contraintes du côté de l’offre .................................................................................... 11 VI. Recommandations ...................................................................................................... 13 TABLEAUX TABLEAU 1: VENTILATION SECTORIELLE DES CREDITS AU SECTEUR PRIVE …………………………………………..…..1 TABLEAU 2: TAUX DE CROISSANCE DU PIB (%) PAR SECTEUR, ET POUR L’ENSEMBLE DE L’ECONOMIE MALIENNE 1995-2012……………………………………………………………………………………………………………………………..2 TABLEAU 3: CONTRIBUTION DES BANQUES LOCALES ET OFFSHORE A LA COMMERCIALISATION DU COTON..….4 TABLEAU 4: STRUCTURE DU CAPITAL DE LA BNDA ………..……………………………………………………………..….5 TABLEAU 5: PRODUITS DE FINANCEMENT AGRICOLE DE LA BNDA DESTINE AUX PETITS ET MOYENS PRODUCTEURS ……..…………………………………………………………….……………………………………………………6 TABLEAU 6: CREDITS DES IMF AUX PETITS PRODUCTEURS, 2013…..……………………………………………………7 TABLEAU 7: ÉVOLUTION DES TAUX BANCAIRES, 2005-2012…………………………………………………………….11 TABLEAU 8: REPARTITION DES AGENCES BANCAIRES AU MALI, PAR REGION ………………………………………..12 TABLEAU 9: ORDRE DE PRIORITE DES RECOMMANDATIONS RELATIVES AU FINANCEMENT AGRICOLE .……….18 i I. Contexte1 Malgré l’importance de sa contribution économique, la production agricole ne bénéficie que d’une faible proportion du volume global des crédits au secteur privé. Bien qu’elle contribue pour 40 % au PIB et emploie environ 65 % de la population active, la production agricole ne reçoit que 5,49 % du volume global des crédits au secteur privé, et ces derniers financent essentiellement la filière coton. Cette proportion a fortement diminué depuis 2011 et 2012, années durant lesquelles elle représentait 11,69 % et 10,94 %, respectivement du total, comme indiqué dans le tableau 1 ci- après. Tableau 1. Ventilation sectorielle des crédits au secteur privé (pourcentage) Secteur d’activité 2010 2011 2012 2013 2014 Agriculture, foresterie, 5,70 11,69 10,94 6,54 5,49 pêche Industries extractives 0,07 0,10 3,79 4,74 3,35 Industries 6,96 7,98 9,58 11,05 12,66 manufacturières Électricité, gaz, eau 8,42 10,02 6,43 9,61 11,93 Bâtiment et travaux 5,28 4,44 4,96 3,78 4,94 publics Commerce (gros, petit), 37,10 43,30 44,62 45,21 40,85 restauration, hôtellerie Transports, entrepôts, 10,24 7,12 5,63 9,32 10,13 communications Assurance, immobilier, 13,73 9,77 8,23 5,70 6,89 services commerciaux Services divers 12,42 5,58 5,83 4,05 3,77 Source : BCEAO, 2014. L’économie malienne est largement tributaire des résultats du secteur agricole. La solidité générale de la croissance économique malienne au cours des dernières années est imputable à l’augmentation du PIB agricole. L’économie a affiché un taux de croissance de l’ordre de 5 % par an entre 1995 et 2010, mais la récession mondiale, le coup d’État militaire et les activités terroristes ont provoqué un ralentissement notable de l’augmentation du PIB qui s’est établie à environ 1,2 % en 2011-2012. La croissance économique reprend lentement depuis 2013 et s’effectue à un taux qui, selon les estimations actuelles, serait de l’ordre de 4,5 % pour 2014-2015. 1 Dans le cadre de cette note technique, le financement de l'agriculture couvre les services financiers axés sur les activités de production agricole (par exemple l’exploitation agricole) et les activités associées à la production (c'est - à-dire la fourniture de facteurs de production, les ventes de gros, les activités de transformation et de commercialisation et les échanges). L’expression financement rural désigne les services financiers utilisés dans les zones rurales par tous les groupes de revenus et pour toutes les activités, agricoles et non agricoles. 1 Tableau 2. Taux de croissance du PIB (%) par secteur, et pour l’ensemble de l’économie malienne, 1995-2012 1995-2001 2001-2006 2006-2010 2011-2012 Agriculture 3,3 4,3 8,2 2,2 Industries 10 4,2 0,1 10,4 Services 4,5 5,9 5,7 -3,9 PIB 6,3 5 4,9 1,2 Source : WDI 2012 et INSTAT 2011. La croissance agricole continue d’être sujette à une volatilité et une variabilité très prononcées par suite des insuffisances de la gestion des risques et des systèmes de protection sociale. L’activité économique a souffert de l’insuffisance des chutes de pluie en 2011 et 2013 qui ne sont redevenues normales qu’en 2014. Les conditions climatiques défavorables, associées à une profonde instabilité politique et au manque de sécurité en 2012 et 2013, ont provoqué de graves perturbations et fluctuations de la production intérieure. L’agriculture de subsistance est le mode de production prédominant au Mali. Selon le dernier recensement agricole, qui remonte à 2004, le Mali comptait environ 800 000 exploitations assurant la subsistance de 8,9 millions de personnes. La majorité de ces exploitations sont de petite taille, 68 % des agriculteurs exploitant moins de 5 ha et 86 % moins de 10 ha. Si l’on fait abstraction du riz, la plus grande partie des superficies cultivées (72 %) est consacrée à la production de céréales, essentiellement à des fins d’autoconsommation. Le secteur agricole est dominé par la production de coton, qui est la culture de rapport, et de riz, qui est la principale culture vivrière. En dehors des cultures de riz et de coton, les modes de production sont essentiellement à faible intensité, et reposent sur des techniques de culture traditionnelles à faible consommation d’intrants et à faible production. Les capacités industrielles et de transformation du Mali sont insuffisamment développées, et sont bien inférieures à celles du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. Il existe 500 entreprises industrielles au Mali, contre 4 000 au Sénégal et 6 000 en Côte d’Ivoire. Bien que l’État ait formulé des plans pour diversifier le secteur agricole, et mettre davantage l’accent sur l’ajout de valeur/la transformation, l’essentiel des dépenses publiques vise essentiellement à ce jour à accroître la production dans le secteur du riz. Les activités de transformation sont, de ce fait, insuffisamment développées et la valeur ajoutée le long des filières d’approvisionnement est faible. Très peu d’intervenants privés ont la capacité de fournir des programmes intégrés comprenant facteurs de production, financements et services de conseil à des agriculteurs sous contrat. Le développement de l’agriculture en général et du financement de l’agriculture en particulier est entravé par le manque de données de qualité sur le secteur. Le Mali n’a toujours pas de statistiques fiables, bien que ces dernières s’améliorent. Les données agricoles présentées dans différents rapports disponibles dans le pays manquent souvent de cohérence. Bien que des 2 données sur les principales cultures alimentaires et sur le coton soient disponibles, il n’est pas possible d’obtenir aussi fréquemment des informations de qualité sur des filières offrant de bonnes perspectives comme celles de la mangue, ou de la viande et des produits laitiers. En l’absence de statistiques agricoles de qualité, il est difficile aux autorités publiques de planifier et de procéder à des analyses, et le secteur privé n’est guère incité à investir. II. Sources de financement de l’agriculture Les principales sources de crédit agricole sont les banques commerciales et les institutions de microfinance. Les banques financent généralement les agro-entreprises les plus importantes, les fournisseurs de facteurs de production et les sociétés de transformation agricole comme la CMDT. À l’exception de la BNDA, elles financent rarement directement les coopératives de producteurs et/ou les exploitants agricoles. Les IMF, en revanche, financent les coopératives et les exploitants individuels. De fait, les crédits bancaires et les financements des IMF aux producteurs sont fortement tributaires des capacités institutionnelles et administratives des organisations de producteurs du pays, qui semblent très limitées à bien des égards. Les banques hésitent à prêter directement aux organisations de producteurs, car nombre de ces dernières ont du mal à rembourser leurs emprunts en temps voulu. Par exemple, en 2013, le taux de défaillance des prêts directement consentis par la BNDA à des coopératives de producteurs était de 20 %, contre 0 % pour le prêt accordé à la CMDT pour lui permettre de financer ses coopératives de producteurs sur contrat. Le secteur du coton est bien organisé et bien financé par le secteur bancaire. Le coton est un important secteur de l’économie malienne, puisqu’il génère 20 % des recettes d’exportation et assure la subsistance de 25 % de la population. La CMDT, qui est la seule compagnie cotonnière, a négocié un mécanisme de financement conjoint auprès des banques pour financer la production et le commerce du coton. Le processus en est simple : les banques prêtent directement à la CMDT2 qui rétrocède le montant de leurs prêts à des exploitants sur contrat sous la forme de prêts en nature revêtant la forme de facteurs de production et de fournitures aux organisations de producteurs. Après la récolte et la vente du coton, la CMDT rembourse aux banques les montants qu’elle leur a empruntés. La CMDT a recours à des crédits commerciaux pour acheter le coton auprès des exploitants sur contrat. Les volumes de financement conjoint dépendent dans une très large mesure des résultats de la campagne précédente ainsi que des conditions du marché et des prix durant la campagne en cours. La BNDA est la banque chef de file (principale source de financement locale) du financement conjoint de la production de coton tandis que la BDM et la banque chef de file et la plus importante source de financement du coton. Les volumes de coton commercialisés par la CMDT pour la campagne 2014, ventilés par contribution des banques maliennes et internationales sont indiqués dans le tableau 3. Il n’a pas été possible d’obtenir des données détaillées similaires sur le financement commun de la production du coton pour la même période. 2 Le prêt est accordé au Groupement d'intérêt économique (GIE) de la CMDT, dont le capital est détenu conjointement par l'État malien, la CMDT, les filiales de la CMDT et le syndicat national des producteurs. 3 Tableau 3. Contribution des banques locales et offshore à la commercialisation du coton au Mali, 2014 % Credit % Credit Principal Principal Banques Locales EUR FCFA Local Total Banques de Développement du Mali, S.A. (BDM SA) 46,289,065 30,363,636,363 58.4 30.4 Banque Nationale de Développement Agricole, S.A. (BNDA) 15,868,557 10,409,090,909 20.0 10.4 Banque Internationale pour le Mali S.A. (BIM) 4,781,356 3,136,363,636 6.0 3.1 ECOBANK Mali S.A. 4,296,290 2,818,181,818 5.4 2.8 Banco Da Uniao 2,217,440 1,454,545,455 2.8 1.5 Banque Internationale pour le Commerce et l'Industrie au Mali S.A. (BICIM) 2,217,440 1,454,545,455 2.8 1.5 Banque Malienne de Solidarité S.A. (BMS) 2,217,440 1,454,545,455 2.8 1.5 Banque Sahélo-saharienne pour l'Investissement et le Commerce (BSIC) 1,385,900 909,090,909 1.7 0.9 Total Banques Locales 79,273,488 52,000,000,000 100.0 52.0 % Credit % Credit Principal Principal Banques Offshore EUR FCFA Local Total HSBC France 17,250,000 11,315,258,250 23.6 11.3 British Arab Commercial Bank 9,250,000 6,067,602,250 12.6 6.1 BNP Paribas (Suisse) S.A. 9,250,000 6,067,602,250 12.6 6.1 FIMBank plc 9,250,000 6,067,602,250 12.6 6.1 Ghana International Bank plc 6,000,000 3,935,742,000 8.2 3.9 BHF-Bank Aktiengesellschaft 6,000,000 3,935,742,000 8.2 3.9 BMCE Bank International plc 6,000,000 3,935,742,000 8.2 3.9 BMCE Bank International S.A.U. Madrid 5,175,528 3,394,923,820 7.1 3.4 SOCIETE GENERALE 5,000,000 3,279,785,000 6.8 3.3 Total Banques Offshore 73,175,528 47,999,999,820 100 48.0 Total Crédit Principal 152,449,017 100,000,000 Source : IFC, Programme mondial de crédit-stockage ( 2015). Seules quelques banques commerciales participent au financement de l’agriculture en dehors du secteur du coton. La BNDA et la BMS, dans une bien moindre mesure, assurent l’essentiel du financement du secteur agricole en dehors de la filière coton. Elles sont les seules banques qui accordent directement des financements aux coopératives de producteurs. De nouveaux intervenants, comme BOA, Ecobank, et la Banque Atlantique, commencent à pénétrer sur le marché pour financer des agriculteurs de petite et de moyenne tailles ainsi que des agro- entrepreneurs, car la concurrence s’intensifie sur le marché de Bamako. Il s’agit là d’une tendance favorable qui contribuera à accroître l’offre pour ce segment du marché insuffisamment desservi. 4 Bien que la BNDA soit réputée être le chef de file du financement de l’agriculture, elle ne jouit d’aucun statut juridique ou réglementaire particulier auprès de l’État malien ou de la BCEAO, qui est la banque centrale régionale3. La BNDA a initialement été constituée en tant que « banque de développement » par actions, par une loi spéciale de 1981. Elle avait initialement pour mission de fournir une assistance technique et financière à la mise en œuvre de tout projet viable ayant pour effet de promouvoir le développement rural au Mali. Bien qu’elle ait encore cette mission, la BNDA opère à présent en tant que banque commerciale, car la BCEAO lui a ôté son statut de « banque de développement » au début des années 2000. Elle a donc accru sa présence dans les zones urbaines, sans toutefois réduire son portefeuille de financements ruraux. La structure actuelle du capital de la BNDA témoigne des orientations commerciales de la banque, si l’on considère la part réduite de l’État et l’augmentation des participations privées : Tableau 4. Structure du capital de la BNDA Actionnaires Part du capital (%) État malien 36,48 Banque populaire Caisse d’épargne (BPCE) 9,72 Crédit coopératif 9,70 Agence française de développement (AFD) 22,67 DEG 21,43 Source : rapport annuel 2014 de la BNDA Une grande partie du portefeuille de la BNDA se compose de prêts aux secteurs rural et agricole ; depuis quelque temps, ces financements sont accordés indirectement aux exploitants par l’intermédiaire de gros acheteurs et négociants. La BNDA continue d’être la principale source de financement des secteurs rural et agricole, puisque 49 % de son portefeuille total se composaient de financement à l’agriculture en 2014, soit 14 points de pourcentage de plus qu’en 2010 (35 % du portefeuille). Les défis rencontrés par le secteur du coton malien au milieu et la fin des années 2000 ont donné lieu à un profond remaniement des opérations et du modèle d’activité de la BNDA, qui a cessé d’accorder directement des financements à des petits exploitants pour les financer indirectement par l’intermédiaire de la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT). La BNDA une stratégie de diversifications bien établie et bien exécutée qui lui permet de financer d’autres secteurs agricoles en plus de la filière coton, et de cibler les petits et moyens agriculteurs et transformateurs tout en développant ses services à sa clientèle urbaine. Outre qu’elle finance les petits producteurs agricoles par l’intermédiaire de la CMDT, la BNDA a mis au point une gamme de produits destinés à la production agricole et à l’élevage dans le cadre de PME. Forte des bons résultats produits par l’expansion et de l’élargissement de 3 BCEAO – Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest. 5 ses activités de financement des PME, la BNDA a développé ses activités de financement rural pour cibler les besoins particuliers des petits et moyens producteurs. Elle a lancé ses opérations de financement des PME en procédant à une évaluation intensive du compartiment des PME agricoles. Avec l’appui d’un don d’assistance technique de la Banque mondiale, elle a entrepris de revoir ses procédures d’évaluation et de financement de sa clientèle et de piloter de nouveaux produits sur ce nouveau marché. Cette stratégie, qui consiste à cibler les petits et moyens producteurs, lui a permis d’accroître le volume et la rentabilité de ses opérations rurales par comparaison aux années précédentes durant lesquelles ses résultats dépendaient de la filière coton. La gamme des produits de financement de l’agriculture de la BNDA est présentée dans le tableau 5. Tableau 5. Produits de financement agricole de la BNDA destiné aux petits et moyens producteurs Prêts à court terme (deux ans maximum – montant minimum de 2 000 000 FCFA) Facteurs de production agricole, zone CMDT 10 % par an Facteurs de production agricole, autres zones 11 % par an Avances / récoltes 12 % par an Entreposage, commercialisation des céréales 12 % par an Avant sur les stocks de paddy 10 % par an Embouche des animaux 12 % par an Crédits à la consommation à court terme 12 % par an Prêts à moyen terme (1-5 ans) Matériels initiaux et renouvellement des matériels 11% par an Équipement motorisé 12 % par an Forgerons et autres artisans 12 % par an Autres matériels et équipements 12 % par an Crédits à la consommation à moyen terme 12 % par an Prêts à long terme 11 % par an Associations/collectivités de producteurs Production de matériels et équipements 11 % par an Matériels de transport 12 % par an Construction 11 % par an Matériel hydraulique 11 % par an Source : rapport annuel 2014 et liste des prix de la BNDA. Outre qu’elle propose ces produits, la BNDA est partie à un nouveau mécanisme public de financement de tracteurs annoncé en septembre 2015. L’État malien procurera, par le biais de ce dernier, 1 000 tracteurs à des agriculteurs ayant au moins 20 hectares de terrains et pouvant effectuer une mise de fonds de 20 %. L’État les fera bénéficier d’une subvention de 50 %, tandis que la banque financera les 30 % restants au taux fixe de 8,75 %. La BNDA exige également des agriculteurs qu’ils sachent lire et écrire et qu’ils aient une bonne formation agricole, que leur exploitation ait une superficie minimum de 30 à 50 ha, et qu’ils produisent suffisamment pour pouvoir vendre sur les marchés locaux. 6 Les IMF continuent de jouer un rôle important dans le financement de l’agriculture, en particulier pour les petits agriculteurs. Malgré les difficultés rencontrées par le secteur, les 11 IMF figurant dans le tableau ci-après, qui représentent 80 % du marché de la microfinance, sont extrêmement présentes dans les zones rurales. La proportion de l’encours total de leurs prêts finançant la production agricole de petits exploitants est de 53 % (tableau 6). Les produits de financement agricole proposés par les IMF sont plus diversifiés que ceux des banques commerciales. Certaines offrent des prêts d’équipement, des crédits-stockage et des produits de crédit-bail, en plus de prêts à court terme pour la production et la commercialisation. Les deux principales IMF, Kafo Jiginew et Nyèsigiso, contribuent dans une mesure importante au financement des cultivateurs de coton et de riz. Tableau 6. Crédits des IMF aux petits producteurs, 2013 Encours de Encours de % % Nombre crédit agricole N° Données crédits (en crédit crédit d'usagers (en milliers de SFD milliers de FCFA) rural agricole FCFA) Mutualistes Union Kafo jiginew 338,210 24,755,400 55% 50.0% 12,377,700 Union Nyèsigiso 170,147 10,784,900 30.0% 3,235,470 Union CAECE 13,269 5,003,000 30.0% 1,500,900 Associations de Crédits solidaires Soro yiriwaso 50,438 3,021,800 90% 85.5% 2,583,639 RMCR 53,118 2,713,000 100% 65.0% 1,763,450 Associations de CVECA CVECA Pays Dogon 22,104 522,700 100% 100.0% 522,700 CVECA ON 51,446 1,622,000 100% 100.0% 1,622,000 CVECA Kita/Bafoulabé 31,451 1,608,400 100% 100.0% 1,608,400 PASECA Kayes 49,153 1,760,600 100% 100.0% 1,760,600 CVECA de 26,509 475,668 San/Djenné et OSK 100% 100.0% 475,668 SENIWE NANVIN 8,606 102,857 100% 100.0% 102,857 Total de l'encours secteur 938,539 66,219,314 Usagers et encours des SFD considérés 814,451 52,370,325 52.6% 27,553,384 % des usagers et de l'encours des SFD 86.8% 79.1% Source : BCEAO et CCS/SFD, 2013. La crise des IMF a un impact sur la mesure dans laquelle elles peuvent se développer et accroître leurs activités dans les zones rurales. Malgré de solides résultats, les 11 établissements figurant dans le tableau ci-dessus se sont déclarés préoccupés par la crise des IMF et les 7 répercussions négatives qu’elle a sur leur expansion. Les IMF, qui souffrent de la méfiance générale témoignée au secteur, éprouvent plus de difficultés à trouver de nouveaux clients et à se refinancer auprès des banques commerciales. L’appui des bailleurs de fonds au renforcement des capacités et leur aide financière ont en outre considérablement diminué, et l’essentiel des nouveaux financements sert à assainir les bilans et à financer les mesures de règlement avec la clientèle. III. Appui public au financement de l’agriculture L’État malien accorde un soutien financier au secteur agricole, essentiellement par des voies indirectes, pour soutenir les politiques agricoles relatives à certains produits. Dans le cadre du plan de modernisation et de développement agricole du pays, l’État a lancé plusieurs programmes pour aider les agriculteurs, essentiellement en subventionnant les facteurs de production et en accordant un soutien au niveau des prix dans les secteurs du riz et du coton. Depuis quelque temps, l’État fournit également un appui aux producteurs de blé et de maïs ainsi qu’un soutien ciblé sur les nouveaux exploitants. Certains des principaux programmes publics sont présentés ci-après :  Initiative riz : l’État a lancé l’Initiative riz à la suite de la crise mondiale des prix alimentaires de 2008 dans le but d’augmenter la production nationale de 50 % dès la première année en améliorant les zones de culture du riz et en intensifiant la production. Cette initiative se poursuit à ce jour, et donne lieu à d’importantes dépenses publiques sous forme de subventions aux facteurs de production et aux semences, aux matériels de production et de transformation, ainsi qu’à un accroissement de l’appui aux services de vulgarisation et de la participation de l’État à la commercialisation d’une partie de la production. Grâce à cette initiative, les agriculteurs obtiennent des semences améliorées et des engrais à un prix représentant 50 % de leur coût. L’État note que la production de riz augmente de 12 % par an depuis le lancement du programme en 2008. Fort de ce succès, il a conçu des programmes de subventions aux facteurs de production similaires pour le maïs et le blé.  Fonds national pour la modernisation et le développement agricoles : dans le but de soutenir le développement du secteur agricole malien, et notamment de l’aider à devenir un secteur moderne à valeur ajoutée, l’État a récemment constitué le Fonds national pour la modernisation et le développement agricoles. Ce Fonds, validé par la Loi d’orientation agricole, a trois composantes et guichets de financement : o Développement agricole – 60 % o Garanties de prêt – 30 % o Gestion des risques de catastrophes – 10 % 8 La première composante cible les agriculteurs et les agro-entrepreneurs en leur proposant des financements sur projet. La deuxième composante est réservée à l’octroi de garanties aux emprunteurs du secteur agricole. La dernière composante a pour objet de financer des activités qui réduisent le plus possible impact des catastrophes agricoles et protègent les populations rurales pauvres. Le ministère du Développement rural gère le fonds et est chargé de formuler des plans et des budgets annuels pour chaque guichet. Le ministère des Finances assure la gestion financière et la comptabilité du Fonds. L’expansion des activités du Fonds est tributaire de la mobilisation de ressources qui est pour l’instant limitée. Le budget pour 2014 était de 4 millions de dollars, financé par l’État. Des discussions sont en cours avec des bailleurs de fonds dans le but de mobiliser d’importantes ressources, mais aucun engagement n’a été pris à ce jour.  Programme de subventions pour des tracteurs : en septembre 2015, l’État a annoncé un nouveau programme de subventions pour des tracteurs destinés à de nouveaux agriculteurs disposant d’au moins 20 ha de terrains. Le programme, conçu avec l’adhésion de certaines banques du pays, fait bénéficier les agriculteurs d’une subvention de 50 % sur le prix d’achat d’un nouveau tracteur. L’agriculteur doit prouver que son exploitation a une superficie de plus de 20 ha et qu’il peut effectuer une mise de fonds représentant 20 % du coût du tracteur. Les banques participantes accordent des crédits pour le montant restant, soit 30 % du prix du tracteur, à un taux fixe de 8,75 %. Les prêts sont garantis par le nouveau Fonds de garantie du secteur privé. L’État s’est engagé à subventionner le coût de 1 000 nouveaux tracteurs dans le cadre de ce programme. Les banques participantes sont : la BMS (chef de file), la BIM, la BNDA, KafoJiginew, et Nyèsigiso. Les banques participantes peuvent exiger des emprunteurs qu’ils remplissent certaines conditions particulières, en plus des critères établis par l’État. IV. Contraintes du côté de la demande Le développement du secteur agricole continue de se heurter à des défis bien connus qui existent de longue date, qui font obstacle à l’offre et à la demande de services financiers agricoles. Ces obstacles sont notamment, mais non exclusivement : une piètre infrastructure, une clientèle extrêmement dispersée, une faible valeur ajoutée, une gestion défaillante des activités de production et postérieures à la production, des systèmes de commercialisation peu développés et désorganisés, des services de formation et d’éducation agricoles inadéquats et l’absence de système de gestion des risques efficaces pour faire face aux vulnérabilités. Le secteur du coton qui est à « haute priorité /faible valeur » supplante des secteurs à « haute priorité/haute valeur » comme l’élevage, la pêche, le riz, la mangue et le sésame. Les politiques agricoles et les programmes de soutien ne favorisent pas un secteur agricole diversifié et à vocation commerciale. Le soutien massif accordé, essentiellement sous forme de subventions aux facteurs de production, vise à accroître la production de coton et de riz. Les systèmes de commercialisation et d’échange de la plupart des autres filières sont en revanche insuffisamment financés et m al 9 organisés, ce qui n’incite guère les banques à investir dans des secteurs autres que la filière coton. Le Projet sur la compétitivité et la diversification agricole (PCDA) de la Banque mondiale a fait ressortir le potentiel inexploité d’une diversification des chaînes de valeur agricole en dehors du coton. S’il encourageait d’autres filières concurrentielles, le Mali pourrait surmonter les problèmes de concentration et les risques associés au secteur du coton et diversifier ses exportations, surtout sur les marchés régionaux : i) en améliorant l’offre de produits d’exportation, ii) en encourageant les activités de transformation industrielle pour cibler les biens échangeables et exportables à l’échelon régional, et iii) en élargissant l’accès à des financements adaptés à l’agriculture commerciale et aux industries axées sur l’exportation. Les grandes chaînes de valeur hors coton sont encore mal organisées et manquent de compétences professionnelles. À l’exception de la filière coton, les chaînes de valeur agricoles ne sont ni bien structurées ni bien organisées. Les associations interprofessionnelles, lorsqu’elles existent, ont des difficultés à coordonner les parties prenantes. Cela tient très probablement au manque de capacités et de compétences professionnelles à tous les niveaux – producteurs, négociants, ainsi que transformateurs et exportateurs. La plupart des parties prenantes d’une filière n’ont pas les compétences requises pour formuler des stratégies commerciales ou gérer une activité commerciale pour pouvoir développer leurs entreprises agricoles/agro-entreprises. Les entrepreneurs agricoles ont des difficultés à présenter des projets susceptibles d’attirer des financements bancaires. De nombreuses banques ont beaucoup de difficultés à trouver des projets qu’elles pourraient financer sur la base de besoins du marché bien établis. Sur le plan financier, un projet finançable est généralement un projet que les banques sont prêtes à financer parce que l’investissement aura un rendement financier. Les promoteurs de projets n’ont souvent pas la capacité de préparer les solides dossiers commerciaux requis par les départements des prêts des banques. L’offre restreinte de projets susceptibles d’être financés par les banques au Mali pourrait également aussi tenir au nombre de sociétés compétentes pour aider les entrepreneurs à formuler ces projets. Le développement agricole est également limité par le manque d’information de qualité sur les systèmes de production, les marchés et les prix. Il est difficile d’obtenir des statistiques fiables sur le secteur agricole au Mali. Aucun recensement agricole n’a été effectué depuis 2004, et les données existantes ne couvrent pas certains domaines essentiels comme la segmentation de la population rurale par taille d’exploitation, par culture, par actif, etc. Il n’existe pas non plus d’information suffisante sur les segments transformation et commerce des filières, et notamment sur les coopératives de producteurs. Pratiquement aucune information établie sur une base quotidienne n’est disponible sur les prix et sur les marchés des principaux produits agricoles, ce qui fait obstacle aux investissements et au commerce dans le secteur. Le manque de sécurité des droits d’occupation des terres agricoles entrave l’investissement et le développement du secteur. Le Mali a un système de droits d’occupation des terres complexe qui associe des lois modernes au droit coutumier. Dans ce système, l’État est propriétaire de la terre et détermine qui peut céder ou attribuer cette dernière, tandis que les chefs et les dirigeants 10 traditionnels administrent et utilisent cette dernière. Ce système ne comporte aucun marché foncier privé pour les terrains agricoles. Les investisseurs privés sont obligés de négocier avec les dirigeants locaux et avec l’État lorsqu’il s’agit de superficies importantes. Comme dans de nombreux autres pays, les craintes suscitées par l’empiètement de l’agriculture à grande échelle, la mainmise sur les terres par des investisseurs internationaux et, par conséquent la possibilité d’une éviction des petits exploitants, font obstacle à la poursuite des débats sur les droits d’occupation des terres. V. Contraintes du côté de l’offre Le nombre limité d’agences bancaires implantées au Mali continu e de limiter l’accès au financement dans les zones rurales. Selon l’enquête de Global Findex de 2011, la probabilité pour un adulte vivant dans une zone rurale du Mali d’être titulaire d’un compte est inférieure de plus de moitié à celle d’un adulte vivant en ville, puisque le pourcentage d’adultes titulaires de comptes est actuellement de 7 % pour les résidents des zones rurales et de 18 % pour ceux des zones urbaines. Les agences bancaires sont peu disséminées dans le pays, en raison essentiellement de la forte dispersion et de la faible densité de la population malienne en dehors des centres urbains. Tableau 7. Évolution des taux bancaires, 2005-2012 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Taux bancaires, banques 2,86 3,62 3,81 4,64 3,31 4,46 5,33 5,27 Taux bancaire, au sens large4 9,24 10,54 11,36 12,85 10,37 11,83 12,97 12,33 Accès aux services financiers5 9,24 10,54 11,36 12,85 10,37 12,96 16,03 17,20 Source: BCEAO, 2013. 4 Le taux bancaire au sens large est calculé sur la base de données intégrant celles se rapportant aux comptes d'autres structures comme la poste, le Trésor et les IMF. 5 Le taux d'accès aux services financiers intègre des données provenant de toutes les structures dotées de comptes, y compris les sociétés d'argent mobile à compter de 2010. 11 Tableau 8. Répartition des agences bancaires au Mali, par région Région Population Nombre Répartition Agences pour d’agences des agences 100 000 (%) habitants Bamako 1 245 317 24 30 1,93 Koulikoro 1 778 469 4 5 0,22 Kayes 1 551 131 12 15 0,77 Sikasso 1 900 000 17 21 0,89 Segou 1 788561 10 13 0,56 Mopti 1 565 580 5 6 0,32 Tombouctou 661 169 3 4 0,45 Gao 547 807 4 5 0,73 Kidal 87 938 1 1 1,14 Total 11 125 972 80 100 0,72 Source : PDSF, 2007. Les banques manquent de capacités pour desservir une clientèle agricole. Au Mali, les banques ne se sont pas spécialisées dans le crédit agricole et elles n’ont, par conséquent, pas les capacités requises pour analyser les risques dans ce secteur, en particulier les risques associés à l’agriculture à grande échelle et aux projets d’agro-entreprise. Elles ne procèdent donc, pour l’essentiel, qu’à des prêts aux clients qui posent le moins de risques et pour lesquels il leur est possible de domicilier les ventes pour pouvoir obtenir le remboursement de leurs prêts, pratique qu’elles suivent généralement dans tous les secteurs. À l’exception de la BNDA et de la BMS, la plupart des institutions financières n’ont pas de service de financement agricole ni de personnel spécialisé dans les services à cette clientèle. En fait, la communauté bancaire semble, dans l’ensemble, considérer que l’agriculture est du ressort de la BNDA. Cette perception pourrait toutefois évoluer sous l’effet de l’intensification de la concurrence, qui forcera d’autres banques à rechercher d’autres catégories de clients, notamment dans le secteur agricole. Les investissements dans les filières agricoles sont entravés par le manque d’accès à des financements à long terme. Peu de prêts d’un montant important peuvent être investis dans l’agriculture parce que les banques n’ont pas de dépôts à long terme suffisants ni d’autres engagements qu’elles pourraient utiliser pour financer de plus gros portefeuilles de financements à terme. Depuis maintenant plusieurs années, la pénurie d’engagements à moyen et long terme limite les financements longs dont ont généralement besoin les grandes exploitations agricoles et les entreprises intégrées dans les filières agricoles. Différents programmes de l’État et de bailleurs de fonds ciblant le développement de chaînes de valeur (PCDA, chaînes de valeur céréalières et animales d’USAID, projets de l’UE) n’ont donc pas réussi à démultiplier l’impact des importants investissements publics réalisés, ce qui a limité les effets économiques attendus. Bien que le financement des facteurs de production dont ont besoin les agriculteurs donne de bons résultats dans les secteurs du coton et du riz, il existe un important déficit de financement des matériels et équipements. Il semblerait qu’il existe une importante demande de 12 financement de matériels et équipements non satisfaite émanant des petits producteurs. Selon l’APECAM, ce déficit de financement pourrait être de l’ordre de 2 à 3 milliards de francs CFA. Les banques hésitent toutefois à financer directement les coopératives de producteurs en raison de leurs piètres antécédents en matière de remboursement. Les produits de financement agricole proposés par les banques sont essentiellement des crédits à court terme destinés à financer la production et le commerce, aussi bien pour les petits que pour les gros emprunteurs. En général, les banques ne proposent que des prêts à court terme, ayant une échéance à moins d’un an, pour la production et le commerce des produits agricoles et des facteurs de production, y compris le petit matériel. Elles ont aussi recours à un système de gestion des sûretés faisant intervenir les gestionnaires d’entrepôt à Bamako, qui leur permet d’associer leurs prêts aux stocks entreposés et de domicilier les recettes pour être sûr es d’être remboursées. Elles prêtent également sur la base des comptes débiteurs. À la fin de 2013, environ 12 % du portefeuille global du secteur bancaire se composaient de créances mobilisées et non échues. Elles ne consentent toutefois que rarement des prêts à long terme à des fins d’investissement parce qu’elles n’ont pas les ressources de longue durée nécessaires pour financer ce type d’opération. La location à bail des matériels et équipements n’est pas non plus une option, car les banques ne sont pas autorisées par la loi à offrir des produits de crédit-bail. Le Mali ne compte qu’une seule société de crédit-bail, dont les opérations portent, pour 90 %, sur les véhicules de transports lourds. Cette société ne loue que rarement à bail des matériels agricoles. Le Mali ne dispose pas d’un nombre suffisant d’instruments de gestion des risques adaptés. Comme de nombreux autres pays en développement, le Mali n’a pas été en mesure de se doter d’instruments de gestion des risques adaptés à l’agriculture. Toutefois, par suite de l’adoption récente de la loi régionale sur la microassurance, une opération pilote de microassurance agricole d’envergure limitée a été lancée dans le pays. En 2014, Assurance Allianz, par l’intermédiaire d’un facilitateur de microassurance chevronné, Planet Guarantee, a assuré 20 000 petits producteurs dans le secteur du maïs. Forte de ses bons résultats, Allianz a décidé de proposer ce produit à 50 000 producteurs en 2015. VI. Recommandations Il est essentiel, pour soutenir les objectifs de réduction de la pauvreté et de croissance à long terme du Mali, de développer un système de financement et de gestion des risques agricoles privilégiant la modernisation de l’agriculture pour favoriser la transformation économique du pays. Comme indiqué dans le Cadre de partenariat du Mali, l’État et la Banque mondiale donnent la priorité à l’accroissement des capacités de production et à l’intégration au marché des agriculteurs, ainsi qu’à la constitution de filières essentielles. La diversification de l’agriculture dans des secteurs autres que le coton, essentiellement ceux de la viande, des produits laitiers et de l’horticulture, renforcera la capacité du pays à redynamiser la croissance agricole. C’est dans ce contexte, et compte tenu des obstacles exposés précédemment que les recommandations ci-après sont présentées. 13 Il sera essentiel de renforcer les capacités des institutions financières – banques et IMF – pour promouvoir le développement de l’économie agricole malienne. Pour pouvoir maintenir le ciblage de l’État sur l’amélioration de la productivité agricole et le soutien aux secteurs de transformation et à valeur ajoutée, il sera nécessaire de procéder à d’importants investissements dans le renforcement des capacités institutionnelles du secteur bancaire et de la microfinance. Il importe de replacer les interventions dans une optique à long terme pour procéder à des changements fondamentaux – et passer d’un secteur agricole financé par l’État et le secteur public à un secteur appuyé par un secteur bancaire agricole commercial viable et dynamique. Il est recommandé d’adopter une démarche globale du renforcement des capacités, mettant l’accent sur la formation des compétences bancaires nécessaires pour évaluer et gérer les risques de la clientèle agricole (agriculteurs, coopératives, transformateurs de produits agricoles, gestionnaires d’entrepôts, négociants), développer des produits et des services ciblés, essentiellement pour accroître la productivité et faciliter le déplacement des produits le long des chaînes de valeur (prêts à moyen et long termes, crédit-bail, services de paiement, crédits-entrepôt) et améliorer les procédures/processus internes qui sous-tendent le développement de lignes de produits de banques agricoles à vocation commerciale. Il importe de prêter attention aux différences existant entre les besoins de renforcement des capacités des banques commerciales et ceux des institutions de microfinance. Dans certains cas, les besoins seront similaires, mais dans la plupart des cas ils seront très différents. Par exemple, les banques ont généralement un avantage comparatif auprès des PME agricoles (nouveaux exploitants, négociants, coopératives, transformateurs), tandis que les IMF sont mieux organisées et mieux placées pour offrir des produits aux petits exploitants individuels. Les nouveaux modèles de financement (fonds de capital-risque) et les technologies de l’information et des communications (TIC) accroissent toutefois la viabilité de ces derniers pour les banques. Les banques ont besoin de formations professionnelles complexes pour renforcer leurs capacités de financement de projets plus complexes concernant des exploitations agricoles de taille intermédiaire et importante, les filières et les projets d’agro-entreprises. Les banques qui ciblent résolument l’ajout de valeur/la transformation et le développement des agro-entreprises devront renforcer leurs capacités de financement sur projet dans le secteur agricole et accroître les capacités de financement des filières dans le cas desquelles les banques peuvent exploiter leurs relations avec des maillons de la chaîne pour réduire leurs risques et les coûts de la prestation de services, en particulier aux petits exploitants qui, considérés séparément les uns des autres, ne constituent pas une clientèle viable pour les banques. En Inde, HDFC, qui est la deuxième banque commerciale du pays en importance, a obtenu d’excellents résultats dans le cadre des partenariats qu’elle a forgés avec les collecteurs de lait et l es sociétés et coopératives de produits laitiers auxquels elle offre une large gamme de services de crédit, d’assurance et de paiement. Par le biais de ce partenariat, ainsi que d’autres forgés dans d’autres filières, HDFC a développé des opérations bancaires dans le secteur agricole tout en ramenant à moins de 2 % par an la proportion de ses prêts improductifs, soit le taux le plus faible enregistré pour les différentes lignes de produits 14 de la banque. Cette manière de procéder est décrite sur le site de la Banque mondiale consacrée aux mécanismes d’appui au financement agricole : http://www.agrifinfacility.org/agricultural-finance-learning-videos Les dons à l’innovation, les lignes de crédit et les garanties partielles peuvent largement contribuer à accroître les financements au secteur agricole. La mise en place d’un système agricole et alimentaire plus moderne exigera d’importants investissements du secteur privé. Des lignes de crédit et de garanties dédiées et bien structurées peuvent donner l’impulsion nécessaire à de tels investissements, notamment si elles s’accompagnent d’une assistance technique, en l’occurrence dans le domaine des services bancaires axés sur l’agriculture. Il importerait d’envisager d’intégrer les lignes de crédit, les garanties et les dons à l’innovation destinés aux banques et aux IMF dans les projets de développement agricole. L’assistance technique revêt une importance particulière lorsque les financements sont destinés à de nouveaux domaines, comme les nouveaux exploitants, le financement de chaînes des valeurs, les recettes sur entrepôts et les projets agro-industriels. Le Groupe de la Banque mondiale a récemment assuré une formation axée sur le financement des filières au Viet Nam à un certain nombre de banques commerciales qui ont accès à des lignes de crédit ciblées sur des projets de transformation dans les filières riz et café. Il importerait d’accorder la plus haute priorité à l’intégration de lignes de crédit et d’une assistance technique dans les futures activités du Groupe de la Banque mondiale concernant : les chaînes de valeur et les agro-entreprises, les pôles de croissance agro-industriels ; le Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO) pour les investissements dans les technologies de production perfectionnée, comme l’irrigation goutte-à-goutte ou les semences améliorées. Il faudrait aussi procéder à des analyses pour évaluer la faisabilité de la conception et de l’utilisation de tels instruments par les banques et les IMF au Mali. Il est essentiel de s’efforcer de combler l’écart entre la demande et l’offre de financement d’actifs (par exemple les matériels, l’entreposage, les systèmes d’irrigation et de collecte d’eau, les tracteurs, etc.) pour mettre en place un cadre réglementaire et commercial favorable au crédit-bail au Mali. Le secteur du crédit-bail n’est guère développé au Mali, et il n’offre qu’une gamme limitée de produits au-delà de la location à bail de voitures et de camions. Pour accroître les investissements dans le secteur de l’agriculture et des agro-entreprises et la productivité des activités, il est essentiel de pouvoir louer à bail des matériels agricoles, des entrepôts et des installations de transformation. Il sera important de collaborer avec le secteur privé et les bailleurs de fonds dans le but d’éliminer tous les obstacles juridiques et réglementaires pour pouvoir mettre en place des conditions propices à un marché du crédit-bail. Il faudra à cette fin, sans toutefois s’y limiter : 1) revoir et définir un régime fiscal adapté au crédit-bail ; 2) accélérer le processus d’informatisation du registre des sûretés mobilières ; 3) examiner les droits et obligations de toutes les parties à un accord de crédit-bail, et les conditions de reprise des biens loués à bail ; 4) déterminer la mesure dans laquelle les banques seraient prêtes à offrir des produits de crédit-bail au titre de matériels ; et 5) fournir un soutien et des formations aux banques pour les aider à mettre en place de nouveaux produits de crédit-bail axés sur les zones agricoles ayant un potentiel élevé. 15 Le renforcement de la connectivité mobile et des options basées sur les TIC aura un important impact sur le coût et la fourniture des financements destinés à l’économie rurale. Comment on a pu le constater dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, en particulier au Kenya, l’argent mobile a un fort impact sur les comportements d’épargne et sur les investissements améliorant la productivité des exploitants agricoles. Les banques ont de plus en plus recours à la connectivité mobile pour assurer les services de transfert d’espèces et de paiement à leurs clients. Les autorités de nombreux pays se tournent aussi vers les technologies mobiles pour transférer directement des dons et les prestations des programmes de protection sociale aux agriculteurs pauvres. Les circuits de l’argent mobile et les technologies biométriques perfectionnées contribuent à réduire les fuites et la fraude dans le cadre de programmes complexes et très coûteux de subventions des engrais. Il s’agit là d’un domaine qui pourrait être exploité sans tarder par l’État malien pour fournir des subventions aux engrais et d’autres types d’aides et prestations de programmes de filets de sécurité. L’amélioration de la résilience et de la gestion des risques des agriculteurs passe par la conception d’une série complète de mécanismes permettant d’atténuer les risques et d’y faire face, en plus de produits de microassurance destinés aux agriculteurs. On a pu constater que la formulation de stratégies d’atténuation des risques, notamment l’amélioration de l’accès à des équipements d’irrigation et à des structures de collecte d’eau, à des variétés résistantes à la sécheresse ainsi qu’à l’amélioration des pratiques agronomiques et de conservation des agriculteurs, accroissait sensiblement la capacité de résistance aux chocs climatiques et aux ravageurs. Il est, de surcroît, particulièrement important de soutenir la mise en place de produits d’assurance fondés sur les indices météorologiques et d’autres produits paramétriques qui répondent de manière précise aux problèmes bien connus que pose l’offre de produits d’assurance au niveau micro/des exploitants. Des analyses pourraient aussi être consacrées à l’évaluation de la faisabilité d’utiliser des produits d’assurance indexés à l’échelon du district, de la région ou du pays, pour assurer une protection sociale en cas de catastrophe naturelle, ou encore à l’examen de la faisabilité de l’offre des produits d’assurance au niveau méso des parties prenantes privées (par exemple les fournisseurs de facteurs de production, les banques et les transformateurs) qui prêtent des espèces ou des produits à de nombreux exploitants et, sont donc exposés aux risques de production auxquels sont confrontés ces derniers. Étant donné la dispersion géographique de leurs clients, ces intervenants réduisent, par défaut, le risque de covariance et les risques de base nets. Enfin, il est aussi important d’évaluer la faisabilité de la conception d’instruments qui atténuent les risques d’ordre climatique au niveau macro, comme les instruments de financement d’urgence qui imposent à l’État des commissions d’engagement beaucoup plus faibles que les primes élevées qui doivent être acquittées pour des produits d’assurance plus traditionnels. Il est nécessaire de cibler l’appui technique sur le renforcement des capacités des nouveaux exploitants et agro-entreprises de manière à stimuler et accroître la demande effective de financement agricole. Cet appui sera essentiel, à long terme, à la viabilité des banques et les IMF qui servent ce compartiment cette clientèle. L’absence de demande effective est une entrave contraignante au développement de robustes systèmes d’activités bancaires agricoles. La poursuite du soutien à l’éducation des agriculteurs, en particulier pour leur permettre d’utiliser des 16 technologies perfectionnées (semences améliorées, systèmes d’irrigation goutte-à-goutte, collecte et conservation de l’eau), de la gestion d’une entreprise agricole, en particulier pour les petites et moyennes exploitations agricoles commerciales et pour les agro-entreprises. Il est particulièrement important que les exploitants et les agro-entreprises puissent bénéficier d’une assistance technique de plus haute qualité pour que le pays puisse atteindre ses objectifs d’expansion de filières et de développement agro-industriel. Il faudra constituer un groupe de travail réunissant différentes parties prenantes pour pouvoir formuler une stratégie de financement à long terme complète du secteur agricole. Il s’agira d’un groupe de travail dédié composé de représentants du ministère des Finances, du ministère de l’Agriculture, du secteur privé (banques, IMF, producteurs et agro-entreprises) et de la communauté des bailleurs de fonds et chargé d’établir une stratégie détaillée pour constituer un système de financement de l’agriculture robuste et fiable, associant le développement d’un secteur d’opérations bancaires agricoles commercialement viables et des mécanismes d’aide publique. Cette stratégie doit prendre en considération la nouvelle démarche retenue pour le développement agricole, notamment le recensement et l’évaluation des investissements publics de grande envergure qui pourraient avoir le plus d’impact sur la demande de financement agricole émanant du secteur privé. Une étude de la demande de financement agricole, mettant essentiellement l’accent sur la situation des coopératives de producteurs, aiderait les banques, les IMF et d’autres entités à mieux comprendre les besoins de financement du secteur. Il serait extrêmement utile, pour le secteur bancaire et pour celui des IMF, de pouvoir s’appuyer non seulement sur le recensement agricole qui est prévu pour 2015, mais aussi sur une analyse plus approfondie de la structure et de la santé institutionnelles des coopératives de producteurs. Ces efforts produiraient des éléments pouvant servir de base à la formulation de nouvelles stratégies et à la conception de nouveaux produits qui permettraient d’offrir à un plus grand nombre de petits producteurs de meilleurs services et de les intégrer au marché. Il pourrait également être nécessaire de réaliser d’autres analyses en rapport avec les initiatives agricoles du Groupe de la Banque mondiale dans le but d’évaluer les capacités institutionnelles dont disposent les banques commerciales et les IMF pour lancer de nouveaux produits et services destinés aux exploitants agricoles et aux agro-entreprises. Ces travaux devraient être complétés par une évaluation des trois à cinq principales filières que l’État et ses partenaires de développement souhaitent soutenir. Cette évaluation donnerait lieu à l’examen des résultats globaux de chaque filière, de manière à recenser les insuffisances en matière de capacités et de financement et d’étudier la faisabilité du recours, entre autres, à des lignes de crédit et à des garanties partielles (dons à l’innovation, assistance technique, études techniques pour renforcer le système général de la filière). 17 Tableau 9. Ordre de priorité des recommandations relatives au financement agricole Priorité Action requise Recommandation (Haute, Moyenne, Faible) (court, moyen, long terme) Renforcement des capacités des banques et des IMF Haute Court Lignes de crédit, garantie Haute Court à moyen Établissement de conditions propices au développement des produits de crédit-bail Haute Court Amélioration de la capacité d’adaptation des agriculteurs Moyenne Moyen à long terme Ciblage des soutiens pour accroître les capacités des agriculteurs et des agro- Moyenne Moyen terme entreprises Analyse de la demande (évaluation du marché) et de Haute Court l’offre (évaluation des capacités institutionnelles) Technologies mobiles/TIC Moyenne Court technologies pour assurer les paiements des prestations de protection sociale Constitution d’un groupe de travail sur le financement de Moyenne Court l’agriculture 18