TENDANCES ET ORIENTATIONS N°8 53017 COMBATTRE LA PAUVRETÉ PAR LA PARTICIPATION DU PRIVÉ AU SECTEUR DES INFRASTRUCTURES Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Bilan des expériences dans les pays en développement Philippe Marin Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains TENDANCES ET ORIENTATIONS N°8 COMBATTRE LA PAUVRETÉ PAR LA PARTICIPATION DU PRIVÉ AU SECTEUR DES INFRASTRUCTURES Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Bilan des expériences dans les pays en développement Philippe Marin BANQUE MONDIALE FONDS DE CONSEIL EN INFRASTRUCTURE PUBLIQUE-PRIVÉE © 2009 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale 1818 H Street NW Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 Site web : www.worldbank.org Courriel : feedback@worldbank.org Tous droits réservés 1 2 3 4 13 12 11 10 Le présent rapport a été établi par les services de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale. Les constatations, interprétations et conclusions qui y sont présentées ne reflètent pas nécessairement les vues du Conseil des administrateurs de la Banque mondiale ni des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur les cartes du présent rapport n’impliquent de la part de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement que l’institution reconnaît ou accepte ces frontières. Droits et licences Le contenu de cette publication fait l’objet d’un dépôt légal. La publication ou la transmis- sion d’une partie ou de l’intégralité de la présente publication peut constituer une violation de la loi applicable. La Banque internationale pour la reconstruction et le développement/ Banque mondiale encourage la diffusion de ses études et, normalement, accorde sans délai l’autorisation d’en reproduire des passages. Pour obtenir l’autorisation de reproduire ou de réimprimer toute partie de cette publication, veuillez adresser votre demande en fournissant tous les renseignements nécessaires, par courrier, au Copyright Clearance Center Inc., 222 Rosewood Drive, Danvers, MA 01923, États-Unis d’Amérique ; téléphone : 978-750-8400 ; télécopie : 978-750-4470 ; site web : www.copyright.com. Pour tout autre renseignement sur les droits et licences, y compris les droits dérivés, envoyez votre demande, par courrier, à l’adresse suivante : Office of the Publisher, The World Bank, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, États-Unis ; par télécopie, au 202-522-2422 ; ou par courriel à l’adresse : pubrights@worldbank.org. ISBN : 978-0-8213-8506-7 e-ISBN : 978-0-8213-8507-4 DOI : 10.1596/978-0-8213-8506-7 La Bibliothèque du Congrès des États-Unis a catalogué comme suit l’édition anglaise de cette publication : Marin, Philippe, 1965- Public-private partnerships for urban water utilities: a review of experiences in developing countries / Philippe Marin. p. cm. “February 2009.” ISBN 978-0-8213-8506-7 (pbk.) -- ISBN 978-0-8213-8507-4 (e-book) 1. Water utilities—Developing countries. 2. Public-private sector cooperation—Developing countries. I. Title. HD4465.D44M37 2009 363.6’1091724--dc22 2009019190 Couverture : Naylor Design, Inc. TABLE DES MATIÈRES AVANT-PROPOS xi REMERCIEMENTS xiii À PROPOS DE L’AUTEUR xv SIGLES xvi SYNTHÈSE 1 Multiplication des PPP dans le secteur de l’eau depuis 1990 2 Performances des PPP dans le secteur de l’eau 2 Conclusions générales 6 Perspectives 8 Vers un débat plus objectif 9 1. INTRODUCTION 13 2. ÉVOLUTION DES PPP DU SECTEUR DE L’EAU DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT 17 Le secteur de l’eau dans les années 90 18 Financement privé des infrastructures d’eau 19 Évolution des PPP dans le secteur de l’eau depuis 1990 20 v PPP résiliés avant terme et PPP expirés 26 Arrivée de nouveaux opérateurs 29 Conclusions de cette analyse de tendances 36 3. RÉSULTATS ET IMPACT DES PPP DANS LE SECTEUR DE L’EAU 39 Données de la littérature 40 Accès 45 Qualité du service 68 Efficacité opérationnelle 75 Tarifs 107 Performances globales des partenariats public-privé 116 4. VERS DES PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ PLUS ADAPTÉS AU SECTEUR DE L’EAU 123 Enseignements à dégager pour établir des PPP plus efficaces et durables dans le secteur de l’eau 123 Une nouvelle génération de PPP pour les services d’eau urbains 138 L’heure est venue de rééquilibrer le débat 145 APPENDICES A. PPP dans le secteur de l’eau dont les résultats ont été évalués dans le cadre de la présente étude 149 B. Nouveaux raccordements et développement de l’accès dans le cadre de 36 PPP de grande envergure 155 BIBLIOGRAPHIE 159 ENCADRÉS 2.1 Mise en place d’un cadre de régulation moderne : la privatisation des services d’eau en Angleterre et au Pays de Galles en 1989 20 2.2 Les nouveaux opérateurs privés de services d’eau issus de pays en développement 30 3.1 Taux de couverture : un indicateur en apparence simple et pourtant difficile à évaluer 41 vi Table des matières 3.2 Des programmes de subvention des raccordements au réseau pour améliorer l’accès à l’eau en Afrique subsaharienne 61 3.3 Des incitations à l’efficacité dans les contrats d’affermage en Afrique de l’Ouest 82 3.4 Le concept de niveau de fuites économiquement optimal : l’exemple du Chili 85 3.5 À Amman (Jordanie) : combinaison d’un contrat de gestion avec un grand programme de rénovation pour réduire les pertes en eau 89 3.6 Contrat de gestion et recouvrement des factures : les excellents résultats obtenus à Erevan (Arménie) 95 3.7 Un contrat de gestion pour réorganiser entièrement la compagnie des eaux de Johannesburg, en Afrique du Sud 101 3.8 Guyana : hausse des tarifs au moment de l’arrivée d’un operateur privé 108 3.9 Plusieurs renégociations de tarifs et de fortes hausses pour les abonnés : la concession de l’agglomération de Buenos Aires (Argentine) 113 3.10 Services d’eau urbains : panorama des PPP réussis dans les pays en développement et en transition 120 4.1 Comment les opérateurs privés ont favorisé l’efficacité de l’investissement public dans les affermages au Sénégal et au Niger 144 FIGURES 2.1 Nouveaux PPP conclus et populations urbaines desservies en eau dans les pays en développement, par région, 1991–2000 23 2.2 Nouveaux PPP conclus et populations urbaines desservies en eau dans les pays en développement, par région, 1991–2007 24 2.3 Situation des PPP du secteur de l’eau — en cours, expirés et résiliés, par région, 2007 25 2.4 Populations urbaines desservies par des compagnies des eaux privées dans les pays en développement, par pays d’origine, 1991–2007 29 2.5 Opérateurs internationaux participant à des PPP dans le secteur de l’eau dans des PED, 1991–2007 35 Table des matières vii 3.1 Comparaison des augmentations de la couverture dans cinq concessions et de la moyenne nationale en Argentine 46 3.2 Comparaison des augmentations de la couverture des services d’eau obtenues par des opérateurs privés et par des compagnies publiques en Colombie, et de la moyenne urbaine nationale 53 3.3 Évolution de la couverture des services d’eau dans le cadre de PPP à Manille (Philippines), 1997–2006 57 3.4 Évolution de la couverture des services d’eau dans le cadre de PPP en Afrique subsaharienne 59 3.5 Évolution de la continuité du service dans plusieurs PPP en Colombie 70 3.6 Améliorations de la continuité du service pour 12 contrats de gestion 72 3.7 Évolution des pertes en eau pour huit PPP, exprimée en NRW et en pertes par branchement en Colombie 78 3.8 Comparaison des pertes en eau entre opérateurs privés et publics au Maroc, en NRW 79 3.9 Comparaison des pertes en eau entre opérateurs privés et publics au Maroc, rapportées au nombre de branchements 80 3.10 Pertes en eau dans 8 PPP de longue durée en Afrique subsaharienne, en NRW 80 3.11 Évolution des pertes en eau dans 14 PPP d’Amérique latine, en NRW 83 3.12 Pertes en eau dans 7 PPP d’Asie du Sud-Est, en NRW 86 3.13 Pertes en eau dans 14 contrats de gestion, en NRW 86 3.14 Augmentation du taux de recouvrement des factures dans les PPP d’Amérique latine 91 3.15 Amélioration du taux de recouvrement des factures dans 15 contrats de gestion 94 3.16 Évolution du ratio de productivité du travail dans 17 grands PPP 97 3.17 Réduction des effectifs associée à la mise en œuvre de 10 grands PPP en Amérique latine 98 3.18 Gains d’efficacité des contrats d’affermage de Cartagena (Colombie) et du Sénégal 104 viii Table des matières 3.19 Évolution du ratio d’efficacité global pour 12 contrats de gestion 105 3.20 Exemples de gains d’efficacité dans le cas des contrats de gestion à Amman (Jordanie) et Johannesburg (Afrique du Sud) 106 3.21 Évolution des tarifs de l’eau après l’arrivée d’opérateurs privés en Afrique de l’Ouest 111 3.22 Évolution des tarifs de l’eau sur les 10 années des deux concessions Est et Ouest de Manille (Philippines) 115 3.23 Résultats d’ensemble des PPP du secteur de l’eau, en fonction de la taille de la population desservie, 1992–2007 118 TABLEAUX 2.1 Grands PPP ayant abouti à un retour sous gestion publique entre 1990 and 2007 27 2.2 Principaux opérateurs privés de services d’eau issus des pays en développement (hors Chine) 32 3.1 Impact des PPP sur les performances des compagnies des eaux : synthèse des études réalisées 43 A.1 PPP dans le secteur de l’eau dont les résultats ont été évalués dans le cadre de la présente étude 150 B.1 Nouveaux raccordements et développement de l’accès dans le cadre de 36 PPP de grande envergure 156 Table des matières ix AVANT-PROPOS Cet ouvrage propose un retour sur quinze années de partenariats public-privé (PPP) appliqués aux services d’eau urbains dans les pays en développement, à partir d’un large éventail de PPP mis en œuvre dans différentes régions. Rédigé à l’intention des responsables gouvernementaux mais également des bailleurs de fonds et des autres parties concernées, il vise à mieux comprendre la contribution que les partenariats public-privé peuvent apporter à l’amélioration des services d’alimentation en eau et d’assainissement dans les villes des pays en développement. Ce rapport montre qu’en dépit des difficultés rencontrées dans plusieurs pays, ces partenariats ont largement passé l’épreuve du temps. La population urbaine desservie par des compagnies de distribution d’eau privées dans les pays en développement (PED) n’a cessé de grossir depuis 1990 et s’élevait à quelque 160 millions de personnes en 2007. Les progrès constatés en matière de service et d’efficacité confirment l’intérêt des PPP, même si les financements privés initialement prévus n’ont pas toujours été au rendez-vous. Au fil du temps, un marché plus réaliste s’est mis en place, dans lequel les investisseurs privés de pays en développement sont de plus en plus nombreux et où les contrats reposent sur une répartition plus pragmatique des risques entre les partenaires. De cette analyse de données factuelles, il ressort qu’un partenariat bien conçu entre les secteurs public et privé dans un PED peut effectivement permettre de redresser une compagnie des eaux peu performante. Le secteur de l’eau présente un certain nombre de particularités par rapport aux autres secteurs d’infrastructure. Comme ce rapport le souligne, il importe de bien prendre en compte ces spécificités si l’on veut que l’intervention d’un opérateur privé soit couronnée de succès. Compte tenu de l’environnement difficile de nombreux PED, le premier objectif de ce type de partenariat ne doit pas être d’attirer des capitaux privés directs mais d’utiliser des exploitants privés pour améliorer la qualité et l’efficacité des services. Un cercle vertueux se crée alors, par lequel la compagnie des eaux améliore sa situation financière et devient progressivement capable de financer une part plus importante de ses besoins d’investissement. Bien que quelques concessions aient donné de xi bons résultats, l’expérience tend à montrer que l’option la plus viable dans beaucoup de pays consiste à combiner exploitation privée et financement public des investissements. Cela suppose que les autorités gouvernementales et les bailleurs de fonds maintiennent une forte implication dans le secteur de l’eau, en particulier dans les pays les plus pauvres. Ces conclusions sont importantes. Dans un contexte de pénurie de ressources financières — tant publiques que privées — il est indispensable d’améliorer le fonctionnement et l’efficacité des services afin de rendre les compagnies de distribution d’eau plus performantes et donc plus crédibles aux yeux des investisseurs. Cela est d’autant plus vrai aujourd’hui, en pleine crise financière mondiale. Des partenariats public-privé bien conçus peuvent servir cet objectif. Les responsables gouvernementaux des pays en développement doivent disposer d’un éventail de solutions pour résoudre les nombreux problèmes touchant aux services d’eau. Ce rapport vient confirmer que les partenariats public-privé ont toute leur place dans cet arsenal. Jamal Saghir Zoubida Allaoua Directeur du Département Énergie, Directrice du Département transports et eau Financement, économie Président de la Commission et développement urbain technique pour le secteur de l’eau Banque mondiale Banque mondiale Présidente du Conseil du PPIAF xii Avant-propos REMERCIEMENTS Ce rapport présente le bilan d’un large échantillon de partenariats public-privé mis en œuvre pour l’alimentation en eau dans des pays en développement. L’étude a été réalisée par le pôle Eau du Département Énergie, transports et eau (ETWWA) de la Banque mondiale, en partenariat avec le Fonds de conseil en infrastructure publique-privée (PPIAF), entre mai 2006 et juin 2008. Cette étude a été menée sous la direction de Philippe Marin, qui est également le principal auteur du rapport. L’équipe de recherche était composée de Luis Andrés (LCSSD), Alexander Danilenko (Programme Alimentation en eau et assainissement, WSP), Bertrand Dardenne (consultant), Matar Fall (ETWWA), Jonathan Halpern (ETWWA), Ada Karina Izaguirre (Département Financement, économie et développement urbain), Alain Locussol (consultant) et Josses Mugabi (consultant). L’étude a été supervisée par Abel Mejia (ETWWA). Bertrand Dardenne, Jonathan Halpern, Ada Karina Izaguirre et Josses Mugabi ont collaboré à la rédaction de certaines parties du rapport. Nous remercions tout particulièrement Jyoti Shukla (PPIAF) et Clemencia Torres de Mästle (PPIAF) pour leur appui pendant toute la durée de l’étude. Un grand nombre de consultants ont participé activement à la collecte et à l’analyse des données incluses dans l’étude : Bertrand Dardenne, Jorge Ducci, Hazim El-Nasser, Jean-Pierre Florentin, Mauricio Fourniol, Angela Gonzalez, Alain Locussol, Jean-Pierre Mas, Josses Mugabi, Silver Mugisha, William Muhairwe, Mariles Navarro, Ian Palmer, Gabriela Prunier, Julio Miguel Silva, Alejandro Valencia, Richard Verspyck et Guillermo Yepes. De nombreux collègues du Groupe de la Banque mondiale ont aidé à rassembler des données et apporté des commentaires et des éclairages extrêmement utiles : Thadeu Abicalil, Oscar Alvarado, Aldo Baietti, Alexander Bakalian, Sabine Beddies, Ventura Bengoechea, Lorenzo Bertolini, Franck Bousquet, Greg Bowder, Xavier Chauvot de Beauchêne, Jeffrey Delmon, Katharina Gassner, Philippe Huc, Vijay Jagannathan, Jan Janssens, Suhail Jme’An, Jonathan Kamkwalala, Bill Kingdom, Peter Kolsky, James Leigland, Patricia López, Midori Makino, Cledan Mandri-Perrott, Seema Manghee, Pier Mantovani, Manuel Mariño, Alexander McPhail, Iain Menzies, Eustache xiii Ouayoro, Nataliya Pushak, Catherine Revels, Gustavo Saltiel, Manuel Schiffer, Jordan Schwartz, Avjeet Singh, David Sislen, Mario Suardi, Luiz Tavares, Carolinez van den Berg, Meike van Ginneken, Patricia Veevers-Carter, Carlos Velez, Jane Walker et Michael Webster. Nous remercions tout particulièrement Luis Andrés, Katharina Gassner, et l’équipe de l’International Benchmarking Network for Water and Sanitation Utilities (IBNET) pour avoir facilité l’accès à leur base de données. L’équipe du projet tient également à remercier les nombreux représentants des autorités gouvernementales, des instances de réglementation et du secteur privé qui ont fourni des données et des informations pour l’étude. Nous sommes spécialement redevables à Richard Franceys (Université de Cranfield), José Luis Guasch (Banque mondiale), Felipe Medalla (Université des Philippines), Fadel N’Daw (Programme eau potable et assainissement du millénaire [PEPAM], Sénégal), Gerard Payen (Aquafed), Paul Reiter (Association internationale de l’eau) et Robin Simpson (Consumers International), pour leurs avis et leurs remarques précieux lors de la finalisation du rapport. Je remercie enfin chaleureusement mes collègues Janique Racine du PPIAF, Steve Kennedy, et Richard Crabbe, Andrés Meneses et Janice Tuten du Bureau des publications de la Banque mondiale. xiv Remerciements À PROPOS DE L’AUTEUR Philippe Marin est spécialiste senior de l’eau et de l’assainissement au Département Énergie, transports et eau au sein du Réseau du développement durable de la Banque mondiale. Spécialiste des réformes et des partenariats public-privé dans le domaine des services d’eau, il a travaillé dans plus de 40 pays développés ou en développement sur les réformes institutionnelles, le financement des infrastructures et la gestion des compagnies de service public. Il a rejoint le Groupe de la Banque mondiale en 2001 et a à son actif plus de 15 années d’expérience dans le secteur de l’eau, acquises dans des entreprises privées et dans plusieurs institutions financières internationales. Il est titulaire d’un diplôme d’ingénieur agronome de l’Institut national agronomique Paris- Grignon et d’un MBA de l’INSEAD à Fontainebleau (France). xv SIGLES BOT Build-Operate-Transfer/construction-exploitation-transfert ETWWA Département Énergie, transports et eau de la Banque mondiale GPOBA Partenariat mondial pour l’aide basée sur les résultats IBNET International Benchmarking Network for Water and Sanitation Utilities NRW Non-Revenue Water/pourcentage d’eau non facturée PED pays en développement PME Programme de modernisation des entreprises (Colombie) PPI Participation du secteur privé à la fourniture de services d’infrastructure (base de données des projets Banque mondiale/PPIAF) PPIAF Fonds de conseil en infrastructure publique-privée PPP partenariat public-privé xvi SYNTHÈSE Dans les années 90, beaucoup de pays ont engagé des réformes ambitieuses de leurs services d’eau et d’assainissement urbains, prévoyant souvent de déléguer la gestion des services à des exploitants privés selon des modalités contractuelles variables. Ces partenariats public-privé (PPP) devaient remettre sur pied des compagnies publiques des eaux peu performantes en apportant de nouvelles compétences, des ressources financières et une orientation plus commerciale. Depuis 1990, plus de 260 marchés ont été attribués à des exploitants privés pour la gestion de services urbains d’eau et d’assainissement dans des pays en développement (PED). Les PPP du secteur de l’eau ont suscité des controverses, notamment ces dernières années après la résiliation de plusieurs contrats qui a fait grand bruit et amené à s’interroger sur le bien-fondé de cette approche dans les pays en développement. Du fait du manque de données sur les populations desservies et sur la qualité des services fournis, il était difficile d’évaluer la contribution des PPP à ces pays. Le débat s’est parfois situé davantage sur le terrain de l’idéologie que sur celui des résultats objectifs, et le bilan factuel de nombreux PPP n’a jamais été analysé dans le détail. Aujourd’hui, environ 7 % de la population urbaine du monde en développement bénéficie de services d’eau fournis par des opérateurs privées, et des doutes subsistent quant à l’intérêt des PPP pour améliorer les performances des services d’eau dans les pays en développement et en transition. Le but de cette étude est de faire avancer notre compréhension des résultats obtenus par les PPP appliqués aux services d’eau urbains dans les PED. Elle s’intéresse aux partenariats dans lesquels l’exploitation des services est confiée à un opérateur privé et exclut par conséquent les projets BOT (construction-exploitation-transfert) et les arrangements du même type se limitant à la construction et à l’exploitation d’installations d’épuration. 1 Elle analyse le développement des PPP pour les services d’eau urbains au cours des 15 dernières années et cherche à déterminer si ces PPP ont contribué à améliorer les services et l’accès aux services pour les populations concernées, et de quelle manière. L’étude analyse les réalisations de plus de 65 grands PPP du secteur de l’eau, mis en œuvre pendant au moins cinq ans (trois ans dans le cas de contrats de gestion), un échantillon qui couvre une population totale d’environ 100 millions de personnes — soit près de la moitié de la population urbaine ayant été desservie par des compagnies des eaux privées à un moment quelconque entre 1990 et 2007. Cet échantillon représente, par la taille de la population desservie, près de 80 % des PPP conclus dans le secteur de l’eau avant 2003 et mis en œuvre pendant au moins trois ans. Les performances sont analysées selon quatre dimensions : l’accès (accrois- sement de la couverture), la qualité du service, l’efficacité opérationnelle, et le niveau des tarifs. L’étude s’intéresse aux améliorations nettes et à l’impact réel pour les populations concernées, et non pas à la réalisation des objectifs contractuels. Au vu des succès et des échecs enregistrés, des conclusions sont tirées sur la façon dont les États peuvent mieux exploiter l’initiative privée pour améliorer les services d’eau et d’assainissement dans le monde en développement. Multiplication des PPP dans le secteur de l’eau depuis 1990 Entre 1991 et 2000, la population desservie par des compagnies privées dans des pays en développement ou en transition n’a pas cessé de progresser, passant de six millions à 94 millions. Le nombre de pays en développement ou en transition ayant des PPP en cours dans le secteur de l’eau est passé de quatre à 38. Toutefois, des problèmes ont commencé à apparaître à la fin des années 90, et le rythme de signature de nouveaux PPP s’est ralenti. Bien que les PPP du secteur de l’eau donnent l’impression d’être en recul dans les PED, la situation est plus nuancée. La population desservie par les opérateurs privés de services d’eau dans les pays en développement et les pays émergents a continué d’augmenter régulièrement, pour dépasser les 160 millions de personnes fin 2007 (contre 94 millions en 2000). De vastes pays tels que l’Algérie, la Chine, la Malaisie et la Fédération de Russie ont commencé à faire largement appel au secteur privé pour les services de distribution d’eau. Sur plus de 260 contrats attribués depuis 1990, 84 % étaient encore actifs fin 2007, et seulement 9 % avaient été résiliés avant l’échéance prévue. La plupart des annulations se sont produites en Afrique subsaharienne, une région où les réformes sont difficiles à mettre en œuvre, et en Amérique latine, pour des contrats de concession. Performances des PPP dans le secteur de l’eau La présente étude analyse les performances des PPP selon quatre dimensions : l’accès (accroissement de la couverture), la qualité du service, l’efficacité opérationnelle, et le niveau des tarifs. 2 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Accès L’impact des PPP sur l’accès à un réseau d’eau potable est analysé pour les concessions (où les investissements sont financés en majorité par le partenaire privé) et les contrats d’affermage (où ils sont financés principalement par le partenaire public). Globalement, on estime que les PPP du secteur de l’eau ont permis à plus de 24 millions d’habitants de pays en développement d’avoir accès à un réseau d’eau potable depuis 1990. Le bilan global des concessions est mitigé sur le plan de l’accroissement de la couverture du service. Les 30 grandes concessions examinées ont permis à environ 17 millions de personnes d’avoir accès à un réseau d’eau, mais bon nombre de ces concessions n’ont pas investi le montant de financement privé qui était prévu à l’origine, et n’ont pas toujours atteint leurs objectifs contractuels de couverture. Dans beaucoup de cas, les meilleurs résultats ont été obtenus par des concessions où les fonds privés étaient en fait complétés par un financement public (Colombie, Guayaquil en Équateur, et Cordoba en Argentine). Les performances des contrats de type affermage se sont révélées en général plus satisfaisantes. En Afrique subsaharienne, l’approche de l’affermage, dans laquelle une société de patrimoine réalise les investissements, a donné d’excellents résultats au Sénégal en termes d’extension de l’accès. Le cas de la Côte d’Ivoire mérite d’être signalé : près de trois millions de personnes ont gagné l’accès à l’eau courante à leur domicile depuis 1990 — avec des branchements entièrement financés par les recettes de facturation, sans aucun financement public. Qualité du service Les PPP du secteur de l’eau ont souvent amélioré sensiblement la qualité du service, en particulier en diminuant le rationnement de l’eau. Le rationnement est probablement le problème de qualité numéro un pour beaucoup de compagnies des eaux dans les PED. Sans continuité du service, il n’est pas possible de garantir les normes de potabilité de l’eau en raison du risque d’infiltration dans les canalisations. Les ménages pauvres, qui vivent souvent aux extrémités des réseaux de distribution, là où la pression est plus faible, et qui n’ont pas les moyens d’installer des solutions de rechange (puits privés, réservoirs de toit, filtres), pâtissent davantage que les autres du rationnement. Une fois que le rationnement de l’eau est devenu la norme, il est très difficile de revenir en arrière. Les à-coups fréquents de la pression de distribution accélèrent la détérioration du réseau, et toute tentative d’augmenter la pression moyenne provoque davantage de ruptures de canalisations et de fuites d’eau. Dans ce contexte, il est remarquable de constater que de nombreux PPP partis d’une situation de rationnement d’eau sont parvenus à améliorer la continuité du service et que certains ont même réussi à rétablir un service continu. La Colombie offre un bon exemple de succès, où des exploitants privés ont pu améliorer la continuité du service dans un grand nombre de villes malgré des installations souvent vétustes au départ. Des opérateurs privés ont également diminué le rationnement de l’eau en Afrique de l’Ouest (en Guinée, au Synthèse 3 Gabon, au Niger et au Sénégal). Plusieurs contrats de gestion ont aussi permis d’obtenir des progrès notables, malgré leur courte durée. Mais tous les PPP n’ont pas abouti à une meilleure continuité du service. Ainsi, à Manille (Philippines), le concessionnaire de la zone Ouest n’a pas réussi à améliorer le service, alors que celui de la zone Est y est parvenu. Efficacité opérationnelle Un objectif majeur des pouvoirs publics lorsqu’ils font appel à des opérateurs privés est d’améliorer l’efficacité opérationnelle des services d’eau. Bien que multiforme, cette efficacité peut globalement être représentée par trois grands indicateurs : les pertes en eau, le taux de recouvrement des factures et la productivité du travail. Pertes en eau. Une compagnie des eaux bien gérée s’efforce toujours de réduire ses pertes en eau. Des études multi pays récentes d’Andrés, Guasch, Haven et Foster (2008) et de Gassner, Popov et Pushak (2008b) ont montré que les opérateurs privés obtenaient de bons résultats sur ce plan. Venant confirmer leurs conclusions, la présente étude constate que de nombreux opérateurs privés ont réussi à diminuer les pertes en eau, notamment en Afrique de l’Ouest, au Brésil, en Colombie, au Maroc et à Manille-Est (Philippines). Dans certains cas, les opérateurs privés ont même fait descendre à moins de 15 % le pourcentage d’eau non facturée (NRW), un taux du même ordre que ceux des compagnies les plus performantes des pays développés. Néanmoins, parmi les PPP examinés, tous n’ont pas conduit à une réduction significative des pertes en eau. Aucun progrès notable n’a été constaté par exemple à Guayaquil (Équateur), Maputo (Mozambique) et Manille-Ouest (Philippines), et le NRW est resté très élevé (plus de 50 %). Dans plusieurs pays, dont l’Argentine, l’évolution des pertes en eau est difficile à chiffrer car une grande partie des clients résidentiels sont facturés sur la base d’estimations de consommation et non pas de leur consommation réelle. Moins de la moitié des contrats de gestion étudiés ont montré des progrès appréciables. Recouvrement des factures. Les compagnies des eaux peu performantes présentent souvent des taux médiocres de recouvrement des factures, d’une part car les moyens affectés au recouvrement sont insuffisants, d’autre part car les usagers sont souvent peu disposés à payer pour un service de mauvaise qualité. Le recouvrement des factures est un domaine dans lequel on s’attend habituellement à ce que les opérateurs privés soient efficaces, du fait des incitations financières. La présente étude a effectivement constaté que, dans la plupart des cas, l’introduction d’un opérateur privé conduisait à des taux de recouvrement sensiblement supérieurs. C’est la dimension pour laquelle la contribution des contrats de gestion a été la plus régulièrement positive puisque tous les projets de l’échantillon ont obtenu des améliorations importantes. Productivité du travail. De nombreux éléments montrent que l’introduction d’opérateurs privés entraîne des améliorations de la productivité du travail (mesurée en nombre d’employés pour mille clients), obtenues à la fois par des réductions d’effectifs et par l’augmentation du nombre de clients. Beaucoup de compagnies concernées étaient en sureffectif, et les PPP ont souvent été 4 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains accompagnés de licenciements importants, allant de 20 à 65 % des effectifs initiaux. En dehors du problème de sureffectif, les licenciements étaient souvent motivés par la nécessité de modifier le profil général des employés pour recruter du personnel plus qualifié. Efficacité globale. Si l’on examine ces trois indicateurs de performances combinés, l’efficacité globale s’avère être le domaine dans lequel l’apport des exploitants privés a été le plus systématiquement positif. Pour avoir une vision plus complète de l’impact d’un PPP sur l’efficacité opérationnelle, il aurait fallu procéder à une analyse financière détaillée de chaque projet, ce qui dépassait le cadre de cette étude. Quelques conclusions générales se dégagent néanmoins. L’efficacité globale des concessionnaires est difficile à évaluer car ils assurent à la fois l’exploitation et les investissements ; or, l’efficacité des investissements n’a pas été examinée dans cette étude. Dans le cas de Manille, une analyse détaillée par l’agence de régulation a montré que le concessionnaire de la zone Est avait amélioré sensiblement l’efficacité opérationnelle, contrairement à celui de la zone Ouest. En ce qui concerne l’Argentine, l’apport des concessionnaires en la matière n’est pas établi. Dans le cas des contrats d’affermage, l’efficacité des opérateurs privés est plus facile à évaluer dans la mesure où la responsabilité des opérations et des investissements est divisée entre les partenaires privé et public. Des informations détaillées disponibles sur ce type de projets au Sénégal et à Cartagena (Colombie) ont montré que des gains très nets avaient été obtenus sur le plan de l’efficacité opérationnelle, qui ont été répercutés par la suite sur les consommateurs par des baisses de tarifs en valeur réelle. Les contrats de gestion ne comportent qu’un transfert limité de compétences aux opérateurs privés, qui ont peu de marge de manœuvre sur les ressources humaines de la compagnie des eaux. Dans la plupart des cas de contrats examinés, des améliorations importantes ont été notées au niveau de l’efficacité — mesurée au moyen de l’indice d’efficacité globale (l’eau facturée et payée rapportée à l’eau produite, une mesure qui combine la réduction des pertes en eau et l’amélioration du recouvrement des factures). Niveau des tarifs Dans les PED, la plupart des compagnies publiques de distribution d’eau peu performantes ont des tarifs très inférieurs aux niveaux de récupération des coûts ; relever ces tarifs est souvent un composant nécessaire des réformes visant à assurer la viabilité financière de l’entreprise. En pratique, l’impact potentiel d’un PPP sur les tarifs de l’eau dépend de l’écart séparant le tarif initial du niveau de récupération des coûts, et des gains d’efficacité réalisables par l’opérateur privé — deux facteurs qui varient en sens inverse et peuvent être très élevés dans les pays en développement. L’évolution des tarifs pour un certain nombre de PPP a été analysée dans le cadre de la présente étude. Le plus souvent, les tarifs ont augmenté au fil du temps, mais les raisons de ces augmentations, ainsi que leur bien-fondé, n’ont pas pu être évaluées. L’incidence des PPP sur les tarifs est très difficile à juger car elle est largement dépendante des politiques tarifaires en vigueur. Une hausse Synthèse 5 de tarifs n’est pas forcément une mauvaise chose pour les clients lorsqu’elle s’accompagne d’un meilleur accès à de meilleurs services, comme cela s’est produit dans beaucoup de cas. Dans bon nombre de pays en développement, les tarifs bas de l’eau profitent principalement à la classe moyenne ayant accès à l’eau courante, et pénalisent les citadins pauvres qui, eux, ne l’ont pas et sont contraints d’acheter une eau souvent de moins bonne qualité et/ou plus chère auprès d’autres sources. Parmi les ménages pauvres ayant gagné l’accès à un réseau d’eau potable grâce à des PPP, un grand nombre payaient probablement leur eau plus cher avant. Il faut noter également que dans quelques cas, les opérateurs privés ont obtenu des gains d’efficacité suffisam- ment importants pour permettre une baisse significative des tarifs en valeur réelle après plusieurs années. Pour l’essentiel, les données relatives à l’impact des PPP sur les tarifs que l’on peut trouver dans la littérature ne sont pas non plus probantes. Les coûts sont fortement influencés par des facteurs locaux, par exemple la disponibilité d’eau brute, et il est difficile de comparer les niveaux de tarifs entre des compagnies privées et publiques du fait du cadre juridique, administratif et financier différent dans lequel elles opèrent. Dans une étude récente, Gassner, Popov et Pushak (2008a) ont utilisé un échantillon très large pour neutraliser les nombreux facteurs exogènes. Ils n’ont trouvé aucune différence significative de tarifs entre des compagnies des eaux publiques et privées comparables. Conclusions générales Les PPP sont une solution viable pour les services d’eau des PED Malgré les limites liées à la disponibilité des données, à leur fiabilité et à l’ambigüité des indicateurs, l’analyse des performances selon ses quatre dimensions (accès, qualité du service, efficacité opérationnelle et niveau des tarifs) tend à montrer que les résultats globaux des PPP dans le secteur de l’eau ont été d’une manière générale relativement satisfaisants. Plusieurs PPP ont permis d’obtenir des progrès sur le plan à la fois de la couverture (accès), de la qualité du service et de l’efficacité. Un plus grand nombre a obtenu de bons résultats sur un ou deux aspects essentiels. Certains PPP ont amélioré notablement les conditions de vie des populations desservies même s’ils ne se sont pas révélés viables et ont été interrompus avant l’échéance. Quelques autres n’ont obtenu aucun résultat significatif sur la plupart des dimensions. Il est intéressant de noter que sur 65 pays en développement ayant mis en place des PPP dans le secteur de l’eau au cours des deux dernières décennies, au moins 41 avaient encore des opérateurs privés fin 2007, et que 84 % des contrats conclus étaient encore en vigueur. Vingt-quatre pays étaient revenus à une gestion entièrement publique, et plusieurs contrats avaient été résiliés de manière anticipée suite à des conflits entre les parties. Ces chiffres n’ont rien d’anormal compte tenu du caractère relativement nouveau et de la variété des contrats conclus dans de nombreux environnements différents (et souvent difficiles). Les dispositions précises du contrat et la détermination des partenaires public et privé sont des facteurs de succès essentiels. 6 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Pour dresser un bilan global des PPP conclus pour des services d’eau dans les pays en développement, une classification a été établie dans le cadre de la présente étude. En tout, 205 millions d’habitants de pays en développement ou émergents ont été desservis en eau par des PPP à un moment quelconque au cours des 15 dernières années. Sur ce total, 160 millions de personnes étaient encore desservies par des PPP à la fin 2007, contre 45 millions pour lesquels les PPP soit avaient été résiliés de manière anticipée, soit n’avaient pas été renouvelés après leur échéance. Sur les 160 millions de personnes desservies par des opérateurs privés en 2007, environ 50 millions le sont dans le cadre de PPP pouvant être globalement qualifiés de succès. Ces projets sont ceux qui ont apporté des gains importants aux populations et où une collaboration s’est instaurée au fil du temps entre les partenaires public et privé. On en trouve dans toutes les régions du monde en développement, notamment en Amérique latine (Colombie, Chili, Guayaquil en Équateur, et plusieurs concessions au Brésil et en Argentine), en Afrique subsaharienne (Côte d’Ivoire, Gabon et Sénégal), en Asie (Manille-Est aux Philippines), en Europe orientale et Asie centrale (Erevan en Arménie), et au Moyen-Orient et Afrique du Nord (Maroc). Les PPP encore en cours dont le bilan est mitigé ou décevant représentent une population estimée à environ 20 millions de personnes. Le reste (90 millions de personnes) est desservi dans le cadre de PPP qui n’ont pas été examinés dans cette étude, la plupart ayant été conclus récemment (depuis 2003). L’apport le plus systématique des opérateurs privés a été l’amélioration de l’efficacité Dans les années 90, le principal attrait des PPP était leur capacité supposée à apporter des capitaux privés au secteur. L’expérience a montré que l’essentiel était largement ailleurs. Au vu des succès examinés, il ressort que la contribution la plus importante des opérateurs privés est l’amélioration de l’efficacité opérationnelle et de la qualité du service. Ces progrès ont des effets majeurs sur l’accès aux financements, mais de manière indirecte. Les clients sont plus disposés à payer leurs factures lorsque le service s’améliore, et un fonctionnement plus efficace de l’entreprise permet de dégager plus d’argent pour investir dans l’extension du réseau, entraînant ensuite une augmentation du nombre de clients et des recettes. Plus la solvabilité de l’entreprise s’améliore, plus elle a accès facilement à des financements et plus elle peut investir dans le développement de ses services. Une compagnie des eaux performante fera bon usage des fonds dont elle dispose pour investir, que les financements viennent de sources publiques ou privées. Les dispositions contractuelles des PPP ont évolué différemment d’une région à l’autre Beaucoup de PPP conclus pendant les années 90, en particulier en Amérique latine, avaient pour premier objectif d’attirer des capitaux privés et ont donc pris la forme de concessions. Le fait qu’un grand nombre de ces concessions aient été résiliées avant leur échéance a montré la vulnérabilité intrinsèque Synthèse 7 de cette approche dans l’environnement économique incertain des pays en développement. La Colombie a été la première à s’écarter du modèle classique de la concession pour créer des sociétés d’économie mixte ou apporter des subventions publiques à des concessionnaires privés afin d’accélérer les investissements. Beaucoup de ces PPP hybrides ont obtenu des résultats positifs. Dans les autres régions, plusieurs pays ont expérimenté des PPP de longue durée combinant opération privée et investissement public, tels que contrats d’affermage, sociétés d’économie mixte, et contrats de gestion. Perspectives La présente étude laisse entrevoir l’émergence d’une nouvelle approche pour maximiser la contribution des opérateurs privés dans les PED. Le premier objectif des PPP doit être d’utiliser les opérateurs privés pour améliorer l’efficacité opérationnelle et la qualité du service, et non pas pour attirer des capitaux privés. Une nouvelle génération de PPP dans le secteur de l’eau a commencé à apparaître avec l’intégration progressive de ces éléments par le marché. En pratique, les modalités optimales de financement des investissements dépendent de la situation de chaque pays. De nouvelles solutions hybrides pour financer des PPP de longue durée Malgré les difficultés traversées par certaines concessions dans plusieurs pays, les financements privés ne doivent pas être totalement abandonnés. Ils ont commencé à faire leurs preuves dans quelques pays en développement plus avancés, où le marché des emprunts privés en monnaie locale à moyen et long terme s’est développé. Néanmoins, dans la plupart des PED, l’essentiel des grandes dépenses d’équipement nécessaires pour étendre rapidement l’accès aux réseaux devront être couvertes par des sources publiques. De plus en plus de pays adoptent un modèle de PPP dans lequel les investissements sont largement financés par des deniers publics, tandis que l’opérateur privé se concentre sur l’amélioration du service et de l’efficacité opérationnelle. En pratique, dans ces PPP à financement mixte, les investissements sont réalisés d’une part directement par les recettes et d’autre part par une combinaison variable de capitaux publics et privés, avec une séparation de plus en plus floue entre l’affermage et la concession. Plusieurs formules originales ont fait leurs preuves au cours de la dernière décennie : • des concessions dans lesquelles la majorité des investissements sont financés par les recettes, avec des subventions croisées provenant des ventes d’électricité (Gabon), de surtaxes (Côte d’Ivoire), ou des deux (Maroc) ; • des contrats d’affermage comme ceux développés en Afrique de l’Ouest, avec des incitations plus importantes pour améliorer l’efficacité opérationnelle, un programme de branchements subventionnés pour permettre aux ménages pauvres d’accéder au réseau, et un réajustement progressif des tarifs pour atteindre le niveau de récupération totale des coûts (Sénégal, Niger, et maintenant Cameroun) ; 8 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains • des sociétés d’économie mixte, par exemple en Amérique latine (Colombie, La Havane à Cuba, et Saltillo au Mexico) et dans plusieurs pays d’Europe orientale (République tchèque et Hongrie) ; • des concessions assorties de subventions publiques pour accélérer l’extension du réseau ou sa rénovation en limitant l’impact sur les tarifs. L’exemple-type est celui des PPP mis en œuvre en Colombie dans le cadre du Programme national de modernisation des entreprises (PME) ; une approche similaire a été adoptée à Guayaquil en Équateur, et dans quelques concessions en Argentine (Cordoba et Salta). De nouveaux opérateurs privés issus des pays en développement Parallèlement à l’évolution des modèles de PPP, un grand nombre de nouveaux acteurs sont arrivés sur le marché. En 2000, cinq opérateurs internationaux se partageaient quelque 80 % du marché des PPP de ce secteur dans les pays en développement. Depuis 2001, la plupart des nouveaux contrats ont été conclus avec des opérateurs privés issus des PED, et certains opérateurs internationaux ont également transféré leurs contrats en cours à des investisseurs locaux. Environ 90 % de l’augmentation de la population desservie par des PPP depuis 2001 est imputable à des opérateurs privés des pays en développement. En 2007, les compagnies privées locales approvisionnaient en eau plus de 67 millions de personnes, soit plus de 40 % du marché. Cette étude a recensé pas moins de 28 grands opérateurs privés de pays en développement ou émergents, desservant chacun une population totale d’au moins 400 000 habitants. À Manille-Est (Philippines), de même que dans plusieurs PPP en Argentine, au Brésil et en Colombie, les investisseurs privés locaux ont démontré leur capacité à apprendre le métier, obtenir de bons résultats et devenir des acteurs crédibles. L’importance de cette nouvelle tendance ne saurait être assez soulignée. Non seulement les nouveaux venus génèrent une concurrence extrêmement nécessaire dans ce secteur, mais ils sont peut-être plus à même de gérer les différents risques inhérents aux services d’eau urbains. Leur compréhension de la culture locale peut leur permettre d’établir plus facilement un partenariat durable avec les autorités locales et de mieux atténuer les risques politiques. Ils sont aussi probablement mieux armés que leurs concurrents internationaux pour desservir les petites communes, où les besoins sont considérables. Vers un débat plus objectif Les nombreuses expériences des 15 dernières années ont clairement montré que les partenariats public-privé ne constituaient pas une formule magique permettant de redresser les compagnies des eaux publiques peu performantes dans les PED. Pour beaucoup de pays en développement ou en transition, les PPP se sont révélés être des entreprises complexes qui comportent des risques politiques majeurs et des incertitudes non négligeables quant à l’ampleur des Synthèse 9 bénéfices anticipés et au moment où ils risquent de se matérialiser. Il est difficile de définir des objectifs contractuels et les données de référence sont rarement fiables, générant de nombreux conflits potentiels. Les opérateurs privés ne donnent pas toujours satisfaction et ont tendance à vouloir renégocier les contrats à leur avantage. Les réformes peuvent facilement être menacées par des intérêts catégoriels. Nombreux sont les obstacles susceptibles de créer des frictions et d’entraîner une résiliation anticipée. Pourtant, les performances globales des PPP dans le secteur de l’eau sont plus positives que ce que l’on pense généralement. Les partenariats public-privé appliqués aux services d’eau urbains ont amélioré sensiblement les conditions de vie de dizaines de millions d’habitants des PED. Les pays en développement seront sans doute peu nombreux à déléguer la majorité de leurs services d’eau urbains à des opérateurs privés. Mais l’existence de quelques PPP de distribution d’eau dans un pays peut néanmoins s’avérer bénéfique, en tirant vers le haut l’ensemble du secteur — qui en a souvent bien besoin. Les compagnies des eaux publiques qui ont réussi à améliorer leurs résultats sont celles qui ont appliqué des principes de bonne gestion commerciale, accordant une grande place à la viabilité financière, à la responsabilisation et au service à la clientèle. Le laisser-aller est le pire ennemi des entreprises de service public, et il prend sa source dans l’idée qu’un service de mauvaise qualité est sans conséquence. Du fait de cette attitude, il est difficile, même pour les responsables d’entreprises publiques les plus compétents et les mieux intentionnés du monde, d’introduire et de maintenir des améliorations face aux différents groupes d’intérêt partisans du statu quo. En ce sens, la contribution réelle des PPP du secteur de l’eau dépasse peut-être leur simple résultat direct sur quelques projets — en introduisant des notions nécessaires de concurrence et de responsabilisation dans un secteur jusqu’ici monopolistique. De nombreuses compagnies des eaux publiques des PED font également appel au secteur privé par des pratiques qui ne constituent pas une délégation de service public mais qui ouvrent la voie à des formes nouvelles, plus larges, de participation du secteur privé. Il s’agit par exemple d’autres modalités de fourniture de compétences opérationnelles, notamment de contrats de service basés sur les résultats, de jumelages et d’accords de sous-traitance. Dans les pays plus avancés, le secteur privé est en train d’acquérir un nouveau rôle de bailleur de fonds auprès des compagnies de service public, avec, outre les opérations de BOT sans recours pour des usines d’épuration, le développement récent des emprunts non-souverains ou la vente d’actions minoritaires au moment d’introductions en Bourse. Enfin, des compagnies des eaux publiques commencent à rechercher des contrats de gestion déléguée ou d’autres types en dehors de leur secteur géographique, où ils agissent contractuellement en partenaires privés. Du fait de toutes ces évolutions, les frontières traditionnelles entre le public et le privé s’estompent progressivement et le marché tend à devenir plus dynamique et concurrentiel, offrant aux responsables gouvernementaux un plus grand choix de solutions. 10 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Le secteur privé a beaucoup à apporter, et sous de multiples formes. Pour relever les immenses défis auxquels les services urbains de l’eau sont confrontés dans les pays en développement, les responsables politiques ont besoin de mobiliser toute l’aide possible. Le moment est peut-être venu d’élargir la notion de partenariat pour englober tous les acteurs, sans en exclure aucun. Synthèse 11 1. INTRODUCTION Dans les années 90, beaucoup de pays ont engagé une série de réformes de leurs services urbains d’eau et d’assainissement, souvent avec l’appui d’institutions financières internationales. Ces réformes répondaient à un besoin criant : des millions de personnes n’avaient pas du tout accès à un réseau d’eau potable ni à des services d’assainissement, et pour des millions d’autres, la qualité des services s’avérait médiocre. Des infrastructures vétustes, une croissance urbaine galopante, des besoins d’investissement énormes, des services mal gérés, des tarifs artificiellement bas et des ressources budgétaires extrêmement limitées : l’état des lieux était préoccupant. Les mesures prises pour redresser les compagnies publiques n’avaient pas permis de remédier aux difficultés grandissantes du secteur. Les réformes ont fait une large place au secteur privé. Pour des États n’ayant pas les moyens de couvrir les pertes financières de leurs entreprises publiques ni d’investir dans la rénovation et l’extension de leurs infrastructures, les partenariats public-privé (PPP) apparaissaient être une solution intéressante pour les services d’eau. On fondait beaucoup d’espoirs sur les opérateurs privés qui, grâce à leurs compétences et leurs ressources financières, fourniraient des services de meilleure qualité à un plus grand nombre d’usagers. Depuis 1990, des gouvernements et collectivités publiques de pays en développement ou émergents ont signé plus de 260 contrats de PPP dans le secteur, et selon les estimations, les PPP alimentaient en eau plus de 160 millions de personnes dans ces pays en 2007. Pourtant, leur part de marché ne représentait qu’environ 7 % de la population urbaine totale, après être partie de moins de 1 % en 1997 et avoir atteint autour de 4 % en 2002. Les partenariats public-privé pour la distribution d’eau urbaine ont suscité des controverses, notamment ces dernières années après la résiliation de plusieurs contrats qui a fait grand bruit et amené à s’interroger sur le bien- fondé de cette approche dans les pays en développement. Un grand nombre de publications ont présenté des perspectives diverses et des conclusions 13 ambigües, voire dans certains cas contradictoires. Plusieurs facteurs ont généré ces divergences, notamment a) des différences de méthodologie (les études de cas détaillées côtoyant par exemple les analyses économétriques transversales) ; b) des différences sur le plan de la disponibilité et de la fiabilité des données ; et c) des différences dans les cadres d’évaluation (beaucoup examine un thème précis ou un ensemble de thèmes — par exemple la réglementation ou la fixation des tarifs, le ciblage des clients pauvres, ou les coûts de raccordement — tandis que d’autres intègrent davantage de variables mais ne couvrent qu’une période d’un ou deux ans). Pour certains observateurs, les contrats passés pour la fourniture de services aussi essentiels ne peuvent que donner lieu à des conflits, compte tenu de la nature monopolistique de ces services. D’autres sont plus pragmatiques mais se demandent si les PPP peuvent donner de bons résultats dans les contextes hétérogènes des pays en développement, compte tenu des problèmes de capacités institutionnelles, de gouvernance, de primauté du droit et d’exécution des contrats. D’autres analystes rappellent quelques échecs retentissants, les donnant pour preuve que les PPP ne sont pas adaptés au secteur de l’eau et de l’assainissement, et à la situation des pays en développement en particulier. D’autres encore attribuent ces échecs aux intérêts catégoriels et aux manipulations politiques, et montrent en exemple certains succès à prendre pour modèle. La plupart des études pèchent par l’insuffisance et la maigre qualité des données, qui s’expliquent par le fait que les compagnies des eaux communiquent peu sur leurs performances, et que les données disponibles sont rarement comparables d’une entreprise à l’autre et dans le temps. Le peu d’informations publiées sur les performances contribue à créer une atmosphère de secret et d’impunité, tant pour les opérateurs publics que privés. La présente étude propose des informations et des analyses objectives sur les résultats obtenus par les PPP dans le domaine de l’eau et de l’assainissement dans les pays en développement. Elle analyse le développement des PPP pour les services d’eau urbains au cours des 15 dernières années et cherche à déterminer si ces PPP ont contribué à améliorer les services et l’accès aux services pour les populations concernées, et de quelle manière. L’étude utilise un cadre d’analyse structuré pour évaluer les réalisations de plus de 65 grands PPP du secteur de l’eau, mis en œuvre pendant au moins cinq ans (trois ans dans le cas de contrats de gestion) et desservant ensemble une population totale de près de 100 millions de personnes (voir l’annexe A). En taille de population, cet échantillon représente presque 80 % des PPP conclus dans le secteur de l’eau avant 2003 et ayant duré au moins trois ans. L’étude s’intéresse à l’impact réel de ces projets sur les populations concernées, c’est-à-dire aux améliorations nettes obtenues dans le cadre de ces partenariats1. Dans la mesure où les données disponibles le permettent, les performances sont analysées selon quatre dimensions : l’augmentation de l’accès et de la couverture, la qualité du service, l’efficacité opérationnelle et le niveau des tarifs, sachant que l’analyse 1. L’étude n’évalue pas si les opérateurs ont atteint les objectifs contractuels. Il s’agit là d’un autre débat, important mais tout à fait différent, qui n’est pas le sujet de cette étude. 14 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains de chacune de ces dimensions pose certaines difficultés inhérentes dont il est tenu compte. Le terme partenariat public-privé étant utilisé dans des sens différents dans la littérature, il est important de préciser ce dont parle ce rapport. Les PPP analysés ici sont ceux dans lesquels la fourniture des services urbains d’eau et d’assainissement est déléguée par contrat à un opérateur privé, qui reprend habituellement la gestion d’une compagnie existante. L’échantillon comprend des cas de privatisation (les infrastructures sont vendues à des investisseurs privés), de concession (les fonctions d’opération et d’investissement sont confiées à un opérateur privé), d’affermage (une compagnie privée nouvellement créée exploite des installations publiques et encaisse des recettes qu’elle partage avec l’entité publique propriétaire, qui reste chargée des investissements), de contrat de gestion (les services sont fournis par une compagnie publique gérée par un opérateur privé), et de société d’économie mixte (un opérateur privé acquiert une part minoritaire d’une compagnie des eaux et gère l’entreprise pour le compte des autorités locales en partageant les gains financiers avec le partenaire public). Le rapport traite des PPP dans le secteur de l’eau pour des raisons de simplicité — car, dans la plupart des cas, les services d’assainissement constituaient une activité secondaire (ou inexistante) — et les données sur l’assainissement sont fournies lorsqu’elles sont disponibles. L’étude ne couvre pas plusieurs autres formes de participation du secteur privé, par exemple les contrats se limitant à la construction, au financement et à l’exploitation d’usines d’épuration de l’eau et de traitement des eaux usées (projets BOT — construction, exploitation, transfert — ou similaires), ni les contrats de service et d’assistance technique. Elle ne comprend pas non plus les cas dans lesquels une partie des actions d’une compagnie publique ont été vendues à des investisseurs privés sans transfert des pouvoirs de gestion à un acteur privé. Enfin, seuls les PPP portant sur des services d’eau et d’assainissement urbains desservant au moins 25 000 personnes ont été examinés, ce qui exclut les nombreux petits opérateurs qui desservent une population importante dans les zones périurbaines des pays en développement, et qui relèvent souvent du secteur informel. Cette étude n’a pas vocation à être un guide pratique, ni un catalogue de tous les PPP mis en œuvre dans le secteur de la distribution d’eau urbaine. Elle ne prétend pas non plus évaluer de façon systématique les performances relatives des modes de gestion publics et privés, bien que dans les quelques cas où ces informations sont disponibles et pertinentes, des comparaisons soient réalisées. Enfin, il importe de garder à l’esprit qu’un PPP n’est qu’une solution parmi beaucoup d’autres permettant d’obtenir de meilleurs résultats, et son efficacité dépend de la présence de tout un ensemble d’autres mesures (politiques sectorielles, mécanismes de régulation, instruments de financement, subventions et programmes ciblés sur les pauvres), qui sont importantes mais sortent du cadre de la présente étude. Le chapitre 2 retrace l’historique des PPP du secteur de l’eau dans les pays en développement et présente la situation actuelle du marché, le pourcentage de contrats résiliés et l’évolution du secteur. Le chapitre 3 Introduction 15 examine les résultats des PPP sur le plan de l’accès, de la qualité du service, de l’efficacité opérationnelle et des tarifs. Le chapitre 4 tire des conclusions et des enseignements sur les moyens de faire des partenariats public-privé une solution plus viable pour améliorer les services d’eau et d’assainissement dans les pays en développement. 16 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains 2. ÉVOLUTION DES PPP DU SECTEUR DE L’EAU DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT La controverse suscitée par la gestion privée des services d’eau dans les PED est pour une grande part profondément ancrée dans l’histoire. Au XIXe siècle et au début du XXe siècle, les réseaux urbains d’alimentation en eau de nombreuses villes d’Amérique et d’Europe (ainsi que des colonies ou des dépendances) ont été financés, construits et exploités par des entreprises privées qui en étaient propriétaires. Bon nombre de ces compagnies privées ont abusé de leur situation de monopole, souvent en limitant les investissements et en négligeant la qualité du service. Il n’est guère étonnant que ces compagnies aient finalement été nationalisées pratiquement partout. Il y a une vingtaine d’années, les services d’eau privés avaient tous disparu, à l’exception d’une petite part du marché au Royaume-Uni et aux États-Unis. En France et en Espagne toutefois, une autre forme de participation des entreprises privées aux services d’eau, différente de la privatisation pure et simple, s’était développée il y a un peu plus d’un siècle. L’idée était celle d’un partenariat dans lequel les pouvoirs publics locaux déléguaient la gestion d’une compagnie des eaux à un opérateur privé, tout en conservant la propriété des actifs. Différents types de contrats se sont développés, comportant des niveaux de responsabilité et de risque divers pour le partenaire privé, allant de la concession au contrat de gestion. En France, le concept le plus original a probablement été l’affermage (une compagnie privée nouvellement créée gère un réseau appartenant à une entité publique et reçoit les recettes qu’elle partage avec l’entité publique propriétaire, laquelle continue de réaliser les investissements), tandis qu’en Espagne sont apparues des sociétés d’économie mixte. En dehors des concessions, les investissements restent entre les mains des autorités locales, 17 qui peuvent ainsi garder la maîtrise du réseau et de son extension — élément essentiel des plans d’urbanisme — tout en étant libérées de la gestion courante de la compagnie. Dans les pays aujourd’hui en développement, le secteur privé a également joué un rôle majeur dans la construction des premiers réseaux d’eaux urbains, souvent par le truchement d’investisseurs étrangers. Durant la première moitié du XXe siècle, un phénomène identique s’est produit avec un retour des compagnies des eaux à une gestion et un contrôle publics. Néanmoins, en Afrique, plusieurs compagnies des eaux privées sont restées en place après l’indépendance. Le secteur de l’eau dans les années 90 À la fin des années 80, les infrastructures d’alimentation en eau de la plupart des villes du monde en développement étaient de plus en plus confrontées à des problèmes de qualité, de fiabilité et de couverture. Pour satisfaire les besoins des populations urbaines en pleine expansion, il était nécessaire d’investir massivement dans l’extension des réseaux, ce que peu de compagnies publiques avaient les moyens de faire, et le rationnement de l’eau était en train de devenir la norme. Conséquence des ingérences politiques et du clientélisme, les compagnies de service public se sont retrouvées avec des employés trop nombreux et peu motivés, conduisant à une baisse de la productivité et de la qualité du service. Les pouvoirs publics, tant au niveau local que national, avaient pris le parti, politiquement bien commode, de laisser l’inflation faire descendre les tarifs très en dessous du niveau de récupération des coûts. Beaucoup d’entreprises, dominées par une culture d’ingénieur civil, préféraient s’occuper de construire de grands ouvrages hydrauliques plutôt que de les exploiter ensuite. Les investissements étant financés principalement par des transferts budgétaires du gouvernement central et non pas par les recettes de facturation, la qualité du service aux clients ne constituait pas une priorité. Un cercle vicieux s’est instauré : sans entretien, les installations se sont détériorées, les interruptions du service se sont multipliées et la qualité de l’eau s’est dégradée. Mécontents du service, les clients ne payaient pas leurs factures d’eau et s’opposaient aux augmentations de tarif, diminuant encore les recettes encaissées. Dans le même temps, les budgets nationaux des pays en développement se sont resserrés, privant le secteur de ses sources habituelles de financement des investissements. Au début des années 90, la situation était devenue intenable, mais aucune solution ne semblait pouvoir venir des monopoles d’État en place. Même si les politiciens étaient d’accord sur le fait que les tarifs auraient dû être relevés pour améliorer l’accès au réseau et la qualité du service, ils avaient une maigre confiance dans la capacité de leurs compagnies des eaux publiques à utiliser cet argent d’une manière qui profite à la population. Les groupes d’intérêt qui avaient fini par contrôler un grand nombre de ces entreprises étaient naturellement partisans du statu quo. Souvent, les ménages suffisamment aisés avaient investis dans d’autres sources d’approvisionnement (puits privés) ou s’étaient équipés en conséquence (réservoirs de stockage sur les toits, filtres), et étaient peu disposés à payer 18 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains plus. Les pauvres, qui n’en avaient pas les moyens, étaient laissés-pour-compte. Les gouvernements centraux et les bailleurs de fonds sont devenus de moins en moins enclins à injecter des fonds publics dans les services d’eau urbains. Pour sortir de cette impasse, il a semblé judicieux de mettre les services d’eau sous gestion privée — dans le cadre de contrats définissant précisément les obligations de service et les incitations financières applicables à l’opérateur. Financement privé des infrastructures d’eau Dans quelques pays tels que le Chili, la Nouvelle-Zélande et le Royaume- Uni, des compagnies publiques d’autres secteurs d’infrastructure avaient été privatisées dans les années 80, et les premiers résultats laissaient penser que la privatisation pourrait être une solution pour remettre sur les rails des compagnies publiques peu performantes. L’idée était qu’un opérateur privé ferait mieux marcher l’entreprise parce qu’il recherchait le profit et que son contrat contiendrait des objectifs et des moyens clairs et cohérents, alors qu’une entreprise d’État était soumise à des objectifs multiples et souvent contradictoires (Harris 2003). Le fait de séparer la politique générale et la régulation (qui continueraient d’échoir aux pouvoirs publics) de la fourniture des services (qui serait confiée à l’opérateur privé) introduirait une certaine responsabilisation, qui faisait largement défaut sous le régime de la régie publique, du fait de la séparation des fonctions entre partenaires. La réforme des compagnies des eaux peu performantes devait procurer des gains suffisants pour permettre aux opérateurs privés de financer directement les investissements nécessaires pour relever la qualité du service et donner à un plus grand nombre de ménages pauvres accès à un réseau d’eau potable. La participation du secteur privé s’est rapidement développée au début des années 90 dans les secteurs des télécommunications, de l’électricité et des transports, apportant des volumes très importants de capitaux privés. Le secteur de l’eau et de l’assainissement semblait aussi être un bon candidat, malgré les difficultés qui lui étaient spécifiques. La concurrence devait être limitée à la phase d’attribution des marchés dans la mesure où les services d’eau et d’assainissement constituaient un monopole naturel. Les réseaux enterrés étant difficiles à évaluer, l’élaboration des plans d’investissement comportait une grande part d’incertitude. Les tarifs étaient généralement très bas (en pratique, inférieurs au niveau de récupération des coûts), et le secteur dans son ensemble était miné par des spécificités sociales et culturelles très enracinés. La privatisation des services d’eau en Angleterre et au Pays de Galles intervenue en 1989 a beaucoup contribué à convaincre les responsables politiques que le financement privé des services d’eau urbains pouvait être une solution viable. Cet événement a eu une portée considérable au sein du secteur : les marchés internationaux des capitaux ont levé des quantités massives de fonds privés, et un nouveau cadre de régulation économique a été mis en place (encadré 2.1). Pour de nombreux observateurs, il s’agissait là d’une approche prometteuse susceptible d’être reproduite à grande échelle dans le monde en développement, dont les immenses besoins d’investissement exigeaient une masse d’argent considérable. Évolution des ppp du secteur de l’eau dans les pays en développement 19 Encadré 2.1 Mise en place d’un cadre de régulation moderne : la privatisation des services d’eau en Angleterre et au Pays de Galles en 1989 En Angleterre et au Pays de Galles, 29 compagnies des eaux privées opéraient encore à la fin des années 80, desservant environ un quart des habitants. Pour le reste de la population, les services d’alimentation en eau et d’assainissement étaient assurés par dix agences publiques régionales, qui avaient été créées par le regroupement (par bassins hydrologiques) de 1 400 services d’eau et d’assainissement publics en vertu de la Loi sur l’eau de 1973. En 1989, les agences régionales de l’eau en Angleterre et au Pays de Galles ont été transformées en dix sociétés de droit privé. Elles se sont vu confier les services aussi bien d’alimentation en eau que d’assainissement dans leurs zones respectives ; leurs actions ont été vendues dans le cadre d’une grande introduction en Bourse. Cette opération a représenté la plus importante cession d’actifs au secteur privé jamais réalisée dans le domaine de l’eau et de l’assainissement, et elle a pris une forme fondamentalement différente de celle réalisée en France et en Espagne. La réforme a accordé aux investisseurs privés non seulement les licences d’exploitation des réseaux et le droit de facturer les abonnés, mais aussi la propriété pleine et entière des infrastructures. La privatisation s’est accompagnée de la création de l’Office des services d’eau (OFWAT), une instance de régulation propre au secteur. Cet office était chargé de mettre en application un mécanisme de régulation économique original, fondé sur la méthode dite du plafonnement des prix, avec des révisions de tarif tous les cinq ans. Pour chaque compagnie privée, l’office fixait l’évolution des tarifs pour les cinq années suivantes en fonction des objectifs d’amélioration de l’efficacité. Si l’une d’entre elles parvenait à réduire les coûts en dessous du niveau défini par l’office, elle serait autorisée à conserver les économies réalisées pendant ces cinq années. Puis, au moment de la révision tarifaire suivante, les prix seraient ajustés de manière que les économies réelles puissent être répercutées sur les clients. Il s’agissait là d’un changement majeur par rapport à la tarification au prix de revient majoré qui était auparavant utilisée pour la régulation économique des prestataires privés. Évolution des PPP dans le secteur de l’eau depuis 1990 L’évolution des partenariats public-privé pour les services d’eau dans les pays en développement et en transition s’est opérée en plusieurs phases. Les premiers marchés attribués au début des années 90 ont ouvert une véritable brèche au cours de cette décennie. Puis, l’enthousiasme est un peu retombé avec l’apparition de problèmes dans plusieurs PPP à forte visibilité, et depuis 2001, le marché a progressivement pris une orientation différente. 20 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains La première vague de PPP dans le secteur de l’eau À la fin des années 80, la plupart des grandes compagnies des eaux privées avaient disparu dans les pays en développement. La seule exception notable était la Côte d’Ivoire, où la Société d’aménagement urbain et rural (SAUR), opérateur privé, était présente depuis 1960 et gérait la Société de distribution d’eau de Côte d’Ivoire (SODECI), compagnie nationale des eaux privée, dans le cadre d’un contrat d’affermage. Puis, vers la fin des années 80, la Guinée a sollicité une aide de la Banque mondiale pour suivre l’exemple de la Côte d’Ivoire, ce qui a conduit en 1989 à l’attribution à la SAUR d’un contrat d’affermage de dix ans. Aux termes de cet arrangement, l’opérateur privé devait être chargé d’améliorer la qualité du service et l’efficacité opérationnelle, tandis que les investissements resteraient du ressort de la puissance publique. Toutefois, c’est en Amérique latine que les PPP dans le secteur de l’eau ont véritablement pris leur essor. Plusieurs grands pays sud-américains avaient entrepris de réformer leur secteur de l’eau dans les années 80, démantelant leurs compagnies nationales pour créer des entités décentralisées au niveau des provinces (comme en Argentine ou au Venezuela) ou des communes (en Colombie). Ces réformes se sont révélées en grande partie décevantes, car le transfert de compétences à des autorités locales mal préparées a souvent entraîné une chute des investissements. Un vaste processus de libéralisation économique était également engagé dans la région à cette époque, et la participation du secteur privé se développait à grande échelle dans les services d’infrastructure. Confrontées à d’immenses besoins d’investissement, les autorités gouvernementales voyaient surtout dans le secteur privé une source possible de financements pour les services d’eau urbains. Le premier partenariat public-privé dans le secteur de l’eau pendant cette période en Amérique latine a été une concession accordée en 1991 pour la province de Corrientes, en Argentine, à un consortium dirigé par un opérateur britannique tout juste privatisé (Thames Water). Cette première initiative relativement modeste a été suivie par deux tentatives beaucoup plus ambitieuses, avec le lancement d’appels d’offres pour la concession des compagnies des eaux de deux grandes capitales : Caracas (Venezuela) et Buenos Aires (Argentine). Si la procédure n’a finalement pas abouti pour Caracas, le marché pour les services d’eau de l’agglomération de Buenos Aires a bien été attribué à un consortium qui a commencé ses opérations en mai 1993, avec l’engagement d’investir quatre milliards de dollars sur les 30 années de la concession — un montant sans précédent pour l’industrie de l’eau dans un pays en développement. L’engouement initial pour les PPP dans le secteur de l’eau L’attribution de la concession de Buenos Aires a déclenché un engouement important. Le concessionnaire a rapidement obtenu de bons résultats après avoir pris les commandes. Les problèmes récurrents de rationnement de l’eau pendant les mois d’été ont été résolus dès la première année, et plus d’un million d’habitants ont été raccordés au réseau au cours des quatre premières années d’opération privée, permettant de rattraper le taux moyen de couverture national (Ducci 2007). Évolution des ppp du secteur de l’eau dans les pays en développement 21 Une série de PPP pour des services d’eau ont été conclus pendant les trois années suivantes dans des PED aux quatre coins du monde. Parmi les plus importants, on peut citer Cancun (Mexique) et Gdansk (Pologne) en 1994 ; l’État de Kelantan (Malaisie) et la province de Santa Fe (Argentine) en 1995 ; le Sénégal, Manille (Philippines), Cartagena (Colombie), et Aguascalientes (Mexique) en 1996 ; et le Gabon, Cordoba (Argentine), La Paz–El Alto (Bolivie), Budapest (Hongrie), Barranquilla (Colombie), et Casablanca (Maroc) en 1997. À l’exception de la concession de Cancun, tous les marchés ont été attribués à des opérateurs étrangers. Comme on le voit sur la figure 2.1, le nombre de nouveaux contrats conclus a progressé de façon régulière, et la population desservie par des opérateurs privés est passée de six millions en 1991 à 93 millions en 2000. De plus en plus de collectivités publiques se sont mises à déléguer la gestion de leurs services d’eau urbains à des opérateurs privés. Le nombre de pays en développement ayant mis en route des PPP dans le secteur de l’eau a été multiplié par dix : de quatre pays en 1991, on était arrivé à 38 en 20002. Au début, seuls quelques cas isolés d’annulation anticipée se sont produits (la province de Tucuman en Argentine et l’État de Kelantan en Malaisie). Durant cette période, l’Amérique latine a fait figure de leader, comptant pour 43 millions (45 %) sur les 93 millions de personnes desservies en eau par des opérateurs privés dans les PED en 2000. À cette date, l’Argentine était devenue de loin le marché le plus important en taille, avec pas moins de 18 millions d’habitants (soit plus de la moitié de la population urbaine) desservis par des opérateurs privés. Les autres régions arrivaient loin derrière avec 14 millions de personnes desservies en Asie (Manille et Jakarta), 16 millions en Afrique subsaharienne, 13 millions en Europe orientale et Asie centrale, et seulement sept millions au Moyen-Orient et Afrique du Nord. Apports de capitaux privés : des attentes irréalistes Les premiers chiffres publiés sur le financement privé des infrastructures dans le secteur de l’eau étaient encourageants. Entre 1990 et 2000, les projets financés par des investissements privés se sont engagés à injecter près de 43,2 milliards de dollars dans les services d’eau des pays en développement3. Les observateurs ont conclu que les institutions financières internationales 2. Il s’agit de pays dans lesquels au moins un PPP assurait la desserte en eau de plus de 100 000 personnes. Avant 1991, ces partenariats (tels que définis dans la présente étude) dans les pays en développement étaient principalement limités à la Côte d’Ivoire, à Macao (alors sous administration portugaise), à la Guinée (depuis 1988), et au Chili (Lo Castillo, un quartier aisé de Santiago). 3. Les montants d’investissement figurant dans la base de données des projets PPI (participation privée dans les infrastructures) de la Banque mondiale/PPIAF (en dollars 2007) concernent les contrats dans lesquels les partenaires privés participent à hauteur d’au moins 25 % dans le projet d’après les informations publiques disponibles. Les opérations de privatisation sont prises en compte à partir de 5 % du capital détenu par des investisseurs privés. Les contrats dans lesquels l’exploitation a été déléguée au secteur privé mais sans obligation d’investir (ou avec un niveau d’obligation inférieur au seuil déjà indiqué) ne sont pas inclus dans les montants d’investissement de la base de données PPI. 22 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Figure 2.1 Nouveaux PPP conclus et populations urbaines desservies en eau dans les pays en développement, par région, 1991–2000 100 35 population desservie (en millions) nombre de nouveaux contrats 30 80 25 60 20 40 15 10 20 5 0 0 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 Moyen-Orient et Afrique du Nord Europe et Asie centrale Amérique latine Asie de l’Est et Pacifique Afrique subsaharienne Nouveaux PPP conclus Source : calculs de l’auteur basés sur la base de données des projets PPI (participation du secteur privé à la fourniture de services d’infrastructure), Banque mondiale/PPIAF. pouvaient réduire les crédits souverains au secteur, et apporter à la place un soutien par le biais d’instruments de financement privé. Ces espoirs ne se sont pas concrétisés. Par rapport aux autres secteurs d’infrastructure, les capitaux privés injectés dans les services d’eau urbains ont été limités, avec 5,4 % seulement du total des engagements d’investissement dans des infrastructures privées entre 1990 et 2000. Seules quelques sociétés privées étaient présentes, et les cinq plus actives (Suez, SAUR, Veolia, Thames Water et Agbar) représentaient 90 % du total des engagements d’investissement pendant la période 1991–1997. En outre, les engagements d’investissement correspondaient au total des investissements prévus sur toute la durée des contrats (souvent 30 ans), et la plupart des engagements portaient sur quelques PPP de grande envergure, comme ceux engagés au Chili, à Buenos Aires (Argentine), et à Manille (Philippines), comptant pour près de la moitié du total. Enfin, beaucoup de concessionnaires n’ont pas pu obtenir les prêts de financement de projet (sans recours) qu’ils espéraient initialement et leur capacité de financement s’est trouvée limitée par la taille de leur bilan. En fin de compte, les investissements privés se sont avérés très inférieurs à ce qui était prévu au départ. Évolution depuis 2001 L’année 2001 a marqué un tournant pour les PPP du secteur de l’eau (figure 2.2), du fait des retombées de la grave crise économique en Argentine, principal marché des opérateurs privés de l’industrie de l’eau à cette époque. Évolution des ppp du secteur de l’eau dans les pays en développement 23 Figure 2.2 Nouveaux PPP conclus et populations urbaines desservies en eau dans les pays en développement, par région, 1991–2007 175 30 population desservie (en millions) nombre de nouveaux contrats 150 25 125 20 100 15 75 10 50 25 5 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 199 199 199 199 199 199 199 199 199 200 200 200 200 200 200 200 200 Moyen-Orient et Afrique du Nord Europe et Asie centrale Amérique latine Asie de l’Est et Pacifique Afrique subsaharienne Nouveaux PPP conclus Source : calculs de l’auteur basés sur la base de données PPI. Le nombre de contrats conclus a chuté l’année suivante, et en 2003–2005, les nouvelles activités se sont concentrées essentiellement dans quatre pays (Chili, Chine, Colombie et Fédération de Russie). Depuis 2006, le nombre de marchés attribués chaque année est redescendu aux niveaux d’avant 1999, et les nouveaux contrats concernent quelques pays, la Chine largement en tête. Malgré la diminution du nombre de nouveaux contrats conclus, la taille de la population desservie en eau par des opérateurs privés a continué toutefois à progresser. Elle est passée d’environ 94 millions en 2000 à 160 millions de personnes en 2007 selon les estimations. Cette croissance s’explique par deux facteurs : premièrement, beaucoup des nouveaux contrats attribués au cours des cinq dernières années l’ont été pour de grandes compagnies de services urbains, et deuxièmement, beaucoup d’opérateurs ont notablement augmenté leur nombre d’abonnés dans le cadre de contrats existants. Fin 2007, plus de 220 partenariats public-privé étaient en cours pour les services d’eau dans 41 pays en développement ou émergents. Les PPP du secteur de l’eau ont pris des formes différentes, selon le pays ou la région, en fonction des spécificités des réformes, des risques associés au pays, des marchés financiers, et de l’économie politique locale. Entre 2000 et 2007, le nombre de clients desservis dans le cadre de PPP a diminué en Amérique latine, passant de 44 millions à 39 millions, mais il a bondi au contraire de 14 millions à 50 millions en Asie de l’Est, région qui est devenue aujourd’hui le premier 24 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains marché du monde pour les opérateurs privés de services d’eau. Il a augmenté aussi dans toutes les autres régions, pour passer de 15 à 25 millions en Afrique subsaharienne, de 15 à 29 millions en Europe orientale et Asie centrale, et de sept à 13 millions au Moyen-Orient et Afrique du Nord. Cette évolution s’est accompagnée d’un changement progressif dans les dispositions financières des nouveaux contrats attribués, qui ont de plus en plus souvent combiné des financements publics et privés, sous la forme soit de contrats d’affermage (Afrique et Europe orientale), soit de concessions dans lesquelles les pouvoirs publics contribuent pour une part non négligeable au financement des investissements (par exemple en Colombie). Contrairement au modèle de concession qui dominait dans les années 90, cette seconde génération de PPP fait de plus en plus appel aux deniers publics pour financer les investissements. On trouve bien des financements privés dans des infrastructures d’alimentation en eau, par exemple au Brésil, au Chili, en Chine, en Colombie, en Malaisie, au Maroc et aux Philippines, mais ils sont concentrés dans des pays où les opérateurs ont pu obtenir des emprunts de longue durée libellés dans la monnaie locale. Figure 2.3 Situation des PPP du secteur de l’eau — en cours, expirés et résiliés, par région, 2007 a) Répartition des PPP du b) PPP du secteur de l’eau, par région secteur de l’eau résiliés 120 9% expirés 90 7% 60 PPP 30 0 –30 ne que rd tine rale No rien cifi t e la cen du a a en cours riqu sah et P sie ue 84 % sub iq é et A Est Am Afr ue e l’ ope t et iq ed Afr Eur ien Asi -Or yen Mo en cours résiliés expirés Source : calculs de l’auteur basés sur la base de données PPI. Évolution des ppp du secteur de l’eau dans les pays en développement 25 PPP résiliés avant terme et PPP expirés Le fait que plusieurs PPP à forte visibilité aient traversé de graves difficultés ayant abouti à la résiliation anticipée des contrats a donné l’impression que beaucoup de PPP du secteur de l’eau avaient des problèmes et étaient annulés dans les PED. Certes, les PPP n’ont pas toujours fonctionné aussi bien que ce qui était prévu dans les contrats, et plusieurs se sont terminés par un échec. Mais en y regardant de plus près, on constate que seule une minorité de PPP ont été résiliés par anticipation. La figure 2.3 montre la situation à fin 2007 de tous les partenariats public-privé conclus dans l’industrie de l’eau depuis 1990 dans les PED : 228 étaient encore en cours, 18 étaient arrivés à échéance (avec le service d’eau revenant sous gestion publique à la fin du contrat), et 22 avaient été résiliés avant terme. La plupart des PPP pour des services d’eau urbains sont encore en place Quelque 84 % des contrats conclus depuis 1990 étaient encore actifs à la fin 2007. Deux seulement (les concessions de Mendoza et Catamarca en Argentine) étaient signalés comme étant en difficulté fin 2007 selon la base de données PPI4. Les autres contrats ayant connu de graves difficultés avaient soit été résilié les trois années précédentes, soit les conflits avaient été résolus (généralement par la sortie d’un opérateur étranger et la cession à des investisseurs locaux). Seulement 9 % des PPP conclus depuis 1991 ont été résiliés avant leur terme suite à des conflits entre les pouvoirs publics et l’opérateur5. Ce chiffre est raisonnable compte tenu des conditions souvent très difficiles dans lesquelles les opérateurs privés ont repris les opérations ainsi que de l’importance du facteur humain (à savoir, les bonnes relations entre les partenaires) pour la réussite d’un partenariat, quel qu’il soit. Enfin, dans 7 % des cas — la plupart du temps des contrats de gestion de court terme — les services des eaux sont retournés sous gestion publique à l’expiration du contrat6. Environ 205 millions de personnes ont été desservies en eau par un PPP à un moment ou à un autre au cours des 15 dernières années. Une fois déduits les 160 millions toujours desservis fin 2007, il reste autour de 45 millions d’habitants qui sont actuellement desservis par des compagnies des eaux revenues sous gestion publique après avoir expérimenté la gestion déléguée à un opérateur privé (25 millions dans le cadre de contrats résiliés avant terme, et 20 millions dans le cadre de contrats arrivés à leur terme)7. 4. La base de données PPI considère qu’un projet est en difficulté quand la sortie du secteur privé a été officiellement demandée, ou en cas de différend majeur. 5. Le taux de résiliation anticipée est de 14 % pour les contrats conclus avant 1998, et de 9 % pour les contrats conclus entre 1998 et 2002. 6. Les PPP expirés mais ayant été suivis d’un autre contrat de PPP (exemple : remplacement d’un contrat de gestion par un contrat d’affermage ou une concession) ne sont pas comptabilisés dans ce pourcentage. 7. Ce chiffre comprend plusieurs grands contrats, notamment celui de Buenos Aires (8,5 millions d’habitants desservis), qui a été la plus grande concession jamais accordée dans un pays en développement et qui a été annulée en 2006. 26 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Tableau 2.1 Grands PPP ayant abouti à un retour sous gestion publique entre 1990 and 2007 Population Contrats résiliés Contrats expirés desservie Région avant terme et non renouvelés (en millions) Afrique République centrafricaine, Guinée, Guinée-Bissau, 17,0 subsaharienne Tchad, Comores, Gambie, Madagascar, Zambie, Mali, Rwanda, Dar es Johannesburg (Afrique Salaam (Tanzanie) du Sud), Kampala (Ouganda) Asie de l’Est Kelantan (Malaisie) 0,5 et Pacifique, Asie du Sud Moyen-Orient Hebron (Cisjordanie Amman (Jordanie), Gaza 3,5 et Afrique et Gaza) (Cisjordanie et Gaza), du Nord Tripoli (Liban) Amérique Buenos Aires, Santa Fe, Guyana, Trinidad, 20,0 latine province de Buenos Aires Lara & Monagas (2), Tucuman (Argentine), (Venezuela) La Paz–El Alto, Cochabamba, (Bolivie), Punta del Este (Uruguay) Europe et Antalya (Turquie), Kosovo, Elbasan 4,0 Asie centrale Borsodviz (Hongrie), (Albanie) Vladivostok, Volgograd (Fédération de Russie) Source : auteur. Note : seuls sont pris en compte les PPP desservant plus de 150 000 habitants. Ne figure pas non plus la concession de Manille-Ouest (Philippines), qui a été annulée en 2005 mais réattribuée à un autre opérateur privé l’année suivante. Les PPP annulés sont surtout concentrés en Amérique latine et en Afrique subsaharienne Les PPP annulés sont concentrés en Amérique latine et en Afrique subsaha- rienne. Le tableau 2.1 donne la liste des principales résiliations et non- renouvellements de contrats — ceux qui couvraient une population d’au moins 150 000 personnes. En Amérique latine, la moitié des annulations ont eu lieu en Argentine, tandis que le taux global d’annulations pour la région s’élève à 10 %, ce qui correspond à la moyenne mondiale. En Afrique subsaharienne, Évolution des ppp du secteur de l’eau dans les pays en développement 27 environ la moitié des PPP conclus ont été résiliés avant terme ou ont expiré avec un retour sous gestion publique — un taux élevé qui peut s’expliquer par l’environnement général peu favorable aux réformes. Il convient également de noter que la plupart des PPP annulés en Afrique ont concerné des compagnies de services combinés d’électricité et d’eau, où la part des services d’eau dans l’activité était secondaire8. Si l’on regarde les PPP des services d’eau et d’électricité combinés, le taux de contrats encore en cours n’est que d’environ 20 %, la moitié des contrats ayant été résiliés par anticipation, alors que pour les PPP ne portant que sur des services d’eau, le pourcentage de contrats encore en cours atteint 90 %. Motifs des résiliations anticipées de contrats Dans la plupart des cas, la résiliation anticipée était due à un manquement sérieux aux obligations contractuelles de la part de l’une des parties ou des deux, ayant abouti à une dégradation telle des relations entre les partenaires qu’ils ont choisi de mettre fin au contrat. Un pourcentage significatif de ces PPP ont été résiliés après de nombreuses années de fonctionnement, et l’annulation du contrat a généralement été la conséquence de difficultés à adapter le contrat à l’évolution de la situation dans le temps. Un certain nombre d’autorités gouvernementales n’étaient plus satisfaites du mode de fonctionnement des PPP et ont eu l’impression qu’elles pourraient mieux résoudre les problèmes en reprenant le contrôle direct des opérations. Le nombre important d’annulations de concessions en Amérique latine s’explique probablement en partie par la frénésie qui s’était emparée du marché dans les années 90 : une poignée de compagnies privées ont présenté des offres trop optimistes afin de remporter des contrats. Plusieurs cas de résiliation peuvent être imputés à des contrats dont les conditions n’étaient pas viables, ou pour lesquels les modalités d’attribution ont conduit à des conditions financière irréalistes, ou les deux. Citons comme exemple le contrat de Cochabamba (Bolivie), attribué à l’issue d’un appel d’offres dont tous les soumissionnaires ont fini par se retirer, sauf un. Pour réaliser les gigantesques investissements demandés à l’opérateur privé, de fortes hausses de tarif étaient nécessaires, ce qui s’est révélé impossible sur le plan social et a entraîné l’échec rapide du contrat. Les PPP arrivés à leur terme et non renouvelés, avec un retour à une gestion publique, représentent 7 % des cas. Ils doivent être clairement distingués des contrats résiliés de façon anticipée. Il s’est agi en grande majorité de contrats de gestion de courte durée, prévoyant une délégation de compétences limitée. Les raisons pour lesquelles ces compagnies sont revenues à une gestion publique directe sont variées et pas nécessairement liées à l’incapacité de l’opérateur privé à améliorer la situation ou à satisfaire les attentes des pouvoirs publics — comme l’illustre le contrat de gestion conclu à Johannesburg, en Afrique du Sud, qui a obtenu d’excellents résultats (Marin, Mas et Palmer, 2009). 8. Cela a été le cas au Tchad, aux Comores, en Gambie, en Guinée-Bissau, à Madagascar, au Mali, au Rwanda, et à São-Tomé-et-Principe (soit une population totale d’environ 6,5 millions d’usagers). 28 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Figure 2.4 Populations urbaines desservies par des compagnies des eaux privées dans les pays en développement, par pays d’origine, 1991–2007 175 150 population (en millions) 125 100 75 50 25 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 199 199 199 199 199 199 199 199 199 200 200 200 200 200 200 200 200 pays en développement autres pays développés Espagne Royaume-Uni France Source : calculs de l’auteur. Arrivée de nouveaux opérateurs Dans les années 90, les appels d’offres portant sur des PPP dans le secteur de l’eau comprenaient en général des critères de pré-qualification relativement restrictifs, qui empêchaient souvent la participation d’investisseurs n’ayant pas d’expérience dans la gestion de grands réseaux urbains d’eau et d’assainisse- ment. On estimait que la distribution d’eau potable était un service trop essentiel pour être délégué à des investisseurs privés inexpérimentés. Comme seuls quelques pays développés avaient des opérateurs privés de services d’eau chevronnés à l’époque, cette prudence a eu pour résultat qu’en 2001, cinq grands groupes internationaux alimentaient en eau 80 % de la population desservie par des opérateurs privés dans les pays en développement9. Les choses ont beaucoup évolué entre 2001 et 2006, période au cours de laquelle de nouveaux opérateurs privés issus de pays émergents et en développement ont commencé à arriver sur le marché (figure 2.4). Depuis 2002, la population desservie par des opérateurs privés de PED n’a cessé de progresser, et ces derniers ont représenté l’essentiel de l’augmentation enregistrée pendant cette période (voir l’encadré 2.2), soit 55 millions de clients supplémentaires d’après les estimations de la présente étude ; dans le même temps, la population desservie par les grandes compagnies des eaux internationales est restée stable autour de 95 millions d’usagers depuis 2001. 9. Il s’agit du groupe Suez (36 %) qui se taille la part du lion, suivi de SAUR (15 %), Veolia (12 %), Agbar (11 %), et Thames Water (6 %). Évolution des ppp du secteur de l’eau dans les pays en développement 29 Encadré 2.2 Les nouveaux opérateurs privés de services d’eau issus de pays en développement Au début des années 90, la plupart des contrats ont été attribués à de grands opérateurs internationaux. En 1996, l’une des conditions d’attribution des concessions de Manille était que les sociétés concessionnaires soient détenues au moins à 60 % par des investisseurs locaux, ce qui a amené les sociétés internationales à s’associer à des partenaires locaux qui étaient majoritaires. Le partenariat a bien fonctionné pour la concession de Manille-Est ; l’opérateur étranger a transféré du savoir-faire, ce qui a permis l’émergence progressive d’un opérateur privé philippin de service des eaux, qui a mis en place une stratégie d’expansion en Asie par des PPP à partir de 2007. Pendant ce temps, en Amérique latine, les opérateurs nationaux se sont développés au départ en prenant en charge des réseaux d’eau qui n’intéressaient pas les grandes multinationales étrangères. En Argentine, Thames Water a laissé le contrôle de la concession de Corrientes à son partenaire local en 1995. Au cours des années suivantes, des investisseurs argentins ont remporté plusieurs appels d’offres pour des concessions provinciales (à Salta, Santiago del Estero, Formosa et La Rioja). Le même phénomène s’est amorcé en Colombie et au Brésil en 1998–1999 ; des entreprises de travaux publics qui étaient présentes dans le secteur de l’eau ont remporté des contrats de PPP à la suite d’appels d’offres dans lesquels tous les soumissionnaires étaient des investisseurs locaux. Dans tous ces cas, les autorités gouvernementales ont choisi d’assouplir les critères de préqualification pour renforcer la concurrence, en ayant recours à différents mécanismes pour garantir que le candidat retenu soit apte à gérer la compagnie des eaux. En Colombie, les soumissionnaires gagnants ont recruté du personnel technique expérimenté (souvent d’anciens dirigeants et ingénieurs de compagnies publiques). En Argentine, les investisseurs qui ont remporté la concession de Salta ont conclu un contrat d’assistance technique avec une compagnie des eaux reconnue (SANEPAR, société d’État du Paranà, au Brésil). Les opérateurs nationaux ont gagné du terrain en Amérique latine après 2000 car leurs premières expériences se sont révélées encourageantes. Entre 2001 et 2004, les investisseurs colombiens ont remporté pratiquement tous les contrats de PPP attribués dans ce pays dans le cadre du Programme de modernisation des entreprises (PME). Le schéma s’est reproduit au Chili durant la deuxième vague de PPP en 2002–2004. Plusieurs opérateurs sont devenus des acteurs nationaux significatifs en remportant plusieurs contrats. Ces dernières années, les investisseurs nationaux n’ont pas cessé d’augmenter leur part de marché après le départ de plusieurs opérateurs internationaux. C’est ce qui s’est passé avec le retrait de Suez (suite) 30 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Encadré 2.2 Les nouveaux opérateurs privés de services d’eau issus de pays en développement (suite) à Manaus et Limeira (Brésil) et à Cordoba (Argentine), avec Agbar à Campo Grande (Brésil), et d’Anglian et Thames Water au Chili. Dans les autres pays en développement, d’autres schémas ont émergé. De grands groupes privés ont négocié directement des contrats de PPP portant sur de grandes compagnies des eaux. Cela a été par exemple le cas en Malaisie, où les concessions pour l’État de Johor (2001), pour l’État de Selangor et pour Kuala Lumpur (2004) ont été vendues à des sociétés nationales. En Russie, les PPP se sont développés depuis 2003 par négociation directe, essentiellement au profit de deux compagnies (RKS et Rosvodokanal) qui avaient des liens avec de grands groupes énergétiques. En Inde, le groupe Tata est un cas de figure encore différent ; il assure les services d’eau dans la ville industrielle de Jamshedpur depuis le XIXe siècle. Les services d’eau étaient fournis autrefois par une branche de Tata Steel mais une compagnie des eaux séparée a été créée en 2004. Forte progression des opérateurs privés des pays en développement En 2007, les compagnies privées des pays en développement desservaient en eau pas moins de 67 millions de personnes, soit plus de 40 % du marché. Ce chiffre est inférieur à la réalité car il ne comprend pas la Chine, où les PPP répertoriés, qui concernent plus de 24 millions d’habitants, sont basés sur un contrôle partagé entre l’opérateur international et les investisseurs locaux (lesquels détiennent une part majoritaire), et où certains opérateurs nationaux desservant les petites villes n’ont peut-être pas été pris en compte. Il ne comprend pas non plus les deux grandes compagnies privées de Côte d’Ivoire (SODECI) et du Sénégal (Sénégalaise des Eaux, ou SDE), qui desservent ensemble plus de 13 millions d’usagers. Bien qu’elles soient contrôlées par un opérateur étranger, la SODECI et la SDE sont fondamentalement des entreprises africaines dirigées par des nationaux et dont une bonne partie du capital appartient à des investisseurs locaux. De nombreux opérateurs privés de services d’eau de pays en développe- ment ou émergents sont aujourd’hui devenus des acteurs de premier plan, et certains commencent à s’intéresser au marché régional. Ainsi, Latinaguas (Argentine) a remporté la concession pour la ville de Tumbes (Pérou) en 2005, et l’ONEP (Office national de l’eau potable, au Maroc) a obtenu un contrat d’affermage deux ans plus tard pour la compagnie nationale des eaux du Cameroun. Les opérateurs malais explorent activement les marchés à l’étranger, et ont même acheté une compagnie des eaux anglaise en 2002. Le tableau 2.2 présente les acteurs les plus importants du marché identifiés dans cette étude, qui desservent au moins 400 000 personnes. Évolution des ppp du secteur de l’eau dans les pays en développement 31 32 Tableau 2.2 Principaux opérateurs privés de services d’eau issus des pays en développement (hors Chine) Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Début des Population desservie Pays Exploitant (national) activités Principaux contrats (villes, États et provinces) (en millions) Malaisie Puncak Niaga 2004 Kuala Lumpur et État de Selangor 6,5 Ranhill 2001 État de Johor 2,9 YTL 2002 Wessex Water (R.-U.) 2,5 Salcon 2005 Changle (Chine), Linyi (Chine) 0,7 Philippines Manila Water 1996 Manille-Est 3,0 DMCI–MPIC 2006 Manille-Ouest 3,0 Indonésie PTJ 2006 Jakarta-Est 3,1 Inde Groupe Tata 2003 Jamshedpur 0,4 Fédération Rosvodokanal 2003 Orenburg, Krasnodar, Tyoumen, Kaluga, Barnaul 3,0 de Russiea EWP 2005 Omsk, Rostov 2,2 RKS 2003 Kirov, Perm, Tambov 2,0 Maroc ONEPb 2007 Cameroun (compagnie nationale) 3,0 Afrique du Sud WSSA-Uzinzo 1992–2005 Queenstown, Maluti 0,6 Argentine Latinaguas 1996–1998 Salta, Corrientes, La Rioja, Tumbes (Pérou) 2,0 Roggio 2006 Cordoba 1,3 Sagua 1997 Santiago del Estero 0,4 Brésil Vega 2006 Manaus 1,4 Aguas do Brasil 1999 Campos, Niteroi, Petropolis (RJ) 1,3 Saneatins 1999 État de Tocantins 0,9 Bertin 2005 Campo Grande 0,8 Odebrecht 2006–2007 Limeira, Rio Claro (assainissement) 0,4 Chili Fernandez Hurtado 2003 Esval (Valparaiso), ESSCO 1,9 Solari 2004 ESSAR, ESSAT, ESSMAG 1,2 Évolution des ppp du secteur de l’eau dans les pays en développement Luksic 2003 ESSAN (Antiofagasta) 0,5 Colombie Triple Ac 1997 Barranquilla, Santa Marta, Soledad et autres (Atlántico) 2,2 EIS 2006 Cucuta 0,7 Conhydra 1998 Buenaventura, Marinilla et autres (Antioquia) 0,6 Sala 2003 Sincelejo, Corozal 0,4 Source : auteur. a. Pour les opérateurs privés russes, ce tableau indique la population desservie uniquement dans le cadre de PPP de longue durée (plusieurs villes fonctionnent avec des contrats d’exploitation et de maintenance d’un an renouvelables conclus auprès d’opérateurs privés représentant plusieurs millions d’usagers supplémentaires). b. L’ONEP, compagnie nationale des eaux appartenant à l’État marocain, dessert aussi environ un tiers de la population urbaine du Maroc. c. Triple A a conclu un partenariat stratégique avec la compagnie publique des eaux de Madrid (Canal Isabel II). En pratique, elle est dirigée par des Colombiens et se présente comme une entreprise privée colombienne. 33 Retrait partiel des grands opérateurs internationaux Du côté des grands opérateurs des pays développés, la situation est tout autre. Globalement, la population totale desservie par ces compagnies dans les PED n’a que peu augmenté entre 2001 et 2007, passant de 86 millions à 95 millions d’usagers. Fin 2007, certaines de ces sociétés qui étaient les plus actives pendant les années 90 avaient opéré un retrait sensible du marché (figure 2.5). Le groupe Suez, en particulier, s’est retiré de l’Amérique latine et s’est réorienté vers des marchés particuliers comme la Chine, le Maroc et l’Europe orientale. Le recul brutal sur un an de la population desservie par les opérateurs internationaux qui s’est produit en 2006 est largement imputable au désengagement de Suez de ce continent ; la résiliation de ses concessions de Buenos Aires et de Santa Fe (Argentine) et de La Paz-El Alto (Bolivie) en 2006 a représenté une réduction nette d’environ 11,5 millions d’usagers. La même année, deux des plus importants contrats de gestion de Suez sont arrivés à échéance — l’un à Amman (Jordanie) et l’autre à Johannesburg (Afrique du Sud) — ce qui a contribué pour cinq millions de personnes supplémentaires à la baisse de la population desservie. Suez a également cédé les concessions de Cordoba (Argentine) et Manaus et Limeira (Brésil) à ses partenaires locaux. En 2007, Suez avait considérablement réduit sa présence dans les pays en développement, après avoir dominé ce marché pendant de longues années. Les seuls grands contrats qui lui restent dans les PED en dehors de la Chine se situent à Casablanca (Maroc), Alger (Algérie), Cancun (Mexique), et Jakarta-Ouest (Indonésie)10. Les compagnies des eaux anglaises ont également sensiblement réduit leur présence dans les pays en développement11. Par comparaison, les autres compagnies internationales ont été relativement actives, non seulement sur le marché chinois en pleine explosion, mais aussi dans des pays à faible revenu. Sur les cinq dernières années, Veolia a notablement renforcé sa présence dans les pays émergents et en développement, multipliant par trois sa population desservie entre 2000 et 2007 (de sept millions d’habitants, elle est passée à 30 millions). On remarquera que le développement de ses opérations dans les pays émergents a commencé principalement après 2001, 10. Alors que Suez avait toujours été le principal actionnaire, bien que minoritaire, d’Agbar, le groupe a pris le contrôle de l’opérateur espagnol en 2007 en devenant actionnaire majoritaire. Après cette opération, la part de marché de Suez dans les PED est devenue comparable à celle de Veolia. Fin 2007, les principaux contrats d’Agbar à l’étranger se situaient à Cartagena (Colombie), La Havane (Cuba), Saltillo (Mexique), l’agglomération de Santiago (Chili), et Oran (Algérie). 11. Premier exploitant britannique, Thames Water avait annoncé son intention de se retirer des pays en développement suite à la décision prise par son propriétaire, RWE, de se recentrer sur l’énergie. Thames a cédé la concession de Jakarta-Est (Indonésie) à des investisseurs locaux en 2006 et a vendu sa compagnie des eaux chilienne (desservant environ 2,6 millions d’usagers). Anglian Water a revendu les parts des compagnies des eaux qu’elle détenait en République tchèque et au Chili (ESVAL Valparaiso) en 2003–2004. 34 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Figure 2.5 Opérateurs internationaux participant à des PPP dans le secteur de l’eau dans des PED, 1991–2007 a) Population urbaine desservie par les grands opérateurs privés 120 population (en millions) 100 80 60 40 20 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 7 199 199 199 199 199 199 199 199 199 200 200 200 200 200 200 200 200 autres opérateurs internationaux Veolia Thames Water Agbar Suez SAUR b) Répartition de la population desservie par les grands opérateurs privés SAUR Suez (15) (20) 9% 12 % Veolia (30) 19 % opérateurs issus 42 % des pays émergents 7% Agbar et en développement 11 % (11) (67) autres opérateurs internationaux (18) Source : base de données PPI et calculs de l’auteur. Note : la population est indiquée en millions entre parenthèses ; les pourcentages sont arrondis. Évolution des ppp du secteur de l’eau dans les pays en développement 35 soit après le soi-disant retournement du marché12. Plusieurs compagnies des eaux d’Europe occidentale ont également remporté des contrats de PPP, à savoir Acea (Italie), Gelsenwasser et Berlinwasser (Allemagne), Aguas de Portugal (Portugal), Stockholm Water (Suède), et Vitens (Pays-Bas). Un grand nombre d’entre elles sont des entreprises publiques qui n’étaient pas intéressées par le modèle de concession des années 90, mais qui arrivent aujourd’hui sur le marché dans le cadre de contrats de gestion. Conclusions de cette analyse de tendances Malgré la diminution du nombre de nouveaux contrats attribués ces dernières années, la population desservie en eau par des opérateurs privés, paradoxalement, ne fait qu’augmenter, et de plus en plus de pays concluent des PPP dans le secteur de l’eau. En cinq ans, de 2002 à 2007, les opérateurs privés de services d’eau ont fait une importante percée dans des pays comme l’Algérie, la Chine, la Malaisie et la Russie. Des contrats ont été conclus pour la première fois dans la péninsule arabe, au Cameroun, en Géorgie, au Ghana et au Pérou. Même la concession de Manille-Ouest aux Philippines, annulée dans un premier temps, a été réattribuée fin 2006, et la série d’annulations de contrats que l’Amérique latine a connue semble terminée. Le développement des PPP du secteur de l’eau ne s’est pas fait de manière uniforme dans tous les PED ; bien que les PPP aient enregistré quelques revers en Amérique latine, les autres régions ont progressivement adopté ces partenariats. Dans beaucoup de pays, les PPP appliqués aux services de l’eau semblent avoir passé l’épreuve du temps. Fin 2007, 44 pays en développement ou émergents avaient des PPP en cours dans le domaine de la distribution d’eau urbaine. En Arménie, au Cameroun, au Chili, en Côte d’Ivoire, en République tchèque, au Gabon, au Ghana, en Malaisie, au Niger et au Sénégal, la population des villes est aujourd’hui desservie en eau majoritairement par des opérateurs privés. Dans plusieurs autres pays, les opérateurs privés desservent près d’un tiers de la population urbaine, voire davantage ; c’est le cas en Algérie, en Colombie, à Cuba, en Équateur, en Hongrie, au Maroc et au Mozambique. Même l’Argentine a encore plus de dix concessions d’eau desservant 20 % de la population urbaine. Néanmoins, environ un tiers des économies et des pays en développement ayant mis en œuvre de projets de PPP dans le secteur de l’eau au cours des 12. Le groupe Veolia s’est développé non seulement en se concentrant sur les marchés avancés (comme l’Europe orientale et la Chine), mais aussi en étant présent dans les pays pauvres. Il a remporté un premier contrat d’affermage en 2001 pour la compagnie nationale des eaux du Niger (l’un des pays les plus pauvres de la planète), et un deuxième en 2005 pour la ville d’Erevan (Arménie). Il a soumissionné, sans être retenu, pour des PPP à Madagascar (2005) et au Cameroun (2007), et a remporté une petite concession en Amérique latine par le biais de son partenariat avec le groupe espagnol FCC (Fomento de Construcciones y Contratos) en 2005 (San Andres, Colombie). 36 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains 15 dernières années ont décidé de revenir à une gestion publique unique13. Ce pourcentage élevé démontre que les PPP sont des entreprises complexes et risquées. Depuis la fin des années 90, les collectivités publiques et les autres parties prenantes des PPP dans le secteur de la distribution d’eau urbaine ont tiré les leçons des succès et des échecs, ce qui les a amenées à graduellement délaisser les concessions pures pour s’orienter vers d’autres formes de partenariats faisant davantage appel à des financements publics. Dans le même temps, de nouveaux opérateurs privés sont arrivés sur le marché, dont beaucoup sont issus de pays en développement. Ces nouveaux venus sont en train de changer radicalement la face d’un marché qui, pendant la décennie 90, présentait l’image d’un oligopole partagé entre une poignée de multinationales. Un environnement plus mur se met en place, mieux à l’écoute des besoins et des spécificités du monde en développement. Ce constat général — le fait que, malgré les difficultés, les partenariats public-privé dans le secteur de l’eau n’aient pas cessé de se multiplier dans les PED au cours des 15 dernières années — appelle une question fondamentale : cette multiplication des PPP est-elle associée à un bilan globalement positif des opérateurs privés ? C’est ce que nous allons voir au prochain chapitre. 13. La plupart de ces projets ont été mis en œuvre en Afrique subsaharienne (République centrafricaine, Tchad, Comores, Guinée, Guinée-Bissau, Madagascar, Mali, Rwanda, São- Tomé-et-Principe, Tanzanie, Ouganda et Zambie), dont sept combinent la fourniture d’eau et d’électricité. Viennent ensuite l’Amérique latine (Belize, Bolivie, Guyana, Trinidad, Uruguay et République bolivarienne du Venezuela), le Moyen-Orient (Jordanie, Liban, et Cisjordanie & Gaza), et l’Europe orientale et l’Asie centrale (Kosovo et Turquie). Évolution des ppp du secteur de l’eau dans les pays en développement 37 3. RÉSULTATS ET IMPACT DES PPP DANS LE SECTEUR DE L’EAU Les partenariats public-privé (PPP) offrent-ils une solution viable pour améliorer les services d’eau dans les pays en développement ? Pour répondre à cette question, ce chapitre dresse un bilan des PPP afin de déterminer s’ils y ont effectivement contribué, et de quelle manière. La chose est loin d’être facile : les performances d’une compagnie des eaux revêtent plusieurs dimensions, toutes complexes à mesurer. C’est pourquoi ce rapport se base sur des études de cas pour examiner de façon systématique un grand nombre de PPP. L’objectif principal est d’évaluer si les partenariats ont amené des progrès nets significatifs pour la population, par rapport à la situation préexistante, dans chacune des quatre dimensions des performances : a) l’accès à des services d’eau et d’assainissement, b) la qualité des services, c) l’efficacité opérationnelle, et d) l’impact sur les tarifs. En pratique, les réalisations d’un PPP dépendent des deux partenaires — l’opérateur privé mais aussi l’entité publique, cette dernière jouant un rôle plus ou moins important selon le modèle de PPP adopté. Des types de contrats différents ne peuvent pas donner les mêmes résultats. C’est particulièrement le cas des contrats de gestion, qui portent habituellement sur une courte période et impliquent une délégation assez limitée de compétences à l’opérateur privé. Par conséquent, l’analyse réalisée fait la distinction entre les contrats de gestion et les partenariats de longue durée (privatisations, concessions, affermages14 et sociétés d’économie mixte), dans lesquels les services sont fournis par une entreprise nouvellement créée, détenue en tout ou partie par un opérateur privé. 14. Une entreprise privée nouvellement créée exploite un réseau public et collecte des recettes qu’elle partage ensuite avec l’entité publique propriétaire, qui reste chargée des investissements. 39 Données de la littérature Bien qu’un assez grand nombre de travaux aient été publiés sur les PPP, une certaine confusion demeure avec les données existantes. Cela s’explique en partie par les multiples problèmes que pose l’évaluation des performances des opérateurs privés. La présente analyse a adopté une méthode située à mi-chemin entre les études de cas individuelles et les études économétriques. Problèmes posés par l’évaluation des réalisations des PPP L’impact des PPP sur la couverture et la qualité des services d’alimentation en eau et d’assainissement a donné lieu à de nombreux débats. Les PPP ont- ils amélioré le service pour les usagers existants ? Ont-ils permis d’étendre le service à des populations auparavant non desservies ? Ont-ils amélioré l’efficacité opérationnelle ? Quelle incidence ont-ils eue sur les tarifs ? Ces questions sont essentielles mais, en pratique, il est difficile d’y répondre compte tenu de certaines caractéristiques fondamentales du secteur, à savoir : • L’ambigüité des indicateurs de performance. Les indicateurs habituellement employés sont loin d’être totalement satisfaisants. Ils sont basés en général sur des estimations approximatives et sont calculés différemment d’un pays à l’autre ou d’une compagnie à l’autre. Les pertes en eau sont bien connues comme étant complexe à mesurer, mais même un indicateur en apparence aussi simple que la couverture du service peut ne pas être si facile à estimer avec précision (encadré 3.1). • Le caractère multidimensionnel des performances. Les différentes composantes des performances sont liées : il n’est pas possible de parler de l’augmentation du nombre de branchements sans tenir compte des interruptions du service, ou d’évoquer une augmentation de tarif sans examiner les progrès ayant pu être fait sur le plan de l’accès et de la qualité du service. Les paramètres sont également interdépendants : on ne peut pas comprendre les pertes en eau sans examiner en même temps la continuité du service. La présence des services d’assainissement complique encore la situation car peu de données traitent séparément l’alimentation en eau et l’assainissement. • L’influence de nombreux facteurs locaux sur les coûts d’exploitation et la grande variété des barèmes de tarifs. Les coûts d’exploitation des services des eaux sont déterminés pour une grande part par des facteurs locaux tels que la disponibilité de ressources en eau et la topographie. D’autre part, les barèmes de tarifs sont extrêmement variables d’une compagnie à l’autre, avec des tranches de consommation, des redevances fixes, et une facturation parfois basée sur des consommations estimées. La taille de la compagnie des eaux intervient beaucoup aussi à travers les économies d’échelle possibles, car les coûts fixes représentent un pourcentage élevé des coûts totaux. Tous ces facteurs compliquent grandement la comparaison des coûts et des tarifs entre différentes compagnies. • La difficulté d’obtenir des données sur les performances des services d’eau. Pour pouvoir réaliser une analyse sérieuse de la situation, le problème peut-être le plus important est le manque de données de bonne qualité sur les performances des compagnies des eaux, qu’elles soient publiques ou 40 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Encadré 3.1 Taux de couverture : un indicateur en apparence simple et pourtant difficile à évaluer Pour calculer le taux de couverture, on part du nombre de branchements résidentiels actifs, qui figure dans la base de données clients de la compagnie. Il faut ensuite obtenir les chiffres de la population totale du secteur desservi, et du nombre de personnes par foyer — qui sont des estimations approximatives dans la plupart des PED. Le nombre moyen de personnes par foyer varie selon les pays et, à l’intérieur d’une même ville, selon les catégories sociales (en règle générale, les ménages pauvres ont un taux de natalité supérieur et un plus grand nombre de membres de la famille élargie vivant sous le même toit). L’estimation de la population totale est habituellement très approximative aussi : les recensements officiels n’ont souvent lieu qu’une fois tous les dix ans, et les villes grandissent tellement vite que les statistiques ne sont pas fiables. Un autre problème à résoudre est le choix du chiffre à mettre en numérateur et en dénominateur pour calculer le taux de couverture. Les raccordements illégaux sont très répandus dans certaines villes, mais l’on peut se demander s’il faut les prendre en compte dans le taux de couverture, et leur nombre est difficile à évaluer. Beaucoup de pays d’Afrique subsaharienne utilisent un ratio de huit à dix personnes par branchement individuel, afin d’inclure l’eau du robinet revendue aux voisins. Certaines compagnies des eaux ne considèrent pour le calcul de la couverture que la population vivant dans les quartiers urbains « autorisés », et excluent donc les habitants des bidonvilles, d’où des taux surévalués. Il n’est pas évident non plus de savoir ce que l’on entend par « accès ». Le Programme de suivi commun, qui surveille les progrès réalisés en direction des Objectifs de développement pour le Millénaire (ODM), utilise un critère d’« accès amélioré », qui correspond soit à un raccordement individuel, soit à l’accès à une borne-fontaine située à 200 mètres au maximum de l’habitation. Dans beaucoup de travaux publiés, le critère employé n’est pas toujours clair — malgré les différences manifestes qui existent dans la qualité du service fourni et dans les coûts d’investissement. Il est encore plus difficile d’évaluer le nombre de ménages desservis selon le critère de l’accès amélioré que selon celui des ménages raccordés. Dans les villes où un pourcentage important de la population urbaine a accès à un réseau d’eau potable par des bornes-fontaines ou par des voisins auxquels ils peuvent acheter de l’eau, le taux de couverture communiqué est parfois purement spéculatif. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 41 privées. Dans les PED, nombreuses sont les compagnies des eaux publiques à ne pas avoir de dispositif satisfaisant de suivi des performances, et les données communiquées ne sont souvent pas fiables. De ce fait, beaucoup de partenariats n’ont pas eu les données de départ nécessaires pour mesurer les résultats obtenus après le transfert à un exploitant privé. Les informations sur les PPP ne sont pas toujours non plus facilement accessibles au public. Constats de la littérature Malgré les faiblesses des données, un nombre relativement important de travaux ont été publiés sur les PPP dans le secteur de l’eau. Les études sur l’impact de la participation du secteur privé se rangent dans deux catégories : les études de cas individuels, et les analyses économétriques portant sur plusieurs projets. Les études de cas examinent généralement l’évolution d’une compagnie des eaux après l’arrivée d’un opérateur privé. Elles ont eu tendance à se concentrer sur quelques cas (Sénégal, Buenos Aires [Argentine], et Manille [Philippines]), laissant de côté beaucoup d’autres projets restés ainsi peu documentés (exemples : Côte d’Ivoire, Casablanca [Maroc], Guayaquil [Équateur], et Jakarta [Indonésie]). Une compilation d’études de cas publiées sur les PPP du secteur de l’eau (Clarke, Kosec et Wallsten, 2004) a répertorié 25 partenariats dans des PED et conclu que la participation privée avait eu un impact globalement positif dans 16 cas, un impact négatif dans cinq cas, et des résultats mitigés dans quatre cas. Les améliorations les plus visibles concernaient la couverture, la productivité du travail et la qualité des services, et étaient souvent associées à des augmentations de tarif. Les études économétriques emploient des échantillons plus grands et tentent souvent de comparer les performances des entreprises publiques et privées, mais elles se heurtent aux mêmes problèmes de sélection de l’échantillon. Pour tirer des conclusions valables, elles doivent utiliser un échantillon suffisamment large pour pouvoir neutraliser les nombreux facteurs externes susceptibles d’influencer les performances, or les premières études ont souvent dû s’appuyer sur des échantillons restreints, représentant seulement un petit nombre de pays ou de compagnies des eaux sur de courtes périodes. Les critères retenus pour classer les compagnies comme privées ne sont pas toujours clairs ou même pertinents, ce qui compromet la validité des conclusions. Un second groupe d’études s’efforce de remédier aux faiblesses des données obtenues auprès des compagnies des eaux, en utilisant à la place les chiffres d’enquêtes nationales sur les ménages, comme par exemple Clarke, Kosec et Wallsten (2004) en Argentine, ainsi que Gomez-Lobo et Melendez (2007) et Barrera et Olivera (2007) en Colombie. Le tableau 3.1 présente une synthèse des conclusions de ces études. Si l’on prend chaque dimension séparément, les résultats ne sont pas probants. Globalement, l’impact moyen des PPP apparaît neutre sur le plan de l’accès et de la couverture, positif pour la qualité du service et l’efficacité opérationnelle, et relativement incertain pour le niveau des tarifs. Il est à noter qu’aucune de ces études ne couvre les quatre dimensions des performances d’une compagnie des eaux, à savoir l’accès et la couverture, la qualité, l’efficacité et les tarifs. 42 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Tableau 3.1 Impact des PPP sur les performances des compagnies des eaux : synthèse des études réalisées Accès ou Qualité Efficacité Niveau Région Étude couverture du service opérationnelle des tarifs Afrique Estache et Kouassi (2002) - - positif - Afrique Kirkpatrick, Parker et Zhang (2004) - - incertain - Argentine Galiani, Gertler et Schargrodsky (2005) Positif positif - - Amérique latine Clarke, Kosec et Wallsten (2004) Neutre - - - (principalement Argentine) Argentine Maceira, Kremer et Finucane (2007) Neutre - - - Asie Estache et Rossi (2002) - - neutre - Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau Bolivie Barja, McKenzie et Urquiola (2005) positifa - - incertain Brésil Rossi de Oliveira (2008) incertain - positif hausse Brésil Serao da Motta et Moreira (2004) - - positif neutre Chili Bitran et Valenzuela (2003) - - positif hausse Colombie Gomez-Lobo et Melendez (2007) incertain positif - incertain Colombie Barrera et Olivera (2007) incertain positif - neutre Hongrie Boda et al. (2008) - - incertain neutre Malaisie Lee (2008) incertain - - incertain Monde Ringskog, Hammond et Locussol (2006) amélioration positif positif incertain Source : auteur. - = sans objet. a. Dans une étude antérieure, Barja et Urquiola (2003) n’avaient pas obtenu de résultats probants concernant l’impact sur l’accès. 43 Deux études récentes de la Banque mondiale ont pu se baser sur des échantillons assez grands pour neutraliser convenablement les effets des facteurs exogènes. Elles ont adopté des méthodes différentes mais complémentaires et couvert toutes les dimensions des performances simultanément. Andrés, Guasch et al. (2008) se sont concentrés sur l’Amérique latine et ont comparé les réalisations de 49 compagnies des eaux dans sept pays, avant et après l’introduction d’un opérateur privé. Gassner, Popov et Pushak (2008a) ont utilisé un grand échantillon pour comparer valablement les performances de compagnies des eaux privées et publiques. Ils ont effectué cette comparaison en construisant un ensemble de données sur 977 compagnies des eaux dans les PED, avec une participation privée dans 141 cas. Seuls ont été inclus les PPP pour lesquels des données couvraient au moins trois années d’exploitation privée, et l’échantillon a totalisé 6 079 observations en année-entreprise sur la période 1992–2004. Pour éviter de fausser les conclusions, l’étude a comparé les compagnies privées avec uniquement les compagnies publiques ayant été « corporatisées » ou fonctionnant dans un cadre comparable. Ces deux études ont constaté des améliorations dans la qualité du service et l’efficacité opérationnelle après le passage au régime de gestion privé. Concernant le niveau des tarifs, Andrés, Guasch et al. (2008) ont conclu que l’introduction d’un opérateur privé entraînait généralement des hausses de tarifs, ce qui n’est pas surprenant dans la mesure où la plupart des compagnies sud-américaines avaient des tarifs inférieurs aux niveaux de récupération des coûts au début des années 90. Cependant, Gassner, Popov et Pushak (2008a), sur la base de leur échantillon plus large, ont conclu à l’absence d’écart significatif dans le niveau des tarifs entre les PPP et les compagnies publiques comparables pendant la même période. La principale divergence observée entre les deux études porte sur les résultats obtenus pour l’extension de l’accès au service. D’après Andrés, Guasch et al. (2008), l’arrivée d’un partenaire privé a effectivement permis d’améliorer le taux de couverture, mais essentiellement pendant la période de transition (un an avant et deux ans après le passage de relais). En revanche, à partir d’un échantillon plus large dans lequel les autres régions étaient également représentées, Gassner, Popov et Pushak (2008a) ont conclu que le bilan des opérateurs privés était meilleur en termes de nouveaux branchements, tant pendant la période de transition qu’après, mais qu’il était incertain en ce qui concernait la couverture des clients résidentiels. Méthodologie de la présente étude Il convient de préciser que la présente étude a adopté une méthodologie différente de celles des travaux publiés jusqu’ici. Compte tenu des inconvénients tant des études économétriques que des analyses basées sur des études de cas, il a été décidé de se placer à mi-chemin entre ces deux méthodes, de manière à pouvoir tirer des conclusions valables malgré les nombreuses difficultés liées à la collecte des données et à leur interprétation. Tout d’abord, cette étude a passé en revue un grand nombre de PPP, avec un effort particulier sur les indicateurs de performances, et a ainsi permis d’avoir une image plus complète que celle fournie dans les études de cas individuels. Ensuite, les données 44 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains de performances et leur analyse ont été reliées à des projets bien identifiés, contrairement à l’approche « boîte noire » typique des études économétriques. Pour chaque PPP, la source des données de performance est indiquée à l’annexe A. Accès Dans cette partie, l’analyse s’intéresse aux PPP de longue durée, qui comprennent les contrats d’affermage, les sociétés d’économie mixte et les concessions. Les contrats de gestion, qui portent sur le court terme et sont généralement ciblés sur l’amélioration de la qualité du service et de l’efficacité opérationnelle, ne sont pas pris en compte. Les PPP examinés représentent une population totale desservie de plus de 65 millions d’usagers. Cela représente plus de 75% de la population desservie par des PPP de longue durée : a) conclus avant 2003 et mis en œuvre pendant au moins trois ans, et b) où une portion de la population ne bénéficiait pas de services d’eau et d’assainissement au moment de l’arrivée de l’opérateur privé15. Partenariats public-privé en Amérique latine L’Amérique latine fournit de loin l’échantillon le plus important en taille pour analyser le bilan des PPP de longue durée sur le plan de l’amélioration de l’accès et de la couverture. Cette section examine le cas de différentes concessions en Argentine, de la concession de La Paz–El Alto en Bolivie, de la concession de Guayaquil en Équateur, des différentes concessions d’eau au Brésil, et des concessions et sociétés d’économie mixtes en Colombie. Concessions en Argentine L’Argentine a été le premier pays d’Amérique latine à adopter le principe d’une participation du secteur privé dans de grandes compagnies des eaux. En 2000, quelques 17 millions de personnes étaient desservies en eau par des opérateurs privés dans ce pays. En 1990, 76 % des habitants des villes avaient l’eau courante à leur domicile, et 39 % étaient raccordés à un réseau d’égouts. Pour les deux services, le taux de couverture n’avait progressé que de sept points de pourcentage en 2004 (figure 3.1)16. La figure montre également l’expansion du service pour cinq des sept plus grandes concessions (celles en place depuis au moins quatre ans et desservant plus d’un demi-million d’usagers)17. 15. La taille de la population desservie est indiquée pour référence entre parenthèses pour chaque PPP examiné. Il s’agit de l’estimation du nombre de personnes effectivement desservies en eau par la compagnie en question, et non pas du nombre d’habitants du secteur couvert par le contrat. Les chiffres utilisés sont soit ceux de 2007, soit ceux de la dernière année de fonctionnement du PPP. 16. Les données proviennent du Programme de suivi commun OMS/UNICEF sur l’alimentation en eau et l’assainissement. Les données sur la couverture nationale mentionnées ailleurs dans le rapport sont tirées de la même source, sauf indication contraire. 17. Les concessions des provinces de Tucuman et Buenos Aires (Azurix), qui n’ont duré qu’environ deux ans seulement et n’ont pas eu d’effet significatif sur le taux de couverture, ne sont pas prises en compte. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 45 Figure 3.1 Comparaison des augmentations de la couverture dans cinq concessions et de la moyenne nationale en Argentine a) Alimentation en eau 100 pourcentage 80 60 40 20 0 moyenne Buenos Aires Santa Fe Cordoba Salta Corrientes urbaine nationale (1993–2001) (1995–2006) (1995–2004) (1998–2005) (1991–2005) (1990–2004) b) Assainissement 100 pourcentage 80 60 40 20 sans objet 0 moyenne Buenos Aires Santa Fe Cordoba Salta Corrientes urbaine nationale (1993–2001) (1995–2006) (1995–2004) (1998–2005) (1991–2005) (1990–2004) avant le PPP dernière année Source : Programme de suivi commun OMS/UNICEF sur l’alimentation en eau et l’assainissement. Note : le taux de couverture au moment de l’arrivée du concessionnaire est comparé au dernier taux connu, sauf pour Buenos Aires, où les données finales correspondent à 2001 (le taux de couverture a peu progressé depuis). Aucune donnée n’était disponible pour Cordoba (opérateur en place depuis 1998 mais actuellement en crise) et pour la concession de la province de Buenos Aires exploitée par Aguas de Bilbao (résiliée en 2006). La figure donne l’augmentation de la moyenne urbaine nationale entre 1990 et 2004 à titre de référence. Dans le domaine de l’alimentation en eau (figure 3.1a), les cinq concessions ont augmenté significativement l’accès au service. Les concessionnaires de Santa Fe, Cordoba, Salta et Corrientes ont obtenu des taux de couverture particulièrement élevés (environ 95 %), nettement supérieurs à la moyenne nationale, mais dans l’agglomération de Buenos Aires, les progrès apparaissent peu différents de l’évolution de la moyenne nationale. En ce qui concerne les services d’assainissement (figure 3.1b), seules les concessions de Santa Fe et de Corrientes se démarquent. La concession de l’agglomération de Buenos Aires (qui dessert huit millions de personnes) couvre un tiers de la population urbaine du pays. Pendant les cinq premières années du contrat, le concessionnaire a investi des sommes très importantes dans l’extension et la rénovation des infrastructures. Entre 1993 et 46 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains 1997, 244 000 raccordements supplémentaires au réseau d’eau ont été réalisés, au profit d’environ 1,5 million de personnes, principalement dans les quartiers pauvres situés à la périphérie de l’agglomération. Le taux de couverture, qui était inférieur de dix points à la moyenne nationale, a rattrapé son retard, passant de 70 % à 80 % entre 1993 et 1997. Au cours de la même période, le taux de couverture pour les services d’assainissement est passé de 58 % à 63 %, ce qui correspond à la moyenne nationale (Ducci 2007). Ces premiers bons résultats ont été sans suite. Aucune amélioration notable des taux de couverture n’a été enregistrée après 1998, et il s’avère que le concessionnaire n’a pas investi suffisamment dans l’extension du réseau pour atteindre les quartiers les plus périphériques (Delfino, Casarín et Delfino 2007). Cet échec est d’autant plus décevant que le contrat avait fait l’objet d’une renégociation majeure en 1998 pour faciliter le développement du réseau : le financement d’une part importante du coût de cette extension devait être transféré des nouveaux usagers vers les anciens clients, avec une hausse notable des recettes du concessionnaire18. Alors que les objectifs de couverture avaient aussi été révisés à la baisse, le concessionnaire n’a pas réussi à les atteindre. Les résultats ont été plus satisfaisants dans les concessions provinciales de Santa Fe (1,9 million d’habitants desservis), Salta (1,2 million) et Corrientes (0,6 million). À Corrientes19 et Salta, le taux de couverture a continué d’augmenter après la crise économique de 2001. Les autorités provinciales de Salta ont apporté une partie des investissements, et le concessionnaire a également pu obtenir des contributions financières des municipalités, ainsi que des contributions en nature des communautés, afin de réduire l’impact de l’extension du réseau sur les tarifs. À Santa Fe, les objectifs contractuels d’extension et d’investissement n’ont pas été complètement atteints malgré des progrès appréciables dans la couverture des services aussi bien d’eau que d’assainissement ; la concession a été résiliée en même temps que la concession voisine de Buenos Aires en 2006 (Ducci 2007). La concession de la ville de Cordoba (1,3 million d’habitants desservis) était moins étendue et affiche un bilan positif. La municipalité a conservé les services d’assainissement, et le contrat prévoyait que le concessionnaire financerait seulement l’extension du réseau primaire, tandis que la municipalité et/ou les usagers financeraient l’extension du réseau secondaire. Les objectifs 18. La concession était conçue au départ pour que le coût de l’extension du service soit supporté par les nouveaux clients, qui devaient payer une redevance d’infrastructure couvrant le coût du branchement, plus une partie du coût de l’extension du réseau. Cette redevance était très élevée (en moyenne 415 dollars pour un raccordement au réseau d’alimentation en eau et 606 dollars pour un raccordement au réseau d’évacuation des eaux usées) (WSP 2001) et a été très mal acceptée. Elle a été remplacée par une redevance bimensuelle d’amélioration et de service universel (SUMA), équivalant à une surtaxe due par tous les usagers raccordés. 19. Attribuée en 1991, Corrientes est la plus ancienne concession active en Argentine. Le taux de couverture n’a pas cessé de s’améliorer en plus de 12 ans de gestion privée. Au cours des quatre premières années — l’opérateur était alors Thames Water — il est passé de 70 % à 85 % pour l’eau, et de 32 % à 56 % pour l’assainissement. Cette tendance s’est poursuivie depuis la reprise de la concession par des investisseurs nationaux en 1996, pour arriver à des taux de 94 % pour l’eau et 72 % pour l’assainissement en 2005. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 47 d’extension ont été entièrement réalisés et même dépassés. La couverture des services d’eau a continué d’augmenter même après la crise de 2001, passant de 90 % en 2001 à 95 % en 2004 (Ducci 2007). La concession attribuée à Aguas de Bilbao dans une partie de la province de Buenos Aires a fonctionné de 2000 à 2006 et s’est révélée décevante. Elle englobait 13 municipalités totalisant 1,7 million d’habitants et présentait l’un des taux de pauvreté les plus élevés de la province20. Les taux de couverture en 2000 étaient particulièrement bas : 35 % pour les services d’eau et seulement 13 % pour les services d’assainissement. Le concessionnaire a repris la gestion en plein milieu de la crise financière et n’a pas pu trouver de fonds à emprunter pour investir. La concession a été résiliée en 2006, sans grande amélioration visible de l’accès aux services d’eau et d’assainissement. Il est difficile de juger des performances des concessionnaires privés en Argentine sur le plan de l’extension des services. La fin de la parité peso argentin-dollar des États-Unis en 2001 et la crise économique qui a suivi ont entraîné la faillite des principales concessions dont les dettes étaient libellées majoritairement en devises. Bien que plusieurs d’entre elles aient obtenu de bons résultats, la plus importante, celle de l’agglomération de Buenos Aires, n’a fait aucun progrès après 1998 — bien avant que le pays ne soit frappé par la crise économique. Trois études économétriques sur l’Argentine tirent des conclusions différentes : Galiani, Gertler et Schargrodsky (2005) indiquent que les opérateurs privés ont fait mieux que les compagnies publiques, tandis que Clarke, Kosec et Wallsten (2004) ainsi que Maceira, Kremer et Finucane (2007) ne constatent aucun écart significatif. La concession de La Paz–El Alto en Bolivie La concession de La Paz–El Alto (1,5 million de personnes desservies), résiliée en 2006, a fait couler beaucoup d’encre. Les pauvres représentent respectivement 50 % et 80 % de la population de La Paz et El Alto, et le PPP était conçu spécifiquement pour développer l’accès aux ménages pauvres, qui constituait le principal objectif contractuel. Avant l’attribution de la concession, le barème des tarifs avait été révisé afin d’abaisser sensiblement les factures d’eau mensuelles des petits clients résidentiels, tout en relevant fortement les tarifs pour les autres catégories d’usagers. Le contrat a été attribué en fonction du nombre de nouveaux raccordements au réseau d’eau proposé à El Alto. La compagnie qui a remporté l’appel d’offres s’était engagée à réaliser 72 000 branchements au réseau d’eau à El Alto sur les cinq premières années. Au démarrage du contrat, le taux de couverture pour l’eau s’établissait à environ 84 % à La Paz et 71 % à El Alto, et le taux pour l’assainissement était de 66 % et 30 %, respectivement (Ducci 2007). Ces chiffres correspondent 20. La province a lancé des appels d’offres pour ses services d’eau dans cinq zones distinctes, en utilisant une méthode complexe pour avoir au moins deux opérateurs différents dans des zones séparées, afin de pouvoir mettre en place une régulation basée sur la comparaison des performances. Un consortium dirigé par Azurix a remporté la concession dans les quatre zones les plus riches, tandis qu’un consortium dirigé par Aguas de Bilbao, une compagnie publique espagnole, a remporté celle de la cinquième zone. 48 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains à l’ensemble du territoire des deux municipalités, alors que la concession, si elle couvre bien toute la ville de La Paz, ne couvre qu’une partie d’El Alto. Aux termes du contrat, le taux de raccordement des habitations au réseau d’eau devait être porté en 2001 à 100 % à La Paz et 82 % sur le territoire de la concession à El Alto. Concernant l’assainissement, l’objectif était fixé à 82 % à La Paz et 41 % à El Alto pour la même année (Ducci 2007). Le niveau de couverture atteint par le concessionnaire a été controversé, en particulier à cause d’un désaccord sur la zone géographique prise en compte (le territoire entier de la commune ou uniquement la superficie couverte par la concession). L’instance bolivienne de réglementation a indiqué qu’en 2001, le taux de couverture dans la zone de la concession était de 99 % pour l’eau et de 79 % pour l’assainissement (Ducci 2007). Au total, la concession a amélioré de façon appréciable l’accès au service, puisqu’au moins 400 000 personnes supplémentaires — en majorité des familles pauvres habitant à El Alto — ont gagné l’accès au réseau d’eau21. Malgré ces bons résultats, la question de l’accès a été le principal motif de résiliation de la concession en 2006. Pendant qu’un grand nombre de nouveaux foyers bénéficiaient de l’extension du réseau, les personnes vivant en dehors de la zone couverte par la concession ont commencé à protester d’être exclus, et une campagne de pression a été entamée pour obtenir du concessionnaire qu’il les raccorde aussi. Ces revendications se sont ajoutées aux controverses sur la question de savoir si l’opérateur avait complètement satisfait ses obligations contractuelles (le nombre de nouveaux branchements réalisé à El Alto, de 53 000, était inférieur au chiffre indiqué dans la soumission) et sur la manière dont l’instance de réglementation calculait le taux de couverture (Ducci 2007). Le mécontentement populaire a été à son comble lorsque l’instance de réglementation a décidé en 2002 d’augmenter la redevance de raccordement pour les nouveaux abonnés, sans toucher aux tarifs. La résiliation avant terme de la concession de La Paz–El Alto est un paradoxe. Le partenariat public-privé a relativement bien réussi à étendre l’accès des services aux plus démunis dans l’un des pays d’Amérique latine les plus pauvres, et cela sans faire appel aux deniers publics pour les investissements. Le fait que le PPP n’ait finalement pas survécu nous apporte quelques leçons importantes. Premièrement, pour que l’extension du réseau puisse être financée par le biais des marchés internationaux des capitaux, le contrat prévoyait que les tarifs des services soient indexés sur le dollar des États-Unis, ce qui s’est révélé être une erreur. Deuxièmement, cette expérience a montré les limites des subventions croisées pour financer l’extension de l’accès aux pauvres. Les bas tarifs appliqués aux petits abonnés résidentiels voulaient dire que l’opérateur les desservait à perte et n’était donc pas incité, financièrement parlant, à étendre les services à ces clients potentiels au-delà de ses strictes obligations contractuelles (c’est-à-dire, dans le cas présent, dans les limites géographiques de la concession). 21. Le chiffre indiqué par Ducci (2007) est de 600 000 personnes supplémentaires ayant accès au réseau d’eau potable mais il se fonde sur des estimations relativement larges du nombre de personnes par raccordement, et le chiffre de 400 000 semble plus réaliste. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 49 Une concession à financement public à Guayaquil (Équateur) La concession de Guayaquil n’a pas été très médiatisée bien qu’elle soit la seconde en importance, après celle de Buenos Aires, pour la taille de la population desservie22. Capitale économique de l’Équateur, Guayaquil est une ville de 2,4 millions d’habitants, soit un tiers de la population urbaine nationale. Lorsque le concessionnaire est arrivé en 2001, le taux de couverture pour les services d’eau y était très en retard par rapport à la moyenne nationale : seulement 60 % des résidents avaient l’eau courante en 2000, contre une moyenne urbaine nationale de 81 % en 1998. L’écart était plus faible pour l’assainissement, avec un taux de couverture de 56 % contre une moyenne urbaine nationale de 61 %. La concession a remarquablement réussi à étendre l’accès à l’eau courante dans les habitations. Parti de 245 000 raccordements domestiques en 2000, l’opérateur a réalisé 160 000 nouveaux branchements pendant les cinq premières années d’exploitation — soit une augmentation de plus de 10 % par an et trois fois l’objectif contractuel qui était de 55 000 branchements. Ces progrès ont permis d’amener le taux de couverture de la ville à plus de 82 % en 2005 et de desservir en eau 800 000 habitants supplémentaires, vivant pour la plupart dans des quartiers défavorisés qui n’étaient pas raccordés au réseau auparavant. Ce résultat est d’autant plus notable qu’au niveau national, l’accès aux services d’eau urbains a stagné pendant la même période. Le bilan du concessionnaire a été un peu moins bon pour l’assainissement, avec un taux de couverture passé de 56 % à 62 %. Le bilan positif affiché pour l’accès à l’eau peut être largement attribué à un mécanisme spécial de transfert fiscal (la taxe téléphonique), que le gouvernement central avait introduit dans les années 80 pour subventionner les nouveaux branchements au réseau d’eau sur l’ensemble du territoire. Il reposait sur une taxe de 10 % sur les factures de téléphone, qui était versée aux compagnies de distribution pour financer l’extension du réseau d’alimentation en eau dans les zones urbaines non desservies. Dans ces quartiers où vivent une majorité de pauvres, les ménages ont été raccordés gratuitement, et une partie des coûts encourus par la compagnie des eaux pour étendre le réseau a également été subventionnée. La plupart des nouveaux branchements au réseau d’eau réalisés par le concessionnaire de Guayaquil ont été financés par ce mécanisme23. En revanche, il ne s’appliquait pas à l’assainissement, ce qui explique pourquoi les progrès ont été beaucoup moins importants. 22. La concession de Santiago du Chili (5,3 millions de clients) est plus grande mais a fait l’objet d’une privatisation des actifs. 23. Sur les 85 millions de dollars de travaux de génie civil réalisés par le concessionnaire pendant les cinq premières années, 39 millions ont été financés par la taxe téléphonique (Yepes 2007). 50 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Concessions d’eau au Brésil Entre 1995 et 2006, quelque 36 concessions ont été accordées au Brésil à des opérateurs privés pour des services municipaux d’eau et d’assainissement desservant une population urbaine d’environ 6,5 millions de personnes. Il est difficile d’analyser l’évolution de l’accès à un réseau d’eau potable au Brésil, car les compagnies des eaux calculent généralement le taux de couverture d’après la population vivant dans les zones urbaines « autorisées » — ce qui exclut les bidonvilles illégaux et fausse les chiffres d’une année sur l’autre en raison des nouveaux quartiers légalisés24. La concession de Manaus (1,6 million de personnes desservies) est la plus grande du Brésil, et elle semble avoir obtenu d’assez bons résultats pour l’accès à un réseau d’eau potable. D’après les chiffres de l’opérateur, le taux de couverture des services d’eau est passé de 72 % à 86 % de la population entre 2001 et 2005. Ducci (2007) donne un taux de couverture de 96 % pour 2006. À cette date, on estime à 300 000 le nombre de personnes supplémentaires ayant gagné l’accès à un réseau d’eau potable. Les progrès ont été plus modestes pour l’assainissement : de 3 % en 2001, le taux de couverture est monté à seulement 11 % en 2006. Le deuxième plus grand opérateur privé de services d’eau au Brésil est Aguas do Brasil, un consortium national d’entreprises de travaux publics et d’ingénierie. Selon les chiffres publics, le taux de couverture des services d’eau à Niteroi, Campos et Petrópolis (1,1 million de personnes desservies dans l’État de Rio) a fortement augmenté entre 2000 et 2005 : il est passé de 85 % à 100 % à Niteroi, de 75 % à 96 % à Campos, et de 70 % à 80 % à Petropolis25. Pendant la même période, le taux de couverture des services d’eau de CEDAE (Companhia Estadual de Aguas e Esgotos), la compagnie publique de l’État de Rio, a stagné autour de 85 %. Les données disponibles pour 2000–2005 sur quelques concessions de taille moyenne indiquent que les opérateurs privés ont souvent obtenu des résultats comparables à ceux des compagnies des eaux publiques des États. À Itapemirim (200 000 habitants), le taux de couverture est passé de 86 % à 98 % pour l’eau et de 72 % à 90 % pour l’assainissement, tandis que le taux de couverture communiqué par la compagnie des eaux de l’État, Companhia Espírito Santense de Saneamento (CESAN), est resté élevé à 97 %. À Paranagua (130 000 habitants), le concessionnaire a fait passer le taux de couverture de 93 % à 96 % pour l’eau, et de 30 % à 68 % pour l’assainissement — un bilan comparable à celui de la compagnie d’État Companhia de Saneamento do Parana (SANEPAR), dont le taux de couverture 24. Il n’est pas rare que les compagnies des eaux brésiliennes déclarent des taux de couverture supérieurs à 100 % certaines années. Cela s’explique par le fait que plusieurs quartiers sont desservis sans être encore légalisés (c’est-à-dire que la population correspondante est incluse dans le numérateur mais pas dans le dénominateur du ratio de couverture). 25. Le concessionnaire a repris ces compagnies en 1998–1999, mais aucune donnée n’était disponible pour les années antérieures à 2000. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 51 atteignait 98 % pour l’eau et qui a fait passer le taux de couverture pour les services d’assainissement de 31 % à 61 %. Utilisation de PPP hybrides pour améliorer l’accès en Colombie Plus de 40 PPP dans le secteur de l’eau ont été conclus en Colombie depuis 1996, desservant une population de 7,3 millions de personnes en 2007. De nombreux contrats ont été attribués dans des communes pauvres aux infrastructures vétustes, avec un financement mixte public et privé. La première vague de contrats a été conclue en 1996–1998, la plupart sous la forme de sociétés d’économie mixte détenues majoritairement par la municipalité mais gérées par un opérateur privé. Un deuxième groupe de PPP a été lancé en 2000 dans le cadre du Programme de modernisation des entreprises (PME) du gouvernement central. Ce programme prévoyait de déléguer à des opérateurs privés la gestion de compagnies publiques des eaux très mal en point, sous forme de concessions assorties de subventions publiques importantes pour financer les investissements. L’amélioration de la desserte en eau est comparée pour les huit plus grands et/ou plus anciens PPP de Colombie, la moyenne nationale et les trois plus grandes compagnies publiques (figure 3.2), entre la première année du PPP et 2006. Les huit PPP étudiés représentent une population cumulée de près de quatre millions d’habitants et comprennent tous les grands contrats attribués avant 2004. Les deux sociétés d’économie mixte opérant à Barranquilla (1,3 million d’habitants desservis) et Cartagena (un million) constituent les plus grands et les plus anciens PPP conclus dans le secteur de l’eau en Colombie, et les deux affichent de bons résultats en termes d’extension de l’accès. Celle de Barranquilla a obtenu de nets progrès aussi bien pour les services d’eau que pour l’assainissement : le taux de couverture est passé de 86 % à 96 % pour l’eau, et de 70 % à 93 % pour l’assainissement (1997–2006). Le bilan a été encore meilleur à Cartagena, où le taux de couverture des services d’eau a grimpé de 74 % à près de 100 %, tandis que le taux de couverture pour l’assainissement est passé de 62 % à 79 % (1996–2006). Cartagena a atteint la couverture universelle pour l’eau, malgré la très forte augmentation de sa population pendant la même période (+50 %), due en grande partie à l’afflux en ville de milliers de ruraux pauvres. Un demi-million d’habitants supplémentaires ont gagné l’accès à un réseau d’eau potable, et 60 % des nouveaux raccordements ont bénéficié à des ménages du quintile de revenu le plus bas. Pour arriver à une couverture universelle, l’opérateur de Cartagena a largement utilisé des installations de desserte collective qui ont permis aux habitants des nombreux bidonvilles s’étendant à la périphérie de la ville d’avoir accès à de l’eau potable. Des sociétés d’économie mixte ont également été créées dans plusieurs villes colombiennes de taille moyenne. À Santa Marta, le taux de couverture des services d’eau a progressé rapidement les trois premières années, passant de 74 % à 87 %, mais a stagné depuis 2001 (idem pour l’assainissement). 52 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains À Palmira (220 000 habitants) et Girardot (100 000 habitants), la couverture universelle a été réalisée tant pour les services d’eau que d’assainissement. La ville de Tunja (120 000 habitants) a été la première en Colombie à accorder une concession pour les services d’eau municipaux. Le taux de couverture, qui s’établissait à 89 % pour l’eau et l’assainissement en 1996 au démarrage de la concession, avait atteint les 100 % quatre ans plus tard. Une série de concessions de plus petite taille ont aussi été accordées à des opérateurs nationaux en 1997–1998, pour des petites villes dans le département d’Antioquia. Le plus grand de ces opérateurs est Conhydra, qui a obtenu des résultats satisfaisants sur le plan de l’extension de l’accès. Dans les villes de Marinilla, Santafe et Puerto Berrio (100 000 habitants à elles trois), la couverture universelle a été réalisée en quelques années à partir de taux de 80-90 %, et les améliorations ont été plus spectaculaires encore pour les services d’assainissement. Toutes ces concessions prévoyaient un financement mixte public-privé, les communes apportant des transferts budgétaires annuels du gouvernement central. Figure 3.2 Comparaison des augmentations de la couverture des services d’eau obtenues par des opérateurs privés et par des compagnies publiques en Colombie, et de la moyenne urbaine nationale 100 100 100 100 99 97 100 96 96 95 87 80 84 88 pourcentage 60 95 98 86 89 89 86 83 85 40 74 74 69 69 20 0 ) ) ) ) 8) 99) 00) ) 6) 96) ) 98) 996 7 998 996 002 998 199 9 9 (19 (19 (20 (19 (19 (19 (1 a (1 a (1 d (2 a (1 ( e na lla ira ot ria li lin nal Ca art j eda got Tun ard qui del age m nte ta M atio Pal Bo Sol Gir Me ran Mo rt en Ca San Bar ain urb ne yen mo couverture la première année couverture en 2006 Source : agence nationale de régulation (données des compagnies des eaux), ainsi que OMS/UNICEF et PAHO pour la couverture urbaine nationale. Note : le taux de couverture de départ est celui de la première année de fonctionnement du PPP, et est comparé au taux de 2006. Dans le cas de Cali, les chiffres indiquent une diminution du taux de couverture, passé de 98 % en 1996 à 88 % en 2006. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 53 La deuxième phase des PPP du secteur de l’eau en Colombie est intervenue après 2000 avec le lancement du PME. La plupart des villes concernées affichaient des taux de pauvreté élevés, et le programme reposait sur des contrats de concession bénéficiant de financements publics. Le gouvernement central devait apporter des aides financières les premières années pour accélérer la rénovation des ouvrages vétustes et étendre le réseau, avec également des transferts budgétaires annuels des municipalités contractantes pour compléter les recettes. Le premier contrat s’inscrivant dans le PME a été signé en 2000 à Monteria (350 000 habitants) et a obtenu d’excellents résultats en termes d’amélioration de l’accès. Parti de moins de 70 %, le taux de couverture des services d’eau avait grimpé à 96 % en 2007, rattrapant la moyenne urbaine nationale, et la population ayant accès à un réseau d’eau potable a plus que doublé. Le bilan est plus modeste pour les services d’assainissement, le taux de couverture étant passé de 26 % à environ 40 %. À Soledad (400 000 habitants), le taux de couverture est passé de 69 % à 84 % pour l’eau, et de 36 % à 73 % pour l’assainissement, en seulement cinq ans. La plupart des partenariats public-privé mis en place dans le cadre du PME ont concerné des petites villes, pour lesquelles peu de chiffres sont disponibles dans la base de données nationale colombienne. Ils ont été signés en majorité entre 2002 et 2004, et aucune évaluation complète de leurs performances n’a encore été réalisée. Silva (2007) indique néanmoins que la plupart des opérations du PME ont donné des résultats satisfaisants sur le plan de l’extension de la couverture. Globalement, le bilan des PPP du secteur de l’eau en Colombie est positif pour ce qui est de faire progresser l’accès aux services. Les PPP les plus grands et les plus anciens décrits ci-dessus, qui représentent environ la moitié de la population desservie en eau par des opérateurs privés, ont effectivement bien amélioré les taux de couverture — dans la plupart des cas — souvent dans des villes comptant un fort pourcentage de pauvres. C’est vrai également pour les partenariats rentrant dans le cadre du PME depuis 2000. Le dispositif financier adopté, reposant sur une combinaison de financements privés et publics, a sans aucun doute contribué à leurs bons résultats. Néanmoins, il est difficile de dire si ces partenariats ont obtenu des perfor- mances sensiblement meilleures que les compagnies sous gestion publique. La compagnie publique de Bogotá, qui dessert un tiers de la population urbaine de Colombie, a fait de gros progrès en matière d’accès et est arrivée à la couverture universelle. Les résultats de la compagnie publique de Medellin ont été comparables, sur ce plan, à ceux du plus grand PPP à Barranquilla. Cette conclusion concorde avec deux études récentes (Barrera et Olivera 2007 ; Gomez-Lobo et Melendez 2007). En partant des enquêtes sur les ménages au lieu des chiffres des compagnies des eaux, elles n’ont pas constaté que les opérateurs privés réussissaient nettement mieux que les compagnies publiques à améliorer la couverture des services. Cela peut s’expliquer par différents facteurs. Le PME, en s’efforçant de transférer aux opérateurs privés les compagnies publiques les moins performantes, a certainement contribué à 54 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains améliorer le bilan moyen du secteur public26. Un cadre réglementaire solide a été mis en place au niveau national, et le développement récent des marchés financiers locaux a également permis aux municipalités d’accéder à une source viable pour financer les investissements des compagnies sous gestion publique, lesquelles ont ainsi pu être mieux armées face à leurs concurrentes privées. Au total, les progrès réalisés en Colombie pour l’accès aux services d’eau et d’assainissement doivent être portés au crédit de plusieurs entreprises performantes, tant publiques que privées, et d’une politique nationale favorisant la responsabilisation et l’efficacité de tous les prestataires de services. Grandes concessions en Asie de l’Est Les concessions de Manille (Philippines) et de Jakarta (Indonésie) sont en place depuis près de dix ans et desservaient à elles deux 18 millions d’habitants en 2007. Dans ces deux villes, les réseaux ont été séparés en deux concessions distinctes, un pourcentage important de la population n’avait pas accès à un réseau d’eau quand les concessionnaires privés ont pris le relais, et les premières années de fonctionnement ont été gravement affectées par la crise financière asiatique de 1997–1998. Les deux concessions de Manille L’agglomération de Manille est la plus grande métropole du monde en développement à être desservie en eau par des opérateurs privés. Deux concessions ont été attribuées en 1997 pour couvrir deux zones très différentes. La concession de Manille-Ouest (Maynilad, gèrée par Benpres-Suez) était la plus grande et couvrait les quartiers les plus anciens et les plus développés de la ville, représentant une population totale d’environ sept millions d’habitants. Plus petite, la concession de Manille-Est (Manila Water, gèrée par Ayala-United Utilities) couvrait environ quatre millions de résidents et une part importante des nouveaux quartiers en développement. Un tiers de la population de l’agglomération n’avait pas accès à un réseau d’eau potable quand les concessionnaires ont repris les activités de distribution d’eau. L’un des objectifs contractuels essentiels était d’atteindre la couverture universelle en 2006. Les progrès obtenus par les deux concessionnaires en matière d’accès au service sont présentés à la figure 3.3, qui illustre l’évolution de la couverture des services d’eau, du nombre de branchements et du nombre de ménages desservis pendant les neuf premières années de fonctionnement des deux concessions27. 26. Le PME a eu un double impact. Tout d’abord, il a retiré de l’échantillon des compagnies publiques les entreprises les moins performantes, puisque celles-ci sont devenues privées ; les performances moyennes du secteur public s’en sont trouvées améliorées. Ensuite, le gouvernement central a utilisé le PME comme moyen de pression sur les compagnies publiques peu performantes pour les inciter à engager des réformes. 27. Le niveau de couverture atteint par les concessionnaires demeure encore assez controversé ; l’instance de régulation n’a pas encore statué sur la méthode de mesure à utiliser, et reprend les estimations des concessionnaires dans ses rapports. Ce sont ces estimations qui sont citées ici. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 55 Les deux concessions se sont trouvées confrontées dès le départ à des difficultés majeures. La crise financière asiatique a éclaté tout juste un mois après le démarrage des activités des concessionnaires. L’opérateur de Manille- Ouest, qui avait repris l’essentiel de la dette en devise étrangère de l’ancienne compagnie publique, s’est retrouvé virtuellement en faillite lorsque le peso philippin a perdu la moitié de sa valeur. Les deux concessionnaires ont réduit beaucoup leurs investissements pendant les cinq premières années. Bien que l’objectif contractuel d’une couverture universelle en 2006 n’ait pas été réalisé, l’accès à un réseau d’eau à Manille a fait de gros progrès pendant cette décennie. Le taux de couverture est passé de 67 % à 86 % dans la concession de Manille-Ouest (Maynilad), et a grimpé de 49 % à 94 % dans celle de Manille-Est (Manila Water). Pendant la même période, la moyenne urbaine nationale pour la couverture des services d’eau a augmenté modérément, passant de 46 % en 1997 à 58 % en 2004. On estime à quatre millions le nombre de personnes supplémentaires ayant gagné l’accès à un réseau d’eau à Manille entre 1997 et 2006, dont la moitié par la mise en place de systèmes communautaires, moins chers, principalement dans la zone Est. En revanche, l’accès aux services d’assainissement est resté marginal : autour de 10 % en 200728. La couverture des services d’eau a évolué très différemment dans les deux zones. Dans la zone Ouest, malgré les difficultés financières, des progrès sensibles ont d’abord été enregistrés, puis la situation a stagné à partir de 2001 en raison d’une dégradation de la situation financière et contractuelle de Maynilad. L’extension de l’accès s’est fait surtout par des branchements individuels. Au contraire, le taux de couverture des services d’eau dans la zone Est a augmenté au même rythme que la moyenne urbaine nationale jusqu’à la révision tarifaire intervenue en 2003, mais le concessionnaire a ensuite commencé à investir massivement dans l’augmentation du nombre de ses abonnés. Il a réalisé pas moins de 160 000 nouveaux raccordements en trois ans, entre 2003 et 2006, et mis en place un grand programme d’extension de l’accès dans les quartiers pauvres par des mécanismes de fourniture communautaire en gros. 28. Les concessions prévoyaient d’étendre l’accès aux services d’assainissement non pas par un réseau d’évacuation des eaux usées mais par la construction de fosses septiques individuelles, les concessionnaires étant chargés de les vidanger régulièrement. Entre 1997 et 2006, la couverture du réseau d’égouts est passée de 7 % à 10 % dans la zone Est, et a diminué dans la zone Ouest, passant de 14 % à 10 %. 56 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Figure 3.3 Évolution de la couverture des services d’eau dans le cadre de PPP à Manille (Philippines), 1997–2006 a) Comparaison des résultats des concessionnaires privés et de la moyenne urbaine nationale 100 80 pourcentage 60 40 20 0 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Manila Water Maynilad moyenne urbaine nationale b) Raccordements et ménages desservis par des concessionnaires 1 000 800 milliers 600 400 200 0 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 raccordements Maynilad raccordements Manila Water ménages Maynilad ménages Manila Water Sources : données de l’instance de régulation et des opérateurs. Les deux concessions de Jakarta Les deux concessions de Jakarta ont été attribuées en 1998, soit un an après celles de Manille. Les taux de couverture étaient encore plus bas : 40 % pour l’alimentation en eau, pour une population desservie d’environ quatre millions d’habitants. De nombreux citadins s’approvisionnaient en eau à partir de puits privés. Entre 1998 et 2005, l’accès à un réseau d’eau potable est passé de 32 % à 50 % dans la zone Ouest de Jakarta (gèrée par Suez), et de 57 % à 67 % dans la zone Est (gèrée par Thames Water). Au total, les deux concessionnaires ont réalisé 210 000 nouveaux raccordements au réseau pendant les sept premières années, représentant 1,7 million d’habitants. Plus de 65 % des ménages ayant Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 57 bénéficié d’un branchement individuel dans la zone Ouest étaient répertoriés dans les catégories « pauvres » ou « très pauvres ». Globalement, le bilan des concessionnaires de Jakarta est mitigé pour l’accès aux services d’eau. Il est positif si l’on considère les progrès importants réalisés dans ces deux concessions alors qu’à l’échelon national, la couverture des services d’eau urbains a stagné à 30 % durant la même période. Néanmoins, la moitié de la population de la zone Ouest, et un tiers de celle de la zone Est, n’était toujours pas raccordée au réseau d’alimentation en eau après près de dix ans. Cette situation s’explique notamment par le développement des puits privés à Jakarta, et l’absence de réglementation et de contrôle de l’utilisation de la nappe phréatique. Beaucoup de ménages n’ont pas voulu payer une redevance de raccordement en plus des factures de consommation, car ils avaient déjà investi dans des équipements de pompage et ne payaient aucune redevance pour l’eau qu’ils tiraient de leurs puits. Les PPP en Afrique En Afrique subsaharienne, un grand nombre de partenariats public-privé dans le secteur de l’eau ont suivi le modèle de l’affermage, souvent en bénéficiant d’un appui financier de bailleurs de fonds. Plusieurs contrats d’affermage sont restés en place pendant plus de cinq ans, desservant une population urbaine totale de plus de 17 millions d’habitants (Côte d’Ivoire, Guinée, Niger, Sénégal et Maputo [Mozambique]) et offrant un bon échantillon à analyser. Une autre spécificité de l’Afrique est l’existence de compagnies combinant services d’eau et d’électricité, avec des concessions au Gabon et au Mali pour des compagnies nationales, et au Maroc pour les villes de Casablanca, Rabat, Tanger et Tétouan (distribution d’eau uniquement)29. Contrats d’affermage et concessions eau-électricité en Afrique subsaharienne La figure 3.4 illustre l’évolution de l’accès aux services d’eau après le passage sous gestion privée en Afrique subsaharienne, mesurée au nombre de branchements domestiques et à l’amélioration du taux de couverture ; ce deuxième indicateur est essentiel car un pourcentage important de la population urbaine de la région s’approvisionne à partir de bornes-fontaines30. En Côte d’Ivoire, l’opérateur privé est en place depuis 1960 et dessert 7,5 millions d’habitants dans tous les centres urbains et les petites villes du pays dans le cadre d’un contrat d’affermage. Entre 1990 et 2006, le taux d’accès amélioré à un réseau d’eau potable est passé de 68 % à 90 %, et la population desservie a plus que doublé. Le taux de couverture par des raccordements domestiques est passé de 41 % à 60 %, et le nombre d’habitants 29. Au Maroc, les services d’eau, d’assainissement et d’électricité dans les grandes villes sont assurés par des compagnies municipales (publiques ou privées) qui sont chargées uniquement de la distribution d’eau et d’électricité et achètent de l’eau et de l’électricité en gros à des fournisseurs publics nationaux (l’ONEP [Office national de l’eau potable] et l’ONE [Office national de l’électricité], respectivement). 30. Les données et analyses présentées ici ont été publiées plus en détail dans une étude complémentaire de Fall et al. (2009). 58 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Figure 3.4 Évolution de la couverture des services d’eau dans le cadre de PPP en Afrique subsaharienne a) Raccordements individuels au réseau d’eau 100 % du total des ménages 80 76 60 60 65 40 47 58 40 20 41 45 31 32 indisponible indisponible 0 6) 8) 5) 5) ) 5) 5) 007 200 9 0 200 200 0 –19 –20 –20 1–2 90– 99– 96– 989 996 001 200 (19 (19 (19 e (1 l (1 li (2 er ( ire ue bon éga iné Ma Nig iq ’Ivo Ga Gu Sén mb te d oza Cô o, M put Ma couverture de départ augmentation de la couverture b) Accès amélioré à de l’eau potable 100 % du total des ménages 99 80 90 68 81 60 67 40 82 82 35 68 68 65 52 52 20 40 40 33 33 indisponible 0 ) 8) 05) 5) ) ) 05) 006 007 005 199 200 –20 –20 0–2 1–2 2 – – 96– 989 996 999 001 9 200 (19 (19 e (1 l (1 e (1 li (2 er ( ire bon éga iné iqu Ma Nig ’Ivo Ga Gu Sén mb te d oza Cô o, M put Ma accès amélioré de départ augmentation de l’accès amélioré Source : auteur ; Fall et al. 2009. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 59 ayant l’eau courante à domicile a également été multiplié par plus de deux (de deux millions, il est passé à 4,9 millions d’habitants — voir l’encadré 3.2). Au total, 340 000 nouveaux branchements ont été réalisés31. Ce résultat est d’autant plus remarquable que, contrairement à un contrat d’affermage classique (où la plupart des investissements sont financés par les deniers publics), pratiquement aucun financement n’est venu de l’extérieur (que ce soit pouvoirs publics ou bailleurs de fonds) ces 15 dernières années. Un Fonds national de l’eau a été créé en 1988 pour financer les investissements au moyen d’une surtaxe sur le tarif, et l’opérateur privé est chargé de gérer ce fonds et de réaliser tous les travaux de génie civil. Sur les 15 années passées, 200 millions de dollars ont été collectés auprès des clients par le biais de ce fonds, et investis principalement dans l’extension du réseau. Après la Côte d’Ivoire, le contrat d’affermage suivant en Afrique de l’Ouest a été conclu en 1989 pour la compagnie nationale des eaux de Guinée (desservant environ un million d’habitants). Durant les six premières années, le taux d’accès amélioré est passé de 40 % à 67 % ; ce sont ainsi quelque 600 000 habitants supplémentaires (de Conakry essentiellement) qui ont gagné l’accès à un réseau d’eau potable. Par la suite toutefois, le partenariat public-privé mis en place en Guinée a rencontré des difficultés. Contrairement à ce qui s’était passé en Côte d’Ivoire, les travaux en Guinée n’étaient pas réalisés par l’opérateur privé mais par une société de patrimoine nouvellement créée, propriétaire des actifs et chargée d’investir. La coordination de ces travaux entre l’opérateur privé et la société de patrimoine a posé des problèmes incessants qui ont beaucoup retardé le programme d’investissements. Mécontent de la lenteur avec laquelle la société de patrimoine réalisait les investissements, l’opérateur privé a conclu directement des accords bilatéraux de financement pour des marchés de travaux, attribué à lui-même par entente directe. Ce procédé a accéléré les investissements mais a détourné l’opérateur de sa mission première, à savoir gérer l’entreprise de service public, et a modifié le cadre d’incitations. L’opérateur n’a pas enregistré de gains d’efficacité et le contrat n’a pas été renouvelé après son expiration en 1998. Le contrat d’affermage du Sénégal (4,7 millions d’habitants desservis) a été conclu en 1996 et, se fondant sur les leçons de l’expérience guinéenne, a intégré des objectifs et des pénalités contractuels pour que l’opérateur soit incité à améliorer son efficacité. L’augmentation de l’accès au Sénégal a été encore plus remarquable qu’en Côte d’Ivoire, grâce aux sommes importantes injectées par les bailleurs de fond et aux excédents de trésorerie de l’exploitation transférés à la société de patrimoine. Celle-ci, à l’inverse de la Guinée, a efficacement mis en œuvre le programme d’investissement destiné à rénover les infrastructures et les développer. Résultat : en dix ans, le taux d’accès amélioré à un réseau d’eau potable en milieu urbain est passé 31. Pour replacer ces réalisations dans le contexte d’un pays pauvre, rappelons les chiffres obtenus sur plus de dix ans par les opérateurs privés des concessions de Buenos Aires et de Manille : 310 000 nouveaux raccordements pour Aguas Argentinas, 230 000 pour Maynilad et 250 000 pour Manila Water. 60 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Encadré 3.2 Des programmes de subvention des raccordements au réseau pour améliorer l’accès à l’eau en Afrique subsaharienne Un élément qui a largement contribué au bilan positif des PPP en Côte d’Ivoire et au Sénégal sur le plan de l’amélioration de l’accès à l’eau est un programme social destiné à subventionner les redevances de raccordement. Au Sénégal, les raccordements au réseau étaient gratuits et les bénéficiaires devaient juste payer une avance sur consommation équivalant à 30 mètres cube. En Côte d’Ivoire, le programme social de raccordement a été financé par la surtaxe tarifaire versée au Fonds national de l’eau. Environ 340 000 nouveaux branchements sociaux ont été réalisés entre 1990 et 2006, mais parmi les nouveaux ménages raccordés, nombreux sont ceux à ne pas avoir pu régler leurs factures trimestrielles en raison de revenus irréguliers. Le taux de débranchement a atteint environ 15 % en 2002, et le pays comptait en 2006 environ 70 000 raccordements inactifs. La plupart de ces anciens abonnés sont encore comptabilisés comme bénéficiant d’un « accès amélioré » car ils se fournissent en eau auprès de leurs voisins. Un programme social de raccordement a également été engagé au Sénégal, financé cette fois par des prêts de bailleurs de fonds par le biais de la société de patrimoine. Il a permis de raccorder quelque 129 000 ménages pauvres des quartiers ciblés, soit 75 % du total des nouveaux branchements. Comme en Côte d’Ivoire, une partie des nouveaux abonnements ont été résiliés pour défaut de paiement ; il s’agissait pour la plupart de familles du quintile de revenu le plus bas. Ces expériences semblent indiquer que, pour les ménages urbains les plus pauvres (rémunérés de façon irrégulière pour un travail non déclaré), le raccordement domestique n’est pas forcément la meilleure solution car bon nombre de ces familles ont beaucoup de mal à économiser suffisamment pour payer leurs factures à la fin du mois. Au Niger, un programme plus modeste de branchements subventionnés (environ 10 000 nouveaux raccordements) a également été mis en œuvre au cours des trois premières années ; il a été financé par un crédit de l’Association internationale de développement (IDA) et les travaux de génie civil ont été réalisés directement par l’opérateur privé. de 81 % à près de 100 %. Le nombre de clients résidentiels est passé de 217 000 à 375 000. Le pourcentage de raccordements est passé de 58 % à 76 % et est actuellement le plus élevé d’Afrique de l’Ouest. Au Niger, le contrat d’affermage (1,8 million d’habitants desservis) est entré en vigueur en 2000 et il a obtenu des résultats honorables pour l’amélioration de l’accès à l’eau. Les premières années, le programme d’investissement a privilégié davantage la rénovation des équipements existants que l’extension Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 61 du réseau. Environ 450 000 personnes supplémentaires ont gagné l’accès à un réseau d’eau potable, mais les taux de couverture n’ont que peu augmenté : les taux d’accès amélioré et de raccordement sont passés de 65 % à 68 %, et de 31 % à 40 %, respectivement32. Le contrat d’affermage conclu pour Maputo, la capitale du Mozambique (environ un million d’habitants desservis), est également en place depuis 2000. Son bilan jusqu’à présent a été décevant sur le plan de l’amélioration de l’accès puisque le taux de couverture est resté à peu près stable et ne dépassait pas 35 % en 2005 (25 % par des raccordements individuels et 10 % par des bornes-fontaines)33. Ce contrat a connu des déboires dès son démarrage. Des inondations catastrophiques se sont produites le mois suivant l’entrée en fonction de l’exploitant, et une partie des fonds prévus initialement par les bailleurs de fonds furent réaffectés à des travaux de réparation d’urgence. L’opérateur privé est parti en 2001, et bien qu’il ait été remplacé par une autre compagnie étrangère expérimentée (son associé dans le consortium original), la renégociation du contrat entre les nouvelles parties a duré jusqu’en 2004. Aux termes du premier contrat, l’opérateur privé était directement chargé d’exécuter les travaux de génie civil financés par les bailleurs de fonds ; de ce fait, le programme d’investissement conçu initialement a subi d’importants retards et s’est limité pour l’instant à des travaux de rénovation et d’augmentation de la capacité de production, sans extension du réseau. En Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, le bilan des deux grandes concessions est satisfaisant du point de vue de l’amélioration de l’accès. Au Gabon (750 000 personnes desservies), le concessionnaire est seulement chargé de fournir des services d’eau par des raccordements individuels ; les bornes-fontaines continuent de relever d’un organisme gouvernemental. Depuis 1996, le taux de couverture par des raccordements est passé de 45 % à 65 % au niveau national, et l’on estime à 300 000 le nombre de personnes supplémentaires ayant gagné l’accès à un réseau d’eau en 2007. Au Mali, (1,6 million de personnes desservies), l’opérateur privé s’est retiré en 2005 mais avait amélioré de façon significative l’accès à un réseau d’eau pendant ses quatre années de présence : le taux d’accès amélioré était passé de 52 % à 81 % sur le territoire couvert par le contrat, soit environ 600 000 personnes supplémentaires desservies (60 % d’augmentation). 32. Cela s’explique en partie par une démographie urbaine galopante, le Niger ayant l’un des taux de fécondité les plus élevés au monde. 33. Les chiffres sur l’accès aux services d’eau au Mozambique ne sont pas exactement comparables à ceux des autres pays d’Afrique subsaharienne. Les statistiques gouvernementales utilisent un ratio d’environ cinq personnes par branchement individuel, ratio qui ne tient pas compte des ménages achetant de l’eau à leurs voisins raccordés au réseau. On estime qu’environ le quart des habitants de Maputo s’approvisionnent en eau potable auprès de leurs voisins raccordés. Dans les autres pays d’Afrique subsaharienne, on part le plus souvent d’un ratio de huit à dix personnes par branchement individuel pour évaluer l’accès aux services d’eau, afin de tenir compte de cette pratique très répandue d’achat d’eau aux voisins. 62 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Concessions pour l’eau, l’assainissement et l’électricité au Maroc La concession de Casablanca (3,7 millions d’habitants desservis) est en place depuis une dizaine d’années et a permis d’étendre l’accès à l’eau de manière importante : entre 1997 et 2005, plus de 270 000 nouveaux raccordements au réseau d’eau ont été réalisés, soit environ 1,3 million d’habitants supplémentaires desservis. La couverture des services d’eau dans la concession est passée de 71 % à 93 % pendant les huit premières années. Lorsque le concessionnaire est arrivé, elle était inférieure de neuf points à la moyenne urbaine nationale ; il a réussi à la rattraper et même à la dépasser en 2005. Les conditions financières de la concession de Casablanca ont joué un rôle important dans l’augmentation de l’accès aux services. Un fonds de travaux spécial financé par une surtaxe tarifaire de 0,5 % a été mis en place ; sur les 500 millions de dollars de travaux de génie civil réalisés par le concessionnaire sur dix ans, ce fonds en a financé 140 millions de dollars. La concession a également bénéficié d’une autre source de financement majeure, à savoir le mécanisme spécial applicable à toutes les compagnies des eaux au Maroc (qu’elles soient publiques ou privées), qui prévoit le versement par les abonnés nouvellement connectés d’une contribution financière très supérieure au coût réel du branchement34. Pourtant, l’opérateur n’a pas atteint les objectifs d’extension de la couverture, principalement à cause du prix élevé facturé pour les raccordements, et des problèmes posés par les zones d’habitat illégal. On ne disposait d’aucun chiffre de couverture pour la concession de Rabat. En revanche, pour celles de Tanger et de Tétouan (1,1 million d’habitants desservis à elles deux), la couverture des services d’eau est passée de 67 % à 76 % et de 79 % à 86 %, respectivement, entre 2001 et 2005. Les conditions financières de ces concessions sont du même type que pour Casablanca. Les données disponibles sur l’évolution du nombre d’abonnés pour la période 2001–2005 indiquent que les concessionnaires de ces quatre villes ont obtenu de bons résultats mais pas sensiblement meilleurs que les opérateurs publics, d’après les chiffres des quatre plus grandes compagnies municipales (Fez, Marrakech, Agadir et Meknès). Le nombre d’abonnés a progressé d’environ 6 % par an dans les quatre concessions — un rythme que l’on retrouve à Fez, Marrakech et Meknès. L’entreprise la plus performante pendant cette période a été la compagnie publique d’Agadir : la couverture des services d’eau est passée de 66 % à 81 %, avec un taux de croissance du nombre de raccordements de 9 % par an. 34. La contribution financière due par les nouveaux abonnés est basée sur la superficie du bien et comprend, en plus du coût du branchement, un montant équivalent à une partie de la valeur de l’investissement déjà réalisé dans les installations existantes. Cette contribution financière est appelée « participation aux frais de premier établissement ». Pour les compagnies opérant dans des villes en expansion rapide, elle représente généralement 10 à 15 % des recettes. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 63 Conclusions sur l’impact des PPP sur l’accès aux services et l’augmentation de la couverture Cet examen de nombreux partenariats public-privé nous amène à tirer plusieurs conclusions sur la contribution globale des PPP à l’amélioration de l’accès aux services dans les PED, sur l’importance des conditions financières des contrats, et sur la nécessité de prendre suffisamment en compte les besoins spécifiques des pauvres. Au final, l’extension de l’accès aux services de base d’eau et d’assainissement dépend de beaucoup de facteurs clés se situant hors du champ de compétences des compagnies de distribution, qu’elles soient sous gestion publique ou privée. Plus de 24 millions de personnes ont gagné l’accès à un réseau d’eau potable dans le cadre d’un PPP De nombreux partenariats public-privé n’ont pas atteint leurs objectifs contractuels d’extension de la couverture des services, et souvent, les concessionnaires n’ont pas investi les montants convenus au départ pour développer les réseaux. Il n’en reste pas moins que beaucoup de PPP ont amélioré significativement la couverture des services d’eau et d’assainissement. Les résultats de la présente étude montrent que, depuis 1991, les partenariats public-privé mis en place dans les PED ont permis à plus 24 millions de personnes de gagner l’accès à un réseau d’eau potable (voir l’annexe B). Bien que ce chiffre puisse paraître modeste au niveau global, il est tout de même important si l’on tient compte du fait que les opérateurs privés desservaient moins de 1 % de la population urbaine des PED en 1997, que leur part de marché ne s’élevait qu’à 4 % en 2002 et qu’elle n’était encore que de 7 % en 2007. Ce chiffre de 24 millions est relativement prudent. Il se base sur 36 grands partenariats public-privé de longue durée (concessions, affermages et sociétés d’économie mixte) analysés dans la présente étude. Ensemble, ces PPP ont permis à plus de 24 millions de personnes de gagner l’accès à un réseau d’eau potable, mais il y avait plus de 220 PPP en place dans le secteur de l’eau dans les PED à la fin 2007. Cette estimation ne comprend pas les contributions de plusieurs grands contrats ayant duré plus de cinq ans mais pour lesquels on ne disposait pas de données suffisantes (notamment Aguascalientes, Campo Grande, Cancun, La Havane, Mendoza, Saltillo et San Pedro Sula). Elle ne tient pas compte non plus des nombreux PPP mis en œuvre dans des petites villes en Argentine, au Brésil et en Colombie, ni des contrats de gestion, même si plusieurs d’entre eux ont obtenu de bons résultats (comme à Amman, où la couverture des services à été étendue à 400 000 habitants supplémentaires). Pas de supériorité claire des PPP pour étendre l’accès aux services de base Un grand nombre de partenariats public-privé affichent un bilan positif pour l’accès aux services d’eau, et aux services d’assainissement dans certains cas. Plusieurs PPP ont obtenu d’excellents résultats, notamment ceux de Côte d’Ivoire et du Sénégal (compagnies nationales), de la province de Corrientes (Argentine), de Manille-Est (Philippines) et des villes de Cartagena et Monteria (Colombie), de Casablanca (Maroc) et de Guayaquil (Équateur). 64 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Globalement toutefois, rien ne montre que les PPP soient nécessairement plus performants que les compagnies sous gestion publique pour augmenter la couverture des services. En Argentine, au Brésil, en Colombie et au Maroc par exemple, les concessionnaires privés n’ont pas obtenu, en moyenne, de résultats nettement supérieurs à ceux des compagnies publiques, d’après les données disponibles. À Guayaquil (Équateur), le concessionnaire a remarquablement réussi à augmenter la couverture des services d’eau, mais ce succès peut être largement attribué à un dispositif national de subvention publique qui a avantagé l’opérateur par rapport aux autres compagnies du pays35. À Jakarta (Indonésie) et à Manille (Philippines), les concessionnaires ont fait mieux que leurs homologues des villes secondaires, mais ils ne peuvent pas leur être réellement comparés du fait des différences de taille et d’accès à des financements. Enfin, en ce qui concerne l’amélioration de l’accès aux services d’assainissement, les partenariats public-privé ont obtenu des résultats inégaux. En Afrique subsaharienne, le bilan des opérateurs privés est nettement meilleur que celui des compagnies publiques pour l’augmentation du nombre de branchements domestiques. Les PPP représentent près de 20 % des nouveaux branchements dans la région, soit plus du double du nombre auquel on aurait pu s’attendre compte tenu de leur part de marché de 9 %36. Mais la moitié de ces progrès ont été réalisés dans un seul pays (Côte d’Ivoire), et si l’on considère le critère de l’accès amélioré — qui tient aussi compte des formes d’accès plus élémentaires (comme les bornes-fontaines) et est utilisé pour suivre la progression des pays en direction des Objectifs de développement pour le Millénaire (ODM) — l’écart entre les compagnies nationales publiques et privées n’est pas manifeste (Fall et al. 2009). Un lien étroit entre augmentation de la couverture des PPP et financement Les résultats obtenus par les partenariats public-privé en matière d’augmentation de la couverture des services sont étroitement liés aux possibilités de financement. En règle générale, l’extension de l’accès aux services d’eau et d’assainissement nécessite d’importants investissements. Il n’est pas étonnant de constater que les écarts de performances entre les PPP sont liés pour une 35. Les recettes de la taxe téléphonique sont réparties entre les compagnies de service public en fonction du lieu d’origine de l’appel. Guayaquil étant la plus grande ville et la capitale économique, elle s’est taillé la part du lion. La taxe téléphonique était déjà en place avant l’arrivée de l’opérateur privé, mais elle avait rapporté beaucoup moins car le boum des télécommunications s’est produit au début des années 00, juste au démarrage de la concession. Le concessionnaire a néanmoins très bien tiré parti des possibilités de ce mécanisme pour augmenter rapidement le nombre d’abonnés, ce qui a profité en même temps aux nombreux ménages pauvres qui ont ainsi eu accès à un réseau d’eau potable. 36. Sur l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, 27 millions de personnes supplémentaires ont été raccordés à l’eau courante à leur domicile depuis 1990. Sur ce chiffre, plus de cinq millions (trois millions en Côte d’Ivoire, 1,5 million au Sénégal et 0,3 million au Gabon) le doivent à des compagnies privées, alors que les PPP ne représentaient que 9 % de la population urbaine desservie en eau. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 65 bonne part aux conditions financières des contrats et aux fonds disponibles pour investir. Dans les concessions, le bilan en termes d’extension de la couverture s’est révélé très dépendant des conditions financières du contrat, qui ont influé sur le montant des investissements pouvant être financés par les recettes du concessionnaire et sur ses possibilités d’emprunt. L’hypothèse selon laquelle les prêteurs privés seraient prêts à accorder aux opérateurs privés des prêts importants sans recours s’est révélée irréaliste. Plusieurs concessions ont été touchées par les crises économiques, en particulier quand le concessionnaire avait contracté des emprunts importants en devises. À Manille, les résultats des premières années ont été gravement affectés par la crise financière asiatique, et la concession de Manille-Est n’a commencé à étendre la couverture des services qu’après avoir obtenu de l’instance de régulation un ajustement des tarifs — sept ans après le démarrage du partenariat. Dans les contrats d’affermage, la principale responsabilité des investissements échoit aux pouvoirs publics, et la manière dont le programme d’investissement a été mis en œuvre a joué un rôle majeur dans le bilan final de ces PPP. Dans la pratique, les travaux de génie civil peuvent se retrouver réalisés par différents acteurs. En Afrique subsaharienne, les investissements des contrats d’affermage ont souvent été réalisés par une société de patrimoine, et les résultats obtenus en termes de couverture des services ont été fonction des priorités gouvernementales et de la rapidité d’exécution des travaux. Au Sénégal, les autorités ont fait de l’amélioration de l’accès aux services une priorité et ont enregistré la plus forte progression dans la région grâce aux bonnes performances tant de la société de patrimoine que de l’opérateur privé. À Maputo (Mozambique), l’extension du réseau a été freinée par le retard pris dans l’exécution du programme d’investissement et par la priorité donnée jusqu’ici à la rénovation des installations et à l’augmentation de la capacité de production. La Côte d’Ivoire est un cas à part car le partenariat est à mi-chemin entre un affermage et une concession : les investissements ont été entièrement financés par l’excédent d’exploitation, et l’opérateur privé était responsable de réaliser les travaux. Dans le cas de sociétés d’économie mixte sous contrat d’affermage, comme à Cartagena (Colombie), la compagnie sous gestion privée a réalisé tous les travaux, mais les décisions d’investissement ont été prises conjointement par le partenaire privé et les autorités municipales. Il est intéressant de noter que beaucoup de partenariats ayant obtenu de bons résultats ont bénéficié de financements publics prévus au contrat (subventions ou prêts à taux préférentiel), destinés à accélérer l’extension du réseau. On le constate dans le bilan positif des concessions de Cordoba (Argentine) et de Guayaquil (Équateur) ainsi que des concessions accordées dans le cadre du PME (où des fonds publics substantiels ont financé les investissements). À l’inverse, les problèmes rencontrés dans les concessions de La Paz–El Alto (Bolivie) et de la province de Buenos Aires (Aguas de Bilbao [Argentine]) montrent combien il est difficile de se reposer entièrement sur les recettes du service d’eau pour financer l’extension du réseau lorsque le taux de pauvreté 66 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains de la population est élevé. En ce qui concerne les contrats d’affermage, le fait que la couverture des services d’eau atteinte au Sénégal (qui a bénéficié d’une injection massive de capitaux de bailleurs de fonds) soit beaucoup plus élevée que celle atteinte en Côte d’Ivoire (où tous les travaux d’extension ont été financés par les recettes de facturation aux usagers) montre que les réalisations dépendent beaucoup des montants que les pouvoirs publics sont prêts à verser pour atteindre des objectifs sociaux. L’importance de proposer des solutions de desserte à faible coût Il est nécessaire d’offrir des solutions à faible coût adaptées aux besoins des pauvres. Dans beaucoup de pays en développement, le prix du service est un aspect important pour les familles défavorisées, pour lesquelles le coût d’un branchement peut être prohibitif. Plusieurs opérateurs privés ont proposé des dispositifs de financement pour aider les manages pauvres à payer les frais de raccordement (par exemple en Argentine, à La Paz-El Alto en Bolivie, en Colombie et à Manille aux Philippines), mais cela ne suffit pas toujours. Les programmes de branchements subventionnés en Côte d’Ivoire et au Sénégal ont beaucoup contribué au succès de ces deux partenariats public-privé, même si les taux de déconnection élevés montrent que les branchements individuels ne sont pas forcément la meilleure solution pour les citadins les plus démunis. Plusieurs PPP parmi les plus concluants se sont démarqués pour avoir mis en œuvre des alternatives moins couteuses, à travers des mécanismes communautaires. C’est le cas par exemple à Cartagena et Manille-Est, où la couverture était quasiment universelle en 2007 pour l’accès à un réseau d’eau, malgré des taux de pauvreté élevés. À Cartagena, ces progrès sont le résultat d’une approche pragmatique graduelle consistant à amener progressivement des canalisations d’eau jusqu’à l’entrée de chaque zone d’habitat dans un premier temps, puis à installer un réseau tertiaire et des raccordements standard dans chaque zone au fur et à mesure qu’elle était légalisée par la municipalité. Bien que le service initialement fourni ait été moins pratique qu’un branchement individuel, il a quand même représenté une amélioration majeure par rapport à la situation antérieure et a permis à un grand nombre de pauvres d’avoir accès rapidement à un réseau d’eau potable. Par ailleurs, il est de plus en plus admis que les petits opérateurs privés locaux, qui desservent en eau les quartiers périphériques pauvres de beaucoup de villes des PED, peuvent contribuer de façon importante à améliorer l’accès des ménages urbains défavorisés aux services d’eau. Ces acteurs, qui opèrent souvent en dehors du cadre légal, sont généralement apparus pour pallier les carences de la compagnie des eaux en place, et sont susceptibles de devenir des partenaires utiles pour améliorer la desserte des pauvres, à condition d’être convenablement encadrés. À Maputo (Mozambique), le grand programme d’investissement financé par les bailleurs de fonds a cela de particulier qu’il n’est pas limité au contrat d’affermage avec un opérateur international, mais comprend également une aide financière aux petits opérateurs locaux afin de les aider à améliorer la qualité et l’accès du service. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 67 Les compagnies des eaux sont aussi tributaires de facteurs externes Plusieurs facteurs essentiels pour pouvoir augmenter le taux de couverture des services sortent du champ de compétences d’une compagnie des eaux — qu’elle soit sous gestion publique ou privée. Dans les grandes villes des PED, un pourcentage important de la population habite dans des zones d’habitat illégales et des bidonvilles, mais les compagnies des eaux ne sont généralement pas bien équipées pour desservir ces quartiers. Prolonger les réseaux dans une zone d’habitat illégal est souvent interdit par la loi et soulève des problèmes de propriété foncière qui ne peuvent être résolus que par une collaboration active avec les autorités locales. Il n’est pas toujours possible de faire appel à des schémas communautaires pour étendre rapidement l’accès aux services, comme cela a été fait à Cartagena et Manille-Est, soit à cause des normes techniques en vigueur, soit parce que la solution n’est pas jugée viable par la population. De surcroit, le fait que les ménages ne soient pas toujours d’accord pour être raccordés aux réseaux de distribution d’eau ou d’évacuation des eaux usées peut poser des problèmes. À Jakarta, la faible augmentation du taux de couverture est ainsi due en partie à ce que beaucoup de résidents disposaient déjà de puits pour s’approvisionner en eau et ne souhaitaient souvent pas être raccordés au réseau d’eau. Cette situation est problématique sur le plan de l’environnement (la nappe phréatique est actuellement surexploitée) et de la santé publique (en règle générale, l’eau des puits n’est pas potable), mais la couverture des services ne pourra être améliorée que si les pouvoirs publics réglementent davantage l’utilisation de la nappe souterraine. Les municipalités et les compagnies des eaux se heurtent au même problème lorsqu’elles essaient de convaincre les ménages de se raccorder à un nouveau réseau d’égouts alors qu’ils ont déjà investi dans une installation d’assainissement individuelle. C’est aux autorités gouvernementales qu’il appartient de faire appliquer des règles strictes pour obliger les ménages à se raccorder, et/ou de subventionner les frais de branchement pour les nouveaux abonnés. Qualité du service La qualité du service peut prendre différentes formes. La présente étude s’intéresse aux résultats obtenus par les partenariats public-privé dans le secteur de l’eau en termes d’amélioration de la continuité de la distribution d’eau (lorsqu’un opérateur privé reprend les activités d’un service affecté par des interruptions du service et le rationnement de l’eau) et de respect des normes de potabilité de l’eau. Réduction du rationnement en eau Dans les pays en développement, nombreuses sont les compagnies d’eau amenées à rationner l’eau et à diminuer la pression de service, généralement en raison de fuites très importantes dans des réseaux délabrés. Les pauvres sont plus touchés que les autres par ces perturbations. Ils vivent souvent dans les quartiers périphériques, à la périphérie des réseaux de distribution, où la pression de service est plus faible et où l’eau n’arrive souvent que pendant 68 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains quelques heures, la nuit. D’autre part, ils sont moins en mesure d’acheter du matériel, par exemple des réservoirs de stockage d’eau sur les toits, et des filtres, pour limiter les aléas de la distribution d’eau. La capacité d’une compagnie des eaux à fournir un approvisionnement en eau en continu est probablement le facteur de qualité numéro un. Sans continuité du service, la potabilité ne peut pas être garantie en raison du risque d’infiltration externe et de contamination dans les canalisations. Le rationnement de l’eau est la cause profonde du cercle vicieux de « mauvais entretien-faible qualité de service ». Une fois que le rationnement est devenu une pratique installée, le réseau se détériore plus vite du fait des à-coups de pression répétés. Les tentatives de rétablissement d’un service continu se soldent souvent par un échec car toute augmentation temporaire de la pression moyenne provoque d’autres ruptures de canalisations ou de joints, et donc une augmentation des pertes en eau. C’est pourquoi les compagnies de distribution d’eau dont les réseaux sont en mauvais état parent souvent au plus pressé en diminuant le nombre d’heures de fonctionnement pour limiter les fuites, même si c’est au détriment du service aux clients. Il est très difficile de rétablir la continuité de la distribution d’eau lorsque le rationnement est pratiqué depuis de longues années. Certaines compagnies publiques de PED ont pourtant réussi, comme à Phnom Penh (Cambodge) et Ouagadougou (Burkina Faso), dans les deux cas grâce à un appui d’institutions financières internationales. Nous allons examiner ci-après les partenariats public-privé qui se trouvaient dans une situation de rationnement d’eau au moment de leur entrée en vigueur, et pour lesquels on disposait de données fiables sur l’évolution du nombre moyen d’heures de services par jour. Réduction du rationnement en eau dans le cas des contrats de concession ou d’affermage C’est en Colombie que l’on trouve le plus d’informations sur la capacité des PPP de longue durée à réduire le rationnement en eau. Ce pays est particulièrement bien placé pour évaluer cette capacité et ce, pour trois raisons : le rationnement y est omniprésent, les opérateurs privés ont été introduits dans les compagnies des eaux les moins performantes, et enfin on dispose de données sur la continuité du service provenant de l’instance de régulation. La figure 3.5 montre l’évolution du nombre moyen d’heures de service par jour dans dix partenariats public-privé en Colombie partis d’une situation de rationnement en eau. Dans tous les cas, des progrès importants ont été réalisés et la continuité du service a souvent été rétablie au bout de cinq ou six ans. Dans le cas des PPP mis en œuvre au titre du Programme de modernisation des entreprises (PME), les concessionnaires ont démarré leurs activités avec des situations de rationnement plus graves mais ont bénéficié de subventions publiques pour accélérer les travaux de rénovation. Les bons résultats obtenus en Colombie par les opérateurs privés en matière de continuité du service ont été confirmés par les enquêtes nationales sur les ménages (Barrera et Olivera 2007 ; Gomez-Lobo et Melendez 2007). Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 69 Figure 3.5 Évolution de la continuité du service dans plusieurs PPP en Colombie a) Nombre moyen d’heures de service b) Nombre moyen d’heures de service dans dans le cadre de PPP conclus en le cadre de PPP conclus après 2000 au 1997–1998 titre du PME 24 24 nombre moyen d’heures nombre moyen d’heures 20 20 de service par jour de service par jour 16 16 12 12 8 8 4 4 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 0 1 2 3 4 5 6 Années sous gestion privée années sous gestion privée Santa Marta (1997) Tunja (1996) Monteria (2000) Soledad (2001) Marinilla (1997) Cartagena (1996) Sincelejo (2003) Baranoa (2003) Barranquilla (1997) San Marcos (2002) Source : instance nationale de régulation. Note : l’année qui suit le nom de la ville correspond à l’année de démarrage du PPP. Afin de faciliter la lecture, ne figurent pas ici les cas de Palmira (1998) et de Girardot (1999) car le rationnement en eau n’y était pas aussi grave que dans les autres villes, et la continuité du service a été rétablie en moins de trois ans. En dehors de la Colombie, on possède peu de chiffres sur la continuité du service pour les PPP de longue durée des autres pays d’Amérique latine. Beaucoup de compagnies publiques assuraient un service continu avant que leurs activités ne soient déléguées à des opérateurs privés (comme au Chili mais aussi à La Paz, la capitale de la Bolivie). À Buenos Aires (Argentine), le concessionnaire a éliminé dès la première année (1993) les coupures d’eau qui accablaient la ville tous les étés, et l’amélioration générale de la continuité du service a été maintenue pendant plusieurs années (Delfino, Casarín et Delfino 2007)37. À Salta (Argentine), le pourcentage de la population subissant des interruptions du service est tombé de 43 % en 1998 à moins de 10 % en 2006. À Guayaquil (Équateur), la moitié de la population était approvisionnée en eau par intermittence au moment de l’arrivée du concessionnaire en 2000, et avait vu peu d’amélioration en 2005 (Yepes 2007). 37. Delfino, Casarín et Delfino (2007) indiquent que le pourcentage d’abonnés bénéficiant d’une pression d’eau satisfaisante est passé de 17 % en 1993 à 60 % en 1998, puis à 74 % en 2003. 70 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains En Afrique de l’Ouest, le bilan est globalement positif sur le plan de la continuité du service (Fall et al. 2009). À Dakar (Sénégal), l’opérateur privé a commencé avec une moyenne de 16 heures par jour, et la continuité du service a été rétablie en 2006. Qu’il ait fallu dix ans pour arriver à ce résultat — grâce à la fois aux investissements dans la capacité de production réalisés par la société de patrimoine et à la réduction des fuites par l’opérateur privé — est révélateur de la difficulté de mettre fin au rationnement en eau dans un réseau étendu et complexe tout en augmentant simultanément la population desservie. À Conakry (Guinée), la continuité du service a été rétablie en quelques années de gestion privée mais s’est détériorée à nouveau après la conclusion du contrat en 1998. Au Niger, la situation s’est améliorée progressivement dans la capitale, Niamey, entre 2000 et 2006, où l’on est passé d’une moyenne de 18 heures par jour à 21 heures. On dispose de peu de données sur les autres régions. En Asie, les deux concessions de Manille (Philippines) présentent une image contrastée. La situation à Manille-Est était très mauvaise quand le concessionnaire est arrivé en 1996, avec environ 75 % des abonnés subissant des rationnements en eau. Dix ans plus tard, en 2006, il avait rétabli la continuité du service sur tout le territoire de la concession. À Manille-Ouest, quelque 80 % de la population bénéficiait d’un service sans interruptions en 2001 mais la situation s’est rapidement détériorée par la suite en même temps que l’état des finances du concessionnaire ; la moitié des abonnés subissait des coupures d’eau en 2005 lorsque le contrat a été résilié. En Turquie, le contrat d’affermage à Antalya (desservant 0,6 million d’habitants) s’est traduit par une réduction appréciable des rationnements pendant ses cinq années de fonctionnement (de 16 heures de service par jour en moyenne, on est passé à 21 heures), mais le contrat a été résilié en 2002 à la suite d’un conflit entre les parties. Ces performances méritent d’être soulignées dans le cas du Sénégal, de Manille-Est (Philippines) et des villes de Cartagena, Barranquilla, Monteria et Soledad (Colombie). Non seulement la continuité du service a été rétablie à partir d’une situation de rationnement sévère, mais comme nous venons de le voir, ces partenariats public-privé ont en même temps fait progresser sensiblement la couverture des services. Si le critère d’accès à l’eau pris en compte pour l’Objectif de développement pour le Millénaire était appliqué au pied de la lettre — la couverture mesurée étant l’accès à de l’eau potable (c’est-à-dire avec un service continu) et non pas uniquement l’existence d’un raccordement — l’amélioration nette de l’accès serait encore plus importante. Réduction du rationnement en eau dans le cas des contrats de gestion Un autre échantillon examiné est celui des contrats de gestion, dont bon nombre ont été mis en place dans des situations de rationnement en eau. Dans ces contrats, l’évolution du nombre d’heures de service a souvent été suivie de près car il constituait l’un des objectifs contractuels utilisés pour déterminer la rémunération de l’opérateur privé. La figure 3.6 présente les résultats obtenus par les 12 contrats de gestion pour lesquels des données étaient disponibles. Le nombre moyen d’heures de service avant la prise de fonction de l’opérateur privé est comparé au niveau atteint à la fin du contrat. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 71 Figure 3.6 Améliorations de la continuité du service pour 12 contrats de gestion 24 20 heures de service par jour 16 12 8 4 0 (4) (3) ) ) (4) ) ) (3) ) ) (6) ) a (3 (4 e (5 a (4 e (4 e (5 e (6 vo nda bie dad ine aza u ani éni ani uel uel o biq Zam ent et G Kos uga i m z ez Alb ord Trin ene zam , Ar Arg Ven a, O n, J nie a, V van Mo ja, as, ma rda pal Lar Rio Ere nag Am isjo Kam La Mo e, C vill za- Ga début du contrat de gestion amélioration avec l’opérateur privé Source : compilation de données des entreprises et des pouvoirs publics par l’auteur. Note : le nombre d’années de gestion privée est indiqué entre parenthèses. Bien que le mode de calcul du nombre d’heures de service varie sensiblement d’un contrat à l’autre, un schéma relativement cohérent ressort. Sur les 12 partenariats public-privé étudiés ayant démarré dans une situation de service intermittent et pour lesquels des données avant/après fiables étaient disponibles, le rationnement en eau avait été sensiblement diminué dans dix cas à la fin du contrat. Les progrès ont été particulièrement marqués au Mozambique38, à Monagas (Venezuela), La Rioja (Argentine)39, et Erevan (Arménie). Dans quelques cas seulement, aucune amélioration significative n’avait été constatée : 38. Au Mozambique, le contrat de gestion couvrait quatre villes et desservait au total environ un demi-million d’habitants (la même compagnie est sous contrat d’affermage pour la desserte de la capitale, Maputo). Les progrès réalisés ont été particulièrement nets dans les villes de Beira et Quelimane, où la continuité du service a été rétablie sur tout le réseau avant la fin du contrat, début 2008, à partir d’une moyenne de moins de dix heures par jour avant la conclusion du PPP. 39. Le PPP conclu à La Rioja était initialement un contrat de gestion mais il a été transformé en concession après trois années de fonctionnement. 72 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains à Trinidad et dans l’État vénézuélien de Lara, ainsi qu’au Tchad et au Guyana, qui ne sont pas représentés à la figure 3.6 par manque de données fiables40. Deux cas méritent d’être signalés. Tout d’abord, Erevan (Arménie) est l’exemple-type d’une situation où le rationnement en eau résulte à la fois de fuites importantes et du gaspillage des usagers à cause de l’absence de compteurs. Lorsque le contrat de gestion d’Erevan est entré en vigueur en 2000, la distribution d’eau fonctionnait environ six heures par jour en moyenne. Le contrat prévoyait que l’opérateur privé ait accès à un fonds de renouvellement et soit libre de choisir et réaliser directement les travaux prioritaires. Une fois que le gouvernement eu adopté une loi encourageant l’installation de compteurs d’eau chez les particuliers, une vaste campagne d’installation de compteurs a été menée, en même temps que des travaux étaient engagés pour réhabiliter le réseau et réparer les canalisations des bâtiments afin de réduire les pertes en eau. La continuité du service est passée à 18 heures par jour, soit 25 % de plus que l’objectif contractuel, et en 2005, 70 % de la population bénéficiait d’un service continu. Le deuxième cas est celui de l’Ouganda, qui met en évidence la difficulté de comparer les performances de réseaux de taille différente. L’opérateur privé a amélioré la continuité du service dans la capitale, Kampala, mais c’est dans les petites villes, restées sous gestion publique, que les progrès ont été les plus rapides (Mugisha et al. 2007). Cela peut en fait largement s’expliquer par le fait que les réseaux de distribution des petites villes sont composés d’ouvrages hydrauliques simples, plus faciles à réparer, comme en atteste également l’expérience des contrats de gestion au Mozambique et en Albanie. Dans chacun de ces pays, un opérateur privé est présent dans plusieurs villes de tailles diverses, et les réductions du rationnement obtenues sont beaucoup plus importantes dans les petites villes que dans les deux plus grandes (Durres [Albanie] et Maputo [Mozambique]). Amélioration de la conformité aux normes de potabilité de l’eau Il est plus difficile d’évaluer l’impact des PPP sur la qualité de l’eau distribuée que sur le rationnement en eau. La notion de potabilité implique la conformité d’échantillons d’eau à plusieurs paramètres chimiques. Les méthodes utilisées pour l’échantillonnage de l’eau (fréquence, nombre et pertinence des points de prélèvement) peuvent varier et influent beaucoup sur les résultats. En règle générale, on ne dispose pas de données de référence fiables car dans un grand nombre de cas, les compagnies des eaux ayant transféré leurs activités à des opérateurs privés n’avaient pas collecté d’échantillons ni procédé à des analyses auparavant. On a donc assez peu de données utilisables sur l’évolution de la potabilité de l’eau dans le cadre de PPP. 40. Pour les deux PPP portant sur les compagnies nationales au Tchad et au Guyana, il n’existait pas de données avant/après fiables, mais d’après les informations disponibles, les contrats de gestion auraient obtenu des résultats très modestes, voire nuls, en matière de réduction du rationnement en eau. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 73 Les quelques études économétriques qui se sont intéressées à l’impact des PPP sur la qualité de l’eau distribuée aux usagers font toutes état d’un effet assurément positif. Andrés, Guasch et al. (2008) concluent que la potabilité de l’eau en Amérique latine a fait de gros progrès avec l’arrivée d’un opérateur privé, tant pendant la période de transition qu’après. En Colombie, se basant sur les enquêtes de santé publique et les enquêtes sur les ménages, Barrera et Olivera (2007) ainsi que Gomez-Lobo et Melendez (2007) font le constat que les statistiques de potabilité des PPP sont meilleures que celles des compagnies des eaux publiques, en règle générale. En Argentine, Galiani, Gertler et Schargrodsky (2005) observent que le taux de mortalité infantile a fortement reculé dans les secteurs desservis par des opérateurs privés. Les quelques données dont on disposait sur l’Amérique latine concerne l’Argentine. Buenos Aires est l’un des rares PPP pour lesquels il existe des chiffres fiables sur l’évolution annuelle de la potabilité de l’eau selon trois paramètres déterminants (turbidité, teneur en chlore et état bactériologique). En ce qui concerne l’accès et la continuité du service, le bilan du concessionnaire est positif les premières années. Avant la mise en concession, la moitié seulement des échantillons d’eau à Buenos Aires était conforme aux normes de turbidité, un tiers avait une teneur en chlore insuffisante, et près de 10 % étaient contaminés par des matières fécales. Au bout de quatre années de gestion privée, le taux de conformité global dépassait les 99 %. Néanmoins, Ducci (2007) signale que des problèmes de qualité d’eau ont commencé à apparaître après 2002 à Buenos Aires ainsi que dans la concession de la province de Sante Fe. À Salta, le concessionnaire a amélioré progressivement et régulièrement la potabilité globale de l’eau dans les différents réseaux qu’il exploite dans la province depuis 1998 (Yepes 2007). À Manille (Philippines), les deux concessionnaires ont obtenu des progrès significatifs après avoir repris les activités de compagnies publiques. En quatre ans (1996–2000), le niveau de potabilité est passé d’environ 96 % à près de 100 %, grâce à la mise en place d’un dispositif plus strict de contrôle de la qualité de l’eau sous la surveillance de l’instance de régulation. Ces avancées ont été maintenues les années suivantes, même à Manille-Ouest, malgré la dégradation de la situation financière de la concession qui s’est terminée par une faillite. Le taux de potabilité dans les deux concessions s’est établi en moyenne à environ 99 % au cours des sept dernières années. Des résultats positifs ont également été enregistrés pour plusieurs PPP en Afrique de l’Ouest. Au Sénégal et au Niger, l’amélioration de la potabilité de l’eau a suivi plus ou moins les progrès de la continuité du service. Le taux de potabilité à Dakar est passé de 95 % en 1997 à 98 % en 2001, tandis qu’à Niamey il est passé de 96 % à 98 % pendant les quatre premières années. Au Gabon, la potabilité a augmenté aussi après la mise en concession, avec une diminution de l’indice moyen de turbidité à Libreville, passé de 2,5 à moins de un. Enfin, la population d’Abidjan (Côte d’Ivoire) a bénéficié d’une eau du robinet potable pendant des décennies, une exception notable dans la région. 74 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Efficacité opérationnelle Évaluer de façon complète l’efficacité opérationnelle d’une compagnie des eaux — qu’elle soit publique ou privée — nécessite une analyse très complexe, ce qu’il n’était pas possible de faire pour un grand nombre de PPP dans le cadre de cette étude. La structure de coûts d’une compagnie des eaux englobe de nombreux facteurs, et des gains d’efficacité peuvent être obtenus par différents biais (main-d’œuvre, réduction des fuites, ou meilleure utilisation des produits chimiques ou de l’électricité) faisant intervenir plusieurs paramètres. La plupart du temps, le manque d’informations restreint le champ de l’analyse ; ainsi, on ne peut analyser les effets de la consommation d’énergie et de produits chimiques sur l’efficacité d’une entreprise que si l’on dispose de données désagrégées, ce qui est rarement le cas. En pratique cependant, l’efficacité opérationnelle d’une compagnie des eaux peut en grande partie être évaluée par trois indicateurs clés, qui sont les pertes en eau, le recouvrement des factures et la productivité du travail : • Les pertes en eau représentent un coût majeur dans la majorité des compagnies des eaux des PED. Le pourcentage d’eau non facturée (NRW — non-revenue water) s’obtient en divisant le volume d’eau produit moins le volume d’eau facturé aux clients, par le volume d’eau produit. Il donne une image de l’efficacité à la fois du réseau de distribution (pertes physiques) et de la gestion commerciale (pertes commerciales dues aux problèmes de comptage et de facturation). L’évolution du NRW constitue habituellement un bon indicateur indirect pour les coûts variables. • Le taux de recouvrement des factures influe directement sur les recettes de l’entreprise et est un bon reflet de la qualité de sa gestion commerciale. • La productivité du travail est un élément essentiel dans l’analyse d’efficacité, dans la mesure où la main-d’œuvre représente en général le coût fixe le plus important pour une compagnie des eaux. Ces trois indicateurs sont examinés tour à tour ci-dessous. Pour analyser l’efficacité opérationnelle, il est possible d’utiliser un échantillon plus grand de PPP que pour les analyses de l’accès et de la qualité. Parmi les PPP de longue durée (privatisations, concessions, affermages et sociétés d’économie mixte), 49 partenariats ont été étudiés, représentant au total une population de plus de 82 millions de personnes. Un échantillon de 17 contrats de gestion a également été examiné, soit plus de 15 millions de personnes supplémentaires. Ces deux échantillons englobent près de 80 % de la population desservie par les PPP de longue durée conclus avant 2003 (hors Europe orientale) et par les contrats de gestion signés avant 2005. Réduction des pertes en eau Les pertes en eau sont un problème très répandu dans les PED. Elles comprennent deux éléments : les pertes physiques causées par des fuites dans le réseau de distribution, et les pertes commerciales correspondant à de l’eau effectivement distribuée mais non facturée. Ces deux types de pertes viennent Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 75 s’ajouter aux coûts de fonctionnement de l’entreprise mais sont d’une nature très différente. Selon une étude récente de la Banque mondiale, le coût total occasionné par les pertes en eau dans les compagnies de distribution d’eau urbaine des PED atteindrait cinq milliards de dollars par an (Kingdom, Liemberger et Marin 2006). Parmi les études économétriques publiées sur les pays en développement, seuls Andrés, Guasch et al. (2008) et Gassner, Popov et Pushak (2008a) se sont intéressés à l’impact des PPP sur les pertes en eau. Les deux études ont conclu que l’arrivée d’un opérateur privé s’était traduite par une réduction significative de ces pertes. Les données des PPP sur les pertes en eau peuvent être difficiles à analyser. Bien que les pertes physiques et commerciales ne soient pas de la même nature et appellent donc des solutions différentes, il n’existe généralement pas de données fiables séparées pour les deux. L’indicateur le plus couramment employé pour juger des performances d’une compagnie des eaux du point de vue des pertes en eau — le pourcentage d’eau non facturée ou NRW — présente certaines faiblesses dans la pratique et n’est pas toujours le plus approprié pour évaluer l’efficacité d’un réseau de distribution (Kingdom, Liemberger et Marin 2006)41. En règle générale, les données sur les pertes en eau, et plus particulièrement le niveau de départ au moment de l’arrivée de l’opérateur privé, manquent de fiabilité42. En outre, dans beaucoup de pays, les ménages sont facturés sur la base d’estimations de consommation (soit parce qu’il y a peu de compteurs installés, soit parce qu’ils fonctionnent mal), et il est donc très difficile d’évaluer le niveau réel des pertes en eau. On peut néanmoins avoir une bonne image de la situation en examinant un grand nombre de projets dans divers pays et régions. La présente étude s’intéresse tout d’abord aux partenariats public-privé mis en place sur une longue durée dans différents pays et régions, avant d’analyser séparément les résultats obtenus par les contrats de gestion. 41. Les pertes physiques dans un réseau dépendent pour une bonne part du nombre de branchements (les raccords sont une source de fuites très importante), de la longueur totale de canalisations, et de la pression de service. Le nombre de branchements et la longueur du réseau étant des facteurs structurels essentiels, l’Association internationale de l’eau (IWA) recommande de compléter le NRW généralement utilisé comme indicateur par le volume moyen journalier de pertes d’eau par branchement ou par kilomètre de réseau. 42. Les compagnies des eaux publiques dont les activités ont été déléguées à des opérateurs privés n’avaient souvent pas l’organisation nécessaire pour calculer le niveau des pertes en eau (du fait de l’absence de moyens de comptage fiables au niveau des installations de production, d’un dispositif de contrôle opérationnel médiocre et d’inexactitudes dans la base de données clients, entre autres). Très souvent, le NRW initial qui avait été estimé au moment de la procédure de sélection d’une entreprise s’est révélé très sous-estimé après l’arrivée de l’opérateur privé et la mise en place d’un système de mesure convenable. 76 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Réduction des pertes en eau : le cas de la Colombie La Colombie est l’un des rares pays d’Amérique latine où la facturation des clients résidentiels est largement basée non pas sur des consommations estimées mais sur un comptage réel, et la base de données de l’agence nationale de régulation contient un large éventail de partenariats public-privé. L’évolution du NRW pour les huit plus grands et/ou plus anciens PPP, qui représentent plus de la moitié de la population colombienne desservie par des opérateurs privés, est illustrée à la figure 3.7. Le NRW enregistré l’année d’entrée en fonction de l’opérateur privé est comparé au dernier NRW connu. L’évaluation fondée sur l’indicateur NRW est assez mitigée. Des progrès importants ont été réalisés à Monteria, Tunja et Palmira, mais la réduction obtenue semble avoir été plus modeste à Cartagena, Barranquilla et Santa Marta, et le NRW n’a pas diminué du tout à Girardot ni à Soledad. Cependant, le pourcentage de NRW n’est pas toujours suffisant pour suivre l’évolution des pertes en eau lorsque le réseau de distribution subit des transformations importantes. Cela est vrai plus particulièrement dans le cas d’un rétablissement de la continuité du service ou de l’extension de la couverture — ce qui s’est effectivement produit dans les plus grands partenariats mis en œuvre en Colombie, comme nous l’avons vu. Pour les trois PPP les plus grands et les plus anciens, le fait d’utiliser comme autre indicateur les pertes en eau rapportées au nombre de branchements donne une image plus juste des progrès réalisés en matière de réduction des pertes en eau, car il tient compte des grands changements structurels générés par l’extension du réseau. Ce second indicateur montre que les pertes ont été divisées par plus de deux à Cartagena et Barranquilla, et réduites de 40 % à Santa Marta. Ce résultat a été obtenu alors que la pression moyenne du réseau avait sensiblement augmenté du fait du rétablissement progressif de la continuité du service. Des améliorations majeures avaient donc été apportées aux ouvrages hydrauliques des réseaux de distribution. Bons résultats des PPP au Maroc pour la réduction des pertes en eau Au Maroc, les grandes compagnies des eaux municipales s’occupent seulement de la distribution et de la vente, et s’approvisionnent en eau auprès de l’ONEP, l’Office national de l’eau potable. Des données fiables peuvent être obtenues auprès des pouvoirs centraux sur les performances des compagnies publiques et privées. Les résultats de quatre concessions privées (Casablanca, Rabat, Tanger et Tétouan) sont comparés à ceux des six plus grandes compagnies municipales (Marrakech, Fez, Agadir, Meknès, Kenitra et Oujda) du point de vue de leur capacité à réduire le NRW. La figure 3.8 montre que les quatre grands réseaux urbains de distribution d’eau exploités par des concessionnaires privés ont tous enregistré une très nette diminution du NRW43. Dans l’échantillon 43. À Rabat, le NRW s’était d’abord détérioré avec le premier opérateur privé, arrivé en 1999. Les données indiquées dans la figure représentent l’évolution de l’exploitant actuel, qui l’a remplacé en 2002. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 77 Figure 3.7 Évolution des pertes en eau pour huit PPP, exprimée en NRW et en pertes par branchement en Colombie a) Évolution du NRW 80 71 67 67 64 60 57 55 51 51 NRW (%) 40 43 38 40 43 42 33 34 22 20 0 6) 6) 5) 6) ) 6) 6) 6) 005 0 200 200 0 0 200 0 –20 –20 –20 –20 8–2 97– 97– 00– 996 996 999 002 199 (19 (19 (20 a (1 a (1 t (1 d (2 ra ( lla a ria o gen art j eda Tun mi ard qui nte ta M Pal rta Sol Gir ran Mo Ca San Bar NRW au début du PPP Dernier NRW connu b) Pertes journalières par branchement 1,6 mètres cube par jour 1,4 1,2 1,0 0,8 0,6 0,4 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Cartagena (1996) Barranquilla (1997) Santa Marta (1997) Source : base de données de l’agence nationale de régulation. de compagnies publiques, Agadir se distingue par ses performances remarquables. Parmi les cinq autres, Fez est la seule à avoir progressé sur ce plan au cours des quatre dernières années, mais cette amélioration a été beaucoup moins sensible que dans la concession de Tétouan, partie d’un niveau de pertes en eau aussi élevé. La réduction des pertes en eau obtenue par les concessionnaires au Maroc est encore plus flagrante si l’on examine l’indicateur de pertes rapportées au 78 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Figure 3.8 Comparaison des pertes en eau entre opérateurs privés et publics au Maroc, en NRW 60 47 49 49 46 43 45 NRW (%) 36 33 33 34 36 33 34 28 28 30 25 23 23 19 20 21 15 0 5) 5) ) ) 5) 5) 5) 5) 5) 5) 005 005 200 0 200 200 200 0 200 200 –20 –20 1–2 2–2 99– 01– 01– 01– 01– 01– 001 001 200 200 (19 (20 (20 (20 (20 (20 2 s (2 at ( er ( n( ca h Fez r tra jda adi knè oua kec g Rab lan i Ou Tan Ken Ag rra Me Tét sab Ma Ca première année 2005 Source : ministère marocain de l’Intérieur, Direction des Régies et Services Concédés (DRSC). nombre de branchements. L’évolution des pertes en eau en mètres cube par branchement et par jour est illustré à la figure 3.9 pour le même échantillon, les compagnies publiques et privées étant placées côte à côte avec la même échelle verticale. Les concessions de Casablanca et Rabat ont réussi à rattraper celle d’Agadir, la compagnie publique la plus performante, et les concessions de Tanger et Tétouan avaient obtenu à la fin 2005 de meilleurs résultats que les compagnies publiques à l’exception de celle d’Agadir. Réduction des pertes en eau en Afrique subsaharienne Les performances de la plupart des contrats de concession et d’affermage d’Afrique subsaharienne ayant fonctionné au moins deux ans sont présentées à la figure 3.10. Ensemble, ces partenariats public-privé desservent environ 18 millions de personnes. La plupart de ces PPP ont réussi à réduire substantiellement les pertes en eau. Au Gabon, au Niger et au Sénégal, le NRW est ainsi descendu en dessous de 20 %, un niveau comparable à celui d’une compagnie des eaux bien gérée en Europe occidentale ou en Amérique du Nord. En Côte d’Ivoire, où l’opérateur privé est en place depuis plus de 40 ans, le NRW a augmenté entre 1989 et 2006, passant de 15 % à 23 %, mais les pertes en eau rapportées au nombre de branchements sont restées stables, à 0,18 mètre cube par jour. En Afrique du Sud, les trois projets PPP pour lesquels on disposait de données Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 79 Figure 3.9 Comparaison des pertes en eau entre opérateurs privés et publics au Maroc, rapportées au nombre de branchements a) Pertes en eau des quatre b) Pertes en eau des 6 plus grandes concessionnaires privés compagnies municipales publiques 0,6 0,6 mètres cube par jour mètres cube par jour 0,5 0,5 0,4 0,4 0,3 0,3 0,2 0,2 0,1 0,1 0 0 9 0 1 2 3 4 5 9 0 1 2 3 4 5 199 200 200 200 200 200 200 199 200 200 200 200 200 200 Casablanca Rabat Marrakech Fez Tanger Tétouan Agadir Kenitra Oujda Meknès Source : ministère marocain de l’Intérieur, Direction des Régies et Services Concédés (DRSC). Figure 3.10 Pertes en eau dans 8 PPP de longue durée en Afrique subsaharienne, en NRW 100 58 57 80 50 50 NRW (%) 60 38 39 34 34 30 40 24 26 25 21 22 19 18 17 16 20 0 96) 0) 1) 06) 05) 3) 06) ) 06) 006 200 200 200 –19 –20 –20 –20 –20 1–2 93– 95– 99– 989 996 995 002 001 200 (19 (19 (19 e (1 l (1 n (1 e (2 li (2 er ( ud ud Sud éga Ma iné iqu abo Nig uS uS Gu Sén mb du G ed ed oza ue riqu iqu friq o, M Afr , Af t, A m, put wn oas hei Ma sto nC tter een phi Stu Qu Dol avant le début du PPP dernières données connues Source : calculs de l’auteur basés sur différentes sources (voir l’annexe A). Note : les PPP sont présentés du plus vieux au plus récent ; les années des données sont indiquées entre parenthèses. 80 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains ont enregistré des progrès notables sur le plan des pertes en eau (Palmer Development Group 2003)44. Contrairement aux autres contrats d’affermage, ceux conclus en Guinée et à Maputo (Mozambique) n’ont pas obtenu de baisse du NRW après plusieurs années de gestion privée. En Guinée, cet échec peut être mis en relation avec les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre du programme d’investissement par la société de patrimoine, et avec des incitations contractuelles insuffisantes pour l’opérateur privé — un aspect qui a été rectifié dans le contrat d’affermage signé par la suite au Sénégal (encadré 3.3). À Maputo, le partenariat public-privé a connu des problèmes dès le départ, et l’exécution du programme de rénovation a été sérieusement retardée. Il lui a fallu en particulier faire face à un niveau élevé de pertes commerciales : moins de la moitié des clients résidentiels sont équipés de compteurs, et beaucoup d’entre eux vendent des volumes d’eau importants à leurs voisins alors qu’ils ne sont facturés que pour dix mètres cube d’eau par mois. Réduction des pertes en eau en Amérique latine Dans les pays d’Amérique latine, les résultats des compagnies des eaux privées en matière de réduction des pertes en eau ont été variables. Le cas de la Colombie a déjà été évoqué. Ailleurs dans la région, il n’est pas inhabituel pour les compagnies des eaux de se baser, au moins en partie, sur des estimations de consommation pour facturer les ménages. De ce fait, il est difficile de suivre l’évolution des pertes en eau. Cela est notamment vrai en Argentine, où les ménages peuvent souvent choisir d’avoir ou non des relevés de consommation, et où, en l’absence de comptage, les clients sont facturés suivant des formules basées sur les caractéristiques du logement sans rapport avec la consommation réelle. À Buenos Aires (Argentine) par exemple, seulement 12 % des clients résidentiels avaient des compteurs en 1998, c’est pourquoi le NRW n’est pas représentatif — bien qu’en l’occurrence, certaines données tendent à montrer que le concessionnaire a bien diminué les fuites45. La faiblesse des statistiques actuelles ne permet pas de tirer des conclusions probantes sur la réduction des pertes en eau dans les autres concessions argentines. La figure 3.11 illustre l’évolution du NRW pour 14 grandes concessions et privatisations au Brésil (Manaus, Tocantins, Campo Grande, Campos, Limeira, Paranagua, Petropolis, Itapemirim et Prolagos), en Bolivie (La Paz–El 44. Le plus grand contrat d’affermage conclu en Afrique du Sud est celui de la ville de Queenstown qui desservait 180 000 habitants en 2007. Le contrat d’affermage de Stutterheim et la concession de Dolphin Coast ont concerné des réseaux de taille plus modeste (50 000 habitants desservis pour chaque d’eux). Aucune donnée n’a pu être trouvée dans les publications existantes sur l’évolution du NRW dans la concession de Nelspruit (270 000 personnes, en place depuis 1999) ni pour le contrat d’affermage de Fort Beaufort (1995–2000). 45. Entre 1992 et 1998, le nombre de branchements a augmenté de 20 % tandis que la production d’eau n’a progressé que de 4 % (Alcazar, Abdala et Shirley 2000), ce qui aurait pu difficilement se produire sans une réduction importante des pertes physiques. Et pour la période 1999–2003, Casarín, Delfino et Delfino (2007) indiquent que, globalement, les fuites ont diminué, passant de 1,45 à 1,23 million de mètres cube par jour. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 81 Encadré 3.3 Des incitations à l’efficacité dans les contrats d’affermage en Afrique de l’Ouest Le contrat d’affermage en Guinée (1989) était le premier partenariat public-privé â être conclu dans un pays en développement depuis très longtemps, mais il n’a pas donné les résultats attendus sur le plan de la réduction du NRW et de l’amélioration du taux de recouvrement des factures. L’une des leçons importantes tirées de sa mise en œuvre a été la suivante : les incitations prévues dans un contrat d’affermage standard pour stimuler l’efficacité opérationnelle n’étaient pas suffisantes pour encourager l’opérateur privé à améliorer effectivement ses opérations. Ce constat a amené les concepteurs du contrat d’affermage conclu au Sénégal en 1996 à inclure des objectifs contractuels spécifiques sur le NRW et sur le recouvrement des factures, assortis de pénalités financières en cas de non-respect. La rémunération de l’opérateur n’est pas basée seulement sur une redevance par mètre cube multipliée par le volume d’eau vendu et payé ; elle est déterminée par un volume de ventes théorique basé sur la quantité d’eau produite, sur la base des objectifs annuels prédéfinis pour le NRW et le taux de recouvrement. En cas d’écart par rapport aux objectifs, le volume de ventes théorique serait inférieur aux ventes réelles, ce qui pénaliserait l’opérateur. Cette variante du système d’affermage comportait des objectifs contractuels précis qui, en pratique, sont davantage caractéristiques d’un contrat de gestion. Autre innovation du PPP sénégalais : la compagnie privée devait s’occuper elle-même de rénover une partie du réseau. Il s’agissait de remplacer 17 kilomètres de canalisations, 14 000 compteurs d’eau et 6 000 raccordements par an, financés par la redevance d’exploitation de l’opérateur. Cette méthode laissait à l’opérateur une plus grande marge de manœuvre pour identifier et prendre rapidement des mesures correctives pour réduire les pertes en eau, réduisant sa dépendance par rapport à la société de patrimoine. Ces adaptations ont porté leurs fruits, encourageant l’opérateur privé à contrôler et réduire les pertes en eau. Le Sénégal est aujourd’hui parvenu à un NRW comparable à celui des compagnies des eaux les plus performantes d’Europe occidentale. Ce schéma a été plus ou moins reproduit dans le contrat d’affermage conclu au Niger en 2001, ainsi que dans celui attribué au niveau national au Cameroun en 2007. Les deux utilisent la même formule d’intéressement pour calculer la rémunération de l’opérateur. Le contrat d’affermage du Niger prévoyait également que l’opérateur se charge du remplacement de 64 kilomètres de canalisations, devant être financé par ses recettes pendant les cinq premières années. Source : Fall et al. 2009. 82 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Figure 3.11 Évolution des pertes en eau dans 14 PPP d’Amérique latine, en NRW 100 80 74 73 76 72 NRW (%) 58 60 60 57 52 43 43 40 39 38 36 37 41 36 30 33 34 30 31 33 27 29 28 26 21 20 13 0 06) 06) 6) ) 6) 06) 06) 06) 06) ) ) ) 6) 06) 006 003 006 006 200 0 200 –20 –20 –20 –20 –20 –20 –20 –20 0–2 8–2 2 9–2 01– 99– 00– 002 998 996 000 000 000 000 001 0 199 9 (20 (20 (19 (19 0 l (2 il (1 l (1 l (2 l (2 l (2 il (2 2 r (2 ie ( ili ( sil sil hili hili ési ési ési ési ési teu s rés oliv , Ch Bré Bré Bré o, C o, C r , Br , Br , Br , Br qua s, B s, B o, B BIO ns, de, os, olis eira gua erim tiag ais nau o l, É i mp lag ran Alt ESS ant par róp Lim ana San qui pem Ma Pro Ca oG -El Toc Val Pet aya Par Paz Ita mp Gu Ca La première année 2006 Source : agences nationales de régulation (voir l’annexe A). Note : il n’existe pas toujours de données disponibles dès la première année d’entrée en fonction de l’opérateur privé. ESSBIO (Empresa de Servicios Sanitarios del Bío Bío) est une compagnie des eaux chilienne. Alto), au Chili (Santiago, Valparaiso et ESSBIO) et en Équateur (Guayaquil). Cet échantillon de PPP représente une population desservie de 17 millions d’habitants au total. Au Brésil, à l’exception notable de Manaus46, la plupart des grands PPP ont bien réussi à réduire leur NRW. Limeira est même descendu à seulement 13 %, un chiffre comparable aux meilleures compagnies des eaux des pays développés. Le NRW a également baissé à La Paz–El Alto et Guayaquil, mais dans une très faible mesure. La situation du Chili est particulière. Les pertes en eau ont augmenté après le transfert aux opérateurs privés : le NRW au niveau national est passé de 29 % à 34 % entre 1999 et 2006. À Santiago (5,5 millions d’habitants), qui compte environ 40 % de la population urbaine du Chili, le NRW est passé de 26 % à 31 % pendant cette période. Plusieurs autres compagnies ont vu leur NRW augmenter de plusieurs points. Ce phénomène est paradoxal car, en règle générale, les compagnies des eaux privées chiliennes sont plutôt considérées comme étant bien gérées (Bitran et Arellano 2005). L’augmentation du NRW pourrait s’expliquer en partie par l’extension du 46. Le ratio de comptage à Manaus ne dépassait pas 61 % en 2006, et le NRW n’est donc pas représentatif des pertes réelles. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 83 réseau — le fait que l’augmentation des pertes en eau soit relativement faible lorsqu’elle est mesurée par d’autres indicateurs semblerait l’indiquer47. Une autre explication pourrait être recherchée dans le concept de « niveau de fuites optimal » (encadré 3.4). En effet, la réduction du NRW ne constitue pas un but en soi, et il est possible que les compagnies publiques chiliennes, après avoir beaucoup amélioré leurs indicateurs opérationnels pendant les années 90, aient diminué leurs pertes en dessous du niveau économique optimal. Dans un cadre réglementaire bien conçu, une entreprise cherchant à faire des profits doit normalement viser un niveau de fuites économiquement optimal, ce qui peut parfois impliquer de le laisser augmenter si le coût des investissements nécessaires pour réduire encore les fuites est supérieur aux bénéfices financiers qu’elle en tirera (Ducci et Medel 2007). Réduction des pertes en eau en Asie Les résultats obtenus par les sept concessions les plus grandes et les plus anciennes d’Asie sur le plan de la réduction du NRW sont représentés à la figure 3.12. Les performances des concessionnaires en Asie apparaissent assez variables, ce qui illustre le fait que, pour diminuer les pertes en eau à partir d’un réseau très détérioré, il faut à la fois des compétences techniques et de l’accès à des financements suffisants pour investir dans les travaux de réhabilitation nécessaires. La concession de Macao ressort du lot par ses excellents résultats (NRW de 12 % seulement), tandis que les concessions de Manille (Philippines) et de Jakarta (Indonésie) sont l’illustration que, lorsqu’on hérite d’un réseau vétuste, il est impossible de réduire les pertes en eau de manière significative sans investir massivement dans sa rénovation. Les deux concessions de Jakarta ont connu une série de déboires qui ont limité leur accès à des financements, et les pertes en eau sont demeurées élevées après près de dix ans de gestion privée. À Manille-Ouest, le concessionnaire a été confronté dès le départ à des problèmes financiers qui ont fini par l’amener à la faillite et à la résiliation du contrat, attribué à un autre consortium privé. Dix ans plus tard, les pertes en eau étaient encore élevées. En revanche, le concessionnaire de Manille-Est a considérablement réduit son NRW, mais seulement après la refonte des tarifs de 2002 qui a rétabli l’équilibre financier des services d’eau. La hausse des recettes a permis à l’entreprise d’entreprendre un grand programme de réduction des fuites, qui a abouti à faire passer de 51 % à 30 % le NRW en seulement trois ans (Navarro 2007). 47. Au plan national, le nombre de clients au Chili est passé de 3,3 millions à quatre millions entre 1999 et 2006, en même temps que la longueur du réseau passait de 30 000 à 36 000 kilomètres. Les pertes en eau au kilomètre ont augmenté, passant de 34 mètres cube par jour à 38 mètres cube, et de 300 litres par client et par jour à 330 litres. Si l’on prend les données de 1998 comme référence au lieu de celles de 1999, les pertes en eau sont stables. Dans au moins un cas, celui de la compagnie ESSBIO, les pertes en eau mesurées par les deux indicateurs ont diminué entre 2000 et 2006. 84 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Encadré 3.4 Le concept de niveau de fuites économiquement optimal : l’exemple du Chili Il est impossible d’éliminer totalement les fuites d’eau dans un réseau de distribution complexe et étendu. Pour chaque réseau, il existe un niveau optimal de pertes physiques, qui correspond au seuil à partir duquel le gain financier marginal apporté par une réduction supplémentaire des pertes est inférieur au coût afférent. Ce niveau optimal varie considérablement suivant les compagnies de distribution, en fonction de leur situation et de leur structure des coûts (en particulier des coûts de production et du mode de fonctionnement du réseau : par gravité ou stations de surpression). Dans une concession de longue durée où l’opérateur privé décide des investissements et démarre avec un niveau de fuites élevé, il est généralement intéressant d’investir pour réduire les fuites. Mais un grand nombre de compagnies publiques ont obtenu de bons résultats techniques dans ce domaine. Dans ce cas, lorsque les services d’eau sont délégués à un concessionnaire, le problème ne devient pas seulement technique mais aussi économique, car un concessionnaire est généralement beaucoup plus motivé par l’aspect financier des opérations qu’une entreprise publique. Même si le concessionnaire est techniquement capable de diminuer plus avant les pertes en eau, il n’est pas toujours économiquement intéressant pour lui d’investir dans des mesures de réduction des fuites. C’est peut-être le cas au Chili, où le NRW a augmenté, passant de 29 % à 34 % entre 1999 et 2006, alors même que, de l’avis général, les services d’eau ont été gérés avec efficacité sous la supervision d’une agence de régulation compétente. Parce que la méthode employée par cette agence de régulation pour fixer les tarifs repose sur une entreprise- type dont le NRW est de 15 % (moins que la plupart des compagnies des eaux), ces augmentations n’ont pas été répercutées sur les clients par des tarifs plus élevés, et ont donc directement affecté la marge d’exploitation des opérateurs (Ducci et Medel 2007). Dans ces conditions, plusieurs compagnies privées ont peut-être décidé de laisser les fuites augmenter jusqu’à ce qu’elles atteignent le niveau économiquement optimal calculé par les entreprises. Réduction des pertes en eau dans le cas des contrats de gestion Pour 14 contrats de gestion, la figure 3.13 compare le NRW au moment de la prise de fonction de l’opérateur privé et celui enregistré à la fin du contrat. Ces PPP représentent au total une population desservie de près de 15 millions de personnes (environ 75 % de la population des pays en développement et en transition ayant été desservi pendant au moins trois ans par des entreprises privées dans le cadre de contrat de gestion). Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 85 Figure 3.12 Pertes en eau dans 7 PPP d’Asie du Sud-Est, en NRW 80 66 66 59 58 60 52 53 NRW (%) 50 49 40 38 40 32 30 27 20 12 0 82– ine 97– nes 97– nes 98– sie 98– sie 03– isie 95– sie 9) 6) 6) 5) 5) 6) 5) 198 200 200 200 200 200 200 (19 doné (19 doné (19 doné (19 o, Ch (20 Mala (19 ilippi (19 ilippi t, In In , In ca h Ph or, t, P st, Ma am st, Joh ues a-E ues e-E Bat a-O art e-O nill de Jak art nill Ma Île Jak Ma avant le début du PPP dernières données connues Source : données des agences de régulation ou des compagnies des eaux. Figure 3.13 Pertes en eau dans 14 contrats de gestion, en NRW 90 75 60 NRW (%) 45 30 15 0 ) 4) (4) (3) (3) (4) (7) (6) (3) ) (3) (4) (5) (4) e (5 d (4 la ( ovo ne ela bie aza nie nda ad ue ud bon éni ida zue i biq Tch uS u ent Zam rda et G Kos uga Ga Arm z Trin ene ene zam ed Arg o a, O n, J nie riqu , s, V a, V van Mo ja, ma rda pal a Lar , Af Rio Ere nag Am isjo Kam urg La Mo e, C esb vill ann za- Joh Ga début du contrat de gestion fin du contrat de gestion Source : calculs de l’auteur basés sur différentes sources (voir l’annexe A). Notes : le nombre d’années d’opération est indiqué entre parenthèses. 86 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Le bilan global des contrats de gestion en termes de réduction des pertes en eau a été pour le moins mitigé. Sur les 14 contrats pour lesquels on disposait de données, moins de la moitié ont fait des progrès sensibles (Gaza-ville en Cisjordanie et Gaza, Kosovo, Zambie, province de La Rioja en Argentine, État de Monagas au Venezuela, et Amman en Jordanie). Aucune évolution significative n’a été observée dans cinq autres cas (Gabon, Trinidad, État de Lara au Venezuela, Johannesburg en Afrique du Sud, et Kampala en Ouganda), et dans trois cas, le NRW s’est même détérioré (Tchad, Mozambique et Erevan en Arménie). Ce résultat médiocre n’est pas véritablement surprenant, compte tenu de la courte durée et des limites inhérentes aux contrats de gestion. Ce type de contrat est plus adapté pour réduire les pertes commerciales (ce qui demande peu d’investissement et est rapidement rentabilisé), que dans des situations où la plupart des pertes sont dues à des fuites physiques (problèmes qui nécessitent habituellement des investissements importants et des réparations de canalisations pendant une longue période). La diversité des résultats obtenus traduit sans doute la variété des situations rencontrées, ainsi que la spécificité de chaque contrat. Un élément important à considérer est la corrélation entre les pertes en eau et la continuité du service. Dans un réseau où la distribution d’eau est rationnée mais où le nombre moyen d’heures de service augmente progressivement, la pression moyenne à l’intérieur du réseau a également tendance à augmenter. Cette augmentation de la pression entraîne de nouvelles ruptures de canalisations et un surcroît de pertes en eau, à moins que des travaux importants de rénovation et de modernisation des installations hydrauliques ne soient réalisés en même temps. Cette situation a des conséquences pratiques pour évaluer les performances d’un opérateur : lorsque la continuité du service s’améliore, l’évolution du NRW ne rend pas bien compte des actions engagées pour améliorer le fonctionnement physique du réseau et combattre les fuites48. À cet égard, il est important de rappeler que parmi les contrats de gestion examinés dans la présente étude, beaucoup se trouvaient dans cette situation, à savoir des problèmes de rationnement d’eau au moment de la prise de fonction, et une amélioration notable de la continuité du service par l’opérateur. Les données relatives au NRW sont donc difficiles à interpréter. Une analyse détaillée de chaque contrat de gestion déborderait du cadre de cette étude, mais quelques cas illustrent la difficulté qu’il y a à vouloir analyser l’évolution du NRW dans un PPP particulier. 48. Par exemple, dans une situation de service intermittent, un opérateur peut facilement diminuer le NRW en réduisant simplement le nombre d’heures de distribution d’eau, ce qui abaisse directement la pression moyenne dans les canalisations et, de ce fait, le volume des fuites. Parce qu’en augmentant le nombre d’heures de service, on accroît aussi la pression moyenne dans le réseau de distribution, même le maintien du NRW dans ces conditions suppose que l’opérateur intervienne pour limiter les fuites et améliorer les installations hydrauliques du réseau. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 87 À Johannesburg (Afrique du Sud), la responsabilité de réduire le NRW a été partagée entre l’opérateur privé et la municipalité selon des modalités complexes. Aucun progrès en la matière n’a été réalisé dans le cadre du contrat de gestion, mais en y regardant de plus près, il apparaît que les pertes physiques dans la plus grande partie du réseau ne dépassaient pas 15 %, et que les pertes provenaient en majorité de l’énorme gaspillage d’eau dans les townships (où les abonnés n’étaient pas facturés à la consommation réelle). Les partenaires n’ont commencé à s’attaquer à ce problème délicat que dans les deux dernières années du contrat, lequel s’est terminé avant que des résultats appréciables aient pu être observés (Marin, Mas et Palmer 2009). Le contrat de gestion de Erevan (Arménie) avait pour principaux objectifs de remplacer le mode de facturation résidentiel (pour facturer les usagers au volume réel consommé au lieu des estimations de consommation) et de rétablir la continuité du service, ce qu’il a largement réussi à faire. Le NRW a augmenté de façon importante en raison à la fois de la hausse de la pression moyenne dans le réseau et de la chute de 150 % des volumes facturés. Mais la réduction des pertes en eau n’était pas un objectif prioritaire : le contrat de gestion était d’abord ciblé sur la continuité du service. Le cas d’Amman (Jordanie) est particulièrement intéressant car l’une des priorités de ce contrat de gestion était de réduire les pertes en eau. La compagnie de distribution était confrontée à une grave pénurie d’eau, et un grand programme de rénovation du réseau financé par des bailleurs de fonds a été engagé parallèlement au contrat de gestion. L’exécution du programme d’investissement, indispensable pour diminuer les pertes en eau, relevait d’un organisme gouvernemental. Le contrat de gestion s’est révélé complexe à mettre en œuvre, avec des retards répétés dans l’achèvement des travaux et plusieurs modifications du contrat. Plusieurs enseignements importants en sont ressortis concernant la nécessité d’une bonne coordination entre les partenaires pour réaliser les travaux, et de définir des objectifs contractuels réalistes (encadré 3.5). Amélioration du recouvrement des factures Les compagnies privées ont la réputation d’être généralement efficaces pour ce qui est d’obtenir le règlement de leurs factures, pour la simple raison qu’elles cherchent à faire des bénéfices et que le recouvrement des factures influe directement sur leurs résultats financiers. Il est possible d’améliorer le taux de recouvrement des factures soit en appliquant des politiques de recouvrement plus strictes, soit en améliorant la qualité du service, ce qui à son tour augmente la disposition des clients à payer leurs factures. Néanmoins, lorsqu’on examine l’évolution du taux de recouvrement des factures, il s’avère souvent difficile de dire lequel de ces éléments a été le principal facteur. L’augmentation du taux de recouvrement des factures que l’on peut attendre d’un opérateur privé dépend à l’évidence du niveau de départ, mais aussi de spécificités culturelles ou nationales. Ainsi, au Sénégal, la population avait l’habitude de régler ses factures d’eau, et le taux de recouvrement était déjà très bon lorsque l’opérateur privé a pris ses fonctions. Ailleurs, les opérateurs 88 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Encadré 3.5 À Amman (Jordanie) : combinaison d’un contrat de gestion avec un grand programme de rénovation pour réduire les pertes en eau Le contrat de gestion mis en œuvre à Amman montre combien il est difficile d’évaluer la contribution d’un opérateur privé dans ce type de contrats. Le partenariat public-privé n’était qu’un élément d’un grand programme d’investissement (d’environ 200 millions de dollars) destiné à rénover entièrement le réseau de distribution d’eau d’Amman. Il s’agissait de passer d’un réseau hydraulique mal conçu à un réseau décomposé en zones bien délimitées, alimentées par gravité au moyen de réservoirs. Le contrat de gestion devait permettre de faire intervenir un opérateur expérimenté afin que ces changements structurels puissent être gérés convenablement, en limitant les perturbations pour les usagers et en maximisant les bénéfices opérationnels des nouvelles infrastructures. La ville était soumise à un rationnement d’eau sévère (les clients étaient alimentés en eau pendant moins de quatre heures par jour en moyenne), et la réduction des pertes en eau figurait parmi les priorités du programme, mais elle dépendait à la fois du programme de rénovation mis en œuvre par les pouvoirs publics, et des améliorations opérationnelles devant être apportées par l’opérateur privé. Ces deux attributions n’étaient pas clairement appréhendées dans la version originale du contrat. En outre, des objectifs ambitieux étaient imposés à l’opérateur, assortis de pénalités financières appliquées rapidement : le NRW devait être diminué de dix points la première année, et atteindre 25 % (soit environ la moitié du taux de départ) avant la fin de la quatrième année. Des difficultés ont surgi très vite : l’organisme public chargé de réaliser les travaux a subi des retards importants dans la passation des marchés. Ensuite, le travail complexe de coordination de nombreuses entreprises a occasionné d’autres retards sur les chantiers. Après des discussions tendues les deux premières années, les autorités ont reconnu que l’opérateur privé ne pouvait pas être tenu responsable du non-respect des obligations contractuelles relatives à la réduction du NRW, et que les objectifs avaient été surestimés. Une équipe de suivi du projet a également été formée pour aider les pouvoirs publics à mieux jouer leur rôle au sein du partenariat. Par la suite, un autre problème est apparu : avec la diminution progressive des rationnements d’eau, l’augmentation de la pression moyenne dans le réseau a entraîné une multiplication des fuites. L’opérateur a dû réparer pas moins de 55 000 fuites en 2004. À la fin de son contrat, il avait remplacé lui-même quelque 600 kilomètres de canalisations, soit près de 10 % du réseau. Le contrat de gestion a été prolongé deux fois pour maintenir l’opérateur en place jusqu’à (suite) Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 89 Encadré 3.5 À Amman (Jordanie) : combinaison d’un contrat de gestion avec un grand programme de rénovation pour réduire les pertes en eau (suite) l’achèvement du programme d’investissement en 2006. À l’expiration du contrat, le NRW était passé de 51 % à 42 %, ce qui a représenté une amélioration notable, bien que très éloignée de l’objectif original. Pendant la même période, le nombre moyen d’heures de service a été doublé. Le cas d’Amman livre quelques enseignements importants. Même si les parties ont finalement convenu que l’objectif initial de 25 % pour le NRW était irréaliste, le temps qu’elles ont passé à ces négociations aurait pu être consacré à des activités plus productives au cours des premières années. Le fait que l’opérateur soit tributaire du programme d’investissement exécuté par les pouvoirs publics faussait l’évaluation de ses performances. Enfin, l’architecture hydraulique du réseau a été profondément modifiée, et le point de référence pour la mesure des fuites changeait donc en permanence. Dans ces circonstances, on a compris rétrospectivement qu’il n’aurait pas fallu utiliser le pourcentage de NRW comme seul indicateur de performance de l’opérateur pour suivre les pertes en eau et appliquer des pénalités financières sévères. Source : El-Nasser 2007. privés sont souvent confrontés à des habitudes ancrées de non-paiement des factures ou à différents obstacles juridiques. Dans ce type de situation, il peut être difficile de progresser. Une culture de non-paiement se développe généralement en réaction à de nombreuses années de service médiocre, et il faut du temps pour obtenir un changement de comportement de la part de la population. Amélioration des taux de recouvrement en Amérique latine L’Amérique latine présente le plus grand échantillon de PPP pour lesquels on dispose de données sur le recouvrement des factures, permettant d’observer des différences entre les pays. La figure 3.14 montre l’augmentation du taux de recouvrement obtenue après quelques années de gestion privée dans 16 grandes concessions, contrats d’affermage et privatisations (représentant une population desservie de 28 millions d’habitants au total). Le bilan est assez varié suivant les pays. Des progrès importants ont été réalisés en l’espace de quelques années par plusieurs PPP au Brésil (Campo Grande, Campos, Limeira, Niteroi, Manaus et Tocantins) et en Colombie (Barranquilla, Cartagena et Monteria), ainsi qu’à La Paz–El Alto (Bolivie) et Guayaquil (Équateur). Au Chili, la plupart des compagnies publiques régionales avaient déjà atteint des taux élevés de recouvrement des factures, 90 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Figure 3.14 Augmentation du taux de recouvrement des factures dans les PPP d’Amérique latine taux de recouvrement des factures (%) 100 80 60 40 20 0 9) 00) ) ) ) 04) 5) ) 04) 5) 04) 9) 4) 00) 1) 2) 006 006 000 005 199 200 200 199 200 200 200 –20 –20 0 –20 –20 8–2 8–2 2 2 2 95– 97– 00– 01– 99– 00– 96– 00– 97– 99– 993 001 000 996 199 199 (19 (19 (20 (20 (19 (20 (19 (20 (19 (19 1 l (2 i (2 a (1 ( o( o( e ires lto us de ins os eira os lla ria qui ero ta F gen tiag ais a mp lag qui ran nte El a ant n sA aya Lim Nit par Ma San rta San Pro Ca ran oG Mo Toc eno — Gu Val Ca Bar mp Bu Paz Ca La première année après 3 à 5 ans Source : calculs de l’auteur basés sur des sources publiques (annexe A). qui ont généralement été maintenus au-dessus de 97 % après le transfert (Valparaiso faisant figure d’exception, ce qui a permis à l’opérateur privé de progresser). En Argentine, les résultats des concessionnaires se sont révélés plutôt décevants pour le recouvrement des factures. Ducci (2007) indique que le taux a peu augmenté à Buenos Aires (passé de 90 % à 94 % en sept ans) et pas du tout à Santa Fe (encore à 80 % seulement en 2001). Le concessionnaire des provinces de Salta, La Rioja et Corrientes a également connu des difficultés, car il n’était pas autorisé à interrompre le service en cas de défaut de paiement (Yepes 2007). On remarque que parmi les PPP ayant beaucoup amélioré le recouvrement de leurs factures, bon nombre affichaient encore des taux inférieurs à 90 % voire 80 % après plusieurs années de gestion privée. C’est le cas en particulier de la Colombie, même si dans les trois cas mentionnés plus haut, les opérateurs privés avaient obtenu de très bons résultats sous d’autres aspects. Cela montre qu’il faut parfois beaucoup de temps pour changer une culture de non-paiement. À Cartagena, l’opérateur n’est arrivé à 95 % de recouvrement qu’après dix années d’améliorations progressives du service. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 91 Recouvrement des factures auprès des différentes catégories de clients en Afrique subsaharienne Le bilan des opérateurs privés en Afrique de l’Ouest sur le plan du recouvrement des factures présente un profil très particulier. Le recouvrement des factures des clients résidentiels a souvent été bien meilleur que le taux de recouvrement global en raison des problèmes fréquemment rencontrés pour obtenir le règlement des sommes facturées aux agences gouvernementales. Plusieurs opérateurs privés de la région ont obtenus de bons résultats dans le recouvrement des factures auprès des particuliers. Au Sénégal, le niveau de règlement des factures par les abonnés résidentiels s’établissait déjà à 98 % sous le régime de gestion publique, et a été maintenu après l’arrivée de l’opérateur privé. Au Niger, le taux de recouvrement auprès des ménages est passé de 93 % à l’entrée en vigueur du contrat d’affermage en 2001, à 97 % en 2006. Des taux élevés de recouvrement pour les clients résidentiels ont également été obtenus en Côte d’Ivoire et au Gabon. Pour quelques PPP, le bilan est médiocre. Ainsi, aucun progrès n’a été enregistré en Guinée sur une dizaine d’années de gestion privée : le taux de recouvrement pour les abonnés résidentiels est resté autour de 60 % ; et à Dar es Salaam (Tanzanie), fait rare, il a même baissé après la prise de fonctions de l’opérateur privé (ce contrat a été résilié au cours de sa deuxième année). Les taux de recouvrement élevés obtenus dans plusieurs cas sont probablement liés au fait que dans beaucoup de ces pays, seuls les citadins les plus aisés bénéficient de l’eau courante ; les familles les plus pauvres s’approvisionnent à des bornes-fontaines ou achètent de l’eau à leurs voisins et ne reçoivent donc pas de factures mensuelles. C’est par exemple le cas au Sénégal, qui affiche le meilleur taux de couverture par des branchements individuels de la région (79 % en 2006) grâce à un grand programme de raccordements subventionnés. Le taux élevé de recouvrement des factures aux particuliers au Sénégal ne rend pas compte du fait que le taux de débranchement a été de l’ordre de 10 à 15 % ces dernières années, ce qui signifie en pratique qu’un pourcentage non négligeable des ménages pauvres ayant bénéficié du programme de raccordements subventionnés ont fini par être débranchés (une majorité d’entre eux ont toujours accès à de l’eau potable qu’ils achètent à des voisins ayant l’eau courante). Le même phénomène a été observé en Côte d’Ivoire. L’un des grands problèmes auxquels sont confrontés tous les PPP en Afrique subsaharienne est le recouvrement des factures auprès des bâtiments publics et des structures gouvernementales, qui représentent habituellement un fort pourcentage des recettes des compagnies des eaux dans la région. Le paiement très épisodique des factures par les abonnés publics s’est avéré un problème récurrent, même dans le cas d’un PPP affichant par ailleurs de bons résultats comme celui du Sénégal. Les opérateurs privés disposent de peu de moyens pour recouvrer les factures sur des comptes appartenant en bout de chaîne à leurs partenaires contractuels, et les bailleurs de fonds ont dû régulièrement intervenir pour rappeler les pouvoirs publics à leurs obligations contractuelles. Des mécanismes spéciaux ont été progressivement mis en place pour atténuer 92 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains le problème. Au Sénégal, l’opérateur peut désormais saisir directement le ministère des Finances, qui intervient directement en cas de non-paiement d’une entité publique. Au Niger, un système d’avances sur consommation a été instauré, le ministère des Finances payant chaque mois des factures mensuelles estimées pour toutes les entités publiques, avec une régularisation en fin d’année. L’Afrique du Sud constitue un cas à part. Sous le régime de l’apartheid, le non-paiement des factures par les résidents des townships était souvent considéré comme un acte de résistance civile et est devenu la norme. Ce comportement a persisté après la fin de l’apartheid ; il touche toutes les compagnies des eaux et s’est révélé très difficile à faire évoluer. Pour des raisons de sensibilités sociales, les contrats d’affermage (tels que ceux conclus à Queenstown et Stutterheim) ont été conçus avec la particularité de laisser la responsabilité du recouvrement des factures aux autorités municipales. En ce qui concerne les concessions, la plus grande, celle de Nelspruit, s’est heurtée à d’immenses difficultés en matière de recouvrement des factures et son taux de recouvrement est descendu en dessous de 30 %, tandis que celle de Dolphin Coast a obtenu de meilleurs résultats puisque son taux est passé de 75 % à 97 % en quatre ans (Palmer 2003). Amélioration du recouvrement des factures dans la plupart des contrats de gestion La plupart des contrats de gestion ont obtenu de bon résultats dans l’amélioration du taux de recouvrement des factures. Bien que les factures reçues par les abonnés soient toujours émises par une compagnie publique, leur recouvrement fait l’objet d’un partage de compétences, variable suivant les contrats, entre les pouvoirs publics et l’opérateur privé. La figure 3.15 montre l’évolution du taux de recouvrement obtenu par les 15 contrats de gestion pour lesquels des données étaient disponibles, entre l’entrée en vigueur et la fin du contrat. Le recouvrement des factures semble être la dimension où la performance des contrats de gestion est la plus constante. Tous ceux pour lesquels on dispose de chiffres ont notablement amélioré le taux de recouvrement en assez peu de temps. Ces progrès se sont souvent accompagnés d’une meilleure qualité de service (continuité d’approvisionnement et/ou service client), comme en Albanie, à Gaza-ville (Cisjordanie et Gaza), en Zambie, à Amman (Jordanie), à Kampala (Ouganda), à La Rioja (Argentine) et à Erevan (Arménie). Toutefois, il y a aussi eu des cas, par exemple le Guyana et Trinidad, où le taux de recouvrement s’est amélioré sans progrès objectifs dans la qualité du service, ce qui semble indiquer que la principale explication a été l’application plus stricte des procédures de recouvrement. À Gaza-ville et à Amman, des progrès sensibles ont été obtenus par différentes actions parallèles : application plus stricte des procédures de recouvrement, vastes campagnes de sensibilisation, collaboration étroite entre l’opérateur et les pouvoirs publics, et amélioration progressive de la qualité du service. À Amman, le taux de recouvrement est parti de 83 %. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 93 Figure 3.15 Amélioration du taux de recouvrement des factures dans 15 contrats de gestion 100 80 pourcentage 60 40 20 0 (6) (5) (3) ) (4) 4) (6) (4) (4) (3) ) (4) (3) (5) (3) a (3 e (3 ie ( e ud da vo aza ue ad ne ela ine nie an ani ani yan b o biq nti gan d uS ezu Zam ent mé Lib et G Kos i ord Alb Trin Gu rge zam ed , Ar Ou Arg Ven oli, n, J nie a, A riqu van Trip Mo ja, as, ma rda Lar , Af Rio Ere nag Am sjo urg La Mo i e, C esb vill ann za- Joh Ga début du contrat fin du contrat Source : calculs de l’auteur basés sur différentes sources (annexe A). Note : le nombre d’années d’opération est indiqué entre parenthèses. Pour Gaza-ville, les données vont jusqu’en 2000. Pour les deux premières années, les progrès sont imputables à une politique de recouvrement plus rigoureuse, mais le taux a continué à augmenter après, au fur et à mesure que le rationnement de l’eau a diminué et que le service client s’est amélioré. Après sept ans de gestion privée, le contrat est arrivé à expiration en 2006 avec un taux de recouvrement de 97 % (El-Nasser 2007). À Gaza-ville, le taux de recouvrement des factures est passé de 63 % en 1996 à 78 % en 2000. Cependant, la dégradation brutale de la situation générale à Gaza après 2001 a pesé sur la capacité à recouvrer les factures. Le contrat de gestion s’est terminé avec un taux de recouvrement de 53 %, encore inférieur à celui enregistré au démarrage du contrat (Jme’an et Al-Jamal 2004). Les progrès les plus spectaculaires ont été enregistrés à Erevan, avec un taux de recouvrement passé de moins de 20 % à 80 % en cinq ans. Ils ont été rendus possibles par une collaboration étroite entre l’opérateur et les pouvoirs publics, parallèlement à des améliorations substantielles de la qualité du service (encadré 3.6). 94 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Encadré 3.6 Contrat de gestion et recouvrement des factures : les excellents résultats obtenus à Erevan (Arménie) Le cas du contrat de gestion conclu à Erevan illustre bien la corrélation qui existe entre l’amélioration de la qualité du service et le taux de recouvrement, ainsi que la nécessité pour les pouvoirs publics de soutenir l’opérateur privé par des mesures appropriées. Le taux de recouvrement n’était que de 19 % à l’origine. Les premières actions engagées pour améliorer la situation ont amené certaines améliorations, mais en 2002, plus de la moitié des sommes facturées n’étaient toujours pas recouvrées. Pour observer une évolution dans le comportement des consommateurs et de nouvelles améliorations du taux de règlement, il a fallu attendre que le gouvernement publie un décret (en 2002) autorisant l’exploitant à débrancher les abonnés n’ayant pas acquitté leurs factures, et adopté une loi prévoyant l’annulation partielle de leurs dettes pour les clients acceptant la pose d’un compteur individuel. Beaucoup de ménages ont accepté l’installation d’un compteur et négocié le rééchelonnement partiel des factures impayées. Suite à ces mesures, le taux de recouvrement est monté en flèche en 2003, et s’est maintenu avec le rétablissement progressif de la continuité du service dans la plupart des quartiers de la ville. Ces actions ont été complétées par des campagnes d’information et des interventions spécifiques pour réparer les fuites dans les immeubles collectifs. Ces mesures ont donné des résultats remarquables : le taux de recouvrement s’établissait à environ 80 % à la fin du contrat de gestion, soit quatre fois plus qu’au moment de l’arrivée de l’opérateur privé. Il y a donc eu un changement de comportement radical des habitants et une évolution réelle de leur perception de la valeur des services d’eau et d’assainissement. 180 24 160 nombre moyen journalier 152 20 140 d’heures de service pourcentage 120 16 100 76 80 12 80 60 47 8 40 27 19 4 20 0 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 taux de recouvrement taux de comptage continuité du service Sources : Mugabi et Marin 2008 ; rapports de projets de la Banque mondiale. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 95 Productivité et main-d’œuvre Les questions de main-d’œuvre jouent un rôle important dans les partenariats public-privé, et les répercussions sur l’emploi ont toujours été une préoccupation majeure des adversaires de la participation privée dans le secteur de l’eau. Les travaux d’Andrés, Guasch et al. (2008) et de Gassner, Popov et Pushak (2008a) confirment que l’introduction d’un opérateur privé entraîne généralement une réduction des effectifs et une hausse de la productivité du travail. On se retrouve donc face à un dilemme : les travailleurs sont des acteurs clés, et ni les autorités gouvernementales ni les bailleurs de fonds ne peuvent faire abstraction des problèmes sociaux liés aux licenciements. Mais les coûts de main-d’œuvre représentent également une grande part des coûts d’une compagnie des eaux, et il n’est donc pas possible de ne pas tenir compte de la productivité, que l’opérateur soit une entreprise publique ou privée. En outre, le passage d’une gestion publique à une gestion privée provoque souvent une évolution profonde de la culture d’entreprise, qui influe sur les effectifs et les niveaux de salaire, les qualifications professionnelles, les règles de travail, et les pratiques en matière de promotion. Pour pouvoir fournir des services de meilleure qualité et plus efficaces, il est souvent nécessaire de remplacer des employés peu ou pas qualifiés par des travailleurs plus qualifiés, ce qui rend les licenciements inévitables. Opérateurs privés, productivité du travail et effectifs L’évolution du ratio de productivité du travail — nombre d’employés pour mille abonnés — a été étudiée pour 17 grands PPP de longue durée, à partir du moment où l’opérateur privé est entré en fonction (figure 3.16). La plupart des opérateurs privés ont amélioré de façon significative la productivité du travail, généralement en réduisant les effectifs tout en augmentant le nombre d’abonnés par un élargissement de la couverture. Comme on pouvait s’y attendre, les gains les moins importants ont été réalisés là où le ratio de productivité était le plus élevé au départ, comme au Chili, à Barranquilla (Colombie), à Guayaquil (Équateur) et à Salta (Argentine). Dans plusieurs cas, les pouvoirs publics ont licencié du personnel avant même l’arrivée d’un opérateur privé, afin de rendre le contrat plus attractif pour le secteur privé. Cela s’est produit en particulier dans les cas les plus flagrants de sureffectif — un problème socialement sensible délicat à traiter par le secteur privé. Ces licenciements ne sont pas pris en compte dans la figure 3.16. Pour donner une image plus complète de l’impact des PPP, la figure 3.17 indique le nombre total de licenciements intervenus pour dix grands PPP en Amérique latine. Elle regroupe les licenciements réalisés par l’autorité publique contractante pendant les 12 mois précédant l’attribution du contrat, et ceux entrepris directement par l’opérateur privé dans l’année (ou parfois les deux ans) qui a suivi son entrée en fonction. Dans au moins quelques-uns des cas pour lesquels on dispose de données, les syndicats ont négocié des indemnités de départ généreuses (Chili, Buenos Aires [Argentine] et Guayaquil [Équateur]). 96 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Figure 3.16 Évolution du ratio de productivité du travail dans 17 grands PPP 10 9 8 pour 1 000 abonnés nombre d’employés 7 6 5 5,5 4 4,0 4,3 3 3,5 3,3 2,9 2,9 2 2,3 2,4 2,5 2,1 1,7 1,8 1 1,4 3,0 0,8 0,7 0 00) 2) ) ) 05) ) 6) 06) 6) 5) ) 05) 4) 8) 05) 5) ) 006 006 005 005 006 200 200 200 200 200 199 200 –20 –20 –20 0 –20 2 2 8–2 7–2 2 1–2 93– 96– 97– 99– 99– – 97– 98– 89– – 991 997 999 001 996 997 199 199 200 (19 (19 (19 9 (19 (19 te d st (19 (19 s (1 o (1 o (1 o (1 l (2 l (1 a (1 ta ( st ( er ( ires ena lla BIO est ire qui éga nte anc Alt tiag ais e-E e Nig Sal qui ’Ivo u u sA ESS tag aya par rrie e-O a-O Sén -El abl nill San ran eno Car Paz Gu Val Co nill art Cas Ma Bar Cô Bu Jak Ma La Amérique latine Asie Afrique première année du PPP dernières données connues Source : calculs de l’auteur basés sur des données publiques ou des rapports de consultants (annexe A). Notes : les chiffres comparent le ratio de la première année du PPP et celui de la dernière année pour lesquelles on possède des statistiques, ou la dixième année dans le cas des PPP de longue durée. Le ratio de productivité du travail pour la première année correspond au moment où l’opérateur privé a pris ces fonctions. Dans plusieurs cas, des licenciements importants avaient déjà été réalisés avant la signa- ture du contrat (comme à Buenos Aires, à Guayaquil et à Manille). Les chiffres pour Casablanca portent à la fois sur les services d’eau et d’électricité. ESSBIO (Empresa de Servicios Sanitarios del Bío Bío) est une compagnie des eaux chilienne. La figure 3.17 confirme que plusieurs PPP du secteur de l’eau se sont accompagnés de licenciements massifs au moment de la transition. Dans l’échantillon examiné, ils s’élèvent dans le meilleur des cas autour de -25 % à Salta (Argentine), Barranquilla (Colombie) et Santiago (Chili) et vont jusqu’à -65 % à Cartagena (Colombie). Ces licenciements étaient dans une large mesure justifiés par une situation de sureffectif, résultant de longues années d’ingérence politique et de clientélisme. Les variations observées s’expliquent pour une grande part par l’ampleur du sureffectif préexistant. À Cartagena, où la productivité du travail était très basse en 1994 (15 employés pour 1 000 abonnés), les deux tiers du personnel ont été licenciés. À Buenos Aires, la compagnie d’État OSN (Obras Sanitarias de la Nación) employait environ 8 000 personnes, soit un ratio de productivité du travail de neuf pour 1 000 clients, et la qualité du travail y était notoirement médiocre (Idelovitch et Ringskog 1995). La situation était Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 97 Figure 3.17 Réduction des effectifs associée à la mise en œuvre de 10 grands PPP en Amérique latine 94) ) 997 97) 2) –19 02) 97) 9 5–1 –19 –19 –20 993 –19 1) 09) 1 99 1) 2 00 5 9 91 001 e (1 199 –20 200 995 ie ( 99– e (1 r (2 tin ( 8 99– e (1 mb bie 9 02) (19 tin gen (19 teu (19 tin lom olo 0 gen qua 2 Ar hili tine gen 99– a, C hili Co r es, o, C s, A l, É gen r o, C (19 , e, A ll Air ena qui qui nte ais , Ar tiag aF s BIO tag ran aya par eno rrie ta t San San ESS Car Bar Val Sal Gu Co Bu 0 –20 pourcentage –25 –22 –24 –40 –31 –32 –37 –43 –48 –48 –60 –65 –80 –100 Source : calculs de l’auteur basés sur différentes sources. Note : ESSBIO (Empresa de Servicios Sanitarios del Bío Bío) est une compagnie des eaux chilienne. différente à Barranquilla car d’importantes réductions de personnel avaient été conduites progressivement pendant les cinq années précédentes sous gestion publique. Le ratio de productivité du travail s’établissait à 5,5 employés pour 1 000 clients en 1996, un niveau plus raisonnable, et de ce fait, l’ampleur des licenciements nécessaires au moment du passage public-privé a été plus modeste. Néanmoins, dans le cas du Chili, des licenciements importants ont quand même eu lieu alors que la productivité du travail était déjà satisfaisante lorsque les opérateurs privés ont pris leurs fonctions. Il faut noter qu’après les compressions d’effectifs effectuées pendant la période de transition, le nombre d’employés dans les PPP étudiés a généralement augmenté ou est resté stable. Cela s’explique d’une part par le fait qu’il a fallu recruter du personnel possédant les qualifications nécessaires, et d’autre part par l’extension rapide de la desserte après l’arrivée de l’opérateur privé. Avec un nombre de clients plus important, de nouveaux gains de productivité ont pu être obtenus sans licenciements supplémentaires. À Buenos Aires, après la forte baisse initiale des effectifs, le nombre d’employés a augmenté de 450 personnes au cours des quatre premières années. Le même phénomène 98 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains s’est produit à Guayaquil en raison du développement rapide de la couverture dans cette ville (le nombre de branchements à l’eau courante a augmenté de 65 % sur les cinq premières années). En pratique, les licenciements ont été surtout concentrés en Amérique latine, bien qu’il y en ait eu aussi à Manille (Philippines), où le nombre d’employés a été réduit d’environ 40 %. Ailleurs, les problèmes de sureffectif ont souvent été traités progressivement, par les départs naturels. Cela a été le cas dans plusieurs PPP en Afrique subsaharienne. Au Sénégal et au Gabon, les réductions d’effectifs ont été limitées à 15 et 10 %, respectivement, sur dix ans, tandis qu’au Niger, les niveaux d’effectifs n’ont pas été affectés jusqu’ici. Il y a eu peu de licenciements également à Maputo, à Casablanca et à Jakarta, où les effectifs ont diminué de moins de 20 % après plusieurs années. La question de la sous-traitance mérite que l’on s’y arrête. Les opérateurs privés ont souvent recours à des sous-traitants dès qu’ils le peuvent car ils disposent ainsi d’une plus grande souplesse. Mais l’incidence des PPP sur l’emploi net est alors plus difficile à évaluer, car la sous-traitance peut compenser partiellement les pertes d’emploi chez l’opérateur. Au Chili par exemple, le transfert des services d’eau à des opérateurs privés a augmenté le recours à des sous-traitants. L’agence nationale de régulation a commencé récemment à recueillir des données sur les activités sous-traitées par les compagnies des eaux. Elle a constaté qu’en 2006, les compagnies des eaux chiliennes privées avaient davantage de personnel employé par des sous-traitants que directement. Ainsi, la compagnie privée de Santiago, EMOS (Empresa Metropolitana de Obras Sanitarias) avait environ 1 100 employés directs, mais faisait travailler l’équivalent de 1 500 personnes supplémentaires par le biais de ses sous-traitants. Bien que l’on n’ait pas de données sur la sous-traitance pour la période de transition du public au privé, il n’est pas impossible que les réductions d’effectifs au Chili (de 6 600 employés en 1998, on est passé à 4 500 en 2006 pour l’ensemble des compagnies régionales) aient été au moins en partie compensées par une hausse de l’emploi chez les sous-traitants (Ducci et Medel 2007). Impact des PPP sur les salaires et les conditions de travail L’impact des PPP sur le travail ne se limite pas à la productivité du travail et aux effectifs. Une compagnie des eaux étant un prestataire de services, son personnel constitue une ressource essentielle, même s’il représente également un coût. Il n’est pas réaliste de vouloir fournir un service de qualité aux clients avec une main-d’œuvre insatisfaite. L’impact des opérateurs privés sur les coûts de main-d’œuvre — sous l’angle de l’évolution des coûts salariaux et non pas seulement des effectifs et de la productivité du travail — n’a pas fait l’objet de travaux publiés. La présente étude a recueilli seulement une petite quantité de chiffres sur l’évolution des salaires moyens. Des données indirectes sur le Niger, Casablanca (Maroc) et Manille (Philippines) indiquent une tendance possible à la hausse sous gestion privée, mais en Côte d’Ivoire, les salaires moyens avec l’opérateur privé ont Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 99 diminué de 25 % en 15 ans en valeur réelle49. Cette question importante mérite d’être examinée de façon plus approfondie. Contrats de gestion et emploi Contrairement à ce qui se passe dans les autres types de PPP, dans les contrats de gestion, les employés de la compagnie des eaux conservent leur statut de fonctionnaires ; bien que l’opérateur privé assure la gestion au jour le jour, il n’a généralement pas ou peu d’autorité sur le niveau des effectifs, les recrutements et les licenciements, les salaires, et les promotions, sauf à titre consultatif. Toutefois, dans la mesure où les contrats de gestion s’inscrivent habituellement dans un effort plus large d’amélioration des performances du secteur, les opérateurs ont souvent été amenés à s’impliquer dans la question du sureffectif. L’évolution des effectifs dans les compagnies des eaux sous contrat de gestion n’est pas uniforme. Dans certains cas, des compressions de personnel ont été réalisées par la réaffectation volontaire à d’autres services gouvernementaux ou municipaux, comme à Antalya (Turquie ; la compagnie est passée de 500 à 200 employés), et à Amman (Jordanie ; la compagnie est passée de 1 600 à 1 400 employés). Ailleurs, le nombre d’employés est resté globalement stable, notamment à Johannesburg (Afrique du Sud), Kampala (Ouganda), et Lara et Monagas (Venezuela). Dans d’autres cas, les effectifs ont beaucoup augmenté, par exemple à Erevan (Arménie) et en Zambie. La plus importante contribution qu’un opérateur privé apporte aux ressources humaines dans le cadre d’un contrat de gestion réside dans le transfert de compétences et le changement de la culture d’entreprise. Cette contribution est très difficile à chiffrer mais joue un grand rôle sur le plan de l’amélioration de la qualité du service et de l’efficacité opérationnelle. Cet aspect a rarement été abordé dans la littérature publiée mais a été analysé dans l’étude de cas sur le contrat de gestion de Johannesburg (Marin, Mas et Palmer 2009), réalisée dans le cadre de la présente étude (encadré 3.7). Conclusions sur les PPP et l’efficacité opérationnelle Comme nous venons de le voir, de nombreux opérateurs privés ont réussi à améliorer l’efficacité opérationnelle des compagnies des eaux au regard de trois grandes dimensions : la réduction des pertes en eau, le recouvrement des factures et la productivité du travail. Malgré son caractère indirect et incomplet, cette méthode de mesure de l’efficacité permet de tirer quelques leçons utiles de la littérature et des études de cas examinées. 49. Dans le contrat d’affermage du Niger, la compagnie privée a accordé une augmentation de salaire de 20 % la première année. À Casablanca, l’opérateur a indiqué qu’un agent de terrain gagnait le double du salaire moyen national pour un emploi similaire, et qu’un contremaître gagnait 60 % de plus. À Manille, les salaires sont plus du triple de ceux en vigueur dans les compagnies publiques (Navarro 2007). En Côte d’Ivoire, les salaires moyens ont diminué de 25 % tandis que le coût par mètre cube vendu a été divisé par deux, et les gains de productivité ont été largement répercutés sur les clients puisque les tarifs ont baissé de 35 %. 100 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Encadré 3.7 Un contrat de gestion pour réorganiser entièrement la compagnie des eaux de Johannesburg, en Afrique du Sud Avant 2000, la responsabilité des services d’eau et d’assainissement de Johannesburg était répartie entre six départements municipaux distincts : quatre départements géographiques étaient chargés des réseaux de distribution d’eau et d’évacuation des eaux usées (et relevaient de quatre conseils locaux) ; un département s’occupait de l’exploitation des usines d’épuration des eaux usées ; et les autorités centrales de la municipalité géraient directement tout ce qui concernait les relations clientèle, la gestion des recettes, les achats et les finances. Du fait de cette compartimentation, il régnait dans les différents départements un certain esprit de clocher, les responsabilités étaient diluées et le service client notoirement médiocre. Pour remédier à cette situation, une société publique a été créée en 2000 pour prendre en charge les services d’eau et d’assainissement : Johannesburg Water. L’idée de faire appel à un opérateur privé à travers un contrat de gestion de cinq ans était principalement motivée par la volonté de faire de Johannesburg Water une compagnie des eaux viable et performante. Une bonne part du travail de l’opérateur privé a consisté à organiser la nouvelle compagnie, en mettant en place des procédures appropriées et en formant les employés. Le but n’était pas seulement d’élaborer un nouvel organigramme ; il fallait surtout instiller une nouvelle culture d’entreprise fondée sur l’efficacité et la notion de service. C’était là un véritable défi compte tenu des anciennes manières bureaucratiques auxquelles les employés étaient habitués. Ce changement a été un processus long et progressif, dans lequel l’accompagnement quotidien assuré par le personnel de l’opérateur privé a joué un grand rôle. Parmi les nombreuses mesures prises pour favoriser le changement, les cadres ont e’té encouragés à prendre davantage d’initiatives dans leur travail de tous les jours, tant que cela produisait des effets bénéfiques sur la qualité du service client ou des gains d’efficacité. Le salaire moyen par employé a augmenté de 23 % en valeur réelle pendant la période du contrat de gestion. Parallèlement à ce changement de culture, des initiatives importantes ont été engagées pour favoriser l’émergence d’une nouvelle génération de dirigeants et de professionnels. Les 693 promotions accordées pendant la durée du contrat de gestion ont profité principalement à des employés appartenant à des groupes auparavant victimes de discrimination sous le régime de l’apartheid. Bien que les effectifs soient restés relativement stables (passés de 2 500 en 1999 à 2 600 en 2006), 945 employés qualifiés ont été recrutés pendant la période du contrat de gestion, là encore pour une bonne part dans des groupes précédemment défavorisés. Source : Marin, Mas et Palmer 2009. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 101 Efficacité opérationnelle des concessionnaires Dans une concession, l’efficacité opérationnelle de l’opérateur privé est rendue difficile à analyser par les interactions entre investissements et opérations. Le peu d’informations publiées sur le sujet présentent un bilan mitigé. Au Chili, Bitran et Valenzuela (2003) ont constaté une amélioration significative de l’efficacité les deux premières années ayant suivi l’arrivée des opérateurs privés. En Argentine, Estache et Trujillo (2003) ont fait une analyse sur la base de la productivité totale des facteurs et conclu à des gains d’efficacité importants à Buenos Aires et Salta50, mais Casarín, Delfino et Delfino (2007) ont estimé qu’à Buenos Aires, les gains réalisés étaient principalement imputables aux licenciements initiaux. Plusieurs auteurs ont souligné qu’en Argentine, le dispositif de régulation mis en place pour les concessions était inadapté et, globalement, ne favorisait pas les gains d’efficacité51. À Manille (Philippines), l’agence de régulation a analysé en détail l’efficacité opérationnelle des deux concessions entre 1997 et 2002, avec l’aide de spécialistes étrangers52. La conclusion a été que le concessionnaire de la zone Est (Manila Water) avait atteint le niveau d’efficacité figurant dans son offre initiale. Mais malgré les économies de coûts importantes réalisées, les ventes avaient été inférieures aux prévisions, ce qui avait compromis son équilibre financier. Dans la concession de la zone Ouest, les gains d’efficacité de l’offre initiale n’avaient par contre pas été atteints — l’une des raisons pour lesquelles le concessionnaire a finalement fait faillite53. Cette étude ne s’est pas penchée sur l’efficacité des concessionnaires en matière d’investissements54. Concernant l’efficacité opérationnelle, les données examinées indiquent qu’en règle générale, les concessionnaires ont eu un impact positif sur l’efficacité globale, avec toutefois quelques variations. En Colombie, plusieurs concessions (notamment Barranquilla et Monteria) ont fait des progrès sensibles sur les trois indicateurs de performance analysés. 50. Ce sont les deux seuls cas pour lesquels on disposait d’une quantité de données suffisante pour réaliser des estimations raisonnables. Les auteurs précisent que leur estimation de 2 % d’augmentation par an en moyenne est approximative, et probablement optimiste. 51. Voir Solanes et Jouravlev (2007) pour Buenos Aires, et Yepes (2007) pour les concessions des provinces de Salta, Corrientes et La Rioja. 52. Cette évaluation était basée sur une méthode consistant à comparer les coûts d’exploitation réels aux prévisions financières figurant dans les soumissions, ajustés pour tenir compte de l’évolution du prix des intrants et des variations de volume. 53. La dévaluation du peso pendant la crise financière asiatique de 1996–1997 a peut-être été un facteur plus décisif car elle a fait exploser le service de la dette de la compagnie autrefois publique, dette qui avait été transférée majoritairement à la concession de la zone Ouest. 54. On s’attend en principe à ce que le concessionnaire fasse des choix d’investissement pertinents, ayant des effets positifs sur l’efficacité opérationnelle, la qualité du service et l’accès au service, et qu’il réalise ces investissements en temps utile et d’une manière économiquement rationnelle dans la mesure où il a un intérêt financier dans l’affaire. Toutefois, certaines craintes ont été exprimées concernant l’attribution de marchés de travaux à des entreprises apparentées au concessionnaire. Le contrôle exercé sur les investissements est un élément essentiel de la régulation. 102 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains C’est le cas également de la concession de La Paz–El Alto (Bolivie), qui était systématiquement placée par l’agence nationale de régulation, le SISAB (Superintendencia de Saneamiento Básico) en tête du classement des grandes compagnies des eaux les plus performantes du pays. Les concessionnaires de Macao (Chine) et Limeira (Brésil) ont atteint des niveaux d’efficacité comparables à ceux des meilleures compagnies des eaux des pays développés. En Argentine par contre, le bilan des concessionnaires est médiocre sur le plan du recouvrement des factures, et l’évolution des pertes en eau est difficile à mesurer en raison du faible pourcentage de compteurs installés chez les abonnés. À Guayaquil (Équateur), l’opérateur a augmenté notablement le taux de recouvrement des factures mais n’a pas progressé de façon appréciable sur les pertes en eau. À Manille enfin, seul le concessionnaire de la zone Est a amélioré l’efficacité opérationnelle. Dans beaucoup de cas, les données n’étaient pas disponibles pour les trois indicateurs. Contrats d’affermage et gains d’efficacité : cas de Cartagena (Colombie) et du Sénégal Des données détaillées étaient disponibles sur la société d’économie mixte de Cartagena (Colombie), qui est sous contrat d’affermage avec les autorités municipales, et sur le contrat d’affermage au Sénégal. Les deux illustrent bien les progrès qu’un opérateur privé peut réaliser du point de vue de l’efficacité opérationnelle (figure 3.18). L’analyse se fonde sur une méthode simple consistant à comparer l’évolution du ratio d’exploitation (recettes encaissées rapportées aux coûts d’exploitation)55 à celle du tarif moyen. Le ratio d’exploitation repose essentiellement sur deux facteurs : l’évolution des coûts d’exploitation et des taux de recouvrement (qui dépendent de l’opérateur privé), et l’évolution du tarif moyen (facteur exogène). Il y a gain d’efficacité quand le ratio d’exploitation augmente plus vite que le tarif 56. Comme il a été indiqué plus haut dans ce chapitre, ces deux PPP ont obtenu des améliorations significatives des trois indicateurs clés examinés (pertes en eau, taux de recouvrement des factures et productivité du travail), lesquelles se retrouvent dans l’augmentation du ratio d’exploitation observée pendant dix ans (figure 3.18). Dans le cas de Cartagena, la situation financière de départ était bien plus mauvaise qu’au Sénégal, ce qui a permis de réaliser des gains plus importants. Le fait que le tarif moyen ait baissé en valeur réelle dans les deux cas indique qu’une part importante des économies réalisées a été répercutée sur les consommateurs. 55. Cette définition du ratio d’exploitation utilise le montant réel des recettes de chaque année, ce en quoi elle est légèrement différente de celle employée d’habitude en comptabilité financière. 56. Bien que cette méthode simple montre clairement les gains d’efficacité obtenus, elle n’est pas applicable à toutes les situations. Le fait que le ratio d’exploitation augmente plus vite que le tarif moyen en valeur réelle ne signifie pas qu’il n’y ait pas de gain d’efficacité, en particulier quand le niveau de tarif initial était très éloigné du tarif de récupération des coûts, et quand un pourcentage important des recettes de facturation sert à financer des investissements. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 103 Figure 3.18 Gains d’efficacité des contrats d’affermage de Cartagena (Colombie) et du Sénégal a) Cartagena (Colombie) b) Sénégal 250 130 200 pourcentage 120 pourcentage 150 110 gain gain d’efficacité 100 d’efficacité 100 50 90 0 80 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 7 8 9 0 1 2 3 4 5 199 199 199 199 199 200 200 200 200 200 200 199 199 199 200 200 200 200 200 200 ratio d’exploitation indice tarifaire (en valeur réelle) Source : calculs de l’auteur. Note : l’indice tarifaire représente l’évolution du tarif moyen en valeur réelle (corrigé de l’inflation), l’indice 100 correspondant au niveau du tarif lorsque le partenariat public-privé a été conclu. Les données disponibles sur d’autres contrats d’affermage conclus en Afrique subsaharienne offrent un tableau contrasté. La compagnie nationale des eaux de Côte d’Ivoire a atteint un niveau d’efficacité opérationnelle comparable à celui des meilleures compagnies des eaux des pays développés, et ses performances sont demeurées remarquablement stables ces dernières années malgré les troubles civils. Au Niger, où le contrat prévoit le même dispositif d’incitation qu’au Sénégal, des progrès appréciables ont été réalisés au démarrage. En revanche, le bilan global en Guinée s’est révélé décevant en dépit des améliorations enregistrées au début, tandis qu’à Maputo (Mozambique), l’efficacité opérationnelle a peu augmenté jusqu’ici à cause des nombreuses difficultés qui ont affecté la mise en œuvre du partenariat, et en particulier des retards dans l’exécution du programme de rénovation. Impact des contrats de gestion sur l’efficacité opérationnelle Dans un contrat de gestion, l’impact du PPP sur l’efficacité opérationnelle est difficile à évaluer : l’opérateur privé a généralement un contrôle limité sur les coûts d’exploitation, selon la manière dont le contrat a été conçu. Dans tous les contrats de gestion examinés, la puissance publique restait responsable des questions d’effectifs et de salaires. La figure 3.19 montre l’évolution du ratio d’efficacité global (défini comme étant le quotient du volume d’eau facturé et effectivement payé, par le volume d’eau produit et injecté dans le réseau). Ce ratio combine les deux indicateurs étudiés plus haut dans ce chapitre : le NRW (pourcentage d’eau non facturée) et le taux de recouvrement des factures. La figure compare le ratio d’efficacité global de la compagnie des eaux avant l’arrivée de l’opérateur privé et celui 104 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Figure 3.19 Évolution du ratio d’efficacité global pour 12 contrats de gestion 80 ratio d’efficacité global (%) 70 60 50 40 30 20 10 0 (6) (5) (3) (4) (6) ) (4) ) (3) ) ) (4) d (4 a (3 a (4 e (5 e ud nda ue aza vo ine bie ani éni uel uel ida o biq uS ent et G Zam Kos uga rm ord nez nez Trin zam ed Arg ,A a, O n, J e Ve nie riqu a, V van Mo ja, as, ma rda pal Lar , Af Rio Ere nag Am Kam sjo urg La Mo i e, C esb vill ann za- Joh Ga avant le début du contrat de gestion gain avec l’opérateur privé Source : calculs de l’auteur basés sur différentes sources (annexe A). Note : le ratio d’efficacité global est égal au volume d’eau facturé et payé, divisé par le volume d’eau produit et injecté dans le réseau. Le nombre d’années d’exploitation est indiqué entre parenthèses. enregistré à la fin du contrat, pour 12 contrats de gestion pour lesquels on disposait de données à la fois pour le NRW et pour le taux de recouvrement des factures57. Un schéma relativement homogène apparaît, malgré les nombreuses différences existant dans le contenu des contrats de gestion. Dans dix cas, la gestion privée a permis d’améliorer sensiblement le ratio d’efficacité global, souvent de l’ordre de dix à 20 points de pourcentage. Le Mozambique (Beira et d’autres villes) et Kampala (Ouganda) ont aussi fait des progrès, mais plus modestes. Dans tous les cas, les gains d’efficacité ont largement contribué à améliorer la situation financière des compagnies des eaux en question. Il est possible d’analyser l’évolution de l’efficacité opérationnelle dans les contrats de gestion en appliquant la même méthode que pour les contrats 57. Cette analyse sous-estime les gains globaux réalisés car elle ne rend pas compte des autres améliorations apportées sur le plan de l’efficacité opérationnelle, par exemple l’utilisation de produits chimiques (pour le traitement des eaux) et la consommation d’énergie. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 105 d’affermage, c’est-à-dire en comparant l’évolution du ratio d’exploitation et l’évolution du tarif moyen en valeur réelle. La figure 3.20 présente les exemples d’Amman (Jordanie) et de Johannesburg (Afrique du Sud), pour lesquels des données détaillées ont été recueillies dans le cadre de cette étude et où des gains appréciables ont été obtenus. À Amman, le ratio d’efficacité global a augmenté de 16 points de pourcentage pendant les cinq années de gestion privée, grâce à une réduction du NRW et l’augmentation parallèle du taux de recouvrement des factures. D’autres gains ont été réalisés sur les coûts d’exploitation, et le contrat de gestion a permis de redresser la situation financière : la compagnie des eaux de l’agglomération d’Amman, déficitaire en 2000 et 2001, a réalisé des bénéfices nets représentant 16 % du chiffres d’affaires en 2005 et 23 % en 2007. En même temps que le contrat de gestion, un grand programme d’investissements a été mis en œuvre par les pouvoirs publics, et la réussite du PPP est manifestement à mettre au crédit des deux partenaires. À Johannesburg, l’impact global du contrat de gestion sur l’efficacité opérationnelle et la viabilité financière a été très positif. La compagnie des eaux est passée d’un déficit de trésorerie en 2001 à un excédent en 2004, et a affiché un bénéfice net la dernière année du contrat de gestion, en 2006. Pendant les deux dernières années du contrat, un groupe d’experts indépendant du pays a classé Johannesburg Water en tête des compagnies des eaux des grandes villes sud-africaines en termes de performances. Une analyse financière détaillée destinée à évaluer l’impact de la gestion privée sur différentes dimensions de l’efficacité opérationnelle a conclu que le NRW n’avait pas bougé, que les coûts de la main-d’œuvre avaient augmenté, et que de nouvelles dépenses étaient apparues pour se mettre en conformité avec les Figure 3.20 Exemples de gains d’efficacité dans le cas des contrats de gestion à Amman (Jordanie) et Johannesburg (Afrique du Sud) a) Amman, Jordanie b) Johannesburg, Afrique du Sud 160 130 Pourcentage Pourcentage 140 120 gain d’efficacité 120 110 gain d’efficacité 100 100 80 90 0 1 2 3 4 5 02 003 004 05 006 200 200 200 200 200 200 –20 –20 2–2 3–2 5–2 1 4 200 200 200 200 200 ratio d’exploitation indice tarifaire (en valeur réelle) Source : calculs de l’auteur. Note : l’indice tarifaire représente l’évolution du tarif moyen en valeur réelle (corrigé de l’inflation), l’indice 100 correspondant au niveau du tarif lorsque le partenariat public-privé a été conclu. 106 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains normes environnementales (par exemple l’évacuation des boues). Les progrès sont venus principalement de la hausse du taux de recouvrement des factures et, dans une moindre mesure, des économies d’électricité et de produits chimiques obtenues dans les usines d’épuration des eaux usées (Marin, Mas et Palmer 2009). Tarifs Le niveau des tarifs ne constitue pas une dimension des performances du même ordre que les trois dimensions examinées précédemment. Alors qu’il est simple de définir ce qu’est une amélioration dans le cas de l’accès, de la qualité et de l’efficacité, le niveau des tarifs est plus difficile à juger car il dépend beaucoup de la politique tarifaire mise en place par les pouvoirs publics et de la manière dont les investissements sont financés. En outre, le fait que les tarifs soient rarement uniformes dans les différentes catégories de clients ajoute un élément supplémentaire de complexité. Bien qu’il puisse paraître à première vue souhaitable que l’eau du robinet ne coûte pas cher pour que les pauvres y aient accès, l’expérience de bas tarifs dans les pays en développement a montré qu’ils avaient surtout profité aux ménages de la classe moyenne ayant accès à l’eau courante (Komives et al. 2005). En théorie, il serait possible de maintenir les tarifs en dessous du niveau de récupération des coûts grâce à des transferts réguliers d’argent public, permettant à la compagnie des eaux de couvrir ses dépenses d’exploitation et ses besoins de réhabilitation et d’investissement. Mais cela arrive rarement dans la pratique car les décisions budgétaires sont facilement détournées par des pressions politiques. De ce fait, de nombreuses compagnies des eaux du monde en développement n’ont pas eu les ressources nécessaires pour investir dans l’extension du réseau et amener l’eau jusqu’aux familles pauvres vivant à la périphérie des villes. Trop souvent, les tarifs bas ont défavorisé les pauvres des villes n’ayant pas l’eau courante ; lorsqu’une compagnie des eaux n’a pas les moyens d’investir dans le développement du réseau, les pauvres en sont réduits à acheter une eau de mauvaise qualité et/ou plus chère. Le problème de fond est qu’une eau très bon marché n’est pas forcément une bonne chose, car un service de qualité a tôt ou tard un coût. Lorsque la couverture et la qualité des services d’eau est médiocre, et que les tarifs de l’eau sont trop bas pour couvrir les coûts et assurer la viabilité des services, la hausse des tarifs est souvent incontournable, même si la gestion de l’entreprise reste publique. Lorsqu’une augmentation de tarifs a lieu à l’occasion d’un partenariat public-privé, l’opérateur privé n’en est pas forcément la cause, comme on le voit bien dans le cas du contrat de gestion au Guyana (encadré 3.8). Dans le cadre de cette étude, il n’était pas possible d’analyser en détail l’évolution des tarifs dans les PPP examinés. Nous nous contenterons ici de présenter les principaux facteurs qui affectent les niveaux de tarifs et de voir comment ils peuvent intervenir dans le contexte d’un PPP, en illustrant ces points par des données tirées de partenariats importants. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 107 Encadré 3.8 Guyana : hausse des tarifs au moment de l’arrivée d’un operateur privé Le cas du PPP au Guyana est un bon exemple du malentendu qui peut se produire lorsque l’arrivée d’un opérateur privé s’accompagne d’une hausse de tarifs. Le contrat de gestion a commencé en janvier 2003, et les autorités gouvernementales ont autorisé une augmentation de tarifs de 37 % en mars 2003. À première vue, le lien semblait évident, mais en réalité, la compagnie des eaux était en faillite. Les recettes de facturation ne couvraient pas les coûts de fonctionnement et d’entretien, ni même la facture d’électricité due au fournisseur d’électricité public. Le gouvernement subventionnait le service des eaux en ne recouvrant pas les sommes dues à la compagnie d’électricité publique et devait également effectuer tous les ans un transfert budgétaire pour pouvoir payer le personnel et les fournisseurs. La hausse de 37 % était loin de suffire à couvrir tous les coûts de fonctionnement et d’entretien, et constituait juste une première étape. Ainsi, l’augmentation des tarifs constituait seulement un élément, avec le recrutement d’un opérateur privé, d’un programme plus vaste destiné à rendre la compagnie à nouveau viable financièrement. Lorsque le contrat de gestion est entré en vigueur en 2003, seulement 45 % de la population du Guyana avaient accès à un réseau d’eau potable, c’est pourquoi la plupart des ménages pauvres, n’étant pas raccordés au réseau, ne bénéficiaient pas de ce tarif très subventionné, pas plus d’ailleurs qu’un grand nombre d’usagers raccordés car l’eau ne coulait en fait des robinets que deux heures et demie par jour en moyenne. Pour que les services deviennent viables, il fallait de toute façon augmenter les tarifs, que le projet de réforme prévoie le maintien d’une gestion publique ou le recours à un opérateur privé. La théorie et la pratique L’impact que l’introduction d’un opérateur privé peut avoir sur les tarifs dépend principalement de trois facteurs : 1) la politique tarifaire adoptée par les pouvoirs publics dans le cadre du PPP, qui détermine quel pourcentage des coûts sera financé par les recettes de facturation, 2) l’écart entre les tarifs et le niveau de récupération des coûts avant le démarrage du partenariat, et 3) la magnitude de la diminution des coûts à laquelle l’opérateur privé peut arriver par des gains d’efficacité. Dans le cas des concessions, le coût des financements privés intervient aussi beaucoup (ainsi que la possibilité de compenser ce coût par des économies générées par des investissements plus efficaces). Dans le contexte des pays en développement, il est difficile de prévoir l’impact combiné des deux derniers facteurs. Ils ont des effets opposés et peuvent chacun 108 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains être de grande ampleur. Les tarifs de départ sont souvent très bas58, et le sens dans lequel ils vont varier va dépendre d’abord de l’écart qui les sépare du niveau de récupération des coûts. D’un autre côté, les compagnies les plus mal gérées offrent un immense potentiel d’amélioration de l’efficacité. Nous avons vu précédemment dans ce chapitre que les PPP qui obtenaient les meilleurs résultats avaient amélioré sensiblement leur efficacité opérationnelle, mais pour que les économies de coûts se traduisent en baisse de tarif, il faut une régulation économique efficace. Compte tenu de la difficulté qu’il y a à analyser les relations entre tarifs et PPP, il n’est guère étonnant que la littérature ne tire pas de conclusions claires à ce sujet. Andrés, Guasch et al. (2008) constatent qu’en Amérique latine, les tarifs de l’eau ont sensiblement augmenté au moment de la mise en œuvre de partenariats public-privé — mais ce phénomène peut être largement attribué au fait que les tarifs de départ étaient très souvent inférieurs au niveau de récupération des coûts. Une autre manière d’évaluer l’impact des PPP sur les tarifs consiste à comparer les tarifs entre compagnies publiques et privées, mais c’est une opération compliquée par le fait que les unes et les autres fonctionnent rarement selon le même schéma. Les résultats obtenus par Gassner, Popov et Pushak (2008a) — qui ont utilisé un très grand échantillon de compagnies des eaux pour mieux neutraliser les effets des nombreux facteurs exogènes — sont par conséquent particulièrement importants. Comme il a été dit plus haut, leur étude compare des PPP avec des compagnies publiques corporatisées — soit des entreprises qui s’efforcent de fonctionner selon des règles favorisant la viabilité financière et la récupération totale des coûts. Ils ont donc tenté de comparer ce qui était comparable, et ont constaté que les PPP n’avaient globalement aucun impact significatif sur le niveau des tarifs. L’évolution et le niveau des prix de l’eau dans les compagnies à participation privée n’étaient statistiquement pas différents de ceux des compagnies publiques similaires. Les autres données publiées sur des pays particuliers semblent corroborer ces résultats car la plupart des documents présentent un bilan soit neutre, soit incertain. Évolution des tarifs de l’eau dans plusieurs PPP Cerner les relations entre les PPP du secteur de l’eau et le niveau des tarifs nécessiterait une analyse financière et économique complète, qui dépasse le cadre de la présente étude. Sont examinés ci-dessous quelques cas pour lesquels des données utilisables étaient disponibles, essentiellement en Afrique de l’Ouest et en Amérique latine. On s’arrêtera un peu plus longuement sur l’expérience de Manille (Philippines), où l’agence de régulation a réalisé une 58. Selon Komives et al. (2005), 58 % des compagnies des eaux du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont des tarifs trop bas pour couvrir les coûts élémentaires de fonctionnement et d’entretien. D’après une autre enquête réalisée en 2004 auprès de 132 compagnies des eaux de l’Union européenne par la Global Water Initiative, 39 % d’entre elles fonctionnent avec des tarifs inférieurs au niveau de récupération de ces coûts. Le pourcentage d’entreprises récupérant une partie des coûts d’investissement était encore inférieur. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 109 étude intéressante sur l’efficacité des opérateurs privés et sur l’impact de cette efficacité sur le niveau des tarifs. Afrique de l’Ouest Beaucoup de PPP mis en place en Afrique de l’Ouest au cours des 15 dernières années ont hérité de tarifs relativement élevés pour des pays en développe- ment, et souvent assez proches des niveaux de récupération des coûts59. La figure 3.21 illustre l’évolution des prix moyens de l’eau dans les PPP en Côte d’Ivoire, au Niger (affermages) et au Sénégal, ainsi qu’au Gabon et au Mali (concessions). Le premier graphique montre l’évolution du tarif en valeur réelle (niveau moyen du tarif corrigé de l’inflation) depuis l’entrée en fonction de l’opérateur privé ; le deuxième compare les tarifs pratiqués dans les différents PPP. Dans quatre de ces cinq PPP, le niveau moyen de tarif a diminué en valeur réelle après le passage sous gestion privée. Les baisses les plus importantes ont été enregistrées au Gabon (en 2006, le prix était descendu à la moitié du tarif pratiqué avant la mise en concession) et en Côte d’Ivoire (en 2000, le prix s’élevait à 70 % du tarif de 1990). Les clients de ces deux pays bénéficient aujourd’hui de tarifs parmi les plus bas dans le secteur de l’eau, ainsi que des meilleurs niveaux de service en Afrique de l’Ouest. Au Sénégal, le prix moyen a reculé en valeur réelle jusqu’à la refonte des tarifs de 2006, où il a subi une augmentation de 15 %, revenant ainsi au niveau d’avant le PPP. En revanche, le tarif social n’a pas été modifié ; en 2007, les ménages pauvres qui avaient pu être raccordés grâce à la réforme payaient toujours un prix moyen inférieur au niveau d’avant le PPP pour six mètres cube par mois, la consommation considérée comme « vitale ». Au Niger, le tarif moyen a augmenté, mais modérément. Une hausse des tarifs a été décidée la quatrième année du contrat pour accroître les recettes de la société de patrimoine et améliorer la capacité d’autofinancement du secteur ; la rémunération de l’opérateur privé n’a pas été modifiée60. Comme au Sénégal, cette augmentation n’a pas concerné la tranche sociale, et le prix payé par les ménages pauvres est donc resté en dessous du niveau d’avant le PPP (Fall et al. 2009). 59. Le contrat d’affermage de Guinée fait figure d’exception car il a commencé avec des tarifs très inférieurs au niveau de récupération des coûts. Les prix ont beaucoup augmenté pendant les dix années du contrat, mais en l’absence de données annuelles, il n’a pas été inclus sur la figure 3.21. 60. Dans le cadre du contrat d’affermage du Niger, les recettes de facturation sont partagées entre l’exploitant et la société de patrimoine (la SPEN : Société de Patrimoine des Eaux du Niger) ; seule la partie du tarif allant à la SPEN a augmenté, tandis que le montant versé à l’exploitant privé pour les volumes consommés est resté inchangé. 110 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Figure 3.21 Évolution des tarifs de l’eau après l’arrivée d’opérateurs privés en Afrique de l’Ouest a) Indice tarifaire en valeur réelle 140 120 Pourcentage 100 80 60 40 20 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 nombre d’années après le démarrage du PPP (ou 1990 pour la Côte d’Ivoire) Côte d’Ivoire Sénégal Niger Gabon Mali b) Évolution du tarif moyen de l’eau 500 francs CFA par mètre cube 450 400 350 300 250 200 150 100 50 0 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 199 199 199 199 199 199 199 199 199 199 200 200 200 200 200 200 200 Burkina Faso Côte d’Ivoire Sénégal Niger Gabon Mali Source : Fall et al. (2009), basé sur des sources gouvernementales. Note : au Burkina Faso, les services d’eau sont exploités par une compagnie nationale publique récem- ment corporatisée. Elle est comprise dans la figure afin de donner un point de référence par rapport à une compagnie des eaux publique fonctionnant selon des principes favorisant la viabilité financière. Les coûts de production de l’eau dans la capitale, Ouagadougou, sont très élevés, ce qui explique en partie le niveau élevé des tarifs. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 111 Amérique latine L’Amérique latine est la région qui compte le plus grand nombre de PPP mis en œuvre au cours des 15 dernières années, mais il est difficile d’évaluer leur impact sur les tarifs. Au début des années 90, plusieurs pays venaient d’être frappés par de graves crises économiques. À cause de l’hyperinflation et des fluctuations extrêmes des taux de change auxquelles ils avaient été soumis, il était difficile d’évaluer la situation financière des compagnies des eaux et de calculer le niveau de tarif qui serait nécessaire pour couvrir les coûts en régime normal. Une grande majorité des PPP d’Amérique latine se sont accompagnés de hausses importantes des prix de l’eau. Cela n’est pas surprenant si l’on considère les tarifs bas traditionnellement appliqués dans ces pays, très inférieurs au niveau de récupération des coûts. Néanmoins, la situation a été aggravée par des dispositions financières inappropriées dans certains contrats de concession, motivées par la volonté de maximiser les investissements privés, les fortes hausses de tarifs qui s’en sont suivies ont souvent généré un grand mécontentement populaire61. L’évolution des prix de l’eau dans les concessions en Argentine, le plus grand marché pour les opérateurs privés jusqu’en 2006, est particulièrement difficile à suivre. Une portion importante des branchements résidentiels n’est pas équipée de compteurs d’eau, et les factures des abonnés sont essentiellement basées sur des estimations (calculées par des formules complexes) et ne correspondent pas aux volumes effectivement consommés. Les tarifs ont été gelés en 2001 par un décret gouvernemental d’urgence pris pour faire face à la crise économique. Le cas dont on a le plus parlé a été la concession de l’agglomération de Buenos Aires, déjà en place depuis huit ans au moment du gel des tarifs. L’agence de régulation avait autorisé plusieurs augmentations tarifaires importantes, très supérieures à l’inflation et à ce qui avait été prévu initialement dans le contrat (encadré 3.9). De fait, plusieurs auteurs ont attiré l’attention sur la faiblesse de la régulation exercée en Argentine sur les concessionnaires des services d’eau en général et sur le manque de transparence avec lequel les ajustements de tarif ont été autorisés. Cette circonstance a probablement beaucoup contribué à la désaffection actuelle vis-à-vis des concessionnaires privés en Argentine. Au Chili, la situation se présentait de façon très différente. Avant que les services des eaux régionaux ne commencent à être délégués au secteur privé en 1999, le gouvernement central avait engagé une grande réforme de transforma- tion en sociétés commerciales depuis près de dix ans. La plupart des compagnies des eaux publiques étaient déjà relativement performantes au moment du transfert, et une agence nationale de régulation avait été mise en place. Les tarifs ont plus que doublé en valeur réelle pendant la décennie ayant précédé le transfert des services à des opérateurs privés, et ils ont continué à augmenter 61. Tel a été le cas par exemple à Cochabamba (Bolivie), où la hausse de tarif a dépassé le montant nécessaire pour récupérer les coûts. Une partie de la forte augmentation tarifaire appliquée aux abonnés résidentiels devait financer un immense programme d’investissement dans des infrastructures au bénéfice des agriculteurs. 112 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Encadré 3.9 Plusieurs renégociations de tarifs et de fortes hausses pour les abonnés : la concession de l’agglomération de Buenos Aires (Argentine) La concession pour les services d’eau de Buenos Aires a été attribuée en 1993 au consortium Aguas Argentinas, dont l’offre prévoyait une réduction de 27 % du tarif moyen. La première année, le concessionnaire a négocié une première hausse de 13 % du tarif moyen. Puis, en 1997, une renégociation majeure a eu lieu, qui a conduit à une augmentation supplémentaire de 19 %, accompagnée d’un changement important dans le barème tarifaire. Par ailleurs, une surtaxe fixe a été adoptée pour financer l’extension du réseau dans les quartiers non desservis — facturée à tous les abonnés raccordés, afin de ne pas faire supporter par les ménages pauvres sans eau courante le financement de l’augmentation de la couverture — et financer le traitement des eaux usées. Ordoqui-Urcelay (2007) indique que la facture d’eau des ménages a grimpé de 88 % en moyenne entre l’année d’arrivée de l’opérateur privé et 2002. Après la crise économique de 2001–2002, un gel des tarifs a été décidé. Les dépenses d’eau moyennes des ménages ont beaucoup progressé à Buenos Aires après la prise de fonction du concessionnaire. Cette hausse a été maintes fois citée comme un exemple-type de régulation économique déficiente. L’un des principaux arguments avancés était que l’introduction de la surtaxe fixe ne devait pas modifier l’équilibre financier de la concession, mais après 1998 le concessionnaire n’a pas beaucoup amélioré la couverture et l’épuration des eaux (les deux priorités qui devaient être financées par la nouvelle surtaxe), et de ce fait, la surtaxe a peut-être permis une augmentation de la rémunération nette de l’opérateur privé. sensiblement après le transfert. Ces nouvelles hausses étaient principalement liées à la nécessité de financer des investissements considérables dans l’épuration des eaux usées et ont été en règle générale bien acceptées par les clients (Ducci et Medel 2007)62. En Colombie, Cartagena est le seul PPP, parmi l’échantillon d’entreprises utilisé pour la présente étude, dont les tarifs moyens ont diminué en valeur réelle après l’introduction de l’opérateur privé. En pratique, on pouvait s’attendre à des hausses de tarif dans la mesure où les PPP mis en œuvre dans le secteur de l’eau en Colombie ont concerné majoritairement les compagnies publiques les 62. La réforme générale a entraîné une hausse bien plus importante des tarifs des services d’assainissement : de 0,09 dollar par mètre cube en 1990, ils avaient atteint 0,45 dollar le mètre cube en 2006 pour l’opérateur privé de Santiago (Empresa Metropolitana de Obras Sanitarias S.A., ou EMOS). Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 113 moins performantes et dont les tarifs initiaux étaient très éloignés du niveau de récupération des coûts. Deux études économétriques de 2007 fondées sur des enquêtes nationales auprès des ménages ne tirent aucune conclusion concernant l’impact des PPP sur les tarifs (Barrera et Olivera 2007 ; Gomez- Lobo et Melendez 2007). Le cas de La Paz–El Alto (Bolivie) illustre les difficultés rencontrées pour évaluer l’impact des PPP sur les tarifs. L’arrivée du concessionnaire s’est accompagnée d’une vaste refonte du barème tarifaire. Les prix moyens à La Paz–El Alto ont augmenté de 20 % en moyenne au moment de la prise de fonction de l’opérateur privé en 1997, mais une redevance fixe qui pénalisait les petits consommateurs avait été supprimée en même temps (Foster et Irusta 2003). Ainsi la plupart des familles défavorisées consommant peu d’eau ont vu leurs factures mensuelles diminuer, tandis que les autres usagers ont subi de fortes hausses de leurs factures. Il est difficile de juger si l’augmentation de 20 % des tarifs était justifiée. Le tarif moyen du concessionnaire de La Paz–El Alto en 2003 était sensiblement inférieur à ceux de Cochabamba et Santa Cruz (d’environ 21 % et 31 %, respectivement), les deux autres plus grandes compagnies des eaux du pays, mais ces différences pourraient s’expliquer pour une bonne part par des facteurs locaux influant sur les coûts (par exemple les ressources en eau disponibles). Manille (Philippines) Les deux concessions de Manille méritent une attention particulière. Elles représentent la plus grande population desservie par des opérateurs privés dans le monde en développement, et une analyse détaillée des gains d’efficacité globaux obtenus et de leur impact sur les tarifs a été réalisée par l’agence de régulation. Cette analyse montre des performances très différentes pour les deux concessions (Navarro 2007). L’appel d’offres s’était déroulé au milieu des années 90, à une époque où les investisseurs privés étaient très optimistes sur les perspectives des PPP du secteur de l’eau dans les pays en développement. Le contrat devait être attribué au moins-disant, et les résultats ont surpris même les observateurs les plus optimistes. Les concessions ont été attribuées pour des tarifs considérablement réduits, s’établissant à seulement 26,4 % et 56,6 %, respectivement, du tarif moyen préexistant dans les zones Est et Ouest (Dumol 2000). Les concessionnaires ont pris leurs fonctions en août 1997 (juste un mois après le début de la crise financière asiatique) et avant la fin 1998, le peso philippin avait perdu la moitié de sa valeur. L’équilibre financier du concessionnaire de la zone Ouest, qui avait endossé l’essentiel de la dette en devises de l’ancienne compagnie des eaux publique, en a été gravement affecté. Malgré plusieurs demandes des concessionnaires, l’agence de régulation ne les a autorisés à augmenter les tarifs au-delà de l’inflation qu’en 2000. Ensuite, une autre augmentation importante a eu lieu en 2002–2003, dans le cadre de l’exercice quinquennal de refonte des tarifs prévu au contrat. Fin 2006, le tarif s’élevait à 250 % du niveau d’avant le PPP dans la zone Ouest, mais n’avait augmenté que de 23 % dans la zone Est (figure 3.22a). 114 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Figure 3.22 Évolution des tarifs de l’eau sur les 10 années des deux concessions Est et Ouest de Manille (Philippines) a) Évolution du tarif de l’eau en valeur réelle 300 250 Pourcentage 200 150 100 50 0 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Manila Water (Est) Maynilad (Ouest) b) Évolution du tarif moyen de l’eau 40 pesos/mètre cube 30 20 10 0 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 Manila Water (Est) Maynilad (Ouest) sans concessions Source : Navarro (2007) et agence de régulation de Manille, Metropolitan Waterworks and Sewerage Systems (MWSS). La figure 3.22b compare les tarifs réels aux tarifs qui auraient été facturés si les services des eaux de Manille étaient restés sous gestion publique. Ce tarif hypothétique a été calculé par l’agence de régulation sur la base de l’efficacité opérationnelle de la compagnie sous gestion publique, en tenant compte de l’impact équivalent sur les tarifs des investissements effectivement réalisés par les concessionnaires. Les résultats montrent que le tarif facturé par le concessionnaire de la zone Est, plus performant, était probablement inférieur à ce qu’il aurait été dans un régime de gestion publique, même après les ajustements autorisés après 2000. L’inverse s’est produit dans la zone Ouest. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 115 Bien que ces résultats soient évidemment influencés par la méthode employée pour établir le scénario contrefactuel (c’est-à-dire, comment on détermine le niveau d’efficacité qui aurait été atteint si la compagnie était restée sous gestion publique), ils illustrent un point fondamental : au bout du compte, l’impact des PPP sur les tarifs à longue échéance dépend des performances de l’opérateur privé. Dans la zone Est, Manila Water a obtenu des gains d’efficacité appréciables, qui semblent s’être traduits par un tarif inférieur pour la population, même si ce dernier a augmenté (modérément) en valeur réelle. Par contre, le concessionnaire de Manille-Ouest n’a pas obtenu de gains d’efficacité sensibles. Bien qu’une grande partie de la forte hausse de tarif accordée à Maynilad ait été liée au coût plus élevé de la dette transférée au concessionnaire par la compagnie précédente, le tarif final a peut-être été supérieur à ce qu’il aurait été si les services d’eau étaient restés sous gestion publique. Performances globales des partenariats public-privé Nous avons vu dans les sections précédentes les résultats obtenus par un grand nombre de PPP du secteur de l’eau dans des pays en développement et en transition. En dépit de la diversité des contextes et des données, un tableau d’ensemble se dégage. Dans beaucoup de cas, les opérateurs privés ont amélioré l’efficacité opérationnelle, la qualité du service et l’accès aux services d’eau et d’assainissement. Les conclusions peuvent globalement être résumées comme suit : • Extension de la couverture. Même si de nombreux PPP ont développé l’accès à un réseau d’eau potable, les résultats obtenus ont été très variables et largement influencés par les dispositions financières du contrat. Pour étendre l’accès à des populations non desservies jusque-là, d’énormes investissements sont souvent nécessaires, or les possibilités de financement varient beaucoup d’un contrat à l’autre. Plusieurs PPP dépendant exclusivement de sources d’investissement privées ont obtenu des résultats décevants. • Amélioration de la qualité du service. Le service intermittent est le problème de qualité numéro un dans la plupart des PED. D’après les données disponibles sur plusieurs opérateurs privés en Colombie et en Afrique de l’Ouest qui se sont trouvés dans une situation de rationnement d’eau à leur arrivée, les PPP peuvent être une solution intéressante pour remédier à des problèmes d’infrastructures vétustes. • Amélioration de l’efficacité opérationnelle. Les résultats obtenus par les PPP en matière de réduction des pertes en eau, d’amélioration du taux de recouvrement des factures et d’augmentation de la productivité du travail montrent que l’efficacité opérationnelle est le domaine dans lequel l’apport des opérateurs privés est le plus régulièrement positif. • Impact sur les tarifs. Il est extrêmement difficile d’évaluer l’impact sur les tarifs de l’introduction d’opérateurs privés, en particulier dans le contexte des pays en développement. Les études publiées n’ont pas pu trouver 116 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains de différence significative dans les niveaux de tarif entre les PPP et des compagnies publiques comparables. Les tarifs ont souvent augmenté à l’occasion d’un PPP, mais la cause directe a rarement été l’arrivée de l’opérateur privé. Nous avons jusqu’ici traité séparément les différentes dimensions des performances. Un grand nombre de projets ont obtenu de bons résultats sur plusieurs dimensions et méritent d’être qualifiés globalement de succès, tandis que d’autres n’ont montré des améliorations que pour quelques indicateurs. Ces analyses doivent maintenant être compilées. Il est important de recenser les partenariats les plus performants, non seulement parce qu’ils montrent le potentiel des PPP du secteur de l’eau dans les pays en développement, mais surtout parce qu’ils donnent des indications utiles pour concevoir la prochaine génération de contrats. Évaluer le bilan général d’un PPP nécessite à l’évidence certains éléments d’appréciation. Pour avoir une idée du résultat global des 260 contrats et plus conclus depuis 1991, les PPP ont été répartis en six catégories (numéro indiqué entre parenthèses) d’après les critères suivants : • PPP encore en cours fin 2007, sous régime de gestion privée depuis au moins quatre ans, et pour lesquels on disposait d’un volume de données suffisant. Ces PPP ont été classés en deux groupes : (catégorie 1) contrats dont le bilan est globalement positif et (catégorie 2) contrats dont le bilan est mitigé (en raison de résultats mitigés ou médiocres et de difficultés persistantes à établir un partenariat effectif entre les parties) et ne permet donc pas de les considérer comme des succès. • PPP encore en cours fin 2007, mais pour lesquels aucune donnée n’a été recueillie dans le cadre de cette étude et/ou sur lesquels il n’est pas possible de porter un jugement. Ces PPP ont également été répartis en deux groupes : (catégorie 3) contrats conclus depuis 2003 (trop récents pour être jugés) et (catégorie 4) contrats conclus avant 2003 (manque de données pour être inclus dans l’étude). • PPP n’étant plus en activité en 2007, parce qu’ils étaient soit (catégorie 5) arrivés à terme mais non renouvelés, soit (catégorie 6) résiliés de manière anticipée suite à des conflits. La figure 3.23 présente le résultat global de cette classification, sur la base de la taille de population desservie pour chaque catégorie de PPP (les chiffres sont arrondis). Au total, environ 205 millions de personnes des pays en développement et en transition ont été desservis en eau par un opérateur privé dans le cadre d’un PPP à un moment ou à un autre depuis 1990. Sur ce total, plus de 160 millions l’étaient toujours en 2007, et environ 45 millions étaient desservis par des compagnies revenues à un régime de gestion publique. Chacune de ces catégories est examinée ci-après. Le chiffre de 45 millions pour les PPP résiliés ou arrivés à terme signifie qu’environ un quart de la population ayant été desservie un certain temps par un opérateur privé au cours des 15 dernières années est à nouveau desservie Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 117 Figure 3.23 Résultats d’ensemble des PPP du secteur de l’eau, en fonction de la taille de la population desservie, 1992–2007 en cours, pas de données (30) projets récents depuis 2003 en cours, (60) résultats mitigés (20) en cours, bons résultats résiliation (50) anticipée arrivé à terme, (25) non renouvelé (20) Source : calculs de l’auteur. Note : la population en millions (arrondie) est indiquée entre parenthèses. en eau par une compagnie publique. Pas moins de 24 pays sont revenus à une gestion exclusivement publique depuis 1990 après avoir fait l’expérience de partenariats public-privé. Ce sont des chiffres élevés, surtout compte tenu des efforts consentis par les institutions financières internationales pour élaborer bon nombre de ces partenariats et leur apporter un appui financier. En tout état de cause, ils viennent rappeler les risques et les défis associés à l’introduction de PPP dans les pays en développement, avec leur environne- ment économique instable et leurs capacités institutionnelles souvent peu développées. Néanmoins, il n’est pas si simple d’émettre un jugement sur les performances d’un PPP ayant abouti à un retour à la gestion publique. Plusieurs contrats résiliés, comme ceux de Dar es Salam (Tanzanie), de Cochabamba (Bolivie) et de la province de Buenos Aires (Argentine), peuvent assurément être considérés comme des échecs. Plusieurs autres contrats résiliés, par exemple ceux de Buenos Aires (Argentine) et de La Paz–El Alto (Bolivie) ont malgré tout apporté des bénéfices appréciables aux usagers, même s’ils se sont révélés non viables du fait de la détérioration des relations entre les parties au fil du temps. Dans le cas des contrats de gestion, certaines compagnies des eaux sont également retournées sous gestion publique bien que l’opérateur privé ait donné toute satisfaction à l’autorité gouvernementale contractante, comme 118 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains à Johannesburg (Afrique du Sud) (Marin, Mas et Palmer 2009) et Gaza-ville (Cisjordanie et Gaza)63. À l’autre extrémité du spectre, les PPP pouvant être globalement qualifiés de succès desservent une population d’environ 50 millions de personnes (encadré 3.10). Ils comprennent un grand nombre de partenariats conclus en Amérique latine (Argentine, Brésil, Chili, Colombie et Guayaquil en Équateur), en Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Gabon et Sénégal), au Maroc et en Asie (Manille-Est [Philippines] et Macao [Chine]). Il est important de noter qu’aucun de ces PPP n’est parfait. Tous ont été confrontés à des difficultés. Mais dans l’ensemble, ils ont montré qu’ils fonctionnaient et qu’ils pouvaient apporter des bénéfices clairs et durables aux populations et aux autorités gouvernementales concernées, justifiant la décision prise d’avoir recours à un PPP pour réformer le secteur. Surtout, dans tous ces cas, le bilan positif est à mettre au crédit des deux partenaires public et privé. Les PPP examinés et encore en activité après de nombreuses années, mais classés dans la catégorie des bilans mitigés, représentent une population desservie de quelque 20 millions de personnes (figure 3.23). Il s’agit par exemple de Manille-Ouest, de Jakarta ou Maputo, dont les résultats ont été jusqu’ici mitigés ou décevants, souvent à cause de difficultés de mise en œuvre à répétition. Par mesure de prudence, ont également été mis dans cette catégorie plusieurs projets pour lesquels les données limitées disponibles étaient plutôt positives mais pas assez nombreuses pour permettre d’établir un jugement définitif (Campo Grande au Brésil, l’État de Johor en Malaisie). Il convient de faire remarquer qu’un PPP comme celui de Manille-Est, qui apparaît aujourd’hui comme un succès, aurait été classé dans la catégorie « bilan mitigé » il y a encore seulement quelques années. Une bonne réforme prend du temps, et plusieurs PPP de cette catégorie seront peut-être devenus des succès d’ici peu. Une part importante des PPP n’a pas pu être évaluée par manque de données sur les résultats obtenus. Les PPP conclus après 2003 représentent environ 60 millions de personnes, soit plus de 35 % de la population desservie par des opérateurs privés en 2007. Beaucoup d’entre eux sont trop récents pour pouvoir être évalués ; ils comprennent la plupart des partenariats public-privé mis en œuvre en Chine (population desservie : plus de 26 millions d’habitants), en Malaisie (sept millions), en Russie (dix millions) et en Algérie (6,5 millions). Cette catégorie inclut également des PPP plus anciens encore en cours après plus de cinq ans de fonctionnement mais pour lesquels les données de performances n’ont pas été collectées ; il s’agit de tous les PPP conclus dans les nouveaux pays membres de l’Union européenne (environ 15 millions d’habitants, dont des grandes villes telles que Bucarest, Budapest, Gdansk, 63. Il est difficile de juger des performances des contrats de gestion, parce que la plupart des bénéfices proviennent d’apports immatériels tels qu’un transfert de savoir ou la réorganisation de l’entreprise. Les indicateurs de performances ne rendent pas bien compte de ces bénéfices, et leur impact dépasse généralement la durée réduite de ce type de PPP. Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 119 Encadré 3.10 Services d’eau urbains : panorama des PPP réussis dans les pays en développement et en transition En Amérique latine, la Colombie se démarque comme un pays où, dans l’ensemble, l’expérience des PPP du secteur de l’eau s’est révélée largement positive. Des gains majeurs ont été obtenus sur le plan de l’accès, de la continuité du service et de l’efficacité opérationnelle dans de nombreuses villes de moyenne ou grande importance, souvent caractérisées par un taux de pauvreté élevé et des infrastructures en très mauvais état (Barranquilla, Cartagena, Monteria et Soledad). À Guayaquil (Équateur), des progrès importants ont été réalisés en matière d’accès à un réseau d’eau potable. En Argentine et au Brésil également, plusieurs compagnies nationales ont eu de bons résultats pour l’amélioration de la couverture des services d’eau et de leur qualité. L’Afrique de l’Ouest est une région où les PPP ont enregistré plusieurs succès notables (Côte d’Ivoire, Gabon et Sénégal), même si elle est également celle où le pourcentage de contrats résiliés avant terme est le plus élevé. Le Sénégal est un exemple bien connu de réussite. Ce pays a obtenu le meilleur taux de la région pour l’accès à l’eau courante à domicile, la distribution d’eau est continue à Dakar, le tarif moyen a diminué en valeur réelle, et le secteur de la distribution d’eau urbaine s’autofinance — un véritable exploit pour un pays pauvre. En Côte d’Ivoire, les services d’eau sont assurés convenablement depuis plus de 40 ans par une compagnie privée, et la population ayant accès à un réseau d’eau potable a doublé en une décennie (elle est passée de 3,5 millions d’habitants à environ sept millions), sans aucun financement public direct, et avec une baisse du tarif moyen en valeur réelle. (suite) Prague, Sofia et Tallinn)64 ; plusieurs grands contrats, dont ceux conclus au Mexique (Aguascalientes, Cancun et Saltillo), en Argentine (province de Mendoza), au Honduras (San Pedro Sula), en Afrique du Sud (Nelspruit) et à Cuba (La Havane, où un opérateur privé étranger gère les services d’eau dans le cadre d’une société d’économie mixte depuis 2000) ; et de nombreux 64. Les performances des PPP conclus dans les nouveaux pays membres de l’Union européenne n’ont pas été examinées dans le cadre de cette étude. Néanmoins, les quelques données dont on dispose par la base de données d’IBNET (http://www.ib-net.org) indiquent que ces PPP ont contribué à améliorer l’efficacité opérationnelle. À Prague par exemple (République tchèque), avec 1,1 million de personnes desservies, pendant les cinq premières années de gestion privée, le NRW est passé de 17 % à 12 %, le taux de recouvrement des factures est passé de 95 % à 98 % et la productivité du travail s’est améliorée (d’environ 12 à huit employés pour 1 000 branchements). 120 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Encadré 3.10 Services d’eau urbains : panorama des PPP réussis dans les pays en développement et en transition (suite) En Asie, la concession de Manille-Est (Philippines) est devenue un succès depuis la refonte des tarifs en 2002, et la concession de Macao (Chine) l’est depuis de nombreuses années. Au Maroc, le secteur privé dessert aujourd’hui près de la moitié de la population urbaine, et l’on peut globalement parler de succès. Des améliorations importantes ont été apportées du point de vue de l’efficacité opérationnelle et de la qualité du service, et l’introduction d’opérateurs privés a stimulé la réforme du secteur au niveau national et obligé tous les prestataires de services d’eau à rendre davantage de comptes. Dans un contexte très différent, le Chili représente un autre cas où la délégation des services d’eau au secteur privé a donné de bons résultats. Contrairement à ce qui s’est passé habituellement dans les autres pays en développement, les compagnies publiques ont été transférées à des opérateurs privés seulement après leur transformation en entreprises performantes et la mise en place d’une agence de régulation compétente. La délégation des services d’eau a toutefois représenté un immense gain financier pour les pouvoirs publics, qui ont reçu 2,3 milliards de dollars de recettes pour le trésor, plus un doublement des rentrées fiscales annuelles sous la forme des impôts sur le revenu et des taxes sur la valeur ajoutée payés par les compagnies des eaux régionales (Ducci et Medel 2007). Le secteur privé a investi au total 1,2 milliard de dollars dans le traitement des eaux usées entre 1999 et 2006, et le Chili est maintenant le seul pays du monde (y compris l’Amérique du Nord et l’Europe) où le traitement des eaux usées urbaines est entièrement financé par des investisseurs privés, sans aucun apport d’argent public. contrats dans des villes de moindre importance (en particulier en Colombie et au Brésil). Ce panorama montre que les PPP mis en œuvre dans le secteur de l’eau dans les PED ont eu des résultats très variés. Cette diversité apparaît clairement dans les expériences de PPP en Amérique latine et en Afrique subsaharienne. Dans ces deux régions, les partenariats dont le bilan est objectivement positif représentent une population de 20 millions et de 25 millions de personnes, respectivement, à comparer à 16 millions et 20 millions de personnes pour les partenariats résiliés avant terme ou non renouvelés. On trouve de véritables réussites (le Sénégal et Cartagena [Colombie]) comme des échecs flagrants (Dar es Salaam [Tanzanie] et Cochabamba [Bolivie]). Les résiliations de contrat ont souvent été perturbantes pour les autorités gouvernementales et les compagnies des eaux concernées, mais le fait que 50 millions de personnes Résultats et impact des ppp dans le secteur de l’eau 121 bénéficient de partenariats réussis montre également que les PPP peuvent être une solution viable pour les PED. Parmi les différentes méthodes auxquelles les pouvoirs publics peuvent avoir recours pour réformer leurs compagnies des eaux peu performantes, les PPP doivent probablement être considérés comme une option plus risquée mais pouvant lorsqu’elle fonctionne apporter de plus larges bénéfices que les solutions basées sur une gestion publique. 122 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains 4. VERS DES PARTENARIATS PUBLIC-PRIVÉ PLUS ADAPTÉS AU SECTEUR DE L’EAU Le présent chapitre résume quelques-uns des enseignements généraux qu’il est possible de dégager des conclusions et observations présentées dans les chapitres précédents. À partir de cet examen des projets qui se sont avérées viables ou pas dans la pratique, certaines des hypothèses qui ont initialement guidé la mise en place de partenariats public-privé (PPP) dans le secteur de l’eau dans les pays en développement au cours des années 90 sont remises en question, notamment en ce qui concerne le financement privé de l’infrastructure hydraulique. Il ne s’agit pas de procéder à une analyse complète de tous les enseignements à tirer des projets examinés, dont il conviendrait d’ailleurs d’approfondir l’étude. Mais il n’en demeure pas moins que cet examen apporte des éclairages utiles sur la façon d’améliorer les PPP de manière à ce qu’ils constituent une solution viable pour rehausser la qualité des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement et augmenter l’accès à ces derniers dans le monde en développement. Enseignements à dégager pour établir des PPP plus efficaces et durables dans le secteur de l’eau Les PPP mis en place dans le secteur de l’eau dans les pays en développement ont enregistré des résultats extrêmement variables, et il est parfois difficile de définir les raisons qui ont déterminé la réussite ou l’échec de certains d’entre eux. Le présent examen a cependant livré quelques schémas précis, qui concernent a) les raisons fondamentales qui motivent le recours à des opérateurs privés à l’appui d’une réforme de services d’utilité publique ; et b) la nécessité de faire preuve d’un plus grand réalisme, d’établir une régulation appropriée et de prendre dûment en considération les questions sociales dans la conception des projets. Le rôle et l’apport des opérateurs privés dans le secteur de l’eau L’examen des résultats indique que l’idée privilégiée dans les années 90 de mettre en œuvre des partenariats public-privé dans le secteur de l’eau afin d’attirer 123 d’importants volumes d’investissements privés reposait sur un postulat en grande part erroné. La contribution essentielle des opérateurs privés intervient sous la forme d’une amélioration de la qualité des services et de l’efficacité opérationnelle. Dans la plupart des cas, l’investissement direct du secteur privé a déçu les attentes. L’apport financier des opérateurs privés performants est certes positif, mais il est essentiellement indirect dans la mesure où il se manifeste par l’amélioration de la solvabilité de la compagnie des eaux ce qui lui permet ainsi d’obtenir plus facilement des capitaux d’investissement, et à de meilleures conditions. Les opérateurs privés peuvent améliorer la qualité du service et l’efficacité opérationnelle L’examen montre clairement que la qualité des services et l’efficacité opérationnelle sont les deux domaines dans lesquels l’apport des opérateurs privés a été le plus régulièrement positif dans de nombreux PPP. Or, dans la pratique, les PPP ont affiché des résultats très variables. Le degré d’amélioration réalisable est fonction de la répartition des responsabilités et des risques, elle-même fondée sur de multiples facteurs. Deux d’entre eux revêtent une importance particulière : a) la structure d’incitation, et b) le mécanisme en place entre le partenaire privé et les autorités pour la mise en œuvre de travaux dans le cas où ces dernières demeurent responsables du financement de l’investissement. Dans le cadre des concessions, l’efficacité opérationnelle est directement motivée par la hausse des profits générée par l’opérateur privé grâce aux économies de coûts. Néanmoins, la possibilité de réaliser de tels gains est largement fonction de la capacité des institutions de régulation auxquelles l’opérateur est confronté. Si la régulation est laxiste, l’opérateur ne sera guère incité à accroître la productivité, et pourrait plutôt chercher à négocier une hausse des tarifs, qui serait le moyen le plus facile de réaliser des bénéfices. Dans le cadre de contrats d’affermage65 et de gestion, les incitations à l’efficacité sont généralement énoncées en détail dans les contrats. Les progrès sont donc directement liés à la conception particulière des dispositifs de rémunération et d’incitation. Dans le cas des affermages, l’opérateur est généralement rémunéré sur la base d’une redevance volumétrique fixe, et assume en échange la totalité des coûts opérationnels, ce qui crée une incitation directe à générer des gains d’efficacité, ces derniers se traduisant directement par des bénéfices. Cette méthode simple a bien fonctionné en Côte d’Ivoire, mais s’est révélée insuffisante en Guinée. Les PPP établis pour le Niger et le Sénégal ont introduit davantage d’incitations à l’efficacité que les contrats d’affermage ordinaires, et prévoyaient des sanctions pour non-respect des objectifs contractuels concernant l’eau non facturée et le ratio de recouvrement des factures. Dans les contrats de gestion, la rémunération comporte généralement une composante fixe et une prime variable liée à la réalisation des objectifs 65. Une compagnie des eaux nouvellement créée exploite un réseau public et assure le recouvrement des recettes qu’elle partage ensuite avec le propriétaire public, qui demeure responsable de l’investissement. 124 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains contractuels. Le choix des indicateurs permettant de mesurer les progrès, la fiabilité des données de base, et le mécanisme de vérification de la conformité aux objectifs convenus en sont les éléments fondamentaux. Au Guyana, l’absence de données de référence fiables et le manque de clarté quant à la méthode de calcul des indicateurs contractuels a été à l’origine de différends majeurs entre les parties, et a été l’un des facteurs qui a conduit à la résiliation anticipée du contrat. L’exécution du programme d’investissement revêt également une importance capitale. Lorsque des opérateurs privés prennent en main des systèmes extrêmement délabrés, ils ne peuvent améliorer la qualité des services et accroître l’efficacité sans procéder à d’importants investissements dans la remise en état de l’infrastructure. L’exécution efficace de travaux dans les délais prescrits est donc essentielle à l’amélioration escomptée des résultats. Dans le cadre de concessions, les opérateurs privés financent et conduisent directement le programme d’investissement, mais dans celui des contrats d’affermage et de gestion, où les investissements ne sont pour la plupart pas financés sur fonds privés, c’est souvent le partenaire public qui est responsable de son exécution. Néanmoins, la séparation des fonctions opérationnelles et d’investissement peut parfois créer des risques. Des problèmes de coordination peuvent surgir, et les résultats du PPP seront au bout du compte largement fonction de l’aptitude de l’organisme public responsable à exécuter les travaux sans retard. Dans la pratique, différentes modalités d’exécution des investissements financés sur fonds publics (analysées plus loin) ont été utilisées. Les investissements directs des opérateurs privés ont été moins élevés que prévu Dans les années 90, nombreux étaient ceux qui espéraient que le secteur privé procéderait à des investissements massifs dans les services d’eau urbains, permettant ainsi aux bailleurs de fonds et aux gouvernements des pays en développement de réorienter les maigres ressources de l’aide sur d’autres secteurs sociaux. Or, ces attentes ne se sont pas concrétisées. En comparaison à d’autres secteurs d’infrastructure, celui de l’eau a enregistré un très faible taux d’investissement privé. L’espoir que les investisseurs privés pourraient financer l’essentiel des besoins d’investissement du secteur de l’approvisionnement en eau en milieu urbain se fondait en grande part sur l’expérience de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord, où les compagnies d’eau comptent parmi celles qui présentent le moins de risques de crédit. Dans ces régions, celles-ci affichent une trésorerie très stable et prévisible. La situation des infrastructures est généralement bien connue, de même que les besoins futurs en investissement. L’accès des consommateurs à l’eau ne pose pas de problème ; les tarifs sont généralement fixés à des niveaux permettant de récupérer les coûts, et sont assortis de règles d’ajustement prévisibles. Pour toutes ces raisons, les compagnies d’eau, publiques et privées, ont généralement pu contracter des emprunts auprès de sources privés à des conditions très favorables. La situation est très différente dans de nombreux pays en développement. Les services des eaux peuvent difficilement y être qualifiés d’entreprises stables et sûres. D’énormes investissements sont généralement nécessaires pour Vers des partenariats public-privé plus adaptés au secteur de l’eau 125 réhabiliter des réseaux détériorés et élargir l’accès dans un contexte d’expansion urbaine rapide, mais le niveau d’investissement requis est également très mal défini. Les tarifs sont en général nettement inférieurs au niveau de récupération des coûts, et l’évolution future du cadre réglementaire est incertaine. Qui plus est, les clients les plus solvables ont souvent déjà investi dans des équipements (puits privés, réservoirs sur les toits, filtres) leur permettant de faire face aux pénuries d’eau, de sorte qu’ils s’opposent aux augmentations de tarifs. Enfin, bon nombre de ménages pauvres ont des difficultés à payer le plein coût de l’eau. C’est pourquoi les investisseurs privés en sont concrètement venus à considérer les concessions d’eau comme des entreprises risquées dans la plupart de ces pays. Ce phénomène était déjà manifeste à la fin des années 90, à l’époque où les opérateurs internationaux s’efforçaient d’obtenir des financements pour les concessions qui venaient de leur être attribuées : les banques privées jugèrent les mécanismes de financement de projets (sans recours) comme étant trop risqué et demandaient aux opérateurs privés de leur fournir des garanties financières adossées à leur bilan, exigence qui limitait à son tour le montant des fonds susceptibles d’être investis dans le secteur. Par ailleurs, le recours à l’emprunt en devises, qui a été utilisé dans les années 90 pour compenser l’absence de marchés financiers locaux dans la plupart des pays, a eu des retombées dommageables suite aux crises économiques et aux turbulences sur les marchés financiers. L’un dans l’autre, les prises de participation privée dans le secteur de l’eau ont été coûteuses (les investisseurs tablant souvent sur des taux de rendement annuel de 20 à 30 % pour compenser les risques), et il en a été de même de la dette privée, sauf dans les cas où les créanciers ont pu obtenir des garanties supplémentaires. Cette situation a considérablement freiné le développement des concessions d’eau dans de nombreux pays en développement, car il est difficile de concilier des taux de rendement élevés pour les actionnaires et les créanciers avec la nécessité de maintenir les tarifs à un faible niveau et de récupérer les investissements sur une longue durée. La contribution financière des opérateurs privés à l’investissement a été essentiellement indirecte Sous l’effet d’une gestion améliorée, la qualité des services augmente, de même, à terme, que l’investissement. La rationalisation des opérations permet de maîtriser les coûts et se traduit par une hausse de la trésorerie disponible aux fins d’investissement. L’amélioration des services fait que les clients sont plus disposés à régler leurs factures, ce qui favorise l’accroissement des ratios de recouvrement et l’augmentation graduelle des tarifs de manière à couvrir une plus grande part de l’investissement. Tous ces éléments créent un cercle vertueux. Les opérateurs performants ont plus facilement accès aux financements dont ils ont besoin pour élargir leur couverture (que ceux-ci proviennent de l’État, des bailleurs de fonds ou des banques commerciales), ce qui a pour effet d’élargir le nombre d’abonnés et d’augmenter les recettes de facturation. Ainsi que le notent Moss et al. (2003), l’amélioration de la gestion et l’augmentation de l’investissement sont associées ; une gestion inefficace accroît le coût de 126 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains prestation des services et fait qu’il est plus difficile d’obtenir des financements pour procéder aux investissements nécessaires. N’importe quel financier, qu’il s’agisse d’une entité privée, d’une entité publique, d’un bailleur de fonds, d’un client ou d’un contribuable sera réticent à apporter des fonds s’il doute des compétences de la direction. Les cas examinés dans la présente étude illustrent bien le lien entre le redressement de la gestion et l’augmentation de l’investissement. Seul un faible pourcentage des 24 millions de personnes dont il est estimé qu’elles ont été raccordées au réseau de distribution d’eau dans le cadre de PPP l’ont été grâce à l’investissement privé direct, mais, dans de nombreux cas, l’efficacité des opérateurs privés à redresser les compagnies d’eau publiques a été essentielle à la réalisation de ce résultat. En Côte d’Ivoire et au Gabon, par exemple, c’est grâce à une gestion performante que la majorité des investissements ont pu être financés pendant plus d’une décennie par les recettes directes, sans recours à l’emprunt, alors que le niveau moyen des tarifs diminuait en termes réels. L’élargissement de l’accès a été directement financé par les clients, mais cela n’aurait pas été possible si les opérateurs n’avaient pas été efficaces. Au Sénégal, la présence d’un opérateur compétent a rassuré les bailleurs de fond, leur garantissant que les investissements qu’ils finançaient résulteraient en une amélioration des services à la population et que les infrastructures seraient correctement entretenues. Les gains d’efficacité opérationnelle obtenus ont permis d’augmenter progressivement le montant des recettes transférées à la société de patrimoine, sans augmentation des tarifs, jusqu’au point où le secteur a pu s’autofinancer. La société de patrimoine est désormais en mesure d’obtenir des financements aux fins d’investissement sans demander de garantie souveraine à l’Etat. Une conception et une mise en œuvre plus réalistes s’imposent L’examen des cas indique que, dans le secteur de l’eau, les PPP peuvent apporter des avantages tangibles aux populations et aux gouvernements concernés. Pour autant, le recours à un opérateur privé externe n’est pas une formule magique capable de résoudre tous les problèmes d’un service public en décrépitude après des décennies de gabegie. Les futurs contrats de PPP doivent mieux tenir compte de ce qu’un tel partenariat peut apporter et répartir plus adéquatement les risques et les responsabilités. Les attentes doivent être réalistes tant en ce qui concerne la définition d’objectifs contractuels que pour examiner les éléments dont les autorités doivent conserver la responsabilité. Les PPP réussis dans le secteur de l’eau se sont inscrits dans le cadre de réformes sectorielles globales bien conçues Un PPP ne peut rétablir l’efficacité des opérations et la santé financière d’un service des eaux en difficulté s’il n’est pas mis en œuvre dans le cadre d’une réforme sectorielle plus large et bien conçue. Bon nombre des éléments essentiels à la viabilité des services de distribution d’eau et d’assainissement en milieu urbain ne relèvent pas du contrôle de l’opérateur, qu’il soit public ou privé. Dans cette perspective, les expériences réussies dans des pays aussi divers que le Chili, la Colombie, la Côte d’Ivoire, le Maroc ou le Sénégal peuvent livrer des enseignements importants. Dans tous ces cas, la mise en place du PPP s’est Vers des partenariats public-privé plus adaptés au secteur de l’eau 127 inscrite dans le cadre d’une réforme d’envergure conduite par l’administration centrale pour établir un cadre sectoriel destiné à assurer la viabilité financière et le contrôle des résultats. Bien que ces pays aient fait appel à des dispositifs de PPP très divers, tous ont défini des politiques explicites pour établir des tarifs permettant de recouvrer les coûts de manière durable et acceptable au plan social. Par ailleurs, dans tous les cas, la conception financière du PPP a garanti que des fonds suffisants seraient disponibles pour l’investissement dans l’expansion et la rénovation de l’infrastructure — condition essentielle pour apporter des avantages tangibles à la population et assurer la viabilité du partenariat. Dans les pays où les opérateurs privés et publics coexistent (comme en Colombie et au Maroc), l’étalonnage concurrentiel a été encouragé à l’échelon national pour stimuler l’esprit de concurrence chez les prestataires. À chaque fois, les autorités ont joué un rôle essentiel dans la réussite ultime des projets de PPP, et le mérite de ces résultats positifs doit être attribué à parts égales aux partenaires publics et privés. À l’inverse, la plupart des PPP qui ont été résiliés ou ont enregistré des résultats mitigés ne sont pas parvenus à résoudre les problèmes essentiels de la viabilité financière et de responsabilisation vis-à-vis des résultats. Bon nombre des concessions qui ont échoué n’étaient dès l’abord pas viable au plan financier, soit en raison d’une conception défectueuse (comme à Cochabamba), soit à cause du comportement opportuniste de certains soumissionnaires. Il a souvent été difficile d’établir des dispositifs de régulation crédibles pour les concessions, même si ceux-ci se sont avérés essentiels à la viabilité des PPP. En Argentine, pays qui recense le plus grand nombre de résiliations de contrat, les mécanismes de régulation de la plupart des concessions se sont révélés fragiles et insuffisants face aux crises économiques et politiques. La conception des contrats doit fixer des objectifs réalistes Un problème récurrent des PPP du secteur de l’eau est que de nombreux contrats fixaient des objectifs irréalistes. Pour qu’un PPP soit viable, les objectifs contractuels doivent constituer des cibles réalistes pour que les prestataires puissent être tenus responsables. Pour définir ces objectifs, les autorités et leurs conseillers ne doivent pas oublier que, dans les pays en développement, bon nombre de services de distribution d’eau en milieu urbain opèrent dans des environnements difficiles. Les résultats que l’on peut raisonnablement escompter doivent être modulés en fonction de chaque situation particulière. Un problème étroitement lié à celui des objectifs contractuels a trait à la difficulté d’établir les mesures de référence en regard desquelles les progrès seront mesurés. Les données de référence initialement utilisées pour évaluer les résultats se sont souvent révélées fausses ou imprécises à l’issue des premiers mois d’activité du PPP. Cette faille a motivé de nombreuses renégociations contractuelles et généré de nombreux conflits, qui ont souvent pesé sur l’exécution des contrats au cours des premières années, qui sont d’une importance cruciale [comme à Amman (Jordanie)]. L’établissement d’un cadre de référence fiable pose un problème fondamental : un service public peu efficace ne dispose généralement pas des équipements nécessaires pour mesurer correctement des indicateurs de performance essentiels, tels que le niveau des 128 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains pertes en eau, et ses documents d’exploitation et sa base de données clientèle regorgent généralement d’erreurs. Malheureusement, ce problème ne peut être résolu par le simple recrutement, avant l’appel d’offres, d’un consultant expérimenté chargé de définir le cadre de référence adapté. Un petit nombre de PPP ont résolu ce dilemme grâce à l’adoption d’une approche flexible. Ils se sont rendu compte qu’il était impossible d’établir un cadre de référence fiable à la signature du contrat, et ont confié à l’opérateur privé la tâche de le mettre en place. Le cadre a été défini d’un commun accord durant la première année d’activité, sous le contrôle d’un auditeur technique indépendant. Cette méthode a été appliquée dans le cadre du contrat de gestion réussi de Johannesburg (Afrique du Sud)) (Marin, Mas, et Palmer 2009) et dans celui de l’affermage du Niger afin d’établir des mesures de référence pour l’eau non facturée (Fall et al. 2009)66. La mise en place d’un partenariat solide qui obtient des résultats tangibles est un processus de longue haleine De nombreux PPP aujourd’hui rentables ont mis beaucoup de temps à délivrer des résultats tangibles. À titre d’exemple, il a fallu toute une décennie pour obtenir les bons résultats enregistrés au Sénégal, et au Niger, où la même démarche est reproduite, c’est seulement aujourd’hui, cinq ans après le début de sa mise en œuvre, que des résultats positifs commencent à être observés. La concession de Manille-Est, aux Philippines, a connu une situation financière délicate pendant de nombreuses années, et c’est seulement en 2002, après la refonte des tarifs, que ses résultats ont commencé à se redresser, soit plus de six ans après l’adjudication du contrat. Il faut du temps pour redresser une société de distribution d’eau urbaine en faillite dans un pays en développement. L’aboutissement d’un PPP repose en grande partie sur l’instauration d’une étroite collaboration entre les partenaires public et privé — ce qui prend également du temps. Pour les autorités partenaires, la mise en œuvre d’un PPP implique souvent un bouleversement de la culture administrative. Les fonctionnaires doivent renoncer à exercer un contrôle direct et abandonner leurs vieilles habitudes d’intervention dans l’exploitation des services d’eau pour des relations indépendantes fondées sur des règles contractuelles. Cette transformation s’est avérée particulièrement difficile dans les cas où les fonctionnaires désignés comme partenaires de l’opérateur privé étaient les anciens dirigeants du service public. Les nouvelles instances de régulation ont également besoin de temps pour comprendre leur rôle institutionnel et 66. Le cadre de référence utilisé pour l’eau non facturée revêt une importance primordiale pour la conception des affermages qui ont été mis en place au Niger et au Sénégal car il fait partie de la formule appliquée pour calculer la rémunération de l’opérateur privé. Au Sénégal, les mesures de référence utilisées dans le contrat original étaient des estimations approximatives ; elles se sont avérées différentes des chiffres réels et ont rapidement donné lieu à une renégociation difficile. La leçon a porté ses fruits dans le contrat nigérien, qui a été conçu de manière à ce qu’elles soient calculées durant la première année d’exécution du contrat dans le cadre d’un suivi conjoint de l’opérateur privé et des autorités, avec l’assistance d’un auditeur technique indépendant. Vers des partenariats public-privé plus adaptés au secteur de l’eau 129 renforcer leur capacité. Les PPP les plus fructueux ont toujours été appuyés par la détermination soutenue des autorités contractantes à faire en sorte que le partenariat fonctionne. Pour cela, ces dernières ont dû s’adapter à l’évolution de la situation, et choisir judicieusement les personnes à qui confier la supervision et la régulation. Un opérateur privé venant de l’extérieur a également besoin de temps, même s’il s’agit d’une entreprise expérimentée, pour appréhender la situation d’un service d’alimentation en eau particulier et pour hiérarchiser les mesures nécessaires, surtout si l’infrastructure est en très mauvais état et que peu d’archives sont disponibles. Il est facile de sous-estimer la difficulté pour un intervenant extérieur de maîtriser le système hydraulique d’un réseau de distribution d’eau de grande envergure et souvent extrêmement délabré (généralement sans cartes ni archives). Même s’il est parfois possible d’apporter rapidement quelques améliorations, l’obtention de résultats bénéfiques tangibles pour la population appelle généralement d’importants investissements dans la rénovation et la modernisation du réseau — processus de longue haleine qui suppose dans un premier temps de définir les investissements en question, puis de mobiliser les financements nécessaires, et enfin de réaliser les travaux. Les pays en développement peuvent avoir leurs propres opérateurs privés Dans les années 90, il était largement admis que les contrats de PPP dans le secteur de l’eau ne pouvaient être conclus qu’avec des entreprises privées détentrices d’une expérience considérable en matière d’exploitation de systèmes d’eau urbains. Du fait que la gestion privée des services d’eau n’existait alors que dans quelques pays, cette approche conventionnelle signifiait concrètement que l’essentiel du marché était dominé par quelques grandes entreprises internationales. Une observation importante de la présente étude est que les opérateurs privés locaux ont connu un développement considérable ces dernières années, desservant en 2007 plus de 40 % du marché, et que plusieurs ont enregistré de bons résultats. Bon nombre des PPP jugés globalement des succès ont été mis en œuvre avec des investisseurs privés locaux qui n’avaient guère d’expérience préalable, voire aucune, de la gestion de services d’eau. À Manille-Est (Philippines) et à Salta (Argentine), les partenariats établis avec des opérateurs chevronnés en vue de transférer le savoir-faire opérationnel a permis aux opérateurs locaux de combler en quelques années leur déficit d’expertise initial. Dans d’autres cas, les investisseurs qui avaient acquis une expérience du secteur de l’eau au travers d’activités de construction, d’ingénierie ou de conseil ce sont révélés capables de gérer des services d’eau de manière satisfaisante (comme au Brésil, en Colombie et en Malaisie). Généralement ces nouveaux opérateurs ont tout simplement recruté des dirigeants et des ingénieurs ayant précédemment travaillé pour des compagnies publiques, de manière à disposer des compétences techniques nécessaires (ce que font les opérateurs internationaux lorsqu’ils arrivent dans un nouveau pays). Il semblerait ainsi que la nécessité pour les investisseurs d’avoir auparavant acquis une solide expérience dans la gestion des services d’eau a été surestimée. Une orientation commerciale renforcée portera aussi bien ses fruits par 130 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains l’intermédiaire d’investisseurs internationaux que locaux — ces derniers présentant l’avantage de mieux connaître la culture et les besoins locaux. L’expérience opérationnelle et technique est certes importante, mais peut être obtenue par de nombreux moyens. Ce qui compte n’est pas tant que les investisseurs locaux aient participé à la gestion de services d’eau auparavant, mais de savoir s’ils peuvent veiller de manière crédible à ce que leur équipe compte des personnes expérimentées pour assurer le fonctionnement des services. Régulation des PPP dans le secteur de l’eau Les monopoles naturels tels que les services des eaux doivent être soumis à une régulation économique : une main visible qui remplace les forces absentes du marché et veille à ce que le prestataire de services n’abuse pas de sa position monopolistique. Dans la pratique, cette approche n’est pas facile à appliquer. Que l’État soit ou non le propriétaire du service des eaux, il existe toujours une forte asymétrie de l’information entre l’instance de régulation et l’opérateur. Les opérateurs privés peuvent abuser de leur position de monopole pour retirer des profits injustifiables et excessifs. Les compagnies publiques peuvent être détournées par des groupes d’intérêts particuliers, ce qui se traduit par des sureffectifs, des privilèges pour les fonctionnaires bénéficiant de nominations politique, des pratiques de travail et de passation de marchés irresponsables, et un manque d’attention aux clients. Les PPP dans le secteur de l’eau ne sont pas forcément plus difficiles à réguler que les compagnies publiques L’éventuelle difficulté à réguler les opérateurs privés dans le contexte délicat des pays en développement a été l’un des principaux arguments évoqués à l’encontre des PPP dans les services d’eau urbains. Il est vrai qu’il peut y avoir capture du régulateur par un opérateur privé, lequel a de gros intérêts financiers en jeu. Les PPP dans le secteur de l’eau sont des contrats complexes et, souvent, des autorités locales peu rompues aux transactions complexes sont confrontées à de puissantes multinationales. Cela dit, on doit également observer que les opérateurs privés au moins opèrent dans un cadre qui renforce l’obligation de rendre des comptes. Un contrat détaillé énonce les objectifs de performance et exige une notification régulière. Des méthodes d’établissement des tarifs sont énoncées dans les règlements et/ou les contrats, généralement de manière beaucoup plus transparente qu’auparavant. Les opérateurs privés sont passibles d’amendes pour non-respect de ces obligations et peuvent même voir leur contrat résilié. Enfin, les PPP sont généralement surveillés de près par la société civile — bien plus, en fait, que les compagnies publiques peu performantes. Diverses options sont envisageables pour un régime de régulation viable Les cadres de régulation en vertu desquels les PPP dans le secteur de l’eau opèrent dans les pays en développement s’inscrivent dans deux grandes catégories. Dans certains pays, on a privilégié la régulation par contrat : tous les éléments sont détaillés dans le contrat, et une équipe spécialisée est désignée pour superviser son exécution pour le compte du gouvernement. Dans d’autres, priorité a été donnée à l’établissement d’un cadre juridique et réglementaire général pour le Vers des partenariats public-privé plus adaptés au secteur de l’eau 131 secteur, généralement accompagné de la création d’un organisme de régulation disposant d’un pouvoir discrétionnaire à différents niveaux. Dans la pratique, la différence entre ces deux approches n’est pas toujours nette, et une évaluation de leurs résultats dépasserait le cadre de cette étude. Néanmoins, notre examen livre les observations suivantes : Il importe d’établir des contrats clairs et détaillés, qu’ils constituent le fondement ou un simple élément de la régulation. Les études les plus récentes (Erhardt et al., 2007), de même que la présente étude, montrent que l’utilisation des contrats comme point de référence essentiel pour demander des comptes aux opérateurs privés a bien fonctionné dans des endroits aussi divers que l’Afrique de l’Ouest, Macao (Chine), la Colombie, la République tchèque et le Maroc. L’ancrage de la régulation des PPP du secteur de l’eau dans un cadre réglementaire global, dans lequel les contrats existent mais où les principaux instruments sont les lois et les règlements, a obtenu des résultats plus mitigés, surtout lorsque les instances de régulation nouvellement établies se sont vu confier un pouvoir discrétionnaire substantiel. Au Chili, le dispositif de régulation a bien fonctionné, mais l’agence de régulation avaient été créé longtemps avant le transfert au secteur privé, et était alors un acteur respecté et crédible. Dans de nombreux autres endroits, la mise en place d’agences de régulation crédibles s’est avérée délicate, ce qui, à terme, a porté préjudice à l’exécution de nombreux partenariats. Les difficultés rencontrées avec les agences de régulation ne sont pas surprenantes en soi : il faut du temps pour élaborer un cadre de régulation, et il est facile de faire échouer le processus. Dans ce contexte, il est parfois plus simple d’établir un contrat unique pour remédier à un problème bien identifié. Néanmoins, il peut aussi valoir la peine de mettre en place un cadre solide car, une fois établi, celui-ci offre un point de référence précis et normalisé qui diminue la marge de manœuvre dont disposent les parties qui négocient les contrats individuels ou leurs aménagements. En définitive, le choix entre l’approche contractuelle ou à travers un cadre de régulation doit être fonction des particularités du pays, notamment du type de cadre juridique et réglementaire (le cas échéant) qui gouverne le secteur de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement, de la capacité institutionnelle existant au sein de l’administration et de l’urgence à mettre en place un partenariat donné au moment de la décision. La transparence doit être au cœur de la régulation des contrats Les PPPs sont par nature basés sur des contrats incomplets et, dans l’environnement volatil des pays en développement, il est naturel de les adapter à des situations évoluant dans le temps. Néanmoins, la question de la renégociation des contrats a prêté à controverse. Dans de nombreux cas, celle-ci s’est tenue à huis clos, dans l’opacité. Dans une étude approfondie de la renégociation des PPP dans le domaine de l’infrastructure en Amérique latine, Guasch (2004) a constaté qu’une forte proportion de PPP du secteur de l’eau 132 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains a été renégociée peu après le démarrage du contrat67. Tout cela a alimenté les critiques selon lesquelles les opérateurs privés auraient profité des ajustements contractuels pour dégager des profits financiers, et a compromis la crédibilité de l’approche PPP dans plusieurs pays en tant que solution valable pour améliorer la performance des services d’eau urbains. Manifestement, des progrès s’imposent dans ce domaine. Il est indispensable que la surveillance continue et la régulation des contrats PPP soient conduites de manière structurée et pleinement transparente. La mise en appel d’offres concurrentiel de tous les nouveaux contrats PPP doit être la règle. Il convient d’assurer rigoureusement le suivi des performances et la notification des obligations, et de mettre régulièrement les résultats à la disposition du public. Les pouvoirs publics sont également tenus de communiquer au public les raisons et justifications ayant présidé à chaque décision réglementaire. Ce point est particulièrement important pour tout ce qui a trait aux ajustements tarifaires (même quand ceux-ci se fondent sur des clauses contractuelles existantes) ou à d’autres modifications susceptibles d’altérer l’équilibre financier d’un PPP. Les ajustements contractuels sont probablement inévitables dans le contexte instable des pays en développement, mais on ne peut attendre de la population et des autres parties prenantes qu’elles les acceptent si ces derniers ne sont pas effectués en toute transparence. C’est là un domaine dans lequel l’intervention des institutions financières internationales pendant la phase de mise en œuvre peut s’avérer très utile, surtout dans les pays où la gouvernance et la capacité institutionnelle sont déficientes. Intégration d’objectifs sociaux Les questions sociales ont été source de polémiques dans de nombreux PPP du secteur de l’eau. À l’évidence, des efforts s’imposent pour que davantage de PPP apportent des bénéfices aux plus pauvres. Pour cela, leurs concepteurs des projets doivent explicitement identifier et intégrer les objectifs sociaux, et examiner les solutions consistant à subventionner les pauvres et à dissocier les tarifs de la rémunération de l’opérateur privé. Par ailleurs, il serait utile d’étudier de manière plus approfondie les retombées globales des PPP sur les travailleurs afin de mieux les appréhender. Il faut accroître les effets bénéfiques des PPP dans le secteur de l’eau pour les pauvres La présente étude a montré que les PPP ont apporté des avantages tangibles en termes d’accès au service et de qualité des prestations pour l’ensemble de la 67. L’étude a constaté que, pour la période comprise entre 1985 et 2000, 74 % des contrats conclus dans le secteur de l’eau avaient été renégociés, incidence nettement supérieure à celles d’autres secteurs de l’infrastructure. Guasch a également observé que les renégociations étaient intervenues plus tôt que dans les autres secteurs, en général 1,6 an après l’adjudication du contrat, et (dans la plupart des cas) à l’instigation de l’opérateur privé. Il convient de noter que cette étude a défini la renégociation selon des critères larges, et que son échantillon comportait des mécanismes contractuels qui ne sont pas pris en considération ici, notamment ceux de construction-exploitation-transfert (BOT) et des dispositifs similaires pour les nouvelles usines de traitement. Vers des partenariats public-privé plus adaptés au secteur de l’eau 133 population, mais du fait que les chiffres communiqués par les compagnies des eaux sont rarement structurés en fonction de la tranche de revenus des clients68, l’étude n’a pu évaluer précisément les retombées de ces projets sur les pauvres en milieu urbain. Il existe des preuves indirectes de ce que les ménages démunis ont tiré des avantages substantiels de l’amélioration de l’accès au réseau d’eau et de la baisse de fréquence des rationnement qu’ont permis d’obtenir un nombre substantiel de PPP. Cela a notamment été le cas dans les villes affichant un taux de pauvreté élevée, où l’accès a été sensiblement amélioré par l’expansion des réseaux de distribution d’eau aux quartiers défavorisés auparavant non desservis, comme en Côte d’Ivoire ; au Sénégal ; à Cartagena, Barranquilla, et Montería (Colombie) ; à Guayaquil (Équateur) ; à Manille (Philippines) ; et même à La Paz–El Alto et Buenos Aires (Argentine). En Colombie, l’application de tarifs différents aux abonnés résidentiels en fonction de leur condition sociale a permis à l’étude d’examiner quels groupes de ménages avaient bénéficié de nouveaux branchements au réseau, examen qui a démontré que la plupart des bénéficiaires de cette expansion de l’accès étaient des familles pauvres. Il existe toutefois de nombreux PPP dont peu de données indiquent qu’ils aient notablement profité aux populations défavorisées. Il existe un large déficit d’informations en la matière. Il est vrai que face au développement explosif des bidonvilles dans les zones périurbaines de nombreuses villes en pleine expansion, tous les services publics sont confrontés à d’énormes difficultés pour satisfaire la demande. Pour autant, compte tenu des besoins considérables des pays en développement et des efforts substantiels déployés par les institutions financières internationales à l’appui d’un grand nombre de PPP, force est de constater que les résultats ont dans l’ensemble été décevants. Hormis en quelques endroits, les avantages délivrés par les PPP du secteur de l’eau aux populations pauvres en milieu urbain ont généralement été insuffisants. Les PPP peuvent apporter des avantages substantiels à l’ensemble de la société, mais l’effet de « percolation » automatique que l’on prévoyait au début des années 90 ne s’est pas pleinement concrétisé. Les opérateurs privés sont de simples agents opérant (avec efficacité, espérons-le) dans le cadre d’incitations et d’obligations énoncées dans un contrat, et pour le compte des autorités contractantes. Au bout du compte, leur comportement est dicté par la conception du projet. Il appartient aux autorités de chaque pays de veiller à ce que les gains d’efficacité soient répercutés sur les abonnés et à ce que les avantages soient, à terme, équitablement répartis entre tous les groupes de la société. Elles doivent également veiller à ce que des mesures d’atténuation bien conçues et dûment financées remédient aux retombées négatives. 68. Ainsi, les chiffres concernant le niveau d’accès des pauvres n’étaient disponibles que pour la Colombie et Jakarta (Indonésie), où les abonnés sont facturés selon différents niveaux tarifaires en fonction de leur tranche de revenus. Les conclusions des enquêtes menées auprès des ménages n’étaient disponibles que dans quelques autres cas, mais leur interprétation était difficile, leur échantillon ne correspondant pas aux frontières géographiques du contrat PPP examiné. 134 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains La conception des PPP doit tenir compte du coût des objectifs sociaux Une observation importante de cette étude est que les PPP du secteur de l’eau peuvent fournir de l’eau potable de qualité et des services adéquats d’assainissement aux populations les plus défavorisées, à condition que la méthode de conception s’écarte radicalement de l’approche souvent adoptée dans les années 90. Au lieu de voir dans les PPP un moyen de réduire le fardeau financier du secteur et de se désengager, les pouvoirs publics doivent prendre conscience de ce que le secteur de l’eau aura continûment besoin d’une aide publique pendant de nombreuses années. La réalisation d’objectifs sociaux ambitieux a un coût réel, et les recettes de facturation du service des eaux risquent de ne pas y suffire, même en tenant compte des gains d’efficacité résultant d’une gestion professionnelle. La bonne méthode consiste à définir dans un premier temps les priorités sociales et à en estimer le coût. Dans les cas où les recettes prévues pour un service des eaux ne suffisent pas (après prise en compte des gains d’efficacité escomptés) à couvrir le coût de ces objectifs, il appartient aux pouvoirs publics d’apporter les financements complémentaires. Les PPP qui ont été les plus avantageux pour les pauvres sont ceux auxquels les autorités ont apporté des fonds publics pour compléter les recettes de facturation et accélérer les progrès. Une excellente illustration en est offerte par les PPP mis au point par le gouvernement colombien dans le cadre du Programme de modernisation des entreprises (PME), qui prévoit des subventions publiques pour financer le redressement des services d’eau dans des villes pauvres aux infrastructures extrêmement délabrées, mais les concessions réussies de Guayaquil (Équateur) et de Cordoba (Argentine) ainsi que le système d’affermage au Sénégal en offrent également des exemples probants. La subvention de l’accès pour les pauvres : une solution à envisager Dans de nombreuses régions du monde en développement, on peut difficilement attendre des familles défavorisées qu’elles assument le plein coût des services d’eau et d’assainissement. Or, il s’agit là de services essentiels auxquels tout le monde doit avoir convenablement accès. L’accès à l’eau courante et à des services d’assainissement adéquats pour les populations pauvres des zones urbaines denses, outre qu’il favorise l’équité sociale, est largement bénéfique à l’ensemble de la population en termes de santé publique et de protection de l’environnement. Ces raisons suffisent à justifier la subvention de l’accès (voire, dans certains cas, de la consommation) partout où les familles démunies ne peuvent assumer la totalité des coûts réels. On remarquera que la plupart des PPP réussis comportaient, sous une forme ou sous une autre, un dispositif de subventions pour les pauvres. Divers mécanismes ont été utilisés pour diminuer le coût du raccordement au réseau des familles démunies. De nombreux opérateurs privés ont proposé des financements à taux zéro pour permettre aux ménages défavorisés de payer leur branchement par versements échelonnés. Cela a été le cas à Buenos Aires (Argentine), La Paz–El Alto (Bolivie), Barranquilla et Cartagena (Colombie) et Manille (Philippines). D’autres PPP prévoyaient d’importantes subventions au programme de raccordement, comme en Côte d’Ivoire, à Guayaquil Vers des partenariats public-privé plus adaptés au secteur de l’eau 135 (Équateur) et au Sénégal. La nécessité d’offrir des programmes subventionnés de raccordement au réseau pour les populations démunies est de plus en plus prise en considération, et plusieurs projets ont récemment été mis sur pied pour des PPP existants, qui apportent des subventions des bailleurs de fonds dans le cadre du Partenariat mondial pour l’aide basée sur les résultats (GPOBA), notamment au Cameroun, au Maroc et à Manille (Philippines)69. La séparation entre les tarifs et la rémunération de l’opérateur peut présenter des avantages L’un des principaux écueils à la mise en œuvre de la réforme du secteur de l’eau a été de trouver moyen d’augmenter les tarifs de manière à assurer la récupération des coûts, spécialement dans les cas où le niveau de départ ne suffit même pas à couvrir les coûts d’exploitation et de maintenance. En effet, si l’équilibre financier de l’opérateur doit être garanti pour que le projet PPP soit viable, les clients sont généralement réticents à accepter des augmentations de tarifs avant que des améliorations tangibles ne soient apportées — ce qui peut prendre de nombreuses années lorsque l’infrastructure est très délabrée. Cette situation crée un dilemme fondamental pour la conception financière de PPP. Pour briser le cercle vicieux que constituent la prestation de services de mauvaise qualité, la faible disposition à payer, et l’insuffisance des recettes, les concepteurs de plusieurs PPPs ont séparé la rémunération de l’opérateur privé des tarifs facturés aux usagers. Cette méthode permet aux pouvoirs publics ou aux agences de régulation de procéder à des ajustements graduels de tarifs, en parallèle à l’évolution de la qualité des services et de la disposition à payer des abonnés. Pendant la période nécessaire pour que les tarifs atteignent le niveau de recouvrement intégral des coûts, les autorités couvrent le déficit opérationnel de l’opérateur en lui versant des sommes destinées à compléter les recettes de la facturation. Le principal avantage de cette approche est qu’elle permet au client de constater l’amélioration des services avant de recevoir les augmentations tarifaires. Elle a aussi ses limites, puisqu’elle ne peut s’appliquer que dans la mesure où quelqu’un, pouvoirs publics ou bailleurs de fonds, finance le déficit de recettes. Cette méthode est utilisée dans le cadre de plusieurs contrats d’affermage en Afrique de l’Ouest (Guinée, Niger et Sénégal) : l’opérateur privé est rémunéré par une redevance volumétrique qui couvre la totalité des coûts d’exploitation et de maintenance, mais pas les coûts d’investissement, qui demeurent la responsabilité de l’État. La redevance de l’opérateur est établie par le contrat et diffère des tarifs de facturation, sur lesquels les autorités gardent la haute main. En pratique durant les premières années de mise en œuvre des PPP, l’essentiel des recettes perçues sert à financer la redevance de l’opérateur, 69. Le GPOBA est un fonds fiduciaire multi-donateurs administré par la Banque mondiale, qui a pour objectif de favoriser l’accès des pauvres aux services d’infrastructure de base au travers du mécanisme d’aide basée sur les résultats. Le don n’est versé aux prestataires de services qu’après le raccordement au réseau des ménages bénéficiaires (pour de plus amples détails, voir http://www.gpoba.org). 136 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains la société de patrimoine devant absorber le déficit financier. À mesure que la trésorerie du service d’eau se redresse, grâce aux gains d’efficacité et à l’expansion du réseau, un pourcentage croissant des recettes de facturation peut être alloué à la société de patrimoine — jusqu’au point où les tarifs atteignent un niveau suffisant pour couvrir la totalité des coûts d’exploitation et de maintenance plus les coûts d’investissement, comme c’est désormais le cas au Sénégal70. S’il est relativement simple de dissocier les tarifs de la rémunération d’un opérateur privé dans le cadre d’un affermage, cette opération est plus complexe dans celui d’une concession qui prévoit que l’opérateur n’est pas seulement responsable des coûts d’exploitation et de maintenance, mais aussi des coûts d’investissement. Plusieurs concessions ont adopté une méthode indirecte en vertu de laquelle les pouvoirs publics financent gratuitement certains investissements de manière à atténuer les répercussions sur les tarifs. Parmi les PPP examinés aux fins de la présente étude, Jakarta (Indonésie) offre le seul exemple de concessions dans le cadre desquelles les tarifs ont été explicitement dissociés de la rémunération de l’opérateur. Les concessionnaires étaient rémunérés par une redevance volumétrique sur l’eau (mécanisme très similaire à celui de l’affermage) définie dans le contrat, ce qui permettait aux autorités de moduler les tarifs à leur gré. Étant donné que l’Indonésie a été gravement touchée par la crise financière asiatique, et que le gouvernement n’a pas souhaité ajuster les tarifs pour tenir compte de l’inflation pendant certaines périodes, la redevance c’est trouvée à plusieurs reprises nettement supérieure aux tarifs facturés. La souplesse de ce dispositif a permis aux pouvoirs publics d’ajuster leur politique tarifaire en fonction des évolutions sociales et économiques, et c’est probablement l’une des raisons essentielles expliquant que les deux concessions de Jakarta aient survécu bien qu’elles aient été mises en œuvre dans une conjoncture extrêmement difficile. Une meilleure gestion des nombreuses conséquences des PPP sur les travailleurs s’impose L’une des principales critiques à l’encontre de la participation privée dans les services d’eau urbains concerne ses éventuelles retombées négatives sur les salariés. Comme analysé au chapitre 3, la hausse de la productivité est souvent allée de pair avec un recul de l’emploi. Certains PPP ont procédé, à leur démarrage, à des licenciements massifs dans des services aux effectifs pléthoriques. Si ces réductions de personnel se justifiaient sur le plan technique et en termes de rentabilité, elles ont à l’évidence soulevé de graves difficultés sociales. 70. L’application concrète de cette méthode varie selon les cas. Au Sénégal, les tarifs au moment où le PPP est entré en opération couvraient la totalité des coûts d’exploitation et de maintenance plus une partie des coûts d’investissement ; au Niger, en revanche, ils couvraient à peine les frais d’exploitation et de maintenance. En Guinée, le tarif initial était très en deçà du niveau des coûts (un prêt de la Banque mondiale a servi à combler le déficit financier et à payer la redevance de l’opérateur). Vers des partenariats public-privé plus adaptés au secteur de l’eau 137 Les travailleurs sont une richesse pour l’entreprise et doivent être, en conséquence, des parties prenantes essentielles à une réforme des PPP. À chaque fois que des licenciements s’imposent, des mesures financières adéquates doivent être définies afin d’en amortir les retombées sociales sur les familles concernées. Une telle démarche est nécessaire même si l’impact de l’emploi dans les sociétés de distribution d’eau est faible en regard de l’emploi total dans l’économie. Dans plusieurs cas de licenciements massifs, comme à Buenos Aires (Argentine), au Chili et à Manille (Philippines), les salariés ont pu négocier une enveloppe de rémunération généreuse, mais la présente étude n’a pu évaluer si cela avait été le cas dans le cadre de la plupart des autres PPP. Plusieurs ont évité des compressions massives de personnel en traitant progressivement le problème des sureffectifs, en encourageant pour cela l’attrition naturelle et les départs volontaires. Les analyses concernant les PPP et la main-d’œuvre se sont souvent limitées à la productivité et aux effectifs, mais la question est beaucoup plus vaste. L’arrivée d’un opérateur privé a des conséquences majeures pour les employés d’un service public, qui perdent généralement leur statut de fonctionnaire et les prestations qui lui sont associées. Dans le même temps, l’évolution des conditions de travail peut leur offrir de nouvelles opportunités, notamment un meilleur accès à la formation, de meilleures perspectives de carrière et, à terme, une amélioration de leurs compétences et de leur rémunération (c’est du moins ce que l’on peut espérer). Malheureusement, ces questions cruciales ne sont toujours pas convenablement appréhendées, et d’autres études seraient nécessaires pour évaluer complètement les retombées des PPP sur les travailleurs. Une nouvelle génération de PPP pour les services d’eau urbains Les PPP sont des dispositifs complexes, et les pays en développement et émergents présentent une grande diversité. Les conclusions de l’étude livrent quelques éléments fondamentaux d’un modèle de PPP mieux adapté au secteur de l’eau dans les pays en développement, qui pourrait aider les autorités à tirer meilleur parti de la participation du secteur privé dans les services d’eau urbains. La priorité doit être d’améliorer l’efficacité et la qualité de service Dans les années 90, le principal intérêt que présentait la prise en main des services d’eau urbains par des opérateurs privés était leur aptitude supposée à apporter des capitaux privés. L’expérience a montré que cette vision était en grande partie erronée. La plus grande contribution que les opérateurs privés puissent apporter dans le secteur de l’eau intervient sous la forme d’un renforcement de l’efficacité opérationnelle et de la qualité des services. Ces progrès améliorent à leur tour la solvabilité du service d’eau et facilitent son accès aux financements aux fins d’investissement. Si l’amélioration de l’efficacité opérationnelle et de la qualité des services est la raison fondamentale à la mise en œuvre de PPP, il convient à l’évidence de s’attacher davantage à mettre en place les conditions nécessaires pour que les partenariats atteignent ces objectifs. À cet égard, les conclusions de notre étude confirment largement ce que l’on savait déjà : les éléments essentiels en 138 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains sont des contrats bien conçus et convenablement supervisés, associés à un cadre sectoriel et de régulation solide71. L’étude met toutefois en valeur deux éléments importants qui ont parfois été négligés. D’abord, les avantages que peuvent apporter des opérateurs privés ne sont pas automatiques. Ces derniers ne remplissent pas toujours leur mission. Pour que des progrès soient réalisés, il convient d’élaborer minutieusement le contrat, notamment en ce qui concerne l’établissement des dispositifs d’incitation. Les contrats doivent être correctement supervisés et assortis d’obligations de notification rigoureuses ; si possible, un auditeur technique indépendant et crédible sera engagé pour surveiller les progrès. Un véritable partenariat doit se développer entre l’opérateur et les autorités contractantes, ce qui permettra de trouver plus facilement des solutions aux problèmes qui surgiront inévitablement à la longue. À cet égard, l’enjeu crucial consiste à renforcer la capacité institutionnelle au sein du gouvernement (ministère et agences de régulation) de manière à ce que le partenariat entre l’opérateur privé et les pouvoirs publics puisse se constituer sur une base équilibrée. C’est là que les institutions financières internationales peuvent jouer un rôle déterminant, comme l’a montré le cas d’Amman (Jordanie)72. Ensuite, différents types de PPP ne peuvent aboutir aux mêmes résultats. Les améliorations possibles sont en grande partie fonction des responsabilités effectivement transférées aux opérateurs privés et de la durée réelle des contrats. De ce point de vue, les PPP se répartissent en deux grandes catégories. Les contrats de gestion sont pour l’essentiel des instruments relativement peu puissants : l’opérateur privé assume un risque relativement limité et des responsabilités restreintes pendant un court laps de temps. Les concessions, les affermages et les sociétés d’économie mixte peuvent être considérés comme des instruments plus puissants, dans le cadre desquels l’opérateur privé assume davantage de risques et de responsabilités sur une plus longue durée. Options pour la mise en place de financements à long terme à partir de sources mixtes, publiques et privées Étant donné l’échec global des opérateurs privés à satisfaire aux vives attentes de financement dont ils faisaient l’objet dans les années 90, il est indispensable de trouver d’autres moyens de financer les besoins en investissement dans les services d’eau urbains. Dans la pratique, plusieurs solutions de financement sont apparues, fondées sur différentes combinaisons de sources publiques et privées. Si l’emprunt privé en devises pour financer de gros investissements dans le secteur de l’eau s’est souvent révélé problématique, il serait malavisé de renoncer 71. Voir PPIAF et Banque mondiale (2006) pour un examen complet des bonnes pratiques en matière de conception et de mise en œuvre des PPP. 72. À Amman, le contrat de gestion a connu une situation difficile deux ans après le début de sa mise en œuvre, les partenaires publics et privés se trouvant dans une impasse face à plusieurs problèmes. À la demande des autorités, les institutions financières internationales ont appuyé (par des dons et une expertise technique) l’établissement d’une unité spéciale de gestion de projet dotée d’une équipe spécialisée d’experts chargée de veiller à ce que l’administration publique puisse remplir plus efficacement son rôle de partenaire dans le cadre du contrat. Vers des partenariats public-privé plus adaptés au secteur de l’eau 139 purement et simplement aux financements privés. Les marchés financiers de certains pays à revenu intermédiaire tels que le Chili, la Chine, la Colombie, la Malaisie et le Maroc ont connu un développement considérable et, dans les pays en développement les plus avancés, certaines sociétés d’eau privées ont été en mesure de lever des capitaux à moyen, voire à long terme, en monnaie locale et à des taux raisonnables73. Pour ces pays, les concessions d’eau constituent une solution viable. Cela dit, dans la majorité des pays en développement, dont les marchés financiers locaux ne sont pas suffisamment développés, une partie au moins des investissements réalisés dans le cadre de PPP d’approvisionnement en eau devra être financée par les pouvoirs publics et les bailleurs de fonds. Cette méthode est celle généralement adoptée dans le cadre des affermages, des contrats de gestion et dans la plupart des sociétés d’économie mixte. Dans ces cas, la contribution de l’opérateur privé à l’investissement est indirecte, mais parfois très significative : en rehaussant l’efficacité opérationnelle et la qualité du service, le service des eaux accroît son aptitude à générer des recettes aux fins d’investissement et améliore sa solvabilité, de sorte qu’elle peut plus facilement emprunter (que ce soit auprès des bailleurs de fonds ou des marchés financiers), et à de meilleures conditions. Différentes options sont envisageables pour les PPP hybrides à long terme Un enseignement de cette étude est que la classification classique des PPP entre contrats de gestion, affermages et concessions est devenue obsolète. La plupart des projets qui se sont avérés viables à terme ne s’inscrivent pas facilement dans l’une de ces catégories, surtout si l’on tient compte de la source de financement des investissements. Les cas du Gabon et de la Côte d’Ivoire en offrent deux bons exemples. Au Gabon, le dispositif contractuel retenu était une concession, tandis qu’en Côte d’Ivoire, il a généralement été classé dans la catégorie des affermages. Or, dans les deux cas, l’essentiel de l’investissement est venu du réinvestissement direct des recettes de facturation, sans recours à l’emprunt public ou privé. Concrètement, les modèles de financement qui ont fonctionné le mieux dans les PPP de longue durée du secteur de l’eau dans les pays en développement sont à la base des mécanismes hybrides. Si les dispositifs contractuels effectifs varient, ils se fondent tous sur le même principe. Ils transfèrent la totalité du risque commercial et opérationnel à l’opérateur privé, et font appel pour l’investissement à un dosage variable de financements publics et privés, complétés des recettes directes de la facturation. En général, tous exigent un certain pourcentage d’investissements privés (tout au moins par le biais 73. Au Maroc, les concessionnaires peuvent accéder, depuis 2007, à des prêts d’une durée supérieure à 16 ans, ce qui leur a permis d’emprunter quelque 300 millions de dollars en monnaie locale depuis 1997. À Manille (Philippines), l’introduction en bourse d’une partie des actions de Manila Water en mars 2005 a rencontré un vif succès. Elle a été la première émission locale offerte simultanément aux investisseurs locaux et internationaux à la Bourse des Philippines depuis la crise de 1997. Elle a été sursouscrite 15 fois et a mobilisé 96 millions de dollars. 140 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains d’apports de capital), mais plus pour que le partenaire privé ait un enjeu financier que pour couvrir les besoins en investissements. Plusieurs mécanismes ont été mis en place : • Concessions reposant en grande partie sur les recettes de facturation pour financer l’investissement. Les concessions pour les services d’approvisionne- ment mixte en électricité et en eau au Gabon et au Mali ont financé une grande part de leurs programmes d’investissement en réinvestissant chaque année un pourcentage de la trésorerie dégagée des recettes de facturation, sans contracter beaucoup d’emprunts. Au Maroc, les recettes de facturation ont été complétées par une surtaxe spéciale allouée à un Fonds de travail et par une contribution financière élevée versée par les clients nouvellement raccordés au réseau (bien supérieure au coût réel du raccordement). Le PPP de la Côte d’Ivoire, dans le cadre duquel l’expansion du réseau a été entièrement financée par une surtaxe sur les tarifs ces 15 dernières années, sans aucun financement public, relève davantage d’un PPP hybride que d’un véritable affermage, et entre également dans cette catégorie. • Le modèle d’affermage en Afrique de l’Ouest : du financement public à l’autofinancement via la génération de recettes. Il s’agit d’un modèle particulier dérivé du dispositif classique d’affermage français, assorti d’objectifs et de sanctions supplémentaires pour encourager le partenaire privé à opérer de manière efficace. Il s’appuie en grande part sur des emprunts publics contractés par l’intermédiaire d’une société de patrimoine, mais dans l’objectif d’aboutir, à l’issue d’une période de transition, à l’autofinancement du secteur, les tarifs de facturation finançant à la fois les coûts d’exploitation et de maintenance (représentés par la redevance versée à l’opérateur) et le service de la dette publique74. Une partie de l’investissement doit être financée et/ou effectuée par l’opérateur privé. • Les sociétés d’économie mixte, avec des modalités de financement qui varient selon les cas. Ce mécanisme est inspiré du système espagnol de PPP. Les opérateurs privés apportent dans un premier temps des fonds propres au service des eaux, qui finance alors ses investissements par l’emprunt, avec ou sans garantie de ses principaux actionnaires75. Des sociétés d’économie 74. Au Sénégal, les financements nécessaires à la société de patrimoine ont été initialement obtenus au travers d’emprunts contractés par l’État, à des taux concessionnels, auprès de bailleurs de fonds, et la part des recettes dont la société disposait après versement de la redevance à l’opérateur ne suffisait pas à couvrir le service de la dette. Mais grâce au redressement progressif du secteur, la part des recettes de facturation allouée à la société de patrimoine a progressivement augmenté jusqu’à couvrir entièrement le service de la dette. Grâce à sa bonne santé financière, la société de patrimoine est désormais en mesure de contracter directement des prêts, sans garantie souveraine. 75. Cette approche dépend entre autres de la nature du contrat entre le service des eaux et son principal actionnaire public, (par exemple, un affermage dans le cas de Cartagena, et une concession dans celui de Barranquilla), ainsi que de la solvabilité de la compagnie des eaux et de la conjoncture sur les marchés financiers locaux, qui déterminent si elle peut procéder directement à des emprunts ou si elle doit obtenir des garanties financières des partenaires publics et/ou privés. Vers des partenariats public-privé plus adaptés au secteur de l’eau 141 mixte ont été établies avec succès dans plusieurs grandes villes colombiennes (Barranquilla, Cartagena, Palmira et Santa Marta) ainsi qu’à La Havane (Cuba) et Saltillo (Mexique). Ce système est aussi répandu dans plusieurs nouveaux pays membres de l’Union européenne (République tchèque et Hongrie). • Concessions bénéficiant de subventions publiques pour financer une partie de l’investissement. Cette approche conjugue les trois sources potentielles de financement (fonds publics, fonds privés et tarifs de facturation). C’est celle qu’ont adoptée de nombreux PPP du secteur de l’eau mis en place en Colombie dans le cadre du Programme de modernisation des entreprises, les subventions publiques permettant d’engager les travaux de rénovation et d’expansion du réseau tout en atténuant les répercussions sur les tarifs. Elle a également été utilisée à Guayaquil (Équateur) et à Cordoba et Salta (Argentine). À Guayaquil, l’État a financé la subvention au raccordement et une partie de l’expansion du réseau par le transfert des recettes de la taxe téléphonique. Dans le cadre de la concession de Cordoba, la municipalité est demeurée responsable du financement du développement du réseau et, à Salta, l’État a financé l’investissement dans le système d’assainissement par des dons. Plusieurs mécanismes permettent de financer les travaux par des fonds publics Les modalités convenues entre les partenaires publics et privés pour l’exécution du programme d’investissement jouent un rôle déterminant dans l’aboutissement d’un PPP. Dans le cas où l’essentiel des investissements est financé sur fonds publics, différents dispositifs ont été appliqués. Les cas examinés dans l’étude ont montré qu’un équilibre délicat doit être établi entre les partenaires. La question de savoir si ces investissements sont mieux gérés par l’opérateur ou par un organisme public est encore matière à débat. En Afrique subsaharienne, l’exécution des contrats d’affermage s’est généralement accompagnée de la création d’une société de patrimoine, qui est à la fois propriétaire des systèmes et responsable de la majeure partie des travaux. Le bilan en est mitigé. En Guinée, l’exécution du programme d’investissement a enregistré des retards substantiels, qui ont eu des retombées négatives sur les résultats du PPP. Au Sénégal, la société de patrimoine (Société nationale des eaux du Sénégal, ou SONES) a été en mesure de réaliser le programme d’investissement avec diligence et efficacité, ce qui a été déterminant pour les résultats globalement positifs du PPP. Les programmes d’investissement conduits dans le cadre de contrats de gestion ont également connu des retards notables dans les cas où les projets prévoyaient la réalisation d’importants travaux d’équipement sous la responsabilité des partenaires publics. À Amman (Jordanie), le contrat de gestion a dû être prorogé deux fois pour permettre à l’organisme public responsable de mener à terme le programme d’investissement. Ce retard était partiellement dû aux règles pesantes gouvernant la passation de marchés publics et aux problèmes de coordination entre l’opérateur et son partenaire public. De nombreux PPP réussis ont réussi à diminuer les risques de retard dans l’exécution des travaux en transférant à l’opérateur privé une partie au moins des responsabilités en matière d’investissement. S’agissant de l’affermage en 142 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Côte d’Ivoire, l’investissement a été directement réalisé par l’opérateur privé (priorité étant donnée à l’expansion du réseau). Dans les sociétés d’économie mixte telles que celle de Cartagena, l’opérateur privé dirige en pratique l’ensemble du programme d’investissement ; il en va de même pour les contrats de gestion dans le cadre desquels le service des eaux géré par le secteur privé reste responsable de l’exécution du programme d’investissement (comme à Johannesburg). Au Sénégal et au Niger, les contrats d’affermage prévoient qu’une partie des travaux annuels de rénovation sont exécutés directement par l’opérateur, qui les finance sur ses propres recettes. Cette idée a été approfondie dans le cadre des contrats d’affermage du Niger et du Cameroun, où l’exécution des programmes d’investissements financés par les bailleurs de fonds a été en partie confiée à l’opérateur privé afin de diminuer sa dépendance à l’égard de la performance de la société de patrimoine pendant les premières années (les plus critiques) du PPP (encadré 4.1)76. Si le transfert de la responsabilité des travaux à l’opérateur privé (quand les investissements sont financés sur fonds publics) semble offrir une solution aux problèmes susceptibles de dériver de la séparation entre les opérations d’investissement et d’exploitation, l’expérience montre que la question est plus complexe. En Guinée, l’opérateur a progressivement pris en charge la réalisation (directement, en tant que société de construction) d’une grande partie du programme financé par les bailleurs de fonds, à la suite des piètres résultats de la société de patrimoine, ce qui a eu pour effet de le détourner de sa responsabilité opérationnelle, de fausser le cadre incitatif et, à terme, a eu des conséquences défavorables sur les résultats du PPP. À Maputo (Mozambique), le contrat d’affermage avait été conçu de manière à ce que l’opérateur privé soit responsable de l’exécution de la majeure partie du programme d’investissement financé par les bailleurs de fonds, mais ce dispositif s’est révélé insatisfaisant dans la pratique, en partie à cause du manque d’expérience de l’opérateur dans ce domaine77. La réussite du PPP au Sénégal laisse entendre qu’une approche valable pourrait consister à confier les travaux à la société de patrimoine, tout en en transférant quelques responsabilités à l’opérateur pour certains travaux d’expansion et de remise en état du réseau. On peut aussi envisager de déléguer l’exécution d’une partie des travaux d’urgence financés par les bailleurs de 76. Au Niger, l’opérateur privé était responsable, pendant les premières années, de l’exécution des travaux d’expansion du réseau financés par l’Association internationale de développement (IDA) et du programme de raccordement subventionné. Au Cameroun, le contrat d’affermage a été mis en adjudication en même temps qu’un contrat de travaux pour une rénovation d’urgence d’un montant d’environ 20 millions de dollars, qui doit être exécuté par l’opérateur privé au cours des trois premières années. 77. À Maputo, le contrat prévoyait l’exécution de deux catégories de travaux par l’opérateur : 1) les grands travaux d’équipement (tels que la remise en état des réseaux de distribution et des stations de pompage, et l’expansion de la capacité de production des installations), pour lesquels l’opérateur était chargé de lancer un appel d’offres, d’adjuger le contrat, et de superviser les travaux conformément aux règles du pays du bailleur de fonds ; et 2) le programme des travaux délégués portant sur la réhabilitation et l’expansion du réseau de distribution, que l’opérateur pouvait exécuter lui-même ou externaliser de manière plus souple. Vers des partenariats public-privé plus adaptés au secteur de l’eau 143 ENCADRÉ 4.1 Comment les opérateurs privés ont favorisé l’efficacité de l’investissement public dans les affermages au Sénégal et au Niger Les dispositifs d’affermage établis au Sénégal et au Niger illustrent le rôle décisif qu’un opérateur privé performant peut jouer, même quand c’est l’État qui non seulement finance la majeure partie des investissements, mais les exécute au travers d’une société de patrimoine. Le fait que les pouvoirs publics conservent ces responsabilités est parfois perçu comme une faille fondamentale des contrats d’affermage, parce qu’il n’existe aucune garantie que l’administration publique remplira efficacement sa fonction d’investissement. La conception des contrats d’affermage au Sénégal et au Niger comporte divers éléments visant à atténuer ce risque. Les deux contrats prévoient qu’une partie des investissements dans la remise en état de l’infrastructure sera effectuée directement, chaque année, par l’opérateur privé. Ce dispositif, outre qu’il donne à l’opérateur la possibilité de conduire des travaux d’urgence qui influent directement sur les opérations, permet de procéder en permanence à une analyse comparative des coûts d’approvisionnement. Comme l’opérateur est en partie responsable de l’investissement, de nombreux équipements, tels que les tuyaux et canalisations, sont achetés à la fois par l’opération et par l’organisme public, ce qui offre un point de référence utile. Une étude récente conduite au Niger a indiqué que l’opérateur privé avait pu se procurer des tuyaux et des compteurs à des prix de 30 % à 75 % inférieurs à ceux payés par la compagnie publique avant l’affermage. Au Sénégal, l’opérateur privé apporte également un concours utile à la définition du programme d’investissement même si, pour l’essentiel, son exécution ne relève pas de sa responsabilité. Le contrat prévoit une révision du programme public d’investissement tous les trois ans, sur la base des informations communiquées par l’opérateur. Cette méthode garantit que l’argent est consacré aux priorités opérationnelles qui ont des retombées réelles sur les services délivrés à la population, et non à des « éléphants blancs » d’une utilité opérationnelle douteuse. Outre sa contribution aux décisions d’investissement, l’opérateur est couramment consulté dans le cadre de la surveillance des travaux. Qui plus est, il a tout intérêt à veiller à ce que ceux-ci soient exécutés correctement, puisque c’est lui qui devra exploiter les infrastructures par la suite. Surtout, l’opérateur doit lui-même donner son feu vert avant que ces travaux ne soient approuvés et payés par l’État, ce qui donne au personnel de la société de patrimoine de fortes incitations à superviser convenablement les travaux conduits par les maîtres d’œuvre. 144 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains fonds à un opérateur privé afin d’atténuer le risque d’inexécution lié à une société de patrimoine nouvellement créée, mais avec prudence. Au vu des conclusions de l’étude, le meilleur moyen d’acheminer les fonds publics destinés à l’investissement demeure matière à débat. La solution idéale est probablement fonction de chaque cas. L’heure est venue de rééquilibrer le débat Avec le recul, il n’est pas surprenant que les PPP dans les services d’eau urbains aient soulevé des controverses. Dans les années 90, le secteur était confronté à d’énormes difficultés. De vastes réformes structurelles s’imposaient dans de nombreux pays, et il était inévitable qu’elles s’avèrent difficiles et se heurtent à la vive résistance de ceux qui tiraient profit du statu quo. Les acteurs, voyant dans les partenariats public-privé la solution privilégiée (et parfois unique) pour conduire des réformes dans bon nombre de pays, ont suscité des attentes excessives qui se sont traduites par des obligations contractuelles difficiles à satisfaire. Cela ne pouvait qu’engendrer des déceptions. La présente étude a montré que des PPP conçus et mis en œuvre de manière rationnelle peuvent offrir une solution viable pour améliorer les résultats opérationnels et financiers de services d’eau peu performants dans les pays en développement. Contrairement aux attentes initiales, les PPP de longue durée dans le secteur de l’eau n’ont toutefois pas attiré les flux massifs de capitaux internationaux nécessaires pour combler le déficit d’accès et remettre sur pied des compagnies en difficulté. La contribution des opérateurs privés a surtout consisté à améliorer la qualité des services et l’efficacité opérationnelle, ce qu’ils ont fait à des degrés variables sur un grand nombre de projets. Il va de soi que le présent rapport n’apporte pas de réponses définitives aux nombreuses questions associées aux PPP dans le secteur de l’eau, et beaucoup reste à faire en terme d’analyse. C’est notamment le cas en ce qui concerne leurs retombées sur les pauvres, qui n’ont pu être examinées en détail. Alors que le marché internalisait ces enseignements, une nouvelle génération de PPP dans le secteur de l’eau est progressivement apparue, fondée sur une répartition plus équilibrée des risques entre partenaires publics et privés. Ces nouveaux PPP font appel aux opérateurs privés pour améliorer la qualité du service et l’efficacité opérationnelle plutôt que pour attirer des capitaux privés. Si les autorités demeurent responsables de la mobilisation des financements à long terme, on voit émerger de nouveaux modes de financement, dont le financement hybride, qui prévoit quelques apports du secteur privé. La percée récente de nouveaux opérateurs privés venus de pays en développement constitue également une évolution majeure qui, dans de nombreux pays, pourrait sensiblement renforcer la viabilité et l’acceptabilité des PPP dans le secteur de l’eau. Cette étude a montré que les partenariats public-privé peuvent offrir une solution viable pour améliorer les services urbains dans les pays en développement, ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils doivent demeurer Vers des partenariats public-privé plus adaptés au secteur de l’eau 145 la seule option envisageable. Il existe des compagnies d’eau publiques bien gérées dans le monde en développement — une donnée qui a été occultée dans les années 90, quand les PPP étaient en vogue. Plusieurs réformes publiques appuyées par la Banque mondiale et d’autres bailleurs de fonds au cours de la décennie écoulée ont porté leurs fruits, même dans des endroits extrêmement pauvres tels que le Burkina Faso, l’Ouganda, et à Phnom Penh, la capitale du Cambodge. De nombreux services publics d’approvisionnement en eau bien gérés existent dans un grand nombre de pays, et les experts du secteur appréhendent de mieux en mieux les moyens de conduire des réformes efficaces dans ce domaine (Baietti, Kingdom, et van Ginneken 2006). Les compagnies publiques qui fonctionnent bien sont des services qui appliquent des tarifs assez élevés pour récupérer les coûts, où la productivité de la main-d’œuvre est satisfaisante, où les clients payent leurs factures et où l’infrastructure est convenablement entretenue et opérée. Pour parvenir à ce résultat, les autorités concernées ont dû procéder à des choix. Elles ont notamment dû établir des politiques de tarification avisées, éviter toute ingérence dans les opérations et mettre en place une équipe de direction professionnelle qui est tenue responsable des résultats. Parmi les diverses options de réforme des services d’eau, il est probablement juste de définir les PPP comme une solution comportant des risques élevés mais pouvant être très rentable pour les pouvoirs publics, caractéristiques qui s’accentuent tout au long du spectre des PPP, depuis les contrats de gestion jusqu’aux affermages, puis aux concessions. Les PPP sont des dispositifs complexes ; ils sont difficiles à exécuter dans le contexte de faible capacité institutionnelle et de volatilité économique des pays en développement, et entraînent des coûts de transaction substantiels. Ils sont vulnérables aux intérêts catégoriels et, malheureusement, peuvent constituer des cibles faciles pour des politiciens opportunistes, surtout dans les premières années de leur existence, parce que la population ne perçoit pas encore d’améliorations tangibles des services. Enfin, il ne faut pas négliger le fait que les opérateurs privés ne remplissent pas toujours leur mandat. Les réformes mise en œuvre dans le cadre d’une gestion purement publique, en revanche, risquent de produire des améliorations moins rapides, mais peuvent aussi présenter moins de risques politiques. Comme l’a montré l’expérience des compagnies publiques performantes, ces réformes n’en sont pour autant pas moins exigeantes pour les pouvoirs publics. Pour obtenir des résultats tangibles, ceux-ci doivent procéder aux mêmes modifications structurelles du secteur en général, et de la gouvernance du service public en particulier, que les PPP. Il leur faut également lutter contre les intérêts catégoriels opposés à la réforme, et appliquer des pratiques éprouvées de gestion commerciale pour assurer la viabilité financière des services. Si cette étude a montré que la participation privée dans le secteur des services d’eau urbains a apporté des avantages substantiels à des dizaines de millions de personnes dans de nombreux pays, les bénéfices dérivés des PPP vont probablement très au-delà des populations desservies par ces projets réussis. Même dans un pays où les PPP ne servent qu’une minorité d’usagers, l’introduction de quelques opérateurs privés opérant en parallèle aux services 146 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains publics peut susciter un esprit de concurrence dans un secteur auparavant monopolistique, et inciter ainsi les intervenants publics à améliorer leurs résultats et à délivrer des services de meilleure qualité. Cette situation est bien illustrée par l’évolution favorable récemment observée du secteur de la distribution d’eau en milieu urbain dans des pays tels que le Brésil, la Colombie et le Maroc. Par ailleurs, les difficultés très médiatisées auxquelles se sont heurtés les opérateurs privés pour remplir leurs objectifs contractuels d’expansion de la couverture dans les zones périurbaines ont probablement concouru à placer en tête des programmes d’action des bailleurs de fonds le problème essentiel de l’accès des populations urbaines pauvres aux services fondamentaux d’approvisionnement en eau et d’assainissement. Il est temps de dépasser ce débat plutôt stérile entre secteur public et secteur privé. Le fait qu’un opérateur privé international gère le service des eaux de La Havane (Cuba) depuis 2000 montre que la question de savoir comment redresser une compagnie de distribution d’eau urbaine en difficulté ne peut se réduire à la seule idéologie. Les services publics bien administrés des pays en développement ont de nombreux points communs avec les prestataires privés performants. Les types de services d’eau et d’assainissement qu’un pays souhaite établir et ce qu’il est prêt à payer pour les obtenir (tarifs et transferts fiscaux) sont des décisions fondamentales que tous les pouvoirs publics doivent prendre. L’attraction exercée par les PPP dans les années 90 tenait en partie au fait qu’ils offraient une solution élégante à un problème complexe. Néanmoins, le fait que les causes fondamentales des difficultés du secteur étaient sociales et politiques autant que techniques et financières n’a pas été suffisamment pris en considération à l’époque. La fixation des tarifs, la responsabilisation des prestataires de services et les arbitrages financiers nécessaires pour remplir des objectifs sociaux et environnementaux concurrents sont des décisions régaliennes qui sont indépendantes du mode de gestion des services, et que les autorités ne peuvent éviter. Les opérateurs privés peuvent insuffler du dynamisme, améliorer la rentabilité et instaurer une culture de services et de responsabilité, mais ils ne peuvent éviter aux pouvoirs publics des choix décisifs et parfois délicats. Fondamentalement, de nombreux pays ont encore beaucoup de mal à accepter le principe qui a été adopté au Sommet sur l’eau de Dublin en 1992, à savoir que l’eau est à la fois un bien social et économique. La difficulté à trouver un modèle institutionnel qui permette de délivrer ce bien de manière viable tant au plan social qu’économique révèle l’existence de profonds problèmes sous-jacents que les intervenants n’ont pas encore résolus. La question de savoir comment les résoudre dans chaque pays va bien au-delà du seul problème consistant à définir si les services publics d’eau doivent être gérés par le secteur privé ou par le secteur public. Malgré l’apparition de modalités contractuelles plus avisées pour les PPP du secteur de l’eau et de l’assainissement (comportant une meilleure répartition des risques, un montage financier plus solide, et un éventail plus varié d’opérateurs sur qui s’appuyer), la délégation de la fourniture de services d’eau et d’assainissement en milieu urbain aux opérateurs privés demeure un exercice ardu qui ne semble guère, pour l’instant, devoir devenir le modèle dominant dans le secteur. Cela dit, les possibilités de participation du secteur privé se Vers des partenariats public-privé plus adaptés au secteur de l’eau 147 multiplient. De nombreux services d’eau demeurés publics ont ouvert la porte au secteur privé sans lui déléguer les responsabilités de gestion. Le service public des eaux de Bogotá (Colombie) a externalisé la totalité de l’exploitation de son réseau à des sociétés privées locales. À Mexico, des opérateurs privés administrent depuis plus de dix ans le relevé des compteurs et la facturation. Un nombre croissant de services publics d’approvisionnement en eau ont recours à l’externalisation dans le but de gagner en flexibilité et de maîtriser leurs coûts, selon une pratique bien développée par les services publics performants en Europe du Nord. De nouveaux modes de financement privé se développent également, non pas par l’intermédiaire des opérateurs privés, mais de financiers privés, qui se montrent de plus en plus disposés à financer directement des services publics efficaces, sans garantie souveraine de l’État. Cette méthode est désormais applicable dans un nombre croissant de pays, puisque les marchés financiers s’y sont développés et que les services publics ont amélioré leurs résultats et leur solvabilité. Outre l’accès aux financements privés dans le cadre de contrats de type BOT (construction-exploitation-transfert) pour des installations de traitement, un nombre grandissant de compagnies d’eau publiques ont commencé à obtenir des financements privés, soit par la vente d’actions à des actionnaires minoritaires (comme à São Paulo, au Brésil) soit par des emprunts directs auprès de banques privées locales (comme en Colombie, au Mexique et au Maroc). Dans de nombreux pays, le développement de l’accès aux financements commerciaux sans garantie souveraine incite les compagnies publiques de distribution d’eau à améliorer leurs résultats financiers et opérationnels — ce qui leur permet ensuite de concurrencer sur une base plus équitable les services gérés par le secteur privé. Le secteur privé a beaucoup à offrir, et sous de nombreuses formes. Il n’existe pas de services d’eau purement publics, car la plupart d’entre eux font couramment appel au secteur privé sous des modes divers (entreprises de travaux et de services ou banques commerciales). De la même manière, les services d’eau purement privés (comme au Chili) ne représentent qu’une très faible proportion des PPP, et les dispositifs tels que le PPP du Sénégal font appel aux organismes d’État autant qu’au secteur privé. Depuis quelque temps, des compagnies d’eau publiques des pays développés et des pays en développement ont entrepris de conclure des contrats en dehors de leur juridiction, où ils interviennent en tant qu’entités privées. À mesure que les frontières traditionnelles entre les secteurs publics et privés s’estompent, les responsables gouvernementaux disposent de solutions toujours plus nombreuses pour améliorer la performance de leurs services d’eau urbains. Pour s’attaquer aux immenses défis auxquels le secteur d’approvisionnement urbain en eau est confronté dans les pays en développement, ils ont besoin de toute l’aide qu’ils peuvent obtenir. Le temps est peut-être venu de promouvoir un partenariat plus vaste, qui offre une place à chacun et n’exclut personne. 148 Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Appendice A PPP dans le secteur de l’eau dont les résultats ont été évalués dans le cadre de la présente étude 149 150 Tableau A.1 PPP dans le secteur de l’eau dont les résultats ont été évalués dans le cadre de la présente étude Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Aspects de Population desservie Pays, région ou ville Type de PPP la performance Durée (en millions)a Source de données Afrique Afrique du Sud Dolphin Coast Concession EO (données limitées) 1999– 0,05 Palmer Development Group (2003) Johannesburg CG EO 2001–2006 3,2 Gouv., Op. (SCS) Queenstown Affermage EO 1992– 0,2 Palmer Development Group (2003), Op. Stutterheim Affermage EO (données limitées) 1995–2001 0,05 Plummer (2000) Côte d’Ivoire Affermage A, S, EO, T 1961– 8,7 Gouv., Op (SCS) Gabon Concession, CG A S, EO, T 1997– 0,7 Gouv., Op. (SCS) Guinée Affermage A S, EO 1991–1998 1,1 Banque (SCS) Mali Concession A EO, T 2000–2005 1,5 Gouv. (SCS) Mozambique Beira et trois autres CG S, EO 1999– 0,6 Banque Maputo Affermage A S, EO 1999– 1,0 Banque Niger Affermage A S, EO, T 2001– 1,8 Gouv., Op. (SCS) Ouganda Kampala CG S, EO 2002–2004 0,6 Gouv. (SCS) Sénégal Affermage A S, EO, T 1996– 4,7 Gouv., Op. (SCS) Tchad CG S, EO 2000–2004 1,1 Banque (SCS) Zambie Zambie : villes minières CG S, EO 2001–2004 0,3 Banque Asie de l’Est et Pacifique PPP dans le secteur de l’eau dont les résultats ont été évalués dans le cadre de la présente étude Chine Macao Concession EO, T 198x– 0,6 Op. Indonésie Île de Batam Concession EO (données limitées) 1995– 0,7 Op. Jakarta-Est Concession A, EO 1998– 3,1 Gouv., Op. Jakarta-Ouest Concession A, EO 1998– 3,1 Gouv., Op. Malaisie Province de Johor Concession EO 2001– 3,0 Op. Philippines Manille-Est Concession A S, EO, T 1996– 5,4 Gouv., Op. (SCS) Manille-Ouest Concession A S, EO, T 1996– 6,4 Gouv., Op. (SCS) Europe et Asie centrale Albanie Durres et autres CG S, EO 2003– 0,8 Banque Arménie Erevan CG S, EO 2000– 1,3 Banque (SCS) Kosovo Gjakova et Rahovec CG S, EO 2002–2005 0,2 Banque (SCS) Turquie Antalya Affermage S (données limitées) 1996–2002 0,6 Banque (suite) 151 152 Tableau A.1 PPP dans le secteur de l’eau dont les résultats ont été évalués dans le cadre de la présente étude (suite) Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Aspects de Population desservie Pays, région ou ville Type de PPP la performance Durée (en millions)a Source de données Amérique latine et Caraïbes Argentine Buenos Aires Concession A S, EO, T 1993–1906 8,0 Pub, Op. Cordoba Concession A S, EO 1997– 1,3 Pub, Op. Province de Corrientes Concession A S, EO, T 1991– 0,6 Op. (SCS) Province de La Rioja Concession, CG A S, EO, T 1999– 0,2 Op. (SCS) Province de Salta Concession A S, EO, T 1998– 1,2 Op., Gouv. (SCS) Province de Santa Fe Concession A S, EO 1995–2006 1,9 Pub, Op. Bolivie La Paz-EI Alto Concession A S, EO, T 1997–2007 1,5 Pub, Gouv. Brésil Campo Grande Concession EO 2000– 0,8 IBNET Campos Concession A, EO 1999– 0,4 IBNET État de Tocantins Privatisation EO 1999– 1,0 IBNET Itapemirim Concession A, EO 1998– 0,2 IBNET Limeira Concession A, EO 1995– 0,3 IBNET, Op. Manaus Concession A, EO 2000– 1,5 IBNET, Op. Niteroi Concession A, EO 1999– 0,5 IBNET Paranagua Concession A, EO 1997– 0,15 IBNET Petrópolis Concession A, EO 1998– 0,25 IBNET Prolagos (Cabo Frio) Concession EO 1998– 0,3 IBNET Chili ESSBIO-ESSEL Privatisation S, EO, T 1999– 2,1 Gouv. (SCS) PPP dans le secteur de l’eau dont les résultats ont été évalués dans le cadre de la présente étude Los Lagos (ESSAL) Privatisation S, EO, T 1999– 0,6 Gouv. (SCS) Santiago (EMOS) Privatisation S, EO, T 1999– 5,5 Gouv. (SCS) Valparaiso (ESVAL) Privatisation S, EO, T 1999– 1,4 Gouv. (SCS) Colombie Barranquilla Société mixte A, S, EO, T 1997 1,3 Gouv., Op. (SCS) Cartagena Société mixte A, S, EO, T 1996– 0,9 Gouv., Op. (SCS) Girardot Société mixte A, S, EO, T 1999– 0,15 Gouv. Marinilla et villes avoisinantes Concession A, S, EO 1997– 0,25 Gouv., Op. Montería Concession A, S, EO, T 2000– 0,3 Gouv., Op., Pub Palmira Société mixte A, S, EO, T 1998– 0,25 Gouv. Santa Marta Société mixte A, S, EO, T 1997– 0,4 Gouv., Op. Soledad Concession A, S, EO, T 2001– 0,45 Gouv., Op. Tunja Concession A, S, EO, T 1996– 0,15 Gouv. Équateur Guayaquil Concession A, S, EO, T 2001– 2,2 Op., Gouv. (SCS) Guyana CG S, EO 2002–2006 0,4 Banque Trinité CG S, EO 1996–1999 1,2 Banque Venezuela, R. B de Lara CG S, EO 1999–2002 1,3 Gouv. (SCS) Monagas CG S, EO 1997–2001 0,6 Gouv. (SCS) (suite) 153 154 Tableau A.1 PPP dans le secteur de l’eau dont les résultats ont été évalués dans le cadre de la présente étude (suite) Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Aspects de Population desservie Pays, région ou ville Type de PPP la performance Durée (en millions)a Source de données Moyen-Orient et Afrique du Nord Cisjordanie et Gaza Ville de Gaza CG S, EO 1996–2003 1,0 Banque Jordanie Amman CG S, EO 1999–2006 2,2 Gouv. (SCS) Liban Tripoli CG EO (données limitées) 2003–2005 0,2 Pub Maroc Casablanca Concession A, EO 1997– 3,8 Gouv., Op. Rabat Concession EO 1999– 2,0 Gouv. Tanger et Tétouan Concession A, EO 2000– 1,1 Gouv. Total 98,4 millions Source : Auteur. Note : Le tableau présente des contrats qui sont en exécution depuis cinq ans au moins (trois ans pour les contrats de gestion), et dont les chiffres ont été recueillis dans le cadre de la présente étude. Il ne comprend pas quelques PPP de grande ampleur tels que ceux de Cochabamba (Bolivie), Dar-es-Salaam (Tanzanie), et Tucuman (Argentine), qui ont été résiliés après un ou deux ans à peine de gestion privée (ces PPP sont toutefois examinés dans le texte du rapport). Les estimations concernant la population desservie tiennent compte des niveaux de couverture correspondants. L’absence d’années de conclusion dans la colonne « durée » signifie que le PPP était encore en vigueur à la fin de 2007. A = accès ; Banque = documents de projets de la Banque mondiale ; Gouv. = autorités nationales ; IBNET = International Benchmarking Network for Water and Sanitation Utilities, http://www.ib-net.org; CG = contrat de gestion ; EO = efficacité opérationnelle ; Op. = opérateur ; Pub = document(s) publié(s) ; S = qualité des services ; SCS = étude spécifique préparée avec le(s) consultant(s) dans le cadre du présent examen ; T = tarif. a. 2007 ou dernière année du PPP. Appendice B Nouveaux raccordements et développement de l’accès dans le cadre de 36 PPP de grande envergure 155 156 Tableau B.1 Nouveaux raccordements et développement de l’accès dans le cadre de 36 PPP de grande envergure Partenariats public-privé pour les services d’eau urbains Nouveaux Nombre Période raccordements d’habitants raccordés PPP de référence au réseau à l’eau courante Manille-Est (Philippines) 1997–2006 250 000 2 900 000 Manille-Ouest (Philippines) 1997–2006 230 000 1 900 000 Jakarta, Est et Ouest (Indonésie) 1998–2006 210 000 2 000 000 Île de Batam (Indonésie) 1996–2006 80 000 500 000 État de Johor (Malaisie) 2000–2006 180 000 800 000 Macao (Chine) 1991–2006 75 000 180 000 Casablanca (Maroc) 1997–2005 260 000 1 200 000 Rabat (Maroc) 2002–2005 65 000 250 000 Tanger et Tétouan(Maroc) 2002–2005 45 000 150 000 Gabon 1996–2006 50 000 300 000 Mali 2001–2005 40 000 400 000 Buenos Aires (Argentine) 1993–1999 240 000 2 000 000 Provinces de Corrientes, La Rioja, et Salta (Argentine) 1991 ou 1998–2006 140 000 650 000 Guayaquil (Équateur) 2001–2006 160 000 800 000 Santa Fe (Argentine) 1995–2006 60 000 500 000 Cordoba (Argentine) 1997–2006 s.o. 200 000 La Paz-EI Alto (Bolivie) 1997–2005 80 000 400 000 État de Tocantins (Brésil) 1999–2006 130 000 600 000 Manaus (Brésil) 2000–2006 50 000 300 000 Campos, Niteroi, et Petrópolis (Brésil) 1999–2006 80 000 350 000 Barranquilla, Santa Marta, et Soledad (Colombie) 1997–2006 100 000 600 000 Montería et Tunja (Colombie) 1996 ou 2000–2005 s.o. 200 000 Total de 30 grandes concessions 2 500 000 17 200 000 Cartagena (Colombie) 1996–2006 70 000 500 000 Guinée 1989–1998 s.o. 600 000 Sénégal 1996–2006 190 000 1 700 000 Côte d’Ivoire 1990–2006 300 000 4 000 000 Maputo (Mozambique) 1999–2006 20 000 150 000 Niger 2001–2007 30 000 450 000 Total pour six grands contrats d’affermage 600 000 7 500 000 TOTAL 3 200 000 24 700 000 Nouveaux raccordements et développement de l’accès Source : calculs de l’auteur (chiffres arrondis) fondés sur différentes sources. Note : s.o. = sans objet. 157 BIBLIOGRAPHIE Abdala, Manuel. 1997. Welfare Effects of Buenos Aires Water and Sewerage Services Privatization. Washington, Banque mondiale. ———. 2001. « Institutions, Contracts, and Regulation of Infrastructure in Argentina. » Journal of Applied Economics 4 (2). Agrawal, Pronita. 2006. « Improving WSS Services through Private Sector Partnerships: Jamshedpur Utilities. » Water and Sanitation program (WSP) Field Note, juin, Banque mondiale, Washington. Aït Ouyahia, Meriem. 2006. « Public-Private Partnerships for Funding Municipal Drinking Water Infrastructure: What Are the Challenges? » Note de synthèse, Policy Research Institute of Canada, Ottawa. Alcazar, Lorena, Manuel Abdala et Mary Shirley. 2000. « The Buenos Aires Water Concession. » Policy Research Working Paper n° 2311, Banque mondiale, Washington. 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Le Bureau des publications a choisi d’imprimer • 4 millions de BTU d’énergie totale l’ouvrage intitulé « Partenariats public- • 552 kilogrammes de gaz à effet de privé pour les services d’eau urbains » serre, net sur papier recyclé comprenant 30 % de fibres cellulosiques de récupération • 22 198 litres d’eaux usées (postconsommation), conformément aux • 161 kilogrammes de déchets solides normes recommandées par Green Press Initiative, programme à but non lucratif qui aide les éditeurs à utiliser des fibres ne provenant pas de forêts menacées. Pour de plus amples informations, consulter www.greenpressinitiative.org. Partenariats public-privé (PPP) pour les services d’eau urbains : bilan des expériences dans les pays en développement s’adresse aux responsables gouvernementaux ainsi qu’aux bailleurs de fonds et aux autres parties concernées. Cet ouvrage analyse les résultats enregistrés par plus de 65 grands PPP du secteur de l’eau (représentant plus de 100 millions d’habitants desservis) mis en œuvre dans différentes régions du monde sur une période de 15 ans, du point de vue de l’accès à l’eau, de la qualité du service, de l’efficacité opérationnelle et du niveau des tarifs. Il vise à mieux comprendre comment résoudre les multiples problèmes que pose la fourniture de services d’eau et d’assainissement dans les villes des pays en développement (PED). La population urbaine desservie par des opérateurs privés de services d’eau dans les PED n’a cessé de grossir depuis 1990. Pour bon nombre d’entre elles, les progrès constatés en matière de service et d’efficacité confirment l’intérêt des PPP, même si les financements privés initialement prévus n’ont pas toujours été au rendez-vous. Au fil du temps, un marché plus réaliste s’est mis en place, le nombre d’investisseurs privés de PED est en hausse et les nouveaux contrats reposent sur une répartition plus pragmatique des risques entre les partenaires. La mise en œuvre de PPP pour les services d’eau dans les PED a rarement été une tâche facile, et ils ne doivent pas être considérés comme la seule voie de réforme possible. Néanmoins, il ressort de cette analyse de données factuelles qu’un partenariat bien conçu entre les secteurs public et privé dans un PED peut être efficace pour redresser une compagnie des eaux peu performante. Le secteur de l’eau présente un certain nombre de particularités par rapport aux autres secteurs d’infrastructure. Comme ce rapport le souligne, il importe de bien prendre en compte ces spécificités si l’on veut que l’intervention d’un opérateur privé soit couronnée de succès. Le principal objectif ne doit plus être d’attirer des capitaux privés mais d’utiliser des opérateurs privés pour améliorer la qualité et l’efficacité des services. Un cercle vertueux se crée alors, par lequel la compagnie des eaux améliore sa situation financière et devient progressivement capable de financer une part plus importante de ses besoins d’investissement. Bien que quelques concessions aient affiché de bons résultats, l’expérience tend à montrer que l’option la plus viable dans beaucoup de pays consiste à combiner gestion privée et financement public. Cela suppose que les autorités gouvernementales et les bailleurs de fonds maintiennent une forte implication dans le secteur de l’eau, en particulier dans les pays les plus pauvres. ISBN 978-0-8213-8506-7 SKU 18506