94430 v1 Haïti Investir dans l’humain pour combattre la pauvreté Éléments de réflexions pour la prise de décision informée © 2014 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/La Banque Mondiale 1818 H Street NW, Washington, DC 20433 Téléphone: 202–473–1000; Internet: www.worldbank.org Certains droits réservés La publication originale de cet ouvrage est en anglais sous le titre de Investing in People to Fight Poverty in Haiti: Reflections for Evidence-Based Policy Making en 2014. En cas de contradictions, la langue originelle prévaudra. Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution du personnel de l’Observatoire National de la Pauvreté et de l’Exclusion Sociale (ONPES) du Gouvernement of Haïti. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur les cartes du présent ouvrage n’impliquent de la part de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement que l’institution reconnaît ou accepte ces frontières. Rien de ce qui figure dans le présent ouvrage ne constitue ni ne peut être considéré comme une limitation des privilèges et immunités de la Banque mondiale, ni comme une renonciation à ces privilèges et immunités, qui sont expressément réservés. Droits et autorisations L’utilisation de cet ouvrage est soumise aux conditions de la licence Creative Commons Attribution 3.0 IGO (CC BY 3.0 IGO) http://creativecommons.org/licenses/by/3.0/igo/. 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DOI: 10.1596 Conception & réalisation graphique: Manthra Comunicación Integral / Adriana Pozo Vargas Conception de la page de couverture: Manthra Comunicación integral Table des matières Avant-proposxi Remerciementsxiii Abréviationsxv Résumé17 Introduction 18 Haïti en 2012: Pauvreté monétaire et multidimensionnelle  19 Progrès en matière de pauvreté monétaire et multidimensionnelle  22 Réduction de la pauvreté: Importance des transferts de fonds et des revenus non agricoles 28 Conclusions et implications pour les politiques de développement et de lutte contre la pauvreté  31 Contexte et introduction 34 Partie I. État des lieux de la pauvreté et des inégalités en 2012 45 Chapitre 1: Profil et tendances de la pauvreté 46 Introduction 46 Pauvreté et extrême pauvreté: niveaux et tendances depuis 2001 47 Profils de la pauvreté 56 Ce qu’il faut retenir 69 Partie II. Vecteurs et contraintes liés à la réduction de la pauvreté 71 Chapitre 2: Génération de revenus dans les zones rurales et urbaines 72 Introduction 72 Génération de revenus en zones rurales: opportunités et défis 76 Génération de revenus en zones urbaines: opportunités et défis 92 Transferts et envois de fonds internes: une stratégie commune de génération de revenu 101 Ce qu’il faut retenir 108 Chapitre 3: Opportunités et obstacles à l’accumulation de capital humain 111 Introduction 111 Accès à l’éducation 115 Accès aux soins de santé 129 Ce qu’il faut retenir 151 Chapitre 4: Chocs et vulnérabilité 158 Introduction 158 Diagnostique des chocs, impacts et mécanismes d’adaptation des ménages  162 Diagnostique de la vulnérabilité aux catastrophes naturelles 173 Ce qu’il faut retenir 182 Chapitre 5: Pauvreté et protection sociale 186 Introduction 186 Besoins en protection sociale tout au long du cycle de vie 189 Alignement: protection sociale, pauvreté et analyse des risques 192 Ce qu’il faut retenir 214 iii Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Partie III. Réflexions pour la promotion de la prise de décision informée 219 Chapitre 6: Pour la suite: principaux messages et domaines d’action prioritaires 220 Moyens de subsistance en milieu urbain et rural 222 Accès à la santé et à l’éducation et qualité de ces services 224 Gestion et protection contre les risques 226 Références 265 Appendixes Annexe A. Indicateurs de la pauvreté, ventilés par département et lieu de résidence, 2012 228 Annexe B. Inégalité de revenus – Courbe de Lorenz 229 Annexe C. Comparaisons des taux de pauvreté 230 Annexe D. Méthodologie de calcul de l’indice de pauvreté multidimensionnelle et de détermination des catégories de pauvres, 2012 232 Annexe E. Évolution des caractéristiques des ménages (pauvres et non pauvres) 234 Annexe F. Corrélats de la pauvreté 235 Annexe G. Déterminants de la pauvreté et de la sécurité alimentaire 240 Annexe H. Définition des concepts liés au marché du travail 242 Annexe I. Déterminants des revenus du travail, du chômage, du sous-emploi, et du secteur informel dans les zones urbaines 244 Annexe J. Équation de salaire de Mincer et décomposition d’Oaxaca-Blinder: une précision méthodologique 246 Annexe K. Corrélats de la scolarisation et des progrès scolaires 251 Annexe L. Statistiques descriptives des chocs déclarés par les ménages 253 Annexe M. Mécanismes de survie  255 Annexe N. Résultats de l’analyse multivariée des chocs 258 Annexe O. Cartes d’incidence des phénomènes météorologiques 261 Encadrés Encadré O.1. Fixation d’un nouveau seuil national de pauvreté pour Haïti 19 Encadré BI.1. Historique de la mesure de la pauvreté en Haïti 41 Encadré 1.1. Utilisation de l’indice de pauvreté multidimensionnelle afin d’identifier la pauvreté chronique 55 Encadré 1.2. L’inégalité entre les sexes est source de grande vulnérabilité en Haïti. 63 iv Banque mondiale - ONPES Encadré 2.1. Corrélats de la pauvreté et de la sécurité alimentaire 79 Encadré 2.2. Estimation des corrélats de la productivité agricole 85 Encadré 2.3. Stratégie de développement rural de l’État 91 Encadré 2.4. Examen plus attentif de l’écart de rémunération entre les sexes à l’aide de la décomposition d’Oaxaca-Blinder 95 Encadré 2.5. Envois de fonds, un bon retour sur investissement 106 Encadré 3.1. La persistance intergénérationnelle de l’éducation: analyse des écarts en matière d’éducation 115 Encadré 3.2. Le système éducatif en Haïti 120 Figure B3.2.1. Le système éducatif formel 120 Encadré 3.3. Évolution épidémiologique du choléra et mesures actuellement prises par les pouvoirs publics 137 Encadré 3.4. Le système de soins de santé en Haïti 143 Encadré 4.1. Mécanismes formels et informels de gestion des risques: inclusion financière 169 Encadré 4.2. La stratégie de gestion des risques de catastrophe en Haïti 178 Encadré 5.1. Méthodologie et limites des données de l’ECVMAS sur la protection sociale 196 Encadré 5.2. L’accès limité à une carte d’identification nationale (CIN) peut constituer un obstacle à l’accès à la protection sociale et à d’autres services 199 Encadré 5.3. Kore Fanmi21 Cartes Carte 1.1. Taux de pauvreté et pauvreté extrême par département, 2012 50 Carte 3.1. Le taux d’alphabétisation en Haïti, 2012 118 Carte 4.1. Intensité sismique du tremblement de terre de 2010 179 Carte O.1. Zones sujettes aux inondations, Haïti 261 Carte O.2. Ouragans, dépressions et tempêtes tropicales, par département, 1954-2001 261 Carte O.3. Zones sujettes à la sécheresse, Haïti 262 Carte O.4. Tremblements de terre, par magnitude, intensité et dommages économiques, Haïti, 1701-2014 262 Carte O.5. Incidents de liquéfaction des sols, février 2010 263 Carte O.6. Incidents de glissements de terrain pendant et après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 263 v Haïti, Investir dans l´humain pour combattre la pauvreté Figures Figure O.1. Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant, en Haïti et en Amérique latine 18 Figure O.2. Incidence de la pauvreté et nombre de pauvres dans les zones rurales et urbaines 20 Figure O.3. Répartition de la consommation annuelle des ménages par habitant (en HTG) 22 Figure O.4. Évolution de la pauvreté extrême en Haïti par milieu de résidence, 2000-2012  23 Figure O.5. Inégalité des revenus en Haïti et en l’Amérique Latine  25 Figure O.6. Évolution de la composition du revenu par habitant dans les zones urbaines par quintile de revenu, 2001-12 28 Figure O.7. Évolution de la composition du revenu par habitant dans les zones rurales par quintile de revenu, 2001-12 30 Figure BI.1. PIB par habitant en Haïti et en Amérique latine 35 Figure BI.2. Le taux de croissance du PIB en Haïti et en Amérique latine entre 1980 et 2013 36 Figure BI.3. La croissance réelle et par habitant du PIB entre 2001 et 2013 39 Figure 1.1. Incidence de la pauvreté et de l’extrême pauvreté par milieu de résidence, 2012  48 Figure 1.2. Évolution des taux de l’extrême pauvreté par milieu de résidence (2000-2012)  51 Figure 1.3. L’inégalité des revenus en Haïti et en Amérique latine 53 Figure B1.1.1. Décomposition de la pauvreté en fonction de l’IPM et de la pauvreté monétaire 55 Figure 1.4. Pauvreté chronique et transitoire, privation d’accès aux services, et résilience en Haïti, 2012 56 Figure 1.5. Composition du revenu en fonction du lieu de résidence et de la situation de pauvreté 59 Figure 1.6. L’insécurité alimentaire en Haïti, 2012 61 Figure 1.7. Proportion de la population touchée par un choc climatique et niveau de pauvreté, en fonction du département 62 Figure 1.8. Taux de pauvreté par région, situation économique et secteur d’activité du chef de ménage 68 Figure 2.1. Évolution de la composition des revenus en milieu urbain par quintile, 2001-2012 73 Figure 2.2. Évolution de la composition des revenus en milieu rural par quintile, 2001-2012 75 Figure 2.3. Taux d’activité agricole et non agricole des ménages ruraux 76 Figure 2.4. Taux d’activité en fonction du type d’emploi 77 Figure 2.5. Emploi en fonction de l’activité agricole ou non agricole 78 Figure 2.6. Activité économique en fonction du niveau de pauvreté 78 Figure 2.7. Part des ménages, par activité agricole 82 Figure 2.8. Cultures agricoles,% de ménages producteurs 83 Figure 2.9. Pourcentage des ménages en fonction du type d’élevage 84 Figure B2.4.1. Résultats de la décomposition d’Oaxaca-Blinder pour différentes spécifications - Haïti urbain 96 vi Banque mondiale - ONPES Figure 2.10. Répartition du revenu horaire par secteur d’activité - Urbain 98 Figure 2.11. Composition des professions dans les zones urbaines, par secteur d’activité 99 Figure 2.12. Niveau d’études des travailleurs indépendants ayant un revenu supérieur ou un revenu inférieur au salaire horaire moyen dans les zones urbaines 101 Figure B3.1.1. Écart moyen d’instruction chez les enfants âgés de 10 à 14 ans par quintile de consommation par tête 116 Figure B3.1.2. Réduction moyenne de l’écart d’instruction associée à l´augmentation d’un écart-type du niveau d’instruction des parents, par quintile de consommation par tête des ménages 116 Figure 3.1. Bien-être et niveau d’éducation en Haïti, 2012 113 Figure 3.2. Niveau d’instruction des adultes et des jeunes  117 Figure 3.3. Scolarisation des enfants en Haïti, 2012 119 Figure 3.4. Taux de scolarisation dans les cycles d’enseignement primaire, secondaire et supérieur 121 Figure 3.5. Scolarisation par zone de résidence, niveau de pauvreté et sexe (%) 123 Figure 3.6. Nombre d’écoles publiques et non publiques, par an 126 Figure 3.7. Dépenses d’éducation par type, enfants âgés de 6 à 14 ans 127 Figure 3.8. Différentes Sources des financements annuels destinés à l’éducation  128 Figure 3.9. Taux de mortalité infantile et des moins de 5 ans, par quintile d’indice de richesse 130 Figure 3.10. Taux de mortalité maternelle, 1990-2013 132 Figure 3.11. Indicateurs de fréquentation des services de santé en Haïti et dans quelques pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure d’Amérique latine 133 Figure 3.12. Proportion de ménages confrontés à des problèmes au cours des 12 derniers mois, 2012 136 Figure 3.13. Les cinq chocs les plus graves subis par les ménages haïtiens, 2012 136 Figure 3.14. Causes des difficultés d’accès aux services de santé par quintile de consommation 140 Figure 3.15. Obstacles à l’accès aux services de soins de santé, par quintile d’indice de richesse 140 Figure 3.16. Couverture des services de santé  142 Figure B3.4.1. Pyramide de la prestation des services de santé 144 Figure 3.17. La densité du personnel médical: Ratio personnel médical et population pauvre 145 Figure 3.18. Incidence des dépenses de santé catastrophiques en Haïti, 2012 (% de la consommation totale des ménages) 149 Figure 3.19. Incidence des dépenses de santé catastrophiques en Afrique et en Amérique latine (% de la consommation totale des ménages) 150 Figure 4.1. La vulnérabilité face à la pauvreté en Haïti, 2012 161 Figure 4.2. Pourcentage de population affectée par des chocs, par département 163 vii Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Figure 4.3. Nombre de chocs selon le niveau de bien-être et le milieu de résidence 164 Figure B4.1.1. Raisons données à leur non-affiliation à une institution bancaire 170 Figure 4.4. Stratégies pour faire face à des chocs, par type de choc 172 Figure 4.5. Chocs climatiques et pauvreté, par département, 2009 173 Figure 4.6. Pauvreté et vulnérabilité en Haïti 174 Figure 4.7. Nombre de catastrophes, par type, en République Dominicaine et Haïti, 1980-2010 176 Figure 4.8. Dégâts au sein des sections communales à la suite du séisme de 2010 180 Figure 4.9. Perception du niveau de vie après le séisme 181 Figure 5.1 Principaux risques, cycle de vie et protection sociale en Haïti: un résumé 189 Figure 5.2. Accès à la sécurité sociale par quintile de consommation par habitant 193 Figure 5.3. Couverture des programmes d’aide sociale et répartition des bénéficiaires 195 Figure 5.4. Couverture des programmes d’aide sociale, par groupe d’âge 198 Figure B5.2.1. Possession d’une pièce d’identification nationale chez les adultes de 18 ans et plus 199 Figure 5.5. Répartition des programmes de protection sociale selon le niveau de pauvreté 201 Figure 5.6. Montants des prestations et leur contribution à la consommation des bénéficiaires 202 Figure 5.7. Rapports coûts-bénéfices de divers transferts de protection sociale, en HTG 203 Figure 5.8. Dépenses liées à la réduction de la pauvreté en pourcentage du PIB 206 Figure 5.9. Principaux programmes relevant de l’EDE PEP 207 Figure 5.10. Dépenses nettes consacrées à la sécurité sociale en pourcentage du PIB, pays à faible revenu 208 Figure 5.11. Couverture des programmes EDE PEP, par type, et par taux de pauvreté et département, 2012-2013 211 Figure J.1. Décomposition d’Oaxaca-Blinder pour différentes spécifications, zones urbaines d’Haïti  249 Tables Tableau O.1. L’accès aux services de base, 2001-2012.  24 Tableau 1,1. La pauvreté et l’extrême pauvreté en Haïti, 2012 47 Tableau 1.2. L’accès aux services et infrastructures de base, 2001-2012 52 Tableau 1.3. Caractéristiques sociodémographiques et socioéconomiques fondamentales des ménages pauvres, extrêmement pauvres et non pauvres.  57 Tableau 1.4. Incidence de la pauvreté, par catégorie de ménage 65 Tableau 2.1. Acquisition des terres 80 viii Banque mondiale - ONPES Tableau 2.2. Intrants Agricoles81 Tableau 2.3. Activités des ménages agricoles 82 Tableau 2.4. Diversité des cultures 83 Tableau 2.5. Intrants destinés au bétail 84 Tableau 2.6. Corrélats de la productivité agricole 86 Tableau 2.7. Activité non agricole, par type de ménage 89 Tableau 2.8. Participation des ménages à des activités non agricoles, par secteur d’activité  89 Tableau 2.9. Profil des entreprises des ménages 90 Tableau 2.10. Indicateurs du marché du travail - ventilés par zones géographiques 92 Tableau 2.11. Indicateurs du marché du travail en milieu urbain - par niveau de pauvreté  93 Tableau 2.12. Répartition de l’emploi, des sexes et du revenu du travail par secteur d’activité en milieu urbain 98 Tableau 2.13. Disparités entre les travailleurs indépendants qui disposent d’un revenu supérieur ou au contraire inférieur au salaire moyen en vigueur dans le secteur d’activité, en milieu urbain 100 Tableau 2.14. Envois de fonds et autres revenus 104 Tableau 2.15. Utilisation des transferts dans les zones rurales 105 Tableau 2.16. Utilisation des transferts dans les zones urbaines 105 Tableau 3.1. Indicateurs de santé de base  114 Tableau 3.2. L’élève moyen achève l’école primaire à près de 16 ans 122 Tableau 3.3. Résultats sanitaires chez les enfants, par quintile d’indice de richesse, 2005-2006 et 2012 131 Tableau 3.4. Fréquentation des services de santé maternelle et infantile, par quintile d’indice de richesse, 2005-2006 et 2012 132 Tableau 3.5. Résultats sanitaires des enfants et fréquentation des services de santé qui leur sont destinés, par niveau de scolarité des mères 135 Tableau B3.3.1. Évolution épidémiologique du choléra en Haïti, 2010-2014 137 Tableau 3.6. Pourcentage des ménages considérant la maladie et le choléra comme étant les problèmes les plus graves, par seuil de pauvreté, résidence et sexe 139 Tableau 3.7. Prestataires de soins de santé, par zone de résidence et par niveau de pauvreté de la population desservie 146 Tableau 3.8. Dépenses de santé prises en charge par les ménages, par habitant, par sexe et par lieu de résidence 147 Tableau 3.9. Dépenses de santé prises en charge par les ménages, par habitant, par sexe et par lieu de résidence 147 Tableau 3.10. Dépenses de santé prises en charge par les ménages, par type de service (N = 4929) 148 Tableau 4.1. Fréquence des types de chocs subis par les ménages, par niveau de pauvreté 166 ix Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Tableau 4.2. Fréquence des types de chocs, par type de ménage, pourcentage 167 Tableau 4.3. Impact économique des chocs, par situation de pauvreté des ménages 168 Tableau 4.4. Comparaisons entre les catastrophes subies en République Dominicaine et en Haïti, 1980-2010 175 Tableau 4.5. Éléments déclencheurs et conséquences des risques de catastrophe en Haïti 178 Tableau B5.1.1. Taille des échantillons et de la population pour les variables de la protection sociale dans l’ECVMAS 2012 197 Tableau 5.1. Alignement des programmes rattachés à EDE PEP sur les risques et les vulnérabilités tout au long du cycle de vie 212 Tableau A.1. Indicateur de pauvreté, ventilé par département et lieu de résidence, 2012 228 Tableau B.1. Courbes de Lorenz – Nationale, urbain et rural. 201 229 Tableau C.1. Taux de pauvreté calculés à partir des différentes mesures de seuil de pauvreté et de bien-être, 2000-12 230 Tableau E.1. Caractéristiques des ménages pauvres, 2001 et 2012 234 Tableau F.1. Régressions linéaires afin de déterminer les corrélats de la pauvreté, par lieu de résidence 235 Tableau G.1. Déterminants de la pauvreté et de la sécurité alimentaire 240 Tableau I.1. Facteurs déterminants du revenu du travail, du chômage, du sous-emploi et du secteur informel dans les zones urbaines en Haïti 244 Tableau J.1. Résultats de l’équation de Mincer - zones urbaines - Haïti 247 Table J.2. Revenu horaire moyen du travail - Haïti Urbain 248 Table J.3. Écarts de rémunération entre les sexes - Décomposition d’Oaxaca-Blinder - Haïti Urbain 249 Tableau K.1. Corrélats des inscriptions et des progrès scolaires 251 Tableau L.1. Chocs économiques idiosyncratiques affectant les ménages 253 Tableau L.2. Prévalence des types de chocs auxquels font face les ménages, par milieu de résidence 253 Tableau L.3. Impact des trois principaux types de chocs, par situation de pauvreté des ménages  254 Tableau M.1. Chocs: principaux mécanismes de survie 255 Tableau M.2. Mécanismes de survie adoptés pour faire face aux chocs les plus importants, par type de choc 256 Tableau M.3. Mécanismes de survie adoptés pour faire face aux chocs les plus importants. ménages en situation de pauvreté extrême 256 Tableau M.4. Mécanismes de survie adoptés pour les chocs les plus importants. ménages résilients 257 Tableau N.1. Corrélations des principaux chocs subis par les ménages 258 x Banque mondiale - ONPES Avant-propos Voici un nouveau dossier sur les manifestations de la pauvreté et de la vulnérabili- té en Haïti. En le recevant, d’aucuns peuvent se laisser aller à un questionnement insistant sur l’intérêt et le bien fondé d’une telle entreprise. De ce fait, se deman- der s’il était vraiment nécessaire d’engager cette nouvelle étude de ces phéno- mènes, tant ils sont scrutés et médiatisés en Haïti de part le monde. Qu’y a-t-il de tout à fait nouveau dans les manifestations des phénomènes concernés qui justifierait cette étude? Qu’a-t-on tiré de la compréhension de la pauvreté et de la vulnérabilité pour en réduire les effets néfastes et favoriser le développement éventuel d’Haïti ? En effet, sont légion les rapports, les travaux universitaires et les documentaires, traitant de différents aspects de la réalité de la pauvreté dans le pays traquant les moindres aspérités. Depuis quelques années, la lutte contre la pauvreté est un élément important de l’action gouvernementale. C’est ainsi que dès 2004, le gouvernement a élaboré le cadre intérimaire pour la réduction de la pauvreté, mué successivement en Do- cument de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (DSNCRP) en 2007, puis en Plan d’Action pour le Relèvement et le Développement d’Haïti (PARDH) en 2010 au lendemain du séisme et enfin en Plan Stratégique de Développement d’Haïti (PSDH) en 2012 accompagné du son premier Programme Triennal d’Investissement (PTI) 2014-2016 . Dans un cas comme dans l’autre, le gouvernement s’est efforcé de lier la croissance économique à la lutte pour la réduction de la pauvreté. Contrairement à ce qui a déjà été produit par le passé, le présent rapport dresse un état des lieux récent de la pauvreté qui tienne compte des conditions de vies des populations après le séisme de 2010. Il tient également compte des nou- veaux seuils de pauvreté nationaux établis à partir de l’ECVMAS et à partir duquel des analyses sur les causes, les effets de la pauvreté endémique du pays ont été produites. Ce rapport n’aborde guère les phénomènes de la pauvreté et de la vulnérabilité comme une fin en soi. Il permet au contraire de mieux cerner les enjeux et les dé- fis tout en proposant des éléments de redressement de la situation. Michel Présumé Secrétaire d’État à Planification Ministère de la planification et coopération externe de la République d’Haïti xi Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Avant-propos Malgré de nombreux défis, la République d’Haïti a effectué d’importants progrès au cours de la dernière décennie. Le pourcentage de la population haïtienne extrême- ment pauvre est tombé de 31 à 24 pourcent entre l’an 2000 et l’an 2012. Les condi- tions de vie se sont globalement améliorées. L’accès de la population à l’éducation, aux services de santé et au logement est meilleur qu’il ne l’était il y a dix ans. Ce sont là des avancées positives. Lorsque le travail sur ce rapport a débuté, nous savions que la population Haïtienne faisait face à de multiples défis dans autant de domaines. Cependant, nous n’en connaissions ni l’ordre de grandeur, ni la distribution géographique, et ni l’effet sur différents groupes au sein de la population. Grâce aux efforts conjoints du Gou- vernement et de ses partenaires, dont la Banque mondiale, une Enquête Sur les Conditions de Vie des Ménages Après le Séisme (ECVMAS) a pu être conduite, un seuil national officiel de pauvreté établi, et la présente étude complétée. Il en ré- sulte une bien meilleure idée des obstacles auxquels le pays est confronté et un diagnostic précis sur lequel fonder des priorités de politique à l’avenir. Nous savons maintenant que le taux de pauvreté est particulièrement élevé en milieu rural, où il persiste, et où près de 75% de la population demeure pauvre. Nous savons également que la lutte contre l’inégalité des revenus n’a pas avancé ; l’iné- galité s’est en fait accrue en milieu rural. L’étude a également pu documenter les contraintes et les opportunités qui influent sur la trajectoire d’une réduction sou- tenable de la pauvreté et de l’inégalité pour le pays. Au-delà d’une croissance sou- tenue et du renforcement de la gouvernance et des institutions, nous identifions trois champs d’action prioritaires. D’abord, investir dans l’humain en améliorant l’ac- cès à l’éducation, aux services de santé, et aux services de base. Deuxièmement, améliorer les perspectives de génération de revenus des familles, particulièrement dans l’agriculture et pour les travailleurs indépendants en milieu urbain. Troisième- ment, protéger les populations les plus vulnérables des chocs, et des désastres naturels en particulier, en améliorant la protection sociale et la gestion des risques, afin d’éviter qui ne perdent leurs avoirs. Quoiqu’il n’existe ni panacée ni recette parfaite pour mettre fin à la pauvreté en Haïti, nous espérons que cette étude servira d’outil pour ancrer les discussions de politique dans des données vérifiables et pour développer des programmes sur la base d’informations robustes. Nous souhaitons que ce travail contribue à bâtir un avenir prometteur pour Haïti. Mary Barton-Dock Envoyée spéciale de la Banque mondiale pour Haïti xii Banque mondiale - ONPES Remerciements Ce rapport est le fruit d’une initiative conjointe entre la Banque mondiale et l’Ob- servatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) qui relève du Ministère de la Planification et le da Coopération Externe (MPCE). L’équipe de la Banque mondiale codirigée par Federica Marzo (économiste) et Facundo Cuevas (économiste senior) comprenait Natalia Garbiras Diaz et Thiago Scot et était placée sous la supervision générale de Louise Cord (Responsable de pratique), Mary Barton-Dock (Directeur pour Haïti) et Raju Jan Singh (Chef de programme pour Haiti). L’équipe transsectorielle du rapport sur l’évaluation de la pauvreté qui a rédigé les documents de base était composée de Aude-Sophie Rodella, Bernard Atuesta Montes, Alan Fuchs, Prospère Backiny-Yetna, Gbemisola Oseni, Tanya Savrimootoo, Eli Weiss et Barbara Coello, Javier Sanchez Reaza et Michel Matera; Carine Clert (point focal pour les secteurs sociaux), Victoria Stro- kova, Lucy Basset et Anna Ocampo, Andrew Sunil Rajkumar, Eleonora Cavagnero, Mirja Sjoblom, Marion Cross; ainsi que Melissa Adelman, Tillmann Heydelk, Patrick Ramanantoanina, Axelle Latortue et Marie Monique Manigat. Les thèmes couverts par les documents de travail produits par la Banque mondiale comprennent: les profils, l’évolution et la mesure de la pauvreté, le développement rural, les mar- chés du travail urbain, le secteur de l’éducation, le secteur de la santé, des chocs et de la vulnérabilité, et la protection sociale. L’équipe de l’ONPES était dirigée par Shirley Augustin (coordonnatrice de l’ONPES) et composée de Pierre Mérat Jores (coordonnateur adjoint), Jean Malherbe Fritz Berg  Jeannot, Ilionor Louis, Lewis Ampidu Clormeus, Josué Muscadin, Schmied St Fleur, Guy Alex Andre, Frantz Lamour, Hérard Jadotte, Dagobert Elisee, Lanier Sagesse, Emmanuel Michel David, Leonne Fatima Prophete (DPES/MPCE). Les thèmes couverts par les documents de travail produits par l’ONPES com- prennent: les profils, l’évolution et la mesure de la pauvreté, le marché du travail et les travailleurs pauvres, la vulnérabilité aux catastrophes naturelles, les stra- tégies d’adaptation des ménages face à la pauvreté. La coordination générale et préparation du rapport fut codirigée par Federica Marzo (économiste, GPVDR) et Shirley Augustin (coordonnatrice de l’ONPES). L’équipe a également reçu des commentaires écrits des lecteurs externes, no- tamment Jean-Yves Duclos, (Université Laval, Québec), Tadashi Matzumotu (Or- ganisation pour la coopération et le développement économiques), Nathalie Bris- son-Lamaute (Consultante), Michael Clemens (Center for Global Development) et des lecteurs de la Banque mondiale, notamment Ana Maria Oviedo, Gabriel Demombynes et Tom Bundervoet. Le travail d’édition a été réalisé par Robert Zimmermann. xiii Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté L’équipe conjointe ONPES /Banque mondiale tient à remercier toutes les institu- tions qui ont contribué au travail d’élaboration la nouvelle méthodologie de calcul du seuil de pauvreté officiel utilisée pour fonder l’analyse figurant dans le présent rapport, en particulier le Comité technique inter-institutionnel piloté par l’ONPES et qui inclut l’Institut haïtien de statistique et d’informatique (IHSI), la Direction de programmation économique et social (DPES) du Ministère de la Planification et de la coopération externe, le Fonds d’assistance économique et sociale (FAES) et la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA). L’équipe remercie éga- lement Michael Clemens (Center for Global Development) pour sa contribution à l’étude sur les transferts de fonds et la migration, ainsi que l’Organisation des migra- tions internationales en Haïti, qui lui a permis d’effectuer des collectes de données dans les camps de déplacés internes, dans le cadre de l’Enquête Sur les Conditions de Vie des Ménages Après le Séisme (ECVMAS 2012). xiv Banque mondiale - ONPES Abréviations IRA Infection respiratoire aiguë CIN Carte d’Identification Nationale CNSA Coordination nationale de la sécurité alimentaire EDS Étude démographique et de santé DPES Direction de Programmation économique et social EBCM Enquête sur le Budget et la Consommation des Ménages 1999/2000 ECVH Enquête sur les Conditions de Vie des Ménages 2001 ECVMAS Enquête sur les Conditions de Vie des Ménages après le Séisme 2012 FAES Fonds d’assistance économique et sociale Fafo Fafo Institute for Applied International Studies (Norvège) PIB Produit intérieur brut IHSI Institut haïtien de statistique et de traitement des données RI Relation inverse TMM Taux de mortalité maternelle MPCE Ministère de la Planification et de la coopération externe SNGRD Système National de Gestion des Risques et des Désastres ONPES Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale PAARP Plan d’Action pour Accélérer la Réduction de l’Extrême Pauvreté. PPA Parité du pouvoir d’achat PSUGO Programme de Scolarisation Universelle Gratuite et Obligatoire Remarque: Tous les montants libellés en dollars désignent des dollars américains ($), sauf indication contraire. xv Banque mondiale - ONPES Haïti: Investir dans l’humain pour combattre la pauvreté Éléments de réflexions pour la prise de décision informée Résumé Malgré une baisse des taux de pauvreté monétaire et multidimensionnelle de- puis 2000, Haïti demeure un des pays les plus pauvres et les plus inégalitai- res d’Amérique latine. Ce rapport établi qu’en 2012, plus d’un Haïtien sur deux se trouvait en situation de pauvreté avec moins de 2.41$ par jour, et une personne sur quatre vivait en dessous du seuil national de pauvreté extrême fixé à 1.23$ par jour. Si les avancées sont indéniables, de nombreux défis demeurent. L’extrême pau- vreté a baissé de 31 à 24% entre 2000 et 2012, et des progrès ont été accomplis en termes d’accès à l’éducation et à l’assainissement, bien qu’en général l’accès aux services de base reste limité et caractérisé par d’importantes inégalités. On note que la situation de pauvreté dans les zones urbaines est relativement meilleure du fait des opportunités d’emploi non agricoles, des transferts privés, un meilleur accès aux biens et services essentiels, ainsi qu’en raison de la diminution des inégalités, contrairement aux zones rurales. Pour maintenir les progrès en matière de réduction de la pauvreté extrême et mo- dérée, une croissance plus forte et plus généralisée est nécessaire. Cette dernière doit être accompagnée aussi par un effort concerté pour renforcer les capacités des populations pauvres et vulnérables à accumuler des actifs, générer des re- venus et mieux protéger leurs moyens de subsistance des chocs. Enfin, le rapport met en évidence le besoin d’accorder une attention particulière aux groupes vul- nérables tels que les femmes et les enfants ainsi qu’aux zones rurales, où plus de la moitié de la population réside, où l’extrême pauvreté perdure et où l’inégalité des revenus s’est amplifiée. 17 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté 1. Introduction Haïti est un pays de contrastes où les nombreux défis s’accompagnent d’au- tant de possibilités. Avec une population de 10.4 millions d’habitants vivant sur une superficie de 27,750 km2, Haïti est l’un des pays les plus densément peuplés d’Amérique latine.1 Si 22% de la population totale vit dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, la capitale, un peu plus de la moitié (52%) vit dans les zones rurales et le reste dans d’autres zones urbaines situées en dehors de la capitale.2 La posi- tion stratégique d’Haïti (au milieu de la mer des Caraïbes), son potentiel touristique, la jeunesse de sa population active, et son riche patrimoine culturel offrent un large éventail de possibilités économiques et géopolitiques. Pourtant, la richesse pro- duite dans le pays est loin de suffire pour répondre aux besoins de la population. En effet, aujourd’hui, le produit intérieur brut par habitant et l’indice de développement humain figurent parmi les plus faibles de l’Amérique Latine (figure O.1).3 Figure O.1. Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant, en Haïti et en Amérique latine PIB par habitant (dollars US en PPA de 2011), 2012 35,000 30,000  Trin. and Tob. 25,000 20,000  Bahamas  St. Kitts and N.  Chili Ant. and Bar. 15,000  Uruguay Venezuela Mexique Barbados Suriname  Brésil 10,000 Costa Rica Pérou  R.D.  St. Vinc. and G. Sainte-Lucie   Dominica Équateur  Belize  Jamaica 5,000   El Salvador Paraguay Guatemala  Guyane  Bolivie Honduras Nicaragua 0    Haiti Sources: WEO (Base de données des Perspectives de l’Économie Mondiale), Fonds monétaire international, Washington, DC, Octobre 2013, http://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2013/02/weodata/index.aspx.; Indicateurs du développement dans le monde (base de données) Banque mondiale Washington DC, http://data.worldbank.org/data-catalog/world-development-indicators. 1 Basé sur les projections démographiques disponibles de l’Institut haïtien de statistique et d’informa- tique (IHSI 2012) et World Development Indicators (WDI) de la Banque mondiale. 2 Sauf indication contraire, toutes les données de ce rapport proviennent de l’Enquête sur les condi- tions de vie des ménages après le séisme (ECVMAS 2012). 3 Le produit intérieur brut par habitant (PIB) était de 1575$ (en parité de pouvoir d’achat [PPA] du dollar américain) en 2013. Haïti occupe la 161ème place sur 186 pays dans le classement de l’Indice de déve- loppement humain du Programme des Nations Unies pour le Développement. “Valeur de l’Indice de Développement Humain (IDH),” Programme de développement des Nations Unies, New York, https://data.undp.org/dataset/Human-Development-Index-HDI-value/8ruz-shxu. 18 Banque mondiale - ONPES 2. Haïti en 2012: Pauvreté monétaire et multidimensionnelle La pauvreté est un phénomène répandu en Haïti; en 2012, le pays affichait un taux national de pauvreté de 58.5%, et d’extrême pauvreté de 23.8%. La nouvelle méthodologie mise au point par les services techniques de l’État haï- tien indiquent que près de 6.3 millions d’Haïtiens ne sont pas en mesure de satis- faire leurs besoins essentiels, et parmi eux, 2.5 millions vivent en dessous du seuil d’extrême pauvreté et ne parviennent pas à subvenir à leur besoins alimentaires (encadré O.1).4 L’incidence de la pauvreté est beaucoup plus élevée dans les zo- nes rurales et en particulier dans la région du Nord.5 Plus de 80% des personnes se trouvant en situation d’extrême pauvreté résident dans les zones rurales, où 38% de la population totale n’est pas en mesure de satisfaire ses besoins nutri- tionnels, comparativement à 12% dans les zones urbaines et à 5% dans l’Aire Mé- tropolitaine (figure O.2). La population pauvre est géographiquement concentrée dans le Nord où les départements du Nord-Est et du Nord-Ouest enregistrent un taux de pauvreté extrême supérieur à 40% (ce qui représente 20% de la totalité des personnes vivant dans la pauvreté extrême), comparativement à 4.6% dans l’Aire Métropolitaine de Port-au-Prince (qui ne représente que 5% de la pauvreté extrême). Bien que 43% des ménages soient dirigés par une femme6, il est à noter que le genre n’a aucune incidence sur le taux de pauvreté: que le chef de famille soit un homme ou une femme, le taux est d’environ 59%7. Encadré O.1. Fixation d’un nouveau seuil national de pauvreté pour Haïti En se basant sur les nouvelles données de la consommation de 2012, le Gouvernement haïtien a défini pour la première fois un seuil de pauvreté national qui devient dorénavant la nouvelle référence pour mesurer, suivre et analyser la pauvreté dans le pays. Entre octobre 2013 et février 2014, un comité technique inter-institu- tionnel piloté par l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) et regroupant l’Institut haïtien de statistique et d’in- formatique (IHSI), le Fonds d’assistance économique et sociale (FAES), 4 Ces taux sont basés sur la consommation par habitant et ont été calculés en utilisant les seuils officiels de pauvreté modérée et d’extrême pauvreté de 2012 fixés à respectivement 81.7 HTG par habitant et par jour (2,41$ en PPA de 2005) et 41.6 HTG par habitant et par jour (1,23 $ en PPA de 2005). 5 Dans le cadre de cette Étude, Haïti est subdivisé en cinq régions: le Nord, le Sud, la Transversale (le Centre), l’Aire Métropolitaine, et l’Ouest. 6 Cette distribution parait élevée par rapport à d’autres pays d’Amérique latine, mais elle est en ligne avec d’autres pays de la région des Caraïbes: Antigua, Barbade, Dominique, Grenade, Saint-Kitts- et-Nevis et Sainte-Lucie présentent une proportion de ménages dirigés par une femme supérieure à 40% (Ellis, 2003) . 7 En se basant sur une régression linéaire des corrélats de la pauvreté, on constate que le genre du chef de ménage n’est pas corrélé au niveau de pauvreté quel que soit le lieu de résidence. 19 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté la Coordination nationale de la sécurité alimentaire (CNSA) et la Direction de Programmation Économique et Social (DPES) du Ministère de la Planifi- cation et de la Coopération externe (MPCE), a mis au point et validé le pre- mier seuil de pauvreté national et officiel pour Haïti, avec l’assistance tech- nique de la Banque mondiale. Ce seuil, calculé en se fondant sur l’approche dite du coût des besoins essentiels, a été fixé à 81.7 HTG par jour/par tête (2.41 dollars en PPA de 2005) pour le seuil de pauvreté modérée et à 41.6 HTG par jour/par tête (1.23 dollars en PPA de 2005) pour le seuil d’extrême pauvreté. Les données utilisées pour déterminer ce seuil proviennent de l’Enquête sur les conditions de vie des ménages après le séisme (ECVMAS 2012), la première enquête sur les conditions de vie réalisée en Haïti depuis 2001. Les taux de pauvreté pour l’année 2012 et les profils associés présen- tés dans ce rapport sont donc basés sur les nouveaux seuils nationaux de pauvreté officiels. La nouvelle méthodologie mise au point par les services techniques de l’État haïtien s’appuie sur les meilleures pratiques internationales. La consommation est considérée comme une meilleure mesure du bien-être car elle reflète de façon plus précise les conditions de vie, contrairement au revenu, un indicateur qui a tendance à sous-estimer le niveau de bien- être et à surestimer le niveau de pauvreté8. Figure O.2. Incidence de la pauvreté et nombre de pauvres dans les zones rurales et urbaines a. Incidence de la pauvreté 80% Incidence de pauvreté (% de la population) 70% 60% 50% Aire Métropolitaine Autre Urbain 40% Rural 30% Total 20% 10% 0% Pauvreté Extrême Pauvreté 8 Les taux de pauvreté officiels calculés en 2001 par IHSI et FAFO (76% et 56%) se basaient sur les seuils internationaux de 1 et 2 dollars par jour (PPA) et sur les données de revenu des ménages. 20 Banque mondiale - ONPES b. Nombre de pauvres dans les zones rurales et urbaines 7,000,000 6,000,000 Nombre d´individus 5,000,000 4,000,000 3,000,000 2,000,000 1,000,000 Non Pauvres Pauvres Pauvres Extrêmes Rural Aire métropolitaine Autre urbain Source: Taux de pauvreté officiels, basés sur l’ECVMAS 2012. Calculs comité interinstitutionnel d’Haïti et BM La vulnérabilité affecte une grande part de la population. Un million de per- sonnes vivent légèrement au-dessus du seuil de pauvreté et peuvent tomber en- -deçà de ce seuil à la suite d’un choc: près de 7% de la population est pauvre ou exposée au risque de tomber dans la pauvreté (figure 3).9 Seulement 2% de la po- pulation consomme l’équivalent d’au moins 10$ par jour, ce qui représente le seuil de revenu identifiant la classe moyenne dans la région. Le ménage haïtien typique est confronté à de multiples chocs chaque année et près de 75% des ménages ont été économiquement touchés par au moins un choc en 2012. Les personnes en situation d’extrême pauvreté sont encore plus vulnérables aux chocs et à leurs conséquences: 95% d’entre eux ont subi au moins un choc qui leur a causé un préjudice économique en 2012. Les catastrophes naturelles représentent un dan- ger particulier, par le fait qu’elles frappent de plein fouet le secteur de l’agricul- ture, principale source de revenu d’une large partie de la population, surtout en milieu rural. En effet, les données factuelles montrent que les chocs covariés les plus courants sont liés aux conditions climatiques tandis que les chocs idiosyn- cratiques les plus importants sont liés à la santé.10 9 A défaut de données de panel ou de données synthétiques de panel, on définit les individus vulné- rables comme des personnes vivant avec un budget équivalent à 120% du seuil de pauvreté soit, en d’autres termes, 20% de plus que le seuil de pauvreté. Une autre définition de la vulnérabilité utilisée par la Banque mondiale pour l’Amérique latine tient compte des notions de stabilité économique et de faible probabilité de tomber dans la pauvreté. Le seuil correspondant à cette probabilité est de 10$ par jour en PPA, et il est utilisé pour identifier la classe moyenne dans la région, tandis que les plus vulnérables sont les personnes vivant avec un budget compris entre 4$ et 10$ par jour en PPA. 10 Les chocs covariés affectent de larges segments de la population et des communautés entières (par exemple les catastrophes naturelles ou les épidémies), tandis que les chocs idiosyncratiques affectent les individus (par exemple la maladie, le décès, ou la perte d’emploi). 21 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Figure O.3. Répartition de la consommation annuelle des ménages par habitant (en HTG) Seuil pauvreté extrême Seuil pauvreté modérée Seuil de vulnérabilité Nombre d´individus (en milliers) 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 500 8,000 15,500 23,000 30,500 38,000 45,500 53,000 60,500 68,000 75,500 83,000 90,500 98,000 105,500 113,000 112,500 120,500 128,000 135,500 143,000 Consommation annuelle par tête (HTG) Sources: ECVMAS 2012 et seuils de pauvreté officiels; Calculs BM/ONPES. 3. Progrès en matière de pauvreté monétaire et multidimensionnelle D’importants chocs économiques, politiques et naturels au cours de la der- nière décennie ont eu des répercussions majeures sur le bien-être des popula- tions11. Les données disponibles sur la pauvreté sont de nature transversale, c’est- à-dire qu’elles offrent une vision «instantanée» du bien-être au début du 21ème siècle et en 2012, mais ne permettent pas de faire une analyse détaillée sur la façon dont chacun de ces chocs a touché les ménages. Toutefois, une comparaison de ces deux points dans le temps indique une amélioration du niveau de bien-être en dépit de ces chocs répétés. Au niveau national notamment, le taux d’extrême pauvreté a reculé de 31 à 24% entre 2000 et 2012 (figure O.4).12 Les améliorations 11 Parmi ces chocs on compte la crise politique et les inondations de 2004; les ouragans et la hausse des prix alimentaires de 2008; et le tremblement de terre de 2010. 12 Les taux de pauvreté de 2000 proviennent de l’Institut Fafo d’études internationales appliquées (2001), un centre de recherche norvégien, et sont basées sur l’Enquête sur le budget et la consomma- tion des ménages (EBCM) 1999-2000 (voir http:/ /www.fafo.no/indexenglish.htm). Les indicateurs de pauvreté relative à la consommation pour 2000 ont été calculés sur la base d’un seuil national de pauvreté alimentaire calculé d’une manière légèrement différente de la méthodologie officielle de 2012. L’agrégat de la consommation en 2000 a été calculé en se basant sur plus de 50 articles dans le panier alimentaire, tandis que l’agrégat 2012 était fondé sur un panier alimentaire de 26 articles reflétant 85% de la valeur de la nourriture des aliments consommés dans la population de référence dans toutes les régions d’Haïti (déciles 2-6). En outre, l’agrégat de 2000 n’intègre pas les loyers impu- tés, alors que c’est le cas pour l’agrégat de 2012. Les simulations montrent que même en excluant les loyers imputés de l’agrégat de 2012, la tendance à la baisse de l’extrême pauvreté se maintient. 22 Banque mondiale - ONPES dans les zones urbaines ont fortement contribué à cette baisse. En effet, le taux En dépit d’une d’extrême pauvreté a chuté de 21 à 12% dans les zones urbaines et de 20 à 5% légère diminution dans l’Aire Métropolitaine, alors qu’il a stagné à 38% dans les zones rurales. Bien de l’extrême que les données de 2000 ne permettent pas de faire la comparaison en ce qui pauvreté en Haïti, le concerne la pauvreté modérée liée à la consommation, on estime qu’elle a aussi nombre de pauvres légèrement reculé au cours de la dernière décennie.13 reste très élevé, particulièrement en zone rurale. Figure O.4. Évolution de la pauvreté extrême en Haïti par milieu de résidence, 2000-2012 2000 40% 38% 38% 2012 35% (%de la population) 30% 31% 25% 24% 20% 21% 20% 15% 10% 12% 5% 5% 0% Haiti Rural Urbain Aire Métropolitaine Sources: ECVMAS 2012 et seuils de pauvreté officiels; Calculs BM/ONPES Le niveau de bien-être non monétaire a également progressé depuis 2001 en Haïti aussi bien dans les zones urbaines que rurales (tableau O.1). Les ac- quis les plus importants ont été enregistrés dans le secteur de l’éducation, où le taux de scolarisation des enfants d’âge scolaire est passé de 78 à 90%. La qualité de l’éducation demeure néanmoins source de préoccupations: pour un ensemble de raisons dont le démarrage tardif de la scolarité, le décrochage scolaire et le redoublement, seul un tiers des enfants âgés de 14 ans se trouve dans la classe correspondant à son âge. 13 Les mesures basées sur le revenu indiquent que la pauvreté modérée a régressé, passant de 77% en 2001 selon l’Enquête sur les conditions de vie des ménages de 2001 (ECVH 2001) à 72% en 2012 (ECVMAS 2012). Les mesures de la pauvreté basées sur la consommation sont jugées plus précises pour refléter les niveaux de bien-être, en particulier dans les pays où il existe un taux élevé de pau- vreté rurale et une forte volatilité des revenus; la nouvelle mesure officielle de la pauvreté en Haïti est basée sur la consommation. 23 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Tableau O.1. L’accès aux services de base, 2001-2012. Taux de couverture,% Échelle nationale Urbain Rural Indicateur 2001 2012 2001 2012 2001 2012 Enfants en âge scolaire inscrits à l’école 78.0 89.9 83.8 93.2 74.1 86.9 Accès à des sources améliorées d’eau potable Définition de l’OMSa — 53.2 — 54.9 — 51.7 Accès à l’eau du robinet (dans la maison) 7.2 11.3 13.1 18.2 3.2 4.9 Définition élargieb — 72.7 — 90.7 — 56.2 Eau traitée (achetée) — 19.5 — 35.8 — 4.5 Accès à l’énergiec 31.8 35.9 62.2 62.6 11.1 11.3 Taux d’aisance en plein aird 63.1 33.0 44.3 11.2 76.0 53.0 Accès à un assainissement améliorée — 31.3 — 47.9 — 15.9 Habitat, matériaux de construction 48.4 60.1 70.8 81.3 33.1 40.6 non dangereux Sources: ECVH 2001; ECVMAS 2012; Calculs BM/ONPES. Remarque: — = non disponible. OMS = Organisation mondiale de la Santé. a. Selon la définition internationale (OMS), l’accès à l’eau potable améliorée se mesure au pourcentage de la population utilisant des sources améliorées d’eau potable: raccordement domestique, borne-fontaine, forage, puits protégés, sources protégées, eau de pluie. b. La définition élargie comprend la définition internationale (OMS), plus l’eau traitée (achetée). c. Comprend l’électricité, l’énergie solaire, et les générateurs. d. Le taux d’aisance en plein air mesure la proportion de personnes privées d’accès à tous sanitaires (améliorés et non améliorés). Il correspond au taux de défécation en plein air utilisé par les Nations Unies et il s’agit d’un des objectifs du millénaire (OMD), au cœur des discussions de l’agenda post-2015. Il est passé de 63 à 33% à l’échelle nationale entre 2000 et 2012, ce qui est en phase avec les progrès réalisés dans les zones urbaines et rurales. e. L’assainissement amélioré est l’accès à des toilettes à chasse d’eau ou à des latrines améliorées publiques ou privées. La qualité de l’accès à l’assainissement reste faible: en 2012, 31% de la population totale seulement avait accès à un assainissement amélioré, contre 16% dans les zones rurales.14 Le niveau d’accès à des sources améliorées d’eau potable est assez similaire en milieu urbain et rural avec un taux de 55 et 52% respectivement. Ce- pendant, la majorité de la population urbaine restante (36%) achète l’eau potable directement auprès de vendeurs, tandis que le reste (9%) utilise des sources non améliorées d’eau potable. En revanche, la majorité de la population rurale restante 14 L’amélioration de l’assainissement comprend les toilettes à chasse d’eau ainsi que les latrines amélio- rées. Selon l’OMS et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, les latrines améliorées sont celles qui isolent de façon hygiénique les excreta humains de tout contact humain. 24 Banque mondiale - ONPES (44%) n’a pas cette possibilité et utilise des sources non améliorées d’eau (eau de rivière ou de puits non protégés) avec une forte probabilité de contamination. Haïti est l’un des pays les plus inégalitaires L’accès à l’énergie (électricité, énergie solaire, ou générateurs) n’a augmenté que du monde, tant en légèrement et ce grâce aux progrès dans les zones urbaines, alors qu’en zones termes de revenus rurales il stagne à 11%. que de résultats. Au cours de la même période, l’inégalité des revenus a stagné: le coefficient de Gini est à 0.61 à depuis 2001.15 Les 20% les plus riches détiennent plus de 64% du revenu total du pays, alors que les 20% les plus pauvres en détiennent à peine 1%. Cependant, ce chiffre occulte des tendances contrastées entre zones urbaines et rurales; en effet si l’inégalité a reculé (de 0.64 à 0.59) en milieu urbain elle a, au contraire augmenté (0.49 à 0.56) en milieu rural.16 Ces niveaux d’inégalité de revenu classe Haïti parmi les pays les plus inégalitaires d’Amérique latine du monde (figure O.5). Figure O.5. Inégalité des revenus en Haïti et en l’Amérique Latine a. Coefficient d’inégalité des revenus de Gini pour l’Amérique Latine, circa 2012 0.7 0.6 0.5 0.4 0.3 0.2 0.1 0 Brésil Chili Mexique Équateur Pérou Uruguay Colombie Costa Rica Argentine Haiti Honduras Guatemala LAC Panama Bolivie RD El Salvador Paraguay 15 Ce coefficient de Gini a été calculé à partir de l’agrégat de revenu pour 2001 et 2012, incluant les revenus du travail des ménages par habitant (y compris la production destinée à la consommation propre), les revenus non salariaux et les loyers imputés. Cet agrégat a été élaboré en utilisant la mé- thodologie de la Base de données socioéconomique pour l’Amérique latine et les Caraïbes, comme illustré par le CEDLAS et la Banque mondiale. 16 Il n’est pas possible de comparer les tendances des inégalités relatives à la consommation parce que les estimations de 2000 n’excluaient pas les valeurs aberrantes, qui affectent fortement les estimations de l’inégalité. 25 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté b. Accumulation de richesse par quintile de revenu, Haïti et Amérique latine et Caraïbes (ALC) 2012 74.0 64.6 54.8 43.1 24.2 20.3 17.8 18.6 12.9 11.0 16.0 9.7 4.0 8.1 3.8 5.2 1.8 2.8 6.2 0.9 1 2 3 4 5 Haiti LAC average Haiti-urban Haiti-rural Sources: ECVMAS 2012; PovStat 2014; données du Center for Distributive, Labor, and Social Studies (CEDLAS). Remarque: L’inégalité moyenne en Amérique latine est basée sur des agrégats de revenu. La même méthode a été utilisée pour mesurer les inégalités en Haïti. Cependant, la comparabilité n’est pas parfaite en raison des différences dans les questionnaires utilisés pour prendre en compte le revenu. Malgré l’amélioration de l’accès aux services de base, les pauvres sont confron- tés à de plus grands obstacles pour y accéder. En 2012, 87% des enfants de 6 à 14 ans issus de ménages pauvres étaient inscrits à l’école, contre 96% des enfants de ménages non pauvres. Au cours de la même année, la mortalité infantile était de 62 pour 1,00017 naissances vivantes dans le quintile de bien-être le plus élevé, alors qu’il était de 104 dans le quintile de revenu le plus bas. De même, le nombre d’en- fants souffrant de retard de croissance était quatre fois plus élevé dans le quintile inférieur que dans le quintile supérieur.18 Moins d’une femme sur 10 bénéficiait d’un accouchement assisté dans le quintile le plus bas, contre 7 femmes sur 10 dans les couches de la population les mieux loties, ce qui indique que les femmes les plus démunies avaient un accès limité aux services de santé maternelle et étaient plus susceptibles de décéder pendant l’accouchement.19 Ces constats montrent que la 17 Les données relatives aux résultats de santé contenue dans cette étude proviennent de l’enquête DHS/EMMUS 2012. 18 Les quintiles de bien-être sont basés sur un indice des biens des ménages et non sur la consomma- tion des ménages. 19 En 2012, la couverture des accouchements en établissement était 8,4 fois plus élevée dans le quintile supérieur de bien-être (76%) que dans le quintile inférieur de bien-être (9%). Les quintiles de bien-être sont basés sur un indicateur des biens des ménages et non sur la consommation des ménages. 26 Banque mondiale - ONPES pauvreté est un obstacle important à la scolarisation et à l’utilisation des services Une attention de santé: dans 83 et 49% des cas respectivement, le coût est le principal motif particulière envers invoqué pour ne pas scolariser les enfants ou ne pas consulter un médecin en les femmes est cas de maladie.20 Les ménages prennent en charge la majeure partie des frais nécessaire: ces de scolarité (10% de leur budget total). En contraste, les dépenses de santé des dernières font face ménages sont relativement limitées (moins de 3% du budget total des ménages). à d’importants défis dans l’ensemble Ces obstacles à l’investissement dans le capital humain sont plus élevés dans des aspects de la vie les zones rurales, où la pauvreté est plus étendue en raison de l’accès limité aux en Haïti. services de base. Les femmes et les filles sont particulièrement vulnérables car elles se heur- tent à d’importants obstacles dans l’accumulation et l’utilisation de leurs actifs, en particulier de leur capital humain. Malgré les progrès appréciables réalisés dans les domaines de l’éducation et de la santé, les femmes sont toujours moins instruites que les hommes, elles ont plus de probabilité d’être analphabè- tes, et leurs résultats et niveau d’utilisation des services de santé est très faible. Outre les différences en termes de dotation en ressources au départ, les femmes en Haïti sont également confrontées à des obstacles supplémentaires sur le mar- ché du travail où elles sont moins susceptibles d’être employées et gagnent si- gnificativement moins que les hommes (voir plus bas). Enfin, la faible participation des femmes à la vie publique et la violence basée sur le sexe sont courantes. En raison des niveaux très élevés de pauvreté et de vulnérabilité, le système de protection sociale rencontre des difficultés pour répondre aux besoins de la population. Face à la forte incidence des chocs idiosyncratiques ou covariés et leur vulnérabilité à ces derniers, les pauvres et les plus vulnérables ont un accès limité aux aides publiques, compte tenu des faibles capacités de l’Etat. L’essen- tiel de l’assistance continue de parvenir sous la forme de transferts de fonds ou d’aide des églises, d’autres institutions non gouvernementales et des donateurs. Selon les données ECVMAS, en 2012, 11% seulement des personnes extrêmement pauvres ont reçu une aide sociale de l’État, telles que des bourses, de l’aide ali- mentaire, ou d’autres transferts monétaires.21 Malgré les dernières initiatives dé- ployées pour élargir les prestations d’aide sociale, dans le cadre du programme EDE PEP, la majorité des pauvres n’a toujours pas accès à des systèmes formels de protection sociale qui leur permettraient de réguler leur consommation dans le temps et ainsi d’éviter de vivre dans la misère qui peut causer des pertes irré- versibles en capital humain. 20 Selon l’Enquête démographique et de santé 2012 (EDS), 7 femmes sur 10 âgées de 15 à 49 ans ne sollicitent pas d’aide médicale faute d’argent, tandis que 43% ne le font pas faute de moyen de transport (voir le chapitre 3). 21 Ce taux de couverture ne tient pas compte d’un certain nombre de programmes plus élargis, tels que les cantines scolaires et les dispenses de frais de scolarité ou de nouveaux programmes mis en place ces dernières années dans le cadre de la plate-forme EDE PEP de l’État (« aider le peuple » en créole). 27 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté 4. Réduction de la pauvreté: Importance des transferts de fonds et des revenus non agricoles L’un des principaux facteurs ayant contribué à la diminution de la pauvreté en milieu urbain en Haïti est l’accès accru à des revenus du travail non agricole. La proportion du revenu non agricole a augmenté au sein des ménages des zones urbaines, sauf pour les plus pauvres (figure O.6). L’évolution vers des emplois non agricoles dans les zones urbaines correspond probablement à une transition vers des emplois mieux rémunérés dans les secteurs de la construction, des transports et des télécommunications, des secteurs qui ont connu une croissance positive de valeur ajoutée entre 2000 et 2012. Figure O.6. Évolution de la composition du revenu par habitant dans les zones urbaines par quintile de revenu, 2001-12 100% 80% 60% 40% 20% 0% 2001 2012 2001 2012 2001 2012 2001 2012 2001 2012 1 2 3 4 5 Autoconsommation Revenu du travail agricole Revenu du travail non-agricole Pensions Capital Transfers privés Transfers publiques Loyer imputé Sources: ECVMAS 2012 et ECVH 2001; Calculs BM/ONPES. Le revenu horaire moyen de la main-d’œuvre est de deux à quatre fois plus élevé dans les secteurs informel et formel que dans le secteur agricole.22 En revanche, les ménages du premier quintile ont vu leur part de revenu non agricole et agricole chuter, tandis que la contribution des transferts privés (nationaux et les envois de fonds internationaux) à leur revenu a augmenté. 22 La définition du secteur informel par l’Organisation internationale du Travail regroupe l’ensemble des entreprises non constituées en société (entreprises familiales) qui ne sont pas enregistrées ou ne tiennent pas de comptabilité officielle et ne sont pas dans le secteur primaire (agriculture). 28 Banque mondiale - ONPES Les possibilités de génération de revenus dans les zones urbaines sont limitées par un double problème: la rareté des emplois et la prévalence d’emplois mal rémunérés. Le chômage touche 40% de la main-d’œuvre urbaine et près de 50% de la main-d’œuvre féminine. Le taux de chômage des jeunes dépasse les 60%, ce qui suscite des préoccupations non seulement d’ordre économique, mais aussi social23. Trouver un emploi constitue un véritable défi et un exercice très décou- rageant pour beaucoup. Haïti affiche un faible taux d’activité économique compa- rativement à la région: 60% seulement des personnes en âge de travailler (15-64) sont sur le marché du travail, par rapport, par exemple, à 70% dans la République dominicaine voisine. Parmi ceux qui trouvent un emploi, 60% ont des revenus in- férieurs au salaire minimum, et les femmes gagnent, en moyenne, 32% moins que les hommes24. L’éducation joue un rôle essentiel dans l’amélioration du bien-être dans les zo- nes urbaines: le revenu du travail est, en moyenne, 28% plus élevé chez les per- sonnes qui ont achevé le cycle d’enseignement primaire que chez celles qui n’ont pas d’instruction. Dans ce contexte, la population pauvre des milieux urbains se tourne vers l’emploi indépendant ou des micro-entreprises informelles25 comme un mécanisme de survie. Dans l’ensemble, près de 60% des pauvres se retrouvent dans ce type d’activité, et 75% des pauvres exercent dans des secteurs tels que le commerce, la construction et les services peu qualifiés. La persistance de la pauvreté rurale traduit une dépendance croissante des ménages à l’égard d’un secteur agricole à faible rendement et d’une produc- tion destinée à la consommation familiale. Au cours de la décennie, le revenu agricole (comprenant autoconsommation et revenu du travail agricole) a progres- sé au point de représenter entre 48 et 59% du revenu des trois premiers quintiles (figure O.7). Les moyens de subsistance sont fortement tributaires de l’agriculture: près de 80% des ménages exercent une activité agricole. Par ailleurs, pour la moi- tié des ménages, l’agriculture est la seule activité économique. Malheureusement, les rendements de l’agriculture sont bas et peu fiables, et cette activité s’appa- rente davantage à une stratégie de subsistance qu’à une entreprise dans un sec- teur économique productif.26 Les leçons tirées des agriculteurs les plus prospères 23 Taux de chômage élargie, comprenant non seulement ceux en âge de travailler qui n’ont pas un emploi mais en cherchent un, mais aussi ceux qui ne sont pas à la recherche d’un emploi parce qu’ils sont découragés, en attente d’une réponse d’emploi, à la retraite ou malades, mais seraient immédiatement disponibles si une opportunité se présentait. 24 C’est le chiffre obtenu après avoir tenu compte de l’âge, de l’éducation, de l’expérience, de la taille du ménage, du nombre de jeunes enfants dans le ménage, du milieu de résidence, et du secteur d’activité. 25 Composées d’une ou deux personnes (y compris le propriétaire). 26 Depuis 2000, le secteur a enregistré des résultats médiocres subissant une contraction de 0,6% par an à la suite de chocs climatiques répétés. En 2012, la production agricole a reculé de 1,3% après une série de sécheresses, de fortes pluies et d’ouragans, qui ont occasionné des pertes de cultures et de revenus saisonniers de l’ordre de 40 à 80%. La baisse de la production a conduit à une baisse de la demande de main-d’œuvre et à une hausse du coût des aliments produits localement. Les mé- nages pauvres ont subi une perte de revenu et sont confrontés à une augmentation des coûts de la consommation (prix). Voir “Haiti Food Security Outlook” (Octobre 2012–Mars 2013), Famine Early Warning System Network, Washington, DC, http:/ /www.fews.net/central-america-and-caribbean/ haiti/food-security-outlook/october-2012. 29 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté indiquent qu’améliorer l’accès aux intrants et aux marchés et soutenir la diversifi- cation des cultures sont les principaux moyens d’accroitre la productivité. Parmi les ménages pauvres, seuls 20% utilisent des engrais et des pesticides. En outre, même si la superficie des terres cultivées n’est que légèrement inférieure chez les ménages pauvres par rapport à celle des non-pauvres (1.2 ha contre 1.6 ha, respec- tivement), les pauvres dépensent deux à quatre fois moins en termes d’engrais, de pesticides, de semences et de main-d’œuvre27. Figure O.7. Évolution de la composition du revenu par habitant dans les zones rurales par quintile de revenu, 2001-12 100% 80% 60% 40% 20% 0% 2001 2012 2001 2012 2001 2012 2001 2012 2001 2012 1 2 3 4 5 Autoconsommation Revenu du travail agricole Revenu du travail non-agricole Pensions Capital Transfers privés Transfers publiques Loyer imputé Sources: ECVMAS 2012 et ECVH 2001; Calculs BM/ONPES. Pour plusieurs ménages dans les zones rurales, s’engager dans le secteur non agri- cole est la clé pour sortir de la pauvreté. Selon les données, disposer d’une activité dans le secteur non agricole en milieu rural réduit de 10 points de pourcentage la probabilité d’être pauvre. L’activité non agricole typique consiste à tenir un magasin appartenant à une ou deux personnes en faisant du commerce de détail. Les ren- dements de cette activité dépassent ceux qui proviennent de l’agriculture. Environ 40% des ménages non pauvres exercent une activité dans le secteur non agricole, un taux d’activité économique 1.5 fois plus élevé que celui que l’on enregistre chez les ménages pauvres. 27 Un tel écart pourrait résulter de contraintes de crédit et de liquidité auxquels sont confrontés les pau- vres, ainsi que le faible accès aux marchés et la connaissance sur l’utilisation des intrants (Fritschel, 2002; Kydd et al 2002; Jacoby, 1999). 30 Banque mondiale - ONPES Les flux financiers externes, y compris les envois de fonds et l’aide interna- tionale, ont également contribué au recul de la pauvreté. La proportion des ménages recevant des transferts privés en Haïti a augmenté, passant de 42 à 69% entre 2001 (ECVH 2001) et 2012 (ECVMAS 2012). Les transferts de fonds des tra- vailleurs résidant à l’étranger, provenant principalement de la République domini- caine et des États-Unis, ont constitué plus d’un cinquième du PIB d’Haïti au cours de ces dernières années. En outre, à la suite du tremblement de terre de 2010 le pays a mobilisé la solidarité internationale qui s’est traduite par un afflux sans précédent d’aide sous forme de fonds, de biens et de services. Ces flux externes ont contribué à la réduction de la pauvreté pendant la période visée, en particulier dans les zones urbaines, qui ont davantage bénéficié de l’aide. Pour de nombreux ménages migrer vers les zones urbaines à l’intérieur du pays et à l’étranger semble être une option rentable pour améliorer leur re- venu. Une analyse simple des avantages et inconvénients révèle qu’en moyenne la migration est une opération rentable. Un ménage dont un membre est un mi- grant perd environ 5,000 gourdes du fait que ce migrant ne travaille pas sur son lieu d’origine, mais ce migrant peut espérer en revanche gagner 16,000 gourdes à son lieu de destination (dont 4,000 gourdes feront l’objet d’un envoi de fonds). Les migrants éduqués gagnent en moyenne entre 20 et 30% de plus que leurs paires en milieux rurale, à parité de caractéristiques individuelles et de ménage. 5. Conclusions et implications pour les politiques de développement et de lutte contre la pauvreté Cette étude identifie trois domaines prioritaires d’intervention dans la pour- suite de la lutte contre la pauvreté, à associer aux efforts pour améliorer la gouvernance et la croissance durable: i) Augmenter les revenus engendrés en milieu rural comme urbain, afin de sortir les ménages de la pauvreté; ii) améliorer la provision de service de base, tels que la santé et l’éducation, afin d’augmen- ter le potentiel productif des ménages pauvres et vulnérables et leur fournir les moyens pour améliorer leur vies de façon durable; iii) renforcer les politiques de gestion des risques et de protection sociale, afin d’éviter la déperdition d’actifs. Il est essentiel d’augmenter le revenu des ménages pour soutenir et accélé- rer l’amélioration de leur bien-être. Dans les zones urbaines, la réalisation de cet objectif devra passer par la création d’opportunités économiques et de meil- leurs emplois, en particulier pour les jeunes et les femmes. Un niveau d’études plus élevé est corrélé par exemple à un revenu du travail plus élevé. Dans les zo- nes rurales, la stagnation des taux de pauvreté extrême et d’inégalité des revenus constatée entre 2000 et 2012 est la résultante d’une dépendance accrue vis-à-vis d’un secteur agricole à faible productivité. Dans la mesure où 80% des personnes en situation de pauvreté extrême vivent en milieu rural, il conviendrait de déve- lopper ce secteur par la mise en place de politiques favorisant la diversification 31 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté des cultures et la promotion d’un meilleur accès aux intrants et aux débouchés des Afin de combattre la pauvreté et productions agricoles. Pour finir, dans les zones urbaines comme rurales il est néces- l’inégalité de saire d’améliorer l’environnement des affaires afin de rendre l’emploi plus rentable. manière durable, Des politiques visant à améliorer la mobilité des personnes et des biens, tel que les et en parallèle investissements en infrastructures de transport ou l’inclusion financière, pourraient d’une croissance contribuer à cet objectif, tout en permettant également de mettre à profit la migra- économique tion (domestique en international). soutenue et d’une gouvernance Améliorer l’accès à l’éducation et à la santé sera d’une importance particu- améliorée les politiques doivent lière pour renforcer le capital humain des ménages et des individus. Dans un être ciblées dans contexte de possibilités économiques limitées, l’offre de services publics permet- trois domaines: tant d’accroitre la capacité d’accumulation de capital humain des ménages pauvres Investir dans est essentielle pour briser le cercle vicieux de la pauvreté intergénérationnelle. Il l’humain; stimuler est crucial d’améliorer l’accès et la qualité des services tout en réduisant les coûts les revenus et les pour les ménages afin d’améliorer les résultats de santé et d’éducation en parti- opportunités; et protéger culier pour les enfants et les femmes. Dans le secteur de l’éducation, il est primor- les pauvres dial de s’occuper du développement de la petite enfance et de cerner de manière et les vulnérables plus approfondie les facteurs déterminants l’apprentissage scolaire. L’accomplisse- des chocs. ment de la scolarisation primaire universelle requière aussi un plan stratégique et de financement à court et moyen terme, ainsi qu’une meilleure coordination avec les programmes de protection sociale. Dans le domaine de la santé, les politiques doivent viser à renforcer l’obligation pour les prestataires de services de rendre des comptes à l’État afin d’accroitre la fréquentation et la qualité des services et d’étendre les services de santé préventifs dans l’optique de réduire les coûts. Dans les deux secteurs, un système d’information permettant de mieux identifier et ci- bler les populations vulnérables, ainsi que de faire le suivi des services fournis et leur qualité, est critique pour optimiser l’utilisation des ressources disponibles. Face aux chocs récurrents et à la vulnérabilité des ménages, il importe d’accor- der la priorité à une meilleure protection sociale et à des stratégies de gestion des risques afin de protéger les moyens de survie des ménages et des indivi- dus. Un million de personnes sont vulnérables à des chocs susceptibles de les faire sombrer dans la pauvreté. En dépit de l’expansion notable des prestations de l’aide sociale grâce au programme EDE PEP, élaborer un système de ciblage, à travers, entre autres, une carte de pauvreté nationale qui permettra d’identifier les poches de pauvreté et ainsi étendre la couverture du programme, constitue une mesure es- sentielle pour renforcer l’accumulation du capital humain au sein des populations pauvres et vulnérables. Outre les mesures de protection sociale, l’identification et la compréhension a priori des risques de catastrophe sont essentielles à la pro- tection des actifs des pauvres, comme la rénovation des bâtiments à risque et la construction d’infrastructures de protection, par exemple. Il faudra aussi améliorer la capacité du pays à gérer des situations d’urgence a posteriori par le renforcement des mécanismes institutionnels. 32 Banque mondiale - ONPES Le suivi régulier de la pauvreté et des conditions de vie est une démarche nécessaire afin de promouvoir une prise de décision efficace, fondée sur des données factuelles. Le manque de données statistiques solides au niveau na- tional a été l’un des nombreux obstacles à la reconstruction et aux opérations d’urgence après le séisme. Le renforcement du système statistique national, à travers des investissements dans ce secteur, permettra au pays de disposer de données fiables de divers secteurs, à travers des recensements et enquêtes na- tionales régulières telle l’enquête sur les conditions de vies des ménages en Haï- ti qui permettra de suivre de manière régulière et systématique la pauvreté et les conditions des ménages en Haïti, tout en s’appuyant sur les nouveaux taux de référence pour le pays. Parallèlement à cela, un suivi régulier s’appuyant sur les solides données de base fournies dans ce rapport contribuera à renforcer la conception et l’efficacité des mesures de lutte contre la pauvreté. 33 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Contexte et introduction Haïti est l’un des États les plus vastes et les plus densément peuplés des Caraï- bes où les nombreux enjeux s’accompagnent d’autant de possibilités. Cet État occupe la moitié occidentale de l’Île d’Hispañola située dans la mer des Caraïbes, qu’il partage avec la République dominicaine voisine située à sa frontière orientale. Avec une population de 10.4 millions d’habitants (dont 49.5% d’hommes et 50.5% de femmes), selon les dernières projections démographiques de l’IHSI (2012), Haïti est l’un des pays les plus densément peuplés d’Amérique latine (en cinquième position après quatre autres pays des Caraïbes)28. Si 22% de la population totale vit à Port-au- Prince, une petite majorité de Haïtiens vit encore dans les zones rurales (52% contre 48% dans les zones urbaines). La population est fortement concentrée dans trois départements: L’Ouest (35.6%, principalement en milieu urbain), l’Artibonite (16.3%, principalement en milieu rural), et le Nord (près de 9.8%). Le taux de fécondité de 3.5 enfants par femme se traduit par un taux de croissance démographique de 1.6% d’après les dernières estimations, ce qui est relativement bas par rapport à d’autres pays ayant un niveau de développement économique similaire.29 La position stra- tégique d’Haïti (au centre des Caraïbes), son potentiel touristique, la jeunesse de sa population active, et son riche patrimoine culturel constituent un large éventail de possibilités économiques et géopolitiques. Et pourtant, la richesse produite dans le pays est loin d’être suffisante pour répondre aux besoins de la population: au- jourd’hui, Haïti présente un des plus faibles produit intérieur brut par habitant (PIB) d’Amérique Latine et du monde (1,575$ en 2013, en parité de pouvoir d’achat [PPA] de 2011) et occupe la 161ème place sur 186 pays dans le classement de l’Indice de développement humain du Programme des Nations Unies (figure O.1).30 28 World Development Indicators (WDI) de la Banque mondiale 29 Ce taux de croissance démographique est le résultat d’extrapolations effectuées par l’IHSI sur la base de projections démographiques pour 2010-2015. Le taux de croissance antérieur était de 2,5% et cor- respond au taux de croissance intercensitaire (1982-2003). 30 “Valeur de l’Indice de Développement Humain (IDH),” Programme de développement des Nations Unies, New York, https://data.undp.org/dataset/Human-Development-Index-HDI-value/8ruz-shxu. 34 Banque mondiale - ONPES Figure BI.1. PIB par habitant en Haïti et en Amérique latine PIB par habitant, 2012 (en dollars US PPA de 2011) 35,000 30,000 Trinité-et-Tobago 25,000 20,000 Bahamas Saint- Kitts-et-N. Chili Ant. and Bar. 15,000 Uruguay Venezuela Mexique Suriname Barbade Brésil 10,000 Costa Rica Peru D.R. Saint-Vinc.-et-G. Sainte-Lucie Dominique Équateur 5,000 Belize Jamaïque El Salvador Paraguay Guatemala Guyane Bolivie Honduras Nicaragua 0 Haïti Sources: WEO (Base de données des Perspectives de l’Économie Mondiale), Fonds monétaire international, Washington, DC, Octobre 2013, http://www.imf.org/external/pubs/ft/ weo/2013/02/weodata/index.aspx.; Indicateurs du développement dans le monde (base de données) Banque mondiale Washington DC, http:/ /data.worldbank.org/data-catalog/world- development-indicators. La performance économique des 50 dernières années fut en moyenne l’une des plus faibles au monde. Entre 1960 et 2010, Haïti a enregistré une des plus faibles performances moyennes au monde en termes de croissance (en deçà de la moyenne d’Amérique latine et des pays d’Afrique subsaharienne) (figure BI.2). Au cours de la période de 1961 à 2000, le PIB réel moyen par habitant a chuté de 1% par an en moyenne, ce qui entraîne une réduction cumulée de 45% (Banque mondiale 2006). Entre 2001 et 2009, la croissance du PIB ne fut que de 0.8% et la croissance du PIB réel par habitant de -0.8% en moyenne, tandis que le tremble- ment de terre de janvier 2010 provoquait une contraction de 5.5% de l’économie. Les quelques périodes de croissance positive ne furent que de courte durée. La plus récente période de croissance économique soutenue qu’a connue le pays re- monte aux années 70, principalement grâce à des termes d’échanges favorables et des investissements publics clés31. 31 Au cours de cette période, le secteur du tourisme s’est considérablement développé, tout comme l’industrie manufacturière légère d’assemblage naissante axée sur l’exportation profitant de la proxi- mité du marché américain et des incitations fiscales. La croissance de l’économie a favorisé l’urbani- sation et stimulé le secteur de la construction à Port-au-Prince, alimentant ainsi la consommation privée. Parallèlement à cela, l’État a soutenu la dynamique de croissance en multipliant les investis- sements publics dans des infrastructures clés, tels que les télécommunications, l’énergie et les ports. 35 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Figure BI.2. Le taux de croissance du PIB en Haïti et en Amérique latine entre 1980 et 2013 15% 10% 5% 0% 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2013 -5% -10% -15% Croissance Haiti Croissance Moyenne ALC (sauf Haiti) Source: WEO (Base de données des Perspectives économiques), Fonds monétaire international, Washington, DC, Avril 2014, http://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2014/01/weodata/index.aspx. La faible croissance économique, la mauvaise gouvernance et la fragilité du pays constituent les principales causes de la grande pauvreté et des faibles résultats enregistrés en matière de développement humain. L’analyse de la pau- vreté fondée sur des données d’enquête des ménages fut très limitée, faute de données fiables. La dernière évaluation de la pauvreté produite par la Banque mon- diale remonte à 1998. 32 Elle fait état d’une pauvreté fort répandue et d’un accès aux services de base très limité, en particulier dans les zones rurales. Ce rapport insiste fortement sur le fossé entre les zones urbaines et rurales, qu’il attribue à l’exode rural. Ce dernier exacerbe les inégalités en matière de répartition des ressources publiques en faveur des zones urbaines et de Port-au-Prince en particulier. Mal- gré cela, compte tenu des pressions démographiques, les conditions de vie dans la capitale sont caractérisées par un accès relativement limité aux services et à des conditions de logement insalubres. Indépendamment du lieu de résidence, les ménages pauvres ont en moyenne moins d’instruction, moins accès à des revenus salariaux ou des transferts de fonds (en termes absolus), et dépendent davantage d’un emploi indépendant et de la production pour la consommation familiale. Ce rapport énumérait une série de facteurs qui expliquent «l’ampleur de l’extrême pauvreté» (Banque mondiale 1998), dont: la mauvaise gouvernance et la corrup- tion; la croissance insuffisante due à une mauvaise gestion macro-économique et à de faibles investissements privés; le sous-investissement dans le capital humain 32 Cette évaluation était fondée sur une série d’enquêtes, y compris une étude sur les moyens de sub- sistance en milieu rural et une micro-enquête dans trois zones urbaines (La Saline, St. Martin et Tokio). Aucun taux national de pauvreté n’a été fourni faute de disponibilité d’une enquête nationale. 36 Banque mondiale - ONPES et la mauvaise qualité des dépenses publiques. Cette étude indiquait que l’inte- raction de «l’ensemble de ces différents facteurs, y compris la croissance démo- graphique élevée, contribuent à créer «un piège de la pauvreté» débouchant sur une augmentation de la pauvreté et son corolaire, une dégradation des conditions humaines, physiques, sociales et environnementales» (Banque mondiale 1998). En se fondant sur l’Enquête sur les conditions de vie des ménages de 2001 (ECVH 2001) et un seuil de pauvreté de 1.08 dollar par jour, l’Institut Norvégien pour les Études Internationales Appliquées (Fafo) présente en 2004 des faits schéma- tiques très semblables sur la pauvreté monétaire en Haïti, ce qui indique que la situation n’a pas évolué de façon significative, du moins depuis la fin des années 90 (Sletten et Egset 2004). Une étude de la Banque mondiale (2006) a confirmé que la faible perfor- mance économique d’Haïti depuis le début des années 1980 avait pour cause l’instabilité politique, la fragilité et la mauvaise gouvernance économique; toutefois, elle reconnaît également l’impact des chocs externes. Un mauvais environnement des affaires, la baisse des investissements dans le capital phy- sique et humain, l’érosion de l’efficacité des dépenses publiques, la faible crois- sance et, à terme, une pauvreté chronique qui s’auto-perpétue, ne sont que la résultante de la coexistence de facteurs politiques et économiques endogènes et exogènes comme suit: ŸŸ Instabilité politique: Malgré le passé glorieux d’Haïti, première république noire indépendante en 1804, l’histoire contemporaine du pays fut marquée par plu- sieurs régimes autoritaires et des soulèvements populaires, à commencer par l’époque des Duvalier (père et fils) qui a duré 26 ans, jusqu’en 1986. Depuis lors l’instabilité politique n’a fait que croître et Haïti a connu successivement 18 chefs d’État et quelques transitions démocratiques. La dernière crise politique importante a eu lieu en 2004, avec le renversement du président Jean-Ber- trand Aristide par un soulèvement populaire. ŸŸ Mauvaise gestion économique: Progressivement, les choix de politique écono- mique dès la fin des années 70 ont abouti à la création d’entreprises publiques en situation de monopole, à l’affaiblissement du secteur privé national et des investissements étrangers, et à la réduction des investissements publics dans des secteurs productifs, tels que les infrastructures clés et le capital humain, ce qui a entrainé la détérioration du potentiel de croissance du pays. ŸŸ Chocs externes de nature économique: La dépendance d’Haïti sur les produits agricoles d’exportation comme source de revenus et d’importation pour la consommation intérieure, a rendu le pays très vulnérable aux chocs extérieurs, en particulier ceux liés à la fluctuation des cours des principaux produits d’ex- portations (comme le café et le cacao) ou d’importation (tels que le riz). Le pays a connu des chocs liés aux termes de l’échange en 1981-1992 (chute des cours du café), en 2000-2002 (chute des cours du café et du cacao), et en 2008 (hausse des prix des denrées alimentaires importées). 37 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté ŸŸ Chocs externes de nature politique: En réaction à l’instabilité politique intérieure, les principaux partenaires d’Haïti ont à plusieurs reprises interrompu ou consi- dérablement réduit l’aide au développement ou les relations commerciales of- ficielles. Ce fut le cas pendant l’ère Duvalier, au cours de laquelle le pays n’a pratiquement pas reçu d’aide au développement, ou pendant la crise politique du début des années 2000. L’embargo imposé par les États-Unis entre 1991 et 1994 a eu un impact particulièrement dévastateur sur l’économie en réduisant de manière significative sa capacité de production, détruisant notamment son industrie manufacturière d’assemblage naissante pour l’exportation. ŸŸ Chocs externes d’origine climatique ou naturelle: Sa position géographique, aggravée par sa dépendance à l’agriculture, rend le pays particulièrement vul- nérable aux impacts de chocs liés au climat, tels que les ouragans et les sé- cheresses. La dégradation de l’environnement, causée par la déforestation et l’érosion des sols, a progressivement exacerbé l’impact de ces chocs qui ont une forte incidence sur l’activité économique en générale et agricole.33 En 2004, les inondations ont aggravé la crise politique en cours, causant à l’économie des pertes estimées à 5.5% du PIB. En 2008, Haïti fut frappé par quatre ouragans, pro- voquant une contraction de la production agricole de plus de 7 points de pour- centage et une hausse nationale des prix des denrées alimentaires. Le séisme de 2010 fut destructeur provoquant des déplacements et d’importantes pertes humaines, ainsi que des dégâts pour les infrastructures, les logements, et, dans une moindre mesure, les emplois. Rien qu’en 2012, le pays a été frappé par deux ouragans (Isaac et Sandy) et une sécheresse, conduisant à une croissance néga- tive de 1.3% de la production agricole nationale. En 2007, une nouvelle stratégie de réduction de la pauvreté a été finalisée, mais ses objectifs n’ont pas été complètement atteints. Dans la foulée de l’Éva- luation de la Banque mondiale de 1998 (Banque mondiale 1998) et du Profil de la pauvreté en 2004 du Fafo (Sletten et Egset 2004), un Document de stratégie de réduction de la Pauvreté découlant d’un processus très consultatif a été élaboré par le gouvernement et ses partenaires en 2007, dans le cadre de l’Initiative des pays pauvres très endettés (MPCE 2008).34 Toutefois, le rapport produit sur sa mise en œuvre (MPCE, 2011) mentionne que les revers liés à l’environnement politique, les phénomènes météorologiques extrêmes et le séisme de 2010 ont entravé la réalisation des objectifs fixés par le Document de stratégie. 33 Les zones boisées ont rétréci de 13% entre 1990 et 2010 (Programme de développement des Nations Unies, Indicateurs du développement humain, https:/ /data.undp.org/dataset/Change-en-forêt-zone- 1990-2010-/77qj-63mn) . 34 En se fondant sur les données de l’ECVH 2001 et un seuil de pauvreté de 1,08$ par jour, l’étude du Fafo (Sletten et Egset 2004) dépeint un tableau très similaire à celui de la Banque mondiale de la pau- vreté (monétaire) en Haïti, la décrivant comme un phénomène essentiellement rural, puisque 77% des personnes en situation d’extrême pauvreté vivent en dehors de l’Aire Métropolitaine. À cette époque, les ménages pauvres étaient plus susceptibles d’être dirigés par une femme, en particulier à Port-au- Prince, d’avoir moins accès à des revenus salariaux ou des transferts de fonds (en termes absolus), et de dépendre davantage d’un emploi indépendant et de l’auto-production. 38 Banque mondiale - ONPES Malgré ce sombre tableau et la situation dramatique qu’a causée le trem- blement de terre, des signes positifs sont récemment apparus. Entre 2005 et 2009, Haïti a connu une période de croissance économique soutenue (2.3% en moyenne), avec un pic en 2009 (3.1%), tirée par l’agriculture et l’industrie (figure BI.3)35.. Le retour de la croissance ainsi que d’autres signaux positifs, confirmés par l’annulation de la majeure partie de la dette publique du pays grâce à l’Initiative des pays pauvres très endettés ont fait la différence avec les précédentes pous- sées de croissance de courte durée et ont contribué à susciter l’optimisme au sein du pays et auprès de ses partenaires. L’élection démocratique de René Préval en 2004 et le début des réformes struc- turelles ont marqué le retour à la stabilité macroéconomique et politique. Le tremblement de terre qui a frappé le pays le 12 janvier 2010, a soudainement brisé cet élan. Cette tragédie a causé la mort de plus de 200.000 personnes, engen- dré des dégâts dans l’économie et les infrastructures, estimés à 120% du PIB, et provoqué la destruction de l’appareil d’État. Néanmoins, les progrès du pays vers la stabilisation politique et économique ont repris presque immédiatement après le tremblement de terre, en partie grâce à la solidarité des partenaires au déve- loppement. La reconstruction après la catastrophe, l’afflux de fonds de l’aide au développement et les envois de fonds de la diaspora haïtienne ont alimenté la reprise économique (un taux de 5.5% de croissance en 2011). L’élection de Michel Martelly fin 2010 a marqué la toute première transition entre deux présidents dé- mocratiquement élus depuis 1996 et la toute première transition politique démo- cratique entre deux partis adverses. Figure BI.3. La croissance réelle et par habitant du PIB entre 2001 et 2013 8% 6% 5.5% 4% 2% 0% 2001 2007 2011 2010 2013 2008 2012 2004 2006 2009 2003 2005 2002 -2% -4% -5% -5.5% -6% -8% Croissance du Produit Interieur Brut par tête (Prix Constants) Croissance du Produit Interieur Brut (Prix Constants) Sources: IHSI 2014; calculs de la Banque mondiale. 35 Au cours de cette période, la croissance n’a ralenti qu’en 2008 et uniquement en raison des émeu- tes liées au prix des denrées alimentaires et à la crise politique qui en a découlé. 39 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Alors que le pays fait des efforts concrets afin d’améliorer la gouvernance et mettre l’économie sur la voie d’une croissance durable et à large assise, et ce en réduisant sa dépendance à l’égard de l’aide internationale, certains signaux positifs offrent de nouvelles perspectives pour la réduction de la pauvreté. Les institutions gouvernementales ont été progressivement reconstruites à la suite du tremblement de terre, le nouveau gouvernement a de plus élaboré le Plan Stra- tégique de Développement d’Haïti (PSDH) qui fixe l’objectif de devenir une écono- mie émergente d’ici 2030. Dans cette vision, le gouvernement a repris le chemin de la réforme (à travers un plan de réforme de la gestion des finances publiques adopté en Juin 2014), ainsi que la planification des investissements à moyen terme. Le gou- vernement fait de la réduction de la pauvreté une priorité dans sa planification, et a consacré une partie croissante de son budget aux secteurs sociaux. Il est à noter qu’une nouvelle stratégie de protection sociale est en cours d’implémentation, et vise à réduire la fragmentation actuelle, à favoriser la coordination entre les organis- mes gouvernementaux, et à accroître l’efficacité en améliorant le ciblage des pro- grammes sociaux ainsi que leur suivi et évaluation. Cependant, il reste encore beau- coup à faire pour voir des résultats concrets dans l’amélioration de la gouvernance en Haïti, en particulier à l’égard de la corruption, l’efficacité du gouvernement et des investissements publics productifs. En effet, les données indiquent que la corruption et la faible efficacité du Gouvernement demeurent problématiques en Haïti36. Cette analyse de la pauvreté vise à réaliser un diagnostic détaillé du niveau, de l’évolution et des vecteurs de la pauvreté, et d’identifier divers domaines d’ac- tion prioritaires. L’objectif de cette étude conjointe ONPES/Banque mondiale est d’offrir une plate-forme de dialogue sur les politiques et leur priorisation, et contri- buer aux décisions d’allocation de ressources sur la base de l’évidence empirique solide produite. Ce travail conjoint s’appuie largement (bien que pas exclusivement) la nouvelle Enquête sur les Conditions de Vie des Ménages après le Séisme, la sur ​​ première depuis plus d’une décennie, sur les progrès réalisés par le Gouvernement en matière de mesure de la pauvreté, avec le lancement des premiers seuils na- tionaux officiels pauvreté en mai 2014 (L’encadré BI.1 présente un bref historique de la mesure de la pauvreté en Haïti) et sur la connaissance approfondie du pays par les institutions haïtiennes et les équipes sectorielles de la Banque mondiale. Le fait d’identifier un ensemble de domaines d’action prioritaires dans chacun des secteurs couverts par l’analyse est un atout de cette étude, sur la base duquel la discussion et prise de décision sur les politiques et les ressources au sein de gou- vernement et de ses partenaires se retrouveront renforcées et mieux informées. 36 Le FMI (2011) place Haïti au 56e sur 71 pays pour lesquels un indice de l’efficacité du processus de ges- tion des investissements publics est disponible. En outre, l’Indicateur de Gouvernance de la Banque mondiale pour Haïti en 2013 suggère que le pays se classe dans le premier décile en mesures telles que le contrôle de la corruption, l’efficacité du gouvernement et de l’État de droit. 40 Banque mondiale - ONPES Encadré BI.1. Historique de la mesure de la pauvreté en Haïti L’analyse de la pauvreté monétaire en Haïti a toujours été entravée par le manque de données statistiques standardisées et crédibles ain- si que l’absence de méthodologie officielle de mesure. Ceci a conduit à de multiples tentatives de mesure de la pauvreté entre 2001 et 2006, qui ont contribué à semer la confusion. Parmi les enquêtes disponibles pour effectuer ce type d’exercice citons: deux enquêtes sur les revenus et dépenses des ménages (EBCM I et II) menées par l’IHSI en 1986-1987 et 1999-2000 et une enquête sur les conditions de vie conduite en 2001 par l’IHSI en collaboration avec Fafo (ECVH 2001). Les deux premières en- quêtes comprennent des données sur la consommation et les dépenses des ménages, tandis que la troisième ne couvre que le revenu. Deux ty- pes d’analyses différentes ont été réalisés à partir de ces données: ŸŸ En 2001, un seuil de pauvreté national non officiel a été défini en se fondant sur l’approche dite du coût des besoins essentiels et sur des données de la consommation des ménages provenant de l’EBCM I et II (Pedersen et Lakewood 2001). Cet exercice a produit des taux de pau- vreté relativement comparables pour deux années, montrant un recul de la pauvreté relative à la consommation qui est passée de 59,6% en 1986/1987 à 48% en 1999-2000. Ces résultats ont cependant été contestés par la suite en raison d’une faille méthodologique dans la définition du seuil et de la composante non alimentaire (Montas 2005). D’autres calculs indiquent que l’incidence de la pauvreté est demeurée inchangée entre les deux périodes. ŸŸ Entre 2003 et 2006, la pauvreté a été mesurée en utilisant les seuils in- ternationaux de pauvreté (1 et 2$ en PPA par habitant et par jour) appli- qués aux données sur le revenu provenant de l’ECVH de 2001. Plusieurs organismes et chercheurs ont effectué la même analyse, et abouti à des taux différents de pauvreté basés sur une utilisation différente des coefficients de PPA. Ainsi, le taux de pauvreté extrême obtenu en utili- sant le seuil de 1 dollar PPA et les données de 2001 oscillait entre 48.9% (Verner 2005), 53.9% (Banque mondiale et SEDLAC 2005-2006) et 55% (PNUD, 2003). Le seul calcul du taux de pauvreté diligenté par le gouvernement et utilisé régulièrement par la suite fut effectué en 2006 sur la base des données de 2001. En 2006, le ministère de l’Économie et des Finances a demandé à l’IHSI d’élaborer un profil de la pauvreté en Haïti basé sur l’ECVH 2001 afin de faciliter les discussions à venir avec le Fonds moné- taire international sur un nouveau programme d’assistance et de préparer le terrain pour la formulation d’un Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (voir MPCE 2008). Le travail conjoint effectué par l’IHSI et Fafo, basé sur les données de revenu provenant de l’ECVH 2001, a conclu à un taux de pauvreté extrême de 56% et un taux de pauvreté de 76%. 41 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Le rapport correspondant, publié par Fafo en 2004, décrit la pauvreté comme un phénomène essentiellement rural, puisque 77% des personnes en situation d’extrême pauvreté vivent hors de l’Aire Métropolitaine (voir Sletten et Egset 2004). Entre 2001 et 2012, l’IHSI n’a effectué aucune enquête auprès des mé- nages, ce qui a freiné toute nouvelle tentative de mettre à jour le taux de pauvreté. La seule enquête nationale effectuée régulièrement tous les cinq ans est l’enquête démographique et de santé (EDS), qui, cependant, ne permet pas le suivi de la pauvreté monétaire. En 2011, la Banque mondiale a utilisé les données de deux EDS (1995 et 2005) pour étudier la pauvreté en en se basant sur les biens des ménages au cours de la période 1990- 2000, avant le séisme. L’étude a montré une amélioration de 5 points de pourcentage entre 1995 et 2005 et une détérioration de 3 points de pour- centage entre 2000 et 2004, ce qui correspond à la crise économique et politique qui a marqué la période 2001-2004. Après le séisme, l’IHSI et ses partenaires ont décidé de conduire une nouvelle enquête sur les conditions de vie des ménages, intégrant cette fois la consommation des ménages. À partir de 2010, la Banque mondiale a collaboré avec le centre de recherche français DIAL (Développement, Ins- titutions et Mondialisation) et l’IHSI pour produire une enquête représen- tative au niveau national, urbain-rural, et départemental et qui avait pour objectif de mesurer les conditions de vie des populations après le tremble- ment de terre. Cette enquête, l’ECVMAS 2012, s’est déroulée en 2012. Grâce à la disponibilité de données relatives à la consommation il fut possible de définir un seuil national de pauvreté, de calculer les taux de pauvreté liés à la consommation et de réaliser les analyses de la pauvreté tant attendues. Entre octobre 2013 et février 2014, un comité technique inter-institutionnel piloté par l’Observatoire national de la pau- vreté et de l’exclusion sociale (ONPES) et regroupant l’IHSI, le FAES et la CNSA, DPES de l’ MPCE a élaboré le premier seuil de pauvreté national offi- ciel pour Haïti, avec l’assistance technique de la Banque mondiale. Ce seuil est calculé en se fondant sur l’approche dite du coût des besoins essen- tiels et a été fixé à 81.7 HTG par jour/par tête (1.98 $ en dollars US de 2012) pour la pauvreté et à 41.6 HTG par jour/par tête (1.00$ en dollars US de 2012) pour la pauvreté extrême. Les taux de pauvreté pour l’année 2012 et les profils associés sont donc basés sur les nouveaux seuils nationaux de pauvreté officiels. La comparaison avec 2000 a été obtenue en utilisant les seuils de pauvreté élaborés en 2000 et en les actualisant, en utilisant les données de 2012 et les seuils internationaux de pauvreté utilisés en 2001 sur les données liées aux revenus et appliqués aux données liées aux revenus de 2012 42 Banque mondiale - ONPES L’analyse présentée dans cette étude de la pauvreté s’articule autour de l’im- portance de soutenir l’accumulation, l’utilisation et la protection des actifs des populations pauvres et vulnérables. Il est actuellement crucial pour le pays de créer un environnement propice à la croissance et d’assurer la prospérité, mais pour que cette croissance soit stimulée et partagée avec les populations les plus défavorisés, les actifs des pauvres et vulnérables doivent être construits, utilisés et protégés. Ces trois éléments sont nécessaires pour parvenir à une réduction durable de la pauvreté et de prospérité partagée. L’amélioration de l’accès aux actifs tels que le capital humain (éducation, santé), ainsi que le capital physique et financier, est un premier pas important dans cette direction. La promotion de l’utilisation de ces actifs et l’augmentation de leurs rendements constituent le deuxième pilier d’une véritable réduction de la pauvreté, à travers la génération de revenu. Finalement, dans un contexte où les populations sont fortement ex- posées à des chocs globaux et idiosyncratiques, il sera essentiel de protéger les actifs des pauvres à travers des filets de sécurité et des services de protection sociale pour une meilleure gestion des risques. En cohérence avec le cadre conceptuel présenté ci-dessus, le rapport est or- ganisé en trois parties: la première partie présente un diagnostic approfondi de la pauvreté et des inégalités dans le pays, y compris leur niveaux et évolution, et les profiles socio-économiques et démographiques des pauvres. La deuxième partie se réfère aux principaux vecteurs et obstacles à la réduction de la pauvreté. On y distingue trois piliers: l’accumulation d’actifs clés, à savoir l’éducation et la santé; la génération de revenus, à la fois dans les zones urbaines et rurales; et les stratégies de gestion des risques pour protéger les ménages, y compris la gestion des risques de désastres naturels et la protection sociale. Enfin, le chapitre de conclusion résume les messages clés et les domaines d’action prioritaires pour les politiques. Chacun des chapitres du présent rapport est organisé en trois par- ties principales: une introduction, un diagnostic et une section finale qui met en exergue les messages clés du chapitre. Il ressort de cette démarche que les freins à la réduction de la pauvreté de nature institutionnelle et macro, tels que les problèmes de gouvernance, de fragilité, et de faible croissance économique, ou des problèmes de disponibi- lité, soutenabilité et allocation des ressources publiques ne seront pas l’objet de l’analyse présentée dans ce rapport. Ce choix a été dicté par la possibilité d’utiliser la nouvelle enquête pour effectuer d’une analyse inédite basée exclu- sivement sur les ménages, alors que des travaux parallèles couvriront les autres dimensions, en particulier l’Examen des dépenses publiques et le Diagnostic sys- tématique du pays menés par la Banque mondiale. Les principaux objectifs de ces études seront de formuler un diagnostic des principaux freins à une croissance généralisée, en accordant une attention particulière à la gouvernance et à la ges- tion des ressources publiques. L’étude de la pauvreté, l’Examen des dépenses pu- bliques et le Diagnostic systématique du pays permettront donc de dresser un tableau complet des freins à la réduction de la pauvreté en Haïti et de proposer des pistes pour y remédier. 43 Banque mondiale - ONPES Partie I État des lieux de la pauvreté et des inégalités en 2012 45 Haïti, Investir dans l´humain pour combattre la pauvreté Chapitre 1: Profil et tendances de la pauvreté Deux ans après le tremblement de terre, la pauvreté monétaire et multidimen- sionnelle est toujours aussi marquée en Haïti, en particulier dans les zones rurales. En 2012, près de 60% de la population était pauvre, et une personne sur quatre vivait en dessous du seuil de pauvreté extrême. Près de la moitié des ménages sont considérés comme pauvres chroniques parce qu’ils vivent en dessous du seuil de pauvreté modérée et sont dépourvus d’au moins trois des sept dimensions de base du bien-être non monétaire. Dans les zones rurales, ces chiffres sont encore plus élevés: trois quarts de l’ensemble des ménages sont en situation de pauvreté mo- nétaire, et on estime que deux tiers d’entre eux vivent dans une pauvreté chronique. Le niveau de pauvreté monétaire et multidimensionnelle a légèrement baissé par rapport à 2000. L’extrême pauvreté relative à la consommation a chuté de 31 à 24% entre 2000 et 2012, et des progrès ont été accomplis en termes d’accès à l’éduca- tion et aux infrastructures de base, bien que les niveaux et la qualité demeurent fai- bles. L’inégalité des revenus qui est la plus élevée de la région (avec un coefficient de Gini de 0.61) est restée stable à ce chiffre depuis 2001. Les zones urbaines sont mieux loties que les zones rurales, en raison des transferts privés, des grandes possibilités d’emploi non agricoles, de la réduction des inégali- tés et d’un meilleur accès aux biens et services essentiels. Pour maintenir les progrès en matière de réduction de la pauvreté extrême et mo- dérée, il faudra une croissance plus forte et à plus large assise, mais aussi un effort concerté pour améliorer l’accès aux services de base dans les zones rurales, où plus de la moitié de la population réside, où l’extrême pauvreté a stagné et où l’inégalité des revenus est de plus en plus marquée. Le suivi régulier des indicateurs sociaux fournira la base de données factuelles nécessaires à une prise de décision informée. 1. Introduction Ce chapitre présente le profil de la pauvreté en Haïti et les tendances de la pauvreté depuis le début des années 2000. C’est la première fois qu’il est possible d’effec- tuer un tel diagnostic depuis plus d’une décennie. Cette analyse repose sur l’en- quête sur les conditions de vie après le séisme représentative au niveau national, menée par l’IHSI en 2012 (ECVMAS 2012) sauf indication contraire37. Les estimations de la pauvreté sont basées sur des seuils de pauvreté nationaux officiels élabo- rés par le gouvernement sur ​​ la base de nouvelles données de consommation des ménages. L’application de la nouvelle méthodologie rend délicates les comparai- sons dans le temps. Les comparaisons ont été effectuées en utilisant deux sources de données produites par l’IHSI: l’enquête sur les conditions de vie de 2001 37 L’échantillon final de l’ECVMAS 2012 comprend 23,555 personnes de 4,930 ménages. 46 Banque mondiale - ONPES (ECVH 2001), qui fournit des informations sur les caractéristiques socioéconomi- En Haïti, 2.5 millions ques de la population, et l’enquête sur le budget et les dépenses de 1999/2000 de personnes vivent (EBCM), qui fournit le seul calcul non officiel du seuil de pauvreté et des estima- sous le seuil de tions de la pauvreté basées sur la consommation. pauvreté extrême, dont 80 pourcent Le reste du chapitre est subdivisé en trois parties. La première illustre et explique en zone rurale. les tendances en matière de pauvreté et d’inégalités depuis 2000. La seconde présente une description du profil de la pauvreté en 2012 et la dernière partie conclut le chapitre par les messages clés retenir. 2. Pauvreté et extrême pauvreté: niveaux et tendances depuis 2001 La pauvreté est endémique en Haïti; le pays affiche en effet un taux de pau- vreté de 58.5% et d’extrême pauvreté de 23.8% au niveau national en 2012 (ta- bleau 1.1). Ces chiffres indiquent que près de 6.3 millions d’Haïtiens ne sont pas en mesure de satisfaire leurs besoins de consommation de base et parmi eux, envi- ron 2.5 millions de personnes ne peuvent pas se nourrir correctement. L’indicateur d’écart de pauvreté, ou déficit de la pauvreté, qui représente la distance moyenne au seuil de pauvreté, est également considérable à 24.4% au niveau national.38Ce- ci signifie qu’ en moyenne, les pauvres vivent avec moins de 60% du montant du seuil de pauvreté, soit moins de 48 G par habitant et par jour39. Tableau 1.1. La pauvreté et l’extrême pauvreté en Haïti, 2012 Pauvreté modérée Estimation Écart-type Intervalles de confiance de 95% Proportion de pauvres 58.5 0.0150 58.4 58.5 Déficit de la pauvreté 24.4 0.0083 24.3 24.4 Gravité de la pauvreté 13.4 0.0059 13.4 13.4 Extrême pauvreté Proportion de pauvres 23.8 0.0129 23.7 23.8 Déficit de la pauvreté 7.7 0.0052 7.7 7.7 Gravité de la pauvreté 3.5 0.0030 3.5 3.5 Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. 38 L’équation de Foster, Greer et Thorbecke (1984) qui permet de calculer les indicateurs de pauvreté est la suivante: Pα = 1/n Σi I(yi < z) z - yi α (1.1), z où n est la taille de la population, i représente les individus, y est la mesure de bien-être par ha- bitant (c’est-à-dire la consommation), z est le seuil de pauvreté, et I est une fonction qui prend la valeur 1 si l’énoncé est exact et 0 dans le cas contraire. Si α = 0, l’indicateur qui en résulte est le taux numérique de pauvreté (le taux de la pauvreté par habitant); si α = 1, le résultat est l’indicateur du déficit de pauvreté; et si α = 2, le résultat est l’indicateur de profondeur de la pauvreté. 39 Comme le déficit de pauvreté peut être écrit comme le produit du taux de pauvreté et la distance moyenne des ménages pauvres à la ligne de la pauvreté, un déficit de 24.4 et un taux de pauvreté de 58.5% impliquerait que le ménage pauvre vit en moyenne sur 58% de la ligne de pauvreté. 47 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Au plan géographique les taux de pauvreté et de pauvreté extrême sont consi- dérablement plus élevés dans les zones rurales. Les populations rurales sont beaucoup plus exposées que les populations urbaines au risque de sombrer dans la pauvreté. En 2012, la majorité de la population haïtienne vivait encore en milieu rural (52% contre 59% en 2001), bien que l’écart entre la population urbaine et rurale se réduise progressivement en raison de l’exode rural. La population rurale affichait un taux de pauvreté allant jusqu’à 74.9%, ce qui représente 67% du nombre total de pauvres dans le pays. En revanche, le taux de pauvreté dans les zones urbaines était de 40.6%. Port-au-Prince enregistre le plus faible taux de pauvreté du pays, avec 29.2%, et abrite 11% du nombre total de pauvres. Il en va de même pour l’extrême pauvreté qui suit une tendance analogue (figure 1.1). Figure 1.1. Incidence de la pauvreté et de l’extrême pauvreté par milieu de résidence, 2012 a. Pauvreté Urbain Rural Haïti 74.9 58.5 35.5 40.6 24 20.6 12.3 13 5.6 Proportion de pauvres Déficit de pauvreté Sévérité de la pauvreté b. Extrême pauvreté Urbain Rural Haïti 37.8 23.8 12.8 8.6 7.7 5.9 2.2 0.9 3.5 Proportion de Pauvres Déficit de pauvreté Sévérité de la pauvreté Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. 48 Banque mondiale - ONPES Non seulement la pauvreté est de plus en plus répandue en milieu rural, mais elle y est également plus ancrée. L’écart de pauvreté est de 35.5% dans les zones rurales, alors qu’il est de 12.3% dans les zones urbaines. Autrement dit, le budget des pauvres en milieu rural devrait augmenter en moyenne de 39 HTG par habi- tant et par jour pour sortir de la pauvreté, tandis que 25 HTG suffiraient en milieu urbain pour en sortir. L’intensité de la pauvreté est également plus forte dans les zones rurales, où l’indicateur d’écart de pauvreté au carré est près de quatre fois plus élevé que dans les zones urbaines (5.6 contre 20.6). Cet indicateur prend en compte l’incidence et la profondeur de la pauvreté, ainsi que les inégalités entre les pauvres. Les départements les plus touchés par la pauvreté sont ceux qui sont les plus isolés et les plus éloignés de la capitale. Ils sont géographiquement concentrés dans le Nord (Nord-Est à 79.3%, et Nord-Ouest à 81.8%) et le Sud (Grand’Anse à 79.6%).40 Dans ces départements la pauvreté est aussi la plus profonde et la plus intense du pays (annexe A). La même tendance caractérise l’extrême pauvreté (carte 1.1). Le Nord-Est et le Nord-Ouest affichent les taux les plus élevés d’inci- dence de la pauvreté. Ces deux départements et celui de la Grand’Anse ont deux caractéristiques en commun: l’éloignement de la capitale et l’isolement en rai- son de la mauvaise qualité des infrastructures de transport, qui les rend pratique- ment inaccessibles en saisons pluvieuses. Les départements où sont situées les trois plus grandes villes enregistrent également les taux de pauvreté les plus bas: L’Ouest, ou se trouve la capitale Port-au-Prince, a un taux de 39.1%; l’Artibonite, qui a pour chef-lieu les Gonaïves, la troisième plus grande ville d’Haïti et un centre d’affaires dynamique qui représente 70% de la production nationale de riz, a un taux de 60.5%; et un taux de 68.8% pour le Nord, qui abrite Cap-Haïtien, la deu- xième plus grande ville et le deuxième port commercial et touristique du pays.41 40 Haïti est découpé en cinq régions géographiques: le Nord, le Sud, la Transversale (Centre), l’Ouest, et la Région Métropolitaine. 41 Pour de plus amples informations sur les Gonaïves, voir «Haiti-USAID Best Analysis» March 2013, Office of Food for Peace, U.S. Agency for International Development, Washington, DC, http://www. usaidbest.org/docs/haitiReport.pdf. 49 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Carte 1.1. Taux de pauvreté et pauvreté extrême par département, 2012 a. Taux de la pauvreté Moins de 39% 40% à 59% 60% à 78% Plus de 79% b. Taux de l’extrême pauvreté Moins de 25% 26% à 32% 33% à 37% Plus de 37% Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Depuis 2000, la pauvreté a légèrement reculé dans l’ensemble du pays, en particulier dans les zones urbaines (figure 1.2). L’extrême pauvreté a reculé, pas- sant de 31.4% en 2000 à 24% en 2012 grâce aux progrès réalisés en zones urbaines. Si l’extrême pauvreté a perdu du terrain passant respectivement de 21 et 20% à 12 et 5% dans les autres zones urbaines et métropolitaines, elle a toutefois stagné dans 50 Banque mondiale - ONPES les zones rurales. Bien qu’il n’existe pas de données pour évaluer ces tendances, on estime que la pauvreté modérée liée à la consommation a également légère- ment reculé au cours de la dernière décennie.42 Figure 1.2. Évolution des taux de l’extrême pauvreté par milieu de résidence (2000-2012) Incidence de pauvreté - (% de la population) 37.8% 40% 37.6% 31.4% 35% 23.8% 30% 20.0% 21.0% 2000 25% 2012 20% 11.9% 15% 4.6% 10% 5% 0% Haïti Rural Urbain Aire metropolitaine Sources: ECVH 2001; ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. De façon plus générale, les conditions de vie telles que mesurées par les indicateurs d’accès aux services de base se sont améliorées en Haïti depuis 2001, mais des défis demeurent (tableau 1.2). Les acquis les plus importants ont été enregistrés dans le secteur de l’éducation, où le taux de scolarisation des enfants d’âge scolaire est passé de 78 à 90%. La qualité de l’éducation demeure néanmoins une source de préoccupation: pour toute une série de raisons conju- guant le début tardif de la scolarité, le décrochage scolaire et le redoublement, seul un tiers des enfants âgés de 14 ans est dans une classe correspondant à son âge.43 Le taux d’aisance en plein air a baissé de 63 à 33% à l’échelle nationale entre 2000 et 2012, ce qui est en phase avec les progrès réalisés dans les zones urbaines et rurales. Toutefois, l’accès à un assainissement de qualité demeure 42 Les mesures basées sur le revenu indiquent que la pauvreté modérée a régressé passant de 77% en 2001 (ECVH 2001) à 72% en 2012 (ECVMAS 2012). Les mesures de la pauvreté basées sur la consommation sont jugées plus précises pour refléter les niveaux de bien-être, en particulier dans les pays où il existe un taux élevé de pauvreté rurale et une forte volatilité des revenus; la nouvelle mesure officielle de la pauvreté en Haïti est basée sur la consommation. D’autres mesures de la pauvreté sont présentées à l’annexe C. 43 Document de base sur l’éducation (2014), Evaluation de la pauvreté en Haïti, Banque mondiale, Washington, DC. 51 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté limité. En effet, en 2012, 31% de la population seulement avait accès à un assai- nissement amélioré à l’échelon national, un taux qui tombe à moins de 16% dans les zones rurales.44 Le niveau d’accès à des sources améliorées d’eau potable est assez similaire en milieu urbain et rural avec respectivement un taux de 55 et 52%. Toutefois, la majorité de la population urbaine restante (36%) peut obtenir de l’eau potable en l’achetant, tandis que le reste de la population rurale (40%) a recours à des sources d’eau non améliorées, avec une forte probabilité de contamination.45 L’accès à l’énergie (électricité, énergie solaire, ou générateurs) n’a augmenté que légèrement et ce grâce aux progrès dans les zones urbaines, alors qu’en zones rurales les niveaux stagnent à 11%. Tableau 1.2. L’accès aux services et infrastructures de base, 2001-2012 taux de couverture,% National Urbain Rural Indicateur 2001 2012 2001 2012 2001 2012 Enfants en âge scolaire inscrits à l’école 78.0 89.9 83.8 93.2 74.1 86.9 Accès à des sources améliorées d’eau potable Définition de l’OMSa — 53.2 — 54.9 — 51.7 Accès à l’eau du robinet (dans la maison) 7.2 11.3 13.1 18.2 3.2 4.9 Définition élargieb — 72.7 — 90.7 — 56.2 Eau traitée (achetée) — 19.5 — 35.8 — 4.5 Accès à l’énergiec 31.8 35.9 62.2 62.6 11.1 11.3 Taux d’aisance en plein aird 63.1 33.0 44.3 11.2 76.0 53.0 Accès à un assainissement améliorée — 31.3 — 47.9 — 15.9 Habitat, matériaux de construction non dangereux 48.4 60.1 70.8 81.3 33.1 40.6 Sources: ECVH 2001; ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Remarque: — = non disponible. OMS = Organisation mondiale de la Santé a. Selon la définition internationale (OMS), l’accès à l’eau potable améliorée se mesure au pourcentage de la population utilisant des sources améliorées d’eau potable: raccordement domestique, borne-fontaine, forage, puits protégés, sources protégées, eau de pluie. b. La définition élargie comprend la définition internationale (OMS), plus l’eau traitée (achetée). c. Comprend l’électricité, l’énergie solaire, et les générateurs. d. Le taux d’aisance en plein air mesure la proportion de personnes privées d’accès à tous sanitaires (améliorés et non améliorés). Il correspond au taux de défécation en plein air utilisé par les Nations Unies et il s’agit d’un des objectifs du millénaire (OMD), au cœur des discussions de l’agenda post-2015.. Il est passé de 63 à 33% à l’échelle nationale entre 2000 et 2012, ce qui est en phase avec les progrès réalisés dans les zones urbaines et rurales. e. L’assainissement amélioré est l’accès à des toilettes à chasse d’eau ou à des latrines améliorées publiques ou privées. 44 L’amélioration de l’assainissement comprend les toilettes à chasse d’eau ainsi que les latrines amélio- rées. Selon l’OMS et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, les latrines améliorées sont celles qui isolent de façon hygiénique les excreta humains de tout contact humain. 45 Tel que les logements construits à l’aide de matériaux dangereux, les sources d’eau non traitée, l’utili- sation des eaux de surface (rivières, lacs). 52 Banque mondiale - ONPES En Haïti les inégalités des revenus sont élevées, et se sont creusées en mi- 20 pourcent des lieu rural. Si le taux d’inégalité des revenus (coefficient de Gini) stagne à 0.61 de- ménages les plus puis plus de 10 ans, il s’est détérioré dans les zones rurales en passant de 0.50 à riches disposent 0.56.46 En outre le quintile supérieur de la distribution concentre plus de 60% de de 64 pourcent du la richesse nationale et 1% de la tranche supérieure de la population dispose d’un revenu en Haïti. budget 50 fois supérieur à celui des 10% de la tranche inférieure de la popula- tion.47 De tels niveaux d’inégalité classent Haïti parmi les pays les plus inégalitai- res d’Amérique latine (figure 1.3)48. Figure 1.3. L’inégalité des revenus en Haïti et en Amérique latine a. Coefficient de Gini (basé sur le revenu) dans certains pays d’Amérique latine, autour de 2012 0.7 0.6 0.5 0.4 0.3 0.2 0.1 0 Colombie Pérou Brésil Équateur Guatemala Mexique Argentine Bolivie Costa Rica Honduras Panama El Salvador Am. Latine et Caraïbes Haïti Uruguay Paraguay RD Chili 46 Les agrégats des revenus en 2001 et 2012 ont été calculés en appliquant la même méthodologie (CEDLAS et Banque mondiale 2012). Afin d’assurer la comparabilité, aucun déflateur géographique n’a été appliqué à cet agrégat. Toutefois, le coefficient de Gini évoluerait à peine en 2012, si on appliquait un déflateur géographique (0,608 à 0,610). Une part de la stagnation du taux d’inégalité est due à la composante loyer imputé de l’agrégat de revenu, qui est de qualité douteuse dans le cas des données de 2001. Si l’on supprime cette composante des deux années, l’inégalité recule (de 0,67 à 0,63). L’inégalité continuerait à augmenter dans les zones rurales, bien que légèrement, et à se résorber dans les zones urbaines. 47 L’écart entre les 1% de la tranche supérieure et les 10% de la tranche inférieure est fort probablement surestimé parce que les ménages les plus riches ont tendance à ne pas être pleinement représen- tés dans les données sur les ménages. Les statistiques sont fondées sur les revenus des ménages. 48 L’Annexe B présente la Courbe de Lorenz au niveau national, urbain et rural. 53 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté b. Accumulation de richesse, par quintile de revenu, Haïti et Amérique latine et Caraïbes (ALC) 2012 74.0 64.6 54.8 43.1 24.2 20.3 17.8 18.6 12.9 11.0 16.0 9.7 4.0 8.1 3.8 5.2 1.8 2.8 6.2 0.9 1 2 3 4 5 Haiti LAC average Haiti-urban Haiti-rural Sources: ECVMAS 2012; PovStat 2014; données du Center for Distributive, Labor, and Social Studies (CEDLAS). Remarque: L’inégalité moyenne en Amérique latine est basée sur des agrégats de revenu. La même méthode a été utilisée pour mesurer les inégalités en Haïti. Cependant, la comparabilité n’est pas parfaite en raison des différences dans les questionnaires utilisés pour prendre en compte le revenu On estime que 60% des ménages haïtiens vivent dans une pauvreté multidi- Presque la moitié mensionnelle du fait qu’ils n’ont pas accès à au moins trois des sept composan- de la population tes de base du bien-être (éducation des enfants et des adultes, assainissement (45%) n’est pas amélioré, eau potable, source d’énergie fiable, logements construits en maté- seulement pauvre mais manque aussi riaux non dangereux, et sécurité alimentaire). (encadré 1.1) Les ménages qui vivent d’accès aux services en dessous du seuil de pauvreté et qui n’ont pas accès aux biens et services de base de base et aux sont considérés comme chroniquement pauvres: ils font face à des difficultés par- infrastructures. ticulières pour sortir de la pauvreté contrairement aux pauvres transitoires, qui peu- vent manquer de ressources monétaires, mais ont accès aux services de base. Près de la moitié des ménages en Haïti sont chroniquement pauvres, autrement dit, leurs chances d’émerger de la pauvreté et d’améliorer leurs conditions de vie sont très minces (figure 1.4). Près de 70% des ménages ruraux sont considérés comme pauvres chroniques, contre 20% des ménages urbains, ce qui illustre combien il existe peu de chances de sortir de la pauvreté dans les régions rurales d’Haïti. À l’échelle natio- nale 14% seulement des ménages sont comptabilisés parmi les pauvres transitoires 54 Banque mondiale - ONPES parce que, s’ils manquent de ressources monétaires, ils ont accès aux services de base et sont plus susceptibles de franchir le seuil de pauvreté, tandis que 12% des ménages vivent au-dessus du seuil de pauvreté modérée mais sont vulnérables à la pauvreté parce qu’ils n’ont pas accès aux services de base. Encadré 1.1. Utilisation de l’indice de pauvreté multidimensionnelle afin d’identifier la pauvreté chronique La subdivision de la pauvreté en trois catégories: pauvres chroniques, pauvres défavorisés, et pauvres transitoires, s’effectue en combinant la méthodologie de calcul de l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM) et la pauvreté monétaire telle que mesurée par l’indicateur du taux numérique de pauvreté. L’IPM, qui prend en compte des indicateurs non monétaires de la pauvreté, définit la privation comme le manque d’ac- cès aux services et infrastructures de base. Nous avons pris en compte sept dimensions de l’indicateur IPM, à savoir: le niveau de scolarité des enfants, le niveau d’études des adultes, la santé, l’eau, l’assainissement, l’énergie et l’habitat, qui ont été associées à sept indicateurs couvrant chaque dimension: l’éducation (le chef de ménage est alphabétisé); tous les enfants d’âge scolaire sont scolarisés), la santé (indice de sécurité alimentaire), l’eau (accès à une source améliorée d’eau potable), l’assai- nissement (accès à un assainissement amélioré), l’énergie (accès à une source d’énergie durable), et l’habitat (accès à un logement construit en matériaux non dangereux).49 Pour entrer dans la catégorie des pauvres selon l’IPM, les ménages doivent être privés d’accès à au moins trois de ces dimensions (López-Calva et Al. 2013). Haïti a enregistré un taux de pauvreté multidimensionnelle de 60% en 2012 (figure B1.1.1). Figure B1.1.1. Décomposition de la pauvreté en fonction de l’IPM et de la pauvreté monétaire Consommation par tête Ligne de Privés d´accès Résilients pauvreté HTG 29,909.87 Cons. pauvres Pauvres chroniques Pauvres transitoires 7 6 5 4 3 2 1 0 Pauvreté multidimensionnelle Nombre de privations Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. 49 Pour de plus amples informations sur la méthodologie, voir l’annexe D. 55 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Les pauvres chroniques sont les personnes vivant dans des ménages pri- vés d’accès aux services et infrastructures de base ou qui sont en situa- tion d’insécurité alimentaire (privés d’accès à au moins trois dimensions de l’IPM) et pauvres en termes monétaires. Les pauvres défavorisés sont des personnes vivant dans des ménages qui ne font pas partie des pau- vres monétaires, mais qui sont privés d’accès aux différentes dimensions de l’IPM. Les pauvres transitoires sont dans la catégorie des pauvres mo- nétaires mais ils ne sont pas privés d’accès aux différentes dimensions qui composent l’IPM. Enfin, sont définis comme résilients, les individus qui ne sont ni privés d’accès ni pauvres monétaires. Figure 1.4. Pauvreté chronique et transitoire, privation d’accès aux services, et résilience en Haïti, 2012 Haiti Rural Urbain 67% 49% 45% 29% 20% 21% 12% 14% 14% 11% 10% 8% Pauvres chroniques Privés d'accès Pauvres transitoires Résilients Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. 3. Profils de la pauvreté Cette section du chapitre répond à deux grandes questions: Qui sont les pau- vres? Quels sont les facteurs corrélés à la sortie de la pauvreté? Pour répondre à la première question, cette partie passe en revue les caractéristiques démogra- phiques, sociales et économiques des pauvres, tandis que pour répondre à la deu- xième question, elle explique quels sont les leviers et les dimensions qui permet- tent d’atténuer le risque de pauvreté. Ces réponses sont présentées tour à tour dans les paragraphes suivants. 56 Banque mondiale - ONPES Caractéristiques des pauvres Les pauvres vivent dans des familles nombreuses caractérisées par une plus grande dépendance économique et un moindre niveau d’études. Alors que la taille moyenne des ménages non pauvres est de 4.0 personnes par famille, les ménages pauvres comptent 5.3 personnes par famille (tableau 1.3), et 80% d’entre eux comptent au minimum cinq membres et plus. Le ratio de dépendance des ménages non pauvres est de 54% contre 88% pour les ménages pauvres, ce qui indique que la population productive subit une plus grande pression dans ces mé- nages.50 Les pauvres vivent dans des ménages où le chef de famille a en moyenne trois fois moins d’années d’études; jusqu’à 61% des chefs de famille pauvres sont analphabètes, contre 34% dans les ménages non pauvres. Ces caractéristiques sont encore plus prononcées au sein de la population en situation d’extrême pau- vreté et dans les zones rurales où la pauvreté est plus étendue et plus enracinée, ce qui est en accord avec les constats des études précédentes sur cette problé- matique51 (voir par exemple Fafo 2004; Banque mondiale, 2006; ONPES, 2014). Tableau 1.3. Caractéristiques sociodémographiques et socioéconomiques fondamentales des ménages pauvres, extrêmement pauvres et non pauvres. Moyennes Échelle nationale Urbain Rural Caractéristique Non pauvres Non pauvres Non pauvres pauvreté pauvreté pauvreté Extrême Extrême Extrême Pauvres Pauvres Pauvres Taille du ménage, personnesa 3.9 5.3 6.2 4.1 5.7 6.4 3.6 5.1 6.2 Âge du chef de famille, années 44.7 46.7 48.9 43.1 44.1 43.8 48.2 48.9 50.0 Enfants de moins de 5 ans,%a 0.3 0.7 1.0 0.4 0.7 1.0 0.3 0.7 1.0 Taux de dépendancea 53.8 88.4 114.0 53.6 79.0 115.2 54.2 95.2 113.7 Chef de famille, homme,% 56.8 56.0 59.6 53.5 49.6 48.1 63.9 61.1 62.0 Niveau d’instruction, chef de famille, 6.3 3.5 1.7 7.5 5.0 3.2 4.1 2.5 1.4 annéesa Alphabétisation, Chefs de famille qui ont > 65.8 38.5 19.6 74.2 54.1 34.5 47.6 26.1 16.5 5 ans d’études,% 50 Le ratio de dépendance est la proportion de membres du ménage âgés de 15 à 70 ans rapportée au nombre total des membres, indépendamment de l’âge. Normalement, le taux de dépendance se calcule sur la base de la tranche d’âge des 15 à 65 ans, l’âge officiel de la retraite. Toutefois, dans le cas d’Haïti où seule une petite proportion de la population active est dans le secteur formel, la limite d’âge de 65 ans n’est pas réaliste. 51 Pour une évolution des caractéristiques des ménages entre 2001 et 2012, voir l’annexe E. 57 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Chef de famille employé,% 73.2 67.8 72.9 68.7 59.8 53.2 82.8 74.2 77.1 Chef de famille chômeur,% 15.8 18.3 11.9 20.1 28.7 32.1 6.4 10.1 7.7 Chef de famille inactif,% 11.0 13.9 15.2 11.2 11.5 14.7 10.7 15.7 15.3 Membres du ménage employés, nombrea 1.4 1.5 1.6 1.3 1.3 1.2 1.6 1.6 1.7 Chef de famille employé dans l’agricul- 25.5 49.1 77.5 6.1 16.3 41.1 60.7 70.2 82.7 ture,% Chef de famille employé 17.5 6.1 1.6 24.6 9.5 2.2 4.7 4.0 1.6 dans le secteur formel,% Chef de famille employé 57.0 44.7 20.9 69.3 74.3 56.7 34.5 25.8 15.7 dans le secteur informel,% Ménages recevant des transferts privés 58.58 60.56 58.23 57.56 64.14 64.81 60.5 58.84 56.91 (hors envois de fonds),% Ménages recevant des envois de fonds,% 37.76 18.21 13.83 40.72 25.72 14.87 32.13 14.59 13.62 Consommation moyenne par habitant, HTG 58,372 22,335 10,300 60,989 23,360 11,322 52,657 21,520 10,086 Part moyenne de la nourriture 46.7 57.5 62.4 42.4 48.9 47.2 56.0 64.3 65.5 dans la consommation totale,% Accès à un assainissement amélioré,% 49.6 23.2 11.1 57.9 35.4 24.9 31.3 13.4 8.2 Accès à l’eau courante 15.3 10.6 5.4 18.4 18.1 17.8 8.6 4.6 2.8 Accès à une source d’énergie durable,% 58.3 28.2 7.9 73.0 51.3 32.4 26.1 9.8 2.8 Habitations faites avec des matériaux 80.7 57.1 28.6 88.2 75.8 53.6 64.3 42.2 23.4 non dangereux,% Taux de sécurité alimentaire,% 88.2 72.2 43.4 88.0 71.9 33.7 88.6 72.5 45.5 Remarque: Les estimations relatives aux pauvres excluent l’extrême pauvreté. Les variables représentent la proportion d’individus en pourcentage. a. Part des ménages par rapport au ménage moyen. Les ménages urbains et ruraux pauvres évoluent dans des environnements différents qui s’accompagnent de défis propres à chacun d’entre eux. Si la consommation moyenne des pauvres par habitant est similaire indépendamment du fait qu’ils vivent en milieu rural ou urbain, il existe en revanche d’importantes disparités entre les pauvres ruraux et urbains en termes de moyens de subsistance. Ainsi, les ménages ruraux consacrent une part beaucoup plus importante de leur budget de consommation aux denrées alimentaires (63%), tandis que les ménages urbains peuvent se permettre de consacrer une plus grande part de leur budget de consommation à des produits non alimentaires (55%), pour disposer notamment d’un logement de plus grande valeur, plus de biens, et d’un meilleur accès aux ser- vices. Ces différences se traduisent par une composition différente des dépenses et un meilleur accès aux biens et services dans les zones urbaines. La plupart des pauvres sont actifs mais leurs revenus sont insuffisants pour leur permettre de se hisser hors de la pauvreté, en particulier s’ils travaillent dans le secteur primaire. Près de 70% des chefs de ménages pauvres ont un emploi (contre 73% chez les non-pauvres). Cependant, 61% des ménages pauvres 58 Banque mondiale - ONPES travaillent dans le secteur de l’agriculture où le revenu moyen représente moins de 20% de la rémunération dans le secteur formel. Pour le reste, 35% travaillent dans le secteur informel, où les revenus représentent moins de la moitié de la rémunération dans le secteur formel (4%). Il en résulte que plus de la moitié des ménages pauvres exercent deux, voire plusieurs activités génératrices de revenus. Les pauvres comptent beaucoup plus que les non-pauvres sur les transferts privés et sur la production destinée à la consommation familiale et moins sur les revenus du travail (figure 1.5). Bien que le revenu du travail soit généralement la principale source de moyens de subsistance des ménages haïtiens, ce n’est pas le cas chez les personnes extrêmement pauvres, qui dépendent davantage des transferts privés (dans les zones urbaines) et de la production destinée à la consommation familiale (dans les zones rurales). De façon générale, dans les zo- nes rurales les sources de revenus des populations sont nettement moins bien re- liées aux marchés et relèvent davantage d’une économie d’autosuffisance. Dans les zones rurales 25% des moyens de subsistance proviennent de la production destinée à la consommation familiale. Figure 1.5. Composition du revenu en fonction du lieu de résidence et de la situation de pauvreté a. Composition du revenu en fonction du lieu de résidence Aire Metropolitane Autres urbain Rural Haïti 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Autoconsommation Revenu du travail Pensions Capital Bourses d'études Transfers privés Loyer imputé 59 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté b. Composition du revenu en fonction de la situation de pauvreté Loyer imputé 100% 90% Transfers privés 80% 70% Bourses d'études 60% 50% Capital 40% Pensions 30% 20% Revenu du travail 10% 0% Autoconsommation Non pauvres Pauvres Pauvres extrêmes Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Le capital humain constitue la ressource principale des pauvres, mais ils se heurtent à des obstacles bien plus importants en termes d’accès à la santé et à l’éducation52. Les enfants des ménages pauvres ont moins de chances d’être scolarisés: 87% des enfants de 6 à 14 ans issus de ménages pauvres étaient inscrits à l’école, contre 96% des enfants de ménages non pauvres. Ceci indique que la pauvreté est un obstacle important à la scolarisation, ce qui est d’ailleurs corro- boré par le fait que dans 83% des cas, le coût est la principale raison invoquée pour ne pas inscrire les enfants à l’école. Pour les plus pauvres, les difficultés fi- nancières constituent le principal obstacle à l’accès aux soins de santé, suivi du manque de moyens de transport53 . Ces freins à l’investissement dans le capital humain sont plus importants dans les zones rurales où l’incidence de la pauvreté est plus grande et la prestation de services plus restreinte. En dépit du fait que les pauvres ont un plus faible niveau d’études et état de santé, le capital humain est proportionnellement leur plus grand atout étant donné qu’ils ont un accès limité au capital physique ou financier. En outre, les pauvres souffrent dès leur plus jeune âge de malnutrition puis d’insécurité alimentaire, ce qui affecte également leur investissement dans le capital humain. L’ampleur de l’insécurité alimentaire est importante en Haïti, tou- chant 28% de la population à l’échelle nationale et 34% des habitants des zones 52 Le capital humain se définit ici au sens large comme un ensemble de biens incorporels, de compé- tences et de connaissances aptes à créer de la valeur économique et à déboucher sur une meilleure rémunération du travail. 53 Selon l’Enquête démographique et de santé de 2012 (EDS) (EDS 3), 7 femmes sur 10 âgées de 15-49 ans ne sollicitent pas d’aide médicale faute de moyens financiers, alors que 43% d’entre elles n’ont pas recours aux services médicaux faute de moyens de transport. 60 Banque mondiale - ONPES rurales.54 Les membres des ménages pauvres sont beaucoup plus susceptibles de déclarer fréquemment se coucher en ayant faim ou en manquant de nourriture que les membres des ménages non pauvres (figure 1.6). Les ménages qui ont des enfants de moins de 5 ans sont beaucoup plus susceptibles de connaître des pé- nuries alimentaires à répétition.55 En conséquence, un cinquième des enfants de moins de 5 ans souffre de malnutrition chronique (EDS 2012). Il s’agit d’un motif de préoccupation particulier, car on sait qu’une bonne nutrition en début de vie est cruciale pour le développement du cerveau et pour réussir plus tard dans la vie (Alderman et King, 2006). Figure 1.6. L’insécurité alimentaire en Haïti, 2012 Disponibilité de denrées alimentaires dans la catégorie des pauvres et des non pauvres et au sein des ménages avec et sans enfants 100 80 60 40 20 0 pauvres pauvres pauvres pauvres pauvres pauvres pauvres pauvres pauvres pauvres pauvres pauvres Non Non Non Non Non Non Pas Se sont Journée Journée de nourriture couchés entière Pas Se sont entière en ayant faim sans manger de nourriture couchés en ayant faim sans manger (enfants<5) (enfants<5) (enfants<5) Jamais(0 jours) Rarement (3-10 fois /mois) Souvent(plus de 10 fois/ mois) Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Remarque: Le questionnaire d’enquête demandait aux ménages combien de fois, au cours des quatre dernières semaines, ils se sont trouvés «sans nourriture du tout» ou qu’au moins un membre du ménage «est allé se coucher affamé» ou a «passé toute la journée sans manger.» 54 Selon la CNSA, en 2011 le taux d’insécurité alimentaire s’établissait à 28% à l’échelle nationale et à 48% dans les zones rurales. Pour mesurer l’insécurité alimentaire, la CNSA utilise un indicateur com- posite constitué de mesures quantitatives et qualitatives. Les chiffres présentés dans ce chapitre renvoient en revanche exclusivement à l’indicateur de sécurité alimentaire de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, qui est basé sur l’apport alimentaire. 55 Renforcer la protection sociale et la promotion pour accélérer la réduction de la pauvreté en Haïti. Strokova, et al. (2014). Document de travail pour l’étude de la Banque Mondiale et Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES). 2014. Haïti: investir dans l’humain pour combattre la pauvreté. Éléments de réflexion pour une prise de décision informée. Washington: Groupe de la Banque mondiale. 61 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Les pauvres en Haïti sont particulièrement vulnérables aux chocs et sont plus sus- ceptibles de recourir à des stratégies d’adaptation ayant un effet négatif sur l’ac- cumulation de capital humain et physique (figure 1.7). Le ménage haïtien type est confronté à de multiples chocs chaque année et près de 75% des ménages ont été économiquement touchés par au moins un choc en 2012.56 Les ménages en situation de pauvreté sont plus vulnérables, en particulier ceux qui vivent dans l’ex- trême pauvreté. Parmi les ménages pauvres, 95% subissent au moins un choc par an qui leur porte préjudice sur le plan économique. Dans la plupart des cas, les ménages font face grâce à une aide pécuniaire reçue d’autrui (27%) ou en modifiant leur apport alimentaire (16%).57 Toutefois, les personnes en situation d’extrême pau- vreté reçoivent relativement moins de soutien financier (17% contre 37% pour les ménages résilients) et modifient plus souvent leurs habitudes de consommation alimentaire (22 contre 10%). Si le choc frappe l’ensemble de la communauté, une énorme proportion de 56% des ménages en situation d’extrême pauvreté modifie son comportement alimentaire, contre 37% des ménages résilients. Les personnes en situation d’extrême pauvreté sont également plus susceptibles de retirer leurs enfants de l’école à la suite d’un choc, en particulier si la composition du ménage change (avec la naissance ou le décès d’un membre du ménage) ou à la suite d’une baisse du soutien financier provenant de l’extérieur du ménage, qui est souvent utilisé pour couvrir les frais de scolarité. (L’encadré 1.2 examine la question de l’iné- galité entre les sexes, un autre facteur déterminant de la pauvreté). Figure 1.7. Proportion de la population touchée par un choc climatique et niveau de pauvreté, en fonction du département Population totale Pauvres Pauvres extrêmes 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Sud-Est Centre Nord-Ouest Sud Grand'Anse Ouest Nippes Artibonite Nord Nord-Est Source: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Remarque: Le seuil de pauvreté est fixé à 29 909,87G. Le seuil de pauvreté extrême est fixé à 15 240,03 G. Les chocs climatiques sont les ouragans, les inondations, les sécheresses et les précipitations excessives. Dans le questionnaire de l’enquête figurait la question: «au cours des 12 derniers mois, votre ménage a-t-il été touché par l’un des éléments suivants?». 56 Chocs, stratégies d’adaptation and impact sur le bienêtre des ménages. Raeza-Sanchez, Fuchs, Matera (2014). Document de travail pour l’étude de la Banque Mondiale et Observatoire national de la pauvre- té et de l’exclusion sociale (ONPES). 2014. Haïti: investir dans l’humain pour combattre la pauvreté. Élé- ments de réflexion pour une prise de décision informée. Washington: Groupe de la Banque mondiale.. 57 Cette dernière stratégie consiste à: réduire la quantité de nourriture, le nombre de repas consommés ou la qualité des aliments; à consommer des aliments récoltés avant maturité; à cueillir des aliments dans la nature; et à consommer des semences comme aliments. 62 Banque mondiale - ONPES Encadré 1.2. L’inégalité entre les sexes est source de grande vulnérabilité en Haïti. Les femmes et les filles sont confrontées à des obstacles majeurs à l’accumulation de actifs, y compris de capital humain, et enregis- trent de moins bons résultats scolaires et sanitaires. Malgré les pro- grès considérables accomplis en matière de scolarisation des cohortes plus jeunes, les femmes adultes demeurent encore moins instruites que les hommes adultes et ont plus de probabilité d’être analphabètes. Les hommes adultes ont, en moyenne, deux ans d’études de plus que les femmes et ont une probabilité plus grande (de 10 points de pourcentage) d’être alphabétisés. L’arrêt précoce de la scolarité peut avoir des consé- quences à long terme. La grossesse et le mariage précoce, par exemple, représentent des dangers supplémentaires qui guettent les jeunes filles déscolarisées: 17% des Haïtiennes sont mariées à l’adolescence, contre 2% des hommes, tandis que ce pourcentage diminue chez les jeunes filles qui ont un niveau d’études supérieur (Cicmil 2013). La mortalité maternelle qui s’élève à 380 décès pour 100.000 naissan- ces vivantes, est cinq fois plus élevée que la moyenne régionale (OMS 2014a)58. Les taux de fécondité sont également bien au-dessus des statis- tiques régionales, en particulier chez les femmes chefs de ménage moins instruites: celles qui n’ont reçu aucune éducation formelle ont deux fois plus d’enfants que celles qui ont achevé au moins le cycle d’enseigne- ment secondaire supérieur. Une mauvaise nutrition est également préju- diciable, aussi bien pour les enfants que pour les mères: selon l’EDS 2012, 22% des enfants souffraient d’un retard de croissance ou étaient trop pe- tits pour leur âge, tandis que près de la moitié des femmes de 15 à 49 ans souffraient d’anémie. La prévalence du VIH/SIDA est plus élevée chez les femmes (2.7%) que chez les hommes (1.7%), ce qui résulte, parmi d’autres facteurs, du fossé de connaissances: 15% seulement des jeunes femmes possèdent des informations correctes sur les modes de prévention de la transmission du VIH sexuelle, contre 28% des jeunes hommes (Boes- ten et Poku 2009)). En outre, les faibles niveaux d’études et les normes concernant les sexes ont une incidence sur les résultats de santé: les données empiriques indiquent que les facteurs culturels jouent un rôle majeur dans le pourcentage élevé d’accouchements qui se déroulent en dehors d’un établissement de soins de santé (65%), ce qui constitue plus grand risque de mortalité maternelle. 58 Ce taux a été réfuté par le Ministère de la Santé Publique et de la Population (MSPP). 63 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Les femmes sont nettement désavantagées en termes d’utilisation des actifs et des rendements relatifs, en particulier sur le marché du tra- vail. Outre les différences en termes de dotation en ressources au départ, les femmes sont également confrontées à des obstacles supplémentaires pour entrer sur le marché du travail. En maintenant constantes plusieurs caractéristiques sociodémographiques, on constate que les femmes ont une probabilité plus grande de 20 points de pourcentage d’être au chô- mage que les hommes. Les rémunérations des femmes sont aussi 32% in- férieures à celles des hommes. Les tests statistiques montrent que plus des deux tiers de ces disparités ne peuvent s’expliquer par des caractéris- tiques observables, ce qui indique que la discrimination pourrait jouer un rôle à prendre en compte dans le résultat. Enfin, la violence fondée sur le sexe et la faible participation à la vie publique restent préoccupante en Haïti. La violence fondée sur le sexe est un problème sérieux: selon l’EDS 2012, 13% des Haïtiennes ont subi des violences sexuelles, et 29% des femmes qui ont été mariées à un moment donné, ont subi des violences conjugales, qu’elles soient d’ordre émo- tionnel, physique ou sexuel. Les personnes déplacées vivant dans des camps et des zones touchées par le séisme de 2010 sont plus particulièrement vulnérables: un sondage réalisé en 2011 a indiqué que 64% des 981 adolescentes enceintes interro- gées étaient tombées enceintes à la suite d’un viol (PotoFi 2012). La sensi- bilisation, l’amélioration de la sécurité et de la législation, et la création de perspectives économiques pour les femmes sont des mesures importan- tes pour répondre aux besoins immédiats et à long terme des femmes et des filles pour lutter contre la violence fondée sur le sexe. Les femmes n’ont que 4% des sièges au Parlement, ce qui classe Haïti au 136ème rang sur 142 pays et bien en deçà de la moyenne régionale de 26%. Au niveau national, à la date d’avril 2014, le gouvernement comptait 8 femmes ministres sur 23 et 3 femmes secrétaires d’État sur 20a. Au ni- veau local, on ne compte que 12% de femmes maires. Le gouvernement a pris des mesures pour accroître la représentation des femmes, avec no- tamment la création du Bureau pour l’égalité des sexes au Parlement et la modification de la Constitution pour fixer un quota d’au moins 30% de femmes à tous les postes publics. Toutefois, il n’existe aucun mécanisme d’application, et la mise en œuvre reste limitée à tous les niveaux de la vie politique officielle. a. CEPALSTAT (base de données), Division de la statistique, Commission économique des Nations Unies pour l’Amérique latine et les Caraïbes, Santiago, Chili, http://estadisticas.cepal. org/cepalstat/WEB_CEPALSTAT/Portada.asp?idioma=i. 64 Banque mondiale - ONPES Facteurs de risque associés à la pauvreté 59 Les familles nombreuses et les enfants sont plus susceptibles d’être pauvres. La pauvreté est trois fois plus répandue chez les ménages comptant plus de six membres que chez les ménages de moins de trois membres (73.6 contre 24.6%) (tableau 1.4). La présence de jeunes enfants se traduit le plus souvent par des taux de pauvreté plus élevés. La pauvreté est plus répandue chez les enfants et relativement moins importante chez les adultes. Près de 70% des enfants d’âge préscolaire (moins de 5 ans) vivent dans des ménages pauvres, ce qui illustre la vulnérabilité de ce groupe d’âge. Le taux de pauvreté parmi les enfants d’âge sco- laire (5-14 ans) qui est de 66%, se situe en deuxième position des taux les plus élevés, et représente 27% de l’ensemble des pauvres. Tableau 1.4. Incidence de la pauvreté, par catégorie de ménage Incidence Part,% Caractéristique Extrême Extrême Pauvreté Population Pauvreté pauvreté pauvreté Zone de résidence Urbain 40.6 8.6 48.0 33.4 17.8 Rural 74.9 37.8 52.0 66.6 82.2 Taille du ménage, personnes 1 13.5 2.5 1.4 0.3 0.2 2 24.6 6.1 4.6 1.9 1.2 3–4 41.6 11.6 24.0 17.1 11.8 5–6 58.4 22.1 32.4 32.4 30.1 7–9 73.4 34.9 27.7 34.6 40.5 10 ou plus 79.8 38.5 9.9 13.5 16.3 Composition du ménagea Age 0–4 69.3 30.7 12.0 14.0 15.0 Age 5–14 65.8 28.9 24.0 27.0 29.0 Age 15–64 54.0 20.6 59.0 55.0 51.0 Age 65 ou plus 56.0 22.5 5.0 5.0 5.0 Sexe du chef de ménage Homme 58.7 24.8 57.2 57.8 59.5 Femme 58.1 22.4 42.8 42.5 40.5 59 Pour obtenir les résultats des régressions linéaires permettant d’identifier les corrélats de la pau- vreté, voir l’annexe F. Ces régressions tiennent compte des caractéristiques démographiques et socioéconomiques telles que le niveau d’instruction du chef de ménage, la composition du ménage et la participation au marché du travail afin de calculer la consommation par habitant (logarithmique et normalisée par seuil de pauvreté). 65 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Situation du chef de ménage Marié/e 55.2 22.0 33.1 31.3 31.0 Placé/e b 66.5 30.0 36.1 41.1 45.0 Concubin/e 54.5 24.5 4.5 4.2 5.0 Célibataire 40.0 12.4 6.7 4.5 4.0 Divorcé/e 10.4 0.0 0.2 0.0 - Séparé/e (marié/e) 42.6 7.1 1.7 1.2 1.0 Séparé/e (plaçage)b 55.4 13.4 7.3 67.0 4.0 Veuf /ve 60.2 26.5 10.3 10.6 12.0 Niveau de scolarité du chef de ménage Aucun 77.6 40.2 38.4 50.9 65.3 Études primaires inachevées 61.4 21.4 22.0 23.3 19.5 Études primaires achevées 50.0 14.4 16.6 14.2 10.0 Études secondaires achevées 34.5 7.10 16.2 9.5 4.8 Études supérieures achevées 17.8 1.4 6.7 2.0 0.4 Total 58.5 23.8 100.0 100.0 100.0 Situation d’activité du chef de ménage Actif/ve 57.3 24.3 71.3 70.0 72.6 Au chômage 58.3 17.9 15.7 15.7 11.8 Inactif/ve 64.7 27.7 13.0 14.3 15.6 Secteur d’activité du chef de ménage Agriculture 76.3 41 32.7 42.8 56.1 Industrie, construction 38.3 9.5 5.0 3.2 2.0 Commerce 47.5 11.6 17.0 13.9 8.4 Transport 28.3 3.3 2.6 1.3 0.4 Éducation & santé 30.9 4.1 3.2 1.7 0.5 Autres services 38.8 11.6 10.6 7.1 5.2 Situation socioéconomique du chef de ménage Cadre 22.4 5.6 1.7 0.7 0.4 Ouvrier/ère qualifié/e 25.6 4.3 4.6 2.0 0.8 Ouvrier/ère non qualifié 39.2 8.9 5.6 3.7 2.1 Travailleur/se manuel/le 58.3 25.6 5.7 5.7 6.1 Propriétaire 68.0 33.8 29.3 34.1 41.4 Travailleur/se indépendant/e 56.5 20.3 23.4 22.8 20.1 Aide familiale 67.5 46.4 0.8 1.0 1.7 Total 58.5 22.37 100 100 100 Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. a. Pauvreté mesurée au niveau individuel, par groupe d’âge. b. Voir le corps du texte pour une explication du terme plaçage. 66 Banque mondiale - ONPES L’incidence de la pauvreté ne varie pas en fonction du sexe, mais varie par contre en fonction du statut conjugal. Contrairement à 2001, le taux de pauvre- té chez les personnes vivant dans un ménage dirigé par un homme ou une femme n’est pas statistiquement différent, à 58.3 et 59%, respectivement. Toutefois, 72% des pauvres vivent dans des ménages où le chef de famille est engagé dans une relation officielle en étant soit marié soit placé. Le placage est un terme qui dé- signe le concubinage et il est particulièrement répandu en zones rurales, où il concerne 36.2% de l’ensemble des chefs de ménage. L’incidence de la pauvreté est plus forte (de plus de 10 points de pourcentage) dans les ménages où le chef de famille est placé, que dans les ménages où le chef de famille est marié. Le taux de pauvreté est plus élevé chez les ménages dont les chefs de famille sont relativement peu instruits. L’incidence de la pauvreté est plus de quatre fois plus élevée chez les ménages dirigés par une personne sans instruction, si on les compare aux ménages dont le chef de famille a achevé un cycle d’études se- condaires ou supérieures (77.6 contre 17.8%). Les ménages dont le chef de famille est sans instruction représentent plus de 50% des pauvres, tandis qu’un nombre impressionnant de ménages (60.5%) sont dirigés par un chef de famille qui n’a pas achevé le cycle primaire. Le taux de pauvreté est plus élevé chez les chômeurs, mais seulement dans les zones urbaines. La participation au marché du travail est quelque peu as- sociée à une moindre incidence de la pauvreté mais uniquement dans les zo- nes urbaines, où le chômage accroit le taux de pauvreté de plus de 10 points de pourcentage (figure 1.8). Près de 40% des actifs dans les zones urbaines n’ont pas un revenu suffisant pour échapper à la pauvreté. La proportion correspondante est de 75.5% dans les zones rurales, et, à l’échelle nationale, on ne constate au- cune différence statistiquement significative dans les taux de pauvreté entre les actifs et les chômeurs, bien que l’on enregistre un taux de pauvreté légèrement plus élevé parmi les inactifs. Le taux de pauvreté est particulièrement élevé (76%) dans les ménages dont les chefs de famille sont actifs dans le secteur primaire (l’agriculture, la sylviculture ou la pêche par exemple) ou dans le secteur informel (45.2%) qui emploient respectivement 73 et 32.6% de la population active totale urbaine et rurale. 67 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Figure 1.8. Taux de pauvreté par région, situation économique et secteur d’activité du chef de ménage a. Par région de résidence et situation économique 75.5 78.4 80.4 77.8 59.8 60.8 63.9 61.5 50.6 45.7 39.8 44.8 Travaillent Total Total Total Travaillent Travaillent Au chômage Au chômage Au chômage Inactifs Inactifs Inactifs Urbain Rural Haïti b. Par secteur d’activité Proportion de pauvres dans le secteur % population % pauvres totaux 71 54 51 43 42 39 21 10 4 Primaire Formel Informel Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. 68 Banque mondiale - ONPES 4. Ce qu’il faut retenir Seulement 10 pourcent des ménages les Plus de 10 ans après la dernière enquête sur les conditions de vie des mé- plus pauvres en nages il est possible d’établir un nouveau diagnostic grâce à l’existence de Haïti ont accès à données récentes. La toute dernière enquête sur les conditions de vie des mé- des installations nages après le séisme (ECVMAS 2012) et la récente publication des seuils de pau- sanitaires améliorées vreté officiels par le gouvernement ont servi de base pour définir qui sont les contre 65 pourcent des ménages pauvres, décrire leurs principales caractéristiques, et déterminer les principaux les plus riches. risques liés à la pauvreté. La pauvreté est un phénomène généralisé en Haïti, mais elle est plus pro- fonde et plus intense dans les zones rurales. En 2012, le taux de pauvreté na- tionale se situait à 58.5% et le taux d’extrême pauvreté à 23.8%. L’incidence de la pauvreté est beaucoup plus élevée dans les zones rurales notamment dans le Nord. Plus de 80% des pauvres vivent en zones rurales, dont 38% vivent dans l’extrême pauvreté, comparé à 12% dans les zones urbaines et à 5% dans l’Aire Métropolitaine. De progrès ont été réalisés en matière de réduction de la pauvreté dans les zones urbaines, mais la situation stagne en zones rurales ce qui est source de préoccupation. Certes, au niveau national le taux d’extrême pauvreté a chuté, passant de 31 à 24% entre 2000 et 2012, toutefois, ce sont les progrès accom- plis dans les zones urbaines qui sont à l’origine de cette baisse car la pauvreté a stagné dans les zones rurales. Près de 70% des ménages ruraux sont considérés comme pauvres chroniques, comparativement à 20% des ménages urbains. Ceci signifie qu’ils sont doublement défavorisés: non seulement en termes monétaires mais également en termes d’accès aux services et infrastructures de base, ce qui illustre à quel point les chances sont minces de se hisser hors de la pauvreté dans les régions rurales d’Haïti. L’inégalité demeure très prononcée en termes de revenus et d’accès aux ser- vices de base, ce qui empêche les pauvres d’accumuler du capital humain et d’améliorer leur bien-être. L’inégalité des revenus est la plus forte d’Amé- rique latine; le coefficient de Gini était de 0.61 en 2012 et la tranche des 20% les plus riches de la distribution concentrent plus de 60% de la richesse nationale. Bien que l’accès aux services de base se soit amélioré depuis 2001, les niveaux restent encore bas surtout dans les zones rurales où en outre ces services sont de moindre qualité. Par ailleurs le niveau d’accès augmente avec le niveau de richesse, par conséquent les pauvres ont beaucoup moins accès aux services, y compris à l’éducation et à la santé, parce que leur coût représente un fardeau considérable pour les budgets des pauvres et donc un frein important à l’accu- mulation de capital humain. L’éducation en particulier, qui est fortement corrélée au bien-être, est restreinte chez les pauvres, affectant la capacité des pauvres à générer des revenus. 69 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Les femmes et les filles sont particulièrement vulnérables car elles se heurtent à d’importants obstacles à l’accumulation et à l’utilisation de leurs biens, en particulier de leur capital humain. Malgré les progrès appréciables réalisés dans les domaines de l’éducation et de la santé, les femmes sont toujours moins instrui- tes que les hommes et ont plus de probabilité d’être analphabètes, tandis que la mortalité maternelle reste très élevée. Outre les différences en termes de dotation en ressources au départ, les femmes Haïtiennes sont également confrontées à des obstacles supplémentaires à l’entrée sur le marché du travail, car elles ont beau- coup moins de probabilité d’être employées et gagnent significativement moins que les hommes (voire Chapitre 2). Enfin, la violence fondée sur le sexe et la faible participation à la vie publique sont courantes en Haïti. À la lumière de ce diagnostic, les messages suivants sont essentiels à prendre en compte pour une réduction accrue et durable de la pauvreté: Le suivi régulier de la pauvreté et des conditions de vie est une démarche nécessaire afin de promouvoir une prise de décision efficace, fondée sur des données factuelles. Le manque de données statistiques solides au niveau national fut l’un des nombreux obstacles à la reconstruction et aux opérations d’urgence après le séisme. Le renforcement du système statistique national, à travers des in- vestissements dans ce secteur, permettra au pays de disposer de données fiables de divers secteurs, à travers des recensements et enquêtes nationales régulières telle l’enquête sur les conditions de vies des ménages en Haïti qui permettra de suivre de manière régulière et systématique la pauvreté et les conditions des mé- nages en Haïti, tout en s’appuyant sur les nouveaux taux de référence pour le pays. Parallèlement à cela, un suivi régulier s’appuyant sur les solides données de base fournies dans ce rapport contribuera à renforcer la conception et l’efficacité des mesures de lutte contre la pauvreté. Les politiques doivent intégrer des moyens de renforcer la capacité de géné- ration de revenus des populations pauvres et de protéger plus efficacement leurs biens contre les chocs, tandis qu’une croissance économique globale reste un préalable à toute réduction de la pauvreté. Il ressort de ce diagnostic que les pauvres en Haïti se heurtent à des obstacles importants à l’accumulation, à l’exploitation, au rendement et à la protection de leurs actifs. Dans les zones urbaines, les pauvres luttent pour trouver un emploi et dépendent fortement des transferts privés; dans les zones rurales, les pauvres sont fortement tributaires de l’agriculture de subsistance où la productivité est du- rement affectée par les catastrophes naturelles fréquentes et où l’insécurité ali- mentaire est importante. Les trois quarts des Haïtiens et 95% des pauvres souffrent d’au moins un choc préjudiciable sur le plan économique par an. L’accumulation de capital humain pour saisir les meilleures opportunités et assurer la protection contre les chocs de façon à réduire les pertes et dégâts, ainsi que le recours à des stratégies de survie tant avant (ex-ante) qu’après (ex-post) les chocs, constituent des axes d’intervention prioritaires pour réduire la pauvreté chronique et promou- voir une prospérité partagée. 70 Banque mondiale - ONPES Partie II Vecteurs et contraintes liés à la réduction de la pauvreté 71 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Chapitre 2: Génération de revenus dans les zones rurales et urbaines Réduire durablement la pauvreté et les inégalités passe par le renforcement des capacités des populations rurales et urbaines à générer des revenus de manière fiable et durable. La population d’Haïti est équitablement répartie: une moitié vit en milieu rural et l’autre en milieu urbain. Bien qu’il y ait une tendance croissante à l’urbanisation, la moitié du pays dépend encore de sources de revenus tributaires des réalités rurales, ce qui se traduit par une incidence de la pauvreté de 75%. L’autre moitié s’efforce de trouver des perspectives d’emploi qui s’avèrent assez floues dans un contexte de croissance économique timide, qui peuvent les propulser au- dessus du seuil de pauvreté mais d’un jour à l’autre, les exposer fortement à des chocs socioéconomiques. Ce chapitre décrit les enjeux et opportunités de la génération de revenus en Haïti. Il est organisé comme suit.60 L’introduction traite du rôle du revenu dans les ten- dances de la pauvreté observées au cours de la dernière décennie. La seconde partie se penche sur la réalité rurale de la génération de revenus et les contrain- tes rencontrées dans le secteur productif de l’agriculture. La section suivante se penche sur les possibilités d’emploi en milieu urbain et le phénomène de l’emploi indépendant, l’un des aspects les plus saillants du marché du travail urbain. Le cha- pitre se poursuit en abordant la question de la migration et des transferts étrangers et internes qui constituent des stratégies pour compléter les revenus du travail et améliorer le bien-être. La dernière partie conclut le chapitre par les points essen- tiels à retenir. 1. Introduction L’augmentation des revenus non agricoles dans les zones urbaines est l’un des principaux facteurs expliquant les progrès réalisés en matière de réduc- tion de la pauvreté en Haïti. Dans un contexte de faible croissance économique (voir Contexte et introduction), la part du revenu non agricole a augmenté chez tous les ménages des zones urbaines, sauf pour le premier quintile vivant dans l’extrême pauvreté (figure 2.1). L’évolution vers des emplois non agricoles dans les zones urbaines illustre probablement une transition vers un emploi de meilleure qualité dans la construction, les transports et les télécommunications, des sec- teurs qui ont connu une croissance positive du PIB au cours de la période visée. Le revenu horaire moyen de la main-d’œuvre est de deux à quatre fois plus élevé 60 Ce chapitre s’appuie sur deux documents de travail élaborés par Atuesta, Cuevas et Rodella (2014), Coello et al. (2014), ONPES (2014) et Cuevas, Marzo et Scot (2014) dans le cadre de l’Étude de la Banque Mondiale et Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES). 2014. Haïti: investir dans l’humain pour combattre la pauvreté. Éléments de réflexion pour une prise de décision informée. Washington: Groupe de la Banque mondiale. 72 Banque mondiale - ONPES dans les secteurs informel et formel que dans le secteur agricole.61 En revanche, les ménages du premier quintile ont vu leur part de revenu non-agricole chuter, tandis que la contribution des transferts privés à leur revenu augmentait (envois de fonds nationaux et internationaux). Ce déplacement hors du secteur agricole a été accompagné d’une intensification des flux migratoires des zones rurales vers les zones urbaines, qui offrent de meilleures perspectives en termes économi- ques et d’accès aux services. Figure 2.1. Évolution de la composition des revenus en milieu urbain par quintile, 2001-2012 100% 80% 60% 40% 20% 0% 2001 2012 2001 2012 2001 2012 2001 2012 2001 2012 1 2 3 4 5 Autoconsommation Revenu du travail agricole Revenu du travail non-agricole Pensions Capital Transfers privés Transfers publiques Loyer imputé Sources: ECVMAS 2012 et ECVH 2001; calculs BM/ONPES. Les possibilités de génération de revenus dans les zones urbaines sont limi- tées par un double problème: la rareté des emplois et la prévalence d’em- ploi mal rémunérés. Le chômage touche 40% de la main-d’œuvre urbaine et près de 50% de la main-d’œuvre féminine. Le taux de chômage des jeunes dépasse les 60%, ce qui suscite des préoccupations non seulement d’ordre économique, mais aussi social62. Trouver un emploi63 est un tel parcours du combattant que 61 La définition du secteur informel par l’Organisation internationale du Travail regroupe l’ensemble des entreprises non constituées en société (entreprises familiales) qui ne sont pas enregistrées ou ne tiennent pas de comptabilité officielle et ne sont pas dans le secteur primaire (agriculture). 62 Taux de chômage élargi, comprenant non seulement les personnes en âge de travailler qui n’ont pas un emploi et en cherchent un, mais aussi ceux qui ne sont pas à la recherche d’un emploi parce qu’ils sont découragés, en attente d’une réponse, à la retraite ou malades, mais qui seraient immé- diatement disponibles si une opportunité se présentait. 63 Décrocher un emploi est d’autant plus difficile que les possibilités sont limitées et que les infor- mations sur les perspectives d’emploi font défaut; en outre il n’existe pas généralement de voies officielles d’accès à l’emploi: deux travailleurs salariés haïtiens sur trois ont recours à leurs réseaux personnels pour chercher et trouver un emploi (ECVMAS 2012). 73 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté beaucoup finissent par se décourager. Haïti affiche le plus faible taux d’activité éco- Plus de la moitié des travailleurs nomique comparativement à la région: 60% seulement des personnes en âge de pauvres sont travailler sont sur le marché du travail, par rapport, par exemple, à la République engagés dans le dominicaine dont le taux est de 70%. Parmi ceux qui trouvent un emploi, 60% ont secteur agricole et des revenus inférieurs au salaire minimum, et les femmes gagnent, en moyenne, 32% plus de 40% dans de moins que les hommes.64 le secteur informel, principalement L’éducation joue un rôle essentiel dans l’amélioration du bien-être dans les zones comme travailleurs urbaines: le revenu du travail est, en moyenne, 28% plus élevé chez les personnes indépendants. qui ont complété le cycle d’enseignement primaire que chez celles qui n’ont pas d’instruction. Dans ce contexte, les pauvres urbains se rabattent sur l’emploi indé- pendant ou les entreprises de deux personnes comme un mécanisme de survie. Dans l’ensemble, près de 60% des pauvres se retrouvent dans ce type d’activité, et 75% des pauvres exercent dans des secteurs tels que le commerce, la construction et les services peu qualifiés. La stagnation de la pauvreté rurale est la résultante d’une dépendance crois- sante d’un secteur agricole à faible rendement et d’une production destinée à une consommation familiale. Au cours de la décennie, le revenu agricole a pro- gressé au point de représenter 50% ou plus des revenus des trois premiers quinti- les (figure 2.2). Les moyens de subsistance sont fortement tributaires de l’agricul- ture: près de 80% des ménages exercent une activité agricole. Par ailleurs, pour la moitié des ménages, l’agriculture est la seule activité économique. Malheureu- sement, les rendements de l’agriculture sont bas et peu fiables, et cette activité s’apparente davantage à une stratégie de subsistance qu’à une entreprise dans un secteur économique productif.65 Les leçons tirées des agriculteurs les plus pros- pères indiquent qu’améliorer l’accès aux intrants et soutenir la diversification des cultures sont les principaux moyens d’accroître la productivité. Parmi les ménages pauvres, seuls 20% utilisent des engrais et des pesticides. En outre, même si la superficie des terres cultivées n’est que légèrement inférieure chez les pauvres à celle chez les non-pauvres (1.2 ha contre 1.6 ha, respectivement), les pauvres dé- pensent deux à quatre fois moins en termes d’engrais, de pesticides, de semences et de main-d’œuvre. 64 C’est le chiffre obtenu après avoir tenu compte de l’âge, de l’éducation, de l’expérience, de la taille du ménage, du nombre de jeunes enfants dans le ménage, de la localité urbaine, et du secteur d’activité. 65 Depuis 2000, le secteur a enregistré des résultats médiocres subissant une contraction de 0,6% par an à la suite de chocs climatiques répétés. En 2012, la production agricole a reculé de 1,3% après une série de sécheresses, de fortes pluies et d’ouragans, qui ont occasionné des pertes de cultures et de revenus saisonniers de l’ordre de 40 à 80%. La baisse de la production a conduit à une baisse de la demande de main-d’œuvre et à une hausse du coût des aliments produits localement. En consé- quence, les ménages pauvres ont perdu des revenus et sont confrontés à une augmentation des coûts de la consommation (Perspectives de la sécurité alimentaire en Haïti, Réseau d’alerte précoce contre la famine, octobre 2012-mars 2013). 74 Banque mondiale - ONPES Figure 2.2. Évolution de la composition des revenus en milieu rural par quintile, 2001-2012 100% 80% 60% 40% 20% 0% 2001 2012 2001 2012 2001 2012 2001 2012 2001 2012 1 2 3 4 5 Autoconsommation Revenu du travail agricole Revenu du travail non-agricole Pensions Capital Transfers publiques Transfers privés Loyer imputé Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES et ECVH 2001. Pour plusieurs ménages, s’engager dans le secteur non agricole est la clé pour sortir de la pauvreté dans les zones rurales d’Haïti. Un engagement dans le secteur non agricole en milieu rural réduit de 10% la probabilité d’être pauvre. L’activité non agricole typique consiste à tenir un magasin d’une ou deux per- sonnes en faisant du commerce de détail. Pourtant, les rendements de cette ac- tivité dépassent ceux qui proviennent de l’agriculture. Environ 40% des ménages non pauvres exercent une activité dans le secteur non agricole, un taux d’activité économique 1,5 fois plus élevé que celui que l’on enregistre chez les pauvres. Les flux financiers externes, y compris les envois de fonds et l’aide inter- nationale, ont également contribué au recul de la pauvreté. La part des mé- nages recevant des transferts privés en Haïti est passée de 42 à 69% entre 2001 et 2012, ce qui inclut les transferts nationaux et internationaux. Les envois de fonds par habitant ont augmenté de 26% entre 2001 et 2012 (en termes réels)66. Les transferts de fonds des travailleurs résidant à l’étranger, provenant principale- ment de la République dominicaine et des États-Unis, ont représenté plus d’un cinquième du PIB d’Haïti au cours de ces dernières années. Si les transferts de la République dominicaine sont plus susceptibles de réduire la pauvreté, car ils profitent généralement aux ménages les plus pauvres vivant en milieu rural, les envois de fonds provenant des États-Unis sont, en revanche, plus élevés. 66 Sur la base des données d’entrées d’envois de fonds (balance des paiements, gouvernement d’Haïti, 2014). 75 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté De plus, à la suite du tremblement de terre de 2010 la solidarité internationale s’est traduite par un afflux sans précédent d’aide sous forme de fonds, de biens et de services. Ces flux externes ont également contribué à la réduction de la pauvreté sur la période visée, en particulier dans les zones urbaines, qui ont davantage bé- néficié de l’aide. 2. Génération de revenus en zones rurales: opportunités et défis Bien que l’agriculture soit la principale activité économique des zones rurales, il existe aussi des possibilités de diversification vers l’économie non agricole. L’agriculture est l’activité économique dominante des régions rurales d’Haïti; envi- ron 78% des ménages sont actifs dans ce secteur; toutefois, près d’un tiers des mé- nages agricoles parvient également à diversifier son activité et à se lancer dans une activité non agricole (figure 2.3). En somme, environ la moitié des ménages en mi- lieu rural se consacre exclusivement à des activités agricoles, un quart se consacre uniquement au secteur non agricole, et un quart à une combinaison des deux.67 Figure 2.3. Taux d’activité agricole et non agricole des ménages ruraux Travail agricole uniquement 24% Travail non-agricole 54% uniquement Travail agricole 22% et non-agricole Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. 67 La catégorie exclusivement agricole se définit comme les ménages où tous les membres écono- miquement actifs sont engagés dans une activité agricole. Cela englobe les ménages dont tous les membres sont uniquement engagés dans des activités agricoles rémunérées. La catégorie non agricole désigne les ménages où tous les membres économiquement actifs sont engagés dans des activités non agricoles, qu’il s’agisse d’une entreprise familiale ou d’un emploi salarié ou rémunéré non agricole. La catégorie combinant les activités agricoles et non agricoles désigne les ménages où les membres économiquement actifs associent les activités agricoles et non agricoles. Parmi les activités non agricoles citons par exemple la vente de produits finis tels que des chaussures, du savon et des aliments préemballés comme le riz et les confiseries. 76 Banque mondiale - ONPES L’Ouest affiche le plus fort taux d’activité non agricole (32.4%). L’Ouest enregistre aussi les niveaux d’éducation et les taux d’alphabétisation les plus élevés, or ces deux indicateurs constituent des facteurs déterminants pour la participation à des activités non agricoles. Ce département est aussi le plus proche de Port-au-Prince, il a donc un meilleur accès aux infrastructures telles que l’électricité et l’eau po- table qui sont particulièrement importantes pour les activités non agricoles. En Haïti la grande majorité de la population active en milieu rural est absorbée par les activités économiques familiales (90%), en tant que travailleur indépen- dant ou main d’œuvre familiale non rémunérée. Autrement dit, la plupart des ac- tifs sont employés dans une exploitation agricole familiale ou une entreprise non agricole familiale où ils exercent en tant que propriétaire ou main d’œuvre non ré- munérée. Le travail salarié est particulièrement rare dans les régions rurales d’Haï- ti où seul un petit pourcentage d’individus (10%) est employé comme travailleur salarié (figure 2.4). Figure 2.4. Taux d’activité en fonction du type d’emploi 10% Salariés Travailleurs indépendants 37% Travailleurs non-rémunérés 53% Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Le travail indépendant est la catégorie d’emploi la plus répandue, tant chez les ménages agricoles que non agricoles (figure 2.5). Au sein des ménages agricoles, les actifs se répartissent à part à peu près égale entre le travail indépendant et la main d’œuvre familiale non rémunérée. D’autre part, dans le secteur non agricole, on retrouve plus fréquemment des salariés et des travailleurs indépendants que de la main d’œuvre familiale non rémunérée. À l’échelon régional, le travail indé- pendant est le type d’emploi le plus répandu dans l’ensemble des quatre régions rurales du pays. 77 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Figure 2.5. Emploi en fonction de l’activité agricole ou non agricole 100 80 60 40 20 0 Travail agricole uniquement Travail non-agricole Travail agricole uniquement et non-agricole Salariés Travaileurs non-rémunérés Travailleurs à compte propre Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Parmi les ménages ruraux, ne pas être pauvre est fortement associé à l’exercice d’une activité non agricole. Plus de 80% des ménages exclusivement agricoles sont pauvres. Les ménages agricoles capables de diversifier leur activité ont beau- coup moins de probabilité d’être pauvres.68 La pauvreté touche 75% des ménages qui diversifient leur activité. Le potentiel de réduction de la pauvreté du secteur non agricole est nettement illustré par les ménages exclusivement non agricoles qui affichent une incidence de la pauvreté inférieure à 55% (figure 2.6). Figure 2.6. Activité économique en fonction du niveau de pauvreté 100 80 60 Non Pauvres Pauvres 40 20 0 Travail agricole Travail non-agricole Travail agricole uniquement uniquement et non-agricole Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. 68 Les ménages agricoles désignent les ménages qui ont des cultures, du bétail, ou une activité salariale liée à l’agriculture. Certains de ces ménages exercent également des activités non agricoles. 78 Banque mondiale - ONPES En maintenant constantes les caractéristiques sociodémographiques des mé- nages, une analyse multivariée des corrélats de la pauvreté en milieu rural montre que (encadré 2.1): ŸŸ Avoir accès à des revenus provenant d’activités non agricoles est associée à une réduction de 10 à 12 points de pourcentage de la probabilité d’être pauvre. ŸŸ Recevoir des fonds de l’étranger est associé à une probabilité inférieure de 9 points de pourcentage de tomber dans la pauvreté. ŸŸ En ce qui concerne l’agriculture, le nombre de cultures importe davantage que leur type: en effet, chaque culture supplémentaire réduit la pauvreté de 1.25%; il n’y a pas de corrélation significative entre la pauvreté et les cultures commerciales. ŸŸ Pour chaque année supplémentaire d’éducation du chef de ménage, la proba- bilité de pauvreté diminue de 1 point de pourcentage. ŸŸ Fait intéressant, le sexe du chef de ménage n’est pas une variable prédictive de l’état de la pauvreté dans les zones rurales. Encadré 2.1. Corrélats de la pauvreté et de la sécurité alimentaire Les déterminants de la pauvreté et de la sécurité alimentaire ont été es- timés à l’aide d’un modèle Logit selon la formule suivante: Pnp= β0 + β1PNFE + β2PNFW + ϕZ + ΩZ + ΩX + λ + ε (B2.1.1) Pfs=β0 + β1PNFE + β2PNFW + ϕZ + ΩZ + ΩX + λ + ε (B2.1.1) où Pnp = 1 si les dépenses de consommation des ménages se situent au- dessus du seuil national de pauvreté de 1.98 dollar par jour (non pauvres); Pfs = 1 si les ménages sont en situation de sécurité alimentaire selon la mesure du score de diversité alimentaire des ménages (SDAM) de la FAO; PNFE = 1 si au moins un membre du ménage exerce dans une activité non agricole; PNFW = 1 si au moins un membre du ménage exerce une activité non agricole salariée, Z est un vecteur de caractéristiques des ménages agricoles, X est un vecteur de caractéristiques au niveau des ménages; les effets fixes de départements sont comptabilisés par λ, et ε est le terme d’erreur idiosyncratique. Nous calculons les modèles (B2.1.1) et (B2.1.2) pour l’ensemble de l’échan- tillon rural et le sous-échantillon de ménages agricoles afin de déter- miner s’il existe des déterminants qui sont plus susceptibles d’affecter les ménages agricoles. Pour plus de détails sur le modèle calculé, conf. l’annexe G. 79 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Agriculture En Haïti, l’agriculture est une activité économique principalement destinée à la consommation domestique, et très peu connectée au marché. En milieu rural, le ménage moyen consomme la plus grande partie de sa production. Le ratio de la production vendue par rapport à la production produite (une mesure indirecte de la connexion aux marchés) est inférieur à 40%. Par ailleurs, les pauvres sont moins bien connectés aux marchés que les non-pauvres, avec un ratio de 37 pour les pau- vres contre 43 pour les non-pauvres. Facteurs de production Les ménages agricoles en Haïti cultivent généralement des parcelles de terre relativement réduites d’environ 1.3 hectare, une taille similaire à celle de pays d’Afrique subsaharienne tels que l’Éthiopie, le Lesotho et le Malawi, où plus de 80% des exploitations agricoles ont également une superficie généralement inférieure à 1.5 hectare. Le taux propriété terrienne est élevé en milieux rural, se situant à presque 90%. Fait intéressant, les ménages pauvres et non pauvres sont tout autant susceptibles de posséder la terre qu’ils cultivent. Toutefois, les terres exploitées par les ménages non pauvres sont en moyenne 30% plus étendues que celles des ménages pauvres. La superficie des terres louées ou données en location par les ménages est réduite par rapport à la taille des parcelles détenues en pro- priété: la superficie moyenne des terres louées est d’environ 0.3 hectare (tableau 2.1). Probablement pour accroître la fertilité des sols, de nombreux agriculteurs pra- tiquent l’auto-fertilisation comme en témoigne la part importante de ménages qui laissent quelques terres en jachère. Il se pourrait aussi que le coût de l’exploitation des terres infertiles soit plus élevé que les gains escomptés, raison pour laquelle il est plus commode de laisser la terre en jachère. Tableau 2.1. Acquisition des terres %, sauf indication contraire Total Non Indicateur Femmes Hommes T-Test Pauvres T-Test rural pauvres Propriétaire des terres 89.7 89.8 89.6 −0.2 90.1 88.3 1.7 Superficie des terres, propriété, 1.0 0.9 1.1 0.1* 0.9 1.2 −0.3 hectares Terres prises en location 31.7 23.3 35.4 12.1*** 30.2 36.6 −6.4* Terres données en location 16.4 12.8 17.9 5.1** 14.9 21.0 −6.1** Jachères 34.5 31.4 35.9 0.0 34.7 33.9 0.9 Superficie des terres, cultivées, 1.3 1.2 1.4 0.2* 1.2 1.6 −0.4** hectares *** p <0,01 ** p <0,05 * p <0,1 80 Banque mondiale - ONPES Les ménages non pauvres ont un meilleur accès aux facteurs de production, notamment aux intrants liés et non liés à la main-d’œuvre. Compte tenu de l’intensité des saisons de semailles et de récolte, il n’est pas surprenant que les ménages embauchent de la main d’œuvre pour compéter la leur (tableau 2.2). Les ménages non pauvres sont non seulement plus susceptibles de recourir à de la main d’œuvre familiale et non familiale, ils emploient également un plus grand nombre de travailleurs que les pauvres.69 Cette tendance s’applique aussi aux intrants tels que les engrais, les semences et les pesticides que les non-pau- vres sont plus susceptibles d’utiliser et pour lesquels ils dépensent davantage.70 Cependant, en termes de valeur totale de la production, les ménages pauvres et non pauvres ont un niveau de dépenses équivalent. Tableau 2.2. Intrants Agricoles %, sauf indication contraire Non Indicateur Total rural Femmes Hommes T-Test Pauvres T-Test pauvres Intrants liés à la main d’œuvre Recours à une main d’œuvre non familiale 67.3 59.4 70.7 11.3*** 65.1 74.3 −9.3** Main d’œuvre non familiale, nombre 5.7 5.0 6.1 1.1 5.1 7.7 −2.5** Valeur du travail de la main d’œuvre 2,068.7 1,414.8 2,355.2 940.4** 1,663.5 3,347.7 −1,684.1*** non familiale, HTG Main d’œuvre familiale, nombre, y compris 2.6 2.4 2.6 0.2 2.7 2.2 0.5*** le propriétaire Intrants non liés à la main d’œuvre Engrais, incidence 21.1 21.3 21.0 −0.3 17.8 31.5 −13.6*** Engrais, montant dépensé, HTG 650.1 413.4 753.9 340.5 363.5 1,555.1 −1,191.6** Semences, incidence 53.8 48.8 56.0 7.2** 52.2 58.7 −6.5* Semences, montant dépensé HTG 960.2 642.4 1,099.4 457.0*** 821.0 1,399.5 −578.6*** Pesticides, incidence 20.1 16.4 21.7 5.4 19.6 21.6 −2.0 Pesticides, montant dépensé HTG 95.6 77.3 103.6 26.4 73.1 166.7 −93.6* Coût total des intrants/valeur totale 49.7 30.4 58.2 27.8*** 50.5 47.4 3.1 de la production *** p <0,01 ** p <0,05 * p <0,1 69 La main d’œuvre non familiale ne peut être subdivisée en travail rémunéré et non rémunéré (par exemple, l’échange de main-d’œuvre) parce que cette information n’est pas disponible dans l’en- quête. 70 L’enquête ne fournit pas suffisamment d’informations pour faire la distinction entre les agriculteurs qui ont acheté des semences améliorées et ceux qui ont acheté des semences ordinaires. 81 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Types d’activités agricoles Pratiquement tous les ménages agricoles produisent des cultures vivrières, tan- dis que près de la moitié produit également au moins une culture de rente. Par- mi les ménages qui produisent des cultures vivrières, 84.3% revendent une partie de la production.71 En plus des cultures, 75% des ménages élèvent des bovins et autres animaux, et 30.4 ont des activités forestières (figure 2.7). En termes de pauvreté, il n’a pas été constaté de disparités marquées entre les types d’activités agricoles que mènent les ménages pauvres et non pauvres, à l’exception des cultures de rente. Les ménages vivant au-dessus du seuil de pauvreté sont plus susceptibles de produire des cultures de rente que les ménages vivant en dessous du seuil de la pauvreté, ce qui améliore de fait leurs perspectives de génération de revenus (tableau 2.3). Figure 2.7. Part des ménages, par activité agricole Agriculture vivrière Elevage Cultures de rente Sylviculture Pêche 0% 20% 40% 60% 80% 100% Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Tableau 2.3. Activités des ménages agricoles Pourcentage Cultures Cultures Indicateur Élevage Pêche Sylviculture de rentea vivrières Total rural 49.7 97.7 74.8 4.2 30.4 Sexe du chef de ménage Femme 46.9 96.9 69.8 4.7 21.6 Homme 51.0 98.1 77.0 3.9 34.3 Situation de pauvreté Pauvres 47.8 97.6 74.1 3.2 30.8 Non pauvres 55.7 98.2 77.0 7.1 29.0 Situation de sécurité alimentaire Sécurité alimentaire 53.5 97.5 77.0 5.9 30.8 Insécurité alimentaire 42.7 98.0 70.7 1.0 29.7 a. Les cultures de rente désignent la commercialisation de mangues ou de café. 71 Le module agricole ne fournit pas d’informations sur les quantités produites, vendues ou consommées, mais fournit les chiffres pertinents. Cela limite la capacité à analyser la part de la pro- duction vendue, consommée ou autre. 82 Banque mondiale - ONPES La diversification des cultures est fréquente en Haïti. Les ménages pauvres et non pauvres ont autant de probabilité de diversifier leur production (figure 2.8). Les trois principales cultures sont le maïs, les bananes et le manioc ou l’igname. En termes de cultures de rente, les mangues sont plus couramment cultivées avec plus de 40% des ménages producteurs, contre environ 17% des ménages impliqués dans la culture du café. Les ménages agricoles produisent en moyenne​​ cinq cultures chacun, dont 70% qui cultivent au moins 4 variétés de cultures diffé- rentes sur leurs parcelles (tableau 2.4). Figure 2.8. Cultures agricoles,% de ménages producteurs Maïs Bananes Manioc, igname, etc Haricots Verts Mangues Millet Café Riz Légumes Cacahuètes 0% 20% 40% 60% 80% 100% Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Tableau 2.4. Diversité des cultures Exploitations agricoles qui produisent Indicateur Cultures, nombre moyen quatre cultures ou plus,% Total rural 4.7 72.5 Région Nord 4.6 74.6 Sud 4.9 78.6 Transversale 4.5 66.1 Ouest 4.7 73.4 Sexe du chef de ménage Femme 4.4 68.6 Homme 4.8 74.2 Situation de pauvreté Pauvres 4.6 73.0 Non pauvres 4.7 70.8 Situation de sécurité alimentaire Sécurité alimentaire 4.8 74.4 Insécurité alimentaire 4.4 69.0 83 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté En général, le secteur de l’élevage est caractérisé par de petits animaux tels que la volaille et les chèvres, sans différences notables entres ménages pau- vres et non pauvres à l’exception de l’utilisation d’intrants non liés à la main d’œuvre. L’aviculture est l’élevage le plus courant dans les zones rurales d’Haïti (figure 2.9). Bien que pauvres et non pauvres ne diffèrent pas dans l’utilisation des intrants de main-d’œuvre pour élever du bétail, les ménages non pauvres ont un meilleur accès aux intrants non liés à la main d’œuvre (par exemple, les vétérinai- res) pour leurs activités d’élevage (tableau 2.5). Figure 2.9. Pourcentage des ménages en fonction du type d’élevage Poulet Chèvres Bétail Cochons Chevalin Mouton Autres Volailles Lapins 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Tableau 2.5. Intrants destinés au bétail Pourcentage Total Non Indicateur Femmes Hommes Test-T Pauvres Test-T rural pauvres Incidence de la propriété 74.8 69.8 77.0 7.2** 74.1 77.0 −2.9 d’un élevage Intrants liés à la main d’œuvre Incidence du travail 33.5 34.1 33.2 −0.9 32.8 35.7 −2.9 Intrants non liés à la main d’œuvre, vétérinaire et autres Incidence de facteurs non liés 71.1 65.4 73.7 8.3*** 69.6 76.1 −6.5** à la main d’œuvre *** p <0.01 ** p <0.05 * p <0.1 Productivité agricole Accroître la productivité agricole est toujours considéré comme le principal mo- teur de réduction de la pauvreté et d’amélioration de la sécurité alimentaire dans les pays en développement (Banque mondiale, 2007). Environ 80% des ménages ruraux en Haïti exercent dans le secteur de l’agriculture; par conséquent, stimu- ler la productivité agricole est l’un des principaux leviers de croissance favorable 84 Banque mondiale - ONPES aux pauvres, mais aussi de réduction de l’insécurité alimentaire dans le pays. Ceci confirme combien il importe d’examiner de près les facteurs qui contribuent à l’amélioration de la productivité du secteur agricole (encadré 2.2). Encadré 2.2. Estimation des corrélats de la productivité agricole Même si les données utilisées pour l’analyse sont transversales, il est utile de comprendre les principaux facteurs de production et les caractéris- tiques contextuelles qui sont en corrélation avec la productivité accrue dans le secteur agricole. Cette analyse, par conséquent, ne prétend pas établir de lien de causalité, mais vise plutôt à établir des corrélations fia- bles. D’autres études se sont penchées sur les déterminants du secteur agricole en Haïti (voir Verner 2008). Cependant, la disponibilité de nou- velles données nous permet de mettre à jour les informations disponibles. La mesure de la productivité agricole utilisée est la valeur de la récolte totale par hectare. Conformément à la littérature, nous incluons les varia- bles suivantes comme covariés: caractéristiques du ménage telles que le sexe, le niveau d’études et l’âge du chef de famille, ainsi que la taille du ménage; la superficie des terres; les intrants physiques tels que les en- grais, les semences et les pesticides; les intrants liés à la main d’oeuvre, et d’autres caractéristiques liées aux parcelles. Les déterminants de la productivité agricole sont étudiés en utilisant une simple spécification des moindres carrés ordinaires au niveau des ménages dans la formule: 2 1n Y=β +β L+β L +Σ α lnP +Σ γ lnD +ΩX+λ+ε, (B2.2.1) 0 1 2 i i i j j j où Y est la valeur totale de la récolte par hectare, L est la taille totale des terres cultivées par le ménage en hectares, P et D représentent les i j quantités d’intrants physiques et du travail (respectivement) utilisés par le ménage, X est un vecteur des autres ménages et des caractéristiques de la parcelle; les effets fixes du département sont comptabilisés par λ, et ε est le terme d’erreur idiosyncrasiquea. En plus de l’estimation de la régression pour l’ensemble de l’échantillon rural, nous calculons éga- lement le modèle pour les ménages agricoles pauvres et non pauvres séparément afin de déterminer s’il existe des différences notables dans certains facteurs de production importants entre les ménages pauvres et non pauvres. a. Toutes les variables d’intrants physiques (log de l’utilisation d’engrais, log de l’utilisation de pesticides, log de l’utilisation de semences) renvoient à des coûts d’intrants divisés par la superficie d’hectares cultivés et normalisés par transformation logarithmique. Le fait qu’un ménage produise une culture de rente est une variable muette que ce ménage produise des mangues ou du café. La variable «aide après le séisme» est une variable fictive pour indiquer si le ménage a reçu une aide sous la forme d’intrants agricoles matériels tels que des engrais depuis le séisme. Le module ne donne pas d’informations sur les montants reçus. Le nombre d’hommes et de femmes en âge de travailler désigne les membres du ménage âgés de 15 à 64 ans. 85 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Il existe une relation inverse entre la taille de l’exploitation et la productivité agricole, un constat courant dans les pays en développement disposant d’un accès limité aux marchés d’intrants. Après avoir pris en compte les caractéris- tiques agricoles et des ménages pertinentes, on constate que les grandes parcelles sont moins productives que les petites (tableau 2.6). On note en particulier qu’une augmentation de 1% de la taille des exploitations est corrélée à une baisse de 0.6% de la productivité agricole. Cette relation inverse découle du manque d’accès aux marchés du crédit, à l’irrigation, et aux marchés d’intrants agricoles et liés à la main d’œuvre qui empêchent l’exploitation de parcelles plus grandes avec la même in- tensité que les plus petites72. Tableau 2.6. Corrélats de la productivité agricole Variables indépendantes Total rural Pauvres Non pauvres Superficie des terres Log hectares récoltés −0.464*** −0.442*** −0.446** (0.092) (0.108) (0.188) Log hectares récoltés, au carré 0.047*** 0.040*** 0.102*** (0.013) (0.014) (0.034) Intrants physiques Log utilisation d’engrais, G/hectare 0.109*** 0.101*** 0.132*** (0.020) (0.025) (0.038) Log utilisation de pesticides, G/hectare 0.042* 0.059** −0.041 (0.024) (0.028) (0.051) Log utilisation de semences, G/hectare 0.047*** 0.035** 0.094*** (0.013) (0.015) (0.030) Intrants liés à la main d’œuvre Log main d’œuvre familiale utilisée par hectare 0.206** 0.260*** 0.131 (0.081) (0.095) (0.167) Log main d’œuvre non familiale utilisée 0.195*** 0.189*** 0.151* par hectare (0.037) (0.042) (0.086) 72 Selon Barrett et al. (2010), la relation inverse (RI) entre la taille de l’exploitation et la productivité agri- cole est probablement due à l’une des trois raisons principales suivantes: (i) des marchés de facteurs de production imparfaits, (ii) l’omission de variables ou (iii) des problèmes statistiques liés à la mesure de la taille des parcelles. Comme le décrit Carletto (2013), les marchés de facteurs de production imparfaits (terre, travail, assurances) sont liés à des disparités dans les prix virtuels des facteurs de production qui à leur tour entrainent des différences dans l’application des intrants par unité de surface cultivée, corrélées d’une certaine manière à la taille des exploitations. Carletto (2013) évalue les préoccupations liées aux problèmes de mesure et conclut que les résultats de RI sont renforcés et non affaiblis par de meilleures mesures des superficies. Cela confirme les études d’Unal (2008), qui montrent qu’il existe une relation inverse en Turquie, causée par les failles du marché du travail. Mas- terson (2007) et Vadivelu et al. (2001) ont également trouvé des preuves empiriques de la relation inverse en Inde et au Paraguay. Pour de plus amples exemples, voir Eastwood et al.). 86 Banque mondiale - ONPES Autres caractéristiques agricoles/parcelle Ménage possédant du bétail −0.017 −0.037 0.085 (0.113) (0.128) (0.266) Ménage cultivant au moins une culture de rente1 0.022 0.063 −0.122 (0.113) (0.129) (0.244) Nombre de cultures exploitées 0.367*** 0.400*** 0.252*** (0.029) (0.033) (0.059) Ménage possédant la parcelle 1.977*** 1.951*** 2.159*** (0.155) (0.176) (0.338) Assistance après le séisme (engrais, outils, −0.071 −0.150 0.136 semences, boutures (0.362) (0.422) (0.729) Caractéristiques des ménages Chef de ménage Homme 0.096 0.091 0.066 (0.107) (0.121) (0.239) Age 0.026 0.026 0.024 (0.021) (0.025) (0.044) Age, au carré −0.000 −0.000 −0.000 (0.000) (0.000) (0.000) Années d’éducation 0.020 0.014 0.017 (0.018) (0.023) (0.031) Composition du ménage Hommes en âge de travailler, nombre 0.024a −0.001 0.087 (0.049) (0.055) (0.116) Femmes en âge de travailler, nombre 0.005 −0.002 0.017 (0.053) (0.061) (0.130) Dépendants −0.030 −0.025 −0.010 (0.028) (0.032) (0.076) Autres activités économiques Entreprise familiale non agricole −0.044 0.042 −0.295 (0.111) (0.129) (0.238) Autre salaire non agricole −0.309* −0.229 −0.220 (0.183) (0.207) (0.427) Indice de richesse reposant sur les actifs 0.009 0.018 −0.009 (0.008) (0.012) (0.013) Constante 3.461*** 3.294*** 3.935*** (0.559) (0.642) (1.199) 87 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Observations 1,505 1,184 321 R-carré ajusté 0.460 0.458 0.501 Remarque: La variable dépendante est le logarithme de la valeur totale de la récolte par hectare. Les estimations ponctuelles par la méthode des moindres carrés ordinaires avec des erreurs types robustes sont indiquées entre parenthèses. Les résultats pour les effets fixes liés à l’état ne sont pas présentés. *** p<0,10, ** p<0,05, * p<0,01 L’amélioration de l’accès et de l’utilisation des intrants est corrélée à une augmen- tation de la productivité aussi bien pour les ménages agricoles pauvres que non pauvres. Il existe une corrélation positive entre les intrants physiques (engrais, pes- ticides et semences), les intrants de main d’œuvre (main d’œuvre familiale et non familiale), et la productivité agricole. Une augmentation de 10% du recours à la main d’œuvre non familiale par hectare est corrélée à une augmentation d’environ 2% de la productivité agricole. Toutefois, les ménages pauvres font davantage appel à la main d’œuvre familiale, où une augmentation de 10% de la main d’œuvre familiale par hectare est corrélée à une augmentation de 2.6% de la productivité. Les ménages non pauvres ont plus de facilité à embaucher de la main d’œuvre non familiale. La diversification des cultures est corrélée à une meilleure productivité agri- cole aussi bien pour les ménages pauvres que non pauvres. Même si l’on ne peut pas en déduire un lien de causalité, la diversification semble être une bonne stratégie de gestion des risques. Ce constat peut également indiquer que la mé- thode des cultures intercalaires présente des avantages. La production de cultures commerciales (mangues et café) ne semble pas être significativement corrélée à la productivité agricole. La productivité agricole ne varie pas en fonction des caractéristiques démo- graphiques des ménages. La valeur de la récolte par hectare ne semble pas être influencée par des facteurs tels que le sexe, l’âge ou le niveau d’instruction du chef de ménage (toutes choses étant égales par ailleurs). La pression démographique et la dégradation de l’environnement sont encore d’autres facteurs importants qui contribuent à la diminution de la productivité agri- cole. Dans un pays déjà densément peuplé, la croissance soutenue de la popula- tion exerce une pression constante sur la base de ressources naturelles; la taille des exploitations a diminué au fil du temps et elles sont devenues moins productives (Dilley et al. 2005.) En outre, l’exposition d’Haïti à de fréquents ouragans et tempêtes tropicales, associée à des taux élevés d’érosion des sols a réduit la fertilité des sols et nuit à la production céréalière, causant entre 0.5 et 1.2% de pertes de productivité annuelle du secteur agricole (Banque mondiale 2005). Le déboisement intensif dans de nombreuses régions du pays a aggravé le problème d’érosion et conduit à la perte d’énormes surfaces de terre arable (Verner 2008; WB 2005). 2005; Verner 2008).73 73 Le couvert forestier constitue désormais moins de 2% de la superficie du pays (Library of Congress 2006). 88 Banque mondiale - ONPES Le secteur non agricole En milieu rural, le secteur non agricole se compose principalement d’activités liées au négoce et au commerce, et comme il constitue la source de revenus la plus fiable dans les zones rurales, il est le principal moyen de subsistance des ménages non pauvres. Environ 40% des ménages non pauvres exercent une ac- tivité dans le secteur non agricole (tableau 2.7). Les ménages non pauvres ont un meilleur accès (50% de plus) au secteur non agricole que les ménages pauvres, une différence qui est statistiquement significative. En outre, au sein des ménages non agricoles, les non pauvres sont relativement plus représentés dans des pro- fessions ou des secteurs plus qualifiés tels que l’éducation et la santé, tandis que les pauvres restent davantage concentrés dans le secteur des services peu qua- lifiés (tableau 2.8). Tableau 2.7. Activité non agricole, par type de ménage Pourcentage Non agricole salariée Autres activités Indicateur Entreprises individuelles /rémunérée non agricolesa Total rural 31.5 13.8 6.6 Sexe du chef de ménage Femme 34.6** 13.3 6.9 Homme 29.6** 14.1 6.4 Situation de pauvreté Pauvres 27.8*** 12.9 5.7** Non pauvres 40.4*** 15.9 8.7** Remarque: * Indique les différences statistiquement significatives dans chaque catégorie. a. Autre activité non agricole comprend apprentissage non rémunéré et le travail domestique. *** p <0,01 ** p <0,05 * p <0,1 Tableau 2.8. Participation des ménages à des activités non agricoles, par secteur d’activité. Pourcentage Industrie et Négoce Éducation Autres Indicateur Transport construction et commerce et santé services Total rural 15.6 63.9 6.2 8.9 24.0 Sexe du chef de ménage Femme 16.3 66.5 5.6 7.7 21.0 Homme 15.1 62.1 6.6 9.7 26.1 Situation de pauvreté Pauvres 16.9 62.2 4.9 7.8 28.5 Non pauvres 13.4 66.6 8.4 10.7 16.5 89 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté La plupart des entreprises non agricoles en milieu rural Haïti fonctionnent à pe- tite échelle dans le secteur informel et vendent surtout des produits préfabri- qués. Les entreprises non agricoles sont de nature micro et comptent en moyenne de 1.6 employé, propriétaire inclus (tableau 2.9). Une faible proportion d’entreprises em- bauchent des ouvriers: 7% seulement des ménages non pauvres et 5% des ménages pauvres. Au nombre des raisons qu’évoquent le plus fréquemment les ménages pour se lancer dans une entreprise non agricole figurent le supplément de revenus et le manque d’emplois salariés; les autres ménages constituent leur principal marché. Tableau 2.9. Profil des entreprises des ménages Nature Main-d’œuvre de l’activité. Indicateur Travailleurs Nombre Salariésa familiauxb Informel,% Moyenne % Moyenne Moyenne Total rural 1.6 5.4 2.8 1.7 100.0 Région Nord 1.5 6.6 2.1 1.4 100.0 Sud 1.9 6.8 4.2 1.9 100.0 Transversale 1.3 2.7 2.8 1.7 100.0 Ouest 1.5 5.5 1.9 1.8 100.0 Sexe du chef de ménage Femme 1.3 1.3 3.1 1.6 100.0 Homme 1.8 8.4 2.8 1.7 100.0 Situation de pauvreté Pauvres 1.5 4.6 2.3 1.6 100.0 Non pauvres 1.7 6.7 3.4 1.7 100.0 a. Subordonné à l’utilisation de main-d’œuvre salariée. b. Subordonné à l’existence d’autres membres de la famille travaillant dans l’entreprise en plus du propriétaire. 90 Banque mondiale - ONPES Encadré 2.3. Stratégie de développement rural de l’État Reconstruire la base de production agricole du pays figure au rang des principales priorités du gouvernementa. Il estime en effet qu’il est important de promouvoir le développement du secteur non agricole en milieu rural car cela est de nature à absorber l’excédent de population ac- tive non productive sortant du secteur agricole, et à ralentir l’exode rural vers les zones urbaines tout en créant des opportunités d’accroissement des revenus des ménages (Lewis 1954; Verner 2008). Le ministère des Ressources agricoles et du développement rural a mis en œuvre d’importantes réformes de politique agricole. En 2010, le gouvernement a lancé une stratégie à court et à moyen terme ainsi qu’un plan d’investissement pour la période 2013-2016. Ce plan fixe quatre principaux objectifs de développement du secteur agricole: (i) moderni- ser le ministère de l’agriculture en vue d’une meilleure gouvernance; (Ii) accroître la productivité agricole afin d’améliorer la sécurité alimentaire et d’augmenter les revenus; (Iii) développer des chaînes de valeur agri- coles, avec un accent particulier sur l’accroissement des exportations; et (vi) adopter et promouvoir une agriculture écologique afin de préserver les ressources naturelles. D’autres grandes réformes de politique agricole ont permis de changer radicalement les modalités de soutien direct aux agriculteurs. Pour la première fois, les subventions aux intrants agrico- les sont octroyées par le biais d’un système de bons, moins sujet aux distorsions que les mécanismes de subventions traditionnels appliqués uniformément en se fondant sur le prix des intrants. L’utilisation de bons a encouragé la participation accrue du secteur privé à la fourniture d’in- trants, ce qui a eu des retombées positives générales sur les non bénéfi- ciaires. Enfin, des progrès ont été accomplis en matière de renforcement des capacités des institutions clés chargées de la fourniture de biens et services publics agricoles, en particulier dans les domaines vétérinaires et phytosanitaires, mais aussi dans les domaines de la recherche et déve- loppement (R & D) et des services de vulgarisation. a. Les objectifs du Plan national d’investissement agricole (2011-2016) sont: (1) améliorer la productivité et la compétitivité du secteur agricole, (2) accroître de 25% la contribution de la productivité agricole à l’offre alimentaire nationale, (3) réduire de moitié le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire, (4) rehausser les revenus agricoles d’au moins 500 000 ménages, et (5) renforcer la résistance de la population face aux risques naturels (Arias et al. 2013.) 91 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté 3. Génération de revenus en zones urbaines: opportunités et défis Le taux d’activité économique d’Haïti est faible comparé à l’Amérique latine74, et similaire à ceux de l’Afrique subsaharienne. Moins des deux tiers de la popu- lation en âge de travailler est active sur le marché du travail. Le taux d’activité des zones urbaines est légèrement supérieur à celui des zones rurales (tableau 2.10). Tableau 2.10. Indicateurs du marché du travail - ventilés par zones géographiques %, sauf spécification contraire Taux Sous-emploi Ratio de la Taux Taux de chômage - Emploi Localité invisible population ur- d’activité d’emploi définition au informel (salaire min.) baine/rurale sens large National 64.7 44.5 31.2 49.6 70.0 0.9 Urbain 66.0 39.8 39.6 68.6 57.3 n.a. Rural 63.3 49.2 22.3 34.1 80.3 n.a. Régions Nord 63.7 42.6 33.2 46.8 76.4 0.6 Sud 66.0 50.5 23.5 37.2 78.6 0.2 Transversale 63.0 47.4 24.8 40.4 76.0 0.5 Ouest 64.3 44.4 31.0 53.7 68.3 0.6 Aire 66.4 39.9 39.9 68.0 52.5 Total urbain Métropolitaine Source: ECVMAS 2012. Remarque: Voir l’annexe H pour la définition des concepts. Les disparités entre les milieux urbains et ruraux ressortent lorsque l’on exa- mine les taux de chômage, qui sont généralement plus élevés dans les zones urbaines.75 Le taux de chômage des zones urbaines est pratiquement deux fois plus élevé que celui des zones rurales (39.6 contre 22.3% respectivement) (voir le tableau 2.10). Les taux d’activité étant similaires, ceci signifie que le taux d’emploi global est plus bas en zone urbaine. Ces constats cadrent tout à fait avec les taux d’emploi et de chômage des régions, où l’on constate que les régions qui ont les plus forts taux de population urbaine, comme l’Aire Métropolitaine et le Nord, enregistrent des 74 Quand comparé au reste de la région, le taux d’activité est calculé sur la population âgée de 15-64, alors que dans le tableaux 2.10 le même taux est calculé pour la population de plus de 15 ans, ce qui explique la différence de taux (60% vs 64.7%). 75 Il existe plusieurs définitions du chômage, du sous-emploi et de l’informel, mais pour faciliter notre exposé et tenir compte aussi des définitions les plus adaptées au contexte haïtien, ce chapitre pré- sente uniquement les résultats basés sur les définitions du chômage au sens large, du sous-emploi invisible et de l’emploi informel. Voir ces définitions à l’annexe H ainsi que celles qui ont également été examinées mais pas présentées dans le corps de texte principal. Les constatations découlant de l’application d’autres définitions sont également disponibles sur demande. 92 Banque mondiale - ONPES taux d’emploi plus bas et des taux de chômage plus élevés, alors que c’est l’in- En comparaison des verse dans les régions moins urbaines telles que le Sud. Compte tenu du poids du travailleurs formels, revenu du travail dans tous les budgets des ménages urbains haïtiens, un taux de les travailleurs chômage de près de 40% dans les zones urbaines est un sujet de préoccupation. agricoles gagnent en moyenne 75% Sur le marché du travail les rémunérations sont particulièrement basses chez de moins, et les la grande majorité des travailleurs des zones urbaines et rurales, près de 60% travailleurs informels des travailleurs dans les zones urbaines gagnent moins que le salaire minimum. 50% de moins. Ce chiffre grimpe à 80% dans les zones rurales, où la plupart des travailleurs sont employés dans l’agriculture (voir tableau 2.10). De plus, un peu moins de 70% des travailleurs des zones urbaines se trouvent dans le secteur informel.76 Dans les zones urbaines les pauvres affichent en moyenne des taux de chô- mage et de sous-emploi plus élevés que les non pauvres. Les pauvres ont plus de mal à trouver un emploi et lorsqu’ils en trouvent un, il est très souvent de qua- lité moindre; ainsi, les deux tiers des travailleurs pauvres occupent des emplois dont les revenus sont inférieurs au salaire minimum (tableau 2.11). Tableau 2.11. Indicateurs du marché du travail en milieu urbain - par niveau de pauvreté Pourcentage Non extrêmement Extrêmement Indicateur Non pauvres Pauvres pauvres pauvres Participation 66.5 64.9 66.5 62.6 Emploi 42.6 34.6 41.0 32.7 Chômage 35.9 46.6 38.3 47.7 Sous-emploi invisible 53.4 66.1 55.5 69.9 Emploi informel 67.2 71.6 68.5 69.0 Remarque: Le sous-emploi invisible désigne tous les individus qui touchent un revenu inférieur au salaire minimum. 76 La définition de l’emploi informel regroupe tous les travailleurs de la famille qui aident, tous les travail- leurs indépendants du secteur informel, et tous les actifs sans contrat écrit et sans protection sociale. Cette définition n’inclut pas les personnes qui travaillent dans le secteur primaire (agriculture). La défi- nition du secteur informel regroupe l’ensemble des entreprises non constituées en société (entreprises familiales) qui ne sont pas enregistrées ou ne tiennent pas de comptabilité officielle. Cette définition n’inclut pas les personnes qui travaillent dans le secteur primaire (agriculture). La définition du sous-em- ploi correspond ici à un sous-emploi invisible, qui comprend tous les actifs qui touchent une rémunéra- tion inférieure au montant minimum que devrait toucher un salarié (autrement dit, en l’occurrence le sa- laire minimum en vigueur avant octobre 2012 qui est de 250 HTG par jour = 7500 HTG par mois). S’il est vrai que la notion de sous-emploi est évoquée à plusieurs reprises tout au long de ce chapitre (en partie dans l’intention de permettre une comparaison internationale), sa définition, c’est-à-dire la proportion de personnes qui touchent une rémunération inférieure au salaire minimum, n’est peut-être pas le meilleur indicateur de la qualité de l’emploi et de la compétitivité des salaires dans le contexte haïtien. En fait, les revenus du travail varient considérablement d’un secteur et d’un type d’activité à l’autre, et le salaire minimum n’est pas appliqué de façon uniforme dans tous les secteurs professionnels. Pour ces raisons, et conformément à l’analyse de Herrera et Merceron (2013) qui ont étudié le sous-emploi et l’inadé- quation de l’emploi dans les pays d’Afrique subsaharienne, la partie suivante présente les pourcentages des individus qui touchent une rémunération inférieure au revenu moyen du travail dans les secteurs et professions, ce qui peut servir d’indicateur pour estimer la qualité de l’emploi et de la compétitivité des salaires sur le marché du travail. 93 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Il ressort de l’analyse des caractéristiques individuelles et des indicateurs du marché du travail que les femmes, les jeunes et les personnes moins qualifiées sont fortement désavantagés. L’analyse se penche dans un premier temps sur la question du chômage. En maintenant constantes les caractéristiques sociodémo- graphiques, les femmes ont une probabilité plus grande de 20 points de pourcen- tage d’être au chômage que les hommes77. Les jeunes travailleurs inexpérimentés sont défavorisés; en effet, pour chaque année d’expérience supplémentaire, la pro- babilité de chômage diminue d’environ 1.5 point de pourcentage. Le niveau d’études joue un rôle primordial, un rôle qui s’intensifie avec la hauteur du niveau en ques- tion. En effet, les individus qui ont achevé le premier cycle du secondaire ont une probabilité moindre de 7 points de pourcentage d’être au chômage complet que ceux qui n’ont pas d’instruction, tandis que cet écart est de 15 points pour ceux qui ont achevé le deuxième cycle du secondaire. Le sexe et l’âge sont d’importants corrélats de la probabilité d’être dans une situation de sous-emploi invisible c’est-à-dire d’avoir un revenu inférieur au salaire minimum. Toutes choses étant égales par ailleurs, les femmes ont une probabilité de 6 points de pourcentage supérieure aux hommes de toucher une rémunération inférieure au salaire minimum (annexe I, tableau I.1). Cette différence persiste même après avoir tenu compte de facteurs tels que le type d’activité que les femmes et les hommes décident d’exercer. Le sous-emploi invisible est aussi un problème qui se pose avec plus d’acuité pour les travailleurs plus jeunes (15 à 24 ans78); en effet, leur probabilité de toucher une rémunération inférieure au mi- nimum salarial est de 13 points de pourcentage supérieure à celle des travailleurs de 25 à 54 ans. L’éducation semble être un facteur atténuant fortement les risques de sous-emploi invisible. Le niveau d’études est corrélé à une baisse de la probabilité de toucher un revenu inférieur au minimum salarial (annexe I, tableau I.1). Le marché du travail tient compte de l’accumulation des compétences et de l’investissement dans ces dernières. L’expérience a aussi ses dividendes, autrement dit, la probabilité de se trouver dans une situation d’emploi invisible recule avec le nombre d’années d’expérience. Le sexe, l’âge et le niveau d’instruction sont étroitement associés à la probabili- té d’emploi informel. Les femmes sont plus susceptibles d’avoir un emploi infor- mel que les hommes. Toutes choses étant égales par ailleurs, les femmes ont une probabilité supérieure de 6 points de pourcentage de se trouver dans le secteur informel. De même, les jeunes se retrouvent davantage dans le secteur informel; en effet, la probabilité des travailleurs de 15 à 24 ans d’être dans l’informel est de 5 points supérieure à celle des travailleurs de 25 à 54 ans. Mais l’écart le plus im- portant est associé au niveau d’études, et plus il augmente plus l’écart se creuse. 77 L’analyse utilise des méthodes des moindres carrés ordinaires et des régressions probit pour étudier les facteurs associés à la probabilité de chômage. Les résultats de la régression figurent à l’annexe I. 78 Le gouvernement définit les jeunes comme les individus âgés de 15 à 24 ans. 94 Banque mondiale - ONPES Par rapport aux travailleurs sans instruction, les travailleurs qui ont achevé le pre- mier cycle secondaire ont une probabilité inférieure de 20 points d’être dans l’in- formel, tandis que ceux qui ont achevé le deuxième cycle secondaire et au-delà ont une probabilité inférieure de plus de 40 points de pourcentage d’être dans l’informel (tableau 2.11). Enfin, la rémunération horaire, une mesure de la productivité du marché du travail, confirme que l’éducation, l’expérience et le sexe sont des facteurs Les femmes ont 20 p.p. plus prépondérants. Le marché du travail récompense ceux qui ont une éducation de probabilité formelle. Achever ne serait-ce que le cycle d’enseignement de base rapporte que les hommes un revenu horaire pratiquement 30% supérieur à ceux qui n’ont pas effectué ou d’être sans emploi, achevé le cycle primaire. En outre, les dividendes de l’éducation augmentent for- et gagnent en tement avec le niveau d’études achevé. Par rapport aux individus sans instruc- moyenne 32% tion, les salaires horaires des individus qui ont achevé le premier cycle secondaire de moins que les hommes. sont près de 50% plus élevés, et de 125% plus élevés pour ceux qui ont achevé le deuxième cycle secondaire (tableau 2.11). Le marché du travail rétribue égale- ment l’expérience. Cinq années d’expérience supplémentaires sont associées à une augmentation de 15% du revenu horaire net. Les femmes touchent un salaire horaire inférieur de 32% à celui des hommes. Cet écart persiste même après avoir comparé des travailleurs de niveau d’études similaire et travaillant dans le même secteur. L’encadré 2.4 se penche sur l’existence de signes de discrimination contre les femmes sur le marché du travail. Encadré 2.4. Examen plus attentif de l’écart de rémunération entre les sexes à l’aide de la décomposition d’Oaxaca-Blinder Lorsque l’on constate des écarts de rémunération entre hommes et femmes sur le marché du travail, il est logique de penser que ces dispari- tés s’expliquent dans une certaine mesure par des différences de carac- téristiques individuelles entre hommes et femmes, par exemple que les hommes ont en moyenne un meilleur niveau d’études que les femmes. Cependant, si l’on fait abstraction de ces caractéristiques, les revenus sa- lariaux des hommes et des femmes devraient être identiques s’il n’exis- tait aucune discrimination entre les sexes. Cependant, les résultats figurant au tableau 2.11 montrent que le revenu ho- raire du travail des femmes est d’environ 32% inférieur à celui des hommes, après avoir maintenu constants les facteurs liés à l’éducation, à l’expé- rience, et même au secteur d’activité. Est-ce un signe de discrimination? Pour cerner plus finement encore les facteurs déterminant les écarts entre le revenu horaire des hommes et celui des femmes dans les zo- nes urbaines en Haïti, des décompositions d’Oaxaca-Blinder ont été utilisées (Jann 2008). La Décomposition d’Oaxaca Blinder fournit donc 95 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté des éléments permettant de mieux comprendre les dimensions de l’écart salarial entre les sexes qui peuvent s’expliquer par des caractéristiques ob- servables et non observables. À cette fin, trois spécifications distinctes sont définies. La première spé- cification comprend l’âge et le niveau d’études comme caractéristiques individuelles susceptibles d’expliquer l’écart salarial entre les sexes. La deuxième spécification inclut les mêmes caractéristiques observables que la première, plus le nombre d’enfants dans le ménage. Tandis que la troi- sième spécification inclut celles qui figurent dans la seconde spécification plus des variables fictives pour le secteur d’activité. Les résultats sont résu- més ci-dessous à la Figure B 2.4.4. Figure B2.4.1. Résultats de la décomposition d’Oaxaca-Blinder pour différentes spécifications - Haïti urbain (3) = (2) +Secteur 35.71% 64.29% d´activité (2) = (1) + Numero 31.67% 68.33% d´enfants dans le ménage 31.42% 68.58% (1) = Age et niveau d´éducation 0% 20% 40% 60% 80% 100% Expliqué Inexpliqué Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. En se fondant sur la troisième spécification, des caractéristiques tel- les que l’âge, le niveau d’études, le nombre d’enfants dans le ménage et le secteur d’activité peuvent expliquer pratiquement 36% de l’écart salarial entre les sexes, mais les 64% restants demeurent inexpliqués. L’existence d’un écart salarial entre les sexes qui ne peut s’expliquer par des caractéristiques observables suggère qu’il existe une certaine discrimi- nation entre les sexes sur le marché du travail. En outre, la fraction de l’écart salarial entre les sexes expliquée par des ca- ractéristiques observables dans les zones urbaines d’Haïti est plus élevée que dans les pays africains et les pays LAC, ce qui témoigne de l’urgence qu’il y a à s’attaquer à cette dimension particulière. Selon Nopo (2012), la proportion de l’écart salarial entre les sexes attribuée à des disparités 96 Banque mondiale - ONPES entre les hommes et les femmes inexplicables par des caractéristiques observables dans les pays LAC est en moyenne de 18% (autour de 2007). Ce résultat varie énormément d’un pays LAC à l’autre. Le Nicaragua enre- gistre par exemple l’écart le plus élevé avec 28% et la Colombie l’écart le plus bas à 7.3%, mais tous demeurent cependant inférieurs à celui d’Haïti urbain. Toutefois, Nordman, Robilliard, et Roubaud (2013) montrent qu’en 2001/2002 dans sept grandes villes de pays africains francophones, les chiffres correspondants oscillaient entre 40 à 67%, ce qui se rapproche un peu plus de la situation urbaine en Haïti en 2012. À titre d’exemple, la pro- portion inexpliquée de l’écart entre les sexes à Lomé (Togo) est d’environ 45% après neutralisation des variables sectorielles fictives, tandis qu’elle est de 67% à Ouagadougou (Burkina Faso). a. L’une des précautions importantes à observer dans ces résultats est qu’ils pourraient inclure un biais de sélectivité dans le sens où l’écart entre les sexes n’est mesuré que pour les personnes qui travaillent, et donc sélectionnées sur le marché du travail. Il existe aussi une forte probabilité que les individus s’auto-destinent à des secteurs d’activité particuliers. En dépit des taux élevés de chômage, du travail informel et de sous-emploi, les milieux urbains sont beaucoup mieux connectés aux marchés et aux ser- vices et présentent donc d’indéniables possibilités de réduction de la pau- vreté en Haïti. Alors qu’une une grande partie de la population active continue de gagner des salaires très bas et n’est pas protégée par des filets de sécurité, globalement, les zones urbaines offrent comparativement de meilleures perspec- tives de génération de revenus en raison de leur connexion avec les marchés na- tionaux et internationaux, le dynamisme du secteur tertiaire et du meilleur accès aux services. Comprendre la structure sectorielle du marché du travail Bien que certains secteurs d’activité offrent des meilleures perspectives de revenus, la plupart des emplois sont concentrés dans le secteur du commerce à faible revenu. La Figure 2.10 montre que non seulement les salaires des sec- teurs tels que l’éducation ou la santé, les transports, la construction et d’autres services sont supérieurs à ceux du commerce et de l’agriculture, mais ils sont aus- si plus également répartis. Le cas du commerce est particulièrement important car il emploie environ 40% des travailleurs urbains. Les travailleurs du secteur du commerce ont des rémunérations à la fois plus faibles et plus variables. 97 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Figure 2.10. Répartition du revenu horaire par secteur d’activité - Urbain .6 .4 Densité .2. 0 -2 0 2 4 6 Log du revenu horaire du travail Income Agriculture Construction Commerce Transport Education/Santé Autres services Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Remarque: Kernel epanechnikov; paramètre de lissage: 0.4597 Les valeurs aberrantes ont été éliminées du calcul. On entend par valeur aberrante les observations dont la valeur est supérieure à la moyenne plus trois fois l’écart type. Dans les zones urbaines 0,91% de l’ensemble des observations a été rejeté. La structure sectorielle du marché du travail place les femmes dans une si- tuation désavantageuse. Les femmes sont surreprésentées dans le secteur du commerce, où les revenus sont à la fois les plus bas et les plus fluctuants. Environ 70% des emplois dans le commerce sont occupés par des femmes, alors que des secteurs à meilleure rémunération tels que l’éducation et la santé comptent moins de la moitié de femmes (tableau 2.12). Tableau 2.12. Répartition de l’emploi, des sexes et du revenu du travail par secteur d’activité en milieu urbain Femmes Revenu horaire Observations Secteur Observations Travailleurs,% dans chaque en HTG pondérées secteur,% (prix de 2005) Agriculture 195 116,217 8.0 12.8 30.6 Construction 459 181,820 13.0 11.6 49.8 Commerce 1,250 542,143 39.0 70.5 35.0 Transport 151 70,108 5.0 0.3 66.5 Éducation/Santé 279 118,774 8.5 46.0 62.9 Autres services 951 364,896 26.0 42.8 61.8 Total 3,285 1,393,958 100.0 45.2 47.5 Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Remarque: Les valeurs aberrantes ont été éliminées du calcul. On entend par valeur aberrante les observations dont la valeur est supérieure à la moyenne plus trois fois l’écart type. Dans les zones urbaines 0,91% de l’ensemble des observations a été rejeté. 98 Banque mondiale - ONPES La majorité des emplois du secteur du commerce sont des emplois indépen- dants. La figure 2.11 indique que les secteurs d’activité à faible potentiel rémuné- rateur et à forte fluctuation salariale tels que l’agriculture et le commerce, ont tendance à concentrer une plus grande proportion de travailleurs indépendants que les autres secteurs. Globalement, près de 37% de l’ensemble des travailleurs sont des travailleurs indépendants. D’autre part, les secteurs d’activité qui offrent de meilleures perspectives de rémunération, tels que l’éducation ou la santé, les transports et la construction, sont plus susceptibles de compter des cadres, des travailleurs qualifiés et semi-qualifiés, ainsi que des ouvriers. Figure 2.11. Composition des professions dans les zones urbaines, par secteur d’activité 100% 90% 80% Aides familiales 70% Travailleurs 60% à compte propre 50% Patrons 40% Manoeuvres 30% 20% Ouvriers 10% semi-qualifiés 0% Ouvriers Éducation/Santé Commerce Transport Autres services Agriculture Construction qualifiés Cadres Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Le commerce et l’emploi indépendant sont les secteurs d’activité et les pro- fessions qui concentrent respectivement le nombre et le pourcentage le plus élevé de femmes, de pauvres, de travailleurs les moins bien rémunérés et les moins instruits en milieu urbain en Haïti. Cela signifie-t-il que près de 40% des travailleurs urbains sont destinés à vivre dans la pauvreté? Ou ont-ils une chance de se mobiliser pour en sortir? Est-il possible de mettre en place des politiques publiques afin d’améliorer le marché du travail et les conditions économiques de cette part importante de la population urbaine? 99 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Travail indépendant: quelles perspectives d’amélioration? À court terme, l’amélioration de la situation du travail des travailleurs indé- pendants dans les zones urbaines pourrait augmenter considérablement le bien-être d’au moins 40% des travailleurs. Le travail indépendant couvre un large éventail de situations. Alors que les rémunérations sont relativement faibles dans ce secteur, certains travailleurs indépendants parviennent à obtenir des revenus comparables à d’autres professions. En outre, ceci étant le secteur d’activité qui concentre le plus de femmes et de pauvres, il serait bon de tirer des leçons des méthodes appliquées pour améliorer le sort des travailleurs indépendants. L’examen de l’écart positif dans la catégorie des indépendants, c’est-à-dire ceux qui s’écartent de la norme et qui ont une meilleure situation que les autres, montre qu’investir dans les compétences peut s’avérer très payant. Dans la catégorie des emplois indépendants, le tableau 2.13 compare les individus qui touchent une rémunération supérieure au revenu horaire moyen, soit environ un quart de la population des travailleurs indépendants, avec ceux qui touchent une rémunération inférieure au revenu moyen. Le résultat le plus remarquable est qu’avec en moyenne 1.3 année d’études supplémentaire seulement, les travailleurs indépendants qui ont une rémunération supérieure à la moyenne de cette caté- gorie touchent un revenu horaire de 105 HTG, tandis que ceux qui ont un revenu inférieur à la moyenne ne gagnent que 12 HTG environ de l’heure. Tableau 2.13. Disparités entre les travailleurs indépendants qui disposent d’un revenu supérieur ou au contraire inférieur au salaire moyen en vigueur dans le secteur d’activité, en milieu urbain Indicateur Supérieur Inférieur à Indicateur Écart Signification à la moyenne la moyenne Observations 276 833 Observations pondérées 117,118 359,965 Pourcentage 24.5% 75.4% Femmes 59.2% 69.2% 9.9% *** Revenu horaire du travail en HTG 107.1 12.4 −94.7 *** Expérience en année 27.6 30.8 3.2 ** Nombre moyen d’années de scolarité 6.6 5.3 −1.3 *** Âge 39.7 42.04 2.3 * Emploi informel 94.2% 91.6% −2.6% ** Sources: ECVMAS 2012 ; calculs BM/ONPES, *** p <0,01 ** p <0,05 * p <0,1 Il est aussi encourageant de noter qu’il est possible de fortement améliorer les perspectives de revenus des travailleurs indépendants grâce à de modestes renforcements des compétences. En effet, parmi les travailleurs indépendants qui 100 Banque mondiale - ONPES ont une rémunération supérieure à la moyenne, les deux tiers ont un niveau d’étu- des supérieur ou égal à la fin du cycle primaire, alors que 50% des indépendants ont une rémunération inférieure à la moyenne se trouvent dans ce groupe (figure 2.12). Passer de 5 à 6 années d’études (et donc avoir achevé le cycle primaire) est associé à une augmentation de salaire de près de 95 HTG de l’heure. Ce résultat frappant implique qu’un minimum d’investissement en termes d’années de scola- rité ou une formation complémentaire afin de dispenser quelques compétences à ceux qui ont quitté le système scolaire depuis longtemps pourrait accroître subs- tantiellement le revenu du travail des citadins pauvres. Figure 2.12. Niveau d’études des travailleurs indépendants ayant un revenu supérieur ou un revenu inférieur au salaire horaire moyen dans les zones urbaines Inférieure à la moyenne Superieure à la moyenne 0% 20% 40% 60% 80% 100% Aucun Cycle primaire complet Cycle primaire complet & Sec1 incomplet Cycle Sec1 complet & Sec.2 incomplet Cycle Sec2 complet & supérieur Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. 4. Transferts et envois de fonds internes: une stratégie commune de génération de revenu Les émigrés à l’étranger apportent un important complément de revenu aux ménages en Haïti et malgré la proportion relativement faible de la population émigrée, les retombées de la migration sont importantes. Au cours du XXème siècle un grand nombre d’Haïtiens ont émigré à l’étranger -aux États-Unis, en Ré- publique dominicaine, au Canada et en France - pour des raisons politiques et éco- nomiques (voir Jadotte 2008; Orozco 2006). D’après les estimations, en 2010, plus d’un million d’Haïtiens (10% de la population) vivaient à l’étranger, dont la moitié aux États-Unis79. Les envois de fonds qui représentent près de 20% du PIB consti- tuent l’une des importantes dimensions économiques associées à la migration. 79 Voir «Bilateral Migration Matrix 2010», Bilateral Migration and Remittances (base de données), Banque mondiale, Washington, DC, http:/ /go.worldbank.org/JITC7NYTT0. 101 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Pour tous les pays pour lesquels des données sont disponibles en 2012, seuls Le Sal- vador et la Guyane (16.4%), le Honduras (15.7%) et la Jamaïque (14.5%), affichaient des taux d’envois de fonds en proportion du PIB supérieurs à 10%. Le fait que plusieurs de ces pays accueillent une forte diaspora en proportion de leur population indique que les migrants entretiennent des liens économiques solides avec Haïti et qu’ils ont une plus grande chance de toucher un revenu élevé (leur revenu en tant que migrants est sans commune mesure avec celui qu’ils pourraient obtenir en Haïti). Les transferts et migrations internes sont également très importants, en par- ticulier pour la population rurale. La décision d’un ménage d’envoyer un de ses membres à l’étranger peut être considérée comme un investissement80: les fa- milles supportent des coûts initiaux (billets d’avion, visa, etc.) afin de récolter des gains en revenu de meilleures opportunités de travail. Si les coûts initiaux sont trop élevés pour les ménages les plus pauvres81, le déplacement à l’intérieur du le pays peut être une seconde option. En Haïti, plus d’un cinquième de la population n’est pas né dans son département de résidence, et la majorité des migrants intérieurs vivent actuellement dans le département de l’Ouest (65%): En 2012, plus de la moi- tié de la population de la zone métropolitaine de Port-au-Prince était composée de migrants provenant d’autres département du pays (ECVH 2001; ECVMAS 2012). D’après les données disponibles, le pourcentage de migrants intérieurs a légère- ment augmenté, passant de 20.4 en 2001 à 23.9% en 2012, une population proba- blement attirée par les nouvelles opportunités que présentaient Port-au-Prince et ses environs pendant la période de reconstruction qui a suivi le séisme, ou fuyant la détérioration chronique de la productivité agricole. Les migrants sont généralement plus aisés, et la migration à l’étranger produit des résultats radicalement différents de la migration vers la République Domi- nicaine ou à l’intérieur d’Haïti. Les migrants sont généralement plus instruits que les non-migrants. Cependant, si les migrants vers les pays de l’Organisation de coo- pération et de développement économiques (OCDE) sont beaucoup plus suscepti- bles d’avoir un niveau d’études secondaire et tertiaire, les migrants à l’intérieur du pays sont relativement moins bien instruits. Dans l’ensemble, le choix de la Répu- blique Dominicaine pour migrer à l’étranger s’apparente davantage à une migration interne qu’à une migration à l’international. Même s’ils sont moins bien lotis que les migrants internationaux, les migrants internes sont, en moyenne, mieux lotis que les non-migrants en matière d’éducation, de qualité de l’emploi (ils sont plus susceptibles d’être salariés et d’avoir un emploi formel), et de bien-être en général. 80 Pour plus de détails sur cette perspective de la migration et des transferts voir Clemens et Ogden (2013). Clemens (2011) estime que les agriculteurs haïtiens non qualifiés migrant vers les États-Unis pourraient multiplier par 20 leurs revenus annuels. 81 Clemens (2014) rassemble des données prouvant que la tendance migratoire croît avec le revenu jusqu’à un certain seuil, ce qui indique que les ménages les plus pauvres voudraient bien migrer, mais n’ont pas les moyens de le faire. 102 Banque mondiale - ONPES Par rapport aux hommes, les femmes migrantes sont moins instruites, plus susceptibles d’avoir un emploi indépendant et de travailler dans le secteur informel: ces différences sont encore plus marquées que dans la popula- tion des non-migrants. Les femmes qui migrent vers l’Aire Métropolitaine sont nettement moins bien instruites que les hommes et plus susceptibles d’être au chômage (60%, contre 41% chez les hommes), inactives, ou de travailler dans le secteur informel. Ces caractéristiques sont encore plus prononcées chez les mi- grants que dans la population générale (hommes et femmes confondus). Malgré les difficultés qu’elles rencontrent sur le marché du travail, les migrantes sont généralement mieux loties que leurs congénères non migrantes. Les migrantes sont aussi plus susceptibles d’être célibataires ou séparées. Le revenu du travail est largement complété par des transferts privés car les dividendes de la migration intérieure et extérieure sont élevés. Une analyse approximative du rapport coûts-bénéfices révèle qu’en moyenne la migration est une opération rentable. Un ménage qui compte un migrant perd environ 5,000 gourdes du fait que ce migrant ne travaille pas sur son lieu d’origine, mais ce mi- grant peut espérer en revanche gagner 16,000 gourdes à son lieu de destination (dont 4,000 feront l’objet d’un envoi de fonds). Bien que ces chiffres puissent pa- raître similaires, le migrant et son ménage d’origine sont plus aisés car le migrant reçoit un meilleur revenu du travail, le ménage partage ce revenu avec moins de personnes et de surcroît, il bénéficie d’un transfert de fonds. Dans les zones rura- les, la moitié des revenus proviennent du travail, un quart de la production des- tinée à la consommation familiale, et 13% des transferts privés. Dans les zones urbaines, les transferts privés représentent environ 20% du revenu des ménages, tandis que le travail en représente les deux tiers.82 Les transferts monétaires, en particulier les envois de fonds, sont un phéno- mène principalement urbain qui contribue davantage au revenu, tandis que les transferts non monétaires sont plus répandus mais de moindre valeur. À l’échelle de l’ensemble du pays, plus de 35% des ménages urbains reçoivent de l’argent, contre 20% seulement des ménages ruraux. Les transferts monétaires nationaux sont plus équitablement répartis (26.7% pour les zones urbaines contre 26.4% pour les zones rurales), alors que les transferts non monétaires sont un peu plus fréquents dans les zones rurales (52.1% contre 50.1% en milieu urbain). Les transferts monétaires sont souvent de plus grande valeur, ce qui signifie que sa contribution au revenu total (24.5% en moyenne pour le pays) est plus grande que celle des dons en nature (12.2%). Les ménages dirigés par des personnes sans emploi ou inactifs, ou par une femme sont beaucoup plus susceptibles de recevoir des transferts privés. Les envois de fonds provenant de parents émigrés constituent parfois une importante protection contre les aléas du marché du travail et d’autres chocs. Subordonné à un ensemble 82 Le reste du revenu provient des loyers imputés, qui atteignent environ 13% du revenu total des ménages (voir chapitre 1). 103 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté de caractéristiques observables, un ménage dont le chef est chômeur ou inactif est 10% plus susceptible de recevoir des envois de fonds et 11-18% plus susceptible de recevoir des transferts privés nationaux. Les femmes chefs de ménage sont égale- ment 8 - 9% plus susceptibles de recevoir des transferts monétaires privés. Alors que les pauvres et les non pauvres ont un accès égal aux transferts originai- res d’Haïti, les non pauvres ont plus de deux fois plus accès aux envois de fonds étrangers. Un peu plus d’un quart des ménages pauvres et non pauvres bénéficient d’envois de fonds originaires du pays. Cependant, plus d’un tiers des ménages non pauvres a reçu des envois de fonds de l’étranger, tandis que moins d’un tiers des pauvres en ont bénéficié. En outre, les envois de fonds aux ménages non pauvres sont plus susceptibles d’être réguliers, c’est-à-dire plus d’une fois par an. Les envois de fonds destinés aux non-pauvres sont plus fréquents mais aussi plus importants; ils représentent en effet plus du double du montant moyen reçu par les ménages pauvres (tableau 2.14). Tableau 2.14. Envois de fonds et autres revenus %, sauf indication contraire Total Indicateur Pauvres Non pauvres Test-T rural Transferts Transferts privés en provenance d’Haïti 59.9 60.7 58.5 1.2 Envois de fonds en provenance de l’étranger 26.3 18.2 37.9 −19.7*** Transferts privés locaux et étrangers 39.0 35.2 45.9 −10.6*** effectués régulièrement Montant moyen des envois de fonds, HTG 7,548.3 5,181.6 11,820.2 −6,638.6*** Autres sources de revenu Retraites et autres prestations sociales 0.3 0.3 0.3 0.0 Immobilier 2.9 1.9 5.2 −3.3** Autres 5.9 5.1 7.7 −2.6* *** p <0,01 ** p <0,05 * p <0,1 Les transferts servent le plus souvent à l’achat de denrées alimentaires puis à cou- vrir les frais de scolarité (tableaux 2.15, 2.16). Les transferts sont principalement uti- lisés pour couvrir les dépenses alimentaires aussi bien dans les ménages pauvres que non pauvres. En effet, pour près de deux tiers des bénéficiaires, les transferts privés servent à couvrir les achats de nourriture. Alors que cette proportion est plus élevée chez les ménages pauvres, les transferts destinés aux ménages non-pauvres aident à couvrir les frais de nourriture dans plus de 60% des cas. On ne constate pas d’écarts importants entre pauvres et non pauvres en termes de proportion des transferts alloués aux dépenses d’éducation. 104 Banque mondiale - ONPES Tableau 2.15. Utilisation des transferts dans les zones rurales Pourcentage Non Catégorie de dépense Total rural Pauvres Test T pauvres Produits alimentaires 56.6 68.2 60.8 7.4** Loyer 0.1 0.1 0.1 −0.1 Éducation 15.1 15.0 15.4 −0.4 Santé 6.0 5.3 7.2 −1.8 Construction ou réparation de logement 2.1 1.9 2.3 −0.4 Événements familiaux (décès, mariages, etc.) 2.2 2.0 2.4 −0.4 Activité économique (achat d’outils, de matières 2.1 1.9 2.6 −0.7 premières etc.) Autres 27.4 22.7 35.7 −13.0*** *** p <0,01 ** p <0,05 Tableau 2.16. Utilisation des transferts dans les zones urbaines Pourcentage Non Catégorie de dépense Total urbain Pauvres pauvres Produits alimentaires 48.6 54.4 46.3 Loyer 2.1 1.1 2.5 Éducation 15.9 18.3 15.0 Santé 4.6 5.8 4.1 Construction ou réparation de logement 0.3 0.7 0.1 Événements familiaux (décès, mariages, etc.) 1.7 0.7 2.1 Activité économique (achat d’outils, de matières 1.2 0.7 1.4 premières etc.) Autres 25.4 18.2 28.3 Les transferts privés réduisent la pauvreté et les inégalités. Plus de 60% des ménages pauvres et extrêmement pauvres dépendent d’une forme ou l’autre de transferts de fonds, les transferts privés ont un effet non négligeable sur le taux de pauvreté83. Sans les transferts, l’extrême pauvreté grimperait de 23.8% à 28.9%, alors que la pauvreté modérée passerait de 58.5 à 63%. Les ménages pauvres ont 83 Les taux officiels de pauvreté sont basés sur la consommation, et non sur le revenu. L’exercice ci- dessus consiste à soustraire les transferts par rapport au total de la consommation et de recalculer les taux de pauvreté, donc en s’appuyant sur l’hypothèse que les ménages consomment tous les revenus reçus, et seulement ça (pas d’épargne). 105 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté moins accès aux envois de fonds, donc en les excluant, les transferts internatio- naux feraient passer l’extrême pauvreté à 25.5% et la pauvreté modérée à 60.7%.84 Conformément aux données internationales de la région85, sans les envois de fonds le coefficient de Gini mesurant l’inégalité des revenus s’élèverait à 0.614, et à 0.618 en excluant tous les transferts privés. Considérer la migration et les envois de fonds comme une autre stratégie de gé- nération de revenus permettait de contribuer à une réflexion plus constructive et à améliorer les possibilités de revenus des ménages. Les fonds étant fongibles, il est plus logique de se concentrer sur la façon d’accroître les possibilités de géné- ration de revenus, et non sur ce que les ménages peuvent faire avec leurs envois de fonds. Ainsi, quelle que soit la source de transferts de fonds, il est plus constructif de réfléchir au moyen d’améliorer la capacité des ménages à investir leurs modestes ressources. Dans le même temps, cela permet de répondre à la question inverse: comment faire en sorte que les ménages accroissent leurs ressources. Les analystes sont d’avis que les dispositifs de migration temporaire offrent d’excellentes oppor- tunités. L’encadré 2.5 se penche plus en détail sur cette question. Encadré 2.5. Envois de fonds, un bon retour sur investissement Le poids de la migration et des envois de fonds dans le revenu des pauvres des pays en développement n’est pas à sous-estimer. En effet, les envois de fonds à destination du monde en développement s’élevaient à 401 mil- liards de $ en 2012 et devraient atteindre 515 milliards de $ d’ici 2015. De même, une augmentation de 20% de la population de migrants qui effectue des envois de fonds dégagerait un surcroît de 20 milliards de dollars de nouvelles ressources à destination des pays en développement, soit plus de la totalité de l’aide bilatérale accordée par le G7 en 2011. Cependant, les points de vue divergent sur la façon dont la migration doit être abordée dans l’économie et la politique de développement. Clemens et Ogden af- firment que, plutôt que d’attendre des «mannes exceptionnelles » comme s’il s’agissait de gains de loterie, l’économie du développement devrait se pencher sur les migrations et les envois de fonds dans le cadre la réflexion sur les portefeuilles d’investissements lucratifs favorables aux familles 84 Acosta et al. (2006) utilisent les données de l’ECVH 2011 pour estimer l’effet des envois de fonds sur la pauvreté. En utilisant une mesure de bien-être basée sur le revenu et les seuils de pauvreté internatio- naux de 1 et 2 $ par jour pour l’extrême pauvreté et la pauvreté modérée (à l’époque) respectivement, ils constatent qu’exclure les envois de fonds fait passer l’extrême pauvreté de 53 à 60% et la pauvreté modérée de 71 à 76%. 85 Acosta et al. (2006) montrent que, pour la plupart des pays étudiés dans la région, le revenu hors envois de fonds est plus inégalement réparti que le revenu total. À l’aide des données de l’ECVH 2001, ils calculent que le coefficient de Gini augmenterait de 0.669 à 0.670, soit la plus faible augmentation de leur échantillon (à l’exception du Pérou et du Nicaragua où l’inégalité diminue). La hausse de 1.2% du coefficient de Gini que nous obtenons est donc conforme au résultat enregistré dans des pays tels que la République dominicaine (2004), l’Équateur (2004), le Guatemala (2000) et le Paraguay (2003). 106 Banque mondiale - ONPES pauvres. Déménager en ville ou à l’étranger est l’un des rares investis- sements que les ménages peuvent se permettre et qui d’une part a un potentiel taux de rendement de l’ordre de centaines de points de pour- centage, et d’autre part est capable de rehausser le revenu et de le porter bien au-delà des activités économiques moins lucratives qu’exerceraient les migrants s’ils étaient restés dans leur lieu d’origine. C’est en abordant la migration sous l’angle d’un retour sur investissement que l’on pourra poser des questions constructives et mettre en place des politiques plus fructueuses. En règle générale on ne note pas de diffé- rences importantes dans les investissements effectués par les familles pauvres selon que les fonds proviennent de leur budget général ou de transferts de fonds, ce qui indique qu’ils ont tendance à considérer les envois de fonds (et la migration) comme une partie intégrante de leur portefeuille d’investissement, et non pas comme une source de revenu exogène. Ainsi, plutôt que d’examiner les obstacles à l’investissement des revenus provenant des envois de fonds, les décideurs devraient revoir leur angle d’approche de cette problématique et s’attaquer plutôt aux nombreux obstacles à l’investissement dans la migration, qui constitue potentiellement la partie la plus rentable du portefeuille financier des ménages. Dans le contexte d’Haïti, l’un des obstacles majeurs à la migration est la non délivrance de visas de travailleur temporaire aux Haïtiens. Clemens (2011) calcule que si le visa H-2 était délivré, chaque travailleur admis à ce titre serait en mesure d’accroître son revenu moyen de 10,000 $ par an en moyenne. 30-40% de ce montant serait renvoyé à Haïti et par effet multiplicateur386 de l’investissement, chaque dollar renvoyé gonflerait l’économie haïtienne de 3$ ou plus. Actuellement, il n’y a pratiquement pas de voie légale pour les Haïtiens pour entrer aux États-Unis pour l’em- ploi, fournissant ainsi un obstacle important à l’investissement. Même le travail agricole non qualifié constitue un retour sur investissement lar- gement rentable pour les ménages haïtiens, mais l’accès au marché du travail des États-Unis est généralement fermé aux ménages qui n’ont pas déjà de la famille sur place ou qui ne peuvent faire de demande d’asile. 86 La taille des effets multiplicateurs des envois de fonds est encore peu comprise dans la littérature et ce sujet mériterait une étude plus approfondie. 107 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté 5. Ce qu’il faut retenir La population d’Haïti est équitablement répartie: une moitié vit en milieu rural et l’autre en milieu urbain. Réduire durablement la pauvreté et les inégalités passe par le renforcement des capacités des populations rurales et urbaines à générer des revenus de manière fiable et durable. À cet égard, la priorité fondamentale en termes d’implications pour les politiques visant à stimuler la génération de revenus consiste à trouver la voie d’une croissance économique soutenue. Bien qu’impor- tante, ceci est une piste bien connue sans besoin de se pencher sur une enquête sur les conditions de vie. Ce chapitre montre que, compte tenu de la situation ma- croéconomique, certains déterminants microéconomiques sont essentiels pour favoriser une génération de revenus inclusive apte à propulser la réduction de la pauvreté. Quatre priorités se dégagent et peuvent être portées à l’attention des décideurs: Priorité 1: Stimuler la productivité agricole. Parce que 75% de la population rurale Une attention vit dans la pauvreté et que la grande majorité de cette population est fortement aux agriculteurs tributaire de l’agriculture, il est impératif de trouver les voies et moyens d’accroître de subsistance et aux travailleurs la productivité de ce secteur. indépendants est un ressort a. L’accès aux intrants de base (engrais, pesticides, semences, connaissances) nécessaire pour arrive en tête de liste des priorités. Les données présentées dans ce chapitre soutenir la montrent que les ménages en Haïti ont un accès limité aux intrants de produc- réduction de tion et que la situation est particulièrement difficile pour les ménages les plus la pauvreté. pauvres. L’expérience passée suggère que l’inefficacité des systèmes de distribu- tion est parmi les principaux obstacles à la disponibilité des intrants. Remédier aux éventuelles défaillances du marché en termes de fourniture de ces intrants, par exemple en s’engageant davantage avec le secteur privé, constitue une pre- mière étape clé à l’instauration d’un secteur agricole plus fiable et plus apte à assurer la sécurité alimentaire. Augmenter le savoir-faire des agriculteurs avec des formations adaptées au contexte est également critique. b. Il est crucial d’améliorer les connexions avec les marchés de débouchés. Parce que moins de 40% de la production totale actuelle est commercialisée, après la phase de consolidation de la production grâce à des améliorations en termes de qualité et de fiabilité, la phase suivante du développement agricole consistera à intégrer ce secteur avec les marchés, à valoriser les filières, à étudier les possibi- lités d’exportation et à exploiter les avantages qu’offre la situation géographique du pays. Au fil de la transition du système agricole de subsistance actuel vers un système plus orienté vers le marché, la qualité et la sécurité alimentaire seront de plus en plus importantes, ainsi que l’investissement dans les infrastructures, principalement dans les routes, afin de faciliter l’accès aux marchés et réduire les pertes pendant le transport. Ce rapport pourrait servir de point de départ à de fu- tures études s’appuyant sur le recensement agricole pour examiner de manière 108 Banque mondiale - ONPES plus détaillée et plus approfondie les réponses à apporter aux problématiques de productivité, d’intrants et d’intégration aux marchés.87 c. Promouvoir la diversification de la production agricole dans les cultures de rente peut contribuer à accroître les revenus et la sécurité alimentaire. Ce cha- pitre montre que, par rapport aux ménages pauvres, les ménages non-pauvres et en sécurité alimentaire sont plus susceptibles de cultiver des cultures de rente. Étant donné les avantages de la diversification, les ménages qui dépen- dent de l’agriculture comme source de subsistance devraient être encouragés à diversifier leur activité au-delà des cultures vivrières. d. Il est essentiel de promouvoir une exploitation durable des ressources natu- relles. À plus long terme, le bien-être des ménages ruraux en Haïti dépendra essentiellement de la qualité de la base de ressources naturelles sur laquelle repose l’agriculture. La forte pression démographique conjuguée à l’exploitation incontrôlée des ressources naturelles et à des techniques agricoles non dura- bles ont lourdement épuisé les ressources, laissant de vastes zones du pays avec peu ou pas de couvert forestier, des paysages fortement érodés, et des sols dégradés. Il convient de redoubler d’efforts afin de remédier à des décennies de mauvaise gestion, afin d’inverser la tendance à la dégradation des terres, de restaurer la fertilité des sols, de rétablir la couverture végétale ainsi que de pré- server et protéger les ressources en eau de plus en plus rares. En toute logique, il convient de commencer en encourageant l’instauration de techniques d’ex- ploitation agricole plus respectueuses de l’environnement, le tout combiné à la mise en place (et à l’application) d’un arsenal législatif destiné à limiter l’exploi- tation incontrôlée des ressources communes, surtout les arbres. Priorité 2: Promouvoir l’accès des travailleurs ruraux aux options qu’offre le secteur non agricole. L’existence de sources de revenus non agricoles fait une grande différence dans les ménages ruraux. Ces emplois peuvent être liés à l’agriculture en amont (fournisseurs d’intrants) ou en aval (la valeur ajoutée et le traitement) ou d’être un secteur séparé (tels que les petits commerces de détail). Il est indispensable d’investir dans les infrastructures, la formation et d’autres me- sures visant à promouvoir l’emploi et la mobilité physique et aptes à diversifier les revenus des ménages ruraux. Priorité 3: Investir dans les compétences. Dans les zones urbaines, les marchés du travail, même dans l’environnement difficile d’Haïti, rétribuent de manière si- gnificative les compétences et l’éducation. Les travailleurs qui ont un meilleur ni- veau d’études avancent mieux que les autres sur le marché du travail. On constate une parité entre les sexes dans les nouvelles cohortes d’élèves alors que dans les cohortes plus âgées, les femmes sont nettement désavantagées. 87 Des mesures politiques concrètes et plus détaillées sont également proposées dans le rapport intitulé « Développement rural en Haïti: Défis et opportunités » (2014), document de travail pour l’évaluation de la pauvreté en Haïti, Banque mondiale, Washington, DC. 109 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté a. Il est fondamental de garantir une bonne couverture éducative et de rehausser la qualité de l’éducation (voir chapitre 3). L’éducation est un atout majeur pour une meilleure performance sur le marché du travail. Diffuser une culture entrepreneu- riale parmi les jeunes pourrait les aider à naviguer un marché du travail difficile. b. Envisager des améliorations en matière de formation technique et profes- sionnelle. Pour la population adulte, les voies d’accumulation de capital humain passent par la formation professionnelle (plutôt que de reprendre des études). La mise à disposition de centres de formation professionnelle a augmenté de façon exponentielle au cours de ces dernières années. L’Institut National de For- mation Professionnelle a un rôle à jouer pour réglementer et contrôler de ma- nière plus efficace la prolifération des filières de formation informelles et non homologuées. En outre, une meilleure coordination avec le secteur privé afin de déterminer le type de compétences insuffisantes dans le pays pour satisfaire la demande actuelle et future contribuera à la création d’emplois. c. Tirer profit la migration internationale. S’il est vrai que les travailleurs les plus qualifiés sont davantage susceptibles de migrer à l’étranger, l’investissement dans leurs compétences n’est pas perdu pour autant car leurs envois de fonds jouent un rôle important dans la capacité des ménages à demeurer hors de la pauvreté. Un meilleur environnement d’affaires dans le pays permettra de trans- former ces envois de fonds en entreprises lucratives (ce qui nous amène à la priorité suivante). Priorité 4: Investir dans les infrastructures de base et œuvrer à instaurer un en- vironnement plus propice aux affaires. Disposer d’un meilleur accès aux facteurs de production de base tels que l’électricité est crucial, tant pour les employeurs que pour les travailleurs indépendants, afin de favoriser la croissance, de rehausser la productivité et de créer des emplois. Alors que les entreprises d’une ou deux per- sonnes dans le secteur du commerce sont assez typiques sur le marché d’Haïti, une certaine proportion d’entreprises offrent actuellement un emploi salarié à un seg- ment minoritaire de la population active, ce qui permet à ces salariés de se réaliser professionnellement, ce à quoi de nombreux autres travailleurs aspirent. Le travail indépendant est un tremplin vers ​​ le marché du travail; ce secteur concentre princi- palement des jeunes et des femmes, deux groupes qui se heurtent à des obstacles relativement importants pour accéder à des emplois salariés. Une grande partie des travailleurs indépendants se retrouvent dans ce secteur davantage par néces- sité qu’en raison de leurs aptitudes entrepreneuriales. Il est possible d’améliorer la performance des employeurs et des travailleurs indépendants en effectuant des investissements complémentaires dans les infrastructures de base, par exemple, l’électricité, et en levant les contraintes à l’accès aux intrants, notamment le crédit et les compétences. De futures études pourraient rechercher dans quelle mesure les travailleurs indépendants sont capables de prospérer au point de se muer en petites entreprises ou de sortir de l’auto-emploi en décrochant un emploi salarié dans de grandes entreprises. L’analyse de cette dynamique pourrait contribuer à mieux cerner le processus de création d’emplois dans le contexte haïtien, compte tenu des contraintes auxquelles le pays doit faire face. 110 Banque mondiale - ONPES Chapitre 3: Opportunités et obstacles à l’accumulation de capital humain Les résultats de santé et d’éducation ainsi que l’utilisation des services se sont améliorés en Haïti88. Cependant, ils ont été relativement insuffisants, surtout chez les pauvres. Certains signes témoignent clairement de la transmission intergéné- rationnelle de la pauvreté, une tendance qui pourrait être enrayée par l’amélio- ration des niveaux de scolarité. En effet, l’éducation qui a une incidence positive sur les résultats de santé, est un facteur déterminant pour la rémunération du travail. Elle devrait donc être une priorité dans l’effort de lutte contre la pauvreté chronique et la vulnérabilité. La réduction des coûts et l’augmentation de l’offre de services d’éducation et de soins de santé seront essentielles à l’amélioration de l’utilisation des services et des résultats, en particulier dans les zones rurales. Trouver des sources de financement plus pérennes pour éviter que les dépenses à la charge des ménages deviennent excessives, en particulier dans les domaines de l’éducation et de la santé devient sine qua non. 1. Introduction Le diagnostic établi dans le chapitre 1 indique que l’accumulation de capital humain en Haïti est indispensable à l’amélioration du bien-être au plan mo- nétaire et non monétaire, mais qu’elle continue de présenter des défis ma- jeurs qui doivent être relevés pour combattre la pauvreté. Les faibles niveaux d’éducation, l’insécurité alimentaire et le manque d’accès aux services de base sont des indicateurs associés à la pauvreté chronique dans le pays, en milieu ru- ral notamment (voire chapitre 1). Ce chapitre traite de l’accumulation de capital humain et des tendances connexes en Haïti en ce qui concerne l’accès et, quand possible, la qualité des services de soins de santé et d’éducation. L’éducation et les soins de santé sont essentiels au renforcement de la pro- ductivité de la main-d’œuvre et à la promotion du bien-être des individus. En moyenne, une année supplémentaire d’éducation équivaut à une augmentation des revenus de 10%, un effet généralement plus prononcé dans les pays en déve- loppement89. En plus d’accroître les revenus des individus, l’éducation peut contri- buer au développement économique. Les scores moyens obtenus aux tests inter- nationaux standardisés par les élèves du secondaire constituent l’un des corrélats les plus forts de la croissance du PIB entre les pays (Hanushek et Woessmann 2009). 88 Ce chapitre s’appuie sur deux documents de travail élaborés par Adelman et al. (2014) et Cross et al. (2014) pour l’étude de la Banque Mondiale et Observatoire national de la pauvreté et de l’exclu- sion sociale (ONPES). 2014. Haïti: investir dans l’humain pour combattre la pauvreté. Éléments de réflexion pour une prise de décision informée. Washington: Groupe de la Banque mondiale.. 89 Barro et Lee (2012) et Montenegro et Patrinos (2012) mettent en évidence ces corrélations. Cela dit, plusieurs études proposent une estimation de l’impact d’un niveau d’instruction plus élevé sur ce que l’on gagne, et constatent des effets du même ordre d’importance que les corrélations (voir Card 1999; Duflo 2001; Psacharopoulos et Patrinos 2010). 111 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté De même, une amélioration de l’espérance de vie et de la santé des enfants peut Améliorer l’accès être largement bénéfique pour le développement économique et la réduction de et la qualité des services la pauvreté90. La sous-alimentation, qui touche principalement les ménages pau- de base peut vres, accroît aussi l’incidence et la gravité des maladies, et est un facteur associé à avoir un impact plus de la moitié du taux de mortalité infantile (OCDE et OMS 2003). La maladie est significatif, non source de pertes économiques estimées à 17.4 à 35% du PIB91. seulement pour les générations En Haïti, les plus instruits sont les mieux lotis (figure 3.1). Parmi les ménages dont présentes, le chef n’a pas fait d’études, 78% vivent dans la pauvreté, soit 4.5 fois le taux de mais aussi pour pauvreté parmi les ménages dont le chef a achevé au moins le second cycle du les suivantes. secondaire (voir le chapitre 1)92. Dans les zones urbaines, le revenu du travail est, en moyenne, 28% plus élevé pour les personnes qui ont achevé les études primaires que pour celles qui n’ont aucune instruction. Les adultes qui ont terminé le pri- maire ont environ 30% de chances de plus de vivre en dehors de leur département de naissance que les adultes sans instruction, ce qui leur donne accès à de meil- leures opportunités économiques93: Parmi tous les migrants internes, 65% se sont déplacés vers le département de l’Ouest, le centre de l’activité économique et de l’éducation dans le pays. Les Haïtiens qui émigrent aux États-Unis sont beaucoup plus instruits que ceux qui restent en Haïti. Il existe un lien entre l’éducation et la baisse de fécondité: le taux de fécondité est élevé en Haïti, à 3.2 enfants par femme, contre 2.1 dans la région, mais les adultes plus instruits sont plus susceptibles d’être 90 Tous les 10% d’augmentation de l’espérance de vie à la naissance sont associés à une progression de la croissance économique d’au moins 0.3 à 0.4 point de pourcentage par an, en maintenant constants les autres facteurs de croissance (Sachs, 2001). Une autre étude s’appuyant sur l’observation d’un groupe de pays de 1960 à 1990 a révélé que l’augmentation de l’espérance de vie d’une population d’un an contribuait à une augmentation de 4% de la production économique, en tenant compte d’autres facteurs structurels et d’autres facteurs liés au capital humain comme l’éducation et l’expé- rience professionnelle (Bloom 2003). Sachs (2001) rapporte également que les pays pauvres affichant un taux de mortalité infantile compris entre 50 et 100 décès pour 1,000 naissances vivantes ont bénéficié d’un taux de croissance annuel de 3.7% par an, tandis que des pays pauvres comparables affichant des taux supérieurs à 150 ont enregistré une croissance moyenne de seulement 0.1% par an. Ces résultats sont confirmés par le rapport intitulé «Global Health 2035», selon lequel une baisse de la mortalité a été à l’origine d’environ 11% de la croissance économique observée récemment dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire, mesurée par le revenu national (Jamison et al. 2013) . Pour autant, bien que plusieurs études ont démontré l’existence d’un lien entre la santé et le développement économique (voir Barro 1996; Bhargava 2001; Bloom 2003; Bloom et Sachs 1998), l’ef- fet positif de la santé sur la croissance économique n’a pas encore été établi de manière concluante. Tenant compte des facteurs exogènes tels que les nouveaux produits chimiques et médicaments, les campagnes de santé internationales et les principales maladies, Acemoglu (2007) montre que rien ne permet de conclure que l’augmentation de l’espérance de vie conduit à une croissance plus rapide du revenu par habitant. 91 Les pertes économiques associées à la maladie sont calculées en convertissant en dollars les pertes dues aux maladies. Se fondant sur les années de vie corrigées du facteur invalidité, les économistes estiment que la perte de revenu du fait du paludisme en Afrique subsaharienne a représenté 17,4% du produit national brut en 1999, tandis que les pertes économiques dues au sida correspondaient à 35,1% du produit national brut. 92 Tout au long de ce chapitre, par « primaire » ou «cycle primaire» ou «études primaires» on entend les deux premiers cycles de base du système éducatif haïtien; le premier cycle du secondaire représente le troisième cycle de base; et le second cycle du secondaire correspond à l’enseignement secondaire. 93 Les individus ou leurs familles peuvent migrer pour profiter des possibilités d’éducation ou des oppor- tunités économiques. L’éducation peut donc être une cause tout comme une conséquence de la migration. 112 Banque mondiale - ONPES mariés et d’avoir moins d’enfants. Parmi les chefs de ménage, les femmes qui ont achevé au moins le second cycle du secondaire ont, en moyenne, deux fois moins d’enfants que les femmes sans éducation formelle94. Figure 3.1. Bien-être et niveau d’éducation en Haïti, 2012 a. Niveau de pauvreté des ménages par niveau d’instruction du chef du ménage (%) 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% Non Pauvres 30% 20% Pauvres 10% 0% Aucun Cycle primaire Cycle primaire Cycle secondaire Cycle secondaire 2 incomplet complet 1 complet complet et plus b. Adultes (15 ans et plus) vivant en dehors de leur département de naissance, par niveau d’instruction (%) 35% 30.1% 30% 27% 25% 23.2% 22% 19.3% 20% 15% 10% 5% 0% Aucun Cycle primaire Cycle primaire Cycle Cycle incomplet comple sec.1 complet sec.2 complet et plus 94 À l’échelle mondiale, on constate une forte corrélation négative entre l’éducation et la fécondité des femmes dès lors qu’on prend en compte les autres facteurs pertinents, tels que la richesse et le sta- tut urbain, ce qui laisse penser que l’éducation est une cause de la baisse de fécondité (Bongaarts 2003). 113 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté c. Nombre d’enfants (0/18 ans) par femme, par niveau d’instruction du chef du ménage de sexe féminin (nombre) Cycle secondaire 2 complet et plus 0.77 Cycle secondaire 1 complet 1.26 Cycle primaire complet 1.73 Cycle primaire incomplet 2.07 Aucun 1.7 0 1 2 3 Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: La catégorie «cycle primaire inachevé» inclut les personnes qui ont bénéficié de l’enseignement préscolaire. Les résultats de santé en Haïti sont en dessous de la moyenne régionale. En Haïti, l’espérance de vie à la naissance est de 62 ans, ce qui correspond au niveau d’autres pays à faible revenu, mais est nettement inférieur tant à la moyenne régionale que mondiale95. Le taux de mortalité des adultes est aussi élevé lorsqu’on le compare au reste de l’Amérique latine, en particulier chez les femmes (227 en Haïti contre 89 en Amérique latine) (tableau 3.1). L’insécurité alimentaire est d’un niveau considé- rable, surtout dans les zones rurales (34%), chez les pauvres et dans les ménages avec enfants. Cela peut nuire au développement des enfants et contribuer à pé- renniser la pauvreté. Les chocs liés à la maladie ont été recensés parmi les chocs les plus courants et les plus graves d’un point de vue économique (voir ci-dessous). Tableau 3.1. Indicateurs de santé de base Moyenne Moyenne Indicateur Sexe Haïti régionale mondiale Taux global de fécondité par femme 3.2 2.1 2.5 Espérance de vie à la naissance (années) les deux 62 76 70 Espérance de vie à 60 ans (années) les deux 17 22 20 Espérance de vie en bonne santé à la naissance les deux 52 67 62 (années) Taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans les deux 76 15 48 pour 1,000 naissances vivantes Hommes 268 161 187 Taux de mortalité des adultes Femmes 227 89 124 TMM pour 100,000 naissances vivantes 380 68 210 Prévalence du VIH pour 100,000 habitants 1,435 315 511 Prévalence de la tuberculose pour 100,000 habitants 296 40 169 Le taux de mortalité des adultes représente la probabilité de décès entre 15 et 60 ans pour 1 000 habitants. Organisation mondiale de la santé, 2014. 95 Voir la fiche de Haïti dans la base de données de l’Observatoire mondial de la santé, Organisation mondiale de la santé, Genève, http:/ /www.who.int/gho/fr/. 114 Banque mondiale - ONPES L’analyse présentée dans ce chapitre se fonde sur les profils de pauvreté présen- tés dans le chapitre 1 et, par conséquent, sur les données de la récente enquête sur les conditions de vie menée après le tremblement de terre (ECVMAS 2012). Les autres sources de données sont d’ordre administratif ou proviennent de la série d’Enquêtes démographiques et de santé (EDS), qui autorisent des comparaisons qui font plus sens au fil du temps. 2. Accès à l’éducation Ces deux dernières décennies, Haïti a accompli des progrès notables sur le plan de l’augmentation des niveaux d’instruction. En moyenne, les jeunes Haïtiens sont plus instruits que leurs aînés, ce qui indique un relèvement des niveaux d’instruc- tion (encadré 3.1). Le lien entre l’âge et le niveau d’instruction peut toutefois être en partie le résultat d’une migration internationale sélective (voir ci-dessus). La fi- gure 3.2 montre que, chez les jeunes adultes âgés de 15 à 19 ans, les niveaux d’ins- truction et d’alphabétisation sont en constante progression. En 1994, 13 à 14% des hommes et des femmes n’avaient jamais fait d’études; en 2012, cette proportion était descendue à 3%. Une proportion croissante de ces mêmes cohortes atteint le niveau du premier cycle du secondaire ou plus. Encadré 3.1. La persistance intergénérationnelle de l’éducation: analyse des écarts en matière d’éducation Quel est le degré de persistance du niveau d’instruction d’une génération à l’autre? La réponse à cette question est importante, car elle permet de comprendre la mesure dans laquelle l’éducation offre à tous les enfants haïtiens la possibilité de développer leur capital humain et d’améliorer leur bien-être. Bien que les données sur les niveaux d’instruction des adultes et de leurs parents ne soient pas disponibles, l’ECVMAS comporte tout de même des données sur les niveaux d’instruction des adultes et les niveaux de classe actuels de leurs enfants (âgés de 10 ans et plus). Avec ces données, on peut calculer l’écart d’instruction, c’est-à-dire la différence entre le niveau d’instruction potentiel et réel d’un enfant. Par exemple, parce que l’âge légal du début de l’éducation formelle est de 6 ans, le niveau d’instruction potentiel d’un enfant de 10 ans serait quatre années. Si cet enfant n’était pas scolarisé, l’écart serait égal à 4, et s’il était en 2e année du primaire, l’écart serait égal à 2a. Les résultats montrent que l’écart d’instruction moyen chez les enfants âgés de 10 à 14 ans est plus important chez les enfants des ménages les plus pauvres, s’établissant à plus de 2.5 années, ce qui correspond à des taux de scolarisation plus bas et à des taux plus élevés de dépassement de l’âge normal pour la classe dans ce segment de la population (figure B3.1.1). Se situant à près de 2 années, la moyenne dans tous les quintiles est nettement supérieure aux écarts observés dans d’autres pays de la région, où l’écart moyen chez les enfants âgés de 15 ans était d’environ 1.5 année en 2009 (Ferreira et al. 2013). 115 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Figure B3.1.1. Écart moyen d’instruction chez les enfants âgés de 10 à 14 ans par quintile de consommation par tête Moyenne Q5 Q4 Q3 Q2 Q1 0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 La figure B3.1.2 montre que le fossé éducatif se creuse parmi les enfants; pour cette tranche de la population il est deux fois plus large chez les mé- nages les plus pauvres que chez les ménages les plus riches. Le niveau d’instruction des parents a un effet important: même dans les quintiles de consommation, les enfants (10 à 14 ans) de parents plus instruits présen- tent des écarts d’instruction plus faibles. Une augmentation de l’écart-type du niveau d’instruction des parents de 1 est associée à une diminution de l’écart d’instruction de 0.84 année dans le quintile le plus pauvre et de 0.68 année dans le quintile supérieur. En moyenne, pour tous les quintiles, l’ef- fet est de 0.86 année, un chiffre nettement plus élevé que les moyennes régionales, qui sont de 0.3 année chez les enfants âgés de 10 ans et de 0.6 année chez les enfants âgés de 15 ans (Ferreira et al. 2013). Cela indique que la persistance du niveau d’instruction est particulièrement forte en Haïti. Figure B3.1.2. Réduction moyenne de l’écart d’instruction associée à l´augmentation d’un écart-type du niveau d’instruction des parents, par quintile de consommation par tête des ménages 0 Réduction de l'écart d'éducation face à l'augmentation d'un écart-type de -0.2 l'éducation des parents1 -0.4 -0.6 -0.8 -1 -1.2 Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 Moyenne Remarque: Chaque barre représente la réduction moyenne de l’écart d’instruction associée à une augmentation d’un écart-type du niveau d’instruction des parents par quintile de consommation par tête des ménages. D’autres variables incluses dans la régression sont le sexe de l’enfant, les effets du non changement de département, et un indicateur du fait de vivre en zone urbaine. Seuls les enfants vivant dans un ménage dont le chef est l’un de leurs parents sont pris en compte dans cette analyse. a. Cet indicateur est une approximation des années de scolarité par classe parce que le nombre réel d’années passées à l’école n’est pas connu. Par conséquent, une année de redoublement est considérée comme 0 année de scolarité. 116 Banque mondiale - ONPES Figure 3.2. Niveau d’instruction des adultes et des jeunes a. Niveau d’instruction des adultes 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% 18 21 27 57 48 15 51 36 39 45 54 60 24 63 42 30 33 Âge (années) Cycle sec.2 complet et plus Cycle sec.1 complet Cycle primaire complet Cycle primaire incomplet Aucun b Part d’adultes (15-19 ans) ayant au moins commencé le cycle secondaire 60% 50% 40% 1994 30% 2000 2005 20% 2012 10% 0% Femmes Hommes Sources: Graphique  a. ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES; graphique b. Rapports finaux des EDS. Malgré ces progrès, le niveau d’instruction des adultes reste relativement li- mité, ce qui influe négativement sur les salaires qu’ils peuvent obtenir. Com- parativement à ses voisins d’Amérique latine et des Caraïbes, Haïti une des plus fortes proportions d’adultes non instruits. Les taux d’alphabétisation dans tous les départements, y compris l’Ouest, sont inférieurs à la moyenne régionale et, dans plusieurs départements, ils sont proches de la moyenne mondiale des pays à faible revenu (carte 3.1). À l’échelle nationale, le taux d’alphabétisation des adul- tes est d’environ 77%, à mi-chemin entre la moyenne des pays à faible revenu et celle de la région. Alors que le nombre moyen d’années de scolarité chez les jeunes hommes et les jeunes femmes est le même, les adultes de sexe masculin 117 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté (24-64 ans) affichent en moyenne près de deux années de scolarité de plus que les adultes de sexe féminin dans cette même tranche d’âge. Or dans la région, la ten- dance est inverse: les femmes sont, en moyenne, plus instruites que les hommes. L’un des déterminants du chômage et du sous-emploi est le faible niveau d’instruc- tion, en particulier dans les zones urbaines, où le chômage est associé à la pauvreté et à la vulnérabilité. L’achèvement du cycle primaire par un adulte vivant en mi- lieu urbain se traduit par une augmentation de 25% des revenus de son travail. Par conséquent, l’investissement dans l’éducation des adultes, y compris la capacité à lire et à calculer ainsi que les aptitudes techniques exigées sur le marché du travail, semble être indispensable pour réduire la pauvreté en Haïti. Carte 3.1. Le taux d’alphabétisation en Haïti, 2012 Taux d’alphabétisation des adultes (15+) par département 80-85 75-80 70-75 65-70 60-65 55-60 91.5%: Moyenne d´Amérique L. et Caraïbes 61.2%: Moyenne des pays à faible revenu 77.5%: Moyenne d´Haïti Sources: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES; WDI (Indicateurs du développement dans le monde) (base de données), Banque mondiale, Washington, DC, http://data.worldbank.org/data-catalog world-development-indicators. Remarque: Les données sur l’alphabétisation dans les pays autres que Haïti proviennent de sources diverses. Les différences méthodologiques peuvent donc biaiser les comparaisons entre Haïti et d’autres pays. Les jeunes se heurtent à des difficultés supplémentaires sur le marché du travail, bien qu’ils soient plus instruits, d’où l’importance d’une éducation de meilleure qualité, en particulier au niveau de la formation professionnelle. Bien que le niveau d’instruction soit plus élevé chez les jeunes adultes d’une meilleure éducation par rapport aux cohortes plus âgées, il demeure à la traîne au regard des niveaux correspondants dans le reste de la région (voir la carte 3.1). Une situation qui pénalise les jeunes adultes sur le marché du travail, en particulier dans les zo- nes urbaines (voir le chapitre 2). En effet, les personnes âgées de 15 à 24 ans dans les zones urbaines affichent non seulement les plus faibles taux d’emploi et de participation à la vie active, mais aussi les taux de chômage et d’emploi informel les plus élevés. Ce qui laisse penser que la qualité moyenne de l’éducation qu’ils ont reçue est faible (voir ci-dessous). Les jeunes ayant achevé des études primaires peuvent donc malgré tout manquer d’aptitudes minimales, en plus d’avoir besoin 118 Banque mondiale - ONPES d’une formation plus adaptée à l’emploi. Un large éventail de défaillances du mar- ché contribue probablement à cette situation (échecs sur le marché du travail, le marché du crédit et le marché de l’éducation, y compris la pénurie d’informa- tions). Il peut donc s’avérer insuffisant d’investir uniquement dans la formation des jeunes pour améliorer leur employabilité. Scolarisation des enfants et progression d’une classe à l’autre et dans l’apprentissage Malgré les progrès réalisés ces dernières décennies, environ 10% des enfants âgés de 6 à 14 ans ne sont pas scolarisés. La figure 3.3 montre que la majorité des enfants d’âge préscolaire et 90% des enfants ayant atteint l’âge légal du pri- maire (6-11 ans) sont scolarisés. (L’encadré 3.2 donne une image de la structure du système éducatif). Cela représente une avancée puisqu’en 2001, les taux de sco- larisation pour la même cohorte d’âge étaient d’environ 78%. Comparativement, dans la région les taux de scolarisation sont supérieur à 95% dans cette tranche d’âge, sauf qu’au Nicaragua (88%), au Guatemala (92%) et au Honduras (94%)96. La scolarisation commence à reculer autour de 15 ans en Haïti, mais 73% des jeunes âgés de 18 ans déclarent qu’ils vont toujours à l’école (ECVMAS 2012). Les chiffres indiquent qu’actuellement près de 200,000 enfants de 6 à 14 ans ne sont pas scolarisés97. Figure 3.3. Scolarisation des enfants en Haïti, 2012 100% 80% 60% 40% 20% 0% 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 Âge (années) Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: Les enfants inscrits dans le préscolaire sont considérés comme scolarisés. Les taux de scolarisation sont déterminés sur la base des réponses à la question posée dans le cadre de l’enquête de savoir si les enfants vont actuellement à l’école plutôt que sur les registres administratifs sur la scolarisation. 96 Données de la Base de données socioéconomiques de l’Amérique latine et des Caraïbes (SE- DLAC), Centre d’études sur la distribution, le travail et les conditions sociales, Facultad de Ciencias Económicas, Universidad Nacional de La Plata, La Plata, Argentine; Equity Lab, Équipe de production de statistiques, Banque mondiale, Washington, DC, http:/ /sedlac.econo.unlp.edu.ar/eng/statistics. php. 97 Estimations basées sur l’ECVMAS (2012), taux de scolarisation, et projections démographiques à l’IHSI (2007). 119 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Encadré 3.2. Le système éducatif en Haïti L’éducation formelle en Haïti comprend quatre niveaux: le préscolaire, l’éducation de base, l’enseignement secondaire et l’enseignement supé- rieur (figure B3.2.1). Le préscolaire est destiné aux enfants de 2 à 5 ans, et a normalement quatre niveaux selon l’âge: les poupons, les petits, les moyens et les grands. Cette structure n’est pas pour autant imposée par les politiques publiques. Les deux cycles —de la première à la sixième an- née pour les enfants âgés de 6 à 11 ans— sont considérés comme consti- tuant l’enseignement primaire. Les enfants peuvent ensuite suivre des programmes de formation professionnelle ou poursuivre leurs études au troisième cycle de base (premier cycle du secondaire), qui se compose de trois classes pour les enfants âgés de 12 à 14 ans. De même, des pro- grammes de formation professionnelle sont accessibles après le premier cycle du secondaire, ou les enfants peuvent continuer à l’enseignement secondaire (second cycle du secondaire), qui se compose de trois ou quatre classes selon le modèle suivi par l’établissement scolaire. L’ensei- gnement supérieur (tertiaire) comprend un éventail de programmes uni- versitaires, techniques et professionnels. Figure B3.2.1. Le système éducatif formel Enseignement Enseignement Préscolaire Éducation de base secondaire supérieur Pas de structure Cycles 1 et 2 Cycle 3: Premier Second cycle Superieur imposé par le L´enseignement cycle du du Secondaire Gouvernement primaires secondaire Âges: 4-5 Âges: 6-11 Âges: 12-14 Âges:15-17 or 18 Âges: 18+ Grades 1-6 Grades 7-9 Grades 10-12-13 Sources: Données du ministère de l’Éducation et de la Formation professionnelle; estimations de la Banque mondiale et ONPES. La plupart des enfants ont dépassé l’âge normal de leur classe, soit parce qu’ils ont commencé l’école tardivement, soit parce qu’ils progressent lentement – un phénomène connu sous le nom de «sur âge». La figure 3.4 montre les taux d’assiduité dans les cycles d’enseignement primaire, secondaire et supérieur. En 2001, le taux net de scolarisation dans le primaire au niveau national s’établissait à environ 60% et, en 2012, il était passé à 72%. De même, le taux net de scolarisa- tion dans l’ensemble du secondaire (premier et second cycles) a progressé, pas- sant de 22 à 47%. Ces progressions correspondent aux progrès réalisés sur le plan de l’augmentation de la proportion d’enfants scolarisés et de l’amélioration de la progression scolaire normale (âge pour classe correspondante). D’importantes dis- torsions entre l’âge et la classe demeurent cependant, conduisant à de gros écarts entre le taux net de scolarisation et le taux brut de scolarisation à tous les niveaux, 120 Banque mondiale - ONPES jusqu’à ce que le taux de scolarisation baisse sensiblement dans le cycle supé- rieur. Ces distorsions résultent d’une pratique généralisée consistant à démarrer tardivement les études primaires, et des taux élevés de redoublement et d’aban- don scolaire. Figure 3.4. Taux de scolarisation dans les cycles d’enseignement primaire, secondaire et supérieur 130% 120% 110% 100% 90% 80% 70% 60% 50% TNS 40% 30% TBS 20% 10% 0% Cycle primaire Cycle secondaire Cycle secondaire Cycle supérieur inférieur supérieur Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: Taux net de scolarisation (TNS) = effectifs à un niveau d’enseignement donné parmi le groupe d’âge qui correspond officiellement à ce niveau, exprimé en proportion de la même tranche d’âge au sein de la population. Taux brut de scolarisation (TBS) = le nombre d’enfants qui fréquentent l’école à ce niveau, indépendamment de l’âge, divisé par le nombre d’enfants de la tranche d’âge qui correspond officiellement à ce niveau. Les enfants commencent les études primaires avec en moyenne deux années de retard et progressent lentement, de sorte que moins de 60% atteignent la dernière année du primaire. Alors que l’âge officiel pour le début du primaire est de 6 ans, en moyenne les enfants entrent en première année à 7-8 ans, après avoir consacré deux ans ou plus à une sorte d’éducation préscolaire. Cette distor- sion prend de l’ampleur au fil du temps, car environ 10% des enfants redoublent, et 2 à 6% abandonnent à chaque classe du primaire, de telle sorte qu’il existe un écart de trois à quatre ans entre l’âge moyen des élèves et l’âge prescrit pour la deuxième année de scolarité et les classes suivantes (tableau 3.2). En utilisant une simulation de cohorte, ces taux supposent qu’environ 58% seulement des enfants en première année du primaire atteindront la sixième année, et que 29% seule- ment atteindront la dernière année du second cycle du secondaire. Il est donc indispensable, pour relever les niveaux d’instruction, d’identifier et lutter contre les facteurs du démarrage tardif des études primaires et des taux élevés de re- doublement et d’abandon. Les données disponibles autorisent une analyse des caractéristiques des individus et des ménages qui ont une corrélation avec le fait d’avoir dépassé l’âge de sa classe, mais des recherches supplémentaires sur les causes systémiques sont nécessaires. 121 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Tableau 3.2. L’élève moyen achève l’école primaire à près de 16 ans % de redoublements Catégorie Âge moyen Âge prescrit % d’abandons attendus attendus 1 8.1 6 12 2 2 9.9 7 10 1 Primaire 3 11.5 8 11 2 4 12.8 9 9 3 5 13.8 10 7 3 6 15.3 11 11 5 Cycle secondaire 7 15.9 12 6 3 inférieur 8 16.8 13 3 4 9 17.8 14 10 5 3 18.5 15 4 4 Cycle secondaire supérieur 2 19.6 16 4 7 Rheto 20.6 17 29 13 Philo 20.8 18 9 30 Source: Estimations des services de la Banque mondiale basées sur les données de l’EDS 2012. Remarque: Rhéto = sixième année. Philo = septième année. Les enfants des ménages ruraux pauvres ont moins de chances d’être scolari- sés ou d’être dans la classe correspondant à leur âge (figure 3.5)98. Sur l’ensemble des ménages pauvres, 88% des enfants âgés de 6 à 14 ans sont scolarisés, contre 96% des enfants dans les ménages non pauvres. De même, parmi les ménages pau- vres, 62% des enfants de 10 à 14 ans ont dépassé l’âge de leur classe (70% dans les zones rurales), contre 38% dans les ménages non pauvres. Ces résultats démontrent que la pauvreté est un obstacle majeur à la scolarisation. Les données montrent que, toutes autres caractéristiques considérées égales, pour une augmentation de la consommation annuelle par tête des ménages de 1,000 gourdes (représentant environ 4% du seuil de pauvreté national), la probabilité de scolarisation augmente de 0.2 point de pourcentage, alors que la probabilité de dépasser l’âge normal de sa classe diminue de 3 points de pourcentage. De nombreux facteurs contribuent à la corrélation entre la pauvreté, la scolarisation et le dépassement de l’âge normal d’une classe, ainsi que le coût de la scolarité, qui peut retarder la scolarisation ou conduire à un abandon scolaire temporaire. En effet, environ un tiers des enfants âgés de 10 à 14 ans qui ne sont pas scolarisés travaillent, et 60% seulement des enfants du quintile de bien-être le plus bas vont à l’école, mais ne travaillent pas. 98 Pour examiner les effets de plusieurs caractéristiques du ménage dans le même cadre, nous avons effectué une régression des probits de la scolarisation et des caractéristiques du dépassement de l’âge normal d’une classe parmi les individus ( ), les ménages ( ), et selon la zone de résidence ( ), comme suit: scolarisés (3.1) Les résultats sont présentés à l’annexe K. 122 Banque mondiale - ONPES De nombreux enfants continuent d’être des restaveks, ou domestiques, une situa- tion qui peut nuire à leur scolarisation et à leur progression à l’école99. Les coûts Les filles arrêtent l’école à 14 ans, associés à l’éducation constituent le principal motif de la non scolarisation des avant les garçons, enfants dans 83% des cas. D’autres facteurs liés à la pauvreté, tels que la mal- s’exposant ainsi aux nutrition, le mauvais état de santé (voir ci-dessous), et le manque de stimulation, conséquences de peuvent avoir des effets néfastes sur le développement cognitif des enfants. S’ils long terme comme ne sont pas suffisamment stimulés dans leur petite enfance, les enfants peuvent le mariage précoce entrer à l’école en étant mal préparés et être plus susceptibles d’obtenir de piè- ou l’illettrisme. tres résultats, de redoubler des classes et d’abandonner les études, par rapport aux enfants dont les aptitudes cognitives et la préparation générale à la fréquen- tation de l’école sont plus adaptées pour démarrer le primaire100. Figure 3.5. Scolarisation par zone de résidence, niveau de pauvreté et sexe (%) a. Taux de scolarisation 100% 90% 80% 70% 60% 50% Femmes 40% 30% Hommes 20% 10% 0% Pauvres Non pauvres Pauvres Non pauvres Rural Urbain 99 Les restaveks («reste avec» en français) sont les enfants de ménages pauvres, généralement ruraux, qui sont envoyés en bas âge dans des plus aisés, habituellement des membres de la famille, dans les villes, dans l’espoir qu’ils y trouveront une vie meilleure. Ces enfants sont fréquemment utilisés comme domestiques dans les familles d’accueil, qui en règle générale violent les droits humains les plus élémentaires de ces enfants. Il est difficile de recenser les restaveks dans les données d’en- quêtes de ménages. Dans l’ECVMAS (2012), 91 observations seulement comprennent des membres du ménage identifiés comme « domestique » (restavek). Certaines études montrent pourtant que le problème est d’une envergure importante. Par exemple, une étude menée en 2009 par la Fonda- tion panaméricaine de développement a révélé qu’il pourrait y avoir jusqu’à 225,000 restaveks en Haïti (Pierre et al. 2009). 100 Voir par exemple Currie et Thomas (1999); Feinstein (2003); Heckman et Masterov (2007); Pianta et McCoy (1997) ; Reynolds et al. (2001). 123 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté b. Proportion d’enfants âgés de 10 à 14 ans ayant dépassé l’âge normal Les filles arrêtent l’école à 14 ans, de leur classe avant les garçons, 80% s’exposant ainsi aux 70% conséquences de 60% long terme comme 50% le mariage précoce 40% Femmes ou l’illettrisme. 30% Hommes 20% 10% 0% Pauvres Non Pauvres Pauvres Non Pauvres Rural Urbain Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: Les enfants âgés de 6 à 14 ans sont inclus dans le graphique a (les écarts entre les sexes ne sont pas significatifs sur le plan statistique, mais les écarts entre pauvres et non pauvres si). L’insuffisance de données ne permet pas une analyse des dépassements de l’âge normal de classes spécifiques pour les enfants de moins de 10 ans. Les enfants sont considérés comme ayant dépassé l’âge normal de leur classe s’ils ont au moins deux ans de plus que l’âge prescrit pour leur classe. Le sexe n’a pas une importance statistique pour la scolarisation, mais il en a une pour les élèves qui ont dépassé l’âge normal de leur classe. La présence des parents dans le ménage et leur niveau d’éducation, la zone de résidence, et le handicap sont corrélés à la scolarisation et à la progression normale à l’école. Comparativement à leurs pairs qui vont à l’école, les enfants non scolarisés sont beaucoup moins susceptibles d’être le fils ou la fille du chef de ménage et beaucoup plus susceptibles d’être handicapés. Ils sont aussi plus sus- ceptibles d’être dans des ménages installés en milieu rural et dans des ménages dont le chef est peu instruit. Parmi les enfants scolarisés, ceux qui ont dépassé l’âge normal de leur classe sont beaucoup plus susceptibles d’être des garçons et beaucoup moins susceptibles d’être les enfants du chef de ménage. Comme les enfants non scolarisés, ils sont aussi plus susceptibles de vivre en milieu rural et dans des ménages dont le chef est peu instruit. Si les garçons sont plus suscepti- bles de dépasser l’âge normal de leur classe, les filles quant à elles commencent à abandonner l’école plus tôt qu’eux, autour de 14 ans. Beaucoup d’élèves apprennent peu, en particulier au sein des collectivités pau- vres. Selon les évaluations administrées dans les petites classes de certaines écoles, les aptitudes de base sont acquises lentement ou pas du tout, en particulier dans les établissements scolaires de collectivités démunies. À titre d’exemple, il ressort d’éva- luations conduites dans des écoles de l’Artibonite et des Nippes que l’élève moyen de troisième année du primaire ne peut lire que 23 mots par minute, une vitesse nettement inférieure à la vitesse estimée de 35 à 60 mots par minute nécessaire pour comprendre un texte basique (RTI International 2010; USAID 2012). Les faibles résultats d’apprentissage ne sont pas surprenants, car la qualité d’enseignement et 124 Banque mondiale - ONPES la mise à disposition de matériel d’apprentissage sont généralement jugées insuf- fisantes (MENFP 2013). Par exemple, dans les évaluations en langue française et en mathématiques des instituteurs dans le Plateau Central, où les questions pro- venaient d’épreuves de l’institut de formation des enseignements, seulement 10% (en français) et 22% (en mathématiques) des enseignants ont pu répondre correcte- ment à au moins la moitié des questions (Gallie et Marcellus 2013)101. Les examens nationaux sont d’abord administrés à la fin de la sixième année du primaire. Ils sont critiqués pour leur contenu jugé archaïque et le recours à la mémorisation. Les élèves qui passent les examens constituent un groupe relativement restreint, étant donné que de nombreux enfants ne vont pas au-delà de la sixième année et que le passage des deux premiers examens est assujetti au paiement de frais d’examen (250 HTG en sixième année; et 350 HTG en neu- vième année). Les taux de réussite étaient environ de 75% en sixième et neuvième années en 2013; ils étaient de 29% en rhéto (sixième année) et 38% en philo (sep- tième année). Ces taux varient d’un département à l’autre, tout comme la propor- tion d’élèves qui passent effectivement les examens. Compte tenu des lacunes en aptitudes élémentaires que semblent indiquer des études menées à petite échelle, il faudrait des évaluations de l’apprentissage qui sont représentatives de la situation nationale pour comprendre les difficultés rencontrées par la majorité des élèves haïtiens. Dépenses des ménages et offre d’éducation L’offre d’écoles publiques est limitée en Haïti. Selon les données du recense- ment scolaire de 2010/2011, 12% seulement des 17,076 établissements scolai- res en Haïti sont publics, et ils accueillent 22% des élèves du primaire et 27% des élèves du secondaire. Bien que la majorité des enfants fréquentent des écoles non publiques, 61% des enfants vivant dans des ménages pauvres fréquentent des écoles non publiques, contre 78% des enfants non pauvres. Parmi les enfants pauvres qui fréquentent les écoles non publiques, plus de 70% sont inscrits dans des établissements scolaires communautaires ou dans des établissements privés non confessionnels ou non communautaires. L’offre d’écoles primaires non pu- bliques a augmenté de façon exponentielle ces dernières années (figure 3.6). Un peu moins de la moitié des écoles primaires non publiques sont confessionnel- les; les écoles protestantes en représentent la majorité. Peu de données sur les écoles non publiques sont systématiquement collectées au-delà des informa- tions de base fournies volontairement dans le recensement scolaire annuel102. 101 Dans les deux cas, les collectivités concernées ont été ciblées par les pouvoirs publics et leurs par- tenaires internationaux pour recevoir de l’aide en raison de leur pauvreté et de leur vulnérabilité. Les conclusions sur l’apprentissage dans les écoles haïtiennes ne peuvent donc pas s’appuyer d’une manière plus large sur ces exemples. 102 Dans certaines écoles, comme celles qui participent au programme de dispense de frais de scolarité Éducation pour tous, des données supplémentaires sur les effectifs, le matériel scolaire et d’autres caractéristiques sont régulièrement recueillies. 125 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Plus de la moitié de l’ensemble des écoles primaires ne sont pas encore officielle- ment reconnues par l’État, qui a entrepris de mettre en place un système d’agré- ment décentralisé à plusieurs niveaux de reconnaissance officielle. Figure 3.6. Nombre d’écoles publiques et non publiques, par an 16000 14000 12000 Nombre d´écoles 10000 8000 6000 Écoles 4000 2000 0 1948 1951 1957 1966 1969 1981 1984 1996 1999 2008 1936 1939 1945 1954 1960 1963 1990 1993 1942 2011 1930 1933 1978 1987 1975 1972 2005 2002 Année Écoles Écoles non Écoles Écoles non publiques publiques publiques (C2003) publiques (C2003) Source: Recensements scolaires 2002/2003 et 2010/2011. Malgré la faible progression d’une classe à une autre et les mauvais résultats d’apprentissage, les ménages dépensent des sommes conséquentes pour en- voyer les enfants à l’école. Sur l’ensemble des ménages ayant des enfants sco- larisés âgés de 6 à 14 ans, 93% déclarent des dépenses d’éducation positives. Ces dépenses sont substantielles en moyenne, et les ménages ont déclaré avoir consa- cré 10% de leur consommation annuelle totale à l’éducation (des enfants) durant l’année scolaire 2011/2012. Cette proportion est uniforme entre ménages pauvres et non pauvres. Les écoles non publiques sont environ de moitié plus coûteuses que les écoles publiques. Ce coût plus élevé est dû aux frais de scolarité qui sont plus élevés (figure 3.7). Selon les données du recensement scolaire de 2002/2003, les frais de scolarité sont positivement corrélés aux infrastructures scolaires (la- trines, électricité), à la taille plus faible des classes et à la quantité plus importante de matériels didactiques (Demombynes, Holland et Leon 2010). 126 Banque mondiale - ONPES Figure 3.7. Dépenses d’éducation par type, enfants âgés de 6 à 14 ans 100% 90% 80% 70% Autres 60% Transport 50% Uniformes 40% Livres 30% Frais 20% de scolarité 10% 0% Pauvres Non Pauvres Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Quel que soit le type d’école que fréquentent leurs enfants, les ménages dépen- sent aussi des sommes considérables pour les uniformes, les livres et le transport. Ces dépenses représentent une charge particulière pour les ménages pauvres, et le coût est cité comme la principale raison lorsqu’on demande aux ménages pourquoi leurs enfants ne sont pas scolarisés. Parce que les ménages pauvres ont plus d’enfants en âge scolaire et une consommation totale moindre, ils dépen- sent pour chaque enfant moins de la moitié de la somme que les ménages non pauvres dépensent, soit 3,600 HTG contre 11,400 HTG par enfant par an. Globale- ment, les estimations basées sur 2012 montrent que les ménages consacrent plus de 21 milliards de HTG (500,000 dollars) par an à l’éducation. Les ménages prennent en charge l’essentiel des coûts de l’éducation, aidés parfois par des transferts privés, car les dépenses publiques d’éducation sont faibles. Les ménages supportent 64% du coût total de l’éducation, alors que, se- lon le ministère de l’Économie et des Finances, l’État ne s’occupe que de 30%, soit 3.5% du PIB. Les bailleurs de fonds, quant à eux, ne prennent en charge que 6% du coût total, dans un contexte où l’aide internationale tend à diminuer (figure 3.8). Il est prouvé que les transferts privés aident à couvrir les frais de scolarité. Seulement 4% des ménages pauvres et 3% des ménages non pauvres ayant des enfants âgés de 6 à 14 ans déclarent recevoir des transferts prévus pour la scolari- té. Cependant, parmi tous les ménages qui reçoivent des transferts privés, le mon- tant moyen reçu dépasse les 45,000 gourdes, une somme nettement supérieure au montant total moyen des dépenses d’éducation des ménages. Ces ménages déclarent également dépenser beaucoup plus dans l’éducation par rapport aux autres ménages appartenant aux mêmes quintiles de consommation. L’argent étant fongible, les transferts non prévus pour la scolarité peuvent toujours finan- cer les dépenses d’éducation. 127 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Figure 3.8. Différentes Sources des financements annuels destinés à l’éducation a. Source des financements annuels destinés à l’éducation Bailleurs 6% Resources publiques 32% Ménages 62% b. Contributions des bailleurs de fonds pour l’éducation, en milliards de HTG 9 8 7 6 Engagements 5 Décaissements 4 3 2 1 0 FY10 FY11 FY12 FY13 Sources: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES Conscient que les frais scolaires représentent un obstacle majeur à l’accès et un fardeau considérable pour les ménages, l’État a décidé prendre à son compte une plus grande partie du financement de l’enseignement primaire. Depuis 2007, avec l’aide des partenaires de développement, il dispense les élèves du paiement des frais de scolarité dans les écoles non publiques. Cette dispense permet à des centaines de milliers d’enfants d’aller à l’école sans avoir à payer les frais de scolarité. Plus récemment, l’administration Martelly-Lamothe a mis en place le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO), destiné à financer les études primaires de centaines de milliers d’enfants supplémentaires. 128 Banque mondiale - ONPES Ces initiatives soulagent les ménages du fardeau des frais de scolarité et peuvent aussi attirer les enfants tenus à l’écart de l’école en raison des coûts. Ceci étant, comme la moitié des dépenses d’éducation des ménages n’est pas affectée aux frais de scolarité, certains enfants vont probablement continuer d’être tenus en marge de l’école si ces coûts ne sont pas réduits. Des initiatives complémentaires de protection sociale telles que les transferts monétaires conditionnels peuvent aider les familles à assumer ces coûts autres que les frais de scolarité. Si ces trans- ferts sont bien conçus et bien ciblés, ils pourraient, d’après les indications, avoir un impact positif sur la fréquentation scolaire et la réduction du travail des enfants dans un grand nombre de pays (Ribe, Robalino et Walker 2010). Le plan stratégique actuel du ministère de l’Éducation nationale et de la For- mation professionnelle reconnaît que, outre la pauvreté, il existe de nom- breux obstacles à la scolarisation. La forte corrélation entre la scolarisation et des facteurs liés à l’individu et au ménage, en particulier le handicap et le fait de vivre dans un ménage dont le chef n’est son parent, indique l’existence d’obstacles importants, outre les coûts. Si les groupes vulnérables sont actuellement desser- vis principalement par des organisations non gouvernementales (ONG), l’État est censé réaliser des études pour comprendre les besoins de ces groupes et soute- nir leur éducation (MENFP 2013). L’État entend également construire de nouvelles salles de classe et des écoles dans les zones qui n’en ont pas les moyens. Le plan du ministère comprend des initiatives visant à améliorer la progression à l’école et à renforcer l’apprentissage, mais peu d’entre elles sont prévues pour le développement de la petite enfance. La majorité des enfants commen- cent l’école primaire avec du retard, et l’écart entre l’âge approprié pour la classe et l’âge réel de l’élève se creuse de plus en plus. Pour résoudre ce problème, le gouvernement élabore des programmes accélérés pour les élèves trop âgés pour leur classe et étudie des voies et moyens pour encourager les parents à envoyer leurs enfants à l’école primaire à 6 ans. Les investissements dans la formation des enseignants, dans le matériel d’apprentissage, et d’autres mesures sont également envisagées pour apporter des réponses au problème de l’insuffisance des résultats d’apprentissage (MENFP 2013). Le ministère pilote la mise en place d’une politique sur le développement de la petite enfance, mais cette initiative accuse du retard, et un calendrier pour la réalisation et la mise en œuvre n’a pas été fixé. 3. Accès aux soins de santé Résultats de santé et utilisation des services Les résultats de santé se sont améliorés au cours de la décennie écoulée. Malgré le tremblement de terre dévastateur de 2010, les principaux résultats en matière de santé maternelle et infantile ont progressé. Le taux de mortalité infantile a re- culé de 9%, passant de 70 décès pour 1,000 naissances vivantes en 2005-2006 à 64 décès pour 1,000 naissances vivantes en 2012, et le taux de mortalité des 129 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté enfants âgés de moins de 5 ans a chuté de 10% (figure 3.9). Le nombre d’enfants souffrant d’insuffisance pondérale et de retard de croissance a chuté de 35 et 24% respectivement (tableau 3.3). Malgré l’amélioration de nombreux résultats concer- nant la santé des enfants, le taux de prévalence des infections respiratoires aiguës (IRA) a augmenté de 56% entre 2005-2006 et 2012. Le séisme de 2010 pourrait expliquer cette hausse soudaine, car l’incidence des IRA augmente généralement pendant les crises (Bellos et al. 2010). Figure 3.9. Taux de mortalité infantile et des moins de 5 ans, par quintile d’indice de richesse Nombre de décès pour 1,000 naissances vivantes a. Taux de mortalité infantile 78 80 77 73 70 67 64 62 61 58 51 45 2005-06 DHS 2012 DHS Total Quintile Inférieur Deuxième Troisième Quatrième Quintile Quintile Quintile Quintile Supérieur b. Taux de mortalité des moins de 5 ans 125 114 110 102 104 96 98 92 88 83 62 55 2005-06 DHS 2012 DHS Total Quintile Inférieur Deuxième Troisième Quatrième Quintile Quintile Quintile Quintile Supérieur Source: Données provenant de STATcompiler (base de données STATcompiler du Programme d’EDS), ICF International, Rockville, Maryland, http://www.statcompiler.com/. 130 Banque mondiale - ONPES Tableau 3.3. Résultats sanitaires chez les enfants, par quintile d’indice de richesse, 2005-2006 et 2012 Indicateur 1er Q. 2e Q. 3e Q. 4e Q. 5e Q. Total EDS 2005-06 Souffrant de retard de croissance 41 37 34 18 8 29 Souffrant d’insuffisance pondérale 22 23 21 13 7 18 Taux de prévalence de la diarrhée 25 25 24 24 18 24 Taux de prévalence des IRA 10 11 9 7 5 9 EDS 2012 Souffrant de retard de croissance 31 27 21 16 7 22 Souffrant d’insuffisance pondérale 18 11 12 8 4 11 Taux de prévalence de la diarrhée 18 24 23 22 16 21 Taux de prévalence des IRA 14 14 16 15 13 14 Sources: EDS 2005-2006, 2012 provenant de STATcompiler (base de données STATcompiler du Programme d’EDS), ICF International, Rockville, Maryland, http://www.statcompiler.com/ Remarque: Les données sur les taux de retard de croissance et d’insuffisance pondérale pour 2005-2006 proviennent de la base de données STATcompiler, où les données tiennent compte du nouveau mode de calcul de ces taux adopté par l’Organisation mondiale de la santé. De même, l’utilisation des services de soins de santé a progressé entre 2005- 2006 et 2012. La couverture d’interventions de santé efficaces par rapport aux coûts telles que la thérapie de réhydratation, qui est utilisée pour traiter la diarrhée (principale cause de mortalité chez les enfants), s’est élargie de 32% entre 2005- 2006 et 2012, et la couverture vaccinale a augmenté de 10%. Bien qu’il soit encore faible, le nombre d’enfants traités contre les IRA a également progressé de 9%. Malgré quelques avancées, les résultats liés à la santé maternelle et les taux d’utilisation des services de santé maternelle en Haïti comptent parmi les plus faibles de la région. Le taux de mortalité maternelle a reculé de 43% entre 1990 et 2013, passant de 670 décès pour 100,000 naissances vivantes en 1990 à 380 décès pour 100,000103 naissances vivantes en 2013 (figure 3.10). Bien que les données nationales montrent un taux beaucoup plus bas (157 pour 100, 000 selon le MSPP), ce dernier reste beaucoup plus élevé que la moyenne régionale qui est de 68 pour 100,000 naissances (OMS 2014a). L’utilisation des services de santé maternelle a progressé. Les naissances sous assistance médicale dans des établissements de santé ont augmenté entre 2005-2006 et 2012. Le nombre d’accouchements assistés par du personnel qualifié en obstétrique, comme les 103 Toutefois, ces taux de mortalité maternelle (pas utilisés pas le Ministère de a la Santé Publique et de la Population -MSPP) ne sont pas aussi fiables que les chiffres fondés sur les données de l’enquête auprès des ménages (tels que les chiffres sur la mortalité infantile et d’autres indicateurs), car les taux de mortalité maternelle se basent sur des estimations de l’Organisation mondiale de la santé et d’autres acteurs. Les données d’enquête (qui sont beaucoup plus fiables) ne peuvent pas être utilisées pour dégager l’évolution du taux de mortalité maternelle parce que celui-ci n’a pas été mesuré dans les récentes enquêtes auprès des ménages réalisées en Haïti. En 2013, les statistiques du MSPP indiquent 157 pour 100,000 131 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté médecins, les sages-femmes et les infirmières, a bondi de 42%, et la proportion de femmes ayant bénéficié d’au moins quatre visites prénatales a augmenté de 24% (tableau 3.4). La fréquence des accouchements dans une structure de santé, des accouchements assistés par du personnel qualifié, et des visites pour soins prénataux auprès d’un agent qualifié est néanmoins beaucoup plus faible en Haïti que dans tous les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud (figure 3.11)104. Figure 3.10. Taux de mortalité maternelle, 1990-2013 Nombre de décès pour 100,000 naissances vivantes 800 670 700 580 600 510 470 500 380 400 300 200 100 0 1990 1995 2000 2005 2013 Source: OMS 2014b. Tableau 3.4. Fréquentation des services de santé maternelle et infantile, par quintile d’indice de richesse, 2005-2006 et 2012 Indicateur en% 1er Q. 2er Q. 3er Q. 4er Q. 5er Q. Total EDS 2005-06 Vaccination 34 40 45 37 56 41 Traitement contre les IRA 27 31 41 40 40 35 Traitement contre 34 38 47 54 54 44 la diarrhée Naissance sous assistance — — — — — 54 médicale qualifiée Accoucheuses qualifiées — — — — — 26 Accouchement dans 5 8 17 35 58 22 une structure de santé EDS 2012 104 Les «matrones» formées (sorte d’accoucheuses traditionnelles en Haïti), ne sont pas considérées comme étant qualifiées en obstétrique (EDS 2012), ce qui peut ne pas être le cas dans des pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure de la région. 132 Banque mondiale - ONPES Vaccination 43 46 52 42 41 45 Traitement contre les IRA 23 32 36 52 52 38 Traitement contre la 57 52 59 61 62 58 diarrhée Naissance sous assistance — — — — — 67 médicale qualifiée Accoucheuses qualifiées — — — — — 37 Accouchement dans une 9 20 38 51 76 36 structure de santé Sources: EDS 2005-06, 2012 provenant de STATcompiler (base de données STATcompiler du Programme d’EDS), ICF International, Rockville, Maryland, http://www.statcompiler.com/. Remarque: — = pas disponible. Figure 3.11. Indicateurs de fréquentation des services de santé en Haïti et dans quelques pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure d’Amérique latine Pourcentage Guyane Honduras Nicaragua République Dominicaine, 2013 Bolivie Haïti - 50% 100% Accouchements Accouchements Visites prénatales en centre de santé avec personnel qualifié qualifiés (4 visites) Traitement des infections Traitement Immunisation respiratoires aiguës (IRA) contre la diarrhée complète Sources: Données sur la Bolivie (EDS 2008), Guyana (EDS 2009), Haïti (EDS 2012), Honduras (EDS 2011–12) et Nicaragua (EDS 2001) provenant de la base de données STATcompiler du Programme d’ESD, ICF International, Rockville, Maryland, http://www.statcompiler.com/. 133 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Les résultats de santé chez les enfants sont également une source de préoc- cupation. Le taux de mortalité des moins de 5 ans représente près de 6 fois la moyenne régionale qui est de 16 (OMS 2010). Le taux de prévalence des 157 pour 100,000 (IRA) chez les enfants en Haïti (14%) est inférieur aux taux correspondants dans la plupart des pays d’Amérique latine, toutefois, ces derniers affichent une couverture vaccinale plus large et un meilleur traitement des enfants souffrant d’IRA. Les indicateurs de la couverture des services de santé infantile sont beau- coup plus faibles en Haïti que dans les autres pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure d’Amérique latine. Plus faibles sont les taux d’utilisation des services de santé et conséquemment, faibles sont les résultats de santé des populations les plus pauvres. Malgré les avancées enregistrées dans les quintiles de richesse inférieurs depuis 2005-2006, de grandes inégalités persistent: les quintiles les plus pauvres affichent des très mauvais résultats de santé et un faible taux d’utilisation des services de santé les plus bas105. Par exemple, le taux de mortalité infantile dans le quintile de revenu le plus élevé était de 62 décès pour 1,000 naissances vivantes, alors qu’il était de 104 dans les quintiles de revenu les plus bas (voir la figure 3.9). Par rapport au quintile le plus élevé, le nombre d’enfants souffrant d’insuffisance pondérale était quatre fois plus élevé dans le quintile le plus bas en 2012 (voir le tableau 3.3). Parmi les enfants qui étaient atteints d’IRA, 52% dans le quintile le plus riche ont reçu un traitement, contre 23% dans le quintile le moins riche (voir le tableau 3.4). La proportion d’ac- couchements sous assistance médicale dans des structures de santé était huit fois plus élevée dans le quintile le plus riche (76%) que dans le quintile le moins riche (9%) en 2012, ce qui montre que les plus pauvres ont un accès limité aux services de santé maternelle. Le niveau d’instruction des mères a une incidence sur les résultats de santé des enfants. En 2012, 34% des enfants dont les mères n’ont reçu aucune éducation souf- fraient de retard de croissance, contre 12% des enfants dont les mères avaient fait des études secondaires ou supérieures (tableau 3.5). Les femmes sans instruction ont trois fois plus d’enfants présentant une insuffisance pondérale que les femmes ayant suivi des études secondaires ou supérieures. De même, 33% des enfants dont les mères ne sont pas instruites sont vaccinés, contre 51% des enfants dont les mè- res ont suivi au moins des études secondaires, et 59% des femmes ayant suivi des études secondaires ou supérieures accouchent dans des établissements de santé, contre seulement 13% des femmes non instruites, une différence de 354%. 105 Les quintiles de richesse ici se réfèrent à l’indicateur de richesse calculé à partir des données de l’EDS, et non aux quintiles de consommation. 134 Banque mondiale - ONPES Tableau 3.5. Résultats sanitaires des enfants et fréquentation des services de santé qui leur sont destinés, par niveau de scolarité des mères Souffrant Souffrant Accouchement Niveau Traitement Traitement de retard d’insuf- dans d’études Vaccination contre contre de fisance une structure de la mère les IRA la diarrhée croissance pondérale de santé Aucune 34 18 33 23 52 13 Primaire 22 13 46 32 58 28 Secondaire 12 6 51 51 60 59 ou plus Total 22 11 45 38 58 36 Source: EDS 2012. L’un des chocs les plus importants que subit la population haïtienne c’est la maladie, qui affecte leur capacité à gagner des revenus. Au cours d’une année civile, 37% des ménages souffrent de problèmes liés à la santé (hors choléra), et, pour 28% des ménages, ce sont les chocs les plus graves subis durant l’année (figures 3.12 et 3.13). Dans l’ensemble, les chocs touchant la santé représentent le deuxième type de choc le plus courant dans les ménages, après les ouragans et les inondations, mais ils sont les plus graves. L’épidémie de choléra, qui fait des ravages dans des régions du pays depuis 2011, fait partie des dix premiers chocs en termes d’incidence et est le quatrième en termes de gravité (encadré 3.3). Le caractère fortement informel de l’emploi et le faible accès à la sécurité sociale laissent penser que ces chocs peuvent avoir un impact direct sur la capacité à générer des revenus dans le ménage (voir le chapitre 5). 135 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Seulement Figure 3.12. Proportion de ménages confrontés à des problèmes 53% et 31% de au cours des 12 derniers mois, 2012 la population a respectivement accès à de l’eau Interruption de transfert financier 1 protégée et du gouvernement des sanitaires Equipement, outils cassés 3 améliorées: une Salaire non agricole/perte de revenu 5 amélioration de l’accès contribue Mort d'un membre de la familler 6 à de meilleurs Augmentation des prix des semences 7 résultats en termes de santé, y compris Soutien d´un membre additionnel de la famille 7 dans l’éradication Interruption de transfert financier des parents 10 de l’épidémie de choléra. Faillite de l'entreprise non agricole 10 Maladies des cultures/plantes 15 Maladies des animaux 15 Choléra 15 Vol d'argent, d'actifs ou de la récolte 17 Pluies irrégulières 23 Sécheresse 30 Rareté de la nourriture de base sur le marché 30 Maladie ( autre que le choléra et accident) 37 Cyclones , inondations 44 0 10 20 30 40 50 Sources: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Figure 3.13. Les cinq chocs les plus graves subis par les ménages haïtiens, 2012 Pourcentage (de la population ayant subi un choc) 30% 25% 28 20% 15% 15 10% 11 5% 7 6 0% Maladie (autre Cyclones, Rareté de la L'épidémie Sécheresse que le choléra inondations nourriture de base de choléra et accident) sur le marché Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. 136 Banque mondiale - ONPES Encadré 3.3. Évolution épidémiologique du choléra et mesures actuellement prises par les pouvoirs publics Malgré une réduction du taux d’incidence du choléra depuis 2010, cette maladie demeure un défi de taille. L’épidémie de choléra en Haïti est apparue 10 mois après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010. Plus de 705,207 cas et 8,559 décès ont été enregistrés dans les trois ans et demi qui ont suivi (tableau B3.3.1). Depuis l’éruption de l’épidémie, les ef- forts nationaux et internationaux concertés ont permis de réduire consi- dérablement le nombre de nouveaux cas et de décès chaque année. Le nombre de cas a diminué, passant d’une moyenne mensuelle de 29,336 dans la première année de l’épidémie (2011) à 1,240 en 2013. Le nombre de décès a diminué en conséquence, de 4,101 en 2010 à 64 décès pré- vus en 2014. Le taux d’incidence est au plus bas depuis la déclaration de l’épidémie et en dessous du taux visé par l’Organisation mondiale de la santéa, soit 1%. Haïti est pourtant toujours aux prises avec le choléra. L’éradication de la maladie nécessitera une action soutenue de la part des pouvoirs publics et des partenaires de développement. Tableau B3.3.1. Évolution épidémiologique du choléra en Haïti, 2010-2014 Année Oct-Dec 2010 2011 2012 2013 Juin 2014 Total Nombre de cas 185,351 352,033 101,722 58,650 7,451 705,207 Nombre de décès 4,101 2,927 927 572 32 8,559 Taux de décès 2.2% 0.8% 0.9% 1.0% 0.4% 1.2% Source: Données du ministère de la Santé publique et de la Population. Une solution durable nécessitera des investissements importants pour accroître l’accès à l’eau et à l’assainissement et améliorer les conditions d’hygiène. L’accès à l’eau et à l’assainissement est limité en Haïti: 53.2% seulement de la population ont accès à une source d’eau améliorée tandis que 31.3% ont accès à des installations sanitaires amé- lioréesb. Ces chiffres masquent toutefois l’écart entre zones urbaines et zones rurales. Ainsi, les sources d’eau améliorées sont accessibles à 55% de la population urbaine et à 51.7% de la population rurale, tandis que l’accès à un assainissement amélioré se situe à 47.9 et 15.9%, respective- ment. Le choléra ne peut pas être durablement éradiqué sans qu’on ne s’attaque aux principaux facteurs de sa propagation, tels que le manque d’approvisionnement en eau potable et l’insuffisance de la gestion des déchets et de l’assainissement. 137 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Des gains en matière de soins de santé et d’eau et assainissement aide- ront également à prévenir d’autres maladies et à assurer une meilleure préparation générale et une résilience face à d’autres maladies et ca- tastrophes. Le renforcement des capacités à s’attaquer à ces problèmes permet de mettre en place une plateforme solide pour la préparation aux catastrophes (y compris les épidémies) et contribue au bout du compte à lutter contre la pauvreté et à améliorer les conditions de vie des pauvres. a. ECVMAS 2012 pour les données. Pour le contexte, voir OMS (2014c). b. «At a Glance: Haiti», Fonds des Nations Unies pour l’enfance, New York, http://www.unicef.org/infobycountry/haiti_statistics.html. Les plus vulnérables aux chocs touchant la santé sont les personnes âgées et les enfants, en raison de leur état de santé plus vulnérable et de leur dé- pendance à l’égard du soutien de leurs familles. Les principaux risques chez les personnes âgées ont trait à la faible couverture des pensions (régime contributif ou non contributif), au manque d’accès aux soins de santé, et au fait de devoir compter sur la famille ou la charité pour survivre. En effet, en Haïti, les personnes âgées ne vivent habituellement pas seules. Au total, plus de 85% des personnes âgées vivent dans des ménages avec des personnes non âgées, et cette proportion est plus éle- vée de 10 points de pourcentage chez les personnes âgées pauvres (92% contre 81% chez les non pauvres). Cela indique que les personnes âgées doivent compter sur l’aide des jeunes générations dans une bien plus grande mesure en Haïti que dans les autres pays, ce qui peut être une source de vulnérabilité. La proportion de personnes âgées de 60 ans et plus vivant avec des personnes non âgées en Haïti est l’une des plus élevées dans la région Amérique latine et Caraïbes, soit 88,6% contre une moyenne régionale d’environ 71%106. Si les chocs de santé affectent de façon similaire les pauvres et les non pau- vres, le choléra quant à lui touche de manière disproportionnée les pauvres des zones rurales. Parmi les ménages qui ont des problèmes de santé, 55% sont non pauvres et 53% se trouvent en milieu urbain. Ceci étant, le choléra affecte sur- tout les personnes extrêmement pauvres, mais aussi les ménages des zones rura- les (tableau 3.6). Ces derniers sont presque deux fois plus touchés par le choléra que les ménages des zones urbaines, ce qui n’est guère surprenant quand on sait que le choléra est une maladie d’origine hydrique liée à la mauvaise évacuation des eaux usées et aux mauvaises conditions d’assainissement et qu’attrapent principa- lement les populations vulnérables privées d’un accès régulier à une source d’eau potable protégée: l’accès à un assainissement amélioré dans les zones rurales est de 15.9%, et plus de 46% de la population rurale boivent de l’eau provenant de sour- ces peu sûres (voir le chapitre 1). 106 Il s’agit là d’une moyenne simple fondée sur les indicateurs environnementaux de l’ASPIRE; voir «AS- PIRE: The Atlas of Social Protection, Indicators of Resilience and Equity», Banque mondiale, Washing- ton, DC, http:/ /datatopics.worldbank.org/aspire/. 138 Banque mondiale - ONPES Tableau 3.6. Pourcentage des ménages considérant la maladie et le choléra comme étant les problèmes les plus graves, par seuil de pauvreté, résidence et sexe Pourcentage (de la population ayant subi un choc) Indicateur Maladie Épidémie de choléra Seuil de pauvreté Non pauvres 55 31 Personnes moyennement pauvres 16 26 Personnes extrêmement pauvres 29 42 Zone de résidence Zones rurales 47 62 Zones urbaines 53 38 Sexe Femmes 56 55 Hommes 44 45 Total 28 7 Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: On exclut le choléra, les blessures par accident et les décès de la maladie. L’offre limitée, et le manque de ressources financières sont les deux raisons les plus courantes pour lesquelles les plus pauvres n’utilisent pas les services de santé. En 2013, au niveau national, la principale raison pour laquelle on ne recherchait pas les soins au sein de l’ensemble de la population souffrant d’un problème de santé était le manque d’argent (49%). Les plus pauvres souffrent en- core plus des difficultés financières: 65% de la population n’ont pas consulté un professionnel de la santé faute d’argent, contre 39% dans le quintile le plus riche (figure 3.14). Le problème de l’obstacle financier à l’accès était également répandu dans tous les départements (entre 78 et 84%). Entre 2005-2006 et 2013, la situa- tion n’a pas changé, et le coût et la distance demeurent les principales raisons pour lesquelles les gens ne cherchent pas de traitement médical (figure 3.15). 139 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Figure 3.14. Causes des difficultés d’accès aux services de santé par quintile de consommation, 2013 100% 90% 80% 65% 70% 49% 49% 60% 42% 41% 39% 50% 29% 40% 25% 23% 22% 22% 22% 22% 20% 21% 19% 30% 17% 16% 14% 12% 20% 9% 7% 6% 6% 10% 0% Quintile Deuxième Q. Troisième Q. Quatrième Q. Quintile Total Inférieur Supérieur Pas nécessaire Trop cher / manque d'argent Automédication Autre Source: ECVMAS 2013. Calculs BM/ONPES Figure 3.15. Obstacles à l’accès aux services de soins de santé, par quintile d’indice de richesse a. 2005–2006 19 Quintile 24 60 Supérieur 11 24 Quatrième Q. 31 79 16 29 Troisième Q. 44 83 17 37 Deuxième Q. 61 89 21 40 Quintile 72 92 inférieur 22 28 Total 43 78 17 - 20% 40% 60% 80% 100% 140 Banque mondiale - ONPES b. 2012 15 Quintile 24 Supérieur 57 8 17 Quatrième Q. 31 77 9 20 Troisième Q. 44 83 9 26 Deuxième Q. 61 86 10 Quintile 32 74 inférieur 90 11 21 Total 43 76 9 - 20% 40% 60% 80% 100% Ne pas souhaiter y aller seul Distance du professionnel/centre de santé Ne pas avoir l'argent pour le traitement Ne pas avoir l'autorisation de se faire soigner Source: Calculs BM/ONPES basés sur l’EDS 2005-06, 2012. Fourniture de services de santé et dépenses des ménages Le nombre d’agents médicaux a augmenté et la densité aussi bien du per- sonnel que des lits d’hôpitaux médicaux est élevée par rapport aux pays à faible revenu d’Afrique107. Actuellement, 17,736 agents médicaux et paramédi- caux ainsi que des agents de santé communautaires travaillent en Haïti, soit 16.75 agents médicaux pour 10,000 personnes (on dénombre 9.5 médecins (généra- listes et spécialistes), des infirmières, des aides-infirmières et des sages-femmes pour 10,000 habitants (figure 3.16, graphique a)). En valeur absolue, le nombre d’agents médicaux a augmenté entre 2011 et 2013108. La couverture du person- nel médical est plus élevée en Haïti que dans la plupart des pays à faible revenu d’Afrique. La densité du personnel médical au Bénin, au Burkina Faso et au Mali est respectivement de 8.3, 6.2 et 5.1 agents médicaux pour 10,000 habitants (OMS 2013a). (L’encadré 3.4 donne un aperçu du système de soins de santé en Haïti). En outre, Haïti dispose de 7 lits pour 10,000 habitants, un ratio également supérieur à celui de nombreux pays africains à faible revenu: Le Bénin, le Burkina Faso et 107 Estimations des services de la Banque mondiale basées sur IHE et ICF International. 108 Estimations des services de la Banque mondiale basées sur IHE et ICF International, et MSPP (2011). Il peut y avoir des différences de méthodologie entre les estimations de la Banque mondiale et celles du MSPP parce que celles du dernier ne fournissent pas une définition des catégories d’agents. Les médecins incluent les généralistes et les spécialistes dans les estimations de la Banque mondiale, ce qui peut ne pas être le cas dans les données du MSPP. C’est donc avec pru- dence qu’il faudrait interpréter les résultats. 141 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté le Mali disposent respectivement de 5.4 et 1 lits pour 10,000 habitants (OMS 2013a). Haïti a le même niveau de densité de lits que le Honduras, qui est toutefois inférieur à celle des autres pays d’Amérique latine à revenu intermédiaire de la tranche infé- rieure (2013a OMS). Figure 3.16. Couverture des services de santé a. Densité de personnel médical pour 10 000 habitants 16 14 0.4 12 4.2 10 0.3 8 3.2 5.1 6 0.1 4 2.3 3.5 2 4.1 2.1 2.6 1.3 - Urban Rural total Médecins Infirmières Aides - infirmière Sage-femme (auxilières) b. Densité de lits pour 10 000 habitants 12 10 10 8 6 7 4 4 2 - Urbain Rural Total Source: Estimations des services de la Banque mondiale et ONPES basées sur IHE et ICF International 2014. 142 Banque mondiale - ONPES Encadré 3.4. Le système de soins de santé en Haïti La gouvernance du système de santé comprend des cellules et des direc- tions au niveau central du ministère de la Santé publique et de la Popula- tion, 10 délégations départementales de la santé, et 42 cellules de santé d’arrondissement. Les services sont fournis à différents niveaux du sys- tème de soins de santé, qui comprend 907 établissements. Le système formel de prestation de services de santé comprend 1) un premier niveau de 784 centres de santé et dispensaires —129 centres de santé équipés de lits, 298 centres de santé sans lits et 359 dispensaires offrant des soins de santé primaires dans les communes et municipalités— 105 hôpitaux de référence communautaires dans les arrondissements; 2) un deuxième niveau comprenant 8 hôpitaux départementaux qui fournissent des soins de santé secondaires; et 3) un troisième niveau constitué de 8 hôpitaux nationaux de référence ou d’enseignement fournissant des soins de san- té tertiaires (IHE et ICF International 2014). Les soins primaires sont organisés en deux paliers rattachés à un système de référence entre prestataires de services de santé primaires et hôpitaux de référence communautaires (figure B3.4.1). Au niveau communautaire, le premier palier comprend de base des établissements de soins de santé offrant un ensemble de services de base, dont la promotion de la santé, la prévention des maladies et les soins curatifs. L’ensemble de services concerne la santé des enfants, des adolescents et des femmes, les soins médicaux et chirurgicaux d’urgence, la lutte contre les maladies trans- missibles, l’éducation sanitaire et la fourniture de médicaments essen- tiels. Le second palier dans le réseau pyramidal des services de santé comprend les hôpitaux de référence communautaires, qui offrent quatre services de base, à savoir, la médecine, la pédiatrie, l’obstétrique et la chirurgie. À ce palier on retrouve les hôpitaux de référence départemen- taux, qui offrent des services spécialisés supplémentaires, tels que l’oph- talmologie, l’orthopédie, l’urologie et la dermatologie. Depuis l’éclosion de l’épidémie de choléra, certains établissements sanitaires des niveaux primaire et secondaire ont mis en place des centres de traitement du choléra ou des cellules connexes (en fonction du nombre de lits), qui sont généralement abrités par des tentes. Toutefois, parce que le finan- cement de la prévention du choléra et le financement du traitement sont séparés, des systèmes d’intervention d’urgence parallèles ont été mis en place d’une manière désorganisée. Le ministère de la Santé publique et de la Population cherche maintenant à intégrer ces dispositifs de riposte d’urgence pour traiter toutes les maladies diarrhéiques aiguës. À cette fin, il a procédé au lancement du Plan d’élimination du choléra avec le soutien de la Coalition régionale pour l’eau et de l’assainissement en vue d’éliminer le choléra dans l’île d’Hispaniola. Au sommet de la pyramide de la prestation des services de santé on retrouve l’hôpital de référence national le plus spécialisé, l’Hôpital de l’Université d’Etat d’Haïti. 143 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Figure B3.4.1. Pyramide de la prestation des services de santé TERTIAIRE Hôpitaux de référence spécialisés nationales - 8 SECONDAIRE Hôpitaux de référence départementaux -8 PRIMAIRE - 2eme palier Hôpitaux de référence communautaires - 105 PRIMAIRE - 1er palier Prestataires de services de santé primaires - Centres de santé - 784 Au niveau communautaire, les postes de ralliement, les cliniques mobiles, les agents communautaires et les accoucheuses locales fournissent des services de santé. Bien que toutes les collectivités disposent de ces ser- vices, l’accès physique aux soins de santé est considérablement amélioré là où il en existe. Par exemple, un dispensaire et un centre de santé sont situés, en moyenne, à deux heures de route, tandis qu’un poste de rallie- ment est à 20 minutes, un agent de santé à 40 minutes, et une clinique mobile à une heure de route. Les services offerts n’englobent cependant pas tous les services de santé de base dont la collectivité a besoin. Les services comprennent également des points de réhydratation orale établis dans des zones éloignées afin de traiter les cas bénins de choléra et de référer les cas plus compliqués vers les centres ou cellules de traitement du choléra. Sources: IHE et ICF International 2014; Banque mondiale 2013b. La densité du personnel médical et des lits pour 10,000 habitants est inégale d’un département à l’autre et d’une zone de résidence à l’autre, ce qui com- promet l’accessibilité et la qualité de la prestation de services de soins de san- té dans certaines zones, en particulier pour les plus pauvres109. La couverture en densité du personnel médical dans cinq départements est plus étroite que la moyenne nationale. Ces départements sont le deuxième plus peuplé et le moins pauvre (Artibonite), le moins peuplé et le troisième moins pauvre (Nippes), et deux départements peu peuplés qui sont aussi les plus pauvres (Grand’Anse et Nord- Ouest). La couverture la plus dense est constamment enregistrée dans le départe- ment de l’Ouest, qui a la plus forte densité de population et le plus grand nombre 109 La Banque mondiale estime la densité du personnel médical et le nombre de lits pour 10,000 habi- tants en se fondant sur IHE et ICF International (2014) et les derniers chiffres démographiques de l’IHSI (2014). La densité du personnel médical et des lits est estimée pour les 907 établissements de santé que compte Haïti. 144 Banque mondiale - ONPES de pauvres dans le pays. En outre, la densité du personnel médical a peu de cor- rélation avec la densité de pauvres pour 10,000 habitants (0.47) au niveau dépar- temental, ce qui met en évidence l’insuffisance de la couverture des services de santé parmi les pauvres (figure 3.17). La couverture en personnel médical et para- médical est de 2.5 et 2 fois plus faible dans les zones rurales que dans les zones urbaines. Bien que la couverture en densité des agents communautaires soit plus élevée en zones rurales (4.7 agents pour 10,000 habitants contre 3.8 en milieu urbain), du fait qu’ils travaillent généralement dans des zones inaccessibles, le nombre d’agents semble insuffisant et illustre les problèmes d’accès rencontrés dans les zones rurales. Certes les infrastructures médicales sont plus ou moins bien réparties entre les départements si l’on s’en tient à la répartition de la popu- lation, mais les infrastructures médicales, en particulier établissements sanitaires secondaires, ne parviennent toujours pas à atteindre la population rurale, notam- ment les plus pauvres, qui vivent souvent dans les zones les plus reculées. En effet, la densité des lits est de 4 pour 10,000 habitants dans les zones rurales, soit deux fois moins que dans les zones urbaines (voir la figure 3.16, le graphique b). Figure 3.17. La densité du personnel médical : Ratio personnel médical et population pauvre 160 12 14 Personnel médical pour 10,000 habitants 140 10 12 9 10 120 9 pour 10,000 habitants 10 100 7 7 Population pauvre 6 6 8 80 5 6 60 40 4 20 2 - - Sud-Est Nord Nord-Est Ouest Centre Sud Grand'Anse Nord-Ouest Artibonite Nippes Population pauvre pour 10,000 habitants Personnel médical pour 10,000 habitants Source: Calculs BM/ ONPES basés sur IHE et ICF International 2014. L’État administre un tiers des établissements de santé, mais les bailleurs de fonds et les ménages supportent une grande partie de la charge financière des services de santé. Le ministère de la Santé publique et de la Population ad- ministre 38% des établissements de santé, tandis que le secteur sans but lucratif se charge de 18%, le secteur mixte (ministère et organismes sans but lucratif) de 20%, et le secteur privé de 24%. Pour autant, les bailleurs de fonds et les mé- nages supportent une grande partie de la charge financière des services de santé. En 2011-2012, 64% des dépenses totales de santé ont été financées par les bail- leurs de fonds, 29% par les ménages, et 7% par l’État. En outre, les contributions 145 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté des bailleurs de fonds ont décru de 62% entre 2012/2013 et 2013/2014, alors que le budget de l’État a légèrement augmenté, faisant ainsi peser des risques sur la viabilité du financement du secteur de la santé. La majorité des Haïtiens, les pauvres y compris, consultent les prestataires de soins de santé publics, et une minorité seulement, concentrée dans les zones rurales, se tourne vers la médecine traditionnelle (tableau 3.7). En cas de mala- die, 46% des pauvres et 41% des non pauvres consultent les prestataires de soins de santé publics. De même, les non pauvres sont trois fois plus susceptibles que les personnes extrêmement pauvres et deux fois plus que les pauvres de consulter des prestataires de soins de santé privés. Seulement 5% de la population consul- tent les guérisseurs traditionnels, mais la fréquence est plus élevée dans les zones rurales (8%) et parmi les personnes moyennement pauvres (7%) et les personnes extrêmement pauvres (6%). Les segments de la population plus pauvres ont ten- dance à avoir recours à l’automédication plus souvent que les non pauvres: 8% des personnes moyennement pauvres et 10% des personnes extrêmement pau- vres achètent des médicaments auprès de vendeurs de rue, tandis que 5% des non pauvres le font. Tableau 3.7. Prestataires de soins de santé, par zone de résidence et par niveau de pauvreté de la population desservie Pourcentage Zone de résidence niveau de pauvreté Prestataire Personnes Total Métropoli- Zones Zones Non Personnes extrêmement taine urbaines rurales pauvres pauvres pauvres Prestataires publics 51 45 43 41 46 46 45 Agents de santé 2 1 6 2 3 8 4 communautaires Clinique mobile 1 1 2 1 1 4 1 Guérisseur traditionnel 0 4 8 3 7 6 6 Prestataires privés 36 33 23 41 26 16 28 Pharmacie, laboratoire 7 4 3 3 5 1 4 Vendeur de médicaments 2 7 9 5 8 10 7 de rue Accoucheuse traditionnelle 1 0 1 0 0 1 0 Autres 0 5 6 4 4 8 5 Total 100 100 100 100 100 100 100 Source: Calculs BM ONPES basés sur l’ECVMAS 2, 2013. Le poids des dépenses de santé est plus lourd chez les personnes extrêmement pauvres. En moyenne, les individus consacrent 1.7% de leur budget à la santé (ta- bleau 3.8). En termes de parts de leur budget total, les personnes extrêmement 146 Banque mondiale - ONPES pauvres dépensent 5.5 et 11.7% de plus que les personnes moyennement pauvres et les non pauvres, respectivement. En valeur absolue, les personnes extrême- ment pauvres dépensent un peu moins d’un cinquième des montants dépensés par les non pauvres. Tableau 3.8. Dépenses de santé prises en charge par les ménages, par habitant, par sexe et par lieu de résidence Pourcentage de consommation par tête Personnes extrêmement Global, Non pauvres, Personnes pauvres, Indicateur pauvres, N = 23 555 N = 10 00 N = 7 909 N = 5 646 Consommation (%) 1.7 1.8 1.9 1.7 Moyenne (gourdes) 664 1,166 213 379 Moyenne (dollars) 16 28 5 9 Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: Les dépenses de santé prises en charge par les ménages couvrent les consultations, les examens, les médicaments, le matériel de traitement, les hospitalisations et les frais de lunettes et de prothèses. Les dépenses sont estimées sur la base du nombre total d’individus (N = 23 555). Les dépenses annuelles moyennes par tête sont estimées sur la base du nombre total d’individus, qu’ils aient ou non effectué des dépenses pour des soins de santé. Les dépenses de santé sont nettement plus élevées en milieu urbain, ce qui tra- duit une meilleure offre de services de soins de santé dans ces zones (tableau 3.9). Les citadins dépensent deux fois plus que les villageois pour les soins de santé. La plupart des établissements de santé dans les zones rurales sont des dispen- saires, qui ne disposent pas de matériel de laboratoire ou de radiologie. L’offre de services de santé est plus importante dans les zones urbaines (voir la figure 3.16, le graphique b et le tableau 3.7), qui affichent aussi une plus forte densité de per- sonnel médical et de lits pour 10 000 habitants, ce qui incite davantage les cita- dins à dépenser pour les soins de santé. Tableau 3.9. Dépenses de santé prises en charge par les ménages, par habitant, par sexe et par lieu de résidence Caractéristique Moyenne (gourdes) Moyenne (dollars) Sexe Hommes 623 15 Femmes 703 17 Zone de résidence Zones rurales 465 11 Zones urbaines 880 21 Moyenne 664 16 Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: Les dépenses de santé prises en charge par les ménages couvrent les consultations, les examens, les médicaments, les matériels de traitement, les hospitalisations et les frais de lunettes et de prothèses. 147 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Les médicaments constituent le principal poste de dépenses de santé prises en charge par les ménages. Les ménages dépensent, en moyenne, 3,175 gourdes (75 dollars) par an pour les services de soins de santé, dont 60% (1,891 gourdes ou 45 dollars) vont à l’achat de médicaments (tableau 3.10). Les consultations représen- tent le deuxième poste de dépenses de santé (484 gourdes ou 12 dollars), suivies par les hospitalisations (386 gourdes ou 9 dollars). Dans d’autres pays de la région, les médicaments représentent l’un des plus importants postes de dépenses de santé. Entre 30 et 60% des dépenses de santé en Amérique latine vont aux médi- caments (CEPALC 2009). Tableau 3.10. Dépenses de santé prises en charge par les ménages, par type de service (N = 4929) Poste Montant (gourdes) Montant (dollars) Part (%) Hospitalisations 386 9 12 Consultations 484 12 15 Examens 305 7 10 Prothèses et lunettes 88 2 3 Matériel de traitement 19 0.40 1 Médicaments 1,891 45 60 Total 3,175 75 100 Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. L’incidence des dépenses de santé catastrophiques est plus importante chez les personnes extrêmement pauvres. Les dépenses de santé dites catastrophi- ques représentent un moyen d’évaluer les difficultés financières causées par la maladie. Les dépenses de santé sont dites catastrophiques lorsque les ménages consacrent un certain seuil de leurs revenus ou de leur consommation non alimen- taire à la santé. Il existe différentes méthodes pour mesurer ce seuil. Un consensus semble se dégager sur l’utilisation du seuil de 25% de la consommation non alimen- taire pour mesurer le niveau de protection financière nécessaire (OMS et Banque mondiale 2013). En Haïti, 3.4% des ménages font face à des dépenses de santé ca- tastrophiques (figure 3.18). Les ménages pauvres et ruraux engagent ces dépenses plus souvent. L’incidence est de 3.7% chez les ménages moyennement pauvres, de 5% chez les ménages extrêmement pauvres, et de 1.7% chez les ménages non pau- vres. L’incidence est trois fois plus importante dans les zones rurales (5%) que dans les zones urbaines (1.6%), ce qui indique que les pauvres et les ménages dans les zones rurales sont plus vulnérables aux chocs de santé que les non pauvres et les ménages se trouvant en milieu urbain. 148 Banque mondiale - ONPES Figure 3.18. Incidence des dépenses de santé catastrophiques en Haïti, 2012 (% de la consommation totale des ménages) Homme 3.4% Femme 3.5% Urbain 1.6% Rural 5% Quintile Inférieur 4.1% 2ème quintile 6.1% 3ème quintile 3.2% 4ème quintile 2.1% Quintile Supérieur 1.5% Pauvres extrêmes 5% Pauvre 3.7% Non pauvres 1.7% Total 3.4% 0% 2% 4% 6% 8% Les dépenses de santé des ménages sont secteur de la santé de mesurer le niveau dites catastrophiques lorsque les ménages de protection financière contre les risques consacrent un certain seuil de leurs revenus  sanitaires. Différentes méthodes peuvent ou de leur consommation non alimentaire être utilisées pour mésurer le niveau de dé- á la santé. Le niveau de dépenses de santé penses de santé catastrophiques permet aux décideurs du Source: ECVMAS 2013. Calculs BM/ONPES. Au niveau national, Haïti affiche une faible incidence des dépenses de san- té catastrophiques par rapport à d’autres pays d’Afrique et d’Amérique latine (figure 3.19). Haïti présente l’une des plus faibles incidences de ces dépenses, à 3.4%. Cette incidence est supérieure à 30% dans les pays à faible revenu d’Afrique. La moitié de la population engage ces dépenses au Burkina Faso (51.1%), et les deux tiers au Mali (74.2%). Ces dépenses sont moindres au Ghana (34.5%), au Kenya (23.4%) et au Sénégal (17.5%), mais elles restent élevées par rapport à Haïti. D’autres pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure d’Amérique latine (République Dominicaine, Équateur et Paraguay) affichent également une incidence élevée (su- périeure à 30%). Il est toutefois difficile de comparer l’incidence en Haïti et dans ces pays. En effet, les données utilisées pour estimer les dépenses dans les pays présentés dans l’Étude de la pauvreté proviennent de l’Enquête de santé mon- diale 2002-2004, mais l’analyse concernant Haïti se fonde sur l’ECVMAS 2012110. Des chercheurs ont remarqué que l’Enquête de santé mondiale fournit des esti- mations plus élevées de dépenses de santé, mais des estimations plus faibles de la consommation totale, ce qui donne lieu à une surestimation des dépenses de santé catastrophiques par rapport à d’autres enquêtes (Moreno-Serra 2013). 110 Enquête mondiale de santé de l’OMS (base de données), Organisation mondiale de la santé, Genève, http://www.who.int/healthinfo/survey/en/. 149 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Figure 3.19. Incidence des dépenses de santé catastrophiques en Afrique et en Amérique latine (% de la consommation totale des ménages) Sénégal, 2003 18% Mali, 2003 74% Kenya, 2004 23% Ghana, 2003 35% Burkina Faso, 2003 52% Uruguay, 2003 11% Paraguay, 2003 33% Equateur, 2003 50% République Dominicaine, 2003 40% Haïti, 2012 3% 0% 20% 40% 60% 80% Source: Banque mondiale 2012. Il faudrait approfondir la recherche pour déterminer avec précision les causes de l’incidence plus faible des dépenses de santé catastrophiques en Haïti par rapport aux pays à faible revenu et pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Une hypothèse est que les faibles niveaux de dépenses de santé ca- tastrophiques sont dus à l’utilisation limitée de nombreux types de services de santé en Haïti par rapport aux pays à faible revenu et pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure d’Afrique et d’Amérique latine (voir la figure 3.19). En effet, l’incidence des dépenses de santé est principalement tirée par le coût des médi- caments en Haïti, ce qui peut supposer un degré élevé d’automédication. Les ni- veaux élevés des financements externes peuvent également contribuer à réduire l’incidence de ces dépenses en Haïti. Cependant, on ne sait pas exactement si les financements des bailleurs de fonds sont efficaces et équitablement répartis entre les dix départements, et des études devraient être menées sur cette question. En outre, la qualité insuffisante des services de santé locaux due à des facteurs tels que la pénurie de médicaments et de fournitures médicales peut dissuader les pa- tients de consulter les établissements de santé, comme le démontre une étude ré- cente menée dans trois départements (IHE et ICF International 2014). Dans certains cas, les patients doivent eux-mêmes acheter les médicaments et les fournitures médicales pour recevoir des soins, ce qui peut entraver le recours plus fréquent aux établissements de santé. Le nombre extrêmement élevé de pauvres est certaine- ment une autre raison essentielle qui explique la faible incidence des dépenses de santé catastrophiques. Les ménages peuvent être trop pauvres et donc réticents à faire face aux difficultés financières qu’entraîne le recours à des services de santé. 150 Banque mondiale - ONPES En effet, l’EDS montre que le manque d’argent est la principale raison pour laquelle les populations ne se rendent pas dans les établissements de santé. L’épargne et l’argent emprunté à des amis ou à des membres de la famille pour financer les soins de santé ne sont pas pris en compte dans l’estimation des dépenses de santé catastrophiques; tout comme les dépenses pour payer les guérisseurs tra- ditionnels, ce qui entraîne une sous-estimation de l’incidence de ces dépenses. En effet, la plupart des ménages confrontés aux chocs de santé et de choléra utilisent l’épargne ou de l’argent emprunté auprès d’amis ou de membres de la famille (voir l’annexe L). 4. Ce qu’il faut retenir L’accumulation de biens dans le domaine des soins de santé et l’éducation est es- sentielle pour développer le capital humain, et contribue à accroître les perspecti- ves économiques et à améliorer le bien-être en Haïti comme ailleurs dans le monde. En Haïti, les résultats de santé et d’éducation et l’utilisation des services se sont améliorés, mais ils sont relativement insuffisants, surtout chez les pau- vres. L’alphabétisation des adultes et la scolarisation des enfants en âge scolaire sont beaucoup plus faibles dans les ménages pauvres. Un certain nombre de fac- teurs pourraient expliquer ce phénomène. Un grand nombre d’enfants pauvres doivent travailler tout en allant à l’école, ce qui accroît la possibilité d’un décro- chage ou d’un dépassement de l’âge normal de la classe. De même, les ménages pauvres consacrent beaucoup moins d’argent aux frais de scolarité, qui sont asso- ciés à la qualité du service et à l’infrastructure fournies par l’école. Les indicateurs de la mortalité infantile et maternelle affichent une tendance similaire: la mortali- té et la malnutrition infantiles ainsi que la mortalité maternelle sont plus fréquen- tes chez les plus pauvres, ce qui indique une plus faible utilisation des services de santé et un impact plus important des chocs liés à la santé sur les ménages pauvres. Plus particulièrement, les faibles niveaux des résultats et de l’utilisation des services chez les femmes sont une source de préoccupation sérieuse. Certains signes témoignent fortement de la transmission intergénéra- tionnelle de la pauvreté en Haïti, qui pourrait être enrayée par l’amélioration des niveaux d’instruction. L’écart d’instruction moyen chez les 10 à 14 ans est plus important chez les enfants des ménages les plus pauvres, se situant à plus 2.5 années. Plus les parents sont instruits, plus l’écart se rétrécit, et plus les en- fants ont des chances d’être scolarisés et d’avoir l’âge prescrit pour leur classe. En outre, les enfants de parents plus instruits sont moins exposés à des risques de sous-alimentation ou de retard de croissance, qui tous les deux nuisent au développement cognitif et physique et aux perspectives d’avenir des enfants. Les enfants de parents plus instruits ont donc plus de chances d’obtenir de meilleurs résultats scolaires, ce qui augmente leur capacité future à gagner des revenus et leurs chances d’échapper à la pauvreté. 151 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté À la lumière de ce diagnostic, cette étude offre une série de suggestions pour les politiques à adopter en priorité et les mesures préconisées dans les domaines de l’éducation et des soins de santé sont énumérés ci-dessous. Éducation Priorité 1: Soutenir et élargir l’accès à l’enseignement primaire. Bien que les taux de scolarisation dans le primaire aient considérablement progressé au cours des dernières décennies, on est loin de la scolarisation universelle, notamment parmi les enfants les plus défavorisés, y compris les plus pauvres, ceux qui vivent sans leurs parents, et les enfants handicapés. Par ailleurs, la contraction des finance- ments des bailleurs de fonds et une décision récente111 du ministère de l’Éducation et de la Formation professionnelle de cesser de financer les dispenses de droits de scolarité pour les nouvelles cohortes d’élèves de première année du primaire dans les écoles non publiques menacent les acquis réalisés ces dernières années sur le plan de l’accès. Pour parvenir à la scolarisation primaire universelle, les pouvoirs publics et leurs partenaires de développement devront donc mener plusieurs ac- tions cruciales, tout en prenant en compte systématiquement les différences entre monde rural et urbain en termes d’accès aux services et de besoins: a. Élaborer et mettre en application un plan de financement à court ou à moyen terme de l’enseignement primaire en augmentant les ressources disponibles pour le secteur. Grâce au Programme de scolarisation universelle gratuite et obli- gatoire (PSUGO) et au Programme national de cantines scolaires, la charge finan- cière des frais de scolarité et de la nutrition à l’école est sensiblement assurée non plus par les ménages mais par l’État, ce qui a contribué à l’augmentation de la scolarisation et des niveaux d’instruction. Ces acquis sont aujourd’hui compro- mis par le manque de financements. Le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire a cessé de prendre en charge les nouvelles cohortes d’élè- ves en première année du primaire parce que les financements des bailleurs de fonds ne peuvent pas être garantis jusqu’à la sixième année. En outre, un finan- cement régulier des repas scolaires n’a pas été obtenu des bailleurs de fonds. La création du Fonds de l’éducation nationale, qui est financé grâce aux taxes préle- vées sur les communications téléphoniques internationales et les transferts de fonds, constitue une nouvelle source de financements de l’éducation et permet de soutenir le PSUGO. Toutefois, les fonds perçus ne semblent pas suffire pour financer les dispenses de droits de scolarité, les repas scolaires et le PSUGO. Des ressources supplémentaires sont donc nécessaires pour que l’État puisse à terme assumer pleinement la responsabilité du financement de l’enseignement primaire. Des politiques nationales et des plans de financement à moyen terme 111 Le Ministère de l’Éducation et de la Formation professionnelle a annoncé le 8 Aout 2012 un certain nombre de mesures (12), y compris la numéro 7 relative à l’interruption de financement des dispenses de droits de scolarité pour les nouvelles cohortes d’élèves de première année du primaire. http:// lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/134312/Les-12-mesures-de-Manigat.html 152 Banque mondiale - ONPES axés sur les dispenses de frais de scolarité et l’alimentation scolaire doivent donc être mis en place de toute urgence. b. Déterminer, en coordination avec les programmes de protection sociale, des plans stratégiques à moyen et à long terme pour la prestation de services par type de prestataire à tous les niveaux de l’éducation, en commençant par le primaire. La majorité des établissements scolaires à tous les niveaux en Haïti sont non publics et sont soumis à peu de supervision ou d’obligation de rendre compte. L’État a construit plusieurs nouvelles écoles primaires publiques ces dernières années et a décidé de renforcer la prestation de service public dans le primaire en cessant de financer les dispenses de frais de scolarité dans les écoles non publiques. À partir de l’année scolaire 2014/2015, le PSUGO ne fi- nancera que les nouvelles cohortes d’élèves entrant en première année de pri- maire dans les écoles publiques. S’il est possible à moyen ou à long terme de cesser de financer les écoles privées au profit des écoles publiques, ce change- ment met en péril l’accès de centaines de milliers d’élèves qui habitent trop loin d’une école publique ou qui peuvent ne pas être scolarisés faute de capacités. En outre, les enseignements préscolaire, secondaire et post-secondaire sont également en grande partie dispensés par des établissements non publics, et il faudrait des stratégies pour accroître l’accès à ces niveaux dans les limités budgétaires de l’État. Parce que le manque d’argent est souvent cité comme la principale raison de la non scolarisation des enfants, des programmes de transferts monétaires peuvent inciter à envoyer les enfants pauvres à l’école et aider les familles démunies à couvrir les dépenses connexes (voir le chapitre 5). c. Mettre en place un robuste système d’information sur les bénéficiaires, com- prenant notamment un mécanisme de ciblage. Bien qu’il existent des pro- grammes d’identification d’écoles bénéficiaires pour les divers programmes administrés par le ministère de l’Éducation et de la Formation professionnelle, dont le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSU- GO), il n’existe actuellement pas de système intégré offrant une vision globale de tous les programmes, ni un système identifiant les élèves bénéficiaires. La mise en place d’un tel système d’information est nécessaire pour éviter la du- plication des efforts et pour renforcer les capacités de supervision du ministère. Un tel système contribuerait aussi à surveiller les nouvelles mesures adoptées par les pouvoirs publics en matière de délivrance d’autorisations d’enseigner et d’accréditation des écoles. Un système d’information qui facilite l’identification des zones géographiques et des écoles en manque de ressources et qui utilise les données sur la pauvreté et les données des programmes de protection so- ciale permettrait à l’État d’affecter plus efficacement ses rares ressources dans les secteurs où ils sont le plus nécessaires. Priorité 2: Améliorer l’apprentissage et la qualité de la prestation de services d’éducation pour éviter l’abandon scolaire. Comme illustré au cours du chapitre 3, les premières évaluations indiquent que l’apprentissage est insuffisant dans les 153 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté écoles primaires, en particulier dans les collectivités pauvres et rurales. D’autres indicateurs de la qualité de l’éducation, dont les connaissances des enseignants et le matériel d’apprentissage disponible dans les écoles, donnent à penser que de nombreux enfants, mais surtout les enfants pauvres, reçoivent une éducation primaire dont la qualité laisse à désirer. D’où les taux de redoublement et d’aban- don élevés, et, à terme, les niveaux d’instruction bas, parce que les enfants ayant de faibles aptitudes de base sont incapables de terminer leurs études primaires et de continuer à l’enseignement secondaire, ou autrement tirent peu de l’école. Pour relever la qualité il faudra prendre plusieurs mesures cruciales, dont les suivantes: a. Renforcer le système d’information sur l’éducation et recueillir de meilleures données sur l’apprentissage, la progression à l’école, et d’autres résultats d’édu- cation. Haïti ne dispose pas de système national d’évaluation de l’apprentissage, ce qui limite la capacité des pouvoirs publics à identifier et à éliminer les obs- tacles à l’acquisition d’aptitudes de base. Des évaluations de l’apprentissage fondées sur des échantillons représentatifs commençant dans les premières années constitueraient une bonne base pour la planification des interventions et pour mesurer leur succès. Ces informations faciliteraient également la sur- veillance des inégalités entre les régions du pays, qui seraient importantes se- lon les données existantes. De plus, ces informations permettraient d’élucider des questions cruciales telles que l’importance de la langue d’enseignement primaire dans l’apprentissage des élèves (créole versus français). Des mesures productives envisagées à cet effet incluent le projet de réaliser à titre expérimen- tal, sur des échantillons représentatifs à l’échelle nationale, des évaluations des aptitudes en lecture et en mathématiques dans les petites classes appliquées, ainsi que le projet annoncé récemment par le ministère de l’Éducation et de la Formation professionnelle de concevoir des examens nationaux avant le pre- mier examen qui intervient actuellement à la sixième année. Entre autres, ces informations permettraient au Gouvernement de définir des politiques efficaces contre l’abandon scolaire. b. Renforcer la surveillance par les autorités grâce à des mesures ciblées et bien ap- pliquées et à la collecte systématique de données pour responsabiliser les écoles. Plusieurs réformes annoncées par le ministère en août 2014 promettent un ren- forcement de la surveillance des écoles primaires par les pouvoirs publics. Ces ré- formes incluent le projet d’introduction progressif de l’obtention obligatoire d’une autorisation d’enseigner fondée sur des compétences avérées; un programme de formation continue des enseignants; la carte d’identité scolaire obligatoire, dé- bouchant sur une certification éventuelle; et la surveillance par le ministère des écoles affichant de faibles taux de réussite aux examens nationaux. Les données provenant des évaluations d’apprentissage ainsi que d’autres sources telles que le recensement scolaire pourraient également être utilisées pour informer les pa- rents sur la qualité des écoles, ce qui servirait de base pour créer des systèmes d’incitation contractuels entre l’État et les écoles, et pour demander à ces der- nières des comptes sur leurs résultats (pour un départ, en mettant à contribution 154 Banque mondiale - ONPES le PSUGO, qui est effectivement un financement inconditionnel)112. Ces mesures, si elles sont appliquées efficacement, contribueront à améliorer la qualité, l’ap- prentissage, et, en fin de compte, les niveaux d’instruction. Étant donné l’enver- gure de ces activités et les capacités limitées du ministère, une hiérarchisation et une planification minutieuses, suivies par une mise en œuvre vigoureuse, seront essentielles pour assurer l’efficacité de ces mesures. c. Prendre en compte l’éducation préscolaire afin de donner aux enfants une base solide pour le développement de leurs aptitudes. Investir dans les en- fants, en particulier les enfants pauvres, avant qu’ils ne parviennent au primaire est essentiel, car malnutrition, manque de stimulation et autres privations sont monnaie courante (voir le chapitre 5). En conséquence, les enfants entrent au primaire avec deux années de retard, en moyenne, ce qui les met en situation désavantageuse pour l’apprentissage et la réussite scolaire. En Haïti, l’éducation préscolaire est assurée principalement par le secteur non public et, comme les autres niveaux de l’enseignement, elle est en grande partie non réglementée. Pourtant, la majorité des enfants fréquentent une école préscolaire durant au moins une année avant d’entrer en première année du primaire, ce qui ouvre une brèche à l’État pour aider à jeter les bases de l’accumulation de capital humain. Ces efforts en matière d’éducation préscolaire devraient idéalement être menés en coordination avec une stratégie gouvernementale de plus large portée pour le développement de la petite enfance, qui comprendrait les soins de santé, la protection sociale et d’autres secteurs. Soins de santé Priorité 1: Augmenter la couverture, l’utilisation et la qualité des services de soins de santé. La mortalité maternelle et la mortalité infantile ont considéra- blement décru depuis 2000. Cette diminution est remarquable compte tenu des ravages du tremblement de terre de 2010. Ces progrès se reflètent dans l’élargis- sement de la couverture des interventions cruciales (par exemple, traitement de la diarrhée et soins prénatals). Les indicateurs de la mortalité demeurent pour- tant beaucoup trop élevés, une situation qui peut être attribuée à l’utilisation sans cesse limitée des services et aux insuffisances de la couverture des interventions de base telles que les accouchements assistés dans des structures de santé et le traitement des IRA. Les lacunes dans la couverture et l’utilisation des services continuent d’être accompagnées par d’importantes inégalités liées à la pauvreté, à la zone de résidence et au sexe. Pour améliorer ces deux aspects, les pouvoirs publics et leurs partenaires de développement devront donc mener plusieurs ac- tions cruciales, y compris celles ci-après: 112 La puissance des données scolaires a été démontrée récemment lorsque les résultats des écoles aux examens nationaux de l’année scolaire 2013/2014 ont été publiés pour la première fois. Les performances médiocres de certaines écoles ont soulevé un tollé général et aidé à amener le ministère à annoncer plusieurs réformes en août 2014. 155 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté a. Comme dans le domaine de l’éducation, mettre en place un système d’informa- tion comprenant un mécanisme unifié de ciblage des bénéficiaires. La dispense de certains groupes de population du paiement des frais de soins de santé et l’élimination des frais pour certains services amélioreront probablement l’accès, en particulier pour les pauvres. Parce que les financements extérieurs sont ap- pelés à diminuer sensiblement dans les années à venir, un ciblage efficace s’im- pose d’autant plus. La mise au point d’outils de ciblage appropriés, y compris un indice de privation et de vulnérabilité, est capitale. Plusieurs acteurs du secteur de la protection sociale (FAES, ministère des Affaires sociales et du Travail, etc.) sont associés à l’élaboration de ces outils, qui seront utilisés pour atteindre les populations vulnérables. b. Privilégier les programmes ayant fait leurs preuves dans l’amélioration de l’utili- sation des services de soins de santé, en particulier les soins de santé primaires, et au sein des collectivités. Les interventions pertinentes peuvent mettre l’accent sur un certain nombre de fronts. Ainsi, en rémunérant les prestataires en fonction de la quantité et de la qualité des services de santé maternelle et infantile qu’ils fournissent, le mécanisme de financement basé sur les résultats a des chances d’améliorer l’efficacité de la prestation des services et la qualité des soins, ce qui peut encourager les patients à utiliser les structures de santé. Se fondant sur l’ex- périence acquise, le ministère de la Santé publique et de la Population travaille actuellement avec l’Agence des États-Unis pour le développement international et la Banque mondiale à l’élaboration d’un modèle de financement basé sur les résultats pour Haïti113. Ce modèle permettra d’engager des prestataires publics et non publics par le biais d’un mécanisme de financement basé sur les résultats pour fournir à la population un paquet minimum de services en insistant en par- ticulier sur les services de prévention. Le fait de centrer les interventions sur les collectivités va probablement augmenter l’utilisation des services de soins de santé primaires parmi les pauvres (y compris les services de santé préventive) et, par conséquent, réduire le risque pour les pauvres d’engager des dépenses de santé catastrophiques liées aux hospitalisations et à l’achat de médicaments coûteux. Le Programme Kore Fanmi financé par la Banque mondiale vise à s’at- taquer aux obstacles agissant tant sur la demande que sur l’offre, qui entravent l’utilisation des services, afin d’aider à améliorer la santé maternelle et infantile, en particulier parmi les pauvres. Pour s’attaquer aux déterminants sociaux, un réseau d’agents communautaires (Kore Fanmi) fournira certains services de pré- vention de base, assurera la promotion d’un changement des comportements, et rapprochera les ménages des services et des opportunités. 113 Mis sur pied par l’Agence des États-Unis pour le développement international, le programme Santé pour le développement et la Stabilité d’Haïti, qui comporte certaines caractéristiques du financement basé sur les résultats et couvre certains établissements de santé dans tous les départements, a obtenu accomplis des progrès spectaculaires dans l’utilisation des services de santé maternelle et infantile grâce au paiement d’incitations à des structures non gouvernementales et publiques (Zeng et al. 2012). 156 Banque mondiale - ONPES c. Combler les déficits en connaissances afin de comprendre l’énigme du faible niveau d’utilisation et de dépense. Deux caractéristiques notables du système de soins de santé en Haïti sont l’utilisation limitée et les dépenses des mé- nages. Face à un problème de santé, 55% de la population n’ont pas recours aux services publics, et les ménages ne consacrent que 1.7% de leur budget à la santé. Seulement 3.4% des ménages en Haïti engagent des dépenses de santé catastrophiques, soit le 10e des niveaux observés dans des pays comparables en Afrique et en Amérique latine. Il faudrait des recherches plus approfondies pour clarifier ces constatations. Le faible niveau d’utilisation des services pu- blics et des dépenses des ménages soulève la question essentielle de savoir si le coût des services est trop élevé par rapport à la qualité perçue, mais il faudrait comprendre dans quelle mesure cela est vrai. Parmi les déterminants possibles de la faible utilisation des services on citera l’influence de la culture sur l’utilisation des services de santé et la piètre qualité des prestations four- nies. Ces deux questions méritent des études plus approfondies114. Priorité 2: Mettre en place des mécanismes novateurs de coordination de l’ac- tion des bailleurs de fonds. Les allocations budgétaires provenant de sources externes ont diminué de 161% entre 2012/2013 et 2013/2014, et cette tendance devrait se poursuivre dans un avenir proche. Il est donc impératif de mettre en place de meilleurs mécanismes pour coordonner la multitude de bailleurs de fonds externes intervenant dans le secteur et de trouver des moyens efficaces pour améliorer l’efficacité, réduire les chevauchements, faire en sorte que les prio- rités du gouvernement en matière d’intervention soient systématiquement prises en compte115. Sans de tels mécanismes, il existe un risque grave que la qualité de la prestation des services de santé et les niveaux d’utilisation des services de san- té s’effondrent davantage. Les mécanismes envisageables pour améliorer la coor- dination des bailleurs de fonds incluent l’établissement d’une sous-cellule bien dotée en personnel chargée de coordonner l’aide des bailleurs de fonds et d’har- monisation des initiatives pertinentes, en appliquant une approche à l’échelle sectorielle, et évoluant progressivement vers des mécanismes de financements communs. 114 Il existe des preuves anecdotiques que les facteurs culturels jouent un rôle majeur dans la propor- tion élevée des accouchements en Haïti –65%– qui ont lieu en dehors d’un établissement de santé. 115 Un cadre de coordination des bailleurs de fond existe déjà au sein de l’MPCE : il s’agit de la Coordi- nation de l’aide externe au développement (CAED). Ce mécanisme coordonne l’action des bailleurs et à travers le programme conjoint d’efficacité de l’aide (PCEA). 157 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Chapitre 4: Chocs et vulnérabilité Haïti est particulièrement exposé aux chocs de toutes sortes, qu’il s’agisse de chocs météorologiques et économiques covariés ou de chocs économiques et sanitaires idiosyncratiques116. La vulnérabilité du pays à ces chocs se trouve accrue par la fai- blesse des institutions et le manque de ressources qui entravent les efforts dé- ployés pour se préparer auxdits chocs, les atténuer ou y faire face, tant au niveau macro qu’au niveau micro. Les ménages pauvres sont plus susceptibles de subir des chocs: 95% des ménages vivant dans l’extrême pauvreté encaissent au moins un choc économiquement préjudiciable chaque année. Les ménages ruraux sont plus susceptibles d’être touchés par des chocs climatiques, qui sont souvent ag- gravés par un préjudice agricole, tandis que les ménages urbains sont plus sus- ceptibles d’être affectés par les chocs économiques non agricoles. Les pauvres ont moins de moyens de faire face aux chocs, et les stratégies qu’ils adoptent en conséquence sont plus susceptibles d’entraver les activités économiques futures ou l’accumulation de capital humain, parce qu’en général ils font face à ces chocs en vendant leurs biens, en s’endettant davantage ou en réduisant leur consomma- tion alimentaire. Dans le cas de choléra ou des chocs météorologiques, qui sont beaucoup plus répandus parmi les pauvres, la stratégie la plus courante pour faire face consiste à ne rien faire, ce qui laisse penser que les pauvres disposent de peu de moyens pour protéger leurs moyens d’existence contre les chocs. 1. Introduction Le risque est un phénomène inévitable qui a des conséquences importantes dans la vie et les processus de décision des personnes qui y sont exposées, en particulier dans les pays pauvres, qui n’ont ni les moyens financiers ni les moyens institutionnels pour faire face aux chocs. Les individus, les ménages, les collectivités et les pays sont tous exposés à des risques qui dépendent de facteurs tels que la situation géographique et l’environnement géologique, mais, comme les individus, ils ont des capacités différentes pour s’y préparer et y faire face. Les chocs peuvent comporter des risques covariés ou systémiques, tels qu’une crise financière ou politique, une catastrophe naturelle, la criminalité, un épisode épidémique ou des risques idiosyncratiques tels que la perte d’un emploi pour les individus. Selon le Rapport sur le développement dans le monde 2014 (Banque mondiale 2013a), la majorité des ménages dans les pays en développement sont confrontés à au moins un choc chaque année, et certains ménages sont exposés à plus d’un choc. Bien que certaines personnes puissent être en mesure de se protéger contre les ef- fets potentiellement catastrophiques des chocs, la majorité des pauvres du monde 116 Ce chapitre s’appuie sur les travaux de l’ONPES (2014) et sur les documents de travail élaboré par Raeza-Sanchez, Fuchs, Matera (2014) dans le cadre de l’Étude de la Banque Mondiale et Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES). 2014. Haïti: investir dans l’humain pour com- battre la pauvreté. Éléments de réflexion pour une prise de décision informée. Washington: Groupe de la Banque mondiale. 158 Banque mondiale - ONPES ont un accès limité à une assurance formelle117. Cet accès limité s’explique par un manque de garanties et le coût élevé de l’information et des formalités adminis- tratives, qui se traduisent souvent par des baisses soudaines de la consommation lorsque des chocs se produisent118. Cette situation est aggravée dans les zones ru- rales, où les moyens d’existence sont tributaires d’une bonne pluviométrie et d’une température et une humidité adéquates, ainsi que de la qualité des engrais, de la lutte contre les maladies des cultures et des personnes, d’une situation politique saine, d’une politique commerciale favorable, et de nombreux autres facteurs. Les petits États insulaires et les pays extrêmement pauvres comme Haïti font face à une conjugaison de risques extensifs et intensifs, d’insuffisance de ressources, et de faibles capacités institutionnelles pour se préparer aux chocs et y faire face, et sont donc particulièrement vulnérables119. La préparation, en particulier, est essentielle pour atténuer l’impact des chocs, notamment s’ils sont systémiques. Dans le cas de ces crises, les ripostes doivent souvent être gérées au moyen d’ins- truments publics officiels, en raison de l’impact systémique qu’entraîne d’impor- tantes défaillances du marché et la perturbation des mécanismes informels de partage des risques, ce qui donne lieu à une insuffisance généralisée de l’auto-as- surance, en particulier chez les personnes pauvres et extrêmement pauvres. Les ONG et les pays partenaires peuvent apporter une aide financière et un soutien logistique, mais le rôle des États dans la gestion des crises reste prépondérant pour assurer la préparation et l’atténuation des effets (Marzo et Mori 2012). Le tremblement de terre de magnitude 7 sur l’échelle de Richter qui a secoué Haïti en 2010 a fait 230,000 morts, tandis qu’un séisme plus grave au Chili (8.8 sur l’échelle de Richter) a été dévastateur certes, mais il a engendré beaucoup moins de morts, seulement 525. Les Haïtiens sont soumis à chocs covariés et idiosyncratiques fréquents. Au niveau macro, les chocs covariés sont souvent liés à des catastrophes naturelles, 117 Les mécanismes formels sont opérés sur le marché, et consistent par exemple à souscrire une assurance. Les mécanismes informels sont des arrangements au sein et entre les ménages, par exemple l’utilisation de l’épargne, la vente de biens, l’aide pécuniaire ou d’autre nature reçue de la famille et des amis, la modification des habitudes de consommation en achetant des articles moins chers, ou la prise d’un emploi supplémentaire. Ces deux types de mécanisme peuvent être adoptés préalablement au choc pour protéger le ménage, c’est-à-dire souscrire une assurance ou diversifier les emplois, ou après le choc, c’est-à-dire par exemple contracter un crédit ou vendre des biens. Si les mécanismes formels et informels appliqués ensemble ne suffisent pas à maintenir le ménage au même niveau de consommation qu’avant le choc, le ménage devra réduire sa consommation temporairement, ou, si le choc est assez grave, ses effets peuvent perdurer (Dercon 2004). 118 Le coût d’acquisition de l’information nécessaire pour évaluer les risques, surveiller les perfor- mances de l’emprunteur, et faire respecter les obligations contractuelles est élevé. 119 Les risques intensifs découlent d’événements à faible probabilité et à impact plus important, tandis que les risques extensifs sont associés à des événements à forte probabilité mais à impact moindre. Dans le premier cas on a comme exemples les grands tremblements de terre, les ouragans ou les épidémies, tandis que dans le deuxième cas nous avons les inondations localisées, la maladie chez les individus ou le chômage. Parmi les risques extensifs, on retrouve également les risques idiosyn- cratiques. Une autre distinction utile est le fait que les risques intensifs sont généralement associés à de grandes régions métropolitaines, où des activités économiques à forte concentration sont exposées et vulnérables à des risques catastrophiques. En revanche, les risques extensifs peuvent être associés à des zones rurales et périurbaines et aux populations pauvres qui y vivent. 159 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté qui sont courants en raison de la situation géographique du pays (tremblements de terre, ouragans et inondations), et dont les effets sont exacerbés par un déboisement et une dégradation des terres à grande échelle. Ces chocs ont un impact important sur l’activité économique et agricole: dans la seule année de 2012, le pays a été frap- pé par deux ouragans (Isaac et Sandy) et une sécheresse, qui ont été à l’origine de la croissance négative de 1.3% de la production agricole nationale120. Les chocs écono- miques sont également fréquents en Haïti parce que le pays a une économie ouverte et pâtit des fluctuations internationales qui découlent principalement de la hausse des prix à l’importation, de la baisse des prix à l’exportation, et l’instabilité des envois de fonds depuis l’étranger (en raison par exemple d’un choc dans un pays de desti- nation, comme la République dominicaine ou les États-Unis). L’instabilité politique, liée à la fragilité des institutions qui caractérise le pays, peut également influer sur le bien-être des ménages, si elle se traduit par une interruption ou un ralentissement de l’activité économique ou de l’aide publique au développement, comme dans les années 90 ou au début de la première décennie des années 2000. Les Haïtiens doivent également faire face à des chocs idiosyncratiques considérables tels que les décès, les maladies, les pertes d’emploi et la diminution des salaires. Parce que les mécanismes de marché et les dispositifs institutionnels ne leur sont pas accessibles, les chocs peuvent avoir des conséquences non négligeables en termes de pertes de revenus, malgré l’existence de mécanismes informels tels que le soutien de la fa- mille et des amis. En effet, des études laissent supposer que, dans la détermination de la vulnérabilité à la pauvreté en Haïti, les chocs idiosyncratiques et les chocs au niveau local sont plus importants que les chocs covariés qui affectent des régions plus vastes (Échevin 2013; Jadotte 2010). L’envergure de la pauvreté est importante en Haïti, mais il en est de même de la vulnérabilité face à la pauvreté, et les chocs peuvent plonger des millions d’autres Haïtiens dans la pauvreté. La figure 4.1, qui représente la répartition de la richesse au sein de la population, illustre cette situation. Les histogrammes éle- vés autour des seuils de pauvreté indiquent que la majorité de la population vit de budgets proches du seuil de pauvreté121 . Cette figure montre ainsi la vulnéra- bilité notable de la population face à la pauvreté, étant donné que les ménages proches du seuil de pauvreté sont plus susceptibles de basculer dans la pauvreté 120 Il ne s’agit là que des toutes dernières parmi les catastrophes naturelles annuelles: parmi les catas- trophes récentes qui ont précédé le tremblement de terre de 2010, on peut citer les inondations de Fonds-Verrettes et de Mapou et le cycle Jeanne Cyclone en 2004, et les ouragans Fay, Gustav, Hanna et Ike en 2008 (ONPES, à paraître). 121 En l’absence de données de panel ou de données de panel synthétiques, les personnes vulnérables sont définies comme les individus vivant d’un budget qui représente 120% du seuil de pauvreté. Selon cette définition, près de 10% de la population serait vulnérable, et, ensemble, les pauvres et les personnes vulnérables représenteraient les deux tiers de la population. Une autre définition de la vulnérabilité utilisée par la Banque mondiale dans le cas de l’Amérique latine est liée à la stabilité économique et à la probabilité de basculer dans la pauvreté. Le seuil correspondant à cette proba- bilité est de 10 dollars par jour (en dollars US PPA), une somme qui est donc utilisée pour identifier la classe moyenne dans la région, tandis que les personnes vulnérables sont définies comme les indivi- dus disposant de 4 à 10 dollars en PPA par jour pour vivre (López-Calva 2013). Si nous appliquons cette définition, la proportion de personnes pauvres et vulnérables serait de 98%, parce que 2% seulement de la population vit d’un budget supérieur à 10 dollars par jour. 160 Banque mondiale - ONPES ou d’en sortir à la suite d’un choc. Un tel choc pourrait pousser 1 million de per- sonnes dans la pauvreté et 2,5 millions dans l’extrême pauvreté122. Le niveau de consommation de 2% seulement de la population dépasse les 10 dollars par jour, un montant qui représente le seuil de revenu permettant de rejoindre la classe moyenne dans la région. Figure 4.1. La vulnérabilité face à la pauvreté en Haïti, 2012 Seuil pauvreté extrême Seuil pauvreté modérée Seuil de vulnérabilité Nombre d´individus (en milliers) 200 180 160 140 120 100 80 60 40 20 0 500 8,000 15,500 23,000 30,500 38,000 45,500 53,000 60,500 68,000 75,500 83,000 90,500 98,000 105,500 113,000 112,500 120,500 128,000 135,500 143,000 Consommation annuelle par tête (HTG) Sources: ECVMAS 2012; calculs BM/ONPES. Le présent chapitre a pour objet de décrire et de faire la lumière sur le lien entre les chocs et la pauvreté en Haïti. Il analyse plus particulièrement la corrélation entre l’incidence de la pauvreté et les chocs. Il examine également les méca- nismes adoptés par les ménages haïtiens pour faire face aux chocs (ex.: utilisa- tion de l’épargne, aide des amis, modification de la consommation alimentaire, ou déscolarisation des enfants), ainsi que les liens avec l’accumulation de capital humain et les perspectives économiques (section suivante). Compte tenu de l’im- portance et de la gravité des catastrophes naturelles, une section est consacrée à l’examen de la vulnérabilité à ce type de choc, avec un accent particulier mis sur l’impact du tremblement de terre de 2010123. 122 On obtient ces chiffres en mesurant l’effet d’une réduction de 20% de la consommation des mé- nages, pour simuler l’impact d’un choc tel qu’une catastrophe naturelle. 123 Dans le monde entier entre 1975 et 2008, 23 méga-événements seulement ont conduit à près de 1,8 million de pertes en vies humaines, et 0.26 % de tous les événements survenus durant cette période ont représenté près de 80% de la mortalité liée aux catastrophes (Nations Unies 2009). Ces événements étaient concentrés dans le temps et dans l’espace: au moins la moitié des catas- trophes les plus meurtrières ont eu lieu entre 2003 et 2008, et 84% des décès et 75% des habita- tions détruites étaient associés à seulement 0.7% des pertes déclarées (Nations Unies 2009). Ces types d’événements représentent un risque intensif en raison de leur faible probabilité de survenue, mais de leur impact élevé lorsqu’ils se produisent, contrairement aux événements à forte probabilité de survenue et à faible impact qui sont plus courants et présentent un risque qui se veut davantage extensif. Toutefois, l’ampleur de l’impact qu’entraînent les événements à risque intensif masque les risques extensifs auxquels des millions de personnes dans le monde sont exposées chaque année: dans un échantillon de 12 pays entre 1970 et 2007, les Nations Unies (2009) constatent que plus de 99% des autorités locales ont déclaré que 16% des décès et de 51% des habitations détruites étaient été associés à ces événements. 161 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté 2. Diagnostique des chocs, impacts et mécanismes d’adaptation des ménages Fréquence des chocs L’incidence des chocs est élevée en Haïti et est pratiquement la même dans 75 pourcent tous les départements124. Un ménage haïtien type fait face à de nombreux chocs des haïtiens est chaque année; 78% des ménages à Port-au-Prince, 89% des ménages dans les confronté à au moins un choc autres zones urbaines, et 94% des ménages ruraux ont subi au moins un choc. En économique 2012, deux tiers à trois quarts de la population de 7 des 10 départements du pays négatif par an; ont été touchés par un choc climatique. La situation variait selon la zone géogra- presque 1 million phique: 43% de la population du département de l’Ouest et 78% de la population du de personnes est département du Sud-Est ont été touchés (figure 4.2). L’impact des maladies semble vulnérable à une être plus également réparti sur l’ensemble du territoire national. Une proportion chute dans la pauvreté suite à un de 64 à 67% de la population a été touchée dans la moitié des départements. Plus choc de ce type. de 70% de la population ont été touchés par la maladie dans trois départements: Centre, Grand’Anse et Nord. Les chocs économiques étaient plus généralisés: près de la moitié de la population ou plus dans la quasi-totalité des départements a pâti du ralentissement économique. Les chocs économiques sont courants dans le département de l’Ouest. La criminalité est devenue une source de préoccupa- tion majeure: 16 à 20% de la population ont été victimes de l’insécurité dans tout le pays. Ces pourcentages sont élevés par rapport à d’autres pays à faible revenu. Heltberg, Oviedo et Talukdar (2013) font état d’une fréquence plus faible des chocs en Afghanistan (16.4% des ménages urbains touchés et 49% des ménages ruraux), au Bangladesh (14% des ménages urbains et 15.9% des ménages ruraux), au Malawi (40% des ménages urbains et 66.8% des ménages ruraux), en Tanzanie (83.4% des ménages urbains et 83.3% des ménages ruraux) et en Ouganda (29.7% des ménages urbains et 56.2% des ménages ruraux)125. 124 Nous nous fondons sur les données du premier tour de l’ECVMAS 2012 recueillies au quatrième trimestre de 2012. L’enquête comprenait un module sur les chocs subis par les ménages et sur les mécanismes adoptés pour y faire face, le cas échéant. Des informations ont été recueillies sur 18 chocs différents. Aux fins de l’analyse, les chocs ont été regroupés en trois grandes catégories: les chocs économiques idiosyncratiques, les chocs économiques covariés à l’échelle de la collectivité et les chocs météorologiques/climatiques covariés. Les chocs économiques idiosyncratiques ont été subdivisés en six catégories: santé, composition du ménage, préjudice agricole, perte d’une activité économique non agricole, diminution de l’aide extérieure et criminalité (voir l’annexe L pour une liste des chocs spécifiques relevant de chaque catégorie). Il a également été demandé aux répondants d’indiquer les trois chocs qui ont le plus affecté leur ménage sur le plan économique et le principal mécanisme auquel ils ont eu recours pour y faire face. On a recensé au total 35 stratégies pour faire face aux chocs, y compris le fait de ne rien faire. Nous avons classé ces stratégies dans 12 groupes (voir l’annexe M pour une liste des groupes et des stratégies par groupe). 125 Selon l’interprétation qu’on peut en faire, les pourcentages sont plus élevés pour la Tanzanie. L’en- quête en Tanzanie fait état des chocs subis au cours des cinq dernières années, au lieu des 12 derniers mois retenus pour l’ECVMAS et les autres enquêtes nationales. 162 Banque mondiale - ONPES Figure 4.2. Pourcentage de population affectée par des chocs, par département Climatique Maladie Économique Sécurité 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Ouest Sud-est Nord Nord-est Artibonite Centre Sud Grande'Anse Nord-ouest Nippes Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: La question posée dans le cadre de l’enquête était la suivante: «au cours des 12 derniers mois, votre ménage a-t-il été affecté par l’un des problèmes suivants?»: Choc climatique= ouragans, inondations, sécheresses ou pluviométrie irrégulière. Choc lié à la maladie= maladie autre que le choléra, épidémie de choléra, maladies animales, maladies des cultures et des plantes. Choc économique= décès d’un membre du ménage; hébergement de nouveaux membres pris en charge par le ménage; rareté de la nourriture; hausse sur le marché des prix des semences, des engrais ou du matériel; outils détraqués; faillite pour un ménage non agricole; perte des salaires ou autres revenus du ménage; perte des transferts monétaires de parents; perte de transferts monétaires du gouvernement. Choc lié à la sécurité= vol d’argent, de biens ou de récoltes. Si l’ensemble des ménages en Haïti fait face à de multiples chocs écono- miques chaque année, les pauvres sont plus susceptibles d’être touchés126. Les ménages vivant dans l’extrême pauvreté encaissent en moyenne près de trois chocs par année, alors que les ménages résilients n’en subissent que 2.54 (figure 4.3)127. Seulement 4% des ménages vivant dans l’extrême pauvreté ne sont pas affectés par les chocs, contre 16% des ménages résilients. Ce résultat peut s’expli- quer par plusieurs facteurs. Les ménages vivant dans l’extrême pauvreté sont plus susceptibles de considérer certains événements comme des chocs parce qu’ils ont moins de moyens pour y faire face. Les ménages en situation d’extrême pau- vreté pourraient aussi être plus vulnérables aux chocs compte tenu des décisions qu’ils prennent au sujet de leur zone de résidence et de leur occupation. 126 Les pauvres sont les ménages dont les dépenses par tête sont supérieures au seuil d’extrême pauvreté, mais au-dessous du seuil de pauvreté. Les ménages vulnérables sont ceux qui se situent au-dessus du seuil de pauvreté, mais dont les dépenses par tête sont de moins de 20% supérieures au seuil de pauvreté. Les ménages résilients sont ceux dont les dépenses par tête sont de plus de 20% supérieures au seuil de pauvreté (c’est-à-dire les non pauvres). Selon ces définitions, sur un échantillon de 4,930 ménages, 29% vivent dans l’extrême pauvreté; 19% font partie des pauvres; 10% sont vulnérables; et 42% sont résilients. 127 Le total des chocs peut être légèrement sous-estimé parce que l’enquête n’a pas recueilli les infor- mations sur le nombre de fois où un type de choc donné a été subi. 163 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Figure 4.3. Nombre de chocs selon le niveau de bien-être et le milieu de résidence a.% de ménages ayant subi un ou plusieurs chocs, par niveau de pauvreté des ménages 30% 25% Aucun 20% 1 2 15% 3 4 10% 5 5% 6+ 0% Pauvreté Pauvreté, Vulnerable, Résilient extrême exclus extrême non pauvres b.% de ménages ayant subi un ou plusieurs chocs, par zone de résidence du ménage 90% 80% 70% 60% Aucun choc 50% Choc idiosyncrasique 40% Choc covariable 30% 20% 10% 0% Port-au-Prince Autre urbain Rural Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES.. Les ménages ruraux sont beaucoup plus susceptibles d’être touchés par un choc que les ménages urbains. Les ménages ruraux subissent presque deux fois plus de chocs que les ménages de Port-au-Prince, le nombre de chocs encaissés étant de 3.29 et 1.85 respectivement. En général, les ménages de l’Aire Métropo- litaine de Port-au-Prince sont deux fois moins susceptibles de subir un choc de quelque nature que ce soit que les ménages des autres zones urbaines et trois fois moins que les ménages ruraux. 164 Banque mondiale - ONPES Les chocs liés à la santé sont ceux qui frappent le plus couramment la popu- lation haïtienne, suivis par les chocs météorologiques/climatiques et écono- miques covariés. Les deux tiers de la population haïtienne, pauvres comme non pauvres, sont régulièrement frappés par des chocs idiosyncratiques. Les chocs liés à la santé sont les plus courants. Cela dit, la moitié des ménages pauvres et vulné- rables font face à des chocs liés à la santé, contre 43% des ménages résilients. Les chocs covariés les plus courants sont ceux liés aux conditions météorologiques/ climatiques. Si les ménages à Port-au-Prince affichent une fréquence de chocs climatiques similaire à celle d’autres pays à faible revenu, les proportions sont plus élevées dans d’autres zones urbaines et dans les zones rurales, soit 44% et 73%, respectivement128. Les pertes économiques ou agricoles que subissent les collectivités représentent le troisième type de choc le plus courant. Les pauvres dans les zones rurales sont plus susceptibles d’être touchés par les chocs agricoles et climatiques, tandis que, dans les zones urbaines, les chocs économiques affectant les revenus du travail et les transferts moné- taires privés sont plus fréquents. Les pauvres sont beaucoup plus susceptibles d’être touchés par un préjudice agricole (33% des ménages vivant dans l’extrême pauvreté, contre 18% des ménages élastiques) et les chocs climatiques (73% des ménages extrêmement pauvres, contre 46% des ménages résilients) (tableau 4.1). Les chocs climatiques/météorologiques sont susceptibles d’être associés à un préjudice agricole (coefficient de corrélation de 0.3) et d’être plus courants au sein de la population rurale: 73% des ménages ruraux ont été affectés sur le plan économique par de tels chocs129. L’incidence et l’impact relativement faibles des chocs climatiques pour les ménages résilients sont plus probablement liés au fait que la plupart de ces ménages vivent en milieu urbain (68%), contre seulement 18% des ménages extrêmement pauvres. Les chocs associés à une incidence qui augmente à mesure que le bien-être s’améliore sont ceux qui affectent l’activité économique ou sont liés à la criminalité, qui est plus courante dans les zones urbaines. Les chocs économiques idiosyncratiques (19%) —tels que l’échec d’une entreprise non agricole ou la perte de salaire du fait de maladie— et les chocs économiques causés par une diminution des transferts monétaires reçus de la famille, des amis ou de l’État (15%) sont plus fréquents dans les zones urbaines, ce qui traduit une plus forte dépendance des ménages urbains à l’égard des revenus du travail et des transferts monétaires privés. 128 Bien que la tendance générale soit similaire à celle qu’on trouve dans d’autres pays à faible revenu, la fréquence réelle des chocs météorologiques est généralement plus élevée en Haïti que dans les cinq autres pays à faible revenu (Heltberg, Oviedo et Talukdar 2013). Les économies comparables font état de chocs climatiques touchant entre 32 et 39% de la population totale. 129 Ces écarts ne signifient pas qu’un événement météorologique/climatique est nécessairement plus susceptible de survenir en milieu rural, mais que de tels événements sont plus susceptibles d’être ressentis sur le plan économique par les ménages ruraux que par les ménages urbains. 165 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Tableau 4.1. Fréquence des types de chocs subis par les ménages, par niveau de pauvreté Extrêmement Pauvres, mais pas Vulnérables, mais Type de choc Résilients pauvres extrêmement pas pauvres Pas de choc 4% 9% 10% 16% Chocs familiaux idiosyncratiques 78% 72% 77% 70% Santé 50% 44% 49% 43% Consommation du ménage 15% 11% 12% 12% Agricoles 33% 26% 29% 18% Activité économique 9% 12% 18% 16% Diminution de l’aide extérieure 7% 10% 10% 12% Criminalité 13% 16% 16% 21% Chocs covariés 79% 70% 68% 59% Choc économique touchant 30% 32% 33% 34% la collectivité Choc météorologique/climatique 73% 60% 57% 46% Nombre d’observations 920 1,483 456 2,062 Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES.. Les ménages dirigés par un homme et comprenant des enfants sont plus sus- ceptibles d’être touchés par des chocs. Les ménages avec enfants sont plus sus- ceptibles que les ménages sans enfants d’être touchés par un choc lié à la santé, un choc affectant la composition du ménage, un préjudice agricole, une perte de l’activité économique, ou un choc économique covariable (tableau 4.2). Les mé- nages dirigés par des femmes sont moins susceptibles d’encaisser un choc que ceux ayant un homme à leur tête. Parce que 61 % des ménages ruraux sont dirigés par des hommes, 16% seulement des ménages dirigés par des femmes subissent un préjudice agricole, contre 31% des ménages dirigés par des hommes; de même, 62% des ménages ayant à leur tête un homme sont touchés par un choc météorolo- gique/climatique, contre seulement 49% des ménages dirigés par des femmes. Ces données peuvent correspondre au fait que la plupart des femmes sont employées dans des activités non agricoles (voir le chapitre 2) même en milieu rural, aussi sont-elles moins vulnérables aux chocs climatiques ou agricoles. 166 Banque mondiale - ONPES Tableau 4.2. Fréquence des types de chocs, par type de ménage, pourcentage Sans Dirigé par Dirigé par Type de choc Avec enfants enfants un homme une femme Pas de choc 10% 13%** 9% 13%*** Chocs familiaux idiosyncratiques 74% 69%*** 73% 72% Santé 47% 41%** 45% 46% Consommation du ménage 14% 9%** 12% 13% Agricoles 25% 21%** 31% 16%*** Activité économique 15% 10%*** 14% 14% Diminution de l’aide extérieure 10% 11% 8% 13%*** Criminalité 17% 18% 18% 16% Chocs covariés 68% 63%** 72% 61%*** Choc économique touchant la collectivité 34% 29%** 33% 32% Choc météorologique/climatique 57% 54% 62% 49%*** Nombre d’observations 3,579 1,342 2,782 2,139 Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES.*** p <0,01 ** p <0,05 Impact des chocs Les ménages, en particulier les ménages résilients, jugent les chocs idiosyn- cratiques plus graves que les chocs covariés130. Pour plus de 60% des ménages, les chocs idiosyncratiques liés à la santé sont les chocs les plus graves sur le plan économique qu’ils subissent. Les deuxième et troisième chocs les plus graves sont covariés: chocs liés aux conditions météorologiques ou climatiques et chocs économiques ou préjudice agricole affectant la collectivité, respectivement. Parmi les ménages résilients, 60% jugent les chocs idiosyncratiques plus graves, contre seulement 25% pour les chocs covariés en raison de l’incidence relativement peu fréquente des chocs météorologiques/climatiques au sein de cette catégorie de ménages. La diminution des revenus, des biens ou de la consommation alimentaire est la principale conséquence économique des chocs131. Les chocs liés à la santé et les chocs météorologiques/climatiques et économiques conduisent tous à une baisse des revenus, qui est perçue comme leur plus grande conséquence par tous les ménages, mais en particulier par les ménages vulnérables. Les pertes de reve- nus sont suivies, par ordre d’importance, par la réduction des biens et des achats 130 Les chocs idiosyncratiques sont les plus importants pour 60% de la population. Si un deuxième choc se produit, il est aussi susceptible d’être idiosyncrasique comme covarié, et, si un troisième survient, il est plus susceptible d’être covariable. Cette tendance est maintenue même si l’échantil- lon est limité aux ménages qui ont encaissé les deux types de chocs au moins une fois. 131 L’enquête s’est penchée sur les types d’impact économique que les trois principaux chocs ont eu sur les ménages. Les impacts économiques potentiels des chocs déclarés par les personnes interrogées sont classés en diminution a) des revenus, b) des biens, c) de la production alimentaire, d) des stocks alimentaires, et e) des achats de produits alimentaires. 167 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté alimentaires. Pour le choc principal (qui est, le plus souvent, celui lié à la santé), 53% des ménages en situation d’extrême pauvreté ont souffert d’une diminution de la production alimentaire, contre 34% des ménages résilients, ce qui traduit le fait que la production pour la consommation familiale revêt une plus grande importance chez les pauvres (tableau 4.3). Dans les ménages extrêmement pauvres, la diminu- tion de la production alimentaire est la deuxième plus grave conséquence après les pertes de revenus dans le cas des deuxième et troisième chocs par ordre de gravité (chocs météorologique/climatiques et chocs économiques)132. Tableau 4.3. Impact économique des chocs, par situation de pauvreté des ménages Pourcentage de diminution au sein des ménages dans chaque catégorie, sauf indication contraire Extrêmement Pauvres, mais pas Vulnérables, mais Indicateur Totalité Résilients pauvres extrêmement pas pauvres Choc principal, observations 4 326 874 1 358 402 1 692 Revenu 74 72 74 82 74 Biens 61 61 60 59 62 Production alimentaire 43 53 45 44 35 Stock alimentaire 42 44 42 46 40 Achat de denrées alimentaires 63 62 63 66 63 Deuxième choc, observations 3 190 708 1 004 305 1 172 Revenu 70 69 75 69 68 Biens 60 60 56 62 63 Production alimentaire 51 63 55 47 41 Stock alimentaire 47 48 47 47 47 Achat de denrées alimentaires 63 60 61 68 67 Troisième choc, observations 2 139 487 668 204 781 Revenu 69 69 72 71 64 Biens 59 58 59 64 58 Production alimentaire 54 61 58 57 45 Stock alimentaire 50 49 48 53 53 Achat de denrées alimentaires 64 63 62 67 67 Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Mécanismes pour faire face aux chocs La solidarité des amis et de la famille et la diminution de la consommation alimentaire sont les principales stratégies appliquées par les ménages pour faire face aux chocs. Les mécanismes les plus courants pour faire face aux chocs 132 Les chocs sont organisés par ordre d’importance du point de vue du ménage, et non par l’ordre chronologique. 168 Banque mondiale - ONPES les plus importants sont l’aide monétaire des autres (27%), la modification de la consommation alimentaire (16%) et la prise d’aucune mesure (15%). La modifica- tion de la consommation alimentaire est particulièrement importante pour faire face aux chocs économiques (48%) et météorologiques/climatiques (24%) cova- riés, qui affectent le plus probablement la production ou les revenus du travail. Ainsi, pour la plupart, les ménages sont en mesure de faire face aux chocs idiosyn- cratiques sans avoir à modifier leur consommation alimentaire, mais celle-ci est moins bien protégée si un ménage subit un choc économique ou météorologique covariable. La stratégie la plus courante pour faire face aux chocs idiosyncratiques est l’aide monétaire extérieure au ménage ou la prise d’aucune mesure (enca- dré 4.1). Parmi les ménages qui subissent des chocs liés à la santé, 41% en viennent à demander de l’aide monétaire extérieure. Encadré 4.1. Mécanismes formels et informels de gestion des risques: inclusion financière Les services financiers formels peuvent constituer des instruments importants permettant aux populations pauvres de faire face aux chocs, mais leur accessibilité et leur utilisation dans l’ensemble est relativement limitée en Haïti. Selon les données de la base de données sur l’inclusion financière dans le monde, Findex, qui se fondent sur une enquête réalisée en 2011 auprès de 504 personnes, 27% seulement d’adultes haïtiens (18 ans et plus) disposent d’un compte dans une insti- tution financière formelle, contre 45% dans la région Amérique latine et Caraïbes, et 29% dans d’autres pays à faible revenu. Sur l’ensemble de la population, 11% seulement ont une assurance médicale ou de santé. Seu- lement 24% des Haïtiens (et 8% des pauvres) ont déclaré avoir épargné de l’argent de façon formelle au cours de l’année précédente. Les 40% les plus pauvres de la population, ceux qui ont de faibles niveaux d’instruc- tion et les jeunes ont fait état des plus bas taux d’utilisation des services financiers formels. Les manques de ressources et d’accès comptent parmi les principa- les raisons pour lesquelles les ménages n’utilisent pas les services financiers formels. La rareté des ressources (de faire usage des comptes bancaires ou en ouvrir et les entretenir) est la principale raison évoquée par la population haïtienne pour ne pas avoir recours aux institutions fi- nancières formelles (figure B4.1.1). La deuxième raison la plus importante est la non possession d’une carte d’identification nationale (CIN) ou des documents nécessaires, ce qui trahit en partie le niveau élevé de l’infor- mel dans l’économie et la faiblesse des institutions. Malgré la faible cou- verture des banques et des coopératives sur le territoire (on ne compte que 273 agences dans le pays, dont la plupart se trouvent à Port-au- Prince et dans quelques autres grands centres urbains), l’accès physique ne semble pas être le principal obstacle à l’ouverture d’un compte dans un établissement formel pour les Haïtiens. 169 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Figure B4.1.1. Raisons données à leur non-affiliation à une institution bancaire 35% 31% 29% 20% 18% 15% 16% 15% 12% 5% 4% 4% 4% 4% Ils sont Ils sont Je n'ai pas Je ne leur Je n'ai pas Pour des Parce que trop loin trop chers la documentation fais pas assez d'argent raisons quelqu'un de nécessaire confiance pour les utiliser religieuses ma famille (ID , bulletin possède déjà de salaire) un compte Haitiens adultes (% 18+ ans) Revenus, 40% plus pauvres (18+ ans) Malgré l’accès limité aux institutions financières formelles, les Haïtiens ont besoin d’argent pour investir dans l’avenir et faire face aux risques, et ils utilisent souvent les institutions informelles pour y accéder. Au sein de la population adulte haïtienne, 67% (et 55% des pauvres) ont déclaré avoir contracté un prêt dans l’année précédant l’enquête, ce qui correspond à une utilisation sensiblement plus élevée des prêts que dans les autres pays à faible revenu. Seulement 10% des répondants ont cité les prêteurs institutionnels comme source de crédit, parce que la plupart des prêts ont été consentis par la famille ou des amis (à un taux beaucoup plus élevé que dans les autres pays d’Amérique latine ou pays à faible revenu), suivi par les prêteurs privés, dont les services seraient onéreux. En Haïti, le prêt est un instrument particulièrement important pour faire face aux problèmes de santé et à des situations d’urgence et pour payer les frais de scolarité: 27% des Haïtiens de plus de 15 ans ont déclaré avoir contracté un prêt pour faire face à des problèmes de santé ou à des situations d’urgence, et 28% ont déclaré avoir contracté le prêt pour s’acquitter des frais de scolarité (contre 16 et 7%, respectivement, dans l’ensemble des pays à faible revenu). Afin de faciliter l’accès des pauvres aux services financiers et améliorer la qualité de ces services, l’État haïtien s’est associé au secteur privé pour lancer plusieurs initiatives. Ces initiatives visent à faciliter l’accès aux services financiers à travers les portefeuilles numériques et les téléphones cellulaires, à augmenter le nombre de points de service au moyen d’agents non bancaires, et à expérimenter des projets novateurs, tels que l’exécution des transferts monétaires conditionnels (par exemple, les paiements dans le cadre du programme Ti Manman Cheri) via les téléphones mobiles et des agents de transfert d’argent. Des efforts sont également en cours pour définir une stratégie plus globale d’inclusion financière qui aiderait à s’atta- quer d’une façon intégrale à un large éventail de problèmes qui entravent 170 Banque mondiale - ONPES la prestation et l’utilisation des services financiers par les pauvres et par les très petites, petites et moyennes entreprises, tels que l’absence d’un cadre approprié de protection des consommateurs; les insuffisances du cadre de réglementation et de surveillance qui régit les coopératives fi- nancières, les institutions de microfinance et les compagnies d’assurance, ou les difficultés rencontrées par beaucoup de pauvres pour accéder aux services financiers parce qu’ils ne disposent pas de pièce d’identité. Les chocs sont plus de nature à entraver les activités économiques futures des ménages extrêmement pauvres, tandis que les ménages résilients s’appuient en grande partie sur les transferts monétaires privés. Les ménages vivant dans l’extrême pauvreté sont deux fois plus susceptibles que les ménages résilients de vendre leurs biens pour faire face aux chocs, à proportion de 10 et de 4%, respec- tivement. Ils sont aussi un peu plus susceptibles de s’endetter: 16% des ménages en situation d’extrême pauvreté ont principalement recours à l’endettement pour faire face aux chocs, contre 12% des ménages résilients. Ceci étant, les ménages résilients sont deux fois plus susceptibles que les ménages en situation d’extrême pauvreté de s’appuyer sur une aide monétaire (hors prêts) de l’extérieur, à 38 et 16%, respectivement. Plus particulièrement, 54% des ménages résilients puisent dans l’aide monétaire extérieure pour contrer les effets des chocs liés à la santé, alors que seulement 26% des ménages vivant dans l’extrême pauvreté sont en mesure de le faire. Les chocs peuvent engendrer des pertes importantes en capital humain, en particulier parmi les pauvres. La modification de la composition du ménage (dé- cès ou naissance d’un membre du ménage) ou une diminution de l’aide moné- taire externe au ménage sont les deux événements qui sont plus susceptibles de conduire à la déscolarisation d’un enfant. Le recours à ce mécanisme consis- tant à retirer un enfant de l’école est très répandu dans les ménages en situation d’extrême pauvreté. Les ménages extrêmement pauvres sont également deux fois plus susceptibles que les ménages économiquement résilients de modifier leur consommation alimentaire annuelle, à 23 et 10%, respectivement. Si un choc économique covariable frappe une collectivité, 58% des ménages extrêmement pauvres modifieront leurs habitudes alimentaires, contre 36% des ménages ré- silients. Non seulement les ménages en situation d’extrême pauvreté sont plus susceptibles de modifier leur consommation alimentaire, mais ils font également état d’une incidence plus élevée de chocs covariés (voir le tableau 4.1). Les Haïtiens sont moins en mesure de faire face aux catastrophes à risques intensifs qu’aux événements à risques extensifs. Les chocs à risques extensifs tels que les chocs idiosyncratiques liés à la santé ou à caractère économique sont généralement des événements à haute probabilité de survenue et à faible im- pact auxquels les Haïtiens ont appris à faire face principalement en vendant leurs biens ou en comptant sur leur réseau social élargi pour obtenir des prêts ou des 171 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté transferts monétaires de la famille, des amis, ou d’ONG (figure 4.4). Plus des deux tiers des ménages touchés par des chocs idiosyncratiques liés au chômage et plus de 70% des ménages qui ont déclaré avoir été touchés par des maladies idiosyncra- tiques ont pu y faire face en vendant des biens ou en s’appuyant sur l’aide de leurs réseaux d’amis et de membres de la famille. Toutefois, si un choc intensif se produit, tel qu’un phénomène climatique (par exemple, ouragan, inondation ou sécheresse) ou une épidémie (comme le choléra), la capacité à vendre des biens chute à environ Face aux chocs, 10% de ces ménages, et ceux-ci ne bénéficient pas d’une aide beaucoup plus impor- des choix couteux pour le bien-être tante de la part de leurs réseaux. Il est plausible que ces biens perdent leur valeur de long-terme des marchande parce qu’ils ont été endommagés par certains phénomènes climatiques; ménages doivent et parce que toute une région peut être affectée par un choc climatique ou un choc être faits pour un lié à la santé, les ménages sont moins à même de compter sur leurs réseaux. L’aide bénéfice immédiat: gouvernementale ne joue presque aucun rôle dans les mécanismes adoptés par les 56 pourcent Haïtiens face à un choc; il est donc nécessaire de mettre en place une stratégie pour des ménages en situation d’extrême se préparer aux catastrophes, les atténuer et y apporter une riposte. pauvreté modifie leur consommation Figure 4.4. Stratégies pour faire face à des chocs, par type de choc de nourriture ce qui peut résulter en 100% malnutrition, retard de croissance 80% ou anémie. 60% 40% 20% 0% Maladie Chômage Arret des transferts Cholera Cyclones Sécheresse sociales et inondations Aucun Autre Migration Retrait des enfants de l'école Gouvernement Emprunts Nouvelles activités de travail Ressources naturelles Réduction des dépenses/consommation Compter sur le réseau social Ventes d'actifs Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: Le choléra, les ouragans, les inondations, les sécheresses, la maladie, le chômage, et la cessation des transferts sociaux constituent les chocs pouvant être considérés comme des événements à risques intensifs. Analyse multivariée Les chocs météorologiques/climatiques et économiques covariés ont un impact négatif sur le bien-être. L’analyse transversale détermine la mesure dans laquelle les groupes de revenus ont recours à diverses stratégies pour faire face aux chocs en fonction du type de choc et après que l’on a pris en compte les caractéris- tiques des ménages. Les résultats confirment que les chocs covariés sont liés à une diminution des dépenses par tête au sein de la population (voir l’annexe N). Les chocs économiques covariés sont associés à une réduction des dépenses par 172 Banque mondiale - ONPES tête d’environ 12%, et les chocs météorologiques covariés sont associés à une réduction d’environ 15%. En outre, les ménages qui ont recours à une modification de leur consommation alimentaire pour contrer les effets d’un choc dépensent beaucoup moins par tête que les ménages qui n’ont pas fait l’expérience d’un choc: 24% de moins dans le cas de chocs économiques covariés, 30% de moins dans le cas de chocs climatiques covariés, et 25% de moins dans le cas de chocs idiosyncratiques. Les ménages qui contractent un emprunt ou utilisent une autre stratégie au-delà des cinq principales stratégies pour faire face à un choc météo- rologique dépensent beaucoup moins par tête que les ménages qui n’ont pas fait l’expérience d’un choc. 3. Diagnostique de la vulnérabilité aux catastrophes naturelles Lien de vulnérabilité entre pauvreté et catastrophe Dans la plupart des régions en Haïti, les pauvres sont plus susceptibles d’être touchés par un choc climatique. Le pourcentage de personnes touchées par un choc naturel varie considérablement d’un département à l’autre. Néanmoins, dans tous les départements, les pauvres sont touchés de manière disproportionnée. En effet, dans les départements les plus pauvres (Grand’Anse, Sud-Est et Nord- Ouest), 78 à 82% de la population touchée est pauvre. En revanche, l’Ouest est le département le moins vulnérable: 43% seulement de la population est affectée par les chocs; seulement 19% de ces personnes sont pauvres, tandis que 23% sont des non pauvres (figure 4.5). Figure 4.5. Chocs climatiques et pauvreté, par département, 2009 90% R² = 0.61745 Nord-Est Grand-Anse Nord-Ouest 80% Proportion de pauvres Centre 70% Nord Nippes Sud 60% Sud-Est Artibonite 50% 40% Ouest 30% 40% 45% 50% 55% 60% 65% 70% 75% 80% Pourcentage de la population a ectée par un choc climatique (vulnérabilité) Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: Choc climatique = ouragans, inondations, sécheresses et pluviométrie irrégulière. Le seuil de pauvreté est fixé à 29 909,87 gourdes. Les départements sont classés par niveau de vulnérabilité. Les niveaux de vulnérabilité sont fixés en fonction de la proportion de personnes touchées par un choc climatique. La taille des bulles dans la figure correspond à la taille relative de la population concernée en 2009. 173 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Il existe un lien direct entre la vulnérabilité d’un département aux catastrophes naturelles et le niveau de pauvreté de sa population. Plus un individu est pauvre en Haïti, plus il est vulnérable à des catastrophes naturelles (figure 4.6). Les gens peuvent être vulnérables aux catastrophes parce qu’ils vivent dans des endroits sensibles à un ou plusieurs risques naturels ou parce que leurs comportements et les règlements locaux et nationaux sont inadaptés pour réduire le risque. Un indi- cateur de la vulnérabilité aux catastrophes naturelles est le nombre de personnes qui, dans un département, sont touchées par un événement donné. L’utilisation de l’ECVMAS pour calculer le taux de pauvreté de chaque département et déterminer la mesure dans laquelle le département est vulnérable aux catastrophes naturelles en fonction de la proportion de la population touchée par des chocs naturels per- met de montrer qu’il existe un lien direct entre la vulnérabilité et la pauvreté. Figure 4.6. Pauvreté et vulnérabilité en Haïti Population vivant dans la pauvreté par zone de vulnérabilité 72.9% 71.1% 80% 62.3% 61.9% 70% 53.2% Proportion des pauvres 49.5% 60% 42.2% 41.8% 37.4% 50% 40% 17.5% 30% 20% 10% 0% Vulnérabilité Très faible Faible Moyenne Haute Très haute Pourcentage de pauvres Pourcentage de pauvres extrêmes Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: Le seuil de pauvreté est fixé à 29 909,87 gourdes. Le seuil d’extrême pauvreté est fixé à 15 240,03 gourdes. Les départements sont classés en fonction de leur niveau de vulnérabilité. Les niveaux de vulnérabilité sont fondés sur le pourcentage de la population totale touchée par un choc climatique. Les catégories étaient les suivantes: 1) très faible (Ouest), 2) faible (Nord et Nord-Est), 3) moyenne (Artibonite, Grande Anse et Nippes), 4) élevée (Centre, Sud et Nord -Ouest), et 5) très élevée (Sud-Est). Risques de catastrophe auxquels Haïti est exposé Haïti est l’un des pays les plus exposés à des risques de catastrophe dans le monde, ce qui rend le pays particulièrement vulnérables aux pertes économi- ques. Plus de 93% de la surface d’Haïti et plus de 96% de la population sont exposés 174 Banque mondiale - ONPES à un ou plusieurs risques de catastrophe. Selon ces indicateurs, Haïti se classe au cinquième rang mondial en termes d’exposition à un ou plusieurs risques de ca- tastrophe (Banque mondiale 2005). Chaque phénomène, qu’il s’agisse d’ouragan, d’inondation, de tremblement de terre, de glissement de terrain ou de sécheresse, a des conséquences économiques: 56% du PIB d’Haïti sont liés à des zones expo- sées à un ou plusieurs risques de catastrophe. Si la vulnérabilité d’Haïti découle en partie de sa situation géographique, le pays tient aussi sa vulnérabilité en partie de facteurs internes ou institution- nels. La comparaison entre la République dominicaine et Haïti, qui ont l’île d’His- paniola en partage, met en évidence trois différences fondamentales (tableau 4.4). Tout d’abord, le nombre de phénomènes météorologiques entre 1980 et 2010 était de 63% plus élevé en Haïti qu’en République dominicaine, ce qui donne à penser que la plus forte vulnérabilité d’Haïti fait que certains risques de catas- trophe se concrétisent plus facilement. Ensuite, bien que les deux pays aient en- registré le même nombre de tempêtes, Haïti a subi deux fois plus d’inondations suite aux tempêtes (figure 4.7). Les inondations représentent l’un des phénomènes météorologiques les plus courants qui affectent Haïti, et se produisent en partie à cause du grave déboisement qui a affaibli et appauvri les terres, contrairement à la situation en République dominicaine133. Enfin, la vulnérabilité plus élevée d’Haïti se reflète dans les conséquences de ces événements en termes de pertes en vies humaines et pertes économiques, qui correspondent également à un exode rural chaotique, à l’insuffisance conséquente de bâtiments et l’inadéquation des codes du bâtiment, et au manque de diversification des sources de revenus134. Alors que les événements survenus en Haïti depuis 1980 ont fait plus de 230,000 morts et provoqué des dégâts chiffrés à près de 9 milliards de dollars, la République domi- nicaine a enregistré moins de 1,500 morts et des dégâts évalués à 2.6 milliards de dollars. Avec une moyenne annuelle de plus de 284 millions de dollars, les coûts pour Haïti représentent plus du triple de ceux de son voisin. Tableau 4.4. Comparaisons entre les catastrophes subies en République Dominicaine et en Haïti, 1980-2010 Catastrophe Haïti République dominicaine Événements, nombre 74 47 Nombre de morts 233,919 1,486 Moyenne par an 7,546 48 Nombre de personnes affectées 9,952,766 2,720,493 133 En 2009, le couvert forestier était de 3% en Haïti, contre 47% en République dominicaine (voir ONPES à paraître, se fondant sur Collier [2009]). 134 La population de Port-au-Prince est passée de 400,000 à 3 millions d’habitants au cours des 40 dernières années (ONPES à paraître). 175 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Moyenne par an 321,057 87,758 Dégâts économiques (USD, milliards) 8.8 2.6 Coût moyen par an (USD, milliers) 284,642 84,178 Source: EM-DAT (base de données internationale sur les catastrophes de l’OFDA/CRED), Centre de recherche sur l’épidémiologie des catastrophes, Université catholique de Louvain, Bruxelles (version de données: v11.08), http://www.emdat.be/database. Remarque: Le tremblement de terre de 2010 en Haïti a été la cause de 95% des décès et plus de 90% des dégâts économiques enregistrés au cours de cette période. Si l’on excluait le tremblement de terre de 2010 du tableau, on obtiendrait une image différente des conséquences économiques: la République dominicaine deviendrait plus sensible que Haïti aux pertes économiques. Une interprétation possible en serait la plus forte exposition des actifs de la République dominicaine par rapport à Haïti. Pour autant, le nombre de décès reste encore 2,6 fois plus élevé en Haïti qu’en République dominicaine. Figure 4.7. Nombre de catastrophes, par type, en République Dominicaine et Haïti, 1980-2010 45 40 35 30 25 20 15 10 5 0 Sécheresse Tremblement Inondation Tempête Autre Epidémie de terre Haïti République Dominicaine Source: EM-DAT (base de données internationale sur les catastrophes de l’OFDA/CRED), Centre de recherche sur l’épidémiologie des catastrophes, Université catholique de Louvain, Bruxelles (version de données: v11.08), http://www.emdat.be/database. Les zones côtières et Port-au-Prince sont les plus vulnérables aux aléas météo- rologiques et autres phénomènes naturels. Les épisodes météorologiques extrê- mes les plus courants en Haïti sont les tempêtes, les inondations, les sécheresses, les tremblements de terre et les glissements de terrain. Tous ces événements sont monnaie courante dans tout le pays, mais particulièrement dans les zones côtières et à Port-au-Prince. Les tempêtes, les inondations et les sécheresses sont toutes causées par un manque de protection des bassins versants et les carences en ma- tière d’irrigation (Banque mondiale 2013b). Les zones urbaines et les populations rurales dans les zones côtières sont particulièrement vulnérables parce que les for- ces qui favorisent l’urbanisation et les pressions du marché pour affecter les terres à l’agriculture entraînent généralement l’élimination de la végétation et donc la destruction de zones tampons, ce qui accroît la vulnérabilité de ces zones. 176 Banque mondiale - ONPES Les zones urbaines et rurales pâtissent des conséquences de ces chocs. Les caractéristiques de l’urbanisation représentent une partie des pertes économi- ques causées par ces événements en raison des dégâts causés aux habitations et aux infrastructures, de la perturbation des chaînes logistiques et de transport, et des pertes en vies humaines. Les zones rurales assument une part plus impor- tante des coûts en termes de pertes de produits agricoles, qui ont un impact sur la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance. Les risques de catastrophe auxquels Haïti est exposé ont des conséquences plus importantes, non seulement en raison des difficultés sur le plan de la géologie, de la géographie et du développement du pays, mais aussi du fait des faiblesses institutionnelles, à commencer par la planification inadéquate et le défaut d’application de la réglementation. En Haïti, les risques de catas- trophe peuvent être divisés en risques naturels et risques anthropiques. La pre- mière catégorie inclut les tremblements de terre, les inondations et crues torren- tielles, et la seconde englobe les incendies et les accidents lors du transport de matières dangereuses. La catastrophe la plus meurtrière en Haïti a toujours été l’activité sismique, dont les déclencheurs font encore l’objet de recherches. Ce- pendant, les conséquences de l’activité sismique sont significativement liées aux décisions humaines concernant les méthodes et les lieux de construction. Les codes du bâtiment, un urbanisme déficient et d’autres faiblesses institutionnelles amplifient ces conséquences (tableau 4.5; encadré 4.2). De même, l’aménagement urbain et les codes du bâtiment représentent aussi des facteurs d’amplification des conséquences des inondations. Les lois haïtiennes imposant des restrictions sur la construction dans les zones de drainage naturel, il est possible que, comme avec les risques anthropiques, la non application de la réglementation aggrave les conséquences des catastrophes (CIAT 2013). Les risques de catastrophe naturelle peuvent ralentir ou stopper la crois- sance et le développement, entraînant destruction et orientation des inves- tissements publics vers les opérations de reconstruction d’urgence. 177 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Tableau 4.5. Éléments déclencheurs et conséquences des risques de catastrophe en Haïti Facteurs Facteurs déclencheurs Facteurs d’amplification de Catastrophe prédisposants ou aggravants l’impact socioéconomique Risques de catastrophe naturelle Proximité de grandes Codes de construction inadé- Tremblements structures, nature du sol Tremblement de terre quats, aménagement urbain défi- de terre superficiel cient, faiblesses institutionnelles Planéité de la surface et Tempêtes, ouragans, Codes de construction inadé- Inondations organisation du réseau hydro- pluies d’intensité et de quats, aménagement urbain défi- graphique durée exceptionnelles cient, faiblesses institutionnelles Établissements humains Tempêtes, ouragans, pluies Codes de construction inadé- Crues torrentielles dans les cônes alluviaux d’intensité et de durée quats, aménagement urbain défi- ou les vallées exceptionnelles cient, faiblesses institutionnelles Risques de catastrophe anthropique Produits dangereux, transports Transport de matières Accidents humains, Absence de réglementation ou dans des conditions et routes dangereuses congestion du trafic non application inadéquates Matériaux de construction Accidents humains, Absence de réglementation ou Incendies inflammables congestion du trafic non application Source: Adapté de Mathieu et al. 2003. Encadré 4.2. La stratégie de gestion des risques de catastrophe en Haïti Le Système national de gestion des risques et des désastres d’Haïti a été créé en 2001 par 10 ministres sectoriels clés et le président de la Croix- Rouge haïtienne. Depuis sa création, ce système a obtenu des résultats no- tables sur le plan de la préparation et de la riposte face aux catastrophes: si la saison 2004 des ouragans a causé à 5,000 morts et plus de 300,000 victimes, les ouragans Fay, Gustav, Hannah et Ike ont causé au total moins de 800 morts et plus de 865,000 victimes. Une collaboration étroite entre les membres clés du Système et ses partenaires techniques et financiers est essentielle pour améliorer la rapidité et l’efficacité de la capacité de ri- poste. Cependant, la crise de 2010 après le tremblement de terre dépassait les capacités du Système. 178 Banque mondiale - ONPES Focus sur l’impact du tremblement de terre 2010 En janvier 2010, un séisme de magnitude 7 sur l’échelle de Richter a frappé Haïti, le plus puissant depuis plus de 200 ans, causant des centaines de milliers de morts et de blessés, laissant des milliers de personnes sans abri ou les obligeant à se déplacer, et infligeant d’énormes dégâts aux infrastructures d’eau et d’élec- tricité, aux routes et aux systèmes portuaires de la capitale, Port-au-Prince, et ses environs. Ce séisme a été ressenti à des kilomètres de l’épicentre. L’intensité des secousses peut être mesurée suivant l’échelle d’intensité de Mercalli modifiée, qui mesure la gravité d’un tremblement de terre. Selon cette échelle, une zone de fortes secousses se trouvait près de l’épicentre, dans les départements de l’Ouest et du Sud-Est (carte 4.1). Haïti a ensuite été frappé quatre mois plus tard en octobre par une épidémie de choléra qui aurait fait 4,500 morts. Après la catastrophe, le bilan humain était extrêmement lourd: 2.8 millions de personnes ont été tou- chées par le tremblement de terre, qui a fait plus de 200,000 morts et plus de victimes. Plus de 97,000 habitations ont été détruites, et quelque 188,000 autres ont été endommagées. Plus de 600,000 personnes ont fui vers les régions épar- gnées (Échevin 2011). Carte 4.1. Intensité sismique du tremblement de terre de 2010 Légende Départments Échelle d'Intensité de Mercalli Modifiée 1. Imperceptible 2. Faiblement perçu 3. Faible 4. Largement perçu 5. Fort 6. Légèrement endommageant 7. Endommageant 8. Fortement endommageant 9. Destructif 10. Fortement destructif 11. Dévastateur 12. Complètement dévastateur Source: Basé sur les données de « Shakemap us2010rja6 », Earthquake Hazards Program, United States Geological Survey, Reston, VA, http://earthquake.usgs.gov/earthquakes/ shakemap/global/shake/2010rja6/. 179 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Le séisme a touché la totalité des sections communales, principalement dans deux départements. Parmi ces sections communales, 30 ont été détruites, 38 ont subi des dégâts, et 54 ont été endommagées (figure 4.8). Ces sections communales se trouvent principalement dans les départements de l’Ouest et du Sud-Est, qui concentraient près de 40% de la population nationale en 2009. En outre, 56 sec- tions communales ont été légèrement endommagées, principalement dans les dé- partements de l’Artibonite, du Centre et des Nippes. Les restantes, ont été en grande partie ou considérablement endommagées. Figure 4.8. Dégâts au sein des sections communales à la suite du séisme de 2010 Sections communales et population endommagées, par intensité de secousse Sections communales % population nationale 300 35% 29% 250 27% 30% Nombre de sections communales 245 % de population endommagée 25% 200 20% 20% 150 147 15% 100 10% 8% 10% 6% 50 56 54 5% 38 30 0 0% Largement Fort Dégâts léger Dégâts Dégâts Destructif observé (mmi 5) (mmi 6) (mmi 7) significatifs (mmi 9) (mmi 4) (mmi 8) Source: Basé sur les données de «Shakemap us2010rja6», Earthquake Hazards Program, United States Geological Survey, Reston, VA, http://earthquake.usgs.gov/earthquakes/shakemap/ global/shake/2010rja6/, estimations démographiques: IHSI. Le séisme de 2010 a détruit un grand nombre de logements et entraîné la perte de nombreux emplois, quoique dans une moindre mesure. À l’échelle nationale, 41 % de l’ensemble des habitations ont été endommagés. Cette proportion était beau- coup plus importante dans les départements de l’Ouest (61%) et du Sud-Est (54%). La proportion d’habitations endommagées et de perte de rémunération était plus faible dans les départements de l’Ouest (13%) et du Sud-Est (12%); au niveau natio- nal ce chiffre était de 8%. Dans 7% des cas, seules les habitations ont été endomma- gées, sans perte de rémunération; la proportion était légèrement plus grande dans les départements qui ont subi le plus de dégâts. Une grande partie des familles qui ont vu leurs habitations endommagées n’avait pas d’emploi avant le tremblement de terre. Les habitations de plus d’une famille sur quatre n’ayant pas d’emploi avant 180 Banque mondiale - ONPES le tremblement de terre ont été endommagées. La proportion correspondante était plus élevée dans le Sud-Est (33%) et dans l’Ouest (37%). Parmi les ménages, 75% estiment que leur niveau de vie s’est dégradé depuis le tremblement de terre (figure 4.9). Figure 4.9. Perception du niveau de vie après le séisme Dégradé Maintien Amélioré 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Nord-Est Sud-Est Nord Nord-Ouest Ouest Nippes Haiti Grand'Anse Sud Centre Artibonite Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. 4. Ce qu’il faut retenir La vulnérabilité est d’une grande envergure en Haïti. Un million de personnes vivent légèrement au-dessus du seuil de pauvreté et pourraient être poussés en dessous par un choc; près de 70% de la population est soit pauvre soit vulnérable à un basculement dans la pauvreté. Le niveau de consommation de 2% seulement de la population dépasse les 10 dollars par jour, un montant qui représente le seuil de revenu permettant de rejoindre la classe moyenne dans la région. Les Haïtiens sont soumis à des chocs covariés et idiosyncratiques fréquents. Les chocs covariés les plus courants sont ceux liés aux conditions météorolo- giques/climatiques. Les chocs économiques sont également fréquents en Haïti en raison des fluctuations internationales des prix à l’importation et à l’exporta- tion et de l’instabilité des envois de fonds depuis l’étranger. L’instabilité politique a hanté le pays durant plusieurs décennies et elle peut affecter le bien-être si elle se traduit par une interruption ou un ralentissement de l’activité économique ou de l’aide publique au développement. Les Haïtiens font également face égale- ment à des chocs idiosyncratiques considérables tels que les décès, les maladies, les pertes d’emploi et la contraction des salaires. 181 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Si le ménage haïtien type fait face à de nombreux chocs chaque année, les zones pauvres et rurales sont encore plus vulnérables. Près de 75% des ménages sont économiquement touchés par au moins un choc chaque année. Les ménages extrêmement pauvres sont plus vulnérables aux chocs et à leurs conséquences: 95% d’entre eux subissent au moins un choc économiquement préjudiciable chaque année. Les ménages ruraux subissent presque deux fois plus de chocs que les ménages de Port-au-Prince. Les chocs liés à la santé et chocs covariés liés aux conditions météorologiques sont les plus courants et les plus graves, et ils frappent les pauvres plus durement. Les pauvres dans les zones rurales sont plus susceptibles d’être touchés par Il est indispensable les chocs agricoles et climatiques, tandis que, dans les zones urbaines, les d’avoir un système chocs économiques affectant les revenus du travail et les transferts moné- de gestion taires privés sont plus fréquents. Les pauvres sont beaucoup plus susceptibles des risques et des stratégies de d’être touchés par un préjudice agricole (33% des ménages vivant dans l’extrême protection sociale pauvreté, contre 18% des ménages élastiques) et les chocs climatiques (73% des en place afin de ménages extrêmement pauvres, contre 46% des ménages résilients). Ces deux ty- minimiser les impacts pes de chocs sont plus fréquents dans les zones rurales. Les chocs économiques des chocs sur les idiosyncratiques et les chocs économiques causés par une contraction des trans- plus pauvres et ferts monétaires reçus de la famille, des amis ou de l’État sont plus fréquents dans vulnérables en Haïti, et afin d’assurer leur les zones urbaines, où vivent la plupart des ménages résilients, ce qui traduit une capacité de gérer plus forte dépendance des ménages urbains à l’égard des revenus du travail et des leurs effets. transferts monétaires privés. Les pauvres parviennent moins à faire face aux chocs et, s’ils ont une straté- gie, elle est plus susceptible d’entraver les activités économiques futures ou l’accumulation de capital humain. Les Haïtiens, en particulier les pauvres, ne dis- posent pas d’instruments formels pour gérer efficacement les risques, tels que les programmes de protection sociale et les produits financiers formels, et ont recours à des mécanismes informels, tels que l’endettement ou les transferts monétaires privés, pour atténuer les chocs une fois qu’ils se sont produits. Résultat, la plupart des ménages ne font rien (comme dans le cas du choléra et des chocs météorolo- giques), ce qui donne à penser que les plus pauvres sont incapables de faire face aux chocs et adoptent des stratégies dommageables pour le capital humain. Dans l’ensemble, 23% des ménages vivant dans l’extrême pauvreté ont modifié leur pro- fil alimentaire en réponse à un choc majeur, et 58% l’ont fait en réponse à un choc économique covariable. Les catastrophes naturelles ont un potentiel de perturbation considérable du fait de la position géographique d’Haïti, des faiblesses institutionnelles et du manque de ressources nécessaires pour se préparer aux chocs, les atténuer ou y faire face, tant au niveau macro qu’au niveau micro. Les acquis du dévelop- pement durement obtenus en Haïti sont souvent compromis par des phénomènes naturels défavorables qui détruisent des ressources humaines et des infrastruc- 182 Banque mondiale - ONPES tures cruciales et détournent les fonds destinés au développement vers des opé- rations d’urgence et de secours. Compte tenu de la forte incidence des chocs, plusieurs mesures publiques prioritaires se dégagent, à savoir: Priorité 1: Évaluer les besoins en matière de protection sociale et éventuelle- ment élargir la couverture parmi les populations pauvres et vulnérables afin de protéger leurs biens et moyens de subsistance. Face à la forte incidence des chocs idiosyncratiques ou covariés et le niveau élevé de vulnérabilité à ces chocs, les ménages pauvres et vulnérables ont un accès limité à l’aide des pouvoirs pu- blics. L’essentiel de l’aide provient d’envois de fonds ou d’un soutien des églises et d’autres institutions non gouvernementales, et des bailleurs de fonds. L’accès à des filets de protection sociale formels pourrait permettre aux couches pauvres et vulnérables de lisser leur consommation dans le temps, de prévenir des pertes irréversibles de capital humain, et d’éviter la misère. Afin de définir les mesures de soutien les plus appropriés, cependant, une compréhension approfondie des risques existant et des stratégies d’adaptation des ménages est nécessaire : cette étude représente un premier pas dans cette direction. Priorité 2: Intégrer les activités de gestion des risques de catastrophe à toutes les stratégies de croissance, de développement et de réduction de la pauvre- té afin de faciliter le passage d’une approche consistant à vivre dans le risque à une approche consistant plutôt à vivre avec le risque. Pour s’assurer que la sortie des phases de riposte d’urgence et de reconstruction après le tremblement de terre est menée à bien de manière efficace, il est important de continuer à renforcer et à intégrer les activités de gestion des risques de catastrophe et à faire en sorte que cette gestion devienne une composante essentielle d’une stratégie de réduction durable de la pauvreté et de croissance économique. La gestion des risques de catastrophe a déjà été incluse dans le Document de stratégie de réduc- tion de la pauvreté du (2008-2010) du gouvernement comme priorité transver- sale et comme pilier de principe du Cadre d’aide au développement des Nations Unies (2009-2011), ainsi que de la Stratégie d’aide-pays (2009-2011) de la Banque mondiale, du Programme conjoint d’efficacité de l’aide (PCEA) pour 2013-2016 de la Coordination de l’aide externe au développement (CAED) et d’autres projets de gestion des risques de catastrophe (voir l’encadré 4.1). Plus récemment, l’Évalua- tion des besoins après le tremblement de terre de 2010 et le Plan d’action pour le relèvement national et le développement d’Haïti fait de la gestion des risques de catastrophe une priorité transversale dans les secteurs public et privé et une occasion de promouvoir 1) la décentralisation, 2) une société civile plus forte, et 3) un secteur privé innovant. Dans l’ensemble, cela témoigne d’un consensus qui se dégage de plus en plus au sein du gouvernement et entre les partenaires techniques et financiers sur l’importance d’intégrer la gestion des risques de ca- tastrophe comme élément essentiel d’une stratégie efficace de réduction de la pauvreté et de croissance économique. 183 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Priorité 3: Renforcer les capacités du Système national de gestion des risques et des désastres d’Haïti, lesquelles sont faibles et ne reposent sur aucune base législative. Afin de parvenir à la croissance et la maintenir, Haïti a besoin de capa- cités institutionnelles et opérationnelles robustes pour gérer plusieurs risques et mettre en place une riposte face aux catastrophes. Il faut pour cela procéder à un vaste examen du Système national de gestion des risques et des désastres et en- gager une discussion sur les options envisageables au plan des institutions et des politiques pour chacune des mesures suivantes: a. Une première étape essentielle en vue de moderniser la gestion des risques de catastrophe consiste à améliorer l’identification et la compréhension des risques de catastrophe en Haïti, en quantifiant et en anticipant les impacts potentiels des catastrophes naturelles sur la société et l’économie haïtiennes. La Direction de la protection civile et le ministère de l’Économie et des Finances pourraient commencer par améliorer leur système de gestion des données sur les catas- trophes et leurs procédures d’évaluation des dégâts et des pertes et en gardant une trace des données historiques sur les catastrophes. Ces informations sont essentielles à l’évaluation des risques de catastrophe et à la conception d’un instrument de financement desdits risques. Au-delà de l’évaluation des dégâts et des pertes causés par les événements réels, l’élaboration de cartes de risques, l’établissement d’une base de données sur l’exposition aux risques, et l’analyse spatiale des risques constituent des éléments cruciaux de la promotion d’inves- tissements judicieux et de l’aménagement du territoire, un état de fait reconnu dans l’article 149 du décret du 12 octobre 2005 (CIAT 2013). b. Réduire les risques existants et éviter d’en créer de nouveaux en intégrant la sensibilisation aux risques dans les politiques et les investissements publics. Les informations relatives aux risques de catastrophe peuvent orienter les in- vestissements destinés à s’attaquer aux risques existants. La rénovation des bâtiments cruciaux, la construction d’infrastructures de sécurité d’urgence et la reconstitution des écosystèmes naturels sont quelques exemples d’investisse- ments pouvant servir à atténuer les catastrophes qu’il est nécessaire de réaliser en Haïti. Ces mesures structurelles doivent cependant être accompagnées, par exemple, de politiques et de programmes adéquats pour promouvoir des règle- mentations et des pratiques améliorées en matière d’aménagement du territoire et de construction pour éviter de créer de nouveaux risques. c. Améliorer les capacités à gérer les situations d’urgence liées aux catastrophes. L’une des principales priorités consiste à renforcer les mécanismes institution- nels d’urgence et de préparation, y compris un Centre national des opérations d’urgence qui fonctionne effectivement. L’établissement d’une chaîne de com- mandement pleinement opérationnelle adossée à des plans d’intervention d’ur- gence, des exercices de simulation et des systèmes appropriés d’alerte et de communication-sensibilisation exige une prise en main forte à l’échelle natio- nale et l’impulsion politique qui va avec. 184 Banque mondiale - ONPES d. Renforcer la résilience de l’État et des ménages. Les stratégies de protection financière, en particulier si elles sont conçues pour répondre aux besoins de la population vivant dans une pauvreté extrême, peuvent aider à protéger l’État et les ménages du fardeau économique des chocs et des catastrophes. L’État haïtien participe au Mécanisme d’assurance contre les risques liés aux catas- trophes aux Caraïbes, qui permet au pays de souscrire une assurance pour financer les besoins immédiats de relèvement après une catastrophe, sur la base de déclencheurs paramétriques (la survenance d’un événement prédéfini plutôt qu’une évaluation des pertes réelles). D’autres instruments d’assurance paramétriques, tels que l’assurance indicielle ou les produits d’assurance agri- cole basée sur les intempéries, pourraient également être envisagés, mais ils se heurtent souvent aux difficultés techniques de la modélisation du risque. La couverture des risques correctement identifiés est également une condi- tion essentielle d’un transfert satisfaisant du risque. Si la probabilité de l’évé- nement couvert est trop élevée (pour tous les événements à forte probabilité et d’échelle réduite), le coût peut devenir prohibitif en l’absence d’une subven- tion. Enfin, l’utilisation de services de micro-assurance subventionnés pourrait également être expérimentée comme solution de rechange aux programmes de protection sociale pour les populations vulnérables. e. Définir clairement le cadre institutionnel et budgétaire du Système national de gestion des risques et des désastres d’Haïti, y compris les rôles et les respon- sabilités de la batterie d’institutions intervenant dans la protection civile et la gestion des risques. Il devient donc primordial de doter ce système d’un nou- veau cadre juridique et institutionnel. En outre, il faudrait pour ce système une planification budgétaire à long terme, notamment la planification du personnel et des dépenses de fonctionnement. 185 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Chapitre 5: Pauvreté et protection sociale Ce chapitre135 décrit l’accès à la protection sociale en Haïti. On constate que, face à une pauvreté prononcée et à de nombreuses vulnérabilités, tout au long du cycle de vie, peu nombreux sont les pauvres qui ont accès à la protection sociale ou à des filets de sécurité. Premièrement, l’accès à la sécurité sociale est hors de portée de la plupart des Haïtiens, mais surtout les pauvres. Deuxièmement, une petite propor- tion seulement de la population haïtienne bénéficie d’une protection sociale. Troi- sièmement, du fait de la faible couverture et du peu de générosité, les prestations de protection sociale sont insuffisantes et ne jouent qu’un rôle limité dans la réduc- tion de la pauvreté et des inégalités et dans l’amélioration des perspectives pour la population. Les couches les plus pauvres —résidents des zones rurales et enfants, notamment les jeunes enfants— reçoivent une part disproportionnellement faible des prestations. Les coûts engendrés par ce manque de protection efficace pour les ménages les plus démunis sont donc élevés. Dans le même temps, les politiques publiques ont récemment commencé à se focaliser sur le renforcement de la pro- tection sociale de façon à accélérer la lutte contre la pauvreté. L’initiative-cadre du gouvernement, EDE PEP, représente un effort positif pour créer de nouveaux pro- grammes destinés à prendre en compte les risques sociaux importants. Cependant, les données administratives et les calculs des auteurs confirment que la couverture des programmes de protection sociale ainsi que la coordination et la cohérence entre les programmes, en particulier parmi les plus pauvres et dans les zones ru- rales, doivent être améliorés considérablement. 1. Introduction Les chapitres précédents soulignent le rôle potentiel que des filets de sécurité effi- caces et bien ciblés pourraient jouer dans l’atténuation de la pauvreté et de la vul- nérabilité qui sont élevées en Haïti (chapitre 2), dans l’amélioration de l’accessibilité et de l’utilisation des services de soins de santé et d’éducation et la promotion du capital humain (chapitre 3), et dans l’aide apportée aux pauvres pour gérer les chocs et les risques (chapitre 4), tout en les rapprochant des perspectives de renforcement des compétences et de génération de revenus. À la lumière des données de l’ECVMAS et des sources complémentaires, le présent chapitre examine l’accès des ménages haïtiens, en particulier les plus pauvres, à la protection sociale. Il s’agit là d’une ques- tion importante parce que l’État a toujours été en mesure de jouer un rôle limité dans la fourniture d’une protection sociale aux couches pauvres et vulnérables. La grande difficulté en matière de protection sociale relevée par Devereux (2000) qui veut que «plus le besoin de protection sociale est important, moins l’État a les moyens de l’as- surer» est particulièrement avérée dans les États fragiles comme Haïti (Harvey et al. 2007). Face à des chocs économiques ou à des catastrophes naturelles, les pauvres ont un accès limité à l’aide publique, et l’essentiel de l’aide provient de transferts mo- nétaires ou des églises, d’autres acteurs non gouvernementaux, et des bailleurs de 135 Ce chapitre s’appuie sur le document de travail élaboré par Strokova, Basset, Clert(2014) dans le cadre de l’Étude de la Banque Mondiale et Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES). 2014. Haïti: investir dans l’humain pour combattre la pauvreté. Éléments de réflexion pour une prise de décision informée. Washington: Groupe de la Banque mondiale. 186 Banque mondiale - ONPES fonds. Les travaux de recherche soulignent la faible couverture et des programmes souvent ponctuels ou de nature limitée, qui ne couvrent souvent que de petites zones géographiques ou des groupes de bénéficiaires limités (Lamauthe-Brisson 2013; Lombardo 2012). L’énorme séisme de 2010 qui a ravagé Haïti a à la fois ex- posé et exacerbé le manque de système de protection sociale cohérent dans le pays. Des données quantitatives font toutefois défaut concernant l’accès réel des ménages à la protection sociale, d’où la valeur ajoutée du présent chapitre à un moment où l’État a entrepris d’élaborer une stratégie de protection sociale dans le cadre de son programme de lutte contre la pauvreté. Ce chapitre fournit des données sur l’accès aux instruments de protection so- ciale en Haïti, en se fondant principalement sur l’ECVMAS 2012136. Compte tenu de la fragmentation et de la faible couverture des programmes, il est quasiment impossible d’obtenir des données exhaustives sur ces interventions à partir des données des enquêtes des ménages représentatives de la situation à l’échelle nationale. Néanmoins, les résultats sont indicatifs et pourraient servir de point de départ pour une étude plus détaillée fondée sur d’autres sources de données, telles que les données administratives. Ce chapitre n’a pas la prétention d’exami- ner la question de manière exhaustive. Par exemple, l’analyse des programmes se limite principalement aux plateformes ou initiatives gouvernementales récentes et ne reflète pas la vaste étendue des initiatives des bailleurs de fonds. L’organisation de ce chapitre est présentée ci-après. La section suivante expose le cadre conceptuel général. Sur la base des constatations de l’ECVMAS et des sources d’information complémentaires. La section d’après résume les besoins des Haïtiens en interventions de protection sociale à la lumière du diagnostic éta- bli dans les chapitres précédents et en appliquant l’approche du cycle de vie aux besoins de protection sociale. Vient ensuite la section qui évalue la mesure dans laquelle une réponse est apportée à ces besoins aujourd’hui en Haïti. La dernière section est la conclusion. Définition de protection sociale La protection sociale comprend diverses interventions qui peuvent être mo- dulés en fonction du but, du groupe cible et du contexte. Les interventions types englobent les transferts monétaires et partiellement monétaires, condi- tionnels ou inconditionnels, les transferts alimentaires par le biais de la distribu- tion de denrées alimentaires, les programmes de nutrition, les programmes de cantines scolaires, la vente de produits alimentaires à des prix subventionnés, les subventions universelles pour couvrir les dépenses alimentaires et énergétiques, les programmes de travaux publics à forte intensité de main-d’œuvre (programmes travail contre rémunération), et les exonérations de frais pour les services de base dans le domaine de la santé ou de l’éducation (comme les bénéficiaires du pro- gramme PSUGO en Haïti). 136 Les objectifs de la protection sociale sont le renforcement de la résilience, de l'équité et la promo- tion des opportunités économiques. La portée des programmes de protection sociale englobe l'aide sociale non contributive, y compris l'aide humanitaire,  l'assurance sociale contributive ou sécurité sociale, et des instruments qui peuvent promouvoir le renforcement des compétences et les oppor- tunités génératrices de revenus par l'accès au marché du travail pour les ménages, y compris par le travail indépendant (Banque mondiale 2012). 187 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté En fonction des besoins de la population cible et des objectifs recherchés, les différentes interventions peuvent être menées à court, moyen ou long terme. En Haïti, par exemple, les leçons tirées du séisme de 2010 laissent supposer que des réponses à court et à moyen terme sont nécessaires. Un filet de sécurité devrait permettre d’apporter un soutien sur le moyen terme s’il est conçu pour faire face à la vulnérabilité chronique ou pour faciliter l’accès aux soins de santé et à l’édu- cation grâce à des transferts monétaires assujettis à la fréquentation scolaire ou à des visites de santé. En cas de crise ou de catastrophe, le système devrait pouvoir répondre rapidement aux besoins, soit en appliquant à une plus grande échelle les programmes existants, soit en diversifiant les interventions et en mettant en œuvre des programmes temporaires à court terme et bien ciblés. Les données indiquent que les programmes de protection sociale doivent faire partie d’un système de protection et de promotion sociales plus large si l’on veut qu’ils contribuent efficacement à la réduction de la pauvreté et au ren- forcement de la résistance et de l’équité. Par promotion on entend ici en gros les interventions qui favorisent l’augmentation du capital humain et les possibilités pour les pauvres d’avoir des moyens de subsistance, y compris les mesures visant à remédier à l’insuffisance de la couverture des programmes de transferts monétaires conditionnels afin de stimuler les investissements dans les soins de santé et l’édu- cation et à améliorer l’employabilité des bénéficiaires et accroître leur accès à l’au- to-emploi ou à de petits programmes d’entrepreneuriat. Ce système plus large de protection et de promotion sociales englobe trois principaux types d’interventions: 1) les instruments d’assurance sociale ou les régimes contributifs généralement liés à l’occupation formelle (régimes de retraite contributifs, assurance-maladie ou as- surance-chômage), 2) les programmes actifs visant à favoriser l’employabilité et à faciliter l’insertion sur le marché du travail, et 3) les programmes non contributifs (as- sistance sociale) qui soutiennent les activités de production, par exemple, des pay- sans pauvres (avec des intrants agricoles) ou la promotion du travail indépendant chez les personnes extrêmement pauvres (tels que les programmes de microcrédit). Les difficultés que connaît Haïti posent des défis supplémentaires à la concep- tion et à la mise en œuvre de politiques de protection sociale efficaces et du- rables. Tout d’abord, les ménages font face à une conjonction de besoins aigus et chroniques qui appellent une combinaison de solutions souples à brève échéance, ainsi que des interventions à long terme137. L’aide humanitaire et les interventions de secours ont pour défi de faire partie d’un système à long terme tout en consti- tuant des filets de sécurité adaptés. Ensuite, la plupart des analystes et observateurs reconnaissent que le manque de clarté conceptuelle concernant ce qui constitue la protection sociale ajoute une couche de difficulté, mais ils soutiennent que les objectifs et les types d’instruments de protection sociale devraient être les mêmes dans les États fragiles que dans d’autres contextes de développement. Enfin, il fau- drait évaluer la mesure dans laquelle les instruments actuellement disponibles, les mécanismes de financement, les modalités de prestation et les acteurs (État, ONG, bailleurs de fonds) sont prêts à faire face à un contexte de fragilité. 137 Alors que l’évidence empirique solide est limitée, la littérature offre un aperçu de la protection sociale dans les États fragiles qui est pertinent pour le cas d'Haïti (Barrientos 2008; Carpenter et al 2012. Harvey et al. 2007; IEG 2013; Banque Mondiale 2011). 188 Banque mondiale - ONPES 2. Besoins en protection sociale tout au long du cycle de vie Un résumé des principaux risques encourus par les différents groupes d’âge sur l’ensemble du cycle de vie et les conséquences générales sur les politiques pu- bliques sont présentés dans la figure 5.1. Chaque groupe d’âge peut être décrit comme suit. Les jeunes enfants (moins de 5 ans) en Haïti sont exposés à un risque élevé de malnutrition. Les principaux risques au sein de ce groupe d’âge sont le faible poids à la naissance, une nutrition insuffisante, une maladie débilitante, et le manque de stimulation précoce, toutes choses qui peuvent nuire au développement et contribuer à perpétuer la pauvreté138. La malnutrition aiguë et la malnutrition chro- nique restent une source de préoccupation chez les enfants pauvres de moins de 5 ans, car ils sont les principaux indicateurs des effets cumulés durables de la sous-alimentation chez les jeunes enfants. Les ménages ayant des enfants sont plus susceptibles de souffrir de pénuries alimentaires. Les inégalités connexes sur le plan des résultats de santé et de l’accès aux soins de santé sont grandes, et les quintiles les plus pauvres s’en sortent moins bien (chapitre 3). Figure 5.1 Principaux risques, cycle de vie et protection sociale en Haïti: un résumé Principaux faits concernant les risques • Malnutrition: 22% souffrent de malnutrition chronique (EDS 2012) • Mortalité: le taux de mortalité est de 92 décès pour 1,000 naissances vivantes, soit près de six fois plus élevé que la moyenne régionale de 16 (Organisation mondiale de la Santé) Jeunes enfants Principales conséquences • Les programmes pour combattre la malnutrition qui traitent les obstacles de l`offre et de la demande • Une politique pour la petite enfance plus complète. Principaux faits concernant les risques • Taux de déscolarisation ou d’abandon scolaire: on estime à environ 200,000 le nombre d’enfants (6 à 14 ans) en décrochage scolaire (ECVMAS 2012) • Travail des enfants: 20% des enfants travaillent; 6% des enfants (10 à 15 ans) du Enfants d´âge quintile le plus pauvre travaillent et ne vont pas à l’école scolaire • Restaveks: jusqu’à 225,000 enfants sont des restaveks (PAHO 2009) Principales conséquences • Pensions sociales ciblées, solutions pour l’accès aux soins de santé ou à des soins d’autre nature 138 "En raison des contraintes liées aux données, le rapport se concentre sur l'état nutritionnel et la santé pendant l'enfance et par extension sur le développement de la petite enfance. 189 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Principaux faits concernant les risques • Chômage: 28.3%; jusqu’à 38% dans les zones urbaines et à Port-au-Prince • Revenus insuffisants: 80% des pauvres ruraux vivent dans des ménages dirigés par une personne qui travaille (61% dans les zones urbaines et 56% à Port-au-Prince) • Parité hommes-femmes: Les femmes sont désavantagées sur le marché du travail Principales conséquences Adultes • Zones urbaines: programmes temporaires de génération de revenus intégrant 18 á 64 ans également amélioration de la formation et renforcement des compétences • Zones rurales: programmes globaux pour les ménages extrêmement pauvres combi- nant lissage de la consommation et sécurité alimentaire, projets productifs et accès au capital financier • Prise en compte des obstacles spécifiques aux femmes (prise en charge des enfants, des personnes âgées ou des handicapés) Principaux faits concernant les risques • Manque de revenus stables: plus de la moitié des personnes de plus de 65 ans sont pauvres Personnes • Manque d’accès aux soins de santé ou à des soins d’autre nature âgées Principales conséquences (65+ ans) • Pensions sociales ciblées, solutions pour l’accès aux soins de santé ou à des soins d’autre nature. Plus généralement, les enfants de moins de 5 ans sont particulièrement vulné- rables à des problèmes de développement en raison de nombreux facteurs de risque complexes liés à la pauvreté; cela peut avoir des effets tout au long du cy- cle de vie. Le manque de stimulation, les faibles niveaux d’instruction des parents et d’autres facteurs de risque, tels que stress et la dépression maternelle, peuvent avoir des effets pérennes sur le développement cognitif des enfants139. S’ils ne sont pas suffisamment stimulés dans leur petite enfance, les enfants peuvent entrer à l’école en étant mal préparés et être plus susceptibles d’obtenir de piètres résultats scolaires, de redoubler des classes et d’abandonner les études, par rapport aux enfants dont les aptitudes cognitives et la préparation générale à la fréquentation de l’école sont plus solides à l’entrée dans le primaire (Currie et Thomas 1999; Feins- tein 2003; Heckman et Masterov 2007; Pianta et McCoy 1997; Reynolds et al. 2001). Les données sur le développement des enfants en Haïti sont insuffisantes, mais, selon l’EDS 2012, 81% des enfants (2 à 14 ans) ont subi des châtiments corporels. Un corpus de recherches qui ne cesse de croître indique que les enfants qui ont subi des châtiments corporels ont tendance à avoir un comportement plus agressif et antisocial (Durrant et Ensom 2012). Ces constatations appellent à une approche du développement des jeunes enfants favorables aux pauvres, où les instruments de protection sociale aident à rapprocher les familles et les parents des services adé- quats (par exemple, sécurité alimentaire, soins de santé, éducation, prévention de la violence à la maison). 139 Des niveaux élevés de stress maternel pendant la grossesse ont été être associés à un moins bon fonctionnement cognitif chez les enfants de 1 an (Davis et Sandman 2010). 190 Banque mondiale - ONPES Les enfants d’âge scolaire (6 à 17 ans) issus de milieux pauvres sont largement désavantagés sur le plan de la fréquentation scolaire (chapitre 3). Pour ce groupe d’âge, les principaux risques sont la déscolarisation ou le décrochage scolaire pour plusieurs motifs, notamment l’aspect financier ou une grossesse précoce. Un pourcentage non négligeable d’enfants travaille, et beaucoup continuent à être des restaveks. Un pourcentage non négligeable d’enfants d’âge scolaire tra- vaille et ces derniers ne vont pas l’école. Les restaveks qui travaillent comme do- mestiques en dehors de leurs propres ménages sont difficiles à identifier dans les données des enquêtes de ménages; certaines études indiquent que le problème est important. Par exemple, une étude menée en 2009 par la Fondation panamé- ricaine de développement a révélé qu’il pourrait y avoir jusqu’à 225,000 restaveks en Haïti (Pierre et al. 2009). Les adultes sont également confrontés à des risques importants en Haïti (cha- pitre 2). Beaucoup d’adultes (18 à 64 ans) en Haïti sont exposés au risque de chô- mage ou de manque de revenus suffisants, ce qui renforce la nécessité de faire plus largement de la protection sociale une intervention de promotion sociale parce que les ménages pauvres ont besoin d’avoir accès à des opportunités d’amélioration des compétences et de gain de revenus. Les principaux risques auxquels sont confrontés les adultes sont le chômage, le sous-emploi, le faible niveau et la variabilité du revenu, l’informel, l’insuffisance du revenu du travail pour couvrir les besoins essentiels (travailleurs pauvres), l’instabilité des moyens de subsistance, et le manque d’accès au capital physique et financier. Les femmes sont désavantagées à bien des égards (chapitre 2). Le taux de chô- mage est deux fois plus élevé chez les femmes, mais l’écart se creuse davan- tage en milieu rural, où elles sont presque trois fois plus susceptibles d’être au chômage que les hommes. Le lien entre le chômage et la pauvreté varie selon la zone. Globalement et dans d’autres zones urbaines, on a presque autant de chômeurs chez les pauvres que chez les non pauvres, la majorité des chômeurs à Port-au-Prince sont non pauvres, et, dans les zones rurales, les chômeurs sont principalement pauvres, en particulier chez les femmes. Dans les zones rurales, les ménages dirigés par des femmes ont moins accès aux intrants agricoles (se- mences), ce qui pourrait conduire à une baisse de productivité, créant ainsi un écart entre les sexes. Les jeunes éprouvent des difficultés supplémentaires à devenir actifs sur le mar- ché du travail. Dans les zones urbaines, les jeunes âgés de 15 à 24 ans affichent non seulement les plus faibles taux d’emploi et de participation au marché du travail, mais aussi les taux de chômage et d’emploi informel les plus élevés (chapitre 2). Les personnes âgées (65 ans et plus) en Haïti sont vulnérables à la pauvreté et doivent compter sur l’aide de leurs familles. Le principal risque chez les personnes âgées a trait à l’absence de toute pension (régime contributif ou non contributif) 191 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté ou au manque d’accès aux soins de santé et le fait de devoir compter sur la famille et sur la charité pour survivre (chapitre 3). Compte tenu de la dynamique de la dé- mographie en Haïti, les personnes âgées ont tendance à être quelque peu négli- gées dans les programmes de lutte contre la pauvreté. Les personnes âgées repré- sentent moins de 5% des pauvres, mais la pauvreté reste répandue dans ce groupe, plus de la moitié des personnes de plus de 65 ans étant pauvres (voir ci-dessous). Les personnes handicapées sont susceptibles de pâtir d’inconvénients spécifiques. Bien que les limites des données dans l’ECVMAS 2012 aient conduit à la déclaration d’un nombre d’handicapés inférieur à la réalité, l’analyse des résultats de l’éduca- tion dans l’ECVMAS montre des différences significatives en termes de scolarisa- tion des enfants handicapés et non handicapés140. Cela reflète probablement les ressources limitées disponibles pour l’éducation spéciale ainsi que les obstacles physiques et sociaux à l’accès (Beeston 2010). Toutefois, il est nécessaire de mieux cerner les types de handicap dont souffrent les enfants et la nature des obstacles qui y sont associés. 3. Alignement: protection sociale, pauvreté et analyse des risques Cette section examine la mesure dans laquelle les besoins en protection sociale présentés ci-dessus sont pris en compte en Haïti aujourd’hui. Elle évalue dans quelle mesure le bouquet actuel de programmes correspond aux profils de la pau- vreté et de la vulnérabilité des Haïtiens. Quelles sont les tendances récentes dans le domaine de la protection sociale? L’évolution se fait-elle dans la bonne direc- tion? La performance des politiques de protection sociale en termes de couverture, d’équité et d’adéquation est-elle bonne? Cette section présente d’abord les princi- pales constatations découlant des données de l’ECVMAS et rassemble les données disponibles fondées sur des évaluations récentes des secteurs de la protection so- ciale en Haïti, des entretiens et des discussions avec les acteurs concernés, et des données administratives141. Principales constatations fondées sur les données de l’ECVMAS Constat n°1: L’accès à la sécurité sociale (régimes contributifs) est hors de por- tée pour la plupart des Haïtiens, en particulier les pauvres, ce qui conduit à un manque de protection dans la vieillesse ou en cas de maladie ou d’invalidité. 140 Si 2% seulement des enfants de 6 à 14 ans sont recensés comme étant physiquement ou mentale- ment handicapés dans les données de l’ECVMAS 2012, ces enfants ont 50 points de pourcentage de chances en moins d’être scolarisés, ce qui signifie que 41% d’entre eux vont à l’école (Adelmann 2014). 141 Les entretiens sur le terrain ont été réalisés en octobre 2013 auprès d’un échantillon représentatif des bailleurs de fonds, des agences gouvernementales et des ONG internationales et locales. Les consta- tations et l’analyse présentées dans ce rapport ont également tiré parti d’un atelier de consultation sur le « Renforcement de la protection et de la promotion sociales en Haïti  » organisé en mai 2014. 192 Banque mondiale - ONPES Seuls les salariés travaillant dans le secteur formel ont accès aux quelques ré- gimes d’assurance sociale existants en Haïti. La sécurité sociale en Haïti couvre les salariés du secteur privé formel (gérée par l’Office national d’assurance-vieil- lesse et l’Office d’assurance accidents du travail, maladie et maternité) et les fonc- tionnaires (gérés par la Direction de la pension civile et le Programme d’auto-as- surance). Les salariés ne représentent que le cinquième de la population active, soit moins de 10% de la population. En raison des niveaux élevés d’informel, 11% seulement des salariés ont accès à la sécurité sociale, qui sont principalement concentrés dans les quintiles supé- rieurs de la population142. Parmi les travailleurs salariés, seule une petite partie (11%) a accès à la sécurité sociale, ce qui n’est pas le cas de la grande majorité (figure 5.2). L’accès à la sécurité sociale est plus large chez les personnes du quin- tile le plus riche de la consommation par tête. Deux tiers des employés couverts par la sécurité sociale se trouvent dans le quintile supérieur, alors que seulement 5% sont dans le deuxième quintile le plus pauvre, et pratiquement personne dans le quintile le plus bas. Compte tenu du caractère généralisé de l’informel dans les zones rurales, l’accès est concentré dans les zones urbaines, notamment à Port-au-Prince. Figure 5.2. Accès à la sécurité sociale par quintile de consommation par habitant a. Accès par quintile (%) 25% Pourcentage de salariés avec accès 20% 15% 10% 5% 0% Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 Total 142 Les travailleurs salariés qui contribuent à la sécurité sociale ou bénéficient de prestations de sé- curité sociale, telles que le congé de maladie payé ou le congé de maternité ou de paternité, sont considérés ici comme ayant accès à la sécurité sociale. Les questions de l’enquête utilisées pour cette analyse concernent les salariés pris individuellement. 193 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté b. Niveau d’accès par quintile Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES L’accès à l’assurance-maladie par le biais de l’emploi dans une société inscrite à l’Office d’assurance accidents du travail, maladie et maternité est également faible. Seul un faible pourcentage (moins de 4%) de la population haïtienne a ac- cès à l’assurance-maladie gérée par cet organisme. La plupart des ménages assu- rés se situent dans le quintile de consommation le plus élevé et vivent dans l’Aire Métropolitaine. L’assurance n’est disponible que pour les salariés des entreprises formelles et leurs familles, et les cotisations sociales tant des employeurs que des employés et la couverture sont volontaires (Cross et al. à paraître). Parce qu’ils n’ont pas accès aux programmes contributifs, les Haïtiens pauvres bé- néficient de peu de protection contre la pauvreté dans la vieillesse ou en cas d’in- validité ou de maladie. Parce que l’accès à la sécurité sociale est limitée, peu de personnes sont admissibles à une pension contributive lorsqu’elles prennent leur retraite et celles qui le sont s’en sortent généralement beaucoup mieux. Les don- nées de l’ECVMAS 2012 montrent que 2.6% seulement des personnes âgées (65 ans et plus) reçoivent des pensions (vieillesse, invalidité), et la majorité sont des non pauvres. Les bénéficiaires de pensions résident dans leur grande majorité dans les zones urbaines (92%), et près de la moitié (43.2)% vivent dans l’Aire Métropolitaine. Ces résultats sont cohérents avec le fait que l’accès à la sécurité sociale est limité dans les zones rurales. Constat n°2: La couverture de l’aide sociale est extrêmement faible et bien en dessous du niveau des besoins identifiés, en particulier chez les jeunes enfants. Seulement 8% de la population haïtienne a reçu des prestations d’aide sociale non contributives en 2012143. Selon les données de l’ECVMAS 2012, les prestations 143 Les résultats préliminaires de l’ECVMAS 2013 confirment également que la couverture globale est de l’ordre de 16% pour la protection sociale et d’environ 13% pour l’aide sociale, sans compter l’aide des ONG et des organisations confessionnelles, dont la couverture est estimée à environ 5,5 et 0,8% de la population, respectivement. 194 Banque mondiale - ONPES incluaient les allocations d’études, l’aide alimentaire et autres transferts (fi- gure 5.3). (Voir cependant l’encadré 5.1 pour ce qui est des limites des données de l’ECVMAS 2012). La couverture globale, définie comme étant la proportion de la population recevant des prestations144, est légèrement plus élevée dans les zones rurales, principalement en raison de la plus grande part couverte par l’aide alimentaire (8.8% contre 5.3% dans les zones urbaines)145. Plus de 60% des bénéfi- ciaires de l’aide alimentaire résident en milieu rural, alors que les bénéficiaires de bourses d’études et autres transferts sont un peu plus susceptibles de se trouver dans les zones urbaines146. Figure 5.3. Couverture des programmes d’aide sociale et répartition des bénéficiaires Population couverte (%) a. Population totale et par niveau de pauvreté 12% 11.3 10.1 Total 10% 9.5 8.3 Pauvres extrêmes 7.9 8% 7.1 Pauvres 5.6 6% 4.7 Non pauvres 4% 2% 0.9 0.8 1.2 0.7 0.3 0.4 0.4 0.2 0% Toute Aide Sociale Bourses d'études Aide alimentaire Autres transferts publiques 144 Bénéficiaires directs et indirects sont pris en compte, c’est-à-dire que si un membre de la famille reçoit des prestations de protection sociale, tous les membres de la famille sont considérés comme bénéficiaires. 145 En revanche, plus de la moitié de la population bénéficie de transferts monétaires, qui jouent sans doute un rôle de filet de sécurité informel en Haïti. (Voir le document d’information sur la prospérité partagée [2014], Haïti Poverty Assessment, Banque mondiale, Washington, DC). 146 Les types d’aide mentionnés ici sont plus permanents et ne couvrent pas l’aide humanitaire d’ur- gence qui a été fournie après le séisme de 2010. Un module rétrospectif de l’ECVMAS 2012 montre qu’une grande proportion de la population (environ 70 %) a bénéficié d’une aide humanitaire. 195 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté b. Bénéficiaires (zone urbaine vs zone rurale) 100% 90% 80% 70% Urbain 60% Rural 50% 40% 30% 20% 10% 0% Toute Aide Sociale Bourses d'études Aide alimentaire Autres transferts Pauvres publiques Remarque: Bénéficiaires directs et indirects. Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Encadré 5.1. Méthodologie et limites des données de l’ECVMAS sur la protection sociale Les données sur la couverture et la performance des programmes de pro- tection sociale sont limitées en Haïti, et l’ECVMAS constitue une base im- portante, qui n’est cependant pas sans limites. Les programmes de protec- tion sociale sont très fragmentés et souvent d’envergure et de couverture étriquées. Ainsi, les données de l’enquête de ménage ne tiennent pas compte des nombreux bénéficiaires de ces programmes. Si la couverture était faible dans la population générale, il y aurait quelques observations dans une enquête nationale représentative, ce qui limiterait l’analyse pos- sible avec ces données. Les principaux transferts monétaires ou prestations recensées dans l’ECV- MAS 2012 sont les pensions (vieillesse, invalidité, etc.), les bourses d’études et autres transferts (aide alimentaire, prestations au survivant, etc.). Seu- lement 114 observations au niveau individuel font état du bénéfice d’au moins une de ces prestations de protection sociale. On compte 309 mé- nages qui déclarent avoir reçu une aide alimentaire de l’État, d’ONG ou d’associations (tableau B5.1.1). Le petit nombre d’observations représente une limite sur les conclusions possibles, surtout en ce qui concerne les prestations spécifiques, et, dans l’ensemble, l’analyse doit être consi- dérée comme indicative et reflétant uniquement les programmes exa- minés. La plupart des programmes EDE PEP ne sont pas susceptibles de ressortir dans les statistiques, à l’exception possible de l’aide alimentaire. 196 Banque mondiale - ONPES De même, d’autres aides (non alimentaires) reçues des ONG ne sont pas inclusesa non plus. Tableau B5.1.1. Taille des échantillons et de la population pour les variables de la protection sociale dans l’ECVMAS 2012 Taille de l’échantillon Population Bénéficiaires Bénéficiaires Ménages Ménages Individus Individus Indicateur Observations 4,930 23,555 2,260,110 10,805,830 (ensemble) Protection sociale 396 1,998 114 198,905 957,178 50,194 (ensemble) Pensions 32 150 35 14,212 63,435 16,754 Assistance sociale 366 1,854 81 185,813 897,601 34,560 (ensemble) Autres transferts 16 76 18 7,347 35,199 8,078 Bourses d’études 42 235 63 18,436 97,231 26,482 Aide alimentaire 309 1,547 1,547 160,461 766,895 766,895 Envois de fonds 3,440 16,088 3,440 1,586,283 7,419,728 1,586,283 (ensemble) Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: Les colonnes de la taille de l’échantillon montrent le nombre de ménages, d’individus et de bénéficiaires des programmes de protection sociale dans l’enquête. Les colonnes de la population montrent le nombre de ménages, d’individus et de bénéficiaires des programmes de protection sociale, étendus à la population en ayant recours à des facteurs d’extension. a. Il a été démontré que beaucoup d’autres programmes avaient une couverture limitée, à quelques exceptions près, comme le programme de repas scolaires (programme national des cantines scolaires) ou PSUGO (Lamauthe-Brisson 2013; Lombardo 2012). En 2013- 2014, le programme de repas scolaires et ses partenaires ont couvert près de 0,9 million d’élèves (selon le ministère de l’Éducation et de la Formation professionnelle), et le programme PSUGO en a couvert environ un million (Lamauthe-Brisson 2013). Si la couverture de l’aide sociale semble être progressive, elle varie quelque peu selon le type de programme. Environ 11 % des personnes extrêmement pauvres reçoivent des prestations d’aide sociale, contre 10.5 % des personnes moyenne- ment pauvres et 5.6% des non pauvres. Bien que la couverture de l’aide alimentaire soit plus faible chez les non pauvres, elle l’est moins pour ce qui est des bourses d’études et autres transferts. 197 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté La couverture de l’aide sociale pour différents groupes de population n’est pas égale; les jeunes enfants sont sous-représentées parmi les bénéficiaires de l’aide sociale, ce qui est préoccupant au regard de la vulnérabilité de ce groupe. Les en- fants de moins de 5 ans affichent la plus faible couverture: 7.4% seulement de tous les enfants de moins de 6 ans bénéficient (indirectement) de prestations d’aide sociale (figure 5.4). Cette situation est particulièrement préoccupante étant donné que ce groupe souffre des taux de pauvreté les plus élevés (voir plus haut). Bien que la couverture des enfants d’âge scolaire soit également très faible, ces enfants sont beaucoup plus susceptibles de bénéficier de programmes ciblés dans les écoles, comme les programmes de cantines scolaires ou le programme PSUGO, qui ne res- sortent pas dans l’enquête. Figure 5.4. Couverture des programmes d’aide sociale, par groupe d’âge 65+ 18-64 6-17 0-5 0% 2% 4% 6% 8% 10% 12% Pourcentage de la population couverte Toute aide Aide alimentaire Bourses d'études Autres transferts Sociale publiques Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: Cette figure montre les bénéficiaires directs et indirects. L’accès limité à une carte d’identification nationale (CIN) peut constituer un obsta- cle à l’accès à la protection sociale et à d’autres services. L’analyse des données de l’ECVMAS souligne également le fait que l’accès à une CIN est plus limité en milieu rural et parmi les pauvres, notamment chez les femmes chefs de famille, qui sont probablement celles qui sollicitent l’aide sociale ou des services (encadré 5.2). 198 Banque mondiale - ONPES Encadré 5.2. L’accès limité à une carte d’identification nationale (CIN) peut constituer un obstacle à l’accès à la protection sociale et à d’autres services L’accès limité à une carte d’identification nationale (CIN) est plus li- mité dans les zones rurales et parmi les pauvres, en particulier les personnes extrêmement pauvres des départements du Centre et du Norda. Parmi les adultes, 72% ont une CIN valide, alors que près de 16.5% n’en n’ont jamais eue (les 10% restants ont déjà eu une CIN, mais soit l’ont perdue soit ne l’ont pas renouvelée après expiration) (figure B5.2.1). Cette proportion est plus élevée dans les zones rurales, où près d’un adulte sur cinq n’a jamais eu de CIN, et pour les pauvres: si 77% des non pauvres ont une CIN, pour les personnes pauvres et extrêmement pauvres elles sont 67.5 et 62.5%, respectivement. Les pauvres dans les départements du Centre et du Nord ont le moins accès à une CIN, étant donné que seu- lement 55 et 57.5% des personnes pauvres et extrêmement pauvres dis- posent d’une CIN valide, respectivement. Figure B5.2.1. Possession d’une pièce d’identification nationale chez les adultes de 18 ans et plus a. Par zone de résidence Possède Possédait carte Jamais Pas renseigné carte d'identité mais perdue ou n'as possédé carte pas renouvelée 2.1 1.9 2 13.1 16.4 19.7 9.3 9.7 10.2 68 75.7 71.9 Rural Urbain Total 199 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté b. Par niveau de pauvreté 90 80 77 67.5 70 62.5 60 % de population 50 40 30 20 10 0 Non pauvres Pauvres Pauvres extrêmes Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Les chefs de ménages pauvres sont moins susceptibles d’avoir une CIN, surtout si ce sont des femmes, avec des conséquences importantes sur l’accès des ménages à des programmes de protection sociale. Bien qu’environ 8% seulement de l’ensemble des chefs de ménages n’aient jamais eu de CIN, 67 et 73% des chefs de ménages pauvres et extrême- ment pauvres possèdent une CIN, contre 83.6% des chefs de ménages non pauvres. En outre, alors que les chefs de ménages de sexe féminin sont moins susceptibles que leurs pairs masculins d’avoir une CIN, l’écart est beaucoup plus important pour les femmes pauvres. Parmi les ménages ex- trêmement pauvres, par exemple, 62% seulement des chefs de sexe fémi- nin ont une CIN, tandis que 70.7% des chefs de sexe masculin en possèdent une. En comparaison, parmi les non pauvres, 78.3% des chefs de ménage de sexe féminin et 83.2% des chefs de sexe masculin disposent d’une CIN. Parce que les chefs de ménage sont plus susceptibles d’être ceux qui sou- mettent des demandes de services, y compris l’aide sociale ou l’accès à d’autres formes d’assistance, la possession d’une CIN est particulièrement importante pour les chefs de ménages pauvres. a. L’ECVMAS 2012 pose la question de savoir si les membres du ménage âgés de plus de 10 ans possèdent une CIN, mais seuls les citoyens de 18 ans et plus sont admis à posséder une CIN; l’analyse est donc limitée aux adultes de 18 ans et plus. 200 Banque mondiale - ONPES Constat n°3: Le ciblage des prestations d’aide sociale pourrait être amélioré, Les couches les car une grande part revient aux non pauvres. plus pauvres reçoivent une part Plus de la moitié des prestations d’aide sociale est octroyée aux non pauvres147. disproportionnellement Parmi les prestations d’aide sociale, non moins de la moitié va aux non pauvres faible des prestations. (figure 5.5). Si cela peut être quelque peu déroutant étant donné que la proportion des bénéficiaires non pauvres représente moins de la moitié du total, le montant des transferts a tendance à être plus important chez les quintiles les plus aisés, ce qui donne lieu à une répartition plus régressive des prestations148. Cela est parti- culièrement le cas pour les autres transferts, mais cela vaut également pour l’aide alimentaire et, dans une certaine mesure, pour les bourses d’études149. Un autre problème tient au fait que certaines subventions gouvernementales, telles que les subventions à l’essence, sont très régressives; non moins de 95% de cette subvention est versée aux quintile le plus riche150. Figure 5.5. Répartition des programmes de protection sociale selon le niveau de pauvreté Pourcentage du total par catégorie d’aide 100% 90% 80% 41.1 51.4 56.6 51.0 70% 60% 50% 15.1 40% 30% 31.1 30.6 20% 38.8 10% 0% Tous Autres Bourses d'études Aide Aide Sociale transferts publiques alimentaire Pauvres extrêmes Pauvres Non pauvres Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: Cette figure montre les bénéficiaires directs et indirects. 147 Cette proportion ne correspond qu’aux programmes pris en compte dans l’ECVMAS. Il n’est pas pos- sible actuellement d’estimer la part des autres aides fournies par l’État ou des ONG qui est allouée aux pauvres. 148 Les ménages sont classés en fonction de la consommation et des transferts nets d’aide sociale; il ne s’agit donc pas simplement d’un résultat de l’évolution des ménages vers les quintiles supé- rieurs du fait des transferts. 149 Le nombre d’observations pour les autres transferts est faible ; ces estimations sont donc moins fiables. 150 Basé sur une analyse des subventions aux carburants actuellement réalisée par la Banque mondiale. 201 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Constat n°4: Les prestations d’aide sociale ne répondent pas à l’ampleur de la demande. La valeur de la plupart des prestations d’aide sociale (monétaire ou alimentaire) est faible et, par conséquent, ces prestations contribuent relativement peu à la consom- mation des bénéficiaires. À l’exception des autres transferts, qui sont plus impor- tants en valeur absolue, les prestations d’aide sociale sont beaucoup moins géné- reuses (figure 5.6, graphique A). Les bourses d’études, bien que d’un faible montant en valeur absolue, représentent une part importante (près de 33%) de la consomma- tion des ménages extrêmement pauvres (figure 5.6, graphique b). Dans l’ensemble, cependant, les prestations d’aide sociale ne contribuent à la consommation qu’à hauteur de 11 %. La contribution de la consommation a tendance à baisser chez les ménages moyennement pauvres et non pauvres parce que leur consommation est plus importante par rapport à la valeur des prestations; ainsi, les prestations sont relativement plus importantes pour les ménages les plus pauvres. Figure 5.6. Montants des prestations et leur contribution à la consommation des bénéficiaires a. Transfert annuel moyen par tête 40,000 35,000 30,000 25,000 20,000 HTG 15,000 10,000 5,000 - Bourses d'études Aide Toute Autres Consommation alimentaire Aide Sociale transferts publiques b. Part moyenne des prestations dans la consommation, par type de prestation 4.8 Aide alimentaire 5.9 9.1 3.3 Bourses d'études 2.3 32.4 38.7 Autres transferts 42.2 publiques 20.2 5.8 Toute Aide Sociale 7.2 10.9 0 10 20 30 40 50 Non Pauvres Pauvres Pauvres extrêmes Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: Cette figure ne présente que les ménages bénéficiaires. Les ménages sont classés par quintile sur la base de la consommation par tête, net des transferts d’aide sociale. 202 Banque mondiale - ONPES Constat n°5: Les programmes de protection sociale ont un impact limité sur la pauvreté. Par exemple, sans les transferts de protection sociale, y compris les pensions, le taux de pauvreté serait moins d’un demi-point de pourcentage su- périeur au taux actuel. En revanche, sans les envois de fonds, le taux de pauvreté plus élevé de près de 4.5 points de pourcentage: 63 au lieu de 58.5%. Constat n°6: Certains types de programmes obtiennent de meilleurs résul- tats que d’autres sur le plan de la réduction des écarts de pauvreté. Malgré l’impact global faible, certains programmes sont en mesure de réduire l’écart de pauvreté dans une plus grande mesure que d’autres. Le rapport coût-bénéfice, ou la réduction de l’écart de pauvreté obtenu pour chaque gourde dépensée sur le programme, varie considérablement selon le type de transfert et le degré de pauvreté. Parmi les ménages moyennement pauvres, par exemple, l’aide alimen- taire et les allocations d’études permettent de réduire l’écart de pauvreté d’envi- ron 0.56 gourde et 0.44 gourde respectivement pour chaque gourde transférée aux ménages (figure 5.7). Parmi les ménages extrêmement pauvres, les alloca- tions d’études s’avèrent plus efficaces que l’aide alimentaire. En raison des ca- ractéristiques des bénéficiaires, les pensions ne sont pas efficaces pour réduire l’écart de pauvreté. Figure 5.7. Rapports coûts-bénéfices de divers transferts de protection sociale, en HTG a. Ménages pauvres Aide Alimentaire 0.56 Bourse d'études 0.46 Autres transferts 0.36 publiques Transferts de 0.28 fonds des migrants Pension 0.04 0 0.2 0.4 0.6 HTG 203 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté b. Ménages extrêmement pauvres Bourses d'études 0.31 Aides alimentaires 0.20 Transferts de 0.16 fonds des migrants Autres transferts 0.10 publiques Pension 0.01 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 Source: ECVMAS 2012. Calculs BM/ONPES. Remarque: Cette figure montre la réduction de l’écart de pauvreté obtenu avec chaque gourde affectée aux programmes. Renseignements tirés d’autres sources complémentaires: facteurs sous-jacents d’une protection sociale inadéquate en Haïti Compte tenu des limites des données de l’ECVMAS et de la nécessité d’une ana- lyse plus complète de l’exécution du programme de protection sociale, il est utile d’examiner d’autres sources pertinentes d’information. Il s’agit notamment des analyses précédentes du système de protection sociale en Haïti (CEPALC 2013; UNICEF 2012); d’une analyse préliminaire des dépenses publiques (dans le cadre de l’Examen des dépenses publiques en cours de réalisation par la Banque mondiale); des entretiens avec les acteurs concernés; et d’un examen de la stratégie élaborée récemment par le gouvernement pour accélérer la réduction de la pauvreté, le Plan d’action pour l’accélération de la réduction de la pauvreté (PAARP), qui englobe la plateforme EDE PEP, le dispositif-cadre des programmes de protection sociale. Les principales conclusions sont résumées comme ci-après. En premier lieu, les sources d’information complémentaires corroborent les conclusions de l’ECVMAS concernant l’insuffisance de la couverture de la pro- tection sociale, au regard des besoins de la population. Des études récentes confirment une insuffisance de la protection sociale en Haïti (Lamauthe-Brisson 2013; Lombardo 2012). Compte tenu du niveau élevé de pauvreté et des indicateurs sociaux qui laissent à désirer et sont exacerbés par le risque élevé de chocs éco- nomiques ou des catastrophes naturelles, les pauvres ont un accès limité à l’aide publique. L’essentiel de l’aide provient d’envois de fonds ou d’un appui des églises, d’autres acteurs non gouvernementaux, et de projets financés par les bailleurs de fonds. Les programmes existants sont caractérisés par la faible couverture, sont 204 Banque mondiale - ONPES souvent ponctuels ou de nature limitée, qui ne couvrent souvent que de petites zones géographiques ou des groupes de bénéficiaires limités, et sont dispersés dans de nombreuses institutions. Ensuite, les sources de données complémentaires mettent en lumière les facteurs interdépendants à l’origine de la prestation inadéquate de la protec- tion sociale en Haïti. La faiblesse des capacités de mise en œuvre d’un pays fragile comme Haïti est exacerbée par la multiplicité d’acteurs intervenant dans la protection sociale, y compris de nombreux bailleurs de fonds et ONG. Après le séisme, le nombre d’or- ganisations humanitaires sur le terrain a augmenté de façon exponentielle, et, malgré les efforts de coordination (groupes d’activités thématiques dirigés par les Nations Unies), on a enregistré une multitude d’interventions simultanées dans les mêmes zones géographiques, qui bénéficiaient parfois aux mêmes ménages. Dans la période qui a suivi le séisme, les problèmes sont également apparus de manière plus évidente: multiplicité d’acteurs, absence de mécanismes de coor- dination et absence d’approche commune de ciblage. L’élaboration d’une stra- tégie générale de protection sociale a également été plus difficile au cours de la période qui a suivi la catastrophe. Une telle stratégie aurait permis, au minimum, d’identifier les priorités et d’apporter plus de clarté dans les rôles institutionnels, réduisant ainsi la fragmentation et la duplication des interventions au sein du gou- vernement et entre les bailleurs de fonds et ONG. L’accent a surtout été mis sur les interventions d’urgence plutôt que sur le renfor- cement des bases d’un système de protection sociale pérenne, telles qu’un mé- canisme solide de ciblage, un système d’information intégré et une idée des types d’interventions de protection sociale nécessaires pour répondre aux besoins des populations. La majorité des politiques et programmes récents sont davantage axés sur la prestation de services publics du côté de l’offre dans les domaines de l’éducation (PSUGO), des soins de santé, des infrastructures, ou du microcrédit, et ils négligent le développement des capacités des populations pauvres et vulnérables d’accéder à ces services par le biais d’interventions de protection sociale (Lombardo 2012). Certains observateurs regrettent l’absence d’instruments de protection sociale tels que les transferts monétaires conditionnels, qui pourraient promouvoir efficace- ment l’investissement des ménages pauvres dans les soins de santé et l’éducation. Les dépenses publiques consacrées à la protection sociale continuent d’être faibles151. Les données sur les dépenses liées aux activités de réduction de la pauvreté indiquent que les dépenses de protection sociale représentent une part relativement faible de l’ensemble des dépenses. Les dépenses de protection so- ciale ont culminé à environ 0.9% du PIB en 2009-2010, mais elles ont diminué 151 L’Examen des dépenses publiques qui est en cours permettra d’avoir une idée des dépenses des bailleurs de fonds et des ONG, qui ne ressortent pas dans le présent rapport. 205 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté depuis lors (figure 5.8). Cela dit, depuis 2009, les dépenses consacrées à la promo- tion de l’emploi se situaient autour de 0.7% du PIB et ont bondi à 1.2% du PIB. Les dépenses affectées à la sécurité alimentaire ont progressé, passant d’environ 0.3% du PIB entre 2009 et 2011 à 0.4% du PIB en 2011-2012. Pourtant, combinées, ces trois catégories de dépenses continuent d’être éclipsées par les dépenses d’infrastruc- tures (approvisionnement en énergie, transports) et l’accès aux services essentiels (assainissement, eau potable). Figure 5.8. Dépenses liées à la réduction de la pauvreté en pourcentage du PIB 9% 8% 7% 3.6% 6% 1.8% 1.5% 5% 1.9% 1.6% 2.1% 0.9% 0.5% 0.7% 4% 0.4% 0.4% 0.5% 3% 2.2% 2.5% 1.9% 2.1% 2% 2.1% 2.1% 0.4% 0.3% 0.3% 0.4% 0.5% 1% 0.5% 0.2% 0.7% 0.7% 0.7% 0.6% 0.7% 0% 2007-2008 2008-2009 2009-2010 2010-2011 2011-2012 2012-2013 Emploi Santé Sécurité Alimentaire Education Protection Sociale Autres Source: Calculs BM/ONPES. fondés sur les données de la Direction des études et de la programmation budgétaire. Remarque: Les dépenses de protection sociale incluent les pensions publiques, l’assurance- maladie et les activités d’assistance sociale du MAST et du MCFDF. Elles n’incluent pas les dépenses au titre d’EDE PEP, du PSUGO et du PNCS, ni celles liées aux régimes d’assurance sociale non publics. «Autres» inclut l’approvisionnement en énergie, les transports, l’assainissement, l’équipement, le logement et l’accès à l’eau potable. Cela n’inclut pas les dépenses extrabudgétaires. Évolution récente de la protection sociale: des progrès encourageants Malgré les difficultés, des évolutions récentes encourageantes ont été enregis- trées dans le domaine de la protection sociale. On citera notamment les efforts déployés pour établir une stratégie nationale de protection sociale, qui ont commencé par la mise en place des bases d’un système de protection sociale. 206 Banque mondiale - ONPES Ces dernières années, l’État haïtien a pris plusieurs mesures en vue d’élabo- rer une stratégie nationale de protection sociale. Le Plan d’action pour le re- lèvement national et le développement d’Haïti élaboré par le gouvernement en mars 2010 considère la mise en place d’un système de protection sociale comme un facteur essentiel dans le relèvement et la croissance du pays. Depuis lors, plu- sieurs initiatives ont été lancées, comme la lutte contre la faim, l’initiative contre l’extrême pauvreté Aba Grangou et EDE PEP. En mai 2014, la Primature a lancé le Plan d’action pour l’accélération de la réduction de la pauvreté (PAARP), qui s’arti- cule autour du programme EDE PEP et identifie les éléments qui sous-tendent la mise en œuvre d’un système de protection sociale, comme un système national de ciblage, un registre unique de bénéficiaires qui peut être utilisé dans divers programmes sociaux, et un modèle de prestation intégrée de services à l’intention des communes à travers un réseau d’agents multisectoriels et une coordination locale des interventions de protection sociale. Le programme EDE PEP s’est imposé récemment comme la plateforme-cadre de plusieurs programmes phares du gouvernement. Le but d’EDE PEP est de protéger les couches vulnérables qui vivent dans l’extrême pauvreté tout au long du cycle de vie afin d’assurer des investissements à long terme dans le capital humain et d’offrir des possibilités de sortir de la pauvreté extrême. Ce programme est mis en œuvre principalement par le FAES, avec certains programmes relevant du ministère des Affaires sociales et du Travail et le ministère de la Santé publique et de la Population. Il repose sur quatre piliers complémentaires: 1) l’inclusion so- ciale, 2) le développement du capital humain, 3) l’intégration économique, et 4) la création d’un environnement décent (figure 5.9). Figure 5.9. Principaux programmes relevant de l’EDE PEP EDE PEP Inclusion Sociale Capital Humain Initiatives Economiques Environment Recurrant Périodique Santé Education Kore Moun Panier Planning Ranje Kay PSUGO Kore Peyizan Andikape Solidarité familiale Katie Kore Ti Lutte contre Cantines Kantin Mobill Ti Credit HIMO Gran Moun le Choléra scolaires Restaurants Centres de santé Programmes Bon Solidarité communautaires communautaires d’alphabétisation Ti Manman Carte Rose Kore Etidyan Cheri Source: FAES 2014. 207 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté En raison du développement des programmes EDE PEP, les dépenses consacrées aux filets de sécurité ont récemment augmenté par rapport aux dépenses cor- respondantes dans d’autres pays à faible revenu, mais elles restent faibles152. Les dépenses publiques consacrées à la protection sociale en 2012-2013 sont estimées à 0.84% du PIB (figure 5.10)153. Les dépenses budgétaires affectées à la protection so- ciale par le ministère des Affaires sociales et du Travail et le ministère de la Condition féminine et des Droits des femmes ne représentent que 0.4% du PIB. Cependant, le développement récent des programmes rattachés à EDE PEP, estimés à 0.5% du PIB en 2012-2013, a presque doublé les dépenses de protection sociale, mais ce niveau de dépense reste faible par rapport aux dépenses correspondantes dans d’autres pays à faible revenu. Financé par des sources extrabudgétaires (Petrocaribe), cette augmentation des dépenses laisse penser que l’on devrait regarder de plus près l’ef- ficacité de ces nouveaux programmes pour ce qui est de réaliser leurs objectifs et améliorer leur ciblage pour assurer qu’ils atteignent les couches les plus vulnérables. Figure 5.10. Dépenses nettes consacrées à la sécurité sociale en pourcentage du PIB, pays à faible revenu 4% 3.5% 3% 2.5% 2% 1.5% 1% 0.5% 0% Cambodge Gambie Afghanistan Bénin Bangladesh Niger Mali Togo Tadjikistan Kenya Haiti Burkina faso Madagascar Rwanda Kirghizistan Nepal Liberia Mozambique Sierra leone Érythrée Tanzanie Dépenses EDE PEP (est) Dépenses nettes SS Sources: Haïti: Calculs BM/ONPES. fondés sur les données du ministère de l’Économie et des Finances et sur les données du FAES; autres pays: Banque mondiale 2014. Remarque: Cette figure montre les dépenses de protection sociale au cours de diverses années (2009-2011). Pour Haïti, les données correspondent à des dépenses de protection sociale liées à la pauvreté en 2012-2013. Les dépenses au titre du EDE PEP sont estimées. 152 La collecte de données détaillées sur les dépenses est difficile du fait de la fragmentation des programmes de protection sociale à travers différents organismes et institutions à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement. Borgarello (2009) constate que les dépenses totales consacrées à la protection sociale s’établissaient à seulement 0,7% du PIB en 2009, hors subventions aux carburants et à l’électricité, et à 2,4% lorsqu’on inclut ces subventions. Cela inclut les dépenses sur le budget de l’État et par le biais d’organismes multilatéraux et bilatéraux. 153 Inclut les dépenses budgétaires du ministère des Affaires sociales et du Travail et du ministère de la Condition féminine et des Droits des femmes et une dépense extrabudgétaire affectée à EDE PEP. 208 Banque mondiale - ONPES L’État a entrepris de mettre en place un système national de ciblage qui sera couplé à un registre social des bénéficiaires afin d’améliorer l’efficacité et l’efficience des programmes de protection sociale. Cela est nécessaire, car il n’existe aucune méthode commune de ciblage, et le ciblage des programmes gouvernementaux varie selon le programme et ne peut pas être systématique. Un comité technique chargé de mettre au point un outil national de ciblage a été créé sous la direction du ministère des Affaires sociales et du Travail, et un projet d’outil a été approuvé par le comité début 2014154. Cet outil doit être mis à l’essai sur le terrain, et il fera l’objet d’un processus de consultation et de validation plus large, y compris avec des acteurs d’autres secteurs, tels que la santé et l’éducation. À court terme, l’outil sera utilisé principalement dans les programmes financés par les bailleurs de fonds qui ne relèvent pas d’EDE PEP, mais il pourra éventuelle- ment être utilisé dans des programmes rattachés à l’EPE PEP. L’État envisage également de commencer à consolider les programmes so- ciaux publics qui ont des objectifs similaires et de coordonner plus efficace- ment les programmes des bailleurs de fonds. Le PAARP prévoit une meilleure coordination et consolidation des programmes qui sont actuellement reproduits dans diverses institutions. Par exemple, Kore Moun Andikape est un programme de transferts monétaires au profit des personnes handicapées et des personnes âgées qui est actuellement administré séparément par le FAES et la Caisse d’as- sistance sociale qui relève du ministère des Affaires sociales et du Travail, avec des niveaux de prestations et des critères d’admissibilité différents. En outre, l’État cherche à coordonner les programmes des bailleurs de fonds afin de combler les lacunes identifiées dans le plan de manière plus efficace (par exemple, les déficits de couverture). Le PAARP envisage d’avoir recours à un réseau d’agents pour accompagner les familles vulnérables et assurer la coordination au niveau communal; un exemple en est le projet Kore Fanmi. Ce modèle vise à améliorer l’efficacité de la prestation des services sociaux en Haïti. Kore Fanmi est une initiative du gouvernement qui bénéficie de l’aide du Fonds des Nations Unies pour l’enfance et de la Banque mondiale. Elle vise à jeter les bases d’une stratégie économique et durable pour la prestation de services sociaux intégrés, en mettant en place une plateforme commune de coordination des interventions sociales de tous les prestataires de services au niveau local. Cette initiative est mise en œuvre par le FAES en partenariat avec des institutions des Nations Unies, notamment le Fonds des Nations Unies pour l’enfance et le Programme alimentaire mondial. Elle sert de trait d’union entre la demande et l’offre et aide à jeter les bases d’un système 154 Ce comité se compose des représentants du FAES et les principaux bailleurs de fonds, dont le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Programme de développement des Nations Unies, l’Agence des États-Unis pour le développement international, la Banque mondiale, le Programme alimentaire mondial et des ONG internationales comme CARE et Action contre la faim. Le comité a cherché à mettre au point un outil de ciblage qui réponde aux besoins spécifiques de deux grands pro- grammes, Kore Fanmi et Kore Lavi (un programme de nutrition et de bons de nourriture), et qui serve le pays de façon plus générale. 209 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté de protection sociale (encadré 5.3). En outre, Kore Fanmi a également pu contribuer à la riposte d’urgence. Dans le cas d’une inondation dans une commune et de l’in- sécurité alimentaire aiguë résultant de la sécheresse dans une autre, Kore Fanmi a pu utiliser des informations provenant des agents de proximité pour identifier les familles touchées, demander une réponse immédiate, et coordonner l’achemine- ment de l’aide aux bénéficiaires concernés. Encadré 5.3. Kore Fanmi Kore Fanmi est un programme qui vise à améliorer l’accessibilité et l’effi- cacité de la prestation des services sociaux dans les zones rurales d’Haïti. L’approche appliquée consiste à accompagner directement les familles et à les aider à faire valoir leurs droits fondamentaux. Kore Fanmi repose sur un réseau d’agents polyvalents communautaires qui travaillent directement avec un ensemble précis de familles, auxquelles ils rendent compte. Ces agents offrent des services vitaux et des produits essentiels (par exemple, des suppléments nutritionnels, des vaccinations, des moustiquaires et du savon), font la promotion d’un changement de comportement positif, et orientent les familles vers les services sociaux à leur disposition. Avant d’entreprendre des activités d’aide aux familles, le programme pro- cède à une cartographie, qui est un inventaire des services offerts par di- vers prestataires à la population de la zone cible. Cet inventaire, appelé la carte d’opportunité, sert de base aux orientations. Un plan de développe- ment familial taillé sur qui décrit un ensemble d’objectifs de vie est créé pour la famille concernée sur la base d’une enquête socioéconomique de la vulnérabilité de la famille concernée. La nature et l’intensité de l’en- cadrement de la famille varient selon les besoins et les vulnérabilités de chaque famille. Kore Fanmi utilise un système d’information de gestion dynamique et inté- gré pour analyser les conditions et les vulnérabilités de chaque famille, afin de proposer des mesures cruciales et suivre les progrès. Kore Fanmi crée ainsi un mécanisme permettant d’atteindre les familles pauvres et vulnérables, produit un moyen objectif d’identifier les familles les plus vulnérables et d’analyser leurs besoins, coordonne la prestation de services dans les municipalités, et renforce la capacité des autorités locales à superviser la prestation de services sur leur territoire. Évolution récente de la protection sociale: des défis persistants Malgré les progrès récents, d’importants défis demeurent, notamment pour ce qui est la réduction des écarts de couverture concernant certains groupes de population, comme les jeunes enfants. 210 Banque mondiale - ONPES Compte tenu de la couverture limitée de la protection sociale, EDE PEP vise à réduire les écarts de couverture. La couverture est encore étriquée dans les régions où les taux de pauvreté sont les plus élevés. Bien qu’il ne soit pas pos- sible d’évaluer la couverture des programmes rattachés à EDE PEP en utilisant l’ECVMAS, les données administratives du FAES font la lumière sur l’étendue de la couverture au cours des deux années précédentes. La couverture des pro- grammes d’aide en nature, comme les cantines mobiles ou la distribution de kits alimentaires, est beaucoup plus large que celle des transferts en espèces (figure 5.11). Environ 3% de la population bénéficient des transferts monétaires, alors qu’ils sont 8% à bénéficier des programmes d’aide en nature, hors distribution de den- rées alimentaires155. Mais les programmes d’aide même en nature ont une couver- ture limitée dans les départements où les taux de pauvreté sont les plus élevés (Centre, Grand’Anse et Sud-Ouest). L’estimation de la couverture de la distribution de denrées alimentaires est problématique, mais les données montrent que, la très grande majorité des repas sont distribués dans le département de l’Ouest (à Port-au-Prince plus particulièrement), où les taux de pauvreté sont les plus bas. Figure 5.11. Couverture des programmes EDE PEP, par type, et par taux de pauvreté et département, 2012-2013 20% 90% 18% 80% 16% 70% 14% 60% 12% 50% 10% 8% 40% 8% 30% 6% 20% 4% 3% 2% 10% 0% 0% Ouest Sud est Sud Total Artibonite Nippes Nord Centre Grand anse Nord est Nord ouest Espèces (total) En nature (total) Pauvres (% pop), RHS Source: Calculs des services de la Banque mondiale et ONPES basés sur les données du FAES et l’ECVMAS 2012. Remarque: La couverture est calculée à partir de données administratives et ne prend en compte que les seuls bénéficiaires directs de programmes de transferts en espèces et en nature: Ti Manman Cheri, Kore Etidyan, Kore Moun Andikape, Bon Solidarité, Bon Dijans, Panye Solidarité, Kore Paysan (semences) et Kore Paysan (poissons). Hors PNCS, PSUGO et Kantine Mobile. 155 Les informations sur les bénéficiaires uniques ne sont pas disponibles; il peut y avoir double comptage. 211 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté EDE PEP propose une approche basée sur le cycle de vie, mais semble ne pas mettre suffisamment l’accent sur la petite enfance. Le plan pour la réduction de l’extrême pauvreté inclut quelques programmes dans la composante «petite enfance», mais la plupart des interventions (restaurants communautaires, programmes d’interven- tion en cas de catastrophe et interventions de santé) sont insuffisantes et pas adap- tées aux besoins de ce groupe d’âge (tableau 5.1). Par exemple, l’assurance-mala- die n’est disponible que dans les zones urbaines et est à caractère contributif, il est donc peu probable que les couches les plus vulnérables soient atteintes. Par ailleurs, les pharmacies communautaires ne mettent pas l’accent sur les soins de santé préventifs et la malnutrition, qui constitue une priorité fondamentale pour les jeunes enfants. Tableau 5.1. Alignement des programmes rattachés à EDE PEP sur les risques et les vulnérabilités tout au long du cycle de vie Nombre prévu Étape du cycle Risque Projets rattachés à EDE PEP de bénéfi- de vie ciaires (2016) Malnutrition Pas pris en compte — 1. Petite enfance Mortalité Pas pris en compte — Développement de l’enfant pauvre Pas pris en compte — PSUGO 1,500,000 2. Enfance Faible scolarisation et décrochage Alimentation scolaire 1,200,000 d’âge scolaire Ti Manman Cheri 100,000 Travail des enfants/restaveks Pas pris en compte — Chômage Pas pris en compte — 3. Jeunes Résultats d’éducation médiocres Kore Etidyan 30,000 Chômage, manque d’accès au crédit Ti Kredi 6,500 Chômage des femmes Pas pris en compte — Faibles revenus, moyens de Kore Peyizan 100,000 subsistance pas sécurisés 4. Âge adulte Chômage, faibles revenus HIMO (public works) — Mauvaises conditions de vie, Ranje Kay Kartier/ Banm 25 districts assainissement laissant à désirer Lumie- Banm Lavi Analphabétisme Alphabétisation 150,000 5. Vieillesse Faible revenu Kore Ti Gran Moun 30,000 212 Banque mondiale - ONPES Invalidité Kore Moun Andikape 30,000 Malnutrition et insécurité alimentaire Resto Communautaire 150,000 Panye Solidarité 600,000 Catastrophes naturelles/urgence Kantin Mobil 1,000,000 Bon Dijans — Campaign for prevention of — 6. Cycle entier cholera Maladie/manque d’accès aux soins de santé Community health centers — Carte Roz 2,500,000 Conditions de vie inappropriées Ranje Kay Kartier/ Banm (manque d’accès à l’assainissement, Lumie- Banm Lavi but insuf- — à l’eau potable ou à la gestion des ficient déchets) Violence Pas pris en compte — Source: Calculs des services de la Banque mondiale basés sur les données du FAES. Remarque: — = pas disponible. En outre, compte tenu des principaux risques qui pèsent sur chaque étape du cycle de vie, il y a des différences entre les programmes et les besoins non seulement en termes de risques ciblés, mais aussi en termes de portée des programmes. Par exemple, la malnutrition est un risque majeur affectant les enfants de moins de 5 ans, mais, en vertu de la nouvelle stratégie visant à réduire l’extrême pauvreté (basée sur le cadre d’EDE PEP), peu d’efforts sont faits pour prévenir la malnutrition ou pour prendre les devants et améliorer le potentiel de développement précoce des enfants. Bien que le travail des enfants et la pratique de restavek soient des phénomènes non négligeables, les risques ne sont pas pris en compte par les programmes rattachés à EDE PEP. La moitié des personnes âgées de plus de 65 ans sont pauvres, et la couverture des pensions contribu- tives est limitée. Pourtant, le programme de transfert monétaire non contributif ne pourra pas desservir 30,000 personnes. Les risques liés aux mauvaises conditions de vie, c’est-à-dire liés à la santé ou à la vulnérabilité aux catastrophes, ne sont pas pris en compte dans le cadre de la stratégie actuelle. Les programmes relevant du quatrième pilier d’EDE PEP (créa- tion d’un environnement sain et facilitation de l’accès à un logement décent) ont une couverture limitée. Par exemple, les programmes Ranje Kay Kartier et Banm Lumie-Banm Lavi, qui cherchent à améliorer les quartiers urbains, sont censés ne couvrir que 25 quartiers. Les programmes de travaux publics relèvent également dans ce pilier, mais leur couverture n’est pas établie de manière claire ou définitive. L’écart entre les programmes et les besoins réels peut encore être comblé en repensant la conception de certains des programmes phares. Par exemple, 213 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté les groupes cibles pourraient être élargis de sorte à inclure les jeunes enfants, et le panachage de prestations pourrait être modifié afin de soutenir la formation de capital humain plus efficacement. 4. Ce qu’il faut retenir Dans un contexte de taux élevés de pauvreté enracinée et de grande ampleur et à de nombreuses vulnérabilités, peu nombreux sont les pauvres qui ont ac- cès à la protection sociale ou à des filets de sécurité. Premièrement, l’accès à la sécurité sociale est hors de portée de la plupart des Haïtiens, surtout les pauvres. Deuxièmement, une petite proportion seulement de la population bénéficie d’une protection sociale. Du fait de la faible couverture et du peu de générosité, les pres- tations de protection sociale sont insuffisantes et ne jouent qu’un rôle limité dans la réduction de la pauvreté et des inégalités et dans l’amélioration des perspectives au sein de la population. Les couches les plus pauvres —résidents des zones rurales et enfants, notamment les Seulement 11% jeunes enfants— reçoivent une part disproportionnellement faible des prestations. des personnes extrêmement Les coûts engendrés par ce manque de protection efficace pour les ménages pauvres ont les plus pauvres sont élevés, surtout pour les générations futures, et en- reçu une aide traînent des pertes d’opportunités dans la formation et l’accumulation de capi- sociale de l’État, telles que des tal humain. Ces coûts sont supportés principalement par les enfants, ce qui est très bourses, de l’aide préoccupant parce que les conséquences peuvent être irréversibles si les enfants alimentaire, ou ne reçoivent pas le soutien voulu dans leurs mille premiers jours, s’ils ne sont pas d’autres transferts stimulés dès la petite enfance, ou s’ils sont déscolarisés pendant trop longtemps. monétaires. Les données de l’ECVMAS montrent que les enfants bénéficiaient de la plus faible couverture de protection sociale, malgré les taux élevés de pauvreté et les risques auxquels ils sont exposés. Du côté positif, l’élaboration récente des politiques publiques pertinentes met l’ac- cent sur le renforcement de la protection sociale pour accélérer la réduction de la pauvreté. L’initiative-cadre du gouvernement, EDE PEP, représente un effort positif pour créer de nouveaux programmes destinés à prendre en compte les risques so- ciaux importants, tels que le niveau élevé des frais de scolarité (programme PSUGO) et le handicap (Kore Moun Andikape). Cette initiative applique par ailleurs une ap- proche axée sur le cycle de vie qui répond à certains des besoins identifiés à travers l’ECVMAS et fait écho à des sources complémentaires telles que l’EDS. Dans l’ensemble, les résultats présentés ici confirment le besoin urgent d’interven- tions de protection et de promotion sociales qui permettront aux ménages les plus pauvres (en particulier dans les zones rurales et les jeunes enfants) de surmonter les obstacles à la constitution et à la préservation du capital humain face à des chocs répétés. Cela pourrait inclure des instruments tels que les transferts mo- nétaires ciblés sur les familles comprenant des femmes enceintes et des enfants 214 Banque mondiale - ONPES de moins de 5 ans, des interventions visant à réduire efficacement les coûts de la scolarisation, des programmes pour offrir des possibilités de production, et des programmes visant à améliorer les conditions de vie. Le défi et l’opportunité consistent maintenant à décider de la manière dont ces principales conclusions peuvent se traduire par des éléments d’un programme stratégique et de la manière de définir les priorités dans un environnement insti- tutionnel marqué par la rareté de ressources budgétaires. Il peut s’avérer utile de fixer les quatre priorités ci-après. Priorité 1: Poser les bases d’un système de protection et de promotion so- ciales, à commencer par un système de ciblage. Cette priorité comprendrait les actions suivantes: a. Mettre en œuvre le nouvel outil national de ciblage et établir un système de suivi et évaluation. L’outil de ciblage a été élaboré par les partenaires du gou- vernement et les bailleurs de fonds dans le but d’améliorer l’équité et l’effica- cité des dépenses de protection sociale et de réduire les écarts de couverture. Un système de suivi et évaluation, comprenant également des évaluations d’impact des programmes existent, permettrait d’identifier les obstacles/ problèmes de mise en œuvre ou bien évaluer l’efficacité des interventions en termes de résultats. Des telles analyses permettraient d’établir, par exemple, si les transferts en argent sont préférables aux transferts en nature. b. Faire fonds des initiatives actuelles du gouvernement pour formuler une stra- tégie basée sur le profil de la pauvreté et de la vulnérabilité qui se dégage de l’ECVMAS et en mettant l’accent sur un paquet minimum d’interventions de protection et de promotion sociales. Les interventions doivent avoir des ob- jectifs clairs et cibler les populations les plus pauvres (en particulier les jeunes enfants) et les zones géographiques qui en ont le plus besoin (en particulier les zones rurales). Selon la plupart des parties prenantes, EDE PEP et, plus ré- cemment, le PAARP représentent un début et peuvent bénéficier de retours d’informations et faire l’objet d’améliorations. c. Définir et renforcer les modalités institutionnelles et des mécanismes de coor- dination durables au sein du gouvernement et avec les bailleurs de fonds intéressés afin de limiter la fragmentation et améliorer l’efficacité. Au sein du gouvernement, on pourrait apporter plus de clarté en définissant et renforçant les rôles et les responsabilités des départements ministériels (ministère des Affaires sociales et du Travail) et des organismes publics (FAES), notamment en termes de planification et coordination. La relance d’une table sectorielle et thématique (TTS) et de protection sociale (CAED) est encourageante. Ces efforts progressent, passant de l’accent mis au départ sur les interventions d’urgence et les mesures à court terme pour évoluer vers la prise de mesures de protection sociale à moyen terme. L’harmonisation des approches et des indicateurs de protection sociale progresse grâce à des initiatives telles que 215 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté le Conseil de coopération inter-agences pour la protection sociale156 . Dans le cas d’Haïti, une approche commune pour les agents communaux servant de relais entre les usagers et les bénéficiaires de services et les opportunités viendrait à point nommé. Divers programmes et bailleurs de fonds soutiennent l’État dans cette démarche (Fonds des Nations Unies pour l’enfance et la Banque mondiale dans Kore Fanmi, Agence des États-Unis pour le développement international dans Kore Lavi, etc.). d. Poursuivre le processus d’élaboration d’un registre unique de bénéficiaires de la protection sociale dans les domaines prioritaires. Compte tenu des difficultés de mise en œuvre, cette initiative pourrait se limiter à des domaines d’intervention prioritaires tels que les filets de sécurité à l’intention des enfants ou aux zones géographiques affichant les niveaux de pauvreté les plus élevés. Elle peut éga- lement soutenir les efforts visant à s’assurer que toutes les couches pauvres et vulnérables aient accès à l’identification nationale afin de permettre l’accès à l’assistance sociale et aux services. Une approche progressive pourrait égale- ment être envisagée. Priorité 2: Augmenter la couverture des filets de sécurité, en particulier pour les ménages avec enfants, tout en assurant un ciblage efficace et l’améliora- tion de la qualité des programmes concernés, notamment ceux à même de renforcer la promotion du capital humain. Cette priorité impliquerait de mener certaines des actions suivantes: a. Tirer parti du potentiel existant. Élargir la couverture des programmes pertinents qui favorisent l’accumulation de capital humain chez les pauvres, tout en amé- liorant la conception et l’efficacité des programmes. Par exemple, le programme de transferts monétaires conditionnels Ti Manman Cheri vise actuellement les enfants d’âge scolaire déjà scolarisés, mais il serait plus efficace dans l’appui à la formation de capital humain s’il concernait aussi les enfants plus jeunes et s’il encourageait la scolarisation des enfants qui ne vont pas l’école. En outre, les initiatives visant à améliorer l’efficacité de la prestation des services sociaux, tels que Kore Fanmi, pourraient être utiles pour relier les ménages pauvres aux services et aux opportunités. b. Compte tenu des liens étroits qui existent entre la pauvreté et les résultats de l’éducation, prendre les mesures suivantes: 1) continuer à exploiter les synergies entre les initiatives permettant d’éliminer les obstacles qui pèsent sur l’offre (la suppression des frais de scolarité de l’école grâce au programme PSUGO en utilisant les fonds transférés aux écoles) et sur la demande (Ti Manman Cheri pour prendre en charge les coûts hors frais de scolarité), 2) redoubler d’efforts 156 Cette initiative comprend le Département de la Coopération pour le développement international de la Finlande, la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit, la Commission européenne, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’Organisation internationale du Travail, le Centre international de politiques pour une croissance inclusive, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance, le Programme des Nations Unies pour le développement et la Banque mondiale. 216 Banque mondiale - ONPES pour identifier et insérer les enfants actuellement non scolarisés, et 3) cibler les zones les plus pauvres identifiées dans l’ECVMAS, qui se trouvent principa- lement dans le nord. c. Pour le paquet minimum d’interventions de protection et de promotion sociales suggéré ci-dessus, assurer l’amélioration progressive des normes de qualité dans la prestation de services par des incitations financières. Un moyen pos- sible serait d’assujettir les bailleurs de fonds ou les financements budgétaires supplémentaires à l’utilisation de mécanismes de ciblage, de remontée de l’in- formation et de suivi-évaluation. Priorité 3: Poursuivre les efforts d’articulation et veiller à une mise en œuvre agile sur le terrain. a. Rendre la protection sociale productive dans la prise en compte du risque de volatilité et d’insuffisance des revenus pour les adultes pauvres. Promouvoir l’articulation des programmes de protection sociale bien ciblés qui favorisent le capital humain et les initiatives productives, avec une certaine modulation tenant compte des différences entre zones rurales et urbaines. Dans les zones rurales, l’État et les bailleurs de fond intéressés pourraient envisager de pour- suivre à une grande échelle des initiatives expérimentales qui ont fait leurs preuves telles que l’initiative multiforme Chemen Lavi Miyo (la voie d’une vie meilleure) de Fonkoze, destinée aux femmes extrêmement pauvres du Plateau Central157. b. Lutter contre les disparités régionales en s’appuyant sur les plans spatiaux (plans d’action territoriaux pour réduire la pauvreté) et en intégrant systémati- quement l’inclusion sociale dans les interventions ciblées de protection sociale. c. Continuer à évaluer l’avantage comparatif des différents acteurs (État, ONG, fondations) dans la mise en œuvre d’initiatives de protection et de promotion sociales, en vue de parvenir à une mise en œuvre souple, agile et rapide même dans les zones les plus reculées. Cette démarche part de la reconnaissance du fait que l’État n’est actuellement pas en mesure d’assurer la prestation d’inter- ventions de protection sociale à grande échelle. d. Compléter les interventions du côté de la demande par des politiques secto- rielles visant à améliorer l’accessibilité physique et financière et la qualité des services, notamment les soins de santé et l’éducation. Des objectifs communs 157 Conformément à l’approche de reclassement que promeut la Fondation Ford et d’autres partenaires, Fonkoze, une ONG de microfinance haïtienne, a procédé à une sélection rigoureuse de femmes extrêmement pauvres dans le Plateau Central et leur a fourni une protection sociale et des possibi- lités de production: aide à la consommation par le biais de petites prestations en espèces, aide à un accès gratuit à des services de santé et à l’amélioration des logements, accès à l’épargne, transferts d’actifs, formation technique et encadrement. Trois ans après le démarrage du programme, 96,2% des participantes avaient réduit leur niveau de pauvreté, et 70% envoyaient leurs enfants à l’école, contre 10% au début du programme. 217 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté dans les régions prioritaires identifiées par l’ECVMAS et d’autres sources ont pu être déterminés. e. Renforcer les liens entre les programmes structurés axés sur la pauvreté chro- nique ou la promotion du capital humain et les mécanismes d’intervention en cas de catastrophe d’urgence. Priorité 4: Prendre en compte la question du financement prévisible, efficace et durable de la protection sociale. Cette action suppose de saisir l’occasion qu’offre l’Examen des dépenses publiques qui est actuellement en cours et dirigé conjoin- tement par les autorités et la Banque mondiale. Dans ce contexte, quelques ques- tions se font jour. Si les données appellent une augmentation des dépenses de protection sociale pour assurer une meilleure couverture, il pourrait aussi y avoir des dépenses inefficaces et régressives qui pourraient être réaffectées, telles que les subventions aux carburants. La réforme des subventions aux carburants qui est en cours pourrait offrir l’occasion de réaffecter une partie des économies réalisées à l’appui des interventions ayant le plus de chances de contribuer à réduire la pau- vreté et à promouvoir les investissements dans le capital humain. Des discussions franches et constructives devraient également être encouragées sur la question de viabilité des investissements. La viabilité est liée à la durabilité institutionnelle, d’où la nécessité de réaliser des progrès dans l’établissement du cadre institutionnel visé dans la priorité 1, afin d’assurer l’efficacité et l’équité, d’accélérer les réformes du mécanisme de ciblage, et de mettre l’accent sur les résultats. 218 Banque mondiale - ONPES Partie III Réflexions pour la promotion de la prise de décision informée 219 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Chapitre 6: Principaux messages et domaines d’action prioritaires Pour la première fois en une décennie, il est possible d’étudier l’ampleur, l’évo- lution, et les déterminants de la pauvreté en Haïti à partir des caractéristiques et des comportements des ménages sur toute l’étendue du territoire et aus- si bien en milieu rural qu’urbain. Ceci fut possible grâce à la collaboration entre ONPES et la Banque mondiale, aux efforts déployés pour rassembler les données d’enquête sur la mesure des niveaux de vie de l’ECVMAS-2012 et les seuils de pau- vreté officiels récemment mis au point par le gouvernement. Deux ans après le tremblement de terre, la pauvreté monétaire et multidimen- sionnelle est toujours aussi marquée en Haïti, en particulier dans les zones rurales. En 2012, près de 60% de la population était pauvre, et une personne sur quatre vivait en dessous du seuil de pauvreté extrême. Près de la moitié des mé- nages sont considérés comme pauvres chroniques parce qu’ils vivent en dessous du seuil de pauvreté modérée et sont dépourvus d’au moins trois des sept dimen- sions de base du bien-être non monétaire. Dans les zones rurales, ces chiffres sont encore plus élevés: trois quarts de l’ensemble des ménages sont en situation de pauvreté monétaire, et on estime que deux tiers d’entre eux vivent dans une pau- vreté chronique. Si le niveau de pauvreté monétaire et multidimensionnelle a légèrement bais- sé par rapport à 2000, les inégalités en termes de revenus et d’accès aux ser- vices de base restent les plus marquées de la région. L’extrême pauvreté a chuté de 31 à 24% entre 2000 et 2012 et des progrès ont été accomplis en termes d’accès à l’éducation et aux infrastructures de base, bien que les niveaux et la qualité de- meurent faibles. L’inégalité des revenus qui est la plus élevée de la région (avec un coefficient de Gini de 0.61) est restée stable à ce chiffre depuis 2001. Parallèlement à cela, l’accès aux services de base tels que l’eau et l’assainissement et aux débou- chés économiques est marqué par de profondes inégalités liées à la pauvreté, au lieu de résidence et au sexe. Les femmes et les filles sont particulièrement vulnérables car elles se heurtent à d’importants obstacles à l’accumulation et à l’utilisation de leurs biens, en particulier de leur capital humain. Malgré les progrès appréciables réalisés dans les domaines de l’éducation et de la santé, les femmes sont toujours moins ins- truites que les hommes et ont plus de probabilité d’être analphabètes, tandis que la mortalité maternelle reste cinq fois plus élevée que la moyenne régionale. Outre les différences en termes de dotation en ressources au départ, les femmes en Haïti sont également confrontées à des obstacles supplémentaires pour entrer sur le marché du travail, car elles ont beaucoup moins de probabilité d’être employées et gagnent plus de 30% de moins que les hommes. Enfin, la violence fondée sur le sexe et la faible participation à la vie publique sont très répandues en Haïti, ce qui traduit le faible pouvoir d’action des femmes. 220 Banque mondiale - ONPES Cette analyse de l’évaluation de la pauvreté s’articule autour de l’importance de l’acquisition de biens et de la protection des populations pauvres et vulné- rables. Ce rapport se fonde sur de nouvelles données factuelles afin de présenter une analyse et des constats schématiques pour contribuer à un débat éclairé sur les défis et opportunités en matière de réduction de la pauvreté. Il est actuelle- ment crucial pour le pays de créer un environnement propice à la croissance et d’assurer la prospérité, mais pour que cette croissance soit stimulée et partagée avec les populations les plus défavorisées, il sera essentiel d’accumuler et de pro- téger leurs biens. Un meilleur accès à l’éducation, à la santé, ainsi qu’aux biens physiques et financiers améliore les possibilités de génération de revenus pour tous. Mais dans un contexte où les populations sont fortement exposées à des chocs globaux et idiosyncratiques, il sera essentiel de protéger l’accumulation de biens des pauvres en favorisant un meilleur accès à des filets de sécurité et à des services de protection sociale pour une meilleure gestion des risques. Enfin, le suivi régulier de la pauvreté et des conditions de vie est une dé- marche nécessaire afin de promouvoir une prise de décision efficace, fondée sur des données factuelles. Le manque de données statistiques solides au ni- veau national fut l’un des nombreux obstacles à la reconstruction et aux opéra- tions d’urgence après le séisme. Veiller à la mise en œuvre de la prochaine en- quête sur les ménages dans un délai raisonnable évitera que cette situation de pénurie d’information ne se reproduise à l’avenir. Un suivi régulier s’appuyant sur les solides données de base utilisées dans ce rapport contribuera à renforcer la conception et l’efficacité des mesures de lutte contre la pauvreté. Si la croissance économique globale demeure une condition préalable à la réduction de la pauvreté, les politiques devraient viser à renforcer les capa- cités des populations pauvres et vulnérables à accumuler des biens, à gé- nérer des revenus, et à protéger leurs moyens de subsistance des chocs. Il conviendra d’accorder une attention particulière aux groupes vulnérables tels que les femmes et les enfants ainsi qu’aux zones rurales. Les paragraphes suivants présentent les domaines d’action prioritaires pour les politiques émergents des diagnostics effectués dans les chapitres précédents. Ces domaines d’action fourniront une nouvelle plate-forme de dialogue pour le gouvernement et ses partenaires. Ce dialogue fondée sur des évidences empi- riques permettra aux différents acteurs de définir et prioriser les actions, et d’al- louer les ressources en conséquence. 221 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté 1. Moyens de subsistance en milieu urbain et rural Défis Les revenus ont stagné en milieu rural où sont concentrés 80% des personnes vivant dans l’extrême pauvreté. Cette stagnation de la pauvreté rurale est la ré- sultante d’une dépendance croissante sur le secteur agricole à faible rendement et sur la production destinée à une consommation familiale. Les moyens de subsis- tance des ménages ruraux sont fortement tributaires de l’agriculture: près de 80% des ménages exercent une activité agricole et pour la moitié des ménages, l’agri- culture est la seule activité économique pratiquée. Cependant, les rendements de l’agriculture sont bas et peu fiables, et cette activité s’apparente davantage à une stratégie de subsistance qu’à une entreprise dans un secteur économique produc- tif. Cette situation a donné lieu à un flux constant d’exode des zones rurales vers les zones urbaines. S’engager dans le secteur non agricole permet aux ménages ruraux de sortir de la pauvreté. Se lancer dans le secteur non agricole en milieu rural réduit de 10% la probabilité d’être pauvre en étant plus rentable. L’activité non agricole typique consiste à tenir avec une ou deux personnes, un magasin faisant du commerce de détail. Pourtant, les rendements de cette activité dépassent ceux qui proviennent de l’agriculture. Environ 40% des ménages non pauvres exercent une activité dans le secteur non agricole, un taux d’activité économique 1,5 fois plus élevé que celui que l’on enregistre chez les pauvres. Les zones urbaines sont mieux loties que les zones rurales, en raison des trans- ferts privés, des meilleures perspectives d’emploi non agricole, des moins grandes inégalités et d’un meilleur accès aux biens et services essentiels. Bien que les zones urbaines offrent de meilleures possibilités d’échapper à la pauvreté, l’accès aux services est limité par la surpopulation; le chômage touche 40% de la main-d’œuvre urbaine et 60% des actifs touchent une rémunération inférieure au salaire minimum. Dans ce contexte, les pauvres urbains doivent se rabattre sur l’emploi indépendant ou les entreprises de deux personnes pour pouvoir survivre. Près de 60% des pauvres sont concentrés dans ce type d’activité. La migration interne et internationale est une importante stratégie de subsis- tance pour les ménages ruraux et urbains. La mobilité physique des zones rurales vers les zones urbaines et d’Haïti vers les pays étrangers est une stratégie que les ménages adoptent fréquemment pour améliorer leur revenu du travail et accroître la rémunération de leur capital humain. 20% environ des Haïtiens ont migré à l’inté- rieur du pays, 10% vivent à l’étranger, et les transferts privés (nationaux et étrangers) représentent respectivement 13 et 20% du revenu des ménages dans les zones ru- rales et urbaines. 222 Banque mondiale - ONPES Orientations des politiques La croissance économique soutenue etant une condition préalable à la ré- duction de la pauvreté, les politiques devraient se concentrer aussi sur le ren- forcement de la capacité des pauvres à générer des revenus. Les déterminants microéconomiques sont également essentiels à la promotion d’opportunités économiques inclusives et contribuant à la réduction de la pauvreté. L’analyse en profondeur des conditions de vie dans ce rapport permet de dégager trois priori- tés pour les décideurs, comme suit: ŸŸ Dans les zones rurales ŸŸ Stimuler la productivité agricole par l’amélioration de l’accès aux intrants de base (engrais, pesticides, semences, main d’œuvre et chaines de dis- tribution) et aux marchés pour écouler les produits; la diversification des cultures et le développement des compétences et connaissances spéci- fiques au contexte agricole haïtien, ainsi que l’utilisation durable des res- sources naturelles. ŸŸ Faciliter l’emploi en dehors du secteur agricole comme un moyen de gé- nérer des revenus supplémentaires et gérer le risque par des interventions visant à améliorer la qualité de la main-d’œuvre rurale (par exemple, l’édu- cation de base ou la formation professionnelle adapté au contexte haïtien) et à générer des opportunités d’emploi (par exemple, des programmes vi- sant à encourager l’expansion des entreprises rurales ou le soutien à des institutions financières rurales). ŸŸ Dans les zones urbaines ŸŸ Investir dans la formation compétences: les travailleurs plus instruits sont beaucoup mieux lotis que les travailleurs non instruits. Mettre l’accent sur les connaissances entrepreneuriales pour améliorer la rentabilité du travail indépendant. ŸŸ Mettre à profit la migration internationale: les transferts privés jouent un rôle important dans la capacité des ménages à rester hors de la pauvreté. ŸŸ Au niveau national ŸŸ Investir dans l’infrastructure de base (y compris l’électricité, l’eau, et les routes) et instaurer un environnement des affaires plus favorable pour amé- liorer les performances des agriculteurs et des travailleurs indépendants. ŸŸ Accorder une attention particulière aux femmes et aux jeunes qui sont parti- culièrement défavorisés sur les marchés du travail, selon l’analyse effectuée. 223 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté 2. Accès à la santé et à l’éducation et qualité de ces services Défis La fréquentation des services de santé et d’éducation ainsi que les résultats sani- taires et éducatifs se sont améliorés en Haïti; toutefois, les indicateurs sont encore relativement bas, et les inégalités encore très fortes. Les taux d’alphabétisation des adultes et de scolarisation des enfants en âge scolaire sont beaucoup plus bas dans les ménages pauvres. Ce résultat peut s’expliquer par plusieurs facteurs. Un grand nombre d’enfants pauvres doivent travailler pendant leur scolarité, ce qui accroit la probabilité de décrochage ou d’être trop âgé pour le niveau d’étude. De même, les ménages pauvres consacrent beaucoup moins de moyens aux frais de scolarité, qui sont en lien avec la qualité du service et des infrastructures fournies par l’école. Les indicateurs de mortalité infantile et maternelle montrent une tendance similaire: la mortalité infantile et la malnutrition ainsi que la mortalité maternelle sont plus éle- vées chez les plus pauvres, ce qui suggère une plus faible utilisation des services de santé et un impact plus important des chocs de santé sur les ménages pauvres. Les résultats liés à la santé des femmes et à leur fréquentation des services de santé sont particulièrement alarmants. La charge financière et la précarité de l’offre de services freinent l’utilisation des services et les résultats éducatifs et sanitaires, en particulier dans les zones rurales. Les ménages consacrent en moyenne, 10% de leur budget à l’éducation et 3% à la santé.158 La maladie est considérée comme le choc le plus grave en termes économiques. Les faibles niveaux de dépenses de santé des ménages indiquent que les ménages ne peuvent pas se permettre de payer plus ou n’ont pas accès aux services de santé. Le coût est la principale raison évoquée pour expliquer que les enfants ne sont pas inscrits à l’école ou ne bénéficient pas de soins médicaux. La distance à un prestataire de services est la deuxième raison la plus importante évoquée par les ménages pour ne pas effectuer des consultations médicales. Au fur et à mesure que l’appui des bailleurs de fonds décline, l’incidence des dépenses catastrophiques est susceptible d’augmenter et l’utilisation des services est sus- ceptible de diminuer, ce qui aura un impact sur les résultats de santé. Orientations des politiques Les politiques devraient se pencher sur les moyens d’accroître la capacité d’ac- cumulation de capital humain des pauvres, compte tenu de son importance pour l’amélioration du bien-être. 158 Moyenne pour les ménages enregistrant des dépenses positives pour l’éducation et les soins de santé. 224 Banque mondiale - ONPES ŸŸ Éducation ŸŸ Soutenir et élargir l’accès à l’enseignement primaire. Pour parvenir à la scolarisation primaire universelle, les pouvoirs publics et leurs partenaires au développement devront donc mener plusieurs actions cruciales, dont: (a) élaborer et mettre en application un plan de financement à court ou à moyen terme de l’enseignement primaire pour élargir l’assiette disponible pour le secteur; (b) déterminer, en coordination avec les programmes de protection sociale, des plans stratégiques à moyen et à long terme pour la prestation de services par type de prestataire à tous les niveaux de l’éduca- tion, en commençant par le primaire. ŸŸ Améliorer l’apprentissage et la qualité de la prestation des services édu- catifs. Pour relever la qualité il faudra prendre plusieurs mesures cruciales, dont: (a) Renforcer la surveillance des autorités grâce à des mesures ciblées et bien appliquées et à la collecte systématique de données pour respon- sabiliser les écoles, et (b) régler les problèmes de l’éducation préscolaire afin de donner aux enfants une base solide pour le développement de leurs aptitudes. ŸŸ Soins de santé ŸŸ Augmenter la couverture, l’utilisation et la qualité des services de soins de santé en s’appuyant sur des modèles prometteurs de prestation de ser- vices. Les pouvoirs publics et leurs partenaires au développement devront donc privilégier les programmes ayant fait leurs preuves dans l’améliora- tion de l’utilisation des services de soins de santé, en particulier les soins de santé primaires, dont le financement est basé sur les résultats et la presta- tion de services en communauté. ŸŸ Mettre en place des mécanismes novateurs de coordination de l’action des bailleurs de fonds dans le secteur de la santé qui prennent en compte les priorités nationales. ŸŸ Dans les domaines de l’éducation et de la santé ŸŸ Mettre en place un système d’information comprenant un mécanisme uni- fié de ciblage des bénéficiaires. ŸŸ Réduire le fossé des connaissances et s’attaquer en particulier aux déter- minants de la faiblesse de la progression, de l’apprentissage ou de l’aban- don scolaire ainsi qu’à la problématique du manque de fréquentation et donc d’investissements dans les services de soins de santé. 225 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté 3. Gestion et protection contre les risques Défis La vulnérabilité est considérable en Haïti. Un million de personnes vivent légè- rement au-dessus du seuil de pauvreté et pourraient être poussées en dessous de ce seuil par un choc; près de 70% de la population est soit pauvre soit à risque de basculer dans la pauvreté. Un ménage haïtien type fait face à de nombreux chocs chaque année; 78% des ménages à Port-au-Prince, 89% des ménages dans les autres zones urbaines, et 94% des ménages ruraux ont subi au moins un choc. Les risques de catastrophe auxquels Haïti est exposé ont des conséquences plus importantes que dans d’autres pays non seulement en raison des difficul- tés sur le plan de la géologie, de la géographie et du développement du pays, mais aussi du fait des faiblesses institutionnelles, à commencer par la planifi- cation inadéquate et le défaut d’application de la réglementation. Les acquis du développement durement obtenus en Haïti sont souvent compromis par des phénomènes naturels défavorables. Face à la forte incidence des chocs idiosyncratiques ou covariés et le niveau élevé de vulnérabilité à ces chocs, les ménages pauvres et vulnérables ont un accès limité à l’aide des pouvoirs publics. Récemment, le gouvernement a réa- lisé des progrès significatifs afin étendre l’offre d’assistance sociale, dans le cadre du programme EDE PEP. Toutefois, des défis importants demeurent, notamment en ce qui concerne la réduction des écarts de couverture pour certains groupes de population, comme les jeunes enfants ou dans les régions aux plus hauts taux de pauvreté (Centre, Grand’Anse, Sud-Ouest). L’EDE PEP propose une approche du cycle de vie, mais semble omettre de mettre suffisamment l’accent sur la ​​ période de la petite enfance. Orientations politiques Compte tenu de la forte incidence des chocs, deux types d’interventions sont né- cessaires pour accroître la résilience: évaluer les besoins en matière de protection sociale et étendre la couverture parmi les populations pauvres et vulnérables; et intégrer systématiquement les activités de gestion des risques de catastrophe à toutes les stratégies de réduction de la pauvreté. ŸŸ Protection sociale ŸŸ Poser les bases d’un système de protection et de promotion sociales, à com- mencer par un système de ciblage et de suivi et évaluation. ŸŸ Augmenter la couverture des filets de sécurité, en particulier pour les mé- nages avec enfants, tout en assurant un ciblage efficace et l’amélioration de la qualité des programmes concernés, notamment ceux à même de renfor- cer la promotion du capital humain. 226 Banque mondiale - ONPES ŸŸ Poursuivre le renforcement des capacités et la coordination des efforts entre les ministères et les administrations et assurer la mise en œuvre ef- fective sur le terrain. ŸŸ Et enfin, aborder la question du financement prévisible, efficace et durable du nouveau système global de protection et de promotion sociale. ŸŸ Gestion des risques de catastrophes ŸŸ Améliorer l’identification et la compréhension des risques de catastrophe en Haïti, en quantifiant et en anticipant les impacts potentiels des catas- trophes naturelles, ainsi que des stratégies d’adaptation des ménages. ŸŸ Réduire les risques existants et éviter d’en créer de nouveaux en intégrant la sensibilisation aux risques dans les politiques et les investissements publics. Les informations sur les risques de catastrophe peuvent servir à orienter les investissements de façon à tenir compte des risques. La réno- vation des bâtiments cruciaux, la construction d’infrastructures de sécuri- té d’urgence et la reconstitution des écosystèmes naturels sont quelques exemples d’investissements pouvant servir à atténuer les catastrophes et qu’il est nécessaire de réaliser en Haïti. ŸŸ Améliorer la capacité à gérer les situations d’urgence liées aux catastrophes en renforçant les mécanismes institutionnels d’urgence et de préparation, y compris assurer une capacité pleinement fonctionnelle du Centre natio- nal des opérations d’urgence et mettre l’accent sur l’importance des cam- pagnes de sensibilisation/communication. ŸŸ Renforcer la résilience de l’État et des ménages en adoptant des stratégies de protection financière (par exemple en favorisant l’inclusion financière qui permette la mobilisation de l’épargne ou l’accès aux systèmes d’assurance). 227 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Annexe A. Indicateurs de la pauvreté, ventilés par département et lieu de résidence, 2012 Tableau A.1. Indicateur de pauvreté, ventilé par département et lieu de résidence, 2012 Nombre Taux numérique Écart de Écart de pauvreté Population Part de la Part des Localité total de de pauvreté pauvreté au carré totale population,% pauvres,% pauvres Artibonite Urbain 42 10 4 727,075 304,672 41 29 Rural 74 34 20 1,028,727 757,382 59 71 Total 60 24 13 1,755,802 1,062,054 100 100 Centre Urbain 47 13 6 141,101 65 818 19 12 Rural 81 39 22 620,060 500,360 81 88 Total 74 34 19 761 161 566,178 100 100 Grand’Anse Urbain 70 28 14 109 379 76,404 22 19 Rural 82 39 22 399 246 328,582 78 81 Total 80 36 21 508,625 404,986 100 100 Nippes Urbain 57 23 12 59,362 33,885 17 15 Rural 68 30 16 288,995 196,421 83 85 Total 66 29 15 348,357 230,306 100 100 Nord Urbain 51 17 8 488,244 249,168 46 34 Rural 84 44 27 567 997 477,084 54 66 Total 69 32 18 1 056 241 726,252 100 100 Nord-Est Urbain 73 31 17 192 579 140,707 47 43 Rural 85 49 32 215 994 183,474 53 57 Total 79 40 25 408 573 324,181 100 100 Nord-Ouest Urbain 65 29 16 189,278 122,305 25 20 Rural 87 44 26 574,227 502,319 75 80 Total 82 40 24 763,505 624,624 100 100 Ouest Urbain 33 9 4 3,041,085 1,009,360 79 67 Rural 61 27 15 808 732 496,000 21 33 Total 39 13 6 3,849,817 1,505,360 100 100 Sud Urbain 49 17 8 142,224 69,414 19 15 Rural 69 31 18 593,651 407,186 81 85 Total 65 29 16 735,875 476,600 100 100 Sud-Est Urbain 35 14 8 93,662 32,755 15 8 Rural 69 29 16 524,212 363,190 85 92 Total 64 27 14 617,874 395,945 100 100 228 Banque mondiale - ONPES Annexe B. Inégalité de revenus – Courbe de Lorenz Tableau B.1. Courbes de Lorenz – National, urbain et rural. 2012 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% (%) 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100 Courbe d'égalité parfaite Total Urban Rural Source: ECVMAS 2012, Calculs BM/ONPES. 229 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Annexe C. Comparaisons des taux de pauvreté Tableau C.1. Taux de pauvreté calculés à partir des différentes mesures de seuil de pauvreté et de bien-être, 2000-12 A. Consommation Type de seuil Convertisseur de PPA   Seuil   2000 2001 2012 Gourdes Extrême Non Annuelle 15,2240,03 NA NA 24 haïtiennes Gourdes Pauvreté Non Annuelle 29,909,87 NA NA 59 haïtiennes Extrême Oui: 2005 Jour 1.08 Dollars en PPA NA NA 19 Extrême Oui: 2005 Jour 1.25 Dollars en PPA NA NA 25 Modéré Oui: 2005 Jour 2 Dollars en PPA NA NA 47 Modéré Oui: 2005 Jour 2.5 Dollars en PPA NA NA 60 Gourdes Modéré Non Annuelle 5,638** 48 NA 45 haïtiennes Gourdes Extrême Non Annuelle 4,243** 31 NA 31 haïtiennes Modéré Oui: 2005 Jour 4 Dollars en PPA NA NA 82 Vulnérable Oui: 2005 Jour 10 Dollars en PPA NA NA 98 B. Agrégat de revenu officiel SEDLAC           Périodicité du Type de seuil Convertisseur de PPA Seuil Devise 2001 2012   seuil Extrême Oui: 2005 Jour 1.08 Dollars en PPA 53 NA   Extrême Oui: 2005 Jour 1.25 Dollars en PPA 75 NA   Modéré Oui: 2005 Jour 2 Dollars en PPA 81 NA   Modéré Oui: 2005 Jour 2.5 Dollars en PPA 81 NA   Modéré Oui: 2005 Jour 4 Dollars en PPA 89 NA   Vulnérable Oui: 2005 Jour 10 Dollars en PPA 97 NA   C. Agrégat de revenu officieux SEDLAC           Type de seuil Convertisseur de PPA   Seuil   2001 2012   Extrême Oui: 2005 Jour 1.08 Dollars en PPA 56 52   Extrême Oui: 2005 Jour 1.25 Dollars en PPA 61 57   Modéré Oui: 2005 Jour 2 Dollars en PPA 77 72   Modéré Oui: 2005 Jour 2.5 Dollars en PPA 82 78   Modéré Oui: 2005 Jour 4 Dollars en PPA 90 88   Vulnérable Oui: 2005 Jour 10 Dollars en PPA 98 97   230 Banque mondiale - ONPES D. SEDLAC officieux sans loyer imputé           Type de seuil Convertisseur de PPA   Seuil   2001 2012   Extrême Oui: 2005 Jour 1.08 Dollars en PPA 65 56   Extrême Oui: 2005 Jour 1.25 Dollars en PPA 69 61   Modéré Oui: 2005 Jour 2 Dollars en PPA 81 75   Modéré Oui: 2005 Jour 2.5 Dollars en PPA 85 80   Modéré Oui: 2005 Jour 4 Dollars en PPA 91 89   Vulnérable Oui: 2005 Jour 10 Dollars en PPA 98 97   E. Fafo               Type de seuil Convertisseur de PPA   Seuil   2001 2012   Gourdes Extrême Oui: 1993 Annuelle 2,757 56 NA haïtiennes Remarque: Les panels A et B ne comprennent pas le revenu relatif aux membres des ménages secondaires. Tous les agrégats se réfèrent à la valeur par habitant et comprennent la production destinée à la consommation familiale. Pour l’estimation de la taille des ménages, TOUS les membres (du ménage principal et secondaire) ont été inclus dès lors qu’ils correspondent à notre définition du membre de la famille. * Seuil 2012. ** Source Fafo. Seuils pour 2012: 23 912,044 et 17 995,531 pour la pauvreté et l’extrême pauvreté, respectivement. Lien vers la méthodologie de l’estimation du seuil de pauvreté en 2000: http://www.fafo.no/ais/other/haiti/poverty/PoveryLineForHaiti.pdf. 231 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Annexe D. Méthodologie de calcul de l’indice de pauvreté multidimensionnelle et de détermination des catégories de pauvres, 2012 Dimensions de l’indice de pauvreté multidimensionnelle 1. Score de diversité alimentaire des ménages (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture): Cet indicateur est basé sur l’Indice de diver- sité alimentaire défini sur une échelle de 0 à 12. On considère qu’un ménage est en situation de sécurité alimentaire si son score est supérieur à 8 (voir Swindale et Ohri-Vachaspati, 2005 ou Crush et al. 2012.) 2. Les enfants en âge scolaire ne sont pas tous inscrits à l’école: Le ménage n’est pas en situation de privation si tous les enfants en âge scolaire sont inscrits à l’école. 3. Chef de ménage ayant au moins 5 années de scolarité. 4. Accès à une source d’eau protégée (eau de boisson): Le ménage n’est pas en situation de privation s’il a accès à l’une des sources suivantes à a. Robinet privé/DINEPA b. Fontaine publique c. Puits artésien/Forage d. Puits protégé e. Source d’eau protégée f. Eau de pluie g. Kiosque (vendeur d’eau traitée) h. Eau traitée (camion, bouteille, sachet, bassin, gallon) 5. Matériaux précaires: Le ménage n’est pas en situation de privation si son loge- ment est construit dans l’un des matériaux non-précaires suivants: a. Murs: bois/planches, ciment/blocs, briques/roches b. Toit: ciment/béton, tôle c. Sol: ciment, bois/planches, mosaïques, céramique/terrazo, Marbre 232 Banque mondiale - ONPES 6. Source d’énergie durable: Le ménage n’est pas en situation de privation s’il a accès à l’une des sources d’énergie suivantes: a. électricité (compteur individuel ED’H, compteur collectif ED’H ou sans compteur) b. Générateur (Delco) c. Panneau solaire. 7. Assainissement amélioré: Le ménage n’est pas en situation de privation si son logement est équipé de l’un des types de lieu d’aisance suivants: a. Chasse d’eau (WC) b. Latrines individuelles/privées améliorées c. Latrines publiques/collectives améliorées Les deux dimensions de la pauvreté: 1. Pauvreté monétaire: Le ménage est dit « pauvre monétaire » si sa consomma- tion annuelle par tête est inférieure au seuil de pauvreté (29 909,87 gourdes) 2. Pauvreté non-monétaire: Le ménage est dit « pauvre non-monétaire » s’il est privé d’accès à 3 dimensions ou plus de l’indice multidimensionnel. Les catégories de la pauvreté: a. Chronique: pauvreté monétaire et non-monétaire b. Privation: pauvreté non-monétaire c. Temporaire: pauvreté monétaire d. Non-pauvre: Pas de pauvreté dans l’ensemble des dimensions 233 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Annexe E. Évolution des caractéristiques des ménages (pauvres et non pauvres) Tableau E.1. Caractéristiques des ménages pauvres, 2001 et 2012   2001 2012 Échelle Échelle Variable Urbain Rural Urbain Rural nationale nationale Taille du ménage 4.54 4.55 4.53 4.78 4.66 4.90 Urbain 41% 48% Dirigé par un homme 47% 41% 51% 57% 52% 62% Femme chef de famille 53% 59% 49% 43% 48% 38% Chef de famille sans instruction 55% 34% 69% 38% 20% 55% Chef de famille n’a pas achevé le cycle primaire 19% 21% 17% 22% 22% 22% Chef de famille a achevé le cycle primaire mais pas 11% 17% 8% 17% 22% 12% le cycle secondaire. Chef de famille a achevé le premier cycle secondaire 11% 19% 6% 16% 25% 8% mais pas le deuxième Chef de famille a achevé le deuxième cycle secondaire 4% 9% 1% 7% 11% 3% et des études tertiaires. Âge du chef de ménage 46.30 44.00 47.87 46.41 43.46 49.14 Chef de famille employé 63% 57% 67% 71% 65% 77% Chef de famille célibataire 6% 9% 3% 7% 9% 5% Chef de famille marié 34% 33% 35% 33% 31% 35% Chef de famille dans une union informelle/placé 36% 31% 40% 41% 39% 42% Chef de famille veuf(ve) 13% 12% 13% 10% 9% 12% Chef de famille divorcé 0% 1% 0% 0% 0% 0% Chef de famille séparé 10% 13% 8% 9% 12% 6% Indicateur des biens 19.33 30.94 11.41 23.70 36.35 12.04 Tous les enfants sont inscrits à l’école 78% 84% 74% 90% 93% 87% Chef de famille a cinq années de scolarité ou plus 27% 45% 16% 45% 64% 28% Logement équipé d’eau du robinet 7% 13% 3% 11% 18% 5% Logement équipé d’une source d’énergie durable 32% 62% 11% 36% 63% 11% Logement équipé de toilettes 37% 56% 24% 67% 89% 47% Logement construit en matériaux non dangereux 48% 71% 33% 60% 81% 41% Logement avec collecte des ordures 9% 19% 3% 12% 25% 0% Le ménage reçoit des transferts 52% 59% 46% 69% 73% 65% Nombre moyen d’enfants de 0-4 ans par ménage 0.75 0.69 0.80 0.76 0.68 0.85 Nombre moyen d’enfants de 5-14 ans par ménage 1.73 1.59 1.82 1.55 1.37 1.71 Nombre moyen d’adultes âgés de 15-65 ans par ménage 3.13 3.40 2.95 3.50 3.66 3.35 Nombre moyen d’adultes âgés de 65 ans ou plus par mé- 0.27 0.24 0.29 0.25 0.19 0.30 nage Ratio de dépendance démographique (15 -70 ans) 86% 76% 93% 76% 64% 87% Ratio de dépendance économique (actif) n.a n.a n.a 63% 60% 67% Sources: ECVH 2001; ECVMAS 2012; calculs de la Banque mondiale. 234 Banque mondiale - ONPES Annexe F. Corrélats de la pauvreté Tableau F.1. Régressions linéaires afin de déterminer les corrélats de la pauvreté, par lieu de résidence Modèle 1 Modèle 2 Variable dépendante: (1) (2) (3) (1) (2) (3) ln(dépenses CP /seuil de pauvreté Échelle Échelle Urbain Rural Urbain Rural nationale nationale Démographie Nombre d'enfants 00-04 -0.204*** -0.192*** -0.211*** -0.204*** -0.192*** -0.209*** (0.0110) (0.0147) (0.0165) (0.0110) (0.0147) (0.0166) Nombre d'enfants 5-14 -0.142*** -0.137*** -0.145*** -0.141*** -0.135*** -0.144*** (0.00716) (0.00973) (0.0106) (0.00718) (0.00977) (0.0107) Nombre d'adultes -0.0787*** -0.0823*** -0.0776*** -0.0783*** -0.0815*** -0.0779*** de 15-64 ans (0.00546) (0.00658) (0.00910) (0.00546) (0.00660) (0.00910) Nombre d'adultes -0.0538** -0.0285 -0.0610* -0.0529** -0.0303 -0.0580* de 65 ans et + (0.0233) (0.0322) (0.0343) (0.0233) (0.0322) (0.0344) Femme Chef de famille -0.0125 0.00814 -0.0627* 0.0469 -0.00278 0.0653 (0.0221) (0.0271) (0.0362) (0.0525) (0.0835) (0.0715) Age du chef de famille 0.0143*** 0.00499 0.0224*** 0.0135*** 0.00466 0.0214*** (0.00363) (0.00481) (0.00569) (0.00368) (0.00489) (0.00578) Age du chef de ménage -0.000126*** -2.22e-05 -0.000205*** -0.000120*** -1.97e-05 -0.000200*** au carré (3.61e-05) (4.98e-05) (5.47e-05) (3.63e-05) (5.03e-05) (5.50e-05) Ménages recevant des transferts privés (hors -0.0230 -0.0364* 0.00289 -0.0235 -0.0359* 0.00139 envois de fonds),% (0.0165) (0.0210) (0.0260) (0.0165) (0.0210) (0.0260) =1 si le ménage reçoit des 0.190*** 0.133*** 0.268*** 0.189*** 0.133*** 0.269*** envois de fonds (0.0187) (0.0218) (0.0325) (0.0187) (0.0218) (0.0326) Age du chef de ménage Cycle primaire non achevé 0.192*** 0.192*** 0.159*** 0.194*** 0.193*** 0.163*** (0.0226) (0.0321) (0.0332) (0.0226) (0.0321) (0.0332) Cycle primaire achevé & premier cycle secondaire 0.292*** 0.259*** 0.291*** 0.292*** 0.258*** 0.291*** non achevé (0.0263) (0.0331) (0.0431) (0.0263) (0.0332) (0.0432) Premier cycle secondaire achevé et 2ème cycle 0.362*** 0.307*** 0.414*** 0.363*** 0.309*** 0.411*** secondaire non achevé (0.0295) (0.0356) (0.0533) (0.0295) (0.0357) (0.0533) 235 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté 2ème cycle secondaire 0.619*** 0.584*** 0.626*** 0.615*** 0.587*** 0.604*** achevé et université (0.0441) (0.0484) (0.0978) (0.0442) (0.0486) (0.0982) Activité du chef de ménage Chômeur -0.260*** -0.311*** -0.152 -0.263*** -0.315*** -0.162 (0.0887) (0.102) (0.221) (0.0887) (0.102) (0.221) Inactif -0.337*** -0.348*** -0.259 -0.339*** -0.353*** -0.258 (0.0894) (0.106) (0.219) (0.0894) (0.106) (0.219) Situation socio-économi- que, du chef de famille Ouvrier qualifié -0.0958 -0.0563 -0.186 -0.102 -0.0650 -0.188 (0.0740) (0.0726) (0.192) (0.0741) (0.0727) (0.192) Ouvrier non qualifié -0.191** -0.164** -0.165 -0.192** -0.165** -0.179 (0.0790) (0.0784) (0.199) (0.0790) (0.0785) (0.200) Ouvrier -0.255*** -0.228*** -0.251 -0.257*** -0.233*** -0.245 (0.0824) (0.0837) (0.201) (0.0824) (0.0838) (0.202) Propriétaire 0.0505 0.137 0.0161 0.0484 0.132 0.0171 (0.0863) (0.0914) (0.200) (0.0863) (0.0914) (0.200) Travailleur indépendant -0.0326 -0.0469 -0.00576 -0.0354 -0.0541 -0.00533 (0.0867) (0.0912) (0.201) (0.0867) (0.0913) (0.201) Aide familiale -0.0171 -0.114 0.00750 -0.0254 -0.109 0.0129 (0.124) (0.230) (0.228) (0.124) (0.230) (0.229) Type d'activité du chef de famille Industrie, construction 0.174*** 0.163** 0.165** 0.173*** 0.164** 0.161* (0.0468) (0.0707) (0.0824) (0.0469) (0.0709) (0.0824) Commerce 0.155*** 0.102* 0.246*** 0.155*** 0.103* 0.255*** (0.0320) (0.0613) (0.0494) (0.0321) (0.0617) (0.0494) Transport 0.272*** 0.272*** 0.314** 0.267*** 0.272*** 0.316** (0.0609) (0.0797) (0.136) (0.0609) (0.0801) (0.136) Éducation/Santé -0.145** -0.194** -0.0837 -0.145** -0.190** -0.0813 (0.0611) (0.0802) (0.136) (0.0610) (0.0804) (0.136) Autres services 0.143*** 0.153** 0.0209 0.142*** 0.153** 0.0264 (0.0382) (0.0637) (0.0673) (0.0382) (0.0640) (0.0673) Type d'institution, chef de famille Grande entreprise privée 0.0672 0.0538 0.0576 0.0665 0.0516 0.0547 (0.0570) (0.0567) (0.139) (0.0570) (0.0567) (0.139) Petite entreprise formelle -0.0519 -0.159 0.139 -0.0440 -0.150 0.135 (0.0970) (0.103) (0.202) (0.0970) (0.103) (0.202) Petite entreprise informelle -0.256*** -0.297*** -0.154 -0.257*** -0.298*** -0.159 (0.0672) (0.0706) (0.147) (0.0672) (0.0706) (0.147) 236 Banque mondiale - ONPES Association, ONG -0.0524 -0.0487 0.0114 -0.0532 -0.0456 0.00703 (0.0722) (0.0754) (0.160) (0.0722) (0.0754) (0.160) Ménage -0.186*** -0.233*** -0.0893 -0.191*** -0.236*** -0.0966 (0.0713) (0.0726) (0.163) (0.0713) (0.0727) (0.163) Situation conjugale, chef de famille Placé -0.0574*** -0.00602 -0.0828** -0.0643** -0.00832 -0.0797** (0.0219) (0.0298) (0.0329) (0.0260) (0.0360) (0.0380) Concubin -0.000993 0.0195 -0.00587 0.0959 0.102 0.121 (0.0417) (0.0498) (0.0713) (0.0587) (0.0697) (0.101) Célibataire -0.0493 -0.0382 -0.0419 -0.0791 -0.0430 -0.0585 (0.0406) (0.0497) (0.0669) (0.0528) (0.0668) (0.0836) Divorcé 0.456*** 0.430*** 0.302 0.822*** 0.783*** 0.153 (0.155) (0.140) (0.984) (0.223) (0.198) (0.986) Séparé après mariage -0.142** -0.160** -0.0837 -0.114 -0.0878 -0.0784 (0.0627) (0.0736) (0.107) (0.0961) (0.123) (0.150) Séparé après plaçage -0.0834** -0.131*** 0.0182 -0.132* -0.110 -0.0866 (0.0395) (0.0468) (0.0679) (0.0735) (0.101) (0.109) Veuf/Veuve -0.107*** -0.112** -0.0742 -0.161*** -0.0893 -0.185** (0.0382) (0.0495) (0.0596) (0.0567) (0.0865) (0.0809) Données démographiques du conjoint Conjoint vivant -0.164 -0.319** 0.0552 -0.190 -0.313* 0.00535 dans le ménage (0.121) (0.162) (0.183) (0.123) (0.166) (0.186) Âge du conjoint 0.00728 0.00526 0.00479 0.00763 0.00489 0.00600 (0.00482) (0.00678) (0.00711) (0.00489) (0.00691) (0.00720) Âge du conjoint au carré -6.47e-05 -6.24e-06 -6.11e-05 -6.61e-05 -2.24e-06 -6.83e-05 (5.11e-05) (7.50e-05) (7.36e-05) (5.15e-05) (7.57e-05) (7.41e-05) Niveau d'études du conjoint Primaire non achevé 0.108*** 0.0977** 0.105** 0.107*** 0.0939** 0.106** (0.0302) (0.0457) (0.0428) (0.0302) (0.0457) (0.0429) Cycle primaire achevé et premier cycle secondaire 0.174*** 0.231*** 0.148*** 0.175*** 0.225*** 0.153*** non achevé (0.0346) (0.0473) (0.0543) (0.0347) (0.0476) (0.0545) Premier cycle secondaire achevé et 2ème cycle 0.197*** 0.229*** 0.243*** 0.198*** 0.221*** 0.251*** secondaire non achevé (0.0380) (0.0479) (0.0767) (0.0384) (0.0488) (0.0769) 2ème cycle secondaire 0.484*** 0.551*** 0.518*** 0.485*** 0.540*** 0.526*** achevé et université (0.0585) (0.0645) (0.150) (0.0588) (0.0651) (0.150) 237 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Activité du conjoint Chômeur -0.161*** -0.113 -0.168 -0.159*** -0.110 -0.156 (0.0600) (0.0723) (0.109) (0.0600) (0.0724) (0.109) Inactif -0.131*** -0.0796 -0.176** -0.128*** -0.0704 -0.187** (0.0488) (0.0648) (0.0732) (0.0492) (0.0652) (0.0745) Situation conjugale, chef de famille* femme Marié * Femme -0.0738 0.0383 -0.163* (0.0630) (0.0939) (0.0906) Placé * Femme -0.0497 0.0345 -0.162* (0.0616) (0.0925) (0.0889) En union libre * Femme -0.241*** -0.107 -0.386*** (0.0857) (0.114) (0.140) Célibataire * Femme -0.0280 0.0377 -0.151 (0.0723) (0.101) (0.117) Divorcé * Femme -0.770** -0.661** (0.308) (0.282) Séparé après mariage * -0.122 -0.0764 -0.176 Femme (0.126) (0.162) (0.205) Séparé après plaçage * -0.0151 0.000657 -0.0141 Femme (0.0881) (0.127) (0.131) Veuf/Veuve * Femme 0 0 0 (0) (0) (0) Investissement Terres cultivées 0.00149** -0.00207 0.00216** 0.00153** -0.00202 0.00234*** (0.000737) (0.00300) (0.000888) (0.000739) (0.00300) (0.000894) Terres cultivées au carré 8.27e-07 2.58e-06 -8.85e-07 6.17e-07 2.81e-06 -1.28e-06 (2.60e-06) (2.54e-05) (3.01e-06) (2.60e-06) (2.54e-05) (3.02e-06) Lieu de résidence Rural -0.234*** -0.233*** (0.0211) (0.0211) Département Centre -0.0943*** -0.0400 -0.106** -0.0956*** -0.0431 -0.108** (0.0360) (0.0659) (0.0470) (0.0360) (0.0659) (0.0471) Grand'Anse -0.158*** -0.267*** -0.123** -0.157*** -0.263*** -0.128** (0.0437) (0.0777) (0.0570) (0.0437) (0.0786) (0.0570) Nippes -0.0537 -0.313*** -0.0148 -0.0571 -0.319*** -0.0211 (0.0469) (0.0947) (0.0594) (0.0469) (0.0953) (0.0594) Nord -0.147*** -0.160*** -0.177*** -0.151*** -0.163*** -0.181*** (0.0327) (0.0433) (0.0500) (0.0328) (0.0435) (0.0500) Nord-Est -0.333*** -0.370*** -0.323*** -0.333*** -0.371*** -0.319*** (0.0469) (0.0609) (0.0718) (0.0469) (0.0610) (0.0719) 238 Banque mondiale - ONPES Nord-Ouest -0.283*** -0.315*** -0.260*** -0.283*** -0.317*** -0.257*** (0.0374) (0.0605) (0.0509) (0.0374) (0.0606) (0.0509) Ouest 0.0495** -0.0113 0.105** 0.0476* -0.0116 0.105** (0.0246) (0.0309) (0.0429) (0.0247) (0.0310) (0.0430) Sud -0.0536 -0.144** -0.0379 -0.0579 -0.145** -0.0441 (0.0360) (0.0642) (0.0475) (0.0361) (0.0642) (0.0477) Sud-Est -0.0331 -0.209*** 0.0178 -0.0343 -0.214*** 0.0177 (0.0380) (0.0788) (0.0486) (0.0380) (0.0788) (0.0485) Constant 0.281** 0.625*** -0.305 0.321** 0.628*** -0.247 (0.137) (0.168) (0.273) (0.139) (0.172) (0.276) Statistiques Observations 4 928 2 651 2 277 4 928 2 651 2 277 R-carré 0.506 0.469 0.412 0.508 0.471 0.414 Remarque: Les erreurs-types sont indiquées entre parenthèses, *** p<0,01. *** p<0,05. *** p<0,1. 239 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Annexe G. Déterminants de la pauvreté et de la sécurité alimentaire Tableau G.1. Déterminants de la pauvreté et de la sécurité alimentaire Ménages ruraux Ménages agricoles Variable dépendante: Sécurité Sécurité Non pauvres Non pauvres alimentaire alimentaire Activité non agricole Entreprise non agricole 0.119*** 0.584*** 0.0995*** 0,0710** (0.0242) (0.112) (0.0276) (0.0304) Salaire non agricole 0.000438 -0.214 -0.00638 -0.0674 (0.0296) (0.154) (0.0361) (0.0552) Activité agricole Valeur de la récolte. par -0.00125 -0.0199 -0.000935 -0.00344 hectare (0.00473) (0.0239) (0.00433) (0.00608) Possession de terres -0.0294 -0.295 -0.0150 -0.0711* (0.0369) (0.189) (0.0322) (0.0419) Élevage 0.0291 0.484*** 0.0225 0.115*** (0.0272) (0.130) (0.0208) (0.0323) Part de la valeur des ventes/ 0.0466 0.467** 0.0271 0.0954* valeur de la production totale (0.0467) (0.232) (0.0369) (0.0528) Nombre de cultures exploi- 0.0125* 0.0896** 0.0101* 0.0202** tées (0.00692) (0.0356) (0.00549) (0.00812) Cultures de rente 0.0252 0.177 0.0205 0.0349 (0.0284) (0.138) (0.0215) (0.0313) Autres revenus Envois de fonds en prove- -0.00346 0.110 0.0189 0.0562* nance de Haïti (0.0220) (0.116) (0.0228) (0.0317) Envois de fonds en prove- 0.0904*** 0.105 0.0493 0.0179 nance de l’étranger (0.0292) (0.136) (0.0306) (0.0393) Retraites et autres presta- -0.109 0.659 -0.121*** 0.0328 tions sociales (0.105) (0.960) (0.0453) (0.0864) Immobilier 0.0405 0.217 0.0157 0.0797 (0.0615) (0.333) (0.0548) (0.0562) Autres 0.0617 0.279 0.0504 -0.0149 (0.0469) (0.225) (0.0471) (0.0316) 240 Banque mondiale - ONPES Chef de ménage Femme 0.00303 -0.0486 -0.0263 -0.0149 (0.0225) (0.115) (0.0208) (0.0316) Âge 0.0105*** 0.0200 0.00639 0.00138 (0.00365) (0.0192) (0.00403) (0.00592) Age au carré −9.23e−05*** -0.000248 −5.43e-05 −1.89e-05 (3) 477-05 (0.000181) (3.78e-05) (5.55e-05) Années de scolarité 0.0127*** 0.0764*** 0.0109*** 0.0150*** (0.00303) (0.0180) (0.00324) (0.00552) Relation engagée -0.0304 -0.0489 -0.0309 0.0392 (0.0232) (0.118) (0.0241) (0.0340) Composition du ménage Hommes en âge de travailler, -0.0758*** -0.0597 -0.0480*** -0.0166 nombre (0.0104) (0.0479) (0.00985) (0.0129) Femmes en âge de travailler, -0.0707*** 0.143** -0.0601*** 0.0233 nombre (0.0118) (0.0558) (0.0115) (0.0152) Personnes à charge. nombre -0.0872*** 0.0919*** -0.0626*** 0.0203** (0.00687) (0.0308) (0.00650) (0.00811) Indice de richesse basé 0.0124*** 0.0541*** 0.0107*** 0.0156*** sur les biens (0.00132) (0.00766) (0.00166) (0.00312) Observations 2 261 1 505 Remarque: Le tableau montre les régressions logit avec les effets fixes de département. La variable de contrôle pour les effets fixes de département n’est pas présentée; les effets marginaux sont indiqués avec les erreurs-types entre parenthèses. *** p<0,01, ** p<0,05, * p<0,1 241 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Annexe H. Définition des concepts liés au marché du travail Population en âge de travailler: Population de 15 ans ou plus. Bien que les ques- tions liées au travail soient posées à tous les membres du ménage de plus de 10 ans, dans le contexte urbain, il a été jugé plus indiqué de fixer la barre à 15 ans, pour éviter notamment d’inclure dans les données sur l’emploi des indicateurs liés au travail des enfants. Le Code du Travail d’Haïti (article 335) fixe l’âge minimum du travail à 15 ans dans tous les secteurs à l’exception des enfants qui travaillent comme domestiques. Le Code du travail (article 341) fixe à 12 ans l’âge minimum pour le travail domestique. Tous les enfants de 15 à 18 ans qui travaillent doivent être enregistrés auprès du ministère des Affaires sociales. Le Code du travail interdit aux mineurs de travailler dans des conditions dangereuses et interdit aux enfants de moins de 18 ans le travail de nuit dans des sociétés industrielles. Personnes employées ou occupées: Il s’agit de personnes de la population en âge de travailler ayant travaillé ne serait-ce qu’une heure au cours de la semaine pré- cédent l’enquête et de personnes qui n’ont pas travaillé cette semaine mais sont pourvues d’un emploi qui reprendra dans moins d’un mois. Chômeur: ŸŸ Définition de l’Organisation internationale du Travail (OIT): Un chômeur est une personne de la population en âge de travailler qui n’a pas d’emploi et qui en recherche un et qui est immédiatement disponible pour travailler si on lui offrait un emploi. ŸŸ Définition au sens large: Englobe tous les chômeurs au sens du BIT, plus les personnes qui ne cherchent pas activement un emploi, soit parce qu’elles sont découragées de chercher un emploi et de ne pas en trouver un, sont en attente d’une réponse à une demande d’emploi, ou sont retraités ou malades, mais sont disponibles pour travailler immédiatement si on leur offrait un emploi. Population active (ou main d’œuvre): Regroupe la population active occupée et les chômeurs. Taux d’activité (ou Taux d’activité économique): Pourcentage de la population en âge de travailler qui fait partie de la population active. Taux d’emploi: Pourcentage de personnes ayant un emploi dans la population en âge de travailler Taux de chômage: Pourcentage de chômeurs dans la population active (définition du chômage au sens du BIT et au sens large). 242 Banque mondiale - ONPES Sous-emploi: ŸŸ Sous-emploi lié à la duré du travail: Personnes actives occupées qui travail- lent moins de 35 heures par semaine, aimeraient travailler davantage et sont disposées et disponibles pour le faire si on leur faisait une offre d’emploi. ŸŸ Sous-emploi invisible: Sous-emploi invisible: tous les actifs qui touchent une rémunération inférieure au montant minimum que devrait toucher un salarié. (en l’occurrence 250 G par jour = 7 500 G par mois - le salaire minimum avant octobre 2012). Taux de sous-emploi invisible: Pourcentage de personnes en situation de sous-emploi invisible dans la population active occupée. Taux de sous-emploi lié au temps de travail: Pourcentage de personnes en si- tuation de sous-emploi lié au temps de travail dans la population active occupée. Secteur informel: Entreprises non constituées en société (entreprises familiales) qui ne sont pas enregistrées ou ne tiennent pas de comptes formels - hors secteur primaire (agriculture). Emploi informel: Tous les travailleurs non rémunérés de la famille, les travailleurs indépendants dans le secteur informel, et tous les employés sans contrats écrits et ne bénéficiant pas de protection sociale - hors secteur primaire (agriculture). Ratio de dépendance démographique: Rapport entre le nombre de personnes dépendantes au plan démographique (population de moins de 15 ans ou de plus de 70 ans) et le nombre de personnes indépendantes au plan démographique (population entre 15 et 70 ans). Ratio de dépendance économique: Rapport entre le nombre de personnes éco- nomiquement dépendantes (population économiquement inactive entre 15 et 70 ans) et le nombre de personnes économiquement indépendantes (population de 15 à 70 ans). Nombre d’enfants de moins de 15 ans dans un ménage donné; variable à utiliser comme variable de contrôle dans l’analyse liée à la participation des femmes au marché du travail. Travail décent: Le BIT définit le travail décent comme l’expression des aspira- tions des personnes dans leur vie professionnelle. Il s’agit de possibilités de travail lucratif et convenablement rémunéré, la sécurité en milieu professionnel et la protection sociale pour les familles, de meilleures perspectives de développe- ment personnel et d’intégration sociale, la liberté pour les personnes d’exprimer leurs préoccupations, de s’organiser et de participer aux décisions qui affectent leur vie et l’égalité des chances et de traitement pour tous, (hommes et femmes). 243 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Annexe I. Déterminants des revenus du travail, du chômage, du sous-emploi, et du secteur informel dans les zones urbaines Tableau I.1. Facteurs déterminants du revenu du travail, du chômage, du sous-emploi et du secteur informel dans les zones urbaines en Haïti Log du salaire Chômeur Sous-emploi invisible: Emploi informel horaire Variables indépendantes OLS OLS Probit OLS Probit OLS Probit (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) Sexe = femme −0.318*** 0.175*** 0.493*** 0.0635** 0.170** 0.0618** 0.311*** (0.0290) (0.0253) (0.0740) (0.0265) (0.0709) (0.0217) (0.0942) Âge 15-24 −0.110 0.0360 0.0707 0.132** 0.379** 0.0513** 0.236** (0.0737) (0.0782) (0.206) (0.0486) (0.169) (0.0179) (0.103) Plus de 55 ans −0.159 0.132*** 0.378*** 0.0297 0.0440 −0.00823 −0.00720 (0.123) (0.0314) (0.0970) (0.0395) (0.122) (0.0147) (0.0850) Cycle primaire achevé mais pas 0.279*** −0.00666 −0.0344 −0.0616*** −0.172*** −0.0445** −0.287*** le premier cycle secondaire (0.0470) (0.0137) (0.0375) (0.0179) (0.0514) (0.0168) (0.0956) Premier cycle secondaire ache- vé. mais pas le 0.465*** −0.0669*** −0.202*** −0.137*** −0.376*** −0.113*** −0.548*** deuxième cycle secondaire (0.0533) (0.0118) (0.0321) (0.0166) (0.0475) (0.0148) (0.105) Second cycle du secondaire 1.250*** −0.153*** −0.448*** −0.313*** −0.848*** −0.374*** −1.252*** achevé ou niveau universitaire (0.139) (0.0159) (0.0444) (0.0261) (0.0747) (0.0593) (0.135) Expérience 0.0289*** −0.0154*** −0.0434*** −0.00771*** −0.0262*** −0.00254** −0.00935 (0.00705) (0.00302) (0.00842) (0.000981) (0.00356) (0.00110) (0.00699) Expérience2 −0.000362*** 9.78e−05** 0.000271*** 0.000101*** 0.000373*** 1.80e−05 6.35e−05 (0.000102) (3.79e−05) (0.000104) (1.48e−05) (7.81e−05) (1.53e−05) (0.000132) Contrôles Taille du ménage Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Nombre d’en- Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui fants 244 Banque mondiale - ONPES Région Oui Oui Oui Oui Oui Oui Oui Secteur d’activité Oui Non Non Oui Oui Oui Oui Constant 1.949*** 0.526*** 0.0953 0.931*** 1.285*** 0.186*** −1.009*** (0.106) (0.0358) (0.0945) (0.0413) (0.146) (0.0512) (0.260) Observations 2 841 5 242 5 242 3 141 3 141 3 141 3 141 R-carré 0.177 0.109 0.121 0.393 Source: ECVMAS 2012; calculs de la Banque mondiale. Remarque: La population économiquement active ne comprend que les individus de plus de 15 ans. La définition de l’emploi informel regroupe tous les travailleurs de la famille qui aident, tous les travailleurs indépendants du secteur informel, et tous les actifs sans contrat écrit et sans protection sociale. Le sous-emploi invisible désigne tous les salariés qui touchent un revenu inférieur au salaire minimum - établi à 250 gourdes par jour = 7500 gourdes par mois. L’indicateur de l’expérience sur le marché du travail est égal à l’âge de l’individu moins l’âge supposé au dernier niveau de scolarité, moins 5. Variables de référence: âge = groupe d’individus entre 25 et -55 ans; niveau d’études = pas d’études et cycle primaire inachevé. Les erreurs-types sont indiquées entre parenthèses, MCO = moindres carrés ordinaires. *** p <0,01 ** p <0,05 * p <0,1 245 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Annexe J. Équation de salaire de Mincer et décomposition d’Oaxaca-Blinder: une précision méthodologique Équation de salaire de Mincer L´équation de salaire de Mincer est une équation nommé d’après Jacob Mincer (1958) qui explique la corrélation entre les revenus du travail et les niveaux de for- mation et d’expérience professionnelle. Cette équation prend la forme suivante: lny=c+αEDU+βEXP+ϴEXP2+γX+ε I.1 Où représente le logarithme naturel du revenu du travail, en l’occurrence ici le re- venu du travail horaire, représente le niveau d’études, le nombre d’années d’ex- périence professionnelle et sa valeur au carré. Nous pouvons également inclure d’autres caractéristiques individuelles du côté droit de l’équation afin d’obtenir des estimations plus précises de la valeur des corrélations, représentées par la valeur de leurs coefficients dans l’équation. Ces caractéristiques individuelles sont repré- sentées par et peuvent inclure des variables telles que le sexe, l’âge, le secteur d’activité, entre autres. Nous avons utilisé les informations de l’ECVMAS 2012 afin d’exécuter l’équation de Mincer et de trouver les principaux déterminants du revenu du travail dans les zo- nes urbaines en Haïti. Le résultat confirme l’existence d’un fossé entre les sexes en termes de revenu horaire, même après avoir neutralisé l’effet des caractéristiques individuelles. En particulier, les femmes qui partagent les mêmes caractéristiques individuelles que les hommes (telles que le niveau d’études, l’expérience, l’âge, la situation géographique, la taille du ménage, le nombre de jeunes enfants dans le ménage et le secteur d’activité professionnelle) gagnent en moyenne 32% de moins que les hommes. Le Tableau M montre aussi que le groupe de travailleurs le plus jeune gagne en moyenne environ 14% de moins que les travailleurs du groupe d’âge moyen (c.-à-dire les travailleurs âgés de 25 à 54 ans, qui constituent le groupe de référence), toutes choses étant égales par ailleurs. L’éducation joue également un rôle important dans la détermination de la rémuné- ration du travail. Toutes les variables d’éducation sont importantes pour l’ensemble des spécifications (non présentées) et l’ordre de grandeur de leurs coefficients est conforme à ce que l’on peut attendre. Un niveau d’études plus élevé est corrélé par exemple à un revenu du travail plus élevé. Toutes choses étant égales par ail- leurs, tout individu qui a achevé le cycle d’enseignement primaire devrait gagner en moyenne 26% de plus que celui qui n’a aucun niveau d’instruction. Conformément à ces résultats, les personnes ayant achevé le premier ou le deuxième cycle d’en- seignement secondaire, ou des études de niveau universitaire pourraient gagner en moyenne 43 et 119% de plus qu’un individu qui n’a aucun niveau de scolarité. 246 Banque mondiale - ONPES L’expérience professionnelle a un influence positive mais concave sur le revenu du travail. En effet, chaque année supplémentaire d’expérience accroît le revenu du travail mais dans une moindre mesure que la précédente année supplémen- taire d’expérience. Étant donné que la relation entre le revenu du travail et de l’expérience professionnelle n’est pas forcément linéaire, nous incluons le carré du niveau d’expérience dans l’équation et nous devons donc prendre en considé- ration son coefficient dans le calcul de l’effet marginal de l’expérience profession- nelle sur le revenu horaire du travail. Après cela, toutes autres choses étant égales par ailleurs, toute année supplémentaire d’expérience professionnelle est associé à une augmentation de 2.65% du revenu horaire 159. Tableau J.1. Résultats de l’équation de Mincer - zones urbaines - Haïti Variable dépendante: Logarithme du revenu horaire du travail Variables indépendantes Coefficient Femme −0.320*** (0.0332) Âge 15-24 −0.139* (0.0702) Plus de 55 ans −0.160 (0.125) Cycle primaire achevé 0.263*** (0.0342) Premier cycle du secondaire achevé 0.430*** (0.0392) Second cycle du secondaire achevé 1.192*** ou niveau universitaire (0.138) Expérience professionnelle 0.0268*** (0.00613) Expérience professionnelle au carré −0.000331*** (8.86e−05) Contrôles Oui Constant 2.014*** (0.0763) Observations 2 869 R-carré 0.169 Source: ECVMAS 2012. Remarque: Les variables de contrôle sont le nombre d’enfants (de moins de 15 ans) dans le ménage, la taille du ménage, une variable nominale qui indique si le ménage vit ou non à Port-au-Prince et le secteur d’activité. Variables de référence: âge: entre 25 et 55 ans; niveau d’études = pas d’études et cycle primaire inachevé. 159 L’effet marginal de l’expérience professionnelle sur le revenu horaire du travail s’obtient par la dérivée de sur, ce qui, compte tenu des coefficients est égal à 0,0268-*0,000331. Pour analyser l’effet d’une année supplémentaire d’expérience professionnelle nous remplaçons par 1, ce qui nous donne 0,0265. 247 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Décomposition d’Oaxaca-Blinder Nous appliquons la décomposition d’Oaxaca-Blinder afin d’examiner de plus près l’écart de revenu horaire entre les hommes et les femmes dans les zones urbaines en Haïti. Le tableau I.2, montre que le revenu horaire des femmes équivaut à envi- ron 87% celui des hommes. Au total, l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes est d’environ 0.46 gourdes par heure ouvrée. Cet écart de salaire peut s’expliquer dans une certaine mesure par les différences de caractéristiques indivi- duelles entre hommes et femmes. Par exemple, si les hommes sont en moyenne plus instruits que les femmes, en toute logique ils touchent un revenu horaire que les femmes. Cependant, si l’on fait abstraction de ces caractéristiques, les revenus salariaux des hommes et des femmes devraient être identiques s’il n’existait au- cune discrimination entre les sexes. La décomposition d’Oaxaca Blinder permet de déterminer la proportion de l’écart salarial entre les sexes qui s’explique par des caractéristiques observables et celle qui s’explique par des caractéristiques non observables. Table J.2. Revenu horaire moyen du travail - Haïti Urbain Hommes Femmes Ëcart 3.46 3.00 0.46 Nous avons calculé la décomposition d’Oaxaca-Blinder à l’aide de trois spécifica- tions différentes. La première spécification comprend l’âge et le niveau d’études comme caractéristiques individuelles susceptibles d’expliquer l’écart salarial entre les sexes; la deuxième spécification inclut les mêmes caractéristiques observables que la première, plus le nombre d’enfants dans le ménage; tandis que la troisième spécification inclut ceux qui figurent dans la seconde spécification plus des varia- bles fictives pour le secteur d’activité. Les résultats sont résumés dans au tableau I.3 et à la figure I.1. La première et la deuxième spécification suggèrent que les différences dans les caractéristiques observables (ou potentiel humain) expliquent environ 32% de l’écart salarial entre les sexes, tandis que les 68% restants demeurent inexpliqués. Le secteur d’activité (troisième spécification) explique un peu mieux l’écart salarial entre les sexes. En se fondant sur la troisième spécification, des caractéristiques telles que l’âge, le niveau d’études, le nombre d’enfants dans le ménage et le secteur d’activité ex- pliquent pratiquement 36% de l’écart salarial entre les sexes, mais les 64 autres% restent inexpliqués. 248 Banque mondiale - ONPES Table J.3. Écarts de rémunération entre les sexes - Décomposition d’Oaxaca-Blinder - Haïti Urbain (1) = Âge et niveau d’études b. = a + nombre d’enfants dans le ménage c. = b + secteur d’activité Expliqué 0.14 0.14 0.16 Inexpliqué 0.32 0.32 0.30 Total 0.46 0.46 0.46 Figure J.1. Décomposition d’Oaxaca-Blinder pour différentes spécifications, zones urbaines d’Haïti (3) = (2) + Secteur d'activité 35.71% 64.29% (2) = (1) + número d'énfants 31.67% 68.33% dans le ménage (1) = Age et niveau d'éducation 31.42% 68.58% Expliqué 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% 0% Inexpliqué L’une des précautions importantes à noter dans ces résultats est qu’ils pourraient inclure d’une part un biais de sélectivité dans le sens où l’écart entre les sexes n’est mesuré que pour les personnes qui travaillent et donc sélectionnées sur le marché du travail, et d’autre part une forte probabilité d’auto-sélection dans des secteurs d’activité particuliers. L’amplitude de l’écart salarial entre les sexes inex- pliquée par des caractéristiques observables semble confirmer la persistance de la discrimination entre les sexes sur le marché du travail. En outre, la fraction de l’écart salarial entre les sexes expliquée par des caracté- ristiques observables dans les zones urbaines d’Haïti est plus élevée que dans les pays africains et les pays LAC, ce qui témoigne de l’urgence à s’attaquer à cette dimension particulière. Selon Nopo (2012), la proportion de l’écart salarial entre les sexes attribuée à des disparités entre les hommes et les femmes inexplicables par des caractéristiques observables dans les pays LAC est en moyenne de 18% (autour de 2007). Ce résultat varie énormément d’un pays LAC à l’autre, le Nica- ragua enregistrant le taux le plus élevé à 28% et la Colombie le taux le plus bas à 7.3%, sans qu’aucun ne soit supérieur cependant à celui de Haïti urbain. (2013) 249 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté montrent qu’en 2001/2002 dans 7 grandes villes de pays africains francophones, ces chiffres oscillaient entre 40 à 67%, ce qui se rapproche un peu plus de la situa- tion urbaine en Haïti en 2012. À titre d’exemple, la proportion inexpliquée de l’écart entre les sexes à Lomé (Togo) est d’environ 45%, après neutralisation des variables sectorielles fictives, tandis qu’elle est de 67% à Ouagadougou (Burkina Faso). 250 Banque mondiale - ONPES Annexe K. Corrélats de la scolarisation et des progrès scolaires Tableau K.1. Corrélats des inscriptions et des progrès scolaires Effet marginal Variable dépendante: Variable âgé d’au moins deux ans de plus Variable dépendante: que l’âge normal pour le niveau actuellement scolarisé de scolarité actuel Âge 0.194 0.035*** (0.196) (0.012) Âge au carré −0.004 −0.002*** (0.008) (0.001) Sexe (1 = homme) 0.079*** −0.004 (0.028) (0.008) Âge du chef de ménage −0.206*** 0.026* (0.045) (0.014) Handicapés 0.231 −0.499*** (0.167) (0.109) Nombre total d’enfants 0.052*** 0 dans le ménage âgés de 0 à 18 (0.013) (0.004) Consommation annuelle des ménages −0.0030*** 0.002*** par habitant. par 1000 G (0.001) (0.001) Chef de ménage a été scolarisé, mais −0.084** −0.011 n’a pas terminé le cycle primaire (0.039) (0.013) Chef de ménage a achevé −0.234*** 0.038*** le cycle primaire (0.042) (0.013) Chef de ménage a achevé le premier −0.285*** 0.050*** cycle secondaire ou plus (0.045) (0.010) Zone urbaine de résidence −0.192*** 0.020* (0.036) (0.012) Artibonite −0.175** 0.047*** (0.074) (0.012) Centre −0.057 0.009 (0.078) (0.018) Grand’Anse 0.034 0.025* (0.077) (0.014) Nippes −0.105 0.059*** (0.078) (0.007) 251 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Nord −0.084 0.022 (0.074) (0.014) Nord-Ouest −0.254*** 0.015 (0.070) (0.021) Ouest −0.115* 0.031** (0.066) (0.015) Sud −0.164** 0.02 (0.081) (0.016) Sud-Est −0.04 0.047*** (0.082) (0.012) Valeur moyenne de la variable 0.5165 0.9065 dépendante Observations 2 380 4 939 Remarque: La régression est calculée pour les enfants de 10 à 14 ans trop âgés pour leur niveau de scolarité et pour les enfants âgés de 6 à 14 pour la scolarisation. Les effets marginaux sont calculés sur la moyenne de l’échantillon. Niveau d’études du chef de ménage omis = pas de scolarité. Département omis = Nord-Est. Les erreurs types robustes sont regroupées au niveau des ménages.. Seuil de signification: * = 10%, ** = 5%, *** = 1%. 252 Banque mondiale - ONPES Annexe L. Statistiques descriptives des chocs déclarés par les ménages Tableau L.1. Chocs économiques idiosyncratiques affectant les ménages Chocs Description Maladie ou accident grave d’un membre du ménage Santé Choléra Décès d’un membre de la famille Composition du ménage Soins d’un nouveau membre du ménage Maladie touchant les animaux Agricole Maladie touchant les végétaux Matériel ou outils agricoles endommagés Échec d’une entreprise familiale non agricole Activité économique Perte de salaire/revenu des ménages (non due à une maladie/ accident) Cessation de l’aide (transferts) provenant de la famille/amis Réduction de l’aide extérieure Cessation de l’aide (transferts) provenant de l’État Criminalité Vol de biens ou de récolte Chocs économiques affectent la Pénuries alimentaires dans les magasins communauté Augmentation du prix des semences et des engrais Ouragans et inondations Chocs Météorologiques ou climatiques Sécheresse Pluies irrégulières Remarque: Le questionnaire comportait une question supplémentaire sur le décès d’un membre du ménage non membre de la famille, mais les réponses n’ont pas été rapportées. Tableau L.2. Prévalence des types de chocs auxquels font face les ménages, par milieu de résidence Autres Type de choc Port-au-Prince Rural urbain Pas de chocs 0.22 0.11 0.06 Choc idiosyncratique touchant les ménages 0.63 0.75 0.76 Santé 0.36 0.50 0.48 Composition du ménage 0.11 0.14 0.12 Agricole 0.02 0.16 0.38 Activité économique 0.19 0.16 0.10 Réduction de l’aide extérieure 0.15 0.12 0.07 Criminalité 0.18 0.17 0.17 Choc covariable 0.51 0.58 0.79 Choc économique touchant la communauté 0.32 0.32 0.33 Choc météorologique/climatique 0.34 0.44 0.73 Nombre d’observations 1 794 858 2 269 Source: Calculs de la Banque mondiale sur la base de l’ECVMAS 2012. 253 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Tableau L.3. Impact des trois principaux types de chocs. par situation de pauvreté des ménages Dans la pauvreté, mais Vulnérable, mais Type de choc Extrême pauvreté Résilient pas extrême pas pauvre Choc 1 Aucun 0.04 0.09 0.10 0.16 Idiosyncratique 0.57 0.59 0.61 0.60 Covariable 0.39 0.32 0.30 0.25 Choc 2 Aucun 0.23 0.33 0.30 0.41 Idiosyncrasique 0.36 0.32 0.37 0.29 Covariable 0.41 0.35 0.32 0.30 Choc 3 Aucun 0.47 0.53 0.53 0.60 Idiosyncrasique 0.24 0.18 0.20 0.18 Covariable 0.29 0.29 0.27 0.22 Source: Calculs de la Banque mondiale sur la base de l’ECVMAS 2012. 254 Banque mondiale - ONPES Annexe M. Mécanismes de survie Tableau M.1. Chocs: principaux mécanismes de survie Mécanisme Description Utilisation des économies Aide monétaire provenant d’amis et de la famille Aide financière Aide monétaire provenant de l’administration centrale ou locale Aide monétaire provenant d’organisations religieuses ou d’ONG Aide nutritionnelle provenant de parents ou d’amis Aide nutritionnelle provenant de l’administration centrale ou locale Aide nutritionnelle Aide nutritionnelle provenant d’organisations religieuses ou d’ONG Travail contre nourriture Réduction de la quantité de nourriture, du nombre de repas consommés Réduction de la qualité des aliments consommés Changements dans les apports nutritionnels Consommation prématurée de la récolte Consommer d’aliments cueillis dans la nature Consommer des semences Les membres actifs du ménage mènent une activité complémentaire Changements dans la productivité de la main d’œuvre Les membres du ménage inactifs ou chômeurs mènent une activité Migration d’un ou plusieurs membres du ménage Modification de la composition des ménages Envoi d’enfants à un autre ménage Réduction des dépenses non alimentaires Réduction des dépenses des ménages Réduction des dépenses de santé Retrait des enfants de l’école Retrait des enfants de l’école Emprunt auprès de la famille ou des amis Endettement Emprunt auprès de prêteurs ou de commerçants Vente de biens agricoles Vente de biens durables du ménage(outils, équipement de travail) Vente de terrains, d’immobilier Vente de biens Vente de la production agricole, de semences Vente de bétail Vente de matériel, d’outils utilisés pour la génération de revenus Pêche plus fréquemment Utilisation des ressources (communes) Coupe de bois, fabrication de charbon Augmentation de la récolte et vente de ressources naturelles Activités spirituelles Autres mécanismes Mendicité Autre stratégie Pas de stratégie Pas de stratégie 255 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Tableau M.2. Mécanismes de survie adoptés pour faire face aux chocs les plus importants, par type de choc Choc économique idiosyncrasique Choc Tous Choc Réduction économi- Stratégie les Composition clima- Santé Agricole Economique de l’aide Criminalité que cova- chocs du ménage tique extérieure riable Aucun 0.15 0.08 0.11 0.17 0.18 0.13 0.28 0.12 0.27 Aide monétaire 0.27 0.41 0.33 0.12 0.31 0.26 0.24 0.12 0.15 Aide nutritionnelle 0.05 0.05 0.02 0.03 0.07 0.08 0.05 0.05 0.05 Changements dans les apports 0.16 0.05 0.06 0.19 0.05 0.12 0.05 0.48 0.24 nutritionnels Changements dans la productivité 0.01 0.00 0.00 0.01 0.04 0.01 0.00 0.00 de la main d’œuvre Modification de la composition des 0.00 0.00 0.00 0.00 0.01 0.00 0.00 0.00 ménages Réduction des dé- 0.05 0.05 0.02 0.08 0.07 0.09 0.03 0.06 0.02 penses des ménages Retrait d’enfants 0.00 0.00 0.02 0.01 0.00 0.03 0.01 0.00 de l’école Endettement 0.14 0.16 0.25 0.12 0.20 0.13 0.13 0.08 0.10 Vente de biens 0.07 0.10 0.14 0.13 0.03 0.00 0.06 0.02 0.04 Utilisation des res- sources naturelles 0.01 0.00 0.00 0.03 0.00 0.01 0.01 0.02 (communes) Autre mécanisme 0.09 0.09 0.06 0.12 0.07 0.11 0.14 0.06 0.09 Observations 4 324 1 487 302 296 364 182 251 558 879 Source: Calculs de la Banque mondiale sur la base de l’ECVMAS 2012. Tableau M.3. Mécanismes de survie adoptés pour faire face aux chocs les plus importants. ménages en situation de pauvreté extrême Choc économique idiosyncrasique Tous Choc éco- Choc Stratégie les Compo- Réduction Cri- nomique clima- Economi- chocs Santé sition du Agricole de l’aide mi- covariable tique que ménage extérieure nalité Aucun 0.12 0.08 0.11 0.08 0.19 0.20 0.28 0.06 0.16 Aide monétaire 0.16 0.26 0.15 0.12 0.24 0.18 0.11 0.03 0.11 Aide nutritionnelle 0.06 0.08 0.04 0.06 0.07 0.02 0.15 0.05 0.05 Changements dans les 0.23 0.06 0.10 0.25 0.10 0.29 0.04 0.58 0.34 apports nutritionnels Changements dans la productivité de la main 0.01 0.01 — — — — 0.02 — 0.01 d’œuvre 256 Banque mondiale - ONPES Modification de la com- 0.01 0.01 — 0.01 0.03 — — — 0.01 position des ménages Réduction des dépenses 0.04 0.03 0.02 0.05 0.14 0.03 0.03 0.04 des ménages Retrait d’enfants 0.01 0.00 0.01 0.01 0.01 0.04 0.05 — 0.01 de l’école Endettement 0.16 0.19 0.39 0.13 0.14 — 0.19 0.06 0.13 Vente de biens 0.10 0.17 0.14 0.18 — — 0.02 0.02 0.05 Utilisation des ressources naturel- 0.02 0.01 0.01 0.04 0.03 — — 0.03 0.04 les (communes) Autre mécanisme 0.09 0.11 0.03 0.08 0.07 0.24 0.14 0.13 0.07 Observations 874 290 69 87 43 20 25 83 257 Source: Calculs de la Banque mondiale sur la base de l’ECVMAS 2012. Remarque: — = non disponible. Tableau M.4. Mécanismes de survie adoptés pour les chocs les plus importants. ménages résilients Choc économique idiosyncrasique Tous Choc éco- Choc Stratégie les Compo- Réduction Cri- nomique clima- Economi- chocs Santé sition du Agricole de l’aide mi- covariable tique que ménage extérieure nalité Aucun 0.16 0.06 0.12 0.33 0.23 0.07 0.30 0.17 0.25 Aide monétaire 0.38 0.54 0.49 0.18 0.36 0.34 0.33 0.17 0.21 Aide nutritionnelle 0.04 0.04 0.02 0.02 0.07 0.11 0.02 0.03 0.06 Changements dans les apports nutri- 0.10 0.03 0.04 0.07 0.03 0.12 0.02 0.36 0.18 tionnels Changements dans la productivité 0.01 0.00 0.01 — 0.01 0.06 — 0.01 — de la main d’œuvre Modification de la composition 0.00 0.00 0.01 — — — 0.01 — — des ménages Réduction des dé- 0.05 0.05 0.02 0.04 0.06 0.05 0.04 0.07 0.03 penses des ménages Retrait d’enfants 0.00 — 0.01 — — 0.02 0.01 — 0.01 de l’école Endettement 0.12 0.13 0.18 0.08 0.17 0.12 0.10 0.10 0.07 Vente de biens 0.04 0.05 0.07 0.09 0.01 — 0.05 0.02 0.03 Utilisation des res- sources naturelles 0.01 0.00 0.01 0.03 — — — — 0.02 (communes) Autre mécanisme 0.10 0.10 0.06 0.18 0.05 0.09 0.12 0.07 0.14 Observations 1 691 595 124 67 185 91 134 231 264 Source: Calculs de la Banque mondiale sur la base de l’ECVMAS 2012. Remarque: — = non disponible. 257 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Annexe N. Résultats de l’analyse multivariée des chocs Tableau N.1. Corrélations des principaux chocs subis par les ménages Variable dépendante: dépenses Uniquement Interactions, Interactions, Interactions, par habitant. ln les chocs totalité extrême pauvreté résilient Choc principal Choc idiosyncrasique touchant −0.039 les ménages (0.038) Choc économique covariable −0.117*** (0.045) Choc climatique covariable −0.151*** (0.046) Choc principal: idiosyncrasique Aucun mécanisme de survie 0.016 0.104 −0.024 (0.057) (0.099) (0.058) Aide pécuniaire et alimentaire −0.013 0.152* −0.109** (0.043) (0.086) (0.052) Changements dans les apports −0.248*** 0.146 −0.271*** nutritionnels (0.060) (0.091) (0.073) Endettement −0.057 0.185** −0.062 (0.048) (0.083) (0.056) Vente de biens −0.070 0.201** −0.014 (0.053) (0.092) (0.079) Autre stratégie −0.063 0.196** −0.167*** (0.045) (0.077) (0.055) Choc principal: covariable économique Aucun mécanisme de survie 0.093 0.291** 0.029 (0.084) (0.120) (0.101) Aide pécuniaire et alimentaire −0.067 0.223** −0.078 (0.064) (0.109) (0.076) Changements dans les apports −0.234*** 0.053 −0.234*** nutritionnels (0.061) (0.107) (0.065) Endettement −0.005 0.047 −0.108 (0.126) (0.248) (0.120) Vente de biens 0.134 0.043 −0.156 (0.181) (0.085) (0.147) Autre stratégie −0.099 0.140 −0.128 (0.082) (0.184) (0.089) 258 Banque mondiale - ONPES Choc principal: covariable météorologique Aucun mécanisme de survie −0.058 0.165* −0.034 (0.060) (0.094) (0.078) Aide pécuniaire et alimentaire −0.088 0.120 −0.119* (0.062) (0.095) (0.071) Changements dans les apports −0.307*** 0.087 −0.256*** nutritionnels (0.057) (0.094) (0.072) Endettement −0.244*** 0.146 −0.171* (0.091) (0.107) (0.096) Vente de biens −0.150 0.247** 0.134 (0.148) (0.106) (0.111) Autre stratégie −0.164** 0.120 −0.085 (0.079) (0.096) (0.124) Caractéristiques des ménages Nombre d’enfants de 0 à 4 ans −0.218*** −0.219*** −0.044** −0.126*** (0.014) (0.014) (0.018) (0.017) Nombre d’enfants de 5 à 14 ans −0.154*** −0.152*** −0.039*** −0.089*** (0.008) (0.008) (0.010) (0.012) Nombre d’adultes âgés −0.070*** −0.068*** −0.005 −0.051*** de 15 à 64 ans (0.007) (0.007) (0.008) (0.007) Nombre d’adultes de 65 ans −0.094*** −0.092*** 0.027 −0.029 et plus (0.027) (0.027) (0.027) (0.028) Chef de ménage est une femme 0.078*** 0.072*** −0.011 0.002 (0.021) (0.021) (0.031) (0.024) Âge du chef de ménage 0.003*** 0.003*** −0.001 0.002* (0.001) (0.001) (0.001) (0.001) Études primaires inachevées 0.245*** 0.236*** 0.036 0.077* (0.028) (0.028) (0.030) (0.040) Études primaires achevées 0.376*** 0.369*** 0.087** 0.127*** (0.031) (0.030) (0.043) (0.034) Premier cycle du secondaire 0.539*** 0.526*** 0.121*** 0.213*** achevé (0.033) (0.033) (0.043) (0.035) Second cycle du secondaire 0.975*** 0.956*** 0.053 0.558*** achevé (0.095) (0.092) (0.125) (0.105) Chômeur −0.134*** −0.138*** 0.028 −0.016 (0.027) (0.027) (0.037) (0.026) 259 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Inactif −0.140*** −0.141*** −0.001 −0.037 (0.034) (0.034) (0.042) (0.033) 2. Milieu −0.131*** −0.127*** −0.064 −0.080** (0.040) (0.038) (0.055) (0.033) 3. Milieu −0.394*** −0.376*** −0.179*** −0.084** (0.039) (0.039) (0.047) (0.037) Constant 10.713*** 10.718*** 9.387*** 11.141*** (0.066) (0.067) (0.103) (0.064) Observations 4 912 4 912 918 2 061 R-carré 0.448 0.458 0.100 0.260 Remarque: La personne de référence pour le modèle complet est le chef de famille d’un ménage dirigé par un homme sans aucune éducation formelle, mais disposant d’un emploi; le ménage est situé à Port-au-Prince et n’a subi aucun des chocs examinés. L’accès à certains des mécanismes de survie est potentiellement corrélé au revenu. Si une telle relation existe et étant donné que la variance des dépenses par habitant est beaucoup plus grande dans la population résiliente que dans la population en situation d’extrême pauvreté, les coefficients reflètent les possibilités, et pas uniquement la corrélation réelle avec la stratégie donnée. Pour que les résultats soient plus gérables, nous avons regroupé les chocs en trois catégories: les chocs idiosyncratiques des ménages, les chocs économiques covariés et les chocs météorologiques covariés. De même, nous avons regroupé les stratégies de survie en trois catégories en fonction de la fréquence d’utilisation: pas de recours à un mécanisme de survie; aide monétaire et alimentaire; et modifications des apports nutritionnels, endettement, vente de biens et autres stratégies. La première colonne présente les résultats si seuls les chocs sont inclus. La deuxième colonne présente les résultats si l’on introduit les chocs et les stratégies de survie. Les troisième et quatrième colonnes présentent les résultats de l’échantillon de ménages en situation d’extrême pauvreté et pour les ménages résilients, respectivement. Erreurs-types entre parenthèses. *** p <0,01 ** p <0,05 * p <0,1 260 Banque mondiale - ONPES Annexe O. Cartes d’incidence des phénomènes météorologiques Carte O.1. Zones sujettes aux inondations, Haïti Légende Départments Zones sujettes à inondations Source: D’après les données de «Shakemap us2010rja6, » Earthquake Hazards Program, United States Geological Survey, Reston, VA, http://earthquake.usgs.gov/earthquakes/shakemap/ global/shake/2010rja6/. Remarque: les zones sujettes aux inondations ont été identifiées en mai 2010 par l’Institut des Nations Unies pour la formation et la recherche. Carte O.2. Ouragans, dépressions et tempêtes tropicales, par département, 1954-2001 Nombre de cas 3-4 4-6 6-8 8-10 10-16 Sources: Basé sur Mathieu et al. 2003; «Shakemap us2010rja6» Earthquake Hazards Program, United States Geological Survey, Reston, VA, http://earthquake.usgs.gov/earthquakes/ shakemap/global/shake/2010rja6/. 261 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté Carte O.3. Zones sujettes à la sécheresse, Haïti Légende Zones sujettes à sécheresse Départments Source: D’après les données de «Shakemap us2010rja6,» Earthquake Hazards Program, United States Geological Survey, Reston, VA, http://earthquake.usgs.gov/earthquakes/shakemap/global/shake/2010rja6/. Remarque: Les zones sujettes à la sécheresse ont été identifiées en mai 2010 grâce au Projet NATHAT, à l’aide d’informations du Centre National de Météorologie d’Haïti. Carte O.4. Tremblements de terre, par magnitude, intensité et dommages économiques, Haïti, 1701-2014 Legende Ampleur 1994 1842 1887 Plus de $ 8 milliard Entre $10M et $34M Entre $1M et $10M 1793 Moins de $1M 1775 1775 Pas de dommage 2014 3,3 - 4,3 1770 1860 1751 1784 1751 2011 2010 4,3 - 5,7 1963 1701 5,7 - 7,4 1864 7,4 - 8,3 Sources: D’après les données de «Shakemap us2010rja6,» Earthquake Hazards Program, United States Geological Survey, Reston, VA, http://earthquake.usgs.gov/earthquakes/shakemap/ global/shake/2010rja6/; Données et informations (base de données). National Geophysical Data Center, Boulder, CO, http://www.ngdc.noaa.gov/hazard/earthqk.shtml. 262 Banque mondiale - ONPES Carte O.5. Incidents de liquéfaction des sols, février 2010 Légende Incidents de liquéfaction - février 2010 Propension à la liquéfaction des sols 0 1 2 3 Départments Source: D’après les données de « Shakemap us2010rja6,» Earthquake Hazards Program, United States Geological Survey, Reston, VA, http://earthquakeusgs.gov/earthquakes/shakemap/global/shake/2010rja6/. Remarque: Les données sur la sensibilité au risque de liquéfaction des sols en Haïti les incidents de liquéfaction (glissement de terrain) en Haïti pendant et sur ​​ et après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, ont été recueillies dans le cadre du projet de NATHAT et février et mai 2010 respectivement. Carte O.6. Incidents de glissements de terrain pendant et après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 Légende Incidents de glissements de terrain Index de Prédisposition aux Glissements de Terrain en Haïti Valeur Au-dessus de 2 Entre 1.3 et 2 Entre 0.8 et 1.3 Entre 0 et 0.8 Départements Source: D’après les données de « Shakemap us2010rja6, » Earthquake Hazards Program, United States Geological Survey, Reston, VA, http://earthquake.usgs.gov/earthquakes/shakemap/ global/shake/2010rja6/. Remarque: Une carte d’incidents de glissement de terrain a été élaborée par le projet NATHAT en février 2010. L’indice de prédisposition au glissement de terrain conçu pour la saison des pluies en l’absence de tout tremblement de terre a été établi par le projet NATHAT selon la méthode GIPEA en mai 2010. 263 Haïti: Investir dans l'humain pour combattre la pauvreté 264 Banque mondiale - ONPES Références Acemoglu. D., and S. 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