SAUTS TECHNOLOGIQUES: LE NERF DU DÉVELOPPEMENT EN AFRIQUE? TRANSFORMER LES CONTRAINTES EN OPPORTUNITÉS D’INVESTISSEMENTS RÉSUMÉ AGRICULTURE TIC ÉDUCATION GOUVERNANCE ÉNERGIE $ FINANCE GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE Table des Matières Avant-propos.............................................................................................................................................. 3 Remerciements........................................................................................................................................... 5 Résumé....................................................................................................................................................... 7 Sommaire Exécutif..................................................................................................................................... 9 Permettre le saut technologique en Afrique.................................................................................................9 Innovation, technologie et développement : L’Afrique peut effectuer un saut technologique.....................11 Agriculture................................................................................................................................................18 Éducation.................................................................................................................................................23 Énergie .....................................................................................................................................................28 Finances....................................................................................................................................................32 Gouvernance.............................................................................................................................................39 Technologies de l’information et de la communication..............................................................................43 LISTE DES FIGURES Figure 1 : Évolution du PIB par habitant dans les ramifications occidentales, en Europe de l’Ouest, en Amérique latine, en Asie et en Afrique, 1000–2000...............................................................13 Figure 2 : Transfert, capacités et intégration des technologies.....................................................................15 Figure 3 : Cadre descendant et ascendant pour la diffusion de technologies...............................................16 LISTE DES ENCADRÉS Encadré 1 : Projet d’irrigation dans l’ouest du Kenya.....................................................................................20 Encadré 2 : Options financières pour le « saut technologique »......................................................................38 Encadré 3 : Le saut technologique de l’économie numérique chinoise...........................................................47 1 Avant-propos Ce livre vise à examiner des moyens de catalyser une la promotion des opportunités d’accroissement des nouvelle génération d’opportunités d’investissement investissements en Afrique. Il a d’abord été initié par en Afrique permettant de tirer parti de la capacité de la Banque de développement de Chine, avec l’appui nombreux pays de faire un saut technologique dans total du gouvernement chinois, et a obtenu le plein l’avenir. Le livre est né de l’idée que le gradualisme et soutien du Groupe de la Banque mondiale et de plu- le « business-as-usual » n’apporteront pas les solutions sieurs pays africains. Le premier forum a porté sur requises aux enjeux énormes auxquels le continent « L’industrialisation et les résultats pour l’Afrique » est actuellement confronté. L’histoire économique et visait à réfléchir à différentes stratégies suscep- nous enseigne que les types de solutions transforma- tibles de libérer le potentiel de croissance durable et tionnelles et à fort impact qui sont nécessaires pour inclusive, de création d’emploi et de réduction de la libérer le potentiel de l’Afrique et lui permettre une pauvreté en Afrique. Le deuxième forum sous le thème croissance accélérée, soutenue et inclusive ont souvent « Encourager l’échange d’expérience, stimuler l’inves- été stimulés par l’innovation et l’adoption généralisée tissement, renforcer les complémentarités et favoriser de nouvelles technologies. Pour que l’Afrique puisse une prospérité partagée » a abordé des questions rela- créer les emplois dont les jeunes ont désespérément tives à l’agriculture et à l’agroalimentaire, au dévelop- besoin, il sera essentiel d’adopter et de tirer parti des pement des infrastructures, à la connectivité régionale innovations et de créer l’impulsion nécessaire aux et aux énergies renouvelables, au renforcement des sauts technologiques. compétences et à la création d’emplois. Sous le thème général des sauts technologiques, le livre Le troisième FIA (FIA 2017) rassemblera des délégations aborde les six sujets suivants : (a) agriculture, (b) édu- de haut niveau de la Banque mondiale, de la Chine et cation, (c) énergie, (d) finance, (e) gouvernance, et des pays Africains, ainsi que diverses partenaires au (f) technologies de l’information et des communica- développement et des groupes de réflexion, pour par- tions. Le livre est principalement axé sur l’avenir et les tager leurs expériences et explorer les opportunités des résultats ; il présente des projets, des idées innovantes Sauts technologiques par l’innovation en Afrique. Tout en et des exemples de réussites précis. Les six sujets sont continuant à promouvoir des partenariats pour accélérer les thèmes abordés dans le troisième Forum Investir les investissements visant à créer des complémentarités en Afrique (FIA 2017). et une prospérité partagée entre l’Afrique et la Chine, nous nous concentrerons sur des solutions transforma- Le FIA a été créé en 2015 afin d’offrir une plate- tionnelles et à fort impact impulsées par l’innovation et forme mondiale pour la coopération multilatérale et l’adoption des nouvelles technologies. 3 Remerciements Ce livre est le fruit d’une collaboration entre la Région Vivien Foster (Économiste en chef, Énergie et indus- Afrique de la Banque mondiale et la Banque de déve- tries extractives), Andrea Mario Dall’Olio (Économiste loppement de Chine. Il présente les analyses de fond en chef Secteur financier, Finances & Marchés), pour le troisième Forum Investir en Afrique de Dakar, S. M. Quamrul Hasan (Spécialiste senior Passation qui aura lieu du 25 au 27 septembre 2017. de marchés, Gouvernance), Souleymane Coulibaly (Économiste en chef, Macro-économique et gestion Le livre a été préparé par une équipe dirigée par fiscale), Tim Kelly (Spécialiste en chef Politique des Moussa P. Blimpo et composée de Michael Minges, TIC,Transports et TIC) et Samuel Munzele Maimbo Wilfried A. Kouamé, Théophile Azomahou, Emmanuel (responsable des pratiques, Finances et Marchés). Lartey, Christelle Meniago et Mapi Buitano. Il a été L’équipe tient aussi à remercier Mark E. Cackler préparé sous la direction générale d’Albert G. Zeufack, (Responsable des pratiques, Agriculture), Luis Économiste en chef pour l’Afrique. L’équipe tient Benveniste (Directeur, Éducation), Lucio Monari à remercier le personnel des Pratiques Mondiales (Directeur, Énergie), James Seward (Responsable des (Global Practice) qui a fourni des contributions : pratiques, Finances et Marchés), Edward Olowo- Xiaoyan Liang (Spécialiste principal Éducation, Okere (Directeur, Gouvernance), et Boutheina Éducation), S.M. Quamrul Hasan (Spécialiste senior, Guermazi (Responsable des pratiques, Transports et Passation de marchés, Gouvernance), Jerome Bezzina TIC) pour l’ensemble de leurs conseils et contribu- (Économiste senior spécialisé dans les réglementa- tions. Enfin, l’équipe remercie l’équipe organisatrice tions, Transports et TIC), Arthur Foch (Spécialiste du FIA, notamment Louise Cord (Directrice pays), des politiques TIC, Transports et TIC) et Jennifer Haleh Bridi (Directrice, AFREC), Shuilin Wang Gui (Spécialiste senior Politique des TIC, Transports (Conseillère, AFREC) et Aneliya Muller (Consultante, et TIC). L’équipe remercie également Liu Yong, Zhu Gouvernance). Wenbin, Wu Zhifeng, Ji Feifeng, Wen Hao, He Di, Xia Guanzhong, Ms. Zhang Chenxi de la Banque de Développement de Chine pour leur contribution, en L’équipe particulier sur les expériences de la Chine au cours des dernières décennies. Moussa P. Blimpo est économiste au Bureau de l’Éco- nomiste en chef pour la région Afrique à la Banque L’équipe est reconnaissante aux pairs évaluateurs pour mondiale. Avant d’occuper ce poste, il était Enseignant leurs commentaires perspicaces, qui ont contribué Chercheur en économie et d’études internationales à améliorer la qualité globale du livre. Différentes à l’Université d’Oklahoma. Ses recherches portent personnes ont participé à la révision par les pairs : sur des questions générales relatives à l’économie du 5 6 Africa Leapfrogging through Innovation développement en Afrique. Il possède un doctorat en SBE) et chargé de recherches principal à l’Université économie de l’Université de New York. des Nations Unies (UNU-MERIT). Il a, entre autres, rédigé de nombreuses publications sur la croissance Michael Minges est un consultant indépendant économique, le capital humain et l’innovation. Il est spécialisé dans les politiques, stratégies et questions titulaire d’un doctorat de l’Université de Strasbourg réglementaire relatives aux TIC. Il dispose d’une vaste (France). expérience du développement des TIC en Afrique ainsi que dans d’autres régions en développement, Emmanuel Lartey est économiste au Bureau de et a été l’auteur et le co-auteur de plusieurs rapports l’Économiste en chef de la Région Afrique à la Banque sur le sujet. Parmi ses récents projets, il a conseillé mondiale. Il est également maître de conférences en le gouvernement éthiopien sur sa politique relative économie à l’Université d’État de Californie, Fullerton. aux TIC, examiné l’impact de l’Internet haut débit au Il a publié de nombreux documents sur les questions Rwanda et au Sénégal et conseillé le Soudan du Sud relatives à la macroéconomie et aux finances. Il est sur ses options de connectivité. Il est titulaire d’un titulaire d’un doctorat en économie du Boston College. Master of Business Administration de l’Université George Washington. Christelle Meniago est un membre africain de l’équipe du Bureau de l’Économiste en chef pour la Wilfried A. Kouamé est un membre africain de Région Afrique. Elle a travaillé comme économiste l’équipe du Bureau de l’Économiste en chef pour la chargée des pays de la Zone FCFA pour NKC African Région Afrique. Avant cela, il était stagiaire et consul- Economics, une société Oxford Economics basée en tant au sein des Pratiques Mondiales Macroéconomie Afrique du Sud. Elle détient un doctorat en économie et Gestion fiscale de la Banque mondiale. Il termine de l’Université du Nord-Ouest en Afrique du Sud. actuellement son doctorat en économie du dévelop- pement à l’Université Sherbrooke au Canada, où il Mapi Buitano est Spécialiste senior de la gestion des donne des cours d’économie au niveau des premier connaissances au Bureau de l’Économiste en chef pour et deuxième cycles universitaires. la Région Afrique à la Banque mondiale. Elle dispose d’une vaste expérience dans la coordination de la pro- Théophile Azomahou est professeur d’économie à duction et la gestion de ressources analytiques telles l’Université de Clermont Auvergne (CERDI), pro- que les études régionales. Elle détient un Master en fesseur d’économie du développement à l’Université relations internationales de l’Université Johns Hopkins de Maastricht (École des affaires et de l’économie, (États-Unis). Résumé Malgré la croissance économique soutenue enregis- solutions technologiques de rupture et des approches trée au cours des deux dernières décennies, l’Afrique créatives. Pourtant, les politiques de développement subsaharienne est confrontée à des défis immenses et ont souvent été principalement programmatiques et à des lacunes importantes dans de nombreux résul- surtout progressives. Ce livre affirme qu’il est temps tats en matière de développement. Un récent rapport de revenir aux notions de base du développement, de de la Banque mondiale estime que plus de deux cin- voir grand et de créer un environnement permettant quièmes de la population africaine vivaient toujours plus d’innovations et l’adoption de nouvelles techno- dans une situation d’extrême pauvreté en 2012. Près logies, afin de permettre à l’Afrique de connaître de des deux tiers des Africains n’ont pas accès à l’élec- grandes transformations positives. Ce n’est pas une tricité, et une proportion encore plus importante a nouvelle idée; au contraire, c’est ce que la théorie éco- recours à la biomasse comme combustible principal nomique et l’histoire nous enseignent. Il n’y a pas de pour faire la cuisine. Moins d’un quart des entreprises base solide justifiant de traiter l’Afrique comme une africaines ont des prêts ou des lignes de crédit ; le exception. Presque toutes les théories contemporaines pourcentage correspondant parmi les entreprises dans sur la croissance et le développement ont un seul point les pays en développement non africains est près de commun : elles considèrent la technologie et l’innova- la moitié. L’utilisation de services financiers formels tion comme les principaux moteurs de la croissance est concentrée au niveau des 20 % les plus riches de économique. Les expériences historiques conduisent la population. La plupart des pays africains ont réa- à la même conclusion. Les changements majeurs dans lisé des progrès importants dans l’accès à l’éducation, l’histoire de pays comme le Royaume-Uni, les États- mais l’apprentissage reste un point faible. Le secteur Unis, ou même les économies récemment développées de l’agriculture, qui emploie une grande partie de la et émergentes, peuvent être étroitement associés à l’ac- population active, présente une faible productivité. croissement de la productivité entraîné par l’adoption L’évolution et les niveaux technologiques, qui sont les de meilleures technologies. La suite ininterrompue moteurs de la productivité, sont nettement inférieurs d’inventions qui a débuté au XVIIIe siècle au Royaume- à ceux d’autres régions du monde. Même des facteurs Uni, allant de la machine à vapeur à l’électricité, en simples d’amélioration de la productivité, comme passant par le métier à tisser et les machines-outils, a l’utilisation d’engrais, sont restés stables depuis des radicalement bouleversé le cours de l’histoire humaine. décennies. Plus récemment, l’essor spectaculaire des pays d’Asie du Sud-Est a amené ces derniers à passer d’une agri- Les grandes infrastructures, les technologies, et les culture à faible productivité (rizières) à l’industrie lacunes dans les politiques en Afrique exigent des manufacturière et à la fabrication de composants 7 8 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? électriques et électroniques à forte intensité technolo- Bien qu’il soit devenu habituel dans la pratique du gique. Le point de départ de la réflexion sur le déve- développement de mettre en évidence et de quantifier loppement de l’Afrique doit donc consister à mettre les contraintes à investir en Afrique, ce livre affirme que l’accent sur la découverte d’opportunités d’investisse- ces contraintes doivent être considérées et transformées ment susceptibles de réduire la distance à la frontière en opportunités d’investissement. Plusieurs facteurs, technologique. Il est tout aussi important de recon- tels que les compétences, la prestation de services, naître que l’Afrique doit suivre la même voie et/ou les l’accès au financement, l’énergie, pour n’en nommer mêmes étapes que les autres régions émergentes. Les que quelques-uns, sont souvent présentés comme changements vertigineux entraînés par la révolution des contraintes à l’investissement. C’est justement en numérique au cours des 20 dernières années (Rapport traitant ces contraintes comme des opportunités d’in- sur le développement dans le monde 2016) font que vestissement, en attirant le secteur privé, tant national les sauts technologiques (consistant à sauter des étapes, qu’étranger, et en créant un environnement favorable à ouvrir de nouvelles voies) en Afrique constituent non la diffusion des technologies que l’Afrique parviendra à seulement une possibilité mais une nécessité. tirer parti de l’innovation pour parvenir à la prospérité. Sommaire Exécutif Permettre le saut technologique en Le saut technologique n’est pas une Afrique nouveauté pour l’Afrique, d’ailleurs elle a déjà été à la pointe de certaines Ce livre identifie les facteurs communs qui expliquent innovations les expériences réussies de saut technologique dans dif- férents secteurs. Il révèle également les défis qu’il faudra Malgré les problèmes importants auxquels la région relever pour encourager les transformations sur le conti- est confrontée, ce livre met en lumière plusieurs expé- nent. Les messages clés suivants émergent de ce livre. riences de saut technologique en Afrique. Ces expé- riences démontrent que si la gouvernance est bonne, si le climat des affaires est attirant et si les politiques La facilitation du saut technologique va sont proactives, le saut technologique est réalisable provenir d’un bon équilibre entre les et se réalise dans tous les secteurs. Il est également approches ascendantes et descendantes important de noter que plusieurs innovations, telles que les transferts d’argent mobile (mobile money) et le La transformation en Afrique va résulter de pressions prépaiement solaire hors réseau (pay as you go off-grid et d’attractions. Les initiatives descendantes sont solar) sont nés en Afrique et se répandent aujourd’hui essentielles pour la création d’un environnement favo- dans d’autres régions en développement. Ce constat rable à des investissements à grande échelle, pour la fait de l’Afrique un banc d’essai très attirant pour l’in- construction de grandes infrastructures susceptibles novation et l’adaptation technologiques. d’engendrer des effets indirects et pour dynamiser des connaissances nécessaires à l’utilisation et l’adaptation de la technologie. De leur côté, les innovations ascen- Toutes les tentatives de saut technologique dantes sont essentielles pour adapter avec succès la ne débouchent pas toujours sur une réussite technologie aux besoins et aux problèmes locaux. De façon générale, la relation entre les deux est asymé- Les pays africains, ainsi que les investisseurs privés, trique, l’accent étant mis sur les stratégies d’adoption doivent accepter de prendre des risques et d’ap- descendantes. On doit réaliser un meilleur équilibre en prendre de leurs échecs, ce qui est normal dans le déployant des efforts plus importants pour encourager cadre de l’écosystème des innovations. Il existe plu- l’adaptation grâce à des investissements en éducation sieurs manières d’atténuer les risques, y compris l’ap- et en R&D, et en créant un environnement plus favo- pui par les partenaires au développement. Une étape rable pour des entrepreneurs motivés par l’innovation. expérimentale est essentielle pour l’amélioration et 9 10 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? l’adaptation de la technologie aux différentes condi- n’imposait que peu d’autres restrictions au cours des tions locales trouvées sur le continent. premières mises en œuvre du service d’argent mobile. La souplesse est également nécessaire pour créer des L’échec permet d’affiner la technologie et de l’amé- canaux d’investissement, par exemple en dissociant la liorer. M-PESA a débuté dans le cadre des efforts production, le transport et la distribution d’énergie, et entrepris pour utiliser la téléphonie mobile pour les en ouvrant les marchés énergétiques à la participation prêts de micro finance ; ce n’est que plus tard qu’il a du secteur privé. évolué pour devenir l’argent mobile. Il en va de même pour Lighting Africa qui a adapté en permanence le programme basé sur les résultats des premiers essais Les innovations doivent être portées à une de terrain au Ghana et au Kenya, et a observé que la échelle plus importante pour déclencher le participation sur le terrain nécessitait des ressources saut technologique spécialisées et dédiées au niveau local en plus de l’ex- pertise internationale. L’innovation technologique doit être accessible en terme de coût, de compétences requises pour son utilisation, ainsi que de sa disponibilité et sa capa- Les opportunités d’investissement sont cité de répondre à de nombreux besoins différents les contraintes auxquelles les économies L’argent mobile a pu être rapidement porté à grande africaines font face échelle parce qu’il permettait de combler une lacune des services bancaires officiels, était simple à utiliser, Le défi est de trouver ce qui motive des entrepreneurs fonctionnait sur des téléphones cellulaires de base bon à trouver des solutions. Les gouvernements africains marché, et répondait à la nécessité pour les Kenyans doivent créer les conditions adéquates pour encoura- urbains de disposer d’un moyen bon marché et sur ger des innovateurs pour surmonter les contraintes, pour transférer de l’argent à leurs familles dans les et le secteur privé pour les appuyer et leur fournir les zones rurales. ressources nécessaires. Les avantages pour le secteur privé peuvent être très importants. En à peine une décennie, M-PESA est devenue la principale source de L’investissement public doit décider revenus pour Safaricom, contribuant plus d’un quart des priorités pour l’acquisition des de ses revenus au cours de l’exercice fiscal 2017, avec compétences le service d’argent mobile générant 55 milliards de shillings (103 millions d’USD).1 L’éducation, en particulier l’acquisition des com- pétences fondamentales ainsi que les compétences en sciences, en technologie, en ingénierie et en Un environnement réglementaire adéquat mathématiques (STEM), est essentielle à l’utilisation, est essentiel au saut technologique l’adaptation et le déclenchement des innovations tech- nologiques qui vont permettre le saut technologique. Un environnement réglementaire souple permet l’in- De tous les secteurs couverts dans ce livre, l’éducation novation en permettant de tester de nouveaux modèles à un rôle unique dans la création d’un environnement d’affaires ; la réglementation peut ensuite être mise à des affaires adéquat susceptible d’attirer l’investisse- l’échelle de l’innovation. C’est ce qui s’est passé avec ment privé à l’échelle nécessaire. Les gouvernements M-PESA, pour lequel, à part l’obligation pour les uti- devront donc établir des priorités dans les dépenses lisateurs de s’enregistrer, la Banque centrale du Kenya publiques pour le secteur éducation, étant donné les Sommaire Exécutif 11 retours sur investissements potentiellement élevés qu’il ces technologies, y compris des évaluations d’impact, peut générer en tant que levier d’un saut technologique et pour déterminer leur capacité à être portées à plus transformateur. grande échelle pour l’Afrique. La recherche et développement est Innovation, technologie et essentiel pour adapter la technologie aux développement : L’Afrique peut effectuer contextes locaux un saut technologique La R&D est un déterminant important de la capa- Pourquoi l’adoption de technologies et cité d’absorption et des progrès technologiques. Elle l’innovation sont-elles essentielles pour permet à la technologie de s’adapter aux environ- l’avenir de l’Afrique ? nements locaux en vue d’une adoption rapide. Le manque de saut technologique en Afrique peut en Malgré des performances économiques soutenues au partie s’expliquer par la faiblesse des dépenses en cours des deux dernières décennies, l’Afrique demeure R&D. Elles sont les plus faibles de toutes les régions confrontée à des défis considérables et à des lacunes en développement et près de quatre fois inférieures significatives pour atteindre de nombreux objectifs à la moyenne mondiale. Ce livre identifient plusieurs de développement. Bien que la pauvreté ait diminué, questions de recherche prometteuses pour le futur. La plus de deux cinquièmes de la population africaine R&D est particulièrement essentielle à deux secteurs était pauvre en 2012, selon un récent rapport.3 Les qui n’ont pas connu de saut technologique signifi- infrastructures constituent un élément clé de la pro- catif, à savoir l’agriculture et l’éducation. Le secteur motion de l’industrialisation, de l’accroissement les agricole africain se caractérise par une agro-écologie revenus, de l’accumulation du capital humain et de et des petites exploitations agricoles qui, dans une la facilitation de l’accès aux marchés. Cependant, large mesure, n’ont pas été affectées par la révolution comme le montrent des éléments probants, l’Afrique verte. La R&D est nécessaire pour rechercher com- est confrontée à un grave déficit infrastructurel. Il faut ment accroître la productivité et la durabilité étant impérativement remédier à ce problème, car l’état donné ces caractéristiques. Par elle-même, la R&D est actuel des infrastructures de la région est l’un des un bon investissement qui mérite une priorité. Une principaux obstacles à l’expansion et à l’investissement étude réalisée en Inde a montré que les investissements du secteur privé. dans la recherche, l’éducation et les routes étaient les plus efficaces pour la croissance de l’agriculture et la L’Afrique subsaharienne est le pays le moins bien classé réduction de la pauvreté.2 parmi les régions en voie de développement concer- nant pratiquement toutes les dimensions des perfor- Les résultats de l’éducation restent soumis à des mances des infrastructures — à savoir la quantité, la contraintes qui méritent des efforts de recherche dans qualité et l’accès.4 Ces carences infrastructurelles ont leurs causes et leurs solutions. Plusieurs technologies de graves répercussions. La faiblesse des infrastruc- éducatives font l’objet de mises en œuvre pilotes sur le tures physiques limite non seulement la croissance des continent. Cependant, peu ont été porté à plus grande entrepreneurs potentiels, mais elle restreint également échelle, malgré les promesses de certaines d’entre le développement du secteur privé et de la région elles telles que l’apprentissage en ligne qui pourrait dans son ensemble. Parmi les nombreux problèmes aider à alléger la pénurie d’enseignants. La R&D est qui expliquent les déficiences de l’Afrique en matière nécessaire pour explorer le potentiel d’adaptation de d’infrastructures figurent le manque d’engagement en 12 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? faveur de tarifs durables pour les services d’infrastruc- et l’innovation sont les principaux moteurs de la ture et les mauvaises performances des services publics croissance économique. Le rôle des technologies et de — ces derniers pâtissant d’une mauvaise gestion et une l’innovation et leur adoption ultérieure pour la crois- ingérence politique.5 sance économique et le développement est établi.7 Les recherches permettent de constater que la corrélation Malgré ces défis et ces lacunes considérables, l’ap- entre l’innovation (mesurée par le logarithme naturel proche de développement en Afrique s’est essentiel- de la productivité totale des facteurs) et le logarithme lement avérée programmatique et progressive. Ce de la production par travailleur pour 98 pays en 1985 rapport indique qu’il est nécessaire de revenir aux était de 0,93.8 Cette très forte corrélation suggère qu’il fondements du développement, de prendre du recul existe, au niveau global, une grande interdépendance et de créer un environnement propice à l’innovation et entre le niveau technologique, la productivité et le à l’adoption de technologies afin que l’Afrique puisse développement économique en général. Des résultats connaître des transformations majeures et positives. similaires ont été enregistrés pour la croissance de la Cette idée n’est pas nouvelle. Au contraire, c’est ce productivité. Les technologies et l’innovation repré- qu’enseignent la théorie et l’histoire économiques. sentent également l’essentiel des différences entre les Aucune raison ne justifie que l’Afrique soit traitée pays en matière de productivité, par rapport à l’accu- comme une exception. Dénominateur commun de mulation de facteurs (capital physique et humain), qui la quasi-totalité des théories contemporaines sur représente seulement 10 %.9 la croissance et le développement, les technologies et l’innovation sont décrites comme les principaux moteurs de la croissance économique.6 Les change- Que révèle l’histoire sur les technologies et le ments importants qui ont eu lieu au cours de l’histoire développement ? de pays tels que le Royaume-Uni, les États-Unis ou Très peu d’évènements ont radicalement changé le même des économies émergentes et récemment déve- cours de l’histoire de l’humanité plus que les nom- loppées peuvent être étroitement liés à la hausse de la breuses inventions qui ont vu le jour au 18e siècle au productivité par l’adoption de technologies améliorées. Royaume-Uni — de la machine à vapeur à l’électri- Les nombreuses inventions qui ont vu le jour au 18e cité, en passant par la production mécanisée et par les siècle au Royaume-Uni — de la machine à vapeur à machines-outils, etc. Cette période de progrès tech- l’électricité, en passant par la production mécanisée nologiques sans précédent a entraîné une véritable et les machines-outils — ont radicalement changé le révolution industrielle, d’abord progressivement en cours de l’histoire de l’humanité. Si les fondements Europe puis en Amérique du Nord. Les répercussions théoriques et les expériences du monde entier s’ac- de cette révolution se sont manifestées au fil des années cordent sur ce point, il doit façonner la réflexion sur dans le monde entier, de l’Amérique Latine à l’Asie le développement de l’Afrique. en passant par l’Afrique. Il n’est pas facile d’expliquer précisément les raisons pour lesquelles ces inventions révolutionnaires se sont succédées, mais elles décou- Que nous enseignent la théorie et l’histoire laient peut-être implicitement de la période précédant économiques sur les sauts technologiques ? l’industrialisation. Que nous enseigne la théorie économique ? La chance, conjuguée à des efforts délibérés, a per- Il existe un point commun entre presque toutes les mis à la Grande-Bretagne d’afficher, au début du 18e théories contemporaines sur la croissance et le déve- siècle, une combinaison unique de besoins sociaux et loppement : toutes considèrent que les technologies de ressources sociales qui regroupait les conditions Sommaire Exécutif 13 préalables à des innovations rentables du point de Évolution du PIB par habitant FIGURE 1 :  vue commercial et un système social capable de sou- dans les ramifications tenir et d’institutionnaliser les processus d’évolution occidentales, en Europe de technologique rapide une fois qu’ils ont commencé. l’Ouest, en Amérique latine, en La liste des secteurs affectés par ces inventions est Asie et en Afrique, 1000–2000 longue : l’énergie, la métallurgie, le génie mécanique, 30 000 les textiles, les produits chimiques, l’agriculture, le 25 000 génie civil, le transport et les communications, l’armée, 20 000 pour n’en citer que quelques-uns. 15 000 La Figure 1 montre un retour en arrière au moment 10 000 où les inégalités de revenus entre les pays ont dimi- 5 000 nué, en mettant l’accent sur le fait qu’une grande différence était présente au cours des 200 dernières 0 1 000 1 500 1 600 1 700 1 820 1 870 1 900 2 000 années environ. Les données suggèrent que la crois- Ramifications occidentales Europe de l’Ouest sance économique était, avant le 18e siècle, limitée. Amérique latine Asie Afrique L’élément déclencheur de ce changement capital a Source: The Maddison-Project, http://www.ggdc.net/maddison/ indéniablement été la révolution industrielle et le maddison-project/home.htm, 2013 version. Note: «PIB = Produit Intérieur Brut. Valeurs en 1990 International nombre prodigieux de développements technolo- Geary-Khamis dollars. Ramifications Occidentales = Australie, Cana- giques qui en découlaient, avec des répercussions sur da, Nouvelle-Zélande et les États-Unis d’Amérique.» de nombreux secteurs. production de textiles résultait des délais nécessaires Une avancée technologique dans un secteur aux techniques de blanchiment naturel — à savoir le peut avoir des retombées sur les autres soleil, la pluie, le lait caillé et l’urine. C’est l’industrie L’industrie britannique du textile à l’époque de la chimique moderne qui a presque, de fait, permis le révolution industrielle illustre les retombées techno- développement de techniques de blanchiment plus logiques et l’innovation. L’industrie du textile a non rapides pour l’industrie britannique du coton. seulement tiré profit de la machine à vapeur, mais elle a également encouragé le développement de l’in- Des retombées similaires ont été observées dans dustrie chimique. La révolution industrielle englobe d’autres secteurs. L’industrie de la métallurgie et du la période pendant laquelle les procédés de fabrica- commerce des métaux a ainsi amplement bénéficié de tion du coton en Grande-Bretagne sont passés d’une la révolution populaire. Au 18e siècle, les améliorations industrie nationale à petite échelle dispersée dans les agricoles ont été promues par des individus dont les villes et les villages à une industrie urbaine à grande intérêts industriels et commerciaux les ont incités échelle concentrée, à commande électrique, mécani- à découvrir de nouvelles machines et de nouveaux sée, en usine. S’agissant de la fabrication de coton, procédés afin d’améliorer la productivité de leurs pro- l’innovation la plus importante concerne l’introduc- priétés. Autre secteur ayant bénéficié grandement des tion de la machine à vapeur pour faire fonctionner nouvelles innovations du 18e et du 19e siècle : le génie des machines à carder, des productions mécanisées civil. Au cours de cette période, le travail laborieux et des imprimantes. La croissance de l’industrie du qu’est celui du terrassement entrepris dans le cadre textile a brusquement éveillé l’intérêt porté à l’indus- de travaux d’ingénierie à grande échelle dépendait trie chimique. En effet, un goulot d’étranglement de la encore du travail humain réalisé par des entrepreneurs 14 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? en bâtiment. L’utilisation de poudre à canon, de dyna- matériels — tels que le système juridique — ont facilité mite et de pelles à vapeur a permis de réduire cette les activités commerciales et les contrats de livraison dépendance vers la fin du 19e siècle. L’introduction garantie. La science a également joué un rôle important de l’air comprimé et des outils hydrauliques a égale- en soutenant les efforts nationaux d’innovation et de ment contribué à alléger le travail acharné. L’évolution développement. Par conséquent, les États-Unis sont des chemins de fer impliquait la combinaison de la le berceau de presque toutes les inventions de l’ency- locomotive à vapeur et une voie permanente de rails clopédie Britannica’s Greatest Inventions, qui couvre métalliques. Les bateaux à vapeur et les navires ont ce qui suit : l’avion, Internet, la puce électronique, le aussi grandement bénéficié de la machine à vapeur, car laser, le téléphone portable, le réfrigérateur, l’e-mail, elle a transformé le transport maritime à tout jamais. le micro-ondes, l’ordinateur de bureau, la climatisa- tion, la chaîne de montage, le code-barres et bien plus. L’innovation technologique n’a pas de frontières Si la révolution industrielle a commencé au Royaume- Sauts technologiques – le nerf du Uni, les États-Unis sont incontestablement la nation développement : Opportunités la plus avancée du point de vue technologique. Bien d’investissements qu’ils ne représentent que près de 4 % de la population mondiale, les États-Unis détiennent presque 40 % de La théorie et les faits historiques nous permettent de la richesse mondiale totale, avec une productivité qui déduire que l’Afrique peut évoluer par l’innovation figure parmi les plus élevées du monde. Même s’il est et l’adoption de technologies, et plusieurs exemples possible que les technologies aient initialement été récents concernant la région nous le confirment. Les adoptées lors de la révolution industrielle, le proces- sauts technologiques sont la preuve d’un bond rapide sus qui a propulsé les États-Unis en première ligne dans le développement économique et il se peut qu’ils en matière d’innovation était le résultat de plus de brûlent des étapes. Nous pouvons citer des exemples deux siècles d’investissements en capital humain et de sauts technologiques : une forte augmentation physique. de l’accès à l’électricité, une hausse considérable des inscriptions scolaires, une amélioration notable de De nombreux facteurs ont contribué à la rapide indus- l’accès au financement ou un pic important dans la trialisation des États-Unis : la disponibilité de vastes production agricole. territoires et d’une main-d’œuvre qui sait lire et écrire, l’absence d’une aristocratie foncière — contrairement Les technologies sont un facteur transformationnel à certaines parties de l’Europe à cette époque —, la des sauts technologiques. Autrefois, les technologies valeur élevée accordée à l’esprit d’entreprise, la grande étaient conçues dans les pays développés, et ensuite diversité du climat et les libres marchés robustes. La introduites aux pays en développement par le biais disponibilité de capital, de fleuves navigables et de du commerce, des investissements directs à l’étranger voies navigables côtières, ainsi que l’abondance de (IDE) et d’autres canaux tels que les diasporas, les ressources naturelles ont facilité une extraction d’éner- agences de développement et le monde universitaire gie à bas prix, qui a largement contribué à la rapide (Figure 2). Le transfert de technologies dépend de industrialisation. Grâce aux vastes réseaux ferroviaires la gouvernance, des compétences avancées et de la et routiers, construits successivement au 19e et au 20e R&D, du financement et des politiques concernant siècle, les marchés intérieurs se sont agrandis et les la pénétration du marché. Ces facteurs influencent frais de port ainsi que les coûts de production ont été fortement l’adoption, l’adaptation et l’intégration réduits. Outre les facteurs physiques, les facteurs non des technologies dans l’économie. Les retombées Sommaire Exécutif 15 FIGURE 2 : Transfert, capacités et intégration des technologies Frontière technologique Diaspora et Canaux de transmission Commerce IDE autres réseaux Politiques visant à Capacités Gouvernance et climat des affaires • Créer des compétences de l’intégration Alphabétisation technologique de base • Construire des infrastructures des technologies • Encourager un climat des Financement d’entreprises innovantes affaires axé sur l’innovation Politiques proactives Intégration Retombées Rendements d’échelle Les effets dynamiques des technologies amplifient le transfert de technologies Prouesse technologique nationale Source : Banque mondiale. 2008. Global Economic Prospects: Technology Diffusion in the Developing World. Washington, DC : Banque mondiale. et le potentiel d’intensification affectent la vitesse à au contexte déclenchant une hausse des rendements laquelle les technologies peuvent être intégrées dans d’échelle. Cela comprenait des solutions, notamment un pays. mettre fin au réseau électrique limité par le biais de l’utilisation de stations de base alimentées par des Plusieurs exemples illustrent le modèle de diffusion générateurs diesel, des coûts d’investissement réduits des technologies au travail. En 2005, le gouverne- en raison des réseaux sans fil sur des terrains vierges ment du Ghana a introduit l’énergie dans le climat et d’un modèle prépayé adapté aux circonstances éco- des affaires par le biais de politiques proactives visant nomiques de la région. à séparer la production, le transport et la distribu- tion d’énergie et à ouvrir le marché aux producteurs Une vague de changements qui a débuté dans les indépendants d’électricité (IPP – Independent Power années 90 affecte la manière dont les technologies Producers). Cela a créé le canal permettant d’attirer sont transférées, adaptées et intégrées. Les nouvelles l’IDE de la Chine pour construire la centrale élec- technologies telles que les téléphones portables et trique de Sunon Asogli, le premier projet de centrale Internet sont non seulement diffusées plus vite que électrique en Afrique qui a été directement financé et les anciennes, mais elles ont également des retom- exploité par une entreprise chinoise. Nous pouvons bées significatives. Les connaissances sont diffusées citer un autre exemple, la diffusion rapide des réseaux plus rapidement sur Internet et elles complètent les de communication mobile sur le continent. Elle a été canaux traditionnels de transfert de technologies. Les facilitée dans de nombreux pays d’Afrique par le biais nouvelles technologies stimulent l’innovation dans de politiques proactives afin de permettre au secteur le domaine de la finance, parfaitement illustrée par privé d’investir dans le secteur des télécommunica- l’argent mobile et les monnaies électroniques. Le cloud tions. Même si les réseaux de téléphonie fixe existaient, computing (informatique en nuage) et l’Internet des l’intégration des technologies était lente malgré une objets accroissent la capacité informatique et trans- énorme demande insatisfaite. L’intégration rapide du mettent les données entre les capteurs, en élargissant téléphone portable était imputable à une adaptation la portée du potentiel d’innovation. 16 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ?  adre descendant et ascendant FIGURE 3 : C contribue à la sécheresse dont les effets sont amplifiés pour la diffusion de technologies par l’irrigation limitée. Descendant Ces trois influences, les retombées des technologies, Governement; Climat de l’innovation des entrepreneurs et les inquiétudes liées Investissment Partenaires de affaires / politiques privé au développement durable et à l’environnement, sont développement proactives des éléments perturbateurs qui affectent la manière dont les technologies sont normalement diffusées, ce qui entraîne une innovation ascendante.10 Ce modèle Sauts Connaissances technologiques Infrastructures ascendant est caractérisé par une adaptation inno- Adaptation Adaption vante par laquelle une technologie existante est mise Innovation à profit pour créer un tout nouveau produit ayant un Entrepreneurs potentiel d’intensification rapide. Cette adaptation innovante a donné naissance aux exemples récents Ascendant les plus notables de sauts technologiques en Afrique Source: Banque mondiale. mais également d’innovation, qui se répandent dans d’autres parties du monde (par ex. : l’argent mobile et l’énergie solaire hors réseau prépayée). Les nouveaux modèles commerciaux gérés par les Le modèle de diffusion des technologies évolue pour entrepreneurs du numérique créent un nouveau type passer d’une innovation descendante à une innova- d’écosystème de l’innovation. L’approche groupée tion ascendante, ce qui a des conséquences sur les de l’innovation, parfaitement illustrée par la Silicon sauts technologiques (Figure 3). Les gouvernements Valley, se réoriente afin de soutenir ce changement. sont en grande partie impliqués dans le modèle des- Les plateformes technologiques se répandent, même cendant par le biais de la création d’environnements en Afrique où des centaines de personnes se sont sou- économiques et de connaissances propices (par ex. : levées pour soutenir l’écosystème numérique de l’esprit éducation, R&D) et, aux côtés du secteur privé, de la d’entreprise en mettant en relation les entrepreneurs, construction de vastes infrastructures telles que des les concepteurs et les investisseurs potentiels. Les routes, des générateurs électriques et des réseaux de idées innovantes sont de plus en plus financées par un télécommunications qui sont généralement adoptées capital privé et particulièrement, un capital-risque. Les en réalisant peu, si ce n’est aucune adaptation. Ces risques et l’échec font partie de l’écosystème. projets peuvent impliquer des sauts technologiques, qui développent rapidement la capacité du transport, Les effets indésirables des technologies suscitent de de l’énergie et des télécommunications, avec une plus en plus d’inquiétudes, particulièrement leurs volonté politique et un investissement considérables. incidents sur le développement durable et sur l’envi- D’autres technologies doivent souvent être adaptées à ronnement. Les semences et les pesticides génétique- l’échelle dans le contexte de l’Afrique, notamment les ment modifiés, moteurs de la production agricole, font populations en grande partie rurales et les faibles reve- l’objet d’un examen minutieux. Le changement clima- nus. Les gouvernements africains n’ont généralement tique, majoritairement déclenché par les combustibles pas obtenu de bons résultats en matière d’adaptation, fossiles utilisés dans les technologies de production principalement en raison d’investissements insuffi- d’électricité, a des répercussions sur l’Afrique. En effet, sants dans l’éducation et la R&D. Au lieu de cela, des il affecte son important potentiel hydroélectrique et il sauts technologiques notables pouvant s’adapter ont Sommaire Exécutif 17 émané du modèle ascendant, souvent possible grâce région : l’agriculture, l’éducation, l’énergie, la finance, aux partenaires de développement, et mis en place par la gouvernance et les technologies de l’information et des entrepreneurs ou par le secteur privé intervenant de la communication (TIC). L’agriculture est le secteur dans un esprit d’entreprise. Nous pouvons citer par économique le plus important en Afrique ; il emploie exemple le ministère britannique du Développement la majorité de sa population et génère environ un tiers international (DFID) qui collabore avec Vodafone en de son PIB. L’adoption de technologies et l’innovation ce qui concerne l’argent mobile, puis la Banque mon- dépendent fortement de la capacité de l’éducation à diale et l’IFC (la société financière internationale) qui transmettre des compétences qui permette d’assimiler collaborent avec une série d’intervenants dans le cas les technologies puis de développer et appliquer des de l’énergie solaire hors réseau. L’élément clé des sauts solutions innovantes. Comme indiqué précédemment, technologiques du modèle ascendant est de libérer le la machine à vapeur a déclenché la révolution indus- potentiel de l’évolutivité par le biais de modèles com- trielle, et l’énergie peut avoir des répercussions simi- merciaux innovants. laires sur l’évolution du développement économique de l’Afrique. L’inclusion financière est importante pour Dans le monde entier, les entrepreneurs prospères la réduction de la pauvreté tandis que les marchés ont trouvé des solutions aux problèmes auxquels financiers efficients sont essentiels pour orienter les ils sont confrontés. Ces innovateurs perçoivent des investissements vers les infrastructures de l’Afrique. opportunités dans chaque problème — qu’il s’agisse Essentielle à la stabilité politique et l’efficacité des d’une contrainte ou d’un défi. Certains progrès telles marchés, une bonne gouvernance influe fortement que la banque mobile et le paiement à la demande de sur le développement économique. Les TIC sont des l’énergie solaire ont donné de l’espoir à l’Afrique mon- technologies courantes intersectorielles qui servent de trant qu’elle peut elle aussi être un acteur dynamique plus en plus de base au déclenchement de l’innova- et innovatrice.11 Bien que de tels exemples suscitent tion technologique dans le monde entier tout comme des encouragements, l’espoir du saut technologique en Afrique. reste largement inachevé. En Afrique, les contraintes sont souvent considérées comme des obstacles plutôt Les secteurs choisis présentent les retombées mention- que des opportunités. Plusieurs facteurs — tels que nées ci-dessus, en créant des synergies dynamiques le niveau de compétences, la prestation de services et entre eux. Le meilleur exemple de technologies numé- les mauvaises infrastructures — sont perçus comme riques qui proposent des options de sauts technolo- des contraintes lorsqu’il s’agit d’attirer les investisse- giques est celui des TIC, notamment en matière de ments dans les secteurs productifs. Pour résoudre les finances (argent mobile), d’éducation (apprentissage problèmes de l’Afrique, ce rapport indique que ces en ligne), d’agriculture (agriculture de précision), contraintes doivent être considérées comme des oppor- d’énergie (réseau et hors réseau intelligent) et de gou- tunités d’investissements. Dans ce contexte, l’Afrique vernance (e-gouvernement). L’éducation génère des connaîtra d’autres innovations à la recherche de la talents qui peuvent trouver des solutions innovantes prospérité. Une fois les contraintes seront devenues des aux défis urgents de nombreuses industries. L’énergie opportunités d’investissements, il y aura un nombre est nécessaire pour que les écoles puissent utiliser des illimité de situations gagnant-gagnant et une harmoni- technologies numériques pour l’apprentissage en ligne. sation entre les exigences de développement de l’Afrique Les technologies financières facilitent les micropaie- et la quête de rendement élevé des investisseurs. ments pour payer l’électricité hors réseau. Ce rapport évalue le potentiel de l’adoption de tech- Après une présentation des six secteurs et des défis nologies et de l’innovation pour six facteurs clés de la auxquels ils sont confrontés, des exemples de sauts 18 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? technologiques basés sur des pratiques innovantes et l’accès aux marchés et au financement. Malgré un sur l’adoption de technologies sont mentionnés pour potentiel agricole considérable, le continent africain l’intérieur et l’extérieur de la région. L’extension de est importateur net de denrées alimentaires en raison l’adoption, l’adaptation de technologies et l’innovation de sa croissance démographique, d’une productivité nécessite le soutien d’infrastructures physiques et insti- agricole faible et stagnante, de distorsions dans les poli- tutionnelles (Acemoglu, 2009).12 C’est là que se trouve tiques entreprises, de la faiblesse des institutions et de la clé permettant de libérer les sauts technologiques mauvaises infrastructures13. Ces obstacles entravent la et chaque secteur est mentionné en ce qui concerne capacité du continent à assurer sa sécurité alimentaire. les obstacles à l’adoption de technologies et à l’inno- vation et la manière dont ils peuvent être améliorés. Croissance agricole et réduction de la pauvreté sont Finalement, des opportunités de future recherche sont étroitement liées. Comme l’a révélé une analyse de identifiées pour chaque secteur. régression menée auprès de 25 pays en développe- ment, bien que la croissance économique soit un fac- L’évolution technologique peut prendre l’une des deux teur clé dans la réduction de la pauvreté, la croissance formes suivantes : le transfert de technologies exis- parallèle de différents secteurs est déterminante et tantes à des pays qui ne les ont pas encore adoptées ou l’accroissement des revenus agricoles s’avère particu- l’ajout d’innovations technologiques. Les implications lièrement important.14 en matière de politiques peuvent différer : dans un cas, il s’agit de renforcer les mécanismes et d’éliminer Compte tenu du caractère unique du secteur agricole les barrières au transfert de technologies ; dans l’autre en Afrique subsaharienne (avec des petites entreprises cas, en revanche, il est nécessaire de promouvoir les et une agroécologie particulière), des changements innovations locales qui sont adaptées aux conditions transformationnels requerront des solutions qui vont locales. au-delà de ce que l’on appelle la « Révolution asia- tique verte  » — symbolisée par l’emploi intensif de semences à haut rendement, d’engrais, de pesticides Agriculture et de l’irrigation. La nécessité de nourrir le continent Les solutions adoptées pour accroître la productivité agricole en Afrique sont influencées par le caractère Plus de 60 % de la population africaine résidant en changeant de la relation entre l’adoption de technolo- milieu rural, l’économie de la région est intrinsèque- gies et l’agriculture durable et par l’influence de diffé- ment dépendante de l’agriculture. Environ un tiers du rents groupes d’intérêt. L’adoption de technologies est produit intérieur brut du continent découle des activi- affectée par divers facteurs, notamment l’application tés de ce secteur. Cependant, la productivité agricole de méthodes biologiques, chimiques et mécaniques demeure bien inférieure à celle d’autres pays. Plus de (c’est-à-dire les intrants et actifs), les connaissances des 90 % de l’agriculture africaine dépend des précipita- agriculteurs, la chaîne de valeur agricole et les tech- tions sur des terres non irriguées. L’emploi de tech- nologies provenant d’autres secteurs.15 L’agriculture niques pour la culture des sols accuse un retard par durable reflète la capacité à générer suffisamment de rapport à celles d’autres régions en développement. denrées alimentaires dans des conditions économiques En outre, l’agriculture africaine se caractérise par un satisfaisantes, socialement responsables et écologiques. manque d’irrigation, mais également d’engrais, de pes- La durabilité des technologies s’envisage sous diffé- ticides et de semences à haut rendement. L’agriculture rents angles, selon qu’il s’agisse du niveau agricole, du en Afrique rencontre également des difficultés comme secteur agroalimentaire ou de l’économie nationale, Sommaire Exécutif 19 régionale ou internationale. Les préoccupations liées On a constaté que des technologies numériques telles au développement durable s’intensifient dans des que les applications pour téléphones portables, cap- domaines tels que les maladies d’origine alimentaire, teurs, satellites, RFID, mégadonnées (big data) et les incidences environnementales et le bien-être des drones ont une incidence marquée sur l’agriculture et animaux. Les gouvernements rencontrent des diffi- les moyens de subsistance des populations rurales. À cultés à concilier les intérêts privés des entrepreneurs la différence d’intrants directs tels que les semences, agroalimentaires avec l’intérêt public des petites l’irrigation, l’engrais ou les pesticides, les technologies exploitations agricoles et des citoyens intéressés. À numériques améliorent la productivité agricole et les ces difficultés s’ajoute l’impact croissant du change- revenus des populations rurales grâce à leur incidence ment climatique sur les régimes climatiques affectant dans des domaines comme la finance, la surveillance des le secteur agricole en Afrique. cultures et de la météorologie, le contrôle des animaux, les marchés et l’éducation des agriculteurs.17 Le coût des L’agriculture fait partie d’un écosystème rural où technologies numériques ayant chuté, elles deviennent les opportunités de diversification sont susceptibles de plus en plus à la portée du secteur agricole africain. d’accroître la durabilité, les revenus et de générer de Selon une analyse des entreprises sociales opérant en l’emploi. L’expérience acquise par d’autres régions Afrique orientale, la technologie s’avère un catalyseur suggère que l’accroissement de la productivité agri- clé pour les entrepreneurs du secteur agricole permet- cole s’accompagne d’un déplacement des travailleurs tant de réduire les coûts de transaction et d’obtenir des vers des zones urbaines afin d’y trouver des emplois économies d’échelle grâce à la fourniture d’information dans d’autres secteurs. Compte tenu de la faible pré- et de fonds, la collectivisation des petits exploitants sence des secteurs manufacturier et industriel sur le agricoles et l’établissement de liaisons avec le marché.18 continent et des défis que suppose une urbanisation rapide, une stratégie alternative consiste à dévelop- Le programme détaillé de développement de l’agri- per l’économie rurale, en élargissant la gamme de culture africaine (PDDAA) représente le cadre pour la produits des agriculteurs jusqu’à présent à culture transformation du secteur agricole en Afrique. Ratifiée unique, les chaînes de valeur et le développement en 2003 à Maputo, la déclaration19 qui en découle du tourisme rural. Des cultures de haute valeur non établit qu’au moins 10 % des dépenses publiques traditionnelles peuvent permettre aux agriculteurs seront destinées à l’agriculture et au développement de compléter leurs revenus grâce à un réel potentiel rural et que la croissance du secteur atteindra un taux d’exportation. Les liaisons entre les chaînes de valeur moyen annuel de 6 %. Bien que la plupart des pays informelles des zones rurales et l’agroalimentaire aient depuis accru les fonds alloués à l’agriculture, génèrent des emplois et opportunités pour les petits seuls cinq pays ont atteint la cible du PDDAA pour la exploitants agricoles. Le tourisme rural montre un période 2008-2014. La croissance annuelle du secteur important potentiel de diversification pour l’économie agricole en Afrique est passée à 3,8 % entre 2003 et rurale. Une enquête menée auprès de la population 2008. Plusieurs pays ont dépassé la cible des 6 % au autochtone de la zone de conservation de Ngorongoro cours de plusieurs périodes et 15 d’entre eux sur l’en- en Tanzanie, où l’élevage est l’activité économique semble de la période 2008-14. principale, a montré que 39 % de la population était également impliquée dans le tourisme.16 Les interrogés ont décrit le tourisme comme une source de revenus Microsauts sûre, face à d’autres activités, qui leur fournissait un revenu additionnel pour l’alimentation et les dépenses Les exemples de « sauts » dans l’agriculture sont dif- d’éducation. ficiles à quantifier au niveau macro-économique, car 20 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? Encadré 1 : Projet d’irrigation dans l’ouest du Kenya L’absence de systèmes d’irrigation est souvent citée la pauvreté et d’améliorer les conditions de vie des comme l’une des lacunes de l’agriculture africaine. petits agriculteurs. Le gouvernement du Kenya et Dans l’ouest du Kenya, un projet de conservation des le Fonds africain de développement ont financé eaux et d’irrigation mis en œuvre dans le comté de conjointement le projet. Sino Hydro, une entreprise Homa Bay, le long du lac Victoria, pourrait permettre de construction chinoise, a été engagée par les de remédier à cette situation. La région, à forte den- autorités du ministère du Développement régional sité de population et qui abrite de nombreux petits pour la construction de canaux d’irrigation gravitaire exploitants céréaliers, se caractérise par des précipi- le long de deux rivières. Grâce à ce projet, les terres tations irrégulières entraînant fréquemment de mau- cultivables sont maintenant irriguées et la population vaises récoltes. Les objectifs du Projet d’amélioration locale et le bétail disposent d’une source fiable d’eau agricole des petits exploitants Kimira-Oluch (Kimira potable. Le programme d’irrigation peut aussi per- Oluch Small Holder Farm Improvement Project) sont mettre aux agriculteurs de diversifier leur production de diminuer la dépendance vis-à-vis des précipita- en fournissant de l’eau entre autres pour la culture des tions, d’accroître la productivité agricole, de réduire céréales, fruits et légumes et la pisciculture. une amélioration notable de la productivité est souvent où l’AGRA est intervenue. D’après l’AGRA, les 57 000 liée à une culture spécifique ou technologie (telle que tonnes de semences améliorées produites en 2012 ont l’irrigation, voir Encadré 1) et ne se traduit pas néces- permis d’atteindre des rendements de 5,7 millions de sairement pas des progrès dans le secteur à l’échelle tonnes métriques de denrées alimentaires addition- du pays. De la même manière, une augmentation de la nelles, assez pour nourrir 34 millions d’individus.20 production agricole peut ne pas avoir de conséquence L’AGRA prévoit d’investir 500 millions USD dans les sur les revenus globaux au sein du secteur rural (par industries semencières sur les cinq prochaines années exemple les subventions octroyées aux grandes entre- en adoptant certains principes semblables à ceux prises). En conservant ces limitations à l’esprit, il existe des écosystèmes des startups, comme l’investisseur plusieurs exemples de gains de productivité rapides providentiel octroyant des investissements de l’ordre ayant eu des effets positifs sur le bien-être. de 150 000 USD et une étroite collaboration avec les entrepreneurs. Le succès de l’alliance pour une révolution verte en Afrique (Alliance for Green Revolution in Africa- La Côte d’Ivoire suscite de l’intérêt, car ses rende- AGRA) mérite d’être salué. Ce programme de semences ments de céréales ont cru et dépassé les deux tonnes est particulièrement important compte tenu de son métriques par hectare (t/ha) en 2010, ce qui est impact sur l’accroissement de la productivité agricole. considéré comme preuve d’une révolution verte. En AGRA a investi 100 millions USD dans les industries effet, historiquement, des rendements supérieurs à semencières africaines qui travaillent avec plus de 2 t/ha marquaient un seuil suivi par une productivité 100 entreprises — qui représentent environ un tiers agricole durable (McArthur et McCord, 2017).21 Les du marché. Elles ont produit quelque 125 000 tonnes rendements de céréales dans le pays ont crû de plus de semences améliorées en 2015, une hausse de près du tiers entre 2007 et 2014. Cette croissance a été de 400 % par rapport à 2010. De ce fait, les rende- favorisée par la fin des conflits civils du pays. La sta- ments de maïs ont doublé dans les 18 pays africains bilité politique qui en a résulté a permis d’étendre la Sommaire Exécutif 21 surface cultivée, tout comme la forte augmentation des des formations ; le réseautage informel s’est également dépenses publiques suite à la mise en œuvre du plan avéré important dans le partage d’information relative national d’investissement agricole (PNIA) 2010–2015. aux techniques de production. Les dépenses agricoles publiques, qui s’élevaient à 2 % des dépenses totales en 2007, ont atteint un pic de Une analyse des processus agricoles durables réalisée 6 % en 2014. Elles comprennent les fonds octroyés à dans 20 pays d’Afrique entre les années 1990 et 2000 l’infrastructure rurale et à des programmes de forma- a mis en exergue deux voies de gains de productivité.25 tion des agriculteurs, ainsi que des semences de meil- Des accroissements multiplicatifs suite à l’emploi de leure qualité et une disponibilité accrue des engrais. variétés nouvelles et améliorées et de meilleures pra- Denrée populaire dans le pays, le riz représente plus tiques de gestion. Des effets additifs accumulés grâce de la moitié de la production nationale de céréales. à l’adoption de nouvelles cultures et de nouveaux L’accroissement des rendements du riz a permis à cheptels. Ces techniques et pratiques ont permis certaines zones rurales de devenir autosuffisantes. d’accroître les rendements. L’analyse a également révélé que l’adoption de plus d’une pratique générait D’autres pays africains ont enregistré des rendements des gains cumulés grâce à des synergies résultant de de céréales supérieurs à 2 tonnes métriques. Dans l’obtention de meilleurs rendements face à des appli- deux d’entre eux, l’Éthiopie et le Rwanda, la croissance cations uniques telles que les engrais ou l’irrigation. agricole a été un facteur important de réduction de la Par exemple, les décideurs considèrent souvent l’amé- pauvreté. Le Rwanda a centré sa production agricole lioration des systèmes d’irrigation comme une recette sur les cultures de base afin de remplacer les impor- miracle dans l’accroissement de la production agricole tations et améliorer la sécurité alimentaire du pays. sur les terres arides. Cependant, le rétablissement de Le programme public d’intensification des cultures a l’état des sols et la garantie de l’emploi effectif des eaux permis de réduire les coûts des semences et engrais de pluie peuvent s’avérer des options plus rentables pour les exploitants agricoles. L’emploi des engrais a et durables. plus que doublé, passant de 18 % en 2005–06 à 38 % en 2010–11 et les ventes moyennes des produits issus de l’agriculture ont augmenté de 18 à 25 %. D’après la Conditions pour un saut technologique Banque mondiale, 45 % de la réduction de la pauvreté dans le secteur agricole au Rwanda sur cette période peut être directement attribuée à l’agriculture.22 Plusieurs domaines requièrent une attention particu- lière pour la création des conditions préalables à une La production céréalière a triplé en Éthiopie entre agriculture de « sauts » en Afrique. 2000 et 2014. D’après la Banque mondiale, la pau- vreté en Éthiopie a chuté de 33 % depuis 2000, avec La Recherche et Développement (R&D) est essen- une croissance du PIB agricole de près de 10 % par tielle au développement et à l’adaptation de nouvelles an.23 Une analyse de la croissance des cultures céréa- technologies. Il existe une association positive entre la lières a montré qu’elle résulte principalement de l’ac- R&D et des rendements élevés.26 Alors que les inves- croissement des surfaces cultivées et non de celui des tissements dans la R&D agricole ont triplé en Chine et intrants.24 Seule exception, le teff, une graine qui est en Inde durant les 20 dernières années, ils ont à peine l’ingrédient principal de l’injera, un pain traditionnel augmenté d’un cinquième en Afrique subsaharienne (et éthiopien. La rapide expansion du teff est attribuée ont régressé dans près de la moitié des pays de la région). à une série de facteurs, notamment des parcelles de En 2011, les investissements agricoles publics et privés démonstration, des prêts pour l’achat de semences et en Afrique subsaharienne s’élevaient tout juste à 4 % du 22 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? total mondial, alors qu’ils atteignaient 6,1 % trois décen- Des investissements dans les infrastructures rurales nies auparavant.27 Il est difficile, pour les petits pays afri- sont nécessaires, tout particulièrement dans le trans- cains, de tirer avantage d’économies d’échelle en R&D, port, l’électricité, les télécommunications et l’irrigation. rendant ainsi la collaboration régionale essentielle. Le L’impact de tels investissements peut s’avérer signifi- transfert international de technologie est limité en raison catif selon une étude qui a révélé qu’un accès à des de l’environnement agroécologique unique de l’Afrique routes toutes saisons permet de réduire la pauvreté de qui souligne encore plus l’importance des efforts natio- 6,9 points de pourcentage.29 Des moindres coûts et naux en matière de R&D. L’absence de chercheurs quali- des modèles commerciaux novateurs stimulent certes fiés est amplifiée par le départ (retraites et roulement du l’installation de liaisons électriques hors réseau, four- personnel) des scientifiques expérimentés et davantage nissant ainsi, au cours des 18 derniers mois, de l’éner- de ressources doivent être consacrées au développe- gie à des centaines de milliers de domiciles ruraux, ment des capacités. La volatilité des financements en mais ils demeurent le sommet de l’iceberg puisque la Afrique consacrés à la R&D agricole reflète est le reflet moitié de l’Afrique subsaharienne est privée d’élec- de financements publics limités et de la dépendance tricité. L’irrigation est cruciale dans la production de vis-à-vis d’une assistance irrégulière en provenance de cultures, et pourtant moins de 5 % des terres cultivées partenaires pour le développement. Les gouvernements en Afrique en bénéficient. L’infrastructure mobile a africains doivent concevoir des programmes de R&D réalisé la performance d’atteindre une proportion de cohérents et d’y engager suffisamment de fonds tout en ménages africains dotés de téléphones portables supé- garantissant l’alignement du financement des bailleurs rieure à celle de la disponibilité en électricité. Cela est de fonds et des stratégies. en grande partie dû à l’investissement privé, un modèle qui pourrait être plus largement appliqué à d’autres Tout comme dans d’autres secteurs, un nombre crois- secteurs infrastructurels par le biais de licences et sant de progrès réalisés dans l’agriculture en Afrique partenariats public-privé. Les gouvernements doivent proviennent d’écosystèmes d’innovation entrepreneu- établir un ordre de priorité des financements publics riale. Apparaît une nouvelle race d’Agripreneurs qui pour que l’infrastructure agricole soit le résultat d’un appliquent des technologies numériques et des compromis entre là où l’investissement est réalisé (par principes issus des écosystèmes des startups pour exemple routes, irrigation, services de vulgarisation, améliorer les processus agricoles. Les entrepreneurs R&D, etc.), la croissance économique et réduction locaux connaissent mieux leur environnement rural, de la pauvreté. ce qui leur donne l’avantage sur les grandes multina- tionales. Ils sont aussi davantage aptes à relever des Compétences et éducation sont requises à tous les défis liés entre autres aux marchés fragmentés, au niveaux, notamment la politique, recherche, applica- manque d’économies d’échelle, à l’analphabétisme et tion de la technologie et les agriculteurs eux-mêmes. aux traditions autochtones.28 Cette situation peut être Alors que de nouvelles technologies numériques mise à contribution grâce à un environnement favo- sont apparues et ont prouvé leurs effets sur le sec- rable, notamment des incubateurs de technologie, des teur rural, les compétences au sein des bureaux de réseaux d’échange d’information et des financements. l’administration de l’agriculture sont souvent limi- Des liaisons de collaboration efficaces sont également tées, réduisant ainsi leur application. Des agents de essentielles le long de la chaîne d’approvisionnement vulgarisation doivent être formés à l’utilisation des agricole, des agriculteurs aux agro-industries et aux nouvelles technologies afin qu’ils puissent transmettre consommateurs. Les décideurs politiques doivent leurs connaissances aux exploitants agricoles. Il existe impliquer tous ces groupes dans le développement aussi des contraintes de ressources pour la diffusion de stratégies et plans sectoriels. des connaissances et un nombre insuffisant d’agents Sommaire Exécutif 23 de vulgarisation et un personnel technique expéri- à l’agriculture, notamment une stratégie et un plan menté approchant l’âge de la retraite. Ces exemples se sectoriels solides, appliquent un processus de mise en retrouvent largement dans de nombreux pays africains, œuvre inclusif à l’échelle du pays, offrent des incita- ce qui renforce le besoin de développer des initiatives tions d’investissement attrayantes et démontrent leur de renforcement des capacités des experts techniques. engagement dans les réformes nécessaires. La capacité de savoir des agriculteurs doit également être accrue afin que ces derniers puissent tirer profit des intrants, machines et technologies numériques Éducation dans l’accroissement de la productivité. Des interfaces utilisateurs inefficaces et l’absence de culture numé- Quelques gains, mais une perte de terrain rique figurent parmi les raisons citées pour expliquer le faible succès de certaines TIC employées dans des Il est établi que les progrès dans le domaine de projets agricoles.30 l’éducation sont liés aux améliorations à long terme des performances économiques31. L’éducation et le Malgré l’importance de l’agriculture dans l’écono- développement économique sont liés à trois égards32. mie africaine (18 % du PIB en 2016), son potentiel Premièrement, l’éducation améliore les compétences demeure inexploité en raison d’un sous-investis- de la main-d’œuvre et, par là même, la productivité. sement chronique. Ceci est visible dans la faible Deuxièmement, elle influence la capacité de l’écono- productivité et se caractérise par une mécanisation mie à développer de nouvelles idées et technologies. limitée, des intrants imparfaits et une application Troisièmement, elle représente un instrument de inégale des nouvelles technologies. Les gouver- diffusion des connaissances nécessaires à la mise en nements africains n’ont attribué que 3 % de leurs œuvre d’idées innovantes et de nouvelles technologies. budgets à l’agriculture en 2010, sept ans après s’être engagés à un taux de 10 % dans la déclaration de Les pays en développement, et notamment l’Afrique, Maputo du PDDAA. Le niveau d’investissement par sont à la traîne en matière de résultats scolaires. Selon travailleur agricole est stagnant ou en déclin depuis une analyse récente, l’équivalent d’un siècle sépare les 30 ans. Le secteur agricole de la région reçoit moins niveaux scolaires entre les pays développés et ceux de 5 % de prêts en provenance d’institutions finan- en développement33. À ce rythme, il faudra plus de cières formelles, privant les entreprises agricoles de 100 ans aux élèves des pays en développement pour capital. Plusieurs facteurs expliquent cette situation, rattraper ce retard. Il conviendra donc d’adopter des notamment la nature risquée des petites exploitations approches audacieuses et innovantes pour relever les agricoles, de faibles rendements, des droits et titres défis colossaux auxquels le secteur éducatif africain de propriété incertains et des cadres stratégiques est confronté. et réglementaires inadaptés. Cependant, certains éléments indiquent que des fonds sont disponibles L’Afrique subsaharienne a fait d’énormes progrès auprès de partenaires pour le développement si les dans son processus d’augmentation de la fréquen- conditions en faveur de la croissance sont remplies. tation scolaire en primaire, les taux bruts de scola- En outre, des initiatives de financement du secteur risation avoisinant les 100 %. Cette augmentation privé se développent, notamment en provenance s’explique, en grande partie, par l’appui des bailleurs de banques, fonds de placement privés et capital de de fonds visant à atteindre l’objectif d’accès à l’en- risque, investisseurs d’impact et institutions de micro- seignement primaire pour tous du Millénaire pour finance. Les pays africains ayant le plus de chances le développement (OMD) d’ici à 2015. La région d’en bénéficier sont ceux qui accordent la priorité aura davantage de difficultés à atteindre le nouvel 24 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? objectif de développement durable (ODD) portant à l’école ou sont déscolarisés et instiller une culture sur l’enseignement secondaire pour tous d’ici à 2030. d’apprentissage continu. En 2014, le taux brut de scolarisation dans le secon- daire en Afrique subsaharienne s’établissait à 43 %, Au regard de ces diagnostics, il n’est pas excessif d’af- soit 22 points de pourcentage en deçà du taux de la firmer que le système éducatif en Afrique doit être région suivante par ordre décroissant et 34 points de rapidement amélioré, tant sur le plan quantitatif que pourcentage sous la moyenne mondiale. L’effort à qualitatif. En Afrique, l’enseignement doit également fournir pour combler cet écart est bien plus impor- faire un bond en avant pour se mettre au diapason des tant que celui qui permettrait d’accéder à l’éducation transformations du marché du travail. Si l’enseignement presque universelle. Pourtant, il existe relativement traditionnel aux enfants a pu fonctionner par le passé, peu d’initiatives pour agir sur le développement de il n’existe aucune garantie que cela continue à l’avenir la scolarisation dans le secondaire. Le taux brut de compte tenu de l’évolution des emplois et des modes scolarisation dans l’enseignement supérieur s’élève de vie au 21e siècle. Le monde du travail est en rapide à 8,6 % seulement. Certains experts reconnaissent évolution et, dans de nombreux pays, la plupart des qu’il faudrait presque le doubler pour pérenniser les métiers pour lesquels la demande est forte n’existaient niveaux de développement économique actuels. Le pas il y a encore dix ans. C’est pourquoi il est urgent de besoin de changements radicaux est urgent. transformer le système éducatif en Afrique de manière à doter les étudiants des compétences adéquates qui L’Afrique est confrontée à plusieurs défis, dont celui répondront aux besoins du marché du travail de demain. du nombre d’enseignants dont elle dispose, leur motivation et leur qualité. Près de 42 % du temps L’innovation et la technologie sont deux moyens de d’enseignement au Kenya est perdu en raison de l’ab- transformer le système éducatif du continent. Internet sentéisme des enseignants et parce qu’un peu plus d’un est un outil d’enseignement transversal qui offre un tiers seulement de ceux qui officient dans des écoles accès sans pareil à l’information et fournit des passe- publiques maîtrisent la matière qu’ils enseignent34. relles entre les ressources éducatives, les laboratoires Cette limitation se reflète implicitement dans les per- virtuels, les idées et les gens. Il offre de nombreux formances des élèves. Sur l’ensemble de la région, moyens pour repousser de manière exponentielle seuls trois adultes sur quatre ayant été scolarisés pen- les limites physiques de l’école en donnant accès aux dant six ans savent lire. De plus, les disparités entre élèves et aux professeurs à des ressources d’apprentis- les pays sont significatives, ce qui suggère que, pour sage en ligne provenant du monde entier. la plupart des élèves, la qualité de l’apprentissage en primaire doit être améliorée avant d’aller plus loin L’enseignement compte de plus en plus d’innovations dans le cycle scolaire. et d’interventions numériques. Pour l’Afrique, le défi est de savoir lesquelles méritent d’être adoptées et les- Le niveau d’instruction en Afrique subsaharienne s’est quelles sont amplifiables. L’absence d’infrastructures substantiellement amélioré au cours des 60 dernières permettant d’utiliser ces technologies éducatives est années. En effet, la part de la population âgée de 15 l’une des principales contraintes auxquelles la région ans et plus ayant été scolarisée dans le secondaire a été doit faire face. La disponibilité de l’électricité, essen- multipliée par 5, passant de 5 % à 26 %. Cependant, tielle à l’utilisation des ordinateurs et nécessaire pour un tiers environ de ce segment de population reste accéder à Internet, varie considérablement selon les privé d’accès à l’enseignement. Il faut donc axer les écoles africaines. De même, les technologies numé- efforts d’enseignement sur ceux qui ne sont jamais allés riques comme les ordinateurs ou Internet ne sont pas disponibles dans toutes les écoles. Sommaire Exécutif 25 Assurer un saut du système éducatif en les TIC et l’adoption croissante de ces technologies augmentant le niveau de scolarisation, en dans le monde du travail. Ce projet s’est traduit par renforçant les technologies éducatives et une amélioration considérable des compétences des en améliorant les résultats enseignants dans ce domaine, ces derniers passant d’une méconnaissance totale de l’informatique à la Les exemples tirés d’autres régions et en Afrique en capacité à concevoir des pages Web36. Conçu en deux général montrent que l’on peut parvenir à des sauts paliers, ce projet a permis d’utiliser les enseignements rapides en matière de résultats, de formation des ensei- de la première phase pour la deuxième. gnants, de scolarisation et de développement de conte- nus de formation en ligne, mais aussi de disponibilité La Chine a, depuis longtemps, reconnu qu’elle n’avait de l’électricité et de TIC dans les écoles. En témoigne pas rapidement offert les compétences fondamentales celui des progrès éducatifs accomplis par le Vietnam nécessaires à son développement économique. Pendant au cours des 20 dernières années. Alors qu’il affiche presque 40 ans, son système éducatif a vécu plusieurs un PIB par habitant plus faible que celui des pays étapes d’exploration, d’innovation, de réformes et de qui ont participé au Programme international pour le développement. L’expérience chinoise dans la trans- suivi des acquis des élèves (PISA), il a obtenu de meil- formation de son système éducatif peut se résumer en leurs résultats que la moyenne des pays de l’OCDE, cinq grandes impulsions. Premièrement, elle a modifié de meilleures performances que la plupart des pays ses modèles pour les adapter aux changements éco- développés et des notes de 100 points supérieures à nomiques. Dans les premières années de la réforme la moyenne des autres pays en développement ayant économique, de nombreux secteurs étaient sous-dé- participé à l’évaluation35. Les pouvoirs publics ont veloppés et les professionnels de talent étaient très reconnu que l’éducation était une priorité nationale recherchés. Au lieu de s’accrocher au modèle éducatif et ont investi très tôt dans les écoles et la qualité des traditionnel, le gouvernement central a investi dans le compétences des enseignants en développant et en développement des compétences dans des domaines imposant des normes minimums de qualité pour les clés pour s’adapter au développement économique en écoles, mais aussi en professionnalisant les enseignants marche. Deuxièmement, elle a appris des autres pays sur des sujets comme la connaissance de leur matière, pour orienter l’enseignement supérieur à la demande leurs compétences et leur comportement. Le Vietnam mondiale. Elle a fait appel à des experts venant de pays a également adopté très tôt le principe d’évaluation comme le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, les normée dans les domaines de la littératie et de la États-Unis et le Japon et introduit dans son système numératie. Enfin, le pays a mis en place une stratégie d’enseignement supérieur les expériences d’autres d’ouverture vers l’extérieur pour adopter les bonnes pays pour accélérer les réformes dans le secteur ter- pratiques observées dans les pays développés. tiaire. Troisièmement, elle a fait converger l’offre et la demande du marché en restructurant le secteur éduca- Le Bhoutan a lancé un projet pour doter les ensei- tif et en y apportant des innovations. Quatrièmement, gnants stagiaires de compétences dans les TIC. Le pays elle a injecté davantage de ressources fiscales et sociales dispose de deux institutions de formation des ensei- dans l’éducation et augmenté ses investissements dans gnants. Avant les années 2000, aucune ne proposait les régions rurales. Cinquièmement, elle a fait de l’in- de formation aux TIC. Le ministère de la Santé et de vestissement dans le secteur éducatif une condition l’Éducation bhoutanais a travaillé avec une fondation préalable au développement économique. Les résultats singapourienne pour former les enseignants afin qu’ils de l’exemple chinois montrent que le développement intègrent les TIC aux programmes et réduisent ainsi du système éducatif est une condition préalable au l’écart entre les faibles compétences des élèves dans développement économique rapide et non l’inverse. 26 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? Les développements éducatif et économique sont à Internet. Dans le cadre d’un programme distinct, interdépendants, ce qui signifie que le développement toutes les écoles du secondaire se voient offrir un accès économique fournit des ressources à l’enseignement à Internet par le fonds d’accès au service universel mis et que l’enseignement offre un appui intellectuel au en place par l’Autorité des communications du Kenya. développement économique. L’expérience chinoise Le Réseau éducatif kenyan (KENET), précédemment indique que les investissements dans la transforma- responsable de la connectivité du système d’ensei- tion éducative et économique doivent être simultanés. gnement supérieur du pays, a vu son mandat étendu à la coordination de plusieurs initiatives publiques L’Université virtuelle africaine (UVA) est à l’avant- et privées visant à fournir un accès à Internet dans garde de l’apprentissage en ligne dans la région. les établissements primaires et secondaires. Plus de L’UVA met en relation 27 institutions de pays africains 90 000 enseignants ont été formés à l’enseignement anglophones, francophones et lusophones et offre des numérique et la formation en ligne a été introduite programmes diplômants et certifiants en ligne et en dans plus de 18 000 écoles primaires. mode présentiel, mais également mixte. Le lancement, en 2011, des Ressources éducatives libres (REL) est Saõ-Tome-et-Principe offre un exemple d’augmenta- un de ses projets emblématiques. L’UVA est l’un des tion rapide du taux de scolarisation dans le secondaire plus importants créateurs de contenus éducatifs en au-delà des niveaux mondiaux. Les pouvoirs publics ligne en Afrique, avec plus de 200 cours s’appuyant ont élaboré un programme définissant les stratégies sur des REL suivis non seulement sur le continent, pour le secteur éducatif avec pour objectif d’offrir mais également à l’étranger. Plus de 63 000 étudiants un enseignement gratuit à tous les enfants pendant africains ont bénéficié de l’UVA depuis sa création. 12 ans. Ils sont déjà parvenus à la scolarisation pri- L’enseignement à distance offre une aide supplémen- maire universelle avec un nombre important d’enfants taire intéressante pour stimuler la formation dans poursuivant ensuite leur scolarité dans le secondaire. l’enseignement supérieur en Afrique au regard de Ce programme s’est traduit par une augmentation du l’incapacité des universités du continent à améliorer taux brut de scolarisation de presque 50 points de rapidement leurs infrastructures physiques. pourcentage entre 2003 et 2016. Cette augmentation a été stimulée par la priorisation du secteur éducatif L’exemple du Kenya montre comment l’électricité et par les pouvoirs publics qui en ont établi les condi- l’accès à Internet peuvent être rapidement déployés, y tions préalables via un accroissement des ressources. compris dans les écoles des régions rurales éloignées, En effet, la proportion des dépenses publiques consa- afin de permettre l’enseignement en ligne. Lancé en crées à l’éducation est passée de 2,7 % du PIB en 2002 juillet 2013, le Projet national d’électrification des à 8,8 % en 2010. écoles primaires publiques est un précurseur de la facilitation de l’apprentissage numérique dans les écoles primaires publiques. Au cours des trois années Établir les conditions préalables à un saut qui ont suivi, plus de 12 000 écoles primaires, prin- des résultats et des compétences dans le cipalement rurales, ont été reliées à l’électricité grâce secteur éducatif à des solutions réseau ou hors réseau, augmentant la proportion d’établissements bénéficiant de l’électricité Si le secteur éducatif en Afrique est confronté à plu- de 43 % en 2013 à 95 % en juin 2016. Différentes ini- sieurs défis, les exemples de sauts accomplis pré- tiatives et technologies — notamment la fibre optique, sentent un potentiel pour que le continent améliore le haut débit mobile et la couverture satellite — ont rapidement les résultats et les compétences. Afin de également permis aux écoles primaires d’avoir accès permettre la transformation rapide du secteur, la Sommaire Exécutif 27 région doit créer des conditions préalables à cette connectivité des écoles. Ils peuvent ainsi tirer parti des mutation dans plusieurs domaines. programmes de responsabilité sociale des entreprises mis en place par les opérateurs de télécommunications Les partenariats sont une caractéristique de tous les et des fonds d’accès au service universel auxquels exemples de sauts, notamment les accords intergou- ces derniers contribuent. Plusieurs pays africains ont vernementaux comme l’UVA ainsi que la coopération adopté ces stratégies avec succès pour financer les bilatérale, qu’elle soit formalisée dans le cadre de infrastructures de TIC des écoles. Les écoles pourraient projets ou de l’apprentissage par un pays grâce aux bénéficier d’un coût d’accès à Internet plus abordable expériences réussies d’autres nations dans le secteur grâce à la subvention des frais de service, autre pra- éducatif. Cela met en exergue la nécessité pour les tique adoptée par de nombreux pays. Les pays africains pouvoirs publics africains et les ministères de l’Édu- doivent également exploiter l’expertise des réseaux cation de collaborer plus étroitement entre eux et éducatifs et de recherche nationaux — qui, à l’origine, avec les autres pays hors de la région afin de partager furent créés pour l’enseignement supérieur — pour des ressources rares, apprendre grâce aux pratiques qu’ils contribuent la connectivité des établissements éducatives innovantes et savoir comment les mettre primaires et secondaires. en œuvre à grande échelle. Les partenariats avec le secteur privé, qu’il s’agisse de l’introduction des tech- En évolution rapide, le marché du travail nécessite nologies ou de la collaboration sur la formation aux de nombreuses compétences nouvelles. En Afrique, il compétences recherchées par les entreprises, consti- existe un déséquilibre considérable entre l’offre et la tuent une autre voie prometteuse. Le secteur privé demande de main-d’œuvre disposant des compétences pourrait jouer un rôle clé en investissant dans le sec- adaptées. Pour assurer une plus grande convergence teur éducatif et les infrastructures facilitant la forma- entre les emplois et les compétences disponibles, les tion numérique à travers le continent. Cette initiative secteurs public et privé doivent collaborer étroitement. entraînera une réduction des barrières réglementaires Les ministères du Travail doivent s’assurer la contri- qui contraignent les investissements des entreprises bution des entreprises pour anticiper leurs besoins privées dans le secteur. Si le premier défi concerne en termes de main-d’œuvre. Quant aux ministères de les efforts que devront déployer les pouvoirs publics l’Éducation, ils doivent élaborer des plans sectoriels pour réformer, il n’en reste pas moins que le secteur pour s’assurer du développement des compétences privé a beaucoup à gagner à investir dans l’appui au adéquates afin de satisfaire cette demande. Il faut secteur public pour faire émerger les compétences. également mettre l’accent sur les sources d’innovation en encourageant l’esprit d’entreprise via la création Introduire les TIC dans l’enseignement nécessite un de plateformes numériques et la collaboration étroite équipement informatique, un accès à Internet et un entre le secteur de l’enseignement supérieur et les approvisionnement régulier et fiable en électricité. Il startups. existe de nombreux écarts dans la région en matière de fourniture d’électricité, d’ordinateur et d’accès à Les bons étudiants ont besoin de bons enseignants. De Internet. Il y a également des disparités notables en plus amples efforts sont nécessaires pour former les termes de disponibilité entre les différents niveaux enseignants et s’assurer de leur bonne répartition au d’enseignement. Les pouvoirs publics doivent investir sein du système éducatif. Le succès dans l’utilisation des ressources dans les infrastructures informatiques des TIC pour l’enseignement est lié à la capacité des pour les écoles. Il existe de nombreuses options pour enseignants à intégrer ces technologies dans le proces- trouver des financements, notamment puiser dans sus éducatif et à leurs compétences. En conséquence, si les ressources du secteur privé pour des projets de les enseignants ne se voient pas offrir de compétences 28 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? dans les TIC, il est très peu probable que les interven- notamment un enseignement des compétences infor- tions numériques soient efficaces. matiques de base. Les idées innovantes et les technologies numériques ne s’amplifieront pas et n’atteindront pas le succès Énergie escompté sans de solides politiques éducatives, stra- tégies et programmes sectoriels. Les pouvoirs publics Des ressources abondantes, mais des doivent avoir une vision claire du secteur éducatif. capacités insuffisantes Ils doivent déterminer comment ce secteur s’inscrit dans les objectifs nationaux, mais aussi identifier les En Afrique, les capacités et l’utilisation énergétiques initiatives nécessaires pour atteindre ces objectifs et les sont les plus faibles du monde. Bien que les capacités résultats escomptés. Cette approche éclaire la façon de génération électrique du continent aient augmenté dont l’innovation et les technologies numériques s’ins- de 32 % entre 2010 et 2016, pour atteindre 175 GW, crivent dans les objectifs éducatifs et les résultats. Elle elles demeurent inférieures à celles de toutes les autres augmente également les chances d’amplifier les pilotes régions en développement. Alors que l’Afrique repré- réussis tout en minimisant les initiatives lancées par sente 16 % de la population mondiale, elle ne détient les bailleurs de fonds et le secteur privé et auxquelles que 2,8 % de la capacité de production électrique. il est mis un terme lorsqu’il n’y a plus de finance- ments. Il est nécessaire de développer des stratégies Les raccordements des ménages au réseau électrique s’appuyant sur une approche multiparties intéressées, sont rares en Afrique subsaharienne. Bien que leur notamment au sein des ministères, pour réduire les nombre augmente lentement, seulement 37 % de la silos des technologies éducatives, mais aussi en s’ad- population d’Afrique subsaharienne disposait d’un joignant la contribution des enseignants, des parents, accès à l’électricité en 2014, loin derrière les autres des élèves, des bailleurs de fonds et du secteur privé. régions en développement. Dans ce contexte, plus de Le suivi et l’évaluation sont essentiels pour surveiller 600 millions de personnes en Afrique subsaharienne la mise en œuvre des technologies numériques en vue — soit près des deux tiers de la population — vivent de réduire les inégalités et d’évaluer ce qui fonctionne sans électricité. La plupart d’entre elles vivent dans des pour améliorer les résultats. zones rurales, où il n’existe aucun réseau électrique et où l’extension des réseaux existants est peu envisa- Il faut instiller une culture de développement continu geable pour des raisons financières et logistiques. Sans des compétences à travers le continent. Ce point est une production énergétique significativement supé- essentiel, car les économies évoluent en permanence, rieure, l’Afrique subsaharienne rencontre beaucoup de de même que la demande de nouvelles compétences. difficultés à atteindre les Objectifs de développement Les plateformes d’apprentissage en ligne facilitent cette durable pour l’énergie, et notamment «  assurer un tâche de développement et d’amélioration continus des accès universel à des services énergétiques abordables, compétences. Elles nécessitent un accès aux techno- fiables et modernes » d’ici 2030. logies numériques et le développement d’un contenu local pertinent. En parallèle, plus de la moitié des Le manque d’électricité en réseau et hors réseau adultes africains n’ont jamais été scolarisés ou pos- entraîne un usage intensif de kérosène, de bougies, sèdent seulement un niveau d’enseignement primaire. de bois et de charbon pour la cuisson et l’éclairage, Des efforts sont nécessaires pour cibler ce groupe et ne avec de sérieuses conséquences sur la santé, la sécu- pas exclure davantage ces adultes. Ils peuvent consister rité, l’environnement et la situation socio-économique en des initiatives de formation formelle ou informelle, dans son ensemble ; par ailleurs, il affecte les femmes Sommaire Exécutif 29 et les enfants de manière disproportionnée. Plus de électrique hors réseau dans les zones rurales de toute 3,5 millions d’Africains meurent chaque année en la région. Les énergies renouvelables solaire et éolienne raison des polluants ou des incendies causés par les sont la source de consommation d’énergie primaire qui combustibles liquides pour l’éclairage et la cuisson37. enregistre la croissance la plus rapide sur le continent. La faiblesse du secteur de l’énergie en Afrique limite Des investissements considérables sont nécessaires la croissance économique et le développement. pour que l’Afrique accroisse sa production énergé- L’électricité est une préoccupation majeure pour les tique. En effet, ses besoins en investissement sont entreprises en Afrique subsaharienne. Il s’agit, après élevés par rapport à ceux d’autres secteurs : ils sont l’accès au financement, du deuxième problème le 4,5 fois supérieurs à ceux nécessaires pour le secteur plus important pour les entreprises de la région. Si des TIC (technologies de l’information et de la com- l’Afrique subsaharienne améliore certains aspects de munication) et environ le double des investissements son environnement des affaires, elle ne réalise que peu dans chacun des secteurs de l’eau, de l’assainissement de progrès dans le domaine de l’électricité. Il faut en et des transports40. On estime que l’Afrique subsaha- moyenne 130 jours pour obtenir un nouveau raccor- rienne doit investir 41 milliards USD par an pour dement au réseau électrique. De plus, les entreprises et répondre aux besoins de son secteur électrique — ce les consommateurs africains connaissent la plus longue qui équivaut à plus de 6 % de son PIB41. Si les services durée de coupures dans le monde38. Les prix relatifs de publics ont traditionnellement été la source de géné- l’électricité sont, de loin, les plus élevés de toutes les ration d’électricité la plus importante en Afrique sub- autres régions, équivalent à 4000 % du PIB par tête. saharienne, les investissements nécessaires dépassent leurs capacités de financement. Le secteur privé est Or, bien que l’Afrique subsaharienne connaisse une donc essentiel à l’extension de l’offre énergétique. crise énergétique, elle dispose d’abondantes ressources L’investissement du secteur privé dans ce secteur est énergétiques à faible carbone et à faible coût. La pre- de plus en plus canalisé par des Projets d’énergie indé- mière source d’énergie potentielle est l’eau. Plus de pendants (PEI) qui se sont multipliés sur le continent 90 % du potentiel hydroélectrique économiquement et existent dans dix-sept pays. viable de l’Afrique, équivalent à environ un dixième du total mondial, sont inexploités. L’électricité d’origine L’Afrique doit suivre une trajectoire différente pour hydraulique représentait 13 % de la consommation stimuler son secteur de l’énergie. Depuis peu, se des- d’énergie primaire de la région en 201639. Les plus sinent quatre tendances qui renforcent sensiblement importantes sources de consommation énergétique le potentiel de saut technologique dans le secteur dans la région sont le pétrole et le gaz. Si la plupart de l’énergie. Celles-ci se basent sur la combinaison des pays de l’Afrique subsaharienne possèdent des de changements technologiques qui contribuent centrales électriques thermiques, seuls quelques-uns significativement à (a) réduire le coût des énergies utilisent les ressources pétrolières et gazières. En effet, renouvelables  ; (b) améliorer l’efficacité des appa- la plupart de ces pays comptent sur les importations, reils ; (c) augmenter l’intelligence des infrastructures à quelques exceptions près (par exemple, le Nigeria d’énergie grâce aux technologies numériques  ; et et l’Angola). Le continent possède d’abondantes res- (d) permettre la fourniture de services décentralisés. sources en énergies renouvelables, notamment solaires Conjugués à la personnalisation des technologies et et éoliennes. La baisse des coûts d’équipement, une à un financement innovant, ces éléments peuvent efficacité accrue et des modèles d’affaires innovants ont conduite à des transitions sociotechniques favorisant permis au solaire d’enregistrer une croissance rapide, les solutions énergétiques42. Appliquer une analyse qui offre une solution attractive pour la fourniture spatioéconomique aux changements considérables que 30 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? les technologies énergétiques ont connus peut aider à marché ; le soutien aux fabricants et aux distributeurs ; identifier quels peuvent être le réseau rural à moindre le développement de normes de qualité internationales coût, les options d’électrification par mini-réseau et en matière de conception de produits, de tests de qua- hors réseau, pour enfin mettre un terme à la pauvreté lité de produit et de certification  ; et l’éducation des énergétique en Afrique subsaharienne43. Cela exigera clients et le financement). L’expérience pilote a fourni des innovations institutionnelles, réglementaires et des leçons intéressantes qui ont été utilisées pour financières complémentaires. adapter la conception et la mise en œuvre de l’initia- tive. En 2016, le projet avait été déployé dans onze pays d’Afrique subsaharienne, au bénéfice de près de Sauts dans l’électrification 21 millions de personnes (4 % de ceux ayant accès à l’électricité). Son objectif est d’atteindre 250 millions Certains pays africains connaissent d’importants sauts de personnes de plus à l’horizon 2030 (équivalent à de production et d’accès à l’électricité grâce à une 42 % des personnes n’ayant pas accès à l’électricité). initiative régionale qui déploie une électricité hors Ce projet a également présenté des avantages pour la réseau, un Projet d’électricité indépendant (PEI) au santé, la sécurité et l’environnement. En témoigne la Ghana et les initiatives d’électrification accélérée au réduction des fumées toxiques des lampes au kérosène Rwanda. Le saut technologique a été déclenché par les et à la paraffine, qui a permis aux enfants d’étudier et innovations technologiques, la conception de projet de faire leurs devoirs la nuit et aux ménages et petites et la réglementation. entreprises d’économiser de l’argent en réduisant les achats de kérosène44. Fort de son succès, Lighting Lighting Africa est une initiative de la Banque mon- Africa a évolué en Lighting Global, destiné à diffu- diale/SFI lancée au Kenya en septembre 2007, destinée ser l’électricité solaire hors réseau à d’autres régions. à aider l’industrie mondiale de l’éclairage à catalyser L’innovation a également été favorisée par des startups un marché pour les produits d’éclairage hors réseau solaires qui utilisent les réseaux mobiles pour gérer les répondant aux besoins des consommateurs africains. générateurs et l’argent mobile, de manière à ce que La mission du programme consistait à créer un éclai- les consommateurs procèdent à des micropaiements. rage abordable, respectueux de l’environnement, Il existe plus d’une demi-douzaine de ces nouvelles durable et sûr pour tous. La conception de ce projet sociétés solaires, qui ont levé un capital à risque de intégrait les enseignements tirés de projets d’éclairage plus de 200 millions USD en 2016, contre seulement solaire antérieurs financés par la SFI et des dons de 19 millions USD en 201345. bailleurs de fonds. L’on considère généralement que Lighting Africa a été une initiative innovante à deux En 2005, le gouvernement ghanéen a promulgué un niveaux. S’agissant du développement du marché, amendement à la loi régissant le principal service ce projet a transformé le marché des lampes solaires public d’électricité du pays, la Volta River Authority au Kenya en offrant aux plus démunis des produits (VRA). Promulgué dans le contexte des réformes du d’éclairage solaires abordables. Il a également montré secteur de l’électricité entreprises par le gouvernement, la viabilité et la durabilité commerciale de l’approche cet amendement limitait largement les capacités de la consistant à répondre aux besoins d’éclairage de la VRA en matière de génération électrique, créant ainsi base de la pyramide sociale, contrairement aux prêts une ouverture pour attirer l’investissement du secteur financés par des bailleurs de bailleurs, pour l’achat privé dans le secteur de l’énergie par le biais de Projets de lampes solaires. Pour ce faire, Lighting Africa a d’énergie indépendants (PEI). La centrale électrique pris en compte les contraintes existant tout au long Sunon Asogli est l’un des PEI créé par cette réforme. de la chaîne logistique (y compris les informations de Il s’agit du premier projet de centrale électrique en Sommaire Exécutif 31 Afrique résultant directement de l’investissement et les parties prenantes en matière de planification, de de l’exploitation par une société chinoise, financée financement et de mise en œuvre46. conjointement par le Fonds chinois pour le dévelop- pement de l’Afrique (China Africa Development Fund) et Shenzhen Energy Group. Les unités de génération au Conditions préalables pour l’électrification gaz de la phase I furent mises en service en 2010. La de l’Afrique Phase II entra en production en mars 2017, après une durée de construction de moins d’un an — c’est-à- Avec des ressources énergétiques abondantes, l’Afrique dire la plus rapide jamais réalisée en Afrique pour un présente un potentiel considérable pour accroître sa projet d’une taille similaire. Sunon Asogli joue un rôle génération électrique. Plus que dans d’autres secteurs, important pour répondre à la demande en énergie du les enjeux de politique et de réglementation sont les Ghana, puisqu’elle peut potentiellement fournir près principaux obstacles au saut technologique de la d’un cinquième des besoins en énergie du pays. D’un région. Faciliter ce saut technologique dans le secteur montant de 560 millions USD, ce projet était le sep- de l’énergie en Afrique nécessitera la modernisation des tième plus grand projet d’investissement privé dans le institutions, de la réglementation et du financement. pays et démontrait qu’un financement important du secteur privé existe pour les infrastructures en Afrique Les réformes du marché sont déterminantes pour dès lors que les conditions idoines sont réunies. créer un environnement propice à l’investissement. Cela inclut une agence de régulation du secteur pour la Au Rwanda, l’accès à l’électricité a crû de plus de surveillance et pour instiller de la transparence pour atti- 300 % entre 2005 et 2014. Cette hausse impression- rer l’investissement. Le régulateur doit mettre en place nante est liée à l’adoption d’un nouvelle Approche sec- un environnement concurrentiel favorable à la création torielle de l’électricité (Electricity Sector Wide Approach de voies d’investissement dans ce secteur. Le manque – eSWAp) par le gouvernement en 2009. L’eSWAp de financement du secteur de l’électricité en Afrique présentait un certain nombre de caractéristiques nova- résulte souvent de l’inexistante d’options d’investisse- trices, telles que la coordination conjointe, une cible ment davantage que d’un manque de capitaux. Dans ce spécifique liée à des délais (16 % d’accès à l’électricité secteur, l’entrée sur le marché peut être facilitée par la d’ici 2013), un prospectus visant à attirer l’investisse- séparation structurelle entre génération, transmission et ment et des stratégies destinées à réduire les coûts de distribution. Un autre aspect de la concurrence concerne l’électricité par le biais de normes techniques et d’une la passation de marchés des projets électriques. Une analyse géospatiale. Cette SWAp a été rendue opéra- passation concurrentielle accroît la transparence et tire tionnelle par le biais du programme EARP (Electricity les coûts à la baisse. Si les appels d’offre ou les adjudica- Access Rollout Program), dont la coordination a été tions peuvent être complexes à concevoir par rapport à assurée par le service public national d’électricité, et des contrats non sollicités ou directement négociés, ces supporté par plusieurs partenaires au développement. derniers ont tendance à présenter plus d’inconvénients L’objectif de taux d’électrification a été atteint avec à long terme (par exemple, des prix plus élevés, des un an d’avance, passant à 20 % en 2014. La seconde litiges contractuels, une certaine opacité). phase de l’EARP affiche un objectif plus ambitieux encore : elle vise un taux d’électrification de 70 % d’ici Dans le secteur de l’énergie, la planification est essen- 2018, en utilisant une combinaison de solutions en tielle pour veiller à ce que l’investissement favorise la et hors-réseau. L’une des conditions essentielles à ce croissance économique sur le continent et à ce qu’il saut technologique a été la coordination efficace entre prenne en compte les conséquences des changements climatiques et du potentiel émergent de l’électricité 32 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? hors réseau. Cela exige une expertise dans la prévi- Finances sion de la demande et dans la définition des options de fourniture optimales, dans les limites de temps Un secteur en mal de changement pour identifier les projets, obtenir un financement et déployer les capacités énergétiques. Des mises à jour Il est communément admis que l’accès au financement permanentes du logiciel de planification sont néces- est le facteur indispensable à une croissance écono- saires, pour s’assurer qu’elles sont adaptées aux chan- mique inclusive. Tout d’abord, un système financier gements de demande et des coûts, tandis que les plans efficace réduit le coût de l’intermédiation en amélio- eux-mêmes doivent être révisés de manière régulière rant l’efficacité de la transformation de l’épargne en pour s’ajuster aux conditions du marché. Ces plans investissement. Deuxièmement, un système financier doivent être flexibles et offrir des options multiples, développé augmente le taux d’épargne des ménages en car les nations africaines ayant attiré le plus d’inves- proposant des profils attractifs de risque-rendement tissements dans leurs secteurs énergétiques disposent qui incitent alors les ménages à économiser davan- d’un large éventail de politiques et de structures. Des tage, épargne qui à son tour stimule l’investissement compétences adéquates sont nécessaires à la planifi- qui entraîne par voie de conséquence une plus forte cation, qui couvrent un ensemble de disciplines telles croissance économique. Troisièmement, un système que l’ingénierie, le droit, la météorologie, les finances, financier qui fonctionne bien améliore l’intermédiation l’économie et l’analyse de données. financière et conduit à une meilleure répartition des ressources entre les différents projets d’investissement Il est impératif d’améliorer la durabilité financière des en proposant aux agents économiques un mécanisme services publics en Afrique subsaharienne. Cet effort qui permet de couvrir, négocier et regrouper les est particulièrement important pour assurer le succès risques, mécanisme qui augmente le niveau de l’in- de l’investissement du secteur privé par les PEI, car vestissement et de la croissance économique. il dépend du «  », typiquement une entre- off-taker  prise de service public, pour assurer la transmission Selon la presque totalité des indicateurs de développe- et la distribution de l’électricité. Des améliorations ment financier, les marchés financiers sont considéra- sont nécessaires dans des domaines comme la gou- blement moins développés en Afrique qu’ailleurs dans vernance, l’efficacité, et la facturation et la collecte. le monde. En Afrique subsaharienne, 34 % seulement Une meilleure collecte, transparence et diffusion sont des personnes âgées de plus de 15 ans possèdent un nécessaires des les indicateurs permettant de mesurer compte dans une institution financière formelle. La la performance d’un service public d’électricité pour plupart des marchés boursiers africains sont plutôt établir un diagnostic objectif des faiblesses. La politique étroits, avec un faible niveau de liquidité et une péné- tarifaire est essentielle non seulement pour la viabilité tration relativement faible du capital privé. des services publics électriques, mais aussi pour attirer de nouveaux investissements dans le secteur. L’enjeu Le marché des devises de nombreux pays d’Afrique consiste à trouver un modèle qui équilibre caractère subsaharienne reste risqué et ne dispose pas d’instru- abordable et accès d’une part et besoins d’investisse- ments d’investissement liquide à long terme. Dans ment, d’autre part. Si des subventions sont nécessaires, ces pays, l’investissement institutionnel dans la dette elles doivent être parfaitement conçues. Les subven- en monnaie locale est plutôt désavantagé en raison, tions énergétiques représentent une part significative entre autres, de la fluctuation des taux de change, du des ressources gouvernementales dans la région, et risque de dépréciation de la monnaie et de l’inadéqua- bénéficient souvent aux plus riches, décourageant tion des infrastructures du marché. C’est pourquoi les ainsi la maintenance et l’investissement47. investisseurs internationaux exigent un rendement Sommaire Exécutif 33 plus importants afin de compenser la prise de risque, et limité la capacité du secteur bancaire dans l’exercice rendant souvent prohibitif le financement en monnaie de son rôle d’intermédiaire. C’est l’un des facteurs qui locale. Les gouvernements et les participants du sec- a contribué à limiter le développement des systèmes teur privé sont par conséquent contraints d’emprunter financiers qui restent étroits et non liquides, avec un en monnaie étrangère soit auprès des donateurs, soit accès limité au financement à long terme et qui consti- sur le marché des capitaux, opérations qui les exposent tuent par conséquent un obstacle au financement de la alors au risque de change. dette locale. Les systèmes financiers manquent égale- ment d’instruments financiers innovants, en particulier Le secteur bancaire africain se caractérise par des écarts ceux visant les PME qui constituent la grande partie élevés de taux, des mandats de courte durée et une des entreprises de la région et tendent à se limiter au aversion générale au risque. Il n’offre pas les produits financement du secteur informel en raison de services adéquats et ses activités de prêt se concentrent dans un financiers inadéquats. certain nombre de secteurs. Cette situation aboutit à des scénarios dans lesquels les systèmes bancaires ont Plusieurs facteurs ont entravé le développement et l’ef- tendance à détenir un niveau élevé de liquidité, mais ne ficacité des systèmes financiers dans les pays africains. fournissent que peu de prêts aux Petites et Moyennes Les institutions nécessaires à l’établissement d’un sys- Entreprises (PME). L’absence d’agences de crédit dans tème financier efficace, y compris de robustes cadres la plupart des pays et l’effet concomitant sur les taux contractuels et informationnels et une réglementation d’intérêt rend encore plus difficile l’accès au finance- et supervision incitatives et compatibles sont faibles48. ment des PME. Les données disponibles sur les crédits Dans ces pays, les insuffisances du cadre réglementaire bancaires et nationaux accordés au secteur privé en ont produit un secteur bancaire concentré, des taux Afrique subsaharienne reflètent davantage ce manque d’intermédiation très faibles et des systèmes d’enregis- d’accès au crédit des PME. Sur la base des données de trement des garanties inefficaces, entravant davantage l’année 2015, l’Afrique subsaharienne est derrière les l’accès au crédit pour les entreprises et les particuliers. autres régions en développement si l’on tient compte des deux indicateurs du développement financier. L’innovation peut générer des opportunités de « saut technologique » des systèmes de financement et peut Une des principales caractéristiques du système finan- rendre le capital plus efficace, la gestion des risques cier de la région est l’éviction du financement du sec- mieux ciblée, la couverture mieux adaptée et la com- teur privé par le secteur public. Les gouvernements mercialisation moins coûteuse. Elle devrait également sous contraintes financières ont tendance à offrir des contribuer à la dissociation des risques, à l’améliora- taux d’intérêt réels élevés pour les obligations d’état tion de la liquidité, à un plus large accès au capital et qui sont alors pour les banques plus attrayantes que à l’optimisation de la diversification du portefeuille. la fourniture de crédit aux PME. Cette éviction peut L’innovation financière n’est cependant pas sans être directe lorsque le secteur bancaire achète une danger, car le risque génère souvent et en retour des part substantielle d’obligations ou indirecte lorsque incitations au niveau des individus, des établissements le taux des obligations d’état établit un plancher sans financiers structurés ou des institutions. Les incita- risque du financement du secteur privé, élément dis- tions financières individuelles conjuguées au progrès suasif décourageant les emprunts. Le système bancaire technologique et aux compétences en ingénierie finan- est par conséquent très coûteux en Afrique, ce que cière peuvent créer des situations où les nouveaux reflètent les écarts et marges élevés d’intérêt comparés instruments débordent les infrastructures existantes aux autres régions du monde. De plus, le rendement du marché et de la réglementation. extrêmement faible des dépôts a découragé l’épargne 34 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? Néanmoins, les marchés émergents, et en particulier s’est élargi pour inclure d’autres services plus avan- les pays d’Afrique subsaharienne, sont de façon géné- cés tels que le retrait d’espèces sur DAB, le compte rale plus avantagés dans la poursuite de l’innovation d’épargne, le paiement de détail sur site, la billetterie financière qui favorisera le « saut technologique » vers mobile pour les événements et le compte bancaire un secteur financier amélioré. Les services financiers d’entreprise. M-Pesa a stimulé la création de services conventionnels ont la possibilité d’être plus inclusifs d’argent mobile concurrents et 75 % de la population et l’innovation peut proposer un service viable à ceux adulte du pays disposait en 2016 d’un compte d’argent qui se situent au bas de la pyramide. De plus, le déve- mobile, le montant journalier des transactions équi- loppement du secteur des services financiers formels valant à 4,5 % du PIB annualisé49. M-Pesa a été une élargira l’accès au financement et l’innovation dans le innovation de rupture qui a transformé les services secteur financier est à cet égard un facteur critique. bancaires dans d’autres pays, entraînant une explosion des services d’argent mobile en Afrique et améliorant l’inclusion financière. Le saut technologique du secteur financier Un modèle de banque de détail réactive, innovante Un changement de paradigme est intervenu dans le et adaptée au contexte africain peut connaître un secteur financier au niveau mondial et au cours de grand succès, comme l’illustre le cas d’Equity Bank au la dernière décennie car l’écosystème a été créé pour Kenya. Equity Bank est spécialisée dans la fourniture une innovation de rupture. Cette section documente de prêts de faible montant à un bas taux d’intérêt. Des les expériences nationales en matière d’innovation microcrédits sont accordés à partir de 500 shillings financière et son impact sur l’inclusion financière et kenyans (5,81 USD)50. Parmi les autres innovations, l’accès au financement. L’accès au financement a été citons l’exemption des conditions de propriété à l’ou- facilité et rendu abordable grâce à l’utilisation des verture d’un compte, des formes flexibles de garanties, téléphones mobiles, meilleur exemple de « saut tech- en particulier les biens personnels et l’utilisation de nologique  » du secteur financier en Afrique. Parmi camions équipés d’antenne parabolique et de respon- les autres exemples de ce secteur, citons l’adoption sables bancaires se déplaçant dans les régions où il n’y relativement rapide de l’assurance indexée des risques a pas de succursale. Equity Bank propose également dans certains pays africains ainsi que des options de des programmes gratuits de formation financière et paiement et de garantie innovantes et une réduction avait accordé jusqu’en 2011 pour 750 millions USD du temps de développement des obligations libellées de prêts à environ 300 000 PME51. Les comptes de en monnaie locale. dépôt d’Equity Bank ont donc augmenté de plus de neuf millions, ce qui en fait la deuxième plus grande M-Pesa, lancé en 2007 par Safaricom au Kenya, a banque du pays52. déclenché la révolution de l’argent mobile en Afrique. Ce service permet aux clients d’utiliser un téléphone La Banque mondiale et la SFI, en collaboration avec les mobile pour effectuer des opérations de dépôt, de gouvernements, les organismes de réglementation, les retrait et de transfert d’argent, de paiement des fac- institutions du marché des capitaux, les investisseurs tures et d’achat de temps d’antenne. L’innovation et les institutions financières locales, émettent des initiale de M-Pesa a été de remédier à l’absence de obligations en monnaie locale qui visent à renforcer services financiers en utilisant les infrastructures les marchés nationaux de capitaux. Les instruments de télécommunications et les abonnements existant financiers incluent la vente d’obligations étrangères en au Kenya, évitant ainsi les dépenses associées aux monnaie locale destinées aux investisseurs internatio- transactions aux guichets et en espèces. Le système naux et nationaux ainsi que l’émission d’obligations Sommaire Exécutif 35 nationales. La Banque mondiale a émis environ 8,5 crédit. R4 a constaté que les agriculteurs éthiopiens milliards USD d’obligations en 19 devises depuis assurés ont économisé deux fois plus que ceux sans 2011, en particulier en plusieurs monnaies africaines assurance et ont plus investi dans les intrants et les telles que le shilling ougandais. La SFI a émis depuis actifs. Après deux années de mauvaise récolte au 2002 des obligations en 14 monnaies des marchés Sénégal, les agriculteurs assurés ont pu maintenir un émergents dans le monde, dont le Rwanda. Étant certain niveau de sécurité alimentaire, contrairement donné que plusieurs années sont nécessaires au déve- aux autres agriculteurs exposés aux mêmes risques. loppement d’une émission d’obligations en monnaie R4 vise à atteindre 500 000 agriculteurs dans la région locale, la SFI vise à réduire ce temps en standardisant d’ici à 2020. le processus. Elle note qu’en Afrique : « ... il y a un grand désir de rattraper le retard. Certains pays sont L’objectif du Projet de développement de l’entrepre- assez impatients et veulent pouvoir faire ce « saut neuriat féminin (WEDP – Women Entrepreneurship technologique » sans attendre encore 20 ans pour Development Project) est d’augmenter les gains et le développer le marché53 ». nombre d’employés des entreprises appartenant à des femmes en Éthiopie. Le projet a créé en 2013 la Des régimes de couverture des risques agricoles ont première ligne de crédit dédiée aux femmes entre- vu le jour et permettent d’éviter les situations dans preneurs en Éthiopie et plus de 3 000 femmes entre- lesquelles les agriculteurs doivent vendre leurs biens preneurs ont eu recours à l’emprunt à la fin de 2015, les plus précieux tels que le bétail ou leur matériel en dont 64 % pour la première fois. Les établissements raison d’évènements climatiques néfastes indépen- de microfinance du WEDP ont amélioré leur capacité dants de leur volonté. Pour remédier à ces situations, d’évaluation, entraînant ainsi une baisse des exigences un système de financement d’une couverture indexée de garantie, passant d’une moyenne de 200 % à 125 % des risques liés à des événements climatiques spéci- de la valeur du prêt. Ces établissements prennent en fiques a été développé. Les données sont suivies et les compte de nouvelles formes de garanties telles que paiements déclenchés lorsqu’un évènement tel qu’une des véhicules, des biens personnels et même des baisse significative des précipitations s’écartant des stocks commerciaux. Le projet WEDP a promu chez moyennes historiques atteint un niveau prédéfini. les établissements de prêt des technologies innovantes La première expérience pilote d’assurance indexée de crédit telles que les tests psychométriques qui per- au niveau gouvernemental a été initiée en Éthiopie mettent de prévoir la capacité qu’a un emprunteur de en 2006 sous la direction du Programme alimentaire rembourser un prêt et de réduire ainsi le besoin de mondial des Nations Unies (PAM) et a mis en œuvre garanties. Cette technologie permet aux entrepreneurs 26 stations météorologiques surveillant quotidienne- qui n’ont pas de garantie de passer sur une tablette ment les précipitations à travers le pays. L’expérience informatique un test interactif prévoyant la probabilité a conduit à l’Initiative de résilience rurale (R4) lancée de remboursement. par PAM et Oxfam en 201154. R4 concerne actuelle- ment plus de 43 000 agriculteurs (environ 200 000 Le Fonds obligataire asiatique (ABF – Asian Bond personnes) en Éthiopie, au Sénégal, au Malawi, en Fund) est un exemple d’initiative régionale conçue Zambie et au Kenya. L’initiative a introduit plusieurs pour protéger les économies contre les spéculations innovations dans l’assurance des risques agricoles monétaires nuisibles tout en améliorant le déve- en permettant notamment aux agriculteurs pauvres loppement du marché obligataire. C’est l’une des de payer l’assurance de leur récolte avec leur propre premières initiatives au monde où une organisation travail et d’utiliser la police d’assurance comme garan- régionale a apporté des ressources financières à la tie permettant d’obtenir de meilleures conditions de création d’un fonds obligataire. Les onze membres 36 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? de la réunion des dirigeants des banques centrales de Le financement inclusif vise à fournir des services à des l’Asie de l’Est et du Pacifique (EMEAP – Executives’ groupes de personnes aux critères économiques défa- Meeting of East Asia and Pacific) ont lancé le Fonds vorables et aux options financières limitées. L’objectif obligataire asiatique en juin 2003. Ces 11 banques ultime est de faciliter la croissance économique des centrales ont regroupé 1 milliard USD pour inves- entreprises et des familles, d’éliminer la pauvreté et tir dans des obligations en dollars émises par les les inégalités et d’intégrer dans le système financier emprunteurs souverains et quasi souverains asia- toutes les personnes ayant besoin de services finan- tiques dans les pays EMEAP55. ABF2 a été ensuite ciers. Alipay, un opérateur mobile tiers et une plate- lancé en 2005, avec 2 milliards USD investis dans forme de paiement en ligne en est un exemple. Alipay des obligations en monnaie locale. Ces obligations a été créé en février 2004. En 2010, la Banque cen- ont eu l’effet escompté en réduisant considérable- trale chinoise a règlementé l’attribution des licences ment la spéculation monétaire tout en contribuant pour les fournisseurs de paiement tiers et diffusé un à développer le marché des obligations et des obli- ensemble distinct de lignes directrices pour les établis- gations en monnaie locale dans la région. Tout aussi sements de paiement financés par l’étranger. Alipay, important a été le rôle catalyseur d’ABF dans le qui représente la moitié du marché des paiements renforcement de la collaboration et de la confiance en ligne non bancaires de la Chine, a été restructuré entre les banques centrales de la région. en tant que société nationale afin de faciliter l’ap- probation réglementaire de la licence. Au quatrième Au cours des années qui ont suivi la crise financière trimestre 2016, Alipay détenait plus de la moitié du mondiale de 2008, deux innovations financières ont marché de 5,5 trillions USD des paiements mobiles vu le jour en Chine. Ce sont respectivement un modèle en Chine, de loin le plus important au monde. Alipay de financement du développement visant à appuyer fournit un service de dépôt fiduciaire qui permet l’urbanisation de la Chine et un système de finance aux consommateurs de contrôler les marchandises numérique inclusive ayant pour but de fournir des achetées avant de payer le vendeur. Ce service a été services financiers à des populations aux options proposé en raison de la faiblesse des lois protégeant financières limitées. La Banque de développement de les consommateurs en Chine. Sur le plan internatio- la Chine (CDB – China Development Bank) a servi de nal, plus de 300 marchands internationaux utilisent facilitateur du financement du développement. CDB a Alipay pour vendre directement aux consommateurs mis au point des stratégies générales de développement chinois. Récemment, Alipay s’est amélioré en mettant de l’économie à travers des crédits à moyen et long en œuvre plusieurs innovations dans le domaine de la terme, investissements et autres services financiers. finance numérique. Quick Payment, lancé en 2011, Dans son rôle de financement du développement, CDB vise à résoudre le problème du faible taux de réussite a construit un pont entre le gouvernement et le mar- et les nombreuses mauvaises expériences dues à la ché en utilisant le crédit public pour attirer des fonds complication des étapes de paiement sur les plates- sociaux pour l’urbanisation, la transition économique formes de vente en ligne. Quick Payment a introduit et le développement durable. En réalité, le financement une solution en «  » qui simplifie le proces- un clic  du développement a été le principal instrument de la sus. La réponse du marché a été favorable et Quick stratégie d’urbanisation en Chine. Par exemple, CDB Payment est rapidement devenu un produit standard a octroyé entre 2004 et 2014 des prêts représentant pour tous les établissements de paiement, y compris 54 % des investissements en immobilisations dans Tenpay et Chinabank, améliorant de manière signi- l’infrastructure publique chinoise, apportant une ficative le niveau de financement numérique inclusif garantie du capital pour plus de la moitié des projets dans les paiements. Alipay a également expérimenté de construction urbaine. différentes technologies pour les petites et micro Sommaire Exécutif 37 entreprises hors réseau ne disposant pas de termi- Le système bancaire doit être réorganisé en ouvrant naux point de vente. Il a mis en place une solution ce secteur à la concurrence, en révisant les ratios QR permettant aux commerçants de scanner le détail prudentiels et en mettant en place des instruments des paiements des clients à l’aide d’un smartphone, d’épargne et d’emprunt innovants adaptés aux apportant ainsi une solution de paiement pratique à besoins locaux. Une caractéristique du secteur ban- de nombreuses petites et micro entreprises des zones caire des pays africains est le niveau particulièrement rurales. Alipay fournit également des plateformes de élevé du ratio de concentration. Globalement, la paiement pour d’autres catégories de services, y com- Banque mondiale évalue à 73  % la part de marché pris dans le domaine médical où des centaines d’éta- moyenne des trois plus grandes banques africaines. blissements ont accès à Alipay. Par exemple, Alipay Cette structure oligopolistique a des conséquences est maintenant connecté aux sociétés d’assurance de négatives, parmi lesquelles l’importance des écarts la ville de Shenzhen et constitue ainsi la première de taux d’intérêt qui prive le secteur privé du crédit plate-forme de paiement mobile d’assurance médicale en renchérissant les prêts. La mobilisation des res- dans le monde. sources intérieures est vitale pour l’investissement et la croissance durable et les banques, en tant que principaux canaux d’intermédiation financière, ont Préalables à la transformation des à cet égard un rôle clé à jouer. Le secteur bancaire systèmes financiers africains doit donc être réformé pour accroître la concurrence et répondre efficacement à la demande de crédit des Les pays africains devront mettre en œuvre différentes secteurs public et privé, de façon à ce que l’épargne réformes afin d’exploiter le potentiel d’amélioration. et les ressources puissent être canalisées vers des De plus, les expériences de « saut technologique » four- investissements productifs. nissent des exemples de mesures politiques qui sous- tendent l’innovation et le développement des systèmes Le fossé existant entre les secteurs financiers formels et financiers. Les expériences de « saut technologique » informels doit être comblé en officialisant les institu- dans le secteur financier servent également de base aux tions de microfinance et en les aidant à étendre leurs options offertes aux pays africains pour contourner, activités tout en développant des produits financiers grâce à différents instruments, les obstacles dressés par destinés aux PME. L’émergence de la microfinance des marchés financiers sous-développés (Encadré 2). comme outil de financement de l’économie infor- melle coïncide avec la prise de conscience croissante Les goulots d’étranglement réglementaires peuvent des ONG, experts en développement et décideurs être éliminés en établissant et en appliquant des lois politiques selon laquelle une proportion significative et en créant des systèmes qui fluidifieront le flux de la population des pays en développement n’a pas des crédits. La confiance des investisseurs peut être accès aux services financiers. La microfinance, qui renforcée suite à la création de bureaux de crédit semblait tout d’abord être la panacée, a démontré ses qui contrôlent les dossiers de remboursement. L’un limites lorsqu’elle a dû élargir ses opérations. C’est des principaux obstacles à l’emprunt en Afrique est pourquoi les institutions financières formelles doivent l’absence de garantie due à des systèmes d’enregistre- adapter leurs produits à la demande locale. Plus pré- ment inefficaces. Des registres de crédit fiables, des cisément, des outils financiers innovants utilisant des systèmes cadastraux efficaces et le transfert effectif technologies telles que la banque mobile peuvent des titres de propriété sont les éléments essentiels également aider à réaliser ce «  saut technologique  » de la performance des intermédiaires financiers, en des services financiers traditionnels et atteindre une plus particulier pour aider les PME. large population. 38 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? Encadré 2 : Options financières pour le saut technologique  Il existe pour les pays africains plusieurs domaines de bancaires et renforcer les programmes d’alphabéti- la finance qui présentent des opportunités de réaliser sation et d’éducation pour fournir des compétences le « saut technologique » : financières et numériques. Le financement de l’agriculture se rapporte à la Le financement en monnaie locale a été limité en manière dont un tel financement peut être effecti- Afrique par l’absence d’incitations, de coordination vement aligné sur le cycle de la production agricole. des politiques et de solutions abordables. Une solu- Tout d’abord, le financement collatéral des produits tion sur mesure peut être développée en combinant de base considère les produits de base ou plus lar- technologies, expériences et leçons apprises dans gement les stocks comme garantie pour les prêts. d’autres pays dans (i) les technologies de compen- L’utilisation des technologies numériques améliore le sation et de règlement utilisées pour intégrer les suivi des produits et l’émergence des sociétés de ges- marchés, (ii) la mise en œuvre des plates-formes de tion collatérale offre un niveau de confort supplémen- vente, (iii) la conception de systèmes de tenue de taire aux financiers. La seconde, relie les chaînes de marché et d’accords commerciaux alternatifs tels valeur aux institutions financières. Au fur et à mesure que les marchés de communication, (iv) la conception que les chaînes de valeur de l’agriculture africaine d’indices en monnaie locale et (v) la participation des s’organisent, les opportunités d’introduction du paie- banques multilatérales de développement en tant ment numérique et de collecte des informations par qu’organisatrices du développement de produits des entreprises d’ancrage augmentent, informations d’investissement. qui pourraient être utilisées par les fournisseurs de services financiers et faciliter une allocation efficace Le financement des infrastructures peut faire un du crédit. « saut technologique » en développant des solutions de financement non conventionnelles qui n’ont pas L’assurance indexée des exploitants agricoles fournit besoin d’attendre la complétion des marchés de une protection contre les chocs climatiques tels que capitaux. Par exemple, la Banque mondiale soutient les périodes de sécheresse, les inondations et les au Kenya une approche qui mobilise les investisseurs précipitations irrégulières. Comme il est nécessaire institutionnels locaux à long terme pour le finance- de visiter in situ les exploitations agricoles, le marché ment des infrastructures grâce à des instruments de traditionnel de l’assurance agricole ne répond pas en financement alternatifs tels que des fonds de dettes grande partie à la demande des petits agriculteurs et un financement hybride où interviennent des inves- pour une police d’assurance abordable. L’assurance tisseurs institutionnels à long terme et un cofinance- indexée avec aide satellitaire combinée aux tech- ment de banques locales. Une autre disposition est la nologies mobiles d’enregistrement et de règlement garantie de la Banque mondiale qui améliore les pro- des sinistres offre un énorme potentiel permettant de jets en leur donnant un profil risque-rendement accep- répondre aux besoins de ces agriculteurs. table. Cette solution de financement offre la flexibilité requise sur des marchés qui, comme c’est le cas en L’inclusion financière peut être renforcée par des Afrique subsaharienne, ne sont pas encore entière- mesures telles que payer les allocations gouverne- ment fonctionnels et exploite les avantages d’une mentales par voie électronique, établir ou accélérer structure de fonds d’investissement privé modifiée la couverture universelle des systèmes nationaux pour tenir compte de fonctionnalités identiques à une d’identification qui facilitent l’ouverture des comptes dette à revenu fixe. Grâce à un processus de formation (suite à la page suivante) Sommaire Exécutif 39 Encadré 2 : Options financières pour le saut technologique  (suite) intensive, les investisseurs seront prêts à regrouper terme, en particulier lors de l’émission de dettes leurs fonds et à investir dans les projets d’infrastruc- en monnaie locale. Plus important encore, les pays ture par le biais d’un instrument d’investissement peuvent grâce à l’émission et l’augmentation de la approprié lorsque les projets en pipeline atteindront dette intérieure, utiliser et recycler leur épargne en leur phase de financement. La garantie des risques fonction des besoins d’investissement plutôt que de crédit est également utile au financement à long d’augmenter leur dette extérieure. Gouvernance transformation de l’administration publique dans certains pays et provoqué un changement dans les Les technologies numériques, un relations entre les citoyens et les gouvernements dans changement primordial d’autres (ONUDAES et al, 2012).58 Parmi les impacts potentiels figurent « l’élargissement de l’espace démo- La Banque mondiale définit la gouvernance comme cratique, le renforcement du dialogue, la facilitation de « ... le processus par lequel les acteurs publics et privés l’inclusion et la fourniture aux gouvernements d’outils interagissent pour définir et mettre en œuvre des poli- destinés à améliorer la performance de leurs fonctions tiques encadrées par un ensemble de règles formelles administratives et de gestion » (Adesida, 2001).59 La et informelles qui façonnent et sont façonnées par le fracture numérique entre l’Afrique et le reste du monde pouvoir » – le pouvoir étant défini comme « la capacité représente toutefois un obstacle majeur aux applica- de groupes et d’individus à en conduire d’autres à agir tions des technologies numériques à la gouvernance. en leur faveur et à obtenir des résultats spécifiques » (Banque mondiale, 1992). 56 Essentielle à l’efficacité Heeks (2002) souligne que les gouvernements africains du gouvernement et du marché, une bonne gouver- ont utilisé les technologies de l’information depuis nance influence très fortement le développement éco- plus de 40 ans et que le progrès dans l’utilisation nomique. Le Programme des Nations Unies pour le des TIC pour la gouvernance devrait être considéré Développement (PNUD) estime que la gouvernance et comme évolutionnaire plutôt que révolutionnaire60. le développement humain sont indivisibles et qu’une Toutefois, l’émergence du réseau informatique dans les bonne gouvernance est le principal instrument de années 1990 est une innovation majeure qui a trans- réduction de la pauvreté (PNUD, 1997).57 Le potentiel formé le traitement et la communication des données de bonne gouvernance pour améliorer les résultats en du gouvernement. Les trois incidences de l’utilisation matière de développement économique et social est de l’E-gouvernement incluent l’amélioration du fonc- tout particulièrement pertinent en Afrique subsaha- tionnement interne du secteur public et la réduction rienne dont le revenu par habitant et le niveau de des coûts, l’amélioration de la communication avec le développement humain sont les plus faibles au monde. public (électeurs/parties prenantes ou utilisateurs des services publics) et l’amélioration des relations entre Depuis 2000, le principal changement affectant les organismes publics et les autres institutions telles la gouvernance a trait aux avancées réalisées dans que d’autres organismes publics, le secteur privé et les l’utilisation des Technologies de l’Information et de institutions de la société civile. Les parties prenantes la Communication (TIC). Internet, les communica- doivent prendre conscience des écarts importants tions mobiles et les réseaux sociaux ont facilité la existant entre la conception du projet et la réalité du 40 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? secteur public africain. Ces « écarts entre conception plus de citoyens. Pour le gouvernement et les entre- » en sous-tendent l’échec. Ils résultent de et réalité  prises, l’identification numérique crée aussi des voies l’origine de la conceptualisation et des réalisations efficaces et innovantes pour servir les citoyens. de l’e-gouvernement dans les pays développés qui diffèrent significativement des réalités africaines. Certaines bonnes pratiques peuvent aider à amélio- Expériences de mise en œuvre de rer la réussite des projets, à condition qu’elles soient l’innovation et de la technologie pour adaptées à la réalité africaine. rendre le gouvernement plus efficace La corruption est un obstacle majeur au développement Les pays d’Afrique mettent en œuvre l’innovation et économique et social que certains considèrent même la technologie pour accroître l’efficacité des pouvoirs comme le plus important. Les technologies numé- publics dans de nombreux domaines. Cette mise en riques peuvent accroître la transparence en réduisant la œuvre inclut la standardisation des bases de données corruption parmi les fonctionnaires. Une étude a établi et des architectures de données du gouvernement pour un lien entre la corruption et l’E-gouvernement, avec rendre les flux de travail du back-office plus produc- un rapport statistiquement significatif entre l’Indice tifs, la connexion entre les bureaux du gouvernement de développement de l’E-gouvernement des Nations pour favoriser le partage de l’information et réduire Unies et l’Indice de perception de la corruption publié les coûts et la communication en ligne ou par le biais par Transparency International suggérant qu’une uti- des téléphones à différents stades d’interactivité. 92 % lisation plus importante de l’E-gouvernement conduit des pays subsahariens disposent maintenant d’au à une baisse de la corruption (Mistry et Jala, 2012).61 moins un portail central diffusant certaines infor- L’incidence de l’E-gouvernement sur la diminution de mations sur le gouvernement et, dans certains cas, la corruption est plus élevée dans les pays en dévelop- des liens vers des procédures et des imprimés ainsi pement que dans les pays développés. Cet aspect est que quelques services interactifs.62 Des exemples de particulièrement important en Afrique subsaharienne pratiques notables en matière d’innovation et de saut dont la note pour la perception de la corruption est technologique dans l’application des technologies la plus faible. numériques aux gouvernements incluent Maurice, situé en tête du classement. Il s’agit de l’un des pays Les technologies numériques peuvent améliorer le les plus anciens à avoir informatisé le secteur public processus d’enregistrement des citoyens, notamment et qui possède la meilleure infrastructure numérique pour les naissances et les passeports. Un domaine du continent. D’autres exemples incluent la création, important est celui de la carte d’identité nationale en Tanzanie, d’une agence dédiée à l’E-gouvernement (CI). L’absence d’identification officielle empêche les et la réussite du Rwanda relative à l’informatisation citoyens d’exercer leurs droits et les isole socialement des organismes publics et le déploiement de services et économiquement. Par exemple, ils ne peuvent pas publics en ligne. Le Kenya et le Burkina Faso se dis- exercer leur droit de vote, engager d’actions légales, tinguent par le déploiement innovant et l’utilisation de bénéficier d’avantages sociaux, de services bancaires et données ouvertes alors que la Côte d’Ivoire a connu de facilités d’emprunts. L’identité numérique, conju- l’amélioration la plus importante en matière d’indices guée à la large diffusion de dispositifs mobiles dans de gouvernance. les pays en développement, apporte une solution au problème de nature à transformer la situation. Il ne Selon l’Indice de développement de l’ E-gouvernement s’agit pas seulement d’un moyen simple de procéder à des Nations Unies (IDEG)63, Maurice se classe au pre- l’identification officielle qui peut concerner beaucoup mier rang des pays africains, et ce avec une certaine Sommaire Exécutif 41 marge d’avance. Son score est de 23 % supérieur à services gouvernementaux en ligne. Les services sont celui de la Tanzanie, pays classé au deuxième rang fournis par l’intermédiaire de la plateforme Irembo de la région. L’une des raisons de ce classement est (portail en Kinyarwanda), accessible via Internet la longue expérience de Maurice relative à l’informa- et les les téléphones portables. Plus de 30 services tisation des données gouvernementales, qui remonte sont disponibles, des actes de naissance aux tests de à 1990. Le pays possède également l’infrastructure conduite, avec des plans d’expansion prévoyant plus TIC la mieux développée en Afrique. Il y a plus de de 100 services. Plus de 200 centres de services sont 60 systèmes principaux multi-utilisateurs en place répartis dans le pays pour que les citoyens apprennent et opérationnels dans l’administration publique et à utiliser le système ou trouvent un tiers pour réaliser Maurice a assisté plusieurs autres pays africains dans la transaction en leur nom. la mise en place de systèmes. Récemment, l’accent a été mis davantage sur les services aux citoyens. Pour Les données ouvertes — qui fournissent des données ce faire, les ménages du pays ont fait l’objet d’un son- gouvernementales non structurées en ligne et acces- dage destiné à recueillir leurs avis sur la Stratégie de sibles au public — renforcent la responsabilisation et l’E-gouvernement 2013–2017 axée sur les citoyens. La la transparence. La révision de 2010 de la Constitution stratégie a déjà eu un impact et en juillet 2017 près kenyane incluait une nouvelle section intitulée «  le de 70 services en ligne ont été mis à disposition avec droit des citoyens à l’information  ». Cette révision a 10 applications mobiles en cours de développement.64 contribué à la création, en 2011, de l’Initiative don- nées ouvertes du Kenya, la première de ce type en L’organisme gouvernemental électronique (eGA) de Afrique subsaharienne. Depuis, plusieurs améliora- Tanzanie est un exemple innovant d’une entité dédiée tions ont été réalisées, dont un programme destiné à à l’informatisation des administrations publiques pour former les journalistes et les organisations de la société le pays. Créé en 2012, eGA assiste les services du gou- civile, intéressés par l’utilisation des données ouvertes, vernement en réalisant un certain nombre d’activités tandis que Code for Kenya détache des experts en qui incluent la conception de sites Internet de manière informatique et des analystes de données. Plusieurs à ce qu’ils aient une présentation uniforme, gère le outils ont été développés. Parmi ceux-ci figurent : le nom de domaine du gouvernement (.gov.tz) et aide Budget ouvert, qui remplace les données budgétaires les organismes à développer des applications mobiles. non structurées par un outil intuitif et interactif ; ainsi que Data Lens, qui ouvre une voie nouvelle et A noter, l’usage qu’a fait le Rwanda de ses propres visuelle d’exploration des données permettant ainsi ressources, en obtenant l’assistance de la communauté aux citoyens d’obtenir facilement des réponses à leurs de développement et des partenariats publics et privés questions de façon visuelle et intuitive sans se perdre (PPPs) pour relier les bureaux des administrations, dans les données. former des fonctionnaires au numérique, informatiser des processus de back-office et déployer des services Le Burkina Faso donne une illustration innovante de la publics électroniques pour les citoyens et les entre- manière dont les données ont été utilisées pour diffuser prises. Le gouvernement a utilisé le produit de la vente les résultats de l’élection présidentielle de 2015, les de son opérateur de télécommunications historique données statiques non structurées ayant été remplacées pour construire un réseau national de fibres optiques par des données formatées en temps réel. Un consen- qui a permis la connexion des bureaux de l’adminis- sus s’en est dégagé : la diffusion rapide des résultats des tration. En 2013, le gouvernement a établi un partena- élections est de nature à augmenter la transparence et riat public-privé d’une durée de 25 ans avec Rwanda à encourager la confiance dans les résultats. La com- Online Platform Limited (ROPL) pour la fourniture des mission électorale du pays, le gouvernement, la société 42 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? civile et les partenaires internationaux ont collaboré lui nécessaire dès lors que l’environnement africain étroitement. La commission électorale s’est employée permet une application appropriée des technologies à obtenir un soutien politique pour un traitement et numériques. Les interventions en matière d’E-gou- une publication rapides des résultats des élections, vernance doivent également prendre en compte la sans précédent au Burkina Faso, et presque inédite capacité d’absorption de la région au regard du bilan en Afrique subsaharienne : une journée seulement. médiocre des projets de grande envergure par rapport Cette opération a été réalisée grâce à la publication, à une approche évolutive. Des conditions préalables en temps réel, des résultats permettant aux citoyens au saut technologique doivent être remplies pour un accès immédiat le jour du vote au fur et à mesure permettre sa réussite. de leur validation. Pour réussir ce saut technologique et appliquer les Dans ce le cas de la Côte d’Ivoire, des mesures statis- technologies numériques à la gouvernance, le princi- tiques démontrent le saut technologique qu’ réalisé pal facteur est un soutien fort du gouvernement. La le pays en matière de gouvernance. Selon l’Indice volonté politique et le leadership sont des conditions Ibrahim de la gouvernance africaine, la Côte d’Ivoire préalables à la réussite d’un E-gouvernement. Sans a enregistré, au cours des dix dernières années, le engagement fort du gouvernement, les différents nombre le plus élevé d’améliorations parmi les pays ministères feront l’objet d’une résistance bureaucra- africains, avec une note qui a augmenté de 13 points tique et d’un manque de coordination. La stratégie entre 2006 et 2015. Cette hausse s’explique notam- est l’une des caractéristiques communes des exemples ment par les efforts déployés pour lutter contre la réussis d’E-gouvernement en Afrique. Cela a été le cas corruption, en deuxième position après l’amélioration pour Maurice et la Tanzanie. Une stratégie constitue des procédures d’entreprises. La Haute-Autorité de une référence concrète pour les objectifs et souvent la bonne gouvernance (HABG) a été créée en 2013 un calendrier de mise en œuvre. Les stratégies garan- dans le cadre du plan national anticorruption du tissent aussi l’existence d’une approche gouvernemen- gouvernement. Il s’agit d’une autorité indépendante, tale globale à adopter pour utiliser les technologies responsable de la prévention et de la lutte contre la numériques plutôt qu’un travail avec des entités corruption et des délits associés, qui fait partie du individuelles dans les ministères. Elles peuvent être Réseau pour l’intégrité dont les membres comprennent aussi renforcées par la mise en place d’un organisme des institutions similaires dans 13 autres pays. responsable de l’E-gouvernement pour coordonner l’opération avec les responsables de l’information de tous les ministères. La sensibilisation et la forma- Conditions préalables au saut tion sont aussi nécessaires pour parvenir à mettre en technologique dans la gouvernance place les initiatives de l’E-gouvernement. Certains représentants du gouvernement témoignent souvent La plupart des gouvernements africains ont progressé d’une expertise limitée et d’un manque de motivation dans la mise en œuvre des technologies numériques pour encourager l’utilisation des TIC. Aussi les pro- au sein de leurs administrations publiques. Cela va jets relatifs à l’E-gouvernement doivent-ils comporter d’une simple mise en place de quelques sites Internet un important volet de formation pour accroître les à des processus interactifs pour la fourniture de ser- chances de succès. vices. Compte tenu des ressources et des conditions de connexion nécessaires, un saut technologique visant à En l’absence de stratégie, et alors que l’E-gouverne- rattraper rapidement les pays développés est impro- ment se heure souvent à une résistance bureaucratique, bable. Un saut technologique contextuel est quant à une approche à effet rapide peut être envisagée. Ce Sommaire Exécutif 43 type d’approche, t souvent innovante, s’applique à l’utilisation des téléphones mobiles est largement des sauts technologiques dans un domaine spécifique. répandue et des E-services adaptés à la téléphonie Elle est particulièrement pertinente lorsque l’expertise mobile devront être développés. Les services du numérique du gouvernement est limitée ou variable gouvernement peuvent aussi être payants afin de les en fonction des ministères. L’approche à effet rapide rendre véritablement interactifs ; une collaboration permet d’acquérir une expérience qui peut être utilisée avec les fournisseurs de téléphonie mobile est donc au profit du développement de projets plus impor- essentielle. Pour ce faire, la légalité des transactions tants. Forte d’une démonstration de faisabilité, elle électroniques doit être assurée par des dispositions peut conduire à une adhésion politique plus impor- juridiques adéquates. Certains réseaux câblés à haut tante et est souvent perçue comme non menaçante. La débit et les infrastructures qui y sont associées — ligne est souvent ténue entre les activités ascendantes, telles que les centres de données — jouent un rôle susceptibles d’être développées, et les interventions clef pour relier les bureaux gouvernementaux à une ponctuelles dont les effets se dissipent dès lors que leur connexion et permettre la fourniture des services financement n’est pas garanti. Il est donc primordial cloud. A ce sujet, des partenariats publics et privés de comprendre comment les approches à effet rapide et des partages d’infrastructure sont encouragés. Les s’intègrent dans une stratégie à long terme pour une données du gouvernement doivent être standardisées E-gouvernance durable. par le biais d’architectures communes afin de réduire les doublons et de faciliter le partage. Les gouvernements doivent aussi avoir une approche centrée sur les citoyens, notamment lors de la concep- tion de services en lignes appelés aussi E-services. Ceci Technologies de l’information et de la est particulièrement pertinent en Afrique où la plupart communication des citoyens n’ont pas accès à Internet. Les citoyens doivent être impliqués dans la conception des initia- La révolution mobile tives numériques pour la gouvernance. Les outils TIC à prix modeste et utilisables hors connexion devront Les technologies de l’information et de la communi- être inclus en raison de l’accessibilité technique et du cation (TIC) sont en train de révolutionner le monde. coût. Des campagnes de sensibilisation devront être Les TIC sont non seulement un secteur important en conduites pour informer les citoyens de l’existence des elles-mêmes, elles ont également un impact sur tous outils et les former à leur utilisation (iHub Research, les autres secteurs de l’économie. L’impact des TIC 2014).65 Il est aussi important de se servir des centres se renforce à mesure qu’ils évoluent — en termes de publics pour enseigner aux citoyens comment utiliser rapidité, en passant de la bande étroite à la large bande, les E-services ou leur fournir des services intermé- et en termes de champ d’application, en ne connectant diaires est aussi important. d’abord que des humains puis des machines. Les ressources limitées empêchent souvent les gou- La baisse rapide du coût des technologies numériques, vernements d’adopter les technologies numériques en et d’Internet en particulier, a considérablement réduit raison des coûts élevés de connexion des organismes les coûts de transaction et favorisé ainsi le dévelop- et de développement des E-services. Cet aspect peut pement économique à trois niveaux66. Tout d’abord, être amélioré avec une mise en place progressive et Internet aide à surmonter l’asymétrie de l’information avec l’assistance des agences de développement et en améliorant les liens entre les vendeurs et les ache- des partenariats publics et privés. Alors que l’Afrique teurs. Deuxièmement, les coûts de transaction plus a pris du retard dans le déploiement du haut débit, faibles que permet Internet accroissent la productivité 44 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? des entreprises. Troisièmement, Internet favorise l’in- dernières années, il reste encore un long chemin à novation associée à ce que l’on appelle la « nouvelle parcourir pour développer les infrastructures haut économie », caractérisée par des modèles commerciaux débit, réduire les coûts et en exploiter pleinement innovants, la personnalisation des services et une rup- les avantages. Malgré des progrès constants, la région ture du marché. continue de ralentir toutes les autres dans l’accès aux TIC. Cela s’explique en partie par le lien entre le Les TIC, et en particulier les réseaux mobiles, ont revenu par habitant et l’accès aux TIC. Cependant, connu une expansion rapide en Afrique. La vitesse de dans de nombreux cas, le marché ne fonctionne pas l’évolution du secteur mobile, les réformes politiques aussi bien qu’il le pourrait. Cela tient parfois à des et les modes de financement des investissements se facteurs exogènes comme la mauvaise gouvernance, distinguent des autres secteurs des infrastructures en le manque d’électricité, le coût élevé des activités Afrique (Williams et coll., 2011).67 La disponibilité commerciales et le faible niveau des compétences et la qualité du service ont augmenté tandis que les numériques. D’autres facteurs sont internes au sec- prix ont diminué. La réforme du secteur a favorisé ce teur, parmi lesquels une concurrence imparfaite, changement radical. Des marchés ont été ouverts et un manque d’accès ouvert aux infrastructures clés des organismes de réglementation créés au profit d’une et des contraintes dans l’attribution du spectre des concurrence qui stimule l’investissement. Les télé- fréquences. Les stratégies gouvernementales visant à phones mobiles sont utilisés à bien d’autres fins que les réduire la fracture numérique entre les zones urbaines seules communications en Afrique. Sources d’innova- et rurales grâce à des fonds destinés à faciliter l’accès tion, les réseaux mobiles entraînent un accroissement universel se sont avérées largement inefficaces dans des revenus en permettant aux agriculteurs d’utiliser toute la région. Des solutions doivent être trouvées leur téléphone mobile pour vérifier les prix du mar- pour résoudre ces problèmes et faire passer le secteur ché et aux commerçants d’accepter des paiements en des TIC à la vitesse supérieure. argent mobile. Cependant il existe une grande fracture numérique en Afrique subsaharienne en raison des coûts élevés du développement des infrastructures Des progrès rapides grâce à la substitution dans les zones rurales. et aux nouvelles approches La politique internationale de développement souligne L’Afrique a connu plusieurs sauts technologiques l’importance transversale des infrastructures des TIC remarquables dans le domaine des TIC. Dans son pour atteindre les objectifs de développement durable ensemble, la région a connu une croissance rapide des (ODD). La Cible 9c des ODD appelle à : « Accroître réseaux mobiles et, plus récemment, le déploiement nettement l’accès aux technologies de l’information d’un nombre croissant de câbles sous-marins. Certains et de la communication et faire en sorte que tous les pays d’Afrique subsaharienne se démarquent par une habitants des pays les moins avancés aient accès à connectivité mobile équivalente à celle des pays déve- Internet à un coût abordable d’ici à 2020. » Bien que loppés, une utilisation des communications mobiles la cible fasse référence spécifiquement aux pays les dans d’autres secteurs et des approches innovantes moins avancés (PMA), elle est tout à fait pertinente dans le déploiement du réseau mobile haut débit. Ces pour l’Afrique où se trouvent 33 des 47 PMA. sauts technologiques ont souvent été favorisés par l’uti- lisation des TIC comme moyen de substitution pour Bien que l’Afrique subsaharienne ait accompli des compenser la pénurie d’autres services (dont l’absence progrès impressionnants dans le développement de lignes de téléphonie fixe ou un accès limité à des de ses infrastructures numériques au cours des dix services bancaires formels), tandis que, dans d’autres Sommaire Exécutif 45 cas, ils ont été impulsés par une nouvelle approche — L’Afrique du Sud est l’un des premiers pays subsaha- telle que celle des partenariats public-privé. riens à avoir introduit la concurrence dans son sec- teur mobile. Aujourd’hui, les téléphones mobiles sont En matière de TIC, c’est dans le domaine des commu- utilisés aussi couramment en Afrique du Sud qu’aux nications mobiles que l’Afrique est en train de com- États-Unis avec 89 % des adultes qui disposent d’un bler l’écart avec le reste du monde. Bien qu’il existe téléphone mobile. Même si l’Afrique du Sud possédait des réseaux téléphoniques fixes depuis le début des un réseau mobile analogique dans les années 1980, années 1900, l’accès a toujours été limité en Afrique il desservait essentiellement les populations aisées en subsaharienne, avec moins de 2 % de la population raison de son coût élevé et de sa faible couverture. Le desservie. Lancés pour la première fois en 1989, les lancement de la deuxième génération de mobiles et réseaux mobiles en Afrique subsaharienne ont ensuite l’introduction de la concurrence entre les deux sociétés connu une expansion rapide. L’écart entre l’Afrique privées MTN et Vodacom en 1994 ont transformé le subsaharienne et le reste du monde est passé de 99 % secteur. Aujourd’hui, il existe une large couverture de en 1989 à 23 % en 2015. La raison de la popularité du téléphonie mobile avec un signal 3G atteignant 99 % mobile en Afrique tient en grande partie à des expli- de la population et un réseau 4G/LTE couvrant plus cations contextuelles : les faibles performances des des trois quarts des habitants du pays, des niveaux opérateurs de téléphonie fixe en situation de monopole nettement supérieurs aux moyennes mondiales et les qui ne représentaient pas une menace concurrentielle plus élevés en Afrique subsaharienne. Une concur- importante pour les nouveaux opérateurs mobiles, rence supplémentaire, avec l’entrée sur le marché de les coûts d’investissement plus faibles des nouveaux Cell C en 2001 et celle de l’opérateur de ligne fixe réseaux sans fil, la demande latente considérable du historique Telkom en 2010 a permis une croissance fait du manque de lignes fixes et le modèle prépayé soutenue. MTN et Vodacom ont également contribué adapté à la situation économique de la région. à l’introduction de téléphones mobiles dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne à travers des filiales La multiplication rapide des câbles sous-marins en basées dans 19 marchés de la région. Afrique subsaharienne est un autre domaine dans lequel a été enregistré un saut technologique. Avant Le Kenya offre différents exemples de politiques des 2009, il n’y avait qu’un seul câble contrôlé par un TIC et d’innovations techniques. Bien que ce pays monopole sur la côte ouest de l’Afrique et seul un petit d’Afrique de l’Est soit longé par la mer, il a souvent nombre de pays était raccordé. Le déploiement de eu recours à une connectivité satellitaire coûteuse en câbles sur la côte est de l’Afrique en 2009 a entraîné une raison d’un manque d’accès aux câbles sous-marins. Y prolifération des réseaux de fibre optique sous-marins. voyant un obstacle majeur à la transformation du pays En 2016, tous les pays littoraux africains, à l’exception comme « hub » pour les TIC, le gouvernement a créé de l’Érythrée et de la Guinée-Bissau, étaient raccordés à un partenariat public-privé pour construire un câble des câbles sous-marins. La croissance a été stimulée par sous-marin en fibre optique en accès ouvert reliant le plusieurs facteurs, dont l’utilisation croissante d’Inter- Kenya aux Émirats arabes unis, qui est devenu opéra- net sur le continent, qui a exigé une plus grande capa- tionnel en 2009. Le pays est maintenant raccordé à trois cité internationale, une course au déploiement entre les câbles sous-marins — un chiffre qui sera doublé d’ici la différents systèmes de câblodistribution, la demande fin de l’année 2018. Le Kenya est devenu la principale croissante en capacité Internet et la participation des plateforme de communication numérique en Afrique agences de développement, en particulier dans un rôle de l’Est, en offrant une capacité Internet internatio- politique visant à favoriser un accès ouvert, basé sur nale pour les pays enclavés, parmi lesquels l’Éthiopie, les coûts, aux câbles sous-marins. le Rwanda, l’Ouganda et bientôt le Sud-Soudan. Le 46 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? Kenya est également un pionnier dans l’application qu’un environnement réglementaire approprié stimule de la technologie mobile pour le secteur financier. En la concurrence, les investissements et l’innovation. 2007, l’opérateur mobile Safaricom a lancé M-Pesa, le L’impact des TIC sur d’autres secteurs dépend de la premier service d’argent mobile en Afrique. La pénu- réglementation et de la connaissance relative à l’appli- rie de services bancaires formels ou leurs coûts, ainsi cation des TIC dans des domaines tels que la finance, qu’un cadre réglementaire assoupli visant à permettre le l’agriculture, la santé, etc. D’autres conditions préa- développement du service d’argent mobile, ont favorisé lables sont nécessaires, notamment une stratégie sec- son adoption rapide. Le pourcentage de la population torielle claire, un renforcement des capacités humaines âgée de 15 ans et plus disposant d’un compte est passé et un soutien à l’innovation. Une fois ces conditions de 42 % en 2011 à 75 % en 2014, soit l’un des taux les préalables sont remplies, il existe un certain nombre plus élevés de pénétration d’un service d’argent mobile d’options technologiques potentielles favorables à dans le monde, ce qui renforce l’inclusion financière saut technologique, comme l’Internet des objets, les dans ce pays. Le service d’argent mobile a donné nais- drones, les nouvelles sources de spectre de fréquences sance à des applications complémentaires comme des (par ex., diffusion analogique et espaces libres) et le liens avec des services d’épargne et d’assurance et le passage direct aux réseaux 4G et 5G. paiement d’achats en ligne. Les pays africains ont besoin d’un cadre favorable Pays pays peu développé et enclavé, le Rwanda ne s’est adapté, qui inclut un organisme de régulation secto- pourtant pas heurté à ces obstacles dans le cadre des rielle indépendant, une concurrence et une ouverture projets du gouvernement pour le secteur des TIC. Parmi aux investissements du secteur privé. Des mesures de les initiatives gouvernementales innovantes figure le protection de la concurrence sont nécessaires pour premier modèle mondial de vente en gros/au détail pour vérifier l’absence de comportements anticoncurren- un réseau sans fil de quatrième génération (4G). Un par- tiels comme le subventionnement croisé et le contrôle tenariat public-privé a été créé en 2013 pour construire des principales installations engorgées. Le prix de le réseau et sert de moyen de vente en gros aux presta- l’échange de trafic entre différents réseaux concurrents taires de services Internet de détail. Le réseau 4G a été devrait être transparent et basé sur les coûts. Des fonds lancé en 2014 avec pour objectif de couvrir 95 % de la visant à favoriser l’accès universel pourraient être mis population d’ici à 2018. Le gouvernement s’est porté en place pour réduire le fossé entre les zones urbaines sur ce modèle notamment parce qu’il voulait accélérer et rurales en matière d’accès aux TIC, mais ils doivent le déploiement de la technologie mobile ultra rapide. être conçus de manière à être transparents et efficaces. Les contributions aux fonds de service universel com- Les réalisations de la Chine illustrent comment l’adop- binées à d’autres taxes spécifiques au secteur sont trop tion des technologies numériques a déclenché des chan- lourdes dans certains pays, et ont pour effet de détour- gements économiques et sociaux (Encadré 3). ner l’argent des investissements et d’accroître les prix pour les consommateurs. Des règles claires concernant les conditions d’octroi de licences pour l’entrée sur le Améliorer les conditions d’un saut marché sont un autre principe important. Cela com- technologique numérique prend l’établissement d’une distinction entre les types des licences, quand elles sont nécessaires, et les infor- Les TIC sont un secteur important, par lui-même, mations accessibles au public sur les critères d’octroi de mais aussi parce qu’il s’agit d’un secteur transversal licences (par exemple, délais nécessaires pour prendre avec des effets sur d’autres secteurs. Pour concrétiser une décision, conditions générales, etc.). Une difficulté un saut technologique dans ce secteur, il est nécessaire concerne l’établissement de prix de licences acceptables Sommaire Exécutif 47 Encadré 3 : Le saut technologique de l’économie numérique chinoise On a pu observer un développement rapide de Internet chinoises ont atteint et, dans certains l’industrie chinoise basée sur Internet au cours des cas, dépassé les meilleurs niveaux mondiaux. Le vingt dernières années. Les sociétés Internet ont fait développement et l’utilisation de technologies de grands progrès dans l’expertise technique, les de pointe par les entreprises financières ont été modèles commerciaux et les changements apportés encouragés pour accroître leur efficacité, opti- à l’économie et à la société, et ont même assumé miser l’expérience des utilisateurs et maintenir une position de leader dans le monde dans certains la compétitivité du marché. L’événement annuel domaines. Parmi les principales réalisations de la en ligne du «  11 Day Global Festival  », le 11 Chine : novembre 2016, offre un exemple de cette situa- tion. Quelque 120 000 transactions par seconde I Une plateforme et un réseau de commerce ont été traitées pendant les heures de pointe. électronique robustes ont été créés. Le déve- loppement du crédit, du paiement et d’autres IV La nouvelle économie représentée par Internet infrastructures financières nouvelles a été encou- s’est développée rapidement, a apporté des ragé pour fournir des services financiers inclusifs avantages sociaux et économiques considérables aux particuliers et aux petites et microentreprises. et a donné une nouvelle impulsion au dévelop- Les entreprises de technologie financière ont été pement économique de la Chine. Au cours de soutenues pour construire un réseau de paiement l’exercice 2016, le total des ventes en ligne sur la global, visant à rendre le paiement en ligne et plateforme Alibaba a dépassé trois mille milliards mobile plus pratique, et les sociétés chinoises de CNY (environ 450 milliards de dollars), soit de paiement numérique sont devenues les plus un chiffre supérieur au chiffre d’affaires total de importantes au monde. Les sites d’achat en ligne Walmart, historiquement le plus important détail- ont levé les contraintes de temps et de distance, lant au monde. Le développement d’Alibaba sur offrant des moyens pratiques et à faible coût pour 13 ans a dépassé celui de Walmart sur 54 ans. créer des liens entre les acheteurs et les vendeurs et ont ainsi favorisé le développement de petites V Avec la transformation de l’aménagement entreprises. urbain et l’évolution des villes «  intelligentes », le déploiement de services avancés d’adminis- II Différentes plateformes ont été créées pour tration en ligne s’est accéléré. Les technologies améliorer l’accès aux contenus locaux. Le taux de l’information sur les réseaux ont créé un nou- d’utilisateurs d’Internet utilisant une messagerie veau modèle de développement économique instantanée a atteint 91 %. Un certain nombre de et social, dans lequel les relations entre les per- plateformes en ligne ont vu le jour qui permettent sonnes et les services, les personnes et les villes, aux gens de communiquer et d’obtenir des infor- les personnes et la société, les personnes et les mations par Internet, ce qui a conduit à une nou- ressources, les personnes et le futur sont trans- velle ère du « self-media », et fait d’Internet une formées. En 2015, Alipay a lancé l’application source de contenus générés par les utilisateurs « City Service », qui permet aux utilisateurs de et un important moyen de transmission. réaliser une série de tâches liées à la vie urbaine, notamment le paiement des contraventions ainsi III Dans des secteurs tels que les entreprises axées que des factures de services publics, la prise de sur le client, le cloud computing, le big data et rendez-vous médicaux et l’accès à des informa- les technologies de reconnaissance, les sociétés tions sur le trafic et les transports en commun. (suite à la page suivante) 48 Sauts technologiques : le nerf du développement en Afrique ? Encadré 3 : Le saut technologique de l’économie numérique chinoise (suite) Parmi les autres exemples, on peut citer « Sesame environ un cinquième de la population chinoise Credit », dans lequel les utilisateurs du service de s’est inscrit sur l’application, ce qui équivaut à paiement numérique Alipay génèrent des « notes un cinquième de la population adulte du pays. de crédit » en temps réel. Ceux qui affichent des On estime que les changements de mode de vie notes élevées obtiennent des avantages tels induits par l’application auraient permis d’éviter qu’une dispense de caution en cas de location 150 000 tonnes d’émissions de carbone.a de voiture ou bénéficient de contrôles de sécu- rité accélérés dans les aéroports. Ant Forest, une application de Ant Financial, est un jeu qui suit a Green Digital Finance Alliance. 2017. Scaling Citizen le comportement des utilisateurs pour les aider Action on Climate : ANT Financial’s Efforts Towards a Digital à réduire leur empreinte carbone. En neuf mois, Finance Solution. afin d’attirer des acteurs importants, tout en évitant de expertise technique, sa solidité financière et sa volonté facturer à un prix trop élevé qui risquerait de dissuader de s’engager de manière significative en faveur des l’entrée sur le marché. Enfin, il faut des mécanismes objectifs sociaux et économiques du pays. efficaces pour affecter des ressources limitées. Cela est particulièrement important dans le contexte africain Des compétences dans différents domaines sont où la plupart des accès sont réalisés par l’intermédiaire essentielles pour permettre à l’Afrique subsaharienne de réseaux sans fil qui nécessitent un spectre de fré- de tirer le meilleur parti des opportunités offertes quences. Des procédures transparentes sont nécessaires par les TIC. Les gouvernements doivent disposer des pour l’attribution des ressources limitées, telles que les compétences appropriées pour créer des politiques et fréquences, les numéros et les droits de passage. réglementer le secteur. Des compétences techniques sont nécessaires dans tous les secteurs pour dévelop- Dans le cas des TIC, une stratégie sectorielle est per des applications et des services TIC. La maîtrise essentielle pour fournir des orientations, assurer la res- du numérique est essentielle pour que les citoyens ponsabilisation et préciser comment les technologies puissent utiliser Internet de manière productive. La numériques s’inscrivent dans les plans de développe- transition vers le haut débit et Internet est souvent ment nationaux d’ensemble. Les plans pluriannuels en limitée, car elle requiert un niveau de compétences cours offrent une certaine prévisibilité sur l’orientation supérieur à celui de l’utilisation d’un téléphone mobile. du gouvernement pour le secteur, ce qui garantit l’in- vestissement du secteur privé. Il est essentiel de stimuler l’innovation pour encou- rager de nouvelles utilisations des TIC qui profitent à La solidité des opérateurs de télécommunication, l’économie et à la société. Les gouvernements doivent leur implication dans d’autres pays et l’ampleur de encourager les innovations dans les technologies de leurs activités font la différence. Les gouvernements rupture qui remettent en question les secteurs tra- devraient accorder les licences de télécommunications ditionnels. Des milliers d’entrepreneurs numériques importantes en fonction de critères divers, parmi innovants se sont regroupés dans des communautés lesquels l’expérience de l’opérateur, en particulier technologiques à travers tout le continent et méritent dans d’autres pays africains, la reconnaissance de son de recevoir un soutien et des incitations.69 Sommaire Exécutif 49 Endnotes Revolution.” Breakthrough Journal. https://the- breakthrough.org/index.php/journal/issue-7/ 1 Safaricom. 2017. Annual Report and Financial leapfrogging-progress Statements 2017. https://www.safaricom.co.ke/ 12 Acemoglu, Daron. 2009. Introduction to Modern images/Downloads/Resources_Downloads/ Economic Growth . Princeton, NJ: Princeton Safaricom_2017_Annual_Report.pdf University Press. 2 Fan, Shenggen, Ashok Gulati et Sukhadeo Thorat. 13 Rakotoarisoa, Manitra A., Massimo Iafrate, 2008. “Investment, Subsidies, and pro-Poor and Marianna Paschali. 2011. 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