59464 Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Un Guide pour les Praticiens Jean-Pierre Brun Larissa Gray Clive Scott Kevin M. Stephenson Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Un Guide pour les Praticiens Jean-Pierre Brun Larissa Gray Clive Scott Kevin M. Stephenson © Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement / Association pour le Développe- ment International ou Banque Mondiale. La Banque Mondiale 1818 H Street NW Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 Internet : www.worldbank.org Tous droits réservés 1 2 3 4 13 12 11 10 Ce travail a été effectué par le personnel de la Banque Mondiale et enrichi de contributions externes. Les interprétations et conclusions exprimées dans ce livre ne reflètent pas nécessairement les vues des directeurs exécutifs de la Banque Mondiale ou des gouvernements qu’ils représentent. La Banque Mondiale ne garan- tit pas l’exactitude des données contenues dans cet ouvrage. 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Sommaire Préfacexi Remerciementsxiii Acronymes et abréviations xv Introduction 1 Méthodologie 2 Comment utiliser ce manuel 3 1. Aperçu général du processus de recouvrement d’avoirs et des voies de recouvrement 7 1.1  Le processus général du recouvrement d’avoirs 7 1.2  Les voies légales du recouvrement d’avoirs 12 1.3  L’utilisation des voies de recouvrement d’avoirs dans la pratique : trois exemples 18 2.  Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs 25 2.1  Réunir les faits : les sources initiales d’information 26 2.2 La constitution d’une équipe ou d’une unité, task forces et enquêtes conjointes avec des autorités étrangères  29 2.3 Etablir le contact avec des homologues étrangers et évaluer la capacité à obtenir une coopération internationale 32 2.4  S’assurer des soutiens et des ressources adéquats 35 2.5  Evaluer la loi et envisager des réformes législatives 36 2.6  Prendre en compte les problèmes et obstacles légaux 37 2.7  Identifier tous les responsables 42 2.8  Considérations spécifiques aux affaires pénales 43 2.9  Mettre en place un système de suivi du dossier 48 3.  La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs 51 3.1  La conception d’un plan et autres considérations importantes 52 3.2  Créer un profil individuel 54 3.3  Obtenir les données financières et autres preuves 54 3.4 L’identification des informations pertinentes : exemples tirés de documents-ressources fréquemment recueillis 75 3.5  Organiser les données : la création d’un profil financier 87 3.6  L’analyse des données : comparer les flux avec le profil financier 89 3.7  Obtenir la coopération internationale 90 4.  Eviter la dissipation des avoirs : les mesures conservatoires 91 4.1  Terminologie : la saisie et les mesures provisoires de contrôle 91 4.2  Les conditions d’autorisation des mesures provisoires 92 4.3  La planification préalable au contrôle ou à la saisie 96 4.4  La synchronisation des mesures provisoires 102 4.5  Exceptions aux décisions de contrôle pour paiement des dépenses 103 4.6  Les ordonnances ou mesures accessoires 104 4.7  L’intérêt des tiers 105 4.8  Alternatives aux mesures provisoires 106 5.  Gérer les avoirs sujets à confiscation 107 5.1  Les acteurs-clés de la gestion d’avoirs 108 5.2  Les pouvoirs du gestionnaire d’avoirs 109 5.3  Inventaire et communication des données 111 5.4  Les types communs d’avoirs et les problèmes qui leur sont associés 111 5.5  Les difficultés de gestion récurrentes 117 5.6 Consultations 118 5.7  La liquidation (vente) d’avoirs 119 5.8  La rémunération des gestionnaires d’avoirs 119 5.9  Le financement de la gestion d’avoirs 120 6.  Les mécanismes de confiscation 121 6.1  Les systèmes de confiscation 123 6.2  Comment fonctionne la confiscation 126 6.3  Mesures et outils destinés à renforcer la confiscation 134 6.4  Les intérêts des tiers 138 6.5  La confiscation d’avoirs situés dans des juridictions étrangères 139 6.6  Le recouvrement via la confiscation pour les victimes de crime 139 6.7  Le sort des avoirs confisqués 140 7.  La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs 143 7.1  Les principes-clés 145 7.2 Aperçu comparé de l’entraide informelle et de l’entraide judiciaire 151 7.3  L’entraide informelle 156 7.4  Demandes d’entraide judiciaire (DEJ) 162 7.5  Les coopération dans les cas de confiscation en l’absence de condamnation pénale (ACP) 183 7.6  La coopération dans les dossiers de recouvrement civil (de droit privé) 185 7.7  La restitution des avoirs 186 vi I Sommaire 8.  Les actions civiles 187 8.1  Les voies de droit potentielles 188 8.2  Intenter une action civile pour recouvrer des avoirs 198 8.3  Dispositions finales 203 8.4 Procédure formelle d’insolvabilité 204 9.  Les procédures pénales et de confiscation étrangères 207 9.1  La compétence 207 9.2  Comment initier une action de la juridiction étrangère 209 9.3 Le rôle de l’Etat lésé par les infractions de corruption dans l’enquête et les poursuites étrangères 210 9.4  Garantir le recouvrement des avoirs depuis l’étranger 214 Annexe A. Qualifications pénales à envisager en matière pénale 219 Annexe B. Glossaire des termes financiers et relatifs aux constructions juridiques  227 Annexe C. Exemple de rapport d’une cellule de renseignement financiert 233 Annexe D. Planification et exécution d’un mandat de perquisition et de saisie 237 Annexe E. Exemple de document à envoyer aux institutions financières dans le cadre d’une injonction de communiquer239 Annexe F. Méthodes de paiement sériel et de couverture dans les transferts de fonds électroniques 247 Annexe G. Exemple de formulaire de profil financier 251 Annexe H. Points de discussion possibles avec des contacts – étape de l’entraide informelle 273 Annexe I. Modèle de demande d’entraide judiciaire et conseils de rédaction 275 Annexe J. Ressources accessibles sur internet 281 Glossaire 289 Index 293 Encarts 1.1 Cadre juridique du recouvrement d’avoirs 13 1.2 Méthodes alternatives du recouvrement d’avoirs 19 2.1 Rôle et contribution des CRF dans les dossiers de ecouvrement d’avoirs. 27 2.2 Obstacles à la coopération internationale 34 2.3 Décisions stratégiques au Pérou – Loi autorisant le plaider coupable 36 Sommaire I vii 2.4  Poursuites sur la base des dispositions relatives aux règles comptables et au contrôle interne aux Etats-Unis et au Royaume Uni 45 2.5 Exemple des difficultés à l’établissement des éléments constitutifs de l’infraction 46 3.1 Check-list pour la compilation des informations de base 55 3.2 Tracer et recouvrer des avoirs – Efforts menés au Royaume Uni 57 3.3 Etablir des bases suffisantes pour un mandat de perquisition 67 3.4 Eléments dont la saisie est importante 69 3.5 Documentation à requérir auprès d’institutions financières 71 3.6 Mesures de rétention 73 3.7 Formulaires et documents relatifs à une opération de transfert de fonds 80 3.8  Signaux d’alerte dans les contrats et dans la documentation, les registres et les mécanismes de paiementRecords, and Payment Mechanisms 84 4.1 Rédiger un « affidavit » 94 4.2 Un exemple de décisions de planification avant contrôle en pratique 100 6.1 Historique et récents développements en matière de confiscation 122 6.2  Questions soulevées par la détermination des produits du crime – Un exemple pratique 129 6.3 Usage des « activités connexes » pour l’appréhension de la totalité des bénéfices 138 7.1 Etablir des liens personnels – L’exemple péruvien 146 7.2 Points de contact pour la coopération internationale 147 7.3 Obligations de divulgation – un obstacle aux demandes d’entraide judiciaire 150 7.4  Compétences des services d’enquête en France, en Suisse, au Royaume Uni et aux Etats-Uni 157 7.5 Faciliter l’entraide informelle 158 7.6 Divulgations spontanées suisses 162 7.7 Choisir une base légale à inclure dans une demande d’entraide judiciaire 164 7.8  Surmonter les exigences de la double incrimination – L’enrichissement illicite et la corruption d’agents publics étrangers 167 7.9 Le secret bancaire et les infractions fiscales – des motifs de refus de l’entraide ? 172 7.10 Eviter le rejet des demandes d’entraide judiciaire considérées comme trop vagues 175 7.11 Les décisions de portée mondiale au Royaume-Uni 180 7.12 Conditions exigées pour l’exécution directe des demandes d’entraide judiciaire relatives à la confiscation au Royaume Uni et aux Etats-Unis 181 7.13 Recouvrement d’avoirs dans le cadre d’une demande d’entraide judiciaire en France 185 8.1 Exemples d’actions en revendication de propriété 188 8.2  La loi américaine RICO (Racketeer Influenced and Corrupt Organizations) 191 8.3 193 8.4 Fyffes v. Templeman and Others (2000) 195 8.5 World Duty Free Company Limited v. The Republic of Kenya (2006) 196 viii I Sommaire 8.6 Reversement (« Disgorgement ») des bénéfices – la pratique aux Etats-Unis 197 8.7  Les preuves circonstancielles examinées dans le dossier Federal Republic of Nigeria v. Santolina Investment Corp., Solomon & Peters, and Diepreye Alamieyeseigha (2007) 199 8.8  Exigences des décisions de contrôle ou de gel en France, à Panama et au Royaume Uni 200 8.9 Le dossier Ao Man Long 202 8.10 Exécution de jugements lorsque le défendeur est absent au cours de la procédure 204 9.1  Etablir la compétence d’une juridiction lorsqu’une partie des faits seulement s’est produite sur son territoire 209 9.2  L’établissement de la compétence à l’égard des ressortissants nationaux au Royaume Uni et aux Etats-Unis 210 9.3  Compétence pour poursuivre les infractions de blanchiment d’argent en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis 211 9.4 Les procédures de confiscation entreprises par des autorités étrangères 212 9.5  Le rôle important de l’Etat lésé par la corruption – L’exemple du cas d’Haïti. 214 9.6 Le recouvrement direct en pratique 216 9.7 Les options de restitution d’avoirs disponibles en Suisse 222 A.1 Dispositions relatives à l’enrichissement illicite en France 249 F.1 Dissimuler les informations relatives au client envoyeur 249 F.2 Surveiller les archives des institutions financières 278 I.1 Conseils relatifs à la rédaction d’une demande d’entraide judiciaire et à son exécution 240 Illustrations 1.1  Processus de recouvrement d’avoirs volés 8 2.1  Standards de preuve 41 2.2  Chefs d’accusation à envisager en matière pénale 44 3.1  Les Cinq Questions à poser dans toute enquête 59 3.2  Informations préliminaires disponibles auprès d’autres agences gouvernementales 61 3.3  Déroulement basique d’un virement international 77 3.4  Exemple du format et des codes utilisés dans un message SWIFT 83 3.5  Exemple de schémas des flux 88 3.6  Exemple de schéma des liens et des avoirs 89 5.1  Véhicules motorisés saisis et conservés à l’extérieur 113 6.1  Confiscation d’un avoir à l’étranger 140 7.1  Les phases du recouvrement d’avoirs et l’intégration de la coopération internationale 144 7.2  Schéma de la coopération internationale 154 7.3  Entraide informelle et demandes formelles d’entraide judiciaire – Qu’est-ce qui peut être demandé ? 155 Sommaire I ix 7.4 Déroulement d’une demande d’entraide judiciaire conformément à un traité ou à une législation interne 182 A.1  Qualifications pénales à envisager en matière pénale 219 F.1  Méthodes de paiement sériel ou séquentiel et de couverture 248 Tableaus 4.1  Considérations relatives au contrôle partiel ou limité d’un complexe hôtelier 101 7.1  Les différences entre l’entraide informelle et l’entraide judiciaire 153 Préface Les pays en voie de développement perdent entre 20 et 40 milliards de dollars (USD) chaque année du fait de la corruption, du détournement de fonds, et d’autres comporte- ments illicites. L’essentiel des produits de la corruption trouve refuge sur les grandes places financières mondiales. Ces flux criminels constituent une perte sèche pour les systèmes sociaux et les programmes de développement économique, contribuant ainsi à appauvrir un peu plus des pays qui figurent déjà parmi les plus pauvres du monde. Les victimes sont les enfants, qui ont besoin de recevoir une éducation ; des patients, aux- quels il manque des soins médicaux ; et l’ensemble des membres de la société qui con- tribuent, par leurs efforts, au bien commun et méritent l’assurance que les fonds publics seront utilisés à l’amélioration de leurs vies. Mais la corruption nous affecte tous, en sapant la confiance dans les gouvernements, les banques et les entreprises, à la fois dans les pays développés et dans les pays en voie de développement. La communauté internationale a relevé ce défi et est allée de l’avant, tant sur les princi- pes que dans le cadre d’accords internationaux. Le G20 a fait du combat contre la corruption le fer de lance de ses efforts visant à développer globalement l’intégrité et la responsabilité. Le programme StAR a été lancé en septembre 2007 par la Banque Mon- diale et l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC) pour pro- mouvoir la ratification et la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la Corruption (UNCAC), et en particulier de son chapitre V, qui établit un premier cadre général innovant en matière de recouvrement d’avoirs. De nombreux pays en voie de développement ont déjà tenté de recouvrer des biens mal acquis. Un certain nombre de dossiers très médiatiques a été couronné de succès, grâce à une coopération internationale audacieuse qui est parvenue à démontrer que le recouvrement d’avoirs est bel et bien possible. Cependant, jusqu’à aujourd’hui, seuls 5 milliards de dollars (USD) d’avoirs volés ont été recouvrés. Ce qu’il nous faut mainte- nant, ce sont des progrès plus visibles et plus tangibles dans la poursuite active des infractions de corruption, ainsi que le recouvrement systématique des produits de la corruption. Néanmoins, le recouvrement des produits de la corruption demeure complexe. Le processus peut se révéler ardu, y compris pour les praticiens les plus expérimentés. Il est même exceptionnellement difficile pour ceux d’entre eux qui travaillent dans un contexte marqué par des Etats défaillants, une corruption généralisée, et des ressources limitées. Il nous faut soutenir leurs efforts lorsqu’ils affrontent les défis stratégiques, juridiques et organisationnels posés par le recouvrement d’avoirs détournés, que ce soit par le biais de la confiscation pénale, de la confiscation en l’absence de condamna- tion pénale, d’actions civiles ou d’autres voies de recours. Nous espérons que ce guide se révélera utile aux policiers, procureurs, magistrats instructeurs, avocats et autres experts. Nous souhaitons aussi qu’il puisse inspirer les décideurs et leaders politiques dans leurs décisions relatives à la législation et aux mo- yens financiers destinés à la lutte contre la corruption, et nous serons heureux de le voir rapidement utilisé pour dans le cadre de l’aide technique et du développement des capacités dans les pays intéressés par le programme StAR.  Ngozi N. Okonjo-Iweala Yury Fedotov Directeur-général de la Banque Mondiale Directeur Exécutif, UNODC xii I Préface Remerciements Ce manuel est le résultat des efforts de collaboration exceptionnels déployés par des praticiens de tous horizons. Leur temps et leur expertise ont été d’une importance ines- timable lors de l’élaboration de cet outil pratique d’aide au recouvrement des produits de la corruption. Ce livre a été écrit par Jean-Pierre Brun (chef de projet, Financial Market Integrity Unit, Banque Mondiale), Larissa Gray (Financial Market Integrity Unit), Kevin Stephenson (Financial Market Integrity Unit), et Clive Scott (Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime [UNODC]), avec la participation de Nina Gidwaney (Financial Market Integrity Unit). Les auteurs tiennent à remercier tout particulièrement Jean Pesme (Directeur, Financial Market Integrity Unit, Financial and Private Sector Development Network) et Adrian Fozzard (coordinateur, Programme StAR) pour leur soutien sans faille et leurs nombreux conseils tout au long de ce projet. L’équipe a également bénéficié des nombreux commentaires de grande qualité formulés au cours du processus de peer review, codirigé par Jean Pesme et Tim Steele, (senior governance specialist, secrétariat du programme StAR). Le comité de lecture était composé de Raymond Baker (directeur, Global Financial Integrity), Yara Esquivel (vice- présidence Integrity, Banque Mondiale), Frank Fariello (service juridique, Banque Mondiale), Augustin Flah (service juridique, Banque Mondiale), Jeanne Hauch (vice- présidence Integrity, Banque Mondiale), Lindy Muzila (UNODC), et Mutembo Nchito (procureur, Zambie) Au cours du processus d’élaboration et de consultation, des ateliers de travail réunissant des praticiens se sont tenus à Vienne en Autriche (mai 2009) et à Marseille, France (mai 2010). Ces praticiens y ont apporté leur expérience dans la mise en œuvre des confiscations pénales, des confiscations en l’absence de condamnation pénale, des actions civiles, des enquêtes, du « traçage » des avoirs, de la coopération internationale et de la gestion des avoirs – expérience acquise à la fois dans les systèmes de common law et de droit civil, dans les pays en développement comme dans les pays développés. Les participants (issus du public comme du privé) incluaient Yves Aeschlimann (Financial Market Integrity Unit), Jean-Marc Cathelin (France), France Chain (Organisation pour la Coopération Economique et le Développement [OCDE]), Hamza Chraiti (Suisse), Anne Conestabile (OCDE), Margaret Cotter (Fonds Monétaire International), William Cowden (Etats-Unis), Maxence Delorme (France), Nick deVilliers (Afrique du Sud), Adrian Fajardo (Mexique), Frank Filippeli (Etats-Unis), Clara Garrido (Colombie), John Gilkes (Etats-Unis), Dorothee A. Gottwald (UNODC), Guillermo Jorge (Argentine), Vitaliy Kasko (Ukraine), William Loo (OCDE), Marko Magdic (Chili), Olaf Meyer (Allemagne), Holly Morton (Royaume Uni), Elnur Le manuel a également profité des contributions de Theodore S. Greenberg (Financial Market Integrity Unit), David M. Mizrachi (Panama), et Felicity Toube (Royaume Uni). Merci enfin et tout spécialement à Thelma Ayamel pour avoir organisé la logistique des ateliers de travail de Vienne et Marseille ; à Maria Orellano et Miguel Nicolas de la Riva pour leur appui administratif, ainsi qu’à M. Ulrich Cros, traducteur, pour son remarquable travail sur la traduction française du document initial en langue anglaise Jean-Pierre Brun Chef de projet Financial Market Integrity Unit Banque Mondiale xiv I Remerciements Acronymes et abréviations ACP En l’absence d’une condamnation pénale BIC Bank Identifier Code (Code Identifiant Bancaire) CARIN Camden Assets Recovery Inter-Agency Network (Réseau CARIN) CEDH Cour Européenne des Droits de l’Homme CHAPS Clearing House Automated Payments System CHIPS Clearing House Interbank Payments System CRF Cellule de Renseignement Financier DEJ Demande d’entraide Judiciaire DTM Déclaration de Transaction Monétaire DTS Déclaration d’activité ou de transaction suspecte EAU Emirats Arabes Unis EWHC (Ch.) England and Wales High Court (Chancery Division) FCPA Foreign Corrupt Practices Act Fedwire Fedwire Funds Service GAFI Groupe d’Action Financière IBC International business corporation ICSID International Centre for Settlement of Investment Disputes LLC Limited Liability Company OCDE Organisation pour la Coopération Economique et le Développement PEP Politically exposed person (Personne politiquement exposée) PIB Produit Intérieur Brut PTC Private trust company RICO Racketeer Influenced and Corrupt Organizations StAR Stolen Asset Recovery Initiative SWIFT Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications UNCAC Convention des Nations Unies contre la Corruption UNODC Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime UNTOC Convention des Nations Unies contre la Criminalité Transnationale Organisée WDF World Duty Free Company Limited Introduction Le vol et le détournement de biens publics dans les pays en voie de développement constitue un problème majeur de développement. Les montants soustraits chaque année aux pays en développement et émergents et cachés a l’étranger atteignent entre 20 et 40 milliards de dollars (USD) – un chiffre qui équivaut à 20 à 40% des flux de l’aide au développement officielle1. Mais les coûts sociétaux de la corruption dépassent de beaucoup la valeur brute des biens mal acquis par les dirigeants corrompus. En effet, la corruption érode la confiance dans les institutions, détériore le climat de l’investissement privé et mine l’exécution des programmes de lutte contre la pauvreté dans des domaines tels que la santé et l’éducation2. Reconnaissant la gravité du problème posé par la corruption ainsi que le besoin de mécanismes mieux à même de combattre son impact dévastateur et de faciliter le recouvrement de ses produits, la communauté internationale a mis en place un nou- veau dispositif dans le cadre de la Convention des Nations Unies contre la Corruption (UNCAC). C’est le chapitre V de la Convention qui définit ce dispositif pour la restitu- tion des avoirs volés, en requérant des Etats Parties qu’ils prennent les mesures né- cessaires pour contrôler, saisir, confisquer et restituer les produits de la corruption. Pour se faire, ils ont à leur disposition plusieurs mécanismes : •  Exécution directe des décisions de confiscation ou de gel prises par les tribunaux d’un autre état-partie3 ; •  Confiscation en l’absence de condamnation pénale, en particulier dans des cas de décès, de fuite, d’absence du prévenu, ou dans d’autres cas4 ; •  Actions civiles entamées par un autre état-partie, permettant à ce dernier de recouvrer les biens en tant que demandeur5 ; •  Confiscation de biens d’origine étrangère après jugement établissant une infrac- tion de blanchiment, ou autre6 ; •  Décisions judiciaires octroyant des dommages et intérêts ou indemnisant un autre Etat Partie, et reconnaissance par les tribunaux des revendications d’un autre état-partie en qualité légitime propriétaire d’avoirs acquis au moyen de la corruption7 ; 1. World Bank, Stolen Asset Recovery (StAR) Initiative: Challenges, Opportunities, and Action Plan (Washing- ton, DC, 2007), 9. 2. Ibid. 3. Convention des Nations Unies contre la Corruption (UNCAC), art. 54(1)(a) et 54(2)(a). 4. UNCAC, art. 54(1)(c). 5. UNCAC, art. 53. 6. UNCAC, art. 54(1)(b) et 54(2)(b). 7. UNCAC, art. 53(b) et (c). •  Divulgation spontanée d’informations à un autre état-partie en l’absence d’une requête préalable8 ; et •  Coopération internationale et restitution des avoirs9 Malgré l’existence d’un tel dispositif, la pratique du recouvrement des biens mal acquis demeure complexe. Elle implique la coordination et la coopération d’agences nationales et d’administrations publiques dans de nombreux pays soumis à des systèmes juridiques et à des procédures différentes. Elle requière des techniques d’enquête et des compétences spéciales permettant de « suivre l’argent » au-delà des frontières nationales, ainsi que la capacité à agir rapidement pour éviter l’évaporation des avoirs. Afin de garantir l’efficacité requise, l’autorité compétente (« l’autorité ») doit être en mesure d’initier et de conduire des poursuites judiciaires devant les tribunaux nationaux et étrangers, ou de fournir aux autorités d’un autre pays les preuves ou les informations requises par l’enquête (ou les deux). Toutes les options judiciaires – confiscation par suite d’une condamnation pénale, confiscation en l’absence de condamnation pénale, action civile, ou autres – doivent être considérées. Ce processus peut représenter une tâche écrasante, y compris pour les praticiens les plus expérimentés ; mais il est d’autant plus difficile pour ceux qui exercent dans le contexte d’un état défaillant, d’une corruption généralisée ou de ressources limitées. La complexité de ces procédures rend nécessaire qu’un outil pratique soit mis a la disposition des praticiens pour les guider tout au long du processus. C’est en ayant cela à l’esprit que StAR (Stolen Asset Recovery) (StAR), qui est une initiative conjointe de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC) et de la Banque Mondiale pour encourager et aider au recouvrement plus systématique et plus rapide des avoirsvolés, a développé ce Manuel du Recouvrement des Biens Mal Acquis. Conçu comme un véritable guide pratique, le manuel accompagne les praticiens lorsqu’ils font face aux obstacles stratégiques, organisationnels, judiciaires et d’enquête que pose le recouvrement des biens mal acquis par des dirigeants corrompus et dissimulés à l’étranger. Il détaille les approches les plus couramment utilisées pour le recouvrement d’avoirs situés à l’étranger, identifie les principaux obstacles que le praticien sera susceptible de rencontrer, et introduit des éléments de bonne pratique. En regroupant les informations dispersées entre plusieurs domaines d’expertise au sein d’un même cadre, le manuel devrait accroitre substantiellement l’efficacité des praticiens travaillant en équipe. Méthodologie Pour faire du Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis un outil pratique, STAR s’est appuyé sur ceux qui possèdent une expérience pratique et personnelle dans un ou plusieurs des domaines fondamentaux du recouvrement d’avoirs. Ces contributeurs incluent des policiers, des enquêteurs financiers, des magistrats instructeurs, des 8. UNCAC, art. 56. 9. UNCAC, art. 55 et 57. 2  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis procureurs, des avocats et des gestionnaires d’avoirs. Ces experts ont apporté l’expérience qu’ils ont acquise - tant dans les pays développés qu’en développement, dans des systèmes de tradition civiliste comme de common law - dans les domaines de la confiscation par suite de condamnation pénale, de la confiscation en l’absence de condamnation pénale, de l’action civile, de l’enquête, du «  traçage  » d’avoirs, de la coopération internationale et de la gestion d’avoirs. Ils ont travaillé avec d’autres agences nationales aussi bien qu’avec leurs homologues étrangers. Familiers de certains des problèmes que posent ces opérations, ils ont développé leurs propres idées et leurs propres méthodes afin de les surmonter. La forme générale du manuel ainsi que les points-clés qu’il aborde ont fait l’objet de l’accord d’un groupe de praticiens réunis lors d’un atelier qui s’est tenu à Vienne (Autriche) en mai 200910, et dont les conclusions ont ensuite été développées par les auteurs en une synthèse intermédiaire. Cette dernière a ensuite été présentée et discutée lors d’un second atelier à Marseille (France)11, qui fut suivi de consultations et de contributions additionnelles. La version finale a ensuite fait l’objet de l’accord du groupe des praticiens désormais élargi. Comment utiliser ce manuel Le Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis est conçu comme un ouvrage de référence pratique pour les praticiens – policiers, magistrats instructeurs et procureurs – ainsi que pour les gestionnaires d’avoirs et les décideurs politiques, à la fois dans les systèmes juridiques de tradition civiliste et dans celles de common law. Compte tenu de la diversité des publics et des systèmes juridiques, il est important que le lecteur reste conscient qu’une pratique ou une stratégie qui a fonctionné dans un pays peut fort bien ne pas fonctionner dans un autre. De la même manière, une technique d’enquête autorisée dans un pays donné peut très bien ne pas l’être – ou requérir d’autres éléments de procédure – dans un autre. De plus, différents pays peuvent avoir recours à des terminologies différentes pour décrire le même concept juridique (certains préfèrent ainsi « confiscation », d’autres « déchéance ») ou la même procédure (des avoir peuvent alors être « saisis » dans l’un, « contrôlés », « bloqués » ou « gelés » dans un autre)12. 10. Les participants à l’atelier de Vienne de mai 2009 ont apporté leur expérience acquise en Argentine, Azerbaïdjan, Canada, Colombie, Costa Rica, France, Guernesey, Jersey, Pérou, Afrique du Sud, Suisse, Ukraine, Royaume Uni, Etats-Unis et Zambie. 11. Les participants à l’atelier de Marseille de mai 2010 ont apporté leur expérience acquise en Argentine, Azerbaïdjan, Brésil, Cameroun, Chili, Colombie, France, Germany, Guernesey, Haïti, Pérou, Afrique du Sud, Suisse, Ukraine, Royaume Uni, Etats-Unis et Zambie. 12. Par exemple, dans le Prevention of Organised Crime Act sud-africain de 1998 (loi sur la prévention du crime organisé), la « confiscation » est définie comme une décision basée sur la valeur et conforme au chapitre V de la loi. Dans d’autres juridictions, ces décisions sont décrites comme des « décisions de péna- lité pécuniaire » (comme par exemple dans de nombreuses lois de niveau étatique ou fédéral en Australie). Au Mexique, le terme de « déchéance » est préféré en cela qu’il s’applique aux produits et instruments de crimes ; « confiscation », à l’inverse, fait référence aux avoirs d’un individu. A Jersey, « déchéance » est utilisé pour les instruments d’un crime, et « confiscation » l’est pour ses produits. Introduction I 3 Différents pays peuvent aussi assigner des rôles et responsabilités différents aux individus impliqués dans le recouvrement d’avoirs. Dans certains d’entre eux, l’enquête est ainsi conduite par un juge d’instruction ; dans d’autres, par les services de police ou par des procureurs. Le manuel s’efforce de souligner ces différences lorsqu’elles existent, et s’attache à montrer comment des concepts ou des pratiques différentes peuvent parfois constituer des solutions similaires au même problème. Pour autant, le manuel n’est pas conçu comme un recueil détaillé des lois et pratiques. Chaque praticien doit donc s’efforcer de le lire dans le contexte du système juridique spécifique de son propre pays, de ses autorités de poursuite, de ses ressources, de ses lois et de ses procédures, sans se laisser enfermer par la terminologie ou les concepts utilisés pour illustrer les défis et les outils propres à un processus réussi de recouvrement d’avoirs. Les praticiens doivent aussi considérer le contexte du système juridique, des autorités de poursuite, des ressources, des lois et des procédures spécifiques de l’Etat dans lequel les procédures de recouvrement seront menées. L’objectif premier de ce manuel est de faciliter le recouvrement d’avoirs dans le contexte de la grande corruption, particulièrement telle que définie dans le chapitre V de l’UNCAC. Pour autant, la confiscation et le recouvrement d’avoirs pourraient et devraient être appliqués à un spectre d’infractions plus large, en particulier dans le cadre des dispositions sur la confiscation d’avoirs stipulées par la Convention des Nations Unies contre le Trafic de Stupéfiants et de Substances Psychotropes (Vienne) et la Convention des Nations Unies contre la Criminalité Transnationale Organisée. Le manuel est structuré en 9 chapitres, un glossaire et 10 annexes comprenant des ressources additionnelles. Le chapitre I offre un aperçu général du processus de recouvrement d’avoirs et des voies légales de recouvrement, ainsi que des exemples pratiques. Le chapitre II présente un ensemble de considérations stratégiques dans la construction et le suivi d’un dossier de recouvrement d’avoirs incluant la collecte initiale des faits et d’informations, la constitution d’une équipe et l’établissement de relations avec des homologues étrangers dans le cadre d’une coopération internationale. Le chapitre III introduit les techniques que peuvent utiliser les praticiens dans la recherche ou le « traçage » des avoirs et l’analyse des données financières, ainsi que dans la collecte de preuves solides et admissibles dans le cadre d’une procédure de confiscation ou de recouvrement. Les mesures provisoires et la planification nécessaires à la sécurisation des avoirs avant confiscation sont discutées dans le chapitre IV ; le chapitre V présente certaines des problématiques de gestion des avoirs saisis dont les praticiens devront tenir compte durant cette phase. Les systèmes de confiscation sont examinés au chapitre VI, avec une évaluation des différents systèmes et de leur fonctionnement ainsi que des renforcements procéduraux disponibles dans certains pays. Sur le sujet de la coopération internationale, le chapitre VII passe en revue les diverses méthodes existantes, y compris l’entraide informelle et les demandes d’entraide judiciaire, et accompagne le praticien sur l’ensemble du processus. Enfin, les chapitres VIII et IX examinent deux voies supplémentaires de recouvrement d’avoirs : les procédures civiles et les procédures de confiscation engagées à l’étranger. 4  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Le glossaire fournit les définitions de nombreux termes spécialisés utilisés dans ce manuel. Du fait des différentes terminologies utilisées par différents pays pour décrire un même concept juridique ou une même procédure, le glossaire inclut également des exemples de termes pouvant être utilisés de façon interchangeable. Les annexes renferment des outils de référence additionnels ainsi que des ressources pratiques utiles au praticien. L’annexe A délimite les infractions à considérer en matière d’action pénale. L’annexe B présente une liste détaillée et descriptive des termes généralement retenus pour décrire les sociétés et les constructions juridiques (utilisées pour dissimuler les avoirs). Pour ceux passant en revue des rapports de transactions suspectes, l’annexe C fournit un exemple de rapport provenant d’une cellule de renseignement financier (CRF). L’annexe D propose une «  check-list  » de considérations additionnelles à prendre en compte avant l’exécution d’une décision de perquisition et saisie. Les annexes E et G fournissent respectivement un modèle de réquisition (demande de communication) pour institutions financières et un exemple de formulaire de profil financier. L’annexe F décrit les méthodes de paiement - en série et de couverture - utilisées par les banques dans le cadre des transferts de fonds électroniques, et aborde les nouveaux standards de paiement de couverture entrés en vigueur en novembre 2009. L’annexe H propose des points de discussion que les praticiens peuvent utiliser pour nouer des contacts avec des homologues étrangers. Eu égard aux demandes d’entraide judiciaire, l’annexe I fournit une ébauche de lettre de demande avec éléments-clés de langage et conseils d’exécution. Enfin, l’annexe J propose un vaste champ de ressources internet, tant internationales que pays par pays. Introduction I 5 1.  Aperçu général du processus de recouvrement d’avoirs et des voies de recouvrement L’un des premiers éléments à considérer dans un dossier de recouvrement d’avoirs est l’élaboration d’une stratégie efficace permettant à la fois d’obtenir une condamnation pénale (si cela est possible) et de recouvrer les produits et instruments de la corruption. Les praticiens doivent avoir pleinement conscience des diverses voies légales du recouvrement d’avoirs ainsi que de certains des facteurs et obstacles qui pourraient conduire à privilégier une voie plutôt qu’une autre. Ce chapitre présente donc le processus général de recouvrement d’avoirs et les différentes voies de recouvrement (dont la plupart feront l’objet d’une présentation plus détaillée dans les chapitres suivants). 1.1  Le processus général du recouvrement d’avoirs Que l’on cherche à recouvrer des avoirs au moyen d’une confiscation pénale (CSCP) ou en l’absence d’une condamnation pénale (CACP), ou via des poursuites devant une juridiction étrangère, ou encore par le biais d’une action civile, les objectifs et les étapes fondamentales du recouvrement d’avoirs sont généralement les mêmes. L’encart 1.1 illustre ce processus. 1.1.1  La collecte d’information et de preuves, recherche ou « traçage » des avoirs Les preuves sont réunies et les avoirs recherchés ou « tracés » par des officiers de police judiciaire sous la supervision des procureurs ou des magistrats instructeurs (ou en étroite coopération avec eux) ou par des enquêteurs privés ou par toute autre partie intéressée à une action civile. En plus de réunir les informations et renseignements disponibles dans les bases de données de la police ou d’autres agences gouvernementales, les officiers de police judiciaire peuvent employer des techniques d’enquête spéciales. Certaines de ces techniques peuvent nécessiter l’autorisation d’un procureur ou d’un juge (par exemple  : surveillance électronique, mandats de perquisition et saisies, réquisitions judiciaires ou surveillance des opérations bancaires), alors que d’autres ne l’exigent pas (filatures, collecte d’informations provenant de sources publiques et audition de témoins). Les enquêteurs privés ne disposent pas des pouvoirs accordés aux officiers de police judiciaire  ; néanmoins, ils sont habilités à utiliser les sources publiquement disponibles et parfois à requérir auprès du tribunal qu’il ordonne toutes mesures utiles (telles que la communication de documents, des mesures d’audit, des recueils de témoignage ou des rapports d’experts). Les techniques d’enquête pénale et de recherche d’actifs sont présentées en détail dans le chapitre III, et les mesures d’instruction dans les procédures civiles sont abordées dans le chapitre VIII. ILLUSTRATION 1.1 Processus de recouvrement d’avoirs volés Collecte d’information et de preuves, Recherche et « traçage » d’avoirs (Localement et à l’étranger, au moyen d’une DEJ) Sécurisation des avoirs (Localement et à l’étranger, au moyen d’une DEJ) Procédure judiciaire (De manière à obtenir une condamnation [si possible], une confiscation, une amende, des dommages et intérêts et / ou une indemnisation) Exécution des décisions de justice (Localement et à l’étranger, au moyen d’une DEJ) Restitution des avoirs Source : illustration des auteurs Note : DEJ = Demande d’Entraide Judiciaire 1.1.2  La sécurisation des avoirs Pendant la phase d’enquête, les produits et instruments susceptibles de confiscation doivent être sécurisés de façon à éviter leur dissipation, leur transfert ou leur destruction. Dans certaine systèmes juridiques de droit civil, le pouvoir d’ordonner le contrôle ou la saisie des avoirs soumis à confiscation peut être conféré aux procureurs, aux magistrats instructeurs ou aux services de police. Dans d’autres systèmes civilistes, une autorisation judiciaire est requise. Dans les systèmes de common law, une décision de contrôle ou de saisie des avoirs requiert généralement une autorisation judiciaire, avec certaines exceptions en matière de saisie. Le contrôle et la saisie des avoirs sont évoqués en détails dans le chapitre IV ; le contrôle des avoirs en matière d’action civile est discuté dans le chapitre VIII. Des systèmes de gestion des avoirs devront également être mis en place (voir chapitre V). 8  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 1.1.3  La coopération Internationale La coopération internationale est essentielle au recouvrement d’avoirs transférés ou dissimulés à l’étranger. Elle sera requise pour la collecte des preuves, pour la mise en place de mesures provisoires et pour l’éventuelle confiscation des produits et instruments de la corruption. Une fois les avoirs confisqués, la coopération est également indispensable à leur restitution. La coopération internationale inclut «  l’entraide informelle  », les demandes d’entraide judiciaire (DEJ), et l’extradition13. L’entraide informelle est souvent utilisée entre services homologues pour la collecte d’information et de renseignement en appui à l’enquête, et pour coordonner les stratégies et les procédures consécutives de recouvrement d’avoirs. Une demande d’entraide judiciaire consiste normalement en une requête écrite, utilisée pour la collecte des preuves (et impliquant des mesures coercitives, dont des techniques d’enquête), pour l’obtention de mesures provisoires, et pour l’exécution de décisions de justice rendues à l’étranger. La coopération internationale est abordée dans le chapitre VII. 1.1.4  Les procédures judiciaires Les procédures judiciaires peuvent impliquer une confiscation pénale ou en l’absence de condamnation pénale, ou des actions civiles (chacune d’entre elles est décrite plus bas et dans les chapitres suivants) ; elles doivent permettre le recouvrement des avoirs au moyen de décisions de confiscation, d’indemnisation, de dommages et intérêts ou d’amendes. La confiscation peut être basée sur la propriété ou sur la valeur. Les systèmes basés sur la propriété (également appelés systèmes «  de confiscation en nature  ») autorisent la confiscation d’avoirs dont on a déterminé qu’ils constituent les produits ou les instruments d’un crime – ce qui suppose l’établissement d’un lien entre les avoirs et l’infraction, une condition dont il est fréquemment difficile d’apporter la preuve dès lors que les avoirs concernés ont été blanchis, convertis ou transférés de manière à dissimuler leur origine illégale. Les systèmes de confiscation en valeur (également appelés systèmes du « profit ») permettent de déterminer la valeur des bénéfices tirés d’un crime afin de confisquer un montant équivalent d’avoirs licites. Certains Etats ont recours à des techniques de confiscation améliorées, comme des mesures de substitution d’avoirs ou des présomptions légales qui facilitent l’accession aux standards de preuve. Le chapitre VI détaille ces questions de confiscation (et d’autres)  ; le chapitre VIII aborde les actions civiles. 13. Dans le contexte de ce manuel, « entraide informelle » fait référence à tout type d’entraide qui n’exige pas une demande formelle, par opposition donc à une DEJ. La législation régissant ce type d’entraide informelle, «  de praticien à praticien  », peut être définie dans le cadre juridique de la DEJ et peut impliquer la participation d’autorités, d’agences ou d’administrations «  formelles  ». Pour une description de ce type d’entraide et une comparaison avec le processus de demande d’entraide formelle, voir la section 7.2 du chapitre VII. Aperçu général du processus de recouvrement d’avoirs et des voies de recouvrement  I  9 1.1.5  L’exécution des jugements Lorsqu’un tribunal ou une cour décide le contrôle, la saisie ou la confiscation d’avoirs, diverses mesures doivent être prises en vue de l’exécution de la décision. Si les avoirs sont localisés à l’étranger, une demande d’entraide judiciaire (DEJ) doit être formulée. La décision pourra ainsi être exécutée par les autorités de l’Etat étranger soit (1) par un enregistrement direct et une exécution de la décision émanant de la partie requérante auprès d’une juridiction locale (exécution directe), soit (2) par l’obtention d’un jugement interne se basant sur les faits (ou sur la décision) fournis par l’Etat requérant (exécution indirecte)14. L’un comme l’autre sont accomplis au moyen de la procédure d’entraide judiciaire (décrite ci-dessus et au chapitre VII). De la même manière, les jugements civils portant sur le versement de dommages et intérêts ou sur toute autre mesure d’indemnisation devront être exécutés au moyen des mêmes procédures que les autres jugements civils. 1.1.6  La restitution des avoirs L’exécution d’une décision de confiscation dans l’Etat requis a souvent pour résultat le transfert des avoirs confisqués vers le trésor public local ou le fonds de confiscation de l’Etat requis (et non pas la restitution à l’Etat requérant)15. De ce fait, un autre mécanisme sera nécessaire en vue de permettre la restitution des avoirs. Si l’UNCAC est applicable, la partie requise sera obligée au titre de l’article 57 de restituer les avoirs à la partie requérante dans les cas de détournement de fonds publics ou de blanchiment de tels fonds, ou lorsque la partie requérante établit de façon raisonnable un droit de propriété antérieure. Si l’UNCAC n’est pas applicable, la restitution ou le partage des avoirs confisqués dépendra des lois internes, d’autres conventions internationales, de traités d’entraide judiciaire ou d’accords spéciaux (par exemple, d’accords de partage d’avoirs). Dans tous les cas, le montant total des avoirs recouvrés peut être réduit de manière à dédommager l’Etat requis pour les dépenses engagées pour le contrôle, la conservation et la restitution des avoirs confisqués ainsi que les frais de justice et de subsistance du demandeur. Les avoirs peuvent aussi faire l’objet d’une restitution directe aux victimes, y compris à une partie étrangère, via une décision de justice (on parle alors de « recouvrement direct »16). Un tribunal peut ainsi ordonner le versement de dommages et intérêts ou 14. Voir la Convention des Nations Unies contre la Corruption (UNCAC), art. 54 et 55 ; la Convention des Nations Unies contre la Criminalité Transnationale Organisée (UNTOC), art. 13  ; la Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite de Stupéfiants et de Substances Psychotropes, art. 5 ; et la Convention pour la Répression du Financement du Terrorisme, art. 8. Pour le contrôle et la saisie, voir UNCAC, art. 54(2). 15. Stolen Asset Recovery (StAR) Initiative Secretariat, « Management of Confiscated Assets » (Washing- ton, DC, 2009), http://www.worldbank.org/star. 16. En 2007, le ministère américain de la justice (DOJ) a entamé une action civile de confiscation à l’encontre d’un citoyen américain accusé en 2003 d’avoir prétendument versé des pots-de-vin à des officiels 10  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis octroyer des mesures de compensation à une partie étrangère directement dans le cadre d’une action civile individuelle. Il peut également ordonner le versement de dommages et intérêts ou des mesures de restitution au profit d’une partie étrangère directement dans le cadre d’une procédure de confiscation pénale ou en l’absence de condamnation pénale. Enfin, lorsqu’elles prononcent une confiscation, certaines juridictions disposent de l’autorité nécessaire pour reconnaître à une partie étrangère la propriété légitime des avoirs. Si l’auteur d’un crime est insolvable (ou si les sociétés utilisée par l’auteur sont en faillite), des procédures formelles d’insolvabilité peuvent être susceptibles d’aider au processus de recouvrement. Tous ces mécanismes sont expliqués en détail aux chapitres VII, VIII et IX. Un certain nombre de questions d’ordre politique sont susceptibles de surgir dans le cadre de tentatives de recouvrement d’avoirs dans des affaires de corruption. Les Etats requis peuvent s’inquiéter du fait que les fonds recouvrés pourraient être à nouveau détournés du fait du maintien ou du redéploiement de circuits de corruption dans les Etats requérants, en particulier lorsqu’un officiel corrompu y demeure en poste ou y exerce encore une influence significative. De plus, les Etats requérants peuvent également s’opposer aux tentatives d’un Etat requis d’imposer ses conditions ou ses vues concernant la manière dont les avoirs confisqués devraient être utilisés. Dans certains cas, des organisations internationales comme la Banque Mondiale ou des organisations de la société civile ont pu être utilisées pour faciliter la restitution et la surveillance des fonds recouvrés17. kazakhs dans le cadre de contrats gaziers et pétroliers. L’action civile portait sur un montant d’environ 84 millions de dollars (USD). Le citoyen américain a finalement donné son accord pour le transfert de ces sommes vers un fonds de la Banque Mondiale destiné au financement de projets au Kazakhstan. Voir “U.S. Attorney for S.D.N.Y, Government Files Civil Forfeiture Action Against $84 Million Allegedly Traceable to Illegal Payments and Agrees to Conditional Release of Funds to Foundation to Benefit Poor Children in Kazakhstan,� communiqué de presse no. 07-108, May 30, 2007, http://www.usdoj.gov/usao/nys/pressre- leases/May07/pictetforfeiturecomplaintpr.pdf; Banque Mondiale, “Kazakhstan BOTA Foundation Esta- blished,� communiqué de presse no. 2008/07/KZ, June 4, 2008, http://siteresources.worldbank.org/ INTKAZAKHSTAN/News%20and%20Events/21790077/Bota_Establishment_June08_eng.pdf. 17. En 2007, le ministère américain de la justice (DOJ) a entamé une action civile de confiscation à l’encontre d’un citoyen américain accusé en 2003 d’avoir prétendument versé des pots-de-vin à des officiels kazakhs dans le cadre de contrats gaziers et pétroliers. L’action civile portait sur un montant d’environ 84 millions de dollars (USD). Le citoyen américain a finalement donné son accord pour le transfert de ces sommes vers un fonds de la Banque Mondiale destiné au financement de projets au Kazakhstan. Voir “U.S. Attorney for S.D.N.Y, Government Files Civil Forfeiture Action Against $84 Million Allegedly Traceable to Illegal Payments and Agrees to Conditional Release of Funds to Foundation to Benefit Poor Children in Kazakhstan,� communiqué de presse no. 07-108, May 30, 2007, http://www.usdoj.gov/usao/nys/pressre- leases/May07/pictetforfeiturecomplaintpr.pdf; Banque Mondiale, “Kazakhstan BOTA Foundation Esta- blished,� communiqué de presse no. 2008/07/KZ, June 4, 2008, http://siteresources.worldbank.org/ INTKAZAKHSTAN/News%20and%20Events/21790077/Bota_Establishment_June08_eng.pdf. Aperçu général du processus de recouvrement d’avoirs et des voies de recouvrement  I  11 1.2  Les voies légales du recouvrement d’avoirs Les moyens d’action juridique en vue de recouvrer des avoirs sont divers. Ils incluent les mécanismes suivants : •  Poursuites pénales locales et décision de confiscation, suivies par une demande d’entraide pour l’exécution des décisions à l’étranger ; •  Confiscations en l’absence de condamnation pénale (ACP), suivies par une demande d’entraide ou par d’autres formes de coopération internationale  pour l’exécution des décisions à l’étranger ; •  Actions civiles, incluant une procédure formelle d’insolvabilité ; •  Poursuites pénales et décision de confiscation (basée sur une condamnation pénale ou en l’absence de condamnation pénale) initiées par un Etat étranger (à condition que cette dernière soit compétente pour connaître des infractions et que l’Etat victime des infractions de corruption fournisse la coopération re- quise) ; et •  Confiscation administrative. L’accessibilité de ces voies, tant au niveau local que devant une juridiction étrangère, sera fonction des lois et règlements en vigueur dans les pays concernées par l’enquête, ainsi que des conventions et traités bilatéraux et internationaux. L’encart 1.1 rassemble les diverses lois pertinentes pour les praticiens souhaitant explorer ces voies. Par ailleurs, il existe d’autres réalités juridiques, pratiques ou opérationnelles qui exerceront une influence sur la voie choisie. Certains de ces considérations stratégiques, de ces obstacles et de ces questions liées au suivi du dossier font l’objet d’une discussion au chapitre II. 1.2.1  Poursuites pénales et confiscation Lorsque des autorités qui s’efforcent de recouvrer des avoirs volés décident d’entamer une procédure pénale, la confiscation pénale devient une voie possible de réparation. Les praticiens doivent réunir les preuves, tracer et sécuriser les avoirs, mener des pour- suites contre un individu ou une entité juridique, et obtenir une condamnation. Une fois cette dernière obtenue, la confiscation peut être ordonnée par le tribunal ou la cour. Dans certaines systèmes juridiques, en particulier de common law, le standard de preuve requis pour la confiscation sera moins élevé que celui exigé pour l’obtention d’une condamnation. Par exemple, une « prépondérance des probabilités » sera requise pour la confiscation, alors qu’un jugement « au-delà de tout doute raisonnable » sera nécessaire pour une condamnation. D’autres systèmes appliquent un standard de preuve identique pour la décision de condamnation et pour la décision de confiscation. Voir le schéma 2.1 à la section 2.6.5 pour une explication détaillée des standards de preuve. En règle générale, et à moins que ne s’appliquent des mesures de confiscation élargie, la législation sur la confiscation autorisera la confiscation des produits et instru- ments qui sont directement ou indirectement reliés au crime18. 18. La forme et les modalités des « mesures de confiscation élargie » sont discutées en plus de détails au chapitre VI. Ces procédures de confiscation incluent des mesures pour la substitution d’avoirs qui 12  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis encart 1.1 Cadre juridique du recouvrement d’avoirs Lois et procédures (ordre interne et Etats étrangers) : •  Mesures de confiscations (pénales, ACP, administratives) ; •  Demande d’entraide judiciaire ; •  Dispositions pénales et codes de procédure pénale (corruption, blanchi- ment) ; •  Dispositions civiles et codes de procédure civile ; et •  Lois sur le partage des avoirs. Traités et conventions internationales a •  UNCAC; •  Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et des Substances Psychotropes ; •  UNTOC ; •  Convention de l’OCDE sur la Lutte contre la Corruption d’Agents Publics Etrangers dans les Transactions Commerciales internationales ; •  Traité d’entraide judiciaire en matière pénale d’Asie du Sud-est ; •  Convention Interaméricaine contre la Corruption ; •  Convention du Conseil de l’Europe Relative au Blanchiment, au Dépistage, à la Saisie et à la Confiscation des Produits du Crime (1990) et la Convention révisée du Conseil de l’Europe Relative au Blanchiment, au Dépistage, à la Saisie et à la Confiscation des Produits du Crime et au Financement du Ter- rorisme (2005) ; •  Décision-cadre du Conseil de l’Union Européenne 2003/577/JAI relative à l’exécution dans l’Union Européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve ; •  Décision-cadre du Conseil de l’Union Européenne 2006/783/JAI relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confis- cation ; •  Protocole contre la Corruption de la Communauté de Développement d’Afrique Australe (2003) ; •  Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la Lutte contre la Corrup- tion (2001) ; •  Convention de la Communauté des Etats Indépendants Relative à l’Entraide Judiciaire et aux Relations Judiciaires en Matière Civile, Familiale et Pénale ; •  Système Relatif à l’Entraide Judiciaire en Matière Pénale au sein du Com- monwealth (Système d’Harare) ; •  Traité d’entraide judiciaire en matière pénale du MERCOSUR (Dec. No. 12/01) ; et •  Les traités bilatéraux d’entraide judiciaire. a. Voir annexe J pour les ressources web disponibles. permettent la confiscation d’avoirs qui ne sont pas connectés à un crime dans le cas où les produits origi- nels du crime ont été perdus ou se sont évaporés, des présomptions sur l’utilisation ou la diversion fraudu- leuse d’avoirs dans certaines circonstances, des présomptions sur l’étendue des bénéfices indus découlant de certaines infractions, et l’inversion de la charge de la preuve dans certaines circonstances. Aperçu général du processus de recouvrement d’avoirs et des voies de recouvrement  I  13 La coopération internationale, qu’il s’agisse de l’entraide informelle ou judiciaire, sera utilisée tout au long du processus de manière à tracer et sécuriser les avoirs situés à l’étranger, ainsi que pour permettre l’exécution de la décision finale de confiscation19. L’un des bénéfices qu’apportent des poursuites pénales assorties de confiscation est la reconnaissance par la société de la dimension criminelle de la corruption et de la responsabilité des auteurs. De plus, les peines de prison, amendes et mesures confiscatoires prononcées contribuent à dissuader de possibles futurs contrevenants. Il faut également noter que les enquêteurs en matière pénale ont généralement accès aux méthodes les plus agressives de collecte d’information et de renseignement incluant l’accès aux données des services de police et des cellules de renseignement financier (CRF), l’utilisation de mesures provisoires et de techniques d’investigation coercitives (comme des fouilles, une surveillance électronique, l’examen de l’historique de transactions financières, ou l’accès à des documents détenus par des tiers), ainsi que le recours à des «  Grands Jurys  » ou autres méthodes permettant l’obtention de témoignages ou de preuves. De surcroît, dans la plupart des pays, les demandes d’entraide judiciaire ne sont accordées que dans le contexte d’enquêtes pénales. Malgré cela, des obstacles significatifs sont susceptibles d’empêcher une condamnation pénale et une confiscation : un manque de preuves ; un manque de capacité ou de volonté politique ; ou la mort, la fuite ou l’immunité de l’auteur. Par ailleurs, les faits donnant lieu à la demande peuvent ne pas constituer un crime dans le pays dans lequel la réparation est demandée. Ces obstacles, et d’autres, sont abordés au chapitre II. 1.2.2  La confiscation en l’absence de condamnation pénale (dite « ACP ») Un autre type de confiscation, qui est par ailleurs, de plus en plus utilisée dans le monde, est la confiscation en l’absence de condamnation pénale, qui sera ici appelée «  confiscation ACP  ».20 La confiscation ACP partage au moins un objectif commun avec la confiscation pénale  – à savoir le recouvrement et la restitution des produits et instruments d’un crime. De la même manière, dissuader et priver les dirigeants corrompus de leurs biens mal-acquis constitue un autre bienfait sociétal à mettre au crédit des confiscations ACP. La confiscation en l’absence de condamnation pénale diffère de la confiscation criminelle dans la procédure utilisée pour confisquer les avoirs. Une confiscation pénale nécessite un procès pénal et une condamnation, suivis par une procédure de confiscation  ; la 19. UNCAC, art. 54(1)(a) ; UNTOC, art. 13(1)(a) ; et la Convention des Nations Unies contre le Trafic Illi- cite des Stupéfiants et des Substances Psychotropes, art. 5(4)(a), exigent des états-parties qu’ils prennent les mesures nécessaires pour permettre à leurs autorités compétentes de donner effet aux décisions de confisca- tion d’un tribunal d’un autre état-partie. 20. Dans les juridictions suivantes : Anguilla, Antigua et Barbade, Australie, certaines provinces canadiennes (Alberta, Colombie Britannique, Manitoba, Ontario, Québec, Saskatchewan), Colombie, Costa-Rica, Fidji, Guernesey, Honduras, Irlande, Ile de Man, Israël, Jersey, Liechtenstein, Nouvelle-Zélande, Philippines, Slovénie, Afrique du Sud, Suisse, Thaïlande, Royaume Uni, Etats-Unis et Zambie. Des conventions interna- tionales et des accords multilatéraux ont également introduit la confiscation ACP. Voir UNCAC, art. 53(1) (c) et la recommandation 3 des « 40-9 Recommandations du GAFI. » 14  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis confiscation en l’absence de condamnation ne nécessite ni procès ni condamnation, mais seulement une procédure de confiscation. Dans de nombreux pays, cette confiscation peut être prononcée sur la base d’un standard de preuve inférieur (par exemple celui de la « prépondérance des probabilités » ou de la « prépondérance de la preuve »), ce qui allège sensiblement le fardeau pesant sur les autorités. D’autres systèmes juridiques (principalement de tradition civiliste) exigent un plus haut standard de preuve, ou plus spécifiquement, le même standard que celui requis pour l’obtention d’une condamnation pénale. Cependant, et parce que la confiscation ACP n’est pas disponible dans tous les pays, les praticiens peuvent rencontrer des difficultés lors d’une demande d’entraide judiciaire qui viserait à obtenir une assistance dans le cadre de l’enquête ou de l’exécution d’une décision de confiscation ACP. La confiscation ACP fait l’objet d’une discussion plus détaillée au chapitre VI. 1.2.3  L’action civile Les autorités cherchant à recouvrer des avoirs volés ont l’option d’entamer des poursuites devant des tribunaux locaux ou étrangers dans le but de sécuriser et de recouvrer des avoirs ainsi que d’obtenir des dommages et intérêts sur la base d’un préjudice, d’une rupture de contrat ou d’un enrichissement illicite21. Les tribunaux du pays étranger peuvent se révéler compétents si l’accusé est une personne (individu ou entité commerciale) vivant ou enregistrée dans ce pays (compétence personnelle), si les avoirs se trouvent dans, ou ont transité par, cet Etat (compétence territoriale), ou si un acte constitutif de corruption ou de blanchiment a été commis dans cet Etat. En tant que partie au litige, les autorités cherchant réparation peuvent faire appel à des avocats chargés d’explorer les demandes en réparation (propriété des avoirs mal acquis, responsabilité civile, reversement des profits indument réalisés, ruptures de contrat). L’action civile suppose de collecter les preuves d’un enrichissement illicite ou d’une faute civile ou contractuelle. Il est fréquemment possible de réutiliser les preuves réunies dans le cadre de poursuites pénales lors d’une procédure civile. Il est également possible de rechercher des preuves avec l’aide de la cour préalablement au dépôt d’une assignation. Le plaignant dispose habituellement de la possibilité de requérir auprès des tribunaux saisis diverses mesures incluant : •  Des ordonnances restrictives, de gel, d’embargo ou de saisie (dont l’effet est poten- tiellement mondial) sécurisant les avoirs suspectés d’être le produit d’un crime dans l’attente de l’aboutissement de la procédure les concernant. Dans certaines juridictions, de telles ordonnances provisoires peuvent être prises avant même le dépôt d’une assignation, sans avertissement préalable et avec effet 21. UNCAC art. 53(a) stipule que chaque état-partie doit prendre les mesures nécessaires pour permettre à un autre état-partie d’engager devant ses tribunaux une action civile. Aperçu général du processus de recouvrement d’avoirs et des voies de recouvrement  I  15 d’extraterritorialité. Ces décisions nécessitent généralement le dépôt d’une cau- tion, d’une garantie, ou un autre engagement de la part du requérant. •  Des décisions contraignant les accusés à fournir des informations sur les sources de leurs avoirs et sur les transactions les concernant. •  Des ordonnances prises contre des tiers contraignant ces derniers à divulguer les documents pertinents, très utiles pour l’obtention de preuves auprès de banques, de conseillers financiers ou d’avocats, entre autres. •  Des obligations de silence (‘gag orders’ [NDT]) empêchant les banques et autres parties d’informer les défendeurs d’une injonction de divulgation ou d’une ordon- nance restrictive les concernant. •  Des mesures de protection ou des mesures conservatoires destinée à maintenir le statu quo et à prévenir la détérioration des avoirs du requérant, de ses droits, ou les deux. De telles décisions exigent généralement de démontrer la probabilité de succès de la procédure ainsi que l’existence d’un risque imminent à différer la décision. Les principaux désavantages liés à la poursuite d’une affaire contentieuse devant une juridiction étrangère tiennent au coût du « traçage » des avoirs et aux frais de justice qu’engendre l’obtention des décisions de justice souhaitées. Pour autant, le requérant dispose de plus de moyens de contrôle dans le cadre de poursuites civiles portant sur des avoirs aux mains de tiers, et peut par ailleurs bénéficier d’un standard de preuve inférieur. Par exemple, les procédures civiles dans les systèmes juridiques de common law sont généralement tranchées sur la base d’une « prépondérance des probabilités » ou sur une « prépondérance de la preuve ». De la même manière, les procédures d’arbitrage liées à des contrats internationaux conclus au moyen de dessous-de-table ou d’avantages illicites versés à des officiels cor- rompus peuvent ouvrir des voies prometteuses, comme l’annulation des contrats et de potentielles procédures en dommages et intérêts. Ces voies seront abordées en détails au chapitre VIII. 1.2.4  Les procédures entreprises à l’étranger Les autorités cherchant à recouvrer des avoirs volés peuvent choisir d’appuyer une pro- cédure pénale, de confiscation, ou de confiscation en l’absence de condamnation pénale lancée, à l’étranger, à l’encontre d’officiels corrompus, de leurs associés ou de leurs avoirs identifiés. A l’issue de la procédure, l’Etat ou le gouvernement victime peut obtenir une partie des avoirs recouvrés, soit en vertu des décisions prises par les tribunaux étran- gers, soit en application de la loi ou d’accords22. Cela exigera de l’autorité étrangère qu’elle soit juridiquement compétente  ; cela suppose aussi qu’elle soit en mesure d’engager des poursuites et de procéder à une confiscation ; et plus crucialement, qu’elle 22. UNCAC art. 53(b) et 53(c) exige des états-parties qu’ils prennent les mesures nécessaires pour per- mettre le recouvrement direct. 16  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ait la volonté de partager les produits recouvrés. L’engagement d’une action par une autorité étrangère peut survenir de l’une de ces deux manières : 1. Les autorités de l’Etat lésé par des faits de corruption peuvent demander à l’autorité étrangère d’initier ses propres poursuites. Cela peut s’accomplir via un dépôt d’une plainte, ou encore plus simplement, en partageant les preuves à charge et le contenu du dossier avec les autorités de l’Etat étranger. Dans tous les cas, ce sont les autorités étrangères qui disposent, in fine, du choix d’initier ou non des pour- suites. Si elles décident de le faire, l’Etat lésé devra coopérer avec les autorités étrangères de manière à s’assurer que ces dernières ont bien en leur possession toutes les preuves requises. 2. Des autorités étrangères peuvent initier des poursuites indépendamment de toute demande émise par l’Etat lésé par des faits de corruption. Elles peuvent recevoir des informations impliquant un officiel corrompu dans des faits relevant de leur compétence – que ce soit par le biais de la presse, d’un rapport de transaction suspecte (RTS), ou d’une demande d’entraide informelle ou judiciaire – et décider d’enquêter sur des faits de blanchiment d’argent ou de corruption d’un agent pub- lic étranger survenus sur leur territoire national. L’implication de la victime dans la procédure – y compris lorsque un état ou gouverne- ment a été lésé par des faits de corruption – est généralement encouragée dans la plu- part des pays ; cependant, elle est habituellement limitée à des discussions avec les pra- ticiens et n’implique pas de véritable intérêt à agir dans le cadre de la procédure. Dans certains systèmes de tradition civiliste, cependant, il peut être possible pour la victime de participer à la procédure en tant que « procureur privé » ou partie civile. Tant dans les systèmes de tradition civiliste que de common law, il peut être possible de faire valoir son statut de partie lésée, ou encore celui de propriétaire légitime, et ainsi de recouvrer tout ou partie des avoirs concernés par le biais d’une décision d’indemnisation, de res- titution ou de dommages et intérêts rendue en marge d’une procédure de confiscation. Cette voie constitue une option intéressante si l’Etat cherchant réparation ne dispose pas des bases légales, des capacités ou des preuves requises pour entreprendre seul une enquête internationale. De plus, si le délai de prescription exclut la possibilité de poursuites pour les faits de corruption initiaux, il est parfois possible d’instruire des faits de blanchiment ou de détention d’avoirs volés dans un pays étranger. D’un autre côté, l’Etat lésé par les faits de corruption ne dispose dans ce cas d’aucun contrôle sur la procédure, et tout succès sera largement fonction des priorités établies par les autorités étrangères. De plus, et à moins qu’elle ne soit ordonnée par la cour, la restitution des avoirs dépendra d’accords de partage d’avoirs ou de la capacité des autorités à restituer les avoirs sur une base discrétionnaire (voir section 9.4 au chapitre IX). Aperçu général du processus de recouvrement d’avoirs et des voies de recouvrement  I  17 1.2.5  La confiscation administrative Contrairement à la confiscation pénale ou en l’absence de condamnation pénale qui requièrent toutes deux l’intervention d’un tribunal, la confiscation administrative repose le plus souvent sur une procédure extrajudiciaire permettant la confiscation des avoirs utilisés ou impliqués dans le cadre de la commission de l’infraction. Elle peut survenir en application de la loi, en conformité avec des procédures définies par la réglementation, et est typiquement utilisée dans des cas de confiscation ne souffrant pas de contestation. La confiscation est alors conduite par une administration habilitée (telle que les forces de police ou tout autre organisme chargé d’appliquer la loi), et suit le plus souvent une procédure similaire à celle utilisée traditionnellement dans les cas d’infractions douanières. Les procédures supposent habituellement la notification des personnes ayant un intérêt sur les avoirs concernés ainsi qu’une publication légale. En règle générale, la confiscation administrative est limitée à des avoirs de faible valeur ou à certaines catégories d’avoirs seulement. Par exemple, la législation peut autoriser la confiscation de toute quantité d’argent liquide mais interdire la confiscation de biens immeubles. Autre variation sur le thème de la confiscation administrative, une procé- dure appelée « abandonnement » dans certains systèmes juridiques aboutit a des résul- tats similaires. Une autre méthode de recouvrement non-judiciaire peut consister à taxer les profits illicites (voir encart 1.2). 1.3  L’utilisation des voies de recouvrement d’avoirs dans la pratique : trois exemples Sont détaillés ci-après trois brefs exemples qui illustrent comment les différentes voies décrites dans ce chapitre ont été utilisées, en pratique, pour le couvrement d’avoirs. Chaque cas implique plusieurs Etats et incorpore diverses approches stratégiques, en fonction des circonstances, des voies disponibles localement et à l’étranger, ou des modalités de rapatriement. 1.3.1  Le cas de Vladimiro Montesinos et de ses associés Après la diffusion de vidéos à la télévision montrant Vladimiro Montesinos (conseiller personnel du président péruvien Alberto Fujimori, et de facto chef des services de ren- seignement péruviens) en train de corrompre un parlementaire élu de l’opposition en septembre 2000, des transferts de fonds vers plusieurs pays dont les Iles Caïman, le Luxembourg, la Suisse et les Etats-Unis furent détectés. Au terme de la procédure, plus de 250 millions de dollars (USD) furent recouvrés en Suisse, aux Etats-Unis et dans des banques péruviennes. 18  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis encart 1.2 Méthodes alternatives du recouvrement d’avoirs Taxation des profits illicites Un agent public ou un cadre d’une entreprise publique qui perçoit des pots-de- vin, des fonds détournés ou des avoirs volés peut être sujet au paiement de l’impôt sur ces revenus illicites. Dans de tels cas, les autorités n’ont pas à prou- ver l’origine illicite des avoirs ; il suffit de prouver que ces derniers constituent des revenus non-déclarés. Les autorités prouvent simplement que le contribuable a perçu des recettes ou un revenu imposable et qu’il est donc assujetti au paie- ment des impôts afférents, avec intérêts et pénalités de retard le cas échéant. A ce titre, la charge de la preuve est plus légère que dans une procédure civile. Comme cette approche n’implique généralement pas de procédure judiciaire, ce mécanisme s’avère potentiellement moins cher et plus rapide qu’un recouvre- ment civil ou qu’une une procédure pénale. Amendes et décisions d’indemnisation lors de procès pénaux Dans les affaires criminelles, la cour peut ordonner à l’accusé de payer une amende, des réparations pour la victime, voire les deux. De telles décisions peu- vent accompagner des décisions de confiscation, ou peuvent être prises en rem- placement de décisions de confiscation. Bien que des amendes ou décisions d’indemnisation puissent être plus faciles à obtenir qu’une procédure favorable en confiscation, l’exécution de ce type de décisions peut se révéler plus difficile. L’exécution des amendes ou des décisions d’indemnisation peuvent passer par les juridictions civiles, alors que les décisions de confiscation seront prises à l’encontre d’avoirs déjà sujets à une mesure de contrôle. De plus, le montant de l’amende peut être limité par la loi et donc se révéler insuffisant en tant que tel pour satisfaire le recouvrement escompté. FEu égard aux 48 millions de dollars (USD) d’avoirs localisés en Suisse, deux options ont fait l’objet de discussions avec le juge d’instruction suisse : les autorités péruviennes pouvaient poursuivre les contrevenants localement pour corruption puis s’efforcer de recouvrer les avoirs via une demande d’entraide et des renonciations signées. Ou bien la Suisse pouvait ouvrir des poursuites pour les faits de trafic de drogue et de blanchiment d’argent identifiés dans le dossier. Avec la seconde option, le recouvrement serait réduit dans la mesure où le Pérou aurait à partager une partie des avoirs avec la Suisse. Le Pérou opta donc pour la première possibilité. Des le départ, les autorités péruviennes décidèrent de voter une législation permettant le « plaider coupable » et d’autres formes de coopération23. En échange d’une peine allégée ou d’un abandon des poursuites, des 23. Connu sous le nom de « Efficient Collaboration Act » (loi 27.378). Aperçu général du processus de recouvrement d’avoirs et des voies de recouvrement  I  19 accusés ont fourni des informations précieuses sur des preuves jusqu’alors inconnues et des infractions connus ou non, l’accès à des produits d’infractions, ou des té- moignages contre des accusés-clés. De plus, des accusés ont également signé des renon- ciations écrites autorisant les banques étrangères qui détenaient leur argent à le transfé- rer sur des comptes bancaires du gouvernement péruvien. Plusieurs millions de dollars ont pu être récupérés de la sorte. S’agissant des prétendus avoirs aux îles Caïman, le Pérou engagea des avocats locaux pour l’aider dans la recherche de 33 millions de dollars (USD) ayant transité par l’inter- médiaire d’une banque péruvienne. Les autorités péruviennes ont également rencontré la CRF pour requérir son aide. Après plusieurs mois d’analyse financière, le Pérou a découvert que l’argent n’avait jamais été transféré vers les îles Caïman mais était en fait demeuré dans une banque péruvienne. Un système de « prêt face-à-face » avait été uti- lisé pour simuler le «  transfert  » de l’argent vers la banque des îles Caïmans et son « retour » vers la banque péruvienne. Lorsque ce stratagème fut découvert, les fonds détenus dans la banque péruvienne furent saisis. Aux Etats-Unis, Victor Venero Garrido, un associé de Montesinos, fut arrêté en coordi- nation avec les autorités péruviennes  ; son appartement fut saisi et 20 millions de dollars (USD) gelés. 30 millions supplémentaires (USD) des fonds de Montesinos déte- nus par un homme de paille furent également gelés. Les procédures de confiscation en l’absence de condamnation pénale menées en Californie et en Floride furent utilisées pour recouvrer les fonds, et la totalité du montant fut rapatriée au Pérou. L’accord de rapatriement signé avec les Etats-Unis était subordonné à l’investissement de l’argent recouvré dans des efforts dans les domaines des droits de l’homme et de la lutte anti- corruption. Au Pérou, plus de 60 millions de dollars (USD) furent recouvrés par les autorités péru- viennes via la saisie et la confiscation de biens immeubles, de véhicules, de bateaux et d’autres avoirs au moyen d’environ 180 procès pénaux impliquant plus de 1.200 accusés. 1.3.2  Le cas de Frederick Chiluba et de ses associés En 2002, une task force fut constituée en Zambie dans le but d’enquêter sur des alléga- tions de corruption faites à l’encontre de l’ancien président Frederick Chiluba et de ses associés pendant la période 1991-2001, ainsi que de déterminer si des poursuites pénales devaient être menées, et d’identifier les meilleures options pour le recouvre- ment des avoirs. En 2004, le Procureur Général de Zambie lança des poursuites civiles au Royaume Uni dans le but de recouvrer des fonds transférés à Londres et à travers l’Europe entre 1995 et 2001 et utilisés pour financer le coûteux style de vie de l’ancien président – sa seule résidence était estimée à un montant 40 fois supérieur à son salaire annuel24. Cette procédure fut initiée en plus de la procédure pénale déjà conduite en Zambie. 24. Attorney General of Zambia v. Meer Care & Desai & Others, [2007] EWHC 952 (Ch.) (U.K.). 20  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Trois facteurs contribuèrent à la décision d’entamer une action civile en plus de pour- suites pénales. D’abord, la plupart des mis en cause résidaient en Europe, ce qui rendait impossible, dans de nombreux cas, leur traduction devant les tribunaux pénaux zam- biens et la confiscation de leurs avoirs25. Ensuite, l’essentiel des preuves et avoirs étaient localisés en Europe, contribuant ainsi à faire d’un Etat européen une option plus favo- rable. Enfin, et en particulier eu égard aux cas dans lesquelles des poursuites pénales assorties de confiscation étaient possibles en Zambie, une coopération internationale couronnée de succès via l’entraide judiciaire demeurait improbable. La Zambie man- quait en effet des accords bilatéraux et multilatéraux, des garde-fous procéduraux, de la capacité et de l’expérience nécessaires à la collecte des preuves et à l’exécution des déci- sions de confiscation jusqu’en Europe. En revanche, des décisions de justice obtenues auprès d’une juridiction européenne seraient comparativement plus faciles à faire exé- cuter dans des états-parties à la Convention de Bruxelles sur la reconnaissance des décisions étrangères. Londres fut choisie comme base européenne parce que l’essentiel des fonds détournés depuis la Zambie avaient transité par deux cabinets et des comptes bancaires situés au Royaume Uni, et que le Procureur Général de Zambie était en mesure d’établir la compé- tence des tribunaux parties à la Convention de Bruxelles à l’égard des défendeurs. Enfin, on supposa à juste titre que les décisions obtenues devant les cours britanniques seraient également exécutables en Zambie après leur enregistrement auprès des tribunaux. La Haute Cour de Londres trouva suffisamment de preuves de l’existence d’une associa- tion de malfaiteurs visant à transférer 52 millions de dollars (USD) depuis la Zambie vers un compte bancaire utilisé en dehors des activités normales du gouvernement – le « compte Zamtrop » - et enregistré à la Zambia National Commercial Bank de Londres. Des experts purent remonter la trace de l’argent reçu sur le compte Zamtrop jusqu’au Ministre des Finances. Ils purent aussi substantiellement retrouver les fonds ayant quitté le compte Zamtrop, et révéler que 25 millions de dollars (USD) avaient été détournés. De surcroît, la Haute Cour n’a trouvé aucune base légitime au paiement d’environ 21 millions de dollars (USD) effectué par la Zambie dans le cadre d’un pré- tendu achat d’armes en Bulgarie sur des comptes en Suisse et en Belgique. La Cour estima que les défendeurs avaient détourné 25 millions de dollars (USD) du compte Zamtrop et 21 millions (USD) provenant du paiement effectué pour l’achat des armes. La Cour a également considéré que les défendeurs avaient violé leur obligation fiduciaire à l’égard de la République de Zambie, ou malhonnêtement contribué à cette violation. En conséquence, les défendeurs furent reconnus responsables à hauteur des montants et avoirs correspondant aux fonds détournés. 25. La Zambie n’avait pas, à cette époque, de loi sur la confiscation ACP ; elle en a depuis adopté une. Aperçu général du processus de recouvrement d’avoirs et des voies de recouvrement  I  21 1.3.3  Le cas de Diepreye Alamieyeseigha Dans le dossier impliquant Diepreye Peter Solomon Alamieyeseigha, ancien gouver- neur de l’Etat de Bayelsa, Nigéria, l’état a pu recouvrer 17.7 millions de dollars (USD) via une procédure menée localement et une coopération avec les autorités d’Afrique du Sud et du Royaume Uni. En septembre 2005, Alamieyeseigha fut arrêté à l’aéroport d’Heathrow par la police Londonienne (Metropolitan Police) sur la base de suspicions de blanchiment d’argent. Une enquête révéla qu’Alamieyeseigha possédait 2.7 millions de dollars (USD) dissimu- lés dans différents comptes bancaires et à son domicile londonien, ainsi que des pro- priétés à Londres pour une valeur estimée de 15 millions de dollars (USD). Alamieye- seigha fut libéré sous caution avant de quitter le Royaume Uni en novembre 2005 pour retourner au Nigéria. Une fois au Nigéria, il invoqua son immunité à toutes poursuites. Il fut pourtant démis de ses fonctions par les députés de l’état de Bayelsa, perdant ainsi toute immunité. En novembre 2005, la Commission Nigériane des Crimes Economiques et Financiers l’in- culpa de 40 chefs d’accusations pour blanchiment d’argent et corruption, et obtint une décision de contrôle sur ses avoirs localisés au Nigéria. Pour les avoirs localisés au Royaume Uni, une coopération étroite entre la Commission et l’unité « Produits de la Corruption » de la police londonienne fut cruciale. Le million- et-demi de dollars (USD) saisi au domicile londonien d’Alamieyeseigha fut confisqué sur la base du Proceeds of Crime Act  après une décision judiciaire estimant que ces avoirs constituaient les produits d’un crime. En mai 2006, la cour ordonna que les fonds soient reversés au Nigéria et le transfert fut effectué quelques semaines plus tard. Eu égard aux comptes bancaires, le processus fut plus complexe, les avoirs et les preuves étant localisés aux Bahamas, aux îles Vierges, aux Seychelles, en Afrique du Sud et au Royaume Uni. Les autorités nigérianes reconnurent qu’une demande d’entraide auprès de ces Etats pourrait prendre un temps considérable et que les décisions des tribunaux nigérians n’y seraient pas nécessairement exécutées. De surcroit, la conduite de pour- suites judiciaires dans chacun de ces pays constituait une perspective hasardeuse, les autorités nigérianes ne disposant que de peu de preuves reliant Alamieyeseigha à ces avoirs, ainsi que ces avoirs à des faits de corruption. En conséquence, les autorités nigérianes décidèrent de lancer des poursuites civiles au Royaume Uni et d’engager simultanément des poursuites pénales au Nigéria. Afin d’éta- blir les preuves, les autorités nigérianes obtinrent une injonction de divulgation portant sur les preuves accumulées par la police londonienne au cours de son enquête26. Le Nigéria put ensuite utiliser ces preuves en conjonction avec les déclarations de revenus 26. La demande nigériane de divulgation ne fit pas l’objet d’une contestation de la part de la police. Ceci constitue une entorse aux pratiques habituelles : la police n’accepte généralement pas de fournir les preuves réunies au cours d’enquêtes pénales pour assister des parties à une action de nature civile. 22  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis et de patrimoine d’Alamieyeseigha27 de manière à obtenir une mesure² de gel mondial des avoirs détenus directement ou indirectement par Alamieyeseigha, ainsi qu’une injonction de divulgation concernant les documents en possession des banques et des associés d’Alamieyeseigha. Parallèlement à ces poursuites, l’Asset Forfeiture Unit sud-africaine lança une procédure de confiscation ACP contre le luxueux appartement d’Alamieyeseigha. Les fonds furent restitués au Nigéria après la vente du bien en janvier 2007. Comparaissant devant une haute cour nigériane en juillet 2007, Alamieyeseigha plaida coupable pour 6 chefs d’accusation de déclaration de patrimoine mensongère et contraint ses sociétés à plaider coupable pour 23 chefs de blanchiment d’argent. Il fut condamné à deux ans de prison, et la cour ordonna la confiscation de ses avoirs au Nigéria. Sa décision de plaider coupable priva Alamieyeseigha, dans les faits, de sa défense dans le cadre de sa procédure civile devant la Haute Cour de Londres  ; en décembre 2007, la Cour décida lors d’un jugement avant-dire droit la confiscation de ses biens et d’un compte bancaire au Royaume Uni. Un jugement rendu en juillet 2008 conduisit à la confiscation de ses derniers avoirs situés à Chypre, au Danemark et au Royaume Uni. 27. La déclaration fut remplie en 1999 lorsqu’Alamieyeseigha fut pour la première fois élu gouverneur de l’état. Elle indiquait des avoirs pour un montant total d’un peu plus d’un demi-million de dollars (USD) et un revenu annuel de 12.000 dollars (USD). Aperçu général du processus de recouvrement d’avoirs et des voies de recouvrement  I  23 2.  Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs Une procédure de recouvrement d’avoirs réussie, implique le développement d’un plan d’action détaillé incorporant un certain nombre de considérations et d’étapes incon- tournables. Les praticiens auront à réunir et à évaluer les faits de façon à appréhender au mieux le dossier ; à assembler une équipe ; à identifier des alliés-clés ; à communi- quer avec des praticiens étrangers ; à affronter les obstacles juridiques, pratiques et opé- rationnels28  ; et à assurer un traitement efficace du dossier. Chacun de ces aspects contribuera à aider le praticien dans sa sélection des voies judiciaires les mieux adaptées au recouvrement des avoirs – que ce soit au travers d’une confiscation par suite d’une condamnation pénale, d’une confiscation en l’absence de condamnation pénale (ACP) suivie d’une demande d’entraide judiciaire (DEJ) pour son exécution, d’une action civile individuelle, ou d’une requête effectuée auprès d’autorités d’un autre pays afin qu’elles procèdent elles mêmes à une confiscation pénale ou ACP. L’expérience a montré que si une condamnation pénale est toujours importante pour combattre la corruption et dis- suader les corrompus, la confiscation pénale peut ne pas constituer la meilleure option en matière de recouvrement d’avoirs. Certaines autorités utiliseront une combinaison de ces voies pour obtenir une confiscation29. Alternativement, la présence d’obstacles peut justifier que soit considérée une autre voie légale. Dans les cas impliquant des mul- tiples juridictions, différentes voies peuvent être explorées – par exemple, une confisca- tion interne suivie d’une DEJ pour exécution dans un pays, et une procédure civile de recouvrement dans un autre. Ce chapitre passe en revue certaines des actions obligées et quelques-unes des ques- tions que les praticiens devront considérer dans leur sélection d’une voie de recouvre- ment d’avoirs. Il est important pour ces praticiens qu’ils se montrent persévérants et 28. L’initiative Stolen Asset Recovery (StAR) a également publié une étude sur les obstacles au recouvrement d’avoirs qui est disponible à l’adresse suivante  : http://www.worldbank.org/star. Voir également «  Best Practices  : Confiscation (Recommendations 3 and 38),  » adoptée par la plénière du Groupe d’Action Financière (GAFI) en février 2010. Ce document est disponible à l’adresse  : http://www.fatf-gafi.org/ dataoecd/39/57/44655136.pdf. 29. Aux Etats-Unis par exemple, les procureurs ont souvent recours à des procédures de confiscation ACP de manière à geler ou saisir des biens puis s’efforcent de « mettre en pause » le dossier ACP lors d’une procédure pénale. Si le mis en cause est condamné, la confiscation pénale sera utilisée pour confisquer les intérêts du mis en cause dans les biens concernés. qu’ils réfléchissent de façon créative au développement et à la mise en œuvre d’une stratégie : il peut exister une méthode innovante pour résoudre un problème, comme l’introduction d’une nouvelle législation. Les praticiens devraient également demeurer conscients que le processus de décision est itératif et continu  ; le pragmatisme étant essentiel, les premiers choix devraient faire l’objet d’une réévaluation constante pour s’assurer qu’ils sont toujours adaptés à l’évolution du dossier. 2.1  Réunir les faits : les sources initiales d’information Pour lancer une enquête en matière de recouvrement d’avoirs, les autorités doivent ana- lyser les pistes issues des diverses sources d’informations détaillées ci-dessous. Elles peuvent également choisir de conduire des enquêtes préliminaires, comme expliqué au chapitre III. Les sources d’information potentielles peuvent être les suivantes : •  Les plaintes et dénonciations pénales et les poursuites afférentes. Les faits qualifiés de fraude, de corruption, de vol, ou d’autres infractions faisant l’objet d’une plainte déposée par des victimes (qui peuvent être des individus, des socié- tés ou des parties lésées) ou par des agences gouvernementales (comme des auto- rités de régulation, des agences anticorruption, des services fiscaux et des cellules de renseignement financier [CRF]) constituent des sources d’information vitales. De plus, une enquête visant des activités illicites est susceptible de révéler des infractions de corruption. Par exemple, une fouille ou des écoutes menées dans une affaire de stupéfiants peut révéler des activités de corruption. •  Les rapports provenant de cellules de renseignement financier (CRF). Les lois sur le blanchiment obligent les institutions financières, les autorités de régulation, et certaines professions et entreprises à caractère non-financier (avocats, comp- tables, négociants en métaux précieux et pierres précieuses, trust et autres presta- taires de services) à fournir aux CRF des déclarations d’activités et de transactions suspectes (DTS) ainsi que de se montrer particulièrement vigilants à l’égard des personnes politiquement exposées, c’est-à-dire des agents publics de haut rang, des membres de leurs familles et de leurs proches associés30. Certains pays requièrent également la transmission de déclarations de transaction monétaire (DTMs) pour certaines transactions. Sur réception d’une DTS émanant d’une entité idoine, une CRF peut lancer une enquête et transmettre un rapport com- plet aux autorités de poursuite ou au procureur. La CRF peut également trans- mettre les informations reçues à une CRF étrangère via le Groupe Egmont, un réseau de cellules de renseignement financier. Pour de plus amples informations sur l’utilisation des CRFs dans le cadre de l’ouverture d’un dossier de recouvre- ment d’avoirs ou de l’enquête subséquente, voir l’encart 2.1 et la section 3.3.2 du chapitre III. •  Les procédures civiles ou administratives. Des procédures civiles ou adminis- tratives, telles que des rapports de courtage, des sanctions prises par des autorités 30. Voir Convention des Nations-Unies contre la Corruption (UNCAC), art. 52(1) et (2)  ; et recommandations 6, 13 et 16 du document « 40+9 Recommandations » du GAFI. 26  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis de régulation contre des institutions financières, ou des sanctions prises à l’encontre d’une société par une banque de développement régionale ou interna- tionale, peuvent révéler des activités de corruption. De nombreuses plaintes, bien que ne faisant pas expressément mention de faits de corruption, conduisent à la découverte d’infractions de ce type au moment de l’enquête. Une plainte portant, par exemple, sur des équipements défectueux ou manquants, peut indiquer que des biens défectueux ont été acquis par un agent public en charge des commandes publiques en échange de pots-de-vin. De la même manière, des plaintes déposées par des fournisseurs pour un traitement prétendument injuste dans le cadre d’un processus d’appel d’offre méritent une attention similaire. •  Les demandes d’entraide judiciaire (DEJ). Les Etats requérants peuvent inclure dans leur demande de nombreuses informations détaillées sur des individus et comptes bancaires susceptibles de conduire l’Etat requis à ouvrir une procédure interne pour blanchiment d’argent. Les informations partagées dans le cadre d’un accord de coopération fiscale peuvent également se révéler utiles. •  Les divulgations spontanées. Les autorités étrangères et CRFs compétentes peu- vent spontanément fournir aux autorités d’un autre Etat des informations portant sur des activités de corruption survenues dans cet autre Etat ou ayant impliqué l’un de leurs ressortissants. De telles informations peuvent également être trans- mises via un réseau formel ou informel de praticiens (voir section 7.3.5 du cha- pitre VII). encart 2.1 Rôle et contribution des CRF dans les dossiers de ecouvrement d’avoirs. Les Cellules de Renseignement Financier (CRF) sont responsables de la collecte des déclarations de transaction suspecte (DTS) auprès des institutions finan- cières et autres entités régulées, d’effectuer des analyses, et de disséminer les renseignements qui en résultent auprès des autorités locales compétentes (ty-piquement, autorités de poursuite, procureurs et CRFs étrangères) de manière à combattre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Elles peu- vent constituer des partenaires précieux pour les praticiens du recouvrement d’avoirs dans l’ouverture d’un dossier et la conduite de l’enquête subséquente de plusieurs manières : •  Partage proactif de renseignements avec les autorités de poursuite et les procureurs. Lorsque l’analyse menée par une CRF révèle l’existence d’un blanchiment d’argent ou d’une autre activité criminelle, la cellule va transmettre pro-activement les renseignements obtenus aux autorités de poursuite locales ou aux procureurs. Lorsqu’approprié, les CRFs fourniront également ces renseignements à des CRFs étrangères bilatéralement, souvent par l’intermédiaire du site web sécurité du Groupe Egmont. Ces informations seront analysées plus avant et peuvent être ensuite trans- mises à des autorités de poursuites et procureurs étrangers. (a continué) Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs  I  27 encart 2.1 (a continué) •  Fourniture de renseignements secondaires. La plupart des CRFs maintien- nent une base de données centrale de tous les DTSs, DTMs, rapports moné- taires transfrontaliers, renseignements, et de toutes les requêtes reçues d’autorités de poursuite ou de CRFs étrangères. Les renseignements ainsi reçus et stockés peuvent ne pas s’avérer intrinsèquement suffisants pour justifier un rapport adressé aux autorités de poursuite ; ils peuvent néanmoins se révéler utiles aux autorités de poursuite pour comprendre l’activité d’une des cibles de leur enquête, pour identifier d’éventuels complices, et pour bâtir des ponts avec les enquêtes menées par d’autres agences. •  Expertise en matière financière. Les analystes en intelligence financière sont coutumiers des services et produits financiers ainsi que des typolo- gies du blanchiment d’argent, et ont une solide expérience de l’analyse des états financiers et des flux. Une telle expertise est cruciale tout au long d’une enquête et de poursuites, et les CRFs peuvent constituer une aide précieuse dans ce cadre. •  Contacts personnels et réseaux. Les CRFs disposeront de contacts au sein des institutions financières, d’autres agences nationales, de CRFs étrangères (via le Groupe Egmont) qui peuvent constituer des ressources utiles aux praticiens. •  Capacité à obtenir un gel administratif. Certaines CRFs ont la capacité d’exercer un blocage sur des fonds pour une brève période (voir section 7.3.4), aidant ainsi les praticiens à protéger rapidement des avoirs dans l’attente d’une décision judiciaire. Les praticiens ont pu éprouver l’efficacité des CRFs en tant que partenaires. Une telle relation requiert un partage dans les deux sens des renseignements perti- nents entre la CRF et le praticien : un flot allant à la fois du praticien à la CRF et de la CRF au praticien. Les praticiens ont pu vérifier qu’une telle pratique accroît non seulement la quantité de renseignements disponibles pour les CRFs, mais améliore également la qualité des analyses qu’elles produisent. •  Les auditeurs. Les sociétés sont fréquemment soumises à des audits annuels de leurs résultats financiers, et les individus sont audités par les services fiscaux. De la même manière, les gouvernements instituent généralement des agences d’audit ou de régulation (par exemples, des inspections générales, des cours, des agences d’inspection, et des bureaux de compte spécialisés) dans le but de surveiller les services gouvernementaux ou les entreprises d’état. Ces audits mettent fréquem- ment à jour des écarts entre les mouvements d’argent et les transactions effective- ment réalisées, signalant ainsi de possibles activités de corruption. En particulier, l’examen de documents financiers détaillant les revenus et dépenses peuvent révé- ler des signes de fausse facturation qui sont typiques des dossiers de corruption. 28  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis •  Les « whistle blowers » (déclencheurs d’alerte NDT). Les signalements préalables à une enquête proviennent parfois d’employés ou d’individus qui soupçonnent des malversations au sein de leur institution ou qui espèrent une certaine indul- gence pour leurs propres crimes31. •  Rapports émanant des médias et de la société civile. Les activités suspectes ou les arrestations d’agents publics étrangers pour corruption sont fréquemment relayées par les médias ou dans des rapports émanant de la société civile et d’organisations non-gouvernementales. De tels rapports peuvent déclencher directement une enquête ou peuvent conduire à l’établissement d’un RTS con- duisant à une enquête. •  Déclarations de revenus et de patrimoine d’agents publics. De nombreux Etats contraignent leurs agents publics à dévoiler les informations qui concernent leur patrimoine et leurs revenus32. Ces déclarations peuvent mettre en évidence de substantiels accroissements d’avoirs incompatibles avec les revenus déclarés par un individu, ou même de fausses déclarations de revenu. Une comparaison entre les avoirs déclarés et ceux utilisés par un agent public peut indiquer un en- richissement illicite. •  Services de renseignement. Des informations peuvent émaner d’une agence de renseignement ou du service de renseignement d’une autre agence gouverne- mentale (par exemple services de police ou autorité de régulation). •  Les enquêtes d’initiative. Les praticiens peuvent aussi rechercher activement des informations auprès de sources potentielles. Ils peuvent surveiller les activités de secteurs sensibles ou de ceux susceptibles de favoriser le blanchiment d’argent ou la corruption, comme celui de l’extraction des ressources naturelles ou du com- merce des armes. 2.2  La constitution d’une équipe ou d’une unité, task forces et enquêtes conjointes avec des autorités étrangèress En particulier pour des dossiers volumineux ou complexes, il sera important de consti- tuer une équipe ou unité pluridisciplinaire pour permettre une gestion efficace du dos- sier et, finalement, une confiscation. Une telle équipe comprendra vraisemblablement toute une gamme de compétences, dont des enquêteurs financiers et des experts en analyse financière, des auditeurs, des policiers, des procureurs et des gestionnaires 31. De nombreuses juridictions ont mis en place des la loi des procédures et protections destinées aux déclencheurs d’alerte. Haïti, par exemple, a consacré le concept – dénommé « clameur publique » – dans sa constitution de 1987. Voir également UNCAC, art. 33. 32. UNCAC art. 8(5), 52(5), et 52(6) exigent des Etats-Parties qu’ils envisagent l’établissement de tels systèmes ; et il existe approximativement 114 juridictions disposant de systèmes permettant la divulgation à un bureau d’éthique, une structure anticorruption, ou à un autre service gouvernemental. Voir Theodore S. Greenberg, Larissa Gray, Delphine Schantz, Carolin Gardner, & Michael Lathem, Politically Exposed Persons : Preventive Measures for the Banking Sector (Washington, DC: World Bank, 2010), 42; Ruxandra Burdescu, Gary J. Reid, Stuart Gilman, and Stephanie Trapnell, Stolen Asset Recovery – Income and Asset Declarations: Tools and Trade-offs (Washington, DC: StAR Initiative, conference edition publiée en novembre 2009). Ces documents sont disponibles à l’adresse: http://www.worldbankl.org/star. Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs  I  29 d’avoirs. Des experts peuvent être nommés et choisis dans le secteur privé, temporaire- ment affectés par autre agence, comme une autorité de régulation, une CRF, une auto- rité fiscale, une agence d’audit, ou une inspection générale. En fonction du pays et des circonstances, le dossier impliquera souvent, au delà des équipes d’enquête et de pour- suite, la constitution d’une task force réunissant les services compétents ou une enquête menée conjointement avec une autre juridiction33. 2.2.1  Les équipes d’enquête et de poursuite Les équipes d’enquête devraient réunir des professionnels dotés de l’expertise nécessaire à l’analyse de quantités significatives de documents financiers, bancaires et comptables, comprenant des virements, des états financiers, et des reçus fiscaux ou douaniers. Elles devraient également réunir des enquêteurs habitués à la collecte de renseignement commercial et financier ; à identifier des montages illégaux complexes ; à retracer les mouvements de fonds; et à utiliser des techniques d’enquêtes telles que la surveillance électroniques, les écoutes, les mandats de perquisition et des auditions de témoins. Dans certains cas, il peut s’avérer utile ou nécessaire de nommer des experts ou des consultants qui apportent leur expertise technique en matière d’analyse financière, de d’expertise comptable et d’informatique judiciaire. Les procureurs devront également faire preuve d’une expertise similaire pour pouvoir défendre efficacement le dossier devant la cour. Des procureurs spéciaux peuvent être nommés dans des cas impliquant des officiels haut-placés de manière à prévenir tout conflit d’intérêt et à garantir l’indépendance de l’enquête et la crédibilité de la procé- dure. Normalement, un procureur de haut rang devrait conduire l’enquête ou suivre l’instruc- tion d’un magistrat instructeur ou d’une autorité de poursuite  : ultimement, c’est en effet le procureur qui aura la responsabilité de défendre le dossier devant le tribunal. Il ou elle doit s’assurer que les autorités de poursuite réunissent les preuves nécessaires à l’établissement des infractions, à la prise de mesures provisoires et à une décision de confiscation34. De plus, le procureur assure également une fonction d’interface auprès des juges lorsque les officiers de police judiciaire ont besoin d’une autorisation judi- ciaire pour réaliser certains actes d’enquête tels que des écoutes, des perquisitions, des arrestations et la conclusion d’arrangements amiables. Les agences et autorités de poursuite qui ont la charge d’établir les infractions spéci- fiques à un dossier disposent souvent de la capacité à réunir et présenter les preuves nécessaires à une confiscation. Lorsque c’est possible, il est également bon de créer des 33. Le terme « équipe d’enquête » inclut les investigations et collectes de renseignement qui ont lieu avant et après la mise en examen du mis en cause. Dans certaines juridictions, le terme « enquête » est utilisé exclusivement pour désigner l’enquête proprement dite, après l’inculpation ou la mise en examen. 34. Dans certaines juridictions de droit civil, les magistrats instructeurs peuvent mener l’enquête depuis le début du dossier jusqu’à sa conclusion ; néanmoins, les services du procureur peuvent faire appel de leurs décisions. 30  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis unités spécialisées dans l’enquête et les poursuites nécessaires à une confiscation, en appui des équipes d’enquête pénale. L’expérience semble prouver que des difficultés peuvent surgir dans les cas ou les autorités de poursuite et les procureurs sont respon- sables à la fois des infractions spécifiques et de la confiscation. Dans certains pays, par exemple, les procureurs en matière pénale ne sont désignés qu’une fois l’enquête large- ment en voie d’être terminée – un stade bien trop tardif en ce qui concerne une confis- cation d’avoirs. De plus, les enquêteurs pénaux et les procureurs ont une importante charge de travail et ont tendance à donner la priorité à la condamnation pénale plutôt qu’à la confiscation. Avec la constitution d’unités spécialisées dans la confiscation, les enquêteurs et procu- reurs développent les compétences spécialisées requises pour faire appliquer les lois portant sur la confiscation. Les enquêteurs spécialisés iront généralement plus loin que les enquêteurs pénaux dans l’identification et le «  traçage  » des avoirs dans l’optique d’une confiscation, et ils sont bien placés pour entreprendre les démarches internatio- nales nécessaires au suivi des avoirs ayant quitté le territoire. Si une telle approche est choisie, les praticiens spécialisés dans la confiscation doivent travailler en étroite proxi- mité avec leurs homologues en charge des poursuites criminelles, sans quoi le dossier pénal en souffrirait. Cela aurait alors probablement pour conséquence de compro- mettre les efforts de confiscation. L’équipe peut être basée dans les agences anticorruption qui ont autorité pour enquêter, poursuivre, ou les deux ; ou encore auprès des services réguliers de répression et de poursuite. Où que soit localisée l’équipe, il sera crucial que les enquêteurs et les procu- reurs se voient accorder en droit l’autorité nécessaire pour enquêter ou poursuivre (ou les deux) les infractions, ainsi que pour confisquer les produits et instruments de ces infractions35. 2.2.2  Les « Task forces » Les autorités peuvent envisager de former des «  task forces » qui réunissent plusieurs services ou agences, autorités de poursuite, et acteurs du secteur privé ayant un intérêt aux poursuites ou au recouvrement des avoirs (ou aux deux). Une « task forc »e conjointe peut inclure des représentants des administrations fiscales, douanières, judiciaires, des affaires étrangères, du budget et de l’immigration ; ainsi que des membres de la CRF, de l’autorité de régulation, de l’autorité centrale, et de l’autorité de gestion des avoirs. De telles «  task forces » facilitent l’échange d’information et de compétences et aident aux discussions et évaluations des dernières évolutions du dossier. Il sera important de cla- rifier les rôles respectifs des différents membres de l’équipe et des autres autorités de poursuite de manière à éviter toute confusion ou rivalité entre les agences. 35. En général, les juridictions étrangères refuseront d’accorder l’entraide judiciaire aux enquêtes ou poursuites menées par des services non-judiciaires ou par des administrations non-autorisées par la loi. Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs  I  31 2.2.3  Les enquêtes conjointes avec des autorités étrangères Lors d’enquêtes difficiles et exigeantes qui requièrent une action coordonnée avec d’autres juridictions, une enquête conjointe ou «  task force » inter-agences impliquant des autorités étrangères doit être envisagée36. Lorsque cela est possible, une enquête conjointe évite les doublons inutiles et peut faciliter la coopération, l’échange d’infor- mation et le développement d’une stratégie commune (en clair, un dossier peut être conduit dans un seul pays ou dans plusieurs). Elle peut également éviter certains des pièges liés à une DEJ (comme d’alerter les cibles de l’enquête et de perdre du temps avec les appels subséquents) parce que les praticiens travaillent tous en vue d’un objectif commun. Lorsqu’il existe de multiples procédures en cours, une enquête conjointe (et les conférences idoines) peuvent permettre de garantir que les diverses parties sont au courant de ce qui se passe dans les autres pays. Lorsque la capacité et le cadre juridique local, eu égard aux mesures provisoires et à la confiscation, se révèlent insuffisants dans un pays donné, une enquête conjointe peut faciliter le transfert de compétences entre membres ou permettre la poursuite des efforts dans le pays doté du cadre juridique le plus efficace. Néanmoins, les enquêtes conjointes peuvent se révéler difficile à coordonner, et les pra- ticiens devront déterminer si les conditions d’une enquête conjointe sont réunies. Ils doivent vérifier l’existence des cadres juridiques appropriés qui permettent aux autori- tés compétentes de conduire des enquêtes conjointes en l’absence d’une DEJ, la collecte de preuves par des praticiens étrangers dans le pays-hôte, et le partage direct d’informa- tion. Parce que chaque autorité participante doit être compétente pour une infraction, les lois qui accordent une compétence extraterritoriale sont précieuses. De plus, les praticiens doivent confirmer l’existence de ressources suffisantes, des compétences nécessaires, de mesures de sécurité concernant l’information opérationnelle, et d’un environnement de confiance et d’engagement. Enfin, les parties devront se mettre d’ac- cord sur un objectif commun, sur l’échéance, sur les procédures, et sur comment l’infor- mation réunie sera utilisée. De tels accords peuvent faire l’objet d’une formalisation dans un mémorandum (ou protocole) d’accord. 2.3  Etablir le contact avec des homologues étrangers et évaluer la capacité à obtenir une coopération internationale Etablir une liaison avec des praticiens étrangers tôt dans l’évolution d’un dossier permet de mieux évaluer les difficultés potentielles, de bâtir une stratégie, d’obtenir des infor- mations préliminaires et une aide informelle, de vérifier les conditions de DEJ, et de susciter un climat de bonne volonté dans le processus de coopération internationale. 36. UNCAC, art. 49, et Convention des Nations-Unies contre la Criminalité Transnationale Organisée (UNTOC), art. 19, invitent les Etats-Parties à envisager des enquêtes conjointes sur une base au cas-par-cas. 32  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Tisser des liens avec les attachés de police ou des magistrats de liaison en poste auprès des ambassades constitue un bon moyen de maintenir le contact avec des autorités étrangères. Dans des dossiers plus importants, des rencontres en personne avec des homologues se sont révélées essentielles au succès d’une coopération internationale. Le contact direct aide à faire montre d’une volonté politique et facilite les discussions sur les obstacles, les stratégies et l’assistance requis. Certaines autorités ont choisi de réunir une conférence sur le dossier ou une réunion impliquant des représentants de chacune des autorités étrangères ayant potentiellement un intérêt dans le dossier. Cette tactique est particulièrement efficace dans les dossiers impliquant plusieurs juridictions ou dans lesquels le manque de ressources peut contribuer à limiter les déplacements à l’étranger. Une alternative peut être de se rendre dans l’Etat étranger. La section 7.1 décrit le pro- cessus ainsi que les points de contact possibles de façon plus détaillée. Les différences de tradition juridique (common law contre droit civil ou continental) et entre systèmes de confiscation (système basé sur la valeur contre système basé sur la propriété) peuvent engendrer des difficultés, voire de la frustration, dans la coopération avec des pays étrangers. La terminologie est fréquemment différente, comme peuvent l’être les procédures utilisées, la charge de la preuve et les délais requis pour obtenir l’assistance. Par exemple, dans certains systèmes juridiques de droit civil, il est possible de bloquer ou de saisir des avoirs plus facilement car les procureurs ou magistrats ins- tructeurs en ont le pouvoir et peuvent agir rapidement (à l’inverse de systèmes de com- mon law qui exigent une demande formelle auprès d’un juge). Un système de confisca- tion basé sur la valeur n’exigera que la preuve que les avoirs sont liés à une personne accusée ou condamnée, alors qu’un système de confiscation basé sur la propriété requerra la preuve d’une connexion entre l’avoir et le crime. Un usage incorrect de la terminologie ou une incapacité à satisfaire aux exigences de preuve peut entraîner des confusions, des délais, voire même un refus d’entraide. Ce manuel s’efforce de souligner certaines de ces différences ; il n’en demeurera pas moins important, pour autant, de cultiver des contacts personnels en continu de manière à apprendre le fonctionnement des autres systèmes ainsi qu’à valider le plan d’action approprié. Les autorités engagées dans une démarche de recouvrement international d’avoirs devraient vérifier aussi vite que possible si leurs procédures satisfont aux conditions d’obtention d’une entraide informelle ou d’une DEJ auprès des Etats étrangers, ou s’il peut demeurer des obstacles à une telle assistance. L’un des obstacles potentiels à une DEJ peut résider dans l’obtention de la double incrimination, c’est-à-dire dans le fait que le comportement à l’origine de la demande d’entraide constitue bien une infraction pour les deux juridictions. Parce que la double incrimination devrait être établie sur la base de l’infraction et non de la terminologie, elle peut être obtenue au moyen de faits et de preuves constitutifs d’une infraction acceptable dans l’Etat requis. Par exemple, si l’Etat requis ne dispose pas de lois contre l’enrichissement illicite, les praticiens devront préciser les faits de nature à établir une autre infraction réprimée dans l’Etat requis. L’encart 2.2 mentionne d’autres exemples spécifiques de problèmes potentiels, et le cha- pitre VII aborde ces questions de manière plus détaillée. Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs  I  33 encart 2.2 Obstacles à la coopération internationale Les obstacles suivant peuvent compromettre les efforts en vue d’une coopération internationale : •  Obstacles légaux, y compris des lois et procédures insuffisantes dans le domaine de la coopération internationale, de l’exécution de décisions étrangères, ou du retour des avoirs, le manque d’autorité légale pour coo- pérer informellement, une capacité limitée à fournir assistance avant la mise en examen, l’existence de limites de temps statutaires concernant l’enquête et les poursuites dans l’Etat requérant susceptibles de ne pas laisser suffisamment de temps pour une DEJ, et des lois exigeant la divul- gation des différents éléments au détenteur des avoirs ; •  Nécessité de satisfaire à l’exigence de double incrimination et de préciser les modalités nécessaires (par exemples, la réciprocité, des limites sur l’utilisation faite des informations, ou le paiement des frais ou dommages et intérêts) ; •  Des motifs de refus, comme des intérêts vitaux, la nature des peines encourues, des procédures en cours dans l’Etat requis, un manquement aux droits fondamentaux dans l’Etat requérant, et des infractions spéci- fiques (comme l’évasion fiscale)a ; •  La durée de la procédure du fait de formalités, de délais de traitement, et d’appels ; •  Des exigences de preuve trop difficile à satisfaire : par exemple, une demande peut être comprise comme une « fishing expedition », en d’autres termes » une tentative d’obtenir des informations à peu de frais parce que trop vague et dépourvue des détails nécessaires à l’identification des comptes bancaires concernés ; et •  Des différences dans les systèmes de confiscation qui peuvent conduire à des problèmes d’exécution. a. La question de savoir si l’évasion fiscale est couverte par la Convention des Nations Unies contre la Corruption n’est pas tranchée. Si les DEJ présentées dans le cadre de l’exécution de mesures provisoires internes et de décisions de confiscation ne sont pas accordées, les autres voies doivent alors être envi- sagées. Il peut être possible d’avoir recours à la confiscation ACP ou à des actions civiles (y compris des procédures formelles d’insolvabilité) de manière à recouvrer les avoirs volés ou à apporter au dossier les éléments et preuves requis par des poursuites menées dans un autre Etat. 34  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 2.4  S’assurer des soutiens et des ressources adéquats La volonté, crédible et démontrée, des acteurs politiques, des agents publics et des structures de l’Etat de combattre la corruption et de recouvrer des avoirs – la « volonté politique » - est une condition préalable nécessaire au succès. Sans volonté politique et le soutien des autorités gouvernementales, le manque de ressources et les interférences politiques peuvent devenir des obstacles majeurs à l’évolution d’un dossier37. Les prati- ciens devront identifier leurs alliés et développer des appuis à leur dossier, tant au niveau politique qu’auprès des diverses administrations. Un soutien public fort construit avec l’aide des médias (en particulier des journalistes d’investigation) et des organisa- tions non-gouvernementales peut engendrer ou maintenir un niveau élevé de volonté politique. Des rapports d’étape réguliers adressés aux responsables politiques impor- tants et dans lesquels sont discutés les besoins et les ressources peuvent contribuer à accroître et à maintenir les engagements. De la même manière, les praticiens devront s’efforcer de minimiser les interférences possibles, en particulier si des cibles poten- tielles sont également des alliés politiques ou des amis personnels de certains agents gouvernementaux. Ces alliances peuvent s’étendre à d’autres pays et conduire à des pro- blèmes affectant la coopération internationale, ou encore à avertir les cibles En plus de garantir un soutien des politiques et de l’opinion publique, le financement adéquat de chaque étape du processus de recouvrement d’avoirs doit être assuré, de préférence par la loi. Les procédures de recouvrement d’avoirs peuvent se révéler très difficiles dans un pays en voie de développement, parce qu’elles requièrent une équipe de praticiens capables d’analyser des relevés d’opérations bancaires, de tracer et de sécu- riser des fonds dans des pays étrangers, d’effectuer correctement des DEJ, et au final, d’obtenir une décision de confiscation. Si des autorités visent à mener une enquête interne et à déclencher des poursuites, il peut exister des Etats étrangers désireux d’apporter leur contribution en personnel (en fournissant par exemple un « mentor », ou conseiller spécial), en ressources financières, ou en formation des praticiens. Même des actions civiles peuvent ne pas être hors de portée : certains Etats ont aidé à financer des actions civiles individuelles contre des agents publics corrompus qui avait détourné des avoirs dans un pays doté de faibles ressources, et des cabinets privés ont accepté des dossiers sur une base pro bono ou moyennant des honoraires proportionnés au résultat En l’absence de soutien politique et de ressources adéquates dans le cadre d’une enquête menée localement et d’un recouvrement via une confiscation ou une action civile, les autorités peuvent décider de fournir des éléments du dossier et des preuves aux autori- tés étrangères (si celles-ci sont compétentes) de manière à aider une procédure étran- gère. 37. Pour une démonstration de la manière dont le manque de volonté politique peut faire obstacle au recouvrement d’avoirs, voir l’étude à venir et mentionnée en note 28. Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs  I  35 encart 2.3 Décisions stratégiques au Pérou – Loi autorisant le plaider coupable L’une des décisions stratégiques prises par le gouvernement du Pérou lors des phases initiales de son enquête sur Vladimiro Montesinos, le directeur des ser- vices de renseignement du Pérou sous la présidence d’Alberto Fujimori, fut l’adoption de la loi 27.738. Fondamentalement, cette loi instituait un mécanisme de « plaider coupable » dans le cadre des enquêtes portant sur le crime organisé. Elle est unique en cela que le concept de « plaider coupable » et les transactions pénales n’existaient pas au Pérou ou dans aucun autre système de droit civil, par opposition à de nombreux systèmes de common law. La loi autorisait les mem- bres d’organisations criminelles visés par des poursuites (à l’exception des chefs et de certains agents publics) à entamer des démarches en vue d’une transac- tion avec les autorités de poursuite, le plus souvent en fournissant des informa- tions en échange d’une peine réduite. La loi a rendu possibles des condamnations et évité des années de procédure. Plus important, elle a permis aux autorités péruviennes d’obtenir rapidement des informations sur les mouvements de fonds et, au travers d’un processus de renonciation volontaire, de recouvrer des avoirs situés dans un autre Etat pour un montant de 175 millions de dollars (USD). 2.5  Evaluer la loi et envisager des réformes législatives Il sera important, pour les autorités, de déterminer si des lois adéquates et effectives sont en place, à la fois au niveau local et à l’étranger38. Cela inclut les lois concernant les diverses voies de droit, ainsi que sur la gestion d’avoirs et la coopération internationale (voir le chapitre V sur la gestion d’avoirs et le chapitre VII sur la coopération internatio- nale). La confiscation, par exemple, peut être le résultat des lois générales permettant la confiscation des produits et instruments d’un crime, ou de dispositions relatives à des infractions spécifiques. Dans les deux cas, les autorités doivent s’assurer que la confisca- tion appliquée aux crimes sur lesquels elles enquêtent est légalement possible. Lorsque les lois concernant une voie de droit sont insuffisantes, une voie alternative doit être envisagée. Ou, il peut être possible, dans certains pays, d’appliquer de nou- velles procédures à des crimes commis avant l’adoption d’une nouvelle législation. A titre d’exemple, l’instauration du ‘plaider coupable’ permettant à des défendeurs subal- ternes de plaider coupable en échange d’une qualification moins sévère ou de peines 38. Internet ainsi que des contacts avec des praticiens étrangers peuvent se révéler des ressources précieuses sur les législations étrangères. Certaines juridictions publient leurs lois et orientations sur les sites gouvernementaux. Voir l’annexe J pour quelques exemples. Les autres ressources concernant la loi incluent l’International Money Laundering Information Network (http://www.imolin.org) ainsi que le Knowledge Management Consortium et la Legal Library de l’UNCAC (publication à venir fin-2010, disponible à l’adresse : http://www.unodc.org). 36  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis plus légères que le maximum prévu peut encourager une coopération dans la décou- verte des preuves concernant des suspects plus importants. C’est précisément ce qui s’est passé au Pérou dans le cadre de l’affaire Montesinos (voir encart 2.3). Parce des lois ou procédures rétroactives sont susceptibles de faire l’objet d’un contrôle de constitutio- nalité, il est important que les praticiens considèrent dès l’origine l’adéquation et la constitutionnalité de ces lois39. 2.6  Prendre en compte les problèmes et obstacles légaux Lors des phases initiales d’un dossier de recouvrement d’avoirs, les praticiens devront évaluer les problèmes légaux et les obstacles potentiels et envisager les options suscep- tibles de les résoudre. Cela inclura les questions de compétence, d’immunité dont peuvent bénéficier des agents publics suspects, de prescription, de dispositions relatives à la restitution des avoirs, et de standard de preuve applicable. 2.6.1  La compétence La compétence est l’autorité pratique conférée aux autorités judiciaires pour enquêter, poursuivre, statuer et exécuter des décisions en matière judiciaire40. Avant le déclenche- ment d’une action, les autorités doivent vérifier que les tribunaux sont effectivement compétents. Lors de poursuites pénales, la compétence territoriale concernant les infractions com- mises par des contrevenants locaux ou étrangers sur le territoire national sera cruciale. La compétence personnelle peut également permettre aux autorités de revendiquer leur compétence pour les crimes commis par leurs ressortissants ou leurs entreprises à l’étranger. Dans certaines Etats, la commission d’un seul des éléments constitutifs d’une infraction sur le territoire national sera suffisant, ce même si d’autres éléments ont été commis dans un autre Etat. Tel est le cas de l’infraction de corruption commise à l’étran- ger lorsque l’argent a été blanchi au moyen de banques et d’intermédiaires locaux. Cer- taines autorités revendiqueront leur compétence si certains faits périphériques de l’in- fraction ont simplement ‘touché’ leur territoire. En l’absence de compétence territoriale et personnelle, les infractions ne peuvent faire l’objet de poursuites que par les autorités de l’Etat étranger (voir section 9.1 au chapitre IX pour une discussion plus détaillée des questions de compétence)41. 39. Par exemple, la question de la rétroactivité des lois de confiscation ACP a été soulevée dans des affaires au Liechtenstein, en Thaïlande et aux Etats-Unis. Voir Theodore S. Greenberg, Linda M. Samuel, Wingate Grant, and Larissa Gray, Stolen Asset Recovery – A Good Practices Guide to Non-Conviction Based Asset Forfeiture (Washington, DC : World Bank, 2009), 45-46. 40. UNCAC, art. 42 ; UNTOC, art. 15 ; et la Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et de Substances Psychotropes, art. 5, obligent les Etats-Parties à adopter les mesures nécessaires pour l’attribution de la compétence eu égard aux infractions, en accord avec la convention. 41. C’est par exemple le cas si un ressortissant national détourne des avoirs d’une filiale étrangère d’une société publique et si les activités de blanchiment ont été menées dans des juridictions étrangères. Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs  I  37 L’un des défis posés par un dossier impliquant de multiples pays est que l’autorité étran- gère compétente peut décider de, ou se trouver contrainte à, initier sa propre procédure. Et elle peut le faire sur la base des informations fournies par l’Etat requérant dans le cadre d’une entraide informelle et d’une DEJ. Parce qu’une telle action pourrait com- promettre une procédure interne en avertissant les cibles ou en suspendant une DEJ, il sera important pour le praticien d’être pleinement conscient de ce problème, de pouvoir déterminer dans quels cas il risque de se poser, et de mettre en œuvre la coordination nécessaire pour garantir que les deux procédures pourront suivre leur cours dans diffi- cultés. Le chapitre IX fournit des détails additionnels sur les procédures entamées par des autorités étrangères. 2.6.2  Les immunités dont bénéficient les agents publics L’immunité permet à certains agents publics d’échapper à des poursuites en cas d’in- fractions pénales. Dans la plupart des pays, les immunités prévues par les lois internes ou par des dispositions constitutionnelles sont dénommées ‘immunités nationales’. Il existe aussi des ‘immunités internationales’ qui s’appliquent dans tous les pays soumis au droit international coutumier et aux traités, et comprennent des immunités person- nelles et fonctionnelles. L’immunité fonctionnelle est accordée aux agents publics étrangers agissant pour le compte de leur Etat (par exemple, un chef d’état ou de gou- vernement, un directeur de cabinet, un ministre des affaires étrangères ou de la défense) ; l’immunité personnelle protège certains agents publics étrangers (en particu- lier les chefs d’état et les agents diplomatiques et consulaires) contre toute arrestation et procédure pénale, civile ou administrative (typiquement, pendant la durée de leur mandat). L’immunité fonctionnelle peut conférer aux agents publics étrangers une pro- tection jusqu’après la fin de leur mandat, alors que les immunités personnelles cessent normalement de s’appliquer à ce moment. Si l’action de recouvrement d’avoirs concerne un chef d’état, un membre du parlement, un juge ou un autre fonctionnaire de haut rang, les praticiens doivent prendre en compte les immunités dont bénéficient ces agents42. En particulier, les praticiens doivent vérifier l’étendue de l’immunité (par exemple, si cette dernière est nationale ou interna- tionale, fonctionnelle ou personnelle) ; si elle protège effectivement l’agent public de toute responsabilité pénale, civile ou administrative ; la possibilité de lever l’immunité ; et, si nécessaire, l’opportunité de mettre en cause d’autres individus impliqués dans les crimes commis, comme des membres de la famille, des complices, et d’autres personnes impliquées dans le blanchiment des fonds. Certains Etats ont modifié leurs lois relatives à l’immunité de manière à permettre des poursuites mais non l’incarcération d’un agent public43. Dans certains cas, un Etat peut ne pas reconnaître les immunités nationales d’un autre Etat, et il peut alors poursuivre dans des cas de blanchiment d’argent ou de 42. UNCAC, art. 30 exige des Etats-Parties qu’ils maintiennent un équilibre approprié entre les immunités et la possibilité d’effectivement enquêter sur, de poursuivre, et de juger des infractions. 43. Loi 25.320, 2000 (Argentine), http://www1.hcdn.gov.ar/dependencias/dip/textos%20actualizados/ 25320%20Ley%20de%20fueros.pdf. 38  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis corruption d’agent public étranger44. Dans d’autres cas, l’immunité internationale n’a pas été appliquée dans des dossiers impliquant le contrôle et la saisie d’avoirs détenus dans des institutions financières étrangères45. Si le succès de poursuites pénales apparaît peu probable mais qu’une responsabilité civile peut être établie, des voies comprenant la confiscation ACP et une procédure civile devront être explorées. 2.6.3  La prescription Dans la plupart des pays, il est impossible d’entamer des poursuites civiles ou pénales lorsqu’ une certaine période s’est écoulée depuis la commission de l’infraction – « la période de prescription », parfois appelée en anglais « statute of limitations ». La durée de cette période varie selon les Etats et la gravité de l’infraction, les infractions plus sévères étant généralement assorties de périodes de prescription plus longues46. Parce que la prescription commence à courir après la commission de l’infraction, le point de départ du délai peut être retardé ou suspendu dans le cas d’infractions continues47. De plus, le compteur peut être suspendu, ou même remis à zéro, par certains événements, comme l’ouverture ou la continuation d’une enquête de police, le début d’une procédure judiciaire, ou la fuite du contrevenant. Par ailleurs, dans certains systèmes, le point de départ de la période de prescription peut être différé jusqu’à la constatation de l’infrac- tion ou jusqu’à que les agents publics impliqués aient quitté leurs fonctions48. Par exemple, lorsque des fausses factures et des comptes truqués dissimulent des pots-de- vin payés à un intermédiaire, le délai de prescription peut ne débuter qu’après que la découverte de la fraude. Le concept de ‘découverte’ sera défini par la loi ou par les tri- bunaux ; la date exacte à laquelle la découverte a été faite sera ainsi fréquemment établie devant le tribunal. 44. Le Royaume Uni a poursuivi des gouverneurs nigérians pour des infractions de blanchiment d’argent liées à la corruption dans des circonstances ou des immunités nationales étaient en vigueur. Voir David Chaikin et J.C. Sharman, Corruption and Money Laundering: a Symbiotic Relationship (New York: Pal- grave Macmillan, 2009), 89-90. 45. Dans un dossier impliquant la corruption d’agents publics kazakhs par un homme d’affaire américain, the Tribunal Fédéral Suisse a refusé de suspendre le gel de 84 millions de dollars (USD) déposés sur des comptes bancaires suisses, en dépit des affirmations kazakhs selon lesquelles l’argent aurait été protégé au titre de la doctrine de l’immunité de souveraineté. David Chaikin, « International Anti-Money Laundering Laws: Improving External Accountability of Political Leaders,  » U4 Brief 4 (août 2010): 2-3. Les fonds furent finalement confisqués par les Etats-Unis au moyen d’une procédure de confiscation ACP (voir note 17). 46. Par exemple, des poursuites pour meurtre peuvent n’être soumises à aucune prescription, alors que des poursuites pour vol peuvent être assorties d’un délai de prescription de 5 ans après la date de l’infraction. 47. Au titre de l’ “infraction continuée� reconnue aux Etats-Unis, si l’infraction est continuée, alors l’effet pratique de cette nature est de repousser la date de prescription « au-delà de son terme normal ». Toussie v. United States, 397 U.S 112, 114, 90 S.Ct. 858, 25 L. Ed.2d 156 (1970). “L’association de malfaiteurs… est l’infraction continuée quintessentielle.� United States v. Jaynes, 75 F.3d 1493, 1505 (10th Cir., 1996). 48. En Argentine, par exemple, la période de prescription commence pour tous les mis en cause après que les agents publics aient quitté leurs fonctions (Code Pénal Argentin, art. 67). La France et le Royaume Uni appliquent également le principe de découverte, comme les Etats-Unis dans les dossiers ACP (Titre 19, United States Code, sec. 1621). Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs  I  39 L’expiration de la période de prescription constitue une difficulté pour les praticiens, difficulté plus aigüe encore dans les dossiers de corruption ; le détournement d’avoirs ou la preuve de faits de corruption ne sont fréquemment découverts que longtemps après que les agents publics corrompus aient quitté leurs fonctions. En plus des obs- tacles engendrés par la brièveté du délai de prescription et par le manque, dans certains pays, de dispositions relatives à la découverte, il est parfois exigé que l’infraction sous- jacente au blanchiment d’argent ne soit pas couverte par la prescription. En plus de demeurer attentifs aux périodes de prescription applicables, les praticiens cherchant à recouvrer des avoirs volés doivent : •  Identifier les infractions assorties d’une période de prescription plus favorable (par exemple, le détournement, le blanchiment et la possession d’avoirs volés) ; •  Effectuer des recherches sur les lois ou la jurisprudence susceptibles de différer le début de la période de prescription jusqu’à la découverte du crime ou jusqu’à ce que l’agent public concerné ait quitté ses fonctions, ou qui suspendent la période de prescription si les avoirs ou l’agent public corrompu sont situés hors du pays ; •  Vérifier si des actions spécifiques menées par les autorités de poursuite ou les forces de police ont suspendu ou remis à zéro le délai de prescription ; •  Explorer toutes les voies légales – y compris la confiscation ACP et la condamna- tion pénale, les actions civiles, une requête enjoignant une autorité étrangère à ouvrir des poursuites – pour déterminer le régime de prescription le plus favorable49 ; et •  Envisager de continuer l’enquête, parce que toute enquête pénale concernant une infraction prescrite peut conduire à la découverte d’une autre infraction pour sa part non encore prescrite. 2.6.4  Les dispositions légales relatives au rapatriement des avoirs En choisissant entre des poursuites pénales locales, à l’étranger, ou d’autres voies, il est important de prendre en compte la manière dont cette décision influera sur le montant des avoirs recouvrés. Les fonds publics détournés ou blanchis qui sont recouvrés en vertu de la Convention des Nations Unies contre la Corruption doivent être restitués à l’Etat requérant50. De plus, certains Etats restitueront les avoirs lorsque la confiscation a été le résultat de l’exécution directe d’une décision de justice étrangère et qu’il existe un traité en vigueur. Les avoirs peuvent également être restitués directement à leur légi- time propriétaire ou à l’Etat lésé par les infractions de corruption via une décision de dommages et intérêts ou de compensation. Néanmoins, si les avoirs ont été confisqués à l’extérieur de ces cadres – peut-être au travers d’une procédure nationale pour blan- chiment menée par des autorités étrangères - le montant restitué dépendra des accords 49. Aux Etats-Unis, la période de prescription pour la confiscation ACP – à l’inverse de celle s’appliquant aux poursuites pénales – commence lors de la découverte de l’infraction donnant lieu à la mesure de con- fiscation ; elle peut être suspendue si les biens se trouvent à l’extérieur des frontières américaines (Title 19, United States Code, sec. 1621). 50. UNCAC art. 57(3) exige la restitution des avoirs à l’Etat-Partie requérant dans les cas de détournement ou de blanchiment de fonds publics lorsque la décision en est prise en accord avec la convention. 40  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis de partage en vigueur ou des dispositions en vigueur dans l’Etat requis51. Enfin, les procédures étrangères peuvent êtres limitées aux infractions de blanchiment, ce qui peut constituer un obstacle à la confiscation des produits de l’infraction principale ou d’infractions connexes, en particulier dans les pays qui ne confisquent que les avoirs liés aux infractions sur la base desquelles s’effectue la confiscation (voir section 6.2.2 du chapitre VI). 2.6.5  Standards de preuve Les praticiens doivent également considérer dans quelle mesure les preuves sont suffi- santes eu égard au standard de preuve requis pour le « traçage », les mesures provi- soires, la confiscation, l’actions civile ou la condamnation – à la fois localement et, le cas échéant, à l’étranger. Bien que le standard applicable puisse varier selon l’Etat, il demeure généralement vrai que plus la technique, ou méthode d’enquête sera invasive, plus exi- geant sera le standard de preuve. ILLUSTRATION 2.1 Standards de preuve Mesures provisoires, Décision de Mesures Condamnation certaines techniques confiscation ; de traçage d’enquête (comme les Action mandats de perquisition) civile Motifs Motifs raisonnables Prépondérance des Preuve au-delà Common raisonnables de croire [reasonable probabilités ou du doute raisonnable law de croire grounds to believe NDT], prépondérance [reasonable ou motifs raisonnables de la preuve grounds to et suffisants believe NDT] [probable cause NDT] Mesure Mesure Intime conviction Intime conviction Droit nécessaire à la nécessaire à la civil manifestation manifestation de la vérité de la vérité Source : illustration des auteurs 51. Ce fut l’un des facteurs qui influence la décision du Pérou dans l’affaire Montesinos de mener des pour- suites localement tout en visant des avoirs déposés en Suisse. Bien qu’il eut été possible de laisser la Suisse mener des poursuites pour certaines parties du dossier au titre de la législation sur les stupéfiants, les lois de partage d’avoirs, à cette époque, n’aurait permis le recouvrement que d’une partie des fonds par le Pérou. Après avoir mené des discussions d’ordre stratégique avec la Suisse, le Pérou décida de mener des pour- suites localement puis d’avoir recours à une DEJ et à des renonciations légales de manière à recouvrer une plus grande partie des fonds. Pour plu sde détails, voir section 1.3.1 au chapitre I. Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs  I  41 Pour les praticiens investis dans des dossiers requérant une coopération internationale, il est important de comprendre que les systèmes de common law et de tradition de droit civil divergent dans la terminologie utilisée et dans leur appréhension du standard de preuve. Dans la plupart des systèmes de common law, une condamnation exige la preuve « au-delà du doute raisonnable », et la confiscation (qu’elle soit ACP ou pénale) suppose le standard moindre de « prépondérance des probabilités » ou de « prépondérance de la preuve » qui est normalement appliqué dans le cadre de poursuites civiles. Dans la plu- part des systèmes de droit civil, le standard de preuve est le même pour une condamna- tion, une confiscation pénale ou ACP, ou pour des conclusions rendues en faveur du plaignant dans le cadre d’une procédure civile – à savoir l’«  intime conviction  » des juges quant à la véracité des moyens de preuve. Les juridictions de common law adoptent une approche probabiliste pour évaluer les preuves, c’est-à-dire la probabilité quanti- fiable de la survenue d’un événement. Les juridictions de droit civil se focalisent d’avan- tage sur l’impression subjective du juge. L’illustration 2.1 résume les différents stan- dards de preuve applicables, depuis les techniques d’enquête jusqu’à la condamnation ou confiscation. Les praticiens doivent être conscients de ces distinctions de manière à garantir que des preuves suffisantes pour le standard en vigueur sont réunies. Lorsque les preuves sont insuffisantes eu égard au standard de preuve requis par une procédure, les praticiens peuvent avoir la possibilité d’envisager d’autres voies. Par exemple, l’incapacité à obtenir une condamnation pénale « au-delà du doute raisonnable » empêchera la confiscation pénale. Pour autant, il peut être possible de recouvrer les produits et instruments de la corruption via une action civile individuelle ou une procédure de confiscation ACP, localement ou à l’étranger, si des standards de preuve différents peuvent être appliqués. 2.7  Identifier tous les responsables Dans la plupart des pays, des personnes qui ont sciemment facilité le transfert de pro- duits de la corruption ou reçu des avoirs illicites peuvent être tenus responsables au titre de diverses lois pénales ou civiles, incluant la complicité, l’association de malfaiteurs, l’ignorance coupable, la négligence, et l’abstention ou omission frauduleuse. C’est parti- culièrement pertinent dans le cas d’entités légales et de leurs directeurs, ainsi que dans le cas de banquiers, de directeurs financiers, d’agents immobiliers, de notaires et d’avo- cats qui s’abstiennent délibérément de mener des examens raisonnables. Dans certains pays, les tribunaux peuvent ne pas accepter que soit plaidée l’ignorance lorsque des frais de conseil ne sont pas proportionnés aux services rendus ou payés à des agents dépour- vus de l’expertise requise. D’autres pays tiendront responsable la société-mère pour les actes commis par une de ses filiales si il existe une implication directe des employés et dirigeants de la société-mère52. 52. Groupe de Travail sur la Corruption dans les Transactions Commerciales Internationales, « Typologies on the Role of Intermediaries in International Business Transactions » (Organisation pour la Coopération Economique et le Développement, 2009). 42  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Cibler les bénéficiaires ou les complices peut avoir deux avantages majeurs : première- ment, il peut accroître les chances de restitution ou de compensation auprès d’entités ou d’individus autres que l’agent public corrompu. Deuxièmement, il est parfois possible d’obtenir des informations et la coopération de tiers ou de co-auteurs. Néanmoins, les praticiens doivent évaluer les désavantages potentiels qu’impliquent la complexification de la gestion du dossier et la dilution des ressources. 2.8  Considérations spécifiques aux affaires pénales Sont mentionnées ci-après un certain nombre de considérations additionnelles à l’in- tention des praticiens gérant des affaires pénales. 2.8.1  Identifier les infractions pénales applicables Les infractions de corruption ne sont pas les seuls chefs d’accusation qu’il est possible d’envisager dans l’élaboration de stratégies pour des procédures de recouvrement d’avoirs volés. L’illustration 2.2 souligne certains des chefs que les praticiens devraient envisager. La corruption implique fréquemment la commission de plusieurs infractions pénales. En sélectionnant les infractions devant faire l’objet de poursuites, les praticiens devront prendre en compte les aspects suivants : les faits de l’espèce ; si les preuves directes ou circonstancielles permettant de caractériser l’infraction ; le recours à des aides procédu- rales, telles que des présomptions53 ; la probabilité d’une condamnation ; l’effet de la condamnation ; l’intérêt public ; et, le cas échéant, la capacité à obtenir une aide et une exécution étrangère. En plus des infractions de corruption les plus évidentes, les praticiens devront envi- sager d’autres infractions susceptibles d’accroître les possibilités d’obtenir une condam- nation. Ces infractions comprennent l’association de malfaiteurs, la complicité, le recel et le blanchiment d’argent54. Le blanchiment d’argent peut s’avérer l’infraction la plus efficace pour des poursuites, en particulier dans les Etats qui reconnaissent l’auto-blan- chiment et qui ne requièrent pas la preuve de tous les éléments de l’infraction principale pour l’obtention d’une condamnation55. L’encart 2.4 en offre des exemples au Royaume 53. Un certain nombre de juridictions ont recours à des présomptions qui assistent effectivement l’accusation ou le plaignant dans la satisfaction aux critères de preuve. Par exemple, si l’accusation établit l’implication du mis en cause dans le crime organisé, les avoirs du mis en cause sont présumés être les produits d’une activité criminelle (à moins que le mis en cause ne parvienne à établir le contraire). Pour des exemples supplémentaires, voir section 6.3.1 au chapitre VI. 54. En France, la fraude fiscale ou comptable, le détournement de fonds ou l’abus de confiance – des infrac- tions fréquemment associées à la corruption – peuvent être plus faciles à prouver que le versement de pots-de-vin. 55. En Belgique, les mis en cause impliqués dans des transactions financières peuvent êtres condamnés pour blanchiment d’argent s’il existe des preuves suffisantes qu’ils connaissaient l’origine illicite des avoirs. Les autorités de poursuite n’ont alors pas à établir les éléments constitutifs de l’infraction d’origine. Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs  I  43 ILLUSTRATION 2.2 Chefs d’accusation à envisager en matière pénale Vol Détournement de fonds Détournement de fonds publics Fraude Corruption d’agents publics nationaux et étrangers Trafic d’influence Corruption Abus de position et infractions Enrichissement illicite liées Conflit d’intérêt Financement illégal de campagnes ou partis politiques Extorsion de fonds Chefs possibles dans un dossier de corruption Blanchiment, dissimulation, Conversion ou transfert de biens acquisition, Dissimulation et déguisement possession ou utilisation des Acquisition, possession ou produits d’un utilisation du produit d’un crime crime • Infraction à la législation sur les marchés publics • Collusion • Faux et usage de faux Facilitation • Infraction aux normes comptables d’un crime • Fraude fiscale • Fraude douanière, contrebande • Utilisation frauduleuse de la poste est du réseau des télécommunications • Association de malfaiteurs • Complicité ou incitation • Entrave à la justice Source : illustration des auteurs Note : Une description des termes utilisés dans cette illustration se trouve à l’annexe A Uni et aux Etats-Unis. Les praticiens doivent être conscients que de telles décisions peuvent affecter les procédures en cours dans des pays étrangers, et doivent donc s’efforcer de coordonner leurs efforts avec ceux de leurs homologues étrangers. L’infraction d’enrichissement illicite s’est révélée être un outil particulièrement pratique pour la poursuite d’agents publics corrompus dans de nombreux pays, comme 44  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Poursuites sur la base des dispositions relatives aux règles ENCART 2.4 comptables et au contrôle interne aux Etats-Unis et au Royaume Uni. Dans l’affaire Etats-Unis v. Siemensa, les autorités ont découvert que des des- sous de table avaient été versés à des agents publics pour garantir l’obtention de contrats publics. Des pots-de-vin furent comptabilisés comme des paiements faits à des consultants qui les reversèrent ensuite à des agents publics. Siemens et ses filiales en Argentine, au Bengladesh et dans la République Bolivarienne du Venezuela ont plaidé coupable pour les chefs d’association de malfaiteurs et de falsification de leurs livres de compte et enregistrements, ainsi que de violation de leurs dispositions de contrôle interne lors d’un accord qui fut soldé par une amende de 450 millions de dollars (USD). Dans une affaire impliquant BAE Systems, la société avait corrompu plusieurs agents publics de manière à obtenir des contrats d’armement dans plusieurs pays. In fine, BAE Systems parvint à un accord avec le Royaume Uni et les Etats- Unis. Aux Etats-Unis, la société a plaidé coupable des chefs de conspiration en vue de faire des fausses déclarations relatives à des obligations réglementaires, et accepta de payer 400 millions de dollars (USD) d’amende ainsi que de prendre des engagements supplémentaire en matière de respect des normes et régula- tions. Au Royaume Uni, la société a plaidé coupable pour manquement à l’obligation d’assurer une comptabilité raisonnablement précise, et accepté de payer un règlement financier de 30 millions de livres (M GBP, environ 47 millions de dollars). a. US Department of Justice v. Siemens Aktiengesellshaft, Siemens S.A (Argentina), Siemens Bangladesh Ltd, Siemens S.A (Venezuela), compte-rendu de condemnation, 12 décembre 2008, http://www.siemens.com/press/pool/de/events/2008-12-PK/DOJ2.pdf. Voir également Titre 18, United States Code, sec. 371 ; et Titre 15, United States Code, sec. 78(b)(2)(B), 78m(b)(5), et 78ff(a). b. « BAE Systems plc, » communiqué de presse, 5 février 2010, http://www.sfo.gov.uk/press-room/latest-press-releases/press- releases-2010/bae-systems-plc.aspx. Voir également U.S v. BAE Systems, compte-rendu de condamnation, 22 février 2010, No. 1 :10-cd-00035 (D.D.C. 2010) (U.S.), http://www.justice.gov/criminal/pr/documents/03-01-10%20bae-sentencing-memo.pdf. l’Argentine, le Brésil et la Colombie56. Elle incrimine les agents publics pour tout accroissement significatif de leur patrimoine déclaré qui ne correspond pas de manière raisonnable à leur revenu légal. Dans les faits, elle allège la charge de la preuve qui incombe aux autorités de poursuite, lesquelles devraient sinon établir les divers éléments de l’in- fraction de corruption (occurrence d’un fait de corruption, bénéfices tirés, etc.) Certains Etats ne reconnaissent pas l’enrichissement illicite comme une infraction pénale mais l’ont incorporé dans leur législation civile ou administrative57. Là où l’enrichissement illicite est criminalisé, les praticiens doivent être conscients que son usage peut engendrer des obs- tacles à la coopération internationale avec des Etats qui ne reconnaissent pas l’infraction, ce par manquement à l’exigence de double incrimination. 56. UNCAC art. 20 et la Convention Inter-Américaine contre la Corruption art.9 exigent des Etats-Parties qu’ils envisagent l’adoption de ces dispositions. 57. Certaines des juridictions qui reconnaissent l’enrichissement illicite comme une infraction pénale ont recours à des voies civiles pour le recouvrement des avoirs. Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs  I  45 2.8.2  Anticiper les difficultés liées à la preuve Les praticiens devront prendre en compte les difficultés liés à l’établissement des élé- ments constitutifs de l’infraction dans le respect des standards de preuve exigés (voir des exemples de ces problèmes à l’encart 2.5). Dans certains pays, il est possible d’avoir recours à des présomptions susceptibles d’aider les autorités de poursuite à établir ces éléments, que ce soit pour l’infraction ou elle-même ou pendant l’étape de la confisca- tion (voir section 6.3 au chapitre VI). Exemple des difficultés à l’établissement des éléments ENCARTA 2.5 constitutifs de l’infraction Corruption et trafic d’influence. Peut exiger des preuves que le pot-de-vin a été proposé, promis ou versé dans le cadre d’un « pacte de corruption » (accord sur les modalités du pot-de-vin et de « l’échange de bons procédés » à l’avance) entre le corrupteur et l’agent public. L’obtention de la preuve sera rendue difficile si l’enquête est menée longtemps après les faits. De surcroît, lorsque des pots- de-vin sont versés à l’étranger par des filiales ou intermédiaires, les autorités de poursuite peuvent avoir besoin de prouver que les cadres ou les dirigeants du siège savaient ou projetaient que la filiale ou l’intermédiaire commettrait ce crime. Les défendeurs pourraient en effet affirmer que les employés ayant versé des pots-de-vin à des agents publics étrangers agissaient à titre privé, au mépris des règles édictées par leur société. Enrichissement illicite. Exigera une estimation des avoirs ou du revenu dis- simulés par un individu. Vol ou détournement. Peut ne pas s’appliquer à des biens immobiliers, des services ou des actifs intangibles. Blanchiment d’argent. Exige habituellement des preuves de la commission d’une infraction sous-jacente, ainsi que des preuves de transactions ou d’un sys- tème mis en œuvre en vue d’organiser la dissimulation ou le maquillage de l’origine illégale, de la propriété ou du contrôle d’avoirs. Faux. Peut exiger des preuves que les documents falsifiés ont une signification ou des conséquences juridiques. A défaut, les documents falsifiés sont fréquem- ment considérés comme ne pouvant faire l’objet d’une qualification de faux. Dans certains pays, les infractions comptables ne sont possibles que dans le cadre d’états financiers publiés. Responsabilité pénale des personnes morales. Peut ne pas s’appliquer, selon l’Etat et l’infraction considérée. Fraude. Lorsqu’elle est perpétrée au cours d’une longue période, l’infraction peut impliquer des centaines, voire des milliers, d’infractions individuelles. La poursuite de telles infractions peut se révéler malcommode ou difficile. Le recours à des chefs d’inculpation les plus représentatifs peut avoir des con- séquences néfastes sur les procédures de confiscation connexes. Pour plus d’informations sur le recours aux chefs d’inculpation représentatifs, voir la sec- tion 6.2.2 au chapitre VI. Pour de plus amples explications sur ces infractions, voir l’annexe A. 46  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Une analyse des difficultés propres aux différentes infractions devrait être effectuée au cas par cas. A titre d’exemple, l’enrichissement illicite peut se révéler plus facile à prou- ver que la corruption en l’absence de preuves écrites des pots-de-vin versés et d’une entente au cours de l’enquête préliminaire58. D’un autre côté, si les praticiens mettent à jour de telles preuves, la corruption devient l’infraction la plus aisée à établir – particu- lièrement du fait que l’enrichissement illicite requiert encore des autorités de poursuites qu’elle réunissent des informations sur le niveau de vie et les avoirs de l’accusé. 2.8.3  Incapacité à obtenir une condamnation Dans la plupart des pays, il est impossible de juger une affaire pénale en l’absence de l’accusé, par exemple si ce dernier a fui ou est décédé. Dans quelques systèmes juri- diques civilistes, il peut s’avérer possible d’aller tout de même au procès pénal in absten- tia si la personne est en fuite. Néanmoins, les condamnations dans ces affaires peuvent ne pas avoir valeur définitive parce que les droits de la défense exigent que la décision prise par le tribunal puisse faire l’objet d’un appel du fugitif lorsqu’il ou elle est appré- hendé. De plus, certaines lois de confiscation incorporent des dispositions visant les fugitifs qui permettent à la loi de continuer à s’appliquer, même dans l’hypothèse d’une fuite ou d’un décès du défendeur. Si le défendeur est un fugitif, les autorités doivent envisager d’obtenir son extradition dans le contexte des conventions multilatérales et bilatérales, ou de la loi en vigueur dans l’Etat dans lequel le fugitif s’est réfugié (ou des deux). L’extradition peut être un processus long et frustrant qui implique de multiples décisions de justice et possibilités d’appel auprès des plus hautes juridictions. De surcroît, si certaines des infractions pénales qui forment la base de la demande sont rejetées par le pays extradant, le prin- cipe de spécialité contraint le pays requérant à mettre un terme à l’enquête ou aux pour- suites visant ces infractions. Les alternatives incluent le dépôt d’une plainte auprès des autorités étrangères (en vue d’une confiscation pénale ou ACP dans l’Etat étranger) ou l’initiation d’une procédure nationale de confiscation ACP. Si le défendeur est mort, les autorités peuvent envisager une action civile individuelle portant sur la succession du défunt (devant des tribunaux nationaux ou étrangers), ou une confiscation ACP natio- nale ou étrangère. Les autorités peuvent ne pas disposer de suffisamment de preuves pour satisfaire au standard de preuve requis pour l’obtention d’une condamnation. Dans ces cas-là, les praticiens doivent déterminer s’il peut exister suffisamment de preuves pour entamer une action civile individuelle ou une confiscation ACP (voir section 2.6.5 ci-dessus sur la question des standards de preuve). 58. Remarquons que les poursuites pour enrichissement illicite peuvent causer des difficultés eu égard à la satisfaction à l’exigence de double incrimination pour les DEJ dans certaines juridictions. Voir section 7.4.2 au chapitre VII pour plus d’informations. Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs  I  47 2.9  Mettre en place un système de suivi du dossier De manière à accroître l’efficacité, la rigueur et la transparence, il est important que les politiques et procédures adéquates soient en place pour garantir que les accusés seront mis en examen de façon appropriée, que les preuves seront réunies correctement, trans- mises par les forces de police aux autorités de poursuite puis aux tribunaux, et que les droits fondamentaux du contrevenant seront respectés. Le non-respect de l’impératif de confidentialité ou des droits de la défense peut conduire à la nullité de la procédure nationale, à une perte de crédibilité et à une incapacité d’obtenir une coopération inter- nationale de la part de juridictions étrangères. Certains exemples de procédures et poli- tiques importantes sont discutés ci-après. 2.9.1  Planification stratégique et leadership Là où les stratégies doivent être définies dès le début du dossier, les autorités devront faire en sorte que la prise de décision demeure un processus continu et fluide. Des dif- ficultés qui n’avaient pas été anticipées ou des obstacles nouveaux peuvent surgir à tout moment pendant la démarche de recouvrement et sont susceptibles d’exiger de nou- velles méthodes d’enquête ou l’exploration d’autres voies de droit. Pour garantir une flexibilité maximale, de fréquentes évaluations de l’état du dossier devront réunir déci- deurs politiques, représentants des forces de police et des autorités de poursuite, magis- trats instructeurs, gestionnaires d’avoirs et représentants des autres agences impliquées. Ces réunions doivent se baser sur des enregistrements et rapports précis, mis à jour et détaillés des décisions récentes et de leurs motivations ; le temps nécessaire doit être alloué à l’anticipation de potentiels obstacles ou opportunités. De nombreux pays trouvent utile de nommer un responsable de dossier – une personne affectée à la coor- dination des réunions, à la prise finale de décision, à l’acquisition des ressources, etc. 2.9.2  Calendrier et coordination Le dossier doit être planifié de manière à garantir que les mesures d’enquêtes et les DEJ sont coordonnées avec les mesures provisoires et les arrestations, de manière à prévenir la dissipation ou le transfert des avoirs, ainsi que la fuite d’un suspect. Lorsque les avoirs vont être saisis, les questions relatives à leur gestion doivent être prises en compte dans le cadre du processus de planification. Des mécanismes doivent également être mis en place pour garantir la sécurité des témoins-clés, des policiers, des avocats ou des juges impliqués dans des dossiers sensibles. Cette coordination est tout particulièrement importante lors de la phase initiale de l’enquête lorsque la collecte des informations de base, les demandes de documents, les auditions de témoins et les demandes d’entraide judiciaire sont susceptibles d’alerter des cibles potentielles et de leur donner la possibi- lité de détruire ou de dissimuler des preuves écrites, de suborner des témoins-clés, de déplacer ou de dissimuler des avoirs, de renforcer leurs appuis politiques, et de se réfu- gier dans des pays étrangers. 48  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Ce risque doit être évalué de manière continue, et minimisé au moyen d’un choix minu- tieux de techniques discrètes lors des premières phases de l’enquête – par exemple, une surveillance physique et électronique, une fouille du courrier et des poubelles, ou le recours à des informateurs. Lorsque des techniques plus directes sont nécessaires (comme des perquisitions de domiciles ou d’entreprises, des décisions de saisie ou des injonctions de communication de documents, ou des auditions de cibles et de témoins), il sera important d’envisager de coordonner ces activités avec le calendrier des arresta- tions et du contrôle ou de la saisie des avoirs. Pour plus d’informations sur ces ques- tions, voir les sections 3.3 (mesures d’enquête), 3.1 et 4.3 (planifier les mesures provi- soires), 4.2.2 et chapitre V (gestion d’avoirs). 2.9.3  Organisation des données et production des rapports Les données doivent être organisées de façon a s’assurer que les échéances du dossier seront tenues : par exemple, les chefs d’accusation sont formulés en tenant compte de la période de prescription et des possibilités d’extension des mesures provisoires, les cibles sont mises en détention provisoire, ou les autres mesures temporaires sont en place. Le dossier doit inclure les avoirs ciblés par la mesure de recouvrement, des graphiques détaillant les flux financiers, des explications sur le calcul des produits du crime (déve- loppées en accord avec les lois nationales), le casier judiciaire des cibles, et des synthèses des différentes preuves documentaires ou tirées de témoignages. Les preuves doivent être numérotées, enregistrées et stockées dans un emplacement sécurisé, avec les traces de la chaine de possession entre saisie et stockage. Bien que ces modalités soient très coûteuses en temps et puissent sembler ralentir le développement du dossier, elles sont nécessaires pour garantir l’intégrité des preuves ou de la chaîne de possession. La rédaction d’un rapport est un aspect important du travail d’enquêteur pénal qui, souvent, se voit attribué une priorité faible quand il n’est pas tout simplement ignoré. Dans les enquêtes portant sur le recouvrement d’avoirs, pourtant, la rédaction d’un rapport prend une importance d’autant plus grande que l’enquête peut être longue, complexe et impliquer plusieurs juridictions. Des rapports précis, datés et concis aideront, par exemple, à la formulation des données sous-jacentes nécessaires à la satis- faction des critères requis pour une DEJ destinée a obtenir des preuves. Il est impératif que les praticiens documentent leurs découvertes périodiquement et ce tout au long de l’enquête, ainsi qu’après chaque événement significatif. Ces rapports doivent être rédi- gés de manière claire et concise, de préférence le jour même où est survenu l’évènement qu’ils décrivent ; ils doivent également inclure tous les événements et toutes les infor- mations pertinentes. Ils doivent faire l’objet de l’évaluation et de l’approbation d’un superviseur aussi vite que possible. Considérations sur les Stratégies utilisables dans une Procédure de Recouvrement d’Avoirs  I  49 2.9.4  Le traitement des demandes médiatiques Les dossiers de corruption, en particulier ceux impliquant des agents publics de haut rang, sont susceptibles d’engendrer un intérêt substantiel de la part des médias. Les praticiens doivent se préparer à gérer leurs demandes, sans quoi la divulgation acciden- telle d’informations confidentielles aura probablement des conséquences désastreuses pour le dossier. Dans la plupart des pays, la responsabilité de communiquer avec les médias échoit au Procureur général ou au directeur de l’agence gouvernementale appropriée (par exemple, à des responsables des relations publiques, ou au ministère de la justice). Typiquement, un haut-responsable du bureau local ou, pour de gros dossiers, un membre haut-placé de l’équipe est choisi comme responsable des contacts avec les médias. Ces professionnels doivent être adéquatement formés et préparés aux procé- dures applicables, telles que les moyens de communication médiatique via des commu- niqués de presse ou des conférences, aux types d’information susceptibles d’êtres divul- guées dans le cadre d’une enquête en cours, et à la coordination avec des homologues nationaux sur des questions d’importance nationale ou régionale. Dans certains cas, les praticiens ont trouvé utile de désigner un point de contact dédié à l’information sur la procédure (non-substantive) – un individu capable d’expliquer comment fonctionne le système judiciaire. In fine, il convient de prendre grand soin d’éviter toute déclaration qui pourrait nuire à une procédure judiciaire contre une cible. 50  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 3.  La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs L’un des principaux défis à relever dans un dossier de recouvrement d’avoirs illicites est d’apporter les preuves reliant les avoirs aux activités criminelles (confiscation basée sur la propriété), ou de prouver que ces avoirs constituent un gain résultant d’une infrac- tion commise par le suspect (confiscation en valeur)59. Pour établir ce lien (que l’on appelle également le « nexus » ou la « trace écrite »), les praticiens doivent identifier et tracer les avoirs, ou « suivre l’argent », jusqu’à ce que le lien avec l’infraction ou la loca- lisation des avoirs puisse être déterminé. Cependant, les avoirs sont souvent déplacés de par le monde au moyen de montages impliquant des paradis fiscaux, des sociétés-écrans (ou tout autre structure juridique similaire), ainsi que toute une gamme de transactions financières qui n’ont d’autre but que de blanchir les fonds et de dissimuler cette trace. De plus, les dossiers de recouvre- ment impliquent très souvent un examen minutieux des pièces ; ce qui est tout à la fois long et complexe, et requiert plusieurs types de compétences. Ces compétences incluent la capacité à comprendre quelles informations peuvent être obtenues auprès des insti- tutions financières ; à obtenir les informations pertinentes via les techniques d’enquête traditionnelles  ; à analyser des documents bancaires, des bilans commerciaux, des documents financiers et des contrats ; à lever le « voile social» de manière à déterminer les bénéficiaires effectifs ; à faire corroborer les éléments ainsi obtenus par l’audition de témoins ou de suspects ; à coordonner l’ensemble avec les autorités étrangères ; et enfin, à organiser les informations obtenues de manière complète et cohérente60. L’objectif de ce chapitre est de présenter certaines des techniques que les praticiens peuvent utiliser pour tracer les avoirs et analyser les données financières, ainsi que pour obtenir des preuves admissibles et fiables dans les dossiers de confiscation d’avoirs. Les techniques discutées peuvent aussi s’avérer utiles dans la collecte des preuves néces- saires à l’établissement des éléments constitutifs des infractions visées par l’enquête. 59. Pour une discussion sur les systèmes de confiscation basés sur la propriété et sur la valeur, voir le cha- pitre VI. 60. Certaines juridictions ont créé des unités d'enquête spécialisées qui tracent les avoirs pendant que d'autres enquêteurs se concentrent sur la collecte des preuves des infractions ou des comportements illi- cites. Ces groupes travaillent généralement en étroite collaboration, et l'unité traçant les avoirs n'agit que dans la mesure où de telles actions ne compromettent pas l'enquête pénale. 3.1  La conception d’un plan et autres considérations importantes L’expérience a montré qu’il était important de « tracer » les avoirs à un stade précoce de l’enquête portant sur les infractions de corruption, blanchiment et autres. Etablir un cadre ou un plan d’enquête constitue donc un premier pas important dans le processus de traçage. La technique d’approche va dépendre le plus souvent des indices laissant présumer la commission d’infractions de corruption et/ou de blanchiment d’argent. Pour la corrup- tion, les officiers de police judiciaire enquêtent sur les faits de corruption puis suivent la trace de l’argent de manière à identifier et recouvrer les produits et instruments de l’infraction. En matière de blanchiment d’argent, les praticiens commencent par analy- ser les transactions financières de façon à les relier à des faits de corruption ou à d’autres infractions. Le raisonnement consiste à identifier en premier lieu les individus, les sociétés et les avoirs impliqués dans le dossier puis à étudier les connections existants entre eux ainsi qu’à analyser leurs avoirs et flux financiers. Particulièrement dans le cadre de dossiers d’envergure impliquant une activité signifi- cative et de vastes quantités de documents, les praticiens trouveront utile de définir les priorités et de se concentrer sur des types spécifiques de documents ou de comptes, ou sur une période de temps donnée. Par exemple, l’obtention et l’analyse de documents bancaires pouvant être interprétés et recensés facilement est extrêmement utile pour les dossiers de blanchiment dans lesquels les praticiens doivent montrer les liens existant entre des individus et des sociétés, ainsi que comprendre comment l’argent circule. Toutefois, dans le cas d’individus vivant de pots-de-vin, les preuves les plus importantes peuvent provenir des témoignages d’associés, d’employés et de voisins  ; des titres de propriété ; et des relevés fiscaux. Il existe aussi quelques considérations importantes à garder à l’esprit pour la planifica- tion et la conduite d’une enquête portant sur le recouvrement d’avoirs. D’abord, lorsque l’on trace les avoirs à l’intérieur du secteur financier, il est important de garder en mémoire que les produits de la corruption peuvent se trouver mêlés à d’autres avoirs qui ne sont pas liés à l’infraction, qu’ils peuvent être transformés, et sont susceptibles de circuler par des canaux variés. Même si de tels produits changent de forme (par exemple, 1 million de dollars (USD) sont déposés sur un compte et une partie en est ensuite transférée vers différents comptes bancaires ou employée pour l’achat de biens), ils peuvent tout de même faire l’objet d’une confiscation61. 61. A cet égard, il est important que les juridictions aient adopté une définition assez large des termes « avoirs », « propriété » et « produits d'un crime » situés dans leurs législations. Voir la Convention des Nations Unies contre la corruption (UNCAC), art. 2(d) ; et section 6.2.1 du chapitre VI pour une discussion sur les avoirs mélangés. 52  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Ensuite, l’expérience a montré qu’un agent public corrompu ne possède pas d’avoirs ou de comptes bancaires en son nom propre. Les avoirs sont plutôt détenus par d’autres individus ou des sociétés de manière à dissimuler le rôle de bénéficiaire de l’agent public la personne physique qui possède ou contrôle, in fine, les avoirs ou comptes bancaires. Il sera important que les praticiens examinent les avoirs et comptes bancaires des per- sonnes potentiellement impliquées, y compris : •  Les membres de la famille, associés ou proches collaborateurs ; •  Les intermédiaires ou « hommes de paille » - individus participant volontaire- ment ou non à la protection de l’agent public corrompu en détenant un avoir ou en ouvrant ou gérant un compte, souvent contre une petite rémunération ; et •  Les structures juridiques telles que les sociétés anonymes, trusts, sociétés en commandite par actions et fondations. Pour une liste descriptive de ces différen- tes constructions juridiques, voir l’annexe B62. Dans l’hypothèse où des avoirs sont détenus par des institutions financières, certaines d’entre elles seront à même de fournir le nom de la personne physique bénéficiaire du compte63. Néanmoins, toutes les banques n’obtiendront pas ces informations, en parti- culier quand une chaîne de personnes morales est utilisée pour dissimuler le bénéfi- ciaire effectif. Elles peuvent identifier des actionnaires ou d’autres parties impliquées ; mais ces dernières peuvent ne pas être les bénéficiaires effectifs. Même lorsque un béné- ficiaire est identifié par la personne ayant ouvert le compte, cela peut n’être que le résul- tat d’un faux témoignage qui a pour seul but de dissimuler l’intervention de l’agent public corrompu. Compte tenu de ces limites – et du fait que de nombreux autres avoirs ne font mention d’aucune information concernant les bénéficiaires – les praticiens devront faire en sorte que l’enquête détermine explicitement les avoirs et sociétés dont les suspects sont les bénéficiaires. 62. Le programme Stolen Assets Revovery (StAR) élabore une étude sur l'utilisation frauduleuse de socié- tés-écrans dans les dossiers de grande corruption (à la fois pour la perpétration des infractions de corrup- tion et pour le blanchiment des produits) de manière à aider les dirigeants à concevoir des politiques nationales appropriées. Cette étude devrait être publiée début 2011. Elle sera disponible à l'adresse : http:// www.worldbank.org/star. 63. La communauté internationale a adopté des standards requérant des institutions financiers qu'elles appliquent des mesures de vigilance permettant d'identifier leurs clients et autres bénéficiaires, d'obtenir des informations sur la nature de leurs relations commerciales, et de faire preuve d'une vigilance accrue à l'égard des Personnes Politiquement Exposées (PEPs) – agents publics de haut rang, leurs familles et leurs proches associés. Voir UNCAC, art. 52 ; et les recommandations 5 et 6 des 40+9 Recommandations du GAFI. Malheureusement, ces standards ne sont pas toujours effectivement mis en place. Voir Theodore S. Greenberg, Larissa Gray, Delphine Schantz, Carolin Gardner, and Michael Lathem, Politically Exposed Persons: Preventive Measures for the Banking Sector (Washington, DC; World Bank, 2010, 7, 13.) La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  53 Enfin, les praticiens doivent évaluer continuellement la possibilité et l’utilité pratique de mesures provisoires destinées à saisir ou contrôler les avoirs découverts dans le cadre des opérations de traçage. Dans certains cas, ils peuvent décider de garder un compte ouvert et d’en surveiller l’activité de façon à mettre à jour de nouveaux mouvements suspects. Pour autant, lorsqu’il existe un risque que le suspect soit informé de la procé- dure en cours et soit donc tenté de déplacer ou faire disparaître les avoirs, la mise en œuvre de mesures provisoires doit être envisagée. Pour une discussion portant sur les mesures provisoires, voir le chapitre IV. 3.2  Créer un profil individuel Dans toute enquête, il est essentiel que les praticiens réunissent et enregistrent l’en- semble des informations de base liées aux cibles de l’enquête. Les praticiens devront réunir et enregistrer les informations qui identifient pleinement les suspects, ainsi que relever les pseudonymes utilisés par ces derniers. De manière à simplifier le référence- ment, toutes ces informations doivent être organisées de manière ordonnée à l’intérieur du dossier. L’encart 3.1 fournit une check-list des informations pertinentes que le prati- cien doit s’efforcer de réunir au cours des premières phases de l’enquête. 3.3  Obtenir les données financières et autres preuves A mesure que les suspects sont identifiés, les praticiens devront obtenir des informa- tions et données financières et s’assurer que des preuves fiables et admissibles sont réu- nies dans la perspective du procès. En fonction de la stratégie d’enquête, les données financières peuvent inclure tous les avoirs et dettes, ainsi que toutes les recettes et dépenses des suspects et de leurs entreprises. D’autres documents et pistes devront être obtenus auprès de sources diverses, comme Internet et les autres sources consultables publiquement ; auprès d’agences gouvernementales ; d’institutions financières, dont les e-banques ; des fournisseurs de services financiers ; des sociétés de conseil juridique et comptable  ; des trusts et fournisseurs de services aux sociétés et fiducies  ; d’agents immobiliers  ; de marchands d’art  ; de sociétés concurrentes  ; de voyagistes et autres programmes de fidélité ; d’entreprises, proches, employés et associés des suspects ; et des suspects eux-mêmes. 54  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ENCART 3.1 Check-list pour la compilation des informations de base Les praticiens devraient réunir et organiser les informations suivantes au cours des premières phases d’une enquête : •  Date et lieu de naissance (inclure les pseudonymes) ; copies des certificats de naissance, passeports et cartes nationales d’identité. •  Noms et dates de naissance des conjoints, enfants, des deux parents (et des nouveaux compagnons en cas de divorce, séparation ou décès), frères et sœurs, conjoints des frères et sœurs, membres de la famille proche (oncles, tantes, cousins, grands-parents, petits-enfants). •  Numéros de téléphone pertinents (professionnels, personnels, cellulaires), adresses e-mail, et détails concernant tout autre réseau social ou numéri- que. Dans certains pays il peut être possible d’obtenir les informations con- cernant l’abonné auprès du prestataire d’accès. •  Photographies récentes de tous les suspects et de leurs associés (de pré- férence figurant sur des documents officiels). •  Empreintes digitales •  Extrait de casier judiciaire. •  Résultats d’une recherche menée sur les suspects et leurs associés au moyen de sources publiques, via les moteurs de recherche sur Internet, les sites de réseaux sociaux, les médias locaux et les bibliothèques. •  Toutes informations provenant d’autres administrations (voir section 3.3.2 de ce chapitre), en particulier  °  La propriété foncière, les véhicules, et l’accès aux services publics (NDT : électricité, eau…) ; °  Les données commerciales (bilans commerciaux ?) ; °  Les données judiciaires (décisions de justice) ; °  Les relevés fiscaux ; °  Les passages de frontières et déclarations douanières ; °  Les données migratoires ; °  Les bulletins de salaires (provenant d’un employeur public pertinent, le cas échéant) ; et °  Les déclarations de patrimoine et de revenu. •  Registres immobiliers, incluant les contrats d’achat, hypothèques, demandes de prêt et estimations sur la valeur. •  Toutes informations identifiant les banques ou comptes bancaires et autres entités susceptibles de renfermer des informations financières. Envisager des mesures de gel (voir également encart 3.6) La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  55 Plusieurs techniques d’enquête (décrites plus bas) sont mises à contribution pour aider les praticiens dans ces efforts64. Les techniques proposées constituent des exemples de celles utilisés à travers le monde, mais toutes les techniques ne sont pas disponibles ou permises dans tous les systèmes judiciaires. De surcroît, les systèmes judiciaires différe- ront quant aux techniques requérant une autorisation judiciaire ou une procédure spé- ciale (typiquement pour des mesures coercitives, comme les mandats de perquisition, l’obtention d’informations bancaires et la surveillance électronique) ou non (mesures non-coercitives telles que l’obtention d’informations disponibles publiquement et le renseignement émanant d’autres administrations). Il est impératif que les praticiens déterminent quelles techniques sont autorisées par la loi et s’assurent que toutes les obligations légales, protocoles et procédures sont respectés. Le respect des droits fondamentaux et tout particulièrement ceux de la défense est également essentiel, en particulier si une coopération internationale est recherchée. Le fait de s’éloigner des obligations légales, protocoles et procédures, ou de violer les droits de la défense, peut se révéler catastrophique pour un dossier : cela peut conduire à l’invalidation ou l’inadmissibilité des preuves découvertes au moyen de telles techniques – et potentiellement de l’ensemble de l’enquête. Dans les dossiers nécessitant une coopération internationale, de nombreuses Etats refuse- ront de fournir une entraide judiciaire (DEJ) si ils considèrent que les droits de la défense n’ont pas été respectés (voir section 7.4.4 du chapitre VII). Pour plus d’in- formations concernant ces droits fondamentaux, voir le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques, et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Eu égard au choix d’une technique en particulier, une telle décision doit être prise à la lumière du plan ou cadre global de l’enquête. Typiquement, le praticien devrait utiliser les techniques d’enquête les plus basiques et les moins intrusives (par exemple, de simples vérifications de données) avant de mettre en œuvre des techniques plus com- plexes (comme des écoutes). Dans le même ordre d’idée, les praticiens devraient d’abord déployer les techniques d’enquête discrètes (surveillance, recherche d’informations publiques, informations provenant d’autres agences gouvernementales, et fouilles de poubelles) avant de passer à des techniques ouvertes (mandats de perquisition) de façon à éviter d’alerter les suspects. Les praticiens doivent également garder à l’esprit le fait que le recours à une technique peut conduire à des pistes ou informations qui for- meront le socle d’un recours à des mesures additionnelles. Une fouille de poubelles ou une perquisition d’un commerce ou d’un domicile peuvent mettre à jour des docu- ments reliant les suspects à des comptes bancaires ; ces éléments peuvent à leur tour être utilisés pour motiver une décision de justice subséquente ordonnant la production de documents bancaires au motif que les documents établissent un lien entre les suspects et les comptes bancaires. La surveillance physique peut révéler l’existence potentielle d’un intermédiaire pouvant faire l’objet d’une enquête ; et des documents obtenus au 64. Cette section ne prétend pas expliquer comment utiliser ces différences de manière exhaustive. Des méthodes détaillées peuvent être disponibles en ligne et via des sources publiques telles que les bibliothèques et librairies. De plus, de nombreuses agences – nationales et étrangères – disposent de guides sur-mesure qu'elles partagent volontiers. 56  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis moyen d’une injonction de communiquer à l’endroit d’une banque peuvent révéler les noms d’agents bancaires ou d’individus impliqués dans une transaction et susceptibles de fournir des pistes supplémentaires en cas d’audition. Pour un exemple de la manière dont peuvent être utilisées, en pratique, les techniques d’enquête, voir l’encart 3.2. 3.3.1  Retour aux fondamentaux Une technique à utiliser dès l’origine consiste à poser les cinq questions traditionnelles : qui ; quoi, où, quand et comment (voir figure 3.1). Bien que les dossiers de recouvre- ment d’avoirs soient souvent particulièrement complexes, différant ainsi des enquêtes traditionnellement menées par les services de police et de justice, les techniques utili- sées pour boucler un dossier de fraude peuvent également aider à démêler l’écheveau d’un dossier complexe d’avoirs volés. Tracer et recouvrer des avoirs – Efforts menés au ENCART 3.2 Royaume Uni Les autorités de poursuite britanniques apprennent l’existence d’allégations de corruption et de détournements de biens publics concernant l’ancien gouverneur de l’Etat du Plateau (Nigéria) Joshua Dariye, et suspectent que les avoirs con- cernés pourraient être localisés au Royaume-Uni. Au moyen des techniques d’enquête suivantes, ils vont « tracer » les avoirs et les relier à l’infraction : 1. Technique. Les enquêteurs effectuent une recherche d’informations pu- bliques sur Dariye au Royaume-Uni (via les registres de propriété, d’immatriculation de véhicule et des sociétés) ; et font effectuer des recherches au sujet de Dariye par d’autres agences gouvernementales, dont la FIU (Cellule de Renseignement Financier). Résultat. Aucun lien avec Dariye n’est établi. 2. Technique. Les enquêteurs identifient les associés et membres de la famille de Dariye et recherchent un lien avec le Royaume-Uni. Résultat. Les enquêteurs découvrent que les enfants de Dariye son- tinscrits dans les écoles privées situées au Royaume-Uni. 3. Technique. Les enquêteurs formulent une demande d’information auprès de la banque idoine (en vertu des prérogatives des enquêteurs financiers). Résultat. L’enquête révèle que Dariye utilisait un compte Barclaycard, et que le compte était alimenté chaque mois depuis le compte bancaire de Joyce Oyebanjo. Oyebanjo était de facto le banquier de Dariye au Royaume-Uni et y payait ses dépenses, y compris les frais de scolarité de ses deux enfants. (a continué) La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  57 encart 3.2 (a continué) 4. Technique. Les enquêteurs obtiennent une injonction de communiquer de manière à avoir accès aux fichiers de l’école. Résultat. Les enquêteurs confirment que les frais de scolarité étaient payés par Joyce Oyebanjo. 5. Technique. Les enquêteurs effectuent des recherches d’informations pu- bliques ou détenues par d’autres agences gouvernementales au sujet d’Oyebanjo. Ils obtiennent également une injonction de communiquer portant sur son compte bancaire. Résultat. Oyebanjo, employée au Royaume-Uni comme agent des ser- vices du logement, se révèle posséder 15 comptes bancaires pour un total d’environ 1.5 million de Livres Sterling (M GBP) (environ 2.3 USD), et pour 2 millions de Livres (environ 3.1 USD) en biens immobiliers. De plus, elle assurait la gestion d’une des propriétés de Dariye sur Regent’s Park Plaza, un bien acquis sous le nom de « Joseph Dagwan » et payé par le Fond Ecologique de l’Etat du Plateau via de multiples sociétés. 6. Technique. Les enquêteurs effectuent des vérifications portant sur des références en matière de crédit qui révèlent l’existence de comptes ban- caires utilisés par les suspects. Les avoirs sont tracés depuis un compte bancaire vers d’autres comptes, vers des biens immobiliers et des véhi- cules. Des mandats de production et de perquisition permettent d’obtenir des informations supplémentaires ainsi qu’à tracer les avoirs. Résultat. Les enquêteurs découvrent que Dariye possédait un compte bancaire portant mention d’une adresse particulière à Londres. Un examen des comptes bancaires de Dariye et d’Oyebanjo révèle des dépôts massifs effectués électroniquement depuis plusieurs banques au Nigéria. 7. Technique. Les enquêteurs utilisent une injonction de communiquer de manière à obtenir les données concernant le notaire associé à l’adresse londonienne. Résultat. Les données démontrent que le bien immobilier avait été acquis sous un faux nom et payé à partir du compte bancaire d’une société nigé- riane basée à Londres. 8. Technique. Un courrier de demande d’entraide judiciaire est envoyé au Nigéria dans le but de déterminer l’origine des fonds reçus. Résultat. Il est établi que l’argent d’une subvention consentie à Dariye pour un projet écologique avait été détourné et dissimulé sur le compte (a continué) 58  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis encart 3.2 (a continué) bancaire de sa propre société, et ce avec l’aide de la banque. Les fonds avaient été détournés vers une société et son compte bancaire associé créé au Nigéria par Dariye, puis transférés vers Londres pour son usage personnel. La société nigériane qui avait acheté la propriété londonienne se trouvait elle aussi mêlée au détournement de la subvention écologique du fait qu’elle avait reçu 100 millions de Livres (environ 157 USD) provenant des fonds volés. La société avait payé 400.000 Livres (environ 626.800 USD) pour la propriété londonienne après que Dariye eut autorisé un con- trat avec le gouvernement de l’Etat du Plateau portant sur l’installation d’équipements de télévision dans l’Etat pour un montant de 37 millions de Livres (environ 58 USD). Cet exemple montre qu’ il est impératif que les praticiens « connaissent leur sujet » et identifient l’ensemble des proches, associés et autres personnes sus- ceptibles d’aider un suspect à détourner des fonds et à les transférer vers un autre pays. Les praticiens devront recourir à l’ensemble des techniques dis- ponibles (par exemple, l’assistance d’autres agences gouvernementales, l’usage de sources publiques, et des mesures coercitives), ce d’autant plus qu’ils ne peuvent savoir d’où viendra la prochaine piste. ILLUSTRATION 3.1 Les Cinq Questions à poser dans toute enquête QUI? OÙ QUOI Qui a volé l’argent ? Où s’est produit le vol ? Qui était impliqué Qu’est-ce qui Vers où en est parti (complices) ? a été volé ? le produit ? COMMENT QUAND Combien a été volé ? Comment les avoirs Quand se sont produits ont-ils été volés ? les faits ? Comment ont-ils été transférés ? Comment les récupérer ? Source : Illustration des auteurs La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  59 3.3.2  Les informations provenant de sources publiques et d’autres agences gouvernementales Les informations provenant de sources publiques et d’autres agences gouvernementales peuvent fournir des données contextuelles précieuses sur les suspects, les membres de leurs familles, leurs associés et leurs sociétés ; elles peuvent aussi aider à l’identification des avoirs et de potentiels témoins, et à compiler le profil du sujet (voir section 3.2), notamment son profil financier (voir section 3.5). Les informations publiques peuvent êtres trouvées sur internet, par le biais de moteurs de recherche et de sites de réseaux sociaux (ainsi que leurs archives), auprès de sites internet ou bases de données payants, de médias, de bibliothèques, ainsi qu’auprès de certaines administrations. Voir l’annexe J pour une liste de certains de ces sites. Les praticiens peuvent envisager un abonnement à certains fournisseurs de bases de don- nées qui recèlent des informations pertinentes. Les données provenant d’autres agences gouvernementales (figure 3.2) devraient égale- ment être étudiées, notamment les services suivants : •  Cellules de Renseignement Financier (CRF). La CRF est une source importante de renseignement financier du fait de son rôle de centre national de collecte, d’analyse et de diffusion des informations concernant le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Voir l’encart 2.1 au chapitre II pour une description de la manière dont les CRFs peuvent se révéler être des sources importantes pour l’ouverture et le déroulement d’une enquête dans un dossier de recouvrement d’avoirs65. Typiquement, les CRFs collectent les déclarations de transactions et d’opérations suspectes (DOS) auprès des institutions financières, et il est souvent utile de consulter ces rapports. Certaines CRFs enregistrent également les décla- rations de transactions monétaires (DTMs), que l’on nomme parfois « déclara- tions de transactions excédant un certain montant. » La plupart des CRFs condui- ront une analyse de toutes les DTS qui leur sont soumises (on parle alors de «  rapport de renseignement  »), une démarche qui peut inclure une évaluation détaillée des individus et / ou sociétés liés à la DTS. Voir l’exemple de rapport de CRF à l’annexe C. Les données recueillies sont également partagées entre CRFs par l’entremise du Groupe Egmont. Toutes ces sources peuvent fournir du ren- seignement précieux dans la cadre de la reconstitution de la trace papier. 65. Pour de plus amples informations sur les CRFs, voir Fonds Monétaire International / Banque Mondiale, Financial Intelligence Units : An Overview (Washington, D.C, 2004). 60  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ILLUSTRATION 3.2 Informations préliminaires disponibles auprès d’autres agences gouvernementales Informations provenant des Informations douanes et des provenant des services Formulaires services publics migratoires de déclaration (eau, gaz, douanière électricité) Rapports Résultats émanant de d’audits cellules de publics renseignement Financier Information provenant d’agences Déclarations gouvernementales Données de patrimoine et registres et de revenus fiscaux Registres Données cadastraux, commerciales services des et registres immatriculations des sociétés Archives Etat-civil judiciaires Source : Illustration des auteurs Lorsque cela est possible66, les praticiens déposant une requête auprès d’une CRF doivent inclure les éléments suivants : –  Toute DTS ou DTM faite au sujet des cibles de l’enquête ; –  Toute DTS ou DTM faite au sujet d’une société liée aux suspects ; –  Toute DTS ou DTM faite au sujet d’associés ou de proches des suspects ; –  Tous rapports de renseignement sur de possibles infractions pénales (cer- taines CRFs ne sont pas autorisées à fournir les informations en l’absence d’une DTS). 66. Dans certaines juridictions, la CRF n'est pas autorisée à fournir une copie d'une déclaration de transaction suspecte ou d'une déclaration de transaction monétaire aux services de police. Dans ces cas-là, le rapport de renseignement (s'il a été produit) est généralement disponible sur demande et contient pour l'essentiel les mêmes informations. La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  61 •  Autorités migratoires et frontalières. Obtenir les copies des formulaires ou de tout document pertinent établissant les passages des suspects aux frontières. •  Douanes. Obtenir les copies de tout formulaire de déclaration à la douane éta- blissant le passage de frontière des suspects. S’il existe une obligation de déclara- tion d’argent liquide, il convient de vérifier si les suspects ont déclaré des devises. •  Autorités fiscales. Obtenir des copies de tous les documents fiscaux concernant les cibles de l’enquête, y compris, au niveau individuel, l’impôt sur le revenu, les taxes foncières et l’impôt sur les sociétés. La perception ou le cadastre peuvent également fournir des informations sur le propriétaire d’un bien, une description légale de la propriété, une déclaration de la valeur du bien et un historique de ses propriétaires. •  Agences d’audit. Les agences d’audit publiques ou gouvernementales (que l’on appelle dans certains Etats « Bureau de l’Inspecteur Général ») sont typiquement mandatées pour fournir une évaluation indépendante et objective du fonctionne- ment du service public auquel elles sont affectées. Elles effectuent des enquêtes, des audits, et mettent en œuvre des projets spéciaux pour détecter la fraude et les fautes graves ; ainsi que pour promouvoir l’intégrité, l’efficience, l’économie des moyens et l’efficacité dans le fonctionnement des services publics. Si la corruption implique un service public, ces agences peuvent disposer d’informations ou de ressources susceptibles d’aider l’enquête. •  Commissions ou bureaux d’éthique ou de déontologie. Ces organismes chargés de la collecte et de l’analyse de déclarations de revenu et de patrimoine, peuvent fournir des copies des déclarations produites par les suspects et leurs proches67. •  Registres des propriétés foncières et des immatriculations de véhicules. Selon le pays, les services d’enregistrement de la ville, du comté ou du département peuvent être à même de fournir les données confirmant la propriété (titres) d’un bien immobilier (mentionnant l’acheteur et le vendeur), les hypothèques sur la propriété, crédits hypothécaires, taxes foncières, déclarations foncières, ventes récentes et permis de construire. Les registres d’immatriculation peuvent fournir des informations et données générales collectées sur un véhicule au moment de son transfert ou de sa vente. •  Registres des sociétés et commissions d’autorisation. Les registres commer- ciaux et commissions de régulation peuvent fournir des informations suscep- tibles d’aider à identifier les avoirs appartenant aux suspects et à leurs associés. Ces données peuvent également identifier de possibles co-auteurs. Certains registres fourniront au praticien des informations concernant la propriété  ; le nom de l’agent d’enregistrement (typiquement un avocat ou un comptable), des actionnaires, dirigeants et bénéficiaires effectifs  ; et les déclarations financières des sociétés concernées. Ce type de recherche devrait être effectué pour tous les types de sociétés – sociétés unipersonnelles, anonymes, à responsabilité limité ou corporations. 67. Pour de plus amples informations sur les déclarations de revenu et de patrimoine, voir Ruxandra Burdescu, Gary J. Reid, Stuart Gilman, et Stéphanie Trapnell, Stolen Asset Recovery – Income and Asset Declarations  : Tools and Trade-offs (Washington, DC  : StAR Initiative, conference edition publiée en novembre 2009.) 62  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis •  Etat civil. Les registres d’état civil peuvent fournir des informations concernant les conjoints passés ou actuels (registres de mariage et de divorce), les frères et sœurs, parents, grands-parents et autres membres de la famille. •  Archives judiciaires. Une vérification des archives judiciaires auprès du greffe peut révéler d’éventuelles mises en cause antérieures des suspects devant les tri- bunaux. Le cas échéant, il convient de prendre connaissance de tout accord à l’amiable, et des retranscriptions de tout témoignage, de toute décision ou peine prononcée, à la recherche d’informations concernant les avoirs ou d’autres élé- ments pertinents. De même, il est utile de vérifier les archives de tribunaux sus- ceptibles de n’être pas reliés aux bases de données des services de police, comme les tribunaux de commerce, les tribunaux civils ou les tribunaux des affaires fami- liales. •  Données concernant l’accès aux services publics. Il convient d’examiner les fac- tures portant sur les services publics et concernant toutes les résidences et socié- tés identifiées (en incluant l’électricité, l’eau, le téléphone, le câble ou le satellite, l’évacuation et le traitement des déchets) de manière à déterminer qui reçoit ces factures, la personne ou entité qui en effectue les paiements, la méthode de paiement utilisée et les informations relatives à l’abonné ou client. Effectuer une recherche générale sur les suspects et leurs associés pour identifier les liens vers d’autres adresses. 3.3.3  La surveillance physique La surveillance physique est l’observation discrète des personnes visées par l’enquête dans le but de réunir des informations à leur sujet. L’enregistrement des déplacements des «  cibles  » d’une enquête peut se révéler utile pour l’identification  : de possibles témoins ; de co-auteurs ; de biens immobiliers ou d’autres avoirs ; d’avocats, banquiers ou comptables éventuellement impliqués dans la facilitation du blanchiment de pro- duits de la corruption  ; de sociétés  ; de comportements  ; ainsi que d’autres types de renseignement qui peuvent se révéler vitaux à l’enquête. Pour autant, la surveillance physique n’est pas dépourvue de risques. Un suspect peut se rendre compte qu’il ou elle est sous surveillance, indépendamment de la qualité et de l’expertise de l’équipe de sur- veillance. Le praticien en charge, en accord avec l’équipe, doit déterminer si les risques sont à la mesure des gains escomptés. Une opération de surveillance réussie requiert les ressources humaines et l’équipement adéquats. Par exemple, des moyens radios et téléphoniques sont importants pour la notification des différents membres de l’équipe au sujet de la localisation et des actions d’un suspect ; et des systèmes d’enregistrement peuvent être utilisées pour enregistrer des événements, ou noter des déplacements ou les autres individus contactés par les suspects. De plus, un praticien expérimenté devrait être choisi pour mettre en place, coordonner et superviser la surveillance. Les chefs d’équipe détermineront la taille des équipes et le format ainsi que la localisation des surveillances ; et ils prépareront des « briefings » préalables à la surveillance de manière à expliquer la mission aux membres de chaque équipe, à assurer fluidité et continuité lors des changements d’équipes, et à conseiller les agents sur les questions de sécurité personnelle. Ils seront responsables de La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  63 la prise des décisions stratégiques, telles que le choix des mesures de surveillance (par exemple stationnaires, mobiles en véhicule, ou mobiles à pied), le fait de suivre ou non d’autres suspects repérés pendant la surveillance, et la production d’un rapport sur les événements significatifs survenus pendant l’opération. Bien que la surveillance soit une technique utile, des considérations de coût peuvent amener à privilégier une approche intermittente tant le coût d’une surveillance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 (« 24/7 »), peut se révéler prohibitif. 3.3.4  Fouilles de poubelles ou « Trash Runs » Effectuer un trash run consiste à fouiller les poubelles du suspect à la recherche d’infor- mations pertinentes, comme des relevés de banque, des noms d’associés, des lettres, factures, billets d’avion ou de train, etc. A leur tour, ces preuves peuvent être utilisées pour l’obtention de mandats de perquisition, en démontrant l’existence d’un lien entre le suspect et d’autres individus ou avoirs. A l’instar d’autres techniques d’enquête, les praticiens devront d’abord déterminer si le trash run est légalement permis, et identifier toute limitation découlant des standards spécifiques de « droit à la vie privée » qu’applique chaque Etat aux containers à déchets68. Lorsqu’il est autorisé, le trash run devrait être effectué dans tous les domiciles et sociétés du suspect. Les praticiens peuvent se concentrer sur les informations bancaires ; sur les factures ; sur tous documents liés à des avoirs financiers ; ou tous documents liés à des sociétés, à d’autres individus, entreprises, avocats, comptables ou cartes de crédit ; et ils devraient s’assurer de garder la trace des preuves réunies (par exemple, la date, l’heure, les agents impliqués, le numéro du document). Les inspections de poubelles devraient être effectuées de façon routinière auprès des membres de la famille, des conjoints, anciens conjoints, associés, avocats, comptables et autres partenaires commerciaux liés aux suspects. 3.3.5  La surveillance postale La surveillance postale désigne le processus consistant à recueillir toutes les informa- tions apparaissant sur l’enveloppe d’un courrier scellé ou non (par exemple, l’adresse de l’expéditeur, la date de réexpédition et le pays d’origine du timbre) ou pour le contenu de tout courrier non-scellé. La surveillance postale peut constituer une excellente source d’informations pouvant mener à la localisation des avoirs. Le courrier reçu d’une banque, d’un cabinet d’avocats, d’une entreprise, ou d’une société d’experts-comptables, par exemple, informe les praticiens de potentielles sources d’information concernant les avoirs détenus par un suspect. 68. Aux Etats-Unis par exemple, la protection de la vie privée ne s'étend pas aux déchets disposés sur le trottoir en vue d'un ramassage par le personnel préposé au ramassage, et les praticiens peuvent donc collecter ces derniers et les inspecter. En revanche, les poubelles jouxtant une maison sont pour leur part protégées, et leur fouille exigera un mandat de perquisition. A l'inverse, les trash runs ne sont pas autorisés en Ukraine. 64  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Lorsqu’elle est admise par la loi la surveillance postale est fréquemment autorisée sans requérir un mandat parce que les destinataires d’une lettre ne peuvent raisonnablement considérer les informations figurant sur l’enveloppe d’une lettre ou d’un colis comme étant privées. La plupart des pays exigent un mandat ou une autre forme d’autorité légale pour l’ouverture et la lecture de lettres et colis scellés. D’un point de vue opéra- tionnel, il sera important pour les praticiens de tenir compte du lien entre le suspect et l’expéditeur de chaque lettre, d’enregistrer de façon précise toute information figurant à l’extérieur d’une enveloppe ou colis, de mentionner la date et l’heure à laquelle la sur- veillance postale a été menée, et de conserver une copie de ces recherches dans le dos- sier. 3.3.6  Les auditions Les auditions sont un élément essentiel de toute enquête, et sont extrêmement impor- tantes dans tout dossier de recouvrement d’avoirs69. Des déclarations peuvent corrobo- rer ou clarifier les informations tirées des preuves documentaires, révéler l’existence de nouvelles pistes, ou identifier de nouveaux documents financiers. Les sources impor- tantes peuvent inclure tout plaignant  ; des partenaires commerciaux, membres de la famille, voisins, employés ou autres associés des suspects ; des sociétés concurrentes ; des employés d’institutions financières et autres sources ayant été en contact avec les suspects ; et les suspects eux-mêmes. Il sera important d’identifier et d’interroger tout homme de paille impliqué dans l’affaire. Ces individus ont généralement pris des risques substantiels pour des gains minimaux, et peuvent préférer informer les autorités au sujet des gens qu’ils protègent plutôt que de se trouver impliqués dans un « système ». Les praticiens devront se familiariser avec les lois régissant l’audition des suspects ou des témoins, en particulier lorsqu’ils travaillent avec les autorités de pays étrangers70. Certains Etats, par exemple, requièrent que toutes les déclarations soient effectuées dans le cadre d’une audition formelle. D’autres permettent une gamme d’options eu égard à l’audition, comme l’interrogation de routine des témoins par la police (sans enregistrement formel ou compte-rendu verbatim), des déclarations écrites, des décla- rations enregistrées sous forme audio ou vidéo assorties d’un avertissement à l’endroit de l’interviewé, ou des déclarations enregistrées sous serment. Une préparation minutieuse est essentielle à la conduite d’une audition réussie, ce qui inclut une compréhension complète de l’ensemble des preuves, des suspects, des asso- ciés, de la chronologie des événements, et de l’information déjà réunie au cours de 69. Certaines juridictions effectuent une distinction entre auditions et interrogatoires, définissant les premières comme le questionnement d'individus qui ne sont pas des cibles de l'enquête et les secondes comme le questionnement des cibles de l'enquête. Dans cette section nous utiliserons le terme « audition » pour désigner les deux formes de questionnement. Les praticiens doivent s'assurer qu'une protection adéquate est fournie aux témoins, experts, victimes, déclencheurs d'alerte et cibles coopérant. Voir par exemple UNCAC art. 32, 33, et 37. 70. Les praticiens doivent s’assurer que les conditions assorties à une audition (par exemple, un avertissement obligatoire adressé à l'interviewé) sont bien transmises aux homologues étrangers, et devraient s'enquérir quant à la possibilité de participer à ces auditions. Pour une discussion sur la coopération avec les praticiens étrangers ou la participation à l'exécution d'une telle requête, voir section 7.4.6 au chapitre VII. La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  65 l’enquête. Un praticien peut préparer des questions couvrant les points concernant les informations qu’il désire obtenir  ; au cours de l’audition, néanmoins, les praticiens doivent savoir se montrer flexibles et se concentrer sur les réponses des suspects, et pas seulement sur les questions prévues71. Parce que les suspects sont susceptibles de tenter de communiquer les uns avec les autres et de se mettre d’accord sur une version com- mune des événements ou influencer la déposition d’un témoin, les praticiens peuvent prendre (ou obtenir des autorités judiciaires qu’elles prennent) les mesures appropriées pour garantir que les suspects seront effectivement empêchées de communiquer les unes avec les autres ou avec des témoins avant les auditions. De plus, le lieu choisi pour l’audition devrait offrir un minimum de distractions, un maximum de discrétion, et susciter le plus efficacement des réponses franches (par exemple, une résidence, un poste de police ou un bureau). Le nombre d’interrogateurs présents devrait, si possible, rester limité à deux. 3.3.7  Les mesures de surveillance bancaire Une décision de surveillance bancaire est une décision ex parte prise par le tribunal (ou le magistrat instructeur dans certains pays) et spécifiant qu’une certaine institution financière doit fournir les informations relatives à un compte bancaire mentionné dans la décision et portant sur une durée spécifiée72. Cette décision permet une surveillance financière en temps réel des transactions effectuées sur le compte que les praticiens peuvent utiliser pour établir une typologie des activités et identifier d’autres comptes bancaires. Cela peut aussi être un moyen d’établir les bases suffisantes pour l’obtention d’une ordonnance de divulgation, ou d’une mesure de contrôle ou de saisie des avoirs73. Dans les cas de gros retraits effectués en liquide, cela peut aussi constituer une occasion de saisir les liquidités parce que les lieux des retraits seront alors connus. 3.3.8  Les mandats de perquisition et de saisie L’exécution d’un mandat de perquisition portant sur un domicile ou une société est une occasion de réunir des preuves d’activités criminelles, de découvrir des informations concernant les avoirs, d’identifier des co-auteurs, et de développer d’autres pistes sus- ceptibles d’enrichir l’enquête74. Dans certains cas ou dans certains pays, cela constituera la technique principale pour l’obtention de documents bancaires. Voir la section 3.3.9 portant sur les ordonnances de divulgation ou de production de documents. 71. A cet égard, les praticiens pourraient trouver plus commode de préparer une liste de thèmes plutôt qu'une liste de questions spécifiques pour guider l'audition. 72. Au Royaume Uni, une telle décision peut être valable pour une durée de 90 jours consécutifs. 73. Typiquement, le standard de preuve ou les autres pré-requis pour l'obtention d'une décision de surveillance bancaire sont moins rigoureux que pour des ordonnances de divulgation, de gel ou de saisie. 74. En plus des domiciles et bureaux, les lieux pouvant être cherchés incluent les banques, les individus, les véhicules, les avions, les navires, les ordinateurs et autres supports électroniques (comme des disques optiques ou des cryptogrammes), et les paquets ou boîtes. 66  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Préparer et obtenir un mandat de perquisition Les systèmes de common law exigeront une demande écrite (sauf dans des circons- tances particulières dans lesquelles l’obtention peut se faire oralement ou par télé- phone). La demande comprendra deux documents : le mandat proprement dit, et un « affidavit » (pour des informations sur la production d’un « affidavit », voir l’encart 4.1 au chapitre IV). Le mandat lui-même précise les détails de la perquisition, c’est-à-dire qui est autorisé à la mener, où elle se déroulera, les dates ou horaires auxquels elle pourra être menée (par exemple, en journée ou de nuit), sa durée, ce qui sera cherché, l’inventaire des objets saisis ; il détaille aussi le rapport subséquent qui devra en être fait au tribunal. La déclaration sous serment étayant le mandat doit expliciter les raisons plausibles de croire ou la « cause probable » que (1) une infraction a été commise, (2) les éléments recherché sont connectés à l’infraction, et (3) les éléments recherchés se trouvent probablement sur les lieux devant être fouillés (voir l’encart 3.3 pour quelques astuces relatives à l’établissement de ces bases). Les juridictions de droit civil requerront des informations similaires, mais générale- ment avec moins de formalités, et avec un standard de preuve qui peut être différent des « raisons raisonnables de croire. » Une déclaration sous serment ne sera pas requise, et les officiers de police judiciaire peuvent être autorisés par un procureur ou un magistrat instructeur à mener « toutes perquisitions utiles à la manifestation de la vérité.75 » ENCART 3.3 Etablir des bases suffisantes pour un mandat de perquisition Les bases suffisantes pour l’obtention d’un mandat de perquisition sont suscep- tibles d’êtres établies à partir de sources multiples, et il importera que les prati- ciens élaborent cela clairement. Ces bases (ou motifs) incluront : •  L’observation directe et l’expertise des officiers de police judiciaire, •  Les témoins coopérant, •  Les informateurs, •  La surveillance physique ou électronique, •  Les informations publiquement disponibles, et •  L’historique du dossier. Les autres points importants à inclure sont les suivants :: •  Des raisons de croire que le suspect puisse détruire les preuves (dans de telles circonstances, s’assurer que le problème est également traité au niveau opérationnel) ; •  Des preuves objectives qu’un suspect s’efforce de faire obstruction à l’enquête ; et •  Des faits établissant que d’autres moyens de réunir les preuves sont indis- ponibles, ont été déployés sans succès, ou pourraient compromettre l’enquête, dévoiler l’identité d’un informateur, mettre en danger un officier de police infiltré, etc. 75. En France et dans d’autres juridictions de droit civil, cette autorisation est souvent appelée une "com- mission rogatoire". La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  67 Le demandeur devra également spécifier les éléments devant être saisis et les lieux devant être fouillés. Dans les juridictions de droit civil, il peut être possible de faire référence à « tous les articles pouvant être connectés au crime commis. » Dans les juri- dictions de common law, le demandeur doit se montrer plus précis. Il ou elle doit expli- quer pourquoi un article devrait être saisi, et se montrer assez précis pour que l’en- semble des articles importants soient inclus (voir encart 3.4). Planification et exécution de la perquisition Sauf circonstances particulières, les praticiens auront la possibilité de planifier l’exécu- tion d’un mandat de perquisition. Ils doivent envisager la possibilité de perquisitionner plusieurs bureaux ou domiciles au même moment, y compris dans des juridictions dif- férentes, de manière à éviter la destruction ou la disparition de preuves. Bien que, dans ce cas, le degré de planification et de coordination exigé soit très élevé, les résultats peuvent se révéler impressionnants. Les praticiens devront aussi tenir compte du type d’expertise requis pour la perquisition. Par exemple, une perquisition peut requérir un spécialiste en informatique légale capable de collecter des données informatiques de manière à éviter leur perte, leur destruction ou leur dégradation ; de les présenter de façon utilisable ; et de s’assurer que les précautions nécessaires seront prises pour pré- server leur admissibilité au procès (peut-être en procédant à une sauvegarde des don- nées de façon à éviter toute accusation de manipulation post-perquisition les concernant)76. Parce que la perquisition alertera probablement le suspect, il est important de prendre les mesures nécessaires pour sécuriser les avoirs qui pourraient ne pas se trouver sur les lieux perquisitionnés, tels que des comptes bancaires, soit à l’avance soit en même temps que la perquisition. Eu égard à la saisie d’avoirs qui seront sujets à confiscation, il est crucial de coordonner la planification avant saisie avec les procureurs et gestionnaires d’avoirs (voir section 4.2 au chapitre IV, sur la planification préalable aux mesures de contrôle des avoirs). L’annexe D fournit une check-list de certaines considérations addi- tionnelles à prendre en compte pour la planification et l’exécution de la perquisition. 76. Il est à noter que les utilisateurs d'ordinateurs mettront en œuvre divers mécanismes pour protéger ou dissimuler leurs données, ou prétendront que leur système est inaccessible par un tiers non-autorisé. Les spécialistes d'informatique légale disposent des outils nécessaires à la préservation des systèmes informatiques, au recouvrement d'informations perdues, à la surveillance des ressources distribuées (cloud, …), etc. Une collecte conforme de l'information recherchée garantira également que cette dernière sera convenablement gérée. 68  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ENCART 3.4 Eléments dont la saisie est importante La liste suivante met en évidence certains des principaux éléments que les prati- ciens voudront saisir dans le cadre de leur enquête. Parce que les juridictions de common law requièrent un plus haut degré de précision pour l’obtention des man- dats, des exemples de formes diverses de ces éléments sont également décrits. •  Documentation financière. Livres, archives, reçus, notes, registres et autres documents relatifs aux avoirs, intérêts commerciaux, transactions commerciales, biens immobiliers, lettres de crédit, mandats postaux, chèques, chèques de voyage, traites bancaires, correspondances ban- caires, chèques de banque, virements, chèques bancaires, informations relatives à des prêts hypothécaires, des cartes de crédit ou des coffres de banque et leurs clés, et autres éléments similaires étayant l’existence, la dissimulation ou le transfert d’avoirs ou la dépense de fonds. Pour la docu- mentation à requérir auprès d’institutions financières, voir l’encart 3.5 con- cernant les injonctions de divulgation et de communiquer. •  Ordinateurs et appareils pour le stockage des données informatiques. Les ordinateurs, équipements électroniques, téléphones cellulaires, répon- deurs téléphoniques, agendas électroniques, CD-ROMs, et autres sys- tèmes de stockage de données. La saisie des ordinateurs doit inclure le matériel lui-même et pas seulement une image ou copie du contenu du disque dur. •  Objets permettant l’identification d’associés et autres pistes. Photo- graphies, films, carnets d’adresse, calendriers et déchets papier. •  Produits et instruments du crime. Devises, métaux précieux, bijoux, instruments financiers tels que des actions et obligations, et autres objets de valeurs tels qu’œuvres d’art et autres articles de collection. •  Papier déchiqueté. Les supports déchiquetés devront être reconstitués. Préserver les preuves et respecter les obligations post-exécution Une fois le mandat exécuté et les preuves saisies, ces dernières doivent être transportées vers un lieu sécurisé pour y être adéquatement enregistrées et examinées, un événe- ment devant également faire l’objet d’un enregistrement dans le dossier77. Si une audi- tion du suspect ou de ses associés survenait pendant l’exécution du mandat, un rapport de l’audition doit être produit aussi vite que possible et ajouté au dossier. L’enquêteur en charge sera responsable de la préservation de la chaîne de contrôle et de l’intégrité des preuves pendant la période de leur examen, et il doit s’assurer que toutes les preuves 77. Certaines juridictions peuvent exiger des détails sur l'emplacement de chaque objet à tout moment de manière à satisfaire aux exigences de la chaîne de contrôle. La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  69 font l’objet d’un inventaire détaillé. L’enquêteur en charge peut aussi être responsable de la production d’un rapport à l’intention d’un magistrat ou procureur. Les praticiens doivent examiner l’ensemble des preuves documentaires saisies ; identi- fier les pistes potentielles pour le traçage des avoirs ou de possibles co-auteurs ; et si nécessaire, prendre des mesures immédiates pour contrôler les avoirs et éviter leur dis- sipation ou leur transfert. Si le praticien a eu recours à l’aide d’autorités étrangères pen- dant l’enquête, il est de bon ton d’informer ces autorités du résultat de la perquisition immédiatement afin qu’elles puissent y réagir favorablement. 3.3.9  Injonctions de divulgation ou de communiquer L’obtention de documents financiers est essentielle dans un dossier de recouvrement d’avoirs. Les documents susceptibles de requérir une autorisation judiciaire incluront ceux en possession de banques, de cabinets comptables et juridiques, de compagnies d’assurance, de prestataires de service e-mail, de fournisseurs d’accès à Internet, et par- fois de compagnies d’eau ou d’électricité. Le processus pour l’obtention d’une ordon- nance de divulgation ou de communication est similaire à celui requis par l’obtention d’un mandat de perquisition (voir section 3.3.8 pour des informations additionnelles sur les mandats de perquisition et de saisie.) A l’instar des mandats de perquisition, les systèmes judiciaires diffèrent eu égard aux exigences requises pour une injonction de divulgation. Les juridictions de common law exigeront une liste plus spécifique ; les juridictions de droit civil peuvent se satisfaire d’une phrase à portée générale telle que « tous les documents liés à l’infraction com- mise.  » En pratique, nombre de praticiens apprécient l’utilité de combiner ces deux approches, en fournissant une liste précise des documents exigés et en concluant cette dernière par une phrase à portée générale  ; en effet, la plupart des entités sollicitées souhaiteront restreindre les documents à divulguer. Si les praticiens soumettent une requête dont la portée est trop étroite, ils risquent de se voir refuser les informations pertinentes. L’encart 3.5 propose une liste des éléments à inclure dans les requêtes adressées aux institutions financières. Bien que la requête doive s’efforcer d’être assez large pour garantir que la documenta- tion pertinente sera obtenue, il est important d’éviter de se retrouver inondé de cartons entiers d’information sans intérêt – en particulier si l’équipe d’enquête ou de traçage ne dispose pas de la capacité à traiter de vastes volumes d’information financière dans les délais impartis. Le fait de requérir un volume excessif de documentation peut aussi retarder la production des documents du fait qu’il faudra plus de temps à l’entité solli- citée pour réunir ces derniers. L’entité peut également contester l’ordonnance sur la base de sa pertinence ou de la charge indue qu’elle représente78. Lorsque des lois relatives à la conservation des données, des ordonnances de conservation ou d’interdiction de détruire, sont en vigueur et assurent que des données pertinentes pour les futures étapes 78. Un autre motif fréquent de contestation est l'invocation d'un privilège (comme le secret liant un avocat à son client). 70  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis de l’enquête seront conservées par l’entité sollicitée (voir encart 3.6), les praticiens doivent construire leurs dossiers (surtout les plus gros) par étapes, en utilisant les preuves documentaires comme les pierres d’un édifice. Ils doivent d’abord requérir ce qu’ils considèrent comme impératif, puis soumettre des requêtes additionnelles per- mettant le suivi de nouvelles pistes, ou dès lors que leur capacité s’est accrue. En guise de précaution contre la destruction de routine de certaines données, il est bon d’exiger des entités sollicitées qu’elles conservent les autres données pertinentes. L’adoption de cette approche par étapes permet aux praticiens de concentrer leurs efforts sur de plus petits volumes d’information puis de suivre les pistes correspondant, évitant ainsi de perdre du temps à examiner des caisses entières de documents ou de vastes bases de données susceptibles de ne pas présenter d’intérêt. Lorsque la loi le permet, l’autorité requérante devrait envisager de requérir que la demande soit examinée ex parte (c’est-à-dire sans en informer quiconque) de manière à éviter d’alerter les suspects. Même lorsque l’ordonnance est décidée ex parte et qu’il existe des provisions interdisant à ceux concernés par l’ordonnance de divulgation de communiquer les détails de la requête aux suspects, les praticiens doivent s’efforcer d’estimer le risque que les suspects soient informés, et prendre les mesures nécessaires pour contrôler ou saisir les avoirs79. ENCART 3.5 Documentation à requérir auprès d’institutions financières Les praticiens devront ou choisiront fréquemment de fournir une liste spécifique d’éléments requis auprès d’institutions financières au sujet de comptes ban- caires des suspects, de personnes liées, de proches associés ou d’entreprises liées. Dans de tels cas, des agents de la CRF ou de la banque centrale peuvent se révéler une aide précieuse pour déterminer les types de documents pouvant être pertinents. Des exemples des données spécifiques à requérir incluent (sans s’y limiter) : •  Toute documentation concernant l’ouverture d’un compte bancaire, y com- pris les formulaires identifiant le bénéficiaire (par exemple, le « formulaire A » utilisé en Suisse), les cartes de signature pour procuration, les statuts ou accords de partenariat, et les copies des pièces d’identité fournies à l’ouverture du compte. Il convient d’inclure non seulement les comptes bancaires aux noms des suspects, mais également ceux qui font mention d’un des suspects comme mandataire ou signataire, ou suggèrent un autre lien pertinent. •  Profil du client, notes relatives à la connaissance du client, notes prises par le gestionnaire de compte, journal du caissier ou du banquier, registres de chèques, tout exercice de « due diligence » entrepris par l’institution finan- cière, et toutes autres données concernant le background du client, ses activités commerciales, et les transactions effec- (a continué) 79. Dans les cas requérant une entraide judiciaire, les praticiens doivent être conscients des potentielles obligations de divulgation pesant sur l'Etat requis et prendre en compte cette question avant de soumettre la requête. Voir section 7.1 au chapitre VII pour plus d'informations. La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  71 ENCART 3.5 (a continué) tuées sur le compte (par exemple, les copies de contrats, de factures, de lettres de crédit, les listes de partenaires et d’entreprises affiliées). •  La documentation concernant tout prêt et incluant les informations sur d’éventuels prêts hypothécaires, la copie d’une demande de prêt, la liste et/ou description de toute garantie (y compris les cautions et garanties, les revenus, avoirs, et références personnelles et/ou professionnelles). •  Tous relevés bancaires portant sur la période faisant l’objet de l’enquête. •  Toute déclaration d’activité suspecte soumis par un employé de l’institution financière, de manière à inclure celles qui pourraient ne pas avoir été trans- mises à la CRF. •  Les documents concernant les transactions effectuées sur le compte, incluant les ordres du client, les reçus de dépôts et de retrait, les mémos sur l’actif et le passif, et les chèques (recto et verso). •  Les documents concernant les virements, y compris le formulaire de vire- ment, avis, confirmation et les autres documents pertinents (voir encart 3.7). •  La correspondance conservée par l’institution financière, incluant poten- tiellement les mémos internes, les mentions des visites du client et de ses ordres téléphoniques, les emails, fax et notes émanant des gestionnaires de compte, et les enregistrements ou notes relatives à toute instruction, transaction, ou les deux. •  Les informations relatives aux cartes de crédit, incluant le demande de carte, les relevés, l’historique des paiements effectués, les données couvrant toute interaction avec le personnel de la société de crédit, et aux autres cartes couvertes par le compte du suspect mais établies au nom d’une autre personne. •  Les informations relatives à un coffre de banque, incluant les contrats, l’enregistrement des visites et les données de vidéosurveillance des zones pertinentes (qui excluent généralement les environs immédiats des coffres). •  Tout document pouvant faire apparaître une connexion avec l’infraction commise. Voir également l’annexe E pour un exemple de formulaire à adresser à une insti- tution financière. 72  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ENCART 3.6 Mesures de rétention La plupart des juridictions disposent de lois requérant des entreprises (telles que les banques, comptables, avocats, fournisseurs d’accès à internet et compag- nies de téléphone) qu’elles conservent leurs données-client pendant une durée prescrite. Cette période variera en fonction du type d’entreprise : elle peut ne pas excéder quelques mois (compagnies de téléphone et fournisseurs d’accès) ou atteindre plusieurs années (banques, avocats, comptables). Du point de vue de l’enquête, les praticiens sont rarement susceptibles de disposer des preuves nécessaires pour l’obtention immédiate d’une injonction de divulgation ou de communiquer – un problème d’autant plus aigu que la période de rétention se raccourcit. Heureusement, de nombreuses juridictions tiennent compte de ce problème en autorisant des ordres de rétention ou des injonctions de conservation. Ces déci- sions exigent de qui est en possession des documents qu’il conserve ceux liés aux suspects au-delà de la période légale, évitant ainsi la disparition de preuves ou données pertinentes potentielles. Les critères d’obtention d’une telle déci- sion sont typiquement moins exigeants que pour une ordonnance de divulgation ou de production et devraient donc être envisagés dès les phases initiales de l’enquête. Les praticiens doivent déterminer où les documents sont susceptibles d’être conservés ; estimer les périodes de rétention applicables ; et, si possible et nécessaire, obtenir les ordonnances de rétention. Cette démarche permet la préservation de données potentiellement pertinentes dans la perspective d’une future ordonnance de divulgation ou de production. 3.3.10  La surveillance électronique L’interception de toute communication filaire, orale, téléphonique, informatique ou électronique utilisée par les suspects – que ce manuel appelle «  surveillance électro- nique » - peut se révéler très utile aux officiers de police judiciaire en fournissant des pistes similaires à celles évoquées dans le cas de la surveillance physique (section 3.3.3). A d’autres égards, la surveillance électronique est coûteuse en ressources humaines, parfois prohibitive, et constitue une technique hautement intrusive ; de ce fait, de nom- breux systèmes judiciaires exigent une supervision judiciaire et une autorisation spé- ciale de manière à garantir la protection de la vie privée et les droits de la défense. Certains systèmes autoriseront la surveillance consentie des communications avec La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  73 l’accord préalable de l’une des parties (par exemple, un témoin coopérant, un informa- teur ou un agent infiltré), et une telle démarche ne requiert pas de mandat80. Dans tous les cas, la surveillance électronique doit être effectuée dans le respect des lois locales et des procédures et règlements internes. Les praticiens impliqués dans une surveillance électronique doivent être diligents dans l’enregistrement du (des) sujet(s), de la date, de l’heure, de la durée de la conversation, et des autres informations pertinentes pour toute communication interceptée. Ils doivent garantir que les enregistrements originaux sont mis en sureté en tant que pièces à conviction – convenablement scellés et conservés dans un environnement sécurisé – et que des copies de travail sont mises à disposition des praticiens. Des services de tra- duction peuvent être nécessaires dans le cas de conversations tenues dans des langues étrangères. Les écoutes doivent être effectuées 24 heures par jour, 7 jours sur 7 de manière à garantir que des informations urgemment importantes seront traitées et que toute action qu’elles induisent sera coordonnée de façon appropriée. Les praticiens doivent également envisager l’ajout d’une équipe de surveillance physique intimement coordonnée avec l’équipe de surveillance électronique ; une telle association engendrera à la fois des preuves visuelles et verbales. 3.3.11  Les opérations d’infiltration Les opérations d’infiltration constituent une autre technique d’enquête pouvant être utilisée pour infiltrer les objectifs et mettre à jour des preuves et des informations concernant les avoirs. Dans les dossiers de recouvrement d’avoirs, cela peut inclure la livraison contrôlée de fonds par le biais d’un agent infiltré. Néanmoins, de telles opéra- tions sont légalement et procéduralement compliquées, risquées, et coûteuses en ressources. A l’instar d’autres techniques, les critères légaux et les procédures doivent être scrupuleusement suivis de façon à garantir l’admissibilité des preuves recueillies. Les agents impliqués doivent être compétents, bien entraînés et adaptés à l’enquête. L’équipement nécessaire à l’enregistrement et à la surveillance des rencontres entre les agents infiltrés ou les informateurs et les suspects ou leurs associés doit être sécurisé et constamment surveillé, de manière à garantir la sécurité des informateurs et agents infiltrés81. 80. La surveillance consentie est permise dans certains états aux Etats-Unis. Voir Department of Justice, Office of the Inspector General, «  Federal Bureau of Investigation’s Compliance with the Attorney General’s Investigative Guidelines (Redacted),  » special report, (Washington, DC, September 2005), ch. 6, http://www.justice.gov/oig/special/0509/chapter6.htm. La section 3.3.11, ‘Undercover Operations�, fournit des conseils applicables à la surveillance consentie. Lorsqu'une telle surveillance n'est pas autorisée, une décision judiciaire sera exigée (par exemple en Ukraine). 81. Par exemple, les informateurs, officiers de police ou parties consentantes doivent être équipés d'un micro ou d'un autre dispositif dissimulé de transmission (peut-être camouflé sous la forme d'un stylo, d'un téléphone cellulaire, d'un paquet de cigarettes, d'un attaché-case ou d'un ordinateur portable) ainsi qu'un appareil distinct d'enregistrement capable de restituer un son de qualité (le signal transmis peut en effet être altéré et la qualité des voix est souvent piètre). En pratique, il est utile d'ajouter un préambule à tout enregistrement, en mentionnant le nom du praticien, la date, l'heure, et une brève description des circonstances. 74  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis L’utilisation d’informateurs peut se révéler délicate, des agents infiltrés sont donc géné- ralement privilégiés. Lorsque le recours à un informateur est la seule option disponible, il est conseillé d’officialiser ce dernier, de lui fournir des instructions écrites claires et concises, et de lui faire signer un document stipulant qu’il a bien compris les instruc- tions. De plus, les informateurs, les véhicules et autres possessions pertinentes peuvent devoir faire l’objet de fouilles à la recherche de possibles articles de contrebande immé- diatement avant la rencontre clandestine, ce de manière à éviter d’être accusé d’avoir déposé des preuves à l’avance. Enfin, et parce que la sécurité des agents ou des informa- teurs est une priorité, il sera important de contrôler les lieux où les rencontres se pro- duiront et de choisir les environnements les plus propices au succès et à la sécurité de l’opération. 3.4  L’identification des informations pertinentes : exemples tirés de documents-ressources fréquemment recueillis Divers documents feront surface au cours de l’enquête, dont des relevés de comptes bancaires, des bilans, contrats, factures, titres, pactes d’actionnaires, statuts, reçus, et autres. Ils révéleront des informations sur les avoirs, les mouvements de fonds, indivi- dus et sociétés liés à un suspect, et d’autres données pertinentes. Pour assister le prati- cien, quelques exemples d’informations pertinentes tirés de documents-ressources sont détaillés ici. 3.4.1  Les déclarations de transaction suspecte Lorsque la divulgation aux autorités de poursuite est permise, les DTS et les documents qui s’y rapportent peuvent se révéler d’excellentes sources d’informations pour les pra- ticiens parce qu’elles incluent, typiquement, des informations sur la transaction, un argumentaire portant sur les raisons de la suspicion, et une analyse produite par des analystes financiers82. La quantité d’information fournie et la qualité de l’argumentaire peuvent varier, en fonction des exigences de la juridiction ou de l’individu ayant rempli la DTS. En général, néanmoins, la DTS contient plusieurs éléments d’information importants, dont : •  la source et la destination des fonds ; •  une explication de l’employé de la banque sur la nature de la suspicion ainsi que des informations liées à l’obligation de Connaissance du Client (CdC) ; •  la fréquence de recours au virement, au chèque, etc. ; et •  des informations sur les autres avoirs et produits détenus par le suspect dans cette banque. 82. Dans certaines juridictions, la CRF n'est pas autorisée à fournir copie d'une DTS ou d'une DTM aux officiers de police judiciaire. Dans de telles circonstances, le rapport de renseignement (si produit) peut généralement être demandé, et contient pour l'essentiel les mêmes informations. La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  75 A partir de ces informations, les praticiens peuvent en obtenir d’autres sur le flux finan- cier qui leur permettra de « tracer » l’argent, vers le haut, pour confirmer la nature illé- gale de sa source, ou vers le bas, pour déterminer sa destination. L’information obtenue fournira des pistes additionnelles, telles que des comptes bancaires appelant des injonc- tions de divulgation et des individus ou sociétés à auditionner. Eu égard aux auditions, il peut être utile de s’entretenir directement avec l’agent en charge de la conformité pour discuter de la DTS et des autres informations relatives au background du suspect. Pour un exemple des informations extractibles d’un rapport de CRF, voir l’annexe C. 3.4.2  Les documents relatifs à l’ouverture d’un compte bancaire et informations relatives à l’obligation de « due diligence » ou de Connaissance du Client Les praticiens doivent examiner attentivement l’ensemble des informations relatives à l’ouverture d’un compte bancaire et toutes celles réunies par une institution financière dans le cadre de ses obligations de « due diligence » ou de Connaissance du Client. Dans le cas de personnes politiquement exposées (PEPs), les institutions financières sont tenues à des obligations de due diligence additionnelles eu égard au background écono- mique et aux transactions enregistrées. Cette documentation fournira sans doute aux praticiens nombre d’informations utiles et de pistes potentielles. Par exemple, •  le gestionnaire de compte et toute personne mandataire sont susceptibles d’être interrogés utilement ;; •  les documents fournis par le titulaire du compte pour justifier de la source des fonds (par exemple des contrats, lettres et ventes immobilières) peuvent aider : a. à identifier le bénéficiaire (relever les adresses, entreprises et individus impli- qués), b. à mieux comprendre la signification économique des mouvements de fonds, c. à mettre en évidence des contradictions dans les chiffres ou avec d’autres preuves déjà réunies, d. à identifier de potentiels témoins, et e. à préparer l’audition des suspects ; •  dans le cas de comptes bancaires établis au nom de sociétés et constructions juri- diques utilisées pour dissimuler les avoirs, les documents constitutifs de la société, les noms des membres du conseil d’administration, et les noms des personnes autorisées à faire des affaires au nom de la compagnie peuvent révéler l’existence de personnes méritant d’être interrogées83. 83. Dans certains cas, les membres du conseil d'administration et employés d'un intermédiaire ou prestataire de service responsable de la création d'une société-écran peuvent ne disposer que de peu d'informations susceptibles d'aider l'enquête. 76  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 3.4.3  Les relevés de compte En guise de premier pas, les praticiens doivent se concentrer sur la détermination de l’origine des fonds arrivant sur le compte et du lieu où ils ont été transférés. Cela inclut les flux débiteurs et créditeurs sur les comptes via les retraits et dépôts d’argent liquide, les virements, obligations, chèques, prêts, etc. Pour examiner ces flux, différentes tech- niques doivent être utilisées pour déterminer l’origine et la destination des fonds. Voici quelques suggestions : •  Argent Liquide. Les mouvements d’argent liquide peuvent se révéler difficiles à tracer du fait de l’absence d’informations concernant l’origine ou la destination. Les praticiens doivent obtenir le reçu de dépôt ou de retrait auprès de la banque, et ce document devrait indiquer l’identité de la personne ayant mené les transac- tions. De plus, les praticiens devront avoir recours aux techniques d’enquête tra- ditionnelles pour remonter le lien vers les dépôts en liquide via des e-mails, lettres et virements  ; ainsi qu’en examinant l’activité d’autres comptes bancaires et les registres d’accès aux coffres de banque. •  Obligations. Les dépôts sous forme d’obligations peuvent être organisés de banque à banque, les praticiens devront donc demander aux banques les infor- mations concernant ces obligations ainsi que les procédés suivant lesquels elles ont été déposées sur le compte. •  Chèques. Si le dépôt a été effectué par chèque, les praticiens peuvent devoir se tourner vers le compte bancaire sur lequel le chèque a été tiré pour en identifier l’origine. Si le chèque est endossé – c’est-à-dire que l’endosseur y apposé sa signa- ture de manière à l’encaisser et qu’il en a transmis le bénéfice de l’effet à une autre personne – il doit alors être traité comme un dépôt en espèces, ce qui requiert du praticien qu’il identifie la personne qui l’a endossé. Les praticiens doivent alors vérifier le talon du chèque parce que celui-ci est susceptible d’indiquer des activi- tés suspectes. Par exemple, les chèques à l’ordre d’entreprises en lien avec des ser- vices de « management » ou « consulting » peuvent indiquer qu’une entreprise blanchit des produits criminels par l’intermédiaire d’autres entreprises qu’elle possède. ILLUSTRATION 3.3 Déroulement basique d’un virement international Ordre Virement Credit Client donneur Client d’ordre Banque d’origine Banque bénéficiaire bénéficiaire (pays A) (paysA) (paysB) (paysB) Source : illustration des auteurs La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  77 3.4.4  Les virements et transferts électroniques de fonds De précédentes affaires de corruption ont montré que de grosses sommes correspon- dant à des produits de la corruption sont placées dans des institutions financières puis déplacées à travers le monde au moyen de virements (également appelés « transferts de fonds électroniques ») dans le but d’interrompre la piste auditée et de sécuriser les fonds dans des juridictions où le secret bancaire est de mise. Un virement est initié par un ordre donné par un client (institution financière, entité légale ou individu) de transférer des fonds ailleurs, dans le même pays ou à l’étranger84. L’ordre est effectué via un sys- tème de messages envoyés par téléphone, e-mail, fax et/ou téléphone cellulaire (voir figure 3.3)85. Avant que les produits n’atteignent leur lieu de dissimulation final, ce type de virement est utilisé pour blanchir les fonds à travers plusieurs institutions financières et juridictions de transit au moyen de comptes bancaires liés, de virements en série, de paiements de couverture, de sociétés-écran et de juridictions offshore. Des institutions financières se sont même rendues complices de tels systèmes, en aidant des politiciens corrompus, leurs familles et proches associés à blanchir des fonds par des transactions complexes menées au moyen de sociétés et constructions juridiques spécialisées et en mettant en place des privilèges spéciaux sur leurs comptes86. Un virement comprend deux éléments : (1) l’ordre, qui inclut des informations à la fois sur l’institution d’origine et sur l’institution bénéficiaire, et (2) le virement lui-même ou le transfert de fonds. Il existe de nombreux moyens pour les institutions financières d’envoyer des instructions, dont les réseaux électroniques accessibles dans le cadre de divers réseaux de paiement interbancaire, l’email, le fax, le téléphone et le télex. Le moyen le plus commun, et de loin, pour les banques de se communiquer des instruc- tions relatives à un transfert, consiste à accéder à un système de télécommunications financières spécial connu sous le nom de Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunications (SWIFT). Eu égard au mouvement de l’argent lui-même, les deux principaux systèmes de paiement interbancaires en volume sont le Clearing House Interbank Payments System (CHIPS) et le Fedwire Funds Service (Fedwire). De plus, les systèmes de paiement directs banque-à-banque et entre autres intermédiaires sont utilisés fréquemment par les banques pour transférer les fonds de leurs clients entre institutions. 84. Cela peut inclure une chaîne de virements ayant au moins un élément transfrontalier (par exemple, une banque affiliée dans une autre juridiction). Voir également GAFI, note interprétative de la Recommandation spéciale VII. 85. D'après la Recommandation Spéciale VII du GAFI sur les virements électroniques, promulgué en 2001, les termes « virement » et « transfert de fonds » désignent « toute transaction par voie électronique effectuée au nom d'un donneur d'ordre (personnes physiques et morales) via une institution financière en vue de mettre à disposition d'un bénéficiaire une certaine somme d'argent dans une autre institution financière. » 86. Voir United States Senate, Minority Staff of the Permanent Subcommittee on Investigations, “Money Laundering and Foreign Corruption: Enforcement and Effectiveness of the Patriot Act. Case Study Involving Riggs Bank� (Washington, DC, July 15, 2004), http://hsgac.senate.gov/public/_fi les/ACF5F8.pdf. De plus, une banque internationale majeure mettait à disposition de ses employés un manuel de formation leur indiquant comment « nettoyer » (supprimer) les informations relatives à un virement pour dissimuler le fait que le transfert était effectué pour ou au nom d'une juridiction sanctionnée. Pour plus d'information, voir http://www.justice.gov/opa/pr/2009/December/09-ag-1358.html. 78  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis CHIPS et Fedwire peuvent être utilisés pour des transferts en dollars ou de la partie libellée en dollars d’une transaction internationale. Néanmoins, CHIPS a été jusqu’ici essentiellement utilisé pour faciliter les transferts internationaux libellés en dollars. A l’inverse de ces systèmes de paiement, SWIFT n’est qu’un système de messagerie, et n’abrite ni ne transfère de fonds pour ses membres, pas plus qu’il ne gère leurs comptes. Un transfert de fonds en tant que tel s’opère via un « virement de compte à compte », et peut impliquer une banque correspondante. Fondamentalement, un transfert comp- table est un jeu d’écriture bancaire consistant à déplacer physiquement des fonds d’un compte à l’autre. Si le client donneur d’ordre et le client bénéficiaire disposent tous deux d’un compte dans la même institution financière, alors un virement interne peut être effectué entre les deux comptes clients. Lorsque des fonds sont transférés entre deux institutions financières distinctes, le virement s’opère via une banque affiliée ou inter- médiaire dont la fonction est d’assurer la liaison87. De nombreuses banques possèdent des comptes de correspondance essentiellement dans le but de traiter et valider les tran- sactions par virement avec des institutions qui sont membres de (ou on accès à) CHIPS ou Fedwire ; ce faisant, elles peuvent effectuer des virements pour le compte de leurs clients, ce bien qu’elles ne soient pas elles-mêmes membres de ces réseaux. Les relations de correspondance bancaire sont également répandues entre banques nationales et étrangères parce qu’elles facilitent les affaires et fournissent aux clients résidant dans des juridictions étrangères des services sans les contraintes liées à l’établissement d’une présence à l’étranger88. Réunir les documents et informations pertinents pour l’analyse des virements Les praticiens devront s’assurer que la documentation relative aux virements est deman- dée aux institutions financières car elle est essentielle aux efforts de recouvrement. Cela inclut une copie du message de virement lui-même, ainsi que d’autres documents que les institutions financières produisent au cours du processus d’envoi ou de réception des fonds. L’encart 3.7 détaille certains des formulaires et documents qui peuvent être pro- duits au cours d’un virement. Un examen de ces documents et formulaires pourra révé- ler des informations-clés, telle que l’institution d’origine et l’institution bénéficiaire, les clients impliqués, le montant, la date, ainsi que des informations sur la relation client à client ou banque à banque. 87. Dans ce cas, si la banque d'origine possède un compte de correspondance auprès d'une banque bénéficiaire, elle peut donner à cette dernière l'instruction de transférer des fonds depuis le compte de correspondance de la banque d'origine vers le compte du client bénéficiaire. U.S. Department of Treeasury, Financial Crimes Enforcement Network, Key Electronic Funds Transfer Systems: Fedwire, WHIPS, SWIFT, Report OSA92/CB0012 (Vienna, VA, September 1992). 88. Des informations additionnelles sur les communications entre banques de correspondance et l'utilisation des méthodes de paiement en série et de couverture, y compris les nouvelles pratiques de paiement de couverture développées par SWIFT, sont disponibles à l'annexe F. La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  79 Formulaires et documents relatifs à une opération de ENCART 3.7 transfert de fonds Institution d’origine : •  Formulaire de demande de transfert de fonds •  Copie du virement •  Avis ou confirmation du virement •  Avis de débit au client d’origine •  Relevé de compte mensuel du client •  Registre interne des virements effectués (données portant sur les banques de correspondance, les archives des paiements, le tableau de bord des ordres de virement et de leur traitement) •  Les écritures comptables Institution bénéficiaire (ou de correspondance) : •  Formulaire de demande de transfert de fonds •  Copie du virement •  Avis de crédit au client bénéficiaire (si dépôt effectué) •  Relevé de compte mensuel du client •  Les écritures comptables •  Chèques de banque •  Registre des virements externes que les banques conservent aux fins d’autoriser les transactions Un praticien à la recherche d’informations devrait requérir que les données concernant le virement leur soient transmises à la fois sous la forme d’un tableau et d’un formulaire de renseignement pour conseil, si disponibles. Parce que les banques utilisent des for- mats différents qui ne sont pas standardisés, un tableau peut contenir des informations rendant plus faciles la compréhension de la transaction, là où un avis peut inclure des données plus complètes. En fonction des circonstances de l’enquête, il importera d’obtenir des documents addi- tionnels ou d’effectuer des recherches dans différents domaines, tels que ceux men- tionnés ci-après : •  Documents sous-jacents aux paiements. Les factures, documents d’expédition, reçus, contrats de conseil, et les autres documents associés au virement révéleront des informations-clés sur les fonds en question. •  Informations relatives à la Connaissance du Client. Au niveau transactionnel, la banque peut ne pas avoir identifié le bénéficiaire effectif au moment où les fonds ont quitté le compte. Les informations relatives à la Connaissance du Client peuvent se révéler utiles à cet égard. •  Clients PEP. Dans les cas impliquant des Personnes Politiquement Exposées, des virements peuvent être découverts parmi les opérations de l’unité « banque privée d’affaires  » d’une institution financière. Les recherches concernant des PEPs 80  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis devraient inclure un examen de tous les comptes associés à un mandataire ainsi que ceux gérés par des cabinets d’avocats ; ce sont là en effet des méthodes habi- tuelles utilisées par les PEPs pour déplacer de l’argent. •  Virements entre comptes personnels et professionnels. De telles opérations de transferts peuvent être utiles pour détecter un système d’opérations successives (caractéristique de « l’empilage »). •  Portails SWIFT privés et variations dans le nom utilisé par l’institution finan- cière. Un examen des portails SWIFT réservés exclusivement aux clients « banque privée » au sein de la banque et de ses diverses agences peut révéler une transac- tion isolée relevant potentiellement d’une permission spéciale s’opérant via ces portails. Les variations de nom SWIFT utilisées par l’institution financière peut révéler des transferts réalisés par des biais différents. Une banque peut disposer de plusieurs services de virement distincts, et d’adresses ou d’identifiants internes différents89. Pour garantir que les portails et variations sur le nom sont listés dans l’ordonnance destinée à produire les données bancaires, les praticiens devraient envisager de collecter ces informations lors d’entretiens avec des responsables de la banque (par exemple, auprès des agents en charge de la conformité). •  Déclarations de transaction suspecte. Lorsqu’elles sont disponibles, les DTS ou les rapports de renseignement qui y sont attachés peuvent révéler de précieuses informations sur les virements et des détails sur leur origine. •  Enquêtes de la Banque Fédérale de Reserve aux Etats-Unis. Pour les virements effectués par Fedwire, la Réserve Fédérale américaine peut constituer une source utile parce qu’elle conserve les données concernant les virements pendant une durée de 180 jours. En demandant l’accès à ces informations, il est important de se montrer très précis au sujet de la transaction en mentionnant autant de détails que possible (par exemple la date, le montant de la transaction, le point d’origine, le client bénéficiaire, l’institution réceptrice, les numéros de compte, le motif de la transaction (s’il est connu), etc.) •  Types récurrents de transaction dans une institution financière donnée. Lorsque qu’ils passent en revue les informations obtenues auprès de banques de taille limitée, les praticiens doivent faire attention aux récurrences de transferts massifs eu égard à la taille de la banque (par exemple, un virement qui équivaut à 80% de l’argent total transféré par une banque donnée au cours d’un mois). •  Virements rectifiés, renvoyés et ré-envoyés. Les systèmes de contrôle créeront un « élément à rectifier » lorsqu’un message contient des erreurs (telles que des informations incomplètes sur l’origine du virement). Ces messages sont alors mis de côté et soumis à un examen manuel. De tels documents sont fréquemment compilés par les banques d’origine et les banques bénéficiaires, et peuvent révéler des activités répétées de la part d’un suspect ou d’une banque90. 89. On découvrit une banque qui disposait de 43 identifiants séparés établis à partir de variations sur son nom et son adresse. 90. Ces fichiers peuvent également se révéler utiles en cas de recherches d'un certain type de comportements de la part d'une institution financière pouvant prouver que cette dernière a sciemment blanchi les produits d'un crime. De plus, les praticiens devraient s'enquérir de tout virement rejeté par une banque de ce type, par exemple dans les 30 derniers jours  ; ils devraient se montrer particulièrement vigilants à toute information modifiée lorsque le virement a été renvoyé. La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  81 Interprétation de la documentation concernant un virement Dans la plupart des cas, les confirmations de virement et les avis de débit et de crédit envoyés par les banques à leur client donneur d’ordre ou bénéficiaire sont des docu- ments faciles à lire contenant les informations nécessaires au traçage des transferts de fonds, notamment les numéros de compte et l’identité des clients donneurs d’ordre et bénéficiaires. Lorsque de tels documents ne sont pas disponibles, le processus d’identi- fication et de traçage des fonds nécessitera une compréhension des méthodes de lecture et d’analyse des divers systèmes de messagerie utilisés pour effectuer les virements. Les systèmes de paiement tels que CHIPS et Fedwire utilisent un format de messagerie distinct pour la communication relative aux virements entre institutions-membres  ; néanmoins, SWIFT offre une plateforme de messagerie standardisée pour le plus grand nombre d’institutions financières au niveau global. Pour les messages SWIFT, il existe des protocoles répandus dans l’industrie bancaire pour les formats de messagerie, des codes spéciaux pour différencier l’information et la direction, et un système de cryptage pour prévenir les failles de sécurité pendant la transmission des données. Pour identi- fier les différents types de messages SWIFT, on utilise des nombres assignés à chacun d’entre eux. Pour un message identifié comme «  MT 103  », par exemple, the préfixe « MT » signifie «  Message Type » ou « type du message », et le nombre à 3 chiffres qui suit représente un type spécifique de message SWIFT (dans ce cas, « 103 » signifie un virement au crédit d’un client). Au sein d’un type de message, des champs codés spéci- fiques sont utilisés pour distinguer entre elles les informations importantes. Par exemple, le champ 50 (client donneur d’ordre) est un champ-clé sur lequel se concen- trer pour « tracer » des fonds blanchis parce qu’il peut inclure plus que les seuls nom et adresse du client91. L’illustration 3.4 fournit un exemple de certains de champs de mes- sagerie SWIFT pertinents que les praticiens voudront examiner. Les codes SWIFT d’identification bancaire (codes BIC pour «  bank identifier code ») constituent une autre source pour les praticiens parce qu’ils fournissent le nom de l’ins- titution financière, la pays, la localisation et / ou l’agence. Les BICs comptent générale- ment 8 caractères et consistent en un code- banque (unique pour chaque institution financière), un code-pays (pour identifier le territoire ou est situé l’institution finan- cière), et un code de localisation (qui précise l’emplacement géographique à l’intérieur d’un pays). Parfois, trois caractères additionnels sont utilisés pour un code d’agence (qui identifie l’agence physique d’une institution financière).92 91. Il existe 3 options pour l'affichage des informations situées dans le champ 50 (client donneur d'ordre) et qui peuvent être utiles au praticien : (1) compte plus identifiant, (2) identifiant plus nom et adresse, et (3) compte plus nom et adresse. 92. Pour de plus amples informations sur les BICs, voir http://www.swift.com. Le site internet permet d'effectuer des recherches par nom d'institution ou par BIC, et les paramètres de recherche peuvent être limités par pays, par ville, ou les deux. 82  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 3.4.5  Les documents comptables En comptabilité d’entreprise, les transactions financières sont étayées par une docu- mentation et enregistrées dans des livres de compte qui identifient des noms et des montants. Elles sont résumées dans le rapport financier, qui inclut le compte de résultat et le bilan93. Les agents publics corrompus ainsi que ceux impliqués dans des systèmes de fraude manipulent fréquemment ces données de façon à dissimuler leurs activités illégales. Les praticiens sont susceptibles de découvrir des transactions illicites en ana- lysant et en comparant les comptes, les paiements effectivement faits, et les documents utilisés pour les justifier. Exemple du format et des codes utilisés dans un ILLUSTRATION 3.4 message SWIFT :20: PAYREF-XT78305 :32A: 091010EUR#1010000# :50: [NOM ET ADRESSE DU CLIENT] :59: [NOM ET ADRESSE DU BENEFICIAIRE] Interprétation des codes 20 Numéro de référence de la transaction (nombre codé assigné par l’institution d’origine pour identifier la transaction) 32A Date de valeur, code devise et montant de la transaction 50 Client donneur d’ordre (qui ordonne la transaction SWIFT) 59 Bénéficiaire (désigné comme le destinataire final des fonds) En plus des codes sus cités, d’autres codes peuvent inclure 52D Banque donneuse d’ordre (institution financière initiant la transaction SWIFT) 53D Banque correspondante de l’envoyeur 54D Banque correspondante du bénéficiaire 57D L’institution financière à laquelle le donneur d’ordre souhaite voir le bénéficiaire payé 70 Détails du paiement 71A Détails des frais de transaction 72 Instruction de la banque émettrice à l’attention de la banque receveuse Source : illustration des auteurs. Dans les cas où des pots-de-vin ou autres paiements inappropriés effectués à des tiers sont soupçonnés, il est commun que des fausses factures soient envoyées par le destina- taire de l’argent (agent, intermédiaire, ou tiers) au payeur (habituellement une entre- prise cherchant à emporter un marché). Les paiements inappropriés masqués par des fausses factures constituent un problème omniprésent, et ils permettent de rétribuer 93. Un relevé est un recueil qui archive l'ensemble des opérations comptables de manière chronologique. Les plus communément utilisés portent sur les opérations d'encaissements, de décaissements, les ventes, les achats, et la comptabilité générale. Le grand livre enregistre les transactions par type de compte. Un compte de résultat liste les recettes et dépenses, et un bilan liste l'actif et le passif. La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  83 des consultants, agents, intermédiaire et autres tiers pour des raisons souvent dou- teuses. L’une des raisons de l’utilisation de fausses factures est de constituer une fausse « piste comptable » dans les comptes de l’entreprise payant le pot-de-vin, dissimulant ainsi la véritable raison du paiement en question. De plus, ils sont difficile à détecter parce qu’ils apparaissent souvent comme des documents plausibles et légitimes. Si le recours à des fausses factures est soupçonné, les praticiens doivent se concentrer en premier lieu sur l’identification des incohérences existant entre les montants facturés et la valeur réelle (ou la non-existence) des biens ou services fournis. Les documents divers qui étayent la transaction – le contrat, la documentation du payeur (par exemple, des factures ou e-mails), le registre des paiements, les connaissements, et le processus de paiement lui-même – peuvent révéler des signaux d’alerte (« red flags » NDT) (voir encart 3.8). Quand de telles incohérences sont découvertes, il est alors possible d’effec- tuer un tri entre les transactions suspectes et de concentrer l’enquête sur l’émetteur des fausses factures (que l’on soupçonne d’avoir perçu le pot-de-vin). Signaux d’alerte dans les contrats et dans la documenta- ENCART 3.8 tion, les registres et les mécanismes de paiementRecords, and Payment Mechanisms Contrats : •  Factures pour des paiements significatifs effectués à des tiers en l’absence d’un contrat formel •  Manque de précision dans le contrat ou l’accord concernant les services devant être fournis •  Absence de preuve écrite confirmant l’exercice de vérifications de l’identité et de la légitimité de la partie contractante •  Contrats antidatés ou contrats par lesquels des services furent fournis et facturés antérieurement à la date à laquelle le contrat a été conclu •  De multiples contrats signés avec différents contractants pour la fourni- ture de mêmes services au même endroit (impliquant d’avoir payé de multiples contractants pour le même service) •  Existence d’annexes ou d’accords parallèles (y compris verbaux) qui accroissent ou modifient déraisonnablement le champ d’application du contrat originel •  Commissions indexées sur le résultat devant être payées à « l’agent » si le payeur obtient un contrat-clé, en particulier lorsque les activités de l’agent ne sont pas spécifiées. •  Un taux de commission qui excède les taux pratiqués sur le marché (dans le pays concerné) Documentation relative aux paiements (factures, reçus, e-mails justifiant d’un paiement, minutes, et autres documents fournis par des tiers pour justifier de paiements en tant que vendeur de biens ou de services) : (a continué) 84  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ENCART 3.8 (a continué) •  Incapacité à produire des informations établissant que des services ont bien été fournis •  Productions ou rapports fournis par des tiers qui sont identiques ou simi- laires [à d’autres déjà existant] ou qui sont sans commune mesure avec la commission payée (par exemple, un recherche internet de phrases présen- tes dans un rapport peut révéler que ce dernier a été plagié). •  Factures présentant des frais supplémentaires ou surcharges génériques •  Factures dépourvues d’informations attendues, telles qu’identifiants fis- caux ou numéros d’immatriculation de la société •  La valeur des services fournis est sans commune mesure avec le prix payé •  Détails bancaires du receveur différant du territoire ou du lieu dans lequel les services ont été fournis •  Le nom d’un tiers semblant être celui d’une société-écran, ou être géré par une société-écran •  Le nom d’un bénéficiaire différant du nom de la tierce partie contractante •  De multiples tiers partageant la même adresse professionnelle •  De multiples consultants ayant tous recours au même format-type de facture, ou ayant tous les mêmes adresses Registres des paiements et mentions dans les livres de compte : •  Factures ou montants de factures significatifs enregistrés dans des comptes particuliers du grand livre, telles que « dépenses diverses » ou « conseil » •  Recours à des comptes suspensifs ou transitoires qui sont finalement rayés comme mauvaises créances •  Paiements traités hors du cadre normal des comptes payables (par exem- ple, paiements manuels en une fois, paiements en liquide) •  Incapacité à suivre les procédures de paiement (par exemple, obtention d’une seule signature quand deux sont requises) •  Réticence du personnel de la société à approuver le paiement de factures par les canaux normaux, par exemple en ligne ou directement sur présen- tation de la facture •  Pressions émanant d’un tiers ou du personnel de la société et visant à accélérer un paiement en urgence •  Intérêt inhabituel de la part du personnel de la société envers le traitement des paiements dus à des tiers spécifiques •  Réponses inhabituelles ou hostiles de la part du personnel de la société ou de tiers à des demandes de documentation additionnelle •  Paiements à des tiers pour lesquels les processus de mitigation de risque n’ont pas été suivis (a continué) La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  85 ENCART 3.8 (a continué) Mécanismes de paiement par lesquels des fonds sont sortis de la société : •  Demande de paiements à exécuter dans des paradis fiscaux •  Demandes par des employés de remettre un paiement en main propre •  Demandes de diviser un paiement entre de multiples comptes bancaires d’une société et/ou bureaux nationaux •  Demandes émanant d’employés afin que des paiements soient effectués en liquide ou équivalent-liquide •  Demandes émanant d’employés afin que la société achète des « cadeaux » de forte valeur (tels que des montres ou des bijoux) En l’absence de pistes plus spécifiques, il convient de faire particulièrement attention à toute dépense importante, inhabituelle ou effectuée en une seule fois figurant dans les comptes – consulting, commissions, divertissement, voyage et dépenses diverses. De plus, les praticiens doivent considérer les créances inscrites aux comptes mais qui ne sont pas recouvrées et rayées comme mauvaises dettes. 3.4.6  Polices d’assurance Certaines polices d’assurance-vie peuvent être de valeur très élevée et être souscrites et payées en une seule fois, ce qui les rend attractives pour tout blanchisseur potentiel. Les praticiens doivent déterminer si les suspects ont souscrit des polices d’assurance suscep- tibles d’être encaissées. De plus, les polices d’assurance peuvent révéler d’autres avoirs déte- nus par les cibles (peut-être des bijoux ou des véhicules). Typiquement, de telles informa- tions peuvent être réunies au moyen de diverses techniques d’enquête. 3.4.7  Les documents d’achat et de vente Les documents liés à l’achat et à la vente d’avoirs – biens immobiliers, actions, véhicules, bijoux ou œuvres d’art – incluront des documents du cadastre, des actes d’achat et de vente, les prêts, les crédits, la situation financière, les déductions fiscales, et les relevés de carte de crédit. Les praticiens doivent documenter la valeur au moment des dates d’achat et de vente, le nom de l’acheteur ou vendeur, la méthode de paiement (espèces, chèque, devises), et la source des fonds. Dans le cas d’avoirs payés en espèces, il peut être difficile de remonter à la date d’achat ou de déterminer la valeur du bien, en parti- 86  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis culier lorsqu’il existe de nombreux vendeurs ou marchands potentiels (comme c’est le cas pour les œuvres d’art, les bijoux et les véhicules). Les données concernant les voyages (réunies à partir des informations collectées lors des franchissements de frontières, des informations de carte de crédit ou des programmes de fidélité des transporteurs), les polices d’assurance, les factures de réparation de bijoux, les numéros d’immatriculation des véhicules, les autocollants ou décalques du revendeur présents sur le véhicule, et l’avis des marchands d’art peuvent aider à déterminer l’identité du vendeur de ces articles et leurs dates d’achat. Les praticiens doivent aussi considérer les avoirs détenus ostensiblement par des membres de la famille ou des proches associés mais en fait contrôlés, détenus ou offerts par un suspect (voir section 4.3.1 au chapitre IV pour une discussion sur cette question dans le contexte des mesures provisoires). 3.5  Organiser les données : la création d’un profil financier Il sera important d’organiser l’information obtenue en un profil bancaire pour chaque compte bancaire ; cette information, à son tour, pourra être combinée avec les autres données financières collectées (telles que les autres avoirs détenus, les dettes, le revenu et les dépenses) pour constituer le profil financier d’un suspect. Un tableur informa- tique standard peut être utilisé à cet effet (voir l’annexe G pour un exemple de profil financier). A titre d’exemple, le profil de compte devrait inclure les informations suivantes : •  Nom de la banque et localisation de la succursale ; •  Numéro et type de compte bancaire ; •  Nom du titulaire du compte, du bénéficiaire, et des éventuels mandataires ; •  Date de l’ouverture, et le cas échéant de la fermeture du compte ; •  Devise dans laquelle le compte est libellé ; •  Solde du compte au moment de la divulgation ; •  Rotation annuel du crédit ; •  Rotation annuel du débit ; et •  Si les avoirs ont fait l’objet d’une mesure de contrôle. Les praticiens peuvent alors envisager d’intégrer à un tableau les données addition- nelles pertinentes, telles que les opérations de crédit et de débit survenues sur le compte pendant la période faisant l’objet de l’enquête, avec la date, le montant et (le cas échéant) la source des fonds ou leur destination (banque et titulaire du compte bancaire). La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  87 ILLUSTRATION 3.5 Exemple de schémas des flux 2/1/10: 25,000 $ Société Y TC (localisation : pays A) 1/2/10: 1/13/10: Intermédiaire B 2.1 millions $ Intermédiaire A 1/13/10: 1.0 million $ compte bancaire TC compte bancaire 500,000 $ VRT #2345 VRT #1234 (localisation : 2/11/10: (localisation : pays C) 150,000 $ pays B) 2/1/10: VRT SUSPECT 25,000 $ 1/17/10: 2/9/10: 2/11/10: (bénéficiaire final) VRT 650,000 $ 500,000 $ 150,000 $ 2/10/10: (localisation : pays E) VRT VRT TC 350,000 $ Fonds reçus : 2/21/10: TC $1.3 M 125,000 $ VRT Intermédiaire C Société X compte bancaire (localisation : 2/21/10: 2/1/10: #3456 pays B) 125,000 $ 25,000 $ 1/12/10: 1/23/10: (localisation : PMT PMT 375,000 $ 450,000 $ pays D) TC TC Société Z (localisation : 2/22/10: pays E) 125,000 $ TC Source : illustration des auteurs. Note: AT = account transfer; PYMT = payment; WT = wire transfer. Pour aider à organiser et enfin à présenter et à expliquer les données, les praticiens devraient cartographier les flux d’argent sous la forme d’un schéma des flux (voir les exemples donnés par les illustrations 3.5 et 3.6). Ces diagrammes fournissent une repré- sentation visuelle des suspects, des associés, des intermédiaires et des entreprises impli- quées ; ainsi que des avoirs, comptes bancaires et sociétés ou constructions juridiques. Cet «  instantané  », ou «  vue d’ensemble  », est non seulement utile au praticien qui s’efforce de comprendre et d’interpréter les flux, mais il devient également essentiel lorsqu’il s’agit d’expliquer le flux et les liens mis à jour au cours de l’enquête à un procu- reur ou à un juge. De plus, les praticiens devraient envisager l’utilisation d’un système de gestion de docu- ments, en particulier dans les dossiers compliqués et exigeant de gros volumes de données. 88  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ILLUSTRATION 3.6 Exemple de schéma des liens et des avoirs Autres propriétés Frères et sœurs Propriétaire Co-trustee Société Trust ABC ABC Ltd. Propriétés Entreprises Industries louées Frère Sœur Propriétaire LIEN LIEN Trustee Conjoints Directeur LIEN Directeur Co-propriétaire LIEN LIEN associé Conjoint LIEN Biens détenus PEP Cible LIEN Ex-conjoint Intérêts financiers Enfants du gendre LIEN gendre Source : illustration des auteurs. 3.6  L’analyse des données : comparer les flux avec le profil financier Au cours de cette phase critique, les analystes compareront les dates, les origines, les des- tinations, les titulaires de comptes, les banques et les sources d’information de façon à regrouper et accorder les transactions et à identifier les trous existant dans les données. Par exemple, un compte peut révéler le retrait d’une grosse somme en espèces, ce qui laisse l’analyste sans informations sur la destination ; un autre peut révéler un dépôt sub- séquent. Ou peut-être des données provenant d’une surveillance physique révéleront qu’un suspect s’est déplacé dans un autre Etat dans les jours suivant le retrait. Les paie- ments effectués à des contractants peuvent être liés à des dépôts subséquents. Dans un cas, par exemple, plusieurs dépôts faits par un agent public corrompu furent détectés comme correspondant au même montant que les paiements faits au contractant. Cette analyse aidera à mieux comprendre le flux d’avoirs et à développer de nouvelles pistes. La recherche des preuves et le « traçage » des avoirs  I  89 Une autre technique utilisée par les praticiens est celle de l’analyse de la valeur nette – une comparaison entre la valeur des avoirs détenus par un suspect et son revenu déclaré. Tout revenu non-déclaré est susceptible d’avoir des origines illégales, et les praticiens devront à ce stade diriger leurs efforts vers la démonstration d’un lien entre les avoirs et l’infraction. Dans les juridictions qui permettent de poursuivre l’enrichissement illicite, l’analyse de la valeur nette est une étape nécessaire de l’enquête. Pour aider à l’identification des systèmes de corruption et de blanchiment d’argent, il peut être utile d’examiner ou de rechercher des informations sur les diverses typologies et signaux d’alerte permettant l’identification d’activités criminelles. De nombreuses agences et organisations internationales publient de tels rapports qui sont disponibles en ligne. Ils incluent : •  Les rapports typologiques du Groupe d’Action Financière (GAFI) (par exemple, les typologies du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme dans le secteur immobilier) ; •  Les rapports annuels des CRFs sur les Déclarations de Transactions Suspectes ; et •  Les rapports émanant de CRFs, de superviseurs du secteur financier ou d’associa- tions bancaires sur les typologies et signaux d’alerte permettant l’identification des activités criminelles et du blanchiment d’argent. 3.7  Obtenir la coopération internationale Le recouvrement d’avoirs dans les cas de corruption dépasse fréquemment les fron- tières et implique plusieurs juridictions différentes ; de ce fait, des informations concer- nant les avoirs et les comptes bancaires situés à l’étranger devront être demandées. Cer- taines informations (telles que les données sur la propriété foncière, les véhicules ou les sociétés, ainsi que le renseignement financier) peuvent être obtenues par le biais de canaux informels (par exemple des praticiens homologues, des magistrats de liaison ou des attachés régionaux, ou encore des réseaux de praticiens tels que le Groupe Egmont) plutôt que par une demande d’entraide judiciaire. Néanmoins, si un Etat requérant cherche à obtenir de la documentation qu’il souhaite utiliser comme preuve dans une procédure judiciaire interne, une demande d’entraide judiciaire sera requise. Dans tous les cas, il peut s’avérer possible pour les praticiens de participer aux actions entreprises dans l’Etat étranger. Le chapitre VII, qui concerne la coopération internationale, fournit aide et conseils dans ce domaine et aborde quelques uns des obstacles rencontrés dans le « traçage » des avoirs. 90  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 4.  Eviter la dissipation des avoirs : les mesures conservatoires Les efforts en vue de confisquer ou recouvrer des avoirs le seraient en pure perte si, une fois la procédure terminée, aucun avoir n’était disponible pour la procédure de confis- cation ou de recouvrement. Les avoirs pouvant êtres dissimulés ou transférés hors d’atteinte en peu de temps, alors que l’enquête et la procédure de confiscation peuvent prendre des années (donnant ainsi largement le temps de déplacer ou de faire dispa- raître les actifs), il est vital de prendre très tôt les mesures conservatoires pour garantir la disponibilité des biens ou valeurs susceptibles de faire l’objet d’une décision de confis- cation. Ces mesures sont qualifiées de « provisoires » et incluent la saisie et le contrôle des avoirs. Elles doivent êtres prises aussi tôt que possible après l’ouverture d’un dossier ; et si possible, elles doivent sécuriser les avoirs jusqu’au terme de la procédure de recouvrement ou de confiscation94. Les lois régissant les mesures provisoires dans la plupart des juridictions obéissent à la nécessité d’équilibrer deux principes. Le premier est l’intérêt public, en garantissant que les produits et instruments d’un crime seront préservés et conservés jusqu’à la fin de la procédure de confiscation ; le second principe est le droit de l’individu à la propriété et la jouissance de ses biens. Un équilibre similaire est recherché lorsqu’un individu est inculpé d’une infraction grave et que l’on doit déterminer s’il peut rester en liberté dans l’attente du jugement ou s’il doit être placé en détention provisoire. 4.1  Terminologie : la saisie et les mesures provisoires de contrôle Dans les juridictions de common law comme de droit civil, deux mécanismes distincts ont été développés pour le contrôle et la préservation des avoirs susceptibles d’être confisqués : la saisie et le contrôle. La saisie implique la prise de possession juridique ou physique des avoirs concernés. Bien qu’une décision judiciaire soit généralement requise, certaines juridictions accordent aux services de police le pouvoir de saisir des avoirs. Par exemple, les grosses quantités d’argent liquide ou les autres actifs qui paraissent constituer «  raisonnablement  » les produits ou instruments d’un crime peuvent souvent faire l’objet d’une saisie si les circonstances l’exigent. De tels pouvoirs, qui émanent souvent du droit douanier, sont particulièrement utiles pour saisir des espèces suspectes franchissant les frontières en violation des lois relatives à la réglemen- tation des changes et aux mouvements internationaux de capitaux. 94. Bien que certaines juridictions limitent la durée des mesures provisoires, ces limitations peuvent généralement être étendues. Au Liechtenstein par exemple, le tribunal doit limiter la durée pendant laquelle la décision peut s’appliquer, mais cette échéance peut être repoussée sur demande (Code de Procédure Pénale, sec. 97a[4]). Les mesures provisoires de contrôle résultent en général d’injonctions ou d’ordonnances judiciaires qui visent à interdire à quiconque de manipuler ou de se défaire d’avoirs visés par la décision, dans l’attente des résultats de la procédure de confiscation95. A l’inverse des décisions de saisie, les mesures de contrôle n’ont pas pour résultat une prise de possession physique des avoirs. Une autorisation judiciaire est habituellement requise ; néanmoins, certaines juridictions autorisent qu’une mesure de contrôle soit ordonnée par des procureurs ou d’autres autorités96. En revanche, toutes les juridictions n’utilisent pas la même terminologie pour la saisie et le contrôle des avoirs. Par exemple, une juridiction « saisira » des comptes bancaires, quand une autre prendra des mesures provisoires de «  contrôle  ». D’autres juridictions ont introduit des termes tels que « gel » ou « blocage »97. Les praticiens doivent avoir conscience de la distinction existant entre ces termes lorsqu’ils envoient ou reçoivent une demande d’entraide impliquant une autre juridiction, et ils doivent s’assurer que ces demandes utilisent une terminolo- gie susceptible d’être bien comprise. Parce que la terminologie utilisée peut induire en erreur le destinataire, Il est souvent utile de décrire l’objectif d’une mesure demandée plutôt que simplement son nom (voir section 7.4 au chapitre VII pour des informations additionnelles sur la rédaction des demandes d’entraide judiciaire [DEJ]). 4.2  Les conditions d’autorisation des mesures provisoires Comme pour les mandats de perquisition et de saisie et les injonctions de divulgation, la loi requiert souvent que les mesures provisoires soient autorisées par un juge ou un magistrat instructeur. De nombreuses juridictions autoriseront également que des mesures provisoires d’urgence ou de court-terme soient prises administrativement, par la cellule de renseignement financier (CRF), des services de police ou toute autre auto- rité habilitée (voir la section 7.3.4 du chapitre VII pour une discussion sur ces diffé- rentes voies) 4.2.1  Les exigences de preuve Les conditions nécessaires à l’obtention d’une décision de saisie (voir également le cha- pitre III) ou une décision de contrôle incluent généralement les éléments suivants : •  Soit (1) un suspect a commis une infraction dont il a tiré un bénéfice (confisca- tion basée sur la valeur), soit (2) les avoirs pour lesquels la confiscation est recher- chée sont liés à des activités criminelles (confiscation basée sur la propriété) (voir 95. Les mesures de contrôle sont similaires (mais non pas identiques) aux injonctions Mareva en common law. Voir le chapitre VIII pour une discussion sur les mesures de contrôle. 96. Un procureur dispose de l’autorité pour contrôler des avoirs en Colombie et au Mexique. Par exemple, voir Loi 793.02, Colombie. 97. Certaines lois de confiscation contiennent des dispositions relatives à la fois au contrôle et à la saisie. Les mesures de contrôle, prises par un juge, sont des décisions de haut-niveau susceptibles de contrôle des biens de tous types  ; les mesures de gel, prises administrativement par les forces de police ou par des fonctionnaires, sont des décisions de bas-niveau susceptibles de contrôler des catégories limitées d’avoirs de faible valeur. 92  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis le chapitre VI pour une discussion sur la confiscation basée sur la valeur et sur la propriété)98 ; et •  Une procédure a été initiée ou est sur le point de l’être99. Dans les systèmes judiciaires de common law, ces exigences sont généralement établies conformément au standard de preuve des « motifs raisonnables de penser » ou de « la cause probable ». Dans les systèmes de droit civil, la décision dépendra de la croyance ou de la conviction du juge ou du procureur eu égard à ces exigences. Des exigences additionnelles peuvent inclure des raisons de croire qu’il existe un risque de dissipation, ou que les avoirs sont sujets à confiscation et couverts par une garantie d’indemnisa- tion. 100 4.2.2  Les exigences procédurales Les règles procédurales applicables peuvent être définies dans les lois relatives à la confiscation ou les règles de procédure civile ou pénale. Les systèmes judiciaires de common law, par exemple, requerront une demande écrite qui est composée générale- ment de deux documents : (1) le mandat de perquisition ou la décision de contrôle, et (2) la déclaration sous-serment s’y rapportant (voir l’encart 4.1 pour une description des « affidavits » et des preuves importantes à inclure). Les systèmes de droit civil, en revanche, peuvent ne requérir qu’un exposé des faits, étayé par les documents perti- nents ou les preuves contenues dans le dossier, devant l’autorité judiciaire. Dans d’autres juridictions de droit civil, le procureur ou magistrat instructeur peut contrôler ou saisir des avoirs sur la base de la nécessité de sauvegarder les preuves ou d’éviter la dissipation des avoirs sujets à confiscation. Les mesures provisoires peuvent faire l’objet de contestations acharnées ou d’appels de la part des suspects et de leurs familles ou associés, en particulier lorsque des biens de grande valeur sont sujets à contrôle ou saisie. Il en résulte que le processus régissant la demande de mesures provisoires peut se transformer en un mini-procès au cours duquel les allégations motivant la demande sont discutées contradictoirement. Les mesures provisoires exigeant simplement une suspicion raisonnable de certains faits, les procureurs devraient faire en sorte que le tribunal évite de se prononcer sur le fond 98. La formulation exacte du test variera selon la juridiction. Par exemple, la Haute Cour Australienne a défini le « reasonable belief », la croyance raisonnable, comme « une inclination de l’esprit tendant à accepter, plutôt qu’à rejeter, qu’une proposition et les motifs dont on peut raisonnablement déduire cette inclusion de l’esprit peuvent, suivant les circonstances, laisser place à la supputation et à la conjecture » (George v. Rockett, 170 CLR 104, High Court of Australia, 1990). 99. Certaines dispositions concernant les mesures de contrôle permettent de faire la demande à tout moment, tant qu’une enquête (pénale ou non-basée sur une condamnation) est en cours. Cela confère beaucoup plus de flexibilité pour des demandes de mesures de contrôle effectuées le plus tôt possible, et constitue une évolution qui devrait être encouragée. 100. Dans les juridictions dans lesquelles des garanties doivent être données, il existe un spectre limité de circonstances dans lesquelles l’accusation doit s’acquitter de dommages et intérêts, en particulier à l’égard des mis en cause au procès pénal. L’ultime levée de la mesure ne se traduit pas automatiquement par l’imposition d’une décision d’indemnisation, à moins qu’il ne soit établi que le procureur ait soit agi de mauvaise foi soit fait preuve de négligence dans la conduite de ses fonctions. Eviter la dissipation des avoirs : les mesures conservatoires  I  93 du dossier, qui devra être examiné au procès. Il est en effet préférable de laisser cet exa- men au fond au tribunal chargé des poursuites et de la confiscation. De nombreuses juridictions autorisent le procureur à demander des mesures provi- soires ex parte, ou sans en informer le détenteur des avoirs, si une telle information est susceptible d’alerter ce dernier et de lui permettre de transférer ou de dissimuler les avoirs. Selon certaines lois, les procureurs ou magistrats instructeurs disposeront du droit absolu à agir ex parte s’ils le choisissent ; d’autres systèmes juridiques n’acceptent des demandes de ce type que si certaines conditions sont satisfaites, comme la démons- tration d’un risque de dissipation. ENCART 4.1 Rédiger un « affidavit » Un « affidavit » est un énoncé de faits, effectué sous serment et basé sur la connaissance personnelle ou l’opinion du déposant. Utilisé principalement dans les juridictions de common law, l’affidavit est une importante aide procédurale qui permet l’admission de preuves via une déposition écrite sans qu’il soit néces- saire de procéder à un contre-interrogatoire. Sans un « affidavit », le demandeur ou procureur doit appeler des témoins (preuve par témoignage oral ou de vive voix) qui seront alors soumis à un contre-interrogatoire – la preuve ne pouvant être seulement énoncée ou proposée par le procureur comme elle peut l’être dans certaines juridictions de droit civila. Les affidavits sont utiles dans les dossiers de recouvrement pour toutes les demandes faites auprès d’un tribunal, y compris pour les mandats de perquisition et de saisie, les décisions de contrôle et les ordonnances de production ; ils peuvent être autorisés pour certains types de preuve au procès. Lors de demandes concernant une saisie, un contrôle ou d’autres techniques d’enquête, un « affidavit » est typiquement réalisé sous serment par des agents de police ; ils peuvent alors présenter tout matériau pertinent, y compris des preuves par ouï-dire, même susceptible d’avoir été obtenu par des sources mul- tiples. Les praticiens devront s’assurer que de tels affidavits seront rédigés d’une manière conforme aux règles prescrites par le tribunal b. De plus, •  Parce que l’  « affidavit » constitue, essentiellement, la preuve nécessaire à l’appui de la demande, il doit montrer comment le dossier satisfait aux exigences de preuve pour l’obtention d’une mesure de contrôle. •  La preuve par commune renommée est permise dans les affidavits et les demandes de mesures judiciaires. Lorsque le déposant s’appuie sur des informations obtenues d’une autre personne, l’affidavit doit indiquer la source de l’information et le fait que le déposant la croit exacte. •  Tout document venant à l’appui de la demande doit être annexé à l’affidavit. •  Le plus grand soin doit être pris pour garantir l’exactitude des faits énoncés dans l’affidavit. (a continué) 94  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ENCART 4.1 (a continué) •  Si l’Etat requérant invoque une clause de confidentialité dans la demande d’entraide judiciaire (DEJ), l’Etat requis doit obtenir son consentement avant que toute information obtenue par le biais de l’entraide judiciaire puisse être soumise au tribunal sous la forme d’un affidavit. a. Aux Etats-Unis, les « affidavits » ne sont pas exigés lorsqu’une plainte est déposée dans un dossier de confiscation ACP. Un rapide exposé des faits donnant lieu à la confiscation dans la plainte est suffisant. b. De nombreuses juridictions proposent des formulaires susceptibles de guider le praticien. S’il existe un risque que la notification d’une demande tendant a l’obtention d’une mesure de contrôle puisse provoquer une dissipation, ou si les avoirs sujets au contrôle sont intrinsèquement mobiles – comme des fonds déposés sur un compte bancaire, des bijoux, des espèces, des véhicules -, la pratique recommande d’envisager la demande ex parte. Une décision ex parte peut n’être effective que pour un temps limité, pendant lequel le demandeur doit soit (1) la notifier au détenteur des avoirs et lui offrir la possibilité d’une audience ; ou (2) demander au tribunal une extension de la durée permise pour le faire. Certaines juridictions exigeront que le détenteur des avoirs reçoive les détails de la procédure, par exemple sous la forme d’une transcription. 4.2.3  La saisie d’avoirs et les mesures conservatoires dans les juridic- tions étrangères Il existe plusieurs voies pour obtenir la saisie ou des mesures de contrôle d’avoirs situés dans des juridictions étrangères101. Dans certains cas, après réception d’une requête émanant d’un autre Etat, les autorités de l’Etat requis peuvent décider d’appliquer la mesure de contrôle ou de saisie en vigueur dans l’Etat requérant102. Dans d’autres, les autorités de l’Etat requis peuvent requérir une décision interne de contrôle ou de saisie sur la base des faits exposés par l’Etat requérant. Il peut également exister des canaux informels ou administratifs pour obtenir la saisie ou le contrôle des avoirs (voir le cha- pitre VII pour plus de détails sur ces voies). 101. Voir la Convention des Nations Unies Contre la Corruption (UNCAC), art. 54(2)(a) et 54(2)(b), pour des listes de ces mécanismes. 102. Cette voie requiert que l’Etat requérant soit compétente extra-territorialement sur les avoirs situés dans la juridiction étrangère et que ces avoirs soient mentionnés dans la mesure de contrôle. Les lois permettant une application directe dans l’Etat requis incluent fréquemment des dispositions interdisant les tribunaux de l’Etat requis de se prononcer sur des moyens et arguments que le suspect, sa famille ou complices peuvent faire valoir dans le cadre de la procédure de confiscation en cours dans l’Etat requérant. De telles disposions empêchent que ne soient avancés des moyens similaires devant deux juridictions. . Eviter la dissipation des avoirs : les mesures conservatoires  I  95 4.3  La planification préalable au contrôle ou à la saisie Une planification adéquate est essentielle à un contrôle ou une saisie effective. Les déve- loppements ci-dessous décrivent certaines considérations majeures dont les praticiens devront tenir compte. 4.3.1  L’identification des avoirs sujets aux mesures provisoires Les avoirs sujets aux mesures provisoires seront ceux nécessaires, in fine, à l’exécution de la décision de confiscation. Les demandes de mesures provisoires doivent être élabo- rées avec soin pour correspondre à la sanction ou aux sanctions de confiscation (plus d’une confiscation pouvant être recherchée) qui sont susceptibles d’être prononcées à l’encontre des avoirs contrôlés ou saisis.. La garantie que les avoirs appropriés seront sujets aux mesures provisoires dépendra du système de confiscation en vigueur (selon qu’il est basé sur la propriété ou sur la valeur). Par exemple, si la seule sanction disponible contre un suspect est une décision de confiscation basée sur la propriété, le fait de saisir une maison qui ne puisse être carac- térisée comme le produit ou l’instrument d’une infraction de corruption n’aurait aucune utilité. Néanmoins, si une décision de confiscation basée sur la valeur est possible ou si des dispositions relatives aux avoirs de substitution existent, il peut alors y avoir de très bonnes raisons de saisir un tel avoir, à supposer qu’il existe des preuves que le suspect a tiré un bénéfice de l’infraction présumée. Dans les cas où il existe des présomptions ou des provisions opérant un renversement de la charge de la preuve, la portée de la décision peut être étendue jusqu’à inclure les avoirs qui seraient confisqués par la mise en jeu de la présomption. Par exemple, si l’infraction visée permet l’application d’une présomption que tout ou partie des avoirs sont des produits de la corruption, ceux ci peuvent être soumis à des mesures provi- soires (voir la section 6.3.1 du chapitre 6 pour une discussion sur les présomptions). Avoirs contrôlés, détenus ou offerts par un suspect Bien que certaines juridictions autorisent la saisie d’avoirs sans prendre en considéra- tion l’identité de leur possesseur ou détenteur, d’autres juridictions – en particulier les systèmes basés sur la valeur – limitent la confiscation aux avoirs « détenus» par le sus- pect. Une stricte interprétation de la propriété peut poser problème, en particulier et compte tenu du fait que des agents publics corrompus sont susceptibles de posséder des avoirs dont ils ont déguisé la propriété. Par exemple, des avoirs peuvent être : •  La propriété d’un membre de la famille ou d’un associé du suspect, tout en étant ainsi détenus au bénéfice du suspect ; •  La propriété d’une entité juridique ou d’un trust, détenu ou indirectement contrôlé par le suspect, ou •  Offerts par le suspect à un membre de sa famille, un associé ou une société. 96  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis La capacité à « lever le voile social » - c’est-à-dire à atteindre les actifs d’une société qui est essentiellement contrôlée par le suspect – et à inclure les avoirs détenus par des tiers, est particulièrement importante pour qu’une décision ordonnant des mesures provi- soires ait un effet pratique. Heureusement, la plupart des juridictions définissent le terme «  propriété  » de manière souple de façon à inclure des avoirs effectivement contrôlés, détenus ou offerts par le suspect. De telles lois vont au-delà de ce que la per- sonne peut posséder pour inclure des avoirs détenus par un trust, une entreprise ou par un individu contrôlé par le suspect. Certaines juridictions ont recours à d’autres tech- niques procédurales, telles que des présomptions, qui transfèrent effectivement vers le tiers la charge de prouver la propriété103. De telles dispositions aident au contrôle ou à la saisie d’avoirs que le suspect a vendus à un tiers pour un prix inférieur à celui du marché ou dans le cadre de transactions légales simulées (par exemple, via le paiement d’honoraires ou de dettes inexistantes). D’autres systèmes judiciaires autorisent seulement le contrôle ou la saisie d’avoirs qui sont détenus par un suspect, définissant « détenus » de façon assez souple pour inclure les biens et les avoirs possédés par d’autres mais dans lesquels le suspect détient une participation. Eu égard aux avoirs ayant fait l’objet d’un don, certains systèmes permettent le contrôle ou la saisie d’avoirs qui ont été transférés au cours d’une période raisonnable, comme cinq ou six ans104. Ces dispositions sont similaires aux dispositions de récupération (que les anglo-saxons appellent «  claw back  ») qui sont utilisées pour recouvrer des avoirs liquidés par une personne physique ou morale en situation de faillite dans la période ayant abouti à la faillite. En reliant un suspect à un bien ou compte détenu par un associé, un proche ou une société, il est utile de rechercher toute transaction impliquant le bien et de considérer différents facteurs, y compris : •  Le montant payé pour le bien (valeur du marché), y compris le fait de savoir si oui ou non la responsabilité de l’hypothèque a été transférée avec le titre ; •  La source des fonds utilisés pour acquérir le bien ; •  La personne payant les frais et les dépenses afférents au bien ; •  La capacité ou les ressources du propriétaire du bien pour l’acquérir ou l’entrete- nir; et •  La personne qui occupe, possède ou contrôle le bien. Ces questions peuvent conduire à une accumulation de preuves, circonstancielles ou non, qui permettront à un tribunal d’inférer que les avoirs détenus par un tiers sont effectivement et en réalité possédés ou contrôlés par le suspect et sont donc (si la loi l’autorise) sujets à contrôle ou saisie et, ultimement, à confiscation. 103. En Colombie, si des avoirs ont été transférés ou vendus à un tiers, ces avoirs peuvent être contrôlés ; le tiers a alors la charge de prouver qu’il n’a aucun lien avec l’entreprise criminelle. 104. La Colombie autorise la confiscation d’articles offerts à tout moment (Loi 793.02). Au Royaume Uni, la législation permet d’aller au-delà de la période six ans si l’avoir peut être relié à l’infraction. Eviter la dissipation des avoirs : les mesures conservatoires  I  97 Intérêts partiels dans les avoirs Un suspect détiendra souvent un intérêt partiel ou des parts d’un avoir, d’une société ou d’un investissement. A moins qu’on ne suppose que les intérêts restant sont effective- ment détenus ou contrôlés par le suspect, il est important de s’assurer que le contrôle restera limité aux seuls intérêts du suspect dans l’avoir (pour plus d’informations et de conseils, voir la section 4.7 du chapitre IV sur les intérêts des tiers). 4.3.2  Considérations relatives à la gestion des avoirs En plus de déterminer quels avoirs sont susceptibles de faire l’objet de mesures provi- soires, il est essentiel de prendre en compte, le cas échéant, les exigences en matière de gestion d’avoirs qui seront engendrées par le contrôle ou la saisie proposée (voir le cha- pitre V pour une discussion des questions relatives à la gestion d’avoirs). Cela impli- quera à la fois l’équipe d’enquête (incluant tout enquêteur chargé spécifiquement du « traçage » de savoirs) et le bureau du procureur (incluant le procureur chargé d’obtenir la décision). Lorsqu’il est déterminé qu’un contrôle ou qu’une saisie sera mise en place, l’équipe doit envisager d’impliquer le service responsable de la gestion des avoirs (si un tel service existe). Le gestionnaire peut fournir de précieux conseils utiles pour déter- miner si les avoirs devraient être contrôlés ou saisis, et les pouvoirs ou conditions par- ticulières qui devraient être inclus dans la décision pour faciliter la gestion de l’actif. De plus, son implication précoce donnera au gestionnaire l’occasion d’envisager si des pré- parations logistiques seront nécessaires pour parvenir au contrôle physique des avoirs. Bien que tous les comptes bancaires, certificats d’actions, espèces et autres avoirs intan- gibles de valeur seront couverts par la décision de contrôle ou de saisie, une analyse coût-bénéfice minimale devrait être entreprise pour les avoirs requérant une gestion ; cette dernière est en effet une activité prohibitive qui peut potentiellement coûter davantage que la valeur des avoirs gérés. Simplement parce que des avoirs peuvent être contrôlés ou saisis ne veut pas nécessairement dire qu’ils doivent l’être. En règle géné- rale, des avoirs ne devraient pas être saisis ou contrôlés si le coût probable de leur conservation, de leur stockage et de leur gestion risque d’excéder ou de diminuer subs- tantiellement le retour attendu sur la confiscation. Certaines juridictions ont mis en place des seuils destinés à éviter le contrôle ou la saisie d’avoirs de faible valeur, ou refusent de procéder au contrôle ou à la saisie de certains types d’avoirs (comme le bétail). D’autres nommeront un dépositaire, un agent fiduciaire, ou un conservateur pour des avoirs qu’il serait trop risqué ou trop cher d’administrer, ou autoriseront la saisie et la vente de certains biens. Cette règle générale ne doit pas être appliquée de manière inflexible. Il peut exister des raisons dans un dossier donné en vertu desquelles le contrôle ou la saisie sont dans l’intérêt public, comme dans le cas d’une maison abandonnée utilisée pour une activité illégale. De la même manière, et même si un avoir a de la valeur, il peut exister des rai- sons de restreindre son usage sans pour autant l’interdire – par exemple un domicile 98  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis familial ou le contenu d’un véhicule105. Des politiques claires à ces sujets doivent être développées et communiquées aux praticiens et aux gestionnaires d’avoirs106. Un autre élément à prendre en compte au moment de la planification consiste à déter- miner si un avoir peut être préservé sans avoir recours à des services de gestion, comme l’enregistrement de privilèges (suretés) sur le bien immobilier auprès du cadastre. L’en- cart 4.2 est un exemple de la manière dont la planification peut avoir pour résultat de petits changements apportés à une mesure proposée qui éliminent le besoin de nom- mer un gestionnaire d’avoirs, réduisant d’autant les dépenses, la complexité et le travail administratif, le tout sans détériorer significativement la valeur du bien. 4.3.3  Le contrôle partiel ou limité Certains avoirs peuvent être contrôlés à différents niveaux, et une réflexion préalable doit être menée eu égard au degré de contrôle requis pour préserver les avoirs avant confiscation. Par exemple, un suspect peut être le propriétaire d’une société opérant sur un terrain lui appartenant; et il peut être possible de contrôler le terrain et les immeubles, avec la société elle-même. Agir sur la base d’une telle détermination impliquera de prendre en compte un certain nombre de facteurs. Bien que des terrains puissent être contrôlés sans exiger la nomination d’un gestionnaire d’avoirs, la conservation de bâti- ments et d’une société est susceptible de se révéler coûteuse et de requérir des services de gestion. Les sociétés, en particulier, peuvent exiger des compétences de gestion spé- cialisées qui incluent le marketing et la vente, le support client, la logistique et l’appro- visionnement, la gestion d’actifs et les ressources humaines ; tout échec dans l’un de ces domaines peut rendre déficitaire une entreprise bénéficiaire. D’un autre côté, les profits engendrés par les immeubles ou sociétés ne peuvent être soumis à confiscation à moins de figurer dans la décision de contrôle. Le tableau 4.1 définit certains des avantages et inconvénients propres aux différentes options. 4.3.4  La préparation préalable à la prise de possession physique Le seul moyen pratique de préserver des avoirs consiste souvent à en prendre physique- ment possession. Avant qu’un gestionnaire d’avoirs ne puisse en prendre physiquement possession, des mesures doivent être prises pour garantir une saisie sûre des avoirs, et leur transfert sécurisé vers des emplacements de stockage adaptés. Dans certains cas, la question du stockage peut être réglée assez facilement  : par exemple les bijoux ou métaux précieux peuvent être mis en sûreté dans des coffres de banques. D’autres types d’avoirs – comme les œuvres d’art de grande valeur, les véhicules ou les navires de plai- sance – exigent des conditions de stockage spécialisées qui peuvent demander du temps et un coût substantiel. 105. Voir par exemple la section 4.5 du chapitre IV ou les sections 5.4.2 et 5.4.3 du chapitre V 106. Aux Etats Unis, le gouvernement n’est pas autorisé à saisir un bien immobilier pendant le cours d’une procédure de confiscation, à moins qu’il ne démontre que la propriété est abandonnée ou que sa valeur se détériore. Néanmoins, les procureurs placeront un privilège (une sureté) au registre cadastral de manière à notifier le public de la procédure en cours. La sureté empêche ainsi tout futur acheteur d’acquérir le statut de propriétaire de bonne foi. Eviter la dissipation des avoirs : les mesures conservatoires  I  99 Un exemple de décisions de planification avant contrôle en ENCART 4.2 pratique Au cours d’une enquête concernant les actes de corruptions d’un agent public, il a été déterminé qu’une procédure de confiscation d’avoirs serait menée contre l’agent public au moment, ou peu avant, son arrestation. Ci après une liste des avoirs d’un agent public et les considérations et décisions prises eu égard au contrôle et à la gestion des avoirs. •  Vaste logement occupé par l’agent public et sa famille. La propriété fut incluse dans la décision de contrôle, et l’existence de la décision men- tionnée sur le titre de propriété de manière à avertir de potentiels acheteurs ou prêteurs sur hypothèque. Aucun gestionnaire d’avoirs ne fut désigné ; l’agent public et sa famille furent autorisés à demeurer dans le logement à condition, comme mentionné dans la décision, que l’agent public entre- tienne la propriété et en payer les taxes et mensualités y afférentes. •  Résidence en bord de mer destinée à la location (louée par une agence). Bien qu’initialement considérée comme un avoir devant être géré, on découvrit que la gestion en cours et les profits engendrés étaient déjà la responsabilité d’un agent immobilier. Il fut décidé que le bien pourrait être adéquatement contrôlé sans qu’il faille recourir à un gestionnaire d’avoirs, ce au moyen d’une injonction requérant de l’agent immobilier qu’il verse les loyers accumulés sur un compte bancaire contrôlé. L’agent immobilier fut autorisé par la décision à payer les frais et dépenses afférents à la pro- priété à partir des quittances de loyer. L’existence de la décision fut men- tionnée sur le titre. •  Usine de plastiques légers (située dans une zone industrielle détenue par l’agent public) exploitée par une entreprise appartenant à l’agent public. On détermina que l’usine n’avait que peu de valeur : ses fonds propres étaient bas et les enquêteurs suspectèrent qu’elle n’était utilisée que pour blanchir les produits de la corruption. De ce fait, le contrôle ne fut pas demandé et la société fut laissée aux mains de l’agent public. Six mois plus tard l’usine était fermée. •  Zone industrielle. On découvrit que le seul « locataire » de la zone indus- trielle était l’usine, qui par ailleurs ne versait aucun loyer à l’agent public. Ce bien fut inclus dans la décision de contrôle, ce qui fut notifié sur le titre. On détermina que l’usine pouvait continuer à occuper la zone sans loyer à con- dition qu’elle s’acquitte de l’entretien des bâtiments, des frais et des taxes. Après la fermeture de l’usine de plastiques, la décision de contrôle fut amendée pour permettre la nomination d’un gestionnaire d’avoirs affecté à cette propriété. Il s’occupa de louer la propriété, de s’acquitter des dépenses afférentes au terrain et aux bâtiments en les prélevant sur les loyers, et de réinvestir les profits. •  Comptes bancaires personnels et portefeuille d’actions. Ces derniers furent placés sous contrôle, à l’exception d’un compte de faible valeur sur (a continué) 100  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ENCART 4.2 (a continué) lequel était versé le salaire de l’agent public (et que l’agent public utilisait pour payer ses dépenses courantes et celles de sa famille). Parce que le portefeuille d’actions n’était pas considérable et composé de valeurs « blue chip » au cours stable, aucun gestionnaire d’avoirs ne fut nommé à l’origine. Après que le gestionnaire eut été nommé pour contrôler la zone indus- trielle, le portefeuille boursier fut lui aussi placé sous son contrôle. •  Trois voitures de luxe. Les voitures furent placées sous contrôle et sous la responsabilité des forces de police (comme permis par la loi) via des procé- dures de gestion de véhicules qui permirent aux policiers de les conserver adéquatement. . Considérations relatives au contrôle partiel ou limité d’un TableAU 4.1 complexe hôtelier Option Avantages Desavantages Contrôle du terrain seulement. Peut ne pas nécessiter la Les profits tirés du terrain ne sont (laisser l’hôtellerie et les nomination d’un gestionnaire pas sujets à confiscation. d’avoirs parce que l’entreprise Si l’entreprise est utilisée pour bâtiments en possession du est responsable du paiement blanchir de l’argent cette option suspect pour qu’il les gère et des dépenses et des taxes. permettra à de telles activités de paye les frais y afférents. Dans le cas où la confiscation continuer ; Il serait donc mieux échoue, il existe un faible d’envisager la troisième option. risque que l’autorité judiciaire soit responsable des pertes réalisées après la prise de contrôle de l’entreprise. Contrôle du terrain et des Les bénéfices provenant du Un gestionnaire d’avoirs peut devoir bâtiments seulement terrain sous forme de loyers être nommé. (prêter ou louer le terrain à (moins les dépenses) seront Les bénéfices de l’entreprise ne l’entreprise hôtelière.) sujets à confiscation seront pas sujets à confiscation. Les taches de gestion relatives seulement au terrain et aux bâtiments peuvent n’être ni particulièrement difficiles ni onéreuses. Contrôle de l’ensemble (terrain, La valeur totale de la C’est une intervention majeure qui bâtiments, entreprise propriété, y compris suppose de nommer des gestion- d’hôtellerie). l’entreprise hôtelière, sera naires experts pour superviser contrôlée et sujette à l’exploitation de l’entreprise et pour confiscation. garantir que ses bénéfices sont adéquatement contrôlés. Dans le cas où la confiscation échouerait, l’autorité judiciaire peut être responsable des pertes réalisées après la prise de contrôle de l’entreprise. Source : compilation effectuée par les auteurs Note : Avoirs = un hôtel du suspect exploité sur un terrain appartenant au suspect Eviter la dissipation des avoirs : les mesures conservatoires  I  101 Eu égard à la manière dont un avoir sera saisi, le gestionnaire d’avoirs (ou les autorités de gestion des avoirs) doivent coordonner leur action avec les praticiens chargés de l’enquête pénale. Si des mandats de perquisition doivent être exécutés dans des locaux renfermant des avoirs devant être saisis, le meilleur moment auquel en prendre possession est précisément pendant l’exécution des mandats. Une fois que les officiers de police judiciaire ont sécurisé les lieux et effectué leurs fouilles préliminaires à la recherche des preuves, les lieux peuvent être facilement fouillés par le gestionnaire d’avoirs à la recherche d’avoirs qu’il ou elle a été autorisé à saisir107. Le demandeur de la décision de saisie devra s’assurer que le gestionnaire d’avoirs dispose de l’autorité né- cessaire pour pénétrer sur les lieux parce que ce dernier peut ne pas être couvert par l’autorité conféré par le mandat aux forces de police judiciaire. Lorsque des avoirs doivent être saisis indépendamment d’une enquête criminelle (par exemple, pour exécuter une décision de saisie dans le cadre d’une procédure de confis- cation en l’absence de condamnation pénale (ACP)), il peut être nécessaire d’obtenir les décisions autorisant le gestionnaire d’avoirs à pénétrer sur les lieux pour prendre possession de certains des avoirs. Les gestionnaires d’avoirs doivent rester en étroite liaison avec les agents de police judiciaire sur ces questions, et les autorités de poursuite devraient être prêtes à déployer des effectifs à cette fin. 4.4  La synchronisation des mesures provisoires La synchronisation des mesures provisoires constitue l’un des aspects les plus difficiles de toute procédure de confiscation d’avoirs. Si elles sont prises trop tôt en début d’en- quête, un suspect peut s’en trouver averti et cesser ses activités illégales (rendant ainsi difficile la collecte des preuves et l’identification des autres comptes, des autres suspects ou des mécanismes utilisées). Néanmoins, si les mesures sont prises après qu’un suspect a pris conscience de l’existence d’une enquête, il en résultera probablement une dissipa- tion ou disparition des avoirs. De ce fait, les praticiens qui enquêtent sur des infractions doivent coordonner leur action avec les praticiens chargés du recouvrement des avoirs. Ils doivent rester attentifs au risque qu’un suspect apprenne l’existence de l’enquête, et doivent rester suffisamment flexibles pour obtenir les mesures provisoires lorsqu’elles deviennent nécessaires. Un suspect peut être averti à n’importe laquelle des étapes sui- vantes : •  Lorsque certaines techniques d’enquête sont déployées au cours de l’enquête – telles que la perquisition d’un domicile ou d’une société, l’audition de témoins, l’obtention d’une injonction de communiquer, ou d’une demande d’entraide judi- 107. Il peut arriver que des praticiens se voient confier par les lois relatives à la confiscation le pouvoir de saisir des avoirs qui sont mentionnés dans une mesure de contrôle où qu’ils pensent être le produit ou l’instrument d’un crime. Cela peut ôter au gestionnaire d’avoir le besoin d’être présent au cours de la perquisition  ; pour autant, les procédures relatives à l’appréhension des avoirs doivent être élaborée à l’avance entre le gestionnaire d’avoirs et les praticiens. 102  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ciaire (DEJ). Il sera important de s’assurer que les avoirs sont sécurisés avant (ou en même temps que) le recours à ces techniques. •  Au moment où un suspect est inculpé pour une infraction pénale. •  Au moment ou une demande de confiscation est faite. La conséquence d’une mauvaise synchronisation peut être la perte d’avoirs et de preuves. Les praticiens doivent commencer les consultations dans les premiers stades de l’en- quête et avant qu’une action visible soit entreprise à l’encontre d’un suspect. Ils doivent développer une stratégie qui permette d’atteindre les objectifs de l’enquête pénale en même temps que le contrôle ou la saisie des avoirs du suspect au moment optimal. Les mesures provisoires sont moins efficaces dans les juridictions qui autorisent la prise de telles mesures seulement après l’inculpation du suspect. Les plupart des enquêtes et des démarches de « traçage » peuvent prendre des mois, sinon des années, accroissant de ce fait les chances pour un suspect de dissimuler ou de dissiper des avoirs, ou de quitter le territoire. Heureusement, certains systèmes judiciaires ont résolu ce problème en autorisant les mesures provisoires à tout moment au cours de l’enquête sur une infraction. L’existence de lois relatives à la confiscation ACP peut aussi fournir une occasion de contrôler ou saisir des avoirs bien plus tôt, parce cette capacité ne dépend pas de poursuites pénales. 4.5  Exceptions aux décisions de contrôle pour paiement des dépenses Certains systèmes judiciaires autoriseront des exceptions à une décision de contrôle pour payer certaines catégories de dépenses, dont les frais de subsistance d’un suspect et des personnes à sa charge, les frais de justice induits par la procédure de confiscation et par toutes poursuites pénales associées, et les dettes contractées de bonne foi et dépenses professionnelles d’un suspect. Ces exceptions sont sujettes à controverse108. Les demandes d’exceptions aux décisions de contrôle peuvent potentiellement ôter toute valeur à une décision de contrôle. Les individus dont les avoirs sont placés sous contrôle ont évidemment intérêt à essayer d’utiliser les avoirs sous contrôle et susceptibles d’être confisqués plutôt que les avoirs non-contrôlés, l’existence de ces derniers pouvant n’être pas connue. D’un autre côté, les questions relatives aux droits de la défense et du droit à un avocat doivent être prises en compte109. Dans les juridictions qui permettent de puiser dans les avoirs contrôlés, les praticiens doivent s’assurer qu’il n’existe pas d’autres avoirs non-contrôlés avec lesquels payer les 108. Theodore S. Greenberg, Linda M. Samuel, Wingate Grant, and Larissa Gray, Stolen Asset Recovery—A Good Practices Guide to Non-Conviction Based Asset Forfeiture (Washington, DC: World Bank, 2009), 74. 109. Les juridictions qui n’autorisent pas de telles exceptions s’appuient typiquement sur le système de l’aide juridictionnelle ou nomment un tuteur légal. Eviter la dissipation des avoirs : les mesures conservatoires  I  103 dépenses110. En utilisant des techniques d’enquête (telles que des injonctions de com- muniquer ou de divulgation, des auditions, des mandats de perquisition et des déclara- tions sous serment antérieures), les praticiens peuvent être capables de mettre à jour des preuves de l’existence d’avoirs non-contrôlés dans ou hors du pays, puis d’utiliser ces informations pour soutenir devant le tribunal que l’exception ne devrait pas être accor- dée tant qu’existent d’autres avoirs. De ce point de vue, les déclarations faites dans le cadre d’une injonction de divulgation ou d’interrogatoires sous serment et qui révèlent des mensonges ou des contradictions sont utiles parce qu’elles permettent aux procu- reurs d’éroder la crédibilité du demandeur (voir section 4.6 au chapitre IV concernant les ordonnances auxiliaires.). Lorsqu’il est établi qu’aucun avoir non-contrôlé n’est disponible, le demandeur devra vraisemblablement soumettre une note de frais au tribunal. Certaines juridictions fixe- ront un plafond légal aux frais que les avocats peuvent exiger, souvent comparable aux montants en vigueur pour l’aide juridictionnelle111. 4.6  Les ordonnances ou mesures accessoires Les ordonnances accessoires sont des mesures qui viennent en complément d’une déci- sion de contrôle ou de saisie. Leur but est d’accroître l’efficacité de la décision primaire. On trouve par exemple des ordonnances : •  exigeant d’un suspect ou d’individus associés au suspect qu’ils divulguent les détails de la nature et de la localisation d’avoirs du suspect ; •  plaçant des avoirs contrôlés ou saisis sous le contrôle d’un gestionnaire d’avoirs (voir chapitre V) ; •  exigeant d’un suspect qu’il soit interrogé sous serment par un agent judiciaire ou une autre autorité appropriée au sujet de ses avoirs ; et •  exigeant de tiers qu’ils fournissent des documents relatifs aux avoirs d’un suspect. Les pouvoirs de divulgation ou d’interrogatoire peuvent êtres des moyens utiles pour sonder des avoirs complexes et obtenir des preuves contraires aux demandes tendant au financement de dépenses personnelles sur des fonds contrôlés. Un procureur devrait éviter de mener des interrogatoires à moins qu’il ne soit au fait de toutes les informa- tions disponibles au sujet des avoirs et qu’il ne soit en position de tester et contester les preuves fournies par la personne interrogée. Les informations émanant d’institutions financières, par exemple, peuvent être utilisées pour montrer qu’un suspect n’a pas 110. Dans certaines juridictions, il reviendra au demandeur (le suspect), cible de la mesure de contrôle, de prouver au tribunal par un témoignage sous serment qu’il ou elle ne dispose pas d’avoirs non-entachés avec lesquels payer les dépenses. 111. Dans l’Ontario au Canada, la loi permet au demandeur de requérir du tribunal la libération des frais d’avocat raisonnables dans les dossiers de confiscation ACP. Les paiements sont soumis aux limites en vigueur dans le Civil Remedies Act. Le montant maximal des fonds disponibles pour le paiement des frais de justice est calculé en pourcentage des fonds totaux, et il existe des limites concernant les frais d’avocats. 104  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis divulgué des avoirs, ce qui peut constituer un refus (ou manquement) d’obéir à un ordre du tribunal Pour protéger le droit d’un suspect à ne pas s’auto-incriminer, les preuves obtenues dans le cadre d’une mesure accessoire ne peuvent être utilisées dans celui d’une procédure pénale connexe112. L’interrogateur doit identifier les suspects possibles de la procédure criminelle et être conscient des difficultés juridiques que peut provoquer la mise en évidence de preuves incriminantes. Une coopération étroite avec les procureurs est donc nécessaire. 4.7  L’intérêt des tiers Des demandes émanant de tiers ne manqueront pas de survenir dans les cas de contrôle ou de saisie d’avoirs. Les suspects sont en effet souvent partie à des systèmes financiers compliqués qui impliquent des tiers aux intérêts légitimes – par exemple, des parte- naires commerciaux et des investisseurs. Un tiers peut avoirs des intérêts dans – ou détenir – un instrument utilisé dans la commission d’une infraction sans pour autant être au courant de l’usage illégal qui en a été fait. La légitimité des intérêts du tiers peut aussi être remise en cause : sur le papier, le tiers peut être propriétaire d’un avoir qu’on présume être contrôlé par le suspect ; on peut aussi présumer que le tiers propriétaire n’est pas un acquéreur de bonne foi. Lorsqu’un tiers détient des parts d’une société ou d’un investissement en association avec un suspect, les praticiens auront à s’assurer que ces intérêts sont détenus de bonne foi et qu’ils ne le sont pas effectivement au bénéfice, ou via le contrôle, d’un suspect. Si cela se confirme, il est important de rédiger la décision de telle manière que les intérêts du tiers ne seront ni contrôlés ni saisis. Dans de tels cas, une décision de contrôle peut exiger de la société qu’elle continue à fonctionner normalement, mais qu’elle se sou- mette à de strictes exigences de publication vis-à-vis du tribunal, et de supervision par le gestionnaire d’avoirs, permettant ainsi aux tiers non-impliqués de participer à, et de tirer bénéfice de l’activité commerciale tout en retenant tout bénéfice revenant au sus- pect et en empêchant toute participation de ce dernier à la gestion de la société. Si des avoirs sont détenus conjointement par un suspect et un tiers, investisseur inno- cent, qui a utilisé des fonds légitimes pour investir dans ces avoirs et n’était complice en aucune façon de l’activité illégale, il peut être inapproprié d’obtenir une décision de contrôle couvrant l’ensemble des avoirs concernés. Il peut être suffisant, à l’inverse, de contrôler « les intérêts [du suspect] dans les avoirs x. » En pratique, une telle décision bloquera effectivement toute transaction portant sur l’ensemble des avoirs parce qu’il sera difficile pour un tiers de gérer indépendamment ses actifs. Néanmoins, cette manière de rédiger la décision permettra à la tierce-partie de s’assurer que le but de la mesure n’est pas de confisquer ses actifs, évitant ainsi tout litige inutile avec lui. 112. Ces protections sont habituellement définies dans la loi ou sanctuarisées comme droits constitutionnels. Certaines juridictions exigent également un engagement du procureur. Eviter la dissipation des avoirs : les mesures conservatoires  I  105 The asset subject to confiscation is often encumbered by a lien or other security held by a person or entity that had no involvement in or knowledge of the illegal use of the asset (for example, a bank that has issued a loan). Where satisfied that the creditor was not complicit in the illegal activity, a number of jurisdictions have streamlined the process for recognizing such creditors as innocent owners. Some jurisdictions require that a lienholder, like any other party in interest, file a timely claim in the confiscation pro- ceeding; and if such a claim is not filed, the lien will be extinguished in the confiscation proceeding. When the confiscation proceedings are complete and the asset is confis- cated and sold, the creditor is paid from the proceeds. Dans tous les cas, les praticiens devraient rester ouverts aux demandes émanant de tiers et, si possible, devraient consentir à moduler la décision de contrôle ou à libérer les avoirs ou instruments détenus légitimement113. Néanmoins, si aucune explication satis- faisante ou vérifiable ne peut être donnée, ou s’il existe un intérêt public majeur à saisir l’avoir (par exemple, une maison utilisée comme centre de distribution de drogue), les demandes émanant de tiers devraient être laissées à l’appréciation du tribunal qui devrait alors statuer en accord avec les critères établis dans les lois relatives à la protec- tion ou à l’exclusion des intérêts des tiers dans le cadre du contrôle et de la confiscation (voir la section 6.4 au chapitre VI pour une discussion sur les intérêts des tiers dans la phase de confiscation)114. 4.8  Alternatives aux mesures provisoires Bien que les mesures provisoires soient essentielles pour éviter la dissipation des avoirs, il peut exister des cas dans lesquels les indices ou les preuves sont insuffisants pour obtenir la mesure souhaitée. Dans de tels cas, les praticiens doivent envisager des moyens alternatifs de parvenir au même résultat. Dans de nombreux systèmes judi- ciaires, les lois contre le blanchiment d’argent – en particulier, les exigences de commu- nication des activités ou transaction suspectes – peuvent fournir ces outils alternatifs nécessaires à la sécurisation des avoirs : les CRFs peuvent disposer de l’autorité admi- nistrative pour contrôler, ou refuser de laisser transférer des fonds sur réception d’une déclaration de transaction suspecte (DTS) ; les institutions financières peuvent égale- ment décider indépendamment de contrôler des comptes pour éviter de se trouver impliquées dans des opérations de blanchiment. De ce fait, si un praticien informe une institution financière qu’un agent public corrompu a été mis en examen, ou que d’autres activités suspectes se sont déjà produites, cela peut constituer des soupçons suffisants pour qu’une banque produise une DTS, et peut conduire la CRF ou la banque à mettre en œuvre l’un de ces moyens alternatifs de sécuriser les fonds. 113. Lorsqu’ils décident de telles libérations de biens, les praticiens doivent s’assurer que les tiers respectent les documents de sortie, disposent de titres légitimes et abandonnent toutes poursuites futures à l’encontre des agents gouvernementaux et de leurs contractants impliqués dans la saisie ou le contrôle. 114. En fonction des lois en vigueur dans la juridiction et des circonstances du dossier, il peut exister un risque que le gouvernement ait à payer des indemnités si la procédure de confiscation échoue, ou s’il est établi qu’une perte financière a résulté de cette dernière (dans la valeur du bien ou le revenu) et que le gestionnaire du bien aurait dû libérer les avoirs au bénéfice d’un tiers. 106  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 5.  Gérer les avoirs sujets à confiscation Une fois les avoirs sécurisés au moyen de mesures provisoires, les autorités auront à garantir la sécurité et la valeur des avoirs jusqu’à leur confiscation ultime (ou libération) – ce qui peut potentiellement prendre des années. Selon la nature des avoirs concernés, ces mécanismes de contrôle peuvent fonctionner efficacement sans qu’il ne soit né- cessaire de mettre en place une gestion et une supervision continues. Par exemple, une fois qu’une mesure de contrôle ou de saisie sur un compte bancaire a été notifiée à une banque, il est généralement possible de faire confiance à cette dernière pour bloquer effectivement le compte. D’autres avoirs peuvent requérir des approches plus ciblées de leur entretien, de leur contrôle ou de leur gestion – tels que des voitures de collection, des animaux d’élevage ou exotiques, ou des biens immobilier de luxe. Il est essentiel pour tout système de confiscation d’avoirs de posséder à la fois la flexibilité nécessaire pour contrôler et gérer de tels avoirs dans l’attente d’une confiscation et la capacité de les liquider et d’en verser le produit à l’Etat, au gouvernement ou à tout autre destina- taire autorisé après confiscation115. Le point de départ pour la mise en place d’un système fonctionnel de gestion des avoirs consiste en une législation complétée par des règlements appropriés qui permet la pré- servation de la valeur économique des avoirs d’une manière effective, transparente et flexible. Des ressources suffisantes et adaptées doivent être allouées, incluant l’identifi- cation d’une autorité centrale compétente pour la gestion et le contrôle des avoirs, et la nomination de cadres compétents en matière de gestion et d’administration pour superviser le programme. On ne peut présupposer que les structures policières et judi- ciaires existantes disposent des compétences et des ressources requises pour la gestion d’avoirs. Bien qu’elles puissent avoir des capacités basiques dans ce domaine – par exemple, un service de police habitué à saisir et stocker des biens constituant des preuves d’activités criminelles -, elles sont généralement inefficaces dans la saisie, le contrôle et la confiscation d’une vaste gamme d’avoirs. Sans des lois rédigées avec attention, sans réglementation et sans le financement nécessaire à la gestion d’avoirs, même le système de confiscation le plus accompli peut être rendu inefficace par son incapacité à gérer les avoirs saisis. 115. L’importance de la gestion des avoirs saisis a été reconnue par la communauté internationale. Voir la Convention des Nations Unies Contre la Corruption (UNCAC), art. 31(3). Des orientations on également été formulées à ce sujet par le sous-groupe aux affaires pénales du groupe Lyon/Rome du G8, «  G8 Best Practices for the Administration of Seized Assets » (27 avril 2005), http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/ moneyval/web_resources/G8_BPAssetManagement.pdf ; ainsi que par le Secrétariat Général de l’Organisation des Etats Américains, «  Model Regulations Concerning Laundering Offences Connected to Illicit Drug Trafficking and Related Offenses », art.7 (Washington, DC, 1992). 5.1  Les acteurs-clés de la gestion d’avoirs Comme le montre ce manuel, la confiscation d’avoirs exige les efforts coordonnés d’in- dividus et d’administrations aux compétences différentes travaillant ensemble et incluant des officiers de police, analystes financiers, procureurs, magistrats instruc- teurs, ainsi que le gestionnaire d’avoirs ou l’administration équivalente. Bien qu’un groupe puisse être plus impliqué que les autres à un moment donné, il est important que tous soient conscients de l’évolution du dossier, du début à la fin. Les gestionnaires d’avoirs doivent posséder les compétences, les ressources et l’autorité légale nécessaires pour (1) préserver la sécurité et la valeur des avoirs dans l’attente de leur confiscation (ce qui inclut la vente des avoirs se dépréciant rapidement)  ; (2) si nécessaire, pour engager des contractants dotés des compétences spécialisées requises par les tâches de gestion ; (3) liquider les avoirs à un prix décent après confiscation ; et (4) distribuer les produits de la vente en accord avec les lois applicables et après le paie- ment des diverses dépenses. De telles compétences ont peu de chance de se trouver parmi les officiers de police, les procureurs ou les tribunaux ; les autorités concernées devraient donc s’efforcer d’acquérir l’expertise requise par d’autres moyens, incluant •  La création d’un bureau de gestion des avoirs spécialisé et séparé. Mettre en place un service responsable de la gestion des avoirs saisis ou contrôlés, de l’embauche de gestionnaires d’avoirs qualifiés, de la conduite de la planification et de l’analyse préalables au contrôle, et de la coordination de la liquidation après la confiscation116. •  La création d’une unité spécialisée en gestion d’avoirs au sein d’une adminis- tration existante. Dans certains cas, une nouvelle unité dédiée exclusivement à la gestion des avoirs sujets à confiscation est créée au sein d’une administration existante117. En toute logique, cette administration peut déjà se prévaloir d’une expertise en gestion d’avoirs118. 116 Des exemples de bureaux spécialisés dans la gestion d’avoirs incluent le Seized Property Management Directorate canadien et le Bureau d’Administration du Fond Spécial de Lutte contre la Drogue haïtien. Le Groupe d’Action Financière (GAFI) a recommandé les bureaux de gestion d’avoirs dans son « Meilleures pratiques : Confiscation (Recommandations 3 et 38) », adoptées par l’assemblé plénière du GAFI en février 2010. Le Camden Asset Recovery Inter-Agency Network recommanda également la création de bureaux de gestion d’avoirs lors de son assemblée générale annuelle en 2008. 117. En Colombie, l’administration anti-drogue possède une unité spécialisée dans la gestion d’avoirs responsable de la gestion des avoirs saisis ou contrôlés dans le cadre des lois colombiennes contre le trafic de drogue. Aux Etats-Unis, le U.S Marshal Service, une force de police à mission généraliste, assume des fonctions de gestion d’avoirs au sein du U.S Asset Forfeiture Program depuis 1984. 118. Un exemple en est le Insolvency and Trustee Service Australia, l’administration responsable de l’application des lois sur la faillite et l’insolvabilité. En plus d’assumer son rôle premier d’administrateur des biens résultant d’une faillite et des avoirs d’individus en situation de faillite personnelle ou de sociétés insolvables, le service assure également une mission de gestion d’avoirs spécialisée en appui aux lois australiennes sur la confiscation. 108  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis •  La sous-traitance de la gestion d’avoirs. Dans les juridictions dans lesquelles l’établissement d’un bureau de gestion d’avoirs ou le recours à une administration existante n’est pas une option envisageable, engager des agents fiduciaires privés spécialisés et locaux119. 5.2  Les pouvoirs du gestionnaire d’avoirs Les gestionnaires d’avoirs tirent leur autorité des lois existantes ou de décisions de jus- tice, autorité qui inclut souvent d’importants pouvoirs de collecte d’information néces- saires à l’exécution de leurs missions. 5.2.1  Les pouvoirs légaux Lorsqu’un bureau de gestion d’avoirs se voit confié le contrôle d’avoirs par un tribunal, conformément à une mesure de contrôle ou de saisie, le bureau (ou son directeur) doit se voir conférer les pouvoirs légaux nécessaires à l’exercice de ses diverses fonctions. Typiquement, ces pouvoirs seront accordés par les lois relatives à la confiscation, les lois sur la gestion d’avoirs, les lois anti-blanchiment et des décisions de justice. Ces pouvoirs doivent inclure : •  Le pouvoir de payer tous les frais nécessaires, dépenses et décaissements en lien avec le contrôle ou la saisie et la gestion des avoirs ; •  Le pouvoir d’acheter et vendre des avoirs saisis ou contrôlés et qui prennent la forme d’actions, de sûretés ou d’autres investissements ; •  Le pouvoir d’assurer les avoirs sous contrôle ; •  Dans le cas d’une entreprise, les pouvoirs nécessaires à l’exploitation, incluant ceux requis pour embaucher ou licencier des employés, engager un cadre diri- geant si nécessaire, et prendre les décisions assurant une gestion prudente de l’entreprise ; •  Dans le cas d’avoirs représentant des parts dans une entreprise, la capacité à dis- poser de ces actions comme si le gestionnaire d’avoirs en était le détenteur légal ; et •  La capacité à payer les salaires du gestionnaire d’avoirs et des personnes impli- quées dans la gestion de ces avoirs, en accord avec une échelle de rémunération ou une réglementation bien définie, ou avec une décision du tribunal sujette à une obligation de communication et d’audit (voir la section 5.8 du chapitre V pour une discussion sur les émoluments payables aux gestionnaires d’avoirs)120. 119. L’Afrique du Sud constitue un exemple de juridiction ayant recours à des gestionnaires fiduciaires, ou curator bonis, pour fournir les services de gestion d’avoirs requis par l’application du Prevention of Organised Crime Act de 1998. Cette loi permet au tribunal de nommer des individus pour gérer des avoirs saisis ou contrôlés en application de cette loi et de liquider les biens conformément aux décisions de confiscation. L’Asset Forfeiture Unit relevant de la South African Prosecution Authority édite un manuel destiné à guider ceux nommés curators bonis dans ce cadre. 120. Dans certaines juridictions, les salaires des gestionnaires d’avoirs sont payés sur les avoirs confisqués. Il n’est pas recommandé de payer directement les salaires des praticiens responsables des décisions relatives Gérer les avoirs sujets à confiscation  I  109 Les gestionnaires d’avoirs se voient souvent confier le pouvoir de disposer des avoirs périssables ou susceptibles de dépréciation – en particulier, le pouvoir de procéder à une vente par anticipation avant l’entrée en vigueur de la décision finale de confiscation (voire section 5.4.7 au chapitre V pour plus de détails). S’il ne lui est pas accordé l’auto- rité nécessaire pour disposer des avoirs périssables, ou s’il est confronté à tout autre difficulté de gestion pour laquelle il n’existe pas de recommandation spécifique ou de pouvoir conféré par la loi, le gestionnaire d’actifs peut avoir à demander au tribunal ayant pris la mesure de contrôle les recommandations ou l’autorité nécessaires. L’incon- vénient de cette démarche est qu’elle est longue et coûteuse. 5.2.2  Les pouvoirs de collecte d’information Les lois sur la confiscation d’avoirs contiennent souvent des dispositions relatives à des pouvoirs de collecte d’information. Dans de nombreux cas, ces pouvoirs ne peuvent être utilisés que par les officiers de police judiciaire, les procureurs ou les magistrats instructeurs. Néanmoins, ils concernent parfois les gestionnaires d’avoirs à qui il a été ordonné de prendre le contrôle d’avoirs dont la nature exacte et la localisation sont inconnues, ou pour mettre en œuvre des décisions portant sur une confiscation en valeur d’argent ou de profits. Ces pouvoirs peuvent inclure des injonctions de commu- niquer, des mandats de perquisition concernant des documents utiles au « traçage » des avoirs, des dépositions obligatoires de suspects eu égard à leurs avoirs, ainsi que des interrogatoires. Le recours au pouvoir d’ordonner à un suspect de divulguer au gestionnaire d’avoirs par une déclaration sous serment la nature et l’emplacement de ses avoirs constitue une tactique utile qui peut être employé dans les juridictions de droit civil comme de com- mon law121. Même si un suspect ne divulgue pas l’existence ou la localisation d’un avoir qui n’était pas connu, l’existence d’une telle déclaration – ou le refus même de la faire – peuvent être utiles à la défense contre les futures demandes du suspect d’obtenir l’accès aux avoirs contrôlés dans le but de financer ses frais de justice ou personnels122. De plus, la découverte de fausses informations ou le refus de procéder à de telles divulgations peuvent souvent faire l’objet de poursuites pour outrage au tribunal ou refus d’obtempé- rer à l’injonction de divulgation. Enfin, le pouvoir d’interroger sous serment un suspect, des individus qui lui sont associés ou ses conseillers (par exemple, des comptables, agents immobiliers et avocats) peut aider au « traçage » des avoirs. à l’enquête ou aux contentieux et conduisant à la confiscation sur ces fonds, cette pratique pouvant donner l’impression que les avoirs sont saisis dans l’idée d’une récompense pécuniaire. 121. Les autorités au Brésil et au Royaume Uni sont capables de requérir de telles injonctions de divulgation. 122. Ces pouvoirs d’interrogatoire peuvent parfois attenter aux droits du suspect, en particulier à son droit à ne pas s’auto-incriminer. Lorsque c’est le cas, les autorités sont généralement empêchées d’utiliser toute preuve provenant de ces interrogatoires dans le cadre de la procédure criminelle connexe. 110  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 5.3  Inventaire et communication des données Lorsqu’un gestionnaire d’avoirs prend le contrôle d’avoirs, il est essentiel de conserver des traces détaillées de toutes les transactions les concernant. Le gestionnaire fait un inventaire détaillé et une description des avoirs et de leur état, informations qu’il met ensuite à jour régulièrement123. Ces données doivent être enrichies de photographies ou d’enregistrements vidéo qui montrent l’état de l’avoir au moment de la saisie ou du contrôle. Des estimations doivent également être effectuées et versées au dossier. Ces données peuvent protéger le gestionnaire d’avoirs et le demandeur d’une mesure de contrôle de toutes plaintes subséquentes concernant d’éventuels dommages infligés aux avoirs par le personnel ou les collaborateurs du gestionnaire d’avoirs. Les gestionnaires doivent également s’efforcer d’enregistrer tout problème de gestion et tout défaut relevé au moment de la saisie ou du contrôle – par exemple, une toiture percée dans un entrepôt contenant des biens. Ils doivent communiquer ces informa- tions au tribunal, au procureur ou aux deux de manière à ce que les mesures adéquates soient prises et que le gestionnaire lui-même ne puisse être tenu responsable de condi- tions antérieures à sa prise de fonction. La retranscription des informations est également une composante importante pour tout système efficace de gestion d’avoirs. Un tel élément accroit la transparence des acti- vités de gestion d’avoirs et peut contribuer à informer l’opinion publique de la fonction et des succès du bureau. Les données concernant un dossier spécifique doivent être communiquées au demandeur de la mesure de contrôle et, si la loi l’exige, au tribunal. L’inventaire et l’estimation doivent être annexés à ce rapport. De plus, des rapports annuels sur l’activité générale du service et ses statistiques globales peuvent être requis. 5.4  Les types communs d’avoirs et les problèmes qui leur sont associés 5.4.1  Espèces saisies, comptes bancaires et instruments financiers L’argent est souvent difficile à « tracer », mais est généralement facile à gérer. Les espèces saisies, à l’exception de celles constituant des preuves, sont le plus souvent conservées sur un compte rémunéré124. Des pratiques similaires seront employées dans les juridic- tions qui contrôlent ou saisissent des comptes bancaires125. Les instruments financiers (tels que les chèques de caisse, les mandats postaux, les certificats de dépôt, les actions, les obligations et les comptes de courtage) devront également être saisis, avec des 123. Des solutions technologiques peuvent se révéler essentielles au maintien d’un inventaire à jour. Certaines juridictions ont mis en place des systèmes d’inventaire informatisées spécifiquement conçus dans ces buts. 124. En Colombie, les dollars U.S déposés sont transférés vers la Réserve Fédérale américaine pour vérification de leur authenticité puis investis dans des titres émis par le gouvernement colombien. 125. En Suisse, l’Association Suisse des Banquiers et les services de police on travaillé de concert sur un système de gestion des comptes bancaires sujets à confiscation. Gérer les avoirs sujets à confiscation  I  111 procédures capables de préserver ou de réaliser leur valeur. Dans le cas des actions, des obligations et des comptes de courtage, un professionnel (tel qu’un courtier) devra être sollicité pour une évaluation des avoirs et une détermination des meilleurs moyens de préserver leur valeur. Dans certains cas, le professionnel peut obtenir de l’autorité qu’elle liquide les comptes ou les convertisse pour préserver la valeur des avoirs. 5.4.2  Les actifs fonciers En règle générale, les actifs fonciers et leurs travaux de valorisation sont des avoirs qu’il est aisé de saisir avant confiscation, en particulier dans les juridictions disposant d’un système de propriété fonctionnel qui conserve les détails concernant la propriété et les hypothèques dans un registre centralisé ou une conservation des hypothèques126. Dans de tels systèmes, l’inscription d’une sûreté ou d’une hypothèque dans les registres fon- ciers publics est assez simple et permettra d’annoncer qu’un actif foncier est sujet à une procédure de confiscation à tout acheteur potentiel auquel le suspect tenterait de vendre son bien (en violation de la mesure de contrôle). Tout manquement à l’obligation d’une telle inscription sur un titre est susceptible de gêner voire de détruire les efforts des autorités vers une confiscation : même avec une mesure de contrôle en place, un suspect pourrait transférer un actif foncier vers un acheteur de bonne foi contre rémunération, et ce dernier pourrait alors revendiquer le statut de propriétaire de bonne foi. En l’absence de complications, les actifs fonciers peuvent être efficacement contrôlés sans qu’il soit nécessaire de nommer un gestionnaire d’avoirs. Néanmoins, plusieurs problèmes peuvent se présenter : •  Droits, taxes et prêts cautionnés. Les actifs fonciers font généralement l’objet de droits et taxes gouvernementaux, et peuvent être grevés auprès de banques comme garantie pour un crédit hypothécaire ou un prêt. Lorsqu’un actif foncier est contrôlé, la mesure doit stipuler que le suspect et les autres occupants du bien foncier sont légalement obligés de continuer les paiements des taxes et autres dettes qui sont susceptibles de grever le bien d’une servitude. Dans le cas où le propriétaire cesse de s’acquitter des droits, taxes et intérêts d’un emprunt, le tribu- nal doit être alerté. Le gestionnaire peut également chercher un accord avec le suspect, ou avec un autre occupant, qui concède le droit à l’occupation des lieux à condition du paiement de ces dépenses, et qui prévoie le droit immédiat du ges- tionnaire à prendre possession du bien et à en expulser les occupants si ces condi- tions ne sont pas remplies. S’il est contraint d’expulser les occupants, le gestion- naire d’avoirs peut chercher à mettre le bien en location pour un prix suffisant à la couverture des dépenses, ou à le vendre et à utiliser le produit de cette vente pour le paiement des dettes. In fine, les taxes et sûretés auront généralement pri- orité sur la décision de confiscation. 126. Les systèmes les plus anciens sont généralement indexés dans des livres consultables par le public, et les systèmes plus récents sont généralement indexés électroniquement et sont souvent disponible via des bases de données en ligne. 112  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis •  Dépenses, charges et dépenses d’investissement. Le contrôle d’actifs fonciers peut être compliqué par de lourdes charges et factures, dont certaines peuvent être urgentes. Certains types d’actifs fonciers exigent un entretien significatif et coûteux pour conserver leur valeur – par exemple, un parcours de golf ou une ferme. Si des fonds sont disponibles parmi les avoirs du suspect, via un fonds de confiscation spécifique ou via un autre type de fonds d’urgence, ils doivent être utilisés pour préserver la valeur du bien. Si aucune ressource n’est disponible ou que la valeur du bien est impossible à maintenir, la location ou la vente de l’actif foncier (lorsque c’est possible, avec ou sans le consentement du propriétaire) peut se révéler la meilleure option. 5.4.3  Les véhicules à moteur, navires et avions Indiscutablement, les véhicules constituent un défi significatif en matière de gestion. Ils sont difficiles et coûteux à conserver entre la saisie et la confiscation – ce qui constitue potentiellement une période de plusieurs années. La valeur à l’argus des véhicules saisis est parfois discutable et, typiquement, ils se déprécient rapidement. Fréquemment, les véhicules saisis par des praticiens sont simplement laissés sur un terrain non couvert (voir l’illustration 5.1). Or, ce n’est pas là une stratégie de gestion d’avoirs appropriée, parce qu’elle expose l’administration en charge de la saisie à des demandes d’indemnisation et réduit substantiellement le recouvrement du produits des ventes si les véhicules sont finalement confisqués. L’entretien adéquat des véhicules motorisés, navires et avions exige un centre de stockage approprié et sécurisé dans lequel l’entretien adapté peut être effectué, ainsi que des experts dans le domaine de la conservation de tels véhicules et dans la satisfaction ILLUSTRATION 5.1 Véhicules motorisés saisis et conservés à l’extérieur Source: Clive Scott. Gérer les avoirs sujets à confiscation  I  113 des exigences réglementaires s’appliquant aux types de véhicules saisis. Ce stockage et cette expertise peuvent coûter cher, et leur financement devra être assuré par l’adminis- tration responsable de la saisie (par exemple, une force de police ou le gestionnaire d’avoirs si la mesure de saisie le spécifie) ou par une autre source (y compris le suspect ou un fonds de confiscation). Compte tenu de ces dépenses et de la dépréciation, il peut ne pas être rentable de saisir des véhicules âgés ou en mauvais état : leur valeur à la vente peut en effet ne pas couvrir le coût de leur conservation. Lorsque la loi l’autorise, il est bon d’envisager la vente de tels véhicules lorsqu’ils sont encore relativement neufs et en bonne condition (avec ou sans le consentement du suspect). Parce qu’il est souvent dans l’intérêt de toutes les parties de convertir un véhicule se dépréciant en un actif qui conserve sa valeur, voire s’apprécie, il peut être possible de conclure un tel accord avec l’ensemble des parties – y compris avec le suspect. Une dernière option peut être d’autoriser le suspect à conserver l’usage du véhicule ou autre moyen de locomotion pendant la procédure de confisca- tion et de déposer une caution garantissant le paiement d’une somme équivalente à la valeur du véhicule au moment de l’ouverture du dossier. 5.4.4  Les entreprises Il n’est généralement pas possible de contrôler ou saisir efficacement une entreprise sans la placer sous le contrôle d’un gestionnaire d’avoirs ; cependant les risques et dépenses induites par cette manière de procéder peuvent être considérables. Comme une entre- prise peut n’avoir qu’une faible valeur (elle peut, par exemple, ne pas être propriétaire de son stock ou du local dans lequel elle opère), une évaluation de l’entreprise doit être effectuée avant tout contrôle ou saisie de manière à déterminer précisément sa dette et ses fonds propres. Si une telle évaluation ne peut être effectuée avant la demande d’une mesure de contrôle ou de saisie, elle devrait l’être peu de temps après. Pour une entre- prise de faible valeur, le mieux peut être d’en prévoir la confiscation sans pour autant assumer les risques financiers associés à la poursuite de son exploitation ; il convient alors d’en arrêter le fonctionnement ou de la vendre. La possibilité existe aussi que l’identification d’une entreprise comme cible d’une procédure de confiscation puisse endommager sa réputation. L’un des moyens d’empêcher cela est d’autoriser le directeur en fonction à poursuivre l’exploitation sous le contrôle d’un superviseur choisi par le gestionnaire d’avoirs ou nommé par le tribunal. La planification préalable au contrôle sera cruciale dans le cas du contrôle ou de la saisie d’une entreprise. Les mesures de contrôles doivent être prises ex parte pour éviter que l’entreprise ne souffre de la disparition d’actifs ou de liquidités. Des individus dotés des 114  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis compétences nécessaires à la gestion de l’entreprise doivent être informés et disponibles afin de pouvoir prendre le contrôle immédiat de l’entreprise au moment de l’entrée en vigueur de la mesure. Le gestionnaire d’avoirs ou le directeur nommé ou embauché doit prendre le contrôle immédiat des comptes bancaires, des systèmes et archives comptables, des données professionnelles importantes (comme les fichiers clients), ainsi que des stocks, des usines et des équipements de valeur. Si l’entreprise est appelée à continuer son exploita- tion, tous les livres de comptes doivent être rendus disponibles et être examinés par le gestionnaire. De plus, les gestionnaires devront se confronter au personnel et aux prin- cipaux cadres de façon à préparer d’éventuelles décisions concernant la fiabilité de ces employés. Le licenciement de membres du personnel peut se révéler coûteux et avoir pour résultat une moins bonne connaissance de l’entreprise, l’insatisfaction de clients et une perte de contrats ; pour autant, le fait de conserver des employés dont la loyauté est acquise à un suspect peut se révéler tout aussi dangereux pour l’entreprise. Des rapports réguliers sur les performances de l’entreprise devraient être transmis à l’administration ou à l’autorité de poursuite responsable de la mesure de contrôle. Tout problème avec l’entreprise devrait, de même, être immédiatement signalé. 5.4.5  Les animaux et les exploitations agricoles Cette catégorie d’avoirs constitue souvent la partie d’une entreprise commerciale parce que le bétail, les troupeaux ou le gibier participent généralement d’une exploitation agricole  ; des chevaux, pour leur part, sont utilisés pour la reproduction ou pour la course. Il peut également y avoir des fermes récréatives. Quel que soit le contexte, la gestion d’animaux peut se révéler problématique pour les gestionnaires d’avoirs. Quand ces avoirs sont de très grande valeur sur certains marchés (par exemple, les che- vaux de course peuvent valoir plusieurs centaines milliers, voire plusieurs millions de dollars (USD)), les praticiens inclinent davantage à les inclure dans les mesures de contrôle. Néanmoins, la conservation d’animaux peut être coûteuse, avec des dépenses incluant la nourriture, les procédures vétérinaires, l’entretien des terrains et des pâtu- rages, et les salaires du personnel. Compte tenu de ces dépenses et du fait que des flux de revenu suffisant pour les assumer sont peu probables, certaines juridictions refusent de saisir le bétail et les fermes. D’autres peuvent autoriser le contrôle de l’exploitation agricole, puis la saisie et la vente du bétail (avec ou sans consentement du propriétaire). A nouveau, une caution peut être déposée si le suspect ou ses associés désirent conti- nuer l’exploitation pendant le déroulement de la procédure de confiscation. Gérer les avoirs sujets à confiscation  I  115 5.4.6  Les métaux précieux, bijoux et œuvres d’art Au delà du respect des procédures pour l’inventaire de tels articles, les gestionnaires d’avoirs devront utiliser l’expertise nécessaire à l’inspection, la vérification et l’évalua- tion. Un lieu de stockage approprié et sécurisé doit être trouvé ou spécifié dans les lois ou la réglementation127. 5.4.7  Les avoirs périssables ou sujets à dépréciation Cette catégorie d’avoirs inclut généralement : •  Les avoirs hautement périssables, tels qu’un chargement de poisson frais ou un arrivage de fleurs coupées, qui perdront toute valeur s’ils ne sont pas vendus sous quelques jours ; •  Les avoirs modérément périssables, tels qu’un champ ou des animaux de ferme, qui perdront leur valeur s’ils ne sont pas récoltés ou vendus dans les délais adé- quats (potentiellement sous quelques semaines ou mois) ; •  Les avoirs sujets à dépréciation, telles que les voitures, navires et équipements électroniques qui perdent entre 15 et 30 % de leur valeur chaque année. Dans une situation idéale, les lois de confiscation sont assorties de dispositions donnant au gestionnaire d’avoirs le pouvoir de vendre les avoirs périssables ou sujets à déprécia- tion rapide et à en verser le produit sur un compte rémunéré et supervisé soit par le gestionnaire lui-même soit par le tribunal. Lorsque de tels pouvoirs ne sont pas appli- cables, il peut être possible de requérir du tribunal qu’il exerce ses pouvoirs généraux discrétionnaires et prenne les décisions appropriées concernant les avoirs contrôlés. Le consentement de toutes les parties est préférable, mais le tribunal doit disposer de l’au- torité pour prendre de telles décisions même si elles sont contestées. 5.4.8  Les avoirs situés dans des juridictions étrangères Des avoirs peuvent être contrôlés et saisis par des juridictions étrangères via une assis- tance informelle (par exemple, par des voies administratives) et en application d’une demande d’entraide judiciaire (voir la section 4.2.3 au chapitre IV et le chapitre VII). Lorsqu’une mesure de contrôle est enregistrée, son exécution sera de la responsabilité des autorités de l’Etat étranger. Un gestionnaire d’avoirs peut être nommé par le tribu- nal de l’Etat étranger dans ce but. Généralement, les gestionnaires d’avoirs des deux Etats travailleront de concert pour conserver les avoirs. Dans le même temps, il est sage de s’assurer que le gestionnaire d’avoirs dans l’Etat requérant dispose des pouvoirs additionnels en vue d’assurer l’exé- cution de la décision étrangère de contrôler et gérer effectivement les avoirs. Si ces pou- voirs ne sauraient conférer au gestionnaire d’avoirs le contrôle physique des avoirs dans 127. En Azerbaïdjan, les diamants saisis doivent être confiés à une institution financière. 116  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis l’Etat requis ; ils lui permettent néanmoins d’engager des contractants, avocats et autres agents dans l’Etat requis dans le but d’obtenir dans celle-ci les décisions des tribunaux. Il peut exister des problèmes supplémentaires lorsqu’il s’agit de traiter avec les juridic- tions étrangères. L’Etat requis peut ne pas disposer de l’autorité interne ou de la capacité opérationnelle à contrôler ou à saisir certains types d’avoirs. Par exemple, certaines juri- dictions refusent de saisir ou de contrôler des animaux vivants. Ou encore, l’Etat requis peut ne pas avoir de gestionnaire d’avoirs ou de fonds affectés à la gestion d’avoirs. Ces problèmes peuvent être résolus par des discussions avec l’Etat requis, bien qu’ulti- mement l’Etat requérant puisse avoir à fournir les fonds nécessaires à la nomination d’un gestionnaire pour les avoirs situés dans l’Etat requis. 5.5  Les difficultés de gestion récurrentes 5.5.1  Les dépenses Dans des circonstances optimales, un gestionnaire d’avoirs disposera d’un «  pana- chage » raisonnable d’avoirs – générateurs de revenus, espèces, capital et avoirs sujets à dépréciation – de sorte que les dépenses pourront être payées grâce aux revenus, main- tenant ainsi la valeur globale des actifs et préservant ces derniers dans l’attente du résul- tat de la procédure de confiscation. Cependant, il peut arriver que ni espèces ni revenu ne soient disponibles pour financer la préservation ou l’entretien des avoirs. Dans ces cas-là, le gestionnaire d’avoirs devra soit vendre les avoirs, soit trouver suffisamment d’argent pour payer ces frais, peut-être auprès suspect, ou via une confiscation ou un fonds de confiscation (voir section 5.9). 5.5.2  Les dettes importantes Dans certains cas, un gestionnaire d’avoirs est chargé du contrôle des avoirs d’un sus- pect massivement endetté. Le gestionnaire d’avoirs peut alors requérir auprès du tribu- nal la libération ou la vente d’autres avoirs sous contrôle pour payer ces dettes. Les créanciers contrarient souvent le dossier de l’autorité procédant à la confiscation en s’efforçant d’obtenir des sûretés ou de contraindre le suspect à entamer une procédure de faillite personnelle. Dans ces circonstances, le gestionnaire d’avoirs doit posséder une bonne compréhen- sion de la façon dont les dispositions des lois relatives à la confiscation s’appliquent aux faillites ou aux lois sur la liquidation des sociétés. Dans certaines juridictions, les lois relatives à la faillite ou à la liquidation ont priorité lorsqu’un individu ou une entreprise est déclarée en faillite. L’autorité procédant à la confiscation se retrouve alors à faire simplement la queue avec les autres créanciers dépourvus de sûretés. Dans d’autres juri- dictions, les lois relatives à la confiscation prévalent sur celles relatives à la faillite et à la liquidation d’entreprises, ce qui confère effectivement à l’autorité et à la demande qu’elle formule priorité sur les autres créanciers. Gérer les avoirs sujets à confiscation  I  117 5.5.3  Dépenses personnelles, légales et professionnelles Un gestionnaire d’avoirs se verra souvent confier par un tribunal la responsabilité de prélever sur des avoirs contrôlés les fonds destinés aux dépenses personnelles, légales et professionnelles d’un suspect et des personnes dont il a la charge (voir le chapitre VI pour plus de détails sur cette question). Dans la plupart des cas, le montant de ces dépenses sera déterminé par la loi ou fixé par le tribunal, bien que le gestionnaire d’avoirs puisse occasionnellement être impliqué dans la détermination de ce qui est « raisonnable » à des fins précises – une évaluation que le suspect peut contester par une demande auprès du tribunal. Comme le paiement de ces dépenses est fréquemment contesté auprès du tribunal, il est important que le gestionnaire d’avoirs prenne ces décisions avec attention et qu’il les enregistre et les documente ainsi que l’ensemble des transactions qui leur sont liées. 5.5.4  L’utilisation des avoirs sujets à confiscation L’utilisation des avoirs qui ont été saisis mais dont la confiscation n’a pas encore été décidée présente des implications éthiques et financières majeures qui ne plaident pas pour de telles pratiques. Le problème éthique principal est le suivant : si les procureurs, magistrats, officiers de police ou membres des forces armées sont autorisés immédiate- ment à utiliser tout véhicule ou moyen de locomotion saisi aux stades préliminaires de l’enquête, ces différents groupes peuvent avoir peu d’intérêt à voir la procédure de confiscation arriver à son terme, encourageant ainsi la perpétuation pour le proprié- taire d’une privation de ses avoirs malgré l’absence d’une décision judiciaire. De plus, de telles pratiques d’utilisation provisoire concourent à créer parmi les forces de police un encouragement indésirable à saisir des avoirs sans nécessairement développer la révéla- tion requise des preuves. Financièrement, il existe des questions de coût – particulière- ment dans le cas d’une décision judiciaire exigeant la restitution de l’avoir : parce que l’utilisation de l’avoir contribue à en diminuer la valeur, la restitution devra s’opérer à partir des réserves de fonds de l’Etat. 5.6 Consultations Comme abordé plus haut, le gestionnaire d’avoirs doit participer à des consultations avec d’autres praticiens dans le cadre des mesures de contrôle et de gestion d’avoirs pro- posées. La consultation peut aussi être bénéfique lorsqu’une proposition ou décision relative à la gestion peut avoir un impact sur la valeur des avoirs sous contrôle. De telles consultations peuvent faire obstacle aux demandes relatives à des pertes encourues du fait d’erreurs de gestion, en particulier si ces consultations incluent le suspect, le prati- cien qui a obtenu la mesure de contrôle, et tout tiers intéressé. Les conseils formulés par toutes les parties devraient faire l’objet d’un enregistrement écrit et être considérés avec sérieux. Ultimement, cependant, c’est au gestionnaire d’avoirs que revient la décision finale, en accord avec les orientations fixées par le tribunal. 118  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 5.7  La liquidation (vente) d’avoirs Lorsqu’il est désigné pour prendre le contrôle d’avoirs conformément à une mesure de contrôle, le rôle du gestionnaire d’avoirs est habituellement défini en termes de préser- vation, d’entretien et de gestion. Dans la plupart des cas, la vente d’avoirs sous contrôle n’est envisagée que dans le cas d’avoirs périssables et sujets à dépréciation, ou après qu’une décision de confiscation a été prise. De surcroît, l’autorité chargée de la vente peut varier : dans certaines juridictions, le gestionnaire d’avoirs se voit confier l’autorité par la loi. Dans d’autres, le tribunal doit prendre une décision conférant des pouvoirs de réalisation au gestionnaire d’avoirs. Lorsqu’il vend des avoirs conformément à ses pouvoirs de réalisation, un gestionnaire d’avoirs dispose généralement d’une latitude considérable quant à la manière de procé- der. Les procédures les plus transparentes devraient être privilégiées parce qu’elles pré- viendront ou minimiseront les allégations de mauvaise gestion. Pour cette raison, il est en général plus avisé d’organiser la vente des avoirs lors de ventes aux enchères publiques, annoncées et conduites par des professionnels. Occasionnellement, des types d’avoirs spécialisés ou exotiques seront placés sous contrôle. Ils peuvent être vendus par exemple au moyen de marchés spécialisés de manière à obtenir un prix optimal. Les décisions de vendre des avoirs de cette façon doivent faire l’objet de conseils d’experts et être conve- nablement documentées. De nombreuses juridictions parviennent à ces objectifs au moyen d’enchères en ligne ou de catalogues d’avoirs accessibles par internet et assortis de prix de réserve. 5.8  La rémunération des gestionnaires d’avoirs Dans certaines juridictions, l’échelle des rémunérations des gestionnaires d’avoirs est clairement spécifiée dans les lois relatives à la confiscation, ou par référence à d’autres types de lois (par exemple, des lois relatives aux liquidations d’entreprises ou aux fidu- cies immobilières). Cette rémunération est parfois laissée à la discrétion du tribunal et est alors sujette à une totale transparence et à une obligation d’audit. Les lois relatives à la confiscation d’avoirs postulent généralement que la rémunération du gestionnaire d’avoir sera prélevée sur les produits de la confiscation, soit en pourcen- tage prédéfini soit sur une base forfaitaire, qui peut-être calculée à partir d’un taux horaire ou en accord avec une échelle de rémunération. Le gestionnaire étant parfois obligé de gérer les avoirs pendant une longue période, il est de bonne pratique qu’il prépare des points réguliers concernant le coût induit par sa rémunération et qu’il transmette ces informations au procureur. L’accumulation de frais de ce type peut aler- ter le procureur sur le fait que la mesure de contrôle commence à perdre de sa perti- nence économique et peut suggérer que d’autres méthodes ou d’autres ensembles de mesures devraient être envisagés. Gérer les avoirs sujets à confiscation  I  119 Il arrivera que le gestionnaire d’avoirs produise un travail considérable mais que sa rémunération ne puisse être collectée (par exemple, dans les cas où la procédure de confiscation est arrêtée ou échoue). Dans de telles circonstances, la rémunération du gestionnaire doit être payée par l’autorité ayant procédé à la confiscation. Un fonds de confiscation existant peut se révéler un outil précieux pour payer les frais engendrés par la gestion d’avoirs. Là encore, il est considéré comme de bonne pratique que ces ques- tions soient prises en compte et réglées par un accord entre les procureurs, les gestion- naires d’avoirs et les tribunaux et ce le plus tôt possible au cours de la procédure pour éviter tout malentendu et tout litige potentiellement coûteux par la suite. 5.9  Le financement de la gestion d’avoirs Des ressources sont nécessaires à tous les stades de la confiscation d’avoirs, depuis le « traçage » et le contrôle jusqu’à la gestion et la liquidation. Comme évoqué plus haut, la gestion d’avoirs peut être coûteuse ; elle exige également des mécanismes qui garan- tissent un financement fiable, continu et adéquat. Dans certains cas, la gestion peut être financée sur le budget général ; dans d’autres, elle peut l’être par l’intermédiaire d’un fonds de confiscation. Cette question a été abordée dans d’autres publications de l’ini- tiative StAR128. 128. Theodore S. Greenberg, Linda M. Samuel, Wingate Grant, and Larissa Gray, Stolen Asset Recovery—A Good Practices Guide to Non-Conviction Based Asset Forfeiture (Washington, DC: World Bank, 2009), 90; et Stolen Asset Recovery Secretariat, “Management of Confiscated Assets� (Washington, DC, 2009). 120  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 6.  Les mécanismes de confiscation L’existence d’un régime de confiscation d’avoirs est une condition préalable pour tout Etat désireux d’utiliser efficacement l’ensemble des méthodes de recouvrement des pro- duits de la corruption et du blanchiment d’argent. La confiscation suppose la privation permanente d’avoirs par la décision d’un tribunal ou d’une autre autorité compétente129. La propriété est alors transférée à l’Etat ou au gouvernement sans compensation pour le détenteur des avoirs. Les instruments et standards internationaux mettent l’accent sur l’importance des systèmes de confiscation en requérant, au minimum, que les parties disposent de systèmes de confiscation pénale permettant de combattre et de dissuader la corruption, le blanchiment d’argent et autres infractions graves130. La confiscation en l’absence de condamnation pénale (ACP) est encouragée dans la Convention des Nations Unies contre la Corruption (UNCAC) et les 40+9 recommandations du GAFI, est elle est adoptée de plus en plus largement à mesure que les juridictions continuent d’étendre leurs programmes de confiscation131. La logique de la confiscation est claire. D’abord, les crimes impliquant corruption et les autres infractions financières supposent des victimes (que ce soit un Etat, un gouverne- ment ou des individus) qui doivent être indemnisées sur tous les fonds recouvrables. Ensuite, et parce que la recherche du profit est un mobile primordial des infractions financières et de la corruption, la confiscation exerce une fonction dissuasive en faisant disparaître la possibilité de profiter de gains illégaux. En d’autres termes, la confiscation envoie le message selon lequel « le crime ne paie pas ». Comme toute législation, les lois relatives à la confiscation n’ont pas manqué d’être contestées dans de nombreuses juridictions et devant les tribunaux internationaux. Ces remises en cause ont été fondées sur le droit de propriété et sur la question de savoir si les personnes mises en cause dans les procédures de confiscation bénéficient des droits constitutionnels dont jouissent les individus impliqués dans des affaires pénales, au premier rang desquels figurent la présomption d’innocence, le droit à un procès devant un tribunal pénal, et les droits protégeant contre l’auto-incrimination, la double peine et les peines rétroactives. Nombre de ces débats ont tourné autour de la question sui- vante : la confiscation doit-elle être considérée comme une peine ou comme une mesure de réparation  ? Si elle est une peine, la procédure devrait incorporer les protections 129. Convention des Nations Unies Contre la Corruption (UNCAC), art. 2  ; Convention des Nations- Unies contre la Criminalité Transnationale Organisée (UNTOC), art. 2 ; Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et de Substances Psychotropes, art. 1. 130. UNCAC, art. 2, 31, 54, 55 ; UNTOC, art. 2, 6, 12, 13 ; Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et de Substances Psychotropes, art. 1, 5  ; et recommandations 3 et 38 des 40+9 recommandations du GAFI. 131. UNCAC, art. 54(1)(c) ; recommandation 3, 40+9 recommandations du GAFI prévues dans la procédure pénale  ; si elle est une mesure de réparation, son champ d’application s’étend et peut inclure des procédures administratives ou civiles, l’usage de différents standards de preuve, l’usage de présomptions (bien que de nombreuses juri- dictions permettent ces dernières pour certaines infractions pénales), et l’application rétroactive. In fine, de nombreux tribunaux ont adopté une approche qui permet un champ d’application élargi132. Historique et récents développements en matière de ENCART 6.1 confiscation Le concept de confiscation d’avoirs est très ancien. Des exemples d’anciennes lois de confiscation ont été trouvés dans des textes vieux de plusieurs millénaires. Les lois de confiscation, lointaines descendantes de ces anciens précédents, se sont développées à la fois dans le cadre de la common law anglaise et, précocement, dans celui du droit civil. Démarrant par des efforts renforcés dès les années 1980 pour combattre le trafic de drogue et le crime organisé, certaines juridictions ont mis en place à la fois un régime de confiscation pénale et un système ACP. Plus récemment, des juridictions ont redoublé d’efforts pour obtenir des confiscations, souvent motivées par le niveau relativement faible des montants récupérés sur les profits du crime, surtout comparés aux chiffres énormes auxquels on estime l’éco- nomie criminelle. Cette réévaluation a conduit à plusieurs tendances de fond eu égard aux lois sur la confiscation : •  L’introduction des dispositions de confiscation (en l’absence de condamna- tion pénale « ACP ») ; •  Des standards de preuve abaissés ; •  L’inversion de la charge de la preuve dans certaines circonstances ; •  Un usage accru des présomptions ; et •  Une mise en œuvre usage plus fréquente de la confiscation administrative et des procédures de renonciation en lien avec l’argent liquide et les instru- ments d’un crime. Un régime de confiscation doit permettre l’identification, la saisie ou le contrôle, la gestion, la confiscation, la liquidation et le partage ou la restitution des produits et ins- truments d’une infraction. Les dossiers de grande corruption et de blanchiment d’argent 132. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a jugé que lorsque le montant est limité aux bénéfices obtenus, et que ne peut s’y substituer l’emprisonnement mais plutôt d’autres mesures d’ordre économique, la confiscation des produits d’un crime auront le caractère d’une mesure réparatrice. Welch v. United Kingdom, No. 17440/90 (CEDH, 9 février 1995) ; Philips v. United Kingdom, No. 41087/98 (CEDH, 5 Juillet 2001)  ; Butler v. United Kingdom, No. 41661/98 (CEDH, 27 juin 2002). Pour des exemples dans des juridictions spécifiques, voir Theodore S. Greenberg, Linda M. Samuel, Wingate Grant, and Larissa Gray, Stolen Asset Recovery—A Good Practices Guide to Non-Conviction Based Asset Forfeiture (Washington, DC: World Bank, 2009), 19–21. 122  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis étant transfrontaliers, le régime de confiscation doit être pouvoir assurer l’exécution des décisions de justice interne dans des juridictions étrangères. Ce chapitre aborde les étapes spécifiques de l’obtention d’une décision de confiscation et les aides et renforce- ments procéduraux appliqués par certaines juridictions. Pour plus d’informations sur les autres aspects de la confiscation, voir les chapitres III, IV, V et VII. Un rapide histo- rique ainsi que les récents développements en matière de confiscation sont présentés dans l’encart 6.1. Les procureurs peuvent disposer de multiples méthodes de confiscation sous le régime interne auquel ils sont soumis ; ils devraient s’efforcer de maintenir ouvertes toutes les options, en particulier dans les dossiers dans lesquels des obstacles à la confiscation sont susceptible d’empêcher la mise en œuvre d’une méthode. Par exemple, si l’accusa- tion s’écroule du fait de l’inadmissibilité de preuves ou du décès de l’accusé, l’existence d’une demande parallèle de confiscation en l’absence de condamnation (ACP) préserve la possibilité de procéder à une confiscation. La disponibilité de multiples options peut aussi permettre aux autorités d’utiliser une méthode pour saisir ou contrôler les avoirs puis de passer à une autre méthode pour les confisquer133. D’un point de vue stratégique, il est souvent prudent d’obtenir de multiples décisions de confiscation portant sur le même avoir, comme une décision de confiscation basée sur la propriété et une décision basée sur la valeur. Dans un tel cas, si certains chefs sont levés, si un acquittement est prononcé ou si une condamnation est annulée en appel, l’autre décision de confiscation peut rester valable. Dans certaines juridictions dotées de la confiscation ACP, la procédure concernant cette dernière peut être suspendue dans l’attente d’un verdict et d’un épuisement des voies de recours dans le dossier pénal. Si les lois relatives à la confiscation ne requièrent pas qu’un choix soit définitivement fait entre une voie et une autre, les praticiens doivent n’abandonner aucune sanction poten- tiellement disponible. 6.1  Les systèmes de confiscation Il existe généralement trois types de confiscation utilisés pour le recouvrement des pro- duits et instruments de la corruption : la confiscation pénale, la confiscation ACP, et dans certaines juridictions, la confiscation administrative. 133. Les Etats-Unis saisissent ou contrôlent fréquemment des avoirs au moyen de confiscations ACP avant qu’une inculpation ne soit obtenue, mais basculent ensuite vers une confiscation pénale pour effectivement confisquer les mêmes avoirs après la condamnation : United States v. Candelaria-Silva, 166 F.3d 19,43 (1st Cir., 1999). L’une des raisons de procéder ainsi est que le praticien souhaitera fréquemment saisir ou contrôler les actifs avant de disposer des preuves permettant l’obtention d’une mise en examen formelle. Généralement, néanmoins, si une condamnation est finalement obtenue, il est plus facile à ce stade de faire ordonner une confiscation dans le cadre de la peine prononcée pénalement. De même, dans le système colombien de l’extinción de dominio, la procédure de confiscation ACP peut avancer indépendamment de, et parallèlement au dossier pénal. Mais si le mis en cause est condamné, la confiscation de comiso (pénale) est souvent plus facile à obtenir que le succès de la procédure de confiscation ACP. Les mécanismes de confiscation  I  123 6.1.1  La confiscation pénale La confiscation pénale exige une condamnation pénale à l’issue d’un procès ou après qu’un défendeur ait plaidé coupable. Une fois une condamnation obtenue, le tribunal peut prendre une décision finale de confiscation – souvent dans le cadre de la peine prononcée. Dans certaines juridictions, la confiscation est une peine obligatoire ; dans d’autres, le tribunal (ou le jury) dispose de la latitude pour l’imposer ou non134. Les systèmes de confiscation pénale peuvent être basés sur la propriété ou sur la valeur (tel que détaillé à la section 6.2). Dans certaines juridictions, différents standards de preuve peuvent s’appliquer dans les deux phases du dossier (c’est-à-dire au moment du jugement et pendant la procédure de confiscation.) Au stade du jugement, la première charge du procureur est d’obtenir la condamnation du mis en cause au titre de l’infraction et conformément au standard de preuve en matière pénale, que ce soit «  au-delà de tout doute raisonnable  » ou par « intime conviction ». Ce standard de preuve doit être satisfait pour prouver l’infraction avant que la confiscation puisse être ordonnée. Des règles de preuve secondaires ou subséquentes peuvent s’imposer au tribunal lorsqu’il s’agit de se prononcer sur la confis- cation. Dans certaines juridictions, cette charge secondaire peut être établie sur la base plus légère du standard de preuve de la « prépondérance des probabilités » ; d’autres juridictions appliquent le même standard que celui utilisé en matière pénale. Du fait de la nécessité d’une condamnation, il peut être difficile d’utiliser cette procé- dure pour confisquer des avoirs lorsque le contrevenant est mort, a fui le pays ou est absent. Certaines juridictions ont mis en place des dispositions relatives au risque de fuite qui permettent de déclarer le contrevenant « condamné » au fins de la confiscation dès lors qu’il est établi qu’il a fui le pays. 6.1.2  La confiscation en l’absence de condamnation pénale (ACP) La confiscation ACP – parfois appelée « confiscation objective » ou « extinción de domi- nio  » - autorise la confiscation d’avoirs sans l’exigence d’une condamnation135. Parce qu’il s’agit souvent d’une action basée sur la propriété et ciblée contre l’avoir lui-même et non contre la personne qui le détient ou le possède, la confiscation ACP requiert généralement la preuve que l’avoir constitue le produit ou l’instrument d’un crime136. De plus, la confiscation ACP n’est pas liée à l’obtention d’une condamnation. 134. Au Cameroun par exemple, la confiscation est obligatoire dans certains cas de corruption. La section 184(4) du Code Pénal camerounais relative au détournement de fonds publics stipule que la confiscation « doit être ordonnée « dans tous les cas ». 135. Pour une liste des juridictions disposant d’une confiscation ACP, voir la note 20. 136. Au Brésil et aux Philippines, le système n’est pas entièrement basé sur la propriété parce que les autorités peuvent avoir à rendre un jugement de culpabilité contre un individu et non contre l’avoir. Antigua et la Barbade ainsi que l’Australie appliquent des dispositions ACP basées sur la valeur en plus de celles basées sur la propriété. 124  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Ce type de confiscation se déroule le plus souvent de l’une de deux manières. La pre- mière est la confiscation dans le contexte d’une procédure pénale, mais sans nécessiter une condamnation ou d’une preuve de culpabilité137. Dans de telles situations, les lois de confiscation ACP sont incorporées dans les codes pénaux existants, dans les lois anti-blanchiment ou dans d’autres législations pénales, et sont considérées comme des procédures «  pénales  » auxquelles s’appliquent donc les règles de procédure pénale générales. La seconde manière est la confiscation en vertu d’une loi indépendante qui introduit une procédure séparée, qui peut se dérouler indépendamment de, ou para- llèlement à une procédure pénale connexe, et qui est souvent régie par les règles de procédure civile (plutôt que pénale)138. Dans les juridictions appliquant la procédure civile, un standard de preuve de prépondérance des possibilités, plus léger, ou de « pré- pondérance de la preuve », est requis pour la confiscation, allégeant ainsi le fardeau de l’accusation. Certaines juridictions pratiquent la confiscation ACP seulement après qu’une procé- dure pénale est arrivée à son terme ou a échoué. Dans d’autres juridictions, un gel de la procédure de confiscation ACP est ordonné jusqu’à la conclusion de l’enquête pénale139. La confiscation ACP est utile dans de nombreux contextes, en particulier quand la confiscation criminelle est impossible ou non-disponible, ou dans des cas tels que (1) le contrevenant est mort, a fui le territoire ou bénéficie d’une immunité contre les pour- suites ; (2) un avoir est découvert mais le propriétaire en est inconnu ; ou (3) il n’existe pas de preuves suffisantes pour tenter d’obtenir une condamnation pénale, ou une pro- cédure pénale a abouti à un acquittement (s’applique aux juridictions acceptant un standard de preuve plus léger). Ce type de confiscation peut aussi être utile dans les dossiers lourds et complexes dans lesquels une enquête criminelle est en cours et où il existe un besoin de contrôler et de confisquer les avoirs avant qu’une mise en examen formelle ne soit prononcée140. Les systèmes de confiscation ACP n’ont pas pour but de remplacer la confiscation pénale. Dans les cas où il est possible de poursuivre et d’obtenir une condamnation, cette dernière devrait être obtenue et une confiscation pénale à la fois efficace et relati- vement économique devrait être à la disposition des procureurs. 137. Des exemples de ces juridictions incluent le Lichtenstein, la Slovénie, la Suisse et la Thaïlande. 138. Des exemples de ces juridictions incluent la Colombie, l’Afrique du Sud, le Royaume Uni et les Etats- Unis. Les systèmes de « confiscation civile » ou de « déchéance civile » entrent dans cette catégorie. 139. Les règles en matière civile qui permettent la remise de documents ou la collecte d’informations avant- procès (comme les dépositions de témoins, les interrogatoires et les injonctions de communiquer ou de divulgation) peuvent avoir un impact négatif sur une enquête pénale en cours. 140. De nombreuses juridictions de droit civil autorisent une décision de contrôle dans de tels cas ; mais nombre de juridictions de common law soit ne permettent une décision de contrôle, soit n’exigent pas une inculpation formelle dans les délais spécifiés par la décision de contrôle. Les mécanismes de confiscation  I  125 6.1.3  La confiscation administrative La confiscation administrative peut survenir sans décision judiciaire. Elle est fré- quemment utilisée pour confisquer des avoirs quand une saisie n’est pas contestée et que certaines exigences sont remplies (par exemple, l’information des parties et la publication ; l’absence de contestation). De plus, il peut exister des limitations légales à la confiscation administrative, telle qu’une valeur maximale définie pour les avoirs, ou une restriction de la confiscation à certains types d’avoirs141. Les lois établissant la confiscation administrative exigent souvent que ces décisions soient sujettes à l’appro- bation ultérieure d’un tribunal. La confiscation administrative est communément associée avec – et a souvent évolué à partir de – l’application des lois douanières, les lois combattant le trafic de drogue, et les lois exigeant la déclaration du transport transfrontalier de devises. Par exemple, elle peut être employée pour confisquer un véhicule utilisé pour transporter des biens pro- hibés, ou des espèces découvertes en possession d’un coursier. Dans de tels cas, l’auto- rité légale est typiquement accordée aux officiers de police et aux agents des douanes. Ce processus peut conduire à une confiscation rapide et économique de tels avoirs. 6.2  Comment fonctionne la confiscation Comme indiqué plus haut, un jugement de confiscation peut être soit (1) une décision basée sur la propriété (visant un avoir spécifique), soit (2) une décision basée sur la valeur (visant une somme d’argent représentant le gain illicite détenu par une personne spécifique). Certaines juridictions auront recours aux deux systèmes, permettant ainsi la confiscation d’avoirs identifiés et un jugement qui peut s’étendre aux avoirs légitime- ment détenus par une personne. Dans ces situations, un système basé sur la propriété peut constituer le premier choix ; mais un système basé sur la valeur serait disponible pour les cas où les produits ont été dissipés ou dissimulés. Les deux approches ciblent les produits du crime, et les portées des lois sur lesquelles elles s’appuient opérationnellement se superposent largement. Néanmoins, elles dif- fèrent dans les procédures utilisées et les exigences de preuve nécessaire à la confisca- tion de ces produits. Cette section s’efforce de clarifier certaines de ces différences. 6.2.1  Confiscation basée sur la propriété Le système basé sur la propriété (aussi appelé système de confiscation « in rem » ou de « propriété illicite ») cible les avoirs connectés à, ou constituant des produits ou instru- ments d’une infraction. Cela exige qu’un lien soit établi entre les avoirs identifiés et une infraction. 141. Aux Etats-Unis, tout montant en argent et tout bien d’une valeur inférieure à 500.000 dollars (USD) peut faire l’objet d’une confiscation administrative ; mais les biens immobiliers, quelque soit leur valeur, doivent toujours être confisqués par voie judiciaire. 126  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis La confiscation basée sur la propriété est particulièrement utile lorsque des avoirs iden- tifiés peuvent être reliés à une infraction – par exemple, de l’argent en possession d’un individu ayant reçu des dessous-de-table (produits), ou le véhicule utilisé pour trans- porter un pot-de-vin en liquide jusqu’à son destinataire (instrument). Néanmoins, lorsque des avoirs ne peuvent être reliés à une infraction parce que le suspect n’a pas participé directement aux activités illicites ou que les bénéfices tirés du crime sont dis- simulés par le biais du blanchiment, ce type de confiscation devient difficile à utiliser. Certaines juridictions ont adopté des renforcements procéduraux pour surmonter ces obstacles, telles que des dispositions relatives aux avoirs de substitution et aux confisca- tions élargies (voir section 6.3). La définition légale des produits et instruments sujets à confiscation – et son interpré- tation par le tribunal – constitue un élément important à prendre en compte pour les praticiens lorsqu’ils déterminent quels avoirs inclure dans une demande de confisca- tion. Sont listées ci-dessous certains des problèmes soulevés et quelques exemples de la manière dont ont été interprétées les définitions pour confisquer (ou non) des produits ou instruments. Les produits obtenus directement ou indirectement Généralement, les produits sont définis comme toute chose de valeur obtenue directe- ment ou indirectement de la commission d’une infraction142. Les « produits directs » incluent les fonds versés en guise de pot-de-vin ou les montants volés par un agent public au Trésor ou à des programmes gouvernementaux. Les «  produits indirects  » désignent par exemple une appréciation de la valeur des paiements effectués en guise de pots-de-vin, ou un portefeuille d’actions acquis au moyen des fonds volés. Ces produits indirects ne s’accumulent pas directement du fait de la commission d’une infraction  ; en revanche, ils constituent des bénéfices annexes qui n’auraient pas été réalisés sans la commission d’une infraction. La tâche d’évaluer les produits (ou, dans le cas d’une confiscation basée sur la valeur, d’évaluer les « bénéfices ») dérivés d’une infraction peut s’avérer difficile. Par exemple, si une entreprise paye un pot-de-vin pour garantir que sa proposition dans le cadre d’un contrat d’armement sera retenue, il existe un certain nombre d’options pour quan- tifier les produits ou bénéfices obtenus, telles que143 : •  La valeur brute du contrat d’armement. Si le contrat consistait à fournir deux patrouilleurs navals pour 50 millions de dollars chacun (USD), la valeur du 142. De nombreuses juridictions ont adopté la définition des «  produits du crime  » utilisée dans les Conventions des Nations Unies, incluant UNCAC, art. 2 ; UNTOC, art. 2 ; et la Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et de Substances Psychotropes, art. 1. Ces conventions définissent les « produits du crime » comme « tout bien provenant directement ou indirectement de la commission d’une infraction ou obtenu directement ou indirectement en la commettant. » 143. Le programme StAR a publié au printemps 2011 un article coécrit avec l’OCDE qui détaille la quantification des produits du crime. Les mécanismes de confiscation  I  127 bénéfice serait de 100 millions (USD). Cette méthode suppose que le contrat n’au- rait pas été remporté par le contrevenant s’il n’y avait eu versement du pot-de-vin, une supposition qui peut être correcte, ou non. •  Les profits nets engendrés par le contrat. Dans l’exemple ci-dessus, si la fourni- ture des navires avait coûté 60 millions (USD) à l’entreprise, le profit net serait de 40 millions (USD). •  La valeur des profits supplémentaires engendrés par l’élimination de la concurrence dans l’appel d’offre. Ce paramètre peut être extraordinairement difficile à mesurer. Il est important de noter que le fait d’inclure l’appréciation dans la valeur de l’avoir ne signifie pas que les pertes en valeur peuvent être déduites. La valeur des produits ou du bénéfice est habituellement évaluée ou « cristallisée » au moment où le bénéfice a été réalisé, et les pertes ultérieurs sont ignorées. Produits mélangés A mesure que les produits sont blanchis, ils peuvent être mélangés à d’autres avoirs ne constituant pas les produits d’un crime, ou ils peuvent être convertis en d’autres types d’avoirs (voir l’exemple à l’encart 6.2). De ce fait, de tels avoirs ne constituent pas, tech- niquement, les produits directs d’un crime, mais plutôt les avoirs obtenus à partir des produits originels144. Quelques exemples de formulations légales qui définissent ce qui peut être confisqué dans des situations de ce type incluent : •  « Tout avoir ou partie d’un avoir » permet au tribunal de séparer les produits pertinents qui sont mélangés à des non-produits. •  «  Des avoirs dérivés, obtenus ou réalisés à partir d’une infraction  » ou des avoirs « substantiellement dérivés ou réalisés à partir d’une infraction » peut garantir que les produits d’un crime mélangés à des non-produits ne perdront pas leur statut de produit. « Dérivé substantiellement » peut limiter le recouvrement à une portion des produits dérivés de l’infraction. Par exemple, le tribunal peut ne pas être prêt à conclure qu’un compte bancaire est « substantiellement dérivé » d’une infraction de corruption si seulement 10 % des fonds le constituant sont des produits. •  «  Tout avoir avec lequel des produits ont été mélangés   », l’approche la plus large, rend l’ensemble des avoirs sujets à confiscation145. Avec une telle formula- tion, en théorie, un seul dollar en produits déposé sur un compte affichant un solde de 999 dollars (USD) entachera l’ensemble du compte et aura pour résultat sa confiscation. 144. Les accords internationaux obligent les Etats-parties à autoriser la confiscation d’avoirs mélangés ou transformés. UNCAC, art. 31(4) et (5) ; UNTOC, art. 12(3) et (4) ; Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et de Substances Psychotropes, art. 5(6)(a) et (b). 145. Un exemple de ce type de disposition est la définition des « produits d’activités illicites » adoptée dans le Prevention of Organised Crime Act de 1998 (Afrique du Sud), ce qui inclut les avoirs « qui sont mélangés avec des avoirs constituant les produits d’une activité illicite ». 128  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis •  Tout instrument avec lequel des produits ont été mélangés. Certaines juridic- tions permettent la confiscation dans son intégralité du compte bancaire utilisé pour blanchir des fonds en tant qu’instruments d’une infraction. Questions soulevées par la détermination des produits du encart 6.2 crime – Un exemple pratique M. X est un agent public corrompu qui a accepté un pot-de-vin de 100.000 dollars (USD) pour manipuler un processus d’appel d’offre dans le cadre d’un marché public. Une série de transactions a ensuite été effectuée pour transférer et blanchir les fonds : •  M. X dépose le pot-de-vin sur un compte bancaire au nom de sa femme. •  M. X fait transférer l’argent à sa femme vers un compte en fiducie géré par un avocat dans un autre pays. Cet avocat conservait déjà 900.000 dollars (USD) (dont l’origine était inconnue) pour le compte de M. X. •  M. X ordonne à son avocat d’utiliser la totalité de son argent pour acheter une propriété d’une valeur d’un million de dollars (USD) au nom d’une société d’investissement contrôlée par M. X. •  Trois ans plus tard, M. X vend cette propriété pour 2 millions de dollars (USD) et fit rapatrier ces produits vers un compte bancaire sous son con- trôle dans son propre pays. Lorsque ces faits de corruption furent découverts, les procureurs demandèrent une décision de confiscation basée sur la propriété et portant sur 200.000 dollars (USD) figurant à l’actif du compte contenant les 2 millions (USD), sur la base du fait que cette somme constituait le produit d’une crime. Le montant a alors été calculé de la façon suivante : •  100.000 dollars (USD) – le montant directement dérivé du pot-de-vin. Le fait que la propriété ait été convertie en une forme d’avoir différente et amalgamée avec d’autres avoirs n’a pas affecté son caractère de produit direct d’une infraction. •  + 100.000 dollars (USD) – le gain sur capital réalisé sur la vente de la mai- son (doublement en valeur). Le gain correspond à un bénéfice indirect de l’infraction de corruption. •  = 200.000 dollars (USD) – produit total du crime. La loi eut-elle inclus « tout avoir mélangé avec des avoirs constituant les produits d’un crime », il aurait été permis de demander la confiscation de la totalité du compte (2 millions de dollars). Une autre méthode aurait pu être de confisquer le compte bancaire en tant qu’instrument d’un blanchiment d’argent. Produits dérivés d’infractions commises à l’étranger Les dossiers de corruption impliquant souvent des situations dans lesquelles le compor- tement criminel s’est produit dans un pays alors que les profits sont investis dans un autre, les lois de confiscation permettent souvent aux juridictions d’autoriser le re- couvrement d’avoirs qui ont été obtenus au travers d’infractions commises à l’étranger. Les mécanismes de confiscation  I  129 Nombre de juridictions disposent de lois autorisant la confiscation de produits d’un crime si le comportement constitue une infraction dans les deux juridictions146. D’autres listent des infractions graves et spécifiques, telles que la corruption d’agent public étran- ger, le trafic de drogue, et les crimes violents comme pouvant donner lieu à confiscation dans cette situation. Les instruments d’une infraction Les instruments sont généralement des avoirs utilisés, ou dont on prévoit l’utilisation, d’une quelconque manière ou en quelque proportion que ce soit, pour commettre ou faciliter la commission d’une infraction – par exemple, un véhicule utilisé pour trans- porter un pot-de-vin en espèces jusqu’à son destinataire. Des avoirs peuvent devenir des instruments, nonobstant le fait qu’ils ont été acquis légitimement au moyen de fonds obtenus légalement. C’est l’usage illégal auquel une chose a été affectée qui en fait un instrument. L’un des problèmes que les praticiens auront à prendre en compte est la définition d’ « usage » - que le concept soit défini par la loi ou par la jurisprudence. Par exemple, si un agent public corrompu utilise un téléphone situé dans une maison pour accepter un pot-de-vin et convenir de la remise des fonds, on peut débattre de la question de savoir si la maison a ainsi été suffisamment ou substantiellement « utilisée » pour commettre une infraction. Un autre exemple pourrait être un yacht sur lequel un agent public cor- rompu s’est laissé divertir par quelque plaisir coupable. Les tribunaux dans certaines juridictions exigent qu’il existe davantage qu’une connexion secondaire ou accidentelle entre l’avoir et l’infraction : cette dernière doit être liée à, dépendante de, ne pas pouvoir avoir été commise sans, ou résulter directement de l’usage de l’avoir147. Les tribunaux d’autres juridictions ont déterminé que tout usage d’un avoir, même périphérique, est un « usage » dès lors qu’il s’agit d’envisager la confiscation. Dans de tels cas, un avoir qui a été indirectement utilisé comme l’instrument d’une infraction est sujet à confiscation dès lors que la loi dispose qu’ « usage » signifie « en connexion avec » une infraction. 6.2.2  La confiscation basée sur la valeur A l’inverse des décisions de confiscation basée sur la propriété qui ciblent des avoirs spécifiques, la confiscation basée sur la valeur porte sur le montant des bénéfices d’un comportement criminel et impose souvent une pénalité financière équivalente à cette valeur. Dans ce système, on procède à une quantification des bénéfices tirés de l’infrac- tion par le défendeur (les bénéfices directs) et, le plus souvent, tout accroissement en valeur dû à l’appréciation des avoirs (les bénéfices indirects). Au moment du jugement, le tribunal imposera une sanction égale à ce bénéfice au défendeur. Ce jugement peut être exécutable en tant que condamnation à payer une somme d’argent ou en tant qu’amende portant sur tout avoir du défendeur ayant ou non un lien avec l’infraction. 146. Voir par exemple, le Proceeds of Crime Act, 2002 (Royaume Uni), sec. 241 ; et le Code Pénal (Lichtenstein), sec. 20b(2). 147. Voir Re an Application Pursuant to Drugs Misuse Act, 1986 [1988] 2 Qd. R. 506 (Australie). 130  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis L’absence de toute exigence relative au lien entre les avoirs spécifiques et une infraction facilite l’obtention d’une décision de confiscation. Pour autant, les bénéfices doivent être liés aux infractions sur lesquelles est basée la condamnation du défendeur, ce qui peut être problématique dans les cas où l’accusation ne parvient à poursuivre que certaines des infractions. De plus, les avoirs se limitent à ceux en possession du défendeur, bien que cette question soit souvent résolue au moyen de présomptions et de définitions suffisamment souples du concept de « possession » pour y inclure les avoirs qui sont détenus, contrôlés ou offerts par le défendeur (voir la section 4.2.1 au chapitre IV). Les lois relatives à la confiscation basée sur la valeur peuvent aussi se doubler de lois basées sur la propriété pour parvenir à une couverture maximale. Comme dans le cas de la confiscation basée sur la propriété, les définitions légales de certains termes-clés, ainsi que leurs interprétations, seront importantes. Certaines des questions soulevées en cours de procédure sont détaillées ci-après. Evaluer les bénéfices Le terme « bénéfices » est habituellement défini de façon large de manière à inclure la valeur totale des bénéfices liquides ou non reçus directement ou indirectement par un défendeur (ou un tiers, conformément aux consignes d’un défendeur) en conséquence d’une infraction (voir section 6.2.1 pour une explication des termes « direct » et « indi- rect »). Les bénéfices incluront généralement davantage que les seules récompenses de nature financière148. Voici quelques exemples : •  La valeur des avoirs (incluant les avoirs «  illégaux  »)149 effectivement reçus en conséquence de la commission d’une infraction ; •  La valeur des avoirs tirés ou réalisés (que ce soit par le défendeur ou par un tiers agissant sous ses ordres) directement ou indirectement de l’infraction ; •  La valeur des bénéfices, services ou avantages accumulés (par le défendeur ou par un tiers agissant sous ses ordres) directement ou indirectement en conséquence de l’infraction (par exemple, la valeur d’une activité récréative dans un cas de corruption150 ; ou d’un travail forcé d’ordre manuel, domestique ou autre dans un dossier de trafic d’êtres humains ou de contrebande) ; et •  La valeur des bénéfices tirés directement ou indirectement d’activités illicites connexes ou antérieures. 148. Certaines juridictions indiquent des orientations dans la loi. Voir par exemple le Proceeds of Crime Act, 2002 (Australie), sec. 122. 149. Les bénéfices peuvent inclure des avoirs légitimes come des avoirs illégitimes ou illégaux – par exemple, des produits engendrés par des entreprises criminelles. La valeur des bénéfices illégitimes est difficile à estimer et ne peut l’être qu’à partir des preuves disponibles. Des plus utiles aux praticiens sont les systèmes de confiscation basée sur la valeur qui incorporent des procédures flexibles d’évaluation des bénéfices , telles que celles permettant l’évaluation sur la base de la valeur au marché noir et des inférences sur le moment où le crime a été commis à partir de reçus émis à une période donnée. 150. Des dossiers récents on révélé l’existence de pots-de-vin sous la forme de divertissements de valeur élevée, - par exemple un diner pour 6 à 90.000 dollars (USD), des voyages et séjours en parc d’attraction, et l’utilisation d’avoirs. Les mécanismes de confiscation  I  131 Dans certaines juridictions, l’existence de bénéfices peut être inférée de l’accroissement de la valeur des avoirs détenus par une personne entre l’avant et l’après de la commis- sion d’une infraction151. Comme expliqué plus haut, un inconvénient potentiel à la confiscation basée sur la valeur est que les bénéfices sont liés aux infractions qui constituent le fondement de la condamnation du défendeur. Cela constitue un problème dans les juridictions dans lesquelles l’accusation ne poursuit pas chaque infraction (à moins qu’elle n’y soit contrainte) ; elle peut préférer s’en tenir à la seule poursuite de chefs représentatifs de l’activité illicite générale du défendeur et qui offrent une gamme adéquate d’options de condamnation152. Plusieurs méthodes sont apparues en réponse à ce problème, telles que : •  Des qualifications qui saisissent l’essence d’un comportement criminel continu sur l’ensemble d’une période. Lorsqu’autorisé, le fait de retenir une infraction de corruption commise entre [date] et [date] permettra in fine l’obten- tion d’une décision de confiscation portant sur tous les bénéfices tirés de ce « comportement délictueux » sur l’ensemble de la période. •  Des présomptions et la confiscation étendue. Une présomption, énoncée pour une seule infraction, peut permettre d’inférer que les bénéfices tirés pendant une période déterminée constituent des bénéfices de cette infraction. Une telle pré- somption permettrait la confiscation d’avoirs qui peuvent avoir été dérivés d’autres infractions pour lesquelles le contrevenant n’a pas été poursuivi ou condamné. De même, des dispositions permettant au tribunal de confisquer des avoirs pour « activités illicites connexes »  lui permettront également d’inclure toute activité illicite liée ou similaire dans le calcul des bénéfices (voir les sections 6.3.1 et 6.3.3 pour plus d’informations). Si un système juridique donné n’autorise de confiscation en valeur que pour le compor- tement pour lequel le défendeur est condamné, le praticien doit prendre soin de bien choisir les chefs au titre desquels le défendeur sera poursuivi (c’est-à-dire, s’efforcer de choisir ces derniers en fonction de la confiscation visée). De plus, toute décision d’aban- donner ou de réduire la portée des poursuites doit être envisagée avec circonspection, parce que de telles décisions peuvent avoir des effets drastiques sur le calcul des béné- fices. Les bénéfices bruts ou nets Dans la plupart des juridictions, le terme « bénéfice » est spécifiquement défini comme signifiant « bénéfice brut » - et non « bénéfice net » ou « profit » - après déduction de toutes les dépenses découlant de la perception du bénéfice. Un calcul basé sur les béné- fices nets permettrait à l’agent public corrompu de déduire les frais légaux, bancaires, de 151. Cette inférence des bénéfices est pratiquée dans les juridictions qui disposent de lois contre l’enrichissement illicite ou les ressources indûment perçues, comme l’Argentine ou la Colombi. 152. Cela ne serait pas un problème en cas de poursuites pour l’infraction d’enrichissement illicite ou de ressources indûment perçues car tous les bénéfices seraient alors reliés à une seule infraction. 132  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis transport ou autres, encourus lors du blanchiment des fonds et lui permettrait ainsi de conserver une partie des produits. Le calcul du bénéfice brut ne saurait être atténué par une quelconque perte de valeur ou une dissipation d’un avoir parce que la valeur du bénéfice criminel est « cristallisée » au moment où le bénéfice est généré. Responsabilités conjointe et solidaire Dans certaines juridictions, les défendeurs peuvent être tenus conjointement et soli- dairement responsables pour toute décision de confiscation en valeur. De ce fait, la valeur totale du bénéfice est ainsi recouvrable auprès de chacun des défendeurs condamnés. Par exemple, dans le cas d’une infraction commise par 5 individus et ayant produit un béné- fice total de 500.000 dollars (USD), la somme dans son intégralité est recouvrable auprès de chacun des individus, et non pas seulement 100.000 dollars (USD) auprès de chacun des 5 contrevenants. Cela peut être utile si 4 des défendeurs se révèlent impécunieux mais que le 5e dispose d’avoirs pour un montant d’un million de dollars (USD). 6.2.3  Confiscation discrétionnaire L’autorité du tribunal pour prendre une décision de confiscation est souvent discré- tionnaire153. Certaines lois de confiscation détaillent des facteurs spécifiques dont le tribunal doit tenir compte en exerçant sa discrétion pour accorder ou refuser la confis- cation. Ces facteurs incluent  •  Les dommages subis en conséquence de la décision de confiscation ; •  L’utilisation ordinaire qui sera faite des avoirs sujets à confiscation ; et •  La proportionnalité entre l’infraction et le montant confisqué154. 6.2.4  Le recours aux experts et aux résumés de procès verbaux d’audition pour la présentation des preuves en appui à la confiscation devant le tribunal Les preuves établissant le lien entre les avoirs et l’infraction ou la valeur des bénéfices peuvent être complexes et difficiles à suivre pour le juge (ou jury). De telles preuves sont souvent présentées au moyen de schémas de flux et de tableaux qui détaillent les élé- ments financiers de la manière la plus compréhensible possible (voir les illustrations 3.5 et 3.6 au chapitre III pour des exemples). Un auditeur ou enquêteur financier doté de la formation et de l’expérience nécessaires à la présentation des preuves peut être à cet égard utile. Si c’est légalement possible, le témoin peut présenter un résumé des preuves sous la forme de tableaux ou de graphiques qui, lorsqu’ils sont convenablement prépa- 153. De telles lois stipuleraient que le tribunal “peut� ordonner la confiscation lorsque les exigences sont remplies. 154. Les souffrances, l’utilisation ordinaire et la proportionnalité s’appliquent le plus souvent aux dossiers centrés sur des instruments, tels qu’un domicile familial acquis légalement et également utilisé comme base pour une activité illégale (donc à objet à la fois légal et illégal). Voir par exemple National Director of Public Prosecutions v. Prophet, (2006) ZACC 17 (Cour Constitutionnelle d’Afrique du Sud) (facteurs à considérer dans le cadre de la confiscation d’un domicile comme « instrument » d’une entreprise narcotique). Les mécanismes de confiscation  I  133 rés, peuvent démontrer clairement comment les bénéfices ont été réalisés et quels sys- tèmes complexes ont été mis en place. Il convient de prendre grand soin de s’assurer que les aides à la présentation sont exactes et reflètent précisément les preuves des docu- ments-sources  : toute erreur factuelle ou méthodologique peut affaiblir la crédibilité des preuves, laissant ainsi un trou dans le dossier de l’accusation. 6.3  Mesures et outils destinés à renforcer la confiscation La plupart des juridictions disposent d’aides ou de renforcements procéduraux conçus pour accroître l’efficacité des lois de confiscation ou pour élargir la gamme d’avoirs confiscables155. A l’exception des dispositions relatives aux avoirs de substitution, qui ne sont nécessaires que dans les systèmes de confiscation basée sur la propriété, la plupart de ces aides ou renforcements sont applicables à la fois dans les systèmes basées sur la propriété et dans ceux basés sur la valeur. 6.3.1  Les présomptions Une présomption est la déduction de la véracité d’un fait a partir d’une analyse des probabilités résultant d’un ensemble défini de circonstances. Si cet ensemble de cir- constances est suffisant pour créer une présomption, la partie contre laquelle cette présomption va jouer aura la charge de la réfuter et de fournir les preuves appuyant cette réfutation. Si elle échoue, la présomption prima facie est transformée en fait incontestable. En droit pénal, la priorité est donnée à la présomption d’innocence – le droit légal ou constitutionnel de l’accusé d’être considéré innocent jusqu’à que sa culpabilité soit éta- blie. La charge de la preuve incombe à l’accusation qui doit établir la culpabilité confor- mément au standard requis, et l’incapacité à le faire a pour conséquence un acquitte- ment. Les présomptions sont d’un usage rare dans les dossiers pénaux parce qu’ils renversent effectivement la charge de la preuve156 ; elles sont néanmoins plus fréquentes dans les procédures civiles et de confiscation ou dans d’autres procédures dans les- quelles la présomption d’innocence ne s’applique pas du fait que ni la responsabilité pénale ni les libertés fondamentales ne sont en jeu157. Les présomptions sont extrêmement utiles dans les dossiers de confiscation impliquant des agents publics corrompus parce que ces agents – en particulier ceux qui ont eu une longue carrière dans le service public – ont eu la latitude de détourner et de dissimuler des fonds, et sont fréquemment capables d’influence des témoins et de faire obstacle à 155. Les mesures en question sont encouragées par les accords et conventions internationales. UNCAC, art. 48, 59 ; la Décision-Cadre du Conseil Européen 2005/212/JAI du 24 Février 2005 sur la Confiscation des Produits, des Instruments et des Biens en Rapport avec le Crime, art. 3. 156. Par exemple, une personne en possession d’une quantité de drogue supérieure à une quantité prescrite peut, en l’absence de preuves du contraire, être présumée se livrer au trafic de stupéfiants. 157. Il est à noter que la confiscation criminelle est jugée après que la condamnation a été obtenue. Les lois fiscales et douanières reconnaissent également de telles présomptions dans leurs procédures d’application. 134  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis toute enquête sur leurs avoirs. Le fait de soulager l’accusation du fardeau d’avoir à éta- blir qu’une fortune inexpliquée est liée à des faits délictueux spécifiques, ou constitue un bénéfice tiré d’une infraction, accroit grandement la possibilité d’obtenir un juge- ment de confiscation. Les présomptions sont des outils puissants, et les praticiens doivent s’assurer qu’elles sont utilisées de façon appropriée. Tout abus répété des outils de confiscation dispo- nibles peut contribuer à jeter l’opprobre sur ces derniers158. Par exemple, l’utilisation des présomptions pour confisquer l’ensemble des avoirs d’une personne qui a commis une infraction relativement mineure pourrait jeter le doute sur l’intégrité du système de confiscation. Les bases communément admises pour le recours aux présomptions incluent : •  La possession. Sous cette présomption, les avoirs découverts en possession d’une personne au moment de l’infraction, ou peu avant sa commission, sont considé- rés comme étant soit les produits soit des instruments de l’infraction. •  Les associations. Cette présomption a été appliquée à des dossiers de crime orga- nisé dans lesquels les avoirs appartenant à une personne qui a participé, ou prêté assistance, à une organisation criminelle sont présumés être à disposition de l’or- ganisation et être ainsi confisqués159. L’inclusion de ce renforcement permet d’aider à attaquer la base économique de groupes criminels lourdement protégés. •  Le train de vie160. Cette présomption peut être effectuée quand l’accusation peut démontrer que le contrevenant ne dispose pas de revenus légitimes suffisants pour justifier la valeur de ses avoirs sur une certaine période161. Les éléments dont le contrevenant peut prouver qu’il les a acquis légalement peuvent être exclus de la décision de confiscation. Cette présomption pourra être utilisée lorsque le contrevenant possède davantage d’avoirs que ceux reliés à l’infraction spécifique. •  Les transferts d’avoirs. La loi peut imposer une présomption selon laquelle les transferts effectués à des membres de la famille ou à de proches associés, ou à une valeur inférieure aux prix du marché, ne sont pas légitimes162. Le détenteur d’un 158. Certaines juridictions ont réservé l’application de certaines présomptions aux infractions graves : le Confiscation Act, 1987 (Victoria, Australie) et le Proceeds of Crime Act, 2002 (Commonwealth d’Australie). Au Royaume Uni, les présomptions dans les dossiers de confiscation basée sur la valeur ne sont permises que dans les dossiers dits de « train de vie criminel » : Proceeds of Crime Act, 2002, sec. 6 (Royaume Uni). 159. En 2005, la Cour Suprême Fédérale Suisse a jugé que l’ancien président nigérian Sani Abacha, sa famille et ses associés, constituaient une organisation criminelle  ; elle a ordonné la confiscation et la restitution d’avoirs liés à Abacha pour un montant de 458 millions de dollars (USD) en se basant sur ces dispositions. Voir également le Code Pénal (Suisse), art. 72. 160. Une présomption basée sur le train de vie est déparée et distincte de l’infraction d’enrichissement illicite ou de ressources indues. Bien que la définition soit souvent la même, les procédures appliquées sont différentes. 161. En Afrique du Sud, la présomption s’étend pendant une période de sept années avant l’uverture de la procédure, Prevention of Organised Crime Act, second amendement, 1999, sec. 22. Au Royaume Uni, la période est de 6 ans pour les contrevenants dont on détermine qu’ils mènent un train de vie criminel, Proceeds of Crime Act (Royaume Uni), sec. 10(8) ; voir également le Code Pénal (France), art. 131-21. 162. En Thaïlande, les transferts de biens à des membres de la famille sont présumés malhonnêtes  : Anti-Money Laundering Act, 1999, sec. 51 et 52. Les mécanismes de confiscation  I  135 titre de propriété aurait à prouver que la transaction a été réalisée dans des condi- tions normales ce qui implique que le paiement a été conforme au prix du mar- ché163. Si cette présomption n’est pas réfutée, le transfert sera invalidé. •  La nature de l’infraction. Cette présomption est généralement liée à une condamnation pour une catégorie d’infractions particulièrement sérieuses, telles que le trafic de quantités substantielles de stupéfiants, les formes majeures de corruption ou de fraude, le racket ou le crime organisé. Lorsqu’une personne est condamnée pour une infraction de ce type, une présomption est parfois instaurée et les avoirs accumulés pendant la période de l’infraction sont présumés consti- tuer les produits d’un crime et sont donc sujets à confiscation. Bien que la charge de réfuter la présomption incombe au contrevenant, l’accusation présentera normalement des informations allant à l’encontre de la preuve qu’un contre- venant pourrait produire en appui à la réfutation et permettant au tribunal de considé- rer que l’avoir a été acquis au moyen de produits illicites, ou constitue l’instrument d’un crime. La présence de tels éléments rendra beaucoup plus difficile la réfutation de la présomption par le contrevenant à partir d’une simple assertion de la légalité de la source et de l’utilisation de l’avoir. 6.3.2  Les dispositions relatives à la substitution d’avoirs Les dispositions relatives à la substitution d’avoirs aident à surmonter des obstacles sou- vent rencontrés dans le cadre des régimes de confiscation basée sur la propriété – tels que le « traçage » ou la liaison des avoirs et de l’infraction – en permettant la confisca- tion d’avoirs qui ne sont pas reliés à l’infraction. De telles dispositions peuvent requérir la preuve que •  Les avoirs originels découlaient d’une infraction et en constituaient le bénéfice, ou un avoir particulier avait été utilisé comme instrument de l’infraction ; et •  L’avoir ne peut être localisé ou est pour d’autres raisons inatteignable. Lorsqu’il est établi que le contrevenant a dissipé les produits directs, l’accusation peut demander la confiscation d’un montant équivalent à ces produits sur les avoirs légi- times du contrevenant. Les lois relatives à la confiscation basée sur la valeur ne requièrent pas de dispositions de ce type parce qu’elles imposent une responsabilité pécuniaire similaire à la personne ayant réalisé le bénéfice qui peut donc être invoquée à l’encontre de tout avoir apparte- nant à cette dernière164. 163. En Colombie, la partie s’efforçant de réfuter la présomption doit aussi prouver que la transaction s’est effectivement déroulée (c’est-à-dire que la partie disposait d’un revenu suffisant pour acheter, et que le vendeur a bien reçu les fonds.) 164. Aux Etats-Unis, les avoirs de substitution peuvent être confisqués dans la plupart des dossiers de 136  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 6.3.3  La confiscation élargie Certaines juridictions permettent aux tribunaux de confisquer (ou d’inclure dans l’éva- luation des bénéfices) les avoirs dérivés d’activités illicites similaires ou connexes165. Le contrevenant n’a pas besoin d’être poursuivi pour ces autres activités ; néanmoins, le tribunal doit considérer que ces dernières sont suffisamment connexes à l’infraction (voir l’encart 6.3 pour un exemple). Dans d’autres juridictions, les tribunaux peuvent être autorisés à confisquer tout ou partie des avoirs d’une personne condamnée, sans se préoccuper de déterminer si ces avoirs ont été acquis avant ou après la commission d’une infraction166. De telles dispositions seront fréquemment limitées aux infractions graves – comme le terrorisme, le crime organisé, le blanchiment d’argent ou le trafic de drogue – et s’appliqueront seulement aux avoirs appartenant au contrevenant. 6.3.4  Les mécanismes d’annulation des transferts d’avoirs En plus du recours aux présomptions pour annuler certains transferts d’avoirs (voir section 6.3.1), certaines juridictions ont mis en place des dispositions légales qui sti- pulent que c’est l’Etat ou le gouvernement qui jouit des droits sur les avoirs confisqués à compter du jour où a été commise l’activité illégale donnant lieu à la confiscation167. Si l’avoir est ultérieurement transféré, il reste sujet à confiscation – avec l’exception que constituent les transferts à des acheteurs de bonne foi qui ignoraient que l’avoir était sujet à confiscation. 6.3.5  La confiscation automatique suivant une condamnation Ce type de disposition n’a pas pour résultat la formulation d’une présomption mais une confiscation de fait par application automatique de la loi. Une telle disposition élimine le besoin d’une quelconque décision judiciaire dès lors que certaines conditions sont remplies168. La personne revendiquant un intérêt sur un avoir sujet à confiscation auto- matique – qu’elle soit un défendeur, un possesseur innocent ou un tiers – peut deman- der l’exclusion de l’avoir de l’application de la loi en prouvant la légalité de l’obtention et de l’usage de l’avoir. La charge de la preuve incombe alors au demandeur. confiscation pénale, mais pas via une confiscation ACP. 165. De tels pouvoirs de confiscation élargie sont requis dans les juridictions de l’Union Européenne. Décision-Cadre du Conseil de l’Union Européenne 2005/212/JAI du 24 Février 2005 sur la Confiscation des Produits, des Instruments et des Biens en Rapport avec le Crime, art. 3. En Afrique du Sud, le Prevention of Organised Crime Act, 1998, sec/ 18(1)(c) permet la prise de décisions de confiscation basée sur la valeur au titre d’« activités connexes ». 166. Code pénal (France), art. 131-21. 167. Ce concept est utilisé pour certaines confiscations aux Etats-Unis, et est appelé «  relation back doctrine. » Titre 21, United States Code, sec. 853(c) et 881(h) ; et Titre 18, United States Code, sec. 1963(c). De telles dispositions peuvent aussi se trouver dans les lois de confiscation administrative. 168. La confiscation automatique est appliquée en Australie. Les mécanismes de confiscation  I  137 6.4  Les intérêts des tiers Les tiers ayant un intérêt dans les avoirs sujets à confiscation ont le droit d’être avertis de la procédure et de la possibilité d’une audience169. Typiquement, une notification appropriée est adressée aux individus dont les autorités estiment qu’ils peuvent avoir un intérêt légalement reconnu. Ce test doit être appliqué avec souplesse  ; si une partie indique qu’il ou elle a un intérêt, une notification formelle doit être donnée. Parce que la confiscation fait disparaître tous droits sur l’avoir, des notifications complémentaires sont également adressées au public via des journaux, des revues juridiques ou internet. Il devrait également exister des procédures pour la reconnaissance des intérêts légi- times des tiers lorsqu’est prise la mesure de contrôle (voir section 4.5 au chapitre IV pour une discussion sur cette question). Usage des « activités connexes » pour l’appréhension de ENCART 6.3 la totalité des bénéfices Sur une période de deux mois, l’agent des douanes Mlle X a accepté trois pots- de-vin d’agents infiltrés pour un total de 20.000 dollars (USD). Les preuves obtenues démontrent qu’elle prévoyait de futures transactions susceptibles d’engendrer un revenu supplémentaire, et que son patrimoine s’était accru de 500.000 dollars (USD) de plus que ce que son seul salaire de fonctionnaire lui aurait permis d’épargner au cours des deux années précédentes. Plusieurs déclarations de transaction suspecte la concernant et impliquant de grosses sommes d’argent furent également découvertes. Mlle X. fut condamnée pour trois faits de corruption sur la base des pots-de-vin acceptés des agents infiltrés. Le procureur demanda une décision de confisca- tion basée sur les bénéfices tirés de la commission des trois infractions et sur « toute activité illicite connexe à l’infraction » - une option disponible de par la loi relative à la confiscation dans cet Etat. Le procureur fournit des preuves que Mlle X. s’employait à se faire verser des pots-de-vin par des importateurs, et que les 500.000 dollars (USD) se trouvant inexplicablement en excès dans son patri- moine avaient été dérivés de ses pratiques de corruption « connexes » aux infractions pour lesquelles elle avait été condamnée. Le tribunal délivra un juge- ment portant sur 520.000 dollars (USD) – le montant des trois pots-de-vin plus la valeur des actifs dérivés des infractions connexes a. a. La clause relative aux « activités connexes » eut-elle été absente des textes de loi, l’accusation n’aurait pu demander de décision de confiscation que pour un montant de 20.000 dollars (USD), c’est-à-dire la valeur des trois pots-de-vin. Les étapes procédurales pour l’assertion des intérêts de tiers peuvent varier, selon que la confiscation est de type pénal ou ACP. De façon générale, dans le cas de la confiscation pénale, la procédure qui concerne l’infraction sous-jacente doit être terminée et la 169. UNCAC, art. 31(9), 35, 55(3)(c), 57 ; UNTOC, art. 12(8), 13(8) ; Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et de Substances Psychotropes, art. 5(8). 138  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis confiscation des intérêts du défendeur prononcée pour que les intérêts d’un tiers soient examinés par le tribunal. Certaines juridictions permettent l’audience avant-jugement de tiers qui peuvent faire état de moyens de défense limités, et du fait que le contrôle provisoire leur cause des dommages graves, ou que l’avoir provient d’une source légi- time et qu’il est nécessaire à leur vie quotidienne. Dans les systèmes ACP, les demandes émanant de tiers sont généralement examinées au cours de la procédure primaire. Ty- piquement, une telle partie doit prouver que (1) il ou elle possède un intérêt légitime et perceptible sur les avoirs ; et que soit (2) l’intérêt a été obtenu avant la commission de toute infraction pénale et la partie n’avait pas de raison de croire que les avoirs étaient liés à une infraction sous-jacente ; soit (3) que l’intérêt dans les avoirs, même obtenu après la commission de l’infraction, avait été acquis de bonne foi. 6.5  La confiscation d’avoirs situés dans des juridictions étrangères Il est très commun pour les enquêtes portant sur des faits de corruption ou de blanchi- ment d’argent de traverser les frontières, requérant ainsi la coopération avec d’autres Etats. L’implication d’un Etat étranger d’une part complique le dossier mais, d’autre part, ouvre aussi une nouvelle gamme de possibilités. Par exemple, dans un dossier portant sur des infractions internes de corruption et de blanchiment et des infractions étrangères de blanchiment, plusieurs possibilités peuvent surgir : •  Une procédure de confiscation interne peut être exécutée dans l’Etat étranger via l’entraide judiciaire et les avoirs restitués à l‘Etat requérant, en application des accords, traités ou conventions internationales (voir le chapitre VII pour une des- cription des procédures d’entraide judiciaire)170. •  Une procédure de confiscation étrangère peut aboutir à la restitution des produits de la confiscation à l’Etat lésé par les infractions de corruption en application d’un recouvrement direct ou d’un accord de partage (voir le chapitre IX pour une des- cription de ces procédures). •  Les procédures de confiscation interne et étrangère peuvent être conduites simul- tanément. L’illustration 6.1 détaille ces possibilités. 6.6  Le recouvrement via la confiscation pour les victimes de crime Il devient de plus en plus commun pour les juridictions d’avoir recours à des méca- nismes de confiscation comme à un moyen de permettre la restitution aux victimes de crimes171. Les lois et règlements ont été conçus pour donner priorité aux victimes sur le Trésor ou le fonds de confiscation de l’Etat ou du gouvernement. S’il existe des avoirs suffisants pour permettre un jugement de confiscation puis une décision de restitution, 170. Par exemple, voir les dispositions de restitution prévues dans l’UNCAC, art. 57. 171. Cette pratique est confirmée par les accords internationaux. Voir UNCAC, art. 57(3)(c) ; et UNTOC, art. 14(2). Les mécanismes de confiscation  I  139 les avoirs confisqués peuvent être remis au bénéfice de l’Etat ou du gouvernement après que les victimes ont obtenu restitution. De tels mécanismes garantissent que les décisions de confiscation ne sont pas exécutées au dépend des victimes qui ont droit à restitution du fait du comportement criminel. Un autre avantage réside dans le fait que les dispositions générales de contrôle pour la confiscation permettent un contrôle provisoire plus coercitif après le déclenchement de poursuites qu’il ne le serait possible dans une action civile destinée à obtenir restitution ou des dommages et intérêts. Enfin, le recours à la confiscation pour obtenir restitution pour les victimes peut épargner à ces dernières des frais significatifs sur la somme obte- nue, comme le veut généralement l’usage en matière civile. ILLUSTRATION 6.1 Confiscation d’un avoir à l’étranger Frontière boundary Infraction Infraction interne Infraction étrangère De corruption offense de blanchiment sanction interne exécutée Sanctions de confiscation interne via l’entraide judiciaire sanctions de confiscation étrangères Source : illustration des auteurs Note [si nécessaire NDT] BA = Blanchiment d’argent ; EJ = entraide judiciaire 6.7  Le sort des avoirs confisqués Les lois relatives à la confiscation requièrent fréquemment que les avoirs confisqués soient liquidés et que leurs produits soient versés sur un compte gouvernemental ou sur un compte du Trésor. Nombre de juridictions ont mis en place des fonds de confisca- tion d’avoirs sur lesquels les avoirs réalisés doivent être transférés172. Ces fonds sont 172. Les juridictions incluent l’Australie, le Canada, l’Italie, le Luxembourg, la Namibie, l’Espagne, l’Afrique du Sud et les Etats-Unis. Pour une liste des juridictions dotées de fonds de confiscation, voir Theodore S. Greenberg, Linda M. 140  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis utilisés pour financer des programmes de police ou de confiscation, incluant l’achat d’équipements, l’entrainement, les frais d’enquête, et les coûts procéduraux, de recouvrement et de liquidation173 (pour une discussion des problèmes liés à la gestion des avoirs sujets à confiscation, voir le chapitre V) Samuel, Wingate Grant, and Larissa Gray, Stolen Asset Recovery—A Good Practices Guide to Non-Conviction Based Asset Forfeiture (Washington, DC: World Bank, 2009), 91. 173. Pour plus d’informations sur ces options, voir Theodore S. Greenberg, Linda M. Samuel, Wingate Grant, and Larissa Gray, Stolen Asset Recovery—A Good Practices Guide to Non-Conviction Based Asset Forfeiture (Washington, DC: World Bank, 2009), 90–94; et Stolen Asset Recovery Initiative Secretariat, “Management of Confiscated Assets� (Washington, DC, 2009). Les mécanismes de confiscation  I  141 7.  La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs Les dossiers de corruption et de blanchiment d’argent les plus complexes exigent géné- ralement des efforts de recouvrement d’avoirs qui dépassent les frontières nationales. Certains éléments d’une infraction peuvent avoir été commis dans un autre pays : une société ayant payé des pots-de-vin pour l’obtention d’un contrat peut avoir son siège dans un autre pays que celui dans lequel les pots-de-vin ont été versés, et les agents publics qui les ont acceptés sont susceptibles de blanchir leurs biens mal-acquis dans un autre. De plus, le secteur financier international constitue un environnement particu- lièrement attractif pour ceux qui cherchent à blanchir des fonds et à faire obstacles aux efforts de « traçage » des avoirs. Des intermédiaires tels que des comptables, avocats ou sociétés de services fiduciaires offrent un accès au secteur financier et permettent de masquer l’implication d’un agent public dans une transaction donnée or encore sa pro- priété sur les avoirs. Les agents publics corrompus ont recours à des mécanismes finan- ciers compliqués qui impliquent souvent des paradis fiscaux, des sociétés-écrans et des constructions juridiques pour blanchir les produits de la corruption. Enfin, l’argent peut être déplacé rapidement – souvent instantanément – sur simple pression d’un bou- ton ou via la touche d’un téléphone portable, grâce à des procédés tels que des vire- ments, des lettres de crédit, des cartes de débit et de crédit, des caisses automatiques et des outils mobiles. A l’inverse, le « traçage » et le recouvrement des avoirs par les forces de police et les autorités de poursuite peuvent prendre des mois ou des années, le principe de souverai- neté restreignant la capacité des autorités internes d’un pays à prendre des mesures d’enquête, légales et répressives dans des juridictions étrangères. Des efforts couronnés de succès dans le « traçage » et le recouvrement dépendent souvent de l’aide de juridic- tions étrangères, un processus qui peut être ralenti et compliqué en raison des diffé- rences existant entre les traditions juridiques, les lois et procédures, les langues, les fuseaux horaires et les capacités. Dans ce contexte, la coopération internationale est essentielle à une procédure réussie de recouvrement d’avoirs dissimulés à l’étranger. La communauté internationale a conclu de nombreux traités, accords et autres instruments multilatéraux qui obligent les Etats-parties à coopérer en matière d’enquête, de production des preuves, de mesures provisoires et de confiscation, ainsi qu’en matière de restitution des avoirs (voir l’encart 1.1 au chapitre I). L’illustration 7.1 montre comment la coopération internationale fait partie intégrante de chaque phase du processus de recouvrement d’avoirs. Les praticiens doivent tenir compte du fait que la coopération internationale est « mutuelle » : non seulement le pays ayant été dépouillé de ses avoirs fera une demande d’entraide à celui ou ceux dans lequel (ou lesquels) sont dissimulés les avoirs, mais il peut également avoir à fournir des informations ou des preuves à ces juridictions pour parvenir au recouvrement le plus efficace possible de ces avoirs. De plus, les praticiens doivent se montrer proactifs dans la recherche d’une coopération internationale, ainsi qu’avertir leurs homologues de juridictions étrangères d’infractions de corruption. Des exemples des formes primaires de coopération incluent l’entraide informelle174, la divulgation spontanée d’informations, les équipes d’enquête conjointes, les demandes d’entraide judiciaire (DEJ), le transfert des produits vers un autre pays, la mise en œuvre d’un contrôle provisoire ou d’une décision de confiscation provenant d’une juridiction étrangère, et l’extradition175. Les phases du recouvrement d’avoirs et l’intégration de la ILLUSTRATION 7.1 coopération internationale 1. « Traçage » et collecte des preuves 4. Restitution Coopération 2. Gel des avoirs internationale des avoirs 3. Confiscation des avoirs Source : illustration des auteurs. 174. Dans le cadre de ce manuel, « entraide informelle » désigne tout type d’assistance qui ne requiert pas de demande formelle d’entraide judiciaire (DEJ). Les lois permettant ce type d’entraide de praticien à praticien sont susceptibles d’être détaillées dans la législation relative à l’entraide judiciaire et elle peut impliquer des autorités, des services ou des administrations « formels » (officiels). Pour une description de ce type d’entraide et une comparaison avec le processus d’entraide judiciaire, voir la section 7.2. 175. L’extradition est le processus par lequel une juridiction livre un suspect ou un condamné à une juridiction étrangère. Alors que certains éléments du processus et des conditions de l’extradition sont similaires à ceux de l’entraide judiciaire, il existe un certain nombre de difficultés additionnelles – comme l’extradition des nationaux (i.e. l’exception de nationalité), le principe de spécialité, et principe de non interférence. Une étude approfondie de ces questions dépasserait le cadre de ce manuel. 144  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis La décision sur les formes de la coopération et ses modalités de mise en œuvre variera selon les cas. Ce chapitre explore les considérations stratégiques, les obstacles et les caractéristiques des diverses options que les praticiens rencontreront en matière de coopération internationale. 7.1  Les principes-clés Des le départ, les praticiens ayant besoin d’une coopération internationale doivent gar- der à l’esprit les 4 principes-clés suivants. 7.1.1  Recourir à la coopération internationale à chaque phase du dossier Lorsqu’un dossier dépasse les frontières nationales, il est important que les praticiens se concentrent immédiatement sur la coopération internationale et s’assurent qu’elle est maintenue pendant toute la durée de la procédure. Certaines autorités attendent qu’une condamnation interne et une décision de confiscation aient été obtenues avant d’initier le processus de « traçage » et de sécurisation des avoirs situés à l’étranger – souvent pour des résultats décevants et frustrants : le délai aura en effet laissé amplement le temps à l’agent public corrompu pour transférer les fonds vers des juridictions peu coopératives ou soumises au secret bancaire. De ce fait, il est impératif d’impliquer les autorités d’autres juridictions aussi tôt que possible, au moins de façon informelle. Le fait de nouer pro-activement des contacts peut aider les praticiens à comprendre le système juridique étranger et les obstacles potentiels, à mettre à jour des pistes additionnelles et à élaborer une stratégie. Il donne aussi à l’Etat étranger la possibilité de préparer son propre rôle dans la mise en place d’une coopération. 7.1.2  Développer et conserver des contacts personnels Le fait de tisser des liens personnels avec des homologues étrangers est la marque par excellence des dossiers de recouvrement d’avoirs réussis. Un appel téléphonique, un e-mail, une vidéoconférence ou une rencontre en personne avec des homologues étran- gers contribuera grandement au succès d’un dossier. Une telle démarche est importante dans toutes les phases : l’obtention d’informations et de renseignement, la prise de déci- sions stratégiques, la compréhension des exigences de l’Etat étranger en matière d’en- traide, la rédaction des demandes d’entraide judiciaire, ou le suivi des demandes d’en- traide. Elle permet de réduire les délais, en particulier lorsque des différences de terminologie et de tradition juridique peuvent conduire à des malentendus. Elle peut également démontrer qu’une administration est sérieuse et pleinement engagée à l’égard du dossier, contribuant ainsi à établir une confiance réciproque entre les parties et à accroître la visibilité du dossier et l’engagement de ceux qui y participent. Dans des dossiers plus importants, une réunion précoce et en personne entre les prati- ciens des différentes juridictions impliquées dans l’enquête peut faciliter l’échange La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  145 d’informations. Elle aide également ces homologues à créer un lien de confiance, à éva- luer les stratégies et à mieux comprendre les exigences des demandes d’entraide judi- ciaire (voir l’encart 7.1 pour un exemple). Dans certains cas, en particulier face à des contraintes de ressources ou dans des dossiers impliquant plusieurs juridictions, des praticiens ont invité des représentants de juridictions étrangères à participer à des conférences organisées localement sur le dossier176. Dans d’autres cas, des praticiens ont choisi de se rendre dans les juridictions étrangères participant au dossier. L’établissement de contacts personnels peut se révéler difficile. De nombreux praticiens ne disposent pas d’un accès facile à internet pour déterminer qui contacter, ne sont pas autorisés à passer des appels téléphoniques à longue distance, et manquent des ressources nécessaires pour participer à une réunion régionale ou internationale sus- ceptible de les aider à développer leur réseau personnel. Même lorsque le nom et les coordonnées téléphoniques d’un contact sont obtenus, les problèmes de langue peuvent constituer un obstacle supplémentaire. ENCART 7.1 Etablir des liens personnels – L’exemple péruvien En septembre 2000, des vidéos diffusées à la télévision montrèrent Vladimiro Montesinos, le chef des renseignements péruviens sous la présidence d’Alberto Fujimori, corrompant un sénateur élu. La Suisse alerta subséquemment le Pérou de la présence de fonds gelés sur son territoire par le biais d’une divulgation spontanée, et invita le Pérou à effectuer une demande d’entraide judiciaire. Le procureur général péruvien contacta personnellement le magistrat instructeur suisse en charge du dossier – à la fois par téléphone et, par la suite, en le ren- contrant en personne à Zurich. Ce contact personnel eut pour résultat les con- séquences suivantes : •  La prise d’importantes décisions stratégiques. A l’issue de discussions sur les options disponibles pour le recouvrement des avoirs, le Pérou décida finalement d’instruire le dossier localement et de recourir à l’entraide judiciaire et aux renonciations légales pour recouvrer les fonds gelés en Suisse. •  La clarification des exigences de l’entraide judiciaire. Ce contact donna aux péruviens une meilleure compréhension du système suisse, ainsi qu’une idée de ce qu’ils auraient à prouver et à fournir pour que leur demande en Suisse aboutisse. •  Le développement de la confiance. Ces contacts personnels démon- trèrent la volonté politique et l’engagement des deux parties, et aidèrent à promouvoir entre elles un climat de confiance. Ces développements, permis par les contacts personnels, furent cruciaux pour le rapatriement de 93 millions de dollars (USD) sur une période de deux ans. 176. Des praticiens brésiliens ont eu recours à ce type de conférences. 146  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Les contacts personnels font à ce point partie intégrante d’un recouvrement réussi que tout doit être mis en œuvre pour qu’ils s’établissent. Le temps passé, et les efforts consen- tis, à créer ces liens sont des investissements qui paieront – soit en garantissant les meilleurs conseils sur la façon de procéder, soit en obtenant de l’aide eu égard à une demande d’entraide judiciaire. L’encart 7.2 fournit une liste des voies possibles dans le développement des contacts personnels. 7.1.3  Explorer les canaux d’entraide informelle avant, pendant et après la transmission d’une demande d’entraide judiciair De nombreux praticiens ont immédiatement recours à l’entraide judiciaire lorsqu’ils déterminent qu’une coopération internationale est nécessaire. Pourtant, certaines infor- mations importantes peuvent être obtenues plus rapidement et avec moins de formalités par le biais d’un contact direct avec les autorités de poursuite et cellules de renseignement financier homologues, ou avec des magistrats de liaison ou des attachés de police en poste localement ou régionalement. Une telle aide peut conduire à une identification plus rapide des avoirs, peut confirmer le besoin de l’entraide requise, et même, plus important encore, fournir les bases d’une demande d’entraide judiciaire en bonne et due forme. De tes contacts offrent aussi une occasion de découvrir les procédures et le système juridique de l’Etat étranger et de passer en revue les options stratégiques. De tels contacts informels nécessitent souvent d’être validés par l’autorité centrale nationale des praticiens de manière à garantir que les règles régissant les relations avec l’autre Etat ne sont pas violées et que les lois et règlements relatifs à l’entraide étrangère sont respectés177. ENCART 7.2 Points de contact pour la coopération internationale Contacts personnels : Liens développés au cours de précédentes affaires, réunions, conférences, etc. Référent : Homologues, contacts personnels, magistrats de liaison ou attachés de police, réseaux et organisations internationales (par exemple, la Banque Mon- diale ou l’Office des Nations Unies Contre la Drogue et le Crime) peuvent dis- poser de référents sur la base de leurs réseaux personnels. Homologues dans les juridictions étrangères : •  Autorités de poursuite (tels que la police et les services spécialisés dans la lutte anti-corruption, les douanes, l’application des lois antidrogues et le fisc) •  Cellules de renseignement financier •  Autorités de régulation (banque centrale, autorité de régulation des marchés financiers, etc.) •  Procureurs (a continué) 177. Agir en l’absence des autorisations requises peut compromettre irrémédiablement le volet étranger du dossier. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  147 ENCART 7.2 (a continué) •  Magistrats instructeurs •  Avocats étrangers (certaines juridictions y auront recours parce que les considérant comme plus familiers des procédures et exigences de la juri- diction étrangère.) Magistrats de liaison et attachés de police régionaux : de nombreux pays disposent de personnes-ressource basées dans leurs ambassades ou consulats à l’étranger et dont la mission est de faciliter la coopération internationale avec les juridictions étrangères. Ces individus connaissent les lois et procédures de leur propre pays et de celui dans lequel ils sont en poste, et cette connaissance peut aider les praticiens à éviter les pièges induits par le fait de travailler avec plusieurs systèmes juridiques. Leurs rôles varient, mais généralement, ils faci- literont les contacts avec des homologues, fourniront une aide informelle, aideront à la préparation d’une demande d’entraide judiciaire (en relisant la ver- sion préliminaire) ainsi qu’au suivi de la demande. Les praticiens devraient pren- dre contact avec l’ambassade locale, le consulat ou le ministère des affaires étrangères de l’Etat concerné pour vérifier qu’un tel poste existe. Les exemples de pays disposant de personnes-ressource de ce type incluent l’Argentine, le Chili, la Colombie, la France, le Royaume Uni et les Etats-Unis (le Federal Bureau of Investigation and Immigration and Customs Enforcement). Autorités centrales : • En interne : L’autorité centrale interne peut être à même de recommander aux praticiens des contacts à l’étranger et de fournir des informations sur les juridictions avec lesquelles existent des accords bi- ou multilatéraux. • Dans les pays requis : Le bureau de l’autorité centrale dans l’Etat requis devrait être capable de fournir des conseils sur la meilleure manière de procéder au regard des besoins de l’Etat requérant et des lois de l’Etat requis. Nombre de ces administrations fournissent également une assis- tance dans la rédaction des demandes d’entraide. Réseaux de praticiens : • Stolen Asset Recovery/Interpol Focal Point List: un point de contact central accessible 24 heures sur 24, 7 jour sur 7, qui liste les agents publics nationaux susceptibles de répondre à des demandes d’urgence d’entraide internationale, disponible à l’adresse : http://www.interpol.int/public/ corruptionstar/default.asp • Groupe Egmont: un réseau international de cellules de renseignement financier •  Interpol, Europol, Aseanpol, Ameripol: des organisations de police interna- tionales (et régionales) qui facilitent la coopération policière internationale (a continué) 148  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ENCART 7.2 (a continué) • World Customs Organization et ses bureaux de liaison et de renseigne- ment régionaux • Camden Assets Recovery Inter-Agency Network (CARIN): un réseau informel d’organisations policières et judiciaires qui œuvre à la confiscation des produits du crime • Asset Recovery Inter-Agency Network for Southern Africa: un réseau informel similaire au CARIN réunissant des organisations policières et judi- ciaires d’Afrique australe et œuvrant à la confiscation des produits du crime • Arab Anti-Corruption and Integrity Network • Asociación Iberoamericana de Ministerios Públicos • Red Iberoamericana de Cooperación Jurídica Internacional Hemispheric Information Exchange Network • Organization of American States network: suit et relie les praticiens au moyen d’un système logiciel sécurisé • European Judicial Network: les représentants des autorités judiciaires et de poursuite nationales désignées comme points de contact pour l’entraide judiciaire • Eurojust: peut réunir des juges et procureurs des Etats-membres de l’Union Européenne dans le cadre d’une enquête et de poursuites dans des cas de crime transfrontalier 7.1.4  Etre conscient des obstacles potentiels Les praticiens peuvent rencontrer de nombreux obstacles dans leurs efforts pour obte- nir une coopération internationale, et il est donc important qu’ils identifient ces obs- tacles et prennent les mesures nécessaires pour les surmonter178. Les différences entre les traditions juridiques et les systèmes de confiscation, les questions de compétence, les variations procédurales, les obstacles juridiques et les délais sont parmi les principaux obstacles que les praticiens devront prendre en compte et s’efforcer de surmonter (voir la section 2.6 du chapitre II pour une discussion portant sur certains de ces obstacles). Les praticiens doivent garder à l’esprit que les informations fournies à un Etat étranger – informellement comme par le biais de l’entraide judiciaire – peut avoir pour résultat l’ouverture par l’Etat étranger de sa propre enquête et un refus ultérieur d’entraide au motif qu’il existera alors « une procédure en cours ». De plus, les obligations de divul- gation sont susceptibles de retarder le processus de façon significative ; malgré l’exis- tence d’une obligation de confidentialité au titre de l’entraide judiciaire, les fuites d’in- formations sont fréquentes. 178. Le programme StAR a réalisé une étude sur les obstacles au recouvrement d’avoirs. Cette dernière est disponible à l’adresse : http://www.worldbank.org/star. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  149 ENCART 7.3 Obligations de divulgation – un obstacle aux demandes d’entraide judiciaire Quelques pays – le Lichtenstein, le Luxembourg et la Suisse – appliquent des obligations de divulgation qui contraignent les autorités à notifier les mesures prises aux personnes concernées par une demande d’entraide judiciaire et à leur accorder le droit de faire appel de la décision y faisant droit. C’est particulière- ment problématique dans le cas de demandes visant des informations relatives à un compte bancaire ou des mesures provisoires. Non seulement ces obliga- tions risquent de permettre la dissipation des fonds après la notification, mais elles peuvent aussi conduire à de substantiels délais. Un suspect utilisera en effet toutes les voies possibles pour bloquer la procédure d’entraide et épuisera toutes les voies de recours – un processus qui peut durer des mois voire des années. Voici quelques idées pour contourner cet obstacle : •  Discuter des problèmes et de la stratégie avec les homologues étrangers. •  Envisager la conduite d’une enquête conjointe ou la communication d’informations aux autorités étrangères pour qu’elles puissent mener leur propre enquête et prendre des mesures provisoires. L’une comme l’autre de ces options est susceptible de faire disparaître les démarches dilatoires possibles car la divulgation à un suspect peut être repoussée dans le cas d’enquêtes locales et de mesures provisoires. •  S’assurer qu’une demande d’entraide judiciaire n’est pas excessivement large pour éviter des arguments potentiels portant sur son caractère atten- tatoire à la vie privée. •  S’assurer que les faits et les motifs de la demande sont mis en évidence clairement pour contrer des arguments potentiels selon lesquels la double incrimination ne serait pas respectée –un suspect pourrait arguer du fait que la demande n’est qu’une enquête fiscale déguisée en enquête sur des faits de corruption qui s’efforce de contourner le principe de double incri- mination. Pour évaluer les risques, les praticiens doivent solliciter leurs contacts personnels de façon à mieux comprendre l’autre système, à valider leur stratégie et à discuter des implications d’une communication d’informations avant toute discussion sur le fond. Pour parvenir à avancer sans pour autant violer des lois relatives au secret ou à la confi- dentialité, les praticiens parlent souvent au conditionnel pendant les premières phases du dossier et de la planification stratégique. Par exemple, « l’individu x a commis l’ac- tion y. Comment serais-je susceptible d’aboutir au résultat z dans l’Etat étranger  ?  » L’encart 7.3 détaille quelques idées pour surmonter les obstacles posés par les obliga- tions de divulgation. 150  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 7.2  Aperçu comparé de l’entraide informelle et de l’entraide judiciaire L’entraide judiciaire est le processus par lequel des autorités judiciaires de pays diffé- rents recherchent et s’octroient assistance dans la collecte d’informations, de renseigne- ment et de preuves pour l’enquête. Ce manuel opère une distinction entre l’entraide requérant une demande d’entraide judiciaire formelle et l’entraide susceptible de surve- nir de manière informelle. Une demande d’entraide judiciaire est typiquement formulée par écrit et doit respecter des procédures spécifiées, des protocoles et des conditions définies dans des accords bi- ou multilatéraux et dans les législations internes. Au stade de l’enquête, ces demandes concernent généralement des preuves, des mesures provi- soires ou l’usage de certaines techniques d’enquête (telles que le pouvoir de contraindre des banques à produire des documents concernant des comptes, d’exécuter des man- dats de perquisition et de saisie, d’auditionner formellement des témoins et de notifier des documents). Une demande d’entraide judiciaire est généralement requise pour l’exécution des décisions de confiscation. L’entraide informelle consiste typiquement en une assistance officielle fournie en dehors du contexte d’une DEJ. Certains pays considèrent l’entraide informelle comme étant « formelle » parce que le concept est autorisé dans la loi relative aux DEJ et implique des autorités, des services ou des administrations officielles. L’importance d’une telle coo- pération a été rappelée dans les accords internationaux179. A l’inverse de l’entraide judi- ciaire, les informations recueillies par l’entraide informelle peuvent ne pas être admis- sibles devant un tribunal ; il s’agira donc plutôt de renseignement ou d’informations sur le contexte qui peuvent être utilisés pour développer l’enquête et conduire alors à une demande d’entraide judiciaire180. Ce processus « informel » peut s’opérer par téléphone entre homologues (c’est-à-dire entre services de police, magistrats instructeurs ou pro- cureurs), par coopération administrative (par exemple via des cellules de renseigne- ment financier), ou par le biais de rencontres face-à-face entre homologues181. Il peut incorporer des mesures d’enquête non-coercitives, telles que la collecte d’informations 179. Convention des Nations Unies contre la Corruption (UNCAC), art. 48 et 50 ; Convention des Nations Unies contre le Crime Organisé Transnational (UNTOC), art. 26 et 27 ; Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et des Substances Psychotropes, art. 9 ; recommandation 40 des 40+9 recommandations du GAFI. 180. En général, les juridictions de common law ne permettront pas que les résultats de l’entraide informelle soient utilisés comme preuves devant un tribunal. Les juridictions de droit civil, à l’inverse, sont susceptibles d’autoriser un juge à tenir compte des informations réunies au moyen de l’entraide informelle. Le Chili et la Suisse, par exemple, reconnaîtront l’admissibilité de preuves réunies par ce biais. 181. L’UNCAC, art. 46(9) exige de tout Etat-partie qu’ fournisse une entraide relative à des mesures non- coercitives sans requérir la double incrimination, lorsque cela ne contrevient pas aux principes fondamentaux de son système juridique. La recommandation 37 des 40+9 recommandations du GAFI requiert également que, dans la mesure du possible, les pays souscrivent à l’entraide judiciaire, en dépit d’une absence de double incrimination, en particulier pour les mesures les moins intrusives et les moins coercitives. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  151 publiquement disponibles, la mise en place d’une surveillance visuelle, et l’obtention d’informations auprès de cellules de renseignement financier ; il peut aussi aller jusqu’à la divulgation spontanée d’informations, la conduite d’une enquête conjointe, ou une demande faite aux autorités d’un autre Etat d’ouvrir une enquête Dans certaines juridic- tions, des mesures provisoires d’urgence peuvent être obtenues par l’entraide infor- melle, bien qu’elles doivent être suivies d’une demande formelle d’entraide judiciaire. Le tableau 7.1 explore les différences entre l’entraide informelle et l’entraide judiciaire. 7.2.1  Le processus de coopération internationale Comme décrit plus haut, le processus de recouvrement d’avoirs impliquera une combi- naison de requêtes informelles d’entraide et de demandes formelles d’entraide judiciaire pour l’obtention d’informations, de renseignement, de preuves, de mesures provisoires, d’une confiscation et de la restitution finale des avoirs. Malheureusement, il ne s’agit pas d’un processus simple par lequel une demande d’entraide judiciaire permettrait d’obte- nir en même temps des informations sur les comptes bancaires détenus, des copies de documents bancaires, et un contrôle ou une saisie suivie de la confiscation de tous les fonds dont a été établi qu’ils sont liés au suspect ou à un criminel condamné. Bien qu’il puisse sembler plus facile de tout requérir en même temps, une demande ainsi formulée serait presque toujours dépourvue des éléments de preuves nécessaires – en particulier lors des phases d’obtention des mesures provisoires et de la confiscation. De plus, une demande contenant tout à la fois pourrait devenir trop complexe pour être traitée dans l’Etat requis, exigeant la mobilisation de multiples administrations et, in fine, un délai de réponse trop long. Au lieu de cela, la meilleure méthode consiste souvent à procéder par étapes en utilisant les informations ou les preuves obtenues en vertu d’une première demande pour ren- forcer la demande suivante. Par exemple, il est possible d’obtenir, par l’entraide infor- melle, des détails concernant des comptes bancaires qui aideront à fournir les bases et le contexte nécessaires à une demande formelle d’entraide judiciaire visant la saisie de documents bancaires. L’activité révélée dans ces documents aidera les praticiens à « tra- cer » les avoirs et à détecter des comptes supplémentaires à contrôler ou à saisir. Elle facilitera la collecte des preuves requises pour l’obtention des mesures provisoires, que celles-ci soient des mesures provisoires d’urgence (potentiellement par le biais de l’en- traide informelle lorsque la chose est possible) ou d’une entraide judiciaire. Au bout du compte, les informations et preuves accumulées viendront fournir la base nécessaire à la décision de confiscation rendue en interne ainsi qu’à son exécution. Le fait de suivre un processus itératif (pas à pas) permet aux praticiens de prendre d’importantes décisions stratégiques à chaque étape. De plus, cette méthode conduit à une meilleure communication entre homologues, contribuant ainsi à créer ou à renfor- cer un climat de confiance entre les juridictions. L’illustration 7.2 propose un schéma simple détaillant ce processus itératif. 152  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis TableAU 7.1 Les différences entre l’entraide informelle et l’entraide judiciaire Facteur  Entraide informelle  Entraide judiciaire  But Obtenir le renseignement et les •  Obtenir les preuves nécessaires à •  informations nécessaires pour aider un procès pénal et à une confisca- l’enquête tion (dans certains, une confiscation Obtenir des mesures provisoires •  en l’absence de condamnation d’urgence dans certaines juridictions pénale (ACP)) Obtenir l’exécution d’une mesure de •  contrôle ou d’un jugement de confiscation Type d’entraide Mesures d’enquête non-coercitives ; Mesures d’enquête coercitives (telles divulgation proactive d’informations ; que des mandats de perquisition) et enquête conjointe; ouverture d’une d’autres formes d’entraide judiciaire enquête à l’étranger (telle que l’exécution de mesures provisoires ou de jugements de confiscation) Type de contact Direct : officier de police, procureur ou Généralement indirect : des autorités magistrat instructeur directement à centrales de chaque Etat au point de son homologue, entre cellules de contact adéquat (police, magistrat, renseignement financier, entre procureur ou juge)a ; commissions autorités de régulation bancaire et rogatoires via le ministère des affaires financière étrangères Exigences requises Habituellement, un simple contact •  Peut dépendre de conditions telles entre administrations ; parfois un que : la double incrimination, la protocole d’accord réciprocité, la spécialité, une enquête Doit être obtenue  légalement dans •  pénale en cours, ou un lien entre les les deux juridictions avoirs et l’infraction Avantages Les informations sont obtenues •  Les preuves sont admissibles par un rapidement ; les formalités d’une tribunal ; permet l’exécution des demande d’entraide judiciaire ne décisions sont pas requises (par exemple, la double incrimination) Utile pour vérifier les faits et obtenir •  des informations sur le contexte, et améliorer ainsi une demande d’entraide judiciaire Limitations Les informations ne peuvent pas Long ; coûteux en ressources ; toujours être utilisées comme nombreuses exigences auxquelles il preuves ; difficulté de déterminer les est souvent difficile de satisfaire ; contacts ; peu de ressources allouées fuites potentielles au réseau ; fuites potentielles Source : compilation des auteurs a. Il peut exister des accords bi- ou multilatéraux qui permettent le contact direct entre praticiens. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  153 ILLUSTRATION 7.2 Schéma de la coopération internationale Contact initial avec des homologues étrangers Requêtes discrètes d’informations de la part Expliquer l’enquête et les d’administration Réponse fournie éléments recherchés ; étrangères (entraide)) sous forme détaillée demander conseil CRF, informations publiques, Téléphone et e-mail sont banques (si possible)) recommandés Demande d’entraide Demande examinée judiciaire : preuves par l’autorité centrale Demander les documents Vérification que les Preuves réunies relatifs aux comptes exigences sont satisfaites et réponse donnée bancaires, les dépositions Transmission à l’autorité de témoins d’exécution pour enquête Demander conseil sur la et collecte des preuves rédaction avant l’envoi Demande d’entraide judiciaire : Mesures provisoires mesures provisoires Demande d’entraide judiciaire : Exécution directe de la confiscation Demande d’urgence décision étrangère (possiblement sans DEJ) Exécution du jugement Exécution indirecte – gel Exécution de la décision étranger local sur la base des étrangère (DEJ requise) preuves fournies Confiscation Restitution Exécution directe du Exécution directe jugement étranger Mécanismes de partage Exécution indirecte – Compensation ordonnée jugement local sur la base par jugement des preuves fournies Source : illustration des auteurs Note : CRF = Cellule de Renseignement Financier. Dans certaines juridictions, les preuves et les mesures provisoires peuvent être demandées en même temps. 154  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Entraide informelle et demandes formelles d’entraide ILLUSTRATION 7.3 judiciaire – Qu’est-ce qui peut être demandé ? Entraide dans le Entraide impliquant cadre de l’enquête le recours à des préliminaire mesures coercitives Mesures Autres Confiscation (non-coercitive) et la collecte des provisoires preuves nécessaires à un procès Déclarations de Demande Documents Exécution Exécution transactions et d’ouverture certifiés directe d’une directe d’une d’activités d‘une enquête Injonction de mesure décision suspectes pénale à communiquer étrangère de étrangère de Données l’étranger (si la contrôle ou de confiscation Mandat de publiques ou compétence saisie perquisition et Exécution provenant de est établie) de saisie Exécution indirecte via registres (des indirecte via une décision Enquête Mandat de immatriculations, une décision interne de conjointea surveillance des sociétés, interne de confiscation Divulgation bancaire du cadastre) contrôle ou spontanée Témoignages de saisie perquisition Mesures sous serment et consentie auditions Surveillance provisoires de témoinsa visuelle d’urgenceb Enquête Audition de conjointea témoins a Souvent obtenue via Requiert généralement une demande formelle l’entraide informelle d’entraide judiciaire Source : illustration des auteurs a. Soit par une entraide informelle, soit par une DEJ formelle (ou les deux), selon le pays. b. Peut ne pas requérir de DEJ formelle pour la décision initiale, mais en exigera une pour que cette dernière demeure applicable 7.2.2  Qu’est-ce qui peut être demandé ? Les informations, les preuves ou les mesures judiciaires qui peuvent être demandées varient selon le pays et dépendent, in fine, des traités conclus et des lois internes. De plus, certains Etats permettront d’adresser les demandes via une entraide informelle dans des cas ou d’autres exigeront au contraire une demande officielle d’entraide judi- ciaire. Par exemple, certains Etats admettent la possibilité de mesures provisoires d’ur- gence par les canaux de l’entraide informelle – par l’intermédiaire d’une cellule de ren- seignement financier (CRF), du ministre de la justice, d’un procureur ou d’un magistrat instructeur. Pour plus de détails voir la section 7.3.4. En même temps, il existe en général des zones de consensus concernant ce qui peut être demandé et le processus par lequel cela peut l’être (voir l’illustration 7.3). Les tech- niques d’enquête non-coercitives, par exemple, peuvent habituellement être obtenues par une entraide informelle ; les techniques d’enquête coercitives et les mesures judi- ciaires, au contraire, exigent typiquement une DEJ. Ces mesures sont expliquées en davantage de détails dans les sections suivantes sur l’entraide informelle et les demandes d’entraide judiciaire. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  155 7.3  L’entraide informelle Cette section propose un exposé détaillé des canaux disponibles pour ce type de coopé- ration ainsi que de certaines des formes spécifiques d’entraide informelle qui peuvent se révéler utiles dans les dossiers de recouvrement d’avoirs – plus spécifiquement, le « tra- çage  » des avoirs, les mesures provisoires d’urgence, la divulgation spontanée, et les requêtes faites auprès d’un autre Etat pour qu’il ouvre une enquête. Une enquête conjointe, qui constitue une forme de coopération pouvant être amorcée via l’entraide informelle ou l’entraide judiciaire, fait l’objet d’une discussion à la section 2.2.3 du cha- pitre II. Une check-list figurant à l’annexe H donne la liste de certains des sujets et des questions que les praticiens peuvent utiliser comme point de départ à des discussions avec leurs homologues. 7.3.1  Les canaux de coopération Les canaux les plus communs pour l’entraide informelle incluent : •  Les homologues étrangers, qu’ils soient des agents des services de police, des procureurs ou des magistrats instructeurs ; sont également utiles à cet égard les attachés de police et les magistrats de liaison. En poste dans les ambassades ou les consulats, ces agents facilitent le contact avec des collègues susceptibles de four- nir une aide informelle, aident à préparer les demandes d’entraide judiciaire et contribuent au suivi de ces dernières (voir l’encart 7.2 pour certaines des juridic- tions employant ce type de personnes-ressources.) •  Les CRFs. Le volume et le type d’aide qu’elles fournissent variera en fonction du type de cellule de renseignement financier en cause (autorité administrative ou judiciaire) ; mais en général, elles seront en mesure de partager des éléments de renseignement financier avec d’autres CRFs. Certaines d’entre elles ont autorité pour contrôler des fonds ou pour s’opposer à l’exécution de certaines transactions (voir section 7.3.4). •  Les autorités de régulation, telles que celles chargées de la supervision des banques, des marchés financiers ou des sociétés. Cette coopération est plus limi- tée, parce qu’elle exige généralement un protocole d’accord et peut être soumise à des restrictions concernant le partage d’informations à des fins de poursuite. Comment entame-t-on une coopération avec des administrations étrangères ? Souvent par le biais de contacts obtenus au cours de dossiers antérieurs, soit directement soit par l’entremise de réseaux dont les administrations sont membres (par exemple, Interpol et l’Organisation Mondiale des Douanes pour les autorités de poursuite, le Groupe Egmont pour les CRFs, et le Camden Assets Recovery Inter-Agency Network ou le réseau de l’Or- ganisation des Etats Américains pour les procureurs et les magistrats instructeurs (voir l’encart 7.2 pour une liste plus détaillée de ces réseaux)). L’un des problèmes rencontrés par les praticiens qui cherchent à contacter leurs homologues est que nombre de juri- dictions disposent de multiples administrations policières et judiciaires, et qu’il peut 156  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ainsi être difficile de déterminer laquelle ou lesquelles contacter (voir l’encart 7.4 pour des exemples émanant de 4 pays). Ces administrations peuvent inclure des forces de police fédérales ou nationales, régionales ou départementales, voire municipales ; des services anti-corruption ; des administrations douanières ; des services de lutte contre les stupéfiants ; ou des administrations fiscales. Cela signifie que les praticiens peuvent avoir à contacter de multiples administrations, et qu’ils devraient chercher auprès de leurs homologues si d’autres administrations pourraient leur être utiles. 7.3.2  Quelques considérations générales Bien qu’il existe moins de restrictions à l’entraide informelle qu’à l’entraide judiciaire, il en existe néanmoins certaines et les praticiens devront les prendre en compte. Les informations demandées ou partagées doivent être collectées légalement tant dans l’Etat requérant que dans l’Etat requis, et les communications entre homologues doivent être autorisées. Et parce que la coopération se fait généralement entre homologues, les praticiens devront emprunter les voix internes adéquates pour le compte de leurs homologues étrangers (voir l’encart 7.5 pour un exemple de la manière dont certaines juridictions s’efforcent d’éliminer ces exigences). Par exemple, au lieu de voir une admi- nistration de police contacter une CRF étrangère, on verra plutôt la CRF nationale pas- ser par le Groupe Egmont pour obtenir des informations auprès d’une CRF étrangère, puis transmettre ces informations aux services de police. Dans certains cas, en plus d’être membres du Groupe Egmont, ces services homologues devront signer un proto- cole d’accord ou des clauses de confidentialité. Compétences des services d’enquête en France, en ENCART 7.4 Suisse, au Royaume Uni et aux Etats-Uni Nombre de juridictions disposent de multiples administrations policières ou judi- ciaires disposant de l’autorité nécessaire pour enquêter et poursuivre la corrup- tion et le blanchiment d’argent. Quelques exemples : France •  Les douanes •  La gendarmerie nationale •  Les Tribunaux interrégionaux spécialisés dans la criminalité organisée et financière •  Les juges d’instruction •  La police judiciaire, spécifiquement l’Office Central de Répression de la Grande Délinquance Financière •  Les bureaux des procureurs Suisse •  L’Office Fédéral de la Police •  Les juges d’instruction fédérauxa •  Le Ministère public de la Confédération (procureur fédéral) (a continué) La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  157 ENCART 7.4 (a continué) Chacun des cantons confédérés dispose de ses propres procureurs, forces de police et magistrats instructeurs. Royaume Uni (Angleterre et Pays-de-Galles)) •  Crown Prosecution Service et Revenue and Customs Prosecution Office •  Her Majesty’s Revenue and Customs for England and Wales •  Serious Fraud Office •  Serious Organised Crime Agency Il existe en plus 43 forces de police régionales en Angleterre et au Pays-de- Galles, certaines disposant d’unités spécialisées dans la lutte contre la corruption et le blanchiment. Ces dernières incluent la Metropolitan Police et la City of Lon- don Police. Etats-Unis •  Customs and Border Protection •  Department of Homeland Security •  Department of Justice (l’autorité centrale) •  Department of the Treasury •  Drug Enforcement Agency •  Federal Bureau of Investigation •  Immigration and Customs Enforcement •  Internal Revenue Service Criminal Investigation •  U.S. Postal Service Il existe en plus de nombreuses forces de polices aux niveaux de l’état et du comté. Note : a. En 2011, le système des magistrats instructeurs (fédéraux et cantonaux) disparaitra. Les procureurs demeureront les seuls interlocuteurs possibles. ENCART 7.5 Faciliter l’entraide informelle L’entraide informelle est généralement conduite entre homologues, un pro- cessus qui peut introduire un intermédiaire dans certains cas du fait que les ser- vices de police doivent s’adresser à leur cellule de renseignement financier nationale (CRF) pour obtenir des informations auprès de la CRF d’un autre Etat. Certaines juridictions s’efforcent de faciliter l’entraide informelle en permettant une coopération directe sans tenir compte du caractère authentiquement homo- logue de l’administration étrangère. Par exemple, le Financial Crimes Enforce- ment Network américain coopère directement avec des administrations policières et judiciaires de l’Union Européenne dans certaines circonstances ; cette pratique est d’ailleurs réciproque. 158  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Les praticiens doivent toujours peser les risques et les bénéfices d’une procédure assor- tie d’une entraide informelle. Par exemple, le fait d’auditionner des témoins volontaires ou des manquements au devoir de confidentialité par leurs homologues étrangers peuvent alerter les suspects de l’existence d’une enquête et leur donner la possibilité de détruire des preuves, de déplacer des avoirs ou de fuir le territoire. 7.3.3  Le « traçage » des avoirs et autres aspects de l’enquête Le « traçage » des avoirs étant sensible aux questions de temps et crucial pour le re- couvrement d’avoirs, certaines juridictions ont développé des outils pour permettre l’accès rapide à des informations limitées avant qu’une demande d’entraide judiciaire ne soit formulée. Ces informations peuvent inclure des déclarations de transaction sus- pecte (DTS), des données publiques (par exemple des informations cadastrales, ou l’accès au registre des immatriculations ou des sociétés), et des informations limitées sur les comptes bancaires. Les praticiens devront discuter avec leurs homologues pour déterminer ce qui peut être disponible sans recours à une DEJ et quelles informations devront être obtenues au moyen d’une telle demande. Le « traçage » des avoirs est souvent rendu difficile par le fait qu’il n’existe pas assez d’informations pour restreindre la recherche à une banque en particulier, à une succur- sale ou à un emplacement géographique. De telles informations sont généralement requises dans les pays dotés d’un grand nombre d’institutions financières et de succur- sales (dont aucune ne partage d’informations) ; sans elles, la demande serait trop diffi- cile à satisfaire du fait de son excessive portée. La mise en place d’un registre central des comptes bancaires est un outil qui a permis de surmonter ce problème182. Mis en place au Brésil, au Chili, en France, en Italie et en Allemagne183, ces registres contiennent des informations limitées (par exemple, le numéro de compte, le nom du titulaire et la succursale) ; ils sont assortis de garanties de protection de la vie privée et limitent l’accès à leurs données à des administrations et circonstances spécifiques. En France, par exemple, la CRF peut effectuer des recherches sur les bases de données uniquement lorsqu’il existe une suspicion raisonnable de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme. Les praticiens étrangers auraient donc à fournir suffisamment d’infor- mation pour satisfaire à ces conditions, et une demande d’entraide judiciaire pourrait être nécessaire. 7.3.4  Les mesures provisoires d’urgence Bien qu’il existe des situations dans lesquelles des fonds peuvent être préservés au moyen des mesures de contrôle internes demandées par le biais d’une demande d’en- traide judiciaire, il en est aussi qui sont d’une plus grande urgence. Le suspect peut être alerté de l’existence d’une enquête grâce à une arrestation ou à une fuite d’informations. 182. Le GAFI a récemment consacré l’établissement de registres centraux comme meilleure pratique dans son « Best Practices : Confiscation (Recommandations 3 et 38) », adopté par l’assemblée plénière en février 2010. Le document est disponible à l’adresse : http://www.fatf-gafi.org/dataoecd/39/57/44655136.pdf. 183. Une loi instituant un registre central est actuellement examinée par le parlement espagnol. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  159 A cause de la vitesse à laquelle des suspects et leurs associés peuvent déplacer les pro- duits d’un pays à l’autre, les praticiens doivent être prêts à agir rapidement. Fort heu- reusement, nombre de pays disposent de mesures qui permettent une saisie rapide ou un contrôle de fonds dans des situations d’urgence. Cette action rapide prend souvent la forme d’une mesure temporaire prise sur la base du postulat qu’une demande d’en- traide judiciaire sera faite dans des délais spécifiés184. Si la demande n’est pas faite à temps, les fonds peuvent alors être libérés. Quelques exemples de mesures provisoires d’urgence incluent : •  Les décisions administratives. Un fonctionnaire (typiquement associé à la CRF) peut prendre une mesure de blocage contraignant une institution financière à geler des fonds pour une courte période de temps. Ces décisions administratives sont parfois limitées aux cas impliquant des infractions sous-jacentes spéci- fiques185.Certaines juridictions agissent dans le cadre du droit d’opposition qui exige de l’institution financière, sur transmission d’une DTS, qu’elle bloque les fonds jusqu’à ce que la CRF consente à les libérer ou pour une durée spécifiée (permettant ainsi à la CRF ou aux services de police de mettre en place des mesures provisoires). •  Les mesures provisoires prises par les magistrats instructeurs. Dans les juri- dictions de droit civil qui disposent de magistrats instructeurs, ces derniers peuvent être à même de décider d’autoriser des mesures provisoires s’il existe des raisons de penser qu’une décision de confiscation sera prise ultérieurement, que les avoirs sont susceptibles de disparaître, ou les deux186. •  Les mesures provisoires prises sous l’effet d’une mise en examen ou d’une arrestation. Certaines juridictions permettent un contrôle ou une saisie tempo- raire des avoirs sujets à confiscation à la suite d’une arrestation effectuée dans un autre pays187. L’Etat requérant doit alors fournir des preuves de l’arrestation et un résumé des faits concernés. Les fonds seront placés sous contrôle dans l’attente de preuves supplémentaires, et cette période de contrôle peut être étendue sur demande. En général, les avoirs n’ont pas besoin d’être reliés à une infraction et aucun traité spécifique n’est nécessaire ; la procédure est conduite sans notifica- tion du détenteur des avoirs (ex parte). •  Transmission directe aux procureurs. Dans certains pays, les demandes entrantes de contrôle et de confiscation sont transmises aux procureurs de façon à fournir le même niveau de coopération internationale dans l’obtention des mesures provisoires et la confiscation des produits et instruments d’un crime que 184. Une extension de délai peut être accordée sur demande dans certaines juridictions. 185. L’Anti-Money Laundering Act de 1999 (Thaïlande), sec. 48, confère au Transaction Committee le pouvoir de contrôler ou de saisir pour une période ne pouvant excéder 90 jours «  s’il existe un motif probable de croire que puisse survenir un transfert, une distribution, un placement, un empilement ou une dissimulation de tout avoir lié à l’infraction sous-jacente.  » En cas d’urgence, le secrétaire-général peut prendre la décision. Les règlements concernant les procédures de prise de contrôle, de préservation, d’entretien, de vente, etc., sont susceptibles de s’appliquer. 186. Ceci est appliqué en Suisse, et peut être obtenu par l’envoi d’un fax à l’Office Fédérale de Justice. 187. Les Etats-Unis disposent d’une mesure de contrôle temporaire (30 jours) qui peut être prise en cas d’arrestation ou de mise en examen : Titre 18, United States Code, sec. 984(b)(4). 160  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis celui possible dans des dossiers nationaux188. Des preuves de l’infraction et du profit ou des preuves que les avoirs constituent des produits ou des instruments d’un crime peuvent être requises. Certaines juridictions exigeront une demande d’entraide judiciaire pour l’obtention de toute mesure provisoire, mais une audience peut être obtenue dans des délais brefs et se dérouler ex parte189. D’autres juridictions peuvent avoir des conditions plus strictes, tels que l’exigence d’une arrestation ou d’une mise en examen. Si c’est le cas, le praticien peut avoir à envisager d’autres options – peut-être d’ouvrir une enquête conjointe ou de four- nir à l’Etat étranger des informations suffisantes via les canaux de l’entraide informelle pour permettre la prise de mesures provisoires au titre des lois internes. Ces options sont possibles seulement si l’autorité étrangère a compétence pour connaître d’un quel- conque élément de l’infraction sous-jacente, comme dans un cas de blanchiment d’argent. 7.3.5  Les divulgations spontanées Une autre forme d’entraide informelle qui s’est révélée utile pour recouvrer des produits de la corruption est la divulgation spontanée190. Forme proactive d’entraide utilisée par les autorités compétentes et CRFs, la divulgation spontanée avertit un Etat étranger d’une enquête en cours pour blanchiment d’argent dans l’Etat procédant à la divulga- tion ; elle indique que des preuves existantes pourrait se révéler intéressantes, comme le compte bancaire d’une personne politiquement exposée corrompue. L’encart 7.6 décrit les informations qui pourraient être transmises, par exemple, par la Suisse191. L’Etat receveur peut alors utiliser les informations pour renforcer sa propre enquête et effec- tuer ultérieurement une demande d’entraide judiciaire. De telles divulgations sont par- ticulièrement utiles dans les dossiers de corruption parce que la couverture médiatique internationale qui est accordée à ces derniers peut décider une banque étrangère à transmettre une DTS (susceptible de déclencher une enquête étrangère subséquente), ou un praticien étranger à ouvrir une enquête de manière autonome192. Les receveurs de divulgations spontanées devraient en contacter l’auteur pour clarifier leur contenu, se renseigner sur le dossier étranger, s’assurer que les avoirs resteront gelés et discuter des prochaines étapes à entreprendre. 188. Proceeds of Crime Act, 2002 (External Requests and Orders), order 2005, sec. 6. 189. La RAS de Hong Kong, Chine, accordera une audience dans les plus brefs délais. 190. UNCAC, art. 46(4) et 56 exigera des Etats-parties qu’ils s’efforcent de divulguer de telles informations. 191. La loi autorisant la divulgation spontanée en Suisse est l’article 67a de la Loi Fédérale sur l’Entraide Internationale en Matière Pénale. Celui-ci accorde la capacité à transmettre spontanément à une autorité étrangère toutes informations ou preuves concernant une infraction qui fait l’objet de poursuites et qui a été collectée au cours de l’enquête dès lors qu’il est estimé que cette transmission d’informations (1) permettra de lancer une procédure pénale ou (2) facilitera le déroulement d’une enquête en cours. Cette communication n’affectera pas la procédure pénale menée en Suisse. 192. Une divulgation spontanée fut le catalyseur de la coopération internationale entre le Pérou et la Suisse dans le dossier Montesinos. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  161 ENCART 7.6 Divulgations spontanées suisses Une divulgation spontanée émanant de Suisse pourrait inclure •  Des informations sur l’enquête, y compris le nom de l’accusé et un résumé des faits et de ou des infractions ; •  Une description des preuves potentiellement intéressantes, y compris le nom de la banque et du titulaire du compte, le numéro de compte, le mon- tant des fonds gelé, et les transactions pertinentes ; •  Les raisons de la transmission (par exemple, une enquête en cours ou possible dans l’Etat receveur) ; •  Une invitation à formuler une demande d’entraide judiciaire ; et •  L’assurance  que les informations ne soient pas utilisées dans un autre but. 7.3.6  Requérir l’ouverture d’une enquête à l’étranger Dans certaines circonstances, les autorités peuvent ne pas disposer de la possibilité de mener une procédure interne de confiscation de nature pénale ou ACP, ni une procé- dure civile. Cela peut résulter d’un manque de capacité, de volonté politique ou d’un cadre législatif approprié. Dans ces circonstances, les autorités sont susceptibles de fournir les éléments du dossier à leurs homologues étrangers et de requérir de ces auto- rités qu’elles lancent une procédure interne. Ultimement, ce sont les autorités étrangères qui détermineront si elles doivent ou non ouvrir une enquête et comment la procédure sera menée (voir le chapitre IX pour plus de détails sur cette option). 7.4  Demandes d’entraide judiciaire (DEJ) Comme expliqué plus haut, les praticiens devraient en général ne pas commencer leur démarche de coopération internationale par la formulation d’une demande d’entraide judiciaire. Si possible, les canaux d’entraide informelle devraient être explorés en pre- mier de façon pour que les praticiens prennent contact avec leurs homologues et dis- cutent de ce qui sera nécessaire pour faire aboutir la demande et surmonter les poten- tiels obstacles. Une fois qu’un praticien aura pu déterminer qu’une entraide judiciaire est requise relativement à certains actes – comme l’obtention de documents bancaires, de témoignages obligatoires ou de mandats de perquisition ou de saisie, ou l’exécution de mesures provisoires de contrôle – de nombreuses exigences et procédures doivent être satisfaites et prises en compte. Quelques-unes de ces dernières sont décrites ci- après. Les exigences varieront d’un pays à l’autre, et les praticiens devront donc confirmer quelles sont celles qui s’appliquent auprès de l’autorité centrale étrangère, et ce avant d’effectuer leur demande. Les discussions avec des homologues étrangers ou d’autres 162  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis contacts seront utiles à ce stade, bien que de nombreuses juridictions requièrent des praticiens qu’ils passent par les canaux officiels de leur propre autorité centrale lorsqu’une demande formelle est en cours d’élaboration, ou a été envoyée. De plus, nombre de juridictions publient sur le site internet de leur autorité centrale des infor- mations susceptibles de lister les conditions exigées, et certaines fournissent même des formulaires-type pour la préparation d’une demande d’entraide judiciaire acceptable (voir l’annexe J pour un exemple de demande d’entraide judiciaire)193. L’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime tient à jour un répertoire des autorités cen- trales et a développé un outil d’assistance à la rédaction de demandes d’entraide judi- ciaire194 mis à la disposition des praticiens195. Enfin, des publications émanant d’organi- sations non-gouvernementales ou multilatérales peuvent également fournir une assistance196. 7.4.1  Les bases légales de la coopération internationale Pour procéder à une demande d’entraide judiciaire, il doit exister une base légale à la coopération ; celle-ci doit être spécifiée dans la demande. Cette base légale peut prove- nir de (1) conventions multilatérales, de traités ou d’accords incorporant des disposi- tions relatives à l’entraide judiciaire en matière pénale ; (2) des traités et accords d’en- traide bilatéraux  ; (3) des lois internes autorisant la coopération internationale en matière pénale  ; ou (4) d’une promesse de réciprocité via les canaux diplomatiques (désignée sous le terme de « commission rogatoire » ou de « comité » dans certaines juridictions). Il faut noter que les voies légales susmentionnées ne sont pas mutuelle- ment exclusives ; une demande d’entraide judiciaire peut recourir à l’une ou plusieurs de ces voies, en fonction de l’objet du dossier et des résultats escomptés (voir encart 7.7). Chacune de ces voies est discutée ci-après. 193. Par exemple, la RAS de Hong Kong, Chine, et le Royaume Uni disposent de livrets conçus pour aider les praticiens. 194. L’outil d’assistance à la rédaction des demandes d’entraide judiciaire de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (qui peut être téléchargé à l’adresse http://www.unodc.org/mla/en/index. html) est un logiciel qui génère une demande d’entraide judiciaire en fonction des informations entrées par l’utilisateur. La demande doit être adaptée pour chaque juridiction, mais l’outil fournira une aide à l’organisation de la demande. Cet outil est en train d’être élargi pour inclure d’autres aspects du recouvrement d’avoirs. 195. D’autres organisations multilatérales fournissent des listes d’autorités centrales, dont l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE), l’Organisation des Etats Américains et l’Asociación Iberoamericana de Ministerios Publicos. 196. L’étude du programme StAR sur les obstacles au recouvrement d’avoirs inclut des informations relatives à l’entraide judiciaire pour 15 juridictions constituant des centres financiers majeurs. Voir la note 28 pour les détails de la publication. Les autres publications pertinentes incluent « Mutual Legal Assistance, Extradition and Recovery of Proceeds of Corruption in Asia and the Pacific: Frameworks and Practices in 27 Asian and Pacific Jurisdictions », publié conjointement par la Banque Asiatique de Développement (ADB) et l’Initiative Anti-Corrpution de l’OCDE pour l’Asie et le Pacifique (Manille, 2007) ; ainsi que « Asset Recovery and Mutual Legal Assistance in Asia and the Pacific » (Manille, 2008). La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  163 Choisir une base légale à inclure dans une demande ENCART 7.7 d’entraide judiciaire Lorsqu’ils sélectionnent une base légale à inclure dans une demande d’entraide judiciaire, de nombreux praticiens ont estimé des plus utile de dresser la liste de tous les traités, accords ou lois pertinentes par ordre de préférence. Cette pra- tique accroit les chances de succès ; parce que les types d’entraide et les poten- tiels motifs de refus varient d’un traité à l’autre, la demande peut fort bien être jugée acceptable sur une base légale et ne pas l’être sur une autre. Une telle liste devrait être compilée par ordre de préférence. Un traité bilatéral constitue généralement la meilleure option, devant un traité multilatéral (dont les deux juridictions doivent être parties signataires), parce que les traités bilatéraux sont finement adaptés aux traditions juridiques et aux options de chacune des deux juridictions contractantes (par opposition à l’approche du « plus petit dénomina- teur commun » qui caractérise souvent les traités multilatéraux). Les traités per- tinents seraient alors suivis par toute loi interne (si possible), puis par la promesse d’une réciprocité, parce que toute loi interne permet généralement une coopéra- tion plus rapide qu’une simple promesse de réciprocité assortie d’une commis- sion rogatoire. Les conventions, traités et accords multilatéraux Les conventions, traités et accords contiennent des dispositions contraignantes qui obligent les parties signataires à se fournir une entraide judiciaire dans le cadre du droit international. Ces dispositions définissent les domaines de coopération et incluent des procédures directives, conférant ainsi clarté et prédictibilité au processus. Ces accords permettent souvent des formes plus étendues de coopération que les traditionnelles promesses de réciprocité ou de commissions rogatoires, telles que la communication entre autorités centrales (plutôt que via les canaux diplomatiques). L’UNCAC est le traité multilatéral le plus aisément applicable au recouvrement des produits de la corruption et à l’entraide judiciaire requise par le succès de ce dernier. Elle a été ratifiée par plus de 140 pays et oblige les Etats-parties à s’accorder mutuelle- ment l’entraide judiciaire la plus large possible lors des enquêtes, poursuites et procé- dures judiciaires concernant les faits de corruption. En plus de l’UNCAC et des autres traités conclus dans le cadre des Nations Unies, une base légale peut exister dans cer- taine traités ou accords régionaux d’entraide judiciaire – comme le Traité d’Entraide Judiciaire en Matière Pénale d’Asie du sud-est et la Convention Interaméricaine contre la Corruption. L’un des problèmes dont les praticiens doivent tenir compte en matière de conventions internationales, traités et accords, est de savoir comment les obligations créées par ces traités ont été intégrées dans l’ordre interne d’un autre Etat, à supposer qu’elle l’aient été – un processus connu sous le nom de « l’incorporation». 164  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis En théorie, les demandes d’entraide judiciaire effectuées dans le cadre d’un traité multilatéral (tel que l’UNCAC, l’UNTOC, ou la Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et des Substances Psychotropes) peuvent s’appliquer directement dans la mesure où deux juridictions ont ratifié le traité197197. Cela étant, les dispositions obligatoires contenues dans ces traités sont typiquement formulées en termes généraux, ce qui laisse place à l’interprétation et à l’incertitude. Par exemple, un traité peut ne pas spécifier les canaux de communication, les procédures et documents d’exécution, ou le type particulier de preuves ou de procédures requérant une autorisation judiciaire. Certaines juridictions ont mis en place des lois internes qui couvrent les détails ; d’autres n’ont que des lois limitées – ou inexistantes – incorporant le traité, et comptent sur son application directe par le biais des lois et procédures existantes. Parce que certaines autorités préféreront que l’Etat requis ait incorporé le traité, il sera important pour les praticiens de tenir compte de cette question et de chercher des détails dans la législation interne sur l’application des traités multilatéraux. De plus, il peut exister des accords volontaires avec d’autres juridictions ou groupes régionaux (comme le Commonwealth Secretariat’s Scheme on Mutual Assistance in Criminal Matters («  Harare Scheme  »), qui est un engagement des Ministres de la Justice du Commonwealth). Bien que ce dernier ne constitue pas un instrument légal contraignant ou un traité, les parties sont supposées en transposer les dispositions dans leur ordre interne ; l’entraide est alors fournie en application de ces provisions. Les traités et accords bilatéraux d’entraide judiciaire A l’instar des traités multilatéraux, les traités d’entraide judiciaire bilatéraux contiennent des dispositions contraignantes qui obligent les signataires à se fournir assistance et qui définissent les procédures que les praticiens doivent suivre. De plus, ils peuvent fournir des formes de coopération qui ne sont pas prévues par d’autres arrangements, comme le contact direct entre praticiens, autorités compétentes et magistrats (avec une impli- cation limitée de l’autorité centrale). La législation interne Nombre de juridictions ont introduit des lois qui permettent une entraide judiciaire avec d’autres juridictions sans qu’il soit besoin d’un traité bilatéral, souvent à condition de réciprocité (c’es-à-dire que l’Etat requérant fournisse une entraide judiciaire dans des situations similaires). Contrairement au cas d’un traité, il n’existe pas d’obligation inter- nationale de fournir l’aide requise ; cette flexibilité rend aussi incertaine l’acceptabilité de la demande198. 197. UNCAC, art. 46 et 55 ; UNTOC, art. 18 ; et Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et des Substances Psychotropes, art. 7. 198. Certains exemples incluent le Mutual Assistance in Criminal Matters Act (Singapour)  ; la Law on International Mutual Legal Assistance in Criminal Matters (Liechtenstein) ; la Mutual Legal Assistance in Criminal Matters Ordinance, cap. 525 (RAS de Hong Kong, Chine)  ; et la Loi Fédérale sur l’Entraide Internationale en Matière Pénale (Suisse). La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  165 Promesse de réciprocité par les canaux diplomatiques (commission rogatoire Cette forme traditionnelle d’entraide peut être utile s’il n’existe ni traité entre les juridic- tions ni loi interne dans l’Etat requis (bien que certaines juridictions requièrent la réci- procité même lorsqu’est utilisé un traité multilatéral ou bilatéral comme base à la demande). Elle permet la communication formelle entre le pouvoir judiciaire, un pro- cureur ou un officier de police dans un pays et son homologue dans un autre. Il s’agit là d’un processus plus long parce qu’il requiert l’inclusion d’un acteur supplémentaire, le ministre des affaires étrangères, ainsi que des formalités diplomatiques. 7.4.2  Les exigences générales Chaque Etat aura un certain nombre d’exigences légales auxquelles les Etats requérants devront satisfaire en effectuant leur demande d’entraide judiciaire. Certaines d’entre elles ainsi que les éléments dont les praticiens devront tenir compte sont détaillés ci- après. Objet de la demande Généralement, la demande doit relever d’une question pénale, bien que certaines juri- dictions fournisse l’entraide dans le cas de demandes de confiscation ACP (parce que ces dernières se présentent habituellement dans le cadre d’une enquête pénale) et de dossiers civils et administratifs199. Les juridictions diffèrent sur le stade d’une enquête ou d’une procédure pénale auquel l’entraide judiciaire peut être demandée. Bien que la plupart des juridictions autorisent ces demandes au stade de l’enquête, d’autres ont des exigences plus contraignantes pour le contrôle ou la saisie provisoire des avoirs (comme de requérir une inculpation ou une décision de confiscation). De nombreuses juridic- tions refuseront l’entraide judiciaire si la procédure pénale est terminée. Pour les exi- gences les plus contraignantes, les praticiens devraient envisager de synchroniser et de coordonner la demande de mesures provisoires et l’arrestation de manière à éviter la dissipation des avoirs. Double Incrimination De nombreuses juridictions exigent que soit établie la double incrimination (ou de double confiscation si est recherchée une entraide portant sur la confiscation), ce qui signifie que le comportement sous-tendant la demande d’entraide doit être criminalisé dans les deux juridictions. Certaines juridictions peuvent lever cette exigence dans cer- taines circonstances200. D’autres peuvent appliquer cette exigence de manière plus res- trictive (comme d’exiger que les noms ou les éléments essentiels de l’infraction soient identiques). Néanmoins, les juridictions adoptent plus fréquemment une approche basée sur la conduite (elles s’efforcent de dépasser la terminologie utilisée pour qualifier le comportement en question et exigent simplement que cette conduire constitue une 199. Voir les sections 7.5 et 7.6 pour une discussion sur la coopération internationale en matière de confiscation ACP et de dossiers civils. De plus, l’UNCAC, art. 43(1) et 54(1) exige des Etats-parties qu’ils envisagent de se prêter assistance dans les domaines civils et administratifs ainsi que pour permettre la confiscation ACP. 200. Jersey est une juridiction qui n’exige pas la double incrimination. 166  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis infraction dans les lois des deux juridictions)201. Dans tous les cas, le recours à une entraide informelle est crucial pour discuter, identifier et surmonter (si possible) tout obstacle potentiel posé par le critère de double incrimination. L’approche basée sur la conduite peut être utile dans les dossiers de corruption parce que certaines des infractions concernées les plus spécifiques ne sont pas criminalisées dans toutes les juridictions (par exemple, l’enrichissement illicite, la corruption d’agents publics étrangers, l’évasion fiscale ou la confiscation élargie). Surmonter les exigences de la double incrimination – ENCART 7.8 L’enrichissement illicite et la corruption d’agents publics étrangers Les infractions d’enrichissement illicite (un accroissement signification du patri- moine d’un agent public que ce dernier ne pas expliquer raisonnablement comme étant le fruit de ses revenus légaux) et la corruption d’agents publics étrangers n’ont pas été criminalisées dans un certain nombre de juridictions. Dans le cas d’une interprétation stricte sur la base de la terminologie employée, il ne pourrait alors y avoir un problème de double incrimination – et donc d’entraide judiciaire – entre ces juridictions. Cet obstacle peut être contourné lorsque la double incrimination est examinée à la lumière du comportement, parce que les faits qui constituent l’objet de l’enquête dans l’Etat requérant peuvent caractériser une infraction différente dans l’Etat requis. Pour l’enrichissement illicite, le comportement qui a pour résultat l’enrichissement illicite peut constituer une autre infraction dans l’ordre interne (par exemple, la corruption passive). Dans le cas de la corruption d’un agent public étranger, l’Etat requis peut considérer que l’infraction constitue une corruption d’un agent public national – et non étranger a. Une fois les infractions parallèles déterminées - sur la base du même comportement - le critère de la double incrimination est satisfait. Les praticiens utilisant cette approche doivent prendre soin d’énoncer les faits et infractions dans leur demande d’entraide judiciaire. Par exemple, il peut ne pas être suffisant de formuler une demande qui dit : M. X est un agent public qui gagne 3.000 dollars (USD) par mois au Ministère des Transports. Lorsqu’il a accepté son poste voilà cinq ans, il n’avait aucun patrimoine ; il possède maintenant 5 millions de dollars (USD). Il a été inca- pable d’expliquer cet accroissement et est coupable. Au lieu de cette formulation, il sera important d’inclure les faits additionnels qui peuvent étayer l’existence d’une infraction dans l’Etat étranger : (a continué) 201. Les conventions et les accords internationaux exigent que les Etats-parties appliquent cette approche basée sur la conduite. UNCAC, art. 43(2) ; recommandation 37 des 40+9 recommandations du GAFI. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  167 ENCART 7.8 (a continué) M. X est chargé de l’attribution de contrats de construction. Au cours des trois dernières années, il a accordé trois contrats majeurs à de nouvelles sociétés. Son relevé de compte bancaire démontre qu’il a reçu deux dépôts de 400.000 dollars (USD) juste avant les attributions. Récemment, un million de dollars (USD) ont été virés sur un de ses comptes bancaires dans le pays Y. Le fait de demander aux homologues de l’Etat requis qu’ils relisent la version préliminaire d’une demande d’entraide judiciaire avant son envoi peut faciliter cette procédure. Les homologues peuvent être à même d’offrir des conseils concernant la rédaction, rendant ainsi la demande plus facile à satisfaire. a. Cette approche fut confirmée dans une décision de 2003 de la Cour Suprême Fédérale Suisse (ATF 129 II 462). La Cour décida que le critère de double incrimination avait été respecté dans un dossier de corruption, ce bien que la loi de la Confédération ne dispose pas (au moment de la demande) d’une infraction de corruption d’agent public étranger. Pour arriver à cette conclusion, la Cour examina les faits et comportements, et conclut que l’Etat requérant avait satisfait aux exigences demandées sur la base d’une autre infraction : la corruption d’agents publics nationaux constituait en effet une infraction en droit suisse. Il sera important de décrire plutôt que de simplement faire la liste des infractions parce que l’Etat requis peut ne pas avoir l’expertise requise du système juridique du pays requérant, et peut donc avoir à déterminer si le comportement en question est pu- nissable au titre d’une infraction différente dans son propre droit (voir l’encart 7.8). Il sera également important de replacer l’infraction dans son contexte et de démonter qu’elle est liée à un comportement criminel lors de l’explication de l’objet de la demande. De surcroit, les praticiens devraient s’efforcer d’éviter l’emploi de certains mots et de certaines phrases susceptibles de provoquer une confusion terminologique. Par exemple, l’expression « flux illicites » peut être problématique dans certaines juridic- tions parce que le terme renvoie souvent à l’évasion fiscale et à la fuite de capitaux. Dans un tel cas, utiliser plutôt « flux criminels ». Les conventions et standards internationaux exigent également que l’entraide judiciaire soit fournie pour des mesures non-coercitives y compris en l’absence d’une double incrimination.202 Assurances et engagements (réciprocité, confidentialité, spécialité et promesse de payer les coûts ou dommages et intérêts De nombreuses juridictions exigent une assurance de réciprocité, une déclaration écrite garantissant que l’Etat requérant fournira à l’Etat requis le même type de coopération dans tout futur cas de nature similaire. Par ailleurs, de nombreuses juridictions requièrent de l’Etat requérant qu’elle spécifie si elle souhaite voir sa demande être traitée de façon confidentielle. De plus, les juridictions peuvent requérir une assurance que 202. UNCAC, art. 46(9); recommandation 37 des 40+9 recommandations du GAFI. UNCAC art. 46(9)(a) exige également des Etats-parties qu’ils tiennent compte de l’esprit de la Convention lorsqu’ils appliquent la double incrimination. 168  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis l’Etat requérant utilisera les informations transmises seulement pour le dossier men- tionné dans la demande d’entraide judiciaire, et non comme preuve dans un autre dos- sier, ou qu’elles ne seront pas divulguées à un tiers. Enfin, certaines juridictions peuvent exiger un engagement à s’acquitter des coûts et pertes qui pourraient revenir à la partie requise lors de l’exécution de la demande203. Ces assurances peuvent être écartées au cas-par-cas, mais ces dispenses doivent faire l’objet de discussions avec l’autre Etat. Certains praticiens hésitent ou refusent de four- nir ces assurances parce que celles-ci ne sont pas pratiquées dans leur pays (nombre de systèmes juridiques de droit civil n’y ont jamais recours), et le praticien ne sait pas tou- jours s’il a ou non l’autorité nécessaire pour les fournir. Cependant, ces assurances sont rarement optionnelles, et l’entraide judiciaire peut être refusée si elles ne sont pas four- nies ou traitées avant l’envoi de la demande. 7.4.3  Les exigences de preuve Les praticiens doivent généralement fournir suffisamment d’éléments probants admis- sibles aux officiels de l’Etat requis pour leur permettre de satisfaire au seuil probatoire exigé par leurs tribunaux lors de l’exécution de la demande. Cela peut se révéler difficile, notamment parce que les standards d’admissibilité varient selon les juridictions. Les juridictions requises peuvent exiger pour certaines mesures des standards qui sont plus exigeants que ceux de l’Etat requérant. Ce qui serait par ailleurs une requête appropriée dans un certain pays peut parfaitement être considéré comme trop vague – une pêche à l’information (expédition dite de « pêche »)- dans un autre. Cette difficulté est encore accrue lorsque l’échange se déroule entre des juridictions de droit civil et de common law, ou entre juridictions utilisant des systèmes de confiscation différents (basé sur la valeur ou sur la propriété, ou de confiscation pénale par opposi- tion la confiscation ACP), parce que les standards de preuve, les seuils de preuve et les règles d’admissibilité peuvent largement différer. Par exemple, si des faits concernant un dossier sont admissibles comme preuves, les juridictions de common law exigent géné- ralement des déclarations sous la forme d’affidavits ou de certificats ; les juridictions de droit civil, à l’inverse, n’en exigeront pas (pour plus d’informations sur la rédaction des affidavits, voir l’encart 4.1 au chapitre IV). Toute incapacité à inclure suffisamment de preuves admissibles pour satisfaire au seuil applicable, ou à utiliser les méthodes les moins intrusives en premier lieu pour la collecte des preuves, pourrait avoir pour résultat le renvoi ou le rejet de la demande. De ce fait, les praticiens doivent discuter des exigences de preuve, des standards et des exemples de preuves admissibles avec leurs homologues avant de soumettre une demande d’entraide judiciaire. Une fois déterminé qu’une demande d’entraide est requise, les trois étapes du processus suivant devraient être envisagées avant tout envoi : 203. L’une des raisons en est que l’Etat requis est susceptible d’agir et donc de s’exposer à une responsabilité, alors que l’état requérant peut ne pas parvenir à fournir les preuves promises. Sans faute de sa part, l’état requis devrait alors verser des dommages et intérêts. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  169 •  Etape 1. Déterminer ce qui est attendu (par exemple, la communication ou la saisie de données financières ou comptables, la localisation d’avoirs, leur saisie, leur contrôle ou leur confiscation). Il est souvent mieux de recourir à une approche étape-par-étape dans la demande d’entraide plutôt que de tout demander en même temps. •  Etape 2. Déterminer les moyens les moins intrusifs pour obtenir les informations requises, ainsi que le standard de preuve exigé par l’Etat requis (par exemple, des faits spécifiques, l’emplacement d’avoirs, un lien entre des avoirs et une infraction, ou une décision judiciaire finale). •  Etape 3. Déterminer le format des preuves admissibles dans l’Etat requis et de tout autre document requis (voir la section 7.4.4 ci-après pour plus de détails sur la forme et le contenu). D’un point de vue général, plus une mesure est intrusive et plus exigeant sera le stan- dard de preuve exigé pour démontrer, entre autres, (1) qu’une infraction a été commise ; (2) que les avoirs recherchés sont reliés à l’infraction ou au contrevenant, ou sont autrement sujets à confiscation dans l’Etat du praticien ; et (3) où précisément se trouvent les avoirs sur lesquels porte la demande de contrôle ou de recouvrement. Les systèmes de common law permettent typiquement des mesures provisoires ou d’enquête aux standards des « motifs raisonnables de croire » ou de « la cause probable » ; un standard plus élevé est requis pour la confiscation, à savoir celui de la « prépondérance des probabilités » ou la « prépondérance de la preuve ». Avec quelques exceptions, la plupart des systèmes de droit civil accordent les mesures provisoires et d’enquête au standard des « motifs raisonnables de croire » ; mais requièrent un standard plus élevé (« l’intime conviction ») pour la confiscation. L’illustration 2.1 au chapitre 2 illustre les différents standards de preuve qui sont susceptibles d’être exigés. La section 7.4.6 ci- après décrit plus spécifiquement les standards de preuve qui doivent être atteints, ainsi que d’autres informations pertinentes. 7.4.4  Les exigences sur la forme et le contenu Les demandes d’entraide judiciaire doivent être présentées par écrit et doivent satisfaire aux exigences de langue, de contenu et de format de l’Etat requis, du traité applicable ou de l’autorité centrale de l’Etat du praticien. Comme précédemment noté, les praticiens devraient déterminer quelles sont ces exigences et s’efforcer d’obtenir des exemples de demandes conformes avant de rédiger et de soumettre la leur. Lorsque la chose est auto- risée et possible, ils doivent tenter de tirer le meilleur parti des occasions de soumettre des projets de demande d’entraide judiciaire auprès de l’autorité centrale de l’Etat requis ou auprès de l’autorité qui traitera la demande. Ce processus de rédaction et l’entraide qui en résulte aide à garantir que les exigences sont satisfaites, que les faits du dossier sont clairs et que la terminologie est correcte. Il aide également le praticien requérant à éviter tout délai superflu ou tout refus d’assistance, et confère à l’Etat requis la possibi- lité de préparer ses actions en réponse. 170  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Eu égard à la langue, les demandes doivent être soumises dans une langue qui soit acceptable par l’Etat requis. La responsabilité d’organiser la traduction incombe à l’Etat requérant, bien que certaines juridictions puissent fournir des services de traduction si l’Etat requérant accepte d’en assumer le coût. Il a pu arriver par le passé que des juridic- tions de pays développés acceptent de couvrir ces coûts pour le compte de juridictions de pays en développement. Dans l’hypothèse où une traduction est requise, il importe de recourir aux services de professionnels qui sont familiers de la terminologie juri- dique en vigueur ; d’éventuelles erreurs de traductions peuvent en effet engendrer des ambigüités qui rendront nécessaires des clarifications de la part de l’Etat requérant, retardant ainsi d’autant le processus. A cet égard, l’autorité responsable de la rédaction de la demande dans sa langue d’origine devrait conserver à l’esprit qu’une transaction en sera nécessaire ; il conviendra de l’écrire de façon concise, objective et avec un langage simple qui simplifiera le travail des traducteurs et évitera toute mauvaise interprétation. Des phrases courtes, déclaratives et rédigées dans l’ordre chronologique se traduisent généralement bien. Les coordonnées de l’enquêteur en charge du dossier ou du procureur devraient égale- ment être jointes à la demande. Les praticiens doivent aussi déterminer le format préféré pour la demande, ainsi que toute documentation additionnelle requise. Certaines juridictions proposent des modèles-types susceptibles d’aider ces démarches (voir l’annexe J pour un exemple de demande d’entraide judiciaire). Il peut être nécessaire d’inclure des documents tels que des « affidavits » ou des copies certifiées conformes des originaux de décisions judiciaires relatives à la communication ou la saisie de documents, à la levée du secret bancaire, à des mesures provisoires ou à la confiscation. Ces documents peuvent devoir être certifiés par un tribunal ou signer par leur auteur, par le témoin ou déposant sous serment204. Enfin, s’il existe des exigences légales formulées par l’Etat requérant à l’intention de l’Etat requis concernant l’exécution de la demande (par exemple, une notification spé- cifique à adresser à une personne interrogée), celles-ci doivent être spécifiées dans la demande. Les praticiens devraient aussi préciser quand et pourquoi des informations sont requises (par exemple, les dates d’audience à venir). 7.4.5  Les motifs de refus En plus des exigences générales et des exigences de preuve, la plupart des accords d’en- traide judiciaire laisseront à l’Etat requis toute discrétion pour refuser l’entraide judi- ciaire dans certaines circonstances, au-cas-par-cas205. Certains traités (y compris les 204. Un affidavit exige une déclaration sous serment de l’auteur, devant un témoin assermenté (comme un notaire ou un commissaire à l’assermentation). La certification peut en être assurée par un juge ou magistrat, ou par un auxiliaire de justice. 205. Par exemple, l’UNCAC permet les refus si la demande concerne des questions négligeables (de minimis) ou s’il existe d’autres moyens d’obtenir l’entraide ; si la demande ne respecte pas les conditions La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  171 conventions des Nations Unies) détaillent les motifs de refus prohibés, comme l’occurrence d’infractions fiscales ou le secret bancaire (voir quelques exemples à l’en- cart 7.9). Les praticiens devraient se préoccuper de ces problèmes préventivement et avant que la demande ne soit envoyée (si possible) parce qu’il devient beaucoup plus difficile de surmonter un refus une fois que celui-ci a été formulé. Des discussions avec les homologues étrangers seront à cet égard importantes. Certains motifs de refus que des juridictions sont susceptibles d’employer sont détaillées ci-après, ainsi que quelques suggestions pour les surmonter. Le secret bancaire et les infractions fiscales – des motifs de ENCART 7.9 refus de l’entraide ? Le secret bancaire et les infractions fiscales ne sont généralement pas admis par la convention des Nations Unies comme des motifs de refuser une demande d’entraide judiciaire. Si possible, les praticiens doivent se référer aux disposi- tions des traités : •  Les infractions fiscales. L’UNCAC, article 46(22), l’UNTOC, article 18(22), et la Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et des Substances Psychotropes, article 3(10), interdisent le refus d’entraide judiciaire au seul motif que l’infraction implique des aspects fiscaux. •  Le secret bancaire. ° La Convention de l’OCDE sur la Lutte Contre la Corruption, article 9(3), UNCAC, article 46(8), et UNTOC, article 18(8) interdisent explicitement le refus de l’entraide au seul motif de la protection du secret bancaire. ° L’UNCAC article 31(7) et l’UNTOC, article 12(6), requièrent des Etats- parties qu’ils confèrent aux tribunaux et autres autorités compétentes la capacité à décider de la saisie de données bancaires, financières ou commerciales dans le cadre des dossiers civils et de la coopération internationale. . ° L’UNCAC, article 40, requiert des Etats-parties qu’ils garantissent qu’il existe des mécanismes appropriés pour surmonter les obstacles cau- sés par le secret bancaire dans les enquêtes pénales internes. Bien que cette disposition s’applique aux enquêtes internes, elle traduit un effort dans le sens d’une limitation du secret bancaire et se révélerait utile dans les dossiers dans lesquels l’Etat requis se voit demander, ou choisit de, lancer des poursuites internes pour blanchiment d’argent sur la base d’une infraction principale commise à l’étranger. procédurales ou de fond (par exemple, la double incrimination) ; si l’exécution de la demande porterait atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l’ordre public, ou à d’autres intérêts essentiels de l’état requis ; ou si l’action demandée est prohibée par la loi interne. UNCAC, art. 46(9) et (21) ; voir aussi UNCAC, art. 46(23), qui exige des Etats-parties qu’ils fournissent les motifs de tout refus d’agréer à une demande d’entraide judiciaire. 172  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Intérêts essentiels. L’entraide peut être refusée si l’exécution de la demande pourrait porter atteinte aux « intérêts essentiels » de l’Etat requis. Les intérêts essentiels ne sont spécifiquement définis dans aucune convention, mais peuvent inclure la souveraineté, l’ordre public, la sécurité, et une charge excessive en termes des ressources. Malheu- reusement, une interprétation large de la notion d’intérêts essentiels peut nuire à la coopération internationale. Par exemple, un Etat requis pourrait refuser de coopérer dans un dossier de corruption qui aurait pour résultat la divulgation d’informations sur ses ressources naturelles. Avoirs de valeur négligeable (« de minimis »). Comme indiqué plus haut, le processus d’obtention d’une coopération internationale est long et coûteux en ressources à la fois pour l’Etat requérant et pour l’Etat requis ; cette dernière peut appliquer des seuils de coût ou d’autres critères auxquels il faut satisfaire (comme celui de la gravité de l’infraction)206. Les praticiens devraient fixer leurs priorités et écarter les demandes d’en- traide judiciaire portant sur des avoirs de valeur négligeable ou celles n’offrant pas de perspectives raisonnables de condamnation. La valeur considérée comme négligeable varie selon lesEtats, et la plupart envisageront positivement les demandes d’entraide pourtant situées sous ce seuil s’il existe un fort intérêt public à y répondre, comme dans le cas d’une demande impliquant la corruption d’un homme politique de haut rang. Le principe non bis in idem, les poursuites en cours ou les enquêtes dans l’Etat requis. Lorsque la cible a déjà été condamnée ou acquittée de la même infraction, ou qu’il existe une procédure en cours ou une enquête sur les mêmes faits dans l’Etat requis, cette dernière peut refuser d’accorder l’entraide. Ceci peut être particulièrement problé- matique dans le cas des demandes d’entraide judiciaire parce que la demande elle-même est susceptible de fournir à l’Etat requis suffisamment d’information pour l’ouverture de sa propre enquête interne tout en suscitant la réponse suivante : « Merci pour votre demande. Nous ne pouvons cependant pas y donner de suites favorables parce que nous venons d’ouvrir une enquête sur la base des informations que vous nous avez communiquées. » Il importera donc d’envisager cette question avant de transmettre la demande (via ses contacts personnels ou ses réseaux), et de déterminer comment cela affectera la stratégie du dossier.. La nature et la sévérité de la peine. Certaines juridictions refuseront de coopérer si l’infraction fait encourir une peine considérée comme trop sévère, comme la peine de mort. Plus spécifiquement dans le cas de la confiscation d’avoirs, la nature de la peine peut affecter négativement la coopération si une peine similaire n’existe pas dans l’Etat requis (par exemple, la confiscation élargie). Cette question peut être résolue via une assurance ou un engagement qu’une peine spécifique ne sera pas prononcée ou exécutée. 206. Les refus sur cette base sont autorisés au titre de l’UNCAC, art. 46(9)(b) et 55(7). En plus des motifs de refus détaillés dans l’article 46, les articles 55(7) et 55(8) de l’UNCAC stipulent que la coopération peut être refusée ou des mesures provisoires suspendues si des preuves suffisantes et apportées dans des délais adéquats ne sont pas reçues, ou si le bien est de valeur négligeable. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  173 Les immunités. Les juridictions refusent généralement d’autoriser l’entraide judiciaire si le suspect dispose d’une immunité aux poursuites. Ce problème peut être résolu par une levée d’immunité dans l’Etat requérant. Par exemple, dans le dossier Ferdinand Marcos, le gouvernement des Philippines décida d’une levée d’immunité qui permit l’action de l’une des juridictions étrangères impliquées. Pour plus d’informations, voir la discussion sur les immunités à la section 2.6.2 du chapitre II. Violation des droits de la défense. Les praticiens auront souvent à démontrer à l’Etat requis que les droits fondamentaux de la défense seront, ou ont bien été, accordés au contrevenant. Dans le cadre des demandes portant sur l’obtention de mesures provi- soires et d’une confiscation, des droits similaires doivent également être accordés à tout tiers possédant un intérêt sur les avoirs. Les droits fondamentaux de la défense incluent le droit à un procès équitable ; à suffisamment de temps pour préparer sa défense ; à la protection des tiers ; à ne pas s’auto-incriminer ; et à ne pas souffrir de discriminations du fait de sa race, nationalité, religion ou de son sexe207. Il est important que les prati- ciens notent que les questions de droits fondamentaux, comme d’autres motifs de refus, doivent être examinées au cas-par-cas, et non comme ayant une valeur analytique pour l’ensemble d’un système juridique. En conséquence, il est important que la demande détaille clairement l’ensemble de la procédure interne, les droits dont jouissent les diffé- rents parties (par exemple, à une notification et à être entendue), et toute décision procédurale ayant été prise. Des motifs additionnels de refus s’appliqueront en matière d’extradition208. 7.4.6  Les considérations spécifiques : « traçage », mesures provisoires et confiscation Enquête et « traçage » des avoirs Comme mentionné au chapitre III, il existe de nombreux outils d’enquête pour le « tra- çage » des avoirs et l’obtention d’informations et de preuves pertinentes dans le cadre de l’enquête. Nombre de ces outils exigeront une demande d’entraide judiciaire, y compris (1) des injonctions de communiquer ou mesures de saisie pour contraindre les institu- tions financières à produire ou à transmettre les documents pertinents, (2) des mandats de surveillance bancaire pour contraindre les institutions financières à fournir les infor- mations concernant l’activité d’un compte et les transactions le concernant pendant une période de temps donnée, (3) des mandats de perquisition et de saisie pour les preuves matérielles et les documents détenus par des personnes physiques ou des entreprises, et (4) des auditions de témoins. Les exemples de conditions communément nécessaires à la satisfaction de telles demandes incluent : 207. Voir par exemple le Pacte International Relatif aux Droits Civiques et Politiques des Nations Unies, et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. 208. L’extradition peut être refusée si l’infraction a été commise (même partiellement) dans l’Etat requis ou si l’infraction est de nature politique. A cet égard, il est important de remarquer que l’UNCAC art. 44(4) stipule que les infractions couvertes par la convention ne sont pas considérées être des infractions de nature politique. 174  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis •  Les conditions générales pour une demande d’entraide judiciaire sont remplies et il n’existe pas de motifs justifiant un refus. •  Il existe des motifs raisonnables de suspecter (ou de croire) que les informations requises sont pertinentes dans le cadre de l’enquête et qu’elles peuvent être extraites des comptes bancaire ou du lieu qui doit être fouillé. •  Il existe autant d’informations que possible sur l’emplacement des avoirs à sur- veiller, les relevés de compte bancaire à produire et les périodes à examiner pour éviter de pouvoir être accusé de formuler une demande trop vague (voir l’encart 7.10 pour quelques conseils permettant d’éviter de tels refus). Dans certaines juridictions de droit civil, certaines décisions peuvent être prises par un procureur ou un magistrat instructeur ; dans les juridictions de common law, ces déci- sions sont généralement prises par un tribunal. La question de savoir qui prend ces déci- sions peut affecter la forme et les conditions de la demande, autant que la durée néces- saire pour traiter cette dernière (à savoir, une plus grande formalité et un temps plus long sont nécessaires dans le cas de demandes soumises à l’autorisation d’un tribunal). Eviter le rejet des demandes d’entraide judiciaire consi- ENCART 7.10 dérées comme trop vagues L’une des raisons fréquemment citées pour le refus d’une demande d’entraide judicaire ou pour le renvoi d’une demande d’informations supplémentaires est le fait que la demande d’entraide constitue une pêche à l’information (« fishing expedition ») largement trop vague et allant au-delà du champ de l’infraction qui fait l’objet de l’enquête. Par exemple, la demande suivante pourrait révéler l’existence de comptes bancaires situés hors du champ de l’enquête, et rentre donc dans cette catégorie : « M. X est suspecté de corruption. Veuillez s’il-vous- plait fournir la liste de tous les comptes dont il dispose sur votre territoire et prendre le contrôle de ces derniers immédiatement. » Plus crucialement, dans les pays comptant des milliers d’institutions financières et des dizaines de milliers d’intermédiaires, la collecte de ces informations constituerait une tâche trop onéreuse. Même s’il n’existe que quelques grosses institutions financières, chacune disposant de centaines de succursales, la demande constituerait un fardeau top important du fait que les banques ne conservent pas toujours ces informations dans une base de données centralisée. Pour éviter tout refus ou délai pour ce type de motif, la demande doit être aussi précise que possible dans la description qu’elle fait des avoirs et de leur(s) localisation(s), et il faudra souvent qu’un lien soit établi entre ces avoirs et l’infraction faisant l’objet de l’enquête. La demande devrait inclure la banque ou les intermédiaires financiers où les avoirs sont susceptibles de se trouver ainsi que les noms de possibles mandataires (conjoints, enfants, sociétés-coquilles, trusts, associés proches, avocats, etc.) Il peut être difficile de rassembler ces informations, mais elles sont pourtant essentielles à la demande d’entraide. Quelques suggestions permettant d’aider à la collecte de ces informations sont détaillées ci-après. (a continué) La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  175 ENCART 7.10 (a continué) •  Recourir aux canaux de l’enquête interne et de l’assistance informelle, en incluant une requête auprès de l’Egmont Group via votre CRF nationale, de façon à rassembler autant d’informations que possible. •  Lorsque le numéro du compte bancaire ou l’emplacement de la succursale ne peut pas être obtenu, s’efforcer de trouver d’autres informations sus- ceptibles d’aider l’Etat requis à identifier l’emplacement des comptes – par exemple, un numéro de téléphone ou de fax de la banque, le nom ou la carte de visite d’un gestionnaire de compte, des destinations de voyages ou des notes d’hôtel, des relevés de carte de crédit, des copies de chèques ou de confirmations de virements, etc. Quelques juridictions peuvent être à même de prêter assistance lorsque un mi- nimum de preuves est fourni – en général, les pays les plus petits ou ceux dotés d’un registre national des comptes bancaires (le Brésil, le Chili, la France, l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne). Cependant, certaines conditions, comme le lien entre les avoirs et l’infraction, devront être remplies pour ces juridictions comme pour les autres. Dans les dossiers particulièrement significatifs ou complexes et qui incorporent d’im- portants volumes de documents bancaires et financiers, les praticiens devraient envi- sager de participer à l’exécution de la demande. Lorsqu’elle est légalement possible, la participation des enquêteurs de l’Etat requérant dans l’exécution des mandats de perquisition et de saisie, dans la saisie et l’organisation des documents et l’audition des témoins et d’experts peut grandement faciliter l’exécu- tion de la demande209. L’Etat requérant est la plus familière avec le dossier et les condi- tions d’admissibilité des preuves, et se trouve donc en meilleure position pour identifier les documents pertinents et garantir que les mécanismes de contrôle procéduraux sont respectés (par exemple, la lecture d’un avertissement légal à un témoin). La participa- tion directe évite aussi le besoin de formuler des demandes additionnelles parce que les pistes pertinentes peuvent être exploitées. Les participants peuvent inclure le juge en charge de l’enquête, des représentants de l’autorité qui pilote la procédure (ministère public, procureur), des policiers (y compris des analystes et techniciens), l’accusé et son 209. La chose est possible en Suisse, au Royaume Uni et dans d’autres juridictions. En Suisse, les enquêteurs étrangers n’ont pas le droit d’accéder aux « informations couvertes par le secret » (Loi Fédérale sur l’Entraide Internationale en Matière Pénale (Suisse), sec. 65[3]). Le «  secret  » concerne toutes les informations protégées par la loi, comme les données bancaires et les secrets industriels et commerciaux ; « l’accès » fait référence à toute remise de copies des documents, à la prise de notes écrites, à l’enregistrement de propos, ou à la collecte de tout élément de preuve similaire susceptible d’être utilisé devant un tribunal. De ce fait, et pour protéger ces limitations, l’autorité étrangère est autorisée à participer à condition qu’elle n’utilise pas ces informations avant la conclusion de la procédure d’entraide judiciaire régulière. 176  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis (ou ses) avocat(s), et les parties civiles et leurs avocats. Certains mécanismes de contrôle sont en place pour garantir que le processus de DEJ est respecté : bien que les praticiens étrangers puissent être à même de visionner les documents, les copies de ces derniers ne seront pas envoyées avant que la demande d’entraide n’ait été reçue et approuvée. Un engagement formel est souvent requis pour garantir que les informations ne seront pas utilisées avant que la réponse officielle n’ait été reçue. Toujours dans les dossiers les plus importants, les praticiens devraient envisager de réduire le champ de leur demande. Nombre d’enquêtes sur des faits de corruption s’étendent sur des années, parfois sur des décennies, et impliquent de multiples comptes bancaires, titulaires de compte, produits, entreprises et constructions juridiques. Si un Etat requérant devait demander les documents (entre autres, bancaires) portant sur l’ensemble de cette période, il faudrait des mois voire des années pour compiler toutes les informations. De plus, à supposer que ces informations soient délivrées, les prati- ciens auront à traiter des montagnes de documents, un bon nombre desquels n’étant pas pertinent dans le cadre de l’enquête. Il est important de formuler ces demandes selon les priorités choisies et d’éviter que des montagnes de documents soient requises (par exemple, 10 ans de documentation sur les comptes bancaires de multiples individus et sociétés). Il sera plus approprié de ne requérir d’abord que les relevés de banques et les transactions significatives, puis de demander les documents additionnels sur la base de l’examen de ce premier paquet d’informations. Non seulement cette réduction du champ de la demande permettra de traiter cette dernière plus rapidement, mais elle évitera par ailleurs les demandes superflues et des efforts excessifs portant sur des docu- ments de peu d’intérêt. Dans les juridictions qui requièrent l’information du détenteur des avoirs, une demande focalisée rend plus difficile à ce dernier toute contestation dénonçant le champ excessif couvert par la demande d’entraide. Pour des conseils sur comment trouver les documents qui peuvent être requis pour aider au « traçage » des avoirs, voir la section 3.4 au chapitre III. Mesures provisoires Une fois les avoirs identifiés, les autorités doivent prendre des mesures pour saisir ou contrôler ces derniers de manière à prévenir leur dissipation avant leur confiscation. Les praticiens devraient envisager des options telles que la prise de mesures provisoires administratives ou d’urgence par l’Etat étranger (via la CRF, la police, ou toute autre autorité conformément aux lois internes de cet Etat), si la chose est possible, avant d’effectuer une demande d’entraide judiciaire210. Au bout du compte, une demande d’entraide judiciaire relative à ces mesures (saisie ou contrôle) devra être envoyée pour pérenniser ces dernières. 210. UNCAC, art. 54(2) envisage les mesures provisoires aux fins de gel ou de saisie sur la base d’une décision ou demande étrangère ou, lorsque nécessaire, celles ayant pour but de préserver des biens sur la base d’une arrestation effectuée à l’étranger ou d’une mise en examen liée aux avoirs. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  177 En fonction du pays, le succès d’une demande d’entraide judiciaire portant sur des mesures provisoires implique typiquement soit une exécution directe de la décision de l’Etat requérant par l’Etat requis, soit une exécution indirecte dès lors que les preuves apportées par l’Etat requérant sont utilisées en appui à une demande de mesures internes visant à contrôler ou saisir les avoirs211. Si l’Etat requis exécute la décision indirectement (c’est-à-dire en «  internalisant  » la confiscation en engageant sa propre procédure devant ses propres tribunaux), l’Etat requérant aura à fournir les preuves nécessaires aux praticiens homologues pour que ces derniers puissent étayer leur dossier. La charge de la preuve, ainsi que les types de preuves, seront ceux exigés par les lois de l’Etat requis, ce même si une décision de confiscation a été obtenu séparément dans l’Etat requérant. Si l’Etat requis applique un standard de preuve plus léger pour une confiscation ACP, un tel processus peut se révé- ler fort utile. L’exécution directe des mesures étrangères de contrôle ou de saisie permet à l’Etat requis de faire enregistrer la décision étrangère par ses propres tribunaux puis de l’exécuter de la même manière qu’elle le ferait pour une décision interne. L’Etat requérant devra four- nir la décision de contrôle ou de saisie, ainsi que les informations concernant la procé- dure et les raisons de croire qu’une décision de confiscation peut être prise (au moyen d’un «  affidavit  » ou d’un certificat pour les juridictions de common law). Certaines juridictions autoriseront la soumission d’une copie de la décision par fax ; cependant, une copie officielle de la décision devra être fournie pour pérenniser le contrôle ou la saisie. L’Etat requérant peut alors enregistrer la décision étrangère auprès de ses propres tribunaux212. Le processus est plus simple et plus rapide que l’exécution indirecte parce qu’il évite une duplication des efforts et de la procédure  ; néanmoins, il ne sera pas possible dans tous les cas. Il peut ne pas exister de base légale pour une exécution directe dans un traité ou dans la loi, ou encore l’Etat requérant peut avoir des réticences eu égard à la manière dont la décision a été obtenue. Voici quelques exemples des conditions habituellement nécessaires pour répondre positivement à de telles demandes : •  Les conditions générales relatives aux demandes d’entraide judiciaire sont réunies et il n’existe pas de motifs de refus. 211. UNCAC art. 54(1)(a) et (b) et 55(1)(a) et (b) détaillent les obligations générales des juridictions requises. Voir également La Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et des Substances Psychotropes, art. 5 ; UNTOC, art. 13 ; et art. 8 de la Convention contre le Financement du Terrorisme. 212. Les lois qui permettent l’enregistrement et l’exécution de jugements étrangers de confiscation stipulent généralement que les tribunaux de l’Etat requis ne peuvent connaître des contestations relatives à la décision de confiscation susceptibles d’être invoquées devant ses tribunaux. Même si la loi ne le stipule pas expressément, les praticiens devraient défendre le point de vue selon lequel les tribunaux de l’Etat requis ne peuvent entendre le même type de contestation que celle soulevée, ou pouvant être soulevée, dans les tribunaux de l’Etat requérant, dés lors que tous les plaignants potentiels ont bénéficié des notifications suffisantes eu égard à la procédure, et se sont vus offrir la possibilité de contester la décision. 178  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis •  Il existe des motifs raisonnables de croire que les avoirs concernés sont liés à des activités illicites, ou que le suspect a commis une infraction dont il a tiré un bénéfice. •  Il existe des motifs raisonnables de croire que les avoirs seront finalement confisqués. •  La localisation des avoirs à contrôler est fournie. •  Les résultats escomptés auraient aussi pu être obtenus si la procédure avait été conduite dans l’Etat requis (ou les avoirs sujets à confiscation le sont aussi dans l’Etat requis)213. •  Des copies (si nécessaires certifiées conformes) des décisions de justice perti- nentes sont incluses, et sont exécutables dans l’Etat requis. A l’instar des décisions relatives à l’enquête proprement dite, les mesures provisoires peuvent être prises par un procureur ou un magistrat instructeur dans les juridictions de droit civil ; celles de common law exigent généralement l’autorisation d’un tribunal. Comme rappelé plus haut, ceci peut affecter la forme et les conditions de la demande, ainsi que le temps nécessaire pour traiter cette dernière. Quelques éléments additions à considérer pour les praticiens : •  La notification au détenteur des avoirs. La plupart des juridictions prendront des mesures provisoires ex parte, mais les lois requièrent typiquement qu’une notification soit adressée au détenteur des avoirs ainsi qu’aux tiers légalement intéressés sous certains délais. Les notifications faites à l’étranger doivent être tra- duites (si nécessaire) et publiées - considération de coût supplémentaire pour les praticiens. Certaines juridictions permettent le recours à internet pour la publi- cation, un processus nettement plus économique. D’autres n’autorisent pas les autorités étrangères à publier légalement des documents sur leur territoire (y compris par courrier ou transporteur), et une demande d’entraide judiciaire sou- mise à l’autorité centrale sera nécessaire pour effectuer la notification. Enfin, cer- taines juridictions exigent que la demande d’entraide, ainsi que les requêtes et décisions soient divulguées au détenteur des avoirs (voir encart 7.3). •  Les risques additionnels de dissipation. Certaines juridictions permettent que les frais d’avocat et dépenses personnelles (frais de scolarité, locations, crédits hypo- thécaires) puissent être payés sur des avoirs contrôlés ou saisis ; à la longue, un tel dispositif peut réduire de façon significative le montant des avoirs susceptibles d’être confisqués. Les tribunaux de l’Etat requis peuvent ordonner que ces frais soient payés, même si la chose n’est pas autorisée par la loi de l’Etat requérant214. 213. Cette condition peut être difficile à remplir, particulièrement du fait que les juridictions diffèrent dans les types de mesures confiscatoires qu’elles autorisent. Cela inclut généralement tout bien de valeur obtenu directement ou indirectement à travers la commission d’une infraction ainsi que les instruments utilisés dans le cadre de la commission de l’infraction. Néanmoins, la peine peut aller au-delà et inclure des amendes, des avoirs de substitution, une confiscation élargie, et des avoirs destinés à la commission d’une infraction. 214. Dans certaines juridictions, il est possible d’arguer que si l’Etat requérant « exécute » la décision de l’état requis, elle devrait suivre les dispositions légales, sur la procédure comme sur le fond, de l’état requérant. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  179 ENCART 7.11 Les décisions de portée mondiale au Royaume-Uni Dans les dossiers impliquant des avoirs situées au Royaume-Uni, il convient d’envisager une décision de gel ou une injonction de communiquer de portée mondiale (voir la section 8.2.2 au chapitre 8). La décision requiert de la cible qu’elle rapatrie des fonds ou produise des documents (comme des relevés de comptes) conservés à l’étranger de manière, dans le premier cas, à ce que ces avoirs finissent par constituer un seul groupe d’actifs dans un seul pays. Il arrive parfois qu’un conservateur soit nommé pour assurer le rapatriement des avoirs pendant les phases de contrôle ou de gel au moyen d’un mandat. L’effet de ces décisions peut se trouver limité parce qu’elles dépendent de la coopération de la cible et des autres individus visés par la décision. Néanmoins, la possibilité de poursuites additionnelles pour outrage ou refus d’obtempérer s’est révélé suffisante pour obtenir une coopération dans certains cas. •  Les spécificités des différents modèles de confiscation. Lorsque des juridictions qui coopèrent disposent de modèles de confiscation différents, les praticiens doivent être conscients des différences en matière d’exigences et de standards de preuve. Par exemple, une juridiction peut appliquer la confiscation en valeur, qui requiert la preuve que le défendeur à tiré des bénéfices de ses crimes, quand d’autres peuvent préférer la confiscation basée sur la propriété, qui suppose qu’un lien soit prouvé entre les avoirs et l’infraction. De plus, certaines juridictions autorisent des mesures provisoires dont le champ est plus large (voir l’encart 7.11 pour les décisions de justice à portée mondiale au Royaume-Uni). La confiscation Au bout du compte, les praticiens doivent déposer une demande d’entraide judiciaire pour la confiscation des avoirs. Comme pour les décisions concernant des mesures provisoires, une décision de confiscation peut être exécutée directement via son enre- gistrement dans l’Etat requis, ou indirectement par une demande de mesure interne effectuée dans l’Etat requis et par laquelle les preuves présentées par l’Etat requérant sont utilisées pour appuyer ladite demande (voir la section sur les «  mesures provi- soires » plus haut pour une description des exécutions directe et indirecte). Pour davan- tage d’informations sur les éléments requis pour l’obtention d’une confiscation au Royaume Uni et aux Etats-Unis, voir l’encart 7.12. Les exemples de conditions typiquement nécessaires pour l’obtention d’un jugement de confiscation incluent : •  Les conditions détaillées plus haut pour la demande de mesures provisoires, •  Un contrôle provisoire au cours de la procédure pour garantir que les avoirs ne seront pas transférés ou dissipés, 180  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis •  Une décision finale ou un jugement de confiscation qui ne puisse faire l’objet d’un appel, et •  Des preuves qu’une notification a été faite à tous les ayant-droits potentiels et que ces derniers se sont vus offrir la possibilité de présenter toute objection reconnue par la loi. Conditions exigées pour l’exécution directe des ENCART 7.12 demandes d’entraide judiciaire relatives à la confiscation au Royaume Uni et aux Etats-Unis Aux Etats-Unis, une demande d’entraide judiciaire pour l’enregistrement et l’exécution d’un jugement de confiscation prononcé par un tribunal étranger doit satisfaire à certaines conditions légales a et être certifiée par l’U.S attorney ge- neral. Les autorités américaines déposeront une demande d’exécution de la décision comme si cette dernière avait été rendue par un tribunal américain. Le tribunal de district ordonnera que le jugement soit exécuté pour le compte de l’Etat étranger, à moins qu’il ne considère que ce dernier a été rendu sous un système incompatible avec le respect des libertés fondamentales, qu’il a été obtenu frauduleusement, ou que le tribunal étranger ne disposait pas de la com- pétence matérielle ou personnelle. Au Royaume Uni, le Secretary of State renvoie le traitement des décisions de confiscation découlant d’une condamnation pénale prononcée par un Etat étranger au Director of the Agency, au Director of Public Prosecution ou au Direc- tor of Revenue and Customs Prosecutions. La Crown Court décide s’il convient de procéder à l’enregistrement d’une décision externe et de lui faire prendre effet. Elle n’enregistra qu’une décision consécutive à une condamnation défini- tive de la personne concernée, non-susceptible d’appel, et compatible avec le Human Rights Act de 1988. Un appel devant la Court of Appeal et la House of Lords est possible. a. Les demandes d’entraide judiciaire relatives à l’exécution d’une décision étrangère aux Etats-Unis exigent un traité et doivent inclure un résumé du dossier, une description de la procédure ayant conduit à la décision de confiscation, une copie certifiée conforme de la décision de confiscation, et un affidavit établissant qu’une notification a bien été effectuée et que la décision rendue est en vigueur et non-suscepti- ble d’appel. Certaines juridictions exigeront des informations supplémentaires, comme le montant restant à payer sur la décision de confiscation rendue par l’Etat requérant, ou une confirmation du fait que la personne a bien été condamnée pour une infraction. Cette dernière exigence peut constituer un obstacle si une condamnation n’est pas possible parce que l’accusé est décédé, a fui le territoire ou bénéficie d’une immunité. De nom- breuses juridictions ne peuvent procéder à une condamnation in abstentia ou sur la base de dispositions relatives au risque de fuite, mais sont susceptibles de rendre une décision finale de confiscation par le biais de dispositions du droit pénal ou de la confis- cation ACP. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  181 7.4.7  Dépôt d’une demande d’entraide judiciaire, suivi, et traitement des refus Une fois finalisée, une demande d’entraide judiciaire doit être signée par les autorités appropriées dans l’Etat requérant puis transmise via les autorités stipulées dans le traité, la loi ou l’accord applicable – le plus souvent les autorités centrales, bien que certaines traités bi- ou multilatéraux (comme les conventions du Conseil de l’Europe) permettent que la demande aille directement aux praticiens de l’autorité de poursuite, n’exigeant qu’une copie transmise à l’autorité centrale. D’autres juridictions peuvent requérir des procédures plus traditionnelles par les canaux diplomatiques (c’est-à-dire par le biais du Ministère des Affaires Etrangères). L’illustration 7.4 détaille le déroulement de la demande à cet égard. Déroulement d’une demande d’entraide judiciaire ILLUSTRATION 7.4 conformément à un traité ou à une législation interne Praticiena Autorité Autorité Praticiena (local) Centrale Centrale (étranger) (local) (étranger) • Effectue la • Exécute la demande • Examine la • Examine la demande demande et demande et • Doit répondre • Peut demander • Soit la transmet • Soit la transmet aux demandes des informations • Soit demande • Soit demande d’informations complémentaires des informations des informations complémentaires complémentaires complémentaires • Peut opposer un refus • Soit oppose un • Soit oppose un refus refus Certains traités permettent une communication directe entre les praticiens. Source : illustration des auteurs Note : si une commission rogatoire est requise, les ministres des affaires étrangères des deux juridictions doivent être associés au processus. a. Les praticiens peuvent inclure des procureurs, des magistrats instructeurs ou des agents de police Après dépôt de la demande, le praticien devra en suivre les progrès. Si possible, les pra- ticiens devraient communiquer directement avec la personne assignée au traitement de la demande : une telle démarche permet de clarifier toute ambigüité de tradition ou de terminologie, de vérifier que les conditions et exigences sont satisfaites, et elle offre souvent un surplus d’informations. L’Etat requérant peut se voir demander de fournir plus d’informations en appui à sa demande. Une telle réponse ne constitue pas un refus, et ne devrait pas être perçue comme tel : le nombre des conditions exigées et des possi- bilités de malentendu est tel que ces demandes nécessitent souvent des informations complémentaires, même entre des juridictions expérimentées et habituées à ces pro- cessus. Il convient dans ces cas-là de clarifier les points demandés auprès de contacts personnels et de fournir les informations additionnelles aussi vite que possible afin d’éviter tout délai supplémentaire. 182  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Si aucune réponse n’est reçue ou que la demande fait l’objet d’un refus, les praticiens doivent contacter leurs homologues dans l’Etat requis pour déterminer les raisons de l’absence de réponse ou du refus. Les conventions des Nations Unies requièrent des Etats-parties qu’ils fournissent la ou les raisons pour tout refus215. Il est possible que le refus ne soit pas fondé. Peut-être repose-t-il sur des motifs prohibés (par exemple, rela- tifs aux infractions fiscales ou au secret bancaire), sur une mauvaise interprétation ou un mauvais énoncé des faits, ou sur une opinion générale du système juridique et du respect des droits fondamentaux dans l’Etat requérant plutôt que sur les éléments du dossier. S’il y a eu une erreur, les praticiens requérants devraient le signaler poliment à l’Etat requis et demander conseil sur la meilleure façon de procéder. La demande peut être ressuscitée et corrigée, faire l’objet d’un appel administratif, ou être remplacée par une nouvelle demande. S’il n’y a toujours pas de réponse, ou un refus persistant de considérer de possibles erreurs dans les motifs invoqués pour un refus, il convient alors d’explorer d’autres voies. L’exercice de pressions par le biais de tierce-parties (autres juridictions ou organi- sations internationales) a pu se révéler utile dans certains cas, en particulier dans des dossiers impliquant de multiples juridictions. Un Etat requis peut avoir davantage de chance de convaincre un autre Etat requis qui refuse l’entraide que l’Etat requérant, surtout si ces deux juridictions entretiennent des liens. Par exemple, l’Etat x a effectué une demande d’assistance auprès de deux pays qui sont d’importants centres financiers, y et z (toutes signataires de l’UNCAC). L’Etat y a répondu positivement mais l’Etat z a opposé un refus. Y, qui a travaillé de concert avec z sur d’autres dossiers, écrivit à cet dernier, indiquant travailler avec x, et demanda aux officiels de cet Etat qu’ils réexa- minent la demande, les motifs de refus invoqués contrevenant à l’UNCAC. Une autre option d’assistance dans la rédaction, le dépôt et le suivi d’une demande d’entraide consiste à engager un avocat de l’Etat requis. L’avantage d’une telle démarche réside dans le fait que cet avocat est sur place, dispose de contacts locaux et connait la langue. Son inconvénient réside principalement dans son coût. 7.5  Les coopération dans les cas de confiscation en l’absence de condamnation pénale (ACP) Bien qu’un nombre croissant de juridictions ait adopté des lois permettant la confisca- tion sans condamnation, une tendance encouragée par les traités multilatéraux et les standards internationaux216, la coopération internationale en matière de confiscation 215. UNCAC, art. 46(23) ; UNTOC, art. 18(23) ; Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et des Substances Psychotropes, art. 7(16). Remarquons qu’il est des plus utile que l’Etat requérant reçoive les motifs de refus avant la réponse officielle de manière à pouvoir effectuer les révisions nécessaires. 216. L’UNCAC art. 54(1)(c) exige des Etats-parties qu’ils envisagent une telle coopération dans les cas de La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  183 ACP demeure compliquée, ce pour un certain nombre de raisons. D’abord, et bien qu’elle constitue un domaine juridique en expansion, elle n’est pas encore universelle ; de ce fait, toutes les juridictions n’ont pas adopté de lois permettant la confiscation ACP, l’exécutions de décisions ACP étrangères, ou les deux. Ensuite, même lorsque la confis- cation ACP existe, le système peut considérablement varier. Certaines juridictions effectuent des confiscations ACP par des procédures séparées devant les tribunaux civils (on parle dans ce cas de « confiscation civile »), avec un standard de preuve plus léger que dans les dossiers pénaux (spécifiquement, une « prépondérance des probabi- lités » ou une « prépondérance de la preuve ») ; d’autres utilisent la confiscation ACP devant des tribunaux pénaux et exigent un standard de preuve plus élevé. Certaines juridictions conduiront des confiscations ACP seulement après qu’une procédure cri- minelle a été abandonnée ou a échoué, quand d’autres le font via une procédure menée parallèlement aux poursuites pénales217. On a compté quelques succès dans le contournement de ces obstacles. Certaines juri- dictions ont été capables d’incorporer la coopération en matière de confiscation ACP dans des traités ou accords bilatéraux. D’autres ont pu fournir les informations du dossier à l’Etat étranger qui a alors pu poursuivre au titre de ses lois internes. Enfin, certaines juridictions one été capables d’exécuter des décisions de confiscation ACP malgré des différences entre les systèmes concernés218 ou même en l’absence d’un sys- tème interne de confiscation ACP219. décès, de fuite ou d’absence, ou dans les autres cas appropriés. La recommandation 3 des 40+9 recommandations du GAFI précise que les pays devraient envisager d’autoriser la confiscation en l’absence de condamnation. Le GAFI a également édicté des « meilleures pratiques » en matière de confiscation ACP, incluant la reconnaissance des décisions de confiscation ACP étrangères. Voir «  Meilleures pratiques  : Confiscation (Recommandations 3 and 38) », adopté par l’assemblée plénière en février 2010. 217. Généralement, le Royaume Uni ne procède à des confiscations ACP qu’après qu’une procédure pénale a été abandonnée ou a échoué. Les Etats-Unis procèdent souvent à des confiscations ACP parallèlement à la procédure pénale connexe. 218. Dans un dossier impliquant une demande effectuée par les Etats-Unis auprès de la Suisse (dans une affaire de confiscation ACP dans laquelle les produits du crime faisaient l’objet d’un contrôlé décidé par un tribunal pénal), la Cour Suprême suisse a jugé qu’il peut exister des circonstances dans lesquelles la confiscation peut être assimilée à un cas « à caractère pénal », ce même en l’absence d’une procédure pénale dans l’état étranger (A____Company v. Federal Office of Justice [U.S.A][1A.32612005, ATF 132 II 178]). La juridiction doit disposer du droit de punir, même si les autorités n’ont pas l’intention d’exercer ce dernier. Bien que cette condition puisse être satisfaite aux Etats-Unis (qui mènent habituellement des confiscations ACP parallèlement, ou préalablement, à l’aboutissement de la procédure pénale), elle ne pourrait l’être dans les juridictions qui ne mènent de procédures ACP qu’après qu’une procédure pénale a été abandonnée ou a échoué. 219. La RAS de Hong Kong, Chine, et Jersey ont des lois qui permettent l’exécution d’une décision étrangère de confiscation ACP, mais ne possèdent pas pour autant cette procédure dans leur droit interne : Civil Asset Recovery (International Cooperation) Law 2007 (Jersey). Certains pays sud-américains accepteront une décision de confiscation ACP et la renverront devant un tribunal civil pour exécution. En France, les tribunaux ont reconnu et exécuté une décision de confiscation ACP italienne conformément à la Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime de 1990, ce bien que la France ne disposât pas d’un système de confiscation ACP : Cour de Cassation, 13 novembre 2003, No. 3 03-80371, 184  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Même si l’Etat requérant ne dispose pas d’un système de confiscation ACP, il peut être possible d’utiliser cette dernière dans un Etat requis qui la pratique. Cela exigera une demande formulée pour l’ouverture de poursuites dans l’Etat requis, et peut constituer le seul moyen de recouvrer des avoirs dans certains cas, en particulier si le contrevenant est décédé, a fui le territoire ou bénéficie d’une immunité (voir le chapitre IX pour des informations sur cette option)220. 7.6  La coopération dans les dossiers de recouvrement civil (de droit privé) La coopération internationale dans les procédures civiles de recouvrement peut être difficile, même si l’Etat requérant est partie à la procédure. Bien que les informations réunies par le biais des canaux de l’entraide informelle puissent aider à développer l’en- quête, nombre d’accords d’entraide judiciaire sont limités dans l’utilisation qui peut être faite des informations et ne permettent pas que ces dernières soient utilisées dans des actions entreprises par des plaignants privés pour en vue d’obtenir des jugements civils. Ces derniers peuvent être exécutés entre juridictions par des mécanismes tels que l’exé- cution réciproque des jugements et autres dispositions similaires. Recouvrement d’avoirs dans le cadre d’une demande ENCART 7.13 d’entraide judiciaire en France En France, une demande d’entraide judiciaire basée sur une décision de justice étrangère est envoyée par le Ministre de la Justice au Bureau du Procureur com- pétent, qui demandera au tribunal la confiscation des avoirs. Si le tribunal accepte, les avoirs confisqués deviennent la propriété du gouvernement français. Les agents publics compétents (en particulier, ceux du Trésor) détermineront si la France est obligée de restituer ces avoirs au titre d’accords internationaux. Même s’il n’existe pas de telle obligation, les avoirs peuvent être restitués à la discrétion du gouvernement ou au titre d’un accord ad hoc avec l’Etat requérant. affaire Crisafulli. La Cour a reconnu la décision du fait de deux facteurs. D’abord, la preuve qui établissait que le bien constituait le produit d’une infraction pénale était suffisamment similaire à celle qu’aurait requit une décision pénale, assimilant donc l’affaire à un dossier pénal. Ensuite, les conséquences de cette décision pour les biens de la personne étaient similaires à ceux d’une sanction pénale. 220. Cette méthode a été utilisée dans un certain nombre de cas  : 20 millions de dollars (USD) furent restitués au Pérou par les Etats-Unis dans l’affaire Victor Venero Garrido, un complice de Montesinos ; 2.7 millions de dollars (USD) furent restitués au Nicaragua par les Etats-Unis dans l’affaire Bryon Jerez, l’ancien directeur du fisc nicaraguayen ; et des fonds furent restitués à l’Ukraine par Antigua et la Barbade et les Etats Unis dans le dossier concernant Pavlo Lazarenko, ancien premier ministre ukrainien. La coopération internationale en vue du recouvrement d’avoirs  I  185 Dans le même temps, la communauté internationale a reconnu que la voie civile était souvent le seul recours dans les cas de corruption, et a recommandé une coopération dans les domaines civils et administratifs221. En conséquence, il devient de plus en plus fréquent pour les juridictions de consentir à ce type d’utilisation des informations, soit généralement par un traité, soit au cas-par-cas. 7.7  La restitution des avoirs En général, il existe deux méthodes de restitution des avoirs si une demande d’entraide judiciaire est utilisée pour soutenir une confiscation ou une compensation. La première méthode est le recouvrement direct via une procédure judiciaire. Un tel recouvrement peut survenir si l’Etat requis autorise le tribunal à décider du versement d’une compen- sation ou de dommages et intérêts directement à l’Etat étranger, ou permet au tribunal ou à l’autorité compétente de reconnaître l’Etat étranger comme possesseur légitime dans le cadre d’une action en confiscation. Le recouvrement direct peut aussi survenir « volontairement » lorsqu’une transaction est acceptée par un mis en cause acceptant ainsi de rapatrier volontairement les avoirs situés dans un Etat étranger vers celui où il a été condamné222. Dans de tels cas, un praticien doit requérir de la juridiction étran- gère qu’elle suspende toute mesure provisoire de contrôle visant les avoirs qu’il avait pu demander antérieurement. De plus, les décisions de confiscation à portée mondiale peuvent être exécutées directement par un tribunal sans qu’un traité ne soit nécessaire (voir l’encart 7.1.3 pour un exemple). La deuxième méthode, plus commode, de restitution d’avoirs résulte des traités, d’accords ou de toute autre voie légale qui organise la distribution des avoirs après une décision finale de confiscation. Si une demande d’entraide judiciaire a été effectuée en vertu de l’UNCAC, les Etats-parties ont l’obligation de restituer les avoirs confisqués dans les dossiers de corruption publique ou lorsque la partie requérante établit de façon raisonnable sa propriété antérieure ou un préjudice causé à l’Etat223. Dans les autres cas, les traités bi- et multilatéraux, les accords de partage d’avoirs (soit au cas-par-cas soit permanents), et des autorités de contrôle peuvent être utilisés pour partager ou resti- tuer les fonds recouvrés (voir le chapitre IX pour plus d’informations sur ces voies). 221. Voir UNCAC, art. 43(1)  ; voir également la recommandation 37 du rapport d’août 2005 du Commonwealth Secretariat : «  Report of the Commonwealth Working Group on Asset Repatriation », qui précise que « les régimes d’entraide dans les pays du Commonwealth devraient permettre que les preuves réunies dans le cadre d’une procédure pénale soit ultérieurement utilisées dans une procédure civile, et que les demandes portant sur une telle utilisation devraient faire l’objet d’une réponse favorable dans les dossiers de corruption. » 222. Dans le dossier Montesinos au Pérou, l’argent fut recouvré auprès de la Suisse par le biais d’un système de renonciations (ceux qui avaient plaidé coupable fournirent des informations et signèrent les documents nécessaires pour conférer au Pérou des droits sur les fonds). 223. UNCAC, art. 57(3)(a) et 57(3)(b). Dans les deux cas, l’obligation s’applique seulement aux infractions prévues par la Convention et requiert une conformité avec les dispositions sur la coopération internationale de l’UNCAC ainsi qu’un jugement définitif dans l’Etat requérant (cette dernière condition peut être levée). 186  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 8. Les actions civiles Dans la plupart des juridictions, les autorités s’efforçant de recouvrer les produits de la corruption ont la possibilité d’intenter une action civile224 devant des tribunaux civils nationaux ou étrangers de la même manière qu’un simple citoyen225. Dans certains cas, les autorités peuvent aussi décider de rechercher une condamnation pénale et d’avoir recours à une action civile pour recouvrer les produits de la corruption226. Les actions civiles peuvent être envisagées pour un certain nombre de raisons, telles que l’impossibilité d’obtenir une décision de confiscation (pénale ou en l’absence de condam- nation pénale), ou encore le fait que l’entraide judiciaire n’ait pas fonctionné dans des conditions permettant l’exécution des décisions de confiscation (voir le chapitre I pour plus de détails sur ces obstacles (et d’autres) qui sont susceptibles de conduire au choix d’une méthode de confiscation plutôt qu’à une autre). En outre, ces actions présentent divers avantages procéduraux. Elles peuvent être conduites en l’absence des défendeurs dés lors que les actes leur sont convenablement notifiés ; et, du moins dans les juridic- tions de common law, l’affaire sera jugée conformément à un standard de preuve plus léger (généralement la prépondérance des probabilités) qu’en matière pénale. Eu égard aux tiers, aux intermédiaires et aux professionnels qui ont facilité, participé ou aidé à la réception, au transfert ou à la gestion des avoirs suspects, une action civile peut être initiée plus facilement qu’une procédure pénale dans certaines juridictions227. Dans les dossiers transfrontaliers, une action civile confère à l’Etat qui s’efforce de recouvrer des avoirs un plus grand contrôle du processus que dans une procédure pénale étrangère, et peut offrir une route plus directe que d’attendre d’un Etat étranger qu’il consente à engager des poursuites. Les inconvénients d’une action civile résident dans le coût du « traçage » des avoirs et les frais de justice que suppose l’obtention des décisions judiciaires recherchées. De surcroit, les dossiers civils sont susceptibles de durer plusieurs années, et les enquêteurs privés ne disposent généralement pas de toute la gamme d’outils d’enquête ou du ren- seignement auxquels ont accès les autorités de poursuite. 224. Les « actions civiles » sont séparées et distinctes de « la confiscation civile », de « la déchéance civile », ou d’’autres formes de confiscation en l’absence de condamnation (ACP). 225. La Convention des Nations Unies contre la Corruption (UNCAC), art. 53, dispose que les Etats- parties doivent prendre des mesures pour permettre à un autre Etat-partie d’engager devant des tribunaux une action civile et de percevoir une réparation ou des dommages-intérêts. 226. Dans certaines juridictions, les actions seront menées en parallèle. Dans d’autres, l’action civile fera l’objet d’un sursis à statuer dans l’attente de la conclusion du dossier pénal. De plus, l’attribution de dommages-intérêts au civil peut avoir un impact sur une décision de confiscation. Dans certaines juridictions, la confiscation présente un caractère facultatif au lieu d’être obligatoire lorsque des dommages et intérêts sont ordonnés. 227. Dans cette situation, il peut être difficile de prouver l’intention criminelle, et plus aisé d’établir la responsabilité civile. Lorsque la décision est prise d’intenter une action civile devant un tribunal civil natio- nal ou étranger, les praticiens doivent explorer toutes les demandes et voies de recours potentielles (y compris la propriété des avoirs détournés, le recouvrement des profits illicites, le versement de dommages-intérêts et la nullité de contrats) ou d’autres options (comme une procédure d’insolvabilité). Les praticiens auront alors à déterminer comment intenter l’action civile, collecter les preuves, éviter la dissipation des avoirs et à faire exécuter les jugements étrangers. Ces différentes options et techniques sont abordées dans ce chapitre. 8.1  Les voies de droit potentielles Il existe un certain nombre de demandes et de voies de droit possibles en matière civile, parmi lesquelles des actions en revendication de la propriété portant sur les avoirs, des actions en responsabilité civile, des actions en nullité ou en rupture de contrat, ou encore l’enrichissement sans cause ou indu. 8.1.1  Actions en revendication de la propriété Intérêt à agir Dans la plupart des juridictions, les avoirs détournés et les dessous-de-table versés à des agents publics peuvent être revendiqués par l’Etat lésé en en sa qualité de véritable pro- priétaire légitime. Trois exemples d’actions civiles en revendication d’avoirs relatifs à des cas de corruption sont présentés dans l’encart 8.1. ENCART 8.1 Exemples d’actions en revendication de propriété Dossier 1 : République Fédérale du Nigéria contre Santolina Investment Corp., Salomon & Peters, et Diepreye Alamieyeseigha (2007)a En décembre 2007, la London High Court of Justice jugea que le Nigéria était le véritable propriétaire de trois propriétés résidentielles situées à Londres ainsi que des soldes créditeurs présents sur un certain nombre de comptes bancaires. Les résidences et fonds étaient officiellement la propriété de deux entreprises enregistrées aux îles Vierges et aux Seychelles. Ces entreprises étaient con- trôlées par Diepreye Alamieyeseigha, le gouverneur de l’Etat de Bayelsa au Nigéria de mai 1999 jusqu’à sa mise en accusation et son limogeage en septem- bre 2005. A l’occasion d’une procédure séparée menée au Nigéria, les deux entreprises, représentées par Alamieyeseigha, plaidèrent coupable de blanchiment d’argent dans le cadre de pots-de-vin perçus pour l’attribution de contrats gouverne- mentaux. Sur la base de cette procédure nigériane et d’autres preuves circonstancielles, la London High Court inféra que les fonds présents sur les comptes bancaires ainsi que les biens immobiliers détenus par les deux entreprises contrôlées par (a continué) 188  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ENCART 8.1 (a continué) Alamieyeseigha provenaient de pots-de-vin et de profits clandestins et devaient donc être restitués au gouvernement du Nigéria en sa qualité de propriétaire légitime de ces avoirs. Dossier 2 : Kartika Ratna Thahir contre Pertamina (1992-94) b Pertamina, une entreprise publique indonésienne dont l’activité principale est la prospection, l’extraction et la vente de pétrole et de gaz naturel, s’efforça de recouvrer les pots-de-vin versés à son dirigeant Haji Achmad Thahir par différents contractants pour obtenir de meilleures conditions contractuelles et un traite- ment préférentiel. Les dessous-de-table avaient été déposés par le dirigeant en question dans une banque de Singapour. Pertamina découvrit ces comptes ban- caires (détenus conjointement par Thahir et sa femme Kartika Ratna Thahir) à Singapour après la mort de Thahir et revendiqua son droit à ces fonds. Le tribunal jugea en première instance que les pots-de-vin et les intérêts en décou- lant étaient détenus par le dirigeant en tant que mandataire de fait. La cour d’appel maintint ce jugement et confirma qu’un mandataire qui accepte un pot-de-vin en violation de ses obligations détient alors l’argent « pour le compte de la personne au profit de laquelle ces obligations était dues ». En conséquence, Pertamina vit reconnaitre sa demande en revendication de l’agent placé à Singapour. Dossier 3 : Attorney-General de Hong Kong contre Reid (1994)c Dans ce dossier, la Commission Indépendante contre la Corruption de la Région Administrative Spéciale De Hong Kong, Chine, chercha à recouvrer des biens acquis en Nouvelle-Zélande par un ex-procureur, Warwick Reid. Les achats furent réalisés au moyen de pots-de-vin reçus en échange de l’absence de poursuites contre certains contrevenants. Deux biens avaient enregistrés au nom de Reid et de sa femme, et un autre l’avait été au nom de l’avocat de Reid. Le juge conclut que ces biens, parce qu’ils découlaient de pots-de-vin perçus par Reid, étaient détenus pour le compte de la Couronne. Comme l’expliqua la Cour, Lorsqu’un dessous-de-table est accepté par un mandataire en violation de ses obligations, ce dernier détient alors ces fonds pour le compte de la personne à laquelle était due l’obligation en question. Si le bien découlant du pot-de-vin voit sa valeur diminuer, le mandataire doit payer la différence entre cette valeur et la valeur initiale du pot-de-vin perçu car il n’aurait ini- tialement pas dû accepter ce dernier et prendre ainsi le risque d’une dimi- nution de sa valeur. Si le bien voit sa valeur s’accroitre, le mandataire n’a droit a aucun des bénéfices ainsi générés sur la valeur initiale du pot-de-vin parce qu’il ne peut, d’aucune façon, dériver un profit d’une violation de ses obligations. Ce dossier est considéré aujourd’hui encore comme l’un des plus importants en common law eu égard à l’utilisation du concept de fiducie (trust) pour recouvrir des produits de la corruption auprès de mandataires de fait corrompus. a. Federal Republic of Nigeria v. Santolina Investment Corp., Salomon & Peters and Diepreye Alamieueseigha [2007] EWHC 437 (Ch.) (U.K.) b. Kartika Ratna Thahir v. PT Pertambangan Minyak dan Gas Bumi Negara (Pertamina) [1994] 3 SLR 257; [1994] SGCA 105 (Singapore). c. Attorney General of Hong Kong v. Reid [1994] 1 AC 324 PC (U.K.). Les actions civiles  I  189 Recouvrement Un tribunal envisagera le retour ou la restitution d’avoirs à leur propriétaire légitime à travers une variété de voies de recouvrement. Ces voies offrent des avantages significa- tifs par rapport à celles basées sur la responsabilité contractuelle en ce que les droits du demandeur ne sont pas concurrencés par ceux des autres créanciers, et que les procé- dures civiles autorisent fréquemment les tribunaux à prendre des mesures de saisie et de contrôle même si le demandeur n’apporte pas la démonstration d’un risque de dissi- pation. Si les produits de la corruption ont été investis, le demandeur peut également avoir droit au recouvrement des intérêts ou des profits dégagés par le défendeur, comme l’ont montré les cas Pertamina et Attorney-General de la RAS de Hong Kong, Chine, abordés dans l’encart 8.1. Il faut noter, néanmoins, que ces demandes en revendication de propriété et en recouvrement peuvent ne pas être disponibles si les produits ne peuvent être reliés à l’infraction de corruption du fait qu’ils ont été blanchis de part le monde. De plus, cer- taines juridictions ne reconnaitront pas les pots-de-vin perçus par des agents publics ou les bénéfices tirés de contrats frauduleux comme étant la propriété de l’Etat ou du gou- vernement. 8.1.2  Actions en responsabilité civile Intérêt à agir En application de la Convention des Nations Unies contre la Corruption, les Etats-par- ties doivent permettre aux juridictions requérantes de réclamer des dommages et inté- rêts pour les préjudices causés par un fait de corruption228. Les dommages-intérêts sont versés au plaignant en guise de réparation pour la perte, le préjudice ou le dommage subi du fait d’un manquement à des obligations, et peut notamment résulter d’une infraction pénale, de la violation d’une obligation ou d’un devoir moral et d’une faute précontractuelle. Lorsqu’un fait de corruption s’est produit, le plaignant doit générale- ment prouver qu’il a souffert un préjudice réparable, que le défendeur a commis une faute, et qu’il existe un lien de causalité entre la corruption et le préjudice subi. Les personnes morales et les individus qui ont participé directement et sciemment à la corruption sont primairement responsables du préjudice. De plus, les tribunaux peuvent considérer comme responsables ceux qui ont facilité la corruption ou manqué de prendre les mesures appropriées pour la prévenir. Ce peut être le cas d’avocats ou d’intermédiaires qui ont fourni une aide aux activités de corruption, ou de sociétés- mères et d’employeurs qui ont failli à contrôler de façon appropriée leurs filiales ou leurs employés. Dans certains systèmes juridiques de droit civil, toute personne subissant un préjudice direct du fait d’une infraction peut demander des dommages-intérêts au titre de la res- ponsabilité civile devant un tribunal civil ou devant un tribunal pénal après que le 228. Voir UNCAC, art. 53  ; et la Convention Civile sur la Corruption du Conseil de l’Europe, art. 5 (Strasbourg, 4. XI. 1999). 190  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis défendeur ait été condamné229. Pour obtenir réparation du défendeur dans d’autres juridictions, les lois générales sur la responsabilité requièrent simplement du plaignant qu’il démontre qu’une action ou omission du défendeur lui a causé préjudice. Dans les dossiers de corruption, les tribunaux de certaines juridictions peuvent consi- dérer que le corrupteur et le corrompu ont commis une faute commune pour laquelle la victime a le droit à recouvrer l’équivalent total du préjudice auprès de l’une ou l’autre des parties 230(responsabilité solidaire). Une fois le versement d’un dessous-de-table établi, ils considéreront qu’il existe une présomption irréfutable que ce dernier a été versé avec l’intention d’obtenir de l’agent qu’il agisse de façon favorable au payeur et, du même coup, au détriment du mandant. Cette présomption sera suffisante pour prouver La loi américaine RICO (Racketeer Influenced and Corrupt ENCART 8.2 Organizations) Aux Etats-Unis, les gouvernements ou ressortissants étrangers agissant en qua- lité de plaignants au civil peuvent chercher à obtenir réparation pour tout préju- dice causé par des activités de corruption. Ils peuvent parfois tenter d’invoquer l’Alien Tort Claims Act (voté en 1789) pour intenter une action en responsabilité civile sur la base de violations des conventions internationales, incluant des acti- vités frauduleuses ou de corruption. Les tribunaux ont jugé qu’il n’existe pas de droit à l’action civile individuelle au titre du Foreign Corrupt Pratices Act (FCPA), qui est essentiellement appliqué via des actions civiles ou pénales initiées par l’Etat. Néanmoins, les plaignants peuvent obtenir réparation au titre de la loi RICO pour les préjudices causés par la corruption.. La loi RICO rend illégal le fait de participer, directement ou indirectement, à toute entreprise ayant recours à des activités de racket ou à de recouvrement de cré- ances illicites. Les activités de racket qui sont susceptibles d’être considérées comme sous-jacente aux violations RICO incluent la corruption active, le vol, le détournement de fonds, l’extorsion et le trafic d’influence, la fraude, l’entrave à la justice et le blanchiment d’argent. Les infractions principales sont constitutives d’un système si elles « ont des buts, résultats, participants, victimes ou méthodes de perpétration identiques ou similaires ». La loi s’applique aux défendeurs ayant commis deux infractions principales au cours d’une période de 10 ans. En pra- tique, les tribunaux ont jugé que des violations du FCPA peuvent être considérées comme des infractions principales au regard de la responsabilité civile dans les actions en justice intentées au titre de la loi RICO. Des dommages-intérêts triplés peuvent être appliqués, bien que certaines juridictions les considèrent comment des dommages-intérêts punitifs et ne les appliquent donc pas. 229. A Panama, par exemple, la commission d’une infraction ou de toute action illicite donne lieu à la possibilité d’une demande de dommages-intérêts qui peut être formulée via une procédure devant un tribunal pénal ou en intentant une action civile devant un tribunal civil. La France autorise les plaignants à demander des dommages-intérêts devant les tribunaux pénaux (voir art.2 du Code de Procédure Pénale [France]) 230. Au Royaume Uni, le mis en cause peut alors rechercher la contribution du co-auteur pour la faute commune au titre du Civil Liability (Contributions) Act de 1978. Les actions civiles  I  191 que l’action du receveur a été affectée et influencée par le paiement231. Dans d’autres juridictions, un mandant ou employeur peut également formuler une demande en réparation à l’encontre d’un employé qui a accepté un pot-de-vin sur la base du man- quement à l’obligation de loyauté due dans le cadre d’un contrat de travail. En pratique, cependant, il peut être difficile d’apporter la preuve du fait qu’un acte de corruption constitue la cause directe d’une perte matérielle232. L’encart 8.2 décrit des exemples d’ac- tions en responsabilité civile aux Etats-Unis. Réparation Dans la plupart des systèmes juridiques, la règle de base pour la détermination des dommages-intérêts est que la victime doit être replacée autant que possible dans la situation financière dans laquelle elle se trouverait si le fait de corruption qui lui a causé un préjudice ne s’était pas produit. Les tribunaux peuvent être habilités à ordonner réparation pour tous les profits raisonnablement attendus mais non réalisés du fait de l’infraction de corruption ainsi que pour tout préjudice non-pécuniaire ne pouvant pas être immédiatement calculé. Le droit du plaignant à des réparations peut être réduit voire non-reconnu dans les cas de négligence. Eu égard aux dossiers de corruption (comme le démontre l’encart 8.3), certaines juridictions de common law ont ordonné des réparations sous la forme d’une somme d’argent équivalente en dommages-intérêts. Des difficultés spécifiques dans le calcul des dommages-intérêts sont susceptibles de surgir dans les dossiers de corruption. Dans certaines juridictions, le préjudice subi équivaut au montant des dessous-de-table. Cependant, ce montant peut ne pas être suffisant si des avantages indus ont résulté d’une décision ou d’un contrat gouverne- mental. Le pot-de-vin peut avoir eu pour résultat la valorisation de biens ou de services au-dessus des prix du marché, ou peut avoir permis l’usage ou la vente de biens publics en-dessous de leur valeur réelle. De plus, l’obtention indue d’un contrat peut avoir causé des dommages sociaux ou environnementaux. Pour être pleinement dédommagées dans ces situations, les autorités ou entités gou- vernementales peuvent avoir à établir la différence existant entre les bénéfices qui auraient été réalisés si le fait de corruption n’était pas survenu et ceux réalisés après la signature du contrat frauduleux233. Simplement démontrer que les prix des biens et services achetés étaient supérieurs à leur valeur sur le marché peut ne pas suffire ; les tribunaux sont susceptibles d’exiger une évaluation plus précise correspondant par 231. Industries & General Mortgage Co. Ltd v. Lewis [1949] 2 All ER 573 (U.K.). 232. Par exemple, dans un dossier dans lequel la ville de Cannes, France, intenta des poursuites à l’encore de son maire après que celui-ci eut été condamné pour corruption, les tribunaux jugèrent que le préjudice résultait d’une décision ministérielle de révoquer et refuser une autorisation (et non d’un fait de corruption). Des dommages-intérêts furent accordés à la ville au titre du préjudice à sa réputation pour un montant de 100.000 euros (environ 128.300 dollars (USD)). 233. Kevin E. Davis, “Civil Remedies for Corruption in Government Contracting: Zero Tolerance Versus Proportional Liability,� International Law and Justice Working Paper 2009/4 (New York: New York University School of Law, 2009). 192  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis exemple aux prix qu’aurait acceptés un hypothétique négociateur prudent, compte tenu de la valeur de biens et de services de qualité comparable sur le marché. Cette évalua- tion sera particulièrement difficile dans certaines circonstances et en l’absence de réfé- rences claires sur le marché234. Dans ces situations, l’établissement du préjudice finan- cier exigera fréquemment des preuves d’un accord secret entre le corrupteur et l’agent public corrompu et/ou d’une assistance technique ou comptable235. Réparations en dommages-intérêts lorsque des avoirs sont ENCART 8.3 détournés Dans le dossier Attorney-General of Zambia v. Meer Care & Desai & Others (2007), a la London High Court a obtenu des preuves suffisantes du détourne- ment de 25 millions de dollars (USD) et de l’absence de bases légitimes au paie- ment par la Zambie d’environ 21 millions de dollars (USD) pour un achat d’armes présumé à la Bulgarie. Les défendeurs furent reconnus responsables civilement de ces actions. On détermina également qu’ils avaient manqué à leurs obliga- tions fiduciaires à l’égard de la République de Zambie ou avaient malhonnête- ment contribué à de tels manquements. En conséquence, ils furent reconnus responsables à hauteur de la valeur des avoirs détournés. b a. Attorney-General of Zambia v. Meer Care & Desai & Others [2007] EWHC 952 (Ch.) (U.K.). b. Les avocats impliqués dans les transactions furent également reconnus responsables par la London High Court. Cependant, cette décision fut infirmée en appel. Dans certains pays, lorsque le fait de corruption est découvert des années après la date à laquelle il est survenu, les tribunaux peuvent présumer que le pot-de-vin a été incor- poré aux prix contractuels. D’autres préjudices doivent être prouvés et quantifiés par le plaignant236. Dans d’autres systèmes juridiques, le corrupteur peut être tenu responsable du préju- dice subi par la victime qui a souscrit à un contrat dont les termes lui étaient défavo- rables237. Certains tribunaux estiment que le véritable prix de tout bien acquis par le mandant conformément à un contrat frauduleux était au moins majoré du coût du pot-de-vin238, et que tout préjudice au-delà de ce montant devait être démontré239. 234. En particulier, pour des équipements ou travaux de construction spécifiques et pour des services « intellectuels » qui incluent le conseil. 235. Par exemple, de telles preuves peuvent être constituées par des documents montrant que le corrupteur et l’gent corrompu se sont mis secrètement d’accord pour augmenter les tarifs habituels d’un montant ou d’un pourcentage spécifique, par des comparaisons entre les offres de concurrents dans le cadre du même appel d’offre, ou de transcriptions de conversations ou de rapports concernant les réunions au cours desquelles a été évoqué l’accord. 236. O. Meyer, ed., Civil Law Consequences of Corruption (Baden Baden: Nomos Verlag, 2009). 237. Salford Corporation v. Lever (No. 2) (1891) 1 QB 168 (U.K.). 238. Ibid. 239. Solland International Ltd. v. Daraydan Holdings Ltd. [2002] EWHC 220 (TCC) (U.K.). Les actions civiles  I  193 Dans le contexte des relations entre employeur et employé, d’autres juridictions ont consi- déré qu’à la fois l’employé s’étant laissé corrompre et le corrupteur sont responsables vis-à- vis de l’employeur, ce au minimum à hauteur du montant du pot-de-vin240, et que les entreprises sont responsables pour toute action délictueuse commise par leurs employés241. En l’absence d’un standard de mesure plus précis, une évaluation raisonnable du préjudice peut correspondre au pot-de-vin lui-même242, à un chiffrage des bénéfices illicites243, ou aux dommages causés par des infractions sous-jacentes constitutives d’un système illé- gal244. Le dossier Fyffes v. Templeman and Others (encart 8.4) illustre comment les tribu- naux sont susceptibles d’identifier et de quantifier de tels préjudices. 8.1.3  Actions fondées sur la nullité ou l’inexécution du contrat Intérêt à agir Les tribunaux ou cours arbitrales peuvent considérer que les contrats conclus dans le cadre de la corruption d’un agent public sont illégaux et de ce fait invalides ou non-exé- cutables245. La nullité peut être basée sur le fait que le contrat a été obtenu frauduleuse- ment et que le consentement a été vicié du fait de la corruption. La violation du contrat constitue un autre fondement possible d’action dans certaines juridictions, en particulier si un contrat inclut des clauses par lesquelles le contractant promet de ne fournir aucune incitation à des agents publics en lien avec l’attribution de la prestation ou du contrat. La violation de cette interdiction spécifique donne au gou- vernement le pouvoir d’interrompre le contrat, de se libérer de ses propres obligations et de demander des dommages-intérêts246. Réparations Les réparations dues au titre de la nullité ou de la violation du contrat incluront des éléments monétaires, comme des dommages-intérêts compensatoires, secondaires ou autres (par exemple, forfaitaires ou punitifs). Dans certains cas, les tribunaux ont limité les dommages-intérêts aux frais contractuels déjà payés, et ont exclu les frais impayés247. 240. Williams Electronic Games, Inc. v. Garrity, 479 F.3d 904 (7th Cir., 2007) (U.S. Court of Appeals). 241. L’Allemagne, par exemple, suit ces principes. 242. Continental Management, Inc. v. United States, 527 F.2d 613, 620, 208 (Ct. Cl. 501 1975) (U.S. Court of Claims). 243. Les tribunaux américains ont conclu qu’un chiffrage des bénéfices pouvait constituer une évaluation raisonnable du préjudice parce qu’il garantit au plaignant une réparation, empêche l’enrichissement indu du contrevenant, et dissuade d’enfreindre sciemment la loi. 244. Dans l’affaire County of Oakland and al. v. Vista Disposal, Inc., et al., 900F. Supp. 879 (E.D Mich. 1995) (U.S. District Court), un tribunal de district jugea que l’évaluation du préjudice civil dans les dossiers relevant de la loi RICO est basée sur les dommages causés par les infractions sous-jacentes constitutives d’un système illégal. Dans le cas d’un contrat accordé pour le traitement des déchets d’un pays, les dommages résidaient dans la différence entre le prix facturé et le prix qui l’aurait été en l’absence de faits de corruption. 245. L’UNCAC, art. 34 autorise les Etats-parties à entreprendre de telles actions. 246. Il est fait référence au Royaume Uni. 247. Dans l’affaire S.T. Grand, Inc. V. City of New York, 32 NY2d 300, 344 NYS2d 938 (1973) (U.S.), le tribunal a jugé qu’un contractant qui avait versé des pots-de-vin pour obtenir un contrat pour le nettoyage d’un réservoir new-yorkais ne pouvait prétendre recouvrer les frais impayés ; mais la ville pouvait recouvrer l’ensemble des frais déjà payés au vendeur. D’autres tribunaux ont jugé qu’une municipalité n’avait droit à 194  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis La rescision d’un contrat est également possible dans certaines juridictions en particu- lier dans les cas de corruption et de collusion dans l’attribution d’un marché248248. Une demande en annulation requiert la preuve que l’entité gouvernementale aurait refusé le contrat en l’absence d’une action frauduleuse. Si ce n’est pas le cas, l’entité gouvernemen- tale n’aurait droit qu’à des dommages-intérêts liés à la conclusion d’un contrat à des conditions moins favorables que celles qui auraient été obtenues en l’absence de l’action ayant causé la rupture du contrat. ENCART 8.4 Fyffes v. Templeman and Others (2000)a Fyffes, une entreprise active dans le commerce de la banane, affirma qu’un employé qui avait négocié un accord de service avec un transporteur avait accepté des pots-de-vin pour un montant supérieur à 1.4 million de dollars (USD) entre 1992 et 1996. Les dessous-de-table furent révélés lorsque l’Internal Re- venue Service, le fisc américain, reçut des informations sur des paiements non- déclarés reçus aux Etats-Unis par un employé en provenance d’une entreprise basée à Chypre. Fyffes chercha à obtenir des dommages-intérêts de l’employé, de la société de transport, et de ses agents. Tous les défendeurs furent reconnus solidairement responsables à hauteur du montant des pots-de-vin. Le tribunal jugea « [qu’il] est incontestable que [les pots-de-vin] furent pris en compte par le contractant dans le prix annuel du transport, un prix qui aurait été proportionnellement plus bas pour Fyffes si l’entreprise n’avait eu qu’à payer la somme nette que le contrac- tant était prêt à accepter. » La compagnie de transport et ses agents furent jugés responsables et condam- nés à payer des réparations supplémentaires pour le préjudice subi par Fyffes en souscrivant un contrat dont les termes lui étaient défavorables. Pour chaque année écoulée, le tribunal a déterminé ce que Fyffes aurait normalement accepté de payer si l’entreprise avait été représentée par un négociateur normalement prudent et honnête. Il n’était pas prouvé que les paiements effectués auraient été différents entre 1992, 1994 et 1995. Mais le tribunal jugea que ces derniers avaient été gonflés de 830.022 dollars (USD) en 1993 et d’un 1.1 million de dollars (USD) en 1996. Une évaluation reposant sur les profits réalisés par le contractant fut rejetée parce qu’il était « hautement probable que Fyffes aurait quand même signé un contrat de service avec le contractant si l’employé n’avait pas été malhonnête. » En conséquence, le bénéfice « ordinaire » dérivé du contrat n’a pas été causé par la corruption mais par « la fourniture d’un service pour lequel un contrat aurait été signé de toute manière. » a. Fyffes Group Ltd. v. Templeman [2000] 2 Lloyd’s Rep 643 (U.K.). des réparations qu’au titre du préjudice causé par un contrat accordé illégalement. 248. Ross River Lrd. v. Cambridge City Football Club Ltd. [2007] EWHC 2115 (Ch) (U.K.). De plus, les tribunaux français ont considéré que les entités gouvernementales ayant conclu un contrat après que des soumissionnaires furent parvenus à une entente dans le but d’exclure la concurrence du processus d’appel d’offre avaient droit à l’annulation du contrat ou à des dommages-intérêts. Les actions civiles  I  195 Dans les litiges découlant de la signature de contrats d’investissement internationaux, le principe de la « responsabilité étatique » qui oblige les gouvernements à assumer la res- ponsabilité des actions de leurs agents peut être pris en considération249. Il en résulte que les contrats sont susceptibles de rester valides en dépit de l’illégalité ou du vice de consen- tement causé par la corruption et que les réparations doivent être limitées à des dom- mages-intérêts, une adaptation du contrat et une réduction des prix250. D’un autre côté, l’ordre public international (parfois appelé «  international public policy ») a été invoqué en appui à la résolution de contrats dans un dossier porté devant le Centre international de règlement des différends liés à l’investissement (CIRDI) (voir l’encart 8.5)251. World Duty Free Company Limited v. The Republic of Kenya ENCART 8.5 (2006)a En 1989, le Kenya concluait un accord avec la World Duty Free Company (WDF) pour la construction, l’entretien et la gestion de complexes duty-free dans les aéroports internationaux de Nairobi et Mombasa. Lors de l’obtention du contrat, la WDF versa des pots-de-vin à l’ancien président kenyan Daniel arap Moi. Sub- séquemment, en 1998, la WDF fut placée sous séquestre par la Haute Cour du Kenya ; un jugement formel ainsi qu’un décret furent prononcés en 2001, trans- férant la jouissance de la société à l’administrateur-séquestre. En contestant la décision devant le CIRDI, la WDF affirma que le Kenya avait procédé illégalement à l’anéantissement de ses droits contractuels lors de la mise sous séquestre. Le gouvernement du Kenya argua du fait que l’obtention du contrat par la WDF au moyen de dessous-de-table constituait une violation de l’ordre public international, et que le gouvernement était à ce titre légalement habilité à se soustraire de ses obligations contractuelle Le tribunal jugea que le Kenya avait bien le droit de se soustraire de ses obliga- tions et l’avait donc fait en toute légalité. a. World Duty Free Company Limited v. The Republic of Kenya, ICSID case No. ARB/00/7, 25 septembre 2006, http://ita.law.uvic.ca/ documents/WDFv.KenyaAward.pdf. Les organisations internationales, comme Transparency International, ont encouragé le recours à des « pactes d’intégrité » par lesquels les entités gouvernementales et les sou- missionnaires à des contrats publics se mettent d’accord sur des sanctions préétablies pour toute violation d’engagements à ne pas corrompre d’agents publics. En fonction de ces types d’accords, les sanctions appliquées par les tribunaux ou par les instances arbi- trales peuvent inclure la perte du contrat ou le refus d’appliquer le contrat, la responsa- 249. Hilmar Raeschke-Kessler et Dorothee Gottwald, “Corruption,� dans The Oxford Handbook of International Investment Law, ed. Peter Muchlinski, Federico Ortino, and Christoph Schreuer (Oxford, U.K.: Oxford University Press, 2008), 584–616. 250. Davis, “Civil Remedies for Corruption in Government Contracting.� 251. La question de savoir si une procédure commerciale arbitrale internationale confirmerait ce résultat en l’absence d’une loi nationale applicable prévoyant la nullité n’est pas clairement tranchée. 196  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis bilité civile et le versement de dommages-intérêts au mandant et aux soumissionnaires concurrents, et l’exclusion des appels d’offre pour une période de temps appropriée. De manière à éviter les débats excessivement complexes sur le montant des dommages- intérêts, des clauses sont susceptibles de prédéterminer le montant de «  l’indemnité forfaitaire  » qui peut se baser sur un pourcentage des revenus ou bénéfices tirés du contrat (ou d’un multiple du dessous-de-table, par exemple 200 ou 300% de son mon- tant). Les pactes d’intégrité ont été utilisés en Argentine, en Chine, en Colombie, en Equateur, en Allemagne, en Inde, au Mexique, au Pakistan et dans d’autres juridictions. Lorsqu’il est possible de les mettre en place, ils sont susceptibles d’aider les gouverne- ments à recouvrer les paiements indus ou les avantages reçus en conséquence de pots- de-vin versés à des agents publics252. Reversement (« Disgorgement ») des bénéfices – la pra- ENCART 8.6 tique aux Etats-Unis Aux Etats-Unis, le reversement des bénéfices est fréquemment demandé par la Security and Exchange Commission et le Department of Justice dans le cadre des actions civiles ou pénales menées en application du FCPA. Les accords pré- alables entre l’accusation et la défense incluent souvent le recouvrement des bénéfices dérivés d’actes délictueux ou d’un enrichissement illicite. Dans les cas où un contrat gouvernemental a été obtenu en conséquence de faits de corrup- tion, l’enrichissement illicite est normalement calculé en déduisant les frais directs et légitimes afférents au contrat du revenu brut. Le montant du pot-de-vin et les impôts dus ne sont généralement pas considérés comme des frais dé- ductibles. Dans d’autres actions civiles intentées par des parties en qualité de plaignants privés, les tribunaux américains ont jugé qu’un employeur ou ache- teur a le droit de recouvrer le montant du pot-de-vin perçu par un employé même si les biens ou services correspondent exactement à ce que recherchait l’employeur, y compris lorsque leur prix est raisonnable.a a. Sears, Roebuck & Co. v. American Plumbing & Supply Co., 19 F.R.D. 334, 339 (E.D.Wis., 1956) (U.S.). 8.1.4  Actions basées sur l’enrichissement illicite ou indu Les demandes portant sur le reversement ou la restitution des bénéfices obtenus par des moyens illégaux ou contraires à l’éthique se basent sur le principe juridique et moral en vertu duquel personne ne devrait tirer bénéfice d’actes délictueux ou d’un enrichisse- ment illicite ou indu (voir l’exemple donné dans l’encart 8.6). Les tribunaux peuvent ordonner aux défendeurs de rembourser les bénéfices illégalement perçus, même si la victime n’a pas subi de préjudice ou tout autre désavantage253. 252. Transparency International, “The Integrity Pact, a Powerful Tool for Clean Bidding,� http://www.transparency.org. 253. En principe, le droit civil allemand est du point de vue qu’un agent public ou un contrevenant ne doit pas être autorisé à conserver les produits d’un dessous-de-table. Les actions civiles  I  197 Dans certaines juridictions, les tribunaux ont estimé que le fait de percevoir un pot-de- vin donnait lieu à l’établissement d’une responsabilité civile au titre d’une conduite mal- honnête ou à des demandes de restitution des bénéfices, indépendamment de tout pré- judice254. En conséquence, un corrupteur est tenu responsable à hauteur du montant du pot-de-vin ; tout préjudice excédant ce dernier doit être recouvré sous forme de dom- mages-intérêts. 8.2  Intenter une action civile pour recouvrer des avoirs 8.2.1  Intenter une action civile Une action civile en recouvrement d’avoirs peut être intentée devant les tribunaux ou les instances arbitrales. Les tribunaux d’un Etat étranger peuvent être compétents si un mis en cause réside (en tant qu’individu), ou a son siège ou exerce une activité (en tant que personne morale), dans le pays ; si les avoirs se trouvent dans, ou ont transité par, le pays ; ou si un fait de corruption ou de blanchiment d’argent s’est déroulé dans le pays. Il est généralement possible d’utiliser dans une procédure civile les preuves réunies dans le cadre d’une procédure pénale. L’arbitrage peut être utilisé lorsqu’un contrat international incorpore une clause d’arbi- trage, ou lorsqu’un traité d’investissement bilatéral le permet. La plupart des traités d’in- vestissement bilatéraux prévoient des mécanismes obligatoires de règlement des diffé- rends ou autorisent le recours à l’arbitration internationale sous les auspices du CIRDI. La compétence du Centre s’étend à tout différend découlant directement d’une relation d’investissement entre un Etat contractant (ou toute subdivision ou administration d’un état contractant désigné par cet Etat au Centre) et un ressortissant d’un autre Etat contractant que les parties au différend acceptent par écrit de soumettre au Centre. 8.2.2  Réunir les preuves et éviter la dissipation des avoirs Comme dans le cas des procédures pénales, le plaignant devant un tribunal civil aura à fournir des preuves directes ou circonstancielles à même d’établir l’intérêt à agir. L’encart 8.7 décrit l’utilisation des preuves circonstancielles dans les actions civiles individuelles. Utiliser les preuves réunies dans les procédures pénales Bien qu’il soit souvent possible d’utiliser les preuves réunies dans le cadre d’une procé- dure pénale lors d’une action civile, cela peut ne pas être autorisé dans certaines juridic- tions du fait du secret et de la confidentialité que la loi impose aux enquêtes255. De la 254. Dubai Aluminum Company Ltd. v. Salaam and Others [2002] All ER (D) 60 (Dec) (U.K.). 255. En France, par exemple, la divulgation d’éléments relatifs à une enquête pénale en cours à des tiers constitue une infraction. Cependant, lorsqu’une procédure pénale est arrivée à son terme, les parties civiles à la procédure ont le droit d’utiliser et de divulguer les documents pertinents dans le cadre de la procédure civile. 198  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis même manière, les preuves réunies initialement en appui à une enquête et des pour- suites pénales à l’étranger peuvent être utilisées dans la procédure civile ouverte dans certaines juridictions de common law256. Les preuves circonstancielles examinées dans le dossier ENCART 8.7 Federal Republic of Nigeria v. Santolina Investment Corp., Solomon & Peters, and Diepreye Alamieyeseigha (2007)a L’affaire fut jugée en l’absence des défendeurs qui furent notifiés la procédure. Le tribunal se basa sur des présomptions pour établir que des fonds déposés sur des comptes bancaires à Londres et des biens détenus par les deux sociétés contrôlées par Diepreye Alamieyeseigha constituaient des pots de fin et des profits clandestins devant être restitués au gouvernement du Nigéria. Pour moti- ver cette conclusion, le tribunal mentionna plusieurs éléments qui constituaient des preuves circonstancielles : •  Il existait un important décalage entre les avoirs et le revenu officiellement déclarés par Alamieyeseigha et les fonds déposés sur les différents comptes bancaires. •  Le défendeur détenait ces comptes bancaires étrangers en violation d’une interdiction constitutionnelle. •  Le défendeur n’a pu fournir d’explication plausible et légitime sur sa capa- cité à acquérir un tel volume d’avoirs hors du Nigéria. •  Les fonds furent transférés par des contractants gouvernementaux au cours de transactions séparées et détenus par diverses entités juridiques offshore. •  Les biens immobiliers furent acquis au moyen de transferts d’argent ou de prêts provenant de ces entités juridiques. a. Federal Republic of Nigeria v. Santolina Investment Corp., Solomon & Peters and Diepreye Alamieyeseigha [2007] EWHC 437 (Ch.) (U.K.). Obligations de silence (ou “gag orders�) En fonction de la procédure civile applicable, les documents détenus par les parties et les tiers sont sujets à divulgation. Dans les dossiers de recouvrement d’avoirs, il est par- ticulièrement utile de requérir la divulgation des documents détenus par des tiers – comme les documents bancaires et financiers, qui incluent les formulaires d’ouverture de compte, l’identité des bénéficiaires des comptes ou des sociétés et fiducies, relevés 256. Dans le dossier Federal Republic of Nigeria v. Santolina, Salomon & Peters and Diepreye Alamieyeseigha, la Proceeds and Corruption Unit de la Metropolitan Police a réuni des informations relatives à des avoirs découlant de la corruption et sur les activités d’Alamieyeseigha en appui à sa propre enquête pénale et conformément aux demandes d’entraide judiciaire émises par le gouvernement fédéral du Nigéria. Alamieyeseigha avait fui le Royaume Uni avant que des poursuites aient pu être menées, et il bénéficiait d’une immunité au Nigéria tant qu’il occupait encore ses fonctions. Le Nigéria a intenté une action civile en Angleterre pour recouvrer ses avoirs. La High Court of England ordonna à la Metropolitan Police qu’elle communique au Nigéria les informations réunies au cours de l’enquête pénale après confirmation de sa part qu’une telle divulgation ne porterait pas atteinte à son enquête. Les actions civiles  I  199 bancaires, et informations relatives au devoir de connaissance du client. Un tiers peut aussi se voir ordonner de divulguer l’identité d’un contrevenant257. Dans certains systèmes juridiques de droit civil, la divulgation est ordonnée par un juge, et la demande peut en être faite sans formalités258. Dans d’autres systèmes de droit civil, toute partie intéressée peut faire la demande ex parte à un tribunal civil de prendre possession de preuves préalablement à l’ouverture d’une action civile. Dans les juridic- tions de common law, les parties doivent habituellement fournir à leurs adversaires tous les documents pertinents en leur possession, et les demandes peuvent être faites au tri- bunal pour que ce dernier ordonne la divulgation des documents détenus par des tiers. Dans certaines juridictions, les tribunaux sont habilités à ordonner une divulgation mondiale des avoirs (voir l’encart 7.11 au chapitre 7). Pour être vraiment efficace à l’étranger, de telles décisions de portée mondiale doivent aussi être exécutées par les tribunaux étrangers. Elle sont typiquement prises ex parte. Exigences des décisions de contrôle ou de gel en France, à ENCART 8.8 Panama et au Royaume Uni En France, les tribunaux a peuvent ordonner le contrôle ou la saisie d’avoirs (meu- bles ou immeubles, tangibles ou intangibles) dans l’attente du résultat d’un procès lorsque le demandeur démontre qu’il existe un risque de dissipation. Pour les fonds placés sur des comptes bancaires, le demandeur doit apporter la preuve que la décision serait « fondée en son principe» et qu’il existe « des cir- constances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance » A Panama, le plaignant doit satisfaire à des exigences de base et déposer une garantie adéquate, fixée par le tribunal. De plus, il doit faire suivre la décision de contrôle par une action en justice contre le défendeur. La décision de contrôle restera en vigueur à moins que ces exigences ne soient pas satisfaites. Lorsqu’un jugement favorable est obtenu, le plaignant ayant obtenu gain de cause obtient le droit au recouvrement des avoirs gelés si le défendeur ne s’acquitte pas des sanctions pécuniaires ordonnées. Si, néanmoins, la décision déboute le plaig- nant, la partie dont les avoirs avaient été gelés peut, en démontrant la mauvaise fois de la partie adverse, obtenir un dédommagement prélevé sur la garantie déposée par le plaignant. Au Royaume Uni, le demandeur doit présenter un dossier solide et viable, suffisamment de preuves identifiant et localisant les avoirs ainsi que l’existence d’un risque réel de dissipation des avoirs. Il doit s’engager à dédommager le défendeur pour le préjudice subi dans l’hypothèse où le tribunal juge que la mesure de contrôle n’aurait pas dû être ordonnée. a. En France, « le tribunal », dans ce cas, est plutôt le juge de l’exécution. 257. Norwich Pharmacal Co. v. Customs and Excise Commissioners [1974] AC 133 (U.K.). 258. Code de Procédure Civile (France), art. 139. 200  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis De manière à empêcher les tiers, dont les banques, d’informer un défendeur qu’existe une injonction de divulgation, le tribunal peut imposer une obligation de silence ou «  gag order ». Toute violation de cette obligation peut alors être considérée comme un refus d’obéir à un ordre du tribunal. Ce dernier peut aussi ordonner la divulgation du contenu de comptes bancaires, ou leur contrôle, préalablement à la notification aux défendeurs259. Mesures de contrôle ou de gel Les ordonnances de référé ou les mesures de blocage sont fréquemment utilisées pour contrôler ou geler des avoirs suspectés de constituer les produits d’un crime260. Une mesure de blocage peut aussi être obtenue au cours de la procédure (de manière à s’assu- rer qu’un défendeur dispose de suffisamment d’avoirs pour satisfaire aux exigences d’un jugement à son encontre) ou après le jugement (en exécution de la décision du tribunal). Le demandeur doit satisfaire à certaines exigences pour obtenir la décision, ces der- nières variant selon les juridictions. En règle générale, le demandeur doit fournir des justifications à la décision (le bien fondé de la demande) et montrer qu’il existe un risque de dissipation des avoirs. Il peut aussi lui être demandé qu’il prenne un engage- ment ou qu’il dépose une garantie qu’il dédommagera le défendeur pour le préjudice subi au cas où le tribunal considérerait que la décision n’aurait pas dû être prise (voir l’encart 8.8 pour des exemples de certaines des exigences). Les demandes ex parte peuvent être autorisées tant dans les systèmes juridiques de droit civil que dans ceux de common law de manière à éviter d’informer le détenteur des avoirs et d’encourir le risque d’une dissipation des avoirs. Dans certaines juridictions, ceci requiert du demandeur qu’il se livre à une divulgation franche et totale de tous les éléments factuels et des preuves en sa possession261. D’autres exigent que soit établi un risque de dissipation dans le cas où le détenteur serait informé. Certains Etats autorisent les tribunaux à ordonner un contrôle ou un gel de portée mondiale couvrant aussi bien les avoirs situés sur le territoire en question que ceux se trouvant dans des pays étranger, et peuvent donc affecter des défendeurs ne résidant pas sur leur territoire (voir l’encart 7.11 au chapitre VII)262. A l’instar des ordonnances de divulgation à portée mondiale décrites plus haut, les décisions de contrôle à portée mondiale doivent être exécutées par les tribunaux étrangers pour être véritablement efficaces à l’étranger. Les défendeurs ou les tiers (dont les banques et les avocats) qui reçoivent une notification peuvent être tenus pour refus d’obéir à un ordre du tribunal en manquant d’agir conformément à ces décisions ; les sanctions encourues incluent alors la prison, des amendes ou la saisie des avoirs. 259. Ces décisions sont dites de « bankers trusts » (diligences bancaires)  dans certaines juridictions. 260. On parle alors souvent d’ « injonctions Mareva », en référence à l’affaire Mareva Compania Naviera S.A. v. International Bulk Carriers S.A. [1980] 1 All ER 213; [1975] 2 Lloyd’s Rep. 509 (CA) (U.K.). 261. Ce sont les conditions en vigueur au Royaume Uni. Voir See U.K. Ministry of Justice, Rules of Civil Procedure, Practice Direction, Freezing Injunctions. 262. Dans l’affaire International Bulk Carriers S.A., 1 All ER at 213 and 2 Lloyd’s Rep. at 509, le tribunal prit une décision concernant des avoirs situés en Angleterre ainsi que dans des juridictions étrangères. Les actions civiles  I  201 Une victime de corruption peut également avoir recours à des « lettres » Mareva, une technique qui notifie un tiers détenteur ou un mandataire d’avoirs du fait qu’il détient des produits de la corruption263. Une telle notification constitue de facto un contrôle immédiat des avoirs et évite le processus long et coûteux consistant à effectuer une demande de contrôle auprès d’un tribunal. Elle fonctionne en déclenchant les obliga- tions de vigilance et de déclaration qui s’imposent aux institutions financières et à cer- tains prestataires non-financiers dans le cadre de la détection et de la prévention du blanchiment des produits du crime. La réception de la notification du fait qu’un titu- laire de compte ou un bénéficiaire (qui n’est ni le mandataire ni le détenteur des avoirs) détient les produits d’un crime est typiquement suffisante pour que l’institution finan- cière ou le prestataire effectue une déclaration d’activité suspecte et bloque les fonds sous peine de s’exposer à une responsabilité juridique en tant que complice d’une infraction. Une notification Mareva peut être réalisée en envoyant un courrier à l’actuel mandataire ou détenteur des avoirs l’informant que le bénéficiaire véritable ou ultime est en fait propriétaire de produits d’un crime et lui signifiant qu’il peut se rendre com- plice d’une infraction pénale ou d’une faute civile (ou les deux) si les avoirs sont liquidés ou transférés. La notification devrait être accompagnée de preuves adéquates des liens entre le bénéficiaire véritable ou ultime et l’activité criminelle de manière à donner au tiers détenteur les justifications nécessaires au contrôle. ENCART 8.9 Le dossier Ao Man Long En 2008, Ao Man Long, ancien ministre des transports et des travaux publics de la RAS de Macao, Chine, a été condamné pour des infractions de corruption portant sur une somme d’environ 800 millions de dollars (HKD) (approximative- ment 103 millions de dollars (USD)). Il a été condamné en RAS De Macao, Chine, à 27 années de prison ; une décision de confiscation portant sur environ 250 mil- lions de dollars (HKD) (environ 32 millions de dollars (USD)) a également été prise. Une part significative des produits de sa corruption avait été déposée sur des comptes situés dans la RAS de Hong Kong, Chine. Il n’existait pas d’accord d’entraide judiciaire entre les juridictions, mais les autorités de la RAS de Macao, Chine, eurent recours à des canaux informels (la Commission Indépendante de Hong Kong contre la Corruption) pour contrôler les produits et obtenir les man- dats de perquisition. Parce que les canaux de l’entraide judicaire n’étaient pas disponibles pour recouvrer les produits, la RAS de Macao, Chine, intenta une action civile dans la RAS de Hong Kong, Chine, portant sur un montant de 230 millions de dollars (HKD) (environ 30 millions de dollars (USD)). La décision de contrôle initiale, obtenue conformément aux lois anti-corruption en vigueur à Hong Kong, resta en vigueur bien qu’aucune procédure pénale ne fut ouverte dans cet Etat. a. Simon N. M. Young, “Why Civil Actions against Corruption?� Journal of Financial Crime 16, no. 2 (2009): 144–59. 263. Voir également Martin S. Kenney, ‘‘‘Mareva by Letter’—Preserving Assets Extra-Judicially—Destroying a Bank’s Defence of Good Faith by Exposing It to Actual Knowledge of Fraud� (November 27, 2006), http:// www.martindale.com/international-law/article_Martin-Kenney-Co._258798.htm (2010). 202  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Dans certains cas, le plaignant peut bénéficier du contrôle des avoirs décidé sur la base de dispositions du droit pénal (voir l’encart 8.9). Mandats de perquisition et de saisie Les procédures civiles sont susceptibles de permettre à un plaignant d’accéder à des lieux dans le but de protéger des preuves qui pourraient être détruites (on parle alors d’une décision «  Anton Piller  »). Dans certaines juridictions, les tribunaux peuvent rendre de telles décisions s’il existe des commencements de preuves montrant que des documents incriminants sont en possession du défendeur et qu’ils risquent d’être détruits. De plus, les activités du défendeur doivent être de nature à causer un préjudice réel ou potentiel extrêmement sérieux aux intérêts du plaignant264. 8.3  Dispositions finales Dans de nombreux cas, les parties au litige choisiront de régler leur différend à l’amiable avant ou après le début du procès. Les deux camps ont typiquement intérêt à s’entendre pour éviter les coûts (tels que les frais d’avocats et la rémunération d’experts), le temps et le stress qu’implique un procès, ainsi que pour conserver quelque contrôle sur le montant sur lequel portera la décision finale. Les autorités doivent vérifier que ces règlements n’incluent pas de renoncement à toute demande portant sur des avoirs dont l’existence n’avait pas été révélée au moment de l’accord. A défaut d’un accord, les parties auront à attendre le jugement du tribunal, qui peut survenir à la fin du procès. Des ordonnances de référé peuvent être demandées lorsque l’Etat s’efforçant d’obtenir réparation révèle des preuves solides, et lorsque les défen- deurs n’opposent pas de défense raisonnable. De même, des jugements par défaut peuvent être obtenus lorsque des défendeurs n’obéissent pas à des décisions judiciaires exigeant des explications détaillées de certains faits et documents. Tant les jugements par défaut que les ordonnances de référé permettent aux tribunaux de raccourcir le processus et de prendre leurs décisions en l’absence d’un procès complet. Dans le cadre des actions civiles, l’absence du défendeur est nettement moins suscep- tible de constituer un obstacle à un jugement que dans le cas d’une action pénale. Cependant, une telle absence peut compliquer l’exécution des décisions des juridic- tions étrangères (voir encart 8.10). 264. Les demandes de mandats de perquisition (ainsi que de mesures de gel) soumises aux juges compétents doivent être appuyées par affidavit. Les demandes urgentes peuvent être faites sans notification et avant même qu’un formulaire de demande ait été émis. Lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir une audience, les demandes peuvent aussi être faites par téléphone ou par fax auprès d’un juge spécialisé. Voir U.K. Ministry of Justice, Rules of Civil Procedure, Freezing and Search Orders and Practice Direction 25A (Supplements), para. 4.5. Pour plus de détails, voir http://www.justice.gov.uk/civil/procrules_fi n/contents/practice_ directions/pd_part25a.htm. Les actions civiles  I  203 ENCART 8.10 Exécution de jugements lorsque le défendeur est absent au cours de la procédure Dans l’affaire Attorney General of Zambia v. Meer Care & Desai & Others (2007), a une action civile fut intentée au Royaume Uni contre l’ancien président de la Zambie, Frederick Chiluba, et ses associés (voir la section 1.3.2 du chapitre I pour plus de détails sur cette affaire). Les termes de la caution exigeaient des défendeurs qu’ils demeurent en Zambie et le tribunal a décidé des mesures spé- ciales au vu de cette situation. Ces mesures incluaient la présence en Zambie d’un examinateur spécial prenant les dépositions et, lors des sessions se tenant à Londres, la mise en place d’une liaison vidéo entre Londres et la Zambie ainsi que l’enregistrement quotidien des débats. Le tribunal londonien se prononça en faveur de l’attorney-general de Zambie. L’ancien président demanda alors l’invalidation du jugement au motif qu’il n’avait pu participer aux audiences à Londres et ne s’était pas vu offrir la possibilité d’être entendu par l’Assemblé Nationale zambienne (qui l’avait privé de son immunité aux poursuites pénales en Zambie). En 2010, la Cour Suprême du pays rejeta l’appel formulé par Chiluba au motif que, selon elle, toutes les mesures suffisantes avaient été prises.. a. Attorney General of Zambia v. Meer Care & Desai & Others [2007] EWHC 952 (Ch.) (U.K.). 8.4  Procédure formelle d’insolvabilité Les procédures d’insolvabilité appartiennent à la catégorie des procédures de réparation collectives. A ce titre, elles ne permettent pas le recouvrement pour un créancier (ou une victime) seul. Cependant, le fait que les procédures d’insolvabilité formelle apportent de puissants outils d’enquête, de sauvegarde et de recouvrement des avoirs compense souvent plus que largement la nature collective de ces procédures ainsi que leurs inconvénients. Dans la plupart des procédures d’insolvabilité, il est prévu un moratoire automatique sur la dissipation des avoirs une fois un administrateur nommé. En conséquence, si un contrevenant détient des avoirs dans le pays dans lequel il a été reconnu en faillite, le régime de l’insolvabilité empêchera toute future dissipation. Les effets d’un tel mora- toire à l’échelle internationale sont souvent complexes, mais l’existence de régimes inter- nationaux comme les règlements relatifs aux procédures d’insolvabilité de l’Union Européenne265 et la loi-type sur l’insolvabilité internationale de la commission des Nations Unies pour le droit commercial international précisent souvent l’effet extra- territorial de ces procédures. 265. Règlement (CE) no1346/2000 du Conseil du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité. 204  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Les pouvoirs d’enquête incluent fréquemment le pouvoir de contre-interroger la partie en faillite et les dirigeants de l’entité insolvable, ainsi que toute personne disposant d’in- formations concernant la personne ou l’entité (dont les comptables et les avocats). De tels pouvoirs ont une portée étendue et peuvent être attribués par décision de justice. Nombre d’entre eux s’appuient également sur la capacité à arrêter et à emprisonner un débiteur récalcitrant266. Les pouvoirs d’enquête incluent également, généralement, la capacité à forcer la production de livres et d’archives, dont ceux d’avocats et de banques. Tout privilège légal de la personne en faillite ou de l’entité insolvable est typiquement outrepassé, refusant ainsi au contrevenant la capacité à se cacher derrière ses avocats et conseillers juridiques. Généralement, la définition de la propriété détenue par une personne en faillite ou par une entité insolvable est interprétée extensivement de manière à inclure non seulement les biens tangibles mais aussi les biens intangibles et tous les avoirs qui constituent le produit « traçable » de tels biens. Les agents en charge de la procédure d’insolvabilité (les fidéicommissaires, administrateurs, liquidateurs, représentants, ou personnes exer- çant des fonctions similaires et contribuant au fonctionnement de la pluparts des sys- tèmes d’insolvabilité), eux aussi, peuvent avoir des demandes spécifiques de recouvre- ment, dont certaines ne sont accessibles à aucune autre partie. Des exemples de telles demandes incluent des demandes pour malfaisance, favoritisme, pour des transactions sous-évaluées, et pour des transactions frauduleuses et illégales. Les réparations dans le cadre de telles demandes incluent souvent la capacité à annuler des transactions, à opé- rer des transferts de propriété au profit de tiers, et à invalider des droits à des sûretés. 266. Au Royaume-Uni par exemple, il n’existe pas de droit au silence (droit de ne pas s’auto-incriminer) ; le fait de ne pas répondre à des questions peut conduire en prison pour outrage au tribunal. Les actions civiles  I  205 9.  Les procédures pénales et de confiscation étrangères Parfois, l’obtention d’une décision interne de confiscation (qu’elle soit basée sur une condamnation pénale ou prise en son absence) et son exécution à l’étranger dans le cadre d’une demande d’entraide judiciaire et de poursuites civile ne sont pas possibles. Une telle situation peut être due à l’insuffisance du cadre juridique, à des obstacles juri- diques (tels que des immunités, le jeu de la prescription ou un refus d’extrader), ou à un manque de ressources et de volonté politique (voir le chapitre II pour une description de ces obstacles). Dans ces circonstances et lorsque les infractions impliquent d’autres juridictions (comme c’est le cas pour la corruption ou de blanchiment des produits de la corruption), les praticiens de l’Etat victime peuvent décider de soutenir les efforts d’une autorité étrangère en vue de procéder à une confiscation ou d’ouvrir une procé- dure contre les individus et les avoirs à l’égard desquels cette autorité est compétente. Ou encore, une autorité étrangère peut décider indépendamment de procéder à une confiscation pénale ou ACP, ou d’ouvrir une procédure interne. Lorsqu’un Etat étranger engage une procédure pénale, civile ou de confiscation à l’en- contre d’un suspect, l’Etat lésé du fait des infractions de corruption perd de facto le contrôle du dossier. Ce dernier devient une procédure interne devant une juridiction étrangère et l’Etat lésé du fait des infractions de corruption n’est plus habilitée à choisir la direction que prendra la procédure ni à décider comment conduire le dossier. Il n’a plus qu’un intérêt à agir limité (si tant est qu’il lui soit reconnu) et peut disposer de moins d’options pour le recouvrement des avoirs. En conséquence, les praticiens ne choisissent généralement cette méthode qu’après avoir envisagé – ou tenté de faire jouer – tous les autres mécanismes, y compris la confiscation interne pénale ou ACP (et son exécution via une demande d’entraide judiciaire) ou une procédure civile. La sélection proactive de cette approche dépendra d’un certain nombre de facteurs qui devraient être évalués le plus tôt possible, et qui incluent la capacité et la volonté de l’Etat étranger d’entreprendre une enquête et une procédure de confiscation, la détermination de l’Etat lésé du fait des infractions de corruption à fournir l’entraide souhaitée dans le cadre de la procédure étrangère, et un accord relatif à la restitution des avoirs. 9.1  La compétence L’autorité étrangère doit être compétente pour enquêter et poursuivre l’infraction. Les traités internationaux encouragent ou requièrent des Etats-parties qu’ils adoptent des mesures établissant une compétence large pour les infractions de corruption267. Les 267. Convention des Nations Unies contre la Corruption (UNCAC), art. 42  ; Convention des Nations Unies contre le Crime Organisé Transnational (UNTOC), art. 15 ; Convention des Nations Unies contre le Etats-parties à la Convention des Nations Unies contre la Corruption (UNCAC), par exemple, doivent être compétents pour les infractions commises sur leur territoire, par ou à l’encontre d’un de leurs ressortissants, ou par ou à l’encontre d’un apatride qui réside habituellement sur leur territoire268. Dans les cas dits « poursuivre ou extrader » (décrits plus bas), la compétence est établie par le jeu de la délégation de poursuites pénales. Dans les dossiers qui n’impliquent pas de ressortissants nationaux et dans lesquels seuls quelques-uns des éléments d’une infraction sont commis au détriment de, ou dans un Etat étranger, établir sa compétence peut encore être possible. Ainsi, certaines autorités revendiqueront leur compétence même si seuls des faits connexes liés à l’infraction ont « touché » leur territoire (voir encart 9.1). La plupart des lois étendent la compétence au-delà des ressortissants nationaux pour inclure les sociétés ayant leur siège social (ou étant simplement actives) dans le pays pour les faits de corruption commis à l’étranger (voir l’encart 9.2)269. La législation peut aussi utiliser une définition large des infractions de corruption pour établir la compétence – comme par exemple une loi autorisant que l’infraction sous- jacente au blanchiment ait été commise à l’étranger (voir l’encart 9.3). Dans certains pays, les autorités poursuivront les infractions connexes qui ont été commises sur leur territoire dans le but de préparer ou d’encourager des faits de corruption commis dans un autre pays – par exemple, association de malfaiteurs, recel d’avoirs criminels et com- plicité270. Enfin, certains pays autorisent les procédures de confiscation ACP contre les comptes de correspondance de banques étrangères qui contiennent des produits illi- cites sur le compte d’un client à l’étranger271. Trafic Illicite des Stupéfiants et des Substances Psychotropes, art. 4. Voir également la Convention de l’OCDE sur la Lutte contre la Corruption, art. 4. La Recommandation 1 des 40+9 Recommandations du GAFI stipule que « Les infractions sous-jacentes du blanchiment de capitaux devraient couvrir les actes commis dans un autre pays, qui constituent une infraction dans ce pays, et qui auraient constitué une infraction sous-jacente s’ils avaient été commis sur le territoire national. » 268. UNCAC, art. 42. Les infractions au titre de l’UNCAC incluent la corruption d’agents publics nationaux et étrangers (art. 15-16) ; la soustraction, le détournement ou l’usage illicite de tous biens, tous fonds et valeurs par un agent public (art. 17) ; et l’acquisition, la possession ou l’usage conscient de tout produit d’un crime ou du blanchiment d’argent (art. 23). Les possibles infractions sur lesquels l’UNCAC encourage les Etats-parties à légiférer incluent le trafic d’influence, l’abus de fonctions, l’enrichissement illicite, et la corruption et le détournement dans le secteur privé. 269. Trente-sept des trente-huit membres de l’OCDE sont compétents pour leurs ressortissants et sociétés. 270. Par exemple, les autorités françaises peuvent traduire en justice un étranger pour avoir voulu, dans le cadre d’une association de malfaiteurs, préparer des opérations de blanchiment en France, même s’il ou elle n’a pas commis l’infraction elle-même en France. Cour de Cassation, 20 février 1990. 271. Sous le Titre 18, United States Code, sec. 981(k), les tribunaux américains sont compétents pour ordonner la confiscation d’avoirs situés sur le compte de correspondance américain d’une banque étrangère à hauteur du montant des produits illicites déposés par un client dans la banque étrangère. Cette disposition n’est généralement utilisée que si la juridiction étrangère est incapable, ou non-désireuse, de répondre favorablement à une demande d’entraide judiciaire visant à contrôler et confisquer ces avoirs. 208  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 9.2  Comment initier une action de la juridiction étrangère Il est important de garder à l’esprit que les procédures de confiscation interne engagées par des juridictions étrangères ne dépendent pas seulement d’une demande émanant de l’Etat qui a été lésé par les infractions de corruption. Les autorités étrangères peuvent ouvrir une procédure indépendamment, sur la base d’informations obtenues par diverses voies (voir l’encart 9.4). Comme indiqué plus haut, les autorités étrangères décident au final s’il convient de poursuivre, et si oui, de quelle manière. ENCART 9.1 Etablir la compétence d’une juridiction lorsqu’une partie des faits seulement s’est produite sur son territoire Il pourrait sembler difficile d’établir la compétence d’une juridiction dans les dossiers qui n’impliquent pas de ressortissants nationaux et dans lesquels seuls quelques-uns des éléments de l’infraction sont commis à l’encontre de, ou dans un pays donné. Néanmoins, nombre d’Etats ont trouvé des moyens innovants d’y parvenir. Voici quelques-uns des facteurs sur lesquels ils se sont concentrés : •  Transactions financières sur le territoire. La Cour Suprême américaine a confirmé les condamnations de défendeurs qui avaient eu recours à des virements inter-états (états fédérés) dans le cadre d’une vaste fraude fis- cale accomplie au détriment d’un gouvernement étranger. aa •  Origine des activités. Au Brésil, un appel téléphonique, un fax ou un e-mail émanant du pays serait suffisant pour établir la compétence des tribunaux brésiliens pour tout fait de corruption étrangère. •  Liens avec d’autres infractions commises sur le territoire. En France, la compétence peut être établie pour des infractions commises dans des juri- dictions étrangères si ces infractions peuvent être reliées à des infractions commises en France. b •  Transferts de devises (y compris hors du territoire). En 2009, le Ministère de la Justice américain lança une procédure de confiscation visant des produits de la corruption payés (à Singapour, en devise améri- caine) par une société située dans un pays étranger, au fils de l’ancien premier ministre du Bangladesh. c Le Ministère de la Justice est parvenu à démontrer que le transfert de devises américaines entre institutions finan- cières situées hors des Etats-Unis devait nécessairement passer par des banques de correspondance américaines. Le fait que la société qui avait versé le pot-de-vin, cotée sur le New York Stock Exchange, était soumise aux lois et règlements américains, est également venu appuyer l’établissement de la compétence des tribunaux américains. •  Infractions portant atteinte aux intérêts nationaux. En Ukraine, les ressortissants étrangers sont pénalement responsables pour les infrac- tions commises hors du pays dans le cas d’infractions graves contre les droits ou les libertés de ressortissants ukrainiens, ou contre les intérêts de l’Ukraine. a. Pasquantino v. United States, 544 U.S 349 (2005). b. Cour de Cassation, 23 avril 1981, 15 janvier 1990 (France). c. Titre 18, United States Code, sec. 981(a)(1)(C) : tout type d’avoirs. Les procédures pénales et de confiscation étrangères  I  209 9.3  Le rôle de l’Etat lésé par les infractions de corruption dans l’enquête et les poursuites étrangères Une fois une enquête étrangère ouverte, les praticiens de l’Etat étranger devront réunir les preuves dans l’Etat lésé par les faits de corruption pour prouver la corruption ou l’infraction sous-jacente au blanchiment d’argent. Même si l’Etat lésé par les infractions de corruption a fourni la totalité du dossier dès l’origine, la juridiction étrangère aura sans doute besoin d’informations complémentaires et d’une assistance judiciaire (incluant des déclarations de témoins, des relevés financiers, et des documents ban- caires ou comptables). Ces informations peuvent être obtenues par le biais d’une entraide informelle ou de l’entraide judiciaire. Quelle que soit la manière dont les infor- mations sont demandées, il est impératif qu’une réponse soit transmise. Sans une atten- tion continue portée au dossier et des réponses adressées aux demandes étrangères, tout succès dans ce type de dossiers sera limité voire impossible (voir l’encart 9.5). L’établissement de la compétence à l’égard des encart 9.2 ressortissants nationaux au Royaume Uni et aux Etats-Unis Au Royaume Uni, le Bribery Act de 2010 a prévoit des sanctions pénales pour les organisations ou sociétés dont les employés, les filiales, les agents ou les con- sultants versent des pots-de-vin dans le cadre des activités commerciales de l’organisation, et ce où que ce soit dans le monde. Une banque étrangère qui opère une petite succursale à Londres sera pénalement responsable si un employé, agent ou une filiale verse un pot-de-vin dans un pays quelconque, même si le versement n’est ni approuvé ni payé par la succursale du Royaume Uni. La simple existence de la succursale conférera leur compétence aux procu- reurs et aux tribunaux britanniques. Aux Etats-Unis, le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) établit la compétence pour tout individu, société, cadre, directeur, employé ou agent d’une entreprise qui émet des titres enregistrés aux Etats-Unis ; toute personne morale établie sous le régime de la loi américaine ou ayant son siège social aux Etats-Unis ; et tout citoyen américain, pour les faits liées à tout versement constitutif de corrup- tion, même lorsque ces faits se sont déroulés hors des Etats-Unis. Le FCPA tient également pour pénalement responsable tout ressortissant étranger, ou toute entreprise étrangère, qui facilite un versement constitutif de corruption tout en étant présent sur le territoire américain, ou qui suscite une communication inter- nationale ou inter-états sur, ou à travers, le territoire américain. Les agents pu- blics étrangers qui reçoivent tout versement constitutif de corruption ne sont pas sujets à poursuites en vertu du FCPA, mais peuvent être poursuivis pour blanchi- ment d’argent au titre du versement si les Etats-Unis sont par ailleurs compé- tents pour l’infraction de blanchiment. Enfin, un agent public étranger percevant un versement constitutif de corruption peut être poursuivi en vertu du Travel Act (Titre 18, United States Code, sec. 1341 et 1343) et des dispositions liées, même lorsqu’il ne peut être poursuivi en vertu du FCPA. a. Le Bribery Act de 2010 (Royaume Uni) est rentré en vigueur en avril 2011. 210  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Dans la plupart des pays, un Etat qui a été lésé par des infractions de corruption peut participer en tant que plaignant ou victime (désignée par certaines juridictions comme « la partie plaignante »), dans une certaine mesure, à l’enquête, au procès, au prononcé de la peine ou à la procédure de confiscation. Les plaignants et victimes peuvent assister au procès et s’entretenir avec les praticiens au sujet des progrès de l’enquête et des pour- suites. De nombreux pays encouragent les praticiens à impliquer les victimes à toutes les étapes – en particulier lors de la phase de jugement ou de confiscation de manière à faciliter le recouvrement direct auprès du tribunal. Les victimes peuvent être consultées Compétence pour poursuivre les infractions de blanchiment ENCART 9.3 d’argent en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis En France, les tribunaux ont condamné des défendeurs accusés d’avoir reçu les produits de crimes commis à l’étranger a dès lors que des preuves factuelles établissaient qu›il savaient, ou auraient du savoir, que les avoirs étaient d›origine illégale.b De la même manière, la France criminalise le blanchiment des produits d’infractions sous-jacentes commises à l’étranger. Par exemple, les tribunaux français ont condamné un ancien ministre nigérian qui utilisa des pots-de-vin perçus au Nigéria pour acheter des biens immobiliers en France. Tous les élé- ments constitutifs de l’infraction de corruption étaient caractérisés au Nigérian, mais les tribunaux français s’estimèrent compétent pour juger des actes de blanchiment. c Au Royaume-Uni, les autorités peuvent poursuivre la dissimulation, le ma- quillage, la conversion ou le transfert d’avoirs criminels découlant d’infractions commises à l’étranger si l’infraction sous-jacente constitue également une infrac- tion en droit britannique. d Les procureurs peuvent s’appuyer sur des éléments de preuve factuels pour démonter que l’avoir est le produit d’un ‘comportement criminel’ ; ils n’ont ainsi pas besoin d’établir que l’avoir a été acquis par le biais d’une infraction pénale spécifique. e Aux Etats-Unis, les infractions sous-jacentes au blanchiment d’argent incluent la corruption d’agents publics étrangers, le détournement de fonds publics, la fraude au moyen de ou à l’encontre d’une banque étrangère, et toute infraction pénale pour laquelle les Etats-Unis seront obligés de procéder à une extradition au titre d’un traité international. f Lors des poursuites contre l’ancien premier ministre ukrainien Pavlo Lazarenko pour blanchiment d’agent, les procureurs purent établit leur compétence en démontrant que les fonds reçus vis des banques basées à San Francisco, Californie, constituaient le produit d’actes d’extorsion et de corruption commis en Ukraine. g a. L’article 321-1 du Code Pénal punit le recel - c’est-à-dire le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d’intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d’un crime ou d’un délit. b. Tribunal de Paris, 11e chambre, 3e section, 29 octobre 2009, «Angolagate». c. Cout d’appel de Paris, chambre criminelle, section A, 8 mars 2009 (France). d. Proceeds of Crime Act, 2002 (United Kingdom), sec. 327 and 340(2). e. Crown Prosecution Service, Proceeds of Crime Act, 2002, Money Laundering Offenses (United Kingdom). f. Title 18, United States Code, sec. 1956(c)(7)(B) et sec. 981. Les procédures de confiscation ACP peuvent être utilisées pour confisquer les produits de ces mêmes infraction pénales étrangères, ainsi que les avoirs impliqués dans des transactions liées au blanchiment d’argent (sec. 981[a][1][C]). Dans de tes cas, les Etats-Unis peuvent s’efforcer d’obtenir la confiscation des produits de la corruption conservés à l’intérieur et à l’extérieur des Etats-Unis si l’infraction sous-jacent a été commise aux Etats-Unis (sec. 1355[b][2]). g. United States of America v. Lazarenko, 564 F.3d 1026 (9th Cir., 2009) (U.S.). Les procédures pénales et de confiscation étrangères  I  211 sur les décisions qu’elles souhaitent voir prises par le tribunal, ou se voir offrir la possi- bilité de témoigner. Cependant, les décisions concernant la manière de procéder, les individus à interroger, les informations à obtenir et les compensations ou dommages et intérêts à requérir auprès du tribunal demeurent, in fine, la prérogative des praticiens de la juridiction étrangère. Dans les systèmes juridiques de droit civil ou dans les systèmes mixtes, les victimes (qui peuvent inclure un Etat ou un gouvernement) peuvent initier une enquête ou une procédure pénale devant la juridiction étrangère en qualité de partie civile. Les parties civiles peuvent être autorisées à soumettre des preuves ou des demandes au procureur Les procédures de confiscation entreprises par des ENCART 9.4 autorités étrangères Un Etat lésé par une infraction de corruption dépose plainte ou •  partage des preuves et les éléments du dossier avec les autorités d’un Etat étranger. Cette procédure est le plus souvent utilisée lorsque l’Etat lésé par des infractions de corruption s’efforce d’obtenir l’ouverture de poursuites dans un Etat étranger. Dans les systèmes juridiques de droit civil, ces Etats qui cherchent à obtenir la restitution d’avoirs illicites peuvent également être autorisées à initier (en qualité de partie civile) une enquête ou procédure pénale visant ces avoirs. Par exemple, l’ouverture d’une enquête sur, ou le déclenchement de poursuites portant sur le blanchi- ment de ces avoirs. Une demande d’entraide judiciaire est déposée par un Etat lésé par •  des infractions de corruption. Une demande d’entraide judiciaire contient typiquement des informations détaillées sur les suspects, les infractions supposées et les flux d’argent ; ces informations peuvent conduire un Etat requis à ouvrir sa propre enquête pour blanchiment d’argent, pour corrup- tion d’agent étranger, ou pour toute autre infraction qui peut avoir été commise en partie sur son territoire, ou avoir impliqué de ses ressortis- sants. Ceci est par exemple fait presque systématiquement en Suisse, et relativement fréquemment dans d’autres pays. Dans la plupart des cas, deux procédures différentes seront conduites dans l’Etat requis : la pre- mière répondra à la demande d’entraide judiciaire et la seconde poursuivra localement les faits de blanchiment. Les médias se font l’écho de faits de corruption ou de blanchiment •  d’argent. Les dossiers de corruption – en particulier ceux impliquant des personnes politiquement exposées – attirent typiquement une attention substantielle des médias. Cette couverture médiatique peut révéler des liens avec des juridictions étrangères, et ces liens sont ensuite susceptibles d’être explorés par des praticiens étrangers qui décident d’ouvrir un dossier ou par des agents responsables de la conformité qui effectuent une déclara- tion de transaction suspecte (DTS) pouvant conduire à une enquête. (a continué) 212  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ENCART 9.4 (a continué) •  Des déclarations de transaction suspecte sont effectuées. Les institu- tions financières qui suspectent que des activités ou transactions sont liées au blanchiment d’argent ou au financement du terrorisme doivent rapporter ces suspicions aux cellules de renseignement financier (CRFs) en effectuant des déclarations de transactions suspectes (DTS). Les CRFs doi- vent alors analyser ces déclaration et diffuser les rapports en résultant aux autorités de poursuite ou, via l’Egmont Group, à d’autres CRFs. Les autori- tés de poursuite peuvent subséquemment décider d’ouvrir une enquête sur la base des informations fournies par la CRF. •  L’application du principe « extrader ou poursuivre ». Les Etats qui refusent d’accorder l’extradition de leurs ressortissants au titre de la Con- vention des Nations Unies contre la Corruption (UNCAC) ont l’obligation de soumettre le dossier à leur autorité nationale pour d’éventuelles pour- suites, si l’Etat requérant le demande. a En France, les infractions qui font encourir une peine d’au moins 5 ans de prison feront l’objet de poursuites dès lors que l’extradition demandée par un autre Etat est refusée pour des raisons tenant au respect des droits fondamentaux ou si la peine dans le pays requérant est incompatible avec l’ordre public français. b •  Transfert de procédure. En application de l’article 47 de l’UNCAC, les Etats-parties doivent envisager de transférer les dossiers portant sur des infractions prévues par la convention dès lors qu’un tel transfert est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice. Lorsque plusieurs Etats sont impliqués, cette approche permet de concentrer les poursuites. a. UNCAC, art. 44(11) ; Convention des Nations Unies contre le Crime Organisé Transnational (UNTOC), art. 16(12) ; Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et des Substances Psychotropes, art. 6(9)2. b. Code Pénal (France), art. 113-8-1. ou au magistrat instructeur, à participer aux auditions des témoins et des suspects, et à accéder au dossier. Le procureur ou le magistrat instructeur détermine in fine si le dos- sier comprend suffisamment de preuves pour être renvoyé devant une juridiction de jugement. Si un procès a lieu, les parties civiles peuvent requérir auprès du tribunal l’octroi de dommages et intérêts de la même manière que devant un tribunal civil (voir le chapitre XIII pour plus d’informations à ce sujet). L’action en dommages et intérêts s’appuie sur le dossier pénal, sur les mêmes bases et les mêmes éléments de preuve. Certaines juridictions autoriseront les plaignants et parties civiles à avoir accès aux informations du dossier, y compris une copie du dossier lui-même. Par exemple, si un procureur ou un magistrat instructeur est saisi, une copie du dossier sera fournie sur demande aux avocats représentant les victimes parties à la procédure en qualité de par- ties civiles272. 272. Code de procédure pénale (France), art. 114, R.155, R.165. Les procédures pénales et de confiscation étrangères  I  213 Le rôle important de l’Etat lésé par la corruption – ENCART 9.5 L’exemple du cas d’Haïti. De mai 2001 à avril 2003, Robert Antoine, ancien directeur des affaires interna- tionales pour la société nationale de télécommunications haïtienne, a accepté des dessous-de-table de trois entreprises de télécommunications américaines et entrepris de les blanchir grâce à des intermédiaires. Haïti était incapable d’agir contre Antoine ou contre les intermédiaires impliqués parce que le pays ne disposait pas des dispositions légales adéquates, y compris des lois anti-corruption nécessaires et des outils d’enquête requis pour l’établissement de l’infraction. Les autorités haïtiennes examinèrent le dossier avec l’aide d’experts américains et décidèrent que la meilleure façon de procéder serait de soutenir une action initiée par les Etats-Unis. Les Etats-Unis déclenchèrent des poursuites contre Antoine pour blanchiment d’argent en relation avec un système de corruption internationale, ainsi que con- tre le corrupteur et les intermédiaires pour association de malfaiteurs visant à commettre une violation du FCPA et pour blanchiment d’argent. Les autorités haïtiennes ont collaboré activement en cherchant et en produisant toutes les preuves et rapports exigés par les procureurs américains. L’entraide fut deman- dée et accordée par diverses autorités, incluant la cellule de renseignement financier, la police nationale, et le Ministère de la Justice et de la Sécurité Pu- blique. Sans cette particulière collaboration, il aurait été impossible de poursuivre ces faits aux Etats-Unis. Antoine plaida coupable des infractions et fut condamné en juin 2010 à 48 mois de prison. Il dut payer 1.852.209 dollars (USD) et plus d’un million et demi de dollars (USD) furent confisqués. a Une discussion sur le partage des produits est en cours. a. Department of Justice, Office of Public Affairs, “Former Haitian Government Official Sentenced for His Role in Money Laundering Conspiracy Related to Foreign Bribery Scheme,� dépêche, 2 juin 2010, http://www.justice.gov/opa/pr/2010/June/10-crm-639.html. 9.4  Garantir le recouvrement des avoirs depuis l’étranger Dans certaines juridictions, les tribunaux et autres autorités compétentes ordonneront une restitution aux victimes qui sera prélevée sur les avoirs saisis ou placés sous contrôle, dans le cadre de la procédure pénale. Une telle décision peut prendre la forme d’une décision de compensation, de l’octroi de dommages-intérêts ou de la reconnaissance des droits de propriété légitimes sur un avoir ; elle peut être accordée à un Etat lésé par des infractions de corruption273. Tous les avoirs dont la restitution n’est pas ordonnée par une telle décision sont probablement destinés à devenir la propriété de l’Etat étran- ger. En conséquence, l’Etat qui s’efforce de recouvrer ces avoirs devrait se demander, dès l’origine, si la restitution ou le partage des produits recouvrés sera possible. En fonction 273. UNCAC, art. 53. 214  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis du pays et des procédures suivies, le recouvrement peut être possible au titre de conventions internationales, de traités d’entraide judiciaire, d’accords de partage d’avoirs, ou des lois en vigueur. Même si un Etat étranger ouvre le dossier indépen- damment, l’Etat lésé par les infractions de corruption peut être à même de se porter candidat à des procédures lui permettant d’obtenir restitution des avoirs. 9.4.1  Revendiquer la propriété d’avoirs volés pendant une enquête pénale Dans certaines juridictions, la revendication de la propriété d’avoirs «  volés  » est possible à un stage précoce de l’enquête274. Lorsque des avoirs sont découverts mais que le contrevenant reste inconnu, le procureur ou le magistrat instructeur s’efforcera d’éta- blir ou de déterminer si les avoirs constituent les produits ou instruments de l’infrac- tion supposée. Si un lien est établi, la restitution des avoirs sous contrôle peut être ordonnée. Ces décisions peuvent faire l’objet d’un appel. 9.4.2  Le recouvrement direct d’avoirs par le biais de tribunaux étrangers De nombreux tribunaux ordonneront le recouvrement direct au bénéfice d’un Etat étran- ger qui peut faire la démonstration de son statut de victime ou de propriétaire légitime des avoirs. Cette pratique figure dans les accords internationaux et permettra aux tribunaux d’ordonner une restitution ou des dommages et intérêts au bénéfice de l’Etat lésé par des infractions de corruption et, tout comme aux autorités compétentes, de reconnaître l’Etat lésé comme propriétaire d’un avoir lors de la procédure de confiscation275. Le recouvrement direct est souvent rendu plus facile par la participation de l’Etat lésé par les infractions de corruption, soit en tant que plaignant dans une action civile, soit comme plaignant ou victime dans une procédure interne, soit comme partie civile dans une action pénale. Dans les juridictions qui autorisent la partie lésée à se constituer partie civile, l’Etat lésé par les infractions de corruption dispose de la possibilité de demander au tribunal des dommages et intérêts ou une restitution. Dans le cas contraire, l’Etat lésé devra discuter d’éventuelles restitutions ou dommages et intérêts avec le pro- cureur, qui pourra alors demander au tribunal qu’il prenne une telle décision. L’encart 9.6 offre des exemples de recouvrement direct en pratique. Le traitement d’une demande de dommages et intérêts dans l’éventualité d’un acquitte- ment varie selon les payss. Dans certains cas, la demande ne peut être envisagée et la partie lésée doit entreprendre une action civile. Dans d’autres, le tribunal peut arriver à une décision portant sur des dommages et intérêts malgré l’acquittement, dans l’hypo- thèse où l’origine anormale d’un dommage est suffisamment bien établie. 274. La France et la Suisse autorisent cette procédure. 275. UNCAC, art. 53. Les procédures pénales et de confiscation étrangères  I  215 ENCART 9.6 Le recouvrement direct en pratique Partie civile à une procédure pénale. En France, l’article 2 du Code de •  Procédure Pénale stipule qu’une victime peut obtenir des dommages-inté- rêts devant une juridiction pénale si elle est capable de prouver un préju- dice personnel et direct résultant de l’infraction de corruption. Dans un dossier de corruption impliquant l’ancien maire de Cannes, la municipalité cannoise – qui s’est constituée partie civile au pénal – a pu obtenir du tribu- nal l’octroi de dommages-intérêts, mais ne s’est pas vue accorder de resti- tution en nature. Les dommages et intérêts furent accordés au titre de l’atteinte à la réputation de la ville ; la compensation fut refusée au motif que le préjudice dont a souffert la ville résultait d’une décision ministérielle de révoquer une autorisation plutôt que de la corruption proprement dite. Les mesures de compensations ordonnées dans le cadre des procé- •  dures pénales de « plaider coupable ». Au Royaume Uni, une compagnie de génie civil, Mabey & Johnson Ltd., a plaidé coupable d’association de malfaiteurs dans une affaire impliquant le versement de dessous-de-table à des agents publics au Ghana et en Jamaïque et pour avoir « mis des fonds à disposition » en lien avec des commissions illicites versées au régime de Saddam Hussain en Irak par le biais de contrats obtenus dans le cadre du programme « pétrole contre nourriture » des Nations Unies. La société a admit que sans ces versements le contrat aurait été moins onéreux, et que les fonds utilisés pour ces commissions l’avaient donc été au détriment du peuple irakien. a La transaction porta sur un montant de 4.6 millions de livres (GBP) (environ 7.2 millions de dollars (USD)) au titre de l’amende pénale, et 2 millions sup- plémentaires (GBP) (environ 3.1 millions de dollars (USD)) en réparations et frais à payer aux gouvernements du Ghana, de l’Irak et de la Jamaïque. Eu égard au volet irakien du dossier, une confiscation fut décidée pour un montant égal à celui du contrat, soit 4.22 millions d’euros (EUR) plus inté- rêts (approximativement 5.41 millions de dollars (USD)), et une compensa- tion de 618.484 livres (GBP) (environ 969.100 dollars (USD)) fut accordée au peuple irakien (via le Development Fund for Iraq). •  Restitutions par le biais d’une action civile. Dans un dossier impliquant des fonds et des biens immobiliers à Londres détenus au nom d’un agent public nigérian corrompu, l’enquête menée par la Metropolitan London Police eut pour résultat la condamnation pénale d’un gestionnaire immo- bilier pour blanchiment d’argent. Après cette condamnation, une action civile portée devant le London High Court par un cabinet britannique débou- cha sur le recouvrement des avoirs volés au profit du Nigéria. a. Un communiqué de presse et les déclarations de l’accusation sont disponibles à : http://www.sfo.gov.uk/press-room/latest-pressre- leases/press-releases-2009/mabey—johnson-ltd-sentencing-.aspx. 216  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis 9.4.3  Recouvrer des avoirs en vertu de traités, d’accords ou d’autorités légalement constituées Plusieurs conventions internationales incluent une obligation de restitution des avoirs276. Pour faire exécuter les obligations de ces conventions internationales – ou lorsque ces dernières ne s’appliquent pas -, des traités bi- et multilatéraux (comme des traités d’entraide judiciaire), des accords et des autorités légalement constituées sont souvent utilisés pour permettre la restitution des avoirs. S’il n’existe pas d’obligation de restitution des avoirs confisqués, des accords de partage d’avoirs bi- et multilatéraux sont susceptibles de fixer des procédures spécifiques pour ces mécanismes de partage277. De tels accords peuvent faire l’objet de négociations au cas-par cas ou, de manière plus expédiente, l’être par le biais d’accords de partage per- manents conçus pour couvrir tous les cas survenant et rendant nécessaire un partage278. Certaines juridictions préfèrent négocier un accord de partage soit avant de fournir la mesure de contrôle demandée, soit après celle-ci mais avant l’entrée en vigueur d’une décision finale de confiscation. ENCART 9.7 Les options de restitution d’avoirs disponibles en Suisse En Suisse, les avoirs sont restitués à leur propriétaire légitime si le juge est « inti- mement convaincu » que les avoirs sont liés à l’infraction et que la propriété est clairement établie. Si la propriété est incertaine ou impossible à déterminer (comme dans le cas de fonds transférés, retirés ou amalgamés à d’autres volumes d’argent), le juge ordonnera la confiscation des produits de l’infraction ou des avoirs, et ces derniers, une fois confisqués, deviendront la propriété du gouverne- ment suisse. L’Etat cherchant à recouvrer des avoirs volés peut être à même de négocier avec les autorités politiques suisses pour obtenir la restitution des avoirs confisqués sur la base d’accords spécifiques ou de décisions discrétionnaires. Le tribunal pénal peut également ordonner le versement de dommages et intérêts d’un montant équivalent au préjudice subi (en raison de la faute contractuelle ou civile) à l’Etat qui en fait la demande. 276. UNCAC, art.57 ; UNTOC, art. 14 ; Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et des Substances Psychotropes, art. 5. Remarquons que les dispositions de l’UNCAC prévoient des cas de restitution obligatoire, par opposition aux modalités discrétionnaires stipulées dans l’UNTOC et la Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et des Substances Psychotropes. 277. Des accords de partage sont également inclus dans les accords internationaux suivants : UNCAC, art. 57 ; UNTOC, art. 14 ; Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et des Substances Psychotropes, art. 5. 278. Aux Etats-Unis, un accord formel de partage ne sera pas confirmé tant que le dossier n’est pas arrivé à son terme, et se basera sur l’ampleur de la coopération accordée par chaque juridiction : 50-80% des avoirs confisqués si la juridiction a fourni une entraide essentielle, 40-50% dans le cas d’une « entraide majeure », et jusqu’à 40% si la juridiction étrangère a simplement « facilité » le succès de la procédure. Les procédures pénales et de confiscation étrangères  I  217 Les avoirs confisqués peuvent aussi être restitués dans le cadre d’un accord ad hoc avec l’Etat requérant. En l’absence d’un tel traité ou accord, certaines juridictions appliqueront des dispositions légales conférant à l’Etat, au gouvernement ou à l’autorité compétente la latitude pour restituer les avoirs. L’encart 9.7 décrit certaines des options de restitution d’avoirs qui sont disponibles en Suisse. 218  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Annexe A.  Qualifications pénales à envisager en matière pénale ILLUSTRATION A.1 Qualifications pénales à envisager en matière pénale Détournement Vol de fonds Détournement de fonds publics Fraude Corruption d’agents publics nationaux et étrangers Trafic d’influence Corruption et Abus de fonctions infractions Enrichissement illicite liées Conflit d’intérêt Financement illégal de campagnes ou partis politiques Extorsion de fonds Qualifications possibles dans un dossier de corruption Blanchiment, dissimulation, Conversion ou transfert de biens Acquisition, Dissimulation et déguisement possession ou utilisation des Acquisition, possession ou produits d’un utilisation du produit d’un crime crime • Infraction à la législation sur les marchés publics • Collusion • Faux et usage de faux Facilitation • Infraction aux normes comptables d’un crime • Fraude fiscale • Fraude douanière, contrebande • Utilisation frauduleuse de la poste est du réseau des télécommunications • Association de malfaiteurs • Complicité ou incitation • Entrave à la justice Source : Illustration des auteurs Soustraction ou détournements de fonds et de biens (Convention des Nations Unies Contre la Corruption [UNCAC], article 17) •  Vol. Ces infractions sont généralement définies comme l’appropriation illégale d’avoirs personnels et tangibles avec l’intention d’en priver le propriétaire légi- time. Dans ce cas, les avoirs sont simplement pris sans le consentement de leur propriétaire légitime (ou, dans certaines juridictions, avec son consentement obtenu frauduleusement). La récolte ou le ramassage non-autorisé dans des zones protégées ou des forêts publiques, ou l’appropriation d’argent liquide, de chèques et d’autres instruments financiers au détriment d’une banque centrale sont des exemples bien-connus de vols commis par des agents publics. Dans de nom- breuses juridictions, les biens immobiliers, les services ou les avoirs intangibles ne sont pas inclus dans la définition du vol. •  Détournement de fonds. Cette infraction est généralement définie comme le transfert frauduleux de biens par un individu ou une personne morale détenant légalement des avoirs appartenant à une autre personne physique ou morale. Cette infraction pénale concerne les agents publics ou les cadres d’entreprises qui soustraient ou détournent des fonds ou des biens qu’ils sont censés gérer pour le compte d’une entité gouvernementale (administration centrale, locale ou muni- cipale ; agence gouvernementale ; ou entreprise publique). Elle suppose la viola- tion des termes de l’accord autorisant le contrevenant à conserver et gérer les avoirs dans l’intérêt et pour le compte de leur propriétaire légitime. Dans plu- sieurs juridictions, le détournement ne concerne pas les biens immobiliers ou les services. Des exemples de détournement incluent l’embauche et la rémunération d’employés qui ne remplissent pas leurs obligations (emplois fictifs), l’achat de biens ou de services au dessus du prix du marché (surfacturation), l’acquittement de frais portant sur des biens et services inexistants ou qui ne correspondent à rien de tangible (fausses factures). •  Fraude, fausses déclarations et tromperie. Ces infractions sont généralement définies comme l’acquisition du titre, ou l’appropriation, d’un bien appartenant à autrui par une tromperie intentionnelle, ou de fausses déclarations concernant des faits passés ou présents. Dans certaines juridictions, l’infraction applicable peut être le vol si seule la possession d’un bien est obtenue. Dans d’autres juridic- tions, l’infraction s’étendra à l’appropriation du bien même en l’absence d’un titre. Bien que la définition de cette infraction repose toujours sur la tromperie inten- tionnelle, la définition juridique spécifique de ce qui constitue la tromperie peut varier. Voici un exemple typique : un agent public ordonne à ses subordonnés de verser de l’argent ou d’accorder des prêts à des compagnies fictives qui n’ont pas d’activité commerciale réelle et qui sont gérées par des hommes de paille ou des proches de l’agent public. 220  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Corruption, trafic d’influence, abus de fonctions et autres infractions associées •  Corruption d’agents publics nationaux (UNCAC, article 15). Consiste, de manière intentionnelle, (a) A promettre, à offrir ou à accorder, directement ou indirectement, à un agent public un avantage indu pour lui-même ou pour une autre personne ou entité afin qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte dans l’exercice de ses fonctions officielles ; (b) Pour un agent public, à solliciter ou à accepter, directement ou indirecte- ment, un avantage indu pour lui-même ou pour une autre personne ou entité afin d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte dans l’exercice de ses fonctions officielles. •  Corruption d’agents publics étrangers et de fonctionnaires d’organisations internationales publiques (UNCAC, article 16). Consiste, de manière inten- tionnelle, (a) A promettre, à offrir ou à donner, directement ou indirectement, à un agent public étranger ou à un fonctionnaire d’une organisation internationale publique un avantage indu pour lui-même ou pour une autre personne ou entité afin qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte dans l’exer- cice de ses fonctions officielles, en vue d’obtenir ou de conserver un marché ou un autre avantage indu en liaison avec des activités de commerce inter- national ; (b) Pour un agent public étranger ou un fonctionnaire d’une organisation inter- nationale publique, à solliciter ou à accepter, directement ou indirectement, un avantage indu, pour lui-même ou pour une autre personne ou entité, afin d’accomplir ou de s’abstenir d’accomplir un acte dans l’exercice de ses fonc- tions officielles. •  Trafic d’influence (UNCAC, article 18). Consiste, de manière intentionnelle, (a) A promettre, à offrir ou à accorder, à un agent public ou à toute autre per- sonne, directement ou indirectement, un avantage indu afin que ledit agent ou ladite personne abuse de son influence réelle ou supposée en vue d’obte- nir d’une administration ou d’une autorité publique de l’État-Partie un avantage indu pour l’instigateur initial de l’acte ou pour toute autre per- sonne ; (b) Pour un agent public ou toute autre personne, à solliciter ou à accepter, directement ou indirectement, un avantage indu pour lui-même ou elle- même ou pour une autre personne afin d’abuser de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une administration ou d’une autorité publique de l’État Partie un avantage indu. Qualifications pénales à envisager en matière pénale  I  221 ENCART A.1 Dispositions relatives à l’enrichissement illicite en France En France, les deux dispositions suivantes du Code Pénal sont pertinentes dans le contexte de l’enrichissement illicite : •  Procédure de condamnation. L’article 321.6 stipule qu’une personne peut être condamnée du fait de son incapacité à « justifier de ressources correspondant à son train de vie ou ne pas pouvoir justifier de l’origine d’un bien détenu, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes qui soit se livrent à la commission de crimes ou de délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect, soit sont les victimes d’une de ces infractions ». Cette infraction est punissable de trois à sept ans d’emprisonnement et permet la confiscation de la totalité des avoirs de la personne condamnée. •  Procédure de confiscation. L’article 131-21 stipule que la confiscation est encourue sur tous les biens du défendeur, à moins que ce dernier puisse justifier de leur légitime origine. L’infraction est punissable d’au moins cinq ans d’emprisonnement et doit avoir produit un profit direct ou indirect. •  Abus de fonctions (UNCAC, article 19). Consiste, pour un agent public, à abu- ser de ses fonctions ou de son poste, c’est-à-dire à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir, dans l’exercice de ses fonctions, un acte en violation des lois afin d’obtenir un avantage indu pour lui-même ou pour une autre personne ou entité. •  Enrichissement illicite (UNCAC, article 20). Généralement défini comme « une augmentation substantielle du patrimoine d’un agent public que celui-ci ne peut raisonnablement justifier par rapport à ses revenus légitimes. » Les autorités qui poursuivent l’enrichissement illicite n’ont pas à apporter la preuve de l’origine illégale des biens pour obtenir de décisions de condamnation ou de confiscation. Il suffira de montrer que le revenu légitime d’un agent public ne peut expliquer un accroissement de ses avoirs ou de ses dépenses. L’agent public doit alors expliquer comment le bien en question a été obtenu à partir de sources légales (voir l’encart A.1 pour un exemple pris en France). •  Conflit d’intérêts. Dans certaines juridictions, le fait pour un agent public de prendre ou d’accepter un intérêt quelconque dans toute subvention, contrat ou décision soumise à sa propre opinion, supervision, administration, ou à son propre contrôle constitue une infraction. Dans de nombreuses juridictions, le fait pour des agents publics de prendre une participation financière dans des activités ou des entreprises privées qu’ils ont la charge de superviser constitue également une infraction. Un exemple typique de ce genre de conflit d’intérêts peut être un agent public accordant un contrat public à une entreprise qu’il possède ou contrôle indirectement. •  Financement illégal de partie politique ou de campagne électorale. Couverts par les lois interdisant le financement illicite d’activités politiques et par celles concernant la corruption, ces malversations impliquent typiquement des contrac- tants qui gonflent le montant de contrats publics. En utilisant les profits de cette 222  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis surfacturation, ces contractants approvisionnent des « sociétés taxis » (ainsi nom- mées parce qu’elles reçoivent l’équivalent de taxes illicites) qui fournissent de fausses factures. En échange, ces sociétés taxis financent des activités politiques. Ces systèmes de financement tombent sous le coup des lois contre le racket et l’extorsion lorsqu’il est clair que des contractants réticents risquent de perdre des commandes publiques s’ils refusent d’y participer. •  Extorsion. Dans certaines juridictions, cette infraction est définie comme une série de versements illégaux obtenus par un agent public en sa capacité officielle au moyen de menaces verbales ou écrites, de la peur, de la coercition et de l’inti- midation. Blanchiment, dissimulation, acquisition, détention et utilisation des produits d’un crime •  Ces infractions sont définies aux articles 23 et 24 de l’UNCAC comme (a) la conversion ou le transfert de biens dont celui qui s’y livre sait qu’ils sont le produit du crime, dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens ou d’aider toute personne qui est impliquée dans la commis- sion de l’infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ; (b) la dissimulation ou le déguisement de la nature véritable, de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété de biens ou de droits y relatifs dont l’auteur sait qu’ils sont le produit du crime ; (c) l’acquisition, la détention ou l’utilisation de biens dont celui qui les acquiert, les détient ou les utilise sait, au moment où il les reçoit, qu’ils sont le produit du crime; (d) la participation à l’une des infractions établies conformément au présent article ou à toute association, entente, tentative ou complicité par fourniture d’une assistance, d’une aide ou de conseils en vue de sa commission ; (e) La dissimulation ou la rétention de façon continue des biens en sachant que lesdits biens proviennent d’une infraction de corruption. •  Les infractions de blanchiment d’argent s’appliqueront généralement à toutes les institutions financières et non-financières, aux commerces, aux individus et aux intermédiaires qui se livrent sciemment à des transactions dont le but est de déguiser la source illicite d’un bien. Les chefs de blanchiment d’argent doivent être envisagés lors de l’élaboration des stratégies de recouvrement d’avoirs parce que les agents publics corrompus ont besoin d’investir ou de dépenser dans des centres financiers leurs avoirs illégalement obtenus. Dans de nombreux dossiers de corruption, les systèmes de blanchiment d’argent facilitent la commission des infractions de corruption. En particulier, une entreprise peut payer des fausses factures, les fonds partant vers des comptes bancaires off-shore détenus par des contractants ou des consultants. Ces intermédiaires utilisent alors les fonds pour corrompre des agents publics pour le compte de l’entreprise. Dans la plupart des juridictions, l’organisation de telles caisses noires tombe sous le coup des lois rela- tives au blanchiment d’argent. Qualifications pénales à envisager en matière pénale  I  223 Facilitation de crimes •  Infraction à la législation sur les marchés publics. Lorsque des agents publics contreviennent aux règlements relatifs aux marchés publics, ils ont fréquemment l’intention d’accorder un avantage indu à certains contractants gouvernemen- taux. Par exemple, un agent public chargé de l’attribution des marchés publics peut fournir à un soumissionnaire des informations sensibles, y compris des esti- mations de coût effectuées par le gouvernement, pour garantir que ce contractant potentiel jouira d’un avantage significatif. De la même manière, les contrats importants peuvent être artificiellement divisés en « tranches » plus petites pour éviter le processus de soumission compétitif qui devrait être obligatoire compte tenu du coût total du projet. Ou, pendant l’exécution d’un contrat, des agents administratifs peuvent accepter de payer pour des biens qui ne sont pas effective- ment livrés, pour des services qui ne sont pas rendus, ou pour une quantité ou une qualité de biens qui ne correspond pas aux dispositions du contrat. Les contrats gouvernementaux accordés ou exécutés pour des montants artificielle- ment gonflés bénéficient illicitement au contractant. En retour, des pots-de-vin ou d’autres avantages consentis par ce contractant peuvent récompenser l’agent public concerné. •  Collusion. Cette infraction criminalise les accords (généralement secrets) conclus entre deux personnes ou plus afin de tromper, d’induire en erreur ou priver frauduleusement d’autres personnes de leurs droits ; d’atteindre un objectif interdit par la loi  ; ou d’obtenir un avantage indu. En particulier, des accords secrets conclus entre firmes ou entre une firme et un agent public pour limiter ou organiser la concurrence ou pour fixer les prix de contrats publics seront rencon- tré fréquemment dans les dossiers de corruption. Un agent public qui établit les conditions d’attribution ou les termes de référence d’un appel d’offre sur la base des informations fournies par un soumissionnaire potentiel se rend coupable de collusion. •  Fraude, faux et usage de faux. Cette infraction implique le fait de falsifier ou s’alté- rer la substance, la date ou les signatures des parties ou témoins de tout document public ou privé instituant une obligation, une dispense ou une modalité. •  Infractions aux normes comptables. Un outil fort commun de l’organisation ou de la facilitation de la corruption ou du détournement de fonds, les infractions comptables incluent la falsification des comptes, des livres, des archives ou des données financières. En particulier, des entreprises émettront ou enregistreront des fausses factures pour justifier et dissimuler des paiements indus effectués à des intermédiaires, pour gérer des caisses noires et pour verser des pots de vin. Un système très répandu consiste pour des sociétés privées à payer des fausses factures délivrées par des intermédiaires se faisant passer pour des consultants et qui utilisent les fonds pour corrompre des agents publics. Dans ce cas, les comptes et de l’entreprise et du « consultant » révéleront des transactions suspectes. 224  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis •  Fraude fiscale. Les systèmes impliquant la déformation de transactions dans les comptes ou les données financières d’une entreprise auront pour résultat une sur- ou sous-estimation des actifs, des revenus et des dépenses ; ils modifieront ainsi illégalement le montant des revenus imposables ou des dépenses déduc- tibles. Un cas typique est le recours à des fausses factures qui accroissent le mon- tant des achats, réduisant ainsi les bénéfices imposables d’une entité commerciale. •  Fraude douanière et contrebande. La corruption, le détournement d’avoirs et le blanchiment d’argent impliquent fréquemment le transport illégal d’argent ou le transfert de biens hors de, ou à l’intérieur, du pays victime. La fraude douanière peut aussi impliquer l’importation de biens censés transiter par le pays mais en réalité destinés à être vendus sur place, le tout sans s’acquitter des droits de douane. •  Utilisation frauduleuse de la poste est du réseau des télécommunications. Certaines juridictions criminalisent ce type d’utilisation frauduleuse. Par exemple, aux Etats-Unis, une infraction est constituée dès lors qu’est élaboré un système frauduleux ou visant à obtenir de l’argent ou des biens au moyen de prétextes faux ou frauduleux et qui utilise le réseau postal ou l’infrastructure de télécommuni- cations (téléphone, fax et email) dans l’exécution d’un tel plan. Cette infraction pénale est aussi applicable aux agents publics qui perçoivent de l’argent par des moyens qui ne sont pas communément définis comme illicites. •  Association de malfaiteurs. Cette infraction implique des accords entre deux personnes ou davantage dans le but de violer la loi dans le futur. Les actions déci- dées dans ce cadre incluent souvent la fraude, la corruption et l’appropriation illicite de biens. Dans certaines juridictions, cette infraction ne peut faire l’objet de poursuites que si les malfaiteurs commettent au moins une infraction mani- feste en application de l’accord d’association. •  Complicité et incitation à commettre une infraction. Un complice ne prend pas part directement à l’infraction mais y participe en prêtant assistance au contrevenant principal. Susceptible d’être poursuivi pour la même infraction, le complice encourt la même sanction pénale. •  Entrave à la justice (UNCAC, article 25). Consiste à (a) recourir à la force physique, à des menaces ou à l’intimidation, ou à promettre, à offrir ou à accorder un avantage indu pour obtenir un faux témoignage ou empêcher un témoignage ou la présentation d’éléments de preuve dans une procédure en rapport avec la commission d’infractions éta- blies conformément à la Convention ; (b) recourir à la force physique, à des menaces ou à l’intimidation pour empê- cher un agent de la justice ou un agent des services de détection et de répres- sion d’exercer les devoirs de leur charge en rapport avec la commission d’in- fractions établies conformément à la Convention. Qualifications pénales à envisager en matière pénale  I  225 Annexe B.  Glossaire des termes financiers et relatifs aux constructions juridiques « Construction juridique » est un terme générique qui désigne toutes les formes d’enti- tés et d’accords juridiques par le biais desquels sont conduites des activités commer- ciales et sont détenus des avoirs. Cette annexe propose des définitions, descriptions et exemples de nombre de ces constructions et termes financiers associés. Action au porteur : Ce titre négociable confère la propriété d’une société anonyme à la personne détenant les certificats des actions au porteur. La personne qui possède phy- siquement le certificat de l’action au porteur est considéré comme le détenteur légal des actions émises par la dite société, et jouit de l’ensemble des droits accordés à un action- naire. De nombreuses juridictions ont instauré des garde-fous pour s’assurer que ces titres ne font pas l’objet d’abus – par exemple, d’immobilisation ou de dématérialisation. L’immobilisation exige que les actions au porteur soient déposées auprès des autorités ou d’un prestataire de services financiers accrédité. Les actions au porteur sont dématé- rialisées lorsque l’actionnaire porteur doit déclarer son identité pour exercer son droit de vote, percevoir ses dividendes, ou encore exercer un certain niveau de contrôle. Actionnaire prête-nom : Désigne une société ou un individu qui apparaît comme le détenteur officiel des actions d’une société, mais qui détient ces actions pour le compte d’une autre personne (qui reste normalement secrète) et que l’on appelle le bénéficiaire final. Il arrive dans le cadre de ce type d’accord qu’un document légal confidentiel (comme une constitution de trust, un titre de transfert, un accord de service ou quelque document similaire) est fournit par le prête-nom et conservé par le bénéficiaire. Eu égard aux actions cotées publiquement, les prête-noms qui, par exemple, enregistrent des actions pour le compte de courtiers, sont légitimement et régulièrement utilisés pour faciliter le traitement et la validation de transactions. Administrateur : L’administrateur d’une société, d’un trust ou d’une fondation est une personne à laquelle est conféré un pouvoir de supervision sur la société, le trust ou la fondation. Ce pouvoir de supervision est déterminé par le constituant ou le fondateur. Bien que l’administrateur ne soit pas un fiduciaire, un directeur ou un conseil de fonda- tion, il jouit néanmoins d’un droit absolu à l’information, y compris du droit à assister aux réunions d’organisation. L’administrateur peut aussi disposer de pouvoirs de véto dans certains domaines-clés, comme les rémunérations, le timing et les destinataires des distributions, et la nomination des bénéficiaires ; il peut aussi disposer du pouvoir d’engager et de limoger des fiduciaires et des directeurs. Association : Organisation basée sur l’adhésion et dont les membres (personnes phy- siques ou morales) ou leurs représentants élus constituent le corps dirigeant de l’organi- sation. Une association peut être créée pour servir l’intérêt public ou les intérêts mutuels de ses membres. Le fait qu’une association puisse disposer de la personnalité juridique dépend souvent des modalités de son enregistrement. Les associations reconnues d’uti- lité publique jouissent des mêmes avantages que les autres entités juridiques. Bénéficiaire final : Le bénéficiaire final est la personne physique qui, en dernière ana- lyse, détient ou contrôle une construction juridique ou jouit de ses actifs, la personne pour le compte de laquelle une transaction est effectuée, ou les deux. Le terme inclut aussi les personnes qui exercent le contrôle effectif final d’une personne morale ou d’une construction juridique. Chaîne de constructions juridiques : Ce terme fait généralement référence à un groupe de deux (ou plus) constructions juridiques liées par une relation de propriété. Contrôle : Le terme recouvre la possession directe ou indirecte du pouvoir de diriger ou de permettre la direction de la gestion et de la stratégie d’une construction juridique. Directeur prête-nom  : Cette personne apparaît comme le directeur officiel d’une société pour le compte d’une autre personne (qui reste normalement secrète) que l’on appelle le bénéficiaire final. Dans certains accords de prête-nom, un document légal confidentiel (comme un mandat, un accord ad-hoc ou quelque document similaire) est fournit par le prête-nom et conservé par le bénéficiaire. Lorsque le prête-nom est une société, celle-ci est qualifiée de société dirigeante. Certaines juridictions ne recon- naissent pas les directeurs prête-noms. En conséquence, une personne qui accepte un poste de directeur est soumis à tous les devoirs et obligations d’un directeur de plein droit (y compris les obligations fiduciaires), ce en dépit du fait qu’il ou elle agit comme simple prête-nom. Dans certaines juridictions, le prête-nom ne peut être indemnisé par le bénéficiaire final. Entreprise dirigeante : Désigne une société agissant comme, et exerçant les fonctions de, directeur d’une autre société. Entreprises et professions non-financières désignées : Ce terme désigne les casinos (y compris les casinos sur internet), les agents immobiliers, les négociants en métaux pré- cieux et en pierres précieuses, les avocats, les notaires, les autres professionnels indé- pendants de la comptabilité et du droit, ainsi que les sociétés de service financiers et fiduciaires. Fiducie (trust) : Cette construction juridique permet la séparation du propriétaire légal et du bénéficiaire effectif. C’est une structure par laquelle la propriété (réelle, tangible et intangible) est gérée par une personne pour le compte d’autres personnes. Une fiducie est créée par un ou plusieurs constituants qui confient des actifs à un ou des fiduciaires. Ces derniers jouissent du titre légal sur les actifs en fiducie, mais détiennent ces derniers pour le compte des bénéficiaires (habituellement spécifiés par les constituants disposant de ce que l’on appelle le titre de propriété effective.) Les fiduciaires ont une obligation à l’égard des bénéficiaires, qui sont les bénéficiaires finaux des actifs en fidu- cie. La fiducie n’est pas, en elle-même, une entité dotée de la personnalité juridique. Toute transaction menée par une fiducie l’est sous le nom des fiduciaires. Bien que ces derniers soient les propriétaires légaux, les actifs de la fiducie constituent des fonds séparés de leur patrimoine. Ainsi, ni les avoirs personnels ni la responsabilité des fidu- 228  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ciaires n’implique la fiducie, et les actifs de cette dernière sont isolés de tout créancier personnel des fiduciaires. Fiducie à but restreint : Dans ce type de fiducie, les fonds sont détenus par les fidu- ciaires pour remplir les buts prescrits et non pour le compte des bénéficiaires. Ces fiducies peuvent être de bienfaisance ou non, selon le pays. Les fiducies de protection d’avoirs sont des structures de ce type. Fondation : Une fondation est une entité juridique qui s’appuie sur des actifs qui lui ont été transférés pour financer un objet spécifique et qui n’a ni propriétaires ni action- naires. Les fondations sont généralement administrées par un conseil d’administration conformément aux termes des statuts ou d’un accord fondateur. Certaines juridictions restreignent le recours aux fondations aux objets d’intérêt public (fondations publiques) ; d’autres juridictions permettent leur établissement au service d’un objet privé (fonda- tions privées). Les juridictions de common law permettent généralement l’établissement de sociétés limitées par garantie (essentiellement équivalentes aux fondations des juri- dictions de droit civil), mais réglementées par statuts. Certaines de ces juridictions per- mettent également que des sociétés soient limitées par garantie tout en émettant des actions (sociétés hybrides). Ce type d’hybride fonctionne alors comme une fondation mais émet des actions comme une société. Lettre de souhaits  : [letter of wishes] Cette lettre, souvent rédigée dans le cadre de trusts, détaille les souhaits du constituant eu égard à la manière dont il veut que le man- dataire remplisse ses obligations, aux personnes dont il doit accepter des instructions, et aux personnes devant être les bénéficiaires du trust (ce qui peut inclure le constituant lui-même). Bien qu’une lettre de souhaits ne soit pas légalement contraignante pour le mandataire, ce dernier suit généralement les souhaits qui y sont exprimés. Mandat : Une procuration ou pouvoir dans les systèmes de common law, ou un mandat dans les systèmes de droit civil, est une autorisation d’agir pour le compte de quelqu’un en matière légale ou commerciale. La personne donnant l’autorisation s’appelle le prin- cipal ou le mandant (ou encore grantor ou donor en anglais) ; la personne autorisée à agir est l’agent, ou le mandataire, ou dans la plupart des juridictions de common law, l’attorney. Mandataire : Dans le cas d’un trust ou d’une fondation, le mandataire est la personne qui dispose du droit d’assurer légalement la gestion du trust ainsi que de saisir les tribu- naux le cas échéant. Pour les trusts de bienfaisance, le mandataire est généralement un officier de la loi respecté, comme le procureur général ou un titulaire d’une charge équi- valente. Pour les trusts dont l’objet n’est pas la bienfaisance, une personne distincte, responsable devant les tribunaux, est nommée. Personne morale : Le terme désigne toute entité sociale, fondation, institut, partena- riat, association, ou toute entité similaire susceptible d’établir une relation commerciale permanente avec une institution financière, ou qui détient des actifs. Propriétaire légal : Le propriétaire légal d’une construction juridique est la personne physique, l’entité juridique, ou la combinaison des deux, reconnue en droit comme pro- priétaire d’une construction juridique. Glossaire des termes financiers et relatifs aux constructions juridiques  I  229 Relation de mandat : Dans le cadre d’une relation de mandat, le mandant (normale- ment, le client) engage un mandataire pour qu’il s’acquitte de tâches conformément à un accord. Les relations entre mandataire et mandant peuvent inclure par exemple celles entre client et avocat, entre client et comptable, ou entre employé et employeur. Un mandataire peut créer une construction juridique, ou ouvrir un compte bancaire, ou fournir des services de gestion pour le compte du mandant, mais ne peut le faire pour son propre compte. A l’inverse d’un trust, il n’y a pas de transfert du titre de pro- priété des avoirs lors de l’établissement de la relation de mandat ; le titre légal des biens demeure au mandant. Société-coquille : Ce type de société n’a pas d’activité indépendante, d’avoirs significa- tifs, de transactions commerciales ou d’employés. Elles ne sont pas illégales et peuvent remplir des fonctions commerciales légitimes. Société Anonyme  : Les sociétés anonymes sont dotées d’une personnalité juridique séparée de celle de leurs actionnaires ou propriétaires. Le contrôle d’une société ano- nyme échoit généralement à un conseil d’administration, et les actionnaires disposent d’une capacité limitée à gérer la société directement. Les pouvoirs dont sont investis les actionnaires incluent généralement le droit à élire les directeurs, à participer aux assem- blées d’actionnaires et d’y voter, et à approuver les transactions extraordinaires qui ont pour résultat la vente effective de la société. Une société anonyme est typiquement constituée pour une durée illimitée. Dans la plupart des cas, les actionnaires d’une société anonyme ont une responsabilité limitée, ce qui signifie qu’ils ne sont responsables vis-à- vis de la société et de ses créanciers qu’à hauteur de leurs investissements. De nom- breuses juridictions offshore proposent l’enregistrement de sociétés étrangères / offshore et de sociétés commerciales internationales défiscalisées / exemptées de taxes. Les socié- tés étrangères ou offshore sont des sociétés dont le siège se trouve dans un autre pays, mais autorisées à exercer une activité commerciale dans le pays d’accueil. Les sociétés commerciales internationales défiscalisées ou exemptées de taxes sont des sociétés enre- gistrées dans le pays d’accueil mais qui ne sont pas autorisées à y exercer d’activité com- merciale. Elles obtiennent par ailleurs généralement une exemption fiscale. Société commerciale internationale défiscalisée (SCID) (international business cor- poration (IBC)) : Cette construction juridique, parfois appelée société exemptée, est la principale forme sociétale employée par les non-résidents dans les centres financiers offshore. Ce type de société a certaines des caractéristiques d’une société anonyme, mais n’a pas le droit d’exercer une activité commerciale dans son pays d’enregistrement et est généralement dispensée d’impôt et de taxes. Dans la plupart des pays, une SCID ne peut exercer d’activité dans les domaines de la banque, de l’assurance et des services financiers. Société étrangère / offshore  : Ces sociétés sont enregistrées dans un pays différent, mais autorisées à exercer une activité commerciale dans le pays d’accueil. Société à responsabilité limitée (SRL) (Limited Liability Company (LLC)) : Cette entité commerciale confère à ses propriétaires (on parle alors de ‘membres’) une responsabi- lité limitée. A l’inverse d’une société anonyme qui dispose d’une personnalité. 230  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Société de fiducie privée (private trust company (PTC)) : Cette entité est une société constituée dans le but expresse et exclusif d’agir comme mandataire d’un trust ou groupe de trusts, où chaque bénéficiaire du trust est une personne connectée au consti- tuant du trust, et où chaque constituant d’un tel trust est connecté à tout autre consti- tuant de tout autre trust auquel la société fournit des services de fiducie. Le terme «per- sonne connectée » désigne tous les liens constitués par le sang, le mariage ou l’adoption. Les sociétés de fiducie privées ne peuvent pas proposer de tels services ni les fournir au public. Normalement, une telle société sera administrée par un conseil composé à la fois de membres de la famille ou de leurs représentants et de professionnels compétents. Société de service en fiducie : Ce terme désigne toute personne ou toute société four- nissant un des services suivants à des tiers : le fait de servie d’agent fondateur pour une personne morale ; de servir (ou de permettre à une autre personne de servir) de direc- teur ou de secrétaire d’une société, d’associé d’une société en nom collectif, ou de titu- laire d’un poste similaire pour le compte d’une autre personne morale ; de fournir un bureau, une adresse commerciale ou autre accommodation, une adresse administrative ou de correspondance à une société, société en nom collectif ou tout autre personne morale ou construction juridique ; de servir de (ou de permettre à une autre personne de servir) de fiduciaire d’une fiducie à but restreint ; de servir (ou de permettre à une autre personne de servir) d’actionnaire prête-nom pour le compte d’une autre personne. Société en nom collectif : Une société en nom collectif réunit deux individus ou entités (ou plus) dans le but d’exercer une activité commerciale. A l’inverse des sociétés ano- nymes, ces sociétés sont des entités dans lesquelles au moins un (dans le cas de sociétés limitées) ou tous les associés (dans le cas de sociétés générales) ont une responsabilité illimitée eu égard aux obligations contractées par la société. Dans une société limitée, les associés ont une responsabilité limitée s’ils ne participent pas activement à la gestion ou s’ils n’obligent pas la société. Ces dernières années, certaines juridictions ont mis en place des sociétés en nom collectif à responsabilité limitée dans lesquelles les associés, indépendamment de leur participation à la gestion de la société, jouissent de la respon- sabilité limitée. Pour des raisons fiscales, ces sociétés sont souvent qualifiées de « socié- tés-tuyaux » qui permettent aux profits et pertes d’êtres distribués et taxés au niveau des associés. Société préconstituée : Ce terme est généralement utilisé pour décrire le cas où une société est constituée (avec des statuts et des actionnaires inactifs, des directeurs et secrétaires) puis laissée dormante dans le but d’être ultérieurement vendue. Lorsqu’elle l’est finalement, les actionnaires inactifs transfèrent leurs actions à l’acheteur, et les directeurs et secrétaires démissionnent. A ce stade, l’acheteur reçoit également l’histo- rique financier et fiscal de la société. Glossaire des termes financiers et relatifs aux constructions juridiques  I  231 Annexe C.  Exemple de rapport d’une cellule de renseignement financiert Cellule de renseignement financier A : Le chef de la police, le bureau du procureur, ou autre autorité compétente De : Le directeur, cellule de renseignement financier Date : 1er Mars 2010 Sujet : Fonds de bienfaisance John Smith STRICTEMENT CONFIDENTIEL Ce document est confidentiel est doit être considéré comme contenant des informa- tions financières sensibles à l’usage des autorités de poursuite. Les données contenues dans ce document ne doivent être utilisées qu’à fins de renseignement ; elles ne doivent être ni diffusées ni divulguées, en partie ou en totalité, à aucune personne, administration ou organisation ; et elles ne peuvent être utilisées dans une quelconque procédure judiciaire ou administrative sans le consentement préalable de la cellule de renseignement financier. Ce dossier a été ouvert par la cellule de renseignement financier (CRF) après qu’elle eut reçu une déclaration de transaction suspecte (DTS) indiquant l’existence d’irrégularités sur un compte lié au Fonds de Bienfaisance John Smith. Ces irrégularités suggèrent que le Fonds de Bienfaisance John Smith peut être impliqué dans de possibles activités tombant sous le coup des lois anti-blanchiment ou d’autres dispositions du Money Laundering Act. Le 25 janvier 2010, la CRF reçoit une DTS au sujet de transactions suspectes autour du Fonds de Bienfaisance John Smith. La CRF découvre que le compte bancaire numéro 17026557 est impliqué dans environ 48 transactions suspectes portant sur des mon- tants de 9.000 dollars (USD) chacune. Ce compte appartient à une organisation non-gouvernementale (ONG) nommée le Fonds de Bienfaisance John Smith. Cette ONG avait été enregistrée sous le nom de Fonds de Bienfaisance John Smith et s’était vue attribuer le numéro 5110282 le 23 mars 2007 au titre du règlement 1985, section 18 relatif à l’enregistrement et au fonctionnement des ONGs. Le certificat d’enregistrement porte le numéro de série 99951. L’adresse fournie par cette ONG est 100 Palm Street, Smithville, îles Smith, numéro de téléphone 255-401-050, numéro de fax 251-401-202. L’activité générale de cette ONG est précisée dans les documents d’enre- gistrement comme de « développer les dons provenant des citoyens, des institutions et des organisations non-gouvernementales des îles Smith, et d’organiser des concerts, des pièces de théâtre et des rencontres sportives ». Cette ONG a trois fondateurs : 1. Robert FRANK, né le 1er mai 1970 à Jonesville, îles Smith ; numéro d’identité ID 1000718145  ; adresse 195 Palm Street, Smithville  ; numéro de téléphone 255-505-233 ; actuel ministre des sports et du jeu ; membre du parti politique de l’Alliance pour les îles Smith (AIS) ; premier cousin de l’actuel Premier Ministre, Thomas MARK. 2. Betty FRANK, née le 17 mai 1975 à Jonesville, îles Smith  ; numéro d’identité ID 10009875847  ; adresse 195 Palm Stree, Smithville  ; numéro de téléphone 255-211-440 ; email betty.frank@gmail.com ; conjointe de Robert FRANK. 3. Anthony SMITH, né le 14 juin 1965 à Marksville, îles Smith ; numéro d’identité ID 1000719109 ; adresse 8097 Yankee Way, Marksville  ; numéro de téléphone 255-540-050 ; email tony.smith@gmail.com ; mandataire des comptes bancaires du Fonds de Bienfaisance John Smith à la Peoples Bank, à la Mountain Bank et à la River Bank ; homme d’affaires, co-propriétaire de Smithville Brewery ; second cousin de Robert FRANK ; actuel conseiller du Premier Ministre Thomas MARK, et trésorier du parti politique de l’Alliance pour les îles Smith (AIS). Compte numéro 17026557 ouvert à la Peoples Bank. La Peoples Bank abrite le compte susmentionné, No. 17026557. Entre le 31 mars 20008 et le 3 janvier 2009, ce compte a enregistré un cash flow total de 733.987,52 dollars (USD). C’est Anthony SMITH qui a signé les ordres de dépôt suspects. A au moins 3 occasions, SMITH s’est rendu à la Peoples Bank avec plusieurs centaines de milliers de dollars (USD) en coupures de 100 dollars (USD) flambant neuves et en liasses de 100 coupures chacune. Il a informé les officiels de la banque que cet argent constituait des dons effectués au Fonds de Bienfai- sance John Smith par plusieurs personnes, et qu’il était là pour déposer ces sommes sur le compte du fonds. A chaque occasion, il procéda a plusieurs dépôts, le plus souvent pour un montant de 9.000 dollars (USD) (bien que quelques dépôts aient porté sur des sommes plus petites), signant chacun d’entre eux sous son propre nom. A ce jour, aucune information n’est disponible sur la source réelle de l’argent déposé. Entre le 19 août 2008 et le 24 juin 2009, un montant total de 492.000 dollars a été déposé sur ce compte, pour l’essentiel en 48 dépôts de 9.000 dollars (USD) chacun. L’argent fut déposé comme suit : 234  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Date Nombre de dépôts Valeur / dépôt en dollars (USD) 08/19/2008 5 9.000 09/05/2008 20 9.000 09/05/2008 1 10.000 09/05/2008 3 5.000 09/06/2008 20 9.000 09/06/2008 7 5.000 09/20/2008 2 9.000 10/03/2008 1 9.000 Il y eut environ 59 transactions sur le compte du fonds. La plupart des 48 dépôts en espèces (environ) portèrent sur un montant de 9.000 dollars (USD) et furent effectués par un seul individu. L’ONG Fonds de Bienfaisance John Smith a ouvert des comptes dans toutes les banques présentes aux îles Smith. Anthony SMITH est mandataire pour tous les comptes. Depuis le 1er janvier 2008, le cash flow total sur ces comptes atteint environ 1.766.039,47 dollars (USD). Exemple de rapport d’une cellule de renseignement financiert  I  235 Annexe D.  Planification et exécution d’un mandat de perquisition et de saisie •  Identifier les avoirs sur les comptes bancaires et prendre les mesures nécessaires pour éviter leur dissipation, soit avant la perquisition soit simultanément (par exemple, au moyen d’une décision de saisie). •  Identifier le type de lieu perquisitionné, par exemple une résidence ou une société. •  Déterminer la probabilité que des personnes extérieures à l’affaire soient présen- tes et planifier en conséquence. Eviter les heures de bureau les plus chargées, si la chose est possible. •  Envisager la fermeture de la société pendant l’exécution du mandat, si la chose est appropriée. •  Déterminer le nombre d’agents requis pour la conduite d’une perquisition com- plète et sûre. •  Prendre les précautions nécessaires pour maintenir l’intégrité de l’opération. Ne pas permettre aux suspects d’apprendre l’imminence d’une perquisition. •  Exécuter le mandat conformément à l’autorisation accordée, c’est-à-dire pendant les heures de bureau normales. •  Si la loi le permet et si la chose est utile à l’enquête, envisager l’exécution du man- dat hors des heures de bureau normales. •  Déterminer si le lieu est protégé par un système d’alarme ou par des gardes armés, des caméras, des maîtres-chiens, ou autres. Planifier l’opération en conséquence. •  Procéder à un briefing détaillé pour tous les agents impliqués dans l’exécution du mandat. •  Inclure dans ce briefing tout renseignement pertinent au sujet du ou des suspects et des lieux à perquisitionner. •  Fournir des cartes, des diagrammes ou toute autre représentation pertinente du ou des lieux à perquisitionner, si l’information est disponible. •  Assigner un rôle à chaque agent impliqué dans l’exécution du mandat. Cette tâche revient à l’enquêteur en chef. Certains de ces rôles incluent : ° Une équipe d’entrée pénètre la première sur les lieux et les sécurise de façon à permettre aux autres agents d’effectuer une perquisition sûre et complète. Cette équipe doit déconnecter les lignes de téléphone aussitôt après être arri- vée sur les lieux. ° Une équipe de périmètre peut être utile en cas de perquisition à mener dans un environnement hostile. Ces agents assurent la sécurité dans la zone et per- mettent à l’équipe de recherche d’effectuer une perquisition sûre et complète. ° Les agents de recherche travaillent par équipes de deux, si possible, pour aider à éviter ou à réfuter toute accusation de fabrication de preuves. L’enquêteur en chef peut identifier les emplacements spécifiques à fouiller par chaque équipe. ° Un photographe ou caméraman enregistre l’exécution du mandat et filme ou photographie les endroits ou sont trouvées les preuves. Lorsque la chose est appropriée, il faut prendre soin d’indiquer l’échelle lors de la prise des photos, en plaçant par exemple une règle graduée ou un objet de taille connue à côté des objets photographiés. ° Un gardien des preuves reçoit et enregistre toutes les preuves découvertes et saisies par les agents de recherche, garantissant ainsi l’intégrité de la chaîne de contrôle. ° Une équipe d’interrogation, qui inclut l’enquêteur en chef, doit être choisie dès le stade de la planification. Si les suspects sont présents et acceptent d’être interrogés, les questions doivent leur être posées dans un lieu adéquat qui n’interfère pas avec la perquisition en cours. ° Un spécialiste en informatique légale peut se révéler utile dans la collecte et la sécurisation des preuves. Les données électroniques et informatiques doivent être collectées de manière à éviter leur disparition, leur destruction ou leur dégradation, ainsi qu’à éviter de potentielles accusations émanant de suspects et selon lesquelles les données auraient été manipulées par la police (par exemple, en préparant une copie « miroir » des données saisies). S’il n’existe pas d’expert en informatique légale dans l’unité chargée de l’enquête et dans les unités associées, l’enquêteur doit envisager de souscrire à ce type de services auprès de prestataires privés ou en demandant l’aide d’autres juridictions qui disposent de cette capacité. 238  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Annexe E.  Exemple de document à envoyer aux institutions financières dans le cadre d’une injonction de communiquer Document enjoignant la BANQUE ABC à communiquer des informations et devant être délivré a un représentant autorisé de la BANQUE ABC. Re : Enquête portant su •  Le compte bancaire numéro 12345678 à la BANQUE ABC au nom de Jean Dupont •  La société XYZ enregistrée dans le Delaware, Etats-Unis ; dont l’agent est enregis- tré à Douglas, Ile de Man ; et un bureau à Londres, Royaume-Uni. •  Les bénéficiaires finaux des comptes ou des fonds liés aux personnes et entités ci-dessus. L’injonction de communiquer des documents Conformément à [la loi applicable], le représentant autorisé de la BANQUE ABC se voit ordonner de communiquer les documents identifiés ci-après au [bureau du procureur, juge, magistrat instructeur ou autre autorité appropriée] à la date du [date]. Tout refus ou incapacité volontaire à obéir à cette injonction de communiquer constitue une infrac- tion punie par une amende, une peine de prison, ou les deux. [Dans les systèmes judiciaires où la loi l’autorise] la BANQUE ABC a interdiction de divulguer à quiconque étranger à la BANQUE ABC l’existence de la présente injonc- tion, l’identité des individus concernés par elle, ou les documents dont la communica- tion est ordonnée. Elle a également interdiction de divulguer toute information  communiquée au [bureau du procureur, juge, magistrat instructeur, ou autre autorité appropriée] jusqu’à nouvel ordre. Cette injonction couvre la période comprise entre le [date] et le [date], ou commen- çant à la date de réception de la présente injonction par la BANQUE ABC. L’injonction couvre tous les documents liés aux individus, entités juridiques et béné- ficiaires finaux dont la liste est fournie ci-dessus, soit individuellement soit en combi- naison avec tout autre individu ou toute autre entité juridique ; et les documents rele- vant des comptes bancaires pour lesquels ces individus sont ou ont été mandataires ou titulaires d’un pouvoir de signature, ou l’autorité habilitée à effectuer des transactions. Cela inclut les opérations suivantes sans s’y limiter : Ouverture de compte, identification du client et instructions 1. Documents d’ouverture de compte pour tout service dans tout secteur d’activité fourni par la BANQUE ABC incluant sans s’y limiter toute filiale et institution  correspondante  ; et, si applicable, les documents de clôture relatifs à tous les comptes liés aux individus et entités juridiques dont la liste est dressée ci-dessus. Pour la société XYZ, les documents doivent inclure les statuts, les débats relatifs aux décisions du conseil d’administration et leurs minutes, les accords d’association, les mandats, et les cartes de signature (recto et verso) liés à toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus. 2. Relevés de banque, relevés périodiques et états des comptes pour toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus. 3. L’identité du bénéficiaire final de tout compte lié à toute personne mentionnée ci-dessus, ainsi que les documents dans lesquels apparaissent ces informations. Cela doit inclure sans s’y limiter toute documentation connexe versée par la  partie contractante ou le bénéficiaire final, ou préparée par toute institution financière, employé, ou tiers pour le compte de la partie contractante ou du béné- ficiaire final. 4. Les informations obtenues par la BANQUE ABC et liées à l’identification et la vérification de toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus. 5. Les numéros nationaux d’identité, identifiants fiscaux, identifiants bancaires, date et lieu de naissance, et tout numéro de référence ou méthode (autre que le numéro du compte) utilisé par la BANQUE ABC pour identifier toute personne ou béné- ficiaire final mentionné ci-dessus. 6. Pour toute personne mentionnée ci-dessus, tout contrat portant sur la location d’un coffre de banque, l’identité de toutes les personnes ayant accès au coffre, les documents portant mention des dates auxquelles le coffre a été ouvert, et toute vidéo ou enregistrement montrant les personnes autorisées en train d’accéder à la salle des coffres. 7. Instructions du client relatives à quand et comment les relevés de compte doivent être envoyés ; et les instructions du client relatives aux contacts entretenus entre lui et la BANQUE ABC par moyens postaux, électroniques ou téléphoniques. 8. L’identité de tout employé de la BANQUE ABC qui exerce ou a exercé une quel- conque responsabilité en lien avec les comptes de toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus. 9. Tous relevés de dépenses portant sur des appels téléphoniques locaux ou longue- distance, y compris les factures téléphoniques  ; et tous les relevés de dépenses portant sur d’autres services de communication, télex et courrier et effectuées par, ou au nom de, toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus. Dans chaque cas où un contact a été établi, le représentant de la banque ayant eu ce contact doit être identifié ; et toutes notes, documents et informations donnés ou reçus au cours d’un tel contact, ou la trace de l’envoi ou de la réception de colis, de lettres, de fax et d’emails, doit aussi être communiqué. 240  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Documentation relative à l’obligation de vigilance 10. Les documents relatifs à l’exercice de l’obligation de vigilance et de la connais- sance du client préparés par la BANQUE ABC sur toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus. 11. Dans les cas ou une personne liée à une transaction, un compte, un virement, un message SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunica- tions), ou toute autre action identifiée par cette injonction a été identifié par la BANQUE ABC comme un bénéficiaire final ou une personne politiquement exposée (PEP) (comme défini par les procédures et règlements de votre banque), fournir : a. Tous les fichiers relatifs à l’obligation de vigilance et de vigilance accrue créés par la banque ; b. Les documents identifiant les règlements et alertes intégrés à votre système de traitement et de vérification pour identifier et isoler les transactions liées aux clients, aux comptes, aux PEPs identifiés, aux autres agents publics, à ceux ayant récemment quitté des fonctions sensibles, et aux bénéficiaire finaux  ; et les documents liés à toute transaction ou question ayant déclenché une alerte ; et c. L’identité de tout employé de la BANQUE ABC en charge des fichiers relatifs à l’obligation de vigilance et les systèmes d’alerte concernés par cette injonction. Virements entrant et sortant et documents connexes 12. Les documents liés aux virements entrants et sortants, internes et internationaux (par exemple par Fedwire, CHIPS ou CHAPS) pour ou pour le compte de toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus, incluant sans s’y limiter les formulaires d’ordre de virement, les évaluations et avis consultatifs et de confir- mation, aux mémos de débit, aux enregistrements et archives internes. 13. Les documents liés aux messages SWIFT émis par, arrivant à, ou passant par la BANQUE ABC et toute institution intermédiaire ou correspondante liée, pour ou pour le compte de toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus, en incluant sans s’y limiter : a. Les messages SWIFT, incluant sans s’y limiter les messages SWIFT MT 100, MT 103, MT 202, MT 202 Cov, MT 199 et MT 299 et tout autre message SWIFT (dont ceux relatifs à des sûretés ou transactions commerciales) ; b. Les fax, emails ou instructions téléphoniques ; les formulaires de demande de virement ; les avis consultatifs ; les avis de confirmation ; les mémos de débit ; les enregistrements ; les archives internes ; et c. Tout « élément à rectifier » ou virement ou message SWIFT rejeté ; et tout document lié à la rectification et à la retransmission des virements ou  messages SWIFT liés aux personnes, entités légales et bénéficiaires finaux mentionnés ci-dessus. Exemple de document à envoyer aux institutions financières dans le cadre d’une injonction de communiquer  I  241 14. Les codes d’identification bancaire SWIFT (BICs) pour la BANQUE ABC, y-com- pris ses différents secteurs d’activité (par exemple, la banque privée), filiales et succursales pour lesquelles les codes diffèrent du code BIC principal. 15. Tous les noms par lesquels la BANQUE ABC et ses filiales sont identifiées. Transactions de compte 16. Les documents liés aux fonds qui ont été déposés ou sortis de tout compte à la BANQUE ABC lié à toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus, incluant les ordres de clients, les reçus de dépôts, les bordereaux de dépôt (recto et verso), les reçus de retrait et chèques annulés (recto et verso), les mémos de crédit et de débit, les transferts comptables et les reçus de transfert interbancaire liés à toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus. 17. Les documents envoyés à, ou reçus de, toute institution financière intermédiaire ou correspondante et liés à toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus. Autres transactions 18. Les copies des certificats de dépôt, incluant les paiements des intérêts, les données relatives aux amortissements, et les modalités de réinjection des produits concer- nant toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus. 19. Les archives des achats ou ventes de bons au porteur et autres sûretés par toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus. 20. Les documents relatifs à l’achat de mandats bancaires, de chèques de banque et autres instruments bancaires, ainsi que les chèques qui ont été acquis par ou pour le compte de toute personne ou bénéficiaire final mentionné ci-dessus. Déclarations effectuées par la BANQUE ABC à la cellule de renseignement financier (lorsque la chose est permise) 21. Les rapports relatifs aux transactions sur devises ayant trait en quelque manière que ce soit aux personnes ou bénéficiaires finaux mentionnés ci-dessus. 22. Les rapports relatifs aux instruments monétaires et fiduciaires ayant trait en quelque manière que ce soit aux personnes ou bénéficiaires finaux mentionnés ci-dessus. 23. Les déclarations d’activité ou de transaction suspecte effectuées, en lien de quelque manière que ce soit avec les personnes ou bénéficiaires finaux mention- nés ci-dessus. Inclure tous les documents additionnels pouvant être en lien avec l’infraction commise. 242  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Définitions et instructions A. Les termes « BANQUE ABC » et « société XYZ » désignent les entités commer- ciales auxquelles cette injonction est adressée. Cela inclut toutes les filiales des deux entités, leurs joint-ventures, sociétés subsidiaires, divisions et ayant-droits ; et tous les anciens directeurs, cadres, partenaires, employés, agents présents et passé, et les autres personnes prétendant avoir agit pour le compte des personnes et entités susnommées. B. Le terme « document(s) » désigne tout matériau écrit ou imprimé de tout type, formel ou informel, y compris les originaux et leurs copies non-identiques (que cette différence résulte d’annotations effectuées sur ces copies ou d’autres raisons) qui est en possession, sous la garde ou le contrôle de la société, où qu’il se trouve, et incluant sans s’y limiter les papiers, échanges de lettres, mémorandums, notes, journaux, matériaux statistiques, lettres, télégrammes, minutes, contrats, rap- ports, études, chèques, relevés, reçus, déclarations, résumés, pamphlets, livres, communications internes et externes, propositions, retranscriptions de tout type de conversation, appels téléphoniques, réunions et autres communications,  bulletins, évocation de toute question de crédit, données informatiques impri- mées, disques durs, disques flash, disques durs amovibles, clés USB, disquettes, bases de données client et serveur, télétypes, télex, factures, tableaux ; et tous les brouillons, altérations, modifications, changements et amendements de toute nature et de tout type concernant les éléments sus mentionnés. Doivent égale- ment être inclus tous les enregistrements visuels ou sonores et représentations de tout type, cassettes vidéo, enregistrements audio et films  ; tout enregistrement électronique, mécanique ou électrique, y compris et sans s’y limiter, les bandes, cassettes, disques, enregistrements et films. C. Le terme « document(s) » désigne aussi tout contenant, dossier ou autre volume portant toute marque ou identification et dans lequel d’autres « documents » sont conservés ; mais il n’inclut par les armoires et cabinets à dossiers. Dans tous les cas où un original ou une copie non-identique de l’original ne sont pas en posses- sion, à la charge ou sous le contrôle de l’entité légale à laquelle s’adresse cette injonction, le terme « document(s) » doit inclure toute copie de l’original ainsi que toute copie non-identique. D. Le terme « et » doit être interprété comme incluant « ou », et vice-versa. E. Le terme « personne » désigne toute personne physique, entité légale, entreprise individuelle, société anonyme, société en nom collectif, joint venture, association à but non lucratif et administration ; ou toute division, filiale, cadre, directeur, employé, agent ou autre représentant de ces dernières. F. Le terme « bénéficiaire final » inclut toute(s) personne(s) physique(s) qui, ultime- ment, possède ou contrôle un client et / ou la personne au nom de laquelle la transaction est effectuée. Il inclut également les personnes qui exercent le contrôle effectif ultime sur une personne morale ou une organisation, ainsi que les tiers pertinents. Exemple de document à envoyer aux institutions financières dans le cadre d’une injonction de communiquer  I  243 G. Le terme « identité » désigne le nom complet, y compris les second et troisième prénoms et middlenames ; la date de naissance ; le lieu de naissance ; le numéro de carte d’identité ou de passeport ; l’ensemble des postes occupés en cours de car- rière ; les dates d’emploi ; les responsabilités et devoirs assumés à chaque poste ; la date de fin d’emploi, si pertinent ; et les raisons pour lesquelles il a été mis fin à cet emploi. H. « Agent public » désigne (1) toute personne détentrice d’une charge législative, exécutive, administrative ou judiciaire, qu’elle ait été nommée ou élue, de façon permanente comme temporaire, à titre bénévole ou contre rémunération, indé- pendamment de son niveau d’ancienneté  ; (2) toute autre personne qui exerce une fonction publique, y compris pour une administration ou une compagnie publique, ou qui fournit un service public. I. Les termes « transferts » et « virements » désignent toute transaction exécutée pour le compte d’une personne via une institution financière et par des moyens électroniques, dans le but de rendre disponible une somme d’argent pour un bénéficiaire associé à une autre institution financière. L’émetteur et le bénéficiaire peuvent être la même personne. J. «  Virement international  » désigne tout virement pour lequel les institutions émettrices et bénéficiaires sont situées dans des pays différents. Le terme désigne aussi toute chaîne de virements qui implique au moins un élément transfrontalier. K. « L’émetteur » est le titulaire du compte bancaire ; lorsqu’il n’existe pas de compte, l’émetteur est la personne donnant l’ordre à l’institution financière. L. « SWIFT » désigne la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunica- tions. M. « CHIPS » désigne le Clearing House Interbank Payments System. N. « Fedwire » désigne le système de transfert de fonds électronique détenu et géré par la Federal Reserve américaine. O. « CHAPS » désigne le Clearing House Automated Payments System, qui permet des transferts de fonds quotidiens en livres sterling et en euros. Opposition d’un privilège Si un quelconque document est retenu par la BANQUE ABC au nom d’un privilège, y compris du privilège entre client et avocat, la BANQUE ABC doit fournir pour chacun de ces documents un échéancier précisant la date ; le nom et le titre de l’auteur, du des- tinataire et du bénéficiaire ; et un descriptif, ainsi que la nature du privilège invoqué, le fondement au nom duquel il est invoqué, et le paragraphe de cette injonction auquel chaque document répond. Identifier les documents Pour faciliter la manipulation des documents produits conformément à cette injonc- tion, pour préserver leur identité, et pour garantir leur restitution précise et rapide, il est requis que chaque document se voir attribuer un numéro d’identification et que les 244  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis documents soient ainsi numérotés consécutivement. Seule la première page des docu- ments reliés comportant plusieurs pages doit se voir ainsi numéroter ; et le nombre total de pages de chaque document doit également être noté. Les documents doivent demeu- rer à l’intérieur du dossier dans lequel ils se trouvaient au moment où cette injonction a été reçue. Ces dossiers doivent également être numérotés comme s’ils constituaient eux-mêmes des documents. Dans chaque dossier, les documents doivent demeurer dans le même ordre que celui dans lequel ils se trouvaient au moment où cette injonc- tion a été reçue. Les documents comportant plusieurs pages doivent demeurer intacts. Communication des documents La personne devant comparaître devant le tribunal ou le procureur en réponse à cette injonction doit être pleinement informée de la recherche effectuée par la BANQUE ABC en réponse à cette injonction, ainsi qu’être en mesure d’identifier les documents comme authentiques. Si cette personne n’était pas compétente eu égard à ces deux exi- gences, il appartiendrait à la BANQUE ABC de nommer les personnes additionnelles nécessaires pour comparaître à la même date et à la même heure. Les documents existant sous forme électronique doivent être communiqués électro- niquement et accompagnés d’une copie papier certifiée par les archives de la BANQUE ABC comme était une copie fidèle et précise de l’original électronique. Tous les docu- ments électroniques doivent être communiqués sous une forme raisonnablement utili- sable et consultable même en l’absence de logiciels spécialisés. Originaux requis Cette injonction requiert la communication des originaux de tous les documents ici exigés, à l’exception des cas particuliers notés plus bas. La communication de photoco- pies à la place des originaux demandés ne satisfera pas à la présente injonction. Exemple de document à envoyer aux institutions financières dans le cadre d’une injonction de communiquer  I  245 Annexe F.  Méthodes de paiement sériel et de couverture dans les transferts de fonds électroniques Les messages passant par la Society for Worldwide Interbank Financial Telecommuni- cations (SWIFT) font partie intégrante de la communication bancaire de correspon- dance entre les institutions financières qui ne disposent pas entre elles de relations de compte directes. SWIFT a mis au point des formats de messagerie fixes pour les deux méthodes de traitement des paiements utilisées entre de telles institutions : la méthode sérielle (ou séquentielle) et la méthode de couverture. Avec la méthode de paiement sériel, comme détaillé par l’illustration F.1, un virement est effectué par l’institution financière de l’envoyeur via une banque correspondante puis vers l’institution du client bénéficiaire. Les étapes de ce processus sont dites séquen- tielles en cela que la vérification et le règlement sont réalisés directement et à chaque étape. De cette façon, les informations relatives aux clients et au paiement peuvent être conservées au cours du processus. Le format de messagerie SWIFT applicable pour un tel virement est dit « MT 103 » - code désignant un ordre de paiement direct effectué à une banque bénéficiaire et qui contient les informations relatives à l’envoyeur ainsi qu’au bénéficiaire. Les MT 103 sont le format de messagerie le plus utilisé sur le réseau SWIFT, constituant 15% du volume total de messages transitant sur ce dernier. La méthode de paiement de couverture utilise également des banques correspondantes comme intermédiaires pour les transferts entre deux banques distinctes. Cependant, et comme le montre l’illustration F.1, l’absence de relations bancaires directes exige le recours à des comptes correspondants entre les banques pour faciliter le règlement. Dans ce cas, la banque envoyeuse peut ordonner directement à la banque bénéficiaire d’effectuer un paiement au client et de notifier le fait que le transfert de fonds destiné à « couvrir » l’obligation de paiement a été effectué par le biais d’un autre correspondant, dans l’hypothèse où n’existe aucune relation entre les banques correspondantes de la banque envoyeuse et de l’institution bénéficiaire. De cette manière, le client bénéficiaire peut typiquement voir son compte crédité par sa propre banque avant l’exécution du règlement interbancaire, en particulier lorsqu’existe une relation commerciale bien éta- blie. Les paiements de couverture sont aussi utilisés fréquemment pour réduire les coûts généraux de la transaction et les délais des transactions commerciales entre chambres de compensation. Dans le contexte des messages SWIFT, l’ordre banque-à-banque envoyé à une banque correspondante pour couvrir l’obligation de payer la banque bénéficiaire finale contrac- tée par la banque à l’origine du virement est exécuté au moyen d’un MT 202. Ces messages sont principalement utilisés pour couvrir les paiements et règlements entre Méthodes de paiement sériel ou séquentiel et de ILLUSTRATION F.1 couverture Chaîne de paiement sériel / séquentiel Client Client Envoyeur bénéficiaire Banque Banque Banque MT 103 correspondante MT 103 correspondante MT 103 Banque d’origine de la banque de la banque bénéficiaire d’origine bénéficiaire Lieu : pays A Lieu : pays B Lieu : pays C Chaîne de paiement de couverture Client Client Envoyeur bénéficiaire Banque MT 103 Banque d’origine bénéficiaire Banque Banque a correspondante MT 202 correspondante MT 202 MT 9xx de la banque de la banque d’origine bénéficiaire Lieu : pays A Lieu : pays B Lieu : pays C Source: adapté de Basel Committee on Banking Supervision, “Due Diligence and Transparency Regarding Cover Payment Messages Related to Cross-Border Wire Transfers� (May 2009), p. 3. a. Ici, on peut avoir à la place un système de compensation local. institutions financières (par exemple, les transactions sur le marché des devises, le paie- ment d’intérêts, etc.) Il est important de remarquer qu’une banque correspondante qui reçoit une instruction de paiement de couverture MT 202 ne reçoit pas un MT 103, ce qui implique que cette banque est incapable de surveiller ou de filtrer les détails du paiement contenus dans un MT 103 ou de déterminer la raison du transfert (c’est-à- dire, paiement de couverture ou règlement inter-banque). Pour cette raison, il est important qu’un enquêteur obtienne l’ensemble des MT 103 entrants et sortants qui sont liés à un paiement de couverture. 248  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ENCART F.1 Dissimuler les informations relatives au client envoyeur Pour dissimuler les informations relatives à l’envoyeur, les virements peuvent contenir des informations incomplètes, des chaines de caractères dépourvues de signification, ou de faux noms de clients (comme par exemple « Mickey Mouse »). D’après le Basel Committee on Banking Supervision, « lorsque des champs sont manifestement dépourvus de signification ou incomplets, les solu- tions peuvent inclure, par exemple, (i) contacter la banque d’origine ou des banques intermédiaires précédentes de façon à clarifier ou compléter les infor- mations reçus pour les champs requis ; (ii) envisager (dans le cas d’incidents répétés impliquant le même correspondant, ou si un correspondant refuse de fournir des informations complémentaires) si oui ou non la relation avec la banque intermédiaire correspondante ou précédente doit être interrompue : les banques devraient en effet déclarer de telles situations à leurs autorités de tutelle ; et / ou (iii) effectuer une déclaration d’activité suspecte auprès des autorités locales, lorsque la situation correspond à la définition locale de conditions de déclara- tion. » a Ces actions contribuent à créer des archives bancaires internes qui aideront les enquêteurs à « tracer » et à révéler les fonds blanchis. Note : a. Basel Committee on Banking Supervision, “Due Diligence and Transparency Regarding Cover Payment Messages Related to Cross-Border Wire Transfers� (May 2009), para. 30. ENCART F.2 Surveiller les archives des institutions financières En règle générale, les institutions financières utilisent deux types de surveillance relative aux virements : 1. Filtre des sanctions. De manière automatique et en temps réel, le sys- tème lit les informations relatives à l’envoyeur, au bénéficiaire et au paie- ment ; il passe ensuite en revue la liste des Nations Unies et d’autres listes de sanctions à la recherche d’une occurrence. S’il en trouve une, le message sera mis de côté pour être examiné ; soit le paiement est ensuite autorisé et traité, soit la cellule de renseignement financier (ou autre auto- rité compétente) est informée. L’ensemble du processus laisse des traces papier et électroniques que les enquêteurs devraient obtenir de la banque et examiner. 2. Surveillance a postériori. Effectuée après transmission, cette démarche utilise une approche basée sur le risque pour mettre à jour des activités récurrentes qui apparaissent inhabituelles ou potentiellement suspectes. Ce processus laisse lui aussi des traces que les enquêteurs devraient obte- nir et examiner. Méthodes de paiement sériel et de couverture dans les transferts de fonds électroniques  I  249 Un nouveau standard de paiement (MT 202 COV) Le Groupe d’Action Financière (GAFI) ne s’est intéressé qu’aux paiements séquentiels directs (dits SWIFT MT 103) dans lesquels (comme envisagé dans la recommandation spéciale VII du GAFI sur les virements bancaires) l’information envoyée à une institu- tion bénéficiaire transite en même temps que le virement par divers intermédiaires. Le GAFI ne s‘est pas attaqué aux scénarios de paiement de couverture dans lesquels l’infor- mation relative au paiement accessible à l’institution financière envoyeuse n’est pas communiquée aux banques correspondantes impliquées dans l’exécution des paie- ments. En conséquence, et en particulier dans le contexte des transferts de fonds inter- nationaux, le recours à de multiples institutions financières et la nécessité de compter sur des relations interbancaires pour faciliter les virements au nom d’un client vers un bénéficiaire situé ailleurs (souvent dans un autre pays) ont pu susciter des inquiétudes eu égard à la préservation et à la transparence des informations ainsi qu’à de possibles implications pour le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (voir l’encart F.1 pour de plus amples informations à ce sujet). En tant que leader des communications interbancaires globales, et dans le but de stan- dardiser les pratiques de messagerie relatives aux paiements de couverture pour les virements internationaux, SWIFT a développé de nouveaux standards qui s’appliquent à tous les paiements de couverture. Ces standards sont entrés en vigueur en novembre 2009. Le nouveau MT 202 COV, qui est simplement une variante du MT 202, vise à permettre une plus grande transparence en rendant toutes les informations relatives aux paiements dont disposent les institutions d’origine accessibles aux autres institu- tions impliquées dans le processus de paiement. Le MT 202 COV, qui doit désormais être utilisé pour tous les paiements de couverture, duplique certains champs d’information du MT 103 (comme les champs d’information sur l’envoyeur et le bénéficiaire). Le MT 202 peut encore être utilisé pour les paiements de règlement interbancaire, mais pas pour les paiements de couverture. La création de ce nouveau standard exige désormais des institutions financières, et en particulier des banques correspondantes, d’appliquer des procédures de surveillance basées sur le risque aux informations relatives aux clients et aux paiements auxquelles elles n’avaient auparavant pas accès. Bien que le MT 202 COV rende obligatoire l’inclusion de toutes les informations rela- tives à l’identification des clients et des institutions financières, il est important de noter que SWIFT ne joue aucun rôle dans la validation ou l’application du standard. Cette responsabilité incombe aux institutions-membres elles-mêmes. Le système SWIFT rejettera tout virement pour lequel les champs concernant l’envoyeur et le bénéficiaire sont vierges ; cependant, il est incapable de déterminer si les informations saisies dans ces champs contiennent des données fausses ou incomplètes. L’encart F.2 décrit deux manières pour les institutions financières de transmettre les informations relatives à un virement. 250  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Annexe G.  Exemple de formulaire de profil financier Profil financier Nom de famille Numéro de référence Prénoms Alias Date de naissance Addresse Commercial Drogues Officier en charge du dossier pénal . . . . . . . . . Equipe / Service    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tel    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Enquêteur financier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Equipe / Service    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tel    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Avocat pour le dossier pénal . . . . . . . . . . . . . . . . Tel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fax . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conseil pour le dossier pénal  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  Tel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fax . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Avocat pour le volet financier  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fax . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Conseil pour le volet financier .  . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fax . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Expert comptable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Fax . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Profil financier – Index et liste des éléments Première partie : profil financier personnel Espèces et objets de valeur saisis Comptes bancaires Autres comptes en banque et d’épargne Epargne sur le territoire national Obligations à prime Actions ACTIF Fonds en fiducie d’investissement Assurances-vie et à capital différé Véhicules à moteur Bateaux, caravanes, etc. Autres Valeur des dons effectués à des tiers Cartes de crédit Cartes de magasin Accords de crédit Pensions PASSIF Jugements, amendes, déchéances antérieures Autres dettes Découverts Solvabilité personnelle Emploi REVENU Emploi antérieur DECLARE Détails de l’impôt sur le revenu Autres sources de revenu de la propriété Détail des biens immobiliers Occupants Biens immobiliers loués Biens immobiliers détenus BIENS Valeur IMMOBILIERS Hypothèques Autres charges sur les biens immobiliers Redevances (baux) Intérêts des tiers Contenu des habitations 252  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Impôts locaux Eau CHARGES SUR Electricité LES BIENS Gaz IMMOBILIERS) Téléphone Téléphone mobile Assurances sur les biens immobiliers Deuxième partie : profile financier et commercial Comptes bancaires Véhicules à moteur Usines et machines, etc. Equipement de bureau ACTIF Autres biens de valeur COMMERCIAL Fonds de commerce Contrats en cours Créances totalement recouvrables Créances partiellement recouvrables Employés Dettes totalement garanties Dettes partiellement garanties Cartes de crédit Cartes de débit PASSIF Accords de crédit COMMERCIAL Virements automatiques Jugements Liquidation volontaire Autre passif contractuel Impôt sur les sociétés et sur le revenu Taxe sur la valeur ajoutée Evaluation préliminaire Société commerciale INTERETS Directeurs de la compagnie / partenaires COMMERCIAUX Documentation de la compagnie Intérêts commerciaux Actifs convertibles détenus par l’entreprise Exemple de formulaire de profil financier  I  253 Actifs Autres occupants Passif Hypothèque (société) Autres charges sur la propriété Frais généraux LOCAUX Eau (société) COMMERCIAUX Electricité (société) Gaz (société) Téléphone (société) Assurance sur les locaux (société) Assurance sur les stocks (société) Déclarations de sinistre Première partie  : Profil financier personnel de . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  REVENU DECLARE Emploi Emploi actuel Emplois précédents Nom de l’employeur (ou profession indépendante) : Occupation : Revenu net : Hebdomadaire, mensuel ou annuel : Date de début : Date de fin : Notes : Détails de l’impôt sur le revenu Période couverte : Numéro de référence fiscal : Impôts payés : Perception  : Notes : 254  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Autres sources de revenu Source de revenu : Notes : PROPERTY Détails des biens immobiliers Propriété actuelle Adresse précédente Adresse complète et code postal : Date d’achat : Prix d’achat : Valeur actuelle : Date de la dernière estimation : Nom et adresse de l’expert ayant procédé à l’estimation : Nom sous lequel est détenu le bien immobilier : Hypothèques et charges : Extrait des registres cadastraux inclus (Oui/Non), et date : Notes : Hypothèques Nom du souscripteur : Adresse du souscripteur : Nom(s) du compte : Numéro du compte : Montant hypothéqué : Date de début : Solde du compte : Paiement par semaine /par mois : Méthode de paiement : Arriérés : Notes : Exemple de formulaire de profil financier  I  255 Autres charges sur la propriété Personne supportant la charge : Adresse: Montant de la charge : Date de la charge : Raison de la charge : Notes : Baux Nom du propriétaire : Adresse du propriétaire : Montant à payer par mois / par an : Du à échéance : Méthode de paiement : Notes : Intérêts des tiers Statut : Nom : Montant : Contribution à l’hypothèque : Contribution aux dépenses : Notes : Contenus des habitations (biens de valeur significative seulement, mobilier, objets d’art, bijoux, etc. et vidéos et photos) Description Valeur Notes : 256  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Charges sur les biens immobiliers (inclure les remboursements de crédit hypothécaire mentionnés plus haut) Impôts locaux et charges Community Charge Water Rates Electricity Gas Autorité ou compagnie payée : Payable par an : Payé quand et comment : Arriérés : Notes : Téléphone Téléphone Téléphone mobile Numéro de téléphone : Autorité ou compagnie payée : Payable par an : Payé quand et comment : Arriérés : Facture détaillée jointe (Oui/Non) : Notes : Assurances sur les biens immobiliers Compagnie d’assurance : Montant de l’assurance : Risques couverts : Montant à payer par semaine / par an : Payé quand : Payé comment : Risques spéciaux : Notes : Exemple de formulaire de profil financier  I  257 ACTIFS Espèces, objets de valeur saisis par la police ou par les douanes Montant / valeur : Lieu de dépôt : Date de dépôt : Référence du dépôt : Lieu de la saisie : Fait l’objet d’une mesure de contrôle (Oui/Non) : Notes : Comptes bancaires et d’épargne Nom de la banque : Adresse de la banque : Code banque : Numéro de compte : Type de compte : Nom complet du titulaire : Solde actuel : Turnover annuel (crédit) : Turnover annuel (débit) : Notes : Epargne sur le territoire national Numéros des certificats : Valeur : Détenus où : Montant détenu et dates d’acquisition : Notes: Obligations à prime Numéros des certificats : Valeur : Détenus où : Montant détenu et dates d’acquisition : Notes : 258  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Actions Actions cotées Actions non-cotées Nom de la société : Actions détenues : Emplacement des certificats : Valeur détenue : Bureau de transfert d’actions : Notes : Fonds en fiducies d’investissement Description des fiducies : Nombre d’unités détenues : Valeur : Nom et adresse du détenteur : Notes : Assurances-vie et à capital différé Compagnie d’assurance : Adresse de la succursale : Détails de la police : Valeur de rachat : Bénéficiaire : Montant du prémium par semaine / par mois / par an : Payé quand et comment : Lié à une hypothèque (Oui/Non) : Notes : Véhicules à moteur, bateaux, caravanes, etc. Véhicule à moteur Bateaux, caravanes, etc. Marque et modèle : Localisation : Immatriculation (si applicable) : Détails du concessionnaire (véhicules à moteur) : Exemple de formulaire de profil financier  I  259 Véhicule à moteur Bateaux, caravanes, etc. Prix d’achat : Valeur actuelle : Gardien (enregistré) : Acheté à crédit (Oui/Non) : Nom de la société de crédit : Adresse de la société de crédit : Date de signature : Solde du crédit : Notes : Autres biens personnels Prix Description Détenteur Localisation d’achat Valeur Notes : Dons à des tiers Prix Description Détenteur Localisation d’achat Valeur PASSIF Cartes de crédit Nom et type de la carte Montant dû ou crédit Paiements moyens : Nom du titulaire : Notes : 260  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Cartes de magasin Nom et type de la carte : Montant dû ou crédit : Paiements moyens : Nom du titulaire : Notes : Accords de crédit Nom de la société de crédit : Succursale : Objet du prêt : Montant emprunté : Montant dû : Remboursements mensuels : Arriérés : Notes : Pensions Tribunal / chambre : Date de la décision : Bénéficiaire : Montant des versements : Payable quand : Méthode de paiement : Notes : Jugements, amendes, déchéances antérieures Tribunal : Date de la décision : Bénéficiaire : Montant du paiement : Payable quand : Méthode de paiement : Notes : Exemple de formulaire de profil financier  I  261 Autres dettes Créancier : Adresse du créancier : Montant de la dette Détails de la dette : Notes : Découverts Banque : Adresse et numéro de téléphone : Code banque et numéro de compte : Montant : Notes : Solvabilité personnelle Décision de faillite (Oui/Non) : Date de la décision : Mandataire / liquidateur : Adresse : Contact et numéro de téléphone : Notes : Deuxième partie  : profil financier commercial de . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . INTERETS COMMERCIAUX Evaluation préliminaire Les locaux de l’entrepreneur et de l’entreprise sont des actifs réalisables Des intérêts substantiels dans l’entreprise sont intrinsèquement réalisables (Oui/Non) : L’entreprise détient des actifs réalisables  (Oui/Non) : Notes : 262  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Société commerciale Nom : Date de création : Numéro d’enregistrement de la société (si applicable) : Numéro d’enregistrement TVA : Adresse commerciale : Adresse légale : Notes : Directeurs / associés de la société Nom : Adresse : Poste : Notes : Documentation de la société Détails de la société (Oui/Non) : En date du : Comptes de la société (Oui/Non) : En date du : Rendement annuel : En date du : Notes : Intérêts du sujet dans la société Détails Valeur Notes : Actifs réalisables détenus par la société Détails Valeur Notes : Exemple de formulaire de profil financier  I  263 LOCAUX COMMERCIAUX Actifs Nom commercial : Adresse commerciale : Propriété libre / loué à bail / loué (si loué, voir plus bas) : Terrain enregistré (Oui/Non) : Numéro du titre : Prix d’achat : Date d’achat : Montant dû : Arriérés : Valeur actuelle : Date de la dernière évaluation : Nom de l’expert ayant procédé à l’évaluation : Adresse de l’expert ayant procédé à l’évaluation : Notes : Autres occupants Locaux sous-loués (Oui/Non) : Détails de la sous-location 1 : Nom du loueur : Adresse du loueur : Montant de la location : Paiement effectué à : Détails de la sous-location 1 : Nom du loueur : Adresse du loueur : Montant de la location : Paiement effectué à : Détails concernant tout intérêt de tiers : Notes : 264  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Locaux loués Nom du propriétaire : Adresse du propriétaire : Loyer par semaine / par mois : Payé comment, par qui : Notes : Hypothèques Nom du souscripteur : Adresse du souscripteur : Numéro du compte : Account name(s): Amount of loan: Payment week/month: How paid/by whom: Notes : Autres charges sur la propriété Nom de la personne assumant la charge : Adresse de la personne assumant la charge : Montant de la charge : Date d’enregistrement : Notes : Frais généraux Frais professionnels Eau Electricité Gaz Téléphone Autorité ou entreprise payée : Montant par semaine / par mois : Montant par semaine / par mois : Arriérés : Notes : Exemple de formulaire de profil financier  I  265 Assurance professionnelle Premises Contents Nom de l’assureur : Adresse de l’assureur : Montant de l’assurance : Risques couverts : Montant à payer par semaine / par mois : Payé comment, par qui : Notes : Déclarations de sinistres Compagnie d’assurance : Date de la déclaration : Type de sinistre : Montant demandé : Montant versé : Payé quand : Payé comment : Copie de la déclaration jointe (Oui/Non) : Notes : ACTIFS COMMERCIAUX Comptes bancaires commerciaux Nom de la banque : Adresse de la succursale : Code banque : Numéro de compte : Nom(s) des titulaires : Solde actuel : Date du solde : Turnover annuel (crédit) : Turnover annuel (débit) : Signataires du compte : Nom : Notes : 266  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Véhicules à moteur, usines et machines, etc. Véhicules à moteur Usines / Machines etc. Marque et modèle : Immatriculation (si applicable) : Détails du vendeur (véhicules) : Prix d’achat : Valeur actuelle : Gardien (enregistré) : Acheté à crédit (Oui/Non) : Nom de la société : Adresse de la société : Date de signature : Solde du crédit : Notes : Equipement et matériel de bureau Marque et modèle : Numéro de série : Prix d’achat : Valeur actuelle : Acquis en location-vente (Oui/Non) : Nom de la société : Adresse de la société : Date de l’accord : Notes : Autres biens de valeur Détails : Détails de l’enregistrement (si applicable) : Prix d’achat : Valeur actuelle : Gardien / localisation : Achat à crédit ou location-vente (Oui/Non) : Nom de la société : Exemple de formulaire de profil financier  I  267 Adresse de la société : Date de l’accord : Solde de l’accord : Notes : Fonds de commerce Détails Valeur Date de valeur Notes : Contrats en cours Détails Valeur Date de valeur Notes : Débiteurs garantis totalement Nom Adresse Montant Sûreté Notes : Débiteurs garantis partiellement Nom Adresse Montant Sûreté Notes : PASSIF COMMERCIAL Employés A plein-temps : A temps-partiel : Salaires restant à payer : Notes : 268  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Créditeurs garantis totalement Nom Adresse Montant Sûreté Notes : Créditeurs garantis partiellement Nom Adresse Montant Sûreté Notes : Cartes de crédit, cartes de débit Cartes de crédit Cartes de débit Nom de la carte : Montant dû ou crédit : Paiements moyens : Nom du titulaire : Notes : Accords de crédit (commerciaux) Nom de la société : Succursale : Objet du prêt : Montant emprunté : Montant dû : Paiements mensuels : Arriérés : Notes : Virements automatiques Nom de la banque : Détails de la succursale : Numéro de compte : Titulaire(s) du compte : Montant viré par semaine / par mois : Exemple de formulaire de profil financier  I  269 Dû à la date : Payable à : Notes : Jugements Tribunal : Date de la décision : Montant de la décision : Méthode de paiement : Notes : Décision de faillite / liquidation volontaire Faillite (Oui/Non) : Liquidation (Oui/Non) : Date of order: Résolution : Notes : Autres dettes contractuelles Détails Montant Payable au Notes : Impôt sur les sociétés / Impôt sur le revenu Nom de l’inspecteur du fisc : Adresse de l’inspecteur du fisc : Territoire fiscal : Numéro de référence : Montant dû : Notes : 270  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) Bureau de perception : Adresse : Numéro d’enregistrement TVA : Montant dû : Poursuites engagées (Oui/Non) : Notes : Articles présents sur les lieux contrôlés par le sujet mais ne lui appartenant pas (tels que des biens loués, prêtés, en cours de réparation, ou d’une autre manière relevant de tiers) (Des preuves en appui de telles demandes doivent être cherchées). Article Valeur Intérêt de tiers Notes : Source: reproduit de l’ouvrage de Theodore S. Greenberg, Linda M. Samuel, Wingate Grant et Larissa Gray, Stolen Asset Recovery – A Good Practice Guide to Non-Conviction Based Asset Forfeiture (Washington, D.C : World Bank, 2009), 213. Exemple de formulaire de profil financier  I  271 Annexe H.  Points de discussion possibles avec des contacts – étape de l’entraide informelle Points de discussion •  Vérifier les informations obtenues •  Obtenir les informations et le renseignement nécessaires au « traçage » des avoirs et à l’enquête, y compris les informations financières auprès des cellules de ren- seignement financier •  Obtenir les informations de background nécessaires aux demandes d’entraide judiciaire pour « tracer » et saisir ou contrôler les avoirs (par exemple, les noms, dates de naissance et adresses des témoins ; les emplacements des comptes ban- caires ; les numéros des comptes bancaires ; le lien entre les avoirs et l’infraction ou le contrevenant). •  Confirmer toute condition ou procédure pour l’obtention de mesures non-coer- citives. •  S’informer au sujet de toute option pour des mesures provisoires d’urgence (hors- DEJ) de manière à éviter tout risque de dissipation. Si de telles options existent, quelles en sont les procédures et les exigences ? •  Définir les besoins additionnels : caractère d’urgence, confidentialité, procédures à suivre. •  Evaluer la stratégie mise en œuvre dans le dossier, y compris de potentiels obsta- cles à la coopération internationale, la (les) meilleure(s) voie(s) de poursuites, la possibilité de mener une enquête conjointe ou d’organiser des réunions de travail. •  Lorsqu’il existe plusieurs services d’enquête, identifier les services pertinents sus- ceptibles d’apporter leur aide. •  Examiner les questions de ressources. •  Obtenir conseil sur les étapes suivantes, comme les conditions de l’entraide judi- ciaire, les processus et les contacts. Points à garder à l’esprit (et à clarifier avec les homologues avant de discuter du fond) •  Un protocole d’accord peut être nécessaire au partage dans certaines juridictions •  Des différences de tradition juridique et de système de confiscation peuvent avoir pour conséquence des différences dans ce qui peut être fourni, ce qui est requis, ainsi que dans le déroulement du processus. •  Les informations que vous fournissez peuvent être utilisées par l’Etat étranger pour l’ouverture de sa propre procédure. •  Les informations que vous demandez doivent être collectées légalement, tant dans l’Etat requis que dans l’Etat requérant. •  Pour les dossiers volumineux, envisagez une enquête conjointe et une rencontre en personne avec vos homologues. 274  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Annexe I.  Modèle de demande d’entraide judiciaire et conseils de rédaction Lettre de demande A : [Nom et adresse de l’autorité centrale dans l’Etat requis] De : [Nom et adresse du juge, du procureur, de l’autorité centrale, ou de toute autre autorité compétente aux yeux de la loi de l’Etat requérant] [Je / nous] effectuons cette demande conformément à [insérer ici la loi interne pertinente autorisant la demande]. [Je / nous] avons l’honneur de requérir votre aide dans le cadre [d’une enquête ou de poursuites] pénales menées par [nom de l’administration ou auto- rité de poursuite]. • Inclure les noms et coordonnées des enquêteurs et procureurs en charge du dossier. Fondements juridiques Cette demande est effectuée conformément à [citer le fondement juridique (tel qu’une loi interne ou un traité multilatéral)].. Nature de l’infraction pénale Cette demande concerne [les poursuites à l’encontre de, ou l’enquête portant sur, ou le contrôle d’avoirs suspectés de constituer le produit d’un crime et sujets à une procédure de confiscation contre] les individus suivants : [dresser la liste des suspects] • Préciser quels avoirs doivent faire l’objet d’une mesure de contrôle. Le plus souvent, il est mieux de dresser la liste de ces avoirs dans une annexe référencée ici. • Dresser la liste des suspects, avec autant d’informations que possible – numéro de passeport, date et lieu de naissance, nationalité, adresse, employeur. L’entraide est demandée en relation avec les infractions suivantes [dresser la liste des infractions et des peines maximales encourues]. • Eu égard à la formulation exacte des infractions, il est recommandé de s’en tenir aux termes utilisés dans l’acte d’accusation, en référençant les lois applicables. Inclure des extraits des lois internes pertinentes dans une annexe référencée ici. Motif de la demande En lien avec cette question, nous demandons la chose suivante : [annoncer brièvement l’entraide requise] • Ne pas oublier que l’entraide judicaire est un processus par étapes. Eviter de tout demander en une seule demande (documents, contrôle, confiscation). Exposé des faits [Décrire ici les faits pertinents du dossier d’une manière claire et concise.] • Il doit exister suffisamment de faits pour permettre à l’autorité étrangère d’évaluer si les exigences de l’entraide judiciaire sont satisfaites (par exemple, la double incrimi- nation) et s’il convient ou non de répondre favorablement à la demande. Cela requiert une enquête de collecte des faits dans l’Etat requérant. • Inclure une explication du lien entre les avoirs et la ou les infractions, ou la ou les suspects. • En cas de demande portant sur l’usage de mesures coercitives (par exemple, un mandat de perquisition ou une injonction de communiquer), inclure suffisamment de faits pour montrer que les exigences dans l’Etat requis sont réunies (pour un exemple de ces exigences, voir le chapitre IV). • Inclure dans une annexe tout document qui peut aider à l’exécution de la demande, et référencer ici cette annexe. Par exemple, des décisions de justice certifiées, un affidavit ou un certificat appuyant la demande. Entraide demandée [Enoncer l’entraide demandée.] Nous demandons que toute décision de justice ou autre décision adaptée soit prise pour permettre l’activation des dispositions visées par cette demande. • La description de l’entraide demandée doit se concentrer sur ce qui est requis – et non sur le nom de la mesure nécessaire à son obtention – parce que les mesures uti- lisées varieront en fonction de la juridiction. Par exemple, une juridiction utilisera un mandat de perquisition et de saisie pour obtenir l’accès à des données bancaires, alors qu’une autre préférera une injonction de communiquer. • Fournir des justifications suffisantes à la demande, en particulier dans le cas de mesures coercitives. • Fournir les détails de toute procédure devant être suivie lors de la collecte des preuves pour garantir leur admissibilité. Inclure les déclarations sous serment et avertisse- ments légaux requis, et tenir compte du format exigé pour les preuves – par exemple, les témoignages doivent être enregistrés et les documents certifiés. • Dans le cadre des efforts de « traçage », fournir autant d’informations que possible sur l’emplacement des avoirs. Une précision supérieure sera requise dans le cas de demandes portant sur le contrôle et la confiscation – nom du titulaire du compte, numéro de compte, succursale, montant à placer sous contrôle, localisation des biens, etc. 276  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis • Pour les demandes de contrôle, il peut être nécessaire d’expliquer le risque de dissi- pation, de confirmer qu’une condamnation aura probablement pour conséquence le contrôle des avoirs (en fournir la liste en annexe), de fournir la preuve de l’autorité légale établissant la compétence extraterritoriale du pays requérant sur les avoirs, et de détailler toute autre procédure de contrôle passée ou présente. • Pour les interviews, envisager l’inclusion d’une annexe détaillant les questions posées. • De manière à se ménager la possibilité d’informations additionnelles, une mention supplémentaire peut être ajoutée (bien que ne suffisant probablement pas à elle seule). Par exemple : « Nous requérons également que toutes autres recherches soient faites et toutes autres preuves réunies à hauteur de ce que la poursuite de l’enquête fera apparaître comme nécessaire. » Confidentialité [Si la confidentialité est requise, fournir une déclaration la requérant et donnant les rai- sons de son importance.] Période d’exécution [Préciser quand l’information est requise. Inclure les dates d’audience, si applicable. N’uti- liser la mention ‘urgent’ qu’en cas d’urgence réelle.] Assurances ou garanties Réciprocité : Le gouvernement de [nom de l’Etat requérant] s’engage à répondre favora- blement à toute future demande émanant du gouvernement de [nom de l’Etat requis] et portant sur une entraide similaire, en en fournissant une aide aux effets comparables pour une infraction équivalente à celle requise auprès du gouvernement de [nom de l’Etat requis] dans ce dossier. Limites à l’utilisation : [Il peut être nécessaire de promettre que les informations fournies ne seront utilisées que dans le cadre de l’enquête spécifiée279. Certaines juridictions n’exige- ront pas ce type de garantie, et peut être possible de mentionner explicitement que les informations pourront être utilisées dans d’autres contextes280.] 279. Une garantie relative à l’utilisation des preuves peut être rédigée comme suit : « Le gouvernement de [nom de l’Etat requérant] s’engage à ce que toutes les informations, la documentation et autres preuves obtenues en application de cette demande ne seront utilisées que dans le cadre de la demande liée aux infractions décrites plus haut. Elles ne seront mises à aucun autre emploi, sauf avec le consentement de, et après consultation préalable avec, les autorités appropriées de [nom de l’Etat requis]. 280. Au Royaume Uni, un modèle de demande d’entraide judiciaire inclut la phrase suivante : «A moins que vous ne le précisiez explicitement, toute preuve obtenue en application de cette demande pourra être utilisée dans le cadre de toutes poursuites pénales ou autre procédure judiciaire liées à cette enquête, y compris de toute procédure de contrôle ou de confiscation, qu’elle s’applique aux individus susmentionnés ou à toute autre personne pouvant devenir la cible de cette enquête. » Voir http://www.sfo.gov.uk/media/57234/sample%20letter%20of%20request%20for%20evidence.pdf. Modèle de demande d’entraide judiciaire et conseils de rédaction  I  277 Contacts antérieurs ou recours à d’autres canaux Il y a eut des contacts antérieurs entre [nom de l’administration ou autorité compétente dans l’Etat requérant] et [nom de l’administration ou autorité compétente dans l’Etat requis]. Coordonnées Le [juge, procureur ou agent de l’autorité centrale] en charge de cette affaire est [nom de l’agent], et il/elle peut être joint(e) à l’adresse suivante : [adresse postale, numéro de télé- phone, adresse email]. Le fonctionnaire auprès de [nom de l’administration répressive ou de l’autorité de pour- suite] en charge de cette affaire est [nom du fonctionnaire]. Il/elle peut être joint(e) à l’adresse suivante : [adresse postale, numéro de téléphone, adresse email]. Conseils relatifs à la rédaction d’une demande d’entraide ENCART I.1 judiciaire et à son exécution •  Contactez vos homologues (y compris en personne si possible), afin de °  Confirmer les exigences générales ainsi qu’en matière de preuve ; °  Discuter de la manière dont les seuils peuvent être atteints, et d’obtenir des exemples des types de preuves exigés ; °  Confirmer le format des preuves (par exemple, un affidavit, une déclara- tion signée, des documents judiciaires certifiés) ; °  Discuter des assurances ou garanties qui pourraient être exigées ; °  Discuter des conditions particulières d’urgence, de confidentialité ou de procédure ; °  S’efforcer d’obtenir une aide à la rédaction ainsi que des modèles de demande ; °  Déterminer s’il est possible de participer à l’exécution de la demande ; °  Evaluer les obstacles potentiels au succès de la demande, comme des obligations de divulgation ; et °  Soulever des potentiels problèmes de ressources. •  S’assurer que les exigences générales ainsi qu’en matière de preuve sont satisfaites/ •  Exclure les demandes portant sur des biens de valeur négligeable (de minimis). •  Fournir une description claire et concise des faits et de l’état des procé- dures menées dans l’Etat requérant ; •  Si une traduction est nécessaire, avoir recours aux services de professionnels. •  Dans le cas d’un « traçage » ou d’une saisie, inclure autant d’informations que possible au sujet de la localisation des avoirs et du lien entre ces derni- ers et l’infraction ou le contrevenant. (a continué) 278  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis ENCART I.1 (a continué) •  Ne pas tout demander en une seule demande (« traçage », gel et confisca- tion). Commencer par le commencement et procéder étape par étape. •  Donner suffisamment de temps au traitement et à l’exécution de la demande. •  S’assurer que votre l’enquête menée dans votre pays et que la procédure suivent leur cours, parce qu’une décision finale de confiscation sera nécessaire avant de pouvoir restituer les fonds. S’assurer aussi que les droits de la défense sont respectés (notification des parties, droit à une audience). Modèle de demande d’entraide judiciaire et conseils de rédaction  I  279 Annexe J.  Ressources accessibles sur internet Programme Stolen Asset Recovery (StAR) •  StAR: http://www.worldbank.org/star Groupe de la Banque Mondiale •  Banque Mondiale : http://www.worldbank.org •  Financial Market Integrity Group : http://www.worldbank.org/amlcft Nations Unies •  Organisation des Nations Unies : http://www.un.org •  Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime : http://www.unodc.org •  Outil d’aide à la rédaction d’une demande d’entraide judiciaire des Nations Unies (pour les praticiens uniquement) : http://www.unodc.org/mla/introduction.html Conventions, traités et accords internationaux •  Convention des Nations Unies contre la Corruption (UNCAC) :http://www.unodc. org/unodc/en/treaties/CAC/index.html •  Convention des Nations Unies contre le Trafic Illicite des Stupéfiants et des Subs- tances Psychotropes, 1988  : http://www.unodc.org/unodc/en/treaties/illicit-  trafficking.html •  Convention des Nations Unies contre la Criminalité Transnationale Organisée (UNTOC) : http://www.unodc.org/unodc/en/treaties/CTOC/index.html •  Convention de l’OCDE sur la Lutte contre la Corruption d’Agents Publics Etran- gers dans les Transactions Commerciales Internationales : http://www.oecd.org/ dataoecd/4/19/38028103.pdf •  Southeast Asian Mutual Legal Assistance in Criminal Matters Treaty: http://www. aseansec.org/17363.pdf •  Inter-American Convention against Corruption: http://www.oas.org/juridico/  english/treaties/b-58.html •  Conventions du Conseil de l’Europe : http://conventions.coe.int º  Convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confisca- tion des produits du crime, 1990 ; et Convention révisée du Conseil de l’Eu- rope relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme, 2005 º  Convention Européenne des Droits de l’Homme º  Convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matières civile et commerciale (Convention de Lugano)  : http://curia. europa.eu/common/recdoc/convention/fr/c-textes/lug-idx.htm •  Décisions et règlements du Conseil de l’Union Européenne  : http://eur-lex. europa.eu º  Décision-cadre 2003/577/JAI du Conseil du 22 juillet 2003 relative à l’exécu- tion dans l’Union européenne des décisions de gel de biens ou d’éléments de preuve et Rectificatif à la Décision-cadre 2003/577/JAI º  Décision-cadre 2005/212/JAI du 24 février 2005 relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime º  Décision-cadre 2006/783/JAI du 6 octobre 2006 relative à l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions de confiscation º   Décision 2007/845/JAI du Conseil du 6 décembre 2007 relative à la coopéra- tion entre les bureaux de recouvrement des avoirs des États membres en matière de dépistage et d’identification des produits du crime ou des autres biens en rapport avec le crime º  Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale º  Règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopéra- tion entre les juridictions des Etats membres dans le domaine de l’obtention des preuves en matière civile ou commerciale •  Southern African Development Community Protocol against Corruption, 2001: http://www.sadc.int/index/browse/page/122 •  African Union Convention on Preventing and Combating Corruption and Related Offences, 2003: http://www.africa-union.org/Official_documents/Treaties_%20 Conventions_%20Protocols/Convention%20on%20Combating%20Corruption. pdf •  Commonwealth of Independent States Convention on Legal Assistance and Legal Relations in Civil, Family and Criminal Matters: http://www.hcch.net/upload/ wop/jdgm_info01e.pdf Groupe d’Action Financière (GAFI) sur le blanchiment d’argent •  GAFI : http://www.fatf-gafi .org •  GAFI  : 40+9 recommandations  : http://http://www.fatf-gafi.org/pages/0,3417 ,en_32250379_32236920_1_1_1_1_1,00.html Principes de meilleures pratiques du G-8 •  G-8 Best Practice Principles on Tracing, Freezing and Confiscation of Assets  :  http://www.justice.gov/criminal/cybercrime/g82004/G8_Best_Practices_on_ Tracing.pdf •  G-8 Best Practices for the Administration of Seized Assets : http://www.apgml.org/ issues/docs/15/G8%20Asset%20Management%20Best%20practices%20 042705%20FINAL.doc 282  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Union Européenne et Conseil de l’Union Européenne •  Sites principaux : http://europa.eu/index_fr.htm et http://www.consilium.europa. eu/showPage.aspx?lang=fr •  Matières civiles et commerciales : º  Matières civiles et commerciales : cadre général de l’activité commune ; réseau judiciaire européen ; coopération judiciaire entre Etats-membres ; admissibi- lité des documents ; réunir des preuves ; compétence, reconnaissance et exé- cution des jugements : ■  http://ec.europa.eu/civiljustice/index_fr.htm ■   http://ec.europa.eu/justice_home/doc_centre/civil/doc_civil_intro_ en.htm ■  http://europa.eu/legislation_summaries/justice_freedom_security/  judicial_cooperation_in_civil_matters/index_en.htm •  Matières pénales : º  Cadre général de l’activité commune  : http://ec.europa.eu/justice/criminal/ index_fr.htm º  Livre vert relatif à l’obtention de preuves en matière pénale d’un État membre à l’autre et à la garantie de leur recevabilité  : http://eur-lex.europa.eu/  LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2009:0624:FIN:FR:PDF Législations nationales •  Réseau International d’Information sur le Blanchiment d’Argent  : http://www. imolin.org/imolin/fr/index.html •  UNCAC Knowledge Management Consortium and Legal Library: http://www. unodc.org/unodc/en/corruption/knowledge-management.html Ressources relatives au traçage des avoirs Sites gratuits (informations générales, données publiques, données commerciales) : •  http://www.google.com (informations générales, actualités) •  http://www.icerocket.com (recherche de blogs) •  http://www.archive.org/web/web.php (archives internet) •  http://www.searchsystems.net (recherche sur le “web invisible� de données  publiques et de données commerciales - global) •  http://www.publicrecordfi nder.com (données publiques, données commerciales – global) •  http://www.sec.gov/edgar.shtml (registre des sociétés américaines) •  http://www.zoominfo.com (annuaire des particuliers et des entreprises) •  http://www.superpages.com (annuaire des particuliers) Ressources accessibles sur internet  I  283 Sites payants : •  http://www.worldlii.org (lois et décisions de justice) •  http://www.lexisnexis.com (données publiques, décisions de justice, medias, données sur les entreprises, recherche de particuliers) •  http://www.companydocuments.com (données commerciales — global) •  http://www.clear.thomsonreuters.com (données publiques sur les entreprises — global) •  http://www.corporateinformation.com (données sur les entreprises) •  http://www.companieshouse.gov.uk (données sur les entreprises britanniques) •  http://www.pacer.gov (décisions de justice américaines) •  http://www.freeerisa.com (données sur les salaries américains) Organisations internationales et professionnelles : •  International Association of Prosecutors: http://www.iap-association.org/ •  Camden Asset Recovery Inter-Agency Network: http://www.europol.europa.eu/ publications/Camden_Assets_Recovery_Inter-agency_Network/CARIN_ Europol.pdf •  Le Groupe Egmont: http://www.egmontgroup.org •  Latin American Association of Public Ministers (in Spanish and Portuguese only): http://www.aiamp.net •  MLA and Confiscation Information: http://www.aiamp.net/fichasaiamp/index. html Ressources relatives à l’entraide judiciaire – par pays Afrique du Sud : •  Traités d’entraide judiciaire : http://www.justice.gov.za/docs/emlatreaties.htm •  National Prosecuting Authority (autorité centrale pour l’entraide judiciaire)  : http://www.npa.gov.za/ •  Department of International Relations and Cooperation (Ministère des Affaires Etrangères) : http://www.dfa.gov.za •  Department of Justice and Constitutionnal Development (Ministère de la Justice) : http://www.justice.gov.za/ •  Financial Intelligence Centre (cellule de renseignement financier)  : http://www. psc.gov.za/ •  Asset Forfeiture Unit : http://www.npa.gov.za/ReadContent387.aspx Allemagne : •  Informations sur les procédures civiles, la coopération judiciaire, la réunion de preuves et le mode de preuve, admissibilité des documents et exécution des juge- ments : º   http://www.bmj.bund.de/enid/9de2c6dac41fc4c549b89d79e577a825,0/ Legal_and_Justice_Policy/Judical_Cooperation_in_Civil_Matters_15b.html 284  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis º  http://ec.europa.eu/civiljustice/homepage/homepage_ger_en.htm •  Ministère Fédéral des Affaires Etrangères  : http://www.auswaertiges-amt.de/ diplo/en/Startseite.html •  Ministère Fédéral de la Justice : http://www.bmj.bund.de/enid/9de2c6dac41fc4c5 49b89d79e577a825,0/aktuelles_13h.html •  Bundeskriminalamt (cellule de renseignement financier) : http://www.bka.de/ Australie : •  Informations sur l’entraide judiciaire, les traités et accords, check-list  : http:// www.ilsac.gov.au •  Informations sur les procédures civiles, les documents, la réunion de preuves, et modèle de lettre de demande d’entraide : http://www.ag.gov.au/www/agd/agd.nsf •  Ministère des Affaires Etrangères : http://www.afp.gov.au/ •  Attorney-General australien : http://www.ag.gov.au/ •  Australian Transaction Reports and Analysis Centre (cellule de renseignement financier): http://www.austrac.gov.au/ •  Commonwealth Director of Public Prosecutions: http://www.cdpp.gov.au/ Brésil : •  Service du recouvrement d’avoirs et de la coopération juridique internationale (au sein du Ministère de la Justice)  : http://portal.mj.gov.br/drci/data/Pages/ MJ7A4BFC59ITEMID401B422470464DA481D21D6F2BBD1217PTBRNN.htm •  Ministère des Affaires Etrangères : http://www.itamaraty.gov.br/ •  Ministère de la Justice : http://portal.mj.gov.br •  Conseil pour le Contrôle des Activités Financières (cellule de renseignement financier) : http://www.coaf.fazenda.gov.br/ Emirats Arabes Unis (EAU) : •  Ministère de la Justice : http://www.elaws.gov.ae/DefaultEn.aspx •  Ministère Public d’Abu Dhabi : http://www.adjd.gov.ae/en/portal/public.prosecu- tion.aspx •  AMLSU (banque centrale des EAU , cellule de renseignement financier : http:// www.centralbank.ae/AMLSU.php Espagne : •  Informations relatives aux procédures civiles, à la réunion des preuves et au mode de preuve, et admissibilité des documents  : http://ec.europa.eu/civiljustice/ homepage/homepage_spa_es.htm •  Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération : http://www.maec.es/en •  Ministère de la Justice : http://www2.mjusticia.es/ •  SEPBLAC (cellule de renseignement financier)  : http://www.sepblac.es/ingles/ acerca_sepblac/acercade.htm Ressources accessibles sur internet  I  285 Etats-Unis : •  Office of International Affairs, Department of Justice (Ministère de la Justice)  : http://www.usdoj.gov/criminal/oia.html •  Department of Justice Asset Forfeiture and Money-Laundering Section  : http:// www.justice.gov/criminal/afmls/ •  Department of State (Ministère des Affaires Etrangères) : http://www.state.gov •  Financial Crimes Enforcement Network (cellule de renseignement financier)  : http://www.fincen.gov/ France : •  Ministère des Affaires Etrangères, Service des Conventions, des Affaires Civiles et de l’Entraide Judiciaire : http://www.Diplomatie.gouv.fr •  Ministère de la Justice : http://www.justice.gouv.fr •  Tracfin (cellule de renseignement financier) : http://www.tracfin.bercy.gouv.fr/ RAS de Hong Kong, Chine •  Informations relatives à l’entraide judiciaire281  : http://www.legislation.gov.hk/ choice.htm#intro •  Ministère des Affaires Etrangères (bureau du Commissaire du Ministère des Affaires Etrangères Chinois pour la RAS de Hong Kong, Chine)  : http://www. fmcoprc.gov.hk/eng/ •  Ministère de la Justice (division droit international, unité d’entraide judiciaire) : http://www.doj.gov.hk/publications/doj2010/en/international.html •  Commission Indépendante contre la Corruption : http://www.icac.org.hk/ •  Joint Financial Intelligence Unit (cellule de renseignement financier) : http://www. jfi u.gov.hk/ Inde : •  Informations relatives à l’entraide judiciaire : http://www.mha.nic.in/uniquepage. asp?ID_PK=241&Search=mutual%20legal%20assistance •  Assistance aux enquêtes, commissions rogatoires, traités d’entraide judiciaire (Indian Central Bureau of Investigation) : http://cbi.nic.in/interpol/assist.php •  Ministère de la Justice : http://lawmin.nic.in/ •  Bureaux d’Etat anticorruption (par exemple, bureau anticorruption, Maharash- tra) : http://www.acbmaharashtra.org/ •  Financial Intelligence Unit – IND (cellule de renseignement financier)  : http:// fiuindia.gov.in/ 281. Un manuel pour l’aide aux pays est disponible auprès des bureaux de l’International Mutual Assistance in Criminal Matters (IMAC) dans la RAS de Hong Kong, Chine. 286  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Luxembourg : •  Informations sur les procédures civiles, réunion des preuves et mode de preuve, et admissibilité des documents  : http://ec.europa.eu/civiljustice/homepage/ homepage_lux_en.htm •  Ministère des Affaires Etrangères : http://www.mae.lu •  Ministère de la Justice : www.mj.public.lu/ •  Cellule de Renseignement Financier : http://www.justice.public.lu Mexique : •  Informations relatives aux commissions rogatoires  : http://www.sre.gob.mx/  english/ •  Service de suivi pour les commissions rogatoires  : http://webapps.sre.gob.mx/ rogatorias/ •  Ministère des Affaires Etrangères : http://www.sre.gob.mx/english •  Bureau de l’Attorney-General (formule et reçoit les demandes d’entraide judici- aire en matière pénale) : http://www.pgr.gob.mx/ •  Attorney-General assistant pour les enquêtes spéciales et le crime organisé  : http://www.pgr.gob.mx/prensa/2007/coms07/170407.shtm •  SHCP (cellule de renseignement financier) : http://www.apartados.hacienda.gob. mx/uif/index.html Royaume Uni : •  Informations relatives à l’entraide judiciaire º  Home Office: http://www.homeoffice.gov.uk/police/mutual-legal-assistance/ Assistance-from-UK/ º  Serious Fraud Office: http://www.sfo.gov.uk/about-us/what-we-do-and- whowe-work-with/international-collaboration.aspx º  Crown Prosecution Service: http://www.cps.gov.uk/legal/l_to_o/obtaining_ evidence_and_information_from_abroad/mutual_legal_assistance_ (mla)_-_letters_of_request/ º  Serious Organized Crime Agency (cellule de renseignement financier) : http:// www.soca.gov.uk/ Singapour : •  Informations relatives à l’entraide judiciaire et formulaires : http://www.agc.gov. sg/criminal/mutual_legal_asst.htm •  Ministère des Affaires Etrangères : http://www.mfa.gov.sg •  Suspicious Transaction Reporting Office (cellule de renseignement financier)  : http://www.cad.gov.sg/amlcft /STRO.htm Ressources accessibles sur internet  I  287 Suisse : •  Informations relatives à l’entraide judiciaire et aux affaires pénales : http://www. bj.admin.ch/bj/en/home/themen/sicherheit/internationale_rechthilfe.html •  Base de données des localités et tribunaux suisses : http://www.elorge.admin.ch/ elorge/e/ •  Ministère des Affaires Etrangères : http://www.eda.admin.ch/eda/en/home.html •  Ministère Public de la Confédération  : http://www.ba.admin.ch/ba/en/home. html •  Office Fédérale de la Justice : http://www.bj.admin.ch/bj/en/home.html •  Département Fédéral de Justice et Police, section de l’entraide judiciaire interna- tionale : http://www.rhf.admin.ch •  Bureau de Communication en Matière de Blanchiment d’Argent (cellule de ren- seignement financier)  : http://www.fedpol.admin.ch/fedpol/en/home/themen/ kriminalitaet/geldwaescherei.html 288  I  Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis Glossaire Acquéreur bona fide. Voir propriétaire de bonne foi. Action civile. Voir action de droit privé. Avoirs. Tous les types d’avoirs, corporels comme incorporels, meubles ou immeubles, tangibles et intangibles, ainsi que les actes juridiques ou documents attestant la pro- priété de ces avoirs ou les droits y relatifs282. Le terme est utilisé de façon interchange- able avec celui de biens. Avoirs amalgamés. Produits et instruments d’une infraction qui ont été mêlés à d’autres avoirs qui ne sont pas nécessairement le produit d’un crime. Avoirs illicites. Voir confiscation basée sur la propriété. Avoirs de substitution. Avoirs ne pouvant être directement reliés à une infraction les rendant susceptibles de confiscation, mais qui peuvent faire l’objet d’une confiscation par substitution dans le cas ou les avoirs sujets à confiscation demeureraient introuvables ou inaccessibles. Bien. Voir avoir. Cellule de renseignement financier (CRF). « Une agence centrale et nationale manda- tée pour recevoir (et le cas échéant, pour requérir), analyser et diffuser auprès des auto- rités compétentes des données financières  : (i) concernant les produits suspectés de crime et de financement du terrorisme, ou (ii) requises par des législations ou régula- tions nationales pour combattre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.283 » Cible ou cibles. La ou les personnes mise(s) en cause dans le cadre d’une enquête. Commission rogatoire. Une requête formelle émanant d’une autorité judiciaire et adressée à une autorité judiciaire étrangère en vue d’obtenir l’entraide judiciaire. Elle formalise la communication entre les autorités judiciaires, un procureur ou toute autre autorité de poursuite d’un Etat, avec leurs homologues d’un autre Etat. C’est une forme particulière d’entraide judiciaire. Confiscation. La dépossession permanente d’avoirs par décision d’un tribunal ou d’une autre autorité compétente284. Le terme est utilisé de façon interchangeable avec celui de déchéance. Les individus ou entités ayant un intérêt dans les fonds ou autres avoirs visés au moment de la confiscation perdent tout droit, en principe, sur les dits fonds ou avoirs285. 282. Convention des Nations-Unies contre la Corruption (UNCAC), art. 2(e) 283. Définition adoptée a la réunion plénière du Egmont Group, Rome, Italie, novembre 1996  ; telle qu’amendée à la réunion plénière du Egmont Group, Guernesey, Juin 2004. 284. UNCAC, art.2(g). Voir aussi « Best Practices : Confiscation (Recommendations 3 and 38) », adopté par l’assemblée plénière de la Financial Action Task Force (FATF), 19 février 2010. 285. FATF, “Interpretative Note to Special Recommendation III: Freezing and Confiscating Terrorist Assets,� para. 7(c), http://www/fatf-gafi.org/dataoecd/53/32/34262136.pdf Confiscation administrative. Procédure non-judiciaire permettant la confiscation des produits d’un crime, ou d’avoirs utilisés pour, ou impliqués dans, la commission d’une infraction. Confiscation en l’absence de condamnation pénale (CACP). Confiscation pour laquelle une condamnation pénale préalable n’est pas nécessaire286. Confiscation en nature. Une action de confiscation qui vise une chose ou un avoir spécifique parce qu’il est le produit ou l’instrument d’un crime. Egalement appelée confiscation in rem ou système dit de « propriété illicite ».  Confiscation en valeur. Confiscation qui a pour objet de recouvrer la valeur des bénéfices dérivés d’activités criminelles en imposant une sanction pécuniaire d’un montant équivalent. Confiscation par suite d’une condamnation pénale (CSCP). Désigne toutes les formes de confiscation requérant la condamnation du défendeur avant que ne puissent être entreprises les procédures de confiscation et la confiscation proprement dite. Confiscation pénale : voir condamnation par suite d’une condamnation pénale. « Connaissance du client ». Les mesures de vigilance et les réglementations bancaires que les institutions financières et autres entités réglementées doivent appliquer pour identifier leurs clients et évaluer les informations pertinentes en vue d’entrer en relation d’affaire avec eux. Contrôle. Voir mesures provisoires. Voir également chapitre IV. Déchéance. Voir confiscation. Déclaration d’activité suspecte. Voir déclaration de transaction suspecte. Déclaration de transaction suspecte (DTS). Un rapport produit par une institution financière concernant une transaction ou activité suspecte ou potentiellement suspecte. Le rapport est transmis à la cellule de renseignement financier (CRF) du pays. Le terme est utilisé de façon interchangeable avec celui de déclaration d’opération suspecte. Demande d’entraide judiciaire (DEJ). A ne pas confondre avec l’entraide informelle, une DEJ est typiquement une requête écrite devant se conformer aux procédures spécifiées, ainsi qu’aux protocoles et conditions stipulées dans des accords bilatéraux ou multilatéraux ou dans des législations internes. Ces requêtes ont généralement pour objet la collecte de preuves (y compris au moyen de techniques d’enquêtes coercitives), la mise en œuvre de mesures provisoires, et l’exécution de décisions internes par une juridiction étrangère. Demandeur. La partie faisant valoir des droits sur les avoirs. Cela peut inclure un tiers, un propriétaire de bonne foi, un défendeur, un mis en cause, un contrevenant. 286. «Best Practices: Confiscation (Recommendations 3 and 38),» adopté par la réunion plénière de la FATF, 19 février 2010 290 I Glossaire Défendeur. Toute partie appelée à réponde devant un tribunal d’une assignation dans le cadre d’un procès civil, ou toute partie ayant été formellement mise en examen ou accusée pour avoir enfreint la loi pénale. Entraide informelle. Toute activité ou assistance fournie a une autorité étrangère en l’absence de demande formelle d’entraide judiciaire (DEJ). Il existe des lois autorisant ce type d’entraide administrative ou « de praticien à praticien ». Entraide judiciaire. La procédure par laquelle des juridictions recherchent et se fournissent une assistance mutuelle en vue de la collecte d’information, de renseignement et de preuves dans le cadre d’enquêtes ; de la mise en œuvre de mesures provisoires ; et de l’exécution des décisions et jugements étrangers. Ce manuel distingue l’entraide informelle de l’entraide formelle (voir demande d’entraide judiciaire). Etat requérant. L’Etat demandant à un autre qu’il lui prête assistance dans le but d’aider une enquête, des poursuites, ou l’exécution d’un jugement. Etat requis. L’Etat auquel il est demandé de prêter assistance à un autre dans le but d’aider une enquête, des poursuites, ou l’exécution d’un jugement. Gel. Voir mesures provisoires. Voir également chapitre IV. In personam. Forme latine pour « dirigé contre une personne en particulier ». Dans le contexte d’une confiscation ou d’un procès, l’expression désigne l’action judiciaire contre une personne nommément désignée. In rem. Forme latine pour «  contre la chose  ». Dans le contexte d’une confiscation, désigne une action judiciaire dirigée contre une chose spécifique ou un avoir. Voir confiscation basée sur la propriété. Intermédiaires. Désigne les comptables, avocats, conseillers financiers, ou autres professionnels possédant des comptes auprès d’institutions financières et qui, en agissant pour le compte de leurs clients, sciemment ou non, déplacent ou dissimulent les produits d’activités criminelles. Un criminel peut ainsi recourir aux services d’un intermédiaire pour accéder au système financier tout en conservant l’anonymat287. Instrument. Bien utilisé pour faciliter la commission d’un crime, par exemple une voiture ou un bateau utilisé pour le transport de drogue ou d’argent liquide. Mesures provisoires. L’interdiction temporaire du transfert, de la conversion, de la disposition ou du mouvement d’avoirs, ou le fait d’en assumer temporairement la garde ou le contrôle, sur la base de la décision d’un tribunal ou d’une autre autorité compétente288. Le terme est utilisé de façon interchangeable avec ceux de gel, contrôle, saisie ou blocage. 287. FATF, “Guidance on the Risk-Based Approach to Combating Money Laundering and Terrorist Financing: High Level Principles and Procedures� (June 2007), http://www.fatf-gafi .org/dataoecd/43/46/38960576 .pdf; FATF, “Report on Money Laundering Typologies, 2000—2001� (February 2001), http://www.fatf-gafi .org/dataoecd/29/36/34038090.pdf.  288. Adapté de l’art. 2(f) de l’UNCAC. Glossaire I 291 Personne politiquement exposée (PEP). «  Individus qui sont, ou ont été, titulaires de fonctions officielles de haut rang, les membres de leur familles et leurs proches collaborateurs.289 » Poursuites par défaut (ex parte). Procédure judiciaire initiée par une personne en l’absence, et sans notification ni représentation, d’autres parties. Praticien. Désigne les enquêteurs de police, les magistrats instructeurs, les avocats libéraux, les experts-comptables, analystes financiers et procureurs. Une seule ou l’ensemble de ces fonctions peuvent être impliquées dans tout ou partie de l’enquête, selon les lois du pays concerné. Preuve « par ouï-dire ». Une déclaration effectuée en-dehors de tout tribunal et soumise à la cour comme preuve de la véracité d’une allégation. Alors que les juridictions de tradition civiliste n’excluent généralement pas la preuve par ouï-dire, ce type de preuve est en principe irrecevable en common law (malgré certaines exceptions). Si la preuve par ouï-dire est admise, la cour doit également prendre soin de lui attribuer une force probante appropriée. Produit d’un crime. Tout avoir provenant directement ou indirectement de la commission d’une infraction ou obtenu directement ou indirectement en la commettant290. Dans la plupart des juridictions, les avoirs amalgamés sont inclus dans cette définition291. Propriétaire de bonne foi. Un tiers ayant des droits sur un avoir lui-même sujet à confiscation, qui ignorait les faits délictueux donnant lieu à cette confiscation ou qui, lorsqu’il a eu connaissance de ces éléments, a pris toutes les précautions qu’on pouvait raisonnablement attendre de lui, compte tenu des circonstances, pour mettre un terme à l’usage de l’avoir en question. Le terme est utilisé de façon interchangeable avec celui d’acquéreur bona fide. Saisie. Voir mesures provisoires. Voir également chapitre IV. 289. Theodore S. Greenberg, Larissa Gray, Delphine Schantz, Carolin Gardner, and Michael Lathem, Politically Exposed Persons: Preventive Measures for the Banking Sector (Washington DC: World Bank, 2010), 3, http://www.worldbank.org/star. 290. UNCAC, art. 2(e) 291. Voir section 6.2.1 du chapitre VI pour une discussion sur les avoirs mixtes. 292 I Glossaire Index Les encarts, illustrations, notes et tables sont indiquées par les lettres e, i, n et t à la suite du numéro de page. A Asset Forfeiture Unit, 22–23 Abacha, Sani, 135n159 fonds de confiscation d’avoirs, 140–41 abus de fonctions, 220–21 Prevention of Organised Crime Act, 3n12, accords de partage, 186, 218, 217nn277–278 109n119, 128n145 accusés, droit des 56 système de corruption Alamieyeseigha, 21–23 acquéreur bona fide, 104, 112 agents publics, immunité aux poursuites des, 38 actes d’achat, 86 Alamieyeseigha, Diepreye Peter Solomon, 22–23, actes de vente, 86 188e, 198, 199be actions basées sur l’enrichissement indu, 197. Alien Tort Claims Act (U.S.), 191be Voir également enrichissement illicite Allemagne actions civiles, 4–5, 7–8, 15–17, 187–205 corruption, produits de la, 197n253 actions en recouvrement d’avoirs, 198–202 pactes d’intégrité, 197 collecte des preuves et sécurisation des Amérique latine, confiscation ACP en, avoirs, 198–202 184–185n219. décisions de contrôle, 125n140, 200–1 analyses coûts-bénéfices, 98 obligations de silence analyses de la valeur nette, 88–89 (‘gag orders’), 199–201 annulations de contrats, 195, 195n248 poursuites pénales, preuves réunies au Ao Man Long, 173b cours de, 198 archives judiciaires, 62–3 intenter une action, 198 archives. Voir cas spécifiques (par exemple, dispositions finales, 203 archives judiciaires) dossiers de recouvrement civil Argentine (droit privé), 185–86 enrichissement illicite, 45 établissement des faits, 27 pactes d’intégrité, 197 état civil, 62 personnes-ressources, 146e procédures formelles d’insolvabilité, 11, 204–5 principe de découverte, 39n48 voies de droit, 188–197 association de malfaiteurs, 225 actions en enrichissement illicite, 197, 197e Attorney General of Hong Kong v. Reid (1994), actions en responsabilité civile, 190–94, 191e 189, 189e actions en revendication de propriété, Attorney General of Zambia v. Meer Care & Desai 188–89e, 188–90 (2007), 20–21, 204e actions fondées sur la nullité ou l’inexécution auditeurs, 28–29, 62 du contrat, 194–97 Australie actions en invalidité de contrat, 194–97 Confiscation Act, 135n158 actions en responsabilité civile, 190–93 exigences de preuve, 93n98 actions en revendication de propriété, Fond de confiscation d’avoirs, 140-41 188–89e, 188–90 Insolvency and Trustee Service actions en rupture de contrat, 194–97 Australia, 108–9n118 activités politiques, financement illégal d’, 222–23 Proceeds of Crime Act, 135n158 administrations en tant que sources auto-incrimination, 104, 110n122, 205n266 d’informations, 60–63, 61i autorités légales en vertu desquelles est effectué “activités connexes�, 137, 138e un recouvrement d’avoirs, 217–18 affidavits, 93, 94e autorités migratoires, 62 Afrique du Sud autorités migratoires et frontalières, 62 avions, saisie d, 113–14 comme sources d’informations avocat, droit à un, 103 gouvernementales, 60–63 avoirs mélangés, 52, 128 dans les poursuites pénales, 14 avoirs périssables, 110, 115–17 demandes de documentation et, 71–72e, 241 Azerbaïdjan, bijoux saisis en, 116n127 dossier de corruption Montesinos, 20 DTS et , 106 B établissement des faits et, 27 BAE Systems, 45e rapports produits par les, 90, 233–35 Bahamas, système de corruption aux, 22 rôle et contribution des , 27–28e Banque Mondiale, restitution des avoirs et, Centre International de Règlement des Différends 2, 11, 11n17 Relatifs aux Investissements (CIRDI), Basel Committee on Banking Supervision, 249e 196, 196e, 198 bateaux, saisie de, 113–14 Chili Belgique, blanchiment d’argent en, 43n55 entraide informelle, 151n180 bénéfices bruts, 132–33 personnes-ressources, 146e bénéfices, évaluation des, 131–132, 131n149 Chiluba, Frederick, 20–21, 204e bénéficiaire effectif, 43, 43n63 Chine bétail, saisie du, 115 confiscation ACP, 184n219 BICs (codes d’identification bancaire), 82, 241–42 dossier Ao Man Long, 202e biens immobiliers pactes d’intégrité 197 registres, 62, 86 CHIPS (Clearing House Interbank Payments saisie de, 112–13 System), 79, 82 bijoux, saisie de, 116, 116n Chypre, système de corruption d’Alamieyeseigha blanchiment d’argent et, 22–23 au titre de l’UNCAC, 223–24 CIRDI. Voir Centre International de Règlement comme infraction pénale, 43–45, 43n55 des Différends Relatifs aux coopération internationale et, 143 Investissements éléments constitutifs du, 46e Clearing House Interbank Payments System législation anti-blanchiment d’argent, 106 (CHIPS), 79, 82 questions de compétence, 207–8, 211e codes d’identification bancaire (BIC), 82, 205 “blocage� d’avoirs, 92 collecte et communication du renseignement, Brésil 9–10, 29, 60–61, 61n66. Voir également conférence sur un dossier, 146n preuves et traçage des avoirs; cellules de enrichissement illicite, 44–45 renseignement financier (CRF) injonctions de divulgation, 110n121 collusion, 224 questions de compétence, 209e Colombie Bulgarie, vente d’armes à la Zambie de la, 21 administration anti-drogues, 108n117 bureaux d’éthique ou de déontologie, 62 enrichissement illicite, 90 bureaux d’intégrité, 62 Federal Reserve Bank (U.S.), transferts vers la, 111n124 C pactes d’intégrité, 197 Californie, confiscation ACP en, 20 personnes-ressources, 146e Cameroun, confiscation au, 124n134 transfert d’avoirs, 97n103 Canada Commission des Nations Unies pour le Droit Civil Remedies Act, 103–104n111 Commercial International , 205 fonds de recouvrement d’avoirs, 140–41 “commission rogatoire,� 67n75 Seized Property Management commissions d’autorisation, 62 Directorate, 108n116 communication des rapports. Voir inventaires et CEDH (Cour Européenne des Droits de communication l’Homme), 122n132 compétence extra-territoriale, 95n102 cellules de renseignement financier (CRF) compétence personnelle, 37 assistance informelle, 156 compétence territoriale, 37 complicité ou incitation, 225 294 I Index comptabilité poursuites pénales, 12, 14, 123–25 des bénéfices, 194, 194n243 présomptions réfragables, 134–36 infractions aux normes de, 225 renforcements de la, 12n, 134–37 livres de, 45, 45e, 83–86 types d’avoirs et problèmes, 112–17 comptes bancaires, 77, 112 avoirs périssables et sujets à dépréciation, “compte Zamtrop�, 21–22 116 concept de la “clameur publique�, 29n31 bétail et fermes, 115 conférences sur un dossier, 32, 145, 146n biens immobiliers, 111 confiscation, 107–141. Voir également confiscation entreprises, 114–15 interne dans des juridictions étrangèes espèces, comptes bancaires et instruments abandonnement, 18 financiers saisis, 111–12 acteurs-clés, 108 métaux précieux, bijoux et œuvres d’art, administrative, 18, 126 116, 116n annuler un transfert d’avoirs, 137 tranger, avoirs situés à l’, 117 civile, 184 véhicules à moteur, bateaux et avions, conditions de double incrimination, 33, 113–14, 113i 34e, 46, 47n confiscation ACP. Voir confiscation en l’absence confiscation ACP., 124–26. Voir également de condamnation pénale (ACP) confiscation en l’absence de confiscation administrative, 18, 126 condamnation pénale (ACP) confiscation automatique, 137–38 confiscation automatique, 137 confiscation discrétionnaire, 133 confiscation basée sur la propriété, 126–130 confiscation en l’absence de condamnation confiscation élargie, 137, 137n165 pénale (ACP) consultations, 119 audiences et, 10 difficultés de gestion récurrentes, 117–18 confiscation interne dans des juridictions avoirs, utilisation des, 118 étrangères et, 207 dépenses, 117 coopération internationale et, 183–85 dépenses personnelles, légales et rétroactivité de 37n39 professionnelles, 118 usage de, 7, 12, 14–15, 124–26 dettes importantes, 117 confiscation étendue, 137, 137n165 dispositions relatives à la substitution d’avoirs, confiscation ‘in rem’. Voir systèmes de confiscation 136–37 basés sur la propriété enquêteurs, 31 confiscation interne dans des juridictions en valeur, 130–33. Voir également confiscation étrangères, 4–5, 16–18, 207–18 basée sur la valeur infractions de corruption, rôle des pays étranger, avoirs situés à l’, 139, 140i ayant subi un préjudice du fait d’, financer la gestion d’avoirs, 120 209–13, 212e gestion des avoirs sujets à, 4–5, 8, 107–20 procédure pour initier une action, gestionnaires d’avoirs 208–9, 212e pouvoirs des, 110–11 questions de compétence, 207–8, 209–11e rémunérations payables aux, 119–20 recouvrement d’avoirs, 213–18 historique, 122, 122e propriété d’avoirs volés, 214 inventaire et communication, 111–12 recouvrement direct, 214, 217e liquidation des avoirs, 119 traités, accords ou autorités légales, 217–18 mécanismes, 4–5, 11, 12, 121–41 confiscation objective. Voir confiscation intérêts des tiers, 138–39 en l’absence de condamnation pénaux, 125 pénale (ACP) processus, 126–34 confiscation par abandonnement, 18 renforcement, de, 12n, 134–37 conflits d’intérêt, 221 sort de savoirs confisqués, 140–41 connaissance du client, victimes de crimes, 139–41 76, 80, 240 mécanismes administratifs, 126 Conseil de l’Union Européenne, 203–5 Index I 295 constructions juridiques, 52–3, 53n62, 227–31. Convention des Nations Unies contre le Trafic infractions de corruption, rôle des pays Illicite de Stupéfiants et de Substances ayant subi un préjudice du fait d’, Psychotropes, 4, 14n, 151n179 209–13, 212e. Voir également les types Convention relative au blanchiment, au dépistage, spécifiques de corruption (par exemple, à la saisie et à la confiscation des enrichissement illicite) produits du crime de 1990 (Conseil de consultations, 119 l’Europe, 184n219 contacts personnels, développement Conventions, Nations Unies. Voir des, 145–46, 147–49e Nations Unies contracts coopération internationale, 4–5, 9, 143–86, 144i annulation de, 194–95, 195n248 confiscation ACP, 183–85 invalidité ou rupture de, 194–97 contacts personnels, développement de, profits nets, 127 145–46, 147–49e soustraction aux obligations des, 196, 196e dans la gestion de dossier, 32–34 valeur brute, 127–28 demandes d’entraide judiciaire, 8–10, 144, 146, contrebande, 225 150–56, 153t, 155i, 162–83 contrôle. Voir planification préalable au contrôle dossiers de recouvrement civil (droit privé), ou à la saisie; décisions de contrôle; 185 saisie et contrôle entraide informelle, 9, 9n, 143–44, 146, 150–62, contrôle limité des avoirs, 99, 101t 153t, 155i, 273–74 contrôle partiel ou intérêt dans des avoirs, entraide informelle et demandes d’entraide 98, 99, 101t judiciaire 146 Convention de Bruxelles sur la obstacles, conscience des, 33–34, 34e, Reconnaissance des Décisions 147–50, 150e Etrangères en Europe, 20–21 phases d’un dossier, coopération dans le Convention des Nations Unies Contre la cadre des, 145 Corruption (UNCAC) preuves et, 90 actions civiles, 34–35, 40, 186n221, 187n225 principes-clés, 144–50 actions en responsabilité civile, 190 processus de la, 151–56, 154–55i blanchiment d’argent, 223–24 restitution des avoirs, 186 cadre de la, 1 corruption active coopération internationale, 151n179, 186n223 Siemens; United States v. (2008), 45e confiscation ACP, 121, 183n216 actions en responsabilité civile et, 190–92 corruption active, 220–21 au titre de l’UNCAC, 220–221 décisions étrangères, 14n dommages et intérêts, 191–94, 195e déclarations de patrimoine et enrichissement illicite et , 197e de revenus, 29n32 questions de compétence 208, 209–10e enquêtes conjointes , 32n36 reversement des profits, 46e , 197 enrichissement illicite, 221 Cour Européenne des Droits de l’Homme entraide non-coercitive, 151n181 (CEDH), 122n132 entrave à la justice, 225 CRF. Voir cellules de renseignement financier produits du crime, 127n142 questions de compétence, 37n40, 207–8 D recouvrement direct , 16n Danemark, système de corruption et, 22–23 restitution des avoirs et, 10–11, 10–11n, 40, Dariye, Joshua, 57e 40n50, 186, 217n276 décision de surveillance bancaire, 66 soustraction et détournement de fonds, 220 Décision-cadre du Conseil de l’Union transfert de dossiers, 212e Européenne sur la Confiscation des Convention des Nations Unies contre la Produits, des Instruments et des Biens Criminalité Transnationale en Rapport avec le Crime, 137n165 Organisée (UNTOC), 4, 14n, décisions de compensation, 19e 32n36, 35n40, 151n179 décisions de conservation de données, 70, 73e 296 I Index décisions de vigilance bancaire, 201n259 doctrine de ‘l’infraction continuée’, 39n47 décisions, exécution des, 9. Voir également les documents relatifs à l’exercice de l’obligation de types spécifiques de décisions (par vigilance, 76–77, 240–42 exemple, les ‘gag orders’) documents relatifs à l’ouverture d’un compte, Déclaration Universelle des Droits 75–76, 239–40 de l’Homme, 56 documents, production de. Voir production déclaration de patrimoine. Voir déclaration de de documents patrimoine et de revenus dommages et intérêts déclarations de patrimoine et de revenus, 29 dans les dossiers de corruption, 191–94, 195e 29n32 indemnité forfaitaire, 197 déclarations de revenu, 29, 29n32 pour rupture de contrat, 194–97 déclarations de transaction monétaire (DTM), 27, responsabilité civile, 15, 191 27e, 60–61 dommages et intérêts forfaitaires, 197 déclarations de transaction suspecte (DTS), données financières comme preuves, 54–75 16–17, 27, 27–28e, 60–61, 76, 81, 106, dossiers 212e Attorney General of Hong Kong v. Reid (1994), déclarations de transactions excédant un certain 189, 162e montant, 61 Chiluba and associates (Meer Care & Desai déclencheurs d’alerte, 29, 29n31 case, 2007), 20–21, 204e découverte préalable au procès, 125n139 dossier Ao Man Long 202e découverte, avant le procès, 125n139 Federal Republic of Nigeria v. Santolina DEJ. Voir demandes d’entraide judiciaire Investment Corp., Solomon & Peters, demandes d’entraide judiciaire (DEJ). Voir and Alamieyeseigha (2007), 20–23, également entraide informelle 188e, 197, 199e dans la coopération internationale, 8–10, 90, Fyffes v. Templeman and Others (2000), 144, 163–83, 185e. 165, 195e dans le dossier Montesinos, 146e Montesinos and associates, 18–20, 36, enquêtes pénales et , 14 36e, 41n51, 146e, 185n220 entraide informelle, contre., 146, 150–56, Thahir v. Pertamina (1992–94), 189, 153t, 155i 189e établissement des faits et, 27 World Duty Free Company Limited v. Republic juridictions étrangères, 117, 212–13e of Kenya (2006), 196e modèle et conseils de rédaction, 275–79, douanes 278–79e formulaires de déclaration, 62 obligations de divulgation, 150e fraude, 225 obstacles aux, 33–34, 149, 150e droit à la protection de la vie privée, 64, 64n68 recouvrement d’avoirs et, 12 droit à un avocat, 103 timing et coordination, 48–49 droit au respect de la vie privée, 65, 64n68 dépenses d’investissement, 113 droit privé. Voir actions civiles dépenses légales, 118 droits de la défense, 56, 103 dépenses personnelles, 118 droits des accusés, 56 dépôts en chèques, 72 DTS. Voir déclarations de transaction suspecte dépôts en obligations, 77 dépréciation d’avoirs saisis, 113–14, 115–17 des avoirs, 93–95 E détournement de fonds, 46e, 220 Egmont Group, 60, 90, 147e documents, production de. Voir production emplacements de stockage, 99 de documents enquêtes dispositions ‘claw-back’, 97 équipes, task forces et enquêtes conjointes, dispositions de substitution d’avoirs, 136–37 29–32, 30n33 dissipation d’avoirs, 200–1, 203–4 mesures non-coercitives, 151, 151n181, 156 divulgation spontanée, 27 enquêtes conjointes, 29–32, 144 Index I 297 enquêtes en équipe, 29–32, 144 ex parte enrichissement illicite, 45–46, 46e, 47n58, demande de décision de contrôle, 114, 201 197, 197e, 221 demandes de divulgation, 70, 73–74, 199 entraide informelle mesures provisoires, 93–95 CRFs, 156 exécution de jugements, 204e dans la coopération internationale, 8–10, 9n, exigences procédurales pour la sécurisation 143–44, 157–62, 273–74 “extinción de dominio�. Voir confiscation ACP définition de l’ 144n174 extorsion, 222–23 demandes d’entraide judiciaire, contre, 146, extradition 150–156, 153t, 155i. dans la coopération internationale, 8, 144 juridictions étrangères 117 définition de l’, 144n175 points de discussion pour, 273–74 des individus en fuite, 47 entrave à la justice, 225 principe “extrader ou poursuivre�, 208, 212–13e entreprises, saisies d’, 114–15 entretiens, 64–66, 64–65nn69–70.Voir également F rencontres en personne factures de services publics (eau, gaz, Equateur, pactes d’intégrité en, 197 électricité, téléphone…), 63–64 équipes d’enquête et de poursuites, 30–31 falsification de documents, 46e, 224 Espagne, fonds de confiscation d’avoirs en, faillite. Voir processus d’insolvabilité 140–41 fausses déclarations, 220 espèces, mouvements d’, 62 faux et usage de faux, 46e, 224 espèces, saisie d’, 112 FCPA. See Foreign Corrupt Practices Act établissement des faits, 25–29, 111 Federal Reserve Bank (U.S.), 81, 111n124 état civil, 62 Fedotov, Yury, xi–xii Etats-Unis Fedwire Funds Service (Fedwire), 79, 82 accords de partage, 217n278 fermes, saisie des, 115 Alien Tort Claims Act, 191e filtre des sanctions dans les données Asset Forfeiture Program, 109n117 financières, 249e avoirs de substitution, 136n164 financement illicite d’activités politiques 222–23 blanchiment d’argent, 211e Floride, confiscation ACP en, 20 comptabilité, archives et dispositions de flux, financiers, 87–90, 88i contrôle interne, 45, 45e flux financiers, 87–90, 88i confiscation ACP, 37n39, 40n49, 123n133, fonds de confiscation d’avoirs, 140–41 184–nn217–218 Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), confiscation administrative, 126n141 191e, 197e, 210e doctrine de l’infraction continuée, 39n47 40+9 recommandations du GAFI, 121, 151n179, dossier Montesinos et, 18, 20, 185n220 151n181, 183–84n216, 207–8n droits au respect de la vie privée, 64n68 France fonds de confiscation d’avoirs, 140–41 blanchiment d’argent, 208n270, 211e Foreign Corrupt Practices Act (FCPA), commission rogatoire, 67n 191e, 1697e, 210e confiscation ACP, 184–85n219 Internal Revenue Service, 195e décisions de contrôle, 200e Justice Department, 11n17 demandes d’entraide judiciaire, 185e personnes-ressources, 146e dommages et intérêts au pénal, 191n229 questions de compétence, 208n271, 209e enrichissement illicite, 222e Racketeer Influenced and Corrupt personnes-ressources, 146e Organizations Act (RICO), poursuites pénales, 198n255 191e, 194n244 principe de découverte, 39n48 “relation back doctrine,� 137n167 recouvrement direct d’avoirs, 217e reversement des profits, 197e fraude, 46e, 220, 224–25 sûreté sur un bien, 99n106 Fujimori, Alberto, 36e, 146e surveillance consentie des Fyffes v. Templeman and Others communications, 74n80 (2000), 193–94, 195e Travel Act, 210e 298 I Index G liquidation des avoirs, 119 GAFI. Voir Groupe d’Action Financière possession physique des avoirs, 99, 102 Garrido, Victor Venero, 20, 185n220 rémunération payable aux, 119–20 “gel� d’avoirs, 92, 92n97 glossaire des termes, 289–92 gestion de dossiers, 4–5, 12, 25–50. Voir également “gros dossiers�, 51, 56 gestionnaires d’avoirs et gestion Groupe d’Action Financière (GAFI), dossiers pénaux, considérations spécifiques 78n85, 90, 108n116, 121, aux, 14, 43–47 151n179, 151n181, 183–84n216, condamnation, incapacité à obtenir une, 47 207–8n, 248 difficultés liées à la preuve, 46–47 infractions pénales, identification des, 42–45, H 44i Haïti établissement des faits 26–29 Bureau d’Administration du Fond Special de équipes, task forces et enquêtes conjointe, lutte contre la drogue, 109n116 29–32 déclencheurs d’alerte, 29n31 avec des autorités étrangères, 31–32, 32n36 High Court of London, 21 enquête et poursuites, 30–31, 30n33 “hommes de paille�, 52–53, 64–65 task forces conjointes, 31 Hong Kong Attorney General v. Reid (1994), 189, homologues étrangers et coopération 188–89e internationale, 32–34 Hussein, Saddam, 217e parties reponsables, identification des 42–43 questions et obstacles juridiques dans la gestion I d’un dossier, 37–41 identification du client, 237–40 compétence, 37–38, 37n40 Îles Caïman, le dossier Montesinos et les, 14, 16 dispositions juridiques relatives à la Îles Vierges Britanniques, système de corruption restitution des avoirs, 40 aux, 22–23, 188e immunité aux poursuites des agents immunité aux poursuites, 38 publics, 38 imposition prescription, 39–40, 40n49 autorités fiscales, 62 standards de preuve, 40–41, 41i des profits illicites, 18, 19e réformes juridiques et et législatives, 36–37 infractions pénales, 225 soutien et ressources, 35 saisie de biens immobiliers et, 113 système de suivi de dossier, mise en place du, Inde, pactes d’intégrité en, 197 47–50 informations protégées par le secret, 244–45 calendrier et coordination, 48–49 informations relatives à l’envoyeur, 249e demandes des médias, 50 informations sur le client, 76–77, 80 organisation des données et production infractions, 42–47, 44i, 46e, 219–25, 219i. Voir des rapports, 49 également infractions spécifiques (par planification stratégique et leadership 48 exemple corruption) gestion de la coordination de dossier, 48 infractions commises à l’étranger, produits gestion des avoirs. Voir gestionnaires d’avoirs dérivés d’, 129–30 et gestiont injonctions Mareva, 92n95, 201n260, 201 gestionnaires et gestion d’avoirs. Voir également instruments d’une infraction, 130 suivi d’un dossier instruments financiers, 112 avoirs, utilisation des, 118 interdiction de détruire (des preuves), 70, 73e consultations, 118 interdictions de communiquer (‘gag orders’), dépenses, 117–18 15, 199–200 dépenses personnelles, légales et intérêts des tiers professionnelles, 118 dans la sécurisation des avoirs, 104–5 dettes importantes, 117 divulgation, 199–200 en tant qu’acteurs-clés, 108 mécanismes de confiscation, 138–39 financement de la, 120 internet et sites web inventaire et communication, 111 accès, 145 Index I 299 injonctions de divulgation, 70 M sources publiques d’information, 36n38, 60, mandats. Voir mandats de perquisition et de saisie 281–88 mandats de perquisition et de saisie, 64–65, inventaires et communication, 50, 61, 111 67–70, 69e, 102, 236–37 Italie Mareva Compania Naviera S.A. v. International confiscation ACP, 184–85n219 Bulk Carriers S.A. (1980), 201n260 fonds de confiscation d’avoirs, 140–41 Marseille (France), atelier sur le recouvrement d’avoirs, 3, 3n11 J médias Jerez, Bryon, 185n220 rapports, 29, 212e Jersey, confiscation ACP à, 184–85n219 requêtes, 50 jugements par défaut, 203–4 Meer Care & Desai case (2007), 20, 204e juridictions étrangères. Voir également messages “élément à rectifier�, 81 confiscation interne dans des messages MT 103, 82, 241–42, 247–48 juridictions étrangères; questions mesures accessoires, 104 de compétence mesures de contrôle contrôle provisoire, 96 dans le cadre des actions civiles, coopération, 32–34 125n140, 200–1 enquêtes conjointes, 31–32, 32n36 ex parte, 114, 201 mécanismes de confiscation, 139, 140i exceptions aux, 103 saisie d’avoirs situés à l’étranger, 96, 117 exigences des, 200e injonctions Mareva et, 92n95 K pour sécuriser des avoirs, 91–92, 92n97 Kazakhstan timing des, 93n99 corruption au, 11n17 mesures d’enquête non-coercitives, 151, pots-de-vin au, 39n45 151n181, 156 Kenya, corruption au, 196e mesures provisoires alternatives aux, 106 L avoirs sujets aux, 96–98 Lazarenko, Pavlo, 185n220, 211e conditions de la décision, 92–96 législation des marchés publics, 224 timing des, 102–3 “lettre Mareva�, 201 métaux précieux, saisie de, 115–16 Liechtenstein méthodes de paiement de couverture, confiscation ACP, 37n39 247–50, 248i obligations de divulgation pour les demandes méthodes de paiement sérielles, 247–50, 248i d’entraide judiciaire, 150e Mexique liquidation d’avoirs, 119. Voir également déchéance au, 3n12 procédures de faillite pactes d’intégrité, 197 lois générales sur la responsabilité, 192 Moi, Daniel arap, 196e loi-type sur l’insolvabilité internationale de la Montesinos, Vladimiro, 18–20, 36–37, 36e, 41n51, commission des Nations Unies pour le 146e, 185n220 droit commercial international, 205 London High Court, 22, 188–89e N London Metropolitan Police, 22, 217e Namibie, fonds de confiscation d’avoirs en, Luxembourg 140–41 fonds de confiscation d’avoirs 140–41 New York Stock Exchange, 209e obligations de divulgation pour les demandes Nigéria d’entraide judiciaire, 150e dossier Alamieyeseigha, 21–22, 188–89e, 198, 199e 300 I Index Economic and Financial Crimes Efficient Collaboration Act Commission, 22 (Law 27.378) 19, 19n enquêtes Dariye, 57–59e transactions pénales, 36, 36e Metropolitan Police, 22, 22n26, 198 personnes physiques 54 Nigeria, Federal Republic of v. Santolina personnes politiquement exposées (PEP), Investment Corp., Solomon & Peters, 53n63, 77, 81 and Alamieyeseigha (2007), 22–23, personnes-ressources, 146e 188–89e, 198, 199e Pertamina (entreprise publique indonésienne), niveau de vie, présomptions basées sur le, 136, 188–89e 135n160 piste comptable, 83 note de frais, 103 planification préalable au contrôle ou à la saisie, 96–102, 114 O planification stratégique dans la gestion Oakland County v. Vista Disposal, Inc. (1995), des dossiers, 48–49 194n244 polices d’assurance, 85–86 obligations de divulgation “politique publique internationale�, 196 décisions, 70–74, 72–73e, 111, 110n121 possession physique des avoirs, 99, 101–2 demandes ex parte, 199 pouvoirs de collecte d’information des divulgations spontanées, 27 gestionnaires d’avoirs, 25–29, 111 obligations de silence (‘gag orders’), 199–200 pouvoirs légaux des gestionnaires d’avoirs, 110 pour les demandes d’entraide judiciaire, 150e prescription, 39–40, 40n49 obligations de silence. Voir interdictions de préservation des preuves, 69–70 communiquer Présomption d’innocence, 135. Voir également œuvres d’art, saisie d’, 116 présomptions réfragables Office des Nations Unies contre la Drogue présomptions réfragables, 43n53, 46–47, et le Crime, 2 121–22, 132, 133–36 Okonjo-Iweala, Ngozi N., xi–xii prêts cautionnés , 113 opérations d’infiltration, 75 preuve de vive voix, 94–95e ordonnances de référé, 202–3. Voir décisions preuve par ouï-dire, 94–95e de contrôle preuves circonstancielles, 199e “ordre public international,� 196 preuves et traçage des avoirs, 4, 5, 51–90. Voir organisations criminelles, 135, 135n159 également sécurisation des avoirs organisation des données pour la gestion d’un circonstancielles, 199e dossier, 50 coopération internationale, 90 Oyebanjo, Joyce, 57–59e dans les procédures civiles, 198–202 dans les procédures pénales, 198 P défis de la gestion de dossier, 46–47 Pacte International relatif aux Droits Civils et documents, fréquemment produits, 76–86 Politiques (ONU), 56 actes d’achat et de vente, 86 pactes d’intégrité, 196–97 déclaration de transaction suspecte (DTS), 76 Pakistan, pactes d’intégrité au, 197 documents relatifs à l’ouverture de comptes, Panama à la connaissance du client ou à décisions de contrôle, 200e l’obligation de vigilance, 76–77 dommages et intérêts, 191n229 livres de comptes, 82–85 pêche à l’information, 34e polices d’assurance, 85–86 PEPs. Voir personnes politiquement exposées relevés de comptes, 77 péridoes de prescription, 39–40 virements, 78–82, 77i, Pérou 78n85, 80e dossier Montesinos, 18–20, 41n51, 146e, données financières et autres preuves, 54–75 185n220 décisions de surveillance bancaire, 66 Index I 301 entretiens, 64–65, 65nn69–70 Q injonctions de divulgation ou de production questions de compétence, 37–38, 37n40, 95n102, de documents, 70–74, 71–72e 207–8, 209–11e. Voir également mandats de perquisition et de saisie, confiscation interne dans des 67–70, 68–69e juridictions étrangèes; juridictions opérations d’infiltration, 75 étrangères sources publiques et administrations, questions de timing 59–64, 61i demandes d’entraide judiciaires, 48–49 surveillance électronique, 73–74 des mesures provisoires, 102–3 surveillance physique, 63–64 questions et obstacles juridiques dans la gestion surveillance postale, 64–65 d’un dossier, 37–41 techniques de base, 56, 59i trash runs, 64 R flux financiers, 88–90, 88i Racketeer Influenced and Corrupt Organizations préparation, 51–54 Act (RICO), 191e, 194n244 préservation, 69–70 RAS de Hong Kong preuve de vive voix, 94–95e confiscation ACP, 184–85n219 preuve par ouï-dire, 94–95e dossier Reid, 188–89e profil financier, 87–90, 89i, 251–71 législation anti-corruption, 202e profil de suspect, création d’un, 54, 55e RAS de Macao, le dossier Ao Man Long sécurisation des avoirs, exigence pour la, 92–93 dans la, 202e principe de découverte, 39, 39n48 recommandation spéciale VII sur les virements principe de souveraineté , 143 électroniques (GAFI) 78n85, 248 procédure d’arbitrage 16–17, 198 recouvrement d’avoirs procédures d’insolvabilité, 11, 117, 204–5 suivi d’un dossier., 25–50. Voir également suivi “procédure en cours�, 149 d’un dossier procédures pénales actions civiles, 187–205. Voir également actions comportement, 132 civiles condamnation, incapacité à obtenir une, 47 aperçu général, 4–5, 7–23 confiscation, 12, 14, 123–24 confiscation, 107–20. Voir également considérations relatives à la gestion d’un confiscation dossier, 14, 42–47 confiscation interne dans des juridictions établissement des faits, 27 étrangères, 207–18. Voir également poursuites, 12, 14 interne dans des juridictions étrangères preuves dans les, 46–48, 198 coopération internationale, 143–86. Voir victimes de crimes, implication dans les, 16–17 également voies légales production de documents, 70–73, 71–72e, 239–45 dossiers, 18–23. oir également dossiers originaux requis, 245 glossaire des termes utilisés, 289–92 produits directs, 127–29 legal avenues for, 12–18, 13e produits du crime, 52–53, 127–28, manuel, comment l’utiliser, 3–5 127n142, 129e, 223 méthodologie du manuel, 2–3 produits indirects, 127–28 preuves et “traçage� des avoirs, 51–90. Voir profils de suspects, création de, 54, 55e également preuves et traçage des avoirs profils financiers, 86–90, 89i, 251–71 processus général, 7–11, 8i profits nets d’un contrat, 128 sécurisation des avoirs 91–106. Voir également programme pétrole contre nourriture (ONU), sécurisation des avoirs 217e recouvrement direct d’avoirs, 11, 186, 214, 216e programme StAR. Voir Stolen Asset réformes législatives, 36–37, 40 Recovery (StAR) Initiative registres des sociétés, 62 registres des véhicules, 62. Voir également véhicules à moteur, saisie des 302 I Index Reid, Warwick, 188–89e S Reid; Attorney General of Hong Kong v. saisie et contrôle. Voir également mandats de (1994), 189, 188–89e perquisition et de saisie; cas particuliers “relation back doctrine�, 137n167 (par exemple, entreprises, saisie d’) rémunérations à l’étranger, 96 gestionnaires d’avoirs, payables aux, 119–20 intérêts des tiers, 104–5 non-payées, 195, 194–95n247 planification préalable au contrôle ou rémunérations non-payées, 194–95, 194n247 à la saisie, 96–102, 114 rencontres en personne, 32, 145, 151, 278–79e. sécurisation des avoirs, 91–92 Voir également entretiens sauvegarde de données, 68 renforcements de la confiscation, 12n, 133–38 sécurisation des avoir, 4–5, 8, 91–106. Voir réparation civile, 15, 191 également preuves et traçage des avoirs réseaux, de praticiens, 147–49e conditions des mesures provisoires, 92–96 réseaux de praticiens, 147–49e contrôle ou saisie d’avoirs situés responsabilité conjointe et solidaire, 133 à l’étranger, 96 responsabilité des Etats, principe de la , 196 exigences liées à la preuve, 92–93 responsabilité et parties responsables, 42–43, exigences procédurales, 93–94 133, 190 dans le cadre des actions civiles, 198–202 restitution, 139–40. Voir également reversement décisions auxiliaires, 104 de profits décisions de contrôle, exceptions aux, 103 résumés de procès verbaux d’auditions 133–34 intérêts des tiers, 104–5 revendications dans les actions civiles, 188–97 planification préalable au contrôle reversement des profits, 197, 197e ou à la saisie, 96–102, 114 RICO (Racketeer Influenced and Corrupt avoirs sujets à des mesures Organizations Act), 191e, 194n244 provisoires, 96–98 Ross River Ltd. v. Cambridge City Football Club contrôle partiel ou limité, 99, 101t Ltd. (2007), 195n248 gestion des avoirs, 98–99, 100–1e Royaume-Uni intérêt partiel dans les avoirs, 98 actions en responsabilité civile, 191n230 possession physique, 99, 101–2 auto-incrimination, 204n266 saisie et contrôle, 91–92 blanchiment d’argent, 211e Seychelles, système de corruption aux, 22–23, Bribery Act, 210e 188–89e Chiluba and associates (Meer Care & Desai Siemens; United States v. (2008), 45e case, 2007), 20–21, 204e signaux d’alerte, 83, 84–86e, 88–89 Civil Liability (Contributions) Singapour, le dossier Pertamina et , 188–189e Act de 1978., 191n230 sites web. Voir internet et sites web comptabilité, archives et dispositions de société civile 11, 29 contrôle interne, 45, 45e sociétés écrans 76n, 78 confiscation ACP, 25n29, 184n217 Society for Worldwide Interbank Financial décisions de contrôle, 200e Telecommunications (SWIFT), 79, injonctions de divulgation, 110n121 81, 82, 83i, 241–42, 247, 250 personnes-ressources, 146e sort des avoirs confisqués, 140–41 principe de découverte, 39n48 soulever le voile juridique, 97 Proceeds of Crime Act, 20–21 sources d’informations publiques, 60–64 recouvrement direct d’avoirs, 217e soustraction des obligations contractuelles, 196, système de corruption Alamieyeseigha, 22–23 196e traçage et recouvrement des avoirs, 57–59e spécialistes en informatique judiciaire, 68, 68n S.T. Grand, Inc. v. City of New York (1973), 194n247 Index I 303 standards de preuve surveillance électronique, 73–76 “au-delà du doute raisonnable�, 12, 41, 124 surveillance physique, 63–64 “cause probable�, 93 surveillance postale, 64–65 condamnation, incapacité à obtenir une, 47 SWIFT. Voir Society for Worldwide Interbank dans la gestion de dossier, 40–41, 41i Financial Telecommunications décisions de surveillance bancaire, 66n73 systèmes de confiscation basés sur la propriété “intime conviction�, 41, 124 confiscation ACP, 124 mandats de perquisition et de saisie, 67 décisions multiples dans les, 123 obstacles liés à la preuve, 46 dispositions de substitution d’avoirs, 137 “prépondérance des probabilités�, 12, 14, 16–17, exigences dans les, 33, 92, 126–27 41, 124, 183–84, 187 mesures provisoires et, 96 “prépondérance de la preuve�, 14, procédures judiciaires, 9–10 16–17, 41, 124, 183–84 produits du crime dans les, 127–30 “raisons raisonnables de croire�, 67, 93 systèmes de confiscation basés sur la valeur standard de preuve “au-delà de tout doute décisions multiples dans les, 123 raisonnable�, 12, 41, 124 dispositions de substitution d’avoirs, 137 standard de preuve de “l’intime conviction�, exigences dans les, 33, 92, 126–27 41, 124 mesures provisoires et, 96 standard de preuve de la “cause probable�, 67, 93 profits dans les, 130–34 standard de preuve de la “prépondérance de la systèmes de propriété entachée. Voir systèmes de preuve�, 14, 16–17, 41, 124, 183–84 confiscation basés sur la propriété standard de preuve de la “prépondérance des probabilités�, 12, 14, 16–17, 41, 124, T 183–84, 187 task forces, 29–32, 144 standard de preuve des “raisons raisonnables témoignage d’expert, 133–34 de croire�, 67, 93 termes financiers standards MT 202 COV, 241, 247–50 explication des, 227–31 Stolen Asset Recovery (StAR) Initiative, glossaire, 289–92 2, 25n28, 53n62, 120, terres. Voir biens immobiliers 127n143, 149n Thahir v. Pertamina (1992–94), 188, 188–89e Suisse Thahir, Haji Achmad, 188–89e Association Suisse des Banquiers, 111n125 Thahir, Kartika Ratna, 161–62b confiscation ACP, 184n218 Thaïlande, confiscation ACP en, 37n39 dossier Montesinos et la, 18–19, 146e traçage des avoirs. Voir preuves entraide informelle, 151n180 et traçage des avoirs obligations de divulgation pour les traffic d’influence, 46e, 220–21 demandes d’entraide judiciaire, 150e traités, s’appliquant au recouvrement restitution d’avoirs, 218, 217e d’avoirs, 217–18 Tribunal Fédéral Suisse, 39n45 transactions pénales, 36, 36e, 217n276 sûretés sur des biens, 99, 99n106, 105, 112 transferts d’avoirs, 136, 137 surveillance transferts de fonds électroniques. Voir virements électronique, 73–75 Transparency International, 196 physique, 63–64 trash runs, 64–65 surveillance a posteriori des données financières, tromperie, 220 249e trusts, 188e surveillance consentie des communications, trusts, constructive, 188–89e 73, 74n80 304 I Index U Ukraine corruption en, 211e questions de compétence, 209e UNCAC. Voir Convention des Nations Unies Contre la Corruption United States v. voir nom du ou des défendeurs UNTOC. Voir Convention des Nations Unies contre la Criminalité Organisée Transnationale utilisation frauduleuse de la poste, 25 utilisation frauduleuse des réseaux de télécommunications, 225 V valeur brute des contrats, 36, 36e, 127–28 véhicules à moteur, saisie des 62, 113–14, 113i. vente d’avoirs, 119 vente par anticipation, 110 victimes de crimes juridictions étrangères, 210–11 mécanismes de confiscation pour les, 139–41 procédure pénale, implication dans la, 16–17 virements, 78–82, 77i, 78n85, 80e, 241–42, 247–50, 248i, 249e virements de compte à compte, 79, 81 voies de droit dans les actions civiles, 188–97 vol, 220 volonté politique, 34 W World Duty Free Company Limited v. Republic of Kenya (2006), 196e Z Zambie confiscation ACP, 20n Lusaka High Court, 204e Meer Care & Desai case (2007), 20–21, 204e Zambia National Commercial Bank, 21–22 Index I 305 L es pays en développement perdent chaque année entre 20 et 40 milliards de dollars du fait de la corruption, des détournements de fonds et d’autres pratiques malhonnêtes. L’essentiel des produits de cette corruption trouvent refuge dans les places financières mondiales. Ces flux criminels constituent une ponction sur les services sociaux et les programmes de développe- ment économique, contribuant ainsi à appauvrir un peu plus les pays déjà les plus pauvres du monde. Nombreux sont les pays en développement à avoir tenté de recouvrer ces avoirs volés. Certains dossiers hautement médiatisés menés grâce à une coopération internationale inno- vante ont démontré que le recouvrement de ces avoirs est bel et bien possible. Cependant, le processus demeure hautement complexe, impliquant la coordination et la collaboration d’administrations nationales et de ministères situés dans de multiples juridictions, ainsi que la capacité à tracer et à éviter la dissipation des avoirs et à mettre en œuvre diverses voies judi- ciaires – comme la confiscation pénale ou en l’absence de condamnation pénale, des actions civiles ou d’autres alternatives. Ce processus peut se révéler épuisant, y compris pour les praticiens les plus expérimentés. Il est même exceptionnellement difficile pour ceux d’entre eux qui travaillent dans un contexte d’état défaillant, de corruption généralisée ou de ressources limitées. C’est avec cela à l’esprit que le programme StAR (Stolen Assets Recovery Initiative) a développé ce manuel de recouvrement des biens mal acquis : un guide à l’intention des praticiens de manière à aider ceux qui doivent relever les défis stratégiques, organisationnels et juridiques posés par le recouvrement des avoirs volés. Ecrit par des praticiens, ce manuel propose des approches communes pour le re- couvrement des avoirs situés dans des juridictions étrangères, identifie les obstacles que les praticiens seront susceptibles de rencontrer, et détaille les meilleures pratiques à mettre en œuvre. Il inclut également des outils pouvant être utilisés par les praticiens, comme des exem- ples de fiches de renseignement, de demandes de décisions de justice, et de demande d’entraide judiciaire. StAR - ou Stolen Asset Recovery Initiative - est un partenariat entre la Banque Mondiale et le Bureau des Nations Unies contre la Drogue et le Crime qui soutient les efforts internationaux visant à faire disparaître les refuges des produits de la corruption. StAr travaille avec les pays en développement et les centres financiers pour empêcher le blanchiment des produits de la corruption et pour faciliter une restitution plus rapide et plus systématique des avoirs volés.