THE WORLD BANK GROUP Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Note pour le Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie Numérique (MICIEN) Novembre 2016 TA-P151545-TAS-BB 1 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Standard Disclaimer This volume is a product of the staff of the International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank. The findings, interpretations, and conclusions expressed in this paper do not necessarily reflect the views of the Executive Directors of The World Bank or the governments they represent. The World Bank does not guarantee the accuracy of the data included in this work. The boundaries, colors, denominations, and other information shown on any map in this work do not imply any judgment on the part of The World Bank concerning the legal status of any territory or the endorsement or acceptance of such boundaries. Copyright Statement The material in this publication is copyrighted. Copying and/or transmitting portions or all of this work without permission may be a violation of applicable law. The International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank encourages dissemination of its work and will normally grant permission to reproduce portions of the work promptly. For permission to photocopy or reprint any part of this work, please send a request with complete information to the Copyright Clearance Center, Inc., 222 Rosewood Drive, Danvers, MA 01923, USA, telephone 978-750-8400, fax 978- 750-4470, Http://www.copyright.com/. 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Les auteurs remercient l’appui fournit depuis Washington D.C. par Mme Anna Ndeye Ba (Program Assistant, GTIDR). La note a été préparée sous la direction de Pierre Guislain (Senior Director, GTIDR), Marie Francoise Marie-Nelly (Morocco, Country Director, MNC01), et Boutheina Guermazi (Practice Manager, Transport and ICT Global Practice). Au bureau de la Banque mondiale à Rabat, les auteurs remercient en particulier Andrea Liverani (Program Leader, MNC01), Jean-Pierre Chauffour (Lead Economist, GMF05), Michael Hamaide (Senior Country Officer, MNC01), Philippe de Meneval (Program Leader, MNC01), Ibtissam Alaoui (Communications Officer, MNAEC) et Bachir Abdaym (Operations Officer, MNC01). Les auteurs remercient vivement les autorités marocaines, en particulier S.E.M. Moulay Hafid Alami, Ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie Numérique, S.E.M. Nizar Baraka, Président du Conseil Economique, Sociale et Environnemental, M. Ahmed Toumi (Conseiller du Ministre) du Ministère de l’Industrie du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie Numérique (MICIEN) et les équipes du MICIEN, ainsi que M. Montassir Billah, Président de l’Autorité de Régulation Nationale des Télécommunications (ANRT) et les équipes de l’ANRT , les opérateurs de télécommunications (Maroc Télécom, Meditel et WANA), l’Office National des Chemins de Fer (ONCF) et l’Office National de l’Eau et de l’Electricité (ONEE) pour la qualité des échanges et leur coopération durant le processus de préparation de cette note. Les auteurs remercient les autorités de la France, de la Lituanie, et de l’Italie, pour les informations fournies dans le cadre de la rédaction de la note. Les auteurs sont seuls responsables de toutes erreurs ou omissions. 3 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Table Des matières Table Des matières ................................................................................................................................ 4 Liste des Acronymes .............................................................................................................................. 5 Résumé exécutif ..................................................................................................................................... 6 Introduction ......................................................................................................................................... 13 Section 1. Les effets générés par l’accès et l’usage des TIC et du haut débit sur l’économie ............ 19 Section 2. L’essor du secteur des TIC et du haut débit au Maroc : diagnostic sectoriel et perspectives de développement ................................................................................................................................ 23 A. La libéralisation partielle du secteur des télécom et ses effets ..................................................... 23 B. La situation du marché des télécoms et du haut débit aujourd’hui ............................................... 25 C. Le besoin d’une nouvelle vague de réformes sectorielles pour un développement du haut débit accessible au plus grand nombre ........................................................................................................ 41 Le manque de concurrence sur le marché et l’absence d’un marché régulé de gros ......................... 42 Un modèle de régulation et de réglementation peu favorable à la poursuite de la libéralisation du secteur du haut débit ..................................................................................................................... 44 Un manque d’investissement da ns les infrastructures haut débit ..................................................... 47 Section 3. Proposition d’un programme de réformes sectorielles pour accroître l’accès et l’us age de la population aux services de haut débit ............................................................................................. 51 A. Proposition d’un programme de réformes sectorielles ................................................................. 51 B. Réforme prioritaire #1 – Mise en place d’un nouveau modèle de gouvernance pour les TIC ....... 54 C. Réforme prioritaire #2 – Mettre en place une concurrence par les infrastructures ........................ 56 D. Réforme prioritaire #3 – Mise en œuvre effective du Fonds du Service Universel ....................... 57 Section 4. Annexes ............................................................................................................................... 60 A. Annexe 2. Pourquoi et comment l’utilisation des TIC peut-elle contribuer à améliorer la fourniture de services d’éducation au Maroc ? .................................................................................................... 62 B. Annexe 3. Pourquoi et comment l’utilisation des TIC peut-elle contribuer à améliorer la fourniture de services de santé au Maroc ? ......................................................................................................... 66 C. Annexe 4. Présentation de cas d’expériences européennes et internationales de Pa rtenariat public- privé pour le déploiement d’infrastructures haut débit selon le type de segment du réseau d’infrastructure concernée. ......................................................................................................................................... 68 D. Annexe 5. Les 6 principaux projets financés par le Fonds de Service Universel .......................... 72 E. Annexe 6. Aperçu de la gestion de la cybersécurité et de la surveillance électronique en France, Italie et Lituanie ................................................................................................................................ 74 4 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Liste des Acronymes ADM Autoroute du Maroc ADSL Asymmetric digital subscriber line ANRT Autorité Nationale de Régulation des Télécommunications AREGNET Arab Regulators Network ARPM Average Revenue per Minute BAM Barid al-Maghrib BM Banque mondiale BEREC Body of European Regulators for Electronic Communications CDMA Code Division Multiple Access CGSUT Comité de gestion du service universel des télécommunications DSLAM Digital Subscriber Line Access Multiplexer EBITDA Earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization FAI Fournisseur d’accès internet FTTH Fiber to the home FSUT/FSU Fonds de Service Universel des Télécommunications GENIE Généralisation des Technologies d’Information et de Communication dans l’Enseignement au Maroc GSM Global System for Mobile Communications GSMA Groupe Spécial Mobile Association HACA Haute Autorité de la Communication Audiovisuel IAM Itissalat al-Maghrib IRU Indefeasible rights of use MENA Middle East and North Africa MICIEN Ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie Numérique MSAN Multi-Service Access Node NGN Next generation network NOG Note d’Orientations Générales (de l’ANRT) OCP Office Chérifien des Phosphates ONCF Office National des Chemins de Fer ONEE Office Nationale de l’Electricité et de l’Eau OTT Over the Top PACTE Programme de généralisation de l’accès aux télécommunications à toutes les régions du Maroc sans exception PIB Produit Intérieur Brut PNHD Plan National Haut Débit PPP Partenariat public-privé RNB Revenu national brut RTC Réseau téléphonique commuté SPV Special Purpose Vehicle TIC Technologies de l’Information et de la Communication THD Très haut débit UIT Union Internationale des Télécommunications VSAT Very Small Aperture Terminal 5 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Résumé exécutif S.M. le Roi, dans son discours du 20 Août 2014 célébrant le 61ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, a souhaité inscrire le Maroc dans le club des pays émergents 1. Le royaume ambitionne aujourd’hui d’atteindre un niveau de revenu par habitant similaire à celui des pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure et de réduire le taux de chômage qui touche en particulier les jeunes et les femmes. Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement reconnaît la nécessité de passer d’une économie à faible intensité technologique et tournée vers l’agriculture, à une économie plus diversifiée et orientée vers les services et activités industrielles à haute valeur ajoutée. Comme le souligne le Rapport de la Banque mondiale sur le Développement dans le Monde 20162, le haut débit constitue un des déterminants de la compétitivité des nations. Le développement du haut débit est essentiel pour améliorer la compétitivité du Maroc à l’internationale et attirer les investissements étrangers . Le développement du haut débit constitue un enjeu stratégique pour le Maroc dans la mesure où le pays cherche à consolider son positionnement prometteur dans le secteur industriel et manufacturier. En effet, la diffusion de l'Internet haut-débit augmente la productivité du travail dans les services et dans l’industrie. L’Internet haut-débit est également une condition préalable à une économie fondée sur l'innovation. En particulier, des secteurs entiers et stratégiquement essentiels pour l’économie marocaine, tels que les secteurs de l’automobile et de l’aérospatiale, sont profondément affectés par l’usage des TIC dans leurs procédés de fabrication (e.g. phénomène Industrie 4.0, processus de fabrication virtuel). De même, le développement de l’économie numérique (le développement du haut débit, des contenus, des applications, et de l’habilité à utiliser les outils TIC) constitue un vecteur pour moderniser l’administration via la mise en place de services numériques gouvernementaux accessibles à tous. Ceci permettrait de réduire la complexité des procédures administratives et la corruption, considérées comme les deux principaux obstacles au développement des affaires 3. Dans le domaine de l’éducation et de la santé, le haut débit peut contribuer à améliorer la qualité des services publics rendus aux citoyens. L’économie numérique permet d’améliorer la participation sociale et citoyenne, et l’inclusion de populations isolées ou marginalisées. Elle permet par exemple de faire face aux défaillances des systèmes d’enregistrement des actes d’état civil lorsque ceux-ci sont inexistants ou incomplets. Les outils numériques favorisent aussi l’émergence d’une démocratie participative grâce aux médias sociaux (Facebook, Twitter, etc.) qui permettent de réduire les coûts de communications et favorisent ainsi la mobilisation citoyenne. Le gouvernement a développé plusieurs orientations politiques pour permettre de généraliser l’accès au haut débit à toute la population marocaine à l’horizon 2020. Ces orientations politiques sont présentées dans le plan National Haut Débit préparé par l’Autorité Nationale de Régulation des Télécommunications (ANRT) en 2012, dans la Note d’Orientations Générales 2015-2108 du premier ministre, ainsi que dans le projet de Plan Maroc Numéric 2020 (en cours d’approbation) du Ministère sectoriel (M inistère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie Numérique – MICIEN). Ce dernier adopte une vision selon laquelle l’économie numérique ne peut se développer sans une infrastructure performante de transport et de traitement des données. Pour ce faire, l’accent est mis sur la promotion de : « nouveaux investissements dans l’infrastructure à haut et très haut débit fixe et mobile, de même que le parachèvement de la libéralisation du secteur des télécommunications, en conformité avec les accords conclus par le Maroc en la matière, et la mise en place d’un cadre rénové de gestion des ressources du spectre des fréquences radioélectriques ». Les mesures phares du Plan Maroc Numéric 2020 visent à autoriser l’entrée de nouveaux acteurs, à mettre en place un cadre légal et réglementaire favorable à l’investissement et à 1 http://www.maroc.ma/fr/discours-royaux/discours-de-sm-le-roi-loccasion-du-61e-anniversaire-de-la-revolution-du- roi-et-du 2 Rapport sur le développement dans le monde 2016 : World Development Report (20160, Digital Dividends 3 World Economic Forum, Global Competitiveness Report 2015-2016. 6 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc recourir aux PPP pour déployer des infrastructures haut débit dans des zones moins rentables pour l’investisseur privé (voir section 3 encadré 6). Dans ce contexte, cette note fournit une analyse du secteur du haut débit et des recommandations pour initier de nouvelles réformes sectorielles 4. Ceci impliquerait d’achever l’ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence et de mettre en place l’infrastructure haut débit nécessaire – notamment par l’usage du Fonds de Service Universel des Télécommunications (FSU) créé en 2005 – pour atteindre les objectifs de croissance économique et de création d'emplois du Plan Maroc Numéric 2020 : (i) une contribution des TIC au PIB de 11% ; et (ii) la création de 125 000 emplois additionnels5. De 1998 à 2004, le gouvernement marocain a mis en œuvre avec l’appui de la Banque mondiale une série de réformes pour libéraliser et privatiser le secteur des télécommunications, ce qui a engendré des bénéfices importants pour l’économie marocaine et permis un développement spectaculaire de la téléphonie mobile. Ces réformes ont permis au Maroc de se positionner en tant que leader dans le domaine des TIC dans la région arabe6. Les avantages de la téléphonie mobile se sont généralisés à l’ensemble de la société, y compris dans les régions reculées du Maroc (le FSU a financé le projet PACTE pour assurer la couverture de zones blanches), grâce à la baisse des prix des terminaux et des communications. Le secteur des TIC est l’un des principaux déterminants de la compétitivité économique du Maroc et sa capacité à créer des emplois est considérable. Cependant, sa croissance s’essouffle7 et son potentiel n’est pas pleinement exploité :  Le secteur comporte aujourd’hui trois opérateurs globaux et des opérateurs de niche (VSAT, GMPCS, 3RP). La plupart de ces licences de niche ont été octroyées au début des années 2000. 14 ans après, la présence de Maroc Telecom reste importante en raison d’une gestion performante, d’un sous- investissement des autres opérateurs dans les infrastructures, et des retards dans la mise en œuvre de régulations clés (voir plus bas et section 2-C), lui permettant de détenir 62,4% du chiffre d’affaires du secteur. A la différence d’autres pays émergents d’Europe centrale, le Maroc ne dispose ni de fournisseurs d’accès internet autorisés à déployer leur infrastructure, ni d’opérateurs d’infrastructure8. En 2016, le marché des communications internationales reste limité aux trois opérateurs9. 4 Cette note se concentre sur l’infrastructure haut débit qui est l’un des éléments fondateurs de l’économique numérique bien que le développement de l’économie numérique ne soit pas exclusivem ent lié à celui du haut débit. 5 Ces objectifs ont été calculés par le MICIEN (2014) sur la base des estimations de l’Agenda Numérique Européen qui estime que dans un scénario optimiste l’économie numérique (télécommunication et TIC au sens plus large incluant l’audiovisuel et l’informatique) peut contribuer à 11-12% du PIB à l’horizon 2020. 6 La région arabe désigne un ensemble de pays couvrant l'Arabie (Péninsule arabique), l'Afrique du Nord et le Proche- Orient, ayant en commun la langue arabe et une composante ethnique arabe (ou arabisée) dominante. 7 C’est également le constat du Ministère de l’Economie et des Finances en mai 2015 qui indique : « Après une croissance endogène sur les 15 dernières années, le secteur montre un signe d’essoufflement avec le fléchissement de ses revenus et la saturation de la téléphonie mobile d’où la nécessité d’explorer de nouveaux relais de croissance ». Voir : Tableau de bord sectoriel, Direction des études et des prévisions financières, mai 2015 (page 14) ; http://www.finances.gov.ma/depf/SitePages/publications/en_chiffres/bord_annuel/tableau_bord_sectoriel.pdf 8 En juin 2016 Meditel indiquait à ce sujet que : « la priorité pour le Maroc est non pas la multiplicité des FAI ou des opérateurs pour l’acheminement des appels à l’international mais tout d’abord à la consolidation des opérateurs actuellement en place face à la concurrence d’IAM. La situation préconisée favorisait tout simplement l’opérateur historique au dépend des opérateurs alternatifs. » De la même façon, WANA indiquait en juin 2016 : « La multiplication des acteurs ne contribuerait pas à établir un environnement concurrentiel plus sain. Elle ne pourrait conduire qu’à un affaiblissement des opérateurs alternatifs tant que cette asymétrie (i.e. en termes de dotation d’infrastructures fixes par rapport à Maroc Télécom) incluant les opérateurs alternatifs existants ». 9 En juin 2016 Meditel indiquait à ce sujet que : « les opérateurs satellite sont aussi des acteurs qui offrent cette prestation, qui n’est donc pas limitée à 3 opérateurs ». 7 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc  Le secteur des Télécommunications contribue à 3% du PIB en 2015 (Ministère de l’Economie et des Finances, 2015), à 12% des recettes budgétaires de l’Etat, et à 1% de l’emploi.  Cette contribution a été tirée depuis 10 ans par le développement de la téléphonie mobile dont le marché concurrentiel est arrivé à saturation : le taux de pénétration du mobile (nombre de cartes SIM en proportion de la population) était de 128% en 2015 et le marché ne croît plus, expliquant, avec la chute des prix de détails 10, la baisse du chiffre d’affaires des opérateurs. Ainsi, leur modèle économique, très dépendant de la téléphonie mobile (près de 70% du chiffre d’affaires de Maroc Télécom et la quasi- totalité du chiffres d’affaires des opérateurs Méditel et WANA, d’après l’ANRT en 2016) est fragilisé.  Depuis l’introduction de la 3G en 2007 puis de la 4G en 2015, l’internet haut débit constitue le principal potentiel de développement du secteur des TIC. Mais en raison d’un manque de concurrence, d’une régulation incomplète et inefficace et d’un sous-investissement11 dans les infrastructures, fixes surtout, le marché du haut débit reste limité aux principaux centres urbains et axes routiers du pays. Il en résulte un manque à gagner important pour l’Etat (PIB, recettes budgétaires) et la persistance d’une fracture numérique qui engendre des inégalités économiques et sociales; un constat qui s’observe dans d’autres pays de la région MENA12 et dans les pays émergents. Au Maroc, l’accès aux abonnements haut débit reste trop coûteux pour 60% de la population. Il s’agit là d’une situation commune à de nombreux pays d’Afrique – mais les principaux déterminants de cette situation sont propres au Maroc : o Le Maroc conserve des barrières à l’entrée d’acteurs qui voudraient déployer leurs propres infrastructures sans pour autant commercialiser le spectre des fréquences. Ainsi, le marché du haut débit est consolidé autour des trois opérateurs. Or, certaines zones ne bénéficient pas de la couverture des trois opérateurs principaux et la concurrence sur les segments 3G et 4G ne s’exerce pas sur l’ensemble des localités couvertes par ces services : la couverture de Maroc Télécom est plus large que celle de Meditel qui est plus large que celle de WANA13. Sur le marché du haut débit fixe (ADSL), dont la taille est restreinte avec 1,13 millions de lignes en 2015, l’opérateur historique détient plus de 99% du marché malgré l’introduction du dégroupage dès 2008. o En dépit des licences fixes NGN 14 octroyées en 2006, Meditel et WANA n’ont jusqu’à aujourd’hui pas cherché à investir massivement dans les infrastructures filaires 15. Il en résulte un fort déséquilibre en termes d’infrastructure en fibre optique entre les trois opérateurs : le backbone de Maroc Télécom est estimé à 25 000km, celui de Meditel à 5 000km, et celui de WANA à 6 000km (y compris les locations aux exploitants d’infrastructure alternatives). 10 Le prix des appels entrants internationaux reste cependant très élevé (en mai 2016 le prix d’un appel sk ype-out vers un terminal mobile au Maroc est 7 fois plus élevé qu’en France, Voir : https://www.skype.com/fr/features/call-phones- and-mobiles/) et constitue une rente pour les opérateurs, ce qui contribue à expliquer la décision d’interdire les services de voix sur IP (skype, viber, etc.). Cette décision a été annulée depuis : http://www.tic-maroc.com/2016/10/lanrt- debloque-temporairement-la-voip-au-maroc.html 11 L’ANRT indique en juin 2016 : « La moyenne des investissements entrepris par les opérateurs dépasse les 5,5 milliards de Dirhams par an depuis 2008 ». La répartition de l’investissement par catégorie n’est pas disponible. 12 La MENA désigne une grande région, depuis le Maroc au nord-ouest de l'Afrique jusqu'à l'Iran au sud-ouest de l'Asie, qui comprend généralement tous les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. 13 Voir : https://www.nperf.com/en/map/MA/ 14 Les Licences NGN se réfèrent aux réseaux de nouvelle génération dont l'architecture repose sur un plan de transfert en mode paquet, capable de se substituer au réseau téléphonique commuté et aux autres réseaux traditionnels. 15 En juin 2016 Meditel indiquait avoir : « investi, durant la période 2006 – 2011 plus de 6 milliards MAD (hors licences) pour le développement de ses réseaux fixes et mobile et notamment dans le déploiement d’infrastructures de transmission en fibre optique, soit 20% de son Chiffre d’affaires cumulé sur cette période ». De son côté WANA indiquait en juin 2016 : « (…) le plan de déploiement fixe reposait sur un modèle technique fixed wireless. WANA a tenu l’ensemble de ses engagements tels que stipulés dans le cahier des charges de sa licence. A titre d’exemple, WANA a réalisé plus de 10 milliards de dirhams d’investissement ces dernières années et a prévu des investissements au moins aussi importants sur les prochaines années. ». Cela étant, ces informations de Meditel et WANA ne permettent pas de faire la distinction entre les efforts d’investissement effectués dans le réseau fixe et ceux réalisés dans le réseau mobile. 8 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc o L’utilisation du Fonds de Service Universel (abondé de 2% du chiffre d’affaires total des opérateurs par an) n’a pas été suffisamment orientée vers le développement du haut débit (voir Section 2-C et 3-B). Les données collectées et présentées en Annexe 5 permettent d’estimer que: (i) près de 288 millions de dollars USD sont disponibles au niveau du FSU16 ; et (ii) 6 projets ont été initiés par le FSU depuis sa création, dont la plupart porte sur le secteur de l’éducation. Et, si l’expansion des réseaux haut-débit est un objectif prioritaire du FSU, aucun de ses projets depuis 2006 n’a massivement financé le déploiement d’infrastructures de haut débit dans les zones délaissées. Cela étant, les documents relatifs à une consultation en vue d’un appel d’offre visant à financer, sur les fonds du FSU, le développement du haut-débit dans les zones blanches, a été partagé avec l’équipe de la Banque mondiale durant la rédaction de cette note (voir Section 2-C). Quoiqu’il en soit, une réforme du FSU est nécessaire pour : a) rendre publiques les données sur les réalisations et sur les procédures de prise de décisions relatives au FSU (sans faire référence aux questions d’ordre sécuritaire) ; b) faire en sorte que les ressources du FSU soient utilisées pour accroître l’accès à l’infrastructure haut débit et réduire la fracture numérique. Cela permettrait d’éviter de faire du FSU un circuit de financement parallèle à celui de la Loi de Finance pour le financement des projets publics. o La régulation des infrastructures de haut débit (cuivre et fibre optique) est inefficace. Il existe des décisions de régulation17 sur l’accès à la boucle locale de l’opérateur historique, mais elles ne sont pas suffisamment appliquées ce qui amène l’ANRT à demander des pouvoirs de sanction plus importants pour faire face aux problèmes rencontrés18 : manque de contrôle sur site, délais de réponse aux catalogues de services validés par l’ANRT, absence de catalogues. La régulation est également incomplète car il n’existe pas de décision de régulation sur la fib re noire de l’opérateur historique impliquant que les négociations entre opérateurs ne sont pas encadrées et n’aboutissent pas19. Enfin, l’accès aux réseaux des exploitants d’infrastructures alternatives est légalement autorisé mais n’est pas régulé pour as surer un accès ouvert et non discriminant à tous les opérateurs. o Le secteur des télécommunications au Maroc est un secteur considéré stratégique pour le pays comme en témoigne non seulement la présence du Trésor Public, de la Caisse de Dépôt et de Gestion l’Etat et de la Société Nationale d’Investissement dans le capital des trois opérateurs mais aussi le fait que l’Autorité de régulation agit sous tutelle directe d’un conseil d’administration composé du premier ministre et de plusieurs autres ministres. Dans ces conditions, les perspectives de croissance de l’internet haut débit sont limitées. Pour les raisons précédemment évoquées, le Maroc, leader régional il y a 10 ans, enregistre aujourd’hui un retard par rapport à d’autres pays comparables. La pénétration du haut débit (17,5% pour le fixe en % des foyers 20 et 41% 16 Selon le Compte d’Affectation Spéciale 3.1.0.0.1.04.005 – Programme Modificatif #1, année budgétaire 2016, document daté du 13 juin 2016 –, le FSU dispose d’un excèdent sur l’exercice précèdent de 2 523 063 103 MAD, de 300 millions de versement des opérateurs pour l’année 2016, et donc un total de 2 823 063 103 MAD à disposition soit près de 288 millions de dollars USD. Le document autorise l’utilisation de 2 528 406 486 MAD pour les programmes existants et approuvés en 2016. 17 Voir : https://www.anrt.ma/reglementation/decisions 18 WANA indiquait en juin 2016 : « En effet plusieurs règlementations ont été mises en place, c’est leur application qui faisait défaut du fait de l’absence d’un pouvoir de sanction de l’ANRT, constat qui devrait changer avec la promulgation, la semaine dernière du décrêt 2-16347 du 31 mai 2016. » 19 Cet aspect fait l’objet d’un débat entre l’opérateur historique et les opérateurs alternatifs. Tandis que Maroc Télécom estime que : « la fibre noire du backbone n'est pas une infrastructure, elle ne peut donc faire l'objet de régulation », Meditel estime pour sa part que : « le coût prohibitif de la reproduction de l’infrastructure de Maroc Télécom, et le temps non raisonnable requis à cette fin fait qu'il n'existe pas d'alternatives viables pour les opérateurs alternatifs afin de la répliquer, dans le but de développer des offres haut débit fixes et mobiles viables ». 20 Il est donc à noter qu’en pourcentage de la population ce taux de pénétration est de près de 3,5% compte tenu du fait que le nombre moyen de personnes par ménage au Maroc est de 5. Voir : 9 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc pour le mobile en % de la population en 2015 au Maroc, contre respectivement 41% et 85% en 2015 dans la région) est l’une des plus faibles de la région MENA (voir section 2-B), et est sensiblement inférieure à certains pays d’Europe de l’Est (voir section 2-C) où les taux avoisinent les 50% pour le fixe, et 100% pour le mobile (voir Figure 16). Ces pays, dont les taux de pénétration du haut débit étaient comparables à ceux du Maroc il y a dix ans, et qui au début des années 2000 disposaient d’un PIB par habitant équivalent à celui du Maroc aujourd’hui, ont depuis mis en œuvre des réformes qui leur ont notamment permis de :  Encourager l’entrée de nouveaux acteurs (voir encadré 1) sur tous les segments du marché en introduisant un régime d’autorisation ou de licences type (moins contraignant qu’un régime de licence qui requiert un appel à la concurrence et dépend du pouvoir discrétionnaire de l’Etat ou du régulateur) et en simplifiant les procédures administratives. Le Maroc a accordé des licences de type VSAT, GMPCS et 3RP mais la même approche n’a pas été adoptée pour introduire sur le marché des fournisseurs d’accès internet autorisés à déployer leurs infrastructures.  Mettre en place une régulation pour l’accès ouvert et non discriminant aux réseaux de communications des opérateurs de télécommunications et exploitants d’infrastructures alternatives, et en particulier, appliquer de façon effective la régulation existante sur le dégroupage21.  Promouvoir l’investissement privé en : (i) règlementant l’occupation du domaine public des collectivités locales 22 ; (ii) en facilitant la coordination des travaux de génie civil entre projets d’infrastructures linéaires23 ; (iii) en créant une loi sur l’habitat imposant le câblage des nouveaux bâtiments en fibre optique24 ; et (iv) en recensant et cartographiant le patrimoine infrastructurel 25 pouvant être utilisé pour le déploiement de nouveaux réseaux26.  Promouvoir l’investissement public/privé grâce aux partenariats publics-privés (PPP) et un usage optimisé des fonds du service universel dans les infrastructures de haut débit, notamment dans des zones caractérisées par des carences d’intérêt privé 27. http://www.leconomiste.com/article/893043-ces-nouveaux-profils-de-la-famille-marocaine-moins-d-enfants-plus- de-maladies-chroniq 21 L’ANRT juge en 2016 que le projet de loi 121-12 soumis au Parlement en 2014, apporte des réponses à cet objectif. 22 A noter qu’un décret a été publié, début 2016, fixant les redevances pour l’occupation du domaine public de l’Etat. Aussi et comme l’indique l’ANRT en juin 2016 : « En partenariat avec la Wilaya du Grand Casablanca, une procédure et une convention ont été signées avec les opérateurs établissant des procédures simplifiées pour l’accès au domaine public communal et la coordination des travaux. L’objectif est de généraliser, une fois prouvé, ce modèle à l’ensemble des Entités concernées du Royaume. » 23 L’ANRT indique en juin 2016 : « Le projet de décret, qui accompagne le projet de Loi n°121-12, met en place l’obligation de coordination des travaux et la mise en place d’une procédure d’appel public avant que tout opérateur télécom lance des travaux d’infrastructures ainsi que les obligations afférentes à l’usage de ces nouvelles infrastructures. » 24 Pour Maroc Télécom en juin 2016 : « le câblage en fibre optique ne devrait pas se faire au détriment du cuivre car dans certains quartiers résidentiels, les services demandés par le client nécessitent uniquement la paire de cuivre ». 25 Notamment les artères de génie civil aériennes et souterraines (fourreaux, conduites, galeries, adductions, cheminements en façade, poteaux et cheminements aériens), les locaux, armoires et chambres techniques, les pylônes et autres points hauts et sites d'émission. 26 A l’instar de ce qui se fait en Europe pour faciliter le déploiement de nouveaux réseaux haut débit et suivre les progrès en termes de déploiement d’infrastructure. Voir https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/broadband-and- infrastructure-mapping-project 27 A noter qu’en juin 2016 WANA indiquait que : « le recours à des financements publics et FSU en particulier ne devrait pas être considéré comme devant être restreint aux zones blanches mais également bénéficier aux zones denses si l’ambition est de déployer des infrastructures fixes aussi capillaires que possibles ». 10 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Encadré 1. Expériences européennes en matière de libéralisation du secteur du haut débit En Lituanie le taux pénétration de connexion fibre jusqu’à l’abonné (Fiber to the home, FTTH) en 2015 est le plus élevé d’Europe* et la plupart de ces connexions sont fournies par d’autres fournisseurs que l’opérateur historique. En Bulgarie, la part de marché détenue par l’opérateur historique sur le segment du haut débit fixe n’est que de 29%**, et en Turquie 87 autorisations générales ont été octroyées à des FAI sans fil***. En Roumanie et Lituanie, ces politiques d’ouverture du marché ont permis à ces pays d’enregistrer une vitesse moyenne d’internet supérieure à celles de la France et de l’Italie****. Au Maroc, la bande passante internationale par utilisateur internet est l’une des plus faibles de la région MENA et est largement inférieure à celle de la Roumanie, la Bulgarie ou la Lituanie (voir Figure 12). ____________________ *http://www.ftthcouncil.eu/documents/PressReleases/2016/PR20160217_FTTHpanorama_luxembourg_french_ Award.pdf ** Rood (2010). Very high speed broadband deployment in Europe: The Netherlands and Bulgaria compared. *** Turkey Case Study. Strategic Options to Develop Broadband in Egypt, World Bank, 2011. Voir aussi: http://www.bix.bg/en/en_article/Bulgarian_Broadband_Market.html **** Voir http://www.speedtest.net/fr/ pour des tests de vitesse internet. La Banque mondiale recommande au gouvernement marocain de mener de nouvelles réformes dans le domaine du haut débit. Le marché des télécommunications au Maroc et le modèle d’affaires des opérateurs, surtout Méditel et WANA, rest e orienté vers les services voix alors que l’avenir du secteur des télécommunications et le potentiel de développement de l’économie numérique dépend avant tout des services de données. Aussi, la nouvelle série de réformes recommandée par la Banque mondiale s’oriente autour des principaux axes suivants : 1. Finaliser et faire approuver par le gouvernement – en concertation avec les principales parties prenantes du secteur et en suivant un processus ouvert et participatif – une stratégie pour l’économie numérique qui soit axée sur le haut débit (généralisation de l’accès au haut débit à l’ensemble du territoire). Les objectifs de cette stratégie en matière d’ Internet haut-débit devraient être déterminés en cohérence avec les objectifs de développement et de transformation économique du Maroc et particulièrement ceux qui ont trait à l’augmentation de la productivité du travail, au renforcement de la compétitivité des secteurs stratégiques de l’économie marocaine, et à la diffusion de l’innovation (e.g. Industrie 4.0, processus de fabrication industriel virtuel basé sur les TIC). Dans cet objectif, cette stratégie devrait s’inspirer des objectifs visés par les pays de l’Union Européenne en matière de pénétration très haut débit à l’horizon 202028. Le gouvernement marocain a bien initié la préparation de la stratégie Maroc Numéric 2020 mais celle-ci n’a pas encore été officiellement adoptée. 2. Revoir les périmètres d’intervention et les attributions respectives des différents acteurs publics du secteur. En particulier, les discussions avec les intervenants du secteur ont mis l’accent sur le besoin de mettre en place un nouveau modèle de gouvernance public du secteur permettant un pilotage efficace de la stratégie pour le développement de l’économie numérique. Le rôle du Ministère sectoriel (MICIEN) pourrait être renforcé pour assurer l’élaboration de la politique sectorielle et les orientations stratégiques du secteur, à travers notamment la construction d’une structure gouvernementale dédiée au secteur des TIC et la création et la dotation des outils nécessaires à la nouvelle Agence de Développement du Digital (ADD). Le rôle et les ressources du Régulateur des télécommunications (ANRT) pourraient être améliorés, en renforçant la capacité de l’ANRT à réguler eff icacement (i.e. à faire en sorte que les décisions qui sont prises sont effectivement appliquées) un marché ouvert à la concurrence (voir Section 2-C). 3. Mettre à jour le cadre légal et réglementaire pour : (i) introduire de nouveaux acteurs sur le marché de télécommunications (passerelles internationales, backbones, backhauls et réseau d’accès) selon des règles équitables, (ii) encourager l’investissement privé en infrastructure de tous les acteurs du secteur 28 Les objectifs de l’Agenda digital européen (Commission Européenne, 2013) visent à l’horizon 2020 : Un taux de pénétration de 100% de la population à internet haut débit supérieur à 30Mbps ; Un taux de pénétration de 50% de la population à internet haut débit supérieur à 100Mbps. 11 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc (occupation du domaine public, synergies intersectorielles, câblage des nouveaux bâtiments, cartographie des infrastructures), et (iii) renforcer la régulation pour l’accès ouvert et non discriminan t aux réseaux de communications (infrastructures filaires, génie civil etc.) des opérateurs de télécommunications et exploitants d’infrastructures alternatives, et mettre en application la régulation existante sur le dégroupage. 4. Etudier l’introduction de PPP pour déployer de nouvelles infrastructures haut débit, y compris dans les zones péri-urbaines et rurales où le niveau de concurrence est relativement moins élevé ; 5. Optimiser l’usage du FSU via sa restructuration en un Fonds de Développement du Numériqu e pour promouvoir le déploiement d’infrastructures haut débit dans les zones moins rentables, et à développer la demande en haut-débit, avec des interventions telles que les actions d’alphabétisation numérique. Le programme de réformes spécifiques recommandées par la Banque mondiale converge avec les orientations politiques du Gouvernement marocain pour les années à venir, et contribuerait à l’atteinte des objectifs stratégiques du projet de Plan Maroc Numéric à l’horizon 2020. Ces réformes permettraient de stimuler la concurrence et d’élargir, y compris dans les zones semi-urbaines et rurales moins rentables, l’accès au haut débit. Cela permettrait ainsi le développement à grande échelle des services numériques qui constituent les fondations d’une économie moderne, compétitive et créatrice d’emplois. Le développement du haut et du très haut débit est critique pour améliorer la compétitivité du Maroc à l’international , exploiter le potentiel de l’Economie Numérique en matière de création d’emplois, et attirer les investissements étrangers, en particulier dans le domaine de l’offshoring, dans les services avancées et dans les nouvelles technologies pour initier la transition vers un nouveau modèle industriel dit « Industrie 4.0 ou Usine connectée », qui voit les technologies numériques s’intégrer au cœur des processus industriels. 12 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Introduction Dans la lignée de l’appel lancé par SM le Roi dans son discours du 20 Aout 2014 célébrant le 61ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, le Maroc vise à s’inscrire dans le club des pays émergents à l’horizon 2020. Ainsi, le Maroc ambitionne aujourd’hui d’atteindre un revenu national brut par habitant (RNB) lui permettant d’être catégorisé parmi les pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure (dont le RNB est d’environ $8000) tels que le Mexique et la Roumanie et réduire le taux de chômage élevé (10,2% en 2014) qui frappe en particulier les jeunes et les femmes (19,1% en 2014) – Figure 1. Or aujourd’hui, le Maroc reste catégorisé comme un pays à revenu intermédiaire de tranche inférieure avec un RNB de 3,006 USD en 2013, ce qui le situe en dessous de la moyenne de la région MENA et de la moyenne des pays à revenus intermédiaire (dont le RNB est compris entre 4,086 et 12,615 USD) ou de pays émergents comme la Turquie ou la Roumanie (Figure 1) que le Maroc aspire à rejoindre. De la même façon, le taux de chômage au Maroc est environ deux fois plus important que la moyenne des pays à revenu intermédiaire (inférieur et supérieur) et bien plus élevé qu’en Turquie ou en Roumanie (Figure 1). Figure 1. Comparaison du revenu national brut par habitant (à gauche) et du taux de chômage (à droite) au Maroc et dans d’autres pays Source : Banque mondiale, 2016 (world development indicators) Pour rejoindre la catégorie des pays à revenu intermédiaire supérieur, le gouvernement reconnaît la nécessité de passer d’une économie à faible intensité technologique et tournée vers l’agriculture à une économie plus diversifiée orientée vers les services activités industrielles à forte valeur ajoutée. À cet égard, le développement des TIC et du haut débit (voir encadré 2 pour une définition), déterminant majeur de la compétitivité moderne des nations, devra jouer un rôle essentiel :  Tandis qu’au Maroc 70% de la valeur ajoutée et 80% des exportations proviennent de biens manufacturés à faible intensité technologique (OCP Policy Center, 201429), le développement du haut débit permettrait à l’industrie marocaine de se positionner sur des chaînes d'approvisionnement mondiales à forte intensité technologique et de remonter ainsi les chaînes de valeurs mondiales en améliorant sa compétitivité via notamment l’amélioration de la productivité du travail. Une étude de la 29 http://www.ocppc.ma/publications/politiques-publiques-transformation-industrielle-croissance-et-emploi-au- maroc#.VyoNc9IUUiQ 13 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Banque mondiale (2014)30 montre que l'introduction du haut débit améliore la productivité du travail de 5% dans le secteur de l'industrie et de 10% dans celui les services. Le Maroc s’est déjà positionné favorablement sur des services à faible valeur ajoutée (tels que les centre d’appels, il en en existe 140 en 2016 dont l’activité a créé 25 000 emplois 31) et sur des chaînes de production industrielle dans les secteurs automobile et aérospatial mais a besoin d’un réel développement du haut débit, accompagné d’une adaptation des politiques d’éducation et de formation afin de se positionner sur des services à plus forte valeur ajoutée (e.g. externalisation des processus de connaissances et des services technologiques et d’information) ainsi que d’initier la transition vers un nouveau modèle industriel dit « Industrie 4.0 ou Usine connectée » qui voit les technologies numériques s’intégrer au cœur des processus industriels 32.  Le développement du haut débit constitue également un des vecteurs essentiels (avec le développement du contenu, des applications et de l’habilité à utiliser l es outils TIC) pour moderniser l’administration via la mise en place de services numériques gouvernementaux accessibles aux citoyens et entreprises. Ceci permettrait de simplifier les procédures administratives et de réduire la corruption, qui sont considérés par les investisseurs comme les deux principaux obstacles au développement des affaires (Forum économique mondial, 2015-201633). En particulier, cela permettrait de simplifier les procédures d'enregistrement des entreprises, mais aussi les procédures douanières (processus déjà entamé), et la dématérialisation des certificats ce qui contribuerait in fine à limiter les risques de corruption. L’usage du haut débit dans les secteurs de la santé et de l’éducation (Internet dans les écoles) permettrait d’améliorer la qualité et la quantité (i.e. services à distance) des services rendus et de renforcer ainsi le contrat social entre l’Etat et le citoyen. Le Forum économique mondial 2015-2016 classe le Maroc en 110èmeme position (sur 140) en termes d'Internet dans les écoles34. Encadré 2. Définition des TIC, du haut débit et du très haut débit 30 http://www.worldbank.org/en/region/mena/publication/broadband-networks-in-mna 31 Voir Salon International des Centres de Contacts et d'Appels au Maroc (SICCAM) : http://www.bladi.net/maroc- centres-d-appels.html 32 Voir : http://eduscol.education.fr/sti/sites/eduscol.education.fr.sti/files/ressources/techniques/1888/1888-gimelec- industrie-4.0-lusine-connectee-septembre-2013.pdf ; https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/za/Documents/manufacturing/ZA_Future_of_Manufacturing_2015. pdf ; Klaus Schwab (2016), « The Fourth Industrial Revolution » ; et http://www.mckinsey.com/business- functions/operations/our-insights/manufacturings-next-act 33 http://reports.weforum.org/global-competitiveness-report-2015-2016/ 34 Voir : http://reports.weforum.org/global-competitiveness-report-2015-2016/competitiveness- rankings/#indicatorId=GCI.B.05 14 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Le secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) englobe l'ensemble des entreprises qui exercent leurs activités dans les domaines de l'informatique, de l'audiovisuel, des multimédias, d'Internet et des télécommunications. Les télécommunications (ou communications électroniques) correspondent à la transmission à distance d’informations avec des moyens à base d'électronique et d'informatique. En ce qui concerne l’Internet, le haut débit se réfère généralement à l'accès ‘’permanent’’ aux télécommunications, par opposition à l'accès par ‘’modem’’ au moyen d’un réseau téléphonique commuté (RTC), permettant d’activer une connexion à Internet avec un débit plus élevé que celui du modem téléphonique. Selon l'Union Internationale des Télécommunications (UIT), une connexion est considérée à haut débit lorsque le débit est d’au moins 256 kbps. Aujourd’hui, la plupart des pays développés (européens notamment) et émergents se fixe des objectifs de très haut débit compte tenu de la démultiplication des usages et possibilités qu’offre une telle connexion en termes de développement de services et d’activités économiques. Un accès à internet à très haut débit (ou THD) est un accès à internet offrant un débit (30 Mbit/s) supérieur à un débit binaire d'un accès haut débit, par exemple via réseau DSL ou fibre optique. Conscient de l’importance du haut débit pour accélérer la croissance économique et l’emploi de façon à inscrire ainsi le Maroc dans le groupe des pays émergents, le gouvernement a développé – au travers de l’ANRT, de la primature et du Ministère sectoriel (MICIEN) –, plusieurs orientations politiques visant à généraliser l’accès au haut débit à toute la population marocaine à l’horizon 2020 (encadré 3). Ces orientations politiques sont présentées dans le plan National Haut débit préparé par l’Autorité Nationale de Régulation des Télécommunications en 2012, dans la Note d’Orientations Générales 2015 -2108 du Premier Ministre ainsi que, plus récemment, dans le projet de Plan Maroc Numéric 2020 (en cours d’approbation) du Ministère sectoriel (MICIEN). Ce dernier adopte une vision selon laquelle l’économie numérique ne peut se développer sans une infrastructure performante de transport et de traitement des données. Pour ce faire, l’accent est mis sur la promotion de : « nouveaux investissements dans l’infrastructure à haut et très haut débit fixe et mobile, de même que le parachèvement de la libéralisation du secteur des télécommunications, en conformité avec les accords conclus par le Maroc en la matière, et la mise en place d’un cadre rénové de gestion des ressources du spectre des fréquences radioélectriques ». Encadré 3. Les orientations politiques pour le développement des télécommunications dans les années à venir au Maroc 15 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Source : compilation de l’auteur à partir de PMN 2020, NOG 2015-2018 et PNHD 2012 Dans ce contexte, cette note fournit une analyse du secteur du haut débit et des recommandations pour initier une nouvelle vague de réformes sectorielles. Ceci impliquerait d’achever l’ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence et de mettre en place l’infrastructure haut débit nécessaire – notamment au travers d’un usage plus efficient du Fonds de Service Universel des Télécommunications – pour atteindre les objectifs de croissance économique et de création d'emplois que le Maroc ambitionne d’atteindre à l’horizon 2020 : une contribution des TIC au PIB de 11% et la création de 125 000 emplois additionnels35. Cette note met un accent particulier sur le marché du haut débit36 car celui-ci constitue le principal moteur de la croissance du secteur dans les années à venir . En effet, aujourd’hui développement de la téléphonie mobile est arrivé à saturation avec un taux de pénétration de 128% en 2014, la chute des prix nationaux de détails et la baisse du chiffre d’affaires des opérateurs. Cela étant, le potentiel de 35 Ces objectifs ont été calculés par le MICIEN (2014) sur la base des estimations de l’Agenda Numérique Européen qui estime que dans un scénario optimiste l’économie numérique (télécommunication et TIC au sens plus large incluant l’audiovisuel et l’informatique) peut contribuer à 11-12% du PIB à l’horizon 2020. 36 Cette note se concentre sur l’infrastructure haut débit qui est l’un des éléments fondateurs de l’économique numérique bien que le développement de développement de l’économie n umérique ne soit pas exclusivement lié à celui du haut débit. 16 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc contribution du secteur de l’internet haut débit au développement économique et social reste sous exploité, notamment pour les raisons suivantes :  Un niveau de concurrence relativement faible : même s’il y a un niveau de concurrence intensif sur l’accès 3G, la structure du marché du haut débit est dans son ensemble faiblement concurrentielle, l’opérateur historique détenant 53% du parc internet global en 2015 contre 25% pour Meditel et 22% pour WANA (ANRT, 2015). Cela tient notamment à un déséquilibre au niveau de la dotation en infrastructures de connectivité nationale entre les trois opérateurs (qui découle de la politique d’investissement des opérateurs) mais aussi à l’absence de fournisseurs d’accès internet ou opérateurs indépendants des trois opérateurs globaux et autorisés à déployer leur propre infrastructure ainsi qu’à l’absence d’opérateurs d’infrastructures, tandis qu’il en existe respectivement 87 et 16 en Turquie.  La pénétration du haut débit est faible par rapport à la moyenne de la région MENA (17,5% pour le fixe (en % des foyers 37) et 41% pour le mobile (en % de la population) en 2015 au Maroc, contre 41% et 85% en 2015 en moyenne dans la région MENA), et l’est encore davantage comparée à des pays concurrents du Maroc tels que la Roumanie (46% de pénétration du haut débit fixe dans les foyers et 67% de pénétration de la population pour le haut débit mobile) .  L’accès aux abonnements haut débit reste trop coûteux pour les 60% les plus pauvres de la population : un ménage représentatif de ce segment de la population doit dépenser respectivement 26% et 23% de son revenu disponible pour accéder à un abonnement haut débit mobile et fixe (BM, 201438). Si ce problème est commun à bon nombre de pays africains, sa résolution est nécessaire puisque le Maroc ambitionne de rejoindre le groupe des pays émergents.  Un manque d’infrastructures haut débit fixes et mobiles (voir section 2-B) : globalement, la couverture des services haut débit se concentre surtout au Nord du Maroc et concerne les principaux centres urbains et axes routiers 39. Les infrastructures fixes sont de taille limitées et il existe un fort déséquilibre en dotation d’infrastructure fixe entre les trois op érateurs (qui découle de la politique d’investissement des opérateurs). Le manque de couverture en infrastructures fixe contribue à expliquer l’inégalité de la couverture des services 3G et 4G sur le territoire marocain. Les cartes de couverture des réseaux des opérateurs marocains 40 mettent en évidence le fait que les services de haut débit mobile 3G et 4G sont concentrées le long des principales artères du Nord-Ouest du pays et principalement dans les grands centres urbains (ii) le fait que la concurrence sur les segments 3G et 4G du marché ne s’exerce pas sur l’ensemble des localités couvertes par ces services étant donné que la couverture de Maroc Télécom41 est plus large que celle de Meditel qui est plus large que celle de WANA. Depuis l’introduction de la 4G en mars 2015, la couverture en réseaux mobiles 4G (LTE) s’est limitée aux grands centres urbains et le nombre d’abonnés recensés était de 1,5 millions d’habitants en juin 2015 tandis que les objectifs de couverture fixés par le gouvernement visent 65% de la population marocaine (soit 21 millions d’habitants) d’ici 2020 (Telegeography, 2016)42. L’absence de transparence sur les obligations de couverture (i.e. calendrier de couverture géographique) associées aux cahiers des charges (en annexes) des différentes licences fixes et mobiles des opérateurs fait qu’il est impossible de connaitre précisément la couverture en 37 Il est donc à noter qu’en pourcentage de la population ce taux de pénétration est de près de 3,5% compte tenu du fait que le nombre moyen de personnes par ménage au Maroc est de 5. Voir : http://www.leconomiste.com/article/893043-ces-nouveaux-profils-de-la-famille-marocaine-moins-d-enfants-plus- de-maladies-chroniq 38 http://www.worldbank.org/en/region/mena/publication/broadband-networks-in-mna 39 Selon Maroc Telecom en juin 2016, dont la couverture réseau est plus large que celle des autres opérateurs, le déploiement des infrastructures fixes ou mobiles, ne se limite pas aux principaux centres urbains. 40 Voir : https://www.nperf.com/en/map/MA/ 41 En Mai 2016, Maroc Télécom indiquait disposer de plus de 6 600 stations de base 3G et autour de 4 000 sites permettant de couvrir plus d’une cinquantaine de villes en 4G. 42 Selon l’ANRT en juin 2016 : « A fin mars 2016 (moins d’une année du lancement), les opérateurs déclaraient une couverture de près de 50% de la population, en avance par rapport à leurs engagements. » 17 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc infrastructures haut débit du Maroc. A la différence des cahiers des charges des licences, leurs annexes qui précisent les obligations de couverture ne sont pas rendues publiques 43. Et l’ANRT, qui dispose pourtant de bases de données détaillées, ne fournit pas un accès public à un recensement cartographique des infrastructures fixes et mobiles détenues par les opérateurs et exploitants d’infrastructures alternatives. Ainsi, et contrairement à de nombreux autres pays, il n’existe pas au Maroc un site internet accessible au public et fournissant un état des lieux de l’infrastructure haut débit existante à l’échelle du territoire. Dans de nombreux pays d’Europe, notamment, de telles informations sont rendues publiquement accessibles : c’est par exemple le cas en Italie où le Ministère du Développement économique (Ministero dello Sviluppo Economico 44) publie sur son site internet la cartographie des zones blanches, grises et noires. Ces aspects constituent un point essentiel dans l’évaluation de l’état des lieux du haut -débit, et dans la formulation de politiques sectorielles efficaces. Le fait que l’information ne soit pas publique ou disponible au Mar oc est un point de faiblesse majeure. Ainsi, l’enjeu des politiques publiques du secteur consiste à stimuler la concurrence (par les prix et la qualité de service) sur le marché de l’ internet haut débit et à élargir l’accès et l’usage de l’ internet haut débit au- delà des principaux centres urbains du pays. La note s’articuler autour de trois sections :  La section 1 fournit une analyse synthétique des études économiques récentes ayant réussi à mesurer les effets générés par l’accès et l’usage des TIC et du haut débit sur l’économie (commerce, innovation, emplois, services publics de santé et d’éducation). Elle est complétée par les Annexes 1, 2 et 3.  Ensuite, la section 2 analyse les politiques publiques mises en place par le gouvernement marocain dès les années 1990 et ses impacts sur le secteur. Elle montre également que le programme de réformes inachevé du secteur des télécommunications a entraîné un développement sous-optimal du secteur en comparaison avec d’autres pays qui ont mené des programmes de réformes plus complets et généré des gains économiques significatifs.  Enfin, la section 3 présente les principales réformes que la Banque mondiale conseillerait au gouvernement de mener dans le secteur du haut débit pour se donner les moyens de ses ambitions et achever l’ouverture du secteur du haut débit à la concurrence. Cette orientation stratégique étant nécessaire pour que le Maroc puisse rattraper son retard en termes d’accès aux services TIC sur ses concurrents économiques directs, en Europe de l’Est notamment, et bâtir les fondations d’une véritable économique numérique compétitive, innovante et créatrice d’emplois. 43 Voir : https://www.anrt.ma/reglementation/cahiers-des-charges/. Aussi, selon l’ANRT en juin 2016 : « Les annexes de couverture ne sont pas publiées vu qu’elles sont considérées comme relevant du secret d’affaires. L’ANRT est favorable à ce que ces listes soient rendues publiques une fois la durée des engagements des opérateurs achevée. Ainsi, les engagements de couverture pour la 3G pourraient être rendus publics si le Gouvernement (vu que les licences sont prises par décret) le décidait. Celles de la 4G devraient être, en principe, maintenues confidentielles jusqu’à avril 2016. Il est rappelé que le projet de Loi 121-12 a spécifiquement traité des obligations de publication des situations de couverture par les opérateurs. » 44 Voir : http://www.sviluppoeconomico.gov.it/index.php/en/ 18 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Section 1. Les effets générés par l’accès et l’usage des TIC et du haut débit sur l’économie Un large nombre de travaux – parmi lesquels le Rapport de la Banque mondiale sur le Développement dans le Monde 201645 – montrent que l’accroissement de l’accès des entreprises, des administrations et des particuliers aux services de téléphonie, de données et de haut débit génère des répercussions positives et significatives sur l’activité économique. A titre d’exemple, l’étude empirique de la Banque mondiale (2009)46, reposant sur un échantillon de 120 pays, montre qu’une hausse de 10 points de pourcentage (ppts) du taux de pénétration des services de télécommunications génère des gains significatifs en termes de croissance du PIB (Figure 2). Les services de haut débit (fixe et mobile) ont les impacts économiques les plus forts à travers leurs répercussions sur l’accès aux marchés, la productivité, la compétitivité, l’innovation et l’attraction des investissements directs à l’étranger. Figures 2 et 3. Gains de croissance du PIB permis par une hausse de 10 ppts de la pénétration des services de télécommunications par type de technologie et niveau de développement des pays (à gauche) et Principaux canaux de transmission des effets du haut débit sur la croissance économique (à droite) Note : Les résultats de Qiang et Rossotto (2009) sont basés sur une étude économétrique reposant sur un échantillon de 120 pays développés et majoritairement en développement. Les résultats sont statistiquement significatifs. Source : BM, 2009 (à gauche) et BM, 2016 (à droite) L’impact favorable des TIC sur la croissance économique s’explique par le fait que l’accès et l’usage de ces services améliore i) la participation des act eurs à l’économie mondiale via un meilleur accès au marché, ii) l’efficience des systèmes productifs via des gains de productivité et iii) l’innovation (Figure 3). D’un point de vue général, l’utilisation des TIC favorise la baisse des coûts de transaction en améliorant l'accès et l'utilisation de l'information ce qui permet de réduire les coûts de recherche d’information et d’accroître la coordination entre les individus, les ent reprises et les administrations. Ainsi, les TIC permettent d’une part d’améliorer l’accès au marché des acteurs économiques en permettant, par exemple, à un plus grand nombre d’entreprises (notamment les petites et jeunes entreprises) d’échanger (via la vente/achat en ligne) de nouveaux produits vers de nouveaux marchés. D’autre part, les TIC contribuent à améliorer l’efficience opérationnelle des entreprises en leur permettant de mieux utiliser leur 45 Banque mondiale (2016), World Development report 2016: Internet for Development. Banque mondiale, Washington D.C. Disponible ici : http://www.worldbank.org/en/publication/wdr2016 46 Banque mondiale, 2009. “Economic Impacts of Broadband”, dans Information and Communications for Development 2009: Extending Reach and Increasing Impact, Qiang, C. Z. W., Rossotto, C.M., Banque mondiale, Washington D.C. 19 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc capital et leurs ressources humaines et de générer des gains de productivité significatifs. Enfin, les TIC promeuvent l'innovation en permettant aux entreprises de bénéficier des effets d'échelle grâce à l’utilisation de plates-formes et services en ligne (type mobile money, big data, e-commerce (Ebay, Amazon, etc.), e- tourisme (Uber, Airbnb, etc.) qui sont en concurrence avec des modèles d'affaires traditionnels dans des secteurs tels que la vente au détail, les transports, l'hôtellerie et la banque. Plusieurs études empiriques ont réussi à quantifier l’impact des TIC sur l’innovation (voir Annexe 1) et la productivité. A titre d’illustration, l’étude de Booz & Co (2010, p.3)47 montre que : i) les pays disposant d’un taux pénétration du haut débit de 80% sont deux fois plus innovants que ceux où ce taux est de 40% et ; ii) que chaque hausse de 10 points de pourcentage du taux de pénétration du haut débit augmente la productivité du travail de 1,5 points de pourcentage. Une autre étude de la BM (2014) montre que l'introduction du haut débit améliore la productivité du travail de 5% dans le secteur de l'industrie et de 10% dans celui les services. Plus récemment l’étude de Paunov et Rollo (2015) 48, reposant sur un échantillon de 49,610 entreprises 49 issues de 117 pays en développement sur la période 2006-2011, montre que l’adoption de l’internet (i.e. l’usage des e-mails dans la communication avec les clients et fournisseurs) par les entreprises entraîne une amélioration significative de la productivité du travail, quelle que soit la région et le niveau de développement de l’entreprise. De façon intéressante, les résultats de Paunov et Rollo (2015 ) montrent que l’ampleur de l’impact de l’usage de l’internet varie selon le niveau de productivité de l’entreprise (i.e. les entreprises les plus productives sont celles qui bénéficient le plus de l’usage de l’internet) et la qualité de l’environnement des affaires (reflété par la disponibilité de l’électricité, le niveau de corruption, les contraintes financières, le manque de ressources humaines qualifiées, la difficulté de la régulation du travail). Cela étant, même pour les entreprises les moins productives opérant dans un environnement d’affaires difficile, l’usage de l’internet à des fins professionnelles entraîne des gains significatifs en termes de productivité du travail. Ces résultats suggèrent qu’il existe un manque à gagner considérable en termes de productivité du travail en Afrique, notamment, car sur ce continent, seuls 45.1% des entreprises utilisent les e-mails pour communiquer avec leurs clients et fournisseurs, contre 86.7% en Amérique Latine (Figure 4). Figure 4. Proportion des entreprises communiquant avec leurs clients et fournisseurs via e-mail selon le niveau de revenu des pays, les régions du monde, la taille des entreprises et leur secteur d’activité Note : les données sont issues d’enquêtes réalisées auprès de 49,610 entreprises sur la période 2006-2001 Source : Paunov et Rollo, 2015 47 Voir: Booz & Co (2010), Enabling Sustainable digital highways, Strategies for next generation broadband. 48 Paunov, C. et Rollo, V. (2015). Overcoming obstacles: The internet’s contribution to firm development. The World Bank Economic Review, April 2015, pp. 1-13. 49 70% des entreprises ont moins de 50 employés. 53% des entreprises opèrent dans le secteur de l’industrie et 47% dans le secteur des services. 20 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc La littérature économique montre que les TICs participent tout particulièrement à l’amélioration de l’intégration commerciale i) en améliorant l’accès des entreprises aux marchés, ii) en permettant à plus d’entreprises d’accéder à de nouveaux marchés et iii) en augmentant la valeur et le volume des produits échangés. Tout d’abord, les plateformes commerciales en ligne, par exemple, réduisent les asymétries d'information et permettent aux entreprises d’avoir accès et de faire de la publicité auprès d’un plus large nombre d’acheteurs/vendeurs à l'étranger ce qui réduit les coûts du commerce en limitant le recours à des intermédiaires pour établir des liens commerciaux ou le besoin de participer à des foires commerciales coûteuses pour commercialiser leurs produits. Plusieurs études montrent l’existence d’une corrélation positive entre le degré d’utilisation de l’internet dans un pays et la croissance de ses exportations de biens et services (Freund et Weinhold, 2002, 2004 ; Clarke et Wallstein, 200650). Clarke et Wallsten (2006), par exemple, se reposent sur un échantillon de 52 pays développés et 46 pays en développement et montrent qu’une augmentation d’un point de pourcentage du nombre d'utilisateurs d'internet génère une hausse des exportations totales en pourcentage du PIB de 0,3%. De façon intéressante, la relation établie entre l’usage de l’internet et les exportations varie selon le niveau de revenu des pays : dans les pays en développement, la hausse de l’usage de l’internet génère une hausse des exportations à destination des pays développés mais pas nécessairement à destination des pays en développement. Par ailleurs, la littérature montre que l’usage de l’internet permet aux entreprises d'atteindre de nouveaux marchés et d'échanger de nouveaux produits. Osnago et Tan (2015)51, par exemple, montrent qu’une augmentation de 10 ppts du taux d’usage de l'internet dans un pays exportateur augmente le nombre de produits échangés entre deux pays de 1,5 pour cent. De plus, l’impact de l’internet sur le nombre de produits échangés est d’autant plus significatif que les deux pays ont des taux d’usage de l’ internet élevé. Enfin, la littérature met en évidence l’existence d’une corrélation entre la marge int ensive du commerce (ou valeur moyenne des échanges par produit ou par entreprise) et la pénétration de l'internet dans un pays. Ainsi Tan (2015)52 montre qu’une augmentation de 10 ppts du taux d’usage de l'internet dans pays augmente la valeur moyenne des échanges par produit de 0,6% et que la valeur moyenne des exportations par entreprise augmente de 1% lorsque le taux d’usage de l'internet augmente de 10 ppts dans le pays exportateur. Autrement dit, cette étude montre que plus un pays utilise l’internet et plus la valeur de ses échanges augmente (suite à une hausse du volume des échanges et possiblement aussi à une hausse des prix des produits échangés). Le développement accru des TIC a aussi des répercussions favorables sur l’éducation, la santé et l’emploi (particulièrement celui des jeunes53) contribuant ainsi à la croissance économique de long terme via ses répercussions sur la compétitivité, l’innovation et l’investissement. Cependant, dans les secteurs tels que la santé et l’éducation, par exemple, les TIC peuvent générer des bénéfices importants à condition de ne pas se limiter à un développement de l’équipement TIC mais de considérer également des programmes de formation du personnel administratif et de développement du contenu (pédagogique, sanitaire etc.).  L’amélioration de la connectivité et de l’usage des TIC dans le secteur de l’éducation (Annexe 2) permet : i) d’améliorer la gestion des établissements scolaires ; ii) d’offrir un accès au contenu 50 Freund, Caroline, and Diana Weinhold. 2002. “The Internet and International Trade in Services.” American Economic Review 92 (2): 236–40; Freund, Caroline, and Diana Weinhold. 2004. “The Effect of the Internet on International Trade.” Journal of International Economics 62: 171–89. ; Clarke, George RG, and Scott J. Wallsten. 2006. "Has the internet increased trade? Developed and developing country evidence." Economic Inquiry 44, no. 3: 465-484. 51 Osnago, Alberto, and Shawn W. Tan. 2015. “The Effects of the Internet on Trade Flows and Patterns.” Background paper for the World Development Report 2016. 52 Tan, Shawn W. 2015. ‘The Effects of the Internet on Firm Export Behavior.” Background paper for the World Development Report 2016. 53 Voir les recherches et programmes de la BM dans ce domaine : http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/TOPICS/EXTEDUCATION/0,,contentMDK:20264888~menuPK: 617610~pagePK:148956~piPK:216618~theSitePK:282386,00.html 21 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc éducatif à des enfants non-scolarisés ; iii) d’améliorer la formation des enseignants via des programmes de formation aux meilleures pratiques de l’enseignement ; iv) d’améliorer l’apprentissage des élèves via des programmes interactifs spécialisés et adaptés au niveau de chacun ; et v) d’augmenter la fréquence des évaluation des élèves pour mieux identifier les lacunes .  De la même façon, dans le secteur de la santé (Annexe 3), l’amélioration de la connectivité des établissements de santé et l’utilisation accrue des services TIC (voix, texte, internet) dans ces établissements permet : (i) de faire face à l’engorgement physique des centres de santé en favorisant la transmission de l’information sanitaire via des consultations et prescriptions à distance ; (ii) de favoriser l’accroissement de la productivité du personnel de santé via l’augmentation du nombre de consultations et (iii) d’améliorer l’accès à l’information sanitaire pour les patients du milieu rural dont l’éloignement par rapport aux centres de soins est plus important.  Aussi et comme le défendent Rossotto et al. (2012), le développement du haut débit élargit les frontières des métiers traditionnels et permet la création de nouveaux emplois et sources de revenus via le micro-travail, l’externalisation de certaines tâches pouvant être réalisées à distance (via Smartphone, tablettes ou ordinateurs) et le développement d’applications mobiles et autres. Plusieurs études empiriques récentes ont réussi à estimer l’impact du haut débit sur la création d’emplois. L’étude de Crandall et al. (2007), reposant sur un échantillon de 48 Etats des Etats Unis sur la période 2003-2005, montre que pour chaque augmentation d'un ppts de la pénétration du haut débit, l'emploi dans le secteur privé (hors agriculture) augmente de 0,2-0,3 ppts par an (soit 300 000 emplois)54. En Afrique subsaharienne, la GSMA (2012) estime que les services mobiles de télécommunications (y compris le haut débit mobile) génèrent aujourd’hui 3,3 millions emplois directs. Il est prévu que ce chiffre atteigne les 6,6 millions d’emplois en 2020. Les avantages des TIC ne se limitent pas à leurs effets économiques car elles permettent d’améliorer la participation sociale et citoyenne et d’améliorer l’inclusion de populations isolées ou marginalisées. Comme l’indique le Rapport sur le développement dans le monde (BM, 2016) : « l’internet agit sur la participation des femmes à la vie active, la capacité des personnes handicapées à communiquer et la façon d’occuper le temps de loisir ». Aussi, au travers de l’identification numérique, les TIC permett ent de faire face aux défaillances des systèmes d’enregistrement des actes d’état civil lorsque ceux-ci sont défaillants inexistants ou incomplets. Les dispositifs d’identification numérique permettent de faciliter l’organisation d’élections et de mieux gérer des programmes de transferts sociaux, ces aspects contribuant à rendre le secteur public plus efficace. Les expériences internationales montrent qu’au Nigéria, par exemple, de telles dispositions ont permis d’identifier près de 62 000 fonctionnaires « fantômes » ce qui a permis de générer une économie annuel de plus de 1milliards de dollars USD. En Inde, la mise en place de cartes d’identité numérique a offert la possibilité à 900 millions de personnes d’ouvrir des comptes en banques et de recevoir des transferts sociaux. Au Mozambique et au Kenya, les technologies mobiles ont permis d’accroitre la participation aux scrutins en donnant la possibilité de voter et, grâce à des applications mobiles permettant un signalement par SMS, en limitant les fraudes et intimidations ce qui améliore la participation. Par ailleurs, l’internet permet de multiplier les sources d’information accessibles ce qui réduit la dépendance vis -à-vis des médias et complique l’application de mesures de censure. Les TIC favorisent également l’émergence d’une démocratie participative grâce notamment aux plateformes numériques et médias sociaux (Facebook, twitter, etc.) qui permettent de réduire considérablement les coûts de communications et de coordination et favorisent ainsi l’action collective et la mobilisation citoyenne. 54 Robert Crandall, William Lehr, and Robert Litan (2007). The Effects of Broadband Deployment on Output and Employment: A Cross-sectional Analysis of U.S. Data. Issues in Economic Policy discussion paper no. 6. Brookings Institution. Voir : http://www.brookings.edu/~/media/Files/rc/papers/2007/06labor_crandall/06labor_crandall.pdf 22 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Section 2. L’essor du secteur des TIC et du haut débit au Maroc : diagnostic sectoriel et perspectives de développement A. La libéralisation partielle du secteur des télécom et ses effets Au cours des années 1990 et au début des années 2000, le gouvernement marocain a entamé, avec l’appui de la Banque mondiale55, une vague de réformes qui ont abouti à :  La promulgation en 1997 de loi 24/96 qui crée et précise (voir article 29) les fonctions du régulateur l’ANRT (Agence nationale de réglementation des télécommunications) – relevant administrativement du premier ministre et opérant sous l’autorité d’un conseil d’administration composé de 14 membres dont le Premier Ministre et 8 autres membres du gouvernement 56 – et deux sociétés anonymes : l’opérateur télécommunications, IAM (Itissalat al-Maghrib) et l’opérateur postal, BAM (Barid al- Maghrib).  La privatisation partielle en 2001 de l’opérateur historique IAM, devenu Maroc Telecom, avec le transfert de la gestion et la vent e d’une part minoritaire via Appel d’offres international de 35% du capital à Vivendi.  L’ouverture à la concurrence sur le marché des télécommunications dès 1999 avec l’octroi d’une licence GSM à l’opérateur Meditel pour 10,836 milliards de dirhams (soit près de 980 millions d’euros)57 puis avec l’octroi en 2006 de licences 3G et fixe NGN à Meditel et Wana, troisième entrant . Le Maroc compte aujourd’hui tr ois opérateurs titulaires de licences GSM, fixe NGN, 3G et 4G : o Maroc Telecom, opérateur historique, désormais détenu à 53% par Etisalat (30% du capital reste à l’Etat via le Trésor Public et 17% du capital est en partie détenu par les employés et flottant sur les bourses de Casablanca et Paris) ; o Meditel, deuxième entrant (en 1999 avec une licence GSM) sur le marché, filiale de Orange qui détient 49% du capital58 (les 51% restants du capital sont détenus par l’Etat via la CDG et par le groupe privé marocain Finance Com à hauteur de 25,5% respectivement. Après sa licence GSM obtenue en 1999, Meditel a obtenu une licence fixe (dite NGN) et une licence 3G en 2006 puis une licence 4G en 2015 ; o WANA, troisième entrant (en 2006 avec une licence 3G et NGN) sur le marché, filiale du groupe télécom koweitien Zain qui détient 31% du capital, et de la Société Nationale d’Investissement qui détient 69% du capital. WANA (initialement Maroc Connect) a obtenu une licence fixe NGN et une licence 3G en 2006 puis une licence GSM en 2009 et une licence 4G en 2015. Ainsi, force est de constater que le gouvernement marocain est présent dans le capital de deux des trois opérateurs et que cela peut affecter la volonté politique de mettre en place des réformes visant à poursuivre davantage l’ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence. 55 La Banque mondiale a mené une assistance technique sur la loi 24/96 et appuyé la réforme des télécommunications via deux opérations sectorielles spécifiques : i) un programme d’ajustement du secteur des Postes et des Télécommunications ; et ii) un projet d’ajustement du secteur des infrastructures de l’information (IISDL). Aussi, la BM a produit une publication en Décembre 2004 (Bjorn Wellenius, Carlo M. Rossotto, Anat Lewin, « Kingdom of Morocco : Developing Competition in Telecommunications », available at : http://www- wds.worldbank.org/external/default/WDSContentServer/WDSP/IB/2005/08/03/000160016_20050803130745/Rend ered/PDF/331870Morocco1IssuesPaperFinal1051905.pdf fournissant un argumentaire précis pour d’avantage de réformes des télécommunications et identifiant les plus importantes. 56 Voir organisation de l’ANRT : https://www.anrt.ma/lagence/organisation/instances 57 Voir cahier des charges des licences des opérateurs disponibles sur le site de l’ANRT : https://www.anrt.ma/lagence/organisation/instances 58 http://www.capital.fr/bourse/actualites/orange-fait-passer-sa-participation-dans-l-operateur-marocain-meditel-a- 49-.-1056665 23 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Cette vague de libéralisation du secteur des télécommunications a généré des bénéfices importants pour l’économie marocaine et permis un développement spectaculaire de la téléphonie mobile :  Grâce aux effets de la concurrence, le taux de pénétration des télécommunications mobiles est passé de 8% en 2000 à 128% en 2015 (ANRT, 2015) signifiant que les avantages liés à l’utilisation de la téléphonie mobile (voix et messages texte, surtout) se sont généralisés à l’ensemble de la société marocaine, y compris dans les régions reculées du Maroc.  Suite à l’explosion des services mobiles, le chiffre d’affaires agrégé des trois opérateurs a été multiplié par trois en l’espace de 15 ans passant de 1,2 milliard USD en 2000 à 3,4 milliards USD en 2012 (Ministère de l’Economie et des Finances, 2015 et Figure 5).  Le secteur des télécommunications contribue à 3% du PIB en 2015 (Ministère de l’Economie et des Finances, 2015), à 12% des recettes budgétaires de l’Etat et à 1% de l’emploi59.  L’ouverture du secteur a eu pour effet de promouvoir l’investissement privé: entre 1999 et 2015, les trois opérateurs ont investi dans le secteur des télécom un montant cumulé de 16,9 milliards USD (Figure 5). Cependant, depuis 2005 on observe une basse significative du taux d’investissement (en % du chiffre d’affaires) qui est passé en moyenne de 66% sur la période 2000-2005 à 33% sur la période 2006-2012.  La libéralisation partielle du secteur des télécommunications a aussi eu pour effet de permettre de créer un certain nombre d’activités TIC et télécom en amont des opérateurs (constructeurs, installateurs, distributeurs...) et en aval (revendeurs individuels, fournisseurs de services à valeur ajoutée…). Ces activités ont aussi contribué à l’investissement privé dans le secteur des TIC sans qu’il soit possible d’en évaluer l’ampleur de manière précise. Figure 5. Le secteur des télécommunications enregistre une baisse significative du taux d’investissement privé60 en proportion du chiffre d’affaires depuis 2005 5,000,000,000 4,500,000,000 4,000,000,000 3,500,000,000 3,000,000,000 2,500,000,000 3,437,500,000 2,000,000,000 800,000,000 1,500,000,000 1,000,000,000 500,000,000 - 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Investissement privé en télécommunications (en USD) Chiffre d'affaires (en USD) Linear (Investissement privé en télécommunications (en USD)) Linear (Chiffre d'affaires (en USD)) Note : Les chiffres surestiment l’investissement privé car ils comprennent des investissements publics. La notion de télécommunications regroupe les réseaux fixes, mobiles et de longue distance. Les données pour 59 En 2014, le MICIEN estime que le secteur des TIC employait près de 120 000 emplois au total dont 80 000 emplois directs et 40 000 emplois indirects. Si l’on ajoute à la contribution du secteur des télécommunications celles des secteurs de l’audiovisuel et de l’informatique, le secteur des TIC au sens large contribuerait à près de 6% du PIB. 60 Pour une définition voir : http://data.worldbank.org/indicator/IE.PPI.TELE.CD et http://ppi.worldbank.org/methodology/glossary 24 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc l’investissement privé couvrent à la fois les paiements au gouvernement (licences, etc.) et les investissements en actifs physiques. Source : PPI database, Banque mondiale, 2016. B. La situation du marché des télécoms et du haut débit aujourd’hui Le secteur des télécommunications, qui reste très dépendant de la téléphonie mobile et caractérisé par un niveau de concentration élevé, fait face à l’essoufflement de sa croissance :  Le secteur comporte aujourd’hui trois opérateurs globaux, mais 14 ans après l’entrée de la concurrence, Maroc Telecom détient 62,4% du chiffre d’affaires total du secteur en raison notamment d’une gestion financière et opérationnelle performante : l’opérateur affiche en 2015 un taux d’EBITDA de 52% sur l’activité marocaine ce qui correspond à un montant de 1,2 milliard USD, montant équivalent au chiffres d’affaires cumulé de Meditel et WANA. La bonne santé financière de l’opérateur historique et son dynamisme commercial constitue un atout majeur pour le pays, sous réserve que le cadre légal et règlementaire et son application favorisent l’investissement et une concurrence équitable (voir Section 2-C). Le nombre de fournisseurs de services internet indépendants des trois opérateurs a sensiblement chuté (le Maroc en comptait 81 en 1998) sans qu’il soit possible d’en connaître le nombre exact en 2016. A l’inverse, dans les pays développés et émergents qui ont achevé la libéralisation du secteur des télécommunications une importante part de marché est détenue par des opérateurs indépendants de ceux titulaires de licences globales dont les activités sont généralement effectuées dans un périmètre plus localisé, à l’échelle d’une région ou d’une localité. Au Chili, par exemple, 30 opérateurs disposaient de licences internationales en 2004 et au Royaume-Uni 120 licences de ce type ont été attribuées. En Lituanie, le taux de pénétration de connexion fibre jusqu’à l’abonné (Fiber to the home, FTTH) en 2015 est le plus élevé d’Europe et la plupart de ces connexions sont fournies par d’autres fournisseurs que l’opérateur historique. En Bulgarie, la part de marché détenue par l’opérateur historique sur le segment du haut débit fixe n’est que de 29% et en Turquie, 87 autorisations générales ont été octroyées à des fournisseurs d’accès internet sans fil (voir encadré 1).  Le développement des télécommunications mobiles, marché très concurrentiel, est arrivé à saturation : le taux de pénétration est de 128% en 2015 (ANRT, 2015) et le marché (94% des abonnements sont prépayés) ne croît plus. Cela explique, avec la chute des prix nationaux de détails (à la faveur du bien être des consommateurs), la baisse du chiffre d’affaires des opérateurs depuis 2011 (Figure 6). Ainsi, le modèle économique actuel des opérateurs, très dépendant de la téléphonie mobile (qui représente près de 70% du chiffre d’affaires de Maroc Télécom et la quasi-totalité du chiffres d’affaires des opérateurs Méditel et WANA, d’après l’ANRT en 2016), et du segment voix, est de plus en plus fragile. Lorsqu’on compare (en parité de pouvoir d’achat et en tenant compte des offres promotionnelles, voir les données de l’AREGNET 2015 en Figure 6) les prix de certains forfaits mobiles au Maroc et dans d’autres pays arabes, il apparait qu’en dépit de la baisse du revenu moyen par minute61, les paniers prépayés les plus économiques (40 appels par mois) figurent parmi les plus chers du monde arabe en 2015 (Figure 6)62. Ce n’est pas le cas des forfaits post-payés les plus onéreux qui sont les moins chers 61 Meditel indiquait en juin 2016 : « l’analyse de l’évolution annuelle 2015 du marché mobile de l’ANRT montre au contraire que l’ARPM mobile fin 2015 du postpayé est supérieur à celui du prépayé. » Les chiffres de l’ANRT indiquent en effet que fin 2015, l’ARPM postpayé était de 0,29 dirham hors taxe par minute contre 0,26 dirham hors taxe par minute pour l’ARPM prépayé. Dans le même sens, WANA indique en juin 2016 : « l’ARPM prépayé est parmi le moins élevé de la région en prenant en compte les spécificités du marché marocain où nous connaissons plus de 300 jours de promotion par an ». 62 L’ANRT tient un constat différent sur la base des analyses de l’Arab Advisor Group. En juin 2016, l’ANRT indique : « Les tarifs du mobile au Maroc sont les plus bas de la région arabe (cf. la dernière étude de 2016 de Arab Advisor Group). De plus, l’équité tarifaire exige une uniformité des tarifs sur l’ensemble du territoire national ». Dans le 25 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc du monde arabe en 2015. Il convient de noter cependant que les données de l’AREGNET présentées en Figure 6 n’offrent pas une analyse définitive du niveau de prix des services de voix mobiles au Maroc, compte tenu, notamment, de la grande quantité de promotions commerciales qui rendent les calculs et les comparaisons internationales difficiles. Quoiqu’il en soit, le Maroc a enregistré une réduction significative du Taux de Terminaison Mobile depuis 2010-2011 et le renforcement de la concurrence sur ce segment du marché a permis une forte réduction des prix au bénéfice du consommateur marocain.  Les difficultés auxquelles est confronté le modèle économique des opérateurs a conduit l’ANRT à prendre des mesures radicales et impopulaires en appuyant notamment la volonté des opérateurs d’interdire Skype, décision qui a été prise début 2016 63. Cette décision, vivement critiquée car allant à l’encontre de l’intérêt des consommateurs (en particulier les plus modestes) et de la communauté marocaine vivant à l’étranger (Skype reste accessible aux entreprises qui utilisent des réseaux virtuels privés), protège le modèle économique des opérateurs. La fragilité du modèle économique des opérateurs les exposent à des pertes importantes qui sont liées à l’arrivée d’opérateurs dits Over the Top (OTT), tels que Skype. Or, dans les pays qui à la différence du Maroc, ont libéralisé le segment des communications internationales, même s’il existe un débat entre le model d’affaires des opérateurs télécom et le model d’affaire des OTT, il n’est pas nécessaire de restreindre l’utilisation de Skype du fait que l’entrée de ce type d’opérateurs n’affecte pas significativement les revenus des opérateurs existants et que ce type de services satisfait grandement l’intérêt des consommateurs. A noter que la régulation des OTT fait l’objet d’un débat important en Europe et que l’organe européen des régulateurs de communications électroniques (BEREC) ainsi que la Commission Européenne préparent des lignes directrices et des projets de révision des textes règlementaires à l’horizon 2017 64. Figure 6. Evolution 2010-2015 du revenu moyen par minute (ARPM) en haut et comparaison des tarifs mensuels (USD/PPP y inclus TVA) des forfaits prépayés (40 appels par mois) et post-payés (900 appels par mois) dans les pays Arabes en 2015 en bas même sens, WANA indique en juin 2016 : « l’ARPM prépayé est parmi le moins élevé de la région en prenant en compte les spécificités du marché marocain où nous connaissons plus de 300 jours de promotion par an ». 63 Cette décision a été annulée depuis : http://www.tic-maroc.com/2016/10/lanrt-debloque-temporairement-la-voip- au-maroc.html 64 Voir : Trends in OTT Regulation, Presentation to the World Bank, Janet Hernandez, President Telecommunications Management Group, Inc. 26 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Note : les comparaisons des tarifs mensuels des forfaits mobiles couvrent les promotions offertes dans les différents pays de l’étude. Source : ANRT, 2015 en haut et AREGNET, 2015 en bas. Voir : Telecommunications Retail Price Benchmarking for Arab Countries 2015, disponible ici : http://www.tra.org.bh/media/document/2015%20Telecommunications%20Retail%20Price%20Benchmar king%20for%20Arab%20Countries.pdf Depuis l’introduction de la 3G en 2007, le marché du haut débit s’est rapidement développé et a connu des transformations importantes (Figure 1), il constitue le principal potentiel de développement du secteur des télécommunications et des TIC dans les années à venir.  Le marché du haut débit se compose de deux sous marchés celui du haut débit fixe (constitué essentiellement de connexions ADSL, le nombre de connexions fibre optique étant très limité) et du haut débit mobile (connexions 3G et 4G)) : o Le marché du haut débit fixe (i.e. ADSL) au Maroc, dont la taille est restreinte avec 1,13 millions de lignes en 2015, est caractérisé par le fait que l’opérateur historique Maroc Telecom détient 99,97% (en % des abonnements) du marché (contre 0,03% pour WANA) en 2015 (ANRT, 2016). Cette structure de marché, qui n’a enregistré aucune évolution significat ive depuis plusieurs années reflète non seulement le faible d’intérêt des opérateurs alternatifs qui ont peu investi dans l’infrastructure fixe mais aussi le fait que les politiques de dégroupage de la boucle locale cuivre introduites par l’ANRT depuis 2008 n’ont pas été mises en œuvre et n’ont pas généré de résultats permettant d’accroitre le niveau de concurrence 65, à la différence des pays européens tels que la France notamment (voir plus bas). o Le marché du haut débit mobile, plus concurrentiel, est caractérisé par le fait que Maroc Telecom détient 49% du marché en 2015 contre 27% pour Meditel et 24% pour WANA en 2015 (ANRT, 2016). Le marché est concentré avec un indice d’Herfindhal de 3659 en 2015.  Depuis 2007, le nombre total d’abonnés au haut débit (fixe et mobile) a connu une forte croissance (surtout entre 2008 et 2015) mettant en en avant l’attente des consommateurs (Figure 7).  La composition du parc d’abonnés au haut débit a été profondément modifiée en faveur du haut débit mobile (Figure 7) qui représente 92% contre 8% pour l’ADSL. Cela étant, on observe une baisse des abonnés haut débit mobile (data only via clé wifi) depuis 2011 qui s’explique par la 65 La mise en œuvre du dégroupage est un sujet sur lequel les opérateurs et le régulateur sont en désaccord. Le régulateur estime qu’il n’a pas les outils pour faire appliquer ses décisions, notamment en matière de sanctions. L’opérateur historique estime que la non mise en œuvre du dégroupage dépend essentiellement de la stratégie et la volonté des opérateurs alternatifs à développer ce créneau. Les opérateurs alternatifs estiment que ce sont les conditions techniques et tarifaires proposées par Maroc Télécom qui empêchent la mise en œuvre du dégroupage. 27 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc baisse des prix des smartphones et l’éclosion des usages Internet à travers les smartphones 66. Aussi et comme le soulignait le PNHD en 2012, il est possible qu’il demeure des goulots d’étranglement sur le backhaul (insuffisamment constitués en fibre optique) qui affecte la qualité du service67. De fait, les consommateurs se reportent sur les offres ADSL malgré (une facture moyenne mensuelle plus élevée – Figure 10) qui offrent des débits constants et une meilleure qualité de connexion à l’intérieur des bâtiments.  Contrairement au marché du haut débit fixe, et à condition de disposer d’un backhaul (kilomètre intermédiaire) en fibre optique suffisant, le marché du haut débit mobile offre des opportunités considérables pour le développement du haut débit et la généralisation de l’accès à ce service au Maroc car : o Le marché du haut débit mobile, bien que fortement concentré, est relativement concurrentiel ; o L’existence d’abonnements prépayés permet de satisfaire la demande des ménages à revenu modeste ; o Le haut débit mobile permet la mobilité des utilisateurs (3G/4G) ; o Surtout, pour des raisons de couverture de la population mais aussi commerciales, la technologie mobile (i.e. dernier kilomètre haut débit sans fil) est la plus adaptée. Il convient cependant de nuancer cette affirmation car si pour des débits faibles, le coût à la ligne de la boucle locale sans fil est généralement inférieur à celui de la boucle locale filaire, ce n’est pas le cas pour des débits plus élevés. Aussi, en intérieur, la qualité de service du haut débit fixe est supérieure à celle du haut débit mobile.  Le marché du haut débit fixe reste surtout réservé au segment « entreprises68 », les entreprises nécessitant des débits plus élevés et une meilleure qualité de service, et aux ménages relativement aisés qui peuvent s’abonner mensuellement (80% des abonnements ADSL correspondent à un débit de 4mbps – ANRT, 2015). Mais l’évolution du parc liaison louées (reflétant en partie le marché entreprises69) montre que ce segment de marché est étroit et peu dynamique depuis de nombreuses années et qu’il enregistre même un léger fléchissement depuis 2014, passant de seulement 1173 à 1153 abonnés en « liaisons louées ». Cela reflète le manque de concurrence sur ce marché caractérisé par des prix (pour le forfait liaison louée 2Mbps/mois) qui après ceux pratiquées au Soudan et à Djibouti sont les plus élevés du monde arabe (voir Figure 10)70 et une faible qualité de service comparé à d’autres pays comparables (en termes de bande passante internationale par 66 Au Maroc en mai 2016, on estime le prix d’un smartphone de gamme basse/moyenne entre 30 (marché noir) et 80 (neuf) USD. Les smartphones permettent de mettre en place des « hotspots » qui se substituent efficacement aux clés wifi. 67 En juin 2016, l’ANRT indiquait qu’elle n’adhérait pas à cette analyse. Meditel indiquait en juin 2016 : « Les rapports de l’ANRT sur la qualité 3G montrent que les indicateurs relatifs au réseau 3G de MEDI TELECOM sont au moins équivalents à ceux d’IAM et même meilleurs en ce qui concerne les connexions à travers les PC (source : https://www.anrt.ma/sites/default/files/rapportannuel/2015-Qos-Data-3G.pdf ). » 68 Ce segment couvre également les besoins des agences bancaires, représentations régionales des offices et ministères, agences commerciale. 69 L’observatoire ANRT (i.e. tableau de bord du marché de l’internet) disponible en ligne limite l’information au parc liaisons louées et ne fournit pas d’information sur les connexions de type frame relay ou VPN IP. Cependant, selon WANA en juin 2016 : « Le nombre de liens DATA (i.e. « entreprises) est de l’ordre de 23 000 pour l’ensemble du marché dont 18 000 sont fournis par Maroc Télécom et près de 5 000 par les opérateurs alternatifs. Ce marché est en croissance régulière depuis 10 ans, à un rythme de 5% /10% en valeur par an.». 70 Voir : Telecommunications Retail Price Benchmarking for Arab Countries 2015, disponible ici : http://www.tra.org.bh/media/document/2015%20Telecommunications%20Retail%20Price%20Benchmarking%20fo r%20Arab%20Countries.pdf. A noter que l’ANRT et Maroc Télécom indiquent en mai 2016 d’autres études comparatives, accessibles via accès payant (voir : http://www.arabadvisors.com/reports/item/15337) et qui montreraient que les prix de l’ADSL sont parmi les moins cher du monde arabe. Aussi, en 2016 Meditel indiquait : « La comparaison des prix des Liaisons Louées n’est pas fiable car elle se base sur les prix catalogues et les prix facturés. En effet, les prix catalogues n’incluent pas les remises sur factures accordées aux PME et grands comptes qui sont les principaux utilisateurs consommateurs de ces offres ». 28 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc utilisateur – Figure 12). Sur le marché particulier de l’ADSL, la légère croissance des abonnements depuis 2011/2012 tient à une baisse de la facture moyenne, qui est cependant repartie à la hausse depuis 2014. o Tandis qu’il est autorisé et régulé depuis 2008, le dégroupage de la boucle locale n’a pas produit de résultats significatifs et Maroc Télécom continue de détenir la quasi-totalité du marché. Ainsi force est de constater que les opérateurs Meditel et WANA qui disposent des licences (licences NGN octroyées en 2006 avec des obligations de couverture qui ne sont pas rendues publiques) nécessaires pour opérer sur le marché de l’ADSL n’ont jusqu’à aujourd’hui pas cherché à les activer en investissant massivement dans les infrastructures filaires 71. Tandis que Meditel a longtemps privilégié l’investissement dans le mobile, WANA a pris le risque d’investir dans la technologie CDMA (fixe à mobilit é restreinte), en parallèle de l’obtention de la licence 3G, qui n’a pas porté ses fruits. En mai 2016, Maroc Télécom indiquait que depuis l’introduction du dégroupage en 2008 seul WANA avait déposé 1300 dema ndes de dégroupage auprès de l’opérateur historique (dont 1100 ont été satisfaites) et que Meditel n’avait fait que 200 demandes de bistream72. Pour sa part, Meditel indique en juin 2016 que le nombre de demande de bistream est bien supérieur à 200 et précise que : « Meditel a également procédé à des demandes de dégroupage auprès de Maroc Télécom et s’est heurté à de nombreuses difficultés liées au service après-vente, à l’accès et à la qualité de l’information sur les lignes éligibles de Maroc Télécom au dégroupage, au refus de dégrouper des lignes suspendues et inactives, à l’accès aux armoires mutualisées pour le dégroupage physique, aux conditions de réalisation des tests de dégroupage virtuel ». La petite taille du réseau cuivre (recensé à 1,1 millions de lignes ADSL en 2015 par l’ANRT) et les niveaux des prix pratiqués par Maroc Télécom73, bien que régulés par l’ANRT 74, sont les facteurs qui expliquent le peu d’intérêt des opérateurs WANA et Meditel pour le réseau ADSL, en dépit d’un regain d’intérêt ces dernières années. Ces derniers, plutôt que d’investir eux-mêmes dans les infrastructures filaires au niveau du réseau d’accès (qui sont fortement consommatrices de capitaux et difficile à rentabiliser à court terme) préfèrent revendiquer un accès partagé aux anciennes (cuivre) et nouvelles (e.g. DSLAM/MSAN et FTTH) infrastructures déployées par Maroc Telecom au niveau de la boucle locale, ce que conteste Maroc Télécom. En effet, l’opérateur historique ne conteste pas le dégroupage de la boucle de cuivre, qui est une infrastructure historique, mais souligne que le marché FTTH est émergent et nécessite forcément des investissements des différents opérateurs pour son développement. Or, l’ANRT impose une régulation75 symétrique (i.e. qui incombe à tous les opérateurs) sur les nouvelles infrastructures FTTH76. Pour Maroc Télécom, 71 En juin 2016 Meditel indiquait avoir : « investi, durant la période 2006 – 2011 plus de 6 milliards MAD (hors licences) pour le développement de ses réseaux fixes et mobile et notamment dans le déploiement d’infrastructures de transmission en fibre optique, soit 20% de son CA cumulé sur cette période ». Cela étant, cette information ne permet pas de faire la distinction entre les efforts d’investissement effectués dans le réseau fixe et ceux réalisés dans le réseau mobile. 72 Selon Maroc Télécom, le bitsream est une option qui nécessite le moins d'investissement possible et Méditel n’a manifesté aucun intérêt ni sur le dégroupage physique ni sur le dégroupage virtuel. 73 Pour Maroc Télécom en juin 2016, les tarifs d'accès appliqués sont orientés vers les coû ts. La non mise en œuvre du dégroupage résulte plutôt de la stratégie des opérateurs alternatifs qui n'est pas orienté vers ce segment. 74 Voir notamment les décisions : ANRT/DG/N°06/15 du 27 Safar 1437 (9 décembre 2015) désignant pour l’année 2016 les exploitants de réseaux publics de télécommunications exerçant une influence significative sur les marchés particuliers des télécommunications ; et Décision n° 03/15 du 30 septembre 2015 fixant les modalités techniques et tarifaires relatives à l’offre de gros bitstream pour le dégroupage de la boucle et sous-boucle locale d’Itissalat Al- Maghrib. Voir : https://www.anrt.ma/reglementation/decisions 75 Voir : https://www.anrt.ma/sites/default/files/2014-06-14-FTTH-fibre-optique_1.pdf 76 Pour Méditel en juin 2016 : « l’infrastructure relative à la boucle et boucle locale (en cuivre ou en fibre) est bien une infrastructure « historique » puisque c’est le contribuable qui a financé la partie « terminale », ce dont Maroc Telecom a largement profité à travers la loi sur l’urbanisme (n° 12-90, article 44) et sur les lotissements (n°25-96, 29 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc cette régulation décourage actuellement l’investissement tout en encourageant l’attentisme des opérateurs concurrents qui préfèrent avoir un accès partagé aux infrastructures de Maroc Télécom que de déployer des infrastructures filaires 77. Mais selon l’ANRT en juin 2016 : « Médi Telecom, opérateur non déclaré puissant, et Wana respectent les principes de cette décision au niveau des zones Casa Green Town, Atlantic Free zone, Casanearshore et Technopolis et partagent leurs infrastructures (passives et actives selon les cas) avec Maroc Telecom. Par ailleurs, l’opérateur historique a développé depuis 2014 une offre FTTH qu’il a lancé. ». Cette situation sur le marché du haut débit fixe révèle l’existence d’une régulation inefficiente de la boucle locale cuivre et fibre optique (voir Section 2-C). Figure 7. Accès (nombre d’abonnés) au haut débit par type de technologie (à gauche) et évolution de la composition du parc d’abonnés au haut débit par type de technologie (à droite) 16,000,000 100% 8 90% 15 14,000,000 80% 12,000,000 70% 64 10,000,000 60% 8,000,000 50% 92 40% 85 6,000,000 30% 4,000,000 20% 36 2,000,000 1,173 1,153 10% 0% - 2008 2013 2015 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 ADSL Liaisons louées haut débit fixe Haut débit mobile (data only) Haut débit mobile (voix + data) Total haut débit mobile Source : ANRT, 2015 Malgré la croissance des abonnés, la pénétration des services de haut débit est faible, elle figure notamment parmi l’une des plus faibles de la région MENA (Figure 8) et se situe bien en dessous de celles de pays émergents comparables (Turquie, Bulgarie, Lituanie, Roumanie, etc.) où les taux avoisinent les 50% pour le fixe 100% pour le mobile. La pénétration du haut débit reste relativement faible au Maroc, particulièrement dans les zones rurales où vit 42% de la population (i.e. 14 millions de personnes). En effet, les résultats de l’enquête ANRT (2015) révèle l’existence d’une fracture numérique importante et persistante. Tandis que l’équipement en internet des ménages est de 76% en milieu urbain il article 19). En tout état de cause, celle-ci constitue une infrastructure « essentielle », au sens du droit de la concurrence, et à laquelle tout opérateur alternatif a besoin d'avoir accès pour pouvoir proposer des offres haut débit sur les marchés de détail et d'autre part sur l'accès aux fourreaux, majoritairement détenus par l'opérateur historique. L'accès à cette infrastructure est indispensable aux opérateurs alternatifs souhaitant proposer des offres très haut débit sur le marché de détail, comme cela a très largement été vu en Europe.». 77 En juin 2016 Meditel indiquait : « les investissements de MEDI TELECOM, ramenés à son chiffre d’affaires, ont été beaucoup plus importants que ceux d’IAM. A titre d’exemple, en 2015, ce ratio a représenté près de 28% pour MEDI TELECOM comparé à 18% pour IAM ». Cela étant Méditel ne compare pas les montants des investissements des deux opérateurs et ne précise pas la part de l’investissement de Méditel orienté vers le réseau fixe. 30 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc n’est que de 47% en milieu rural en 2015 (Figure 9). Celant étant, l’équipement en internet des ménages a connu une augmentation considérable dans les deux milieux entre 2014 et 2015 et l’introduction de la 4G a contribué à cela. Figure 8. La pénétration du haut débit fixe en % des foyers (à gauche) et du haut débit mobile en % de la population dans les pays de la MENA (à droite) en 2015 100.00% 300% 90.00% 250% 80.00% 70.00% 41.10% 200% 60.00% 50.00% 17.50% 150% 85% 40.00% 41% 100% 30.00% 20.00% 50% 10.00% 0.00% 0% Syria Syria Yemen Yemen Morocco Morocco Oman United Arab Emirates United Arab Emirates Oman Djibouti Kuwait Qatar Bahrain Djibouti Libya Libya Qatar Bahrain Kuwait Iraq Iran Iraq Iran Lebanon Lebanon Tunisia Algeria Jordan Algeria Tunisia Jordan Saudi Arabia Saudi Arabia Egypt Egypt Moyenne MENA Moyenne MENA Note : Le haut débit fixe comprend majoritairement les accès ADLS et fibre dans une moindre mesure. Le haut débit mobile inclut les abonnements internet mobile (3G et 4G) de type data only et data + voix. Source : TeleGeography’s GlobalC omms Database, 2015. Figure 9. Equipement internet dans les ménages (% des ménages en zone électrifiée) Source : Enquête ANRT, 2015 Le fait que la pénétration du haut débit soit globalement faible au Maroc et qu’elle soit plus restreinte en milieu rural est lié à deux facteurs explicatifs : A. Du côté de la demande, un problème de prix des abonnements et des équipements (par rapport au revenu moyen) surtout dans les zones semi urbaines et rurales.  L’enquête ANRT (2015) montre que le coût du service d’accès à internet et de l’équipement pour y accéder reste trop important pour une grande partie de la population malgré la baisse régulière des tarifs. L’enquête révèle que p our 30% et 34% des foyers non équipés en internet en 2015, les prix du service et de l’équipement demeurent des obstacles majeurs. Or, si la facture moyenne mensuelle Internet (fixe et mobile) suit une tendance baissière depuis 2010 (Figure 10), elle 31 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc enregistre une hausse depuis 2014 sous l’impulsion notamment de l’augmentation de la facture moyenne du haut débit fixe (ADSL), marché sur lequel l’opérateur historique détient en 2015 une part de marché de 99,97%.  En comparaison avec d’autres pays de la région MENA, les prix des abonnements au haut débit fixe et mobile sont élevés et leur niveau ne permet pas encore un décollage rapide du haut débit : d’après l’UIT, le taux de pénétration du haut débit augmente rapidement dès que le prix de détail du haut débit passe en dessous de la barre des 3-5% du revenu national mensuel moyen par habitant (Figure 11). Il est légèrement supérieur à 5% au Maroc. o Lorsqu’on compare les prix de certains forfaits internet au Maroc et dans d’autres pays arabes, il apparait qu’en dépit de la baisse de la facture moyenne de l’internet, les prix des accès internet fixe les plus économiques « entreprises/liaisons louées 2Mbps par mois » et mobile « résidentiel 8Mbps par mois » figurent parmi les plus élevés du monde arabe (Figure 10)78.  La faible pénétration du haut débit au Maroc est en partie due au fait que l’accès au service – via abonnement – reste trop coûteux pour les 60% les plus pauvres de la population (BM, 2014)79. Il est estimé qu’un ménage représentatif de ce segment de la population doit dépenser respectivement 26% et 23% de son revenu disponible pour accéder à un abonnement haut débit mobile et fixe (BM, 2014). Figure 10. Evolution de la facture moyenne mensuelle Internet entre 2010 et 2015 au Maroc en haut, et comparaison des tarifs mensuels (USD/PPP y inclus TVA) de certains forfaits fixes et mobiles dans les pays Arabes en 2015 en bas 78 L’ANRT ne partage pas ce constat. L’ANRT et Maroc Télécom indiquent en mai 2016 d’autres études comparatives, accessibles via accès payant (voir : http://www.arabadvisors.com/reports/item/15337) et qui montreraient que les prix pratiqués au Maroc sont parmi les moins cher du monde arabe. 79 http://www.worldbank.org/en/region/mena/publication/broadband-networks-in-mna 32 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Source : ANRT, 2015 en haut ; AREGNET, 2015 en bas. Voir : Telecommunications Retail Price Benchmarking for Arab Countries 2015, disponible ici : http://www.tra.org.bh/media/document/2015%20Telecommunications%20Retail%20Price%20Benchmar king%20for%20Arab%20Countries.pdf Figure 11. Prix des abonnements au haut débit fixe et mobile en % du Revenu National Brut mensuel moyen par habitant Source : BM, 2014 ; voir : B. Du côté de l’offre, un problème de qualité et de couverture du réseau d’infrastructures dédié au haut débit mobile80 :  La qualité du réseau d’infrastructure – insuffisamment constitués en fibre optique hors des grands et principaux centres urbains (voir constat du PNHD, 2012) – dédié au haut débit mobile n’est globalement pas suffisante pour faire face à l’augmentation de l’usage de l’internet mobile (voir cartes de couverture des réseaux des opérateurs marocains81). Aussi et comme le soulignait le PNHD en 2012, il est possible qu’il demeure des goulots d’étranglement sur le backhaul (insuffisamment constitués en fibre optique) qui affecte la qualité du service et qui résulte de la croissance très rapide des abonnements 3G/4G depuis 2007 et 2015. Cette situation appelle à de nouveaux investissements dans les infrastructures fixes en fibre optique sur les segments backbone 80 A noter que la couverture 3G data est beaucoup plus faible que la couverture 3G voix. 81 Voir : https://www.nperf.com/en/map/MA/ 33 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc et backhaul, non seulement dans certaines zones déjà couvertes en 3G/4G mais aussi et surtout dans les zones ne bénéficiant pas encore d’une couverture 3G/4G de la part des trois opérateurs (voir cartes de couverture des réseaux des opérateurs marocains82). Les problèmes de qualité de service du haut débit mobile sont particulièrement exacerbés en zone urbaine en raison du partage des fréquences entre utilisateurs ; il conviendrait dès lors d’octroyer des fréquences supplémentaires ou de libérer de nouvelles bandes de fréquences (i.e. dividende numérique) 83. La qualité du réseau d’infrastructure dédié au haut débit explique le faible niveau de qualité moyenne de service internet (en termes de bande passante internationale par utilisateur internet) au Maroc lorsqu’on le compare à d’autres pays de la région MENA (y compris la Tunisie) et encore davantage par rapport à des pays d’Europe centrale (Figure 12). Et comme le souligne l’ANRT (2015), la bande passante internationale au Maroc ne croît plus depuis 2013 et 2014 (Figure 12). La baisse des prix des smartphones (voir plus haut) ainsi que la faible qualité du service, en moyenne, contribue à expliquer la chute du nombre d’abonnés au haut débit mobile (data only) depuis 2012 (voir plus haut) et la relance, depuis 2011, de la croissance des abonnements ADSL qui offrent des débits constants (et pas théoriques comme les offres 3G/4G) de meilleure qualité (voir plus haut). Figure 12. Bande passante (en bit/s) internationale par utilisateur internet en 2014 au Maroc et dans d’autres pays (à gauche) et évolution de la bande passante internationale au Maroc depuis 2002 (à droite) 180000 160000 140000 120000 100000 80000 60000 40000 20000 0 Iran Egypt Tunisia Oman Qatar Turkey Syria estonia romania morocco Algeria bulgaria Jordan Djibouti lithuania lebanon Source : UIT, 2016 et ANRT, 2015  La couverture du réseau d’infrastructures, fixes (en fibre optique) surtout mais aussi mobile, dédié au haut débit au Maroc est réduite et en l’état actuel les perspectives d’expansion du haut débit sont limitées : Une couverture réduite et l’existence d’importantes zones blanches surtout au Nord-Est, au Centre-Est et au Sud du pays : En ce qui concerne les infrastructures fixes (backbone, backhaul et accès) en fibre optique (indispensable pour assurer la qualité de service du haut débit mobile et fixe lorsque le trafic explose), il existe un fort déséquilibre en termes de dotation entre les trois opérateurs : Maroc Télécom, Méditel et WANA.  Maroc Telecom possède et opère le plus gros réseau fibre optique recouvrant une large partie du territoire marocain qui est estimée à près de 25 000km. En dépit de l’intérêt de Meditel et WANA pour accéder à cette infrastructure84, le partage de cette infrastructure ne fait pas l’objet d’une décision de 82 Voir : https://www.nperf.com/en/map/MA/ 83 En juin 2016, l’ANRT indique cependant : « Les 3 opérateurs globaux disposent du spectre nécessaire, dans les bandes 800, 900, 1800 et 2600 MHz pour un développement efficace et harmonieux de la 3G et de la 4G. » 84 En Mai 2016, Maroc Télécom indique : « Le backbone n’étant pas une infrastructure essentielle, il n’existe aucune obligation de le partager, ce qui est cohérent avec les principaux modèles de régulation de par le monde. » De son côté, Méditel indique en juin 2016 : « Toutefois, le coût prohibitif de la reproduction de l’infrastructure d’IAM, et le 34 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc régulation spécifique (contrairement à la boucle locale et au génie civil de Maroc Télécom 85) et reste très complexe à mettre en œuvre (voir aussi section 2-C).  Deuxième entrant en 1999, Meditel s’est historiquement concentré sur le marché mobile et a peu investi dans le fixe suite à l’obtention de sa licence NGN en 2006 (payée 7 millions d’euros) qui n’impose à l’opérateur aucune contrainte de déploiement et obligation de couverture. Dans ce contexte, et après avoir pourtant obtenu la licence 3G en 2006, l’opérateur n’a pas investi massivement dans des infrastructures fixes 86, même pas dans les centres urbains les plus rentables. Meditel indique disposer aujourd’hui de près de 5000 km de fibre optique inter -urbaine (y compris les infrastructures de fibre optique co-détenues ou louées à des exploitants d’infrastructures alternatives : ONCF surtout, et Autoroute Du Maroc (ADM) dans une moindre mesure, voir ci-après).  Troisième entrant en 2006, WANA a acquis sa licence NGN (payée 28 millions d’euros et permettant de faire du fixe à mobilité restreinte) ainsi que sa licence 3G en 2006. De la même façon que pour Meditel, et en l’absence d’obligation de couverture sur le fixe, WANA n’a pas donné la priorité à un large programme d’investissement en fibre optique mais c’est plutôt limité à déployer des boucles périurbaines (pour près de 600 km) dans les centres urbains les plus rentables. Des investissements plus conséquents en fibre optique (près de 1500 km) ont ensuite été déployés dès 2013 au niveau du backhaul pour assurer la qualité des services 3G et 4G. Au total, WANA indique disposer aujourd’hui de près de 6000 km de fibre optique inter-urbaine (y compris les infrastructures de fibre optique co-détenues ou louées à des exploitants d’infrastructures alternatives : ONEE surtout, et Finetis Maroc, ADM, et ONCF) dans une moindre mesure, voir ci-après). Conscients de ce déséquilibre, en 2004 avant le lancement de la 3G (en 2006), l’ANRT et le Gouvernement marocain ont apporté des modifications à la loi 24/96 (voir notamment les articles 7bis et 22 bis) permettant aux exploitants d’infrastructures alternatives (i.e. l’Office Nationale des Chemins de Fer (ONCF) et l’Office Nationale de l’Electricité et de l’Eau (ONEE)) de louer ou céder les capacités excédentaires de leurs réseaux fibre optique (ainsi que leur génie civil) aux opérateurs titulaires de licences. Cela a permis de faciliter la mise en place des réseaux d’infrastructures fibre optique de Meditel et WANA via des accords de co- déploiement et/ou de location de fibre noire. Ces réseaux comptent respectivement 1 600km de fibre optique pour l’ONCF (avec des câbles allant de 12 à 72 paires selon les tronçons - [voir lien]) et 7 000km pour l’ONEE (installée principalement sur les lignes électriques 400kV, 225kV et 60 kV ; l’ONEE ne dispose pas d’un document reportant le réseau fibre optique ONEE sur la carte géographique du Maroc ). Des projets d’extension sont en cours via notamment la construction de nouvelles lignes ferroviaires de l’ONCF. Outre l’ONEE et l’ONCF, l’entité ADM et la société Finetis Maroc disposent de réseaux fibre optique et génie civil pouvant être exploités par les opérateurs de télécommunications pour leurs réseaux haut débit. Tandis temps non raisonnable requis à cette fin fait qu'il n'existe pas d'alternatives viables pour les opérateurs alternatifs afin de la répliquer, dans le but de développer des offres haut débit fixes et mobiles viables. Ils seront par conséquent évincés de ces marchés. ». De son côté l’ANRT indique en juin 2016 : « Une partie de cette infrastructure est historique ou a été établie depuis plusieurs années. La non-adoption du projet de Loi 121-12 ne permet pas de doter le secteur des moyens pour rendre de telles infrastructures partageables. » 85 Il est important de noter que dans la décision ANRT/DG/N°06/15 du 27 Safar 1437 (9 décembre 2015) désignant pour l’année 2016 les exploitants de réseaux publics de télécommunications exerçant une influence significative sur les marchés particuliers des télécommunications, l’article 6 (p.6) stipule : « Dans le cas où les infrastructures de génie civil d’IAM sont inexistantes ou ne permettent pas de répondre aux besoins des ERPT pour le passage de leurs infrastructures de transmission ou de distribution, IAM est tenu de leur soumettre une offre portant sur des solutions de substitution, et notamment celles permettant l’utilisation de la fibre optique noire sur l’ensemble du territoire national. » 86 Méditel indique en juin 2016 : « le taux d’investissement de MEDI TELECOM est largement supérieur à celui de Maroc Telecom. Sur les trois dernières années MEDI TELECOM a investi en moyenne 23% de son CA, soit 6 points de plus que Maroc Telecom, et deux fois plus comparé si l’on tient compte de l’EBITDA. » Cela étant Méditel ne compare pas les montants des investissements des deux opérat eurs et ne précise pas la part de l’investissement de Méditel orienté vers le réseau fixe. 35 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc qu’aucune information publique n’existe sur les caractéristiques du résea u ADM, Finetis Maroc indique avoir déployé87 en 2005 (en co-construction avec ADM, notamment) près de 2050km de fibre optique. Malgré leur importance stratégique, les réseaux publics fibre optique (et génie civil) détenus par l’ONEE et l’ONCF sont d’une utilité limitée pour le déploiement du haut débit pour deux raisons :  D’une part, le réseau de l’ONCF ne couvre que la partie Nord-ouest du pays tandis que celui de l’ONEE, bien que de plus grande taille et rejoignant Laayoune au Sud du Royaume dans sa partie saharienne, ne pénètre pas les grandes zones urbaines du pays (à la différence de l’ONCF via le réseau de gares) et est en partie constitué de fibres optiques et d’équipement de transmission n’ayant pas des caractéristiques optimales pour fournir des services haut débit88.  D’autre part, l’accès aux réseaux de l’ONCF et de l’ONEE ne fait pas l’objet de régulation89 sur les catalogues de services proposés aux opérateurs de télécommunications ni sur les modalités et la proposition de ces services ne s’effectue pas sur la base d’un appel ouvert à manifestation d’intérêt . Ainsi, les négociations avec les opérateurs de télécommunications se font sur la base d’un gré à gré, ce qui ne favorise pas à la fois l’harmonisation des conditions tarifaires et techniques entre les opérateurs ni l’optimisation de l’usage des réseaux publics fibre optique de l’ONCF et l’ONEE au détriment du budget de l’Etat. De fait, et pour des raisons historiques Meditel est le principal utilisateur 90 du réseau ONCF : l’usage du réseau ONCF par WANA est limité à l’axe Casablanca-Marrakech et Maroc Télécom n’utilise pas ce réseau. Tandis que WANA est l’unique utilisateur du réseau ONEE91.  Enfin, tandis que les infrastructures de l’ONCF et de l’ONEE sont disponibles leur demande est limitée car seuls les trois opérateurs disposant d’une licence peuvent la louer ; le manque d’opérateurs locaux, et indépendants, et l’interdiction de louer directement aux FAI et aux réseaux privés restreint l’éventail des clients potentiels. Le sous-investissement dans les infrastructures fixes associé au manque de régulation sur ces infrastructures (voir section 2-C) affecte directement la couverture des réseaux hauts débit mobile 3G et 4G. En effet, pour fonctionner dans des conditions de qualité satisfaisantes aujourd’hui au Maroc, ces services nécessitent de se reposer sur un réseau d’antennes radio reliées au cœur du réseau en fibre optique qui permet de supporter des trafics importants. Le manque de couverture en infrastructures fixe contribue à expliquer l’iné galité de la couverture des services 3G et 4G sur le territoire marocain. Il convient également de rappeler que les cahiers des charges des licences 3G et 4G ne sont pas rendus publics, ainsi le manque d’obligation de 87 Pour un montant de 22 millions d’euros (hors frais d’opération) ce qui revient à un cout de déploiement au kilomètre de près de 10 000 euros, un montant équivalent au montant moyen pratiqué aux Etats Unis : https://www.fcc.gov/general/national-broadband-plan. 88 Le réseau de transmission actif de L’ONEE est constitué de deux équipements de transmission : (i) Les équipements SDH (synchronous digital hierarchy) qui assurent la transmission de données entre les différents Nœuds du réseau ; et (ii) les équipements PCM (Pulse Code modulation) qui assurent l’extraction des données nécessaires au niveau de chacun des sites desservis par le réseau de transmission par fibre optique. Les équipements de transmission par fibre optique SDH installés au niveau des boucles du réseau sont d’une capacité STM-16, ils permettent ainsi un débit de 2,5 Gbit/s. Les équipements de transmission par fibre optique SDH installés au niveau des sites en antennes sont d’une capacité STM-4, ils offrent ainsi un débit de 622 Mbit/s. 89 En juin 2016 indique : « Le cadre réglementaire actuel prévoit des dispositions claires (cf. article 22Bis) qui permettent de réguler les conditions (y compris les tarifs) d’utilisation des infrastructures de l’ONCF, ADM et l’ONEE, étant des concessionnaires publics. Or, à ce jour, l’ANRT n’a jamais été destinatrice d’un différend à ce sujet pour le trancher. (…) Certaines infrastructures alternatives peuvent être régulées en cas de différend porté à l’ANRT conformément à la réglementation en vigueur. » 90 L’usage du réseau ONCF par WANA est limité à l’axe Casablanca -Marrakech et Maroc Télécom n’utilise pas ce réseau. 91 L’ONEE indiquait en mai 2016 que l’utilisation du réseau fibre optique de l’ONEE par WANA était limitée à sept axes : Axe 1 : Rabat – Kenitra – Tanger – Espagne ; Axe 2 : Meknès – Fès – Berkane - Oujda ; Axe 3 : Casa- Settat – Beni Mellal – Khenifra ; Axe 4 : Casa – El jadida – Marrakech – Ouarzazate ; Axe 5 : Marrakesh – chichaoua – Agadir ; Axe 6 : Ouarzazate – Tinghir- Errachidia ; Axe 7 : Agadir – Tan Tan – Laayoune – Tarfaya 36 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc couverture peut aussi expliquer l’inégalité de la couverture des services 3G et 4G sur le territoire marocain. Enfin, le déséquilibre entre opérateurs en termes de dotation en infrastructure fixe en fibre optique explique l’inégalité de la couverture des services 3G et 4G entre les opérateurs. Les cartes de couverture des réseaux des opérateurs marocains 92 mettent en évidence deux faits importants :  le fait que les services de haut débit mobile 3G et 4G sont concentrées le long des principales artères du Nord-Ouest du pays et principalement dans les grands centres urbains.  le fait que la concurrence sur les segments 3G et 4G du marché ne s’exerce pas sur l’ensemble des localités couvertes par ces services étant donné que la couverture de Maroc Télécom est plus large que celle de Meditel qui est plus large que celle de WANA. Des perspectives d’expansion des infrastructures de connectivité haut-débit limitées : La capacité d’investiss ement des opérateurs marocains est difficile à estimer. Cela étant l’écart entre le chiffre d’affaires et l’investissement privé pourrait suggérer l’existence d’une bonne profitabilité favorable à l’investissement. A titre d’illustration, Maroc Télécom indiquait en 2016 un taux d’EBITDA de 52% (soit près de 1,2 milliard USD) sur le marché marocain qui correspond à un montant équivalent au chiffre d’affaires cumulé de Meditel et WANA. Mais, depuis 2011 le chiffre d’affaires total du secteur est en baisse et l’investissement cumulé des trois opérateurs est passé de 1,2 milliard USD à 800 millions USD entre 2010 et 2015 (voir Figure 5). L’encadré 4 fournit une présentation de la situation des trois opérateurs télécoms marocains. Au-delà de la disponibilité à investir des trois opérateurs de télécommunications marocains, la règlementation actuelle des droits de passage pour l’occupation du domaine public de l’Etat (gérée par le Ministère de l’Equipement du Transport et de la Logistique) et des collectivités locales (gérée par le Ministère de l’Intérieur) ne favorise pas l’investissement des opérateurs de télécommunications dans les infrastructures fixes et mobiles. La réglementation de l’occupation du domaine public de l’Etat (i.e. axes interurbains) a récemment (voir article 10 de la loi de finances 70-15 pour l’année budgétaire 2016) fixé les montants des redevances d’occupation du domaine public de l’Etat pour tous les exploitants de réseaux publics de télécommunications (Figure 13) qui n’étaient jusque-là pas clairement réglementés et harmonisés. En dépit de cette amélioration récente, l’occupation du domaine public des collectivités locales (axes urbains) ne fait pas l’objet d’une réglementation spécifique et celle-ci est donc soumise à la discrétion des communes qui peuvent appliquer des montants de redevance différents selon les communes et les opérateurs. A titre d’illustration, Maroc Télécom et WANA indiquaient en 2016 que la redevance annuelle d’occupation du domaine public qui leur était appliquée dans la ville de Casablanca s’élevait à 30 dirhams le mètre linéaire soit un montant cinq fois plus élevé que celui appliqué sur le domaine public de l’Etat (Figure 13). Pour ces opérateurs, cela constitue un élément de coût important qui est de nature à freiner les déploiements à Casablanca. Plus globalement, le manque de réglementation harmonisée par le Ministère de l’Intérieur de l’occupation du domaine public des collectivités locales affecte la cherté des investissements en zone urbaine pour le déploiement d’infrastructures haut débit. Figure 13. Redevances annuelles pour l’occupation du domaine public de l’Etat au Maroc Utilisation du sol ou du sous-sol pour le passage des lignes 6 dirhams par mètre linéaire (ou 0,6 USD) de télécommunications et ouvrages associés Boitiers de raccordement des lignes de télécommunications 100 dirhams par mètre carré au sol (ou 10,3 USD) Armoires destinées à abriter les installations techniques de desserte d’abonnés, les relais de connexion et les cabines 400 dirhams par mètre carré au sol (ou 41,2 USD) téléphoniques 92 Voir : https://www.nperf.com/en/map/MA/. En juin 2016, l’ANRT indiquait à propos de ces cartes : « Ces cartes de couverture ne reflètent pas la réalité de la couverture par les réseaux mobiles 2G ». Pour autant, il n’existe pas de cartes de couverture alternatives. 37 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Installation de stations radioélectriques (pylônes et antennes 20 000 dirhams par site (ou 2061 USD) de téléphonie) et des équipements associés Note : le taux de change USD-Dirham utilisé est de 9,7 dirhams pour 1 USD en mai 2016 Source : Article 10 de la loi de finances 70-15 pour l’année budgétaire 2016 Par ailleurs, les perspectives d’expansion des infrastructures de connectivité haut-débit sont réduites du fait de l’absence dans le secteur des télécommunications d’acteurs, autres que les trois opérateurs, qui soient autorisés à déployer et exploiter leurs propres réseaux d’infrastructure. Le Maroc n’a jusqu’à ce jour pas cherché à encourager l’entrée d’opérateur d’infrastructure ou de fournisseurs d’accès internet autorisés à déployer des infrastructures. Contrairement à de nombreux pays émergents d’Europe (Bulgarie, Roumanie, Lituanie), il n’existe pas au Maroc de statut légal particulier ni de régime approprié à ce type d’opérateur (voir Section 2-C). L’activité des opérateurs d’infrastructure, dont le métier consiste à construire des réseaux câblés, n’est pas de servir les clients finaux mais de commercialiser des services de gros (activés ou passifs via IRU) à des opérateurs de télécommunications et/ou des grands comptes (i.e. institutions et entreprises publiques et privées organisées en réseau). L’expérience malheureuse de Finetis Maroc en 2005 a néanmoins montré l’intérêt d’investisseurs privés étranger pour opérer dans ce domaine d’activité. A la différence des opérateurs de télécommunication, qui ne disposent généralement pas de l’expertise nécessaire pour câbler des réseaux et externalisent souvent cette activité, les opérateurs d’infrastructure peuvent câbler des réseaux à moindre coût. De surcroît, tandis que le secteur de la construction immobilière au Maroc est en pleine expansion depuis plusieurs années et qu’elle est vouée à se poursuivre dans les décennies à venir sous l’effet de la pression démographique, le cadre légal et réglementaire93 et son application ne permettent le câblage systématique des nouvelles constructions en réseau fibre optique. Et, le câblage des nouvelles constructions, lorsqu’il a lieu se fait encore en cuivre. Aussi, l’exploitation des câbles déployés dans les nouvelles constructions ne fait pas systématiquement l’objet d’un appel ouvert à manifestation d’intérêt 94 de tous les opérateurs de télécommunications, au détriment de la concurrence et de l’intérêt des consommateurs. Le manque95 de recensement numérique et cartographique des infrastructures publiques et privées nationales (au niveau des régions et collectivités) pouvant être utilisées par les opérateurs de télécommunications pour déployer leurs propres réseaux d’infrastructures constitue également un frein important à l’investissement. En effet, de telles informations permettent aux opérateurs de télécommunications de mieux planifier leur investissement et de réduire leur coût de déploiement. Le recensement numérique et cartographique des infrastructures publiques et privées nationales et leur mise à disposition des investisseurs (et du grand public pour le développement de services numériques de type applications etc.) a été largement utilisé par les pays développés et émergents. Enfin, tandis que le Gouvernement marocain vise, au travers de son plan national pour le développement du haut débit 2012 (PNHD96 qui n’est pas rendu public), de couvrir à l’horizon 2022, 100% de la population en haut débit (2mbps minimum, un objectif modeste en comparaison avec ceux fixés par des pays 93 En juin 2016, l’ANRT indique : « Un projet d’arrêté conjoint entre le Ministère de l’Urbanisme et celui de l’Economie Numérique est en cours d’élaboration et devrait fixer les installations télécoms à déployer selon les catégories de lotissements et d’habitations. » 94 En juin 2016, l’ANRT indique : « Au sujet de la manifestation d’intérêt, il y a lieu de préciser que le projet de Loi 121-12 a clairement traité de cet aspect et a fixé la procédure à suivre. » 95 En juin 2016, l’ANRT indique : « Le projet de Loi 121-12 a traité de ce point et met en place une base de données des infrastructures établies par les opérateurs. » 96 https://www.anrt.ma/lagence/actualites/plan-national-pour-le-developpement-du-haut-et-tres-haut-debit-au-maroc 38 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc concurrents du Maroc comme la Roumanie qui vise à généraliser des débits de 100Mbps et 30 Mbps d’ici 2020) et à des prix identiques entre zones urbaines et rurales 97 :  Le mécanisme de financement public du secteur (i.e. Fonds De Service Universel des Télécommunications (FSUT) crée en 2005) est sous-utilisé, et n’est pas orienté vers le soutien à des projets privés de développement des infrastructures de réseau (connectivité internationale, backbone, backhaul, réseau d’accès). Le besoin de financement public tient au fait que les opérateurs privés concentrent leur investissement dans des zones urbaines à forte densité de population et où il existe un pouvoir d’achat et une forte demande pour des services de télécommunications. Le PNHD 2012 estime qu’il est faisable de couvrir d’ici à 2022 60% de la population en haut débit mobile grâce aux efforts des trois opérateurs privés et dans des communes qui ont été identifiées. La couverture des 40% restant de la population (vivant dans des zones semi-urbains et rurales plus éloignées et moins denses donc peu et/ou non-rentables) ne peut se faire sans l’usage de fonds publics (Figure 14).  Or, l’utilisation du Fonds de service universel (FSU abondé de 2% du chiffre d’affaires total des opérateurs par an) n’est pas suffisamment orientée vers le développement de le haut débit (voir Section 2-C et 3-B). Les données collectées et présentées en Annexe 5 permettent d’estimer : (i) que près de 288 millions de dollars USD sont disponibles au niveau du FSU et qu’ils pourraient être utilisés pour le développement du haut débit ; et (ii) que 6 projets ont été initiés par le FSU depuis sa création en 2005, dont la plupart porte sur le secteur de l’éducation. Et, si l’expansion des réseaux haut-débit figure parmi les objectifs prioritaires du FSU, aucun des projets financés par le FSU depuis 2006 n’a massivement financé le déploiement d’infrastructures de haut débit dans les zones délaissées du royaume. Cela étant, les documents relatifs à une consultation en vue d’un appel d’offre visant à financer, sur les fonds disponibles au niveau du FSU, le développement du haut-débit dans les zones blanches du pays a été partagé avec l’équipe de la Banque mondiale durant la rédaction de cette note.  De surcroit, le recours – à grande échelle et dans le cadre de la décentralisation et de l’autonomie accrue des régions – à des mécanismes de financement public-privé (PPP), cf. les meilleures expériences européennes qui incluent de nouveaux entrants, pour le déploiement d’infrastructures de haut débit en fibre optique devrait être envisagé par l’ANRT qui n’a jusqu’à maintenant pas cherché à mettre en œuvre un modèle de concurrence par les infrastructures (plutôt que par les services 98 – voir Section 3- B). Il est considéré préférable (voir les Notes d’orientation générale 2010-2013 et 2015-2018 de l’ANRT99) d’encourager plutôt des projets de co-investissement entre opérateurs qui n’ont pour l’instant pas été concrétisés (voir section 2-C). Figure 14. Développement du haut débit et du très haut débit sans intervention publique 97 L’accès au haut débit (min. 2Mbps) à 100% de sa population d’ici à 2023 et l’accès au très haut débit (100Mbps) à 50% de sa population d’ici à 2028. 98 Voir la note d’orientation générale 2015-2018 de l’ANRT (p.4). 99 https://www.anrt.ma/publications/notes-dorientations-generales 39 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Source : Plan National Haut débit 2012, ANRT, 2014 Encadré 4. Situation des trois opérateurs télécom100 Meditel (18% du chiffre d’affaires total en 2015) est l’opérateur dont la situation financière est la plus difficile dans la mesure où il supporte toujours le prix de sa licence GSM payée près de 980 millions d’euros (même s’il a eu des mesures d’appui comme la prolongation de la licence mobile et l’acquisition de la licence NGN pour un montant modeste et dans des conditions de protection du marché) et qu’il est affecté par les bas prix des abonnements mobiles et 3G data qui constituent l’essentiel de son activité. Sans grande marge de manœuvre financière, la stratégie annoncée de Meditel consiste surtout à renforcer sa part de marché sur le mobile (via des offres prépayées à bas prix) et aussi à développer autant que possible le partage d’infrastructure (sites radio et infrastructures fixes). WANA (19,6% du chiffre d’affaires total en 2015) est le principal concurrent de Maroc Telecom. Son activité est en amélioration depuis 2010. La capacité d’investissement de WANA est plus forte que celle de Meditel : la Direction de WANA indiquait parmi les investissements réalisés, l’acquisition d’un câble sous-marin international avec atterrissage à Casablanca et en Espagne. 15 ans après la libéralisation partielle du secteur, la présence de Maroc Telecom reste très importante avec 62,4% du chiffre d’affaires total du secteur (2015). En comparaison avec les autres opérateurs, la capacité d’investissement de Maroc Telecom est plus élevée (malgré la légère baisse de son chiffre d’affaires depuis quelques années, partiellement compensée par la croissance du chiffre d’affaires de Maroc Telecom à l’international). Depuis 2013, Maroc Telecom a réalisé des investissements importants pour le déploiement de la FTTH et l’amélioration de la qualité du haut débit fixe (ADSL) par le déploiement de MSAN au plus près des abonnés. Source : Banque mondiale, 2015 Au regard de la situation actuelle du haut débit au Maroc et des ambitions du Maroc de devenir un leader régional et de se hisser au niveau de développement économique des pays à revenu intermédiaire supérieur, le gouvernement marocain fait aujourd’hui face à la nécessité de mettre en œuvre une seconde vague de réformes sectorielles dans le secteur du haut débit. A l’instar des meilleures pratiques internationales, le Maroc devrait surtout œuvrer à :  Encourager l’entrée de nouveaux acteurs (sans limite de nombre et sans interdiction de déployer des infrastructures) sur tous les segments du marché (passerelles internationales, backbones, backhauls, accès) en introduisant un régime d’autorisation (moins contraignant qu’un régime de licence qui requiert un appel à la concurrence) et en simplifiant les procédures administratives. A l’instar de ses concurrent économiques directs, que sont notamment les pays d’Europe de l’Est, le Maroc devrait évoluer vers une ouverture totale des différents segments de marché des télécommunications à la concurrence (sans limite de nombre d’acteurs). Cela étant, une approche graduelle et mesurée pourrait être adoptée via l’introduction progressive d’un nombre croissant d’acteurs sur les différents segments de marché.  Mettre en place une régulation pour l’accès ouvert et non discriminant aux réseaux de communications (infrastructures filaires, génie civil et servitudes) des opérateurs de télécommunications et exploitants d’infrastructures alternatives, et en particulier, mettre en application de façon effective la régulation existante sur le dégroupage.  Promouvoir l’investissement privé dans les télécommunications en (i) règlementant l’occupation du domaine public de l’Etat et des collectivités locales ; (ii) en facilitant la coordination des travaux de 100 Méditel indique en juin 2016 : « MEDI TELECOM est dans une situation financière confortable pour les raisons suivantes : (i) 2014/2013 MEDI TELECOM est le seul opérateur qui a réalisé une croissance de son CA de l’ordre de 6% dans un marché en décroissance alors qu’IAM a baissé de -3% sur son segment mobile sur la même période ; (ii) la dette en baisse de 5% ; (iii) MEDI TELECOM dispose d’une grande marge de manœuvre : Elle a demandé un emprunt de 3 milliards MAD auprès des banques et s’est vu proposée 7 milliards MAD, avec un taux fixe sur 10 ans. Ceci illustre la confiance des banques envers MEDI TELECOM. » 40 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc génie civil entre projets d’infrastructures linéaires ; (iii) en créant une loi sur l’habitat imposant le câblage des nouveaux bâtiments en fibre optique ; et (iv) en recensant et cartographiant le patrimoine infrastructurel pouvant être utilisé pour le déploiement de nouveaux réseaux. L’ensemble de ces points fait l’objet du projet de réforme du cadre réglementaire adopté en Conseil des Ministres et en Conseil de Gouvernement en janvier 2014 et en cours d’examen par le Parlement depuis mars 2014.  Promouvoir l’investissement public/privé possiblement via le recours à des partenariats publics-privés (PPP) et un usage optimisé des fonds du service universel dans les infrastructures de haut débit, notamment dans des zones caractérisées par des carences d’intérêt privé. C. Le besoin d’une nouvelle vague de réformes sectorielles pour un développement du haut débit accessible au plus grand nombre En raison d’un programme de réformes inachevé dans le domaine du haut débit, le Maroc enregistre un retard croissant par rapport à d’autres pays comparables. La pénétration du haut débit (et la qualité des services) au Maroc (17,5% pour le fixe en % des foyers101 et 41% pour le mobile en % de la population) est sensiblement inférieure (Figure 15) à certains pays d’Europe de l’Est (Lituanie, Roumanie, Bulgarie) et à la Turquie qui ont mené des programmes de réformes plus complets. Ces différences de progression s’expliquent par des choix de politiques publiques différents. Influencés par les standards d’Europe occidentale et des pays comme la Roumanie, la Bulgarie et la Lituanie, par exemple, ont fortement libéralisé les marchés du haut débit et mis en place des financements publics pour promouvoir l’accès (et l’utilisation) au haut débit. Cela s’est fait via des programmes de déploiement des infrastructures (connectivité internationale, backbone, backhaul, réseau d’accès) – appuyés par les fonds structurels de la Commission Européenne et par des fonds publics nationaux – dans des zones peu ou pas desservies en partenariat avec les opérateurs privés. La comparaison du Maroc avec ces pays, considérés aujourd’hui comme des économies émergentes, groupe auquel le Maroc ambitionne d’appartenir, se justifie car ces pays disposaient au moment du lancement de leurs programmes de réformes sectorielles d’un niveau de développement (en termes de PIB par habitant) équivalent à celui dont le Maroc dispose aujourd’hui (Figure 1 6). Figure 15. Taux de pénétration du haut débit fixe en % des foyers (à gauche) et du haut débit mobile en % de la population au Maroc et en Europe de l’Est (à droite) 101 Il est donc à noter qu’en pourcentage de la population ce taux de pénétration est de près de 3,5% compte tenu du fait que le nombre moyen de personnes par ménage au Maroc est de 5. Voir : http://www.leconomiste.com/article/893043-ces-nouveaux-profils-de-la-famille-marocaine-moins-d-enfants-plus- de-maladies-chroniq 41 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc 70.00% 140% 60.00% 120% 50.00% 100% Morocco Morocco 40.00% 80% Tunisia Tunisie 30.00% Romania 60% Romania Bulgaria Lithuania 20.00% 40% Lithuania Bulgaria 10.00% 20% 0.00% 0% 2007 2014 2008 2013 2004 2005 2006 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2015 2007 2009 2010 2011 2012 2014 2015 Source : TeleGeography’s GlobalComms 2015, http://www.telegeography.com Figure 16. Comparaison de l’évolution du PIB par habitant au Maroc et dans d’autres pays comparables d’Europe et d’Asie. 18000 3190 16000 14000 12000 10000 8000 2125 3571 4147 6000 2079 4000 2000 0 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Morocco Bulgaria Romania Turkey Lithuania Source : Banque mondiale, 2016 ; base de données World Development Indicators : http://databank.worldbank.org/data/home.aspx En comparaison avec les pays d’Europe de l’Est, avec lesquels les écarts de performance en matière de haut débit et de compétitivité économique à l’international risquent de se creuser davantage dans les années à venir, les principaux obstacles à l’accroissement de la pénétration du haut débit au Maroc sont : Le manque de concurrence sur le marché et l’absence d’un marché régulé de gros 42 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Contrairement aux pays émergents d’Europe102, notamment, le Maroc conserve des barrières à l’entrée (la loi n’empêche pas l’octroi de nouvelles licences mais de fait des licences autres que celles des opérateurs globaux et opérateurs de niche n’ont pas été octroyées) d’acteurs qui voudraient déployer leurs propres infrastructures sans pour autant commercialiser le spectre des fréquences. A noter que si la loi existante présente des limites, elle n’empêche pas l’entrée de nouveaux acteurs. Cela étant, au Maroc il n’existe pas d’opérateurs d’infrastructure ni des opérateurs (indépendants des trois opérateurs) ayant la capacité de déployer leur propre réseaux d’infrastructures. Cela tient au fait que la loi télécom ne fait pas de distinction claire entre les opérateurs de télécommunications (Maroc Telecom, Meditel, WANA) qui commercialisent le spectre des fréquences et des fournisseurs d’accès internet et opérateurs d’infrastructures qui n’utilisent pas ou ne commercialisent le spectre des fréquences. Par conséquent, les fournisseurs d’accès internet et les opérateurs d’infrastructures désireux de déployer leurs propres infrastructures sont soumis au même régime de licence (et donc à l’appel à la concurrence) que les opérateurs de télécommunications, ce qui pour des raisons financières les empêchent d’opérer légalement sur le marché des télécommunications 103. Et, l’ANRT n’a pas l’intention manifeste d’autoriser l’entrée de tels acteurs (voir Note d’Orientations Générales de l’ANRT 2015-2018, p.7). En outre, le marché des communications internationales est en théorie ouvert à la concurrence, mais en pratique il est de nature oligopolistique. Autrement dit, les trois opérateurs104 ont le droit d’établir leur propre infrastructure de connectivité internationale (i.e. passerelle internationale et stations d’atterrage de câble sous-marin) mais en l’absence de décision de régulation sur les modalités d’accès à ces infrastructures stratégiques, les trois opérateurs ne sont pas contraints d’octroyer un accès ouvert et non discriminant à tout opérateur (existant ou futur) à ces infrastructures via des offres régulées. De fait, chacun des trois opérateurs verticalement intégré a développé ses propres infrastructures de connectivité internationale et les utilisent pour se fournir en capacité internationale. Il n’existe donc pas de véritable dynamique co ncurrentielle sur le marché des communications internationales, tandis que le Chili, par exemple, avait octroyé près de 30 licences internationales en 2004 et que le Royaume-Uni en avait attribué 120. Au Maroc, il résulte de cette situation deux conséquences néfastes pour le marché des télécommunications. D’une part, cela ne favorise pas la baisse des tarifs de terminaison des communications internationales ni l’allocation d’importante capacité internationale sur le marché marocain, chaque opérateur se contentant plutôt de commercialiser peu de capacité via des offres prépayées (fixant des paliers de consommation de données limités) ce qui leur permet de la sorte de minimiser leurs investissements dans les infrastructures de transmission de données qui sont très coûteuses mais pourtant critiques pour la qualité de services. D’autre part, cela fait obstacle à l’entrée de possibles nouveaux acteurs (opérateurs d’infrastructure, fournisseurs d’accès internet autorisés à déployer leurs infrastructures) qui voudraient se fournir en capacité internationale auprès des opérateurs titulaires de licences et qui seraient par conséquents contraints de négocier directement avec les opérateurs (à des prix très élevés). De surcroît, sur le marché national des communications de données, il n’existe pas de véritable marché régulé de gros. Cela tient en partie à l’absence d’opérateurs d’infrastructure et d’opérateurs autorisés à 102 Un pays comme la Turquie a autorisé l’entrée de 87 fournisseurs d’accès internet autorisés à déployer leur propre infrastructure et de 16 opérateurs d’infrastructure. 103 Le cas de Finetis Maroc est une bonne illustration. Finetis Maroc était intéressé à investir au Maroc avec la perspective de devenir opérateur de gros d’infrastructure. Contrairement à de nombreux pays d’Europe, le Maroc n’a pas pris les décisions nécessaires pour octroyer des licences particulières et appropriées à ce type d’ opérateur dont l’activité n’est pas de servir les clients finaux mais de louer de la fibre noire (via IRU) et/ou activée à des opérateurs télécom et/ou des institutions et entreprises publiques et privées. Cette situation sous-optimale nuit considérablement à Finetis Maroc qui a pris le risque de déployer pour 22 millions d’euros – sans licence d’opérateur d’infrastructure mais opérant dans le cadre d’une convention d’occupation du sol – un réseau backbone de fibre optique en accès ouvert de 2050km. 104 Pour rappel, Meditel indiquait en juin 2016 : « les opérateurs satellite sont aussi des acteurs qui offrent cette prestation, qui n’est donc pas limitée à 3 opérateurs » 43 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc déployer leur propre infrastructure indépendants des trois opérateurs. Mais cela tient aussi, à l’incomplétude de la législation et de la régulation des télécommunications ainsi qu’à son manque de mise en œuvre. Ainsi, si la loi 24/96 légifère sur le partage du génie civil et servitudes des opérateurs (article 22bis) elle ne couvre pas les réseaux fibre optique nationaux. En ce qui concerne le manque de mise en œuvre de la régulation, les décisions de régulation pour l’accès à la boucle locale de l’opérateur historique, ses fourreaux urbains et son génie civil existent 105 mais ne sont pas suffisamment appliquées : les opérateurs alternatifs indiquent un manque de contrôle sur site, des catalogues de services validés par l’ANRT mais l’existence d’importants délais de réponse, ainsi que l’absence de catalogues sur le génie civil106. La régulation est également incomplète car il n’existe pas de décision de régulation sur la fibre noire de l’opérateur historique impliquant que les négociations entre opérateurs ne sont pas encadrées et n’aboutissent pas 107. Enfin, l’accès aux réseaux des exploitants d’infrastructures alternatives est légalement autorisé mais n’est pas régulé pour assurer un accès ouvert et non discriminant à tous les opérateurs 108. Les exploitants d’infrastructures alternatives ne sont pas couverts par un régime particulier de la loi 24/96. La loi 24/96 stipule que les contrats de location ou de cession établis entre les exploitants d’infrastructures alternatives et les opérateurs titulaires de licence doivent être communiqués à l’ANRT « pour information ». A défaut d’être régulés, les contrats établis entre exploitants d’infrastructures alternatives et opérateurs de télécommunications sont négociés au gré à gré sans que les conditions d’accès de tous les opérateurs soient harmonisées (voir plus haut). Il existe donc un manque important de régulation sur les infrastructures alternatives au Maroc dont l’usage est loin d’être optimisé au détriment non seulement du développement du haut débit mais aussi des finances publiques. En l’absence d’un marché de gros régulé, la situation à laquelle serait confrontée de possibles futurs nouveaux entrants (i.e. fournisseurs d’accès internet, opérateur d’opérateur, etc.) est très compliquée et constitue un frein à l’entrée. A l’instar des pays européens, une option serait que l’Etat contraigne les établissements qui disposent d’infrastructures de fibre optique et dans lesquels il détient des participations à créer des départements techniques et commerciaux dédiés au marché de gros des télécommunications. Un modèle de régulation et de réglementation peu favorable à la poursuite de la libéralisation du secteur du haut débit Jusqu’à aujourd’hui, et pour des raisons historiques l’ANRT est un régulateur qui opère sous contrôle direct de l’organe politique via son conseil d’administration composé du premier ministre et de plusieurs ministres109. Et, conformément à l’article 29 de la loi 24/96, l’ANRT joue non seulement le rôle de régulateur (ex ante et ex post, voir ci-après) mais dirige aussi la politique sectorielle en gérant le Fonds de Service Universel (voir Section 3-B), en préparant les documents stratégique pour le secteur (PNHD, Note d’orientations générales, etc.) et en proposant les révisions du cadre légal des télécom (e. g. en 2015) ainsi qu’en instruisant les dossiers pour l’octroi de licences (y compris l’allocati on des fréquences). Ce modèle 105 Voir notamment les décisions : ANRT/DG/N°06/15 du 27 Safar 1437 (9 décembre 2015) désignant pour l’année 2016 les exploitants de réseaux publics de télécommunications exerçant une influence significative sur les marchés particuliers des télécommunications ; et Décision n° 03/15 du 30 septembre 2015 fixant les modalités techniques et tarifaires relatives à l’offre de gros bitstream pour le dégroupage de la boucle et sous -boucle locale d’Itissalat Al- Maghrib. Voir : https://www.anrt.ma/reglementation/decisions 106 En juin 2016, Maroc Télécom indique de son côté : « avoir respecté toutes ses obligations réglementaires quant à la publication des catalogues de dégroupage et de Génie civil ». 107 Cet aspect fait l’objet d’un débat entre l’opérateur historique et les opérateurs alternatifs. Tandis que Maroc Télécom estime que : « la fibre noire du backbone n'est pas une infrastructure, elle ne peut donc faire l'objet de régulation. », Meditel estime pour sa part que : « le coût prohibitif de la reproduction de l’infrastructure de Maroc Télécom, et le temps non raisonnable requis à cette fin fait qu'il n'existe pas d'alternatives viables pour les opérateurs alternatifs afin de la répliquer, dans le but de développer des offres haut débit fixes et mobiles viables. » 108 En juin 2016, l’ANRT indique «Certaines infrastructures alternatives peuvent être régulées en cas de différend porté à l’ANRT conformément à la réglementation en vigueur. » 109 https://www.anrt.ma/lagence/organisation/instances 44 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc de gouvernance, qui octroi des pouvoirs significatifs au Directeur Général – sans qu’il existe un conseil de la régulation – ne s’inscrit pas dans la lignée des meilleures pratiques internationales et du modèle de l’Haute Autorité de la Communication Audiovisuel (HACA) au Maroc administrativement indépendante et collégiale. Ainsi, il conviendrait d’aligner le modèle de gouvernance de l’ANRT sur les meilleures pratiques internationales et le modèle de l’HACA en renforçant notamment l’indépendance politique de l’ANRT par la création d’un conseil de la régulation au sein même de l’ANRT . Il conviendrait également que le Gouvernement clarifie les rôles respectifs de l’ANRT et du Conseil de la concurrence car si l’article 109 de la loi 104-12 relative à la liberté prix et de la concurrence 2014110 octroi à l’ANRT la responsabilité d’appliquer la loi sur la concurrence 2014 jusqu’à nouvel ordre, le récent décret n° 2-16-347 (modifiant et complétant le décret n° 2-05-772 du 13 juillet 2005) attribue à l’ANRT le pouvoir décisionnel de sanctionner les pratiques anti-concurrentielles dans le secteur des télécom (Article 20) mais aussi de réguler les « cas d’exploitation abusive d’une position dominante ou d’un état de dépendance économique » (Article 24). Or, conformément à l’article 166 de la constitution111, ce pouvoir est également détenu par le Conseil de la Concurrence dont le champ d’intervention est multisectoriel. Ainsi, tandis que le conseil de la concurrence regrette le manque de concer tation dans l’adoption de ce décret112 et le chevauchement des prérogatives entre le régulateur sectoriel et le conseil de la concurrence, il n’est pas clairement déterminé qui de l’ANRT ou du conseil de la concurrence dispose in fine du pouvoir décisionnel. Il en résulte donc l’éventualité que ces deux entités statuent différemment sur un même cas sans que les modalités de coopération entre ces deux entités soient clairement définies. De surcroît et par contraste avec l’ARNT dont les ressources financières sont importantes (redevances de fréquences, etc.), celles du ministère sectoriel (MICIEN) dans le domaine des TIC sont plus limitées et dont la vocation serait notamment de déterminer la politique sectorielle : les orientations stratégiques du secteur (Stratégie TIC et économie numérique, service universel, notes d’orientations générales, plan haut débit, ouverture du secteur à la concurrence), les révisions du cadre légal et réglementaire. Le Gouvernement et l’ANRT protègent les trois opérateurs télécom en n’encourageant et en ne facilitant pas l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché en comparaison avec d’autres pays concurrents du Maroc (Roumanie, Lituanie, etc.) où l’entrée de nouveaux acteurs n’est pas directement soumis e à la discrétion du régulateur (il existe dans ces pays une automaticité entre les demandes de licences/autorisations et leur octroi). L’ANRT n’a pas de programme précis (voir Note d’Orientations générales 2015-2018, p.7) pour autoriser l’entrée de nouveaux opérateurs (de types FAI doté de sa propre infrastructure ou opérateurs d’infrastructure) et sa vision consiste plutôt à : « la consolidation du marché autour d’opérateurs globaux ». La loi 24/96 n’autorise pas les Fournisseurs d’accès à internet à déployer leurs propres infrastructures car pour cela ils devraient obtenir une licence d’opérateur (dont l’octroie est soumis à l’appel à la concurrence). Et, l’ANRT n’a pas attribué de licence à des opérateurs pour déployer l’infrastructure au niveau local. Cela pourrait pourtant contribuer au déploiement de nouvelles infrastructures et au renforcement du niveau de concurrence sur le marché du haut débit. Le Gouvernement et l’ANRT protègent également les trois opérateurs télécom en interdisant les services de voix sur IP qui « impactent durablement les revenus des opérateurs et affaiblissent de ce fait leur capacité d’investissement » (NOG 2015, p.3) et crée donc « un manque à gagner en termes de chiffre d’affaires pour la marché national des télécommunications » (ANRT, 2016)113. La décision de l’ANRT – qui ne fait pas à proprement parlé l’objet 110 http://conseil-concurrence.ma/wp-content/uploads/2014/08/BO_6280_Fr.pdf 111 L’article 166 stipule : « Le Conseil de la concurrence est une autorité administrative indépendante chargée, dans le cadre de l’organisation d’une concurrence libre et loyale, d’assurer la transparence et l’équité dans les relations économiques, notamment à travers l’analyse et la régulation de la concurrence sur les marchés, le contrôle des pratiques anticoncurrentielles, des pratiques commerciales déloyales et des opérations de concentration économique et de monopole ». Voir : http://www.bladi.net/IMG/pdf/Constitution-maroc-2011.pdf 112 http://lematin.ma/journal/2016/les-nouvelles-prerogatives-de-l-anrt-mecontentent--le-president-du-conseil-de-la- concurrence/248150.html 113 https://www.anrt.ma/sites/default/files/CP-Telephonie-IP-fr.pdf 45 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc d’une « décision » de régulation publiquement accessible sur le site de l’ANRT mais d’un communiqué de presse du 7 janvier 2016 – pourrait révéler l’existence d’un certain niveau d’entente avec les trois opérateurs télécom. A noter que l’impact économique (en termes de manque à gagner pour le PIB national) du blocage des services de voix sur IP a été récemment estimé à 320 millions de dollars (entre le 1 er juillet 2015 et le 30 juin 2016) par l’Institut américain Brookings 114. En novembre 2016, plusieurs articles de presse annoncent que l’ANRT aurait annulé sa décision de blocage de la voix sur IP115. Par ailleurs, il n’existe pas de réglementation (au niveau du Ministère de l’Intérieure et du code des collectivités locales) de l’occupation du domaine public des collectivités locales permettant le traitement harmonisé des redevances d’occupation du domaine public selon les différents opérateurs et sur l’ensemble du territoire des collectivités locales. Cela constitue un obstacle majeur au déploiement de nouvelles infrastructures (montant élevé des droits, manque de prévisibilité sur le montant, variété des droits à payer, etc.). La Note d’Orientations générales de l’ANRT 2015-2018 (p. 5) ambitionne d’harmoniser les règles et procédures d’occupation du domaine public sans fournir plus de détail. Enfin, tandis que la coordination intersectorielle (voir encadré 5) des travaux de génie civil menés dans le cadre de projets d’infrastructures publiques est considérée (par la France, les USA et la Commission Européenne, qui ont tous mis en place un cadre réglementaires approprié) comme une mesure critique pour promouvoir le déploiement de réseaux haut débit, en particulier dans les localités couvertes par le service universelle (zones grises et blanches), le cadre légal marocain ne favorise pas activement ce type de pratiques116. De fait, si des initiatives existent au niveau local (e. g. à Casablanca dans le cadre du projet de ville intelligente), elles n’ont pas encore aboutie et il n’existe pas encore de cadre réglementaire approprié à ce type de pratique au Maroc. Surtout, il n’existe pas d’informations publiques relative à une cartographie des infrastructures existantes de télécommunications fixes et mobiles permettant de faciliter la planification des synergies intersectorielles mais aussi de connaitre la couverture en infrastructures des différentes communes marocaines alors que cela est critique pour planifier les missions de service universel. L’absence de transparence sur les obligations de couverture (i.e. calendrier de couverture géographique) associées aux cahiers des charges (en annexes) des différentes licences fixes et mobiles des opérateurs contribue à cela. 114 https://www.brookings.edu/wp-content/uploads/2016/10/intenet-shutdowns-v-3.pdf 115 http://www.tic-maroc.com/2016/10/lanrt-debloque-temporairement-la-voip-au-maroc.html 116 En juin 2016, l’ANRT indique : « Le projet de Loi 121-12 prévoit des dispositions claires à cet effet en ce qui concerne les opérateurs télécoms. » 46 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Encadré 5. Pourquoi promouvoir la coordination des travaux de génie civil entre les projets d’infrastructures publiques linéaires (transport, télécommunications, eau, électricité, gaz, etc.) ? Dans la lignée des expériences européennes, américaine et africaines, la promotion des synergies intersectorielles constitue un défi stratégique pour l’économie nationale. En effet, pour éviter que les infrastructures de connectivité haut débit restent limitées aux principales zones urbaines, et compte tenu des montants significatifs des investissements associés à ce type d’infrastructure, le gouvernement devrait chercher à définir des politiques et des procédures qui permettraient de réduire les coûts de déploiement des réseaux de connectivité haut débit. Une solution consiste à promouvoir la coordination des travaux de génie civil entre les nouveaux projets de construction d’infrastructure entre les secteurs des réseaux dits de service public (transports, eau, énergie) et les télécommunications. La coordination des travaux de génie civil entre les projets d'infrastructure peut en effet générer d'importantes économies financières car la construction d'infrastructure (projets ferroviaires, routières, terrestre à fibre optique, etc.) implique beaucoup de travaux de génie civil (creusement de tranchées, etc.) qui constituent la majeure partie (70-90%) du coût de déploiement de réseaux fibre optique. De surcroît, le déploiement de gaines pour câbles à fibre optique (soit pour une utilisation immédiate ou dans la perspective d'une utilisation future) le long des infrastructures de transports (routes, autoroutes, ponts, etc.) au moment de leur construction ou de leur réhabilitation n’implique que des coûts marginaux : il est estimé que l’installation de gaines pour câbles fibre optique ne représente qu’une fraction (possiblement moins de 0.02%) du coût de déploiement de l'infrastructure d'accueil. De même, la pose de câble de garde comportant des fibres optiques excédentaires lors de la réalisation de nouvelles lignes électriques ne représente qu’un coup marginal par rapport au câble de garde ne comprenant que le nombre de paires requises pour l’exploitation électrique. Or, les initiatives de coordination intersectorielle des travaux de génie civil sont rares en l'absence d'un cadre juridique et réglementaire visant à faciliter (par des incitations ou par des obligations et des spécifications juridiques) les synergies entre les projets de réseaux de service public (transports, eau, énergie) et les projets de réalisation de réseaux haut débit. En l'absence d'un tel cadre juridique et réglementaire, les synergies intersectorielles restent limitées car elles reposent uniquement sur des initiatives privées entre les opérateurs de télécommunications et les opérateurs de réseaux de service public qui cherchent – souvent de manière non systématique – des solutions pour partager les coûts d'investissement. Source : Banque mondiale, 2015 Un manque d’investissement dans les infrastructures haut débit L’essor du haut débit fait aussi face à un manque de qualité et de couverture des infrastructures de réseaux existantes (voir plus haut). Comme le reconnait le gouvernement et l’ANRT (Note d’orientations générales 2015-2018, p.2), la poursuite du développement du secteur des télécommunications implique un besoin d’investissement pour « déployer de nouvelles infrastructures principalement fixes à base de fibre optique qui sont les seules technologies à même de permettre l'absorption des volumes croissants de données échangées ». Dans un contexte de baisse de l’investissement privé des opérateurs, une solution consisterait à autoriser l’entrée de nouveaux acteurs pour le déploiement de nouvelles infrastructures et la revente de services de gros. Cette mesure bien qu’évoquée dans la Note d’orientations générales de l’ANRT 2015-2018 (p.7), et qui pourrait être considérée en 2017, ne semble pas être d’ordre prioritaire. L’ANRT indique plutôt vouloir maintenir une concurrence par le biais de trois opérateurs globaux en encourageant les co-investissements entre opérateurs, possiblement via des structures de portage de types Special Purpose Vehicle (SPV) impliquant les opérateurs globaux, sans que plus de détails soient divulgués sur cette orientation. A noter qu’en juin 2016, l’ANRT mentionnait son positionnement favorable en faveur d’un modèle de SPV : « dont le domaine d’activité serait restreint à la construction et l’exploitation d’infrastructures passives exclusivement destinées aux opérateurs licenciés et dont le tour de table préserve des conflits d’intérêts ». A ce jour, et à la différence des pays d’Europe de l’Est, qui tirés par les expériences d’Europe occidentale (où les marchés du haut débit sont hautement concurrentiels) ont mobilisé des financements publics (avec l’aide de la Commission Européenne, notamment) pour déployer via des mécanismes de Partenariat Public Privé (PPP) des infrastructure de haut débit dans des zones caractérisés par des carences d’intérêt privé, le 47 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Maroc n’a pas opté pour ce type de mesures. L’annexe 4 fournit une présentation des expériences internationales en matière de PPP pour le financement de nouvelles infrastructures. Pourtant, le Fonds de service universel (FSU), alimenté par les opérateurs télécom depuis 2005, dispose de ressources abondantes (près de 288 millions d’USD sont disponibles en 2016) cumulés depuis la création du Fonds en 2005). Toutefois, sa gouvernance pourrait être améliorée et son utilisation devrait être réorientée vers le déploiement massif d’infrastructures de haut débit dans les zones délaissées du royaume :  Gouvernance du FSU : le FSU est dirigé par le Comité de gestion du service universel des télécommunications (CGSUT) dont la composition et les attributions sont fixées par le décret n° 2-05- 771 du 13 juillet 2005117. Le CGSUT est un comité interministériel institué auprès du Premier Ministre et comprenant 7 membres : dont 5 représentants des autorités gouvernementales chargées des télécommunications, de l’Intérieur, des Finances, de l’aménagement du territoire et de la défense nationale ainsi que le président du comité de gestion de l’ANRT 118 et le directeur de l’ANRT. Le directeur de l’ANRT est non seulement membre du CGSUT mais est aussi chargé d’exécuter les décisions du CGSUT. Comme le stipule le décret n° 2-05-771 (pp. 8-9): « A ce titre, il accomplit tout acte ou opération dans le respect des décisions du comité. Il est également chargé de la préparation des réunions du Comité de gestion du service universel des télécommunications ». Les fonctions du CGSUT sont de : (i) déterminer les programmes en vue de la mise en œuvre du service universel sur le territoire national, conformément aux priorités retenues ; (ii) proposer, pour chaque appel à concurrence, le contenu du service universel dans le respect des dispositions de la loi précitée n°24-96 ; (iii) d’examiner les programmes proposés par les exploitants de réseaux public s de télécommunications existants ; (iv) d’approuver les projets de cahiers des charges concernant les appels à concurrence pour les programmes non réalisés par les exploitants de réseaux publics de télécommunications existants tels que soumis par l’ANRT. La gouvernance du FSU pourrait être améliorée à plusieurs égards : o Le règlement intérieur du CGSUT, dont le décret n° 2-05-771 impose l’existence, n’est pas publiquement accessible ; o Le décret n° 2-05-771 stipule que le CGSUT doit dresser un bilan de ses activités ainsi que l’état d’avancement de l’exécution des programmes relevant du service universel, mais aucun de ces documents n’est publiquement disponible. En réalité, les décisions prises par le CGSUT sont archivées dans des procès-verbaux détaillés des séances du CGSUT et les réalisations du FSU sont aussi décrites en détail dans des dossiers gardés confidentiels puisque non accessibles au public ; o En fait, le FSU sert de mécanisme parallèle à la Loi des Finance pour le soutien aux programmes gouvernementaux dont le financement devrait normalement être soumis au processus d’approbation budgétaire. Ainsi, le FSU est amené à financer des objectifs différents de l’appui à la réduction de la fracture numérique ; o Il n’existe pas de stratégie du service universel hormis la note publique d’orientation générale relative à la mise en œuvre du Service Universel de télécommunications qui ne couvre que la période 2006-2008119. Ainsi, bien que l’ANRT estime dans la Note d’orientations générales de l’ANRT 2015-2018 (p.7) que le FSU a enregistré des « succès » importants, l’efficacité du FSU est difficile à évaluer. Et force est de 117 https://www.anrt.ma/sites/default/files/documentation/1998-2-97-1026-con-expl-res- telecom_ver_consolidee_fr.pdf 118 En la personne de M. Driss DAHHAK, voir : https://www.anrt.ma/lagence/organisation/instances 119 https://www.anrt.ma/sites/default/files/editor/file/nog_relative_mise_oeuvre_service_universel_telecommunications. pdf 48 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc constater que l’usage du FSU (en particulier sur le programme GENIE 120) fait l’objet d’une analyse critique de la Cour des Comptes depuis 2013121. Programmes du FSU : la note d’orientation générale 2006-2008 relative à la mise en œuvre du FSU fixe 4 programme prioritaires de développement du service universel au Maroc : (i) l’Initiative Nationale de Développement Humain ; (ii) la téléphonie publique rurale ; (iii) la création de centres communautaires de TIC et (iv) l’expansion du réseau à très large bande. Tandis que l’expansion des réseaux haut -débit figure parmi les objectifs prioritaires et nécessite « le prolongement de la capacité et de la connectivité des réseaux à large bande de manière à rendre disponibles les centres d’accès communautaires aux TIC et la couverture des zones blanches », force est de constater qu’aucun des projets financés par le FSU depuis 2006 n’a massivement financé le déploiement d’infrastructures de haut débit dans les zones délaissées du royaume. Pourtant, la loi 24/96 (article 13ter) prévoit l’octroi de licences particulières, après appel à la concurrence, pour la réalisation des missions de service universel – y compris à des opérateurs non-titulaires de licences. En fait, les informations disponibles mentionnent l’existence de 6 projets dont 4 (GENIE, INJAZ, NAFID@ et E-SUP) portent sur l’amélioration des équipements TIC et la généralisation de l’usage des TIC, principalement dans le secteur de l’éducation (voir Annexe 5). Ainsi seul un programme, dénommé PACTE, vise l’expansion des infrastructures de connectivité pour la téléphonie et l’internet via le déploiement de BTS 2G et 3G afin de couvrir près de 2 milli ons d’habitants localisés dans 9 263 localités caractérisées de « zones blanches ». Ce programme lancé en 2006 et sensé se terminer en 2011 n’est toujours pas finalisé et a donc été prolongé jusqu’en 2016 sans qu’il n’existe d’information sur : la localisation des localités concernées, le nombre d’habitants déjà couverts et restant à couvrir, le type de couverture réalisée (2G et/ou 3G). Cela étant, l’ANRT indique en juin 2016 : « Près de 40% des localités couvertes dans le cadre du service universel le sont en 3G ». Dans l’ensemble, si les rapports annuels de l’ANRT fournissent peu d’information sur les programmes financés par le FSU, les données collectés et présentées en Annexe 5 indiquent que près de 379,8 millions d’USD auraient été dépensés par le FSU depuis sa création en 2005 et que près de 288 million d’USD sont disponibles. Dans la Note d’orientations générales de l’ANRT 2015-2018 (p.7) le gouvernement annonce vouloir solliciter davantage les fonds du FSU sur la période 2016-2022 dans l’objectif d’atteindre les objectifs visés par le PNHD à l’horizon 2020 et de promouvoir le développement des usages des TIC via le lancement d’appels à projets. Durant la rédaction de cette note, l’ANRT a partagé avec la Banque mondiale les documents relatifs à une consultation en vue d’un appel d’offre visant à utiliser les fonds du FSU pour accroitre l’accès au haut-débit dans les régions défavorisées du Maroc. Les réponses à cette consultation étaient attendues en Septembre 2016. Suite à une analyse préliminaire des documents de cette consultation partagés avec la Banque mondiale, il est constaté que : - Seuls les opérateurs dotés d’une licence globale peuvent participer ; la possibilité d’introduire des nouveaux acteurs dans le haut débit dans les zone à faible revenu n’est pas considérée ; - Le débit minimum (à garantir par les opérateurs) est de 2Mbps alors que les débits visés par les plans hauts débits en Europe ciblent des objectifs de 30Mbps et 100Mbps ; - La consultation n’est pas publique, et l’ANRT n’a consulté que les trois opérateurs globaux ; les zones à couvrir ne sont pas précisées ou figurent dans des annexes confidentielles qui ne sont pas 120 Le Rapport de la cour des comptes (pp. 57-67) relève et détaille un large nombre de faiblesses : (i) une stratégie et une planification limitées ; (ii) une faible synchronisation entre les actions ; (iii) l’absence de priorisation entre les établissements scolaires dans le processus d’équipement ; (iv) une visibilité limitée en matière d’acquisition des ressources numériques ; (v) l’absence d’un réseau fédérateur du système d'information de l’enseignement ; (vi) une introduction limitée de l’open source ; (vii) un risque sanitaire du WIFI au niveau des établissements scolaires ; (viii) une gestion limitée du projet GENIE ; (ix) une administration insuffisante du parc informatique ; et enfin (x) une faiblesse des taux d’utilisation. 121 Voir notamment : http://www.courdescomptes.ma/upload/MoDUle_20/File_20_136.pdf ; à noter qu’un autre rapport de la Cour des comptes serait en phase de réalisation et porterait plus globalement sur la gestion du FSU suite à un audit réalisé en 2014/2015. 49 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc rendues publiques et qui n’ont pas été partagées avec la Banque mondiale ; le processus d’attribution exacte reste à être précisé et le sera probablement après la clôture de la première phase des consultations (septembre 2016). A la différence du Maroc, les consultations pour le service universel haut débit en Europe sont publiques et les zones à couvrir sont connues et publiés sur des sites web publiquement accessibles (e .g. un exemple, entre autre, est le plan haut débit Italien, qui montre une cartographie du pays, divisé en zone blanches, grises et noires, voir : http://bandaultralarga.italia.it/piano-bul/strategia/); - La consultation introduit un concept innovant, d’Operateur Hôte ( opérateur bénéficiaire des fonds, en contrepartie d’obligation d’ouverture du réseau) et Operateurs Demandeur (qui s’appuie sur les infrastructures de l’opérateur hôte) ; l’intention est de mettre en place un certain niveau de concurrence dans les zones défavorisées et de discipliner l’opérateur bénéficiaire des fonds (le financement n’est mis à disposition que si les obligation d’accès ouvert sont respectées) ; la proposition est prometteuse mais l’inefficacité des régulations et de l’expérience existante du partage d’infrastructure amènent à questionner l’efficacité de cette approche. - Même si cette consultation a le potentiel de dynamiser le haut débit dans les zones défavorisées, une consultation plus ouverte et participative pourrait certainement conduire à de meilleurs résultats. 50 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Section 3. Proposition d’un programme de réformes sectorielles pour accroître l’accès et l’usage de la population aux services de haut débit A. Proposition d’un programme de réformes sectorielles Au regard des obstacles qui freinent le développement du haut débit au Maroc et afin d’aider le Maroc à rattraper son retard vis-à-vis de pays émergents comparables et de se positionner en tant que leader économique dans la région, il est recommandé au Gouvernement marocain de mener un nouvelle vague de réformes autour des principaux axes suivants : 1. Finaliser et faire approuver par le gouvernement – en concertation avec les principales parties prenantes du secteur et en suivant un processus ouvert et participatif – une stratégie pour l’économie numérique qui soit axée sur le haut débit (généralisation de l’accès au haut débit à l’ensemble du territoire). Les objectifs de cette stratégie en matière d’ Internet haut-débit devraient être déterminés en cohérence avec les objectifs de développement et de transformation économique du Maroc et particulièrement ceux qui ont trait à l’augmentation de la productivité du travail, au renforcement de la compétitivité des secteurs stratégiques de l’économie marocaine, et à la diffusion de l’innovation (e.g. Industrie 4.0, processus de fabrication industriel virtuel basé sur les TIC). Dans cet objectif, cette stratégie devrait s’inspirer des meilleures pratiques internationales et notamment des objectifs visés par les pays de l’Union Européenne en matière de pénétration très haut débit à l’horizon 2020122. Le gouvernement marocain a bien initié la préparation de la stratégie Maroc Numéric 2020 mais celle-ci n’a pas encore été officiellement adoptée. 2. Revoir les périmètres d’intervention et les attributions respectives des diff érents acteurs publics du secteur. En particulier, les discussions avec les intervenants du secteur ont mis l’accent sur le besoin de mettre en place un nouveau modèle de gouvernance public du secteur permettant un pilotage efficace de la stratégie pour le développement de l’économie numérique. Le rôle du Ministère sectoriel (MICIEN) pourrait être renforcé pour assurer l’élaboration de la politique sectorielle et les orientations stratégiques du secteur, à travers notamment la construction d’une structure gouvernementale dédiée au secteur des TIC et la création et la dotation des outils nécessaires à la nouvelle Agence de Développement du Digital (ADD). Le rôle et les ressources du Régulateur des télécommunications (ANRT) pourraient être améliorés, en renforçant la capacité de l’ANRT à réguler eff icacement (i.e. à faire en sorte que les décisions qui sont prises sont effectivement appliquées) un marché ouvert à la concurrence (voir Section 2-C). 3. Mettre à jour le cadre légal et réglementaire pour : (i) introduire de nouveaux acteurs sur le marché de télécommunications (passerelles internationales, backbones, backhauls et réseau d’accès) selon des règles équitables, (ii) encourager l’investissement privé en infrastructure de tous les acteurs du secteur (occupation du domaine public, synergies intersectorielles, câblage des nouveaux bâtiments, cartographie des infrastructures), et (iii) renforcer la régulation pour l’accès ouvert et non discriminant aux réseaux de communications (infrastructures filaires, génie civil etc.) des opérateurs de télécommunications et exploitants d’infrastructures alternatives, et mettre en application la régulation existante sur le dégroupage. 4. Etudier l’introduction de PPP pour déployer de nouvelles infrastructures haut débit, y compris dans les zones péri-urbaines et rurales où le niveau de concurrence est relativement moins élevé. 5. Optimiser l’usage du FSU via sa restructuration en un Fonds de Développement du Numérique pour promouvoir le déploiement d’infrastructures haut débit dans les zones moins rentables, et développer la demande en haut-débit, avec des interventions telles que les actions d’alphabétisation numérique. 122 Les objectifs de l’Agenda digital européen (Commission Européenne, 2013) visent à l’horizon 2020 : Un taux de pénétration de 100% de la population à internet haut débit supérieur à 30Mbps ; Un taux de pénétration de 50% de la population à internet haut débit supérieur à 100Mbps. 51 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Cette proposition de nouvelle vague de réformes qui vise à poursuivre l’ouverture du secteur des télécommunications à la concurrence, avec un accent particulier sur le haut débit, s’inscrit dans la lignée des orientations politiques fixées par le gouvernement marocain à l’horizon 2020. En effet, ces orientations politiques qui sont présentées dans le plan National Haut débit 2012, dans la Note d’Orientations Générales 2015-2108 du Premier Ministre ainsi que, plus récemment, dans le projet de Plan Maroc Numéric 2020 (en cours d’approbation) du Ministère sectoriel (MICIEN) convergent vers l’objectif de généraliser l’accès au haut débit à toute la population marocaine à l’horizon 2020 (voir Encadré 3 plus haut). Dans cet objectif, le gouvernement marocain s’engage via le projet de Plan Maroc Numéric 2020 à promouvoir de : « (…) nouveaux investissements dans l’infrastructure à haut et très haut débit fixe et mobile, de même que le parachèvement de la libéralisation du secteur des télécommunications (…) ». Pour ce faire, les mesures phares du projet de Plan Maroc Numéric 2020 visent notamment à autoriser l’entrée de nouveaux acteurs, à mettre en place un cadre légal et réglementaire favorable à l’investissement et à recourir aux PPP pour déployer des infrastructures haut débit dans des zones peu rentables (Encadré 6). Ainsi, le programme de réformes spécifiques recommandées par la Banque mondiale converge avec les orientations politiques du Gouvernement marocain pour le secteur des télécommunications dans les années à venir. Encadré 6. Principales actions du projet de Plan Maroc Numéric 2020 pour développer l’infrastructure numérique Source : compilations de l’auteur à partir du projet de Plan Maroc Numéric 2020. Afin d’initier la mise en œuvre d’une telle vague de réformes sectorielles, il est recommandé de focaliser l’action politique sur trois réformes prioritaires (liées aux Axes 2, 3, 4 et 5 précités) qui 52 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc peuvent être mises en place rapidement et générer des impacts significatifs. Ces mesures prioritaires sont les suivantes :  Réforme #1 – Mise en place d’un nouveau modèle de gouvernance pour les TIC ;  Réforme #2 – Mise en place d’une concurrence par les infrastructures ;  Réforme #3 – Mise en œuvre effective du Fonds du Service Universel (FSU). Ces réformes sont jugées prioritaires pour les raisons suivantes:  L’axe 1 fait l’objet d’efforts de réformes qui ont déjà été initiées par le Ministère de tutelle du secteur (MICIEN) via l’élaboration de la prochaine stratégie Maroc Numéric 2020. Cela étant, les autorités marocaines tardent à finaliser une stratégie ambitieuse et un programme de réformes pour le développement de l’internet haut débit. La Banque mondiale recommande vivement de finaliser – en concertation avec les principales parties prenantes publiques et privées du secteur – dans les meilleurs délais la stratégie Maroc Numéric 2020 et son processus d’approbation national.  L’axe 2 ne fait pas l’objet d’efforts déjà en cours mais il fait l’objet d’une volonté politique, notamment au niveau du MCIEN et de la Cour des comptes. En effet, comme le soulève le projet de plan Maroc Numéric 2020 (p. 46), la cour des comptes a relevé dans son évaluation de la stratégie Maroc Numéric 2013 (p. 11123) : « la faiblesse et l’incohérence de la gouvernance de cette stratégie et attire l’attention sur le cumul de fonction de politique, de développement et de réglementation du secteur des TIC par l’Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ANRT) ». Tenant compte de ce constat, le projet de plan Maroc Numéric 2020 (p .46) indique que : « Pour mener à bien le PMN 2020, il est primordial de refondre le cadre institutionnel de l’Economie Numérique autour de trois missions sectorielles fondamentales : Politique, Développement et Régulation et de répartir ces missions entre le MICIEN, un conseil du numérique (à créer), l’ANRT et le Conseil de la concurrence ». L’importance de l’axe 2 se justifie par le fait que la configuration du cadre institutionnel n’est plus adaptée pour la mise en place d’une économique numérique fondée sur un secteur des télécommunications complètement libéralisé et non pas consolidé autour de trois opérateurs. Le manque de résultats obtenus en terme de déploiement d’infrastructures haut débit à l’échelle de l’ensemble du territoire par la régulation sur le partage d’infrastructure, notamment, ainsi que des décisions impopulaires allant à l’encontre de l’intérêt du consommateur marocain contribuent à cela. Le manque de coopération, de concertation, et de clarté dans le partage des responsabilités entre l’ANRT, le MICIEN et le Conseil de la concurrence y contribue aussi.  Les axes 3 et 5 ne font pas non plus l’objet d’efforts déjà en cours, mais ils figurent parmi les actions prioritaires à mettre en œuvre selon le projet de Plan Maroc Numéric 2020. Ainsi, en ce qui concerne l’axe 3, le projet de Plan Maroc Numéric 2020 (p. 34) vise à : « Favoriser le déploiement d’infrastructures en fibre optique en autorisant l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché via la création de nouveaux statuts et l’attribution de licences ». Pour l’axe 5, le projet de Plan Maroc Numéric 2020 (pp. 44-45) vise à accroitre l’efficacité du F SUT en renforçant les dispositifs de la Loi 24-96 sur le Service Universel et en orientant les ressources du FSUT en priorité vers la résorption de la fracture numérique. Ainsi, il existe une volonté politique pour mettre en œuvre les axes 3 et 5. En outre, la mise en œuvre des axes 3 et 5 peut être effectuée dans des délais courts et permettrait de générer des impacts directs à court terme sur l’amélioration de l’accès aux services de haut débit à des prix plus abordables via l’accroissement de l’investiss ement privé et du niveau de concurrence. Ces objectifs sont ceux visés par les programmes de la Banque mondiale dans le domaine des télécommunications. 123 http://www.courdescomptes.ma/upload/MoDUle_20/File_20_136.pdf 53 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc  L’axe 4 (i.e. PPP) s’inscrit également dans la lignée des actions prioritaires du projet de Plan Maroc Numéric 2020 (p. 34) qui vise à : « Recourir à des mécanismes de financement public-privé (PPP) pour la construction et l’exploitation de nouvelles infrastructures de réseau en fibre optique dans des zones rurales/peu rentables. Cette option est particulièrement pertinente pour les régions de l’Est et du centre du pays qui présentent des caractéristiques qui rendent très couteux le développement d’infrastructures et qui découragent donc les opérateurs ». Comme le reconnait le projet de Plan Maroc Numéric 2020 (p. 34) : « Pour les zones peu à non rentables, l’utilisation de fonds publics (Etat et bailleurs de fonds) devrait être possible. Cela revient à mettre en place des mécanismes de financement public-privé (PPP) ». Ainsi, la mise en œuvre de l’axe 4 implique le recours à des financements publics et dépend donc étroitement de la réalisation de l’axe 5 (i.e. FSU) qui constitue le véhicule de financement public sectoriel le plus approprié pour mettre en place des mécanismes de PPP visant à déployer de nouvelles infrastructures de télécommunications. B. Réforme prioritaire #1 – Mise en place d’un nouveau modèle de gouvernance pour les TIC Le Maroc a besoin d’un cadre institutionnel moderne pour le développement de l’économie numérique et pour le secteur du haut débit en particulier. Comme cela a été mis en évidence auparavant, le modèle introduit par la loi 24/96 a montré des limites à plusieurs niveaux :  Concurrence limitée en termes de nombre d’acteurs sur le secteur des télécommunications ;  Sous-développement de l’infrastructure fixe en fibre optique ;  Sous-investissement dans le secteur du haut débit ;  Cadre de la régulation incomplet et inefficace ;  Manque de transparence et d’efficacité dans l’usage du Fonds de service universel. Dans ce contexte, il est recommandé de procéder à plusieurs changements au niveau du modèle de gouvernance du secteur des télécommunications : 1. Réviser les prérogatives des acteurs institutionnels du secteur. Le rôle du Ministère sectoriel (MICIEN) pourrait être renforcé pour assurer l’élaboration de la politique sectorielle et les orientations stratégiques du secteur, à travers notamment la construction d’une structure gouvernementale dédiée au secteur des TIC et la création et la dotation des outils nécessaires à la nouvelle Agence de Développement du Digital (ADD). 2. Le rôle et les ressources du Régulateur des télécommunications (ANRT) pourraient être améliorés, en renforçant la capacité de l’ANRT à réguler efficacement un marché ouvert à la concurrence. L’ANRT devrait renforcer sa capacité à réguler un marché concurrentiel, avec la fourniture à l’ANRT des pouvoirs nécessaires, y inclus de sanction pécuniaire si nécessaire, pour l’exercice de ses fonctions afin de faire en sorte que les décisions qui sont prises sont effectivement appliquées. 3. Le rôle des institutions publiques en charge de la sécurité informatique nationale devrait aussi être reconsidéré. L’expérience internationale montre que la protection des infrastructures et des systèmes critiques pour le pays, (i.e. Critical Information Infrastructure Protection {CIIP}, en anglais) fait dans la plupart des cas l’objet d’une stratégie spécifique, avec des institutions dédiées. Si différents modelés existent à l’échelle internationale (voir annexe 6), le rôle du régulateur télécom se limite à la fourniture d’un appui aux institutions spécialisées. En Italie, par exemple, depuis les années 1990 un corps spécialisé de la police (i.e. Polizia Postale) est en charge de la protection des infrastructures et des systèmes critiques contre les cyber-attaques. Le régulateur italien facilite le travail de ce corps de police dans ses échanges avec les opérateurs. En Lettonie, 54 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc le régulateur télécom, la Communications Regulatory Authority de la Lettonie (RRT), est en charge de « veiller à ce que les opérateurs et les fournisseurs de services de communications électroniques remplissent leurs obligations qui peuvent leur être imposées dans l'intérêt de la défense nationale , la sécurité nationale et le maintien de l'ordre public , ainsi que dans les cas de circonstances extraordinaires » (article 8 de la Loi sur les communications électroniques). La RTT doit aussi s’assurer que les opérateurs maintiennent les équipements nécessaires aux agences de sécurité (State Security Department of the Republic of Lithuania), suite à l’article 77 de la Loi. En outre, la RRT est le Computer Emergency Response Team – CERT-LT, pour la Lettonie (https://www.cert.lt/en/). En Tunisie, le gouvernement a opté pour la création d’une Agence Nationale de Sécurité Informatique (ANSI) en charge de la cyber-sécurité, et le cadre institutionnel relatif à la sécurité informatique est en train d’être réévalué avec l’introduction d’un nouveau Code du Numérique. Finalement, en France, la Loi sur la modernisation de l‘économie fixe les obligations des opérateurs télécom qui sont notamment tenus (i) d’octroyer l’accès à leur réseau, (ii) de tenir un archivage de leurs données (allant de plusieurs mois à un an selon la nature des donnés en question), (iii) de bloquer l’accès à certains sites (notamment ceux vantant les mérites des activités terroristes). Aussi, les interceptions des services de voix et de données sont du recours des autorités en charge de la police, de la gendarmerie et des douanes. Dans ce domaine, l’autorité de régulation des télécom (ARCEP) ne joue aucun rôle hormis celui de vérifier si les opérateurs télécom respectent leur obligations d’accès à leur réseau. En France, l’ARCEP n’est pas tenue de donné son opinion lors de la préparation de textes réglementaires relatifs à l’interception des services numériques. 4. La gouvernance de l’ANRT devrait être reconsidérée pour introduire un conseil de la régulation qui travaille avec le Directeur Général de l’ANRT de façon collégiale et politiquement indépendante. En outre, la composition du conseil d’administration de l’ANRT devrait être reconsidérée de façon à assurer son statut d’autorité indépendante. 5. Le Gouvernement devrait clarifier les rôles respectifs de l’ANRT et du Conseil de la concurrence en matière d’application de la loi sur la concurrence et de régulation des pratiques anti- concurrentielles dans le secteur des télécom (voir Section 2-C, p. 43). Le cadre en vigueur présente un risque de chevauchement entre les prérogatives du régulateur sectoriel et celle du conseil de la concurrence et il n’est pas clairement déterminé qui de l’ANRT ou du conseil de la concurrence dispose in fine du pouvoir décisionnel. 6. L’ANRT devrait adopter une approche ouverte et consultative pour l’introduction de nouvelles régulations dans le secteur (sur le modèle de l’ARCEP en France et d’OFCOM au Royaume Uni). Par exemple, l’OFCOM publie régulièrement des documents de consultation qui sont accessibles publiquement sur le site internet d’OFCOM. Les documents de consultation et les commentaires reçus sont publiés sur le site internet. Toute décision prise par le régulateur OFCOM doit être justifiée et rendues publique (voir : http//stakeholder.ofcom.org.uk/). Au Maroc, la consultation par l’ANRT se limite aux opérateurs. 7. L’ANRT devrait publier les obligations de couverture des cahier s des charges relatifs aux licences octroyés à l’ensemble des opérateurs, en modifiant si nécessaire le contenu des informations afin de protéger les opérateurs en ne divulguant pas d’informations commercialement sensibles. 8. L’ANRT devrait collecter et rendre public en format numérique toute infrastructure déployée par les trois opérateurs y inclus l’infrastructure fixe, mobile, backhaul, backbone, internationale et celle du réseau d’accès. Un projet national de cartographie numérique incluant l’infrastructure des opérateurs de télécommunications et tout autre actif infrastructurel (route, eau, gaz, électricité, assainissement) devrait être mise en place afin d’instruire la décision publique pour : (i) développer 55 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc une politique d’accès à l’infrastructure existante et (ii) stimuler l’investissement haut débit sur la base de l’accès à l’infrastructure existante. Pour ce faire et comme l’indique l’ANRT en juin 2016 : « Il faudrait un texte de Loi spécifique à cet effet qui obligerait tout acteur (autres que les opérateurs) à mettre à la disposition de l’ANRT les données requises (cas du Portugal). Il est à signaler que cette obligation n’est pas systématique dans plusieurs réglementations européennes.» 9. Le Fonds de Service Universel des télécommunications a besoin d’une restructuration majeur e pour permettre de financer l’infrastructure internet dans les zones du pays caractérisées par des carences d’intérêt privé. Les règles de gestion du Fonds devraient permettre d’utiliser les ressources du Fonds en complémentarité avec d’autres ressources publiques et/ou privées. Un usage optimal des ressources du Fonds pourrait aider le Maroc à atteindre des objectifs de développement du haut débit similaires à ceux fixés par les pays européens à l’horizon 2010 (en termes de débit de 30 et 100 Mbps). Une utilisation transparente du Fonds devrait être introduite incluant l’introduction des audits publics sur le Fonds et la formulation d’une stratégie annuelle approuvée par le gouvernement et rendu publique. La Banque mondiale recommande vivement la publication d’une version abrégée des dossiers et des procès-verbaux, afin de donner au Parlement et à la population marocaine l’opportunité de s’informer sur les réalisations du FSU. Aujourd’hui, seuls les rapports annuels de l’ANRT sont rendus publics mais ne fournissent que des informations sommaires sur le FSU. De la même façon, les cartes de couverture réseau des opérateurs de télécommunications ne sont pas publiquement disponibles, tout comme la cartographie des zones noires, grises et blanches, les programmes d’investissement en haut-débit des opérateurs, la cartographie des infrastructures publiques, les appels d’offre (qui sont seulement aux opérateurs existants) pour couvrir les zones sous-desservies du pays. C. Réforme prioritaire #2 – Mettre en place une concurrence par les infrastructures 124 Justification de la réforme : La promotion de la concurrence dans le haut débit devrait être encouragée dans tous les secteurs de l'infrastructure (connectivité internationale ou premier kilomètre, backbone/backhaul ou kilomètre intermédiaire, et réseau d’accès ou dernier kilomètre) et en particulier dans le réseau d’accès pour accroitre l’accès de la population au haut débit dans les zones sous desservies. Dans ce sens il conviendrait de favoriser une concurrence par les infrastructures qui, par opposition à une concurrence par les services, suppose que chacun des opérateurs s'appuie sur son propre réseau. Cette forme de concurrence constitue le cœur des politiques d'ouverture à la concurrence dans le secteur des télécommunications en Europe et particulièrement en France. Ce modèle permet en effet de poursuivre plusieurs objectifs, comme la mise en place d'une concurrence pérenne entre opérateurs de réseaux, la promotion de l'innovation et de la différenciation des offres. Il est également celui qui stimule le plus l'emploi et l'investissement. Au Maroc, les licences/autorisations devraient être octroyées par l’ANRT pour permettre l'entrée effective sur le marché des fournisseurs d’Accès Internet (FAI) afin de leur donner le droit de desservir le client final avec leur propre infrastructure telles que les boucles locales sans fil. L’entrée de FAI sur le march é marocain constitue une mesure stratégique pour permettre d’accélérer le déploiement d’infrastructures haut débit sur le territoire et l’accès de la population au haut débit. Les FAI jouent en effet un rôle stratégique dans la 124 En juin 2016 l’ANRT indique : « Ce modèle n’est pas partagé par l’ANRT. Cette dernière considère que, pour des impératifs d’optimisation des investissements, il y a lieu d’abord d’opérationnaliser tous les leviers de régulation pour permettre une concurrence par les services. La non opérationnalisation des leviers de régulation, exigence pour tous les nouveaux acteurs, découragera ces derniers et ne permettra nullement l’ouverture du marché à de nouveaux acteurs. Ensuite, et une fois ces leviers opérationnalisés, la concurrence par les infrastructures reprendra naturellement (cf. dispositions nouvelles à ce sujet dans le projet de Loi 121-12). » 56 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc mesure où ils permettent de compléter l’offre des opérateurs de télécommunications en fournissant des services via leurs propres infrastructures dans des segments du marché où il n’existe pas une offre des opérateurs titulaires de licence offrant les services concernés dans des conditions de qualité ou de concurrence suffisante. De la même façon, le Maroc devrait faciliter l’entrée d’opérateurs de gros d’infrastructures dont l’activité n’est pas de servir les clients finaux mais de louer de la fibre noire (via IRU) et/ou des capacités à des opérateurs télécom ainsi qu’à des grands comptes. Tout comme les FAI, l’entrée d’opérateurs d’infrastructures sur le marché marocain constitue une mesure stratégique compte tenu du fait que le Maroc a un besoin considérable de réseau fibre optique en accès ouvert particulièrement dans les régions du Centre, de l’Est et du Sud du Maroc. Même dans un contexte de concurrence par les infrastructures, une forme de mutualisation des infrastructures essentielles détenues par les opérateurs doit être mise en place car elle permet d'économiser des coûts (en limitant les duplications d’infrastructures existantes) et d'améliorer la couverture (en redéployant les investissements vers des zones non encore couvertes). La mutualisation des infrastructures stratégiques détenues par les opérateurs implique de mettre en place une régulation juste et équitable relative aux conditions d’accès des opérateurs aux infrastr uctures stratégiques existantes. Le développement du haut débit au Maroc comme ailleurs dans le monde nécessite i) la constitution d’un réseau fibre optique national imbriquant les différents réseaux fibre optique existants des opérateurs de télécommunications (i.e. réseau Maroc Telecom, Meditel, WANA, ONCF, ONEE, ADM, FINETS, mais également les futurs opérateurs d’infrastructure/FAI, etc.) et ii) d’instaurer un accès ouvert et non-discriminatoire à ces infrastructures partageables à des conditions justes et raisonnables qui ne découragent pas l’investissement. Cet aspect est particulièrement critique pour promouvoir la concurrence sur le marché des télécommunications et faciliter l’arrivée de nouveaux acteurs tels que les FAI et opérateurs de gros d’infrastructure. Contenu de la réforme : L’objectif de la réforme proposée est d’augmenter le niveau de concu rrence sur le marché du haut débit afin d’améliorer l’offre de services (disponibilité et rapport qualité/prix des services) dans les zones déjà couvertes et dans des zones non couvertes, ce qui apportera un soutien au développement économique et social du Maroc. Le programme de réformes proposé comprend : (i) la mise à jour par le Ministère sectoriel du cadre légal relatif aux télécommunications afin, notamment, d’accroitre le niveau de concurrence sur le marché en termes de nombre d’acteurs via la facilitation de l’entrée des FAI et des opérateurs de gros d’infrastructure ; (ii) l’octroi par l'ANRT de plusieurs licences/autorisations pour les FAI et opérateurs de gros d’infrastructure ; (iii) l’instauration par l’ANRT d’une réelle régulation sur l’accès et le partage d’infrastructures essentielles et son application effective ; (iv) la réalisation d’un recensement numérique de l’ensemble des infrastructures publiques et privées pouvant servir au déploiement de réaux de télécommunications ; (v) l’étude des modèles de PPP les plus adaptés au contexte marocain pour développer l’accès internet haut débit dans les villes secondaires. Les principaux bénéficiaires de la réforme seront les utilisateurs des services TIC (particulier et entreprises) et notamment les nouveaux utilisateurs pour qui ces services TIC seront devenus abordables. Les résultats attendus de cette réforme pour le secteur serait l’augmentation de l’utilisation des TIC, et en particulier de l’internet haut débit, de la qualité de services et de l’innovation. D. Réforme prioritaire #3 – Mise en œuvre effective du Fonds du Service Universel Justification de la réforme : 57 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Les politiques d'accès universel ont pour objectif de combler le «fossé numérique», c’est -à-dire de fournir un accès aux services TIC à des groupes de population qui, autrement, en seraient privés pour des raisons géographiques (par exemple, les zones faiblement peuplées ou éloignées des centres urbains), économiques (faible pouvoir d'achat) ou sociales (par exemple, les personnes handicapées, âgées, etc.). Dans le cas du Maroc, il existe une forte corrélation entre les barrières géographiques et économiques à l’adoption des TIC. La connectivité est essentiellement manquante dans les zones pauvres et reculées du pays : les opérateurs de télécommunications ont en effet tendance à ne pas étendre la couverture de leur réseau dans les zones où un investissement dans l’infrastructure produirait un rendement économique négatif (ce qui serait généralement le cas aujourd’hui dans les régions pa uvres, peu peuplées et peu denses du Maroc). Une politique d’accès universelle efficace permet aux populations pauvres d'avoir accès aux services de TIC, grâce à un soutien financier du côté de l'offre (par exemple, des subventions en provenance du fonds d’ accès universel – celui-ci étant alimenté par les contributions des opérateurs – versées aux opérateurs pour fournir des services, au travers de schémas de ‘subvention minimale’ ou de coût net du service universel) et / ou du côté de la demande (par exemple, des transferts sociaux aux clients pauvres), de manière transparente et efficace. Pour cette raison, les politiques d'accès universel figurent généralement dans les outils politiques utilisés pour répondre aux besoins des populations pauvres, à côté d'autres outils tels que les obligations de licence. Les services TIC ont la capacité d’apporter un nombre important d’avantages directs et indirects sur les plans économique et social, comme le souligne le World Development Report – Digital Dividends, 2016. Ces avantages sont particulièrement pertinents pour les ménages pauvres, dans la mesure où les télécommunications mobiles peuvent rendre les services essentiels accessibles (appels d'urgence, services bancaires mobiles, etc.) et accroître la capacité de résistance aux chocs de ces ménages. Elles contribuent également à stimuler la croissance économique dans les régions dominées par les travailleurs et entreprises à faible productivité (par exemple, les petits agriculteurs), grâce à des services basés sur les TIC : amélioration de l'accès au marché, à l'information, etc. Le gouvernement a déjà créé le Fonds d’affectation spécial dénommé « Fonds du Service Universel des Télécommunications » (FSUT) par la loi des finances 2005125. Le périmètre du Service Universel inclut les missions de l’aménagement du territoire et les services à valeur ajoutée et notamment ceux permettant l’accès à internet. Un comité interministériel dénommé « Comité de Gestion du Service Universel de Télécommunications (CGSUT) », est chargé de la définition et de la validation des programmes du Service Universel à mettre en œuvre. Le FSUT est sensé financer l’ensemble des programmes du Service Universel validés par le CGSUT. Le FSUT peut aussi recevoir toute autre contribution sous forme de dons et legs attribués dans le cadre du développement des programmes de Service Universel de télécommunications. En pratique, le gouvernement n’a pas adopté une stratégie globale pour l'accès universel (l’ANRT aurait préparé plusieurs documents et plan d’actions mais ils n’ont pas été discutés et validés), aujourd’hui, seule une partie très limitée des fonds du FSUT a été décaissée. Deux aspects empêchent d’optimiser l’usage du FSUT pour le financement de projet visant à développer l’usage et l’accès aux services TIC : (i) le manque de visibilité sur les ressources disponibles et leur processus de mobilisation ; et (ii) l’absence d’un cadre stratégique définissant, dans le cadre d’un processus 125 Le Service Universel des télécommunications au Maroc est régi par la loi n° 24-96 du 07 août 1997, telle que modifiée et complétée par la loi n° 55-01 du 8 novembre 2004. Ce dispositif a été complété par l’adoption du décret n° 2-97-1026 du 25 février 1998, tel que modifié et complété par le décret n° 2-05-771 du 13 juillet 2005, et les cahiers des charges des exploitants de réseaux publics de télécommunications. Voir : https://www.anrt.ma/missions/service- universel/presentation 58 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc consultatif public-privé, les grands axes stratégiques et la liste des projets à financer ainsi que les modalités d’allocation des ressources du FSUT. Le Ministère en charge des télécoms envisage dans le contexte de la stratégie Maroc Numéric 2020, et avec l’appui des acteurs publics et privés du secteur, d’optimiser l’usage du FSUT. Le gouvernement, suite à un rapport de la Cour des Comptes, s’est positionné en faveur d’une restructuration du FSUT. Ainsi, il est proposé de redéfinir les missions du FSUT en faveur notamment du développement de l’ internet haut débit et de revoir son principe de gouvernance au travers de sa possible restructuration dans l’objectif de le renforcer via l’apport d’autres sources possibles de financement, telle que la Caisse des Dépôts et de Gestion et autres institutions financières (via le remplacement du FSUT par un Fonds de développement du Numérique (FDN)). La Note d’Orientations générales du Gouvernement et de l’ANRT 2015 -2018 indique vouloir procéder à une « adaptation du dispositif » du FSU de façon à pouvoir atteindre les objectifs visés par le PNHD 2012. Contenu de la réforme : L’objectif de la réforme proposée est d’augmenter la disponibilité des services TIC auprès des populations mal desservies ou non desservies, ce qui apportera un soutien au développement économique et social du Maroc, en particulier dans les zones les plus pauvres. Le programme de réformes proposé vise à la mise en œuvre progressive de la politique d'accès universel. Le programme détaillé comprend: (i) la réalisation d'un audit des actions passées du FSUT ; (ii) la mise en place effective des organes de gestion du fonds (dans le contexte d’un remplacement du FSUT par le FDN) ; (iii) l'adoption d'une stratégie d'accès universelle (mise à jour notamment sur la base des documents déjà préparés par l’ANRT) ; (iv) la réalisation de plusieurs projets de renforcement de la connectivité nationale dans les zones caractérisées par des carences d'intérêt privé (couverture en réseaux de télécommunications de zones pauvres) ; et (v) et des actions ponctuelles de stimulation de la demande haut-débit. Les principaux bénéficiaires de la réforme seront les utilisateurs des services TIC (particuliers et entreprises), et notamment les utilisateurs résidents dans les zones mal desservies ou non desservies du Maroc. Les résultats attendus pour le secteur sont l’augmentation de l’utilisation des TIC (téléphonie mobile, Internet mobile, mobile banking) et de la qualité de service (principalement la couverture par les réseaux) dans les zones non couvertes aujourd’hui. 59 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Section 4. Annexes Annexe 1. Pourquoi et comment l’utilisation des TIC peut-elle contribuer à promouvoir l’innovation commerciale au Maroc ?Plusieurs études empiriques ont réussi à quantifier l’impact des TIC sur l’innovation. A titre d’illustration, l’étude de Booz & Co (2010)126 reposant sur un échantillon de 50 pays montre que les pays disposant d’un taux pénétration du haut débit de 80% sont deux fois plus innovants que ceux où ce taux est de 40% (figure 17). Figure 17. Impact du Haut débit sur l’innovation Les TIC promeuvent l'innovation en permettant aux entreprises de bénéficier des effets d'échelle grâce à l’utilisation de plates-formes et services en ligne (type mobile money, big data, e-commerce (Ebay, Amazon, etc.), e-tourisme (Uber, Airbnb, etc.) qui sont en concurrence avec des modèles d'affaires traditionnels dans des secteurs tels que la vente au détail, les transports, le tourisme et la finance (Banque mondiale, 2016)127. L’usage des plateformes (i.e. sites web) et services en ligne éliminent les coûts de communication et de recherche (les entreprises peuvent avoir accès et faire de la publicité auprès d’un large nombre d’acheteurs/vendeurs) ce qui réduit les coûts fixes liés à la création d’un e entreprise et favorise donc l’essor de start-ups qui peuvent exploiter les économies d’échelle permises par l’usage de plateformes en ligne. Les économies d’échelle permises par les TIC inspirent de nouveaux modèles d’affaire fondés sur internet et visant la fourniture de services divers (e. g. commerce de détail, transport, logistique, tourisme, finance). Tandis que la capacité d’innovation d’un pays est en partie déterminée par le niveau d’accès et d’usage des entreprises à l’internet, la pénétration du haut débit au Maroc reste faible. Bien que l’accès à l’internet 126 Voir : “Enabling Sustainable Digital Highways Strategies for Next -Generation Br oadband”, disponible ici : http://www.strategyand.pwc.com/media/file/Enabling_Sustainable_Digital_Highways.pdf 127 Voir : World Development Report, 2016: Internet for development, Banque mondiale, Washington D.C. Disponible ici: http://intranet.worldbank.org/servlet/main?noSURL=Y&theSitePK=8258057&piPK=8258060&pagePK=8258272& contentMDK=23669193 60 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc (nombre d’abonnés) reste limité, plus de la moitié de la population marocaine utilise internet ce qui suggère qu’il existe une masse critique de demande suffisante pour encourager les entrep rises à innover commercialement via internet en recourant à des plateformes et services en ligne. Alors que l’usage d’un site web pour une entreprise reflète, en partie, sa capacité à innover via internet, les données disponibles 128 montrent qu’au Maroc si la proportion d’entreprises disposant d’un site web a fortement progressé depuis 2007, 30% des entreprises marocaines n’ont toujours pas de site web. De surcroit, il demeure des écarts significatifs selon la taille des entreprises, leur localisation géographique et leur secteur d’activité (Figure 18). D’une part, les petites entreprises marocaines restent encore en 2013 largement sous équipées en site web par rapport à celles de taille moyenne et grande. D’autre part, l’usage de site web en entreprise reste très concentré géographiquement puisque si 94% des entreprises localisées dans la région Nord du Maroc utilise un site web cette proportion n’est que de 67% au Sud et de 48% dans la région centrale. Enfin, tandis que la transformation du secteur industri el vers des activités d’innovation se pose avec acuité (OCP, 2014)129, les entreprises industrielles marocaines sont bien moins équipées en site web (40% d’entre elles n’en ont pas) que celles opérant dans le secteur des services. Ces données indiquent l’existence d’un manque à gagner important pour les entreprises marocaines en termes d’innovation et de développement des affaires. En effet, des enquêtes réalisées en Mauritanie en 2015 auprès d’un échantillon diversifié d’entreprises ont révélé que l’usage d’ un site web favorisait grandement la promotion des activités des entreprises, leur visibilité à l’échelle nationale et internationale et leur capacité à innover via la fourniture de services en ligne 130. Figure 18. Proportion des entreprises marocaines utilisant en 2013 un site web selon la taille des entreprises en nombre de salariés (à gauche), leur localisation géographique (au milieu) et leur secteur d’activité (à droite) 80.0 71.4 74.0 100.0 80.0 66.8 69.4 70.0 90.0 70.0 60.0 80.0 69.4 60.0 70.0 50.0 50.0 38.0 60.0 40.0 47.8 40.0 50.0 30.0 2007 30.0 40.0 20.0 10.1 30.0 20.0 2013 10.0 20.0 10.0 0.0 10.0 0.0 0.0 Au-delà d’un déficit d’équipements en site web de ces entreprises, le Maroc pourrait prioriser davantage les investissements dans la formation d’ingénieurs et de techniciens TIC, et les start -ups et PMEs du secteur TIC. Alors que partout dans le monde les jeunes sont le moteur du développement des TIC et de l’innovation, les gouvernements africains ont très souvent pris conscience de la nécessité de financer, avec 128 Voir les données de la Banque mondiale: 129 Voir : Politiques publiques, transformation industrielle, croissance et emploi au Maroc : une analyse quantitative, par Richard Agénor et Karim El Aynaoui, OCP Policy Center. Disponible ici: http://www.ocppc.ma/publications/politiques-publiques-transformation-industrielle-croissance-et-emploi-au-maroc 130 Voir: Banque mondiale (2016), chapitre sur les TIC pour le rapport Diagnostic Trade Integration Study (DTIS). 61 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc l’aide des opérateurs de la place, des incubateurs TIC131 qui mettent un ensemble de services à disposition de jeunes entrepreneurs portant des projets TIC ambitieux et réalistes. A titre d’exemple, le Sénégal a vu l’émergence de 6 incubateurs TIC dont le CTIC Dakar 132 crée en 2011 qui est le 1er incubateur et accélérateur lancé en Afrique de l’Ouest pour les entrepreneurs des TIC et des technologies mobiles. Depuis sa création, 14 entreprises TIC ont été incubées au CTIC, parmi lesquelles 4 sont désormais sorties, et 6 nouvelles sont en cours de recrutement. Il n’existe pas de structure similaire entièrement dévouée aux TIC au Maroc. Des structures d’incubation existent mais elles ne sont pas spécifiquement adaptées aux besoins des start up TIC (la performance du Technopark n’est pas facile à évaluer) et l’université Al Akhawan d’Ifrane ne peut pas non plus être assimilée à un incubateur TIC car elle ne propose que des formations spécialisées133. L’absence de structure d’incubation pour Start -Up TIC ne favorise pas l’essor de services innovants notamment dans le domaine des paiements et services monétaires électroniques dont les répercussions sur la productivité, l’inclusion financi ère le commerce et la croissance économique sont considérables134. Cette absence ne peut pas être compensée par les compétitions d’applications (« hackathon »135), qui contribuent certes à l’innovation, mais ne sauraient avoir d’impact durable en l’absence de structures susceptibles d’accueillir les vainqueurs de ces compétitions, pour les accompagner sur des cycles de 2 ou 3 ans pour assurer le succès et la viabilité des start-ups. Il n’existe pas de structure similaire à celle créée au Chili (start-up Chile136) par exemple et que Policy Center de l’OCP recommandait de créer en 2014137. Enfin, à la différence du Sénégal, par exemple, qui en compte cinq, le Maroc ne compte que deux fournisseurs de services mobile-money. Au regard des constats opérés, il apparait que le Maroc devrait, à l’heure où il définit sa stratégie de développement des TIC jusqu’en 2020, prévoir des mesures structurées pour promouvoir l’essor de startup TIC via la mise en place d’incubateur (public -privé cf. le CTIC Dakar) et encourager l’accès (e.g. via des subventions) et l’usage (e. g. via des formations) du haut débit en entreprises, particulièrement auprès des PME de la région centre et sud. A. Annexe 2. Pourquoi et comment l’utilisation des TIC peut -elle contribuer à améliorer la fourniture de services d’éducation au Maroc ? D’un point de vue général, l’utilisation des TIC, et plus particulièrement de la téléphonie mobile (voix , messages texte, services financiers mobiles, internet ), a pour avantage d’améliorer l'accès et l'utilisation de l'information ce qui permet de réduire les coûts de recherche d’information et d’accroître la coordination entre les individus, les entreprises et les administrations. Aujourd’hui, les avantages liés à l’utilisation des services TIC mobiles ( voix, messages texte, surtout, internet dans une moindre mesure) se sont généralisés à l’ensemble de la société marocaine grâce à la baisse des prix des terminaux et des services de communications mobiles. Ainsi, un large nombre d’individus peut s’équiper en téléphonie mobile puis envoyer, recevoir et obtenir des informations plus rapidement et à 131 Un incubateur peut se définir comme une structure spécialisée dans la création et l’accompagnement de startups TIC. 132 Voir : http://www.cticdakar.com 133 http://www.aui.ma/en/fr/programmes-academique/les-ecoles/ecole-de-sciences-et-d-ingenierie.html 134 Voir notamment: Beck et al. (2015). Mobile Money, Trade Credit and Economic Development: Theory and Evidence. Disponible ici: https://pure.uvt.nl/portal/files/5677317/2015_023.pdf 135 Par exemple: https://theodi.org/blog/moroccos-first-open-data-hackathon 136 http://startupchile.org/about/ 137 http://www.ocppc.ma/publications/politiques-publiques-transformation-industrielle-croissance-et-emploi-au- maroc#.VyoNc9IUUiQ 62 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc moindre coût. Le fait que la quasi-totalité des citoyens marocains soit équipée en téléphonie mobile et qu’un nombre grandissant de foyers dispose d’un ordinateur/tablette offre une opportunité au gouvernement de résoudre certaines des faiblesses du système public d’éducation. Le Maroc est confronté à trois défis majeurs :  un faible niveau de connaissance des élèves (lecture, langue et maths) et un illettrisme de masse ;  un manque d’équipement et d’infrastructure et un nombre croissant d’élèves par classe ;  un manque de formation des enseignants associé à un fort taux d’absentéisme des enseignants. A titre d’illustration, les données publiques (Figure 19) du gouvernement montr ent que le nombre d’élèves par enseignant est passé de 27.2 en 2011 à 27.5 en 2013 dans le primaire et de 24.3 en 2011 à 26.8 en 2013 dans le secondaire (collégial)138. Il est possible que cela soit en partie le résultat de la fermeture de 191 écoles primaires et secondaires intervenue entre 2008 et 2013139. Aussi, le budget de l’Etat dans le secteur de l’éducation est en baisse (en valeur et en % du budget total) depuis 2010, ce qui s’explique surtout par une diminution drastique des dépenses d’investiss ement (équipement, infrastructure, etc.) – Figure 20. De fait, les taux d’équipement en internet et en vidéo-projecteur des établissements scolaires sont en baisse, enregistrant des reculs significatifs depuis 2012140. Enfin, si la proportion des enseignants qualifiés en TIC progresse elle reste très faible puisque légèrement supérieur à 1% (Figure 21). Ces données soulignent l’existence d’un décalage important (déjà mis en évidence lors de la mise en œuvre du programme GENIE) entre l’équipement TIC des établissements et la capacité des enseignants à faire un usage éducatif de ces équipements. Si près de 30% des établissements disposent d’une connexion internet, il n’est pas certain qu’ils puissent en faire un usage éducatif car seul 1% des enseignants sont qu alifiés en TIC. Figure 19, 20 et 21. Evolution des effectifs dans l’éducation nationale (en haut à gauche), Evolution du budget de l’Etat dans l’éducation nationale (en haut à droite), et évolution de l’usage des TIC par les enseignants et dans les établissements scolaires (en bas) Evolution du budget de l'Etat dans le secteur de l'éducation 27.4% 50,000 30.0 40,000 5421 5036 2768 25.0 20.0 30,000 15.0 20,000 10.0 16.4% 10,000 5.0 0 0.0 2002-08 2008 2009 2010 2011 2012 2013 budget d'investissement du MEN budget de fonctionnement du MEN Part dans le budget général de l'Etat (En %) 138 Source: http://www.data.gov.ma/data/fr/group/education 139 http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/04/16/maroc-l-ecole-privee-est-une-source-de- segregation_4617413_3212.html 140 Source: http://www.omtic.gov.ma/Pages/home.aspx 63 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc 100 1.24 82.66 80 1.22 85.26 60 1.23 1.2 1.22 40 30 1.18 20 1.16 1.17 28.83 0 1.14 2012 2013 2014 % des enseignants qualifiés en TIC % des établissements scolaires connectés à Internet % des établissements scolaires munis de vidéo projecteur L’expérience montre que l’usage des TIC dans le domaine de l’éducation pourrait servir à atteindre plusieurs objectifs : i) améliorer la gestion des établissements scolaires ; ii) offrir un accès au contenu éducatif à des enfants non-scolarisés ; iii) améliorer la formation des enseignants via des programmes de formation aux meilleures pratiques de l’enseignement ; iv) améliorer l’apprentissage des élèves via des programmes interactifs spécialisés et adaptés au niveau de chacun ; v) augmenter la fréquence des évaluation des élèves pour mieux identifier les lacunes 141. En particulier, il est mis en évidence que l’usage des outils multimédias (radio, DVD, CD et autre média) améliore la motivation des élèves et opère et favorise l'introduction de nouvelles pratiques d'enseignement et d'apprentissage ainsi que la restructuration du système éducatif. Plus généralement, l’amélioration de la connectivité et de l’usage des TIC dans le secteur de l’éducation permet d’accroitre la qualification de l’offre de travail et de mieux répondre aux besoins des entreprises ce qui, à moyen terme, favorise l’emploi et la croissance économique via ses répercussion sur la compétitivité, l’innovation et l’investissement, L’expérience de l’Indonésie fournit, par exemple, une bonne illustration de la façon dont l’usage des TIC permet d’améliorer la gestion du secteur de l’éducation au niveau local. Dans la lignée de la loi de 1999 qui transfère la responsabilité de la gestion de l’éducation aux collectivités locales, et compte tenu de la réduction du budget public alloué au secteur et d’un manque de capacités significatif au niveau des établissements et des collectivités locales, le gouvernement indonésien a mis en place un programme (BDE pour Decentralized Basic Education142) visant, notamment, à améliorer la gestion et la gouvernance des établissement scolaires (primaire et secondaire) et des services des collectivités locales en charge de l’éducation :  Au niveau des établissements scolaires, dont 50% était équipé d’ordinateurs dédiés à l’usage des enseignants et de l’administration, le programme DBE a fourni des formations aux dirigeants des établissements scolaires et aux enseignants visant à améliorer l’usage de l’informatique et à la préparation de stratégie de développement des établissements ainsi qu’à l’amélioration de la relation de travail (ouverture, transparence, consultation) avec les enseignants et la société civile. Aussi, des outils informatiques (logiciels, base de données) ont été développés pour améliorer la gestion comptable des établissements.  Au niveau des collectivités locales, différents systèmes informatiques ont été mis en place pour améliorer le contrôle et le suivi des performances des établissements scolaires et développer un plan stratégique pour l’éducation à l’échelle de la région. Ainsi, un système informatique a notamment permis de produire des outils d’analyse comptable et financière permettant un suivi des dépenses et des recettes par établissement ce qui a permis de comparer les performances des établissements, d’évaluer 141 GSMA and McKinsey, 2012. Transforming learning through mEducation. 142 USAID, 2012. Indonesia: Decentralized Basic Education Project Final Evaluation, Volume I, Main Report. 64 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc l’allocation des budgets et d’identifier les priorités stratégiques. D’autres systèmes informatiques ont été développés pour calculer (en fonction d’un certain nombre d’indicateurs) les besoins budgétai res des établissements ainsi que pour recenser pour chacun des établissements l’ensemble des actifs et du personnel. Au total le programme DBE (phase 1) a touché plus de 16,000 établissements (localisé dans 148 districts différents) et près de 40,000 fonctionnaires (directeurs d’établissements, enseignants et personnel administratif) du secteur de l’éducation. Il existe également de nombreuses expériences d’utilisation des TIC pour améliorer l’apprentissage des enseignants et des élèves 143. Un des constats de départ de ces programmes est que les enseignants manquent souvent de connaissance technique et d’expérience de gestion des classes (surveillance, etc.) pour transmettre la connaissance de façon satisfaisante. Ainsi, le programme PHARE 144 (Programme Harmonisé d’Appui au Renforcement de l’Education) au Mali vise à améliorer la qualité de l’éducation à l’école primaire en se concentrant sur l’apprentissage de l’écriture et de la lecture en anglais. L’approche consiste à utiliser des smartphones et des ordina teurs pour diffuser des programmes interactifs d’apprentissage pédagogique pour les enseignants et les étudiants (articulés en 6 échelons de difficulté pour s’adapter au niveau de chacun). Les résultats individuels obtenus par ces programmes d’apprentissag e peuvent ensuite être agrégés au niveau des établissements et suivi dans le temps par l’administration publique en charge du secteur. Le programme PHARE s’étend sur une période de 5 ans et couvre à l’échelle nationale 40,000 salles de classe pour un total de et 500,000 élèves. Un autre constat réalisé en Indonésie, par exemple, est que les écoliers des zones rurales (en particulier) manquent souvent de manuels scolaires et autres supports d’apprentissage ce qui freine l’acquisition des connaissances. Afin de pallier à cela, le ministère de l’éducation et de la culture a créé en 2004 un programme de télévision (TV Edukasi145) destinée à diffuser des programmes d’apprentissage de la lecture, de l’écriture et des mathématiques. Il existe deux chaînes de télévision, l’une destinée aux enseignants et l’autre aux élèves. De nombreux pays ont introduit un usage individualisé des tablettes et ordinateurs à l’école146 afin d’améliorer l’efficacité des pratiques d’enseignement et d’apprentissage. Un des enseignements majeurs de ces expériences est qu’il est tout aussi important d’équiper les établissements scolaires d’équipements éducatifs TIC que de former le personnel éducatif à l’usage de ces outils. Ainsi, le programme e -learning en Jamaïque147 fournit non seulement des équipements (tablettes, ordinateurs portables) et des connexions internet à 162 écoles du secondaire mais une formation technique à plus de 11,000 enseignants et destinée à l’utilisation des équipements informatiques. En outre, du matériel d’apprentiss age en ligne (documentation, etc.) est distribuée aux enseignants afin de les accompagner dans le développement de programme d’apprentissage et la préparation de test dévaluation destinés aux étudiants. Il existe un certain nombre de preuves que l’usage des TIC à l’école améliore l’apprentissage des connaissances par les élèves : - Au Ghana, les compétences en lecture de 350 enfants ont été sensiblement améliorées grâce à l’usage de tablettes de lecture qui leur avaient été données 148. 143 Pour un large nombre d’illustrations, voir : USAID, 2011. Designing Effective Education Programs Using Information and Communication Technology (ICT), Compendium. 144 Voir : http://www.edc.org/projects/mali_usaidphare_program_programme_harmonis%C3%A9_dappui_au_renforcement_ de_leducation 145 Voir: http://tve.kemdiknas.go.id/ 146 Pour un aperçu voir: http://blogs.worldbank.org/edutech/big-educational-laptop-and-tablet-projects-ten-countries 147 Voir: http://www.e-ljam.net/ 148 Voir: http://www.economist.com/news/business/21567972-schools-africa-are-going-digitalwith-encouraging- results-tablet-teachers 65 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc - En Ethiopie, il a été constaté que, même en l'absence d'enseignants, les enfants comprennent comment utiliser les tablettes de lecture qui leur ont été fournis pour apprendre à lire. - Au Nouveau Mexique, après trois ans d’usage de tablettes (en Kindergarten) les enseignants ont constaté que la proportion d’élèves sachant lire est passée de 29% à 93%149. - En Inde, l’usage d’applications de jeux installées sur des smartphones et destinées à améliorer l’apprentissage de l’anglais a permis d’augmenter les résultats obtenus par les élèves durant les évaluations de 60%. L’utilisation des TIC peut également permettre de lutter contre l’absentéisme du personnel dans les établissements scolaires. Selon Aker et Ksoll (2015), le taux d’absentéisme des enseignants en Afrique de l’Ouest est compris entre 27% et 40%150. Afin de lutter contre l’absentéisme des enseignants, le gouvernement du Niger a mis en place un système efficace de surveillance par lequel des agents administratifs font un suivi hebdomadaire via téléphone mobile auprès des utilisateurs, personnel technique et chefs de village afin de contrôler les présences et les raisons des absences. Au regard du constat établi précédemment sur le secteur de l’éducation au Maroc, et compte tenu des bénéfices d’un usage éducatif des TIC, il semble critique de relancer un programme d’investissement destiné à équiper les écoles en connexion internet et en équipements informatiques et à mieux former les enseignants et le personnel administratif à l’usage des TIC. Des efforts récents 151 vont dans ce sens mais leur généralisation dans le cadre d’une stratégie nationale de promotion des TIC dans le secteur de l’éducation semble indispensable. B. Annexe 3. Pourquoi et comment l’utilisation des TIC peut -elle contribuer à améliorer la fourniture de services de santé au Maroc ? D’un point de vue général, l’utilisation des TIC, et plus particulièrement de la téléphonie mobile (voix , messages texte, services financiers mobiles, internet ), a pour avantage d’améliorer l'accès et l'utilisation de l'information ce qui permet de réduire les coûts de recherche d’information et d’accroître la coordination entre les individus, les entreprises et les administrations. Aujourd’hui, les avantages liés à l’utilisation des services TIC mobiles ( voix et messages texte, surtout) se sont généralisés à l’ensemble de la société marocaine grâce à la baisse des prix des terminaux et des services de communications mobiles. Ainsi, un large nombre d’individus peut s’équiper en téléphonie mobile puis envoyer, recevoir et obtenir des informations plus rapidement et à moindre coût. Le fait que la quasi-totalité des citoyens marocains soit équipée en téléphonie mobile offre une opportunité importante au gouvernement de résoudre certaines des faiblesses du système public de santé en améliorant la qualité des services rendus. A l’instar d’autres systèmes publics de santé, celui du Maroc fait face à trois défis majeurs : - D’une part à un manque d’infrastructures : en 2014, le Maroc ne comptait que 2767 centres de santé pour une population de 33 millions d’habitants (soit près de 12,000 personnes par centre) et 150 hôpitaux152, ce qui se traduit par des problèmes d’engorgement des services médicaux, des files d’attente et des difficultés à obtenir des rendez-vous. 149 GSMA and McKinsey, 2012. Transforming learning through mEducation. 150 Voir : Jenny C. Aker and Christopher Ksoll (2015). Call me educated: Evidence from a mobile monitoring experiment in Niger. Working paper. 151 Voir : http://www.h24info.ma/maroc/education-nortis-va-connecter-4000-ecoles-internet-satellite/34644 152 Voir : http://www.data.gov.ma/data/fr/group/sante 66 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc - D’autre part, à un manque de personnel : il s’agit d’un problème majeur car en 2012, il n’y avait qu’un médecin pour 1,900 habitants et un infirmier pour 1,300 habitants 153. - Enfin, l’absentéisme du personnel de santé est élevé. Ces problèmes sont exacerbés en milieu rural où les infrastructures et ressources humaines se font plus rares et où l’éloignement complique l’accès des citoyens aux services de santé. Dans ce contexte, l’utilisation des services mobiles (voix, texte, internet) permettrait de faire face à l’engorgement physique des centres de santé en favorisant la transmission de l’information sanitaire via des consultations et prescriptions à distance. Ainsi, le personnel sanitaire peut fournir des diagnostics simples (possiblement via l’envoi de photos) ne nécessitant pas d’examen médical et procéder au suivi des patients à distance (e. g. prescriptions de médicaments, recommandations sur les dosages de médicament, les pratiques alimentaires, etc.). Tout en permettant de contribuer à réduire l’engorgement physique des centres de santé en limitant le nombre de déplacements des patients, ce type de pratiques favorise l’accroissement de la productivité du personnel de santé via l’augmentation du nombre de consultations. Cela facilite également l’accès à l’information sanitaire pour les patients du milieu rural dont l’éloignement par rapport aux centres de soins est plus important. A titre d’illustration154, et afin de lutter contre la mortalité maternelle et infanto-juvénile – qui constitue l’un des graves défis du Maroc – les ministères Tanzanien155 et Pakistanais de la santé ont développé et mis en place un système156 de messages SMS texte gratuits157 fournissant, aux femmes enregistrées, des informations précises relatives aux soins à apporter et pratiques à respecter durant la grossesse, l’accouchement et la période post-natale. Le contenu des messages envoyés est déterminé par les experts de la santé et l’envoi des messages se fait au cas par cas en fonction des étapes de la grossesse et de l’âge des enfants. Les femmes qui reçoivent les messages sont enregistrées par le personnel sanitaire qui collecte, au moment de l’enregistrement, les données personnelles des patientes. Les messages SMS envoyés servent aussi à procéder à des rappels pour les examens médicaux critiques et le dosage de certains médicaments. En Tanzanie, le système lancé en novembre 2012 a permis d’enregistrer 100,000 femmes en l’espace de 5 mois et de leur envoyer plus de 4 millions de SMS. Au Pakistan, une étude rigoureuse (reposant sur des groupes de contrôle n’ayant pas bénéficié du systèmes de SMS gratuits mis en place) d’évaluation des impacts du système dans les lieux de sa mise en œuvre a montré que 98% des femmes enregistrées recevait régulièrement des SMS, que le taux d’accouchement des femmes dans des centres de sa nté/hôpitaux était passé de 35% à 55%, que le nombre d’échanges des femmes avec le personnel sanitaire était sensiblement plus important et que le taux de visite prénatale était passé de 43% à 66%. Au-delà des opportunités d’améliorer la fourniture d’informations sanitaires et médicales, l’utilisation des services mobiles peut également permettre de lutter contre l’absentéisme du personnel dans les centres de santé et les hôpitaux. Au Niger, où le taux d’absentéisme du personnel médical et scolaire 158 constitue un 153 Voir : http://www.data.gov.ma/data/fr/group/sante ; Ces statistiques comptabilisent le personnel travaillant dans des centres publics et privés. 154 Pour plus d’illustrations voir : USAID (20102), mHEALTH Compendium, Vol. (2), Technical report. 155 En Tanzanie, le taux de mortalité maternelle est de 454 pour 100,000 naissances vivantes et le taux de mortalité infantile est de 51 pour 1000 naissances vivantes. 156 Pour l’expérience Tanzanienne, voir : http://www.thehealthcompass.org/sbcc-spotlights/wazazi-nipendeni-love- me-parents 157 Au Pakistan, le logiciel pour la configuration des SMS est : http://www.frontlinesms.com/ 158 Il est estimé qu’en Afrique de l’Ouest le taux d’absentéisme des enseignants est compris entre 27% et 40%. Voir : Jenny C. Aker and Christopher Ksoll (2015). Call me educated: Evidence from a mobile monitoring experiment in Niger. Working paper. Disponible ici : https://www.tcd.ie/Economics/assets/pdf/Seminars/20142015/Acker%20Call%20Me%20Educated_13feb2015.pdf 67 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc défi critique, le gouvernement a mis en place un système efficace de surveillance par lequel des agents administratifs font un suivi hebdomadaire via téléphone auprès des utilisateurs, personnel technique et chefs de village afin de contrôler les présences et les raisons des absences. Enfin, l’utilisation des TIC, via l’informatisation des services de santé et l’amélioration de la connectivité internet des infrastructures médicales, ainsi que leur interconnexion (i.e. intranet), est indispensable pour améliorer le système de gestion des opérations (paiement des salaires, facturation, approvisionnement en matériel et fournitures, pointage du personnel, gestion des stocks, etc.) et le transfert de données (e. g. dossiers médicaux électroniques 159, télémédecine, etc.) entre les différents points du réseau médical (centres de santé, hôpitaux, administration centrale). Or, au Maroc, les informations collectées en 2015 auprès des experts de la santé révèlent qu’aucun des 2767 centres de santé que compte le pays n’est informatisé et que dans les 150 hôpitaux, seuls les services d’admission des patients et de facturation sont informatisés. Cela limite considérablement les perspectives d’amélioration de la productivité du personnel médical et de l’efficience opérationnelle du système de gestion administrative. C. Annexe 4. Présentation de cas d’expériences européennes et internationales de Partenariat public-privé pour le déploiement d’infrastructures haut débit selon le type de segment du réseau d’infrastructure concernée. Le recours à des mécanismes de financement public-privé (PPP) pour la construction et l’exploitation de nouvelles infrastructures de réseau en fibre optique dans des zones rurales/peu rentables est une option particulièrement pertinente pour les régions de l’Est, du Sud et du centre du Maroc qui présentent des caractéristiques qui rendent très couteux le développement d’infrastructures et qui découragent donc les opérateurs commerciaux : o elles sont éloignées des principales régions métropolitaines, o les distances entre leurs villes sont importantes, o l’éparpillement de la population y est plus fort que dans les régions métropolitaines, o elles concentrent une large partie de la population rurale du pays pour laquelle il n’existe – a priori160 – pas ou peu de demande de service de haut débit. Dans ce contexte et dans la lignée des expériences européennes et internationales, le Maroc devrait recourir à des partenariats publics privés (PPP) pour développer des infrastructures de réseau en fibre optique. Les expériences européennes et internationales de PPP pour le développement de réseaux en fibre optique (i.e. réseaux de nouvelle génération) montrent que ces partenariats : o reposent sur des structurations différentes (forme et durée des contrats, type d’at tribution des contrats, structure de financement (public-privé), obligations des opérateurs privés) ; o couvrent – séparément ou simultanément – différents segments du réseau d’infrastructures (connectivité internationale, backbone, backhaul et réseau d’accès) ; o impliquent différents types d’acteurs privés (operateur commerciaux, opérateurs d’infrastructures, consortium d’opérateurs) ; 159 Un système de dossiers médicaux électroniques complet permet le stockage, la récupération et la modification électroniques d'informations relatives aux patients, permettant aux départements au sein de l'organisation de santé de collaborer pendant la fourniture de soins. 160 En fait, les expériences en Inde ont montré que des opérateurs ayant déployé des réseaux de fibre optique arrivent à rentabiliser leurs investissements bien mieux que ce que les calculs traditionnels peuvent prévoir (Singh et al., 2008). Cela tient au fait que la présence de la bande passante en zone rurale entraîne une demande largement supérieure à ce qui est actuellement anticipé, a l’instar de ce qui s’est produit avec la téléphonie. Voir : http://www.apc.org/en/system/files/APCProPoorKit_PolicyAndRegulation_CaseStudyRural_FR_1.pdf 68 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc o impliquent différents types d’acteurs publics (gouvernement, municipalités, Fonds publics de développement : rural, digital, service universel, etc.) o Mais respectent généralement les deux mêmes conditions 161 (Commission Européenne, 2013, p. 21) que sont :  un accès ouvert aux réseaux construits (via PPP) grâce à des offres de gros. Cela signifie un accès aux infrastructures aussi bien actives que passives (i.e. conduits, poteaux, fibres noires, armoires de rue/cabinets).  un traitement équitable et non discriminant des opérateurs. Cela permet de favoriser la concurrence entre opérateurs et donc la fourniture de services à des prix abordables aux usagers finaux. Expériences européennes et internationales de PPP pour le Backbone Dans un premier cas, le gouvernement accorde, dans le cadre d’un contrat de concession, une licence à une entité du secteur privé pour construire (sous subvention) et opérer (responsabilité financière du privé) un réseau backbone en libre accès. L’Etat détermine les termes du service à fournir en termes de qualité (largeur de la bande passante) et de prix et subventionne l’opérateur. Le montant de la subventio n est fixé par enchère de sorte que l’offreur qui propose le niveau de subvention le plus faible remporte le contrat (via appel d’offres). - Chili (source : BM, 2014) : Ce type de PPP a notamment été utilisé au Chili pour couvrir des zones rurales non desservies par le haut débit (BM, 2014). La licence a été attribuée à un opérateur existant (Entel Movi) qui, une fois le réseau construit en 2010, a enregistré un nombre croissant d’abonnés. - Allemagne (source : BM, 2014) : Le gouvernement allemand a également eu recours à ce type de PPP en 2008. Plusieurs contrats (pour des zones géographiques différentes) ont été accordés à des opérateurs commerciaux existants. La durée maximum des contrats de concession est de 5 ans et les adjudicataires peuvent être, selon le cout des investissements, obligés de fournir un accès de gros (sur une base non discriminante et transparente) à l’infrastructure subventionnée. - France (source : Commission Européenne, 2005) : La France a fait une utilisation différente de ce type de PPP dans la région rurale et montagneuse du Limousin (787 communes où vit 1,1% de la population métropolitaine) en accordant une concession de 20 ans à un opérateur privé d’infrastructure pour la construction (coût total de 68 millions d’euros subventionné par l’État à 55%) et l’exploitation (sur fonds privés i.e. 17 millions d’euros) d’un réseau backbone/backhaul et d’accès (FTTO, cuivre et WIMAX). L’opérateur n’est autorisé qu’à fournir de la connectivité (bande passante, fibre noire, services activés) à tous les acteurs du marché (opérateur télécoms, FAI, ASP, fournisseurs de contenus) qui désirent s’adresser aux usagers finaux (particuliers, entreprises, établissements publics) et collectent l’ensemble des revenus sur la période du contrat. Cette expérience lancée en 2005 a permis l’entrée de 20 fournisseurs de services qui opèrent grâce au réseau DORSAL aujourd’hui contre seulement 4 en 2004. Les prix des services aux usagers finaux (ménages, institutions publiques et entreprises) ont considérablement baissé et la qualité des services s’est améliorée. Cela a sensiblement favorisé le développement du secteur privé via le maintien et le développement des entreprises dans la région du Limousin. Dans un second cas, l’Etat participe au cout d’investissement pour la création d’un réseau backbone dans le cadre d’un consortium créé avec plusieurs opérateurs privés existants qui opèrent le réseau. En contrepartie de sa participation financière, l’Etat établit un libre accès au réseau sur la base d’un traitement non discriminant. - Afrique (source : BM, 2010) : Ce type de partenariat a été utilisé pour le financement de la construction du câble sous-marin EASSy reliant plusieurs pays d’Afrique de l’Est mais peut être répliqué pour un réseau backbone terrestre. Dans le cas d’EASSy, c’est un consortium de 20 operateurs qui a financé le projet avec un appui financier de la part des bailleurs de fonds (SFI, AFD etc.). Un des membres de ce 161 Ces deux conditions sont sine qua none pour l’obtention de l’aide de la Commission Européenne. 69 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc consortium est un Fond commun de créances (FCC ou SPV en anglais) composé des plus petits opérateurs de la région. L’appui des bailleurs de fonds a été apporté via des prêts accordés à ce Fonds. Dans le cadre de l’un des accords du Consortium, le Fonds est autorisé à vendre de la capacité à n’importe quel opérateur licencié de la région sur la base d’un accès libre non discriminant. Dans un troisième cas, l’Etat peut mettre en place des mécanismes de ‘pay or play’ qui fournissent des incitations financières aux opérateurs existants pour développer un réseau backbone dans des zones non desservies par le haut débit. Ces incitations prennent la forme d’obligations de service universel allégées telle qu’une contribution réduite au fond de service universel ou l’annulation des obligations de couvrir des zones non solvables. Ce type de partenariat est généralement plus efficace que la mise en place d’un Fond de service universel dont les taxes qu’il impose aux opérateurs constituent des barrières implicites à l’entrée sur le marché (BM, 2014). De la même façon que pour le montant des subventions, celui des avantages financiers peut être attribué via appel d’offres à un seul opérateur ce qui favorise la concurrence. Autrement, le bénéfice de ces avantages peut être rendu accessible à tous les opérateurs. - Suède (source : BM, 2014) : La Suède a largement eu recours à ce type de partenariat depuis 1999 via : i) des incitations fiscales pour les opérateurs et ii) des dons accordés à des municipalités pour développer des réseaux backbone en zone rurale mais aussi à Stockholm (via l’opérateur Stokab162). - Brésil (source : BM, 2014) : Dans ce cadre, le gouvernement brésilien a versé un total de 820 millions de dollars à ce jour et prévoit 500 millions de dollars supplémentaires. Le Brésil a également fait l’expérience de ce type de mécanisme en 2008. Le gou vernement et le régulateur ont levé les obligations de service universel de cinq opérateurs de téléphonie fixe en contrepartie de la construction d’un réseau backbone connectant 3439 municipalités non desservies. Expériences européennes et internationales de PPP pour le Backhaul Il existe aussi des cas de PPP pour la construction de réseaux backhaul dans des zones reculées et sous desservies ou l’Etat cherche à réduire la fracture numérique. - Estonie (source : Commission Européenne, 2010) En Estonie, le projet « Westin », a fait l’objet d’un partenariat entre plusieurs ministères (Agriculture, Intérieur, Affaires économiques & communications) et un ensemble d’opérateurs commerciaux, réunis dans le cadre d’une fondation (ELA), pour construire et maintenir (cout total 65 millions d’euros) un réseau backhaul dans des zones sous desservies. La construction du réseau a été réalisée par des opérateurs et la maintenance du réseau est assurée par une compagnie privée. - Lituanie (source : Commission Européenne, 2012) Un projet de backbone et backhaul a été développé en Lituanie. Le projet Rain (Rain 1 concerne le backbone et a couté 21 millions d’euros ; le projet Rain 2 concerne le backhaul et a couté 51 millions d’euros) a permis de connecter 51 municipalités (soit 300 000 habitants). Il a été rendu possible par un PPP entre l’Etat (plusieurs instances ministérielles) qui a construit et détient le réseau (accès ouvert et non discriminant) et des opérateurs privés, choisis par appels d’offres, pour opérer et maintenir le réseau. Le ministère des Télécommunications fixe les obligations des opérateurs privés et les prix d’accès au réseau. Le réseau est supervisé par un organisme public (désigne par les ministères des Télécommunications et des transports) à but non lucratif. La maintenance du réseau est réalisée par des sociétés privées choisies sur appel d’offres. Expériences européennes et internationales de PPP pour le réseau d’accès - Allemagne (source : Commission Européenne, 2008) : L’Allemagne fournit également un exemple de PPP réalisé en 2008 pour développer un réseau d’accès dans des zones non ou sous desservies et à faible densité de population. Le PPP a pris la forme de subventions accordées par l’Etat (i.e. Etat fédéral et municipalités, avec le soutien de la Commission européenne) a plusieurs projets portés par des opérateurs privés et visant à développer un réseau d’accès. L’aide de l’Etat n’excédait pas 200 000 euros par projet et visait uniquement à couvrir l’écart de rentabilité entre un investissement en zone 162 https://www.stokab.se/In-english/ 70 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc urbaine et rural. Le montant de la subvention était fixé par enchère de sorte que l’offreur qui propose le niveau de subvention le plus faible remporte le contrat (via appel d’offres). Dans le cadre des contrats, n’excédant pas une durée de 5 ans, le réseau d’accès est construit, opéré et détenu par l’opérateur adjudicataire qui est contraint d’accorder un accès ouvert à tous les opérateurs et les prix de détails doivent être similaires à ceux observés en zones urbaines. Expériences européennes et internationales de PPP pour le backhaul et le réseau d’accès - Grèce (source : Commission Européenne, 2011) : Il concerne la construction d’un réseau backhaul et d’accès capable de couvrir 7,56% de la population totale grecque. Cette population a comme caractéristiques: i) d’être non connectée ; ii) de vivre dans des zones rurales montagneuses, à faible densité de population et isolées ; et d’être constituée à 50% d’individus de plus de 55 ans. Les zones d’habitation de cette population qui sont à couvrir par le réseau correspondent à 45% du territoire grec en termes de nombres de villages. La justification d’une aide de l’Etat est double : les zones sont délaissées par les opérateurs commerciaux ; ii) il s’agit de zones à couvrir pour la réalisation du plan national haut débit Européen (DAE). Le cout de construction total du réseau est de 250 millions d’euros. Il est entièrement supporté par la partie publique (Fonds national Grec de Développement rural (EARFD), Fonds national Grec de convergence digitale (ERDF), autres Fonds nationaux divers, Commission Européenne). Le réseau, finance publiquement, est la propriété de l’Etat à 100%. Le projet est attribué par l’Etat à un opérateur privé via Appel d’Offres (garantie de couverture et de cout). Les obligations de l’opérateur privé sont de fournir deux types de services : i) débit de 30Mbit/s pour au moins 45% de la population (surtout zones de +400 habitants) ; et ii) débit de 8Mbp/s dans autres zones rurales (option intermédiaire car les services sont voués à pass er en class A). L’opérateur privé est responsable de : i) la construction du réseau (sur fonds publics) mais aussi de ii) la gestion et iii) de l’opération du réseau (sur fonds privés). L’opérateur privé est uniquement autorisé à fournir des offres de gros aux opérateurs commerciaux. L’accès au réseau est ouvert et non discriminant et le prix d’accès payé par les opérateurs commerciaux est fixé et supervisé par le Régulateur. 71 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc D. Annexe 5. Les 6 principaux projets financés par le Fonds de Service Universel Remarques : - Selon le Compte d’Affectation Spéciale 3.1.0.0.1.04.005 – Programme Modificatif #1, année budgétaire 2016, document daté du 13 juin 2016 –, le FSU dispose d’un excèdent sur l’exercice précèdent de 2 523 063 103 MAD, de 300 millions de versement des opérateurs pour l’année 2016, et donc un total de 2 823 063 103 MAD à disposition (soit près de 288 millions de dollars USD). Le document autorise l’utilisation de 2 528 406 486 MAD pour les programmes existants et approuvés en 2016. - Le total des budgets relatifs aux différents programmes du FSU (voir tableau) est de 379,8 millions de dollars USD. Programmes Description Date de Budget Actions réalisées Commentaires lancement PACTE L’objectif du programme Fin 2006 1950 Le CGSUT a affecté la réalisation de ce Sensé se terminer en (programme PACTE est d’apporter l’a ccès à Millions programme aux opérateurs Itissalat Al-Maghrib, 2011, le programme a principal) la téléphonie et à Internet au de MAD Médi Telecom, Cimecom et Spacecom. En 2015, été prolongé jusqu’en niveau de 9 263 localités rurales (soit 201 l’ANRT indiquait que 9 8,2% des 9 263 localités 2013 puis jusqu’en (soit une population d’environ 2 million étaient couvertes (contre 90% en 2013). Dans les 2016. millions d’habitants), qualifiées d’ USD) localités restant à couvrir, il existe des difficultés, de zones blanches (zones non liées notamment à l’acquisition des terrains devant couvertes par les réseaux de héberger les pylônes et stations de base mis aussi télécommunications). à l’électrification. C’est l’opérateur Meditel qui a été chargé de couvrir les 565 localités rurales restantes via le déploiement d’un réseau mobile cellulaire de normes 2G et 3G, et ce dans un délai de deux (02) années, à compter de l’année 2014. Selon l’ANRT , 33 localités ne pourront pas être connectées en raison de contraintes géographiques et techniques. GENIE Le programme GENIE couvre Lancé 1038 Les principales réalisations du programme en Le projet GENIE est (programme près de 10.000 établissements début 2006 millions 2014 sont : prolongé. principal et scolaires répartis sur tout le et révisé en de MAD 1/ Infrastructures : 87 % des établissements déclinaison Royaume (en milieu urbain ou 2009 pour (soit 107 scolaires « urbains et ruraux » ont un opérationnelle suburbain) qui sont ou devront couvrir million environnement multimédia de base. de la stratégie être équipés en environnement jusqu’en d’USD), 2/ Formation des enseignants : 70 % (151 558) du pour la multimédia et connectés à 2013. dont 647 corps pédagogique est formé. généralisation Internet. 13000 écoles satellites, millions 3/ / Ressources numériques : 90 % des ressources des TIC dans en milieux rural, devront être de MAD numériques, conformes aux programmes l’enseignemen équipées en Valises Multimédia (soit scolaires, ont été acquises et distribuées. t public et connectées à l’internet. 66,7 4/ Développement des usages : 200 ateliers de (TICE) L’objectif est de réduire la millions proximité ont été organisés pour sensibiliser le fracture numérique territoriale. d’USD) corps pédagogique sur l’importance des TIC dans ont été l’éducation. Le programme se décline selon effective quatre axes : ment 1/ Infrastructures : Installation utilisés des environnements multimédia connectés à internet ; 2/ Formation des enseignants : plusieurs modules de formations sont prévus pour les inspecteurs, directeurs et enseignants ; 3/ Ressources numériques : acquisition des ressources numériques et création d’un laboratoire national des ressources numériques et d’un portail national TICE ; 4/ Développement des usages : assurer un bon accompagnement aux usagers. 72 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc NAFID@ Ce programme accorder une Lancé en 192 Au 31 décembre 2013, 150 000 adhérents avaient Programme terminé et (partie du subvention pour tout abonnement 2010 pour millions pu bénéficier de l’opération NAFID@. réalisé à 100%. programme au service Internet, au profit des une durée de MAD GENIE) adhérents de la Fondation de trois ans. (soit Mohammed VI pour la 19,7 promotion des Œuvres Sociales Le millions de l’éducation-Formation (FM6), programme d’USD) et ce pour une durée de trois ans. est terminé. Cette subvention, accordée à cent cinquante mille (150.000) adhérents au maximum a été fixée sur une période de trente- six mois, à hauteur de 40 DH/mois/adhérent. INJAZ Ce programme permet aux Lancé en 378 Fin 2014, le programme a permis de couvrir près INJAZ a été prolongé étudiants du second cycle 2009 via 4 millions de 106.000 bénéficiaires dont près de 18.000 au universitaire, inscrits dans les éditions de MAD titre de l’année universitaire 2013/2014, soit un cycles éligibles, de bénéficier (2009/10 ; (soit taux de satisfaction de près de 84% parmi les d’un abonnement annuel à 2010/11 ; 38,9 étudiants éligibles. Internet mobile et un ordinateur 2012/13 ; millions portable ou une tablette, 2013) d’USD) moyennant une subvention dont sous le montant global (connexion forme de Internet + station de travail) est subventi plafonné à 3600 DH par on bénéficiaire. E-SUP Ce programme vise à la n.d. 120 Aucune action n’a encore été réalisée car si les En cours de finalisation généralisation des TIC dans millions fonds du FSU ont été effectivement transférés au et sa réalisation effective l’enseignement supérieur à de MAD Ministère de l’Education ce dernier n’en a pour devrait être lancée en l’instar du programme GENIE (soit l’instant fait aucun usage. 2016. pour l’éducation nationale. 12,3 millions d’USD) sous forme de transfert au Ministèr e de l’Educati on Centres Il s'agit, de la création de 400 n.d. budget Fin 2014, 50 CAC étaient déjà déployés et Au regard des difficultés d’Accès CAC aux TIC. La 1ère phase de de majoritairement opérationnels ; 25 autres étaient opérationnelles Communautai ce programme a visé la mise en 8.8 en cours d’installation. La responsabilité de la rencontrées par les res (CAC) place de CAC dans des maisons million mise en place de la 1ère phase du programme a été opérateurs dans la mise de jeunes et des foyers de filles MAD attribuée aux opérateurs CIMeCOM et en œuvre de ce projet et pour l’accès à Internet et à la (soit 0,9 SpACeCOM, utilisant la technologie satellitaire du manque d’intérêt de téléphonie. million de type VSAT. la population pour ces d’USD) CAC, le CGSUT a décidé en 2013 de mettre fin au programme et de procéder à une évaluation d’impact du programme CAC, en vue d’une redéfinition précise, cohérente et pratique des modalités et conditions de sa mise en œuvre et de sa relance et ce dans le respect du budget alloué à ce projet. Note : au 14 juin 2016, l’ANRT n’a pas publié de rapport annuel pour 2015 à cause du délai de publication dans le Bulletin Officiel. Le taux de change USD-Dirham utilisé est de 9,7 dirhams pour 1 USD en mai 2016. Source : site web de l’ANRT (https://www.anrt.ma/missions/service-universel/), rapports annuels de l’ANRT 2013 et 2014, et autres informations non rendues publiques (relatives notamment au budget des programmes du FSU) fournies par l’ANRT à la Banque mondiale en juillet 2016. 73 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc E. Annexe 6. Aperçu de la gestion de la cybersécurité et de la surveillance électronique en France, Italie et Lituanie Avertissement : Cette annexe présente de manière très succincte les réponses des régulateurs français (ARCEP), italien (AGCOM) et lituanien (RRT) concernant la gestion de la cybersécurité et la surveillance électronique. Elle ne prétend pas effectuer une analyse approfondie sur le sujet. Par ailleurs, le lecteur pourra notamment se reporter aux documents suivants pour disposer d’éléments complémentaires sur le cadre législatif :  Cour européenne des droits de l’homme, Fiche thématique – Protection des données personnelles, juin 2016 ;  France, Assemblée Nationale, PROJET DE LOI relatif au renseignement – ETUDE D'IMPACT, 18 mars 2015 ;  UNESCO, Etude mondiale sur le respect de la vie privée sur l’internet et la liberté d’expression, 2013 ;  Parlement européen, RAPPORT PE 305.391/ A5-0264/2001 sur l'existence d'un système d'interception mondial des communications privées et économiques (système d'interception ECHELON) (2001/2098(INI)), 11 juillet 2011. France Italy Lithuania Le pays dispose-t-il Yes Oui, cf. Oui d’une Stratégie La “Digital Agenda of Lithuania” est Numérique? La France a instaurée un Agence http://www.agid.gov.it/agenda- disponible ici: du Numérique en charge de digitale/agenda-digitale-italiana https://www.e- l’élaboration et de tar.lt/portal/lt/legalAct/dbd546f0b04011e3 l’implémentation de la Stratégie 9a619f61bf81ad0a/GlVRcGMwtl (il et Numérique n’existe pas de version en anglais) http://www.agencedunumerique. gouv.fr/ http://www.sviluppoeconomico.gov. it/index.php/it/incentivi/impresa/gra ndi-progetti-di-ricerca-e-sviluppo Cette Stratégie Non, il existe d’autres stratégies Oui Oui couvre-t-elle le spécifiques Le haut-débit est aussi couvert par le haut-débit et le e- http://www.economie.gouv.fr/re “Lithuania’s New Generation Internet Gouvernement ? publique-numerique/projet-de- Access Development Plan”. loi-republique-numerique- adopte-par-cmp The Very High Broadband Plan http://www.francethd.fr/ Institutions en Agence du Numerique et Le Ministero dello Sviluppo Le Ministry of Transport and charge de la France Très haut débit Economico communications, appuyé par le Stratégie (les autres Ministères et le Information Society Development Numérique Le régulateur ARCEP appuie régulateur sont également consultés) Committee également l’implémentation de la stratégie et publie un rapport annuel à l’attention des décideurs publics (http://www.arcep.fr/index.php?i d=8571&tx_gsactualite_pi1%5B uid%5D=1827&L=1) 74 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Statut des Encadré par la Loi sur L’Article 266 et suivants du Code Encadré par la Loi sur les communications interceptions des la modernisation de de Procédure Pénal italien et d. lgs. électroniques de la République de Lituanie communications l‘économie (LME) 259/2003 encadre cette question. et le Code de procédure pénale. électroniques Selon la nature de l’infraction, Sur le principe, un différents services de police sont opérateur doit faire concernés pour mener et effectuer droit aux demandes les interceptions (Guardia di Les services de renseignements, les acteurs d’interception des Finanza, Polizia, Carabinieri). impliqués dans une enquête préliminaire, communications les procureurs, les tribunaux et les juges électroniques, doit L’interception est autorisée par un peuvent avoir accès aux réseaux de conserver les données juge pour des enquêtes télécommunications. Les opérateurs ont numériques entre préliminaires, à la requête du l'obligation de maintenir les équipements plusieurs mois et procureur. Pour des situations et les services nécessaires aux plusieurs années selon urgentes et lorsqu’il y a lieu de interceptions, et sont dédommagés par des la nature des données, considérer qu’un délai nuirait fonds publics. et doit bloquer l’accès à gravement à la conduite de certains sites en cas de l’enquête, le procureur peut requête judiciaire (cas ordonner la surveillance qui doit des sites faisant ensuite être approuvée dans les 48h l’apologie du par le juge en charge des enquêtes Le régulateur RRT veille à ce que les terrorisme). préliminaires. opérateurs et les fournisseurs de services de communications électroniques Le régulateur ARCEP remplissent leurs obligations qui peuvent n’a pas de rôle à jouer leur être imposées dans l'intérêt de la dans les interceptions, défense nationale, la sécurité nationale et Le terrorisme et le crime organisé mais peut s’assurer que le maintien de l'ordre public, ainsi que ont un statut différent (Decreto les opérateurs agissent dans les cas de circonstances Anti-terrorismo 21/4/2015), qui extraordinaires. En outre, RRT collabore bien en conformité avec prévoit des mesures spécifiques la loi et sont sur ces questions avec les Services de portant sur les communications dédommagés par l’Etat sécurité intérieure. électroniques : comme le prévoit la loi. Le régulateur est également formellement consulté sur des projets de loi • pas besoin d'une autorisation d'un touchant à ces juge pour intercepter des questions. communications dans le cadre d'une enquête sur le terrorisme; • obligation faite aux fournisseurs de services Internet et opérateurs de télécommunications de supprimer tout contenu numérique encourageant le terrorisme et la radicalisation; l'ordre a besoin d'un décret exécutif et est réalisée par l’agence Polizia Postale, qui peut confisquer tout l'équipement du fournisseur si la mesure n’est pas respectée dans les 48 heures. • L’usage d'outils numériques pour encourager le prosélytisme terroriste est durement sanctionné 75 Le haut débit : plateforme de l’économie numérique et enjeu critique pour le développement du Maroc Institutions en L’Agence Nationale de la Polizia Postale, un corps spécialisé RRT joue un rôle important en tant que charge de la Sécurité des Systèmes de la Police italienne, est en charge CERT-LT (Centre gouvernemental de cybercriminalité d’Information est en charge de la cybersécurité. veille, d'alerte et de réponse aux attaques d’assurer la Cybersécurité, et informatiques). dispose d’un CERT-FR (Centre Le régulateur télécom peut Le rôle du CERT-LT est d’assurer la gouvernemental de veille, éventuellement appuyer les activités cybersécurité et diffuser les informations d'alerte et de réponse aux de Polizia Postale mais n’a pas de pertinentes (cf. https://www.cert.lt/en/) attaques informatiques) rôle spécifique. Source : Réponses des régulateurs nationaux. 76