34207 Note sur la Microfinance N° 16, décembre 2003 Contribuer à améliorer l'efficacité de l'aide LA MICROASSURANCE: UNE STRATEGIEDEGESTIONDURISQUE dans le domaine de la microfinanceHelping to Improve Donor Plus de deux milliards de personne à travers le monde n'ont accès à aucune forme de couverture sociale formelle. Alors qu'ils sont le plus exposés au risque et au stress économiques, les pauvres composent la catégorie de personnes la moins susceptible de disposer d'une telle protection. Les moyens de remédier à cette situation requièrent l'intervention d'un large éventail d'intervenants: pouvoirs publics nationaux, instances locales, secteur privé et agences de développement. L'approche de la microassurance, qui fait l'objet de nombreux débats et travaux à l'heure actuelle, est l'un des nombreux services financiers utiles à la gestion du risque, tout comme les prêts d'urgence et les programmes d'épargne souple. Ce domaine prometteur mais encore inexploré devrait n'être approché qu'avec discernement par les agences de bailleurs de fonds. Quels sont les risques que doivent affronter les pauvres? Les pauvres sont confrontés aux mêmes risques que les non pauvres, mais ces risques ont un impact financier plus important, et se produisent à une fréquence plus importante, dans leur cas. En outre, la vulnérabilité des pauvres est encore exacerbée par chaque nouvelle perte, résultant en un cercle vicieux apte à prévenir toute amélioration durable de leur bien-être, en termes humains et économiques. Les principaux risques comprennent la mort, la maladie ou les accidents, la perte de biens matériels (par le vol ou l'incendie) et les catastrophes naturelles (séismes, sécheresse). Comment les pauvres peuvent-ils se protéger du risque? La plupart des pauvres exercent leur propre gestion du risque. Un grand nombre d'entre eux s'appuient sur divers mécanismes informels (épargne en liquide, acquisition de biens, tontines, ou prêteurs sur gage) pour se prémunir contre les risques liés au décès ou à la maladie d'un membre contribuant au revenu de la famille, ou à la perte de bétail. Rares sont les ménages à faible revenu qui ont accès à des régimes formels d'assurance offrant de couvrir de tels risques. Prévention et élimination du risque. Lorsqu'ils le peuvent, les pauvres évitent et/ou s'efforcent de réduire leur risque, le plus souvent par des méthodes non-financières. Les mesures préventives liées à l'hygiène offrent par exemple un moyen non financier de réduire le risque de contamination, notamment pour les jeunes enfants. L'utilisation de réseaux familiaux pour identifier les opportunités professionnelles représente un autre mécanisme. La nécessité absolue d'éviter le risque impose souvent un caractère de prudence au processus de prise de décision chez les pauvres, notamment en ce qui concerne les projets professionnels. Préparation. Les pauvres épargnent, accumulent des biens (bétail par exemple), souscrivent une assurance et apprennent à leurs enfants à gérer les risques à venir. Pour certains risques, des systèmes communautaires informels (tels que les sociétés de funérailles du Ghana) offrent une protection. Ces systèmes ne fournissent pas une protection suffisante à l'encontre des risques les plus coûteux et les plus imprévisibles : maladie d'un membre contribuant au revenu de la famille. Les produits d'assurance formels commencent à être introduits auprès des marchés à faible revenu, sous forme d'assurance-crédit simple par exemple (destinée à rembourser le solde restant à payer en cas de décès de l'emprunteur), mais la conception de ces produits d'assurance semble parfois répondre au désir d'assurer la protection de l'institution de crédit plus que celle de ses clients. Gérer le risque après coup. Les stratégies de gestion du risque a posteriori peuvent déboucher sur des mesures dictées par le désespoir, accroissant encore la vulnérabilité des ménages pauvres face aux risques à venir. Confrontés à une situation de crise, les pauvres peuvent décider de souscrire un emprunt d'urgence auprès d'un prêteur sur gage, d'une institution de microfinance (IMF) et/ou de banques. Ils peuvent également liquider leurs économies, vendre des biens de production, cesser de rembourser leurs prêts, et/ou réduire leurs dépenses alimentaires ou éducatives. Qu'est-ce que la microassurance? La microassurance assure la protection des personnes à faible revenu pour des risques spécifiques, en échange de versements financiers réguliers (primes d'assurance) proportionnels à la probabilité et au coût du risque considéré. Comme c'est le cas pour toutes les assurances, la mise en commun des risques permet à un grand nombre d'individus ou de groupes de partager les coûts liés à un risque particulier. Pour être utile aux pauvres, la microassurance doit satisfaire leurs besoins primordiaux en matière de couverture du risque (selon les marchés, il peut s'agir d'assurance médicale, automobile ou décès), être facilement compréhensible et d'un coût abordable. Quelles difficultés peuvent-elles se présenter si l'on veut offrir des prestations d'assurance aux pauvres? Les régimes de microassurance en place qui vont au-delà de la simple assurance-décès liée à un prêt n'atteignent que difficilement la rentabilité. Les prestataires--qu'il s'agisse d'instances publiques, de sociétés d'épargne et de crédit, d'assureurs du secteur privé ou d'autres établissements financiers tels que des IMF--sont confrontés aux difficultés suivantes: CGAP 1818 H Street, N.W. Washington, DC 20433, États-Unis Tél: (1) 202 473 9594 Fax: (1) 202 522 3744 E-mail: cgap@worldbank.org Web: www.cgap.org Bureau européen du CGAP c/o La Banque mondiale 66, avenue d'Iena 75116 Paris FRANCE Complexité relative de différents Spécialisation technique. L'activité d'assurance nécessite des capacités produits d'assurance actuarielles spécialisées pour chiffrer mathématiquement la valeur monétaire des risques futurs. L'analyse actuarielle de la microassurance est COMPLEXITÉ ÉLEVÉE encore compliquée par la volatilité des demandes de remboursement et Assurance cultures l'absence de données fiables au sujet des marchés informels à faible Assurance médicale/invalidité revenu. Alors que l'expertise actuarielle réside le plus souvent au sein Rentes et fonds de dotation d'une catégorie particulière d'institution (les assureurs professionnels), les (financement retraites) réseaux de distribution accessibles à la clientèle pauvre sont administrés Assurance sur les biens par une autre catégorie (IMF ou ONG). Assurance décès (paiement aux bénéficiaires Marketing et ventes. La plupart des pauvres ne comprennent pas les en cas de décès) mécanismes d'assurance ou ont même des préjugés à leur encontre. Assurance décès liée à un prêt Beaucoup hésitent à verser des primes d'assurance pour un bénéfice futur (emprunt soldé en cas de décès si le sinistre, objet de l'assurance, peut ne pas se produire. Il est long et de l'emprunteur) coûteux de faire connaître la valeur du concept d'assurance. En outre, le FAIBLE COMPLEXITÉ style des polices d'assurance est souvent trop compliqué pour les pauvres, en raison de leur analphabétisme fréquent. Réseaux de distribution. La microassurance nécessite un système de distribution qui puisse traiter efficacement des opérations de faible montant à partir de points d'accès commodes, tout en inspirant confiance. Ce type de système est difficile à trouver et la création en est coûteuse et souvent inefficace. En Afrique de l'Est, la compagnie d'assurance American Insurance Group (AIG) a formé des partenariats avec plusieurs institutions de microfinance afin de parer à ces trois obstacles. Quelles tactiques sont-elles conseillées ou déconseillées pour les bailleurs de fonds? À l'heure actuelle il est plus important que les bailleurs mettent à profit leur capacité à faciliter les rapports entre les différents acteurs du marché et à diffuser les connaissances au sujet de la microassurance que d'assurer le financement de programmes spécifiques. Les bailleurs de fonds devraient... Les bailleurs de fonds ne devraient pas · Étudier soigneusement les demandes formulées par la clientèle, ainsi que · Faire pression sur les institutions la gamme complète des services financiers de gestion du risque avant de pour qu'elles offrent des prestations décider que l'assurance représente une réponse appropriée. de microassurance: la demande · Encourager les assureurs commerciaux à s'adresser à la clientèle pauvre devrait venir des clients et non des en servant d'intermédiaire avec des réseaux de distribution tels ceux des bailleurs de fonds. IMF. · Financer de nouveaux prestataires · Collaborer uniquement avec des institutions solides (assureurs et IMF) et de microassurance dont la capacité effectuer une analyse détaillée de leur capacité à administrer des produits technique serait insuffisante. de microassurance. · Fournir des concours destinés à · Coordonner leurs efforts de microassurance avec d'autres donateurs, des couvrir les coûts liés aux demandes assureurs du secteur privé et les pouvoirs publics. de remboursement (de telles · Incorporer une expertise technique à leurs opérations de microassurance subventions incitent les micro- et adopter une approche à long terme (plusieurs années), tout en assureurs à subventionner les primes définissant une stratégie précise et une période finie d'action. d'assurance, pratique contraire à la · Éviter d'apporter leur soutien à des régimes d'assurance non réglementés, pérennité). caractérisés par un manque d'expertise, d'accès à la réassurance · Essayer de faire pression sur les (assurance pour les assureurs), ou de contrôle assurant la protection des pouvoirs publics alors que consommateurs. l'expérience en matière de · Assurer un suivi attentif des résultats des partenaires de microassurance. microassurance est encore incomplète. · Consacrer un certain investissement à éduquer les pauvres au sujet des avantages de l'assurance · Offrir l'accès à une assistance technique pour les problèmes techniques. Auteurs: Alexia Latortue, avec la participation de Monique Cohen, Michael J. McCord, Craig Churchill et l'équipe du CGAP. Sources: Groupe de travail du CGAP sur la Microassurance: « Donor Guidelines for Funding Microinsurance », Genève, 2003; CGAP Working Group on Microinsurance: « Preliminary Donor Guidelines for Supporting Microinsuranc » (Washington, 2003); C. Churchill, D. Liber, M. J. McCord et J. Roth : « Making Microinsurance Work for Microfinance Institutions: A Technical Guide to Developing and Delivering Microinsurance » (Genève: OIT, 2003) ; W. Brown et C. Churchill: « Quelles leçons tirer des premières experiences de microassurance? » (Dialogue, 2004); M. Cohen et J. Sebstad: « Faire de la microassurance une solution efficace pour les clients » (Microinsurance Center, 2003) ; M. Cohen et J. Sebstad: «Comment les personnes en situation de pauvreté gèrent-elles le risque?» (Microinsurance Center, 2003). Sites internet: Centre pour la microassurance: www.microinsurancecentre.org; Focus sur la microassurance: www.microfinancegateway.org/section/resource centers/microinsurance. Contact du CGAP: helpdesk@cgapdirect.org Centre d'information du CGAP pour les bailleurs de fonds (DIRECT)--www.cgap.org/direct www.lamicrofinance.org