1 Notes didactiques L'histoire de Maurice est l'histoire fascinante d'un petit pays pauvre qui a réussi à améliorer nettement le niveau de vie de sa population en s'intégrant à l'économie mondiale. Cette étude de cas a été établie spécifiquement à l'intention des non économistes et en particulier des leaders syndicaux. Elle devrait les intéresser particulièrement du fait du rôle éminent joué par un dirigeant syndical (Paul Bérenger) et de l'importance des questions liées à la main-d'oeuvre (chômage et salaires), mais elle devrait également être utile aux économistes, en particulier du fait des informations supplémentaires qu'elle contient de même que les tableaux joints en annexe. L'histoire de Maurice est avant tout liée à la promotion des exportations et aux investissements étrangers et secondairement à la notion plus complexe d'une saine gestion macroéconomique. Cependant, c'est aussi l'histoire intéressante d'un ajustement structurel réussi. À ce double titre, elle est particulièrement instructive, car elle a pour cadre une société caractérisée par une grande diversité ethnique, une démocratie très vivante et un mouvement syndical dynamique. Elle diffère ainsi de celle de nombreux pays d'Asie auxquels on se réfère si souvent pour en tirer des enseignements similaires, et qui sont si souvent rejetées par d'autres (notamment en Afrique) précisément pour cette raison. La ZFI a contribué de façon essentielle à la croissance remarquable enregistrée par Maurice dans les années 70 et 80, mais il ne s'agit pas ici de faire l'apologie d'une stratégie de développement fondée sur les ZFI. C'est là une question quelque peu différente qui est largement débattue. Il apparaît que ce modèle de croissance a donné de bons résultats à Maurice dans certaines conditions très précises que l'on peut retrouver -- mais pas nécessairement -- dans d'autres pays. On peut même imaginer qu'une autre politique ou une ouverture plus générale au commerce non limitée aux entreprises de la ZFI auraient pu donner de meilleurs résultats. Pour les travailleurs en particulier, il sera important d'admettre que certaines des politiques du travail adoptées durant les premières années d'existence de la ZFI ont été probablement excessives et superflues et que les syndicats ont joué un rôle important en faisant connaître ces abus, ce qui a permis de les atténuer. Il ne s'agit pas non plus ici de justifier les prêts d'ajustement de la Banque mondiale/FMI. Nous n'entrerons pas dans le détail des divers prêts accordés et nous n'examinerons pas non plus dans quelle mesure leurs conditions ont éventuellement pu contribuer au retournement de l'activité économique. Maurice est effectivement devenu le seul pays africain à avoir réussi à mener à bien son programme d'ajustement structurel durant les années 80. Le second prêt d'ajustement que lui a accordé la Banque mondiale (1983) a été le dernier de ce type, ce qui a également été le cas de son sixième accord de politique macroéconomique avec le FMI (1985). Cette même année, le compte des opérations courantes de Maurice a été excédentaire. Le cas de ce pays donne un certain espoir à ceux qui estiment qu'on n'en a jamais fini avec le processus d'ajustement. 2 Il n'est cependant pas facile de déterminer dans quelle mesure le succès de Maurice a été dû aux conseils des institutions de Bretton Woods et nous ne prononcerons pas sur ce point. Les dirigeants mauriciens ont compris la nécessité de l'ajustement et joué un rôle majeur dans la conception du programme. Dans ce contexte, le gouvernement s'est opposé à plusieurs mesures proposées par les prêteurs. Les subventions du riz et de la farine ont été réduites mais non supprimées, la réforme des entreprises parapubliques a été très lente et un accord sur la rationalisation de la structure globale des tarifs douaniers n'a été conclu qu'en 1987. La présente étude de cas a pour but d'aider les participants à comprendre l'un des rares exemples positifs de croissance économique soutenue observés en Afrique, et à déterminer certains des enseignements plus généraux que l'on peut en tirer. Le problème tient au fait que la croissance économique est liée à de nombreux facteurs qui évoluent dans le temps. Il est difficile de se concentrer sur quelques thèmes clés sans tomber dans des simplifications excessives. Le problème est encore plus complexe lorsqu'on examine une étude de cas, que l'instructeur ne peut mener qu'indirectement le débat et qu'il a affaire à une vaste gamme d'observations et de questions. Une des raisons pour lesquelles Maurice a été choisie tient tout d'abord au fait que l'économie de ce pays est relativement simple. Bien que nous ayons simplifié nous-mêmes la situation en rédigeant la présente étude de cas, celle-ci fournit cependant toutes sortes de renseignements détaillés sur la société et la politique économique de Maurice. Il importera de ne pas perdre de vue les observations clés qui seront faites et de les examiner le plus rapidement possible. Les exportations, élément clé des secteurs de pointe Bien qu'elle puisse en principe être utilisée à plusieurs fins différentes, la présente étude de cas a été conçue pour amener le lecteur à réfléchir tout d'abord à la question de savoir quels sont les secteurs à l'origine de la croissance d'une économie. Quelques secteurs «de pointe » jouent généralement un rôle moteur dans l'économie à quelque moment que ce soit et dans une petite économie, ce sont nécessairement ceux qui ont un potentiel d'exportation considérable. Il est important pour les décideurs d'offrir un environnement propice au développement de ces secteurs clés en évitant de faire obstacle à leur expansion et en leur offrant éventuellement certaines incitations. Les étudiants/participants utilisant la présente étude de cas devraient reconnaître que le marché mauricien est trop exigu pour générer en lui-même une forte demande de bien et de services. Il doit exploiter les possibilités offertes par le vaste marché mondial, avec toutes les ressources à sa disposition. L'avantage qu'il y a à utiliser le cas de Maurice tient à ce qu'il devrait apparaître assez clairement qu'il n'existe que trois options fondamentales, à savoir le sucre, le tourisme et les exportations de produits manufacturés à forte intensité de main-d'oeuvre. En outre, la période couverte par la présente étude de cas offre tout au moins une première indication des avantages considérables que l'on peut tirer de l'intégration très poussée de l'économie mauricienne à l'économie mondiale. 3 Il faut ensuite faire ressortir le fait que le secteur de sucre a rempli sa mission et qu'on ne peut attendre de lui qu'il contribue encore beaucoup à la croissance. Des gains d'efficacité sont encore possibles dans ce secteur, mais dans une certaine mesure seulement. Il reste donc les exportations de produits manufacturés et le tourisme, candidats les plus probables au rôle de moteur de la croissance 20. Mais quels sont les obstacles à une expansion continue de ces secteurs ? Obstacles à la promotion des exportations et à l'investissement étranger La situation du marché international est certainement importante, particulièrement à l'époque sur laquelle porte la présente étude de cas (1982), date à laquelle l'économie mondiale est encore en proie à l'une des plus longues récessions enregistrées depuis la deuxième guerre mondiale. L'importance de ces chocs extérieurs ne doit pas être sous-estimée et il faut reconnaître que ceux-ci prennent de l'importance proportionnellement au degré d'intégration d'un pays. Mais l'économie mondiale se redresse toujours et en tout état de cause, un petit pays ne peut pas faire grand chose face aux chocs extérieurs. Il est donc rationnel de concentrer son attention sur les facteurs sur lesquels un gouvernement a prise et qui relèvent de la politique économique intérieure. 4 La question qui se pose alors est la suivante : « Que doit faire le gouvernement pour permettre une reprise dans ces deux secteurs ? » Il s'agit tout simplement de promouvoir l'investissement dans les usines et la capacité hôtelière. Plus précisément, la solution consiste à attirer davantage d'investissements étrangers. Les chefs d'entreprise mauriciens et les capitaux locaux provenant du secteur sucrier ont joué un rôle majeur, mais ils nécessitent les compétences techniques et commerciales de partenaires étrangers, ainsi que leurs capitaux pour assurer une expansion plus poussée de ces secteurs compétitifs. En tout état de cause, les investisseurs aussi bien mauriciens qu'étrangers devront remplir deux conditions critiques si l'on souhaite les attirer en plus grand nombre : · Une saine gestion macroéconomique : Les investisseurs ont besoin d'un cadre de politique générale à la fois favorable et stable. À la fin des années 70, la qualité de la gestion économique de Maurice semblait laisser beaucoup à désirer. Maurice avait laissé son taux d'inflation et son déficit budgétaire atteindre des niveaux dangereux, ce qui est de mauvais augure quant au coût des intrants (particulièrement la main-d'oeuvre), et aux taux d'intérêt (pour les prêts internes) et d'imposition. Le changement de gouvernement intervenu en 1982 et la nouvelle orientation vers des solutions «radicales » et inédites n'ont fait qu'aggraver la situation en laissant redouter une accélération des dépenses publiques et en rendant plus difficiles des prédictions quant à l'orientation de la politique future. Les investisseurs détestent parfois l'incertitude plus encore qu'une politique médiocre. Le fait que le gouvernement mauricien ait entrepris de poursuivre le programme de réforme engagé par son prédécesseur a montré clairement que Maurice était un bon endroit où investir. · Prix compétitifs : Les exportateurs (et dans une moindre mesure les hôteliers) dépendent particulièrement de deux prix clés pour devenir compétitifs ou le rester : les taux de change et le coût de la main-d'oeuvre. Du fait des pressions inflationnistes et de l'augmentation de déficit de la balance des paiements, il devient plus difficile de maintenir un taux de change approprié, en particulier si une dévaluation régulière n'est pas jugée réaliste d'un point de vue politique. Maurice a évité un taux de change surévalué grâce à deux dévaluations et à l'adoption d'une nouvelle politique de taux de change flexible, ce qui a permis une dépréciation progressive de la monnaie entre 1982 et 1986 (voir tableau 6). Mais un problème plus difficile à résoudre pour le nouveau gouvernement semble être la nécessité de préserver un taux de salaire réaliste pour assurer l'équilibre budgétaire, créer des emplois et également assurer la compétitivité internationale de Maurice. Cela est particulièrement important pour la ZFI. Les augmentations de salaires de l'année 70 se sont révélées prématurées et se sont faites au détriment de la création d'emplois, tout en contribuant au déficit des finances publiques. En maîtrisant les augmentations de salaires 5 entre 1982 et 1986, Maurice est parvenue à éliminer le chômage et à offrir des emplois aux femmes qui jusque là, ne travaillaient généralement pas dans le secteur structurel. Ces questions soulèvent certains problèmes pour des non économistes, quoique le dernier point concernant les salaires doive en principe être clair, même s'il est sujet à controverse, en particulier pour des syndicalistes. Autres facteurs D'autres facteurs ont naturellement contribué au succès de la ZFI et du tourisme et par conséquent, du processus d'ajustement. Certains sont mentionnés brièvement dans l'étude de cas. Ils pourraient être examinés en fonction de l'instructeur et de l'intérêt des participants : · Éducation : La main-d'oeuvre mauricienne est relativement instruite. Le taux de scolarisation dans le primaire était déjà de 100 % en 1965 alors qu'il n'atteignait pas 80 % dans les autres pays à revenu intermédiaire (tranche inférieure). Il n'était en moyenne que de 74 % en 1992 dans les pays à faible revenu (en dehors des Indes et de la Chine). Pour exporter avec succès certains produits manufacturés, on n'a pas nécessairement besoin d'une main-d'oeuvre qualifiée mais d'une main-d'oeuvre ayant cependant un minimum d'instruction. · Secteur privé interne : Les chefs d'entreprise locaux et l'épargne interne ont facilité le démarrage de la ZFI et préservé sa dynamique en fournissant des ressources et partenaires locaux aux investisseurs étrangers qui hésitent souvent à assumer eux-mêmes tous les risques. Environ 60% de l'ensemble des investissements étaient d'origine locale. On trouvait également sur place des cadres hautement qualifiés tels que les avocats et les comptables nécessaires pour faciliter l'activité d'une entreprise. Enfin, une forte participation locale a aidé à renforcer le soutien interne apporté à la stratégie ZFI. On reproche souvent aux zones franches industrielles de profiter essentiellement aux étrangers. · Accords sur le commerce international : Maurice a accès en franchise à la CEE pour les exportations de sa ZFI conformément à la Convention de Lomé (et auparavant, à la Convention de Yaoundé). C'est là un avantage dont ne jouissaient pas la plupart de ses concurrents d'Asie de l'Est et que d'autres pays membres du groupe des ACP (Afrique, Caraïbes et Pacifique) n'ont pas pu exploiter. En outre, Maurice a tiré indirectement parti de la politique des États-Unis consistant à appliquer des quotas chaque fois que les importations d'un pays donné représentaient plus de 1 % de la production américaine totale. En tant que nouvel arrivant et acteur relativement modeste, Maurice a rarement atteint ce plafond de 1 %. C'est ainsi que les investisseurs de Hong Kong ont été attirés à Maurice du fait que ce pays jouissait de conditions d'accès favorable aux marchés aussi bien de la CEE que des États-Unis, et également en raison de la présence d'une population chinoise et de la stabilité de son environnement macroéconomique. 6 Maurice a également été protégée pour une large part de la baisse des cours du sucre après 1975 par les dispositions qui lui étaient applicables en vertu de la convention de Lomé, et grâce à la clairvoyance dont elle a fait preuve en assurant aux pays du groupe ACP une large part de l'ensemble des quotas de la CEE (38 %). Durant la période clé des réformes des années 1980-86, les cours du sucre de la CEE ont été en moyenne supérieurs de 54 % à ceux du marché libre. Cela a aidé à dégager des ressources internes considérables pour les investir dans la ZFI, et également à assurer à l'État un niveau soutenu de recettes fiscales. · Déséquilibre initial : Le gouvernement s'est employé à corriger les distorsions qui sont apparues dans l'économie, quoique celles-ci aient été relativement limitées. Le taux de croissance économique était encore de 5,8 % par an en 1978-79, lorsqu'a débuté le programme de stabilisation. La forte contraction de l'économie en 1980 a été due à des conditions climatiques exceptionnelles et non à une mauvaise gestion économique. Le secteur public était vaste, mais il n'éclipsait pas le secteur privé, tout en conservant une capacité remarquable à exécuter des réformes et d'autres programmes. Le taux de change n'est jamais devenu fortement surévalué et la dette extérieure n'était pas excessive. Il est naturellement plus facile de procéder à un ajustement et de relancer la croissance dans de telles conditions. · Institutions : Il a été récemment reconnu que la capacité institutionnelle d'un pays influait beaucoup sur sa capacité de développement et d'ajustement à l'évolution de la situation. Maurice se caractérise traditionnellement par une démocratie, une liberté d'expression et une indépendance du pouvoir judiciaire qui ont été menacées par l'état d'urgence mais jamais détruites. La corruption ne posait pas de problème majeur. Sans être particulièrement solide, la fonction publique disposait de moyens considérables au plus haut niveau pour concevoir et exécuter une politique. Elle a donc été en mesure de s'atteler au processus d'ajustement en rejetant les conseils considérés comme inappropriés mais en ayant la maîtrise du programme une fois celui-ci définitivement mis au point. Le facteur chance Enfin, il faut signaler le rôle du «facteur chance » qui peut inclure aussi bien les changements intervenus dans l'environnement extérieur que les chocs locaux sur lesquels le gouvernement n'a pas prise, tels que ceux qui sont liés aux intempéries. Il est important de distinguer l'effet de la chance de celui de la politique suivie, et la présente étude de cas se prête bien à ce distinguo. Ce thème peut être particulièrement utile pour un public composé d'économistes étant donné la difficulté qu'il y a à faire un tri entre les divers facteurs qui entrent en jeu, mais l'instructeur devrait être prêt à s'attaquer à ce problème avec un groupe quel qu'il soit. Il faut souligner que les problèmes de Maurice n'ont pas été dus seulement aux cyclones de 1979/80 et que le redressement de l'économie n'a pas uniquement pour origine la déclaration de Hong Kong de 1984. 7 Au niveau local, le «facteur malchance » a été constitué essentiellement par les cyclones. Ceux-ci se sont produits précisément au moment où le programme de stabilisation démarrait et ils ont allongé et compliqué le processus d'ajustement. Les cyclones de 1975 expliquent également le faible taux de croissance enregistré cette même année. On peut également imputer à la malchance la date des élections (1982). Les hauts responsables de l'économie ont été soumis aux pressions habituelles visant à accroître les dépenses et/ou réduire les impôts avant les élections, alors que le changement de gouvernement intervenu par la suite a privé Maurice de la continuité qui a aidé d'autres pays à se sortir d'une mauvaise passe. Les élections ont sans aucun doute contribué à l'attentisme des investisseurs. Pour une économie exiguë et ouverte, l'environnement international constitue le principal facteur de chance ou de malchance et Maurice ne fait pas exception à cette règle. La longue récession qu'ont connue les pays industrialisés entre 1980 et 1983 n'a fait que compliquer l'effort d'ajustement en réduisant la demande dans le secteur du tourisme et l'intérêt des investisseurs. Il convient donc de noter que Maurice a eu sa part de malchance durant la période d'ajustement mais que le pays a surmonté ses épreuves. Le déficit budgétaire était en voie d'être réduit et le taux de change nominal avait été dévalué avant que les bonnes nouvelles ne parviennent de Hong Kong. Cette période s'est caractérisée non seulement par la malchance, mais aussi par la bonne politique suivie. D'autre part, la flambée des cours du sucre de 1974-75 a fortement contribué au boom économique du milieu des années 70. Il faut cependant noter que l'économie connaissait déjà une expansion considérable en 1972-73 du fait de la promotion de la ZEP et du tourisme, à quoi s'ajoutait une saine politique budgétaire. En outre, le boom du sucre a été quelque peu atténué par le premier choc pétrolier, la récession internationale, et les cyclones de 1975. Cette récession n'a heureusement été que de courte durée. Cette période s'est caractérisée par une certaine chance et par la mise en oeuvre d'une bonne politique économique (en dehors de tout jugement sur la proclamation de l'état d'urgence). La période 1977-79 s'est caractérisée par une troisième combinaison de facteurs. Les problèmes qui apparaissaient n'étaient pas vraiment dus à des événements internationaux. Le cours du sucre a effectivement baissé mais l'accord avec la CEE a très certainement été un coup de chance car il a maintenu les cours très au-dessus des niveaux records de 1968-72. Dans l'intervalle, l'économie internationale se redressait après la récession de 1975. Durant cette période, l'aggravation de la politique suivie a été quelque peu masquée par une certaine chance. En conséquence, le taux de croissance du PIB est resté respectable (6.6 % par an) et le gouvernement a hésité à entreprendre les réformes qui s'imposaient. Enfin, en 1984, la chance combinée à l'application d'une bonne politique a permis à Maurice de sortir de la crise. La Chine et le Royaume Uni ont annoncé leur décision à Hong Kong et il s'est trouvé que Maurice disposait d'une petite communauté de chefs d'entreprise chinois désireux d'exporter des vêtements et des textiles. Il existait bien d'autres emplacements potentiels mais Maurice avait corrigé ses politiques macroéconomiques et salariales juste à temps pour saisir cette 8 opportunité. La situation a commencé à s'améliorer au moment où l'économie mondiale sortait finalement de la récession, ce à quoi s'est ajoutée la baisse du prix du pétrole en 1985. En bref, il peut être utile d'établir la matrice suivante sur les différentes périodes qui distinguent les performances économiques de Maurice entre 1972 et 1988. Il convient de noter comment le taux de croissance du PIB a évolué pendant chaque période. 9 Rôles respectifs de la politique suivie et de la chance Chance Malchance Bonne politique 1972-1974, 1976 1975,81-83 Croissance du PIB : Croissance du PIB : 10.6 % par an 3.4 % par an · hausse du cours du sucre · cyclones (75), · promotion de la ZFI et du récession mondiale et tourisme chocs pétroliers · saine politique 1984-88 budgétaire (75) · stabilisation et Croissance du PIB : modération des salaires 7.8 % par an (80-82) · bonne santé de l'économie mondiale et décision de Hong Kong · saine politique budgétaire et incitations aux investissements étrangers Mauvaise politique 1977-79 1980 Croissance du PIB : Croissance du PIB : 6.6 % par an -9.3 % par an · bonne santé de · cyclones, chocs l'économie mondiale et pétroliers et récession cours du sucre stables et mondiale satisfaisants · poursuite des · augmentation des déficits mauvaises politiques budgétaires et laxisme en héritées du passé matière salariale 10 Notes didactiques : Deuxième Partie En ce qui concerne la poursuite de la croissance à Maurice, la situation est encore mouvante, de telle sorte que l'on ne peut encore donner la «bonne réponse ». Les autorités mauriciennes ont cependant défini une vision de l'avenir qui paraît rationnelle dans l'ensemble. Elle est fondée sur une plus grande efficacité au niveau des sources de croissance traditionnelles, et également sur le développement de nouveaux secteurs manufacturiers, de la production agricole non-sucrière et des services financiers et maritimes régionaux. Mais comment cet objectif peut-il être effectivement réalisé ? D'où viendront les ressources ? On peut, par exemple, libérer des ressources en terres et en main-d'oeuvre dans les secteurs d'activité où elles sont sous-utilisées pour les réorienter vers des activités plus rentables. Une autre solution consiste à améliorer les compétences et les technologies. Dans le contexte de Maurice, cela pourrait consister à : · Utiliser différemment les terres : certaines des terres sur lesquelles on pratique la culture de la canne à sucre seraient probablement plus rentables si elles étaient consacrées à des produits agricoles exportés de grande valeur tels que les fleurs ou les fruits exotiques. Cette réorientation a commencé à petite échelle. Le pays maximiserait la rentabilité de ses plages et autres attractions touristiques s'il restait fidèle à la politique officielle du gouvernement qui est de se concentrer sur le tourisme haut de gamme. · Redéployer la main-d'oeuvre : Il existe tout aussi bien dans le secteur sucrier que dans les services publics une main-d'oeuvre excédentaire qui pourrait être utilisée plus efficacement dans les secteurs existants tels quels la ZFI et le tourisme. Il faut toutefois modifier le système d'incitations (en particulier les salaires) pour favoriser la mobilité de la main-d'oeuvre. · Améliorer les compétences de la main-d'oeuvre : Il faut investir davantage dans la main- d'oeuvre. En 1992, le taux d'inscription n'était encore que de 54 % dans le secondaire et de 2 % dans l'enseignement tertiaire (compte non tenu des personnes faisant des études à l'étranger). Ce dernier chiffre est nettement inférieur à ceux qu'on enregistre dans d'autres pays au niveau de revenu comparable. Dans l'enseignement supérieur, les disciplines scientifiques et la formation technologique laissent particulièrement à désirer. · Moderniser les équipements : La ZFI a fait appel à des technologies relativement simples qu'elle n'a guère transférées à d'autres secteurs. Le faible niveau de compétence technique a freiné à la fois la modernisation des industries traditionnelles de la ZFI et l'introduction de nouvelles activités de haute technicité. · Accroître les capitaux : L'économie nécessitera des capitaux considérables pour financer les investissements nécessaires en ressources physiques et humaines. Une partie de ces capitaux pourra être empruntée à l'extérieur mais il sera important de parvenir simultanément à un taux 11 d'épargne intérieure brute plus élevé pour éviter des problèmes d'investissement à l'avenir. Le taux d'épargne intérieure brute en 1991-93 a été de 27 % et il a été assuré en quasi-totalité (à 2.5 % près) par le secteur privé. Il s'agit là d'une performance satisfaisante qui doit être poursuivie ou même améliorée, en particulier grâce à un effort accru de la part du secteur public. Les économies asiatiques très performantes sont généralement parvenues à des niveaux d'épargne supérieurs à 30 % dans les années 1980.