COMITÉ DU DÉVELOPPEMENT (Comité ministériel conjoint des Conseils des Gouverneurs de la Banque et du Fonds sur le Transfert de ressources réelles aux pays en développement) Une centaine réunion Washington, DC – 19 octobre 2019 DC/S/2019-0056(F) 19 octobre 2019 Déclaration Écrite de Monsieur Alamine Ousmane Mey Ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire du Cameroun Au nom des Pays Africains du Groupe II Déclaration Écrite de Monsieur Alamine Ousmane Mey Ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire du Cameroun Au Nom des Pays Africains du Groupe II 100e réunion du Comité du développement 19 octobre 2019 Washington, D.C. La présente déclaration écrite, au nom des pays africains du groupe II, porte sur les quatre sujets à l’ordre du jour du Comité du développement, à savoir : (1) le Rapport sur le développement dans le monde 2020 – Le commerce international au service du développement à l’ère des chaînes de valeur mondiales ; (2) le Projet de capital humain : Rapport d’étape ; (3) Emplois et transformation économique – Facteurs, implications politiques et soutien du Groupe de la Banque mondiale ; et (4) la Revue du système des droits de vote de l’IDA : Rapport aux Gouverneurs. Rapport sur le Développement dans le Monde 2020 – Le Commerce International au Service du Développement à l’Ere des Chaînes de Valeur Mondiales Nous félicitons le Groupe de la Banque Mondiale (GBM) pour le lancement de son nouveau Rapport sur le Développement dans le Monde (RDM) consacré aux chaînes de valeur mondiales (CVM) et aux nouveaux enjeux du commerce. Nous remercions l’équipe de la banque mondiale pour avoir produit un document complet et convaincant sur un sujet pertinent et opportun qui nous aide à comprendre s’il existe encore une voie vers le développement par le biais des CVM. Nous nous félicitons du message principal selon lequel la participation d’un pays aux CVM dépend non seulement de la dotation naturelle du pays mais aussi des choix politiques qu’il fait. Plus spécifiquement, les fondamentaux tels que les dotations, la géographie, la taille du marché et la qualité institutionnelle importent, mais ne dictent pas le destin. Les politiques et réformes nationales jouent un rôle crucial, notamment en attirant les investissements directs étrangers (IDE), en améliorant la connectivité et en libéralisant les échanges intérieurs, ainsi qu'en promouvant les accords de libéralisation bilatéraux ou régionaux. Nous notons également que les CVM accélèrent la croissance de la productivité et des revenus, tout en créant des emplois, en augmentant la participation des femmes et en réduisant la pauvreté. Cependant, ces gains de croissance et de productivité ne sont pas toujours partagés de manière équitable dans et entre les pays et leur impact sur l’environnement peut être mitigé. De plus, nous nous félicitons des évidences et des preuves montrant que le changement technologique est favorable au commerce, de même que la surutilisation des subventions et la persistance des obstacles au commerce des services constituent des menaces sérieuses pour les CVM. À cet égard, nous sommes d’avis que la coopération internationale est essentielle pour que les pays puissent participer de manière optimale aux CVM et en tirer le meilleur parti. Cela dit, nous aimerions faire quelques commentaires spécifiques: Premièrement, sur la pertinence de ce sujet en adéquation avec les thèmes spéciaux de l’IDA, en particulier celui de l’Emploi et de la Transformation Economique (JET). Les chaînes de valeur mondiales ont été une aubaine pour les pays en développement, car elles facilitent la diversification de ces pays pour passer des produits primaires aux produits manufacturés et aux services. Dans le passé, un pays devait maîtriser la production d'un produit manufacturé entier pour pouvoir l'exporter. Avec les chaînes de valeur, un pays peut se spécialiser dans une ou plusieurs activités pour lesquelles il possède un avantage comparatif. Et la beauté avec la manufacture est qu’elle génère un grand nombre d’emplois. La Chine et le Vietnam en sont des exemples. Par conséquent, nous sommes impatients de voir comment certaines des recommandations de politique de ce RDM seront intégrées dans l’agenda du JET. Deuxièmement, sur la position de la Banque mondiale à l’égard des politiques industrielles. Par le passé, la politique industrielle était assimilée à l’interventionnisme et la Banque s’y est naturellement opposée. Aujourd'hui, la politique industrielle est moins une politique interventionniste que les pays doivent adopter pour promouvoir le nationalisme économique et le développement. Il s'agit désormais de proposer des idées sur l'innovation technologique pour réduire les écarts de productivité, la mise à niveau industrielle et la diversification économique. La question n'est donc pas de savoir si les gouvernements devraient mettre en place des politiques industrielles, mais plutôt comment ces politiques peuvent être utilisées de manière intelligente. Par conséquent, nous avons besoin d'un débat franc à ce sujet à la Banque mondiale. Le troisième point concerne les IDE. Nous considérons les IDE comme l’autre face des chaînes de valeur mondiales. Les pays qui ont manqué les chaînes de valeur mondiales sont les pays qui n’attirent pas les IDE, à l’exclusion des industries extractives. Ce sont généralement des pays africains IDA. IFC et MIGA ont ici un rôle important à jouer. La nouvelle stratégie de MIGA devrait examiner de manière approfondie les moyens pro-actifs d’attirer les IDE dans les pays à faible revenu. Le quatrième point porte sur l’Accord de libre-échange continental africain (AFCFTA), lancé le 7 juillet 2019 à Niamey, au Niger. Nous apprécions le fait que le RDM en fasse spécifiquement référence au paragraphe 744 du document. Cependant, nous nous attendions à une analyse plus approfondie de la manière dont l'accord pourrait favoriser le développement des chaînes de valeur en Afrique. Cinquièmement, sur le regain du protectionnisme, notre chaise a suggéré, lors des discussions sur la note conceptuelle au Conseil d’administration du Groupe de la Banque mondiale, d’en profiter pour réaffirmer l’importance du commerce tant pour les pays riches que pour les pays pauvres. Nous nous réjouissons de ce que ce rapport ait répondu à cette préoccupation en diffusant des messages utiles et articulés à l’intention des pays à faible revenu et des économies avancées. Nous notons aussi avec satisfaction que cette préoccupation est aussi reflétée dans le projet de communiqué. Pour conclure, nous pensons que la mondialisation est comme un train rapide et que vous avez besoin d’une plate-forme pour le faire s'arrêter à votre adresse. La construction de la plate-forme nécessite tous les éléments de base : état de droit, infrastructure, éducation et santé. Le Groupe de la Banque mondiale joue un rôle important à cet égard et les pays en développement qui ont réussi, même modérément, dans ce contexte ont connu une croissance impressionnante et une réduction de la pauvreté. Sur ces remarques, nous souhaitons à tous beaucoup de succès dans la révision et la diffusion de ce Rapport phare. Projet de capital humain: Rapport d’étape Nous remercions les services et la Haute direction du Groupe de la Banque Mondiale (GBM) pour ce Rapport d’étape qui nous renseigne sur les avancées du Projet de capital humain depuis la publication de son indice en octobre 2018. Nous réaffirmons notre engagement ferme au Projet de capital humain en Afrique et saluons les efforts du Groupe de la Banque mondiale pour nous soutenir. 2 Nous prenons acte des défis auxquels continuent de faire face les pays africains et leur classement dans l’indice de capital humain. Les pays d’Afrique subsaharienne sont les plus affectés par le déficit de capital humain avec un indice moyen de 0,40. Par ailleurs, 28 des 30 pays ayant les plus bas scores sont des pays IDA et se retrouvent majoritairement en Afrique subsaharienne. Ce constat a de sérieuses implications au niveau de l’emploi et de la transformation économique de nos pays. Pour pallier à ce déficit, le rôle du financement dans la mobilisation des ressources tant internes qu’externes pour le développement du capital humain nous apparait crucial, comme nous apparait tout aussi crucial celui de la qualité des dépenses. Nous en appelons donc à un soutien renforcé du Groupe de la Banque mondiale en matière de réformes et de financement, et accueillons favorablement les actions envisagées pour permettre une amélioration de l’indice moyen de capital humain de 0,40 à 0,45 d’ici 2023. Nous saluons l’initiative du lancement d’un programme du GBM axé sur l’Autonomisation, le Renforcement, l’Emploi et l’Education des femmes et des jeunes filles en Afrique subsaharienne. Nous partageons les conclusions du Projet de capital humain qu’une amélioration de l’indice, et donc de la productivité dans nos pays, ne passera que par une meilleure prise en compte de la dimension du genre dans les politiques de développement du capital humain. Nous reconnaissons en outre la nécessité d’investir dans le capital humain dès la première enfance, ainsi que de travailler à l'autonomisation des femmes et des jeunes filles à la fois sur l'accès à l'éducation et sur l’accès à l'emploi. Nous exprimons notre soutien aux prochaines étapes du Projet de capital humain telles que déclinées dans le Rapport, à savoir entre autres : une couverture-pays plus élargie de l’indice du capital humain qui couvrira 8 nouveaux pays pour regrouper un total de 165 pays (contre 157 auparavant) et la désagrégation régionale et socio-économique des composantes de l’indice de capital humain afin de mieux cibler les populations désavantagées. Nous nous félicitons également de la prise en compte multisectorielle de la dimension du capital humain qui mettra à contribution. Toutefois, nous invitons le Groupe de la Banque mondiale à collecter des données qui reflètent l'ensemble du continent africain et ses diverses réalités. À cette fin, il devient crucial de s'attaquer aux inégalités en Afrique sous toutes ses formes et dimensions, en prenant en compte les réalités socio-culturelles et leur impact sur la paix et la sécurité. Ainsi, nous encourageons le Groupe de la banque mondiale à procéder à une analyse approfondie de la corrélation entre les inégalités horizontales et le travail informel. Il s’avère que dans les pays en développement, les travailleurs informels (majoritairement des femmes) sont confrontés à des risques liés à l’informalité du secteur. Une évaluation du capital humain en Afrique serait incomplète si elle n’aborde pas cet important aspect du secteur informel. Enfin, nous exhortons particulièrement IFC et MIGA à prendre part au Projet de capital humain à travers plus de présence et de participation en tant que partenaires essentiels pour combler les écarts de financement et obtenir de meilleurs résultats en matière de développement du capital humain. Emplois et transformation économique – Facteurs, implications politiques et soutien du Groupe de la Banque mondiale Nous saluons vivement le choix du thème sur l’Emploi et la Transformation Economique (JET) parmi ceux figurant à l’ordre du jour du Comité de Développement. Le Rapport du Groupe de la Banque mondiale (GBM) souligne qu’entre 2020 et 2035, 620 millions de personnes devraient rejoindre le marché du travail, pour la plupart issues de l’Afrique subsaharienne. Il y’a donc pour nous Gouverneurs africains, urgence de s’assurer que ces personnes pourront avoir accès à des emplois de qualité dans un avenir très proche. Il y va de la cohésion sociale et de la sécurité à travers tout le continent africain, voire à travers le monde. Le Rapport sur le JET est édifiant en ce qu’il nous enseigne que la transformation économique est essentielle à la création d’emplois productifs et de meilleure qualité, et propose des pistes politiques menant à cette transformation économique. Nous nous réjouissons des efforts déployés par le GBM pour tenir compte de nos préoccupations et de nos priorités nationales dans l’ensemble des mesures stratégiques proposées à 3 travers cet agenda. Nous saluons l’approche inclusive sur ce dossier, notamment en ce qui concerne le développement des chaînes de valeur agricoles, des infrastructures, de la connectivité, de l’entreprenariat des jeunes et des programmes ciblant les femmes pour générer une transformation économique porteuse d’emploi de qualité à travers toutes les couches de la société. Nous soutenons l’approche intégrée qui vise à mettre à contribution toutes les institutions du GBM et à mettre en œuvre des interventions coordonnées au niveau sectoriel, national et régional. Nous prenons acte des résultats accomplis dans la mise en œuvre de l’agenda JET dans les programmes-pays à travers l’IDA. Nous souhaitons cependant relever avec insistance à l’endroit de la Haute Direction du GBM que l’agenda sur l’Emploi et la Transformation Economique devrait dépasser les frontières de l’ IDA et devenir plus ambitieux car cet agenda demeure à la fois crucial et déterminant pour le développement inclusif et durable des populations partout dans le monde. Par conséquent, nous considérons le présent document comme étant le premier d’un processus en deux étapes et attendons de la Direction qu’elle élabore un cadre stratégique ambitieux sur le JET qui nous sera présenté au printemps 2020. Dans cette optique, nous espérons que des questions pratiques seront abordées au niveau de l’opérationnalisation que nous voulons systématique à travers tous les pays, de la coordination à l’intérieur comme en dehors de l’institution, et du suivi-évaluation dans la mise en œuvre de cet agenda. Nous invitons également le GBM à prendre en compte les aspects de fragilité et de vulnérabilité face à la dette qui influent sur la capacité des pays africains à approfondir leurs réformes et nous sollicitons l’appui technique et financier de l’institution à cet effet. Revue du système des droits de vote de l’IDA: Rapport aux Gouverneurs Nous accueillons favorablement ce Rapport qui nous informe sur le système des droits de vote de l’IDA et sa proposition de Revue. Nous marquons notre accord pour la Revue du système des droits de vote de l’IDA et l’adoption de ses six (6) Principes directeurs. Nous attendons de la Revue ainsi définie qu’elle aboutisse sur un mécanisme simplifié qui pallie aux faiblesses du cadre actuel. Nous sommes d’avis que les Principes directeurs doivent prévaloir tout au long du processus de Revue en vue d’assurer une mobilisation forte des ressources de l’IDA, la viabilité financière de l’institution et la prise en compte des intérêts de toutes les parties prenantes, y compris donateurs comme récipiendaires, grâce à une approche inclusive. Nous pensons qu’il est également primordial au cours de ce processus de préserver le pouvoir de vote des bénéficiaires de l’IDA, voire même de le renforcer. S’agissant de la portée de la Revue, nous optons pour l’option 1 qui prévoit un ajustement ciblé du cadre actuel. Nous en appelons toutefois à plus de détails sur ces ajustements ainsi que sur la valeur ajoutée des modifications éventuelles qui restent à définir. S’agissant de la feuille de route de la Revue, nous recommandons la mise en place d’un échéancier raisonnable et surtout réaliste. Nous nous prononçons en faveur d’un pilotage de la Revue par le Conseil d’Administration de l’IDA en tant qu’organe inclusif et expérimenté. Nous attendons des Services de la Banque mondiale qu’ils continuent à jouer un rôle clé dans le processus, compte tenu de la complexité de la question et de leur savoir institutionnel. Enfin, nous sommes en accord avec la soumission d’un rapport d’étape à l’attention du Conseil des Gouverneurs en octobre 2020. 4