SITUATION ÉCONOMIQUE EN CÔTE D’IVOIRE AU PAYS DU CACAO comment transformer la Côte d’Ivoire JUILLET 2019 / NEUVIÈME ÉDITION JUILLET 2019 | 2 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Table des matières Avant-propos 5 Liste des abréviations 6 Remerciements 7 Messages clés 9 PARTIE 1 : L’ÉTAT DE L’ECONOMIE 15 1.1. Les Développements Récents 16 1.1.1. Une croissance toujours robuste tirée par un rebond de la demande privée 16 1.1.2. Un taux d’inflation qui reste maitrisé mais une croissance des crédits bancaires qui se ralentit 18 1.1.3. Un secteur externe dont le déficit se creuse 19 1.1.4. Une politique budgétaire maitrisée en dépit de la mauvaise performance des recettes fiscales 19 1.2. Les perspectives de court et moyen termes 23 1.2.1. Le scénario de base (2019-22) 23 1.2.2. Des risques multiples mais gérables 25 1.3. Quelle est le rôle de l’agriculture dans la croissance ivoirienne ? 25 PARTIE 2 : POUR QUE LE CACAO PUISSE ENFIN TRANSFORMER LA CÔTE D’IVOIRE 29 2.1. Le diagnostic de la filière cacao après 60 ans de développement 30 2.1.1. Un essor extraordinaire qui ne profite pas encore aux producteurs 30 2.1.2. Des producteurs vivant toujours en état de pauvreté 31 2.1.3. Une faible productivité qui a été compensée par l’extension des cultures 33 2.1.4 La faible part de la Côte d’Ivoire dans la valeur ajoutée globale de la filière 34 2.2. Le monde change … le secteur doit changer avec lui 35 2.3. Que faire ? Quelques pistes de réflexion 39 2.3.1. Se doter d’un système de suivi et de prévision efficace 40 2.3.2. Améliorer la productivité et la résilience du verger 41 2.3.3. Accroître la valeur ajoutée retenue au niveau national 44 2.3.4. Assurer une meilleure répartition de la valeur ajoutée 50 Annexes statistiques 53 JUILLET 2019 | 3 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Liste des tableaux Tableau 1 : Résultats et projections économiques, 2016-21 23 Liste des graphiques Graphique 1 : Evolution des principaux indicateurs économiques et financiers de l’économie ivoirienne 16 Graphique 2 : Les variations de la contribution à la croissance du PIB entre 2017 et 2018 17 Graphique 3 : L’évolution de la demande globale, 2015-18 18 Graphique 4 : Evolution des comptes de l’État depuis 2016 20 Graphique 5 : La pression fiscale en Côte d’Ivoire depuis 2012 et par rapport aux pays de l’UEMOA 21 Graphique 6 : Le poids de l’agriculture en Côte d’Ivoire 26 Graphique 7 : La contribution de l’agriculture à la croissance en Côte d’Ivoire, 2012-18 26 Graphique 8 : Des rendements agricoles insuffisants, 2016/17 (kg par hectare) 28 Graphique 9 : Production mondiale de cacao, 1960-2017 30 Graphique 10 : Le prix international du cacao en valeur réelle,1960-2018 32 Graphique 11 : Le prix bord champ en % du prix Fob, 2012-17. 32 Graphique 12 : La relation entre le prix au producteur et le prix à l’exportation, par kg 33 Graphique 13 : Répartition de la valeur ajoutée 35 Graphique 14 : L’impact du changement climatique dans les régions cacaotières en 2050 39 JUILLET 2019 | 4 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Avant-propos « Je veux les assurer que nous continuerons à veiller à offrir le maximum possible pour leur bien-être » c’est ce que déclarait le président de la République, Alassane Ouattara, en s’adressant à ses « parents paysans » dans son discours du 1e janvier 2019. C’est dans cette vision que s’inscrit ce neuvième rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire. Après avoir rappelé que l’économie ivoirienne reste performante en 2019 et que les perspectives sont favorables, ce rapport s’intéresse à la problématique de la filière cacao qui reste un des piliers de l’économie ivoirienne. Cette filière occupe plus de 5 millions de personnes, soit le cinquième de la population, et constitue de loin la principale source de devises puisqu’elle représente près de 40 % des exportations de marchandises du pays. Malgré des progrès, la majorité des producteurs de cacao demeure cependant pauvre et l’économie ivoirienne n’a pas encore été capable d’accroître sa part dans les rentes générées par les ventes de produits chocolatiers dans le monde. Plusieurs pistes sont offertes pour que la filière du cacao puisse devenir ce vecteur de croissance et de lutte contre la pauvreté que la Côte d’Ivoire est en droit d’espérer. Ces pistes s’inscrivent dans la logique de la Déclaration d’Abidjan co-signée par la Côte d’Ivoire et le Ghana en juin 2018. A l’instar de ce qui avait été fait dans les rapports précédents, les pistes proposées cherchent à stimuler le débat parmi les nombreuses parties prenantes de la filière du cacao, pour qu’elles parviennent ensemble à identifier les priorités et à définir un plan d’actions. Je voudrais conclure en soulignant l’urgence d’agir car le monde du cacao est en train de vivre plusieurs mutations profondes comme le réchauffement climatique, la déforestation et les exigences accrues des consommateurs qui imposent rapidement un cacao socialement et environnementalement responsable. Si ces mutations, bousculent le statu quo, elles représentent aussi une formidable opportunité pour que la Côte d’Ivoire adopte les réformes qui l’aideront à se transformer afin d’atteindre l’émergence économique le plus rapidement possible.   Pierre Laporte Directeur des opérations pour la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Burkina Faso et le Togo JUILLET 2019 | 5 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Liste des abréviations BIC Bénéfices Industriels et Commerciaux BTP Bâtiments et Travaux Publics CAF Coût Assurance Frêt CAISTAB Caisse de Stabilisation et de Soutien des produits agricoles CCC Conseil Café Cacao CIC Cacao Intelligent face au Climat CNRA Centre nationale de Recherche Agronomique FMI Fonds monétaire international ICCO International Cocoa Organization IDE Investissements Directs Etrangers PIB Produit Intérieur Brut PPP Partenariat Privé Public PVAM Programme de ventes Anticipées à la Moyenne TVA Taxe à la Valeur Ajoutée UEMOA Union Economique et Monetaire de l’Afrique de l’Ouest JUILLET 2019 | 6 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Remerciements Ce rapport a été préparé sous la direction de Jacques Morisset. Il a bénéficié des contributions d’Amina Coulibaly pour la première partie. La partie consacrée au secteur du cacao a été rédigée grâce au soutien de l’équipe agriculture en Côte d’Ivoire, comprenant El Hadj Adama Toure, Jean-Philippe Tré, et Jeanne Coulibaly ainsi que de l’équipe de la SFI dirigée par Olivier Buyoya et composée de Christophe Ravry, Zeina Mouawad, Meritxell Martinez, Charlotte Ndaw, Donald Nzorubara et Samuel Dzotefe . Un remerciement spécial est adressé à Jean-Paul Chausse pour ses contributions et conseils précieux. Les auteurs voudraient remercier Christine Richaud, Andrea Coppola, R. Gilbert, Franck Ahodo, Abdoul Mijiyaya, Raju Singh et Chakib Jenane ainsi que l’équipe du Fonds monétaire international (FMI) travaillant sur la Côte d’Ivoire pour leurs commentaires. Joseph Anoh, Takua Cynthia Ngroman, et Oumou Kassi-Coulibaly ont aidé au formatage du rapport. L’équipe communication de la Banque mondiale, notamment Marie-Ange Memel, Enoh Nguessan, Elena Queyranne et Erick Rabemananoro, ont contribué aux préparatifs de diffusion et de communication du rapport. Les photos 2 et 4 ont été publiées grâce l’aimable autorisation de Akamedia. Les rédacteurs du rapport ont également bénéficié des conseils et encouragements de Pierre Laporte, Lars Moller et Marianne Grosclaude, respectivement directeur des opérations et responsables sectoriels pour la Côte d’Ivoire. JUILLET 2019 | 7 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Messages principaux Le cacao est incontournable en Côte d’Ivoire. Pour assurer 40 % de l’approvisionnement mondial, ce secteur mobilise près de 1 million de producteurs qui fournissent un revenu à 5 millions de personnes, soit environ 1/5 de la population du pays. Il est de plus le premier pourvoyeur de devises du pays et l’un des secteurs qui contribuent fortement aux recettes de l’État. Bref, le cacao occupe une place centrale dans la société ivoirienne et pour de nombreuses familles. Pourtant, malgré son poids dans l’économie et la société ivoiriennes, la filière du cacao ne joue pas pleinement son rôle de moteur du développement économique. Certains vont même jusqu’à invoquer la malédiction de « l’or brun » pour au moins trois raisons. Tout d’abord, plus de la moitié des producteurs vivent en deçà du seuil de pauvreté, avec moins de 757 FCFA (environ 1,2 dollars) par jour. Ensuite, l’expansion des surfaces cultivées au cours des dernières décennies s’est faite au prix de la destruction des forêts du pays. Enfin, la Côte d’Ivoire n’a pas encore réussi à augmenter sa part (5-7 %) des gains qui sont réalisés le long de la chaîne du cacao-chocolat au niveau mondial. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que le cacao se trouve au centre de nombreuses discussions de politiques économiques en Côte d’Ivoire et que le gouvernement ait accéléré sa réflexion pour améliorer la performance du secteur, notamment à travers la Déclaration d’Abidjan co-signée en 2018 par les présidents de la Côte d’Ivoire et du Ghana, ces deux pays représentant environ 65 % de la production mondiale, qui vise à harmoniser leurs politiques et ainsi optimiser leurs bénéfices Après avoir analysé les dernières tendances de l’économie ivoirienne, ce neuvième rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire porte donc sur la manière dont le secteur du cacao pourrait soutenir la transformation structurelle du pays et ainsi promouvoir davantage d’inclusion économique et sociale. L’état de l’économie L’économie ivoirienne maintient sa bonne dynamique amorcée depuis la sortie de la crise politique en 2011. Pour la septième année consécutive, le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) a dépassé 7 % en 2018 et devrait atteindre 7,2 % en 2019 pour se stabiliser à ce niveau dans les prochaines années. Le secteur privé est redevenu le principal moteur de la croissance après un déclin en 2016 et 2017. Les entreprises semblent avoir davantage investi en 2018, à la suite des réformes entreprises pour améliorer le climat des affaires et afin, peut-être, d’anticiper leurs investissements avant les élections présidentielles prévues en octobre 2020 qui créent des incertitudes pour les acteurs économiques. Toutefois, la reprise dans le secteur privé s’est concentrée dans trois secteurs (télécommunications, agroalimentaire et bâtiment-travaux publics -BTP-), à la différence de la période 2012-15 qui avait connu une expansion de l’ensemble des secteurs. Le dynamisme du secteur privé a permis de compenser l’impact négatif du secteur externe sur la croissance économique, après une année exceptionnellement favorable en 2017. Le compte courant s’est détérioré de 2,7 à 4,7 % du PIB entre 2017 et 2018, les flux commerciaux du pays, relativement peu diversifiés, demeurant exposés aux variations des prix de quelques matières premières (notamment le cacao et le pétrole). Cependant, cette augmentation du déficit du compte courant a été aisément financée par la hausse des investissements directs étrangers (IDE), notamment dans l’agroalimentaire, et par l’émission obligataire internationale conduite par le gouvernement pour plus de 2 milliards de dollars américains en mars 2018. Quant à l’État, il a réduit son déficit budgétaire de 4,5 % à 4,0 % du PIB entre 2017 et 2018 et vise un déficit de 3 % du PIB à partir de 2019, conformément aux objectifs communautaires. La nature de cet ajustement mérite toutefois une attention particulière car il a uniquement reposé sur une baisse des dépenses publiques (-0,7 % du PIB), notamment des investissements de l’État. Ces coupes budgétaires JUILLET 2019 | 9 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 ont été plus importante que prévue en raison la faiblesse des recettes fiscales, qui ont diminué de 0,3 %du PIB entre 2017 et 2018 et même de 0,7 %par rapport au niveau de 2012. La performance en matière de recettes fiscales en deça de l’objectif et du potentiel est à la fois paradoxale et inquiétante. Paradoxale car elle prend place en dépit de plusieurs réformes administratives, dont la mise en place de plateformes numériques, pour améliorer les conditions de déclaration et de paiement d’impôt, en vue, in fine, d’améliorer le recouvrement. Si l’impact immédiat de l’introduction des « e-procédures » dans la gestion de la fiscalité n’est pas encore perceptible dans les statistiques, l’effet positif de la digitalisation pourrait toutefois augmenter dans la durée. Inquiétante car la faiblesse des recettes fiscales réduit les marges de manœuvre budgétaires du gouvernement et sa capacité à poursuivre une politique ambitieuse d’investissements dans les infrastructures et les services sociaux. Les investissements publics ne soutiennent plus autant l’économie ivoirienne, alors qu’ils avaient été le principal moteur de croissance depuis la sortie de crise. Le gouvernement met désormais l’accent sur la qualité de ses investissements et sur le développement de partenariats avec le secteur privé. À plus court terme, les autorités peuvent aussi être tentées de mobiliser des financements plus chers auprès de banques commerciales pour la mise en œuvre de certains travaux. Une telle approche pourrait poser des difficultés de gestion des finances publiques en raison du coût de ses financements pour l’Etat qui devra les rembourser. Les perspectives de l’économie ivoirienne restent solides pour le court et le moyen termes avec un taux de croissance qui devrait rester l’un de plus rapides du continent, autour de 7 %. En outre, le déficit public et les comptes externes devraient se redresser. L’inflation devrait rester sous contrôle en raison de la politique monétaire prudente menée par la BCEAO. Les moteurs de l’économie devraient rester le secteur des services, suivi par l’industrie, notamment grâce aux efforts du gouvernement pour améliorer le climat des affaires, pour développer les zones industrielles et pour promouvoir la transformation de produits agricoles. Sur le plan externe, les exportations devraient progressivement s’accroître grâce à des prix stables sur les marchés internationaux, selon les projections de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI). Le soutien apporté par les programmes gouvernementaux à plusieurs filières stratégiques (anacarde, coton et hévéa) devrait permettre des gains de productivité. Les importations devraient progresser au même rythme que l’économie, même si des fluctuations importantes pourraient intervenir au gré des changements des prix du baril de pétrole sur les marchés internationaux. Le déficit du compte courant devrait continuer d’être financé par l’afflux d’IDE et les emprunts de l’État sur les marchés internationaux à des conditions relativement favorables. La politique budgétaire devrait continuer sur sa lancée de 2018, la réduction du déficit de l’État autour de 3 % du PIB à partir de 2019 étant nécessaire pour assurer la soutenabilité de la dette de l’État à moyen terme. Les efforts de recouvrement des recettes devraient s’accentuer, avec la hausse de certains droits d’accises et la réduction des exonérations fiscales accordées notamment au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cette hausse de la mobilisation des recettes devrait également bénéficier de l’amélioration de l’efficience du système de recouvrement grâce à la digitalisation du paiement des impôts et au renforcement de la capacité d’analyse de données, avec la montée en puissance de la Direction en charge des recoupements de données. Accroître les recettes fiscales permettra au gouvernement de maintenir son programme d’investissements afin d’améliorer les infrastructures et les services sociaux au cours des prochaines années. Ces prévisions sont bien entendu sujettes à plusieurs risques. Sur le plan externe, les risques (variations des prix des matières premières, resserrement des marchés financiers, insécurité régionale ainsi que mondiale) devraient être maîtrisables, sauf en cas de chocs majeurs. Au niveau domestique, l’approche des élections présidentielles d’octobre 2020 constitue le principal risque car les opérateurs privés pourraient ralentir leurs dépenses d’investissement et de consommation en cas d’instabilité. Le gouvernement pourrait alors être tenté de soutenir l’économie en augmentant ses dépenses, ce qui conduirait à un dérapage budgétaire. JUILLET 2019 | 10 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Au-delà des risques conjoncturels, le modèle de développement économique de la Côte d’Ivoire repose sur le secteur agricole. Ce dernier reste le premier pourvoyeur d’emplois et de devises étrangères du pays ainsi qu’un secteur clé pour la réduction de la pauvreté dans les zones rurales. Pourtant, la contribution de ce secteur à la croissance du pays reste limitée (en moyenne de 1,2 points de croissance par an entre 2012 et 2018) et est très en deçà de son potentiel, et du soutien fourni par les secteurs de l’industrie et des services. Cette faible contribution du secteur agricole en Côte d’Ivoire s’explique par deux carences qui ont tendance à s’aggraver. D’une part, les rendements moyens des principales cultures vivrières et de rente restent relativement bas par rapport aux pays qui ont réussi leur révolution verte. D’autre part, l’agriculture n’est pas suffisamment diversifiée comme le montrent la faible offre de produits à plus fort contenu de travail (comme les fruits et légumes, la viande et les produits laitiers) et de produits transformés. Les ménages ruraux ivoiriens ne combinent pas suffisamment d’activités agricoles et non agricoles pour améliorer leurs revenus, au contraire de leurs homologues en Thaïlande ou au Vietnam par exemple. Le gouvernement a placé la relance de la productivité du secteur agricole ainsi que sa diversification au centre de son Plan national de développement (PND) pour la période 2016-20. Compte tenu de son poids dans l’économie ivoirienne, la filière du cacao est en effet prioritaire et fait donc l’objet de la deuxième partie de ce rapport. Comment le cacao pourrait enfin transformer la Côte d’Ivoire Depuis son indépendance en 1960, la Côte d’Ivoire est devenue le premier producteur mondial de cacao, en quadruplant presque ses récoltes de 550 000 tonnes par an en 1980 à plus de 2 millions de tonnes en 2018. Toutefois, cette réussite n’a pas fondamentalement changé les conditions de vie des producteurs et de leurs familles. La dernière enquête des ménages montre ainsi que 54,9 % des producteurs de cacao vivait au-dessous du seuil de pauvreté en 2015. Les producteurs ont souffert en particulier de la baisse tendancielle des cours internationaux depuis les années 1960 et surtout après la flambée du milieu des années 1980. En outre, les producteurs ivoiriens ne reçoivent qu’une faible part du prix de vente sur le marché international, même si leur situation s’est légèrement améliorée après la mise en place du nouveau cadre de régulation à la fin de 2011 qui leur a garanti un seuil minimum de 60 % des cours internationaux. Cela reste toutefois inférieur à ce qui est aujourd’hui observé dans les autres pays producteurs, comme le Ghana (>70 %), le Cameroun et le Nigéria (80-90 %). La faible participation des producteurs ivoiriens aux bénéfices des ventes à l’exportation s’explique par des coûts de commercialisation intérieure qui restent élevés et, surtout, par une fiscalité qui atteint 22 % de la valeur coût-assurance-frêt (CAF) des exportations. Si les recettes du cacao représentent jusqu’à 10 % des recettes fiscales de l’État et permettent de financer ses dépenses, elles sont pénalisantes voir injustes pour les producteurs dont les familles sont parmi les plus pauvres du pays même si celles-ci bénéficient d’une partie des dépenses sociales de l’Etat (avec la construction d’écoles, de centres de santé et un meilleur entretien des infrastructures). Par ailleurs, l’augmentation de la production de cacao au cours des dernières décennies a entraîné la destruction d’une partie du capital naturel de la Côte d’Ivoire. En effet, il a été longtemps plus facile (et rentable) pour un producteur de couper des arbres que d’investir dans des techniques modernes de production. Cette extension des surfaces cultivées a aussi permis aux familles d’accroître leur capital foncier. Mais elle a conduit à une forte diminution de la couverture forestière du pays, qui est passée de 12 millions d’hectares en 1960 à moins de 3 millions d’hectares aujourd’hui. Malgré une production qui a presque quadruplé depuis 1980, la Côte d’Ivoire continue de ne récolter qu’une part infime des gains accumulés le long de la chaîne de valeur mondiale du cacao-chocolat. Si un effort considérable a été effectué pour stimuler la première transformation du cacao en faisant de la Côte d’Ivoire le premier pays broyeur du monde, la valeur ajoutée et les emplois associés à cette activité JUILLET 2019 | 11 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 sont limités. Ce constat rappelle que la majorité des gains de la filière (presque 80 %) sont concentrés au niveau de la deuxième transformation (celle de la pâte de chocolat) et de la distribution des produits finis aux consommateurs – deux étapes où la Côte d’Ivoire ne joue pas encore de rôle important. La filière cacao connaît des bouleversements tant au niveau de la demande que de l’offre mondiales. Sur le plan de la demande, l’émergence de nouveaux pays consommateurs, notamment en Chine et en Inde, modifie les circuits traditionnels de distribution. Ainsi, la Malaisie se positionne pour jouer en Asie le rôle de la Hollande en Europe dans la commercialisation du cacao. Surtout, les consommateurs des pays industrialisés deviennent plus exigeants à la suite de plusieurs enquêtes ayant montré les nuisances environnementales (destruction des forêts) et sociales (travail des enfants) liées à la culture du cacao. Parce qu’il devient de plus en plus difficile de vendre du cacao qui n’est pas certifié, les pays producteurs (y compris la Côte d’Ivoire) et les multinationales présentes le long de la chaîne de valeur doivent modifier leurs comportements, en adoptant des codes de conduite et des cadres de partenariats. Des pays comme l’Allemagne ont déjà proscrit les ventes de chocolat qui ne sont pas certifiées et ce mouvement devrait s’intensifier dans les années à venir. L’offre mondiale de cacao traverse également de profondes mutations. De nouveaux pays-producteurs d’Amérique latine augmentent leurs capacités productives. Surtout, les contraintes s’accroissent dans les pays qui dominent aujourd’hui la production mondiale, y compris en Côte d’Ivoire. Jusqu’à présent, la stratégie ivoirienne pour répondre à la hausse de la demande mondiale a consisté à augmenter les surfaces cultivées grâce à un réservoir important de ressources foncières et de main d’œuvre (y compris issue de régions avoisinantes comme le Burkina Faso). Or, ce développement quantitatif touche à sa fin car il n’y a presque plus de terres disponibles en Côte d’Ivoire pour accroître la culture du cacao. En outre, le verger existant vieillit et souffre d’épidémies et devra être remplacé rapidement. En outre, le population agricole diminue car la main d’œuvre se déplace vers les villes et avec le vieillissement des producteurs, dont l’âge moyen dépasse 45 ans. Cela crée des difficultés de relève pour les exploitations agricoles qui pourront seulement être résolues si les modes de production évoluent, en mettant davantage l’accent sur la mécanisation et l’amélioration des rendements. Enfin, ces changements au niveau de la demande et l’offre de cacao interviennent au moment où l’impact du changement climatique se fait de plus en plus sentir en Côte d’ivoire. Le réchauffement est en train d’assécher les terres cacaotières et de réduire leur fertilité, alors même que de nombreuses plantations ne bénéficient plus ou guère d’ombrages. Plusieurs études ont montré que beaucoup des plantations devraient se déplacer de l’est vers l’ouest du pays si rien n’est fait avant 2050. Que faire ? Des défis importants doivent être relevés pour remédier aux faiblesses du secteur et atteindre les objectifs ambitieux du gouvernement pour assurer l‘avenir du secteur cacao. Ces changements constituent une opportunité pour sortir le secteur cacao d’un statu quo qui n’est plus tenable à moyen terme. Trois pistes de réflexion sont proposées pour assurer le développement équitable et durable du secteur : • Se doter d’un système fiable de prévision de la production et de suivi des modes et de localisation de cette production. • Permettre à la Côte d’Ivoire de capter une plus grande part de la valeur ajoutée engendrée dans la filière cacao mondiale en améliorant : (i) la productivité des plantations dans le respect de l’environnement, en adoptant des technologies respectueuses de l’environnement  ; (ii) la qualité des fèves et la production de produits de niche beaucoup plus rémunérateurs ; (iii) la commercialisation du cacao en Côte d’Ivoire, par la rationalisation des circuits de distribution et la mise en place de systèmes crédibles de certification et de traçabilité ; (iv) la politique fiscale sur les ventes de cacao ; et (v) la transformation industrielle de la Côte d’Ivoire pour développer ses capacités. JUILLET 2019 | 12 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 • Assurer une meilleure répartition de la valeur ajoutée parmi les acteurs ivoiriens de la filière, notamment par une utilisation plus équitable des prélèvements fiscaux et parafiscaux qui sont actuellement prélevés sur les producteurs de cacao. Ces trois pistes qui sont évoquées dans le rapport doivent être mises en œuvre de concert pour permettre à la Côte d’Ivoire de faire de la filière cacao un instrument essentiel de sa politique de développement économique. Ces pistes ont déjà fait l’objet d’une attention particulière de la part des acteurs au sein de la filière, y compris du gouvernement, mais elles devront être étudiées de manière plus approfondies pour devenir les fondements d’un plan d’actions intégré et ambitieux. Ces pistes ne doivent pas être vues comme des recommandations mais plutôt comme des contributions pour que la Côte d’Ivoire puisse améliorer les conditions de vie de ses producteurs de cacao comme l’a souhaité le Président de la République de la Côte d’Ivoire dans son discours du 1er janvier 2019 « j’ai une pensée particulière pour nos parents paysans, qui contribuent énormément à la richesse du pays et qui ont vu leurs revenus diminuer considérablement, en raison de la chute brutale des cours mondiaux du café et du cacao. Je veux les assurer que nous continuerons à veiller à leur offrir le maximum possible pour leur bien-être ». JUILLET 2019 | 13 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 JUILLET 2019 | 14 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Partie 1 : L’État de l’Économie L’économie ivoirienne continue de rester dynamique en ce début d’année 2019, avec une croissance du PIB projetée autour de 7,2 % en 2019, après avoir atteint 7,4% en 2018. Ces chiffres sont légèrement plus faibles que la moyenne historique de 8,6% observée depuis la sortie de crise en 2011. Cependant, la bonne nouvelle est que l’expansion semble à nouveau être tirée par le secteur privé, après un ralentissement en 2016 et 2017, même si ce regain apparait concentré autour de la communication et de la construction plutôt que généralisé comme cela avait été le cas pendant la période 2012-15. Ce regain a permis de compenser la baisse de la demande publique et celle en provenance du secteur extérieur. Le gouvernement a initié sa politique d’ajustement, en abaissant son déficit budgétaire de 0,5 points de pourcentage du PIB entre 2017 et 2018, après deux années successives de détérioration. Si cet ajustement correspond aux objectifs fixés dans le programme conclut avec le FMI, sa nature interpelle car il a pris place uniquement grâce à une coupe plus importante que prévue de la dépense publique – en particulier les dépenses d’investissement. Les recettes publiques ont en effet baissé de 0,3% du PIB entre 2017 et 2018 malgré les déclarations et la mise en place de réformes administratives (notamment les plateformes numériques). Il convient alors de s’interroger sur les raisons expliquant cette incapacité à mobiliser plus de recettes fiscales et, plus généralement, sur les risques de dérapages en matière de gestion budgétaire en raison notamment du contexte pré-électoral qui peut conduire le Gouvernement à mobiliser des financements plus coûteux auprès des banques pour financer les investissements.. En regardant vers l’avenir, les perspectives restent positives, avec une croissance du PIB qui devrait rester autour de 7 % lors des 4 prochaines années. Cette projection suppose que l’économie ivoirienne ne subisse pas de chocs extérieurs majeurs et que l’environnement politique reste apaisé à l’approche des élections présidentielles prévues en octobre 2020. Le principal défi des autorités sera certainement de maintenir un équilibre budgétaire entre la conduite de sa politique sociale pour réduire les inégalités et le maintien d’une politique budgétaire prudente et efficace qui favorise l’essor du secteur privé. Pour cela, le gouvernement devra augmenter sa capacité de mobilisation de recettes de manière à pouvoir maintenir les dépenses publiques à un niveau suffisant pour satisfaire les besoins sociaux et les besoins en infrastructures de la population tout en contrôlant l’endettement public, y compris celui des entreprises publiques. Dans une perspective de plus long terme, le succès de l’économie ivoirienne va en partie dépendre de la performance son secteur agricole. Si le pays est de moins en moins dépendant de son agriculture, qui ne comptait plus que pour 21,5% du PIB en 2017 contre 32,5% en 1990 (et même 47,9% en 1960), ce secteur continue d’être le plus grand pourvoyeur d’emplois et de devises étrangères pour le pays. Sa contribution future sera liée non seulement à sa capacité de générer des gains de productivité au niveau de la production mais aussi au développement de filières agricoles, en particulier d’activités de transformation. Ces dernières représentent d’ailleurs une des priorités du gouvernement dans ses récents plans de développement. Or, aujourd’hui, le secteur agricole reste un contributeur modeste et fragile de la renaissance économique ivoirienne car il n’a compté en moyenne que pour 1,2 points de croissance du PIB (soit 14%) entre 2012 et 2018. Cette première partie est articulée de la manière suivante. Elle commence par une description rapide des développements récents tant de l’économie réelle que des variables financières et budgétaire du pays. Sur cette base, les perspectives pour les trois prochaines années sont discutées, y compris à la lumière des risques externes et internes auquel le pays pourrait faire face. Enfin, elle conclut en examinant le rôle du secteur agricole, plus précisément celui du cacao, dans la performance économique de la Côte d’Ivoire, en mettant en évidence qu’une réforme d’envergure est souhaitable pour que ce secteur joue pleinement son rôle comme vecteur de développement économique et de réduction de la pauvreté. JUILLET 2019 | 15 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 12 10,1 1.1. Les Développements Récents 10 9,2 8,8 8,8 7,9 7,7 7,4 1.1.1. 8 demande privée Une croissance toujours robuste tirée par un rebond de la 6 PIB, % par an 3,3 En 2018, la croissance de l’économie ivoirienne a atteint 7,4%, 4 ce 2 qui reste très rapide tant par comparaison régionale (2,4 %) que globale (environ 3%) (Graphique 2 1a). Sur le continent africain, la Côte 0 le Rwanda et le Sénégal. Ce taux est d’Ivoire se situe au 2ème rang, juste après l’Ethiopie mais devant 1 légèrement plus bas que celui observé en 2017 et confirme donc 2009201020112012201320142015201620172018 -2 le ralentissement de la croissance qui -4,2 e -4 des modifications profondes tant dans semble graduellement prendre place depuis 2014. Il traduit aussi -6 du pays. la composition de l’offre que celle de la demande globale au sein Cote d'Ivoire Graphique 1 : Evolution des principaux indicateurs économiques et financiers UEMOA de l’économie ivoirienne Afrique sub-saharienne A. Une croissance économique qui reste élevée B. L’inflation reste maitrisée grâce à une politique par rapport au reste de la région et de l’Afrique monétaire prudente 12 10,1 9,2 8,8 8,8 30 28,5 10 7,9 7,7 7,4 8 10,0 9,6 8,7 25 6 8,0 PIB, % par an 6,7 3,3 5,7 4 2 20 6,0 17,3 2 4,0 15,2 15 13,3 0 % du PIB 2,0 10,1 -2 2009201020112012201320142015201620172018 -4,2 10 0,0 8,8 e -4 -2,0 -0,6 -1,2 -6 5-4,0 -2,9 1,2 0,7 0,8 -4 -4,2 -6,0 -4,7 -4,8 Cote d'Ivoire 0 -5,6 -5,4 -5,3 -6,1 -6,2 -8,0 UEMOA Inflation M2 Credit à 2015 2016 2017 2018 (e) l'économie Afrique sub-saharienne Solde commercial Deficit compte courant 2015 2016 2017 2018 (e) Solde des services Solde revenu C. Le déficit du compte courant s’aggrave en D. Le déficit budgétaire se réduit et la dette raison d’une balance commerciale moins positive publique diminue 30 28,5 25 10,0 9,6 8,7 5,0 4,5 46 8,0 6,7 4,5 4,0 4,0 45 20 5,7 4,0 6,0 17,3 44 4,0 15,2 3,5 13,3 2,8 43 15 3,0 % du PIB 2,0 10,1 2,5 42 0,0 8,8 45,3 45 10 2,0 41 -2,0 -0,6 43,1 -1,2 1,5 40 5 -4,0 -2,9 1,0 1,2 0,7 0,8 -4 40,7 -6,0 -4,2 -4,7 0,5 39 -4,8 -5,3 -5,6 -5,4 0 -8,0 -6,1 -6,2 0,0 38 Inflation 2015 M2 2016 2017Credit à 2018 (e) 2015 2016 2017 2018( e) Solde commercial l'économie Deficit compte courant 2015 2016 2017 2018 (e) Dette publique excl C2D (% du PIB) Solde des services Solde revenu Deficit public (% du PIB) Source : Calculs de la Banque mondiale sur la base des données statistiques du MEF 1 Source : Banque mondiale, Global Economic Prospects, Juin 2019. 5,0 4,5 46 4,5 4,0 4,0 45 4,0 44 3,5 JUILLET 2019 | 163,0 2,8 43 2,5 42 45,3 45 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Du point de vue de l’offre, la croissance en 2018 a été tirée par les communications, les industries agroalimentaires et le BTP, alors que l’expansion de l’agriculture a ralenti après une très bonne année en 2017. Le graphique 2 ci-dessous montre que la contribution des télécommunications à la croissance du PIB a augmenté de 0,8 points entre 2017 et 2018,2, suivie par celle de de l’industrie agroalimentaire (+0,4 points) et du BTP (+0,3 points). Sans l’expansion rapide de ces trois secteurs, le taux de croissance du PIB aurait diminué de 7,7 à 5,2% entre 2017 et 2018 car la contribution des autres secteurs est soit restée approximativement la même ou a diminué en 2018 par rapport à 2017. Cette concentration de la croissance tranche avec la situation qui avait été observée pendant les années qui avaient suivies la sortie de crise entre 2012-15 où l’ensemble de l’économie avait bénéficié des effets de rattrapage ainsi que de conditions extérieurs favorables. Graphique 2 : Les variations de la contribution à la croissance du PIB entre 2017 et 2018 Agriculture d'exportation -0,81 Agriculture vivrière, élevage -0,50 Services d'administration publique -0,39 TOTAL PIB -0,27 Institutions sans but lucratif (ISBL) -0,24 Droits et taxes nets de subventions -0,13 Autres industries manufacturières -0,03 Transports 0,00 Pêche 0,00 Sylviculture 0,02 Energie (gazeaulec) 0,03 Commerce 0,04 Extraction minière 0,06 Autres services 0,08 Produits pétroliers 0,10 BTP 0,30 Industries agro-alimentaires 0,41 Télécommunication 0,80 -1,00 -0,50 0,00 0,50 1,00 variation, point de % Source : Ministère de l’Economie et des Finances. La croissance du secteur agricole a fortement ralenti en 2018 par rapport à 2017. Les productions de cacao et l’anacarde n’ont augmenté respectivement que de 4% et de 7% en 2018 contre 24% et 9% en 2017 même si ce ralentissement a été en partie compensé par les solides résultats du coton et du café. La contribution de l’agriculture vivrière ainsi que l’élevage ont aussi diminué de 0,5 points de croissance entre 2017 et 2018. Cette comparaison souligne la vulnérabilité du secteur agricole à des chocs, en particulier climatiques et des termes de l’échange qui ont été moins favorables en 2018 qu’en 2017. Du côté de la demande globale, la croissance de la demande privée est redevenue le principal moteur de la croissance en 2018 alors que la demande publique (investissement et consommation) s’est ralentie et que la demande externe est devenue négative en raison de termes de l’échange défavorables (Graphique 3). Contrairement à 2016 et en 2017, la contribution du secteur privé s’est accrue d’environ 9 points du PIB en 2018 à la suite de la performance conjuguée de la consommation (+7,8%) et de l’investissement privé (+23,1%). Bien que l’investissement privé soit difficilement quantifiable (il est calculé comme un résidu dans les comptes nationaux et inclut toutes les dépenses de capital à l’exception de celle de l’administration centrale), sa hausse semble corroborée par l’augmentation des agréments accordés 2 La hausse de la contribution du secteur des communication dans les comptes nationaux n’est pas corroborée par l’évolution du chiffre d’affaires des compagnies téléphoniques qui a baissé de 0,4% en 2018. JUILLET 2019 | 17 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 par le Centre Economique de Promotion des Investissement en Côte d’Ivoire (CEPICI) et par la hausse des IDE de 0,8 % à 1,4% du PIB entre 2017 et 2018. Cette hausse de l’investissement privé reflète l’impact positif de plusieurs actions menées par les autorités ivoiriennes pour améliorer le climat des affaires (la Côte d’Ivoire est passé de 139 à 122 dans le classement de Doing Business entre 2018 et 2019) ainsi que l’apurement à la mi-2018 des arriérés fournisseurs par le gouvernement pour un montant d’environ 106 milliards de FCFA (0,4% du PIB). Graphique 3 : L’évolution de la demande globale, 2015-18 13,0 & de croissance annuel, % 1,2 10,0 0,5 7,0 2,5 1,2 10,5 2,9 4,0 8,8 5,3 3,6 1,0 0,1 -2,9 -1,8 -2,0 -5,0 2015 2016 2017 2018 Demande externe nette Demande privée Demande publique Source : FMI et Ministère de l’Economie et des Finances 1.1.2. Un taux d’inflation qui reste maitrisé mais une croissance des crédits bancaires qui se ralentit L’inflation en Côte d’Ivoire est restée faible à 0,3% en 2018 (Graphique 1b). En plus de la politique monétaire prudente menée par la BCEAO, et de l’ancrage à la zone Euro, trois facteurs expliquent essentiellement cette stabilité des prix, à commencer par le maintien des prix des produits alimentaires. Ceux-ci bénéficient de la mesure du plafonnement des prix des denrées de première nécessité mise en place par le gouvernement ainsi que de bonnes récoltes pour la plupart des produits vivriers. La seconde raison se trouve être la baisse des prix des télécommunications, qui ont diminué pour les appels et l’usage du « data » en 2018. La troisième est la faible augmentation du prix du carburant car les autorités ivoiriennes n’ont pas entièrement répercuté la hausse des prix mondiaux du pétrole sur les consommateurs locaux. Le système bancaire reste relativement solide en dépit du ralentissement des crédits à l’économie, qui n’ont augmenté que de 11,3 % en 2018 contre plus de 15% en 2017 et 25 % en 2016 (Graphique 1b). Les crédits sont largement concentrés dans les secteurs manufacturiers et du commerce même si la part des prêts aux 5 plus gros emprunteurs a baissé de 108,9% en 2017 à 98,4% en 2018. Les indicateurs de solidité financière se sont améliorés avec la mise en œuvre des normes Bâle II et Bâle III en dépit du choc provoqué par la liquidation de 3e exportateur de cacao (SAF cacao) dans le secteur bancaire. Le ratio des fonds propres est passé à 9% (au-dessus de la nouvelle norme réglementaire de 8,6%), alors que le ratio des prêt non productifs a diminué de 9,8% en 2017 à 8,5% en 2018, ce qui est le moins élevé de la sous-région. Dans le même temps, certaines petites banques restent sous-capitalisées. Le gouvernement a recapitalisé en 2018 la Versus Bank et la Caisse nationale des caisses d’épargne, dont le capital reste négatif à environ 0,4% du PIB en attendant la mise en œuvre complète de son plan de restructuration. En outre, la Banque Nationale d’Investissement a vu son portefeuille de prêts se détériorer, ce qui reflète en partie son exposition à l’exportateur de cacao en faillite SAF Cacao. JUILLET 2019 | 18 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 1.1.3. Un secteur externe dont le déficit se creuse La situation extérieure de la Côte d’Ivoire s’est dégradée en 2018 avec un déficit de la balance en compte courant estimé à 4,7 % du PIB, ce qui est 2% du PIB supérieur à ce qui avait été observé en 2017 et presque 5 % du PIB de plus qu’en 2015 (cf. Graphique 1c). La dégradation du compte courant s’explique surtout par la détérioration des termes de l’échange qui ont diminué de 10% en 2018 et entraîné un affaiblissement du surplus de la balance commerciale. C’est la deuxième année consécutive que la Côte d’Ivoire a dû subir des prix internationaux défavorables après une période extrêmement favorable entre 2012 et 2016. Le déficit de la balance des services s’est réduit alors que celui des revenus est resté stable ce qui a permis en partie de compenser la détérioration de la balance commerciale entre 2017 et 2018. Les exportations de marchandises ont diminué en valeur de 10% en 2018 par rapport à 2017 car la hausse en volume n’a pas été suffisante pour compenser la baisse des prix. Ce constat s’applique autant aux produits agricoles qu’aux produits transformés. Au niveau individuel, les plus fortes hausses en valeur ont pris place pour le café (+84%), le bois (+83%), le coton (+32%) et l’huile de palme (+12%). En revanche, le cacao (-12 %) et le caoutchouc (-14%) ont vu une baisse de leurs ventes à l’étranger. Au niveau des importations, la hausse a pris place pour les produits pétroliers (+82%) et les autres biens intermédiaires (+13,6%). En revanche, les importations de biens de consommation n’ont que faiblement augmenté (+4,2%) alors que celles de biens d’équipements ont diminué de (-8,8%). Le déficit de la balance du compte courant a été aisément financé grâce à la combinaison d’emprunts concessionnels et non concessionnels ainsi que par la hausse des afflux d’investissements directs étrangers. Ces derniers ont presque doublé en 2018 comparativement à 2017, atteignant 1,4% du PIB. Ce ratio est l’un des plus élevés des pays de la sous-région, mais il reste encore en retrait de ceux atteints par des pays comme le Ghana, le Kenya, et le Mozambique. Le gouvernement a aussi pu emprunter en mars 2018 plus de 2 milliards de US dollars en Eurobonds à des termes favorables pour financer son déficit. Les réserves en devises internationales accumulées par la BCEAO ont augmenté de 3,8 mois de la valeur des importations à la fin 2017 pour atteindre 4,3 mois de cette même valeur en décembre 2018. 1.1.4. Une politique budgétaire maitrisée en dépit de la mauvaise performance des recettes fiscales Sur le plan budgétaire, le gouvernement a réduit son déficit qui est passé de 4,5 à 4 % du PIB entre 2017 et 2018 (Graphique 1d). Le stock total de la dette publique a légèrement diminué de 0,3 point du PIB pour ses situer à 45% du PIB à la fin 2018, ce qui est inférieur à la norme de 70% de l’UEMOA et, surtout, la première baisse constatée depuis l’atteinte du point d’achèvement de la dette externe en 2012. Le gouvernement a utilisé les fonds levés sur le marché des Eurobond pour racheter une partie de sa dette intérieure à court terme ce qui lui a permis d’améliorer la structure des échéances de la dette publique et ainsi réduire le risque de refinancement au cours des prochaines années. L’ajustement budgétaire en 2018 est uniquement dû au resserrement des dépenses courantes (-0.6% du PIB) et en capital (-0.4% du PIB) car la mobilisation des recettes intérieures a diminué (-0,3% du PIB) contrairement aux prévisions des autorités (Graphiques 4).3 Cette baisse de la pression fiscale n’avait pas été anticipée si bien que les autorités ont dû couper plus que prévu leurs dépenses en capital avec un taux d’exécution uniquement de 79,4%, ce qui est inférieur aux taux enregistrés lors des années précédentes. Au-delà des dépenses d’investissements, le gouvernement a réduit certaines subventions ainsi que supprimé les dépenses qui avaient été ponctuellement introduites en 2017 à la suite des revendications de certains militaires et de représentants de la fonction publique. L’élimination de ces dépenses « d’urgence » expliquent presque ¾ de la diminution des dépenses publiques totales entre 2017 et 2018. 3 Ces chiffres n’incluent pas les recettes affectées de manière à ne pas biaiser la comparaison historique. Ce n’est qu’à partir de 2016 que les autorités ivoiriennes ont introduit les recettes affectées dans leur recettes intérieures. Si celles-ci sont inclues, le ratio de recettes domestiques sur le PIB a été de 18,5% en 2016, 19,2% en 2017 et 18,9 % en 2018. JUILLET 2019 | 19 2016 2017 2018 (e) -3,0 Dons Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Recettes fiscales Recettes fiscales Recettes totales (incl dons) Graphique 4 : Evolution des comptes de l’État depuis 2016 Les recettes publiques, % du PIB Les dépenses publiques, % du PIB 22,0 20,0 20,4 19,9 1,2 24,0 24,9 23,9 1,5 1 25,0 2,5 2,7 2,7 17,0 6,7 6,9 6,5 20,0 12,0 15,0 16,0 16,5 16,2 7,0 10,0 17,3 18,0 17,4 2,0 5,0 2016 2017 2018 (e) 0,0 -3,0 2016 2017 2018 (e) Dons Recettes fiscales Dépenses d'investissement Recettes fiscales Dépenses courantes Recettes totales (incl dons) Dépenses totales Source : MEF, FMI La consolidation des comptes de l‘État en 2018, après une hausse du déficit entre 2015 et 2017, souligne 24,0 des autorités l’engagement 23,9 un cadre macroéconomique ainsi budgétaire stable au cours 24,9 à conserver 25,0 du temps. Cette appréciation positive doit cependant être nuancée à la lumière des difficultés des 6,9 autorités 20,0 à mobiliser 6,7 plus 6,5fiscales. Cela pourrait fragiliser la situation budgétaire dans les de recettes années à venir comme cela est analysé ci-dessous. 15,0 Pourquoi l’État ne parvient-il pas à augmenter les recettes fiscales ? 10,0 17,3 18,0 17,4 Bien que l’augmentation des recettes fiscales de l’État soit indispensable pour financer le programme 5,0 ambitieux du Gouvernement, celles-ci n’arrivent pas à décoller ; pire elles ont même baissé de 0,7% du PIB entre 2012 et 2018.4 La performance de la Côte d’Ivoire est décevante par rapport à plusieurs autres 0,0 pays de l’UEMOA 2016 2017 et le Togo) (le Sénégal 2018 (e)qui opèrent avec le même cadre règlementaire et législatif en matière d’imposition (Graphique 5). Ces résultats sont surprenants car le gouvernement a multiplié les Dépenses d'investissement réformes au sein de l’administration fiscale avec, notamment, l’introduction de plateformes numériques Dépenses courantes et la simplification de certaines procédures. Ces efforts vont certainement porter leurs fruits dans la durée, mais enDépenses totales attendant il convient de mieux comprendre pourquoi les autorités ivoiriennes peinent à mieux recouvrer leurs impôts. 4 Les recettes fiscales ont toutefois fortement augmenté en valeur nominale, mais à un rythme moins rapide que le taux de croissance de l’économie pendant la période 2012-18. Cette performance peut refléter des taux de croissance différenciés par secteur, qui ne sont pas tous imposés au même niveau. Cette analyse, par secteur, dépasse le cadre de ce rapport même si elle demeure importante. JUILLET 2019 | 20 14,4 14,2 14,0 S i t u a t i o n é c o n o m i q u e e n C ô t e d ’ I v o i r e - J u i l l e t 2 0 1 9 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Recettes fiscales/PIB Graphique 5 : La pression fiscale en Côte d’Ivoire depuis 2012 et par rapport aux pays de l’UEMOA 2012-2016 Recettes fiscales/PIB 25,0 16,2 16,0 19,2 16,0 20,0 Recettes ficales/PIB 15,7 17,1 15,8 15,6 16,1 15,5 15,015,0 14,414,4 15,6 15,0 13,4 15,4 15,3 15,3 15,2 15,1 10,0 8,4 15,0 14,8 5,0 14,6 14,7 14,4 0,0 14,2 14,0 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Recettes fiscales/PIB Note : Les recettes affectées ne sont pas inclues. Source : Calculs de la Banque mondiale. L’examen des résultats obtenus par les autorités ivoiriennes en matière de mobilisation de recettes met en évidence trois raisons majeures derrière leur performance relativement décevante au cours de la période 2012-18 : 2012-2016 25,0 Le ralentissement des activités du secteur extractif a entraîné une perte cumulée des recettes en provenance 19,2 20,0 du BIC sur le pétrole et la taxe d’extraction pétrolière. Celle-ci est équivalente à 1,7% du PIB Recettes ficales/PIB 17,1 par an. 16,1 15,5 15,015,0 14,414,4 15,0 13,4 • La baisse de la fiscalité sur les activités de transformation du cacao et les ajustements de la fiscalité sur les produits pétroliers en fonction du prix du baril sur les marchés internationaux 10,0 8,4 ont conduit à des pertes significatives. L’État a ainsi perdu 0,6% du PIB entre 2016 et 2018 en matière de fiscalité cacaotière. Si le taux de pression fiscale sur les produits pétroliers avait 5,0 été le même en 2018 qu’en 2016, le gouvernement aurait recueilli plus de 350 milliards de FCFA supplémentaires (soit l’équivalent de 1,4% du PIB).  0,0 • La faiblesse du recouvrement de la TVA, en particulier sur les transactions intérieures, est une cause de perte majeure pour l’État. En 2018, malgré un effort depuis 2012, ce taux de recouvrement n’atteignait que 1,8 % du PIB en raison de la multiplicité des exemptions et d’un taux d’évasion élevé.5 6 Si la Côte d’Ivoire parvenait à un taux de recouvrement de la TVA sur ses transactions intérieures égal à celui observé au Congo, Kenya ou Togo (soit autour de 2,6% du PIB), l’État pourrait augmenter ses recettes de presque 1 point du PIB. S’il atteignait le taux du Cap-Vert et du Cameroun (3,5%), les gains pourraient être de 2 points du PIB. A titre comparatif, le taux de recouvrement d’un pays à plus haut revenu comme l’Afrique du Sud est de 7,5% du PIB. 5 Pour une analyse approfondie des raisons derrière la faible efficience de la TVA en Côte d’Ivoire, cf. Banque mondiale, Une analyse du système fiscale en Côte d’Ivoire, 2018. 6 Ce taux de recouvrement est dérisoire même si le PIB est ajusté en supprimant les activités primaires qui sont globalement exonérées car les recettes fiscales resteraient inférieures à 2,5% du PIB (hors agriculture).  A l’inverse, si les activités non- enregistrées, qui sont de l’ordre d’environ 40 % du PIB officiel selon une étude récente du FMI), le taux de recouvrement de la TVA serait inférieur à 1,2 % du PIB total (formel et informel) en Côte d’Ivoire. JUILLET 2019 | 21 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 La combinaison de ces trois facteurs explique un manque à gagner pour l’État Ivoirien d’environ 4-5 % du PIB par an en recettes fiscales. Ce manque n’a pas été compensé par les efforts entrepris pour améliorer le recouvrement des impôts sur les salaires et sur les Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC-hors pétrole) dont les recettes ont augmenté respectivement de 0,21% et 0,26 % du PIB entre 2012 et 2018. La faiblesse chronique de la TVA interne explique aussi en partie pourquoi le gouvernement a choisi d’imposer lourdement ses exportations, en particulier de cacao à hauteur de 22%. Il permet aussi de comprendre pourquoi le taux d’imposition moyen effectif sur les importations (autour de 20%) est environ 10 fois plus élevé que le taux effectif moyen prélevé sur les transactions intérieures. Si la lourde imposition des transactions internationales aide le gouvernement à atteindre ses objectifs en matière de recettes, elle nuit à la compétitivité des entreprises locales sur les marchés internationaux qui est une des priorités du Plan National de Développement.  Quelle stratégie suivre pour augmenter les recettes fiscales ? Pour recouvrer davantage d’impôts, la Côte d’Ivoire se doit non seulement de continuer ses efforts de réformes administratives mais aussi centrer son action autour du recouvrement de la TVA sur les transactions intérieures dont le taux actuel extrêmement bas offre une marge de progression indéniable. Cet effort rapporterait des recettes supplémentaires à l’État tout en lui permettant de réduire graduellement la lourdeur de sa fiscalité sur les transactions internationales, qui sont comparativement surtaxées. Dans ce contexte, la refonte de la fiscalité pétrolière et cacaotière, qui comptent à elles deux pour environ 20 % des recettes totales de l’État, pourrait intervenir afin de mieux équilibrer le fardeau fiscal et ainsi contribuer à accroître la compétitivité des entreprises locales sur les marchés internationaux. La surveillance des risques budgétaires : un besoin de plus de vigilance En 2018, le gouvernement a dû baisser ses dépenses d’investissements pour atteindre la cible qu’il s’était fixée en termes de déficit public. Cette baisse explique la contribution moindre de la demande publique à la croissance économique en 2018 et, à plus long terme, nuit aux ambitions des autorités qui cherchent à combler les retards du pays tant en infrastructures qu’en matière de services sociaux. Afin de compenser cette baisse de l’investissement public, les autorités ont annoncé leur intention de porter davantage l’attention sur la qualité des projets qu’ils vont mettre en œuvre, à travers une amélioration de leur système de gestion.7 De même, le recours aux partenariats privés-publics, poursuivant en cela une tradition relativement bien ancrée en Côte d’Ivoire, devrait permettre d’alléger la pression fiscale même si les risques contingents ne doivent pas être ignorés. Cependant, parce que ces réformes peuvent prendre du temps, les autorités peuvent être tentées de recourir à des financements plus coûteux auprès de banques commerciales en vue de réaliser des investissements. Ce mécanisme privilégie la rapidité d’exécution des projets mais peut exposer les finances publiques à des risques plus importants. Les risques proviendraient d’une part du coût et de son impact sur la dette publique et d’autre part, de l’impact sur le volume des procédures dérogatoires de passation des marchés. Les autorités devraient donc faire davantage attention aux risques budgétaires, y compris ceux provenant des entreprises publiques et des modalités de financement des investissements, en s’assurant que tous les emprunts commerciaux soient immédiatement inscrits dans la dette de l’Etat 7 Banque mondiale et FMI, Une évaluation du système de gestion des investissements publics en Côte d’Ivoire, 2016. JUILLET 2019 | 22 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 En effet, si le risque de surendettement du pays reste modéré comme l’a conclu l’analyse conjointe de la soutenabilité de la dette du FMI et de la Banque mondiale réalisée en octobre 2018, la dette de la Côte d’Ivoire demeure vulnérable à un dérapage budgétaire ainsi qu’à des chocs sur les taux d’intérêt et les exportations. Plusieurs risques para-budgétaires, à savoir ceux liés au surendettement de certaines entreprises publiques et agences de l’Etat, demeurent en dépit des progrès réalisés, notamment dans le secteur de l’énergie avec la restructuration de la dette de la Société Ivoirienne de Raffinage et de CI-Energie. La situation financière reste fragile notamment dans le secteur du transport (Air Côte d’Ivoire) et dans certaines banques publiques. Une attention accrue devra aussi être donnée aux projets de PPP qui, s’ils réduisent les besoins en financement de l’Etat, ne sont pas sans risques budgétaires notamment si l’Etat doit intervenir en cas de défaillance de l’opérateur privé ou de changement dans les prévisions de la demande. Enfin, les autorités devront faire particulièrement attention aux modalités de financement des investissements, en évitant des emprunts à termes commerciaux, car ceux-ci posent des risques pour la stabilité des comptes de l’Etat et de la viabilité de la dette publique. 1.2. Les perspectives de court et moyen termes Les perspectives économiques de la Côte d’Ivoire devraient rester favorables à moyen terme à condition que l’économie ne soit pas confrontée à des chocs extérieurs majeurs et à une détérioration du climat politique à l’approche des élections présidentielles de 2020. Ci-après est présenté le scénario de base envisagé pour les années 2019-2021. Les principaux risques sont ensuite discutés, notamment en matière de politique budgétaire. 1.2.1. Le scénario de base (2019-21) La croissance du PIB réel devrait s’établir à 7,2% en 2019, avec une légère baisse en 2020 en raison du cycle politique. Une reprise est attendue à partir de 2021 avec la fin de plusieurs grands ouvrages à Abidjan qui devraient servir à améliorer la mobilité urbaine et ainsi promouvoir des effets d’agglomération à travers une meilleure fluidité des travailleurs et des marchandises. La croissance continuera à être tirée par l’industrie (construction) et les secteurs des services modernes (communications, transports, finance). La contribution du secteur agricole à la croissance devrait se situer autour de 20%, ce qui est légèrement supérieur à sa valeur depuis 2012, grâce aux retombées positives attendues des programmes de soutien mis en place par le gouvernement dans plusieurs filières stratégiques. Le développement de la transformation des produits agricoles devrait stimuler les activités du secteur agro-alimentaire. La volonté du gouvernement à améliorer le climat des affaires, à travers les réformes visant à simplifier et automatiser les procédures administratives, devrait également motiver les investisseurs tant locaux qu’étrangers. Tableau 1 : Résultats et projections économiques, 2016-21         Projections 2016 2017 2018 (e) 2019 (p) 2020 (p) 2021 (p)               Croissance du PIB (%) 8,0 7,7 7,4 7,2 7,0 7,2 Inflation (%) 0,7 0,8 0,3 1,4 1,4 2,0 Solde du compte courant (% du PIB) -1,2 -2,9 -4,7 -4,5 -4,2 -4 Solde budgétaire (%du PIB) -4,0 -4,5 -4,0 -3,0 -3,0 -29 Dette publique (% du PIB) 43,1 45,3 49,7 49,9 49,3 48 Source : Banque mondiale, Juin 2019. JUILLET 2019 | 23 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Du côté de la demande globale, la consommation et les investissements privés resteront sur leur dynamique positive, même si un léger ralentissement pourrait prendre place en 2019 et 2020 à l’approche des élections. La contribution du secteur public devrait rester contenue en raison de l’engagement des autorités à maintenir un déficit budgétaire stable autour de 3 % du PIB dans les années à venir. Au niveau social, l’exécution du programme social du gouvernement avec l’extension de la Couverture maladie universelle et des filets sociaux devrait accélérer le rythme de réduction de la pauvreté et des inégalités au sein de la population, tout en stimulant la demande intérieure. La contribution du secteur externe devrait demeurer stable même si elle restera dépendante des fluctuations des termes de l’échanges et des conditions extérieures. L’inflation devrait rester modérée en dessous du plafond de 3% fixé par l’UEMOA grâce à la politique monétaire prudente de la BCEAO. Les prix des aliments devraient rester stables, alors que les fluctuations des prix mondiaux du pétrole et du gaz naturel devraient continuer d’avoir un impact limité sur les prix intérieurs de l’énergie, en raison de l’indépendance énergétique de la Côte d’Ivoire qui compte majoritairement sur ses réserves de gaz intérieures ainsi que sur l’énergie hydraulique. Au niveau des comptes extérieurs, une légère amélioration du déficit de la balance courante est prévue à moyen terme. Les exportations agricoles soutenues par des termes de l´échange stable, devraient augmenter grâce aux programmes de productivité mis en place par le gouvernement. Le développement des activités de transformation encouragées par les autorités devrait aussi favoriser l’essor des exportations. Les importations devraient se stabiliser et suivre le rythme de croissance du PIB. Enfin, le déficit du compte courant devrait être financé par une combinaison d’IDE et d’émissions obligataires en Eurobonds par le gouvernement ainsi que par des flux d’aide de la part des partenaires financiers. Les comptes budgétaires de l’État devraient s’améliorer pour que le déficit public se stabilise autour de 3% du PIB à partir de 2019, ce qui correspond à la cible communautaire au sein de l’UEMOA. La Côte d’Ivoire serait alors l’un des bons élèves car plusieurs autres pays devraient manquer cette cible, ce qui confirmerait son rôle à travers sa politique budgétaire prudente comme plus fort contributeur à l’accumulation des réserves internationales qui sont essentielles à la stabilisation du taux de change. Cette consolidation budgétaire sera réalisée à travers la combinaison d’une augmentation des recettes (+0.6% du PIB) et d’un contrôle des dépenses (-0.4% du PIB). Comme annoncé dans la Loi des Finances 2019, la hausse des recettes proviendra du relèvement du taux de plusieurs droits d’accises et de la réintroduction des droits d’enregistrement sur le cacao qui avaient été suspendus en 2017 à la suite de la baisse des prix mondiaux. Dans le moyen terme, l’État ivoirien envisage d’élargir l’assiette de la TVA en supprimant certaines exonérations, conformément aux directives de l’UEMOA, et en accord avec son plan de rationalisations des exonérations adopté en mars 2019. Parallèlement, les autorités envisagent de renforcer les administrations fiscale et douanière en créant un numéro électronique unique d’identification du contribuable tout en renforçant les contrôles fiscaux sur les contribuables grâce à l’amélioration de la capacité d’analyse de données, qui seront la base de l’identification des risques de fraude et le fondement des contrôles fiscaux. Au niveau des dépenses publiques, le gouvernement envisage une réduction graduelle des dépenses courantes tout en maintenant relativement constant les dépenses d’investissement. Du côté des dépenses courantes, les autorités vont chercher à limiter la masse salariale, en favorisant le départ volontaire à la retraite anticipée de militaires et en réduisant l’embauche (sauf pour les Ministères sociaux comme l’éducation et la santé) ainsi qu’en augmentant les contrôles sur la gestion de la masse salariale. Le gouvernement prévoit aussi maintenir ses dépenses en capital au niveau de 2018 en termes de ratio du PIB, tout en portant davantage d’attention à une meilleure gestion des projets ainsi que le développement de partenariats privés-publics. JUILLET 2019 | 24 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 1.2.2. Des risques multiples mais gérables Bien que les perspectives restent positives pour la Côte d’Ivoire à court et moyen terme, le pays reste vulnérable, sur un plan extérieur, aux chocs des termes de l’échange en raison du poids de ses exportations de produits agricoles (qui représentaient plus de 60% des exportations totales de marchandises en 2018) et des importations de pétrole. En plus, un possible durcissement des conditions de financement sur les marchés internationaux et régionaux augmenterait le coût des emprunts non concessionnelles et pourrait avoir une incidence sur l’assainissement budgétaire amorcé ainsi que sur la viabilité de la dette à moyen et à long terme. Enfin, le pays reste tributaire des conditions climatiques ainsi que de la menace terroriste tant au niveau régional que global. Au niveau interne, le pays devra faire face à plusieurs défis. Le contexte des élections présidentielles de 2020 pourrait conduire à des incertitudes à même de mener à des troubles sociaux, comme cela s’est passé au début 2017. Cette possible dégradation de l’environnement politique pourrait aussi conduire les opérateurs privés à ralentir leurs investissements, ce qui aurait des répercussions sur la croissance économique et l’emploi dans le court terme. Ces risques politiques pourraient être exacerbés par le partage relativement limité des fruits de la croissance si le programme social du gouvernement est affecté et cela pourrait alimenter des revendications sociales.8 En effet, conscient de ce dernier risque, le gouvernement a lancé un programme social au début de 2019, avec l’objectif d’accélérer l’inclusion économique des plus démunis, notamment en accélérant l’accès universel aux programmes de santé et d’éducation, en améliorant l’accès à l’eau potable en milieu rural et en facilitant les mouvements entre les zones rurales et les villes grâce à la réhabilitation des pistes rurale. Le gouvernement à travers ce programme œuvre également à accélérer l’accès aux stages et à l’emploi pour les jeunes. La réussite de ce programme permettrait de tempérer les risques associés aux inégalités sociales, notamment le sentiment de rejet des populations vulnérables et de frustration d’une jeunesse en quête d’emplois. 1.3. Quel est le rôle de l’agriculture dans la croissance ivoirienne ? L’agriculture demeure un secteur de prime importance pour l’économie de la Côte d’Ivoire même si son poids dans le PIB national a diminué de 47,9 % en 1960 à environ 21,5% en 2018. Elle procure encore un emploi à plus de la moitié des ménages (exactement 51,2% en 2015) et est de loin la majeure source de devises du pays, comptant pour approximativement 60% de ses exportations en marchandises en 2018. Dans une perspective dynamique, une agriculture performance est aussi le moyen le plus efficace pour réduire la pauvreté rurale, qui reste prédominante en Côte d’ivoire, et ainsi mieux partager les fruits de la croissance. Ce secteur est aussi essentiel pour le pays réussisse sa transformation structurelle à travers la création d’emplois le long des chaînes de valeurs de produits agricoles. Le rôle central que joue le secteur agricole en Côte d’Ivoire est résumé dans le graphique 6, en distinguant les contributions respectives de ses sous-composantes (agriculture vivrière, et de rente ainsi que l’élevage et la sylviculture) sur le PIB, l’emploi, l’utilisation des surfaces, la production, et les échanges commerciaux du pays. 8 Pour une analyse du manque de partage de la croissance économique en Côte d’ivoire, cf., Rapport sur la situation économique en Côte d’ivoire, Que la Route soit Bonne, huitième édition, février 2019. JUILLET 2019 | 25 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Graphique 6 : Le poids de l’agriculture en Côte d’Ivoire Sylviculture Elevage et Pêche Agriculture d’exportation Agriculture vivrière 3,9 M d’emplois 3,6k Mds FCFA (dont informels)2 8,6 M ha 23 M tonnes 2 580 Mds FCFA 520 Mds FCFA 1% 1% 1% 1% 9% Cacao 11 % 10 % 38% Noix de palme 42 % Cacao 8% 52 % Autres 68 % Cacao 58 % 31 % Riz 16% Igname 26% Noix de palme Elevage 13% Autres 12% 21 % 57 % Manioc, igname Manioc 48 % plantain 20 % 9% Noix de cajou 8% 30 % Maïs Plantain Autres not. blé 11% 6 % Riz 8% Riz Autres 6 % Autres 4% PIB réel 2017 Emploi 2013 Surfaces récoltées 1 Production 20171 Exportations 2016 Importations 2016 2017 1 Inclut uniquement les cultures suivantes : cacao, noix de palme, anacarde, café, ananas ,coton, noix de palme, hévéa, mangu e, riz, manioc, maïs, igname, plantain, arachide ge) 2 Non prise en compte de la sylviculture, beaucoup d’agriculteurs font de la multiculture (à la fois vivrier, export et éleva 14 Source : Ministère de l’Agriculture Pourtant, malgré son importance, la contribution de l’agriculture à la croissance économique du pays est restée modeste et fragile au cours de ces dernières années. Ce secteur n’a directement contribué en moyenne qu’à 14 % de la croissance du PIB (ou l’équivalent de 1,2 points par an) depuis la sortie de crise en 2012, ce qui est faible en comparaison de la contribution de l’industrie (20%), des services (31%), et même de l’État (30%).9 La contribution de l’agriculture a aussi fortement varié au gré des conditions climatiques et des prix en vigueur sur les marchés internationaux, contribuant jusqu’à 3,3 points de croissance du PIB en 2014 mais uniquement 0,1 points en 2012 et 0,6 points en 2015 (Graphique 7). Graphique 7 : La contribution de l’agriculture à la croissance en Côte d’Ivoire, 2012-18 3,5 3,3 3,0 Points de croissance 2,5 2,1 2,0 1,4 1,5 0,8 0,6 0,8 1,0 0,1 0,5 0,0 -0,5 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 Agriculture vivrière, élevage Agriculture d'exportation Sylviculture Pêche Secteur Primaire Source : MEF 9 La contribution de l’agriculture à la croissance du PIB est sous-estimée car cet exercice comptable ne prend pas en compte ses effets indirects sur le développement des emplois industriels et de services le long des chaînes de valeurs. L’estimation de ces effets indirects dépasse toutefois le cadre de ce rapport. JUILLET 2019 | 26 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Afin d’accroître la contribution de l’agriculture à ses objectifs de croissance économique et de réduction de pauvreté, le consensus est que la Côte d’Ivoire se doit de promouvoir des gains de productivité et d’encourager une plus grande diversification agricole. Or, aujourd’hui, la valeur ajoutée moyenne par travailleur dans le secteur primaire ivoirien reste modeste étant respectivement 2,3  ; 3,5 et 4,6 fois inférieure à celle du Nigéria, de la Tunisie et de l’Afrique du Sud.10 Les rendements moyens associés à la plupart des produits agricoles vivriers et de rente sont faibles, surtout en comparaison de pays qui ont réussi leur révolution verte (Graphique 8). De nombreuses études ont montré que les rendements sont limités en Côte d’Ivoire car les techniques modernes de production restent peu utilisées dans les fermes avec l’usage limité d’engrais et d’équipements modernes (tracteurs, systèmes d’irrigation).11 Les difficultés à formaliser la propriété foncière est aussi un frein au développement car elles rendent plus difficile l’établissement d’un marché foncier (un préalable à la promotion de l’investissement) et l’accès aux crédits bancaires pour les paysans. Les agriculteurs peinent aussi à commercialiser leur production à cause de leur éloignement des marchés en raison de routes insuffisantes ou en mauvais état ainsi que du manque d’infrastructures de stockage. Ces carences sont aggravées par l’existence de chocs exogènes comme les conditions climatiques et les variations des prix des principales denrées sur les marchés internationaux.12 L’agriculture ivoirienne reste aussi relativement peu diversifiée, non pas par rapport à ses voisins en Afrique de l’Ouest mais à des pays qui ont réussi leur émergence, ce qui limite sa résistance aux chocs externes et la capacité de ses paysans à augmenter leur productivité. Selon A. Deaton, prix Nobel d’Economie en 2015, le manque de diversité fragilise le secteur agricole ce qui l’empêche d’investir dans des techniques modernes alors que ce cercle vertueux entre résilience et productivité se trouve être à la base du développement agricole d’un pays.13 L’insuffisance de diversification du secteur agricole ivoirien était visible en 2017 dans la concentration de sa production (en volume) à 65 % autour de trois produits vivriers (igname, manioc et l’huile de palme) ou plus de 80% si l’on rajoute le riz et le cacao.14 En comparaison, le degré de concentration des trois premiers produits n’était que de 32 % au Kenya pour la même année. Le deuxième signe du manque de diversification est que la Côte d’Ivoire n’a pas encore réussi une percée dans des produits (comme l’horticulture, les produits laitiers et la viande) qui contiennent plus de valeur ajoutée (et d’emplois) que la production de céréales ou de tubercules. La production cumulée de mangues, épices, aubergines, oranges, tomates, okra et avocates ne représentait que 2,8% de la production agricole ivoirienne en 2017 (contre 3,5% en 2011). Enfin, seulement un quart des ménages ruraux en Côte d’Ivoire combinent des activités agricoles et non agricoles, alors que ce taux dépasse 60% dans des pays comme la Thaïlande et le Vietnam aujourd’hui.15 Le gouvernement ivoirien a pris conscience de l’importance d’accroître tant la productivité que la diversification du secteur agricole pour que réussisse son modèle de développement économique et social. C’est dans cet esprit que le Plan National de Développement (2016-20) a fixé les objectifs généraux en termes de contribution de l’agriculture à l’agenda de l’emploi et de la croissance économique. Les priorités sont d’améliorer la productivité de la main-d’œuvre agricole dans les cultures existantes, de diversifier le choix de la production agricole et d’ajouter de la valeur – en ligne avec les faiblesses identifiées ci-dessus. Les autorités se sont fixées des cibles ambitieuses comme la relance de la filière coton et de l’hévéa ainsi que la transformation d’au moins 50 % des fèves de cacao et de l’anacarde en 2023. 10 La faible productivité du travailleur agricole en Côte d’Ivoire est confirmée par le fait que son revenu mensuel moyen se situe autour de 40 000 FCFA, ce qui est environ 1,4 fois plus faible que pour un emploi non agricole dans le secteur informel et 2,6 fois inférieur à un emploi salarié dans le secteur formel. Source : P. Premand et l. Christiansen, Toward Better Employment and Productive Inclusion: A Jobs Diagnostic for Côte d’Ivoire, Banque mondiale, 2017. 11 Selon le Ministère de l’Agriculture, l’irrigation reste très limitée (seulement 0,4% des terres irriguées), l’utilisation des intrants demeure faible (20% des surfaces cultivées) en raison de leur coût prohibitif et d’une méconnaissance de leurs usages par les petits producteurs. 12 Voir par exemple, OECD, Côte d’Ivoire : Diagnostic multidimensionnel, 2016 et Banque mondiale, Diagnostic systématique pays, 2015. 13 A. Deaton and G. Laroque, On the Behavior of Commodity Prices, The Review of Economic Studies, Vol. 59, No. 1 (January 1992). 14 La récente augmentation de la production de riz s'avère donc également prometteuse du point de vue de l'emploi. 15 Pour plus détails sur voir P. Premand et l. Christiansen (2017), op. cit. La principale raison du manque de diversification des ménages ruraux ivoiriens vers des activités non agricoles est le manque d’opportunité à cause de leur éloignement des centres commerciaux et leur leurs compétences relativement limitées (avec une main d’œuvre qui n’a pas ou peu été l’école). JUILLET 2019 | 27 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Cacao Cacao 8 : Des rendements agricoles Graphique HeveaCacao Hevea Cafe Cafe Hevea insuffisants, 2016/17 (kg par hectare) Cafe 25 25 20 20 30 25 30 27 27 20 40 40 30 35,3 27 35,3 40 20 20 25 25 20 35 35 25 35 20 16,1 20 16,1 14,5 14,5 30 16,1 Cafe 20 14,5 15 15 Cacao Cacao Cacao 15 Hevea HeveaHevea 30 24,4 Cafe Cafe 24,4 30 10 6,1 6,1 5,1 10 5,1 15 15 6,18,7 5,1 8,7 10 25 15 25 8,7 25 4 4 3,5 3,5 10 10 4 3,5 27 27 27 10 25 5 25 25 5 20 20 20 30 30 305 20 40 20 40 40 15,1 15,1 35,3 35,3 35,3 20 15,1 5 5 15 5 15 15 20 0 20 20 0 25 0 25 250 0 16,1 35 35 35 0 20 2016,1 20 16,1 14,5 14,5 14,5 10 10 4,2 4,2 10 4,2 15 15 15 30 30 30 24,4 24,4 24,4 Ghana Ghana Nigeria Thailande Thailande Thailande Ghana Thailande CIV CIV Ghana Cameroun Nigeria Cameroun CIV Cameroun Nigeria Nigeria Nigeria Indonesie Indonesie Indonesie Indonesie Indonesie Thailande Thailande Thailande Thailande Mexique Mexique Mexique Mexique CIV CIV CIV 6,1 6,1 6,1 15 15 15 8,7 8,7 8,7 5 25 25 255 5 10 10 10 5,1 5,1 5,1 4 43,5 4 3,5 3,5 10 10 10 0 20 20 200 15,1 15,1 15,1 0 5 55 5 55 15 CIV 15 15 CIV Vietnam Bresil Bresil MalaisieMalaisie Vietnam CIV Bresil 0 00 0 00 10 10 104,2 4,2 4,2 Ghana Thailande CIV Cameroun Nigeria CIV Cameroun Ghana Thailande CIV Cameroun Indonesie Thailande Mexique CIV Mexique CIV Thailande CIV 5 55 0 00 CIV CIV CIV Bresil Bresil Bresil Vietnam Vietnam Vietnam Malaisie Malaisie Malaisie Huile de Palme Huile de Palme Huile de Palme Anacarde Anacarde Riz Riz Anacarde R 75,5 75,5 36,1 75,5 36,1 250 250 204 204 80 250 80 204 40 80 40 40 200 200 172,5 172,5 171,5 171,5 70 70 200 172,5 171,5 35 70 35 29,1 29,1 35 60 60 60 50 50 30 50 30 Riz RizRiz 30 150 Huile 150 HuileHuilede dePalme de Palme Palme 40 150 40 Anacarde Anacarde Anacarde 40 25 70 70 70 25 25 100 100 30 30 100 75,5 75,5 75,5 30 250 20 5,3 20 5,5 5,3 9 5,5 9 20 40 20 4020 4015 5,3 15 5,5 9 36,1 36,1 36,1 20 15 250 50 25050 204 204 204 80 10 80 80 50 10 10 15 200 172,5 172,5 172,5 171,5 171,5 171,5 70 0 70 70 15 35 3535 29,1 29,1 29,1 15 200 0 200 0 60 60 6000 10 0 10 10 50 50 50 30 3030 Ghana Ghana Ghana Tanzanie Tanzanie Tanzanie Philippines Philippines Philippines Philippines Philippines CIV CIV CIV 150 150 150 Malaisie Indonesie Malaisie Indonesie Malaisie Tanzanie Indonesie Colombie Colombie Philippines Colombie CIV CIV CIV 40 40 40 5 25 25 5 25 5 100 100 10070 70 70 30 30 30 20 20 205,3 5,3 5,3 5,5 9 99 5,5 5,5 0 20 20 0 15 15 20 15 0 50 50 50 10 10 10 15 15 CIV 15 CIV Thailande Thailande Inde Inde CIV Th 0 00 0 00 10 1010 Ghana CIV Ghana Tanzanie CIV Ghana Tanzanie CIV Malaisie Indonesie Colombie CIV Malaisie Indonesie Colombie CIV Malaisie Indonesie Colombie CIV 5 55 0 00 CIV CIV Thailande CIVThailande ThailandeInde Inde Inde Source : Ministère de l’Agriculture sur la base des données de FAOSTAT. Le développement d’une agriculture moderne est complexe en raison du besoin de tenir compte de plusieurs objectifs économiques, sociaux et culturels qui ne sont pas toujours compatibles. Pour cette raison, la Côte d’Ivoire pourrait s’inspirer de pays qui ont réussi à transformer leur agriculture comme le Vietnam, la Thaïlande et le Kenya en mettant d’abord l’accent sur les gains de productivité de leur production vivrière pour ainsi garantir la sécurité alimentaire du pays. Ensuite, parce ces gains auront offert à leurs paysans l’opportunité de se diversifier, ils vont encourager le développement de filières agricoles à plus forte valeur ajoutée et des activités non-agricoles. Cette démarche signifierait pour la Côte d’Ivoire de se concentrer d’abord sur l’amélioration de la productivité de ses principaux produits vivriers, notamment le riz dont les importations comptent encore pour 13% de la consommation intérieure, pour ensuite mener une diversification vers les produits de rente, notamment ceux à plus haut contenu de valeur ajoutée, et vers des activités non-agricoles (y compris la transformation) qui permettrait aux ménages ruraux d’accroître et de mieux répartir leurs sources de revenus. Cette recherche d’une complémentarité entre revenu agricole et non agricole doit devenir un élément central de la lutte contre la pauvreté en Côte d’Ivoire à l’instar de ce qui a été réussi par la Thaïlande où un ménage rural gagne aujourd’hui en moyenne $3 216 par an grâce à sa production agricole et plus de $4 500 à travers ses activités non agricoles, ce qui lui permet de vivre au-dessus du seuil de pauvreté. Quelle que soit la stratégie qui sera menée par les autorités ivoiriennes pour optimiser le potentiel agricole du pays, celle-ci ne pourra se faire sans améliorer la performance de la filière du cacao. Si, en termes de quantité produite, le cacao se situe à la quatrième place (derrière l’igname, le manioc et l’huile de palme et à presque égalité avec le riz), il est de loin le premier produit de rente et la principale source de devises pour le pays. Il occupe directement plus de 5 millions de personnes, soit le cinquième de la population du pays. L’enjeu est aussi devenu environnemental en raison du rôle joué par cette filière dans la réduction des réserves foncières et de la destruction des forêts. C’est pourquoi la deuxième partie de ce rapport va s’interroger sur la manière dont cette filière pourrait contribuer à la recherche d’une croissance économique accélérée, inclusive et durable en Côte d’Ivoire dans les années à venir. JUILLET 2019 | 28 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Partie 2 : pour que le cacao puisse enfin transformer la côte d’ivoire En méconnaissant l’importance du cacao dans l’historique et le vécu des Ivoiriens, on se prive d’une des clés de compréhension majeures de la plupart des évènements qui ont marqué le développement de ce pays au cours des 60 dernières années. D’abord, son essor remarquable dans les années qui ont suivi l’indépendance, son essoufflement au milieu des années 1980 lorsque les cours se sont effondrés sur les marchés mondiaux, son développement accéléré depuis la fin des années 1990, sa remarquable résilience pendant la crise politique des années 2000. Ensuite, l’impact du développement de la culture sur la mise en valeur du pays et sa démographie, avec le premier ancrage dans le Sud Est du pays (« l’ancienne boucle du cacao ») et puis le front pionnier qui a colonisé les régions de l’Ouest, et l’énorme appel que la culture a produit sur la main d’œuvre nationale et de la sous-région. Finalement, les multiples réformes institutionnelles et juridiques, bonnes ou moins bonnes, qui ont secoué la gestion de la filière, avec notamment la disparition de la Caisse de Stabilisation et de Soutien des Produits Agricoles (CAISTAB) en 1999, les récents dysfonctionnements qui l’ont ébranlé pendant les années 2000, et la réforme de 2011, posant les bons principes mais dont la mise en œuvre n’a pas toujours donné les résultats escomptés, comme démontré par la crise qui a suivi la chute brutale des cours après juillet 2016. Tous ces évènements qui ont marqué l’histoire récente de la Côte d’Ivoire démontrent de l’importance du cacao dans le développement économique et social du pays. En effet, le cacao ou « l’or brun » compte pour environ 14% du PIB, contribue à plus du tiers des recettes d’exportations et finance 10 % des recettes de l’État. Sans oublier que l’exploitation du cacao occupe plus d’un 1 million de petits producteurs, répartis majoritairement dans la moitié Sud du pays, et constitue donc la principale source de revenus pour environ 5-6 millions de personnes, soit le cinquième de la population du pays. La filière du cacao est aussi une source importante d’emplois indirects tout au long de la chaîne de commercialisation et de transformation entre les plantations et les ports d’Abidjan et de San Pedro où le produit est exporté. Malgré l’extraordinaire importance de la filière cacao pour le développement économique de la Côte d’Ivoire, ce secteur ne joue pas pleinement son rôle de vecteur de développement pour les producteurs et les communautés rurales concernées dont la plupart continuent de vivre en dessous du seuil de pauvreté. De plus, cette filière est la principale responsable de la déforestation qu’a subi le pays ces dernières décennies car les paysans ont étendu leurs plantations plutôt qu’augmenter leur productivité, pour profiter de la « rente forestière » et accroître leur contrôle sur le foncier. Or, cette rente touche à sa fin à cause de l’épuisement des ressources tant foncières qu’humaines au sein du pays. Parce que le gouvernement a placé cette filière au centre de sa politique nationale de développement, et à la lumière des événements décrits ci-dessus, il semble urgent de définir et de mettre en œuvre une nouvelle vision et stratégie pour le développement futur de la filière cacao qui chercherait à optimiser les bénéfices économiques et sociaux pour le pays en prenant en compte les évolutions en cours au niveau de la demande du marché ainsi que dans les conditions climatiques, foncières et démographiques en Côte d’Ivoire. La recherche de cette nouvelle stratégie a justifié le rapprochement en cours entre la Côte d’Ivoire et le Ghana – qui collectivement représentent environ 60-65% de la production mondiale de cacao- pour mieux harmoniser leurs politiques et ainsi optimiser leurs bénéfices en provenance de la filière (la « Déclaration d’Abidjan du 13 juin 2018 ». Cette deuxième partie de ce rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire commence par poser un diagnostic sur les forces et les faiblesses du secteur cacaotier après 60 ans de développement. Celui-ci rappelle que, malgré la forte croissance de la production nationale et les réformes entreprises au cours des dernières décennies pour améliorer la gestion de la filière, le constat reste mitigé quant à son impact sur la réduction de la pauvreté en zone rurale et sur le capital naturel du pays. Cette JUILLET 2019 | 29 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 partie poursuit en montrant que le statut quo n’est plus une option pour la Côte d’Ivoire en raison de la nécessité de plus en plus pressante de s’adapter aux changements qui prennent place tant au niveau de la demande que de l’offre de cacao. La dernière section conclut en proposant des pistes de réflexion qui pourraient guider le gouvernement dans la définition de sa nouvelle stratégie pour un développement économiquement, socialement et environnementalement durable du secteur cacao en Côte d’Ivoire. 2.1. Le diagnostic de la filière cacao après 60 ans de développement 2.1.1. Un essor extraordinaire qui ne profite pas encore aux producteurs La culture du cacao a été introduite en Côte d’Ivoire à la fin du XIXe siècle (1895). Elle s’y est développée rapidement, surtout après l’indépendance en 1960 si bien que le pays est devenu le premier producteur mondial, dépassant le Ghana, à partir du début des années 1970. Tirée par une demande mondiale en hausse constante, la production nationale est passée de 550 000 tonnes en 1980 à 900 000 tonnes en 1995, puis 1,5 millions de tonnes en 2015 et enfin plus de 2,0 millions de tonnes en 2018. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire compte pour environ 40% de la production mondiale de cacao (Graphique 9). Graphique 9 : Production mondiale de cacao, 1960-2017 Source : R. Gilbert, 2018 En raison de son importance pour le pays, cette filière a reçu une attention constante de l‘État ivoirien au cours des dernières décennies. Son développement a toujours été étroitement encadré par l’État mais a toujours aussi laissé, contrairement à ce qui s’est passé au Ghana voisin, une large place au secteur privé, tant pour la commercialisation intérieure que pour la mise sur le marché international. Cette volonté de partenariat public-privé a été réaffirmée par la réforme mise en œuvre en 2011 qui visait à garantir aux producteurs un prix bord-champ représentant un pourcentage plus élevé du prix international, et stabilisé au cours d’une même campagne, et à mettre en place un cadre institutionnel transparent qui permettrait une gestion consensuelle du secteur au sein d’un organisme interprofessionnel, le Conseil Café Cacao (CCC). Cette réforme était accompagnée par des appuis en matière d’organisation des producteurs, d’amélioration de la productivité des vergers et de promotion de la valeur ajoutée, y-compris par l‘amélioration de la qualité et la transformation du produit (Programme 2QC). Tous ces appuis devaient être apportés en collaboration étroite avec les opérateurs privés dans le cadre d’une Plateforme de Partenariat Public-Privé (PPP). JUILLET 2019 | 30 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 La réforme de 2011 a eu un impact positif indéniable, le premier d’entre eux étant une amélioration de la part du prix mondial reçue par le producteur. Toutefois, force est de constater que le nouveau cadre institutionnel qu’elle a mis en place n’a pas encore produits tous les effets escomptés justifiant ainsi l’évaluation qui a été lancée par le gouvernement, avec le soutien de plusieurs partenaires au développement.16 Aujourd’hui, après 60 ans d’efforts, la filière cacao en Côte d’Ivoire présente un bilan fort contrasté car le formidable essor de la production (i) n’a pas encore engendré une amélioration significative des conditions de vie de la plupart des producteurs ; (ii) a contribué à la destruction massive de la couverture forestière à cause de l’extension des surfaces cultivées ; et (iii) n’a pas permis au pays de capter une part significative des gains qui sont générés le long de la filière cacao-chocolat au niveau global. 2.1.2. Des producteurs vivant toujours en état de pauvreté Selon les données de l’enquête des ménages réalisée par le gouvernement en 2014/15 (qui est la dernière disponible), 54,9 % des producteurs de cacao consomment moins de 757 FCFA par jour, ce qui correspond au seuil de pauvreté fixé par les autorités.17 Ce bilan est corroboré par plusieurs enquêtes récentes sur le terrain, dont celle menée par l’Agence Française de Développement en collaboration avec l’opérateur Barry Callebaut en 2016 (voir encadré pour une description des caractéristiques du producteur-type). Bref, cultiver l’or brun n’est pas donc pour l’instant une voie automatique pour sortir de la pauvreté en Côte d’Ivoire comme c’est d’ailleurs le cas de la plupart des filières agricoles. Le producteur type • C’est un homme (96%), en moyenne âgé de 43 ans ; • Seulement un producteur sur 10 a fréquenté l’école au-delà de l’enseignement primaire, et seulement 30 % déclarent savoir lire. • Il vit dans un foyer qui est composé en moyenne de 8 membres. • Son revenu moyen est d’environ 1,7 million de FCFA par an (ou 3000 $) et le cacao est sa principale source de revenu même si certains producteurs cultivent d’autres produits agricoles (hévéa, palmier à huile, vivriers) ou, plus rarement, exercent une activité non- agricole. • La taille moyenne de son exploitation est autour de 5 hectares (seulement un producteur sur 10 cultive plus de10 hectares) et la moitié de son verger a plus de 24 ans, avec un rendement moyen par hectare de 471 kg. Source: AFD/ Barry Callebaut, Cocoa farmers’ agricultural practices and livelihoods in Côte d’Ivoire, 2016. Sauf si le producteur de cacao diversifie ses activités (ce qu’il n’a pas fait), il doit vendre plus de cacao et/ou le vendre plus cher ou diminuer ses coûts de production pour augmenter ses revenus. Depuis le début des années 1980, la production de cacao a augmenté d’environ 3,5 % par an (Gilbert,2018), un taux légèrement supérieur à la croissance démographique en zone rurale qui a été observée dans le pays (autour de 2,7%).18 Toutefois, cela ne veut pas dire que le nombre de producteurs de cacao n’a pas augmenté plus rapidement que la population rurale et, bien qu’il n’existe pas d’estimation précise, il 16 La dernière réforme de 2011 a amené une indéniable amélioration dans la gestion du secteur mais la crise de 2016 en a aussi mis à jour certaines insuffisances. Huit ans après sa mise en œuvre, le gouvernement a décidé d’entreprendre une revue complète de sa mise en œuvre et de son impact sur la production, l’efficacité de la commercialisation tant intérieure qu’extérieure, et les revenus des planteurs. 17 Ce taux de pauvreté est approximativement le même que pour l’ensemble des producteurs agricoles, mais environ 30 pourcentage de points plus élevés que pour les ménages urbains à Abidjan (source : Institut national de la Statistique, Enquête sur le niveau de vie des ménages en Côte d’Ivoire, juillet 2015). 18 R. Gilbert, The Cocoa Sector in Ghana and Côte d’Ivoire: Concept note prepared for the IFC for the strategic roadmap, draft, September 2018. JUILLET 2019 | 31 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 ne semble pas que la taille moyenne des exploitations ait augmenté19 et ou que les producteurs aient réussi, individuellement, à accroître le volume de leur production. Si chaque producteur n’a pas vendu plus en quantité, la question suivante est de déterminer s’il a pu vendre sa production à un prix plus élevé. Cette question n’est pas anodine car une étude récente de la Banque mondiale a montré qu’une hausse de 10% du prix producteur (prix bord-champ) entraînait une baisse de la pauvreté d’environ 3,6% parmi les producteurs de cacao.20 Le prix au producteur dépend lui du prix international, y-compris les primes payées pour la qualité (physique mais aussi environnementale et sociale) du produit, et de la transmission de ce prix au producteur lui-même. Malheureusement, ces deux conditions ne semblent pas avoir été favorables aux producteurs ivoiriens au cours des dernières décennies. D’abord, le prix du cacao sur le marché mondial, bien que sujet à des cycles de hausse et de baisse en fonction de l’offre et de la demande, a globalement suivi une tendance baissière en valeur réelle (en Euro) depuis le début des années 1960, le prix réel ayant baissé de moitié entre 1960 et 2016 (cf. Graphique 10). Les fluctuations du prix international ont aussi été fréquentes, créant une forte incertitude pour les producteurs qui ne peuvent pas anticiper correctement leurs gains d’une année à l’autre ou planifier leurs investissements (cf. Gilbert, 2018 pour une explication des cycles des prix sur le marché du cacao). De plus, les producteurs Ivoiriens n’ont reçu qu’une part relativement faible du prix mondial, à cause de la forte taxation à laquelle ils sont soumis (taxes à l’exportation et autres prélèvements). Cette 8,00 part s’est légèrement accrue depuis la réforme de 2011, passant de moins de7,3850% à 60%, mais elle demeure 7,00 comparativement basse par rapport à la situation dans les autres pays producteurs : 70% au Ghana voisin, 6,00 85% au Cameroun et 90% au Brésil, au Nigéria ou en Indonésie (Graphique 11). 5,00 5,12 Euro/kg Afin de mieux comprendre pourquoi les producteurs ivoiriens 4,00 ne touchent qu’une part relativement faible est utile d’illustrer la relation entre le prix bord du prix de vente du cacao sur les marchés internationaux, il 3,00 2,89 champ et le prix à l’exportation telle qu’elle existe pour la campagne principale 2018-19 (Graphique 12). Le 2,00 prix bord champ est déterminé comme la différence entre le prix mondial CAF moyen (environ 1250 FCFA 1,00 2,01 par kilo) et (i) les marges (fixées par des barèmes autour de 225 FCFA par kilo) des opérateurs privés 0,00 assurant la commercialisation intérieure (pisteurs, traitants, coopératives, exportateurs, transitaires, 1960 1964 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004 2008 2012 2016 assureurs…) ainsi que (ii) les taxes prélevées par l’État, y compris les prélèvements parafiscaux opérés par le CCC pour assurer des services à la filière et financer ses Nominal Reel, 2010 (qui est environ propres coûts d’opération Linéaire (Reel, 2010) égale à 22% du prix CAF, ou 275 FCFA par kilo). Graphique 10 : Le prix international du cacao en Graphique 11 : Le prix bord champ en % du prix valeur réelle, 1960-2018 Fob, 2012-17 8,00 7,38 7,00 6,00 5,00 5,12 Euro/kg 4,00 3,00 2,89 2,00 1,00 2,01 0,00 1960 1964 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004 2008 2012 2016 Nominal Reel, 2010 Linéaire (Reel, 2010) Source : Banque mondiale, pink sheet, 2019. Source : Gilbert, 2018 19 Le recensement des producteurs et de leurs exploitations est d’ailleurs d’une très haute priorité pour la définition d’une stratégie de développement durable du secteur. Ce recensement vient d’être lancé par le CCC. Il devrait durer environ 2 ans. Si une partie de la population rurale a émigré vers les villes, il ne faut pas oublier que les familles rurales ont en général un nombre élevé d’enfants, ce qui entraîne une croissance endogène de la population rurale. En plus, la main d’œuvre locale a été en partie remplacée par l’immigration en provenance du Burkina Faso. 20 Source : Banque mondiale, Welfare and Poverty Impacts of Cocoa Price Policy Reform in Cote d’Ivoire, May 2016. JUILLET 2019 | 32 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Graphique 12 : La relation entre le prix au producteur et le prix à l’exportation, par kg Transporteurs, Producteurs Etat Exportateurs intermediaires 1250 FCFA 750 FCFA 225 FCFA 275 FCFA Note : Le prix exportateur correspond approximativement à celui observé en mars 2019. Le prix producteur a été fixé à 750 FCFA par le gouvernement depuis le 1er octobre 2018. Certes, les coûts de la commercialisation intérieure pourraient être réduits. Le mauvais état des pistes de collecte et les multiples contrôles et barrages « non-officiels » entre les lieux de production et l’entrée usine ports les grèvent lourdement. Dans certaines zones très enclavées, les difficultés d’accès réduisent aussi la concurrence entre acheteurs et donc permettent des rentes pour ceux qui s’y aventurent. Finalement, la faible structuration du secteur, et la part relativement faible de la production commercialisée par les coopératives, entraînent des surcoûts dus au manque de première agrégation du produit. Toutefois, comme le montre clairement le Graphique 12 ci-dessus, c’est bien la fiscalité qui est le principal facteur explicatif du différentiel entre le prix bord-champ et le prix à l’exportation du cacao. La Côte d’Ivoire taxe en effet plus lourdement les exportations de cacao que les autres pays producteurs, avec un taux qui atteint 22% en tenant compte de la parafiscalité en 2019.21 Un tel niveau de taxation au niveau de l’exportation, qui se transmet intégralement au niveau bord-champ, se traduit par une taxation d’environ 40% du chiffre d’affaire du planteur, et probablement de plus de 50% sur ses bénéfices, ce qui fait de « l’entreprise cacao» l‘activité la plus taxée en Côte d’Ivoire. Une telle taxation est en partie justifiée par la théorie de la taxation optimale comme cela sera discuté plus en avant dans ce rapport, et aussi par l’objectif de diversification de la production agricole poursuivi par le gouvernement. Elle répond aussi au besoin de ressources fiscales du gouvernement car les taxes sur les exportations du cacao représentent actuellement plus de 10 % des recettes fiscales totales et en font pour l‘instant une source de recettes incontournable. Cette dépendance fiscale sur les recettes extraites du secteur cacao apparaissent donc comme une contrainte forte à la mise en œuvre d’une politique mieux équilibrée socialement pour le développement durable du secteur. Cette discussion met en évidence que le revenu des producteurs résulte de plusieurs forces, dont certaines sont difficilement maîtrisables par le gouvernement, comme le prix mondial, mais d’autres sont le résultat de choix de politique économique, notamment en matière de fiscalité et de la gouvernance de la filière. 2.1.3. Une faible productivité qui a été compensée par l’extension des cultures La majorité des observateurs s’accordent à penser que la productivité du verger ivoirien est restée constante autour de 450-550 kg par hectare au cours des 20 dernières années.22 Ce rendement moyen, très en deca de celui qui pourrait être facilement atteint avec les technologies déjà disponibles, traduit en fait une expansion quantitative et non qualitative du verger.23 L’augmentation de la production de cacao a été le résultat d’une extension massive des surfaces cultivées plutôt qu’une hausse généralisée des rendements avec des modes de production qui n’ont guère évolué au cours des années (cf. encadré). 21 La parafiscalité sur le cacao inclut : la contribution au budget organe de régulation (0,93%) ; ccontribution aux budgets des organismes internationaux (0,09%)  ; subvention Chambre Agriculture (0,02%)  ; subvention FIRCA (0,03%)  ; redevance pesage (0,06%)  ; contrôle qualité (0,069%)  ; redevance sacherie brousse (0,21%)  ; fonds d'investissement Agricole (0,461%)  ; fonds d'investissement en milieu rural (0,54%). 22 L’estimation de la productivité et de son évolution est rendue difficile à cause du manque d’information sur la taille du verger en Côte d’Ivoire. Toutefois, d’après toutes les estimations, le rendement moyen se trouverait autour de 600 kg par hectare, Pour une comparaison internationale, cf. M. Wessel et Fluke, Cocoa production in West Africa : analyses of récent développements, Direct Science, 2016. 23 Il existe en effet des planteurs atteignant plus d’1,5 tonne par hectares avec de jeunes plantations et de bonnes pratiques culturales. (cf. les résultats de l’enquête AFD et de nombreux projets pilotes). JUILLET 2019 | 33 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Yao, un producteur de cacao Yao, un bon planteur représentatif de la plupart de ses voisins, cultive ses plantations comme l’ont fait son père et avant lui son grand père. Il récole les cabosses de cacao avec l’aide de ses enfants. Sa récolte est acheminée au village avec l’aide du tracteur communal. La piste est défoncée. En plus, Il n’a guère utilisé d’engrais par manque de ressources financières ou d’accès au crédit, même si ses arbres sont vieillissants car ils ont été plantés par son père il y a plus de 30 ans. Il se considère relativement chanceux car ses plantations ne sont pas attaquées par les maladies alors que celles de nombreux voisins ont vu leurs plantations dépérir à cause de la maladie du « swollen shot » ou de la pourriture brune. Pendant ces dernières décennies, les producteurs ivoiriens ont pu étendre leurs plantations à très peu de frais, en bénéficiant de la fertilité naturelle des terres forestières vierges, et donc de la possibilité de garder leurs coûts de production très bas tout en optimisant leur facteur imitant (le travail) et en affirmant leurs droits fonciers sur les terres mises en valeur. Cette approche extensive, facilitée par une politique permissive de la part du gouvernement quant à l’occupation de l’espace, a donc longtemps été une stratégie rationnelle du paysan pour à la fois augmenter ses revenus et accroître son capital foncier. Malheureusement, cette extension des plantations de cacao combinée avec les activités d’exploitation du bois ont eu des conséquences désastreuses sur la forêt ivoirienne qui a connu une dégradation sans précédent au cours des 40 dernières années.24 Le domaine forestier classé de l’État n’a pas été épargné. Ainsi, les 234 forêts classées du pays ont perdu en l’espace d’un demi-siècle plus de 70 % de leur couvert forestier, tandis que les 8 Parcs nationaux et réserves en ont perdu en moyenne 30 %. Aujourd’hui, avec la raréfaction de la ressource foncière, les acteurs de la filière ont compris que le mode extensif a atteint ses limites si bien que l’intensification devient impérative. Le Gouvernement, comme décrit ci-après, a déjà pris plusieurs actions pour initier ce changement stratégique. 2.1.4. La faible part de la Côte d’ivoire dans la valeur ajoutée globale de la filière D’après les études du CocoaBarometer.org, les pays producteurs de cacao comme la Côte d’Ivoire ne captent qu’environ 13 % (y compris par les taxes et les intermédiaires locaux) de la valeur ajoutée totale de la chaîne de valeur globale du cacao (du producteur au consommateur), le solde revenant aux acteurs responsables de la transformation et de la fabrication de produits finis chocolatés (Graphique 13).25 Puisque la Côte d’Ivoire produit 40% des fèves de cacao de la planète, ses gains sont estimés autour de 5% de la valeur ajoutée totale – auquel il faudra ajouter ses gains en provenance de la première transformation, environ 2% comme expliqué ci-après. La chaîne de valeur du cacao peut être séparée en quatre parties : (I) la production de fèves de cacao ; (ii) le broyage des fèves en pâte, beurre et poudre (1ère transformation) ; (iii) la production de chocolat industriel puis de produits finis chocolatés (2ème transformation); et (iv) la distribution de ces produits. La filière a une forme de sablier en ce qui concerne le nombre d’acteurs à chacun de ses stades : des millions de producteurs et de consommateurs à chaque bout, mais une grande concentration au niveau de la transformation primaire et secondaire. En 2017, cinq compagnies multinationales (Barry Callebaut, Cargill, Olam, Bloomer, Guan) se partageaient plus de 75 % des broyages ; alors que sept compagnies (Mars, Mendez, Nestlé, Ferraro, Meiji, Hershey, et Lindt) contrôlaient 75 % du marché mondial pour la production de chocolat industriel et de produits finis. 24 Les récentes études menées dans le cadre de la REDD+ par le BNETD ont révélé des taux de dégradation tous domaines forestiers confondus (forêts classées, aires protégées et domaine rural) de 4,32% par an sur la période de 1990-2000 et de 2,69% par an sur la période de 2000-2015. Ces taux placent le pays dans le peloton de tête en Afrique, en matière de déforestation. 25 La valeur ajoutée dans cette chaîne globale était évaluée à plus de $110 milliards en 2017. JUILLET 2019 | 34 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Graphique 13 : Répartition de la valeur ajoutée Source : IFC Afin de chercher à augmenter sa part dans la chaîne de valeur globale, la Côte d’Ivoire s’est positionnée graduellement comme un des « champions » de la première transformation. Aujourd’hui, sa capacité de broyage est la plus élevée au monde (750 000 tonnes), devant la Hollande. Pourtant, cet effort n’a pas rapporté des gains substantiels car, en supposant que le pays broie environ 20 % des fèves mondiales, sa valeur ajoutée n’augmentera que de 2 % dans la valeur totale de la filière. Ce simple calcul rappelle que la marge bénéficiaire au niveau de la première transformation, est faible car les profits sont essentiellement dus aux économies d’échelle induites par le volume d’activités et, en Côte d’Ivoire, par les subventions accordées par le gouvernement.26 Plutôt, la raison de la faible part de la Côte d’Ivoire est à rechercher dans sa difficulté à se positionner à l’aval de la chaîne de valeur, à savoir la deuxième transformation du cacao (production du chocolat industriel de couverture) qui concentre plus du tiers de la valeur ajoutée globale et, surtout, la production ainsi que la distribution de produits finis qui captent plus des deux cinquièmes de la valeur ajoutée globale. L’effort fourni par la Côte d’Ivoire pour devenir le premier « broyeur » du monde doit donc se comprendre comme une étape intermédiaire pour développer une industrie locale de deuxième transformation et de distribution dans un proche avenir. 2.2. Le monde change … le secteur doit changer avec lui Au-delà de ces résultats fort contrastés obtenus par la filière du cacao après presque 60 ans de développement continu, le monde change et celui du cacao peut-être encore plus vite. Evolution des prix internationaux due à l’offre et la demande, émergence de nouveaux marchés prometteurs en Asie, exigences de plus en plus pressantes des consommateurs en matière de respect de normes environnementales et sociales, changement climatique sont quelques exemples des tendances mondiales que la filière du cacao en Côte d’Ivoire va devoir affronter dans un avenir rapproché. Au niveau domestique, les forces du changement sont aussi visibles avec des contraintes qui se font de plus en pressantes à travers l’épuisement des réserves foncières et humaines ainsi que le vieillissement du verger. C’est avec la volonté de mieux comprendre ces mutations que l’analyse ci-dessous va porter l’attention sur : (i) l’évolution de la demande mondiale pour le cacao ; (ii) la restructuration de l’offre mondiale ; (iii) les tendances démographiques et foncières en Côte d’Ivoire ; et (iv) l’impact du changement climatique sur la production de cacao en Côte d’Ivoire. 26 UNCTAD, Cocoa Study: Industry Structures and Competition, 2008; Cocoa-barometer, 2015; Market Concentration and Price Formation in the Global Cocoa Value Chain, SEO Amsterdam Economics, 2016; JUILLET 2019 | 35 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Une demande mondiale en pleine évolution Le changement n’est pas tant dans la croissance de la consommation globale qui devrait évoluer dans une fourchette assez étroite (variant de 1% à 3% par an) en fonction de la croissance économique mondiale,27 que dans la structure de cette demande ; d’abord au niveau géographique, ensuite en matière de goûts et d’exigences des consommateurs. Au niveau géographique, la croissance de la consommation dans les pays industrialisés est freinée par un marché déjà saturé (5-12 kg/hab/an), et des inquiétudes grandissantes concernant la santé qui devrait stimuler la demande pour les chocolats haut de gamme (+7% par an), contenant plus de cacao et moins de sucre. On constate aussi l’émergence d’une demande pour du chocolat de spécialité, à base de cacao « fine flavor » ayant des spécificités gustatives et organoleptiques, ou qui valorise davantage un produit, une origine et un savoir-faire, pour lesquels et le consommateur est prêt à payer une prime. La demande des pays émergents, en particulier de la Chine et de l’Inde, longtemps espérée, devrait s’accélérer car ces deux pays représentent un énorme potentiel de consommation, avec une population totale d’environ 2,5 milliards de personnes, une consommation par tête encore très faible (60 et 35 grammes/habitant par an respectivement), une croissance économique forte et par l’émergence d’une classe moyenne ouverte à la consommation de produits de luxe.28 Selon l’ICCO, ces tendances devraient se renforcer avec une croissance de la consommation dans les pays émergents asiatiques deux fois plus rapides (3,5 % par an) que dans les pays industriels (1,5% par an).29 Ce déplacement de la demande vers les pays émergents va non seulement aider à maintenir la croissance mondiale mais il va aussi remettre en cause les circuits traditionnels de transformation, avec le rapprochement prévisible de la transformation vers ces nouveaux centres de consommation.30 Les exigences des consommateurs de chocolat évoluent avec une prise de conscience écologique et sociale après que de nombreuses enquêtes aient montré le rôle néfaste de la production de cacao sur la déforestation et la présence d’enfants engagés dans les pires formes de travail dans les plantations de cacao.31 Ces préoccupations, qui se sont manifestées dès le début des années 2000, se sont faites de plus en plus pressantes avec la perception d’un manque de progrès significatif dans la mise en œuvre de politiques et de programmes pour apporter des solutions efficaces à ces problèmes. Aujourd’hui, avec des menaces de plus en plus claires sur l’accès aux principaux pays consommateurs du cacao qui ne satisferait pas aux exigences de durabilité environnementale et sociale32, les pays producteurs et l’ensemble des opérateurs sur la chaîne de valeur du cacao se sont engagés à ne plus produire et/ou commercialiser du cacao « non-durable » et pour cela à mettre en place des systèmes crédibles de certification et de traçabilité. La Côte d’Ivoire s’est fermement engagée sur tous ces fronts : avec son nouveau programme de lutte contre le travail des enfants, l’approbation d’un nouveau Code Forestier et d’une nouvelle politique forestière dont l’objectif central est la préservation et la restauration du couvert forestier du pays33 et l’adoption du Cadre d’Action Commune pour le développement durable et inclusif du secteur cacao, basé sur un partenariat effectif entre l’État et le secteur privé (en particulier tous les grands groupes industriels du cacao membre de la World Cocoa Foundation) dans le cadre du programme « Cocoa and Forest Initiative » .34 27 L’ICCO prévoit que la consommation globale devrait augmenter de façon assez soutenue, environ 2,5% par an d’ici 2024, passant de 4,7 millions de tonnes en 2018/19 à près de 5,4 millions de tonnes en 2023/24. 28 Pour le moment, la demande de la Chine et de l’Inde s’est surtout portée sur la consommation de produits qui utilisent la poudre de cacao (boissons chocolatées, glaces, pâtisseries, pâte à tartiner etc.) et non sur le beurre qui est le produit ‘noble’ utilisé par les chocolatiers. 29 Pour plus de details, cf. EIU, World Commodity forecasts: food, feedstuffs and beverages, January 2019. ` 30 On notera que l’Inde a enregistré une croissance de 12% de ses volumes de chocolat consommés en 2017. Ce chiffre fait écho à l’annonce de certains industriels de transformation de la fève d’investir en Inde. 31 Protocole Hankin-Engels sur l’élimination du travail des enfants et des rapports d’ONG sur l’impact de la culture du cacao sur la déforestation, la biodiversité et le changement climatique. 32 Comme les Etats Unis, l’Allemagne ou la Hollande, qui se sont engagés à ce que 100% de leur consommation domestique soit certifiée en 2025 (avec un objectif de 80% en 2020). 33 Stratégie Nationale de Préservation, de Réhabilitation et d’Extension des Forêts en Côte d’Ivoire, Février 2019. 34 Voir le communiqué de presse date du 4 mars 2019 à ce sujet ; https://worldcocoa.egnyte.com/dd/m1lHrObMvz/ JUILLET 2019 | 36 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Une restructuration de l’offre mondiale. A court-terme, la place prépondérante de l’Afrique de l’Ouest, et de la Côte d’Ivoire en premier lieu, ne devrait pas être menacée. L’ICCO prévoit en effet que la production devrait augmenter de 5 % en Afrique d’ici l’horizon 2020 et rester pratiquement inchangée dans les Amériques, alors qu’elle devrait diminuer de 6 % en Asie et en Océanie. A plus long-terme cependant, des évolutions significatives sont possibles motivées par plusieurs facteurs. Tout d’abord, la forte dépendance du marché vis-à-vis d’un nombre réduit de pays en Afrique de l’Ouest inquiète les marchés, à cause des risques –climatiques, politiques ou autres qu’une telle concentration engendre.35 Cette inquiétude pousse les acheteurs à explorer la possibilité de diversifier leurs sources d’approvisionnement. Bien que les conditions agro-climatiques spécifiques exigées par la culture du cacao limitent les options possibles, elles existent cependant. En Asie, la production de l’Indonésie est en déclin du fait de la concurrence d’autres cultures, de la pression parasitaire et du renchérissement du coût de la main d’œuvre, les tentatives pour promouvoir la production de cacao au Vietnam et en Inde n’ont eu jusqu’à présent que peu de succès, et le climat en Chine n’est guère adapté à la production cacaoyère. Cependant, des possibilités existent en Afrique, par exemple au Nigeria,36 qui offre aussi un marché potentiel important pour les produits chocolatés, ainsi qu’en Ouganda et en RDC qui offrent des conditions agro-climatiques particulièrement propices. Elles existent aussi en Amérique Latine, qui semble s’être lancée dans une révolution cacaoyère basée sur de grandes plantations, l’adoption de technologies agricoles de pointe ainsi que l’exploitation de la demande accrue de cacao fin et traçable.37 Des évolutions foncières et démographiques déterminantes en Côte d’Ivoire. L’attrait d’une forte profitabilité, l’accès facile à des terres à forte fertilité naturelle, un important réservoir de main d’œuvre venant de régions moins propices à l’agriculture, dans le pays lui-même ou dans les pays frontaliers, la possibilité de se constituer un capital foncier et des politiques gouvernementales incitant fortement à la mise en valeur des ressources naturelles du pays ont provoqué une véritable course à la terre et sont à la base de l’extraordinaire essor de la cacaoculture en Côte d’Ivoire. Ce mode de développement extensif s’est traduit par la création d’un très grand nombre de petites exploitations qui sont estimées à plus d’un million à l’heure actuelle. Or, ce développement extensif se heurte désormais à plusieurs contraintes. D’abord, la contrainte foncière est maintenant très forte. En zone rurale, il reste peu de terres disponibles à mettre en culture. Ensuite, la « rente forestière » est aussi pratiquement épuisée avec la déforestation massive du pays et le peu de forêts restantes en zones protégées, parcs, réserves et forêts classées, que le gouvernement est maintenant décidé à protéger intégralement. Le gouvernement et la communauté nationale ainsi qu’internationale ont en effet pris conscience que la poursuite de la déforestation du pays aurait des conséquences dramatiques pour la Côte d’Ivoire. Ainsi, l’engagement de la Côte d’Ivoire à demeurer un pays forestier (non seulement d’arrêter la déforestation du pays mais aussi d’atteindre l’objectif de 20% de couverture forestière du territoire national d’ici 2040) a été réaffirmé à plusieurs reprises au cours des dernières années (Conférence de New York en 2014, COOP 21 à Paris en 2015, et COOP 22 au Maroc en 2016). Concrètement, le gouvernement a adopté une nouvelle politique de développement agricole (et cacaoyer) «  vert  » / «  zéro déforestation  », un nouveau Code Forestier ainsi qu’une nouvelle politique nationale de préservation, de réhabilitation et d’extension des forêts. Au-delà de ses signaux forts sur leurs engagements, les autorités ont aussi lancé une stratégie – le Cadre d’Action Commune pour la préservation et la réhabilitation des forêts de Côte d’Ivoire et la cacao-culture durable – visant à coordonner l’action et à mobiliser les ressources des partenaires techniques et financiers et du secteur privé pour la mise en œuvre d’une cacao-culture durable et qui respecte les nouvelles normes environnementales et sociales. 35 Une inquiétude renforcée par les évolutions récentes aussi bien au Ghana qu’en Côte d’Ivoire : conflits, extension des maladies, El Niño, et changement climatique, développement des activités minières. 36 Étant donné la taille de son marché domestique, le Nigeria, en particulier, est considéré comme ayant un potentiel important pour l’expansion de la production. 37 ICCO prévoit que la production de cette région devrait atteindre 850 000 tonnes vers 2020, avec l’Equateur produisant plus de 300 000 tonnes. JUILLET 2019 | 37 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 La main d’œuvre est aussi moins abondante. La faible rentabilité de l’agriculture et les conditions de vie difficiles en zone rurale incitent les jeunes à migrer vers les villes et les planteurs de cacao sont les plus âgés parmi les producteurs agricoles avec un âge moyen d’environ 45 ans, contre 35 ans pour les autres producteurs. La conséquence de cette évolution démographique est que le secteur devra certainement se restructurer vers des exploitations plus grandes, gérées comme de véritables entreprises et capables d’offrir à leurs propriétaires un niveau de revenu décent à travers une mécanisation accrue.38 Cette restructuration implique qu’un grand nombre de producteurs actuels ou potentiels sortent du secteur, soit au profit d’autres spéculations agricoles, soit d’activités non-agricoles. Une telle transformation structurelle du secteur demandera à être accompagnée par des programmes de formation et de filets sociaux appropriés, donnant aux sortants les capacités d’entreprendre avec succès d’autres activités productives, et protégeant les plus vulnérables. La menace du changement climatique. Au déclin du stock de capital naturel du pays, s’ajoute désormais l’impact du changement climatique. Ce dernier, comme cela avait été détaillé dans le septième rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire est déjà apparent – variabilité accrue de la pluviométrie, inondations, augmentation du niveau des mers et érosion côtière- et devrait augmenter au cours du temps sans modifications profondes de politiques et de comportements pour l’atténuer.39 A moyen terme, le réchauffement des températures diminuera l’humidité et réduira la fertilité des sols. Il est donc urgent de promouvoir un changement des méthodes culturales pour la production du cacao, par exemple l’adoption de l’agroforesterie. Certaines de ces techniques ont une rentabilité à court terme plus faible que les techniques actuelles (plein soleil après déforestation) et demanderont probablement que des incitations soient données pour leur adoption (par exemple le paiement de primes pour services environnementaux). Comme le montre le Graphique 14 ci-dessous, les zones propices à la culture du cacao devraient se réduire considérablement d’ici 2050, des régions comme celles des Lagunes et du Sud-Comoé devenant marginales. Le changement climatique prévisible implique donc que d’ores et déjà des mesures efficaces soient prises pour atténuer son impact comme, argumenté ci-dessus, par l’adoption de technologies appropriées (agroforesterie, développement de l’irrigation, variétés tolérantes à la sècheresse…) mais aussi par le recentrage graduel des plantations de cacao vers les zones qui devraient rester ou devenir favorables dans le moyen et long terme. Ce déplacement s’annonce difficile car il concernera de nombreux producteurs qui devront soit abandonner la cacaoculture soit migrer vers des zones plus favorables, ce qui pourrait engendrer des conflits fonciers dans les régions d’accueil. Toutefois, le besoin de lutter efficacement contre la maladie du swollen shoot, et le besoin de remplacer d’importantes superficies de plantations vieillissantes offrent au cours des prochaines années une formidable opportunité d’initier cette nécessaire évolution vers de nouvelles régions. 38 Ce mouvement vers des plus grandes plantations est visible dans d’autres pays producteurs (en particulier en Amérique Latine mais aussi en Afrique) de grandes exploitations à base de travail salarié. En Côte d’Ivoire, il y a encore peu d’exploitations de ce type mais elles pourraient s’y développer. Ainsi, Solea, une filiale de KKO International SA, est en train de mettre sur pied une plantation de cacaoyers de 3000 ha dans le centre-est du pays (plantations à haute densité, irriguées avec un objectif de rendement de 2t/ha. 39 Rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire, Pour que demain ne meurt jamais, Banque mondiale, 7 ème Edition, juillet 2018. JUILLET 2019 | 38 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Graphique 14 : L’impact du changement climatique dans les régions cacaoyières en 2050 Distibution de l’impact climatique en 2050 et stratégie d’adaptation dominante 2.3. Que faire ? Quelques pistes de réflexion Pour assurer le développement harmonieux, partagé et durable de la filière cacao, le gouvernement ivoirien a bien compris qu’il doit prendre en compte les faiblesses passées et les défis importants qui devront être relevés à l’avenir. C’est dans cet esprit que s’inscrivent les efforts actuels visibles dans la Plan National de Développement et dans les programmes des soutien à la filière mis en place, notamment par le CCC. Le rapprochement en cours entre la Côte d’Ivoire et le Ghana, représentant ensemble presque 2/3 de l’offre mondiale, est aussi à être interprété dans ce contexte. La Déclaration d’Abidjan, co-signée par les deux pays en juin 2018, met en avant les ambitions de ces deux pays tant au niveau de la production (promotion de l’agroforesterie, préservation des forêts, lutte contre les pires formes de travail des enfants) que de la commercialisation (prix plancher au producteur, harmonisation) et de la transformation ainsi que de la consommation (sensibilisation du secteur privé, promotion de la consommation locale). Il semble qu’après avoir instauré le principe de garantir au producteur au moins 60% du prix CAF, avec à certains moments l’abandon du droit d’enregistrement pour soutenir ledit prix, le Gouvernement œuvre avec le Ghana à influencer désormais ce prix CAF pour faire bénéficier au mieux les producteurs d’une rémunération à la hauteur de leur travail. Déjà, ce niveau de 60% a permis d’avoir un prix minimum au-dessus des niveaux de la décennie passée. Si les discussions avec le Ghana aboutissent à une entente permettant d’obtenir de meilleurs prix internationaux, le producteur de cacao devrait espérer une amélioration et la stabilisation de ses revenus. Toutefois, ces options bien que pertinentes doivent être approfondies. C’est pourquoi, ce rapport propose des pistes de réflexion qui pourraient permettre d’approfondir les initiatives ci-dessus et les réformes ébauchées au cours de ces dernières années pour assurer le développement durable du secteur : • La première piste, incontournable, est de se doter d’un système fiable de prévision de production et de suivi de l’évolution des modes et de la localisation de production. • La deuxième piste de réflexion concerne les actions à mener pour permettre à la Côte d’Ivoire de mobiliser une plus grande part de la valeur ajoutée engendrée dans la filière cacao globale JUILLET 2019 | 39 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 par : (i) l’amélioration durable de la productivité des plantations et l’adoption de technologies respectueuses de l’environnement  ; (ii) l’amélioration de la qualité des fèves et la production de produits de niche beaucoup plus rémunérateurs ; (iii) l’amélioration de la commercialisation interne du cacao, par la rationalisation des circuits de distribution et la mise en place de systèmes crédibles de certification et de traçabilité ; (iv) une amélioration de la politique fiscale sur les ventes de cacao ; et (v) le développement de la transformation ; • La troisième piste concerne les mesures à prendre pour assurer une meilleure répartition de la valeur ajoutée parmi les acteurs ivoiriens de la filière, notamment par une utilisation plus équitable des prélèvements fiscaux et parafiscaux qui sont actuellement préservés sur les producteurs de cacao. Ces trois pistes, brièvement discutées séparément ci-dessous, sont fortement interreliées et c’est bien leur combinaison qui permettra à la Côte d’Ivoire de faire de la filière un instrument essentiel de sa politique de développement économique et de réduction de la pauvreté. Une double mise en garde s’avère nécessaire. En premier lieu, ces pistes ne sont pas exhaustives car des actions sont aussi à entreprendre pour améliorer le fonctionnement des mécanismes de paiements, d’abord entre intermédiaires locaux et ensuite lors de la mise en vente sur les marchés internationaux. L’audit commandité par le gouvernement sur le marché des transactions futures (le programme de ventes anticipées à la moyenne (PVAM) avait mis en évidence des défaillances certaines, dont toutes n’ont pas été corrigées, qui avaient coûté à la Côte d’Ivoire plus de 300 milliards de FCFA lors de la campagne 2016/17, rappelant que la gestion transparente et efficiente du secteur demeure une priorité. 40 En deuxième lieu, ces pistes doivent être vues comme des idées, non pas comme des recommandations, visant à promouvoir le débat parmi les principales parties prenantes au sein de la filière cacao, pour aider à forger un consensus sur les priorités et ainsi mettre en œuvre un plan d’actions intégré et ambitieux qui permettra à la Côte d’Ivoire d’optimiser ses ressources humaines et naturelles. 2.3.1. Se doter d’un système de suivi et de prévision efficace Quelle que soit la stratégie choisie par le gouvernement, elle devra s’appuyer sur une connaissance précise du verger Ivoirien et de la population des planteurs de cacao. Pour l’instant, cela n’est pas le cas. Les prévisions faites par le CCC ne concernent très largement que le volume de production attendu pour la prochaine campagne à venir mais pas l’évolution de la production ivoirienne à moyen terme qui serait cependant essentielle pour la gestion du secteur. Même les prévisions de production à court terme ne sont pas très fiables, au niveau national ou au niveau international, comme l’a démontré l’écart conséquent (250 000 tonnes) entre prévisions et production effective pour la campagne 2015- 16. Dans le cadre de sa nouvelle stratégie, le CCC a récemment lancé (i) le recensement exhaustif du verger cacaoyer national (y-compris au sein des zones protégées) et des producteurs de cacao ; et (ii) la préparation d’un modèle de prévision à court et moyen terme intégrant les variables essentielles (évolution des superficies et de la productivité, conditions climatiques, prix international, etc.). Ce travail fournira l’outil dont le gouvernement a besoin pour assurer la gestion d’un secteur aussi stratégique. Il devrait être finalisé en 2020. Entre temps, un effort conjoint de mobilisation des données existantes sur le verger a été lancé par le CCC en collaboration avec la Société Financière Internationale (SFI) du Groupe de la Banque mondiale et la participation du secteur privé pour fournir une base solide aux actions à lancer immédiatement pour assurer la durabilité de la production (modélisation de l’arrachage et de la réhabilitation/régénération des plantations infectées par le swollen shoot en particulier). 40 Audit du système de commercialisation du cacao ; KPMG, Ministère de l’agriculture et du développement rural, mars 2018. JUILLET 2019 | 40 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 2.3.2. Améliorer la productivité et la résilience du verger La fin de la «  rente forestière  » et la transition démographique ainsi que les exigences nouvelles de consommateurs imposent une attention particulière à la manière dont le cacao devra être produit. La faible productivité actuelle du verger ivoirien est due à plusieurs facteurs : culture extensive et mauvaises pratiques agricoles, vieillissement du verger et développement des maladies. L’utilisation par la plupart des producteurs de matériel végétal « tout venant » (semences non-sélectionnées), en « plein soleil » ou sous un léger ombrage permanent, l’absence de traitements phytosanitaires et d’engrais sont aussi des éléments d’explication. Accroître considérablement cette productivité est possible, comme le démontre un nombre grandissant de producteurs qui dépassent largement une tonne/ha, avec les technologies disponibles actuellement : utilisation de matériel végétal sélectionné (comme le cacao « Mercedes ») et de la fertilisation minérale pour remplacer ou restaurer la fertilité des sols forestiers, utilisation contrôlée des pesticides ou Gestion Intégrée des Déprédateurs pour lutter contre les maladies et insectes nuisibles comme les bonnes pratiques agricoles et l’adoption des itinéraires agroforestiers. Cette évolution, nécessaire, vers des méthodes culturales plus sophistiquées demandera à être accompagnée par des services de conseil agricole performants et une amélioration de l’accès des planteurs aux intrants requis. Une priorité absolue  : la lutte contre le swollen shoot. Au-delà du besoin général d’augmenter la productivité du verger, une priorité absolue doit être d’enrayer la progression du swollen shoot. D’après les estimations actuelles, la maladie se développe rapidement et affecterait au moins 100 000 ha. Le gouvernement a déjà lancé un programme d’arrachage des plantations infectées dans le cadre de son programme Quantité Qualité et Croissance (2Qc 2012-2013 ; environ 30 000 ha ont déjà été traités) mais il cet effort doit être drastiquement intensifié et accéléré pour arrêter la progression de la maladie comme le reconnait la Déclaration d’Abidjan. Le coût de ce programme est très important, puisqu’il inclut, en plus de l’arrachage, le paiement de compensations aux planteurs concernés pour le rétablissement de leurs revenus et conditions de vie pendant une période de transition qui peut atteindre plusieurs années. Toutefois, la destruction obligatoire des plantations infectées offre aussi une opportunité pour atteindre deux objectifs centraux de la stratégie du gouvernement pour atténuer le changement climatique. Tout d’abord, la destruction et le non-remplacement des plantations établies au sein des forêts classées permettra la reforestation des espaces ainsi libérés et la restauration du couvert forestier. Ensuite, la replantation de cacao (ou d’autres cultures pérennes) après arrachage pourrait se faire, dans le cadre de la compensation, selon une approche d’agroforesterie qui amènerait des gains de productivité. L’intensification est possible avec les technologies disponibles. De nombreuses expérimentations, en particulier par le Centre National de Recherche Agronomique (CNRA) en Côte d’Ivoire, ont montré que des techniques sont économiquement plus rentables que les pratiques paysannes extensives (cf. encadré). De plus, non seulement leur adoption à grande échelle permettrait d’améliorer des revenus des producteurs mais elle permettrait aussi de limiter la déforestation et donc d’atténuer le changement climatique et de préserver la biodiversité du pays. Par exemple, un objectif de production de 2,0 millions de tonnes par an pourrait être atteint sur environ la moitié des surfaces actuellement cultivées en cacao, réduisant ainsi la pression sur les forêts et libérant des terres pour la culture d’autres spéculations ce qui permettrait une plus grande diversification et apporterait des revenus supplémentaires aux ménages ruraux. JUILLET 2019 | 41 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Des gains de productivité par des techniques de production modernes Des études réalisées de 2005 à 2010 dans les zones d’activités du Projet STPC en Côte d’Ivoire ont permis d’évaluer les performances agronomiques et la rentabilité économique de trois techniques de réhabilitation des cacaoyers : (i) l’application des bonnes pratiques culturales en cacaoculture ou Gestion Intégrée des Déprédateurs (GID) qui comprend les travaux d’entretien recommandés et la lutte intégrée contre les maladies et les insectes nuisibles du cacaoyer ; (ii) la pratique GID, plus la fertilisation minérale (Pratique GID+) ; et (iii) la pratique paysanne (témoin PP) où le producteur utilise ses techniques habituelles d’entretien des vergers Les résultats ont montré que la réhabilitation des plantations basée sur l’utilisation de matériel végétal sélectionné, des entretiens adéquats et la gestion intégrée des déprédateurs entraîne des accroissements de rendements de 20 à 221 %, avec un taux moyen de rentabilité qui atteint 377 % par rapport aux plantations paysannes témoins. En plus, en apportant des engrais minéraux NPK, on obtient des gains supplémentaires de rendement de 40 à 65 % à partir de la deuxième année. La replantation sous les vieux cacaoyers est plus rentable, avec un taux moyen de rentabilité de 539,3 % par rapport à la replantation après une jachère naturelle. La rentabilité de la fertilisation minérale dépend cependant du prix d’achat bord champ du kilogramme de cacao qui devait être en 2005-2010 au moins 550 F CFA (US $ 1.00) par kilogramme. Source  : Assiri Alexis et autres, Rentabilité économique des techniques de réhabilitation et de replantation des vieux vergers de cacaoyers en Côte d’Ivoire, 2012. Importance des approches agroforestières. L’association d’arbres forestiers aux cacaoyers est porteuse de nombreux espoirs car elle est un moyen : (i) de diversifier les revenus des producteurs, et donc de réduction les risques de marchés et climatiques inhérents à la monoculture, (ii) d’offrir la production de bois d’œuvre, bois énergie et autres produits utiles pour les planteurs et (iii) d’améliorer la productivité et de prolonger la durée de vie de production du cacaoyer à cause du microclimat que procure l’agroforesterie (ombrage et humidité) qui permet d’atténuer les épisodes de sécheresse, et à plus long terme de contrer les effets du réchauffement climatique et donc d’assurer la survie de la filière. Toutefois, l’adoption de l’agroforesterie devra s’inscrire dans un programme qui va au-delà du simple transfert technologique pour que ce mouvement se pérennise. Tout d’abord, l’agroforesterie dépend de la sécurité foncière. Celle-ci est indispensable pour que le planteur soit assuré que les bénéfices de l’agroforesterie lui reviendront dans la durée car ces derniers peuvent prendre plusieurs années à se manifester. Parce que le manque à gagner initial constitue un obstacle significatif à l’adoption de l’agroforesterie par de petits producteurs pauvres, ceux-ci auront besoin de financement pour non seulement planter des arbres forestiers mais aussi pour compenser les pertes engendrées au cours des premières années. Or, l’offre de services financiers aux agriculteurs est encore très limitée et/ou inadaptée ce qui va obliger l’État à compenser cette lacune de marché, peut être grâce à une subvention partielle du manque à gagner par un paiement d’une prime pour services environnementaux. Cette subvention se justifie amplement par la nature de « bien public » des programmes d’agroforesterie qui généreront des bénéfices économiques pour le pays largement supérieurs aux bénéfices privés que peuvent en tirer les planteurs individuels. Des programmes visant à faciliter l’accès aux financements, par des encouragements aux banques et aux fournisseurs de services financiers, y compris par la mutualisation, sont aussi des voies à explorer. JUILLET 2019 | 42 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Le besoin d’améliorer les stratégies et la recherche pour relever les défis futurs. En plus de la lutte contre les maladies, le changement climatique est le plus grand défi à relever pour assurer la durabilité à long terme du secteur cacaoyer. De nombreuses initiatives sont déjà mises en œuvre en Côte d’Ivoire, dans le cadre de sa stratégie REDD+, pour la promotion d’une Cacao-Culture Intelligente (CIC)41, notamment par le CCC en partenariat avec le secteur privé pour prévenir ou atténuer l’impact du changement climatique.42 La CIC est basée sur une approche différenciée en fonction des conditions locales et inclut à la fois la promotion de bonnes pratiques agricoles dans les zones où les conditions agro climatiques devraient rester favorables à la cacao-culture, de l’agroforesterie et la diversification des exploitations (zones où les systèmes de culture devront s’adapter à des conditions moins favorables) et même l’élimination graduelle du cacao dans les zones ou la cacao-culture deviendra impossible à moyen et long terme. La stratégie de CIC doit aussi inclure un programme de recherche sur de nouvelles variétés résistantes ou tolérantes à la chaleur et la sécheresse, ainsi qu’aux principales maladies telles que le swollen shoot. Il est donc très important que le CNRA renforce ses programmes de recherche dans ce domaine, ce qui pourrait être fait dans le cadre d’un programme/centre d’excellence de recherche qui mobiliserait les ressources des instituts internationaux de recherche et du secteur privé. Besoin d’un vaste programme d’appui à la restructuration du secteur. La mise en œuvre de la politique du gouvernement de préservation des forêts et d’une stratégie de cacao-culture Intelligente face au Climat (CIC) devra être mise en œuvre grâce une collaboration avec tous les acteurs de la filière, y compris les producteurs, les coopératives et les acheteurs. La modernisation des exploitations et l’intensification des modes culturaux induisent non seulement des changements de comportements mais aussi un accroissement important des charges financières à court terme qui peut constituer une contrainte majeure pour une grande partie des petits producteurs qui n’ont pas ou peu de moyens financiers. Leur adoption demande donc non seulement la disponibilité des intrants nécessaires mais aussi que les producteurs aient accès à des modes de financement appropriés, soit par un accès favorisé aux crédits bancaires, soit par l’extension de services informels ou semi-informels (mutualisation) ou soit par le développement d’avances-fournisseurs par les entreprises multinationales qui achètent le cacao. Dans ce contexte, la formalisation de la propriété foncière devrait être accélérée car elle permettrait d’améliorer l’accès aux crédits bancaires (en offrant plus de garanties) et, le cas échéant, de créer un marché foncier où la vente et l’achat de terrains pourraient à la fois attirer de nouveaux investisseurs et assurer un revenu supplémentaire aux ménages ruraux.43 L’utilisation de technologies plus sophistiquées va requérir une formation pour la vaste majorité des producteurs qui n’ont qu’un faible niveau de formation (le taux d’analphabétisme est supérieur à 50 % en zone rurale). La transition vers des systèmes intensifs aura aussi probablement pour effet la sortie du secteur des producteurs les plus marginaux ou les moins productifs, qui devront alors bénéficier de programme de reconversion. De plus, l’élimination graduelle des plantations de cacao des forêts classées (hors-séries agroforestières) entraînera le déplacement ou la reconversion de certaines exploitations. Toutes ces mutations devront être assistées par le gouvernement par des programmes d’inclusion financière (pour faciliter l’accès aux services financiers), de formation et d’appui qui aideront les producteurs, surtout les jeunes, à accroître leur productivité, ou à se reconvertir soit vers des spéculations mieux adaptées aux conditions agro-climatiques, soit vers des emplois non-agricoles (pour le financement de ces programmes, voir la discussion ci-après sur la fiscalité et le partage de la rente). La gestion de ces mutations va également nécessiter dans certaines situation le déploiement de programmes de protection sociale pour les groupes les plus démunis ou les plus fragiles. 41 L’agriculture (Cacaoculture) intelligente face au climat (A/CIC) est une approche intégrée qui vise à relever les défis liés à la sécurité alimentaire et aux changements climatiques, afin d’atteindre explicitement trois objectifs : (i) l'augmentation durable de la productivité et des revenus, (ii) l'adaptation au changement climatique et (iii) la réduction des émissions de gaz à effet de serre produites par l’agriculture. Elle inclut des actions à la fois dans et au-delà des exploitations agricoles, et intègre les technologies, les politiques, les institutions et les investissements. 42 La World Cocoa Foundation (WCF), en partenariat avec United States Agency for International Development (USAID), ACDI/ VOCA et neuf compagnies privées, met en œuvre un programme de CIC en Afrique de l’Ouest, y-compris la Côte d’Ivoire, et l’Amérique Latine. 43 Aujourd’hui, malgré qu’un tiers des ménages ruraux déclarent être propriétaires de terrains, seule une infime proportion possède un titre foncier (seulement 4000 titres ont été distribués depuis que la Loi Foncière a été adoptée en 1998 jusqu’en septembre 2017). Le gouvernement a lancé une nouvelle initiative en 2018, soutenue par la Banque mondiale, qui devrait accélérer ce processus à travers une simplification des procédures et une amélioration de la capacité. JUILLET 2019 | 43 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 2.3.3. Accroître la valeur ajoutée retenue au niveau national La Côte d’Ivoire dispose de plusieurs atouts pour s’approprier une plus grande part de la valeur ajoutée globale de la chaîne de valeur du cacao-chocolat. Ces atouts sont en général bien connus, y compris de la part des autorités, mais n’ont pas encore été pleinement exploités. Parfois, aussi, les intérêts particuliers ou de certains groupes ont empêchés le pays d’aller de l’avant, même si les bouleversements au sein du monde du cacao ont accéléré la prise de conscience que des réformes sont aujourd’hui de plus en plus indispensables. Les principales options pour que la Côte d’Ivoire augmente la valeur ajoutée au niveau national sont brièvement discutées ci-dessous. Qualité et produits de niche. Le prix du cacao sur le marché international varie en fonction de sa qualité, définie sur la base de plusieurs critères soit physique (taille des fèves, humidité), soit chimique (présence de résidus, acidité), soit encore de considérations éthiques (travail des enfants, déforestation…). Par exemple, le cacao ghanéen obtient une prime par rapport au cacao ivoirien à cause de sa meilleure qualité essentiellement physique, de la même façon que le cacao certifié obtient une prime que les consommateurs acceptent de payer pour des fèves produites dans des conditions environnementales et sociales acceptables. La prime reçue, tant pour la qualité que pour la certification, peut être relativement élevée mais peut aussi, quand la demande est faible ou l’offre abondante se réduire considérablement. Parce qu’obtenir la qualité voulue n’est pas sans coût, tant pour les acteurs de la commercialisation que pour le producteur lui-même (travail supplémentaire, élimination des fèves ardoisées et des sous grades, etc…), une attention particulière devra être donnée par les autorités au montant et à l’évolution des primes que toucheront les producteurs à la suite de ces initiatives qui recherchent une plus grande qualité. Il faut garder à l’esprit que la prime qualité ou certification pourrait bien s’évanouir lorsque la majorité du cacao sera certifiée et de très bonne qualité. Une niche : Le chocolat extra fin Une niche prometteuse pour obtenir des prix plus élevés serait de produire du cacao de spécialité, « fin » ou ultra prémium fie » qui peuvent commander des prix allant de 2 à 3 fois le prix du cacao FAQ. C’est un marché de niche qui ne représente pour l’instant que 6-8% du marché mondial mais qui est en progression constante dans le pays développés. Pour l’instant, ce cacao de spécialité est produit en Amérique Latine (Équateur, Costa Rica) et dans les Caraïbes (République Dominicaine), ainsi qu’à Madagascar. La production de « fine flavor » a commencé relativement récemment en Côte d’Ivoire et se développe assez rapidement. La plupart des grands exportateurs ont ainsi développé leurs activités sur ce créneau, ainsi que plusieurs COOPEX (coopératives exportatrices) à la demande de fabricants de chocolats Européens.44 Le cacao de spécialité est très majoritairement vendu sous forme de fèves dans le cadre de relations directes entre les producteurs/exportateurs et les chocolatiers. Le développement de cette filière demandera probablement des aménagements dans les circuits de commercialisation ivoiriens. Améliorer l’efficacité de la commercialisation intérieure. La commercialisation intérieure, du producteur au point d’exportation, hors taxes et prélèvements, tel que présenté dans le Graphique 12 représente environ 15-20% du prix d’exportation CAF. La réduction de ce coût permettrait de payer un prix bord- champ plus élevé. Il est difficile d’estimer précisément les gains possibles, mais des opportunités semblent exister, notamment sur les coûts de transport par la réhabilitation du réseau routier car ceux- ci sont très élevés à cause de l’état de dégradation des pistes de collecte. Une réduction du coût de 44 Le « fine flavor » ivoirien est produit à base de variétés hybrides de « Forastero ». Le CNRA dispose cependant de variétés Criollo et Trinitario dans ses collections et il serait intéressant de rechercher celles qui seraient compatibles avec les conditions agro-climatiques ivoiriennes. JUILLET 2019 | 44 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 commercialisation intérieure devrait aussi être possible par le groupage précoce du produit près des zones de production, par l’intermédiaire des coopératives, ce qui permettrait des économies d’échelle significatives. Aussi, une simplification des démarches nécessaires à l’exportation réduirait les délais et les frais administratifs. Les documents nécessaires (devant être tamponnées par plusieurs organismes) sont très nombreux et leur multiplication contribue à ralentir le processus d’exportation, et entraîne donc des coûts additionnels. Dans le même ordre d’idées, il devrait être possible de réduire le coût de plusieurs services à l’exportation (pesage, traitements phytosanitaires, etc…) et l’importance des paiements informels tout au long de la chaîne logistique. Finalement, le développement de nouvelles technologies à travers les systèmes de traçage et de certification offre, comme argumenté ci-dessous, des opportunités pour décentraliser et mieux informer les acteurs sur les circuits de commercialisation actuels. La certification et la traçabilité. La certification de produits tropicaux comme le café et le cacao a longtemps relevé d’un marché de niche, de type « commerce équitable » ou « agriculture biologique » de quelques milliers de tonnes. Aujourd’hui, l’industrie du chocolat se lance dans la « certification de masse » basée sur un concept de « développement durable » combinant des normes environnementales (conservation des écosystèmes), éthiques (travail des enfants, traitement équitable des travailleurs, santé) et des « bonnes pratiques agricoles » pour augmenter les rendements et la qualité du cacao. En Côte d’Ivoire, toutes les grandes compagnies ont ainsi lancé des programmes de certification. Actuellement, on estime que plus de 500 000 planteurs (environ 60% du nombre total) sont ainsi engagés dans un programme de certification/traçabilité, très largement par l’intermédiaire de coopératives. Une entreprise comme Cargill déclarait même un taux de certification de 70% en 2017 ; l’objectif étant d’arriver rapidement à 100%. Pour l’instant, le bilan provisoire des programmes de certification semble mitigé, tant sur les revenus des planteurs que sur le respect des normes environnementales et sociales. Les rendements par hectare tournent en moyenne autour de 650 kg/ha chez les producteurs certifiés contre 550 kg/ha chez les non-certifiés, ce qui n’apparait pas suffisant pour couvrir tous les coûts associés à la certification et le travail additionnel exigé du planteur.45 Les primes payées par les acheteurs, si elles sont incitatives, sont encore insuffisantes. Les programmes de certification ne semblent donc pas avoir encore réussi à relever le défi à long terme d’amélioration effective de la situation économique des producteurs de cacao. De plus, leur crédibilité est contestée, au vu des récentes enquêtes sur la déforestation et le travail des enfants qui ont montré que ces phénomènes persistaient même s’ils sont manifestement en diminution. L’impatience de la société civile des principaux pays développés face aux progrès trop lents réalisés pour éliminer la déforestation et le travail des enfants se traduit aujourd’hui par une pression grandissante pour bannir toute importation de cacao qui ne satisferait pas aux conditions de durabilité économique, environnementale et sociale de production. L’Allemagne, par exemple, a annoncé qu’elle bannira toute consommation de produits chocolatiers qui ne pourront pas prouver que leur cacao est 100% certifié « propre ». Cette pression se répercute sur les fabricants de produits finis chocolatés qui insistent maintenant pour savoir exactement d’où vient le cacao qu’ils utilisent.46 Cela exige une transparence totale de la chaîne d’approvisionnement et de traçabilité de la chaîne d’approvisionnement du producteur au consommateur. Bien que des progrès réels aient été faits au cours des dernières années dans ce domaine, beaucoup reste à faire. D’abord, pour mettre au point une norme internationale reconnue pour définir le « cacao durable ».47 Ensuite, pour enrôler l’ensemble des producteurs dans les systèmes de 45 En moyenne, les avantages financiers de la certification, avant déduction des coûts, sont estimés à 150 à 200 $ par tonne, et ne permettent au mieux qu’une augmentation de 10 % du revenu d’un cacaoculteur, augmentation à laquelle il faut déduire les coûts. 46 Par exemple Nestlé a mis en place son "système de surveillance et d'éradication du travail des enfants" (Child Labour Monitoring and Remediation System, CLMRS), qui a maintenant été repris par la plupart des compagnies membres de la WCF. Les programmes de lutte contre le travail des enfants des membres du WFC sont régulièrement audités par l’ONG « Fair Labor Association » qui regroupe des universités, des organisations de la société civile et de grandes compagnies privées. 47 La norme ISO 34101 a été finalisée récemment. Elle est divisée en quatre parties qui portent sur (i) les exigences de performance relatives aux aspects économiques, sociaux et environnementaux (ii) les exigences relatives à la traçabilité ; et (iii) les exigences relatives aux systèmes de certification. L’application de cette norme a cependant été suspendue par la Côte d’Ivoire et le Ghana, afin d’y apporter les améliorations nécessaires qui tiennent mieux compte des intérêts des producteurs, JUILLET 2019 | 45 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 traçabilité y-compris, et c’est le plus difficile, les producteurs non-membres de coopératives. Enfin, pour que ce système joue son rôle de sanction, que les acheteurs (ou le cas échéant l’État) publient l’identité des transgresseurs (Nestlé a annoncé un tel système ouvert en mars 2019). Le développement de systèmes de certification et de traçabilité contient le potentiel technologique pour  «  révolutionner  » les manières de faire au niveau de la commercialisation intérieure du cacao. Jusqu’à présent, les producteurs souffrent d’une position inégale lors de leurs négociations face aux intermédiaires, en raison de leur isolement qui les empêchent non seulement de détenir l’information sur les prix pratiqués mais aussi de recevoir leur paiement à temps. Les nouveaux systèmes de traçabilité proposent des plateformes d’information efficaces, décentralisées et sécurisées par des technologies comme le blockchain, permettant à tous les acteurs de la filière de suivre en temps réel l’origine et l’utilisation du produit, de diminuer les couts de transaction et de mieux sécuriser les transactions financières entre les banques, les acheteurs et les producteurs. Dans le même esprit, peut-être moins sophistiqué, le paiement des producteurs par les transferts d’argent à l’aide de la téléphonie mobile réduit les coûts de transactions et raccourcit les délais. Aujourd’hui, les initiatives sur le terrain se multiplient, souvent par des startups ou des ONG, mais aussi par des partenariats entre bailleurs et multinationales, à l’instar de la SFI et Cargill (cf. encadré). La digitalisation des moyens de paiements dans la filière cacao En 2013, la Société Financière Internationale (SFI) du Groupe de la Banque mondiale a lancé un vaste programme en Côte d’Ivoire pour encourager l’usage des services financier numériques dans les chaînes de valeur agricoles, avec le support financier de la Fondation MasterCard. C’est en mai 2015 qu’a été lancée une initiative pilote visant à numériser les paiements de plus de 1000 producteurs opérant dans la filière cacao, avec le support de l’entreprise Cargill (qui est le plus grand exportateur de cacao), la banque SIB (la branche locale du groupe Attijari Wafa Bank Group), et Orange Côte d’Ivoire. Les fermiers, en provenance de trois coopératives distinctes, ont commencé de recevoir leurs paiements sur un compte à la SIB et avec la possibilité de soit retirer cet argent à une branche de la SIB ou d’Orange ou soit de transférer cet argent dans leur compte mobile. Ce premier projet pilote a ouvert la voie à d'autres types d'initiatives en matière de paiements numériques entre coopératives et producteurs de cacao. Aujourd'hui, la digitalisation des paiements aux producteurs fait partie de la proposition commerciale de Cargill visant à améliorer la traçabilité et l'efficacité de la chaîne de valeur du cacao. Les services de conseil de la SFI sont aussi en train de travailler avec d’autres partenaires tels que Barry Callebaut ou CEMOI dans la digitalisation des flux de paiements entre coopératives et ses membres. Cargill, avec le soutien de la SFI, a accepté de mettre en œuvre les paiements numériques de la prime de certification en utilisant différents canaux : 1- le modèle de monnaie électronique avec un opérateur de téléphonie mobile (MTN), 2- le modèle de portefeuille électronique en partenariat avec une banque (YUP, Société Générale), et 3- le modèle bank 2 wallet avec une nouvelle banque partenaire (BACI). À ce jour, le modèle qui a obtenu de meilleurs résultats est celui qui implique des paiements directement vers le portefeuille mobile par un opérateur téléphonique, ce qui a permis d’enregistrer plus de 5000 agriculteurs du réseau de coopératives de Cargill. L’absence de pièces d’identité au niveau des agriculteurs et les frais associés aux canaux de paiement pilotés restent des obstacles majeurs à l’expansion des différents modèles de paiement digital dans la chaîne de valeur du cacao. JUILLET 2019 | 46 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Quelle politique de taxation ? La Côte d’Ivoire a depuis très longtemps mis en place une taxe sur ses exportations de cacao. Le taux maximum de taxation (y-compris les prélèvements parafiscaux) a été fixé à 22% lors de la réforme de 2011 mais le gouvernement a eu a renoncé à tout ou partie de la taxe d’enregistrement (5% du prix CAF) pour atténuer l’impact de la baisse des prix internationaux sur les prix aux producteurs. Les taxes à l’exportation, sont utilisées dans de nombreux pays, souvent pour des motifs différents qui vont de la sécurité alimentaire nationale aux gains fiscaux.48 Cet instrument est particulièrement important pour la Côte d’ivoire car il lui procure de très importantes recettes fiscales, jusqu’à 10% du budget de l’État.49 Du fait de sa position de premier producteur mondial de cacao, la théorie de la taxation optimale justifie l’utilisation d’une telle taxe pour la Côte d’Ivoire qui est en partie payée par les consommateurs. Toutefois, ce serait oublier que cette taxe se répercute aussi négativement sur ses propres producteurs en abaissant le prix bord-champ.50 Tant que l’accroissement des recettes du pays dépasse la baisse de revenu des producteurs, le « bien-être » agrégé du pays s’accroit et le problème devient un choix de redistribution. L’importance du choix du taux de taxation doit donc se comprendre à la fois dans ce contexte d’optimisation des recettes de l’État et de gestion de son effet redistributif entre producteurs et État. De plus, ce choix a un impact sur l’offre de cacao et donc, à terme, sur le prix mondial car un taux de prélèvement élevé abaisse le prix au producteur et, donc, réduit son incitation à produire du cacao, ce qui peut à terme se traduire par une érosion de la part du marché mondial de la Côte d’Ivoire. La prise en compte de tous ces paramètres explique pourquoi il est si difficile d’établir le niveau optimale de taxation des exportations qui dépend, en plus, très largement des hypothèses quant aux élasticités de la demande et de l’offre en cacao. Les estimations pour la Côte d’Ivoire varient ainsi de 20% pour Burger (2008) et Kireyev (2010), à 27% pour McIntire et Varangis, et 34% pour ICCO.51 Le taux de taxation actuel en Côte d’Ivoire (autour de 20%) serait donc dans la fourchette basse. Toutefois, un argument qui milite contre la lourdeur de cette taxe est son impact négatif sur le revenu des producteurs, qui sont parmi les ménages les plus pauvres du pays, et qui ne captent qu’une part congrue du prix de vente à l’exportation par rapport à leurs homologues dans les autres pays producteurs. La politique actuelle semble donc inéquitable sauf si elle était compensée par des mesures de redistribution comme argumenté dans la section suivante. Il convient toutefois d’admettre qu’une diminution de la taxation bénéficierait mathématiquement aux producteurs mais pas systématiquement en raison de mode d’achat des fèves et de l’existence d’intermédiaires de poids plus important par rapport aux producteurs. La politique fiscale sur le cacao pourrait aussi s’envisager dans le cadre d’une entente entre les principaux pays producteurs, notamment en Afrique. Une telle entente permettrait d’accroître leur pouvoir sur le marché et donc d’augmenter le taux de la taxation optimale global de ces pays. A titre indicatif, McIntire et Varangis ont estimé que la taxe optimale pour le groupe constitué de la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria et le Cameroun pourrait se situer à environ 60% (contre 27% pour la seule Côte d’ivoire), permettant d’accroître considérablement leurs recettes fiscales.52 Le rapprochement récent entre la Côte d’Ivoire et le Ghana peut être compris dans cette hypothèse. Une fiscalité harmonisée éliminerait aussi les incitations à la contrebande entre les deux pays.53 Le problème se pose alors du niveau de cette 48 Pour un survol Barry Callebaut, cf. O. Solleder, New data on Export Tax Rates, working paper, Graduate Institute Geneva, 2013. 49 Si la taxe à l’exportation est principalement motivée pour des raisons de recettes fiscales, il semble exister une sous-facturation chronique de la valeur de ses exportations de cacao, qui contribue à réduire la base imposable. Sur la période 2014-17, cette sous- facturation est estimée à hauteur de 1,6 milliards de US dollars en comparant la valeur des exportations déclarées par la Côte d’Ivoire au système des Nations-Unies avec celles déclarées par les huit principaux importateurs qui comptent pour environ 80 % des flux commerciaux Autrement dit, en supposant l’absence de sous-facturation, le gouvernement aurait pu collecter environ 350 millions de USD en recettes supplémentaires sur la période 2014-17. 50 Cf. M. Corden, Trade Policy and Economic Welfare, Oxford; Clarendon Press, 1974. S. Devarajan et al, The Whys and Nots of Export Taxation, Policy Research Working paper, 1684, World Bank, November 1996. 51 A. Kiselev, Export tax and pricing Power: Two hypotheses on the Cocoa market in Cote d’Ivoire, IMF working paper, N. 10/269, November 2010. K. Burger, Optimal Export Taxes: The case of Cocoa in Cote d’Ivoire, 2008. J. Mc Intire et P. Varangis, Reforming Côte d’Ivoire’s Cocoa Marketing and Pricing System, World Bank Policy research paper, 2081, 1999. 52 Une forte taxation pénalise cependant les producteurs Ivoirien, décourage leur production et a un impact haussier sur le prix international, ce qui profite aux autres pays producteurs. Il faut se rappeler que la très forte taxation de ses producteurs par le Ghana dans les années 1970 a été l’un des facteurs de la montée en puissance de la production de cacao en Côte d’Ivoire, en réduisant la production Ghanéenne et en faisant augmenter les prix sur le marché international. 53 En 2016/17, il était estimé qu’environ 100 000 à 200 000 tonnes de la production ivoirienne a transité illégalement par le Ghana. JUILLET 2019 | 47 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 taxe « harmonisée » car les taux actuels au Ghana (10%) est largement inférieur à celui pratiqué en Côte d’Ivoire. Un compromis pourrait toutefois être possible autour d’une taxe harmonisée autour de 15%, impliquant une légère baisse de la taxation Ivoirienne et une hausse de la taxation Ghanéenne. Développer la transformation. La transformation des produits agricole en y ajoutant de la valeur ajoutée semble être un passage obligé pour un pays qui ambitionne améliorer sa prospérité et créer des emplois. Après tout, cette voie a été utilisée par pratiquement tous les pays qui ont réussi leur émergence et, avant eux, par les pays industrialisés. Il est donc naturel qu’un pays comme la Côte d’Ivoire ait placé la transformation de ses produits agricoles au centre de sa stratégie de développement. Pourtant, il serait faux, voire dangereux de penser que la mise en œuvre d’une telle stratégie pourrait suivre qu’une seule forme. Elle devra être adaptée aux produits concernés, aux conditions et à la structure de chaque marché ainsi qu’à l’évolution de la demande et des goûts des consommateurs. En particulier, la chaîne de valeur de la filière cacao est plus compliquée que celle de la plupart des produits agricoles car elle impose une double, voire une triple transformation qui commence du broyage des fèves en pâtes/liqueur, puis en chocolat (industriel) et enfin en confiserie. Comme cela a déjà mis en évidence, la majeure partie de la valeur ajoutée est concentrée dans la deuxième et troisième étapes. Cette complexité tranche avec celle de la chaîne de valeur, par exemple du café, qui n’est constituée que d’une seule étape après la production qui est la torréfaction.54 Au cours des dernières années, les autorités ivoiriennes ont effectué un effort considérable pour développer la première transformation. La capacité de broyage du pays est aujourd’hui de 750 000 tonnes, ce qui en fait le premier broyeur du monde, devant la Hollande même si cette capacité n’est encore utilisée qu’à 75% aujourd’hui. La Côte d’Ivoire transforme donc environ 1/3 de sa production de fèves, et le gouvernement a pour objectif de porter ce taux de broyage à 50% d’ici 2023. Toutefois, comme déjà mentionné, c’est la deuxième transformation et la fabrication/distribution de produits finis chocolatés qui se taillent la part du lion dans la valeur ajoutée globale de la chaîne de valeur mondiale du cacao (35% et 44% de la respectivement, 79% en tout, contre 8% pour la première transformation). Cet effort doit se comprendre comme une étape intermédiaire (mais indispensable) pour que le pays se spécialise dans la deuxième et troisième transformation car elle n’est pas en soi créatrice d’une forte valeur ajoutée pour le pays. Ainsi, les 14 usines de broyages aujourd’hui en activités n’ont créé qu’environ 2800 emplois, avec relativement peu de marges par unité transformée.55 En plus, cet essor coute environ 46 milliards de FCFA (80 millions de dollars) par an à l’État qui a dû abaisser la fiscalité sur le cacao transformé pour attirer les investisseurs. Ce simple calcul souligne que l’augmentation de la première transformation en Côte d’Ivoire n’est certainement plus une priorité car pour chaque kilo de fèves supplémentaire qui est broyé, le pays perd de l’argent par rapport à la vente directe des fèves et avec sa capacité de broyage actuelle le pays produit plus que suffisamment de produits semi-finis (pâte, beurre, poudre) pour le développement d’une industrie chocolatière locale qui doit devenir la prochaine priorité. Le gouvernement a initié des démarches pour encourager les investisseurs privés à se lancer dans la deuxième voire la troisième transformation. L’enjeu est de taille car les gains potentiels sont importants mais les défis sont à la hauteur de l’enjeu. En effet, le développement d’une industrie chocolatière en Côte d’Ivoire se heurte à une série d’obstacles qu’il convient de rappeler : • Le chocolat n’est pas un produit qui se transporte facilement (en tout cas par rapport aux fèves) en raison de la chaîne du froid alors que 99 % des consommateurs se trouvent éloignés de la Côte d’Ivoire. • La production de chocolat de qualité demande un savoir-faire qui s’acquiert difficilement car il est contrôlé par un nombre relativement réduit de compagnies. L’absence de personnel qualifié 54 Cette relative simplicité explique pourquoi les pays producteurs de café (comme le Brésil et le Vietnam) sont capables de retirer environ 15% de la valeur finale du café instantané et entre 25% et 30% de celle associée aux grains de café torréfiés. 55 Ces usines incluent des entreprises multinationales (Cargill, Barry Callebaut, CEMOI, OLAM) ainsi que plusieurs compagnies ivoiriennes (Choco Ivoire et Ivory Cocoa). Il faut quand même relever que la majorité de ces emplois sont qualifiés ou hautement qualifiés, et que la première transformation a aussi permis le développement de PME de services (chaudronnerie, électromécanique, etc..) à Abidjan et San Pedro. Cet effet induit reste relativement faible. JUILLET 2019 | 48 est aussi un handicap pour la Côte d’Ivoire. De plus, les utilisateurs finaux travaillent en flux tendus et utilisent des mélanges de plusieurs origines. • La part du cacao dans la majorité des produits à base de chocolat est relativement faible (autour de 20%) ce qui fait que les coûts de production dépendent fortement d’autres intrants où la Côte d’Ivoire souffre d’un déficit de compétitivité (comme l’électricité, le sucre, et les produits laitiers) par rapport aux pays émergents (Inde, Chine) où pourrait se concentrer la hausse de la consommation dans les années à venir. Ces obstacles sont réels mais ne doivent pas nécessairement décourager la Côte d’Ivoire dans son effort de développer une industrie locale. Ils rappellent que cette stratégie doit être adaptée au contexte et évoluer au cours du temps. La suggestion est qu’elle commence modestement en se concentrant sur le marché local et régional car cette orientation permettra de réduire les coûts de transports ainsi que d’adapter les techniques de transformation et de former des travailleurs qualifiés afin de combler les retards de compétitivité pendant la période de transition. 56 La demande du marché national et sous-régional est en progression rapide, dopée par l’urbanisation rapide de l’Afrique de l’Ouest et le développement d’une classe moyenne aisée et ouverte à de nouvelles habitudes de consommation. Elle part cependant d’une base très faible puisque la consommation actuelle en Côte d’Ivoire, comme dans les autres pays de la région, se situe à moins de 100 g/hab/an, contre 5 à 12 kg dans les principaux pays développés. Bien que prometteur, ce marché demandera du temps pour offrir des débouchés significatifs à l’industrie ivoirienne.57 Cela ne veut pas dire que tous les efforts ne doivent pas être faits dès à présent pour soutenir une demande rapide du marché ivoirien et régional. Pour cela, il faudrait mener immédiatement un ensemble d’actions pour la promotion du chocolat dans les habitudes alimentaires locales (campagne de promotion, cantines scolaires), la promotion des marchés de niche (chocolatiers de luxe) et le développement de nouveaux produits dérivés dans le domaine de boissons, de la confiserie et la cosmétique, notamment à travers des alliances avec les entreprises agroalimentaires, pharmaceutiques et cosmétiques déjà présentes en Côte d’Ivoire. L’exemple du Cameroun et du Sénégal est très instructif a cet égard puisque la consommation de cacao dans ces deux pays atteint aujourd’hui près d’un Kg par tête d’habitant grâce au mariage de l’utilisation du cacao avec les habitudes traditionnelles de consommation en combinant, l’arachide et le cacao dans la pâte à tartiner. Au Pérou aussi, le cacao rentre dans un nombre important de préparations culinaires. La conquête du marché demandera aussi un savoir-faire en la fabrication de produits qualité et en «  marketing/branding  » qui est pour l’instant détenu largement par un nombre limité d’entreprises multinationales. La Côte d’Ivoire abrite déjà plusieurs de ces dernières, comme Nestlé et CEMOI, et cela est un atout certain. Ces multinationales ont déjà lancé la production de produits finis chocolatés en Côte d’Ivoire, et d’autres start-ups locales se sont aussi lancées dans ce créneau (cf. encadré).58 La mise en œuvre de programmes de formation, y compris en partenariats avec les entreprises multinationales, est essentielle pour réussir le développement d’une industrie locale car elle réduira les coûts. Reste que la concurrence sera rude tant sur le marché national (avec les produits chocolatés importés et les produits de substitution qui sont souvent moins chers) que sur les autres grands marchés régionaux, en particulier Ghanéen, Camerounais et surtout Nigérian, où les produits ivoiriens auront à faire face à la concurrence des produits locaux, chacun de ces pays étant producteur de cacao et bien décidé à utiliser son marché de consommation comme source de valeur ajoutée de son secteur cacaoyer. 56 Une nouvelle opportunité semble se dessiner avec la croissance de la demande en Asie pour des produits intermédiaires (comme la pâte, la poudre et la liqueur de cacao) qui sont de plus utilisée dans la fabrication de produits alimentaires. La Côte d’Ivoire pourrait alors exploiter sa position en tant que premier broyeur mondial pour tisser des liens directs avec les industries opérant en Chine et en Asie de l’Est. 57 En supposant une élasticité par rapport au revenu de 2 et des revenus/hab croissant de 3,5% par an, la consommation de cacao par tête doublerait en 10 ans et pourrait alors atteindre 250 gr/an en 2030, soit moins de 10 000 tonnes de fèves pour la Côte d’Ivoire et moins de 130.000 tonnes pour l’Afrique de l’Ouest. 58 MILO (boisson chocolatée) pour Nestlé, pâtes à tartiner et tablettes de chocolat pour CEMOI dans l’usine qu’il a ouvert à Abidjan en 2015. Mars a aussi annoncé en 2016 son intention de développer certaines activités de transformation industrielle en Côte d’Ivoire. Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 L’émergence d’une industrie nationale dynamique Créée en 2007, la société de droit ivoirien Tafi a démarré ses activités en 2012 par la production de produits semi-finis issus du cacao. En 2015, elle s'est lancée dans la fabrication de produits finis avec une capacité annuelle de 4 000 tonnes. Deux autres entreprises, Neskao et Sidcao, font la transformation des fèves hors normes de cacao. On assiste aussi à l’apparition de chocolatiers-confiseurs. Créé en 2015 par un trio de banquiers ivoiriens, Instant Chocolat, par exemple, a connu une croissance impressionnante. La compagnie fabrique des produits variés « Made in Côte d’Ivoire », des pralines au chocolat en tablette. De 4 tonnes de chocolat lors de sa première année, ses ventes ont explosé en 2016, atteignant 50 tonnes, avec des clients allant des particuliers aux grande sociétés comme Air France et Citibank. 2.3.4. Assurer une meilleure répartition de la valeur ajoutée L’essor extraordinaire de la culture du cacao a largement façonné le développement économique et social de la Côte d’Ivoire. La crise qui a frappé le secteur en 2016 à la suite de l’effondrement des cours mondiaux du cacao, la montée des exigences des consommateurs pour un cacao durable, l’épuisement des réserves foncières et humaines ainsi que le réchauffement climatiques sont autant de mutations profondes qu’est en train de subir le monde du cacao. Ces changements pourraient en fin de compte s’avérer bénéfiques car ils ont provoqué une véritable prise de conscience que la gestion du secteur dans son ensemble doit changer. La réforme de 2011 avait déjà établi un cadre institutionnel plus efficace pour la gestion de la filière et une répartition plus équitable de la richesse générée par le secteur, garantissant que les producteurs touchent au moins 60% du prix à l’exportation. Des efforts ont aussi été faits pour renouveler le verger et développer la transformation du produit au cours des dernières années. Beaucoup reste cependant à faire et la revue participative du secteur et de son cadre institutionnel initiée par le Gouvernement, menée avec tous les acteurs du secteur et la société civile, permettra d’affiner la vision à long terme pour le développement futur du secteur et la stratégie la plus appropriée pour la réaliser. Comme indiqué dans les paragraphes précédents, les défis -- économiques, technologiques, sociaux, environnementaux -- sont immenses pour que le pays puisse accroître sa valeur ajoutée et ainsi bénéficier de revenus supplémentaires. Le mouvement est pourtant en marche, avec plusieurs initiatives lancées par le gouvernement, seul ou avec d’autres pays, mais aussi en partenariats avec les autres acteurs de la filière comme les entreprises multinationales qui ont augmenté leur responsabilité sociale et écologique à la suite des pressions des consommateurs et de la société civile. La question de la distribution de la valeur ajoutée est cependant encore largement ignorée. Plusieurs pistes pourraient être explorées dans le contexte de la nouvelle stratégie du gouvernement. Tout d’abord, soutenir le développement rapide des coopératives pour mieux structurer la filière, fournir la base d’une interprofession efficace et donner aux producteurs une plus grande voix dans la gestion de la filière. Ensuite, la deuxième piste qui mérite le plus d’attention serait de chercher à favoriser les producteurs, qui ne sont pas seulement nombreux mais qui vivent pour la plupart dans des conditions de vie déplorables. Ici, les autorités devraient s’interroger sur la distribution de la taxe sur les exportations, qui ponctionne le revenu des producteurs, et qui dans sa grande majorité est conservée par l’administration centrale. Une option pourrait être d’allouer une plus grande partie de ces recettes aux producteurs à l’heure où le financement d’un programme à grande échelle pour l’amélioration de la productivité et la conversation du verger est devenu une priorité nationale. Dans les prochaines années, les programmes de soutien aux producteurs (lutte contre les maladies, renouvellement des plantations, recherche…) vont devoir se multiplier et devront être financés. Si les contributions des partenaires privés et des bailleurs de fonds JUILLET 2019 | 50 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 sont indispensables, le rôle du gouvernement devra être central afin d’aider les pauvres producteurs qui risquent d’être marginalisés.59 Dans ce contexte, une réflexion devrait être menée pour déterminer si le faible niveau de redistribution aux producteurs (environ 1 % de la valeur de la taxe) ne devrait pas être revu à la hausse. En parallèle, il conviendrait aussi d’examiner le système actuel, dans l’option de voir si l’utilisation des prélèvements actuels (FIMR, FIA, sacherie) ne pourrait pas être plus optimisée. En effet, l’efficacité de cette utilisation est de plus en plus sujet à discussion, y compris par les producteurs eux-mêmes, ce qui a poussé l’Etat à commanditer un audit actuellement en cours de réalisation. Enfin, une partie des recettes d’exportation pourrait aussi servir à financer un programme de filets de sécurité, sécurisant un revenu minimal aux groupes de producteurs les plus fragile mais aussi en permettant la reconversion de producteurs marginaux dans d’autres activités agricoles ou non- agricoles. A titre d’illustration, la retenue du cinquième des recettes actuelles permettrait d’assurer le financement de programmes de soutien à hauteur de 90 milliards de FCFA par an (soit environ 173 millions de US dollars) ou environ 50 dollars par an à un tiers des familles de producteurs. Ces pistes en faveur d’une redistribution accrue vers les producteurs de cacao ne sont que des idées qui devraient être étudiées de manière plus approfondies. Si elles sont bénéfiques aux producteurs, elles désavantageront l’État et par ricochet ceux qui reçoivent les ressources de l’administration centrale à travers, par exemple, le déploiement de routes et de services sociaux. Elles ont cependant le mérite de placer au centre du débat la problématique de la pauvreté des producteurs de cacao qui est une dimension essentielle pour que le pays puisse parvenir à l’émergence et à une croissance partagée dans les années à venir. Sans une amélioration significative des conditions de vie des producteurs de cacao et de leurs familles, il est difficile d’imaginer l’atteinte de ces objectifs car ceux-ci représentent approximativement 1/5 de la population de la Côte d’Ivoire. 59 L’expérience internationale rappelle que l’intervention de l’Etat a été déterminante dans le succès des pays qui ont réussi leur « révolution verte » comme l’Inde et plus récemment le Vietnam. JUILLET 2019 | 51 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 JUILLET 2019 | 52 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Annexes Statistiques JUILLET 2019 | 53 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Tableau 1 : Indicateurs Économiques Principaux 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 (e) Comptes Nationaux (% du PIB) Consommation finale 81,0 77,2 78,2 80,8 83,2 80,3 80,2 Formation brute du capital 11,5 15,8 17,3 18,2 17,4 18,1 19,2 Variation de stocks 3,6 4,7 0,9 0,2 -1,4 -2,5 -1,5 Solde extérieur 3,9 2,3 3,7 0,7 0,8 4,1 2,1 Exportations 47,2 38,2 25,7 37,6 35,6 38,8 36,3 Importations 43,3 34,6 36,7 36,8 34,7 34,7 34,1 PIB(Cout des facteurs) 76,8 78,1 80,9 88,3 88,1 88,0 88,0 Agriculture 19,8 18,8 20,1 19,0 18,9 19,5 18,9 Industrie 21,1 24,0 23,0 22,9 22,6 21,6 21,6 Service 36,0 35,3 37,8 37,6 37,9 37,5 38,1 Droits et Taxes net 10,9 10,3 10,2 11,7 11,9 12,0 12,0 Prix (% glissement annuel moyen) Déflateur du PIB 2,6 3,3 3,9 3,1 -1,1 -1,7 0,8 Indice des Prix a la consommation 1,3 2,6 0,4 1,2 0,7 0,8 0,3 Indicateurs Fiscaux (% du PIB) Recettes totales et dons 19,2 19,7 18,9 20,0 20,0 20,4 19,9 Recettes fiscales 16,2 15,6 14,7 15,1 16,0 16,5 16,2 Recettes non-fiscales 2,4 2,8 2,5 3,5 2,5 2,7 2,7 Dons 0,6 1,3 1,7 1,4 1,5 1,2 1,0 Dépenses totales 22,3 21,9 21,0 22,8 24,0 24,9 23,9 Dépenses courantes 17,8 15,9 15,3 16,5 17,3 18,0 17,4 Dont service de dette 1,7 1,4 1,2 1,5 1,7 1,7 1,8 Dépenses d'investissement 4,5 6,0 5,7 6,3 6,7 6,9 6,5 Solde primaire -1,2 -0,1 -1,0 -1,3 -2,3 -2,8 -2,2 Solde global -3,2 -2,2 -2,2 -2,8 -4,0 -4,5 -4,0 Secteur exterieur Balance commerciale 11,4 9,6 11,0 9,6 8,7 8,8 5,3 Exportations de marchandises (f.o.b) 45,2 38,5 25,7 35,4 30,8 31,1 27,4 Importations de marchandises (f.o.b) 33,8 29,0 36,7 25,8 22,1 22,3 22,1 Compte de services (Net) -7,3 -7,3 -6,1 -6,1 -5,6 -6,2 -4,8 Autres (Net) -5,4 -4,3 -3,4 -4,1 -4,3 -5,3 -5,2 Solde du Compte Courant -1,2 2,0 1,4 -0,6 -1,2 -2,7 -4,7 Compte de Capital et d'Opérations Financières Compte de Capital 0,0 0,0 0,8 0,8 0,5 0,5 0,4 Investissements Directs Etrangers 1,2 1,3 1,2 1,4 1,6 0,8 1,4 Investissements de Portefeuille et Autres -2,6 1,1 -0,9 2,9 1,7 3,5 3,9 Memo PIB (prix courant en milliards de FCFA) 13677,0 15446,0 17461,0 19595,0 20931,0 22151,0 23900,0 PIB (prix constant 2009 en milliards de FCFA) 12335,5 13479,3 14661,6 15961,4 17233,9 18561,2 20026,0 Taux de change (FCFA:US$-moyenne annuelle) 510,0 494,0 494,0 591,0 593,0 581,0 555,2 Population (million) 22,0 22,5 23,1 23,7 24,3 25,0 25,6 Source: Fonds Monétaire International, Banque Mondiale, Institut National de Statistique JUILLET 2019 | 54 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Tableau 2 : Compte Nationaux % du PIB 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Prix courant Demande Agregée Consommation Finale 79,7 76,4 75,4 76,4 79,3 80,1 Privée 66,9 64,1 63,1 64,5 66,5 65,7 Publique 12,8 12,3 12,3 11,9 12,7 14,4 Formation Brute de Capital 12,8 17,0 18,9 19,5 18,3 19,5 Privée 7,3 10,7 12,0 12,8 11,0 12,0 Publique 5,5 6,3 6,9 6,7 7,3 7,4 Variation de Stocks 3,3 3,7 0,9 0,6 -0,6 -2,2 Solde Extérieur 4,2 2,9 4,9 3,5 3,0 2,6 Exportations 48,9 41,5 39,3 37,7 33,4 33,7 Importations 44,7 38,6 34,4 34,2 30,3 31,1 Facteurs de production PIB au coût des facteurs 89,8 77,2 80,1 89,1 88,8 88,7 Agriculture 22,2 21,0 21,1 22,7 22,4 21,6 Industrie 24,0 26,0 27,4 25,8 25,2 24,7 Services 31,0 30,3 31,6 31,3 31,5 31,8 Droits et Taxes Net 10,2 10,2 10,9 10,9 11,2 11,3 Prix Reel (base 2009) Demande Agregée Consommation Finale 81,0 77,2 78,2 80,8 83,2 80,3 Privée 68,6 65,9 66,8 69,8 71,9 69,2 Publique 12,4 11,2 11,4 11,0 11,4 11,1 Formation Brute de Capital 11,5 15,8 17,3 18,2 17,4 18,1 Privée 6,4 9,9 10,8 11,8 12,7 13,2 Publique 5,1 6,0 6,5 6,5 7,1 7,0 Variation de Stocks 3,6 4,7 0,9 0,2 -1,4 -2,5 Solde Extérieur 3,9 2,3 3,7 0,7 0,8 4,1 Exportations 47,2 38,2 38,2 37,6 35,6 38,8 Importations 43,3 34,6 34,6 36,8 34,7 34,7 Facteurs de production PIB au coût des facteurs 76,8 78,1 80,9 88,3 88,1 88,0 Agriculture 19,8 18,8 20,1 19,0 18,9 19,5 Industrie 21,1 24,0 23,0 22,9 22,6 21,6 Services 36,0 35,3 37,8 37,6 37,9 37,5 Droits et Taxes Net 10,9 10,3 10,2 11,7 11,9 12,0 Sources: Institut National de Statistique, FMI et Banque Mondiale JUILLET 2019 | 55 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Tableau 3 : Croissance Réelle par Secteur Glissement annuel (%) 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 (e) Agriculture 0,3 3,8 11,5 2,9 7,5 11,2 4,2 Agriculture vivrière, élévage -2,5 1,2 18,7 -1,0 14,2 6,6 2,1 Agriculture d'exportation 4,3 5,7 2,8 7,5 0,2 18,7 7,0 Sylviculture 0,6 87,1 0,0 27,5 -34,8 -10,0 2,0 Peche 18,8 16,5 0,4 30,7 -1,6 -2,0 1,1 Industrie 6,1 24,2 3,9 8,3 6,6 3,0 7,1 Extraction minière -25,8 14,7 -3,0 20,4 13,9 -4,2 -3,2 Industries agroalimentaires 28,4 4,1 8,7 -1,7 -2,1 6,5 15,4 Energie 155,2 97,9 -6,3 5,2 21,3 3,2 4,0 Batiments et travaux publics 40,5 17,9 15,5 18,3 4,0 4,5 16,5 Autres industries manufacturières 4,3 21,3 7,9 6,8 3,2 6,2 5,8 Services 6,8 7,2 9,1 8,2 8,9 6,6 9,2 Transports et Communication 27,2 8,9 5,9 19,6 18,6 9,2 9,0 Services -3,2 7,5 10,2 5,1 4,3 -2,0 12,4 Commerce 9,3 5,1 10,8 6,5 6,0 8,0 8,4 Administration publique 35,1 3,5 7,3 7,9 10,0 8,2 8,6 Sources: Institut National de Statistique, FMI et Banque Mondiale JUILLET 2019 | 56 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Tableau 4 : Opérations Fiscales %PIB 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 (p) Recettes totales et dons 19,2 19,7 20,6 21,4 21,5 21,6 20,9 Recettes totales 18,6 18,4 18,9 20,0 20,0 20,4 19,9 Recettes Fiscales 16,2 15,6 14,7 15,1 16,0 16,5 16,2 Impots directs 5,3 5,0 4,4 4,0 4,0 4,3 4,6 Impots Indirects 10,9 10,6 10,9 11,1 12,0 13,8 13,5 Recettes non-fiscales 2,4 2,8 2,5 3,5 2,5 2,7 2,7 Dons 0,6 1,3 1,7 1,4 1,5 1,2 1,0 Dépenses Totales 22,3 21,9 21,0 22,8 24,0 24,9 23,9 Dépenses courantes 17,8 15,9 15,3 16,5 17,3 18,0 17,4 Salaire et Traitements 6,8 6,7 6,8 6,9 6,7 6,8 6,8 Subventions et autres Transferts courants 3,0 2,1 5,6 6,1 6,7 6,7 5,9 Autres Dépenses courantes 4,2 3,5 1,3 1,4 1,5 2,7 2,8 Dépenses liées à la crise 0,4 0,5 0,4 0,6 0,7 0,1 0,1 Service de la Dette 1,7 1,4 1,2 1,5 1,7 1,7 1,8 Dette intérieure 0,6 0,7 0,7 0,7 0,9 0,8 0,9 Dette extérieure 1,1 0,6 0,5 0,8 0,8 0,8 0,9 Dépenses d'investissements 4,5 6,0 5,7 6,3 6,7 6,9 6,5 Financées sur ressources intérieures 3,7 4,0 3,5 4,1 5,0 4,2 3,7 Financées sur ressources extérieures 0,8 2,0 2,2 2,2 1,7 2,7 2,8 Solde Primaire -1,2 -0,1 -1,0 -1,3 -2,3 -2,8 -2,2 Solde Global -3,2 -2,2 -2,2 -2,8 -4,0 -4,5 -4,0 Solde Global (excl. dons) -3,8 -3,5 -4,0 -4,3 -5,4 -5,7 -5,0 Variations des arriéres intérieurs 1,4 0,3 -1,0 0,0 0,4 -0,9 -0,5 Solde Global (base caisse) -1,8 -2,0 -3,2 -2,8 -3,6 -5,4 -4,4 Source: Fonds Monétaire International et Banque Mondiale JUILLET 2019 | 57 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Tableau 5 : Balance des paiements %PIB 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 (e) Solde du Compte Courant 0,3 0,3 1,4 -0,6 -1,2 -2,7 -4,7 Solde du Compte Courant (excl. Dons) -0,3 -1,0 -0,3 -2,0 -2,6 -3,9 -5,7 Solde Commerciale 11,4 9,6 11,0 9,6 8,7 8,8 5,3 Exportations (f.o.b) 45,2 38,5 25,7 35,4 30,8 31,1 27,4 dont Cacao 12,6 12,5 13,1 15,5 13,1 13,1 10,6 dont produits pétroliers 14,7 11,0 8,8 5,7 4,1 4,7 4,7 Importations (f.o.b) 33,8 29,0 36,7 25,8 22,1 22,3 22,1 dont pétrole 10,3 9,4 9,6 8,2 5,4 7,9 5,5 Services (net) -7,3 -7,3 -6,1 -6,1 -5,6 -6,2 -4,8 Revenus primaires (net) -3,4 -2,9 -2,6 -3,0 -3,0 -4,0 -4,0 dont intérêt sur la dette publique 1,1 0,6 0,5 0,8 0,8 0,8 1,0 Revenus Secondaire (net) -1,9 -1,4 -0,8 -1,0 -1,2 -1,4 -1,3 Gouvernement -0,2 0,4 0,7 0,5 0,4 0,4 1,0 Autres secteurs -1,8 -1,8 -1,5 -1,5 -1,6 -1,8 -2,3 Comptes de Capital et d'Opérations Financières -1,5 2,4 1,1 2,7 0,2 4,2 5,5 Compte du Capital 0,0 0,0 0,8 0,8 0,5 0,5 0,4 Compte des Operations Financières -1,5 2,4 1,2 1,9 -0,3 3,7 5,1 Investissements Directs Etrangers 1,2 1,3 1,2 1,4 1,6 0,8 1,4 Investissements de portefeuille (net) -2,6 1,1 -0,9 2,9 1,7 3,5 3,9 Autres investissements (net) -3,2 0,6 -3,5 -2,4 -3,5 -3,0 -2,0 Officiel, net -1,9 0,5 1,3 0,7 0,3 -0,6 1,4 Prêts projets 0,4 1,4 1,4 1,7 1,3 2,2 2,4 Autres prêts 0,0 0,0 2,9 0,0 -0,1 -0,1 -0,1 Amortissement -2,3 -0,9 -1,3 -1,2 -1,3 -3,2 -1,2 Non-officiel, net -1,3 0,1 -4,8 -3,1 -3,8 -2,4 -3,1 Erreurs et omissions 0,0 0,0 -0,3 -0,2 0,0 0,0 0,0 Solde Global -2,7 0,4 2,3 2,0 -1,2 1,7 0,8 Source: Fonds Monétaire International et Banque Mondiale JUILLET 2019 | 58 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Tableau 6 : Inflation, Taux de change et Prix Glissement annuel moyen (%) 2012 2013 2014 2015 2016 20172018 (e) Inflation Déflateur du PIB 2,6 3,3 3,9 3,1 -1,1 -1,7 0,8 Indice des prix a la consommation 1,3 2,6 0,4 1,2 0,7 0,8 0,3 Indice hors alimentation 1,8 2,8 1,4 1,0 0,5 0,7 0,8 Indice produits alimentaires -0,3 1,9 -2,1 2,0 -2,1 1,7 0,2 Taux de change (CFA:US$) 510 494 494 591 593 581 555,2 Produits de base selectionnés Pétrole ($/bbl) 105,0 104,1 96,2 50,8 42,8 52,8 56,8 Cacao ($/kg) 2,4 2,4 3,1 3,1 2,9 2,0 2,2 Café ($/kg) 4,1 3,1 2,3 2,1 2,1 2,2 1,0 Caoutchouc ($/kg) 3,2 2,5 2,0 1,6 1,6 2,0 1,5 Source: Institut National des Statistiques, Ministère de l'Economie et des Finances, Banque Mondiale JUILLET 2019 | 59 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Tableau 7 : Taux de Pauvreté 1985 1995 2002 2008 2015 Total 10 32,3 38,4 48,9 46,3 Urbain 5 42 49 62,5 56,8 Rural 15,8 19,4 24,5 29,5 35,9 Source: Ministère du Plan et de Développement, 2015 JUILLET 2019 | 60 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2019 Tableau 8 : Indicateurs du Secteur Monétaire et Bancaire 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 (e) A. Situation Monétaire Avoirs extérieurs nets -14,2 0,2 4,1 5,5 -2,9 0,5 15,3 Avoirs intérieurs nets 16,0 16,9 12,0 21,6 14,2 11,0 13,1 Crédits nets a l'Etat 29,6 15,3 14,1 -5,3 17,5 14,9 17,0 Banque Centrale 19,1 2,2 -8,5 -12,7 -13,3 -7,7 -6,3 Banques 45,9 31,8 36,1 -0,1 36,5 23,7 23,8 Crédit a l'economie 12,4 22,6 21,7 28,5 13,3 15,2 11,3 Masse Monétaire (M2) 16,1 17,3 10,1 8,8 13,5 B. Solidité financière de l'ensemble du secteur bancaire (%)* Adéquation des fonds propres Capital aux avoirs pondérés par le risque 8,6 10,0 10,0 8,7 7,9 9,0 8,9 Normes de fonds propres Total des crédits/total des actifs 52,1 59,5 54,8 57,1 57,3 57,3 56,6 Concentration: crédits aux 5 plus grands emprunteurs au capital 129,5 63,2 70,6 145,8 129,1 108,9 98,4 Crédits en souffrance bruts/total des crédits 15,5 12,6 10,6 10,4 9,1 9,8 8,5 Provisions generales/credits en souffrance bruts 78,7 76,0 72,6 66,6 70,5 63,0 75,8 Crédits en souffrance nets/total des crédits 3,8 3,3 3,2 3,7 2,9 3,8 2,2 Crédits en souffrance nets des provisions/fonds propres 49,5 34,1 31,7 54,2 37,6 43,0 21,4 Resultats et rentabilité Rendement net d'impot des actifs moyens (ROA) 0,5 1,2 1,5 1,4 1,6 1,4 Rendement net d'impot des fonds propres moyens (ROE) 7,1 17,4 24,4 24,5 29,2 21,5 Traitements et salaires/revenus bancaires net 29,8 28,9 27,3 26,3 25,5 23,8 2018: les indicateurs de solidité financière de 2018 sont celle de Juin 2018 Liquidites Actifs liquides/total des actifs 35,3 48,7 35,6 35,5 33,7 32,0 31,4 Actifs liquides/total des dépots 46,1 65,5 48,4 48,6 48,1 46,9 44,2 Total des crédits/total des dépots 77,6 80,0 74,0 73,0 70,2 68,2 85,3 Source: Fonds Monétaire International, BCEAO (*) Données à fin juin 2018 JUILLET 2019 | 61 www.banquemondiale.org/fr/country/cotedivoire