COMITÉ DU DÉVELOPPEMENT (Comité ministériel conjoint des Conseils des Gouverneurs de la Banque et du Fonds sur le Transfert de ressources réelles aux pays en développement) Une centaine réunion WASHINGTON, DC – 19 octobre 2019 DC/S/2019-0055(F) 19 octobre 2019 Déclaration ecrit de Monsieur Bruno Le Maire Ministre de l’Economie et des Finances France Discours ecrit de Monsieur Bruno Le Maire Ministre de l’Economie et des Finances France 100e réunion du Comité du développement 19 octobre 2019 Washington, DC Avant toute chose, permettez-moi de féliciter Mme Kristalina Georgieva pour sa nomination comme directrice générale du Fonds monétaire international, et pour sa première participation au comité du développement en cette qualité. Cette année se déroule la 19ème reconstitution de l’Association internationale du développement (AID), le fonds de la Banque mondiale à destination des plus pauvres. En tant que plus importante source de financement concessionnel au monde, c’est un partenaire incontournable pour les pays en développement et la clef de voute de l’action du groupe de la Banque mondiale pour mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici 2030, comme prévu dans les objectifs de développement durable. En tant que partenaire ancien et fidèle de l’AID, la France souhaite que la reconstitution de cette année soit un succès grâce à un engagement collectif, afin de dépasser la précédente reconstitution qui avait déjà permis de mobiliser le montant record de 75 Mds USD. Je souhaite particulièrement mettre l’accent sur trois dimensions essentielles de l’action de l’AID: Tout d’abord, son action en Afrique subsaharienne et en particulier dans les régions les plus vulnérables comme le Sahel. Pour 2030 les prévisions indiquent que neuf personnes vivant dans l’extrême pauvreté sur dix seront en Afrique subsaharienne. L’Afrique est confrontée à des défis économiques, humains, sociaux et environnementaux significatifs qui méritent un fort appui de la Banque, en particulier dans les régions les plus vulnérables. La région du Sahel était au centre des échanges lors du Sommet du G7 à Biarritz plus tôt cette année, qui a conduit à l’adoption du Plan d’action du Partenariat pour le Sahel. Les attentes vis-à-vis de l’AID au Sahel sont grandes, compte tenu du fait que la région est actuellement exposée à de graves risques de déstabilisation, les crises sécuritaires étant alimentées par de multiples facteurs de fragilité. Une augmentation de 30% des allocations pour les pays sahéliens démontrerait que nous intensifions collectivement nos efforts en faveur de la région. Nous serons également très attentifs à la montée en puissance de la présence de la Banque mondiale dans les pays fragiles, pour s’assurer que les engagements ambitieux seront suivis d’effets sur le terrain. Il faut plus de personnel dans ces régions, avec un niveau de compétence élevé et capables de développer une vision régionale des enjeux. La nouvelle stratégie de la Banque pour les pays fragiles et en situation de conflit sera à cet égard bienvenue. En tant que partenaire fondateur de l'Alliance Sahel, la Banque mondiale contribuera ainsi à la paix, à la sécurité et au développement dans la région, notamment en accélérant la réalisation des projets de développement. La nouvelle approche régionale de la fragilité s’étendra également à deux autres zones prioritaires au cours de l’AID 19 : la région du lac Tchad et la Corne de l’Afrique. Au vu de ses impacts sur les populations les plus vulnérables, la lutte contre le changement climatique est au cœur du mandat de l’AID. La Banque mondiale s’est engagée à mobiliser 200 milliards de dollars d’investissements dans les actions de lutte contre le changement climatique pour 2021-2025, dont 100 milliards sur ressources propres. L’aide financière de 50 milliards de dollars sur la période consacrée à l’adaptation au changement climatique va également dans le sens d’une aide aux pays clients les plus pauvres pour lutter contre le changement climatique. Dans ce contexte, l’AID doit jouer un rôle important en soutenant les efforts du Groupe pour lutter contre le changement climatique, à savoir notamment l’objectif ambitieux de 35% de financements à co-bénéfices climat sur la période 2021-2025. Je note à ce titre que la cible proposée d’au moins 30% pour AID19 est conforme à cet engagement, à condition de prévoir une augmentation continue des co-bénéfices climat de l’AID au cours des prochaines années et un effort accru de la part de la BIRD sur la période de 2021 à 2025. La protection de la biodiversité et des écosystèmes naturels s’inscrit dans la continuité de cet effort. La perte de biodiversité a des effets particulièrement négatifs sur les conditions de vie des communautés les plus pauvres, leur accès à l’eau, leur sécurité alimentaire et leur résilience aux catastrophes naturelles. C’est la raison pour laquelle je voudrais souligner l’importance pour l’AID de se mobiliser pour la préservation de l’environnement, la diversité biologique, les ressources naturelles et l’économie bleue. La préservation des forêts tropicales et des savanes est un enjeu fondamental pour certains pays éligibles à l’AID. Enfin, le renforcement des capacités institutionnelles doit être soutenu, c’est une condition préalable au succès de nombreux programmes de développement. Dans la lignée des travaux des ministres des finances du G7 réunis à Chantilly en juillet dernier, l’AID doit être plus ambitieuse sur une série de sujets essentiels : la mobilisation des ressources intérieures, des finances publiques saines, la promotion de procédures de passation de marchés publics en ligne avec les meilleurs standards, un meilleur contrôle des dépenses publiques, la lutte contre les flux financiers illicites et la corruption, ou encore une gestion efficace et transparente de la dette publique. Les problèmes liés au niveau et à la trajectoire de la dette publique sont de plus en plus préoccupants dans un certain nombre de pays. Les actions de l’AID sur la dette devront contribuer à atténuer ce risque, mais elles devront également être adaptées aux besoins et aux capacités des pays, et apporter un plein soutien aux Etats qui travaillent pour améliorer leur gestion de l’endettement. L’objectif final ne doit pas être perdu de vue, il est avant tout d’aider les Etats à financer de manière soutenable leur besoin de développement. Parmi les autres thèmes à l’honneur de ce comité du développement, j’aimerais faire les observations suivantes : Un an après son lancement, je salue la réussite du projet de la Banque sur le Capital humain, avec l’adhésion de plus de 60 pays au cours de l’année écoulée. Il met l’accent sur des problématiques essentielles pour le développement humain dans les pays à faible revenu, comme la maîtrise de la croissance démographique et l’autonomisation des filles et des femmes. Il permet de mobiliser davantage d’énergie et de financements pour améliorer l’accès et la qualité des services essentiels - éducation, santé et nutrition – qui contribueront au développement économique de ces pays dans les décennies à venir. Il est important que la Banque continue à agir dans ces secteurs, tout en contribuant au renforcement des structures nationales de ses clients. Je souhaite à cet égard saluer les initiatives prises récemment par la Banque pour renforcer son action pour lutter contre l’illettrisme des plus jeunes. Dans les mois à venir, il s’agira de continuer à mettre en place des initiatives et projets concrets pour approfondir l’impact sur le terrain. Le rapport sur le développement mondial est dédié cette année aux chaines de valeurs mondiales. A ce titre, je voudrais souligner les bienfaits du commerce, à la fois pour les pays développés et les pays en développement, quand il évolue dans un cadre régulé et stable, grâce à un système multilatéral qui fixe les principes du commerce international. Il faut éviter toute augmentation de tarifs qui se fera toujours au détriment des consommateurs et in fine, de la croissance économique. Le commerce international est un facteur de développement de premier ordre qu’il faut encourager, il peut aussi jouer un rôle essentiel dans la réalisation des objectifs de développement durable. Néanmoins, le commerce n’est pas une fin en soi. Il est confronté à deux défis principaux. Le premier est d’assurer une juste répartition des gains à l’échange, ce qui est insuffisamment le cas. Il est de la responsabilité de chaque Etat de mettre en œuvre des politiques redistributives. Le deuxième est le défi climatique, les politiques commerciales ne peuvent plus être pensées sans prendre pleinement en compte les enjeux de développement durable, en particulier les impacts environnementaux liés à l’augmentation des flux commerciaux. A l’aune de ces impératifs, il est essentiel de rendre opérationnelles les recommandations du rapport dans les opérations de la Banque, en particulier pour les pays à bas revenus. 2 Enfin, le plan d’action de la Banque en matière de création d’emplois et de transformation économique dans les pays en développement s’attaque à un défi majeur, puisqu’entre 2020 et 2035, 620 millions de personnes devraient entrer sur le marché du travail, dont plus de 80% en Afrique subsaharienne. Pour répondre à cette demande et assurer suffisamment d’emplois de qualité, il faudra développer le secteur privé et assurer la transition d'activités à faible productivité à des activités à productivité plus élevée. J’attends que la Banque présente dans les prochains mois au conseil d’administration une vision plus approfondie de sa stratégie sur ces enjeux. En conclusion, 75 ans après la conférence de Bretton Woods et à l’occasion de ce 100e comité du développement, notre engagement aujourd’hui envers les institutions qui en sont issues est aussi une confiance renouvelée envers le multilatéralisme, un modèle que la France a toujours défendu, car la coopération entre les pays et la solidarité financière mondiale sont le seul moyen de relever ensemble les défis de développement. Monsieur le Président, Madame la Directrice générale, Mesdames et Messieurs les Gouverneurs, je vous remercie de votre attention. 3