Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Table des matières Avant-Propos iv Liste des Figures v Liste des Tableaux vi Liste des Encadrés vi Liste des Abréviations vi Résumé Exécutif viii Première Partie – L’Etat de l’Economie 1 1.1. Développements économiques récents 1 1.1.1. En 2018, la reprise progressive de la croissance économique s’est poursuivie 1 1.1.2. Les pressions externes ont augmenté en 2018 3 1.1.3. Le secteur bancaire souffre de certaines faiblesses que les autorités tentent de résoudre 5 1.1.4. La situation budgétaire s’est encore améliorée 6 1.1.5. Le marché du travail s’est détérioré et reste entravé par la ségrégation et l’informalité 10 1.2. Perspectives 2019-2021: le cadre macroéconomique est favorable, mais les risques locaux et 11 externes persistent Deuxième Partie – L’amélioration du climat des affaires 16 2.1. Aperçu du climat des affaires et des réformes récentes 18 2.1.1. L’amélioration du climat des affaires est une priorité pour le Gouvernement 18 2.1.2. Les réformes accomplies en 2014-2018 ont porté sur de nombreux aspects du climat des 21 affaires 2.1.3. Le climat des affaires a été amélioré de manière significative, mais il reste plusieurs défis 22 majeurs à relever 2.2. Les réformes en cours mettent l’accent sur l’amélioration de la justice commerciale 26 2.2.1. Améliorer la justice commerciale pour la rendre plus efficace et plus fiable 26 2.2.2. Moderniser le registre du commerce pour rendre accessibles les informations sur les entre 27 prises et améliorer la transparence 2.2.3. Développer les modes alternatifs de règlement des litiges en complément de la justice 28 étatique 2.2.4. D’autres réformes essentielles sont en cours 29 2.3. Des réformes fondamentales sont encore nécessaires 30 2.3.1. D’importants chantiers et défis sont encore à relever dans les prochaines années 30 2.3.2. Pistes de réflexion pour améliorer le climat des affaires en profondeur 32 2.4. Proposition de plan d’action 38 Références 40 Annexes 42 Annexe I : Méthodologie d’identification des pays comparateurs (ou pairs) 42 Annexe II : Décomposition Shapley 43 Annexe III : Méthodologie pour développer l’indice de stabilité macroéconomique 43 Annexe IV : Tableaux statistiques 44 iii Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Avant-Propos Le Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie (RSEM) est une publication périodique de la Banque mondiale (BM) qui souligne les tendances économiques récentes et discute de questions de développement pertinentes pour le pays. Le RSEM se fonde sur des rapports analytiques existants de la BM pour présenter des problèmes économiques et sociaux actuels. Le RSEM est destiné au grand public et sert de véhicule pour lancer un débat factuel sur les choix économiques parmi les principaux acteurs nationaux, notamment entre les décideurs politiques et les citoyens. Cette seconde édition du RSEM est composée de deux parties. La première présente la situation économique en 2018, évoque les perspectives économiques pour 2019-2021, et évalue les risques et les défis. La deuxième partie propose un état des lieux du climat des affaires, présente les réformes achevées et en cours, et mentionne les principaux défis qui restent à relever pour favoriser le développement du secteur privé. Ce document a été préparé par une équipe composée de Samer Matta (Économiste) et Théodore Anthonioz (Spécialiste du secteur privé). Cristina Moreno (Spécialiste du secteur privé), Laurent Corthay (Spécialiste principal du secteur privé), Paula Tavares (Spécialiste principale du secteur privé), André Teyssier (Spécialiste principal du foncier), Laurent Gonnet (Spécialiste principal du secteur financier), Tania Ghossein (Spécialiste principale du secteur privé), Isolina Rossi (Économiste), Moritz Meyer (Économiste) et Fiseha Haile (Économiste) ont contribué à ce rapport. L’équipe remercie Christine Richaud (Chef de programme), David Elmaleh (Économiste), et Sylvia Solf (Spécialiste Principale du secteur privé) pour leurs commentaires. L’équipe aimerait aussi exprimer ses remerciements aux autorités mauritaniennes pour leur commentaires, particulièrement le Ministère de l’Economie et des Finances et la Banque Centrale de la Mauritanie. Ce rapport a été préparé sous la supervision de Louise Cord (Directrice des opérations), Laurent Msellati (Représentant résident), et Lars Christian Moller (Directeur de pratique). Les projections macroéconomiques datent du 4 avril 2019. Les données historiques sont celles disponibles au 8 mars 2019. Les informations sur la Banque mondiale, ses activités en Mauritanie, et les copies électroniques de la présente publication sont disponibles à travers ce lien : www.worldbank.org/en/country/mauritania iv Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Liste des Figures Figure 1: La croissance en Mauritanie continue d’augmenter, mais reste inférieure à celle des pays 1 pairs Figure 2: Par conséquent, l’écart en termes du PIB par habitant s’élargit 1 Figure 3: Les secteur non-extractifs ont poussé la croissance en 2018 2 Figure 4: La croissance des secteurs non-extractifs est tirée par la forte activité de la pêche 2 Figure 5: En revanche, la production dans tous les secteurs miniers a chuté en 2018 2 Figure 6: Du côté de la demande, la consommation privée a stimulé l’activité économique, tandis que 2 l’investissement public et les exportations nettes ont freiné la croissance Figure 7: L’inflation a légèrement augmenté en 2018 en raison de la hausse des prix des produits 3 alimentaires Figure 8: Les prix locaux des carburants sont restés constant malgré les fluctuations des prix 3 mondiaux Figure 9: Historiquement, la croissance des exportations a été conduite par la vente des mêmes 4 produits aux mêmes marchés Figure 10: Les exportations ont légèrement augmenté en 2018 grâce à la hausse des exportations de 4 poisson … Figure 11: …alors que les importations ont augmenté en raison de la hausse des prix du pétrole et du 4 blé Figure 12: En conséquence, la balance commerciale s’est détériorée et le déficit du compte courant 4 s’est élargi Figure 13: Le pourcentage des PNPs en Mauritanie est beaucoup plus élevé que dans les pays 5 pairs Figure 14: Le taux d’acces aux services financiers en Mauritanie est l’un des plus bas au monde 5 Figure 15: Contrairement aux pays pairs, la Mauritanie a enregistré un surplus budgétaire grâce à une 7 politique budgétaire prudente Figure 16: Les dépenses ont diminué, en raison de la baisse des investissements publics et des 7 dépenses courantes primaires Figure 17: Les recettes totales ont légèrement augmenté … 8 Figure 18: … grâce à l’augmentation des recettes fiscales qui ont dépassé la moyenne des pairs 8 aspirationnels Figure 19: En effet, les gains de recettes fiscales provenant des réformes étaient d’environ 0,7 % et 0,8 8 % du PIB en 2017 et 2018 Figure 20: La dette du taux du PIB en Mauritanie est très élevée par rapport à ses pays pairs 9 Figure 21: Cependant, la capacité de la Mauritanie à rembourser ses dettes demeure gérable 9 Figure 22: La baisse du taux d’activité freine la croissance économique. 10 Figure 23: Le taux de chômage a augmenté entre 2012 et 2017 10 Figure 24: La stabilité macroéconomique, qui s’est nettement améliorée en 2015-2018 grâce aux 13 politiques adoptées par les autorités et à la reprise des prix mondiaux, est devrait rester robuste en 2019-2021 Figure 25: Le développement du secteur privé peut avoir un impact significatif sur le développement 16 économique Figure 26: La contribution du crédit au secteur privé à la croissance en Mauritanie a été très limitée 17 par rapport aux pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre Figure 27: Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée de la Mauritanie (SCAPP) : 18 leviers et chantiers stratégiques Figure 28: Le pourcentage d’entreprises confrontées à la concurrence du secteur informel est très 19 grand en Mauritanie v Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Figure 29: Comme dans les autres pays pairs, les PME représentent plus de 80% des entreprises en 19 Mauritanie Figure 30: La structure institutionnelle des réformes du climat des affaires en Mauritanie est 20 complexe, mais sa coordination est facilitée par la récente mise en place de deux nouvelles structures de coordination Figure 31: Le nombre d’entreprises créés a augmenté suite à la simplification des procédures de 21 création d’entreprises Figure 32: Toutefois, la densité de création d’entreprise reste faible, et inférieure à celle de la plupart 21 des pays pairs Figure 33: Grace à 17 réformes, le score et le classement DB de la Mauritanie ont été largement 23 améliorés depuis 2015 Figure 34: Ainsi, la Mauritanie est le pays qui a le plus progressé dans le classement DB par rapport 23 à ses pairs Figure 35: La facilité de faire des affaires en Mauritanie est inférieure à son potentiel compte tenu de 23 son niveau de PIB par habitant Figure 36: Le coût du raccordement à l’électricité est très élevé en Mauritanie, comparé aux pays 24 pairs Figure 37: La production d’électricité a augmenté rapidement ces dernières années 24 Figure 38: La corruption est la seconde problématique pour faire des affaires en Mauritanie 26 Figure 39: La Mauritanie est l’un des pays les moins concurrentiels au monde 33 Figure 40: Le crédit intérieur (% PIB) dans les pays de l ’Afrique de l’Ouest a augmenté après l’adoption 34 de la réforme du droit des sûretés Figure 41: Le score de la Mauritanie est particulièrement bas sur six des huit indicateurs du rapport 35 Les Femmes, l’Entreprise et le Droit Figure 42: La Mauritanie se situe derrière ses pairs sur l’indice de capital humain 37 Figure 43: Le niveau d’éducation de la main-d’œuvre mauritanienne est faible 37 Liste des Tableaux Tableau 1: Par rapport à ses pairs, la Mauritanie a amélioré différents indicateurs du climat des 25 affaires, mais le pays reste en retard sur le raccordement à l’électricité, l’obtention de prêts, le paiement des impôts, et le règlement de l’insolvabilité Tableau 2: La Mauritanie occupe les dernières places sur de nombreux indicateur clés de 26 compétitivité Tableau 3: Proposition de plan d’action pour améliorer le climat des affaires et développer le secteur 39 privé Tableau A.1: Critères adoptés pour sélectionner les pairs régionaux, structurels et aspirationnels 42 pour la Mauritanie Tableau A.2: Indicateurs macroéconomiques clés 44 Tableau A.3: Indicateurs budgétaires clés 45 Liste des Encadrés Encadré 1: Projet Grande-Tortue/Ahmeyim (GTA) et perspectives d’avenir 12 Encadré 2: Le manque de données sur les entreprises est un handicap pour la mise en place de 19 politiques adaptées et pour le développement du secteur privé vi Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Liste des Abréviations ASS Afrique Sub-Saharienne BCM Banque Centrale de Mauritanie BM Banque Mondiale CDD Caisse des Dépôts et de Développement CIMAM Centre International de Médiation et d’Arbitrage de Mauritanie CCIAM Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Mauritanie CPCCA Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative CDR Code des Droits Réels CAPIP Comité d’Analyse et de Programmation des Investissements Publics CNDP Comité National de la Dette Publique DGIPCI Direction Générale de l’Investissement Public et de la Coopération Internationale DB Doing Business FMI Fond Monétaire International IDE Investissements Directs Etrangers IFC Société Financière Internationale MEF Ministère de l’Économie des Finances MARL Modes Alternatifs de Règlement des Litiges ONS Office National de la Statistique OHADA Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires PME Petites et Moyennes Entreprises PIB Produit intérieur brut RC Registre du Commerce SARL Société à Responsabilité Limitée SNIM Société Nationale Industrielle et Minière de Mauritanie SCAPP Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée WBL Women, Business and the Law WEO World Economic Outlook vii Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Résumé Exécutif i) La décélération économique en 2015-2016 a entraîné le Gouvernment à faire un ajustement budgétaire et des réformes structurelles qui ont permis de rétablir la stabilité macroéconomique. La baisse du prix des matières premières depuis mi-2014 a entraîné un ralentissement de la croissance et a exposé les vulnérabilités de la Mauritanie: une économie non-diversifiée qui ne crée pas assez d’emplois dans le secteur privé (World Bank, 2018c). En conséquence, les autorités ont lancé en 2016-2017 un plan d’assainissement budgétaire qui a permis de stabiliser l’économie, et des réformes visant à améliorer l’efficacité de la politique monétaire. Cette évolution, conjuguée à certaines réformes du climat des affaires, de l’irrigation et de la pêche, a conduit à une reprise modérée, avec une croissance atteignant 3 % en 2017. ii) Le défi à relever consiste à augmenter le taux de croissance potentiel et à promouvoir le secteur privé. La Mauritanie tente de recalibrer son modèle de développement par le biais d’un plan de diversification s’appuyant sur le développement du secteur privé. Pour y parvenir, le pays devrait surmonter un secteur privé dominé par l’informalité et un environnement qui ne favorise pas la concurrence ni l’accès au crédit. Ainsi, ce RSEM est composé de deux parties. La première partie analyse les développements économiques récents. La seconde partie se penche sur le climat des affaires et propose des réformes susceptibles de favoriser le développement du secteur privé Première Partie - L’Etat de l’Economie iii) En 2018, la croissance économique a poursuivi sa reprise progressive qui reste cependant insuffisante comparée à la croissance démographique rapide. La croissance du PIB a maintenu sa tendance ascendante depuis 2015, pour passer de 3 % en 2017 à 3,6 % en 2018. Cette accélération modérée a été associée à une légère augmentation de l’inflation, passant de 2,3% en 2017 à 3% en 2018. La croissance économique est, toutefois, inférieure au taux de croissance potentiel de 4 % et plus faible que la moyenne de 5,4% enregistrée en 2010-2014. De plus ce taux de croissance reste limité à 0,8 % par habitant si on prend en considération la forte croissance démographique de 2,8 %. iv) Les secteurs non-extractifs ont stimulé la reprise de l’activité économique. En 2018, la croissance modérée a été stimulée par une activité soutenue dans les secteurs des télécommunications, des transports, ainsi que dans le secteur primaire. Ce dernier a bénéficié des précédentes réformes du système de quotas dans le secteur halieutique, d’une saison pluvieuse plus favorable en 2018, et l’expansion de l’agriculture irriguée. Les industries extractives, en revanche, ont subi une contraction pour la seconde année consécutive, en raison des problèmes opérationnels qui affectent les industries du fer, de l’or et du cuivre. v) Le marché du travail s’est détérioré et reste entravé par la ségrégation au niveau du genre, la marginalisation des jeunes, et l’informalité. Le caractère lent et à forte intensité capitalistique de la croissance durant ces dernières années a limité la création d’emplois. Le taux de participation à l’activité économique a reculé de 44,3 % en 2012 à 41,5 % en 2017. Ce déclin, qui s’est accompagné d’une augmentation du taux de chômage – de 10,1 % en 2012 à 11,8 % en 2017 –, a empêché la Mauritanie de récolter les bénéfices du dividende démographique émergent. De plus, le marché du travail mauritanien est marqué par un grand écart entre les hommes et les femmes et par une marginalisation des jeunes. Il est également handicapé par la prévalence de l’emploi informel qui a des effets négatifs sur les travailleurs. viii Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 vi) Les pressions externes sur la balance des paiements ont augmenté en 2018 en raison des termes de l’échange défavorables et du ralentissement du secteur extractif. Le déficit du compte courant s’est élargi, passant de 14,3 % du PIB en 2017 à 18,0 % du PIB en 2018. Cette détérioration est due à des termes de l’échange moins favorables, à l’augmentation des importations de matériaux de construction, à la baisse des exportations minières et l’arrêt des exportations de pétrole. Le financement a été réalisé grâce à une hausse des Investissements Directs Etrangers (IDE) liés à l’exploration gazière. Ceux-ci ont compensé le ralentissement des flux de financement externes destinés à financer les investissements publics. En conséquence, le taux de change est resté stable et le taux des réserves est resté satisfaisant à 4,7 mois d’importations en 2018. vii) La Banque Centrale (BCM) a commencé à traiter certaines faiblesses structurelles qui entravent le développement du secteur financier. Malgré la forte croissance du crédit au secteur privé (19,2 % 2018 contre 7,5 % en 2017), le secteur bancaire souffre de plusieurs vulnérabilités comme le reflète le pourcentage élevé des prêts improductifs qui a augmenté de 22,4 % en 2017 à 22,9 % en Juin 2018. De plus, l’accès au crédit reste extrêmement limité. Face à ces contraintes, la BCM a renforcé le cadre réglementaire du secteur bancaire et a commencé à adresser les faiblesses de la politique monétaire avec l’appui du Fond Monétaire International (FMI). En particulier, une nouvelle loi bancaire, qui accroît l’indépendance de la BCM et renforce le mécanisme de gestion des crises, a été adoptée. La BCM a également opérationnalisé les nouvelles facilités de prêt et de dépôt et a réduit son taux directeur de 9% à 6,5%, pour la première fois en 10 ans. Bien que cette baisse soit un pas dans la bonne direction, le corridor entre le taux de facilité de prêt et le taux de facilté de dépôt rete large, décourageant ainsi les banques à utiliser les nouvelles facilités. viii) La situation budgétaire s’est encore améliorée en 2018 grâce à la poursuite de la politique prudente meneé avec succès par le Gouvernment. La discipline budgétaire a réussi à transformer le déficit budgétaire de 0,2% du PIB en 2017 en un excédent de 1,5% du PIB en 2018. Cette politique s’est reposée principalement sur la maîtrise des dépenses, qui ont diminué de 27,9% du PIB en 2017 à 26,6% en 2018, en raison de la baisse des investissements publics. Les recettes totales ont augmenté de 27,6% du PIB en 2017 à 28% du PIB en 2018, grâce aux gains de recettes fiscales provenant des réformes (estimée à 0.8 % du PIB en 2018) à l’augmentation de collecte des recettes et à la redevance perçue pour une nouvelle licence d’exploration de gaz. Toutefois, ces évolutions positives ont été partiellement annulées par la baisse de 1,2 % du PIB des droits d’accise sur l’essence, due à la hausse des prix du pétrole et à l’absence d’ajustement sur le marché intérieur. Cette politique pourrait coûter au gouvernement environ 1,1 million de dollars USD pour chaque augmentation d’1 dollar USD des prix internationaux du pétrole. ix) Cependant, la dette publique a augmenté. Malgré l’amélioration de la situation budgétaire, la dette publique (sans la dette du Koweït) a augmenté de 75.7 % du PIB en 2017 à 81.9 % du PIB en 2018. Cette augmentation est due à la dette du Gouvernement vis-à-vis de la BCM (8,2 % du PIB en 2018), qui a été officiellement reconnue par le Gouvernment en 2018. Bien qu’elle ait augmenté la dette, cette décision est une bonne initiative pour améliorer la transparence. Le risque de surendettement reste élevé, ce qui justifie une continuation de la politique d’emprunts concessionnels. x) Les perspectives à moyen terme sont favorables. Les projections permettent d’estimer que la croissance va augmenter pour atteindre une moyenne de 6,2% sur la période 2019-2021. Cette accélération devrait être tirée par une forte activité du secteur primaire, le renforcement du secteur des services et la hausse de la production de fer en 2019. La forte coissance sera accompagnée par une inflation modérée, des excédents budgétaires qui feraient baisser la dette publique et une réduction des pressions externes. Ces perspectives s’appuient sur les hypothèses de termes de l’échange favorables, du développement du projet gazier, d’une politique budgétaire prudente et de la mise en œuvre des réformes structurelles sur lesquelles le Gouvernement s’est déjà engagé. ix Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 xi) Toutefois, ces perspectives macroéconomiques sont sujettes à des risques internes et externes. Sur le plan intérieur, les élections présidentielles prévues pour juin 2019 pourraient peser sur la discipline budgétaire et la dette publique. Des risques budgétaires pourraient également émerger du fait de passifs éventuels liés à la Société Nationale Industrielle et Minière de Mauritanie (SNIM), qui a subi des pertes financières ces dernières années. Sur le plan extérieur, une augmentation des prix du pétrole entraînerait une augmentation des subventions sur les carburants si les prix à la pompe ne sont pas ajustés. En même temps, une baisse des prix des exportations minières détériorerait les soldes commercial et budgétaire. Compte tenu des besoins de financement, une diminution des IDE pourrait éroder le tampon de réserves. Toutefois, la mise en œuvre réussie du programme du FMI limite ces risques. Le programme indique l’engagement du gouvernement mauritanien à limiter/ à voir éviter les emprunts non-concessionnels et à entreprendre des réformes structurelles. xii) Face au défi de générer une croissance plus inclusive et de conserver la stabilité macroéconomique, la Mauritanie devrait maintenir des politiques économiques saines. La prudence budgétaire devrait se poursuivre afin de réduire la dette publique. Cette politique devrait s’accompagner par des dépenses adéquates en infrastructures de base et en protection sociale. Le Gouvernment pourrait aussi transmettre progressivement l’augmentation des prix mondiaux du pétrole sur le marché intérieur pour éviter les subventions fiscales coûteuses. Au niveau de la politique monétaire, il faudrait accroître la flexibilité de la politique de change afin d’attenuer les effets des chocs exogènes et améliorer la compétitivité et continuer à renforcer le cadre réglementaire du secteur bancaire. Pour encourager l’intermédiation financière, la BCM devrait aussi moderniser la réglementation en matière de monnaie électronique. Les autorités devraient également poursuivre les réformes structurelles pour promouvoir une croissance inclusive et la diversification de l’économie par le développement du secteur privé. Deuxième Partie - L’amélioration du climat des affaires xiii) Après avoir rétabli la stabilité macroéconomique, le défi consiste maintenant à surmonter les obstacles structurels qui entravent le développement du secteur privé. Un secteur privé dynamique est l’un des principaux piliers du développement économique. Les entreprises mauritaniennes, plus particulièrement les PME, font face à d’importantes contraintes : une forte présence de l’État dans l’économie et des conditions de concurrence peu équitables, un accès limité au financement, une main- d’œuvre locale ayant des compétences limitées, la prévalence de la corruption, des services aux entreprises limités et une bureaucratie peu efficace. Dans ces conditions, les PME ont du mal à se développer face aux grands conglomérats multisectoriels. Le gouvernement mauritanien a pris conscience de ces défis et a commencé à y répondre, mais il reste encore beaucoup à faire pour que les entreprises mauritaniennes, particulièrement les PME, aient la capacité de se développer et de jouer pleinement leur rôle d’acteurs de la croissance. xiv) La promotion du secteur privé et l’amélioration du climat des affaires sont une priorité pour le Gouvernement et constituent un chantier stratégique de la SCAPP. L’instauration d’un écosystème compétitif pour les petites et moyennes entreprises (PME) est essentielle au programme de croissance et pour la création d’emplois. Si les PME constituent la plus grande partie du secteur privé formel Mauritanien, leur contribution au PIB est inversement proportionnelle à leur nombre. Leur écosystème souffre d’importants goulots d’étranglements qui freinent la concurrence et la croissance du secteur privé. xv) Depuis 2014, la Mauritanie s’est engagée dans un vaste programme d’amélioration de son climat des affaires. Entre 2014 et 2018, les autorités ont accompli 17 réformes qui ont touché 8 des 10 indicateurs du Rapport Doing Business (DB) de la Banque mondiale. Le plus grand nombre de réformes a porté sur la simplification des procédures de création d’entreprises. Ces réformes ont eu un impact significatif sur le nombre d’entreprises créées en Mauritanie. En termes absolus, le score de la Mauritanie sur la facilité de x Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 faire des affaires est passé de 45,3 points en 2015 à 51,9 en 2019, réduisant ainsi l’écart avec les meilleures pratiques réglementaires mondiales. Cette amélioration a permis à la Mauritanie de progresser au classement général DB de la 176ème place en 2015 à la 148ème place en 2019 (sur 190 économies classées), dépassant ainsi le Bénin et l’Algérie. Malgré ces progrès importants, le climat des affaires demeure difficile, et la Mauritanie se classe derrière la plupart de ses pays pairs, notamment le Sénégal, le Maroc et la Tunisie. xvi) Au-delà des indicateurs Doing Business, la Mauritanie a entrepris des réformes de fond portant sur plusieurs textes fondamentaux de son droit des affaires. Le renforcement du cadre juridique du droit de propriété inscrit dans le nouveau Code des Droits Réels (CDR) constitue ainsi un pilier fondamental de l’amélioration du climat des affaires et du développement du secteur privé. Dans le domaine de la justice commerciale, une nouvelle loi adoptée en 2017 a créé une procédure spécifique simplifiée pour le règlement des petits litiges. xvii) Cependant, il reste plusieurs défis majeurs à surmonter pour que le climat des affaires soit réellement favorable au développement du secteur privé. Le score de la Mauritanie sur certains indicateurs DB est bien en dessous de la moyenne sub-saharienne et des pays pairs et pourrait être largement amélioré. En particulier, la Mauritanie devrait poursuivre ses efforts pour faciliter le paiement des impôts (178ème), améliorer le raccordement à l’électricité (151ème), et redoubler d’efforts dans les domaines de l’accès au crédit (144ème) et du règlement de l’insolvabilité (dernière place du classement). Par ailleurs, d’autres mesures de la compétitivité montrent également une situation défavorable. Ainsi, le Global Competitiveness Index (GCI) place la Mauritanie à la 131ème place sur 140 économies évaluées, le pays occupant la derniere place du classement sur le sous-indicateur relatif à la formation professionnelle. Il faut enfin noter que plusieurs sources concordantes montrent que la corruption est un obstacle majeur pour les entreprises mauritaniennes, bien plus que dans l’ensemble des pays pairs. xviii) Les réformes en cours mettent l’accent sur l’amélioration de la justice commerciale. L’accès à un cadre judiciaire efficace et fiable est une condition nécessaire au développement du secteur privé. Ainsi, le Gouvernement a entrepris, depuis 2017, un vaste programme visant à améliorer la justice commerciale, moderniser le registre du commerce et du crédit mobilier, et développer les Modes Alternatifs de Règlement des Litiges (MARL). La réforme des textes et des pratiques et l’informatisation du traitement judiciaire permettront de réduire les délais et d’améliorer la qualité des décisions des juridictions commerciales. En complément de la justice étatique, les MARL, qui sont plus rapides et moins coûteux que la procédure judiciaire, devraient être développés. Enfin, le registre du commerce devrait être réformé et informatisé pour devenir un service centralisé capable de fournir en temps réel des informations fiables sur toutes les entreprises. xix) Dans les prochaines années, la problématique de l’accès au financement des entreprises devrait constituer l’une des priorités du programme de réforme du Gouvernement. L’accès au financement est identifié par les entreprises mauritaniennes comme le premier obstacle au développement du secteur privé. L’initiative récente de la Banque Centrale de mettre en place un Bureau d’Informations sur le Crédit est à saluer. La réforme du droit et le développement de la pratique des procédures d’insolvabilité sont par ailleurs essentiels pour l’amélioration de l’accès au financement des entreprises. Le droit de l’insolvabilité devrait être révisé afin d’inciter les débiteurs et les créanciers à y recourir. De plus, un important programme de sensibilisation et de formation devrait être mis en œuvre pour développer la pratique des procédures collectives d’apurement du passif. Le droit des sûretés devrait également être revu. xi Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 xx) Le programme de réformes devrait s’appuyer sur le dialogue public-privé et une communication claire et innovante. L’implication systématique du secteur privé dans la préparation, la conduite et l’évaluation des réformes du climat des affaires est une condition nécessaire pour le succès du programme. La participation du secteur privé à l’élaboration des réformes constatée récemment en Mauritanie est sans précédent, mais reste insuffisante. Elle devrait être poursuivie, approfondie, et améliorée, notamment en la rendant plus inclusive. Par ailleurs, un accent particulier devrait être mis sur la communication. Les autorités sont encouragées à élaborer de nouvelles manières de communiquer, plus spécifiques, plus ciblées et plus efficaces. xxi) Au-delà du programme de réforme actuel, d’autres évolutions plus fondamentales pourraient être envisagées pour améliorer le climat des affaires. La Mauritanie pourrait réformer sa politique de concurrence, améliorer l’accès des PME aux marchés publics, accroitre ses efforts de lutte contre la corruption, promouvoir l’égalité juridique entre les genres, étudier la possibilité de rejoindre un mécanisme d’intégration régionale tel que l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), renforcer son capital humain et améliorer sa politique foncière. xxii) Le Groupe de la Banque mondiale soutient activement les efforts d’amélioration du climat des affaires en Mauritanie. Ce soutien est fourni au travers de six projets aux actions complémentaires : (i) le Projet d’Eco-pole halieutique de Nouadhibou, (ii) une série d’Appuis Budgétaires (un premier programme clos récemment et un deuxième en cours d’élaboration), (iii) le Projet de Gouvernance du Secteur Public (PGSP), (iv) la Revue du Secteur Foncier, (v) le Projet sur les Villes Productives et Résilientes, et (vi) le projet d’assistance technique de la Société Financière Internationale (IFC) sur le climat des affaires et l’entrepreneuriat, qui bénéficie d’un important soutien financier du gouvernement du Japon. xii Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Première Partie - L’Etat de l’Economie 1.1. Développements économiques récents 1.1.1. En 2018, la reprise progressive de la croissance économique s’est poursuivie 1. En 2018, la croissance économique a poursuivi sa reprise progressive, mais reste insuffisante comparée à la croissance démographique. La croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) mauritanien a suivi une trajectoire à la hausse depuis 2015, passant de 3 % en 2017 à 3,6 % en 2018. Cette progression est toutefois plus faible que les 5,4 % atteints en 2010-2014 (avant la fin du super-cycle des matières premières) et inférieure à la croissance moyenne des pairs structurels (Bénin, Nicaragua, et le Sénégal) et aspirationnels (Laos et la Moldavie) (Annexe I et Figure 1). En outre, cette croissance reste limitée si on prend en compte la forte croissance démographique de 2,8 %. En effet, la modeste reprise économique a élargi l’écart du PIB par habitant entre la Mauritanie et l’Afrique Sub-Saharienne (ASS) (Figure 2). Figure 1: La croissance en Mauritanie continue Figure 2: Par conséquent, l’écart en termes du PIB par d’augmenter, mais reste inférieure à celle des pays pairs habitant s’élargit Source: ONS, MFMod, et calculs des auteurs. Note: “moy.” Source: ONS, MFMod, et calculs des auteurs. “moy.” représente représente la moyenne pour chaque groupe la moyenne pour chaque groupe 2. Les secteurs non-extractifs ont stimulé la reprise de l’activité économique (Figure 3). On estime que la croissance du PIB non-extractif en 2018 a augmenté de 5.7 %, en raison de l’activité robuste des télé- communications, des transports, et du secteur primaire. Ce dernier a bénéficié des précédentes réformes du système de quotas dans le secteur halieutique (adoptée en 2015) comme illustré par l’augmentation de 48% de la production industrielle de poisson au cours des neuf premiers mois de 2018 (Figure 4). Par ailleurs, une saison pluvieuse plus favorable en 2018 et l’expansion de l’agriculture irriguée sont parvenues à atténuer l’impact de la sécheresse. Bien que le Gouvernement ait réduit l’exécution de certains projets pour contenir les dépenses publiques, le secteur des transports a bénéficié du programme visant à améliorer le réseau routier. Ce programme comprend l’amélioration de la connectivité entre les zones les plus pauvres à travers la construction de la route Bongou-Basseknou et le lancement du corridor Néma-Achemim. Il comprend également l’amélioration des routes pour accueillir le sommet africain en juin/juillet 2018. 1 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 3. D’autre part, le secteur extractif continue à freiner la croissance pour la deuxième année consécutive. On estime que la production dans ce secteur a diminué de 14,2 % en 2018 (Tableau A.2 dans l’annexe IV). Cette baisse s’explique par les problèmes opérationnels persistants de la Société Nationale Industrielle et Minière de Mauritanie (SNIM) liées au retard de la finalisation du projet Guelb1 et la hausse des coûts de production. La baisse de demande en fer de la Chine, qui est le principal importateur du fer mauritanien (représentant 70% des exportations de fer en 2018), a également contribué à cette réduction2. La production d’or a été également affectée par un retard dans la modernisation de la machinerie (Figure 5). La contraction du secteur extractif reflète la fin de la production de pétrole brut qui a enregistré seulement 3.346 barils par jour (bpj) en 2017 comparés à environ 75.000 bpj en 2006 quand la production a commencé. Cette baisse rapide s’explique par la géologie complexe et les coûts d’exploration élevés qui ont conduit au démantèlement du champ de Chinguetti début 2018. Figure 3: Les secteur non-extractifs ont poussé la Figure 4: La croissance des secteurs non-extractifs est croissance en 2018 tirée par la forte activité de la pêche Source: ONS, MFMod, et calculs des auteurs. Note: “moy.” Source: BCM et calculs des auteurs représente la moyenne pour chaque groupe Figure 5: En revanche, la production dans tous les sec- Figure 6: Du côté de la demande, la consommation teurs miniers a chuté en 2018 privée a stimulé l’activité économique, tandis que l’investissement public et les exportations nettes ont freiné la croissance Source: BCM et calculs des auteurs Source: BCM et calculs des auteurs 1 Ce projet était censé d’augmenter la production du fer à 4 millions de tonnes par an, alors qu’en réalité la production n’a atteint que 2 millions de tonnes par an car l’exécution du plan de déve- loppement initial a été retardée. 2 Au cours des neuf premiers mois de 2018, la production de fer a chuté de 6,9 % par rapport à la même période de 2017, De même, la production d’or a diminué de 8,6 % durant la même période. 2 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 4. Du côté de la demande, la demande privée a stimulé l’activité économique, tandis que la consolidation budgétaire et la baisse des exportations minières ont freiné la croissance. La croissance a été tirée par la hausse de la consommation privée, grâce à l’activité robuste du secteur primaire qui constitue la principale source de revenus pour une grande proportion des ménages mauritaniens. Les investissements privés ont également soutenu la croissance, tirés par le début de l’exploration gazière début 2018. En revanche, la faible exécution des investissements publics a freiné la croissance. Les exportations nettes ont également pesé négativement sur la croissance, car l’augmentation des importations liées à la construction était associée à une réduction des exportations minières. 5. L’inflation est restée modérée en 2018 car la hausse des prix internationaux du pétrole n’a pas été transmise aux consommateurs. Globalement, l’inflation a augmenté, passant de 2,3 % en 2017 à 3 % en 2018 (Figure 7). Cette hausse s’explique par une augmentation de 8,9 % du prix du pain et des céréales résultant de l’augmentation de 14,4 % des prix mondiaux du blé. En revanche, les prix des transports n’ont pas augmenté, car le Gouvernement n’a pas transmis la hausse des prix mondiaux des produits pétroliers sur le marché interieur et a maintenu les prix du carburant à la pompe inchangés (Figure 8). En même temps, l’inflation sous-jacente est passée de 1,9 % en 2017 à 2,2 % en 2018, suite au rétrécissement progressif de l’écart de production3. Figure 7: L’inflation a légèrement augmenté en 2018 en Figure 8: Les prix locaux des carburants sont restés raison de la hausse des prix des produits alimentaires constant malgré les fluctuations des prix mondiaux Source: ONS et calculs des auteurs Source: ONS calculs des auteurs. Note: Le prix moyen du gas-oil en Mauritanie est la moyenne pour Aioun, Rosso, Atar, Nouadhibou et Nouakchott. 1.1.2. Les pressions externes ont augmenté en 2018 6. La mauritanie souffre d’un déséquilibre externe persistant au cours des dernières années. Plu- sieurs facteurs sont à l’origine de cette situation. Premièrement, 87 % de la croissance des exportations entre 1997 et 2016 a été conduite par la vente des mêmes produits aux mêmes marchés (Figure 9). Ce manque de diversification s’est traduit en une structure d’exportations dominée à plus de 95 % par les in- dustries extractives (fer, or et cuivre) et la pêche. Cela a exposé les exportations aux fluctuations des prix internationaux. Ainsi, les exportations minières sont passées de 35.7 % du PIB en 2013 à 17.9 % du PIB en 2015 en raison de la chute des prix des produits de base en 2014. Deuxièmement, l’importance du secteur minier dans l’économie mauritanienne s’est manifestée par une augmentation des importations liées aux infrastructures en 2012-2013 en raison de l’exploration minière et l’expansion de la mine d’or de Tasiast. Troisièmement, le déséquilibre commercial s’est aggravé en raison du taux de change réel surévalué qui a aggravé le déséquilibre commercial (World Bank, 2018c). 3 L’inflation sous-jacente ne prend pas en compte les prix des produits alimentaires et du carburant. 3 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 7. Malgré les problèmes de production dans l’industrie extractive, les exportations ont légèrement augmenté en 2018 grâce à la hausse des exportations de poisson. Le ratio des exportations totales sur le PIB a augmenté, passant de 34,6 % en 2107 à 34,9 % en 2018 grâce à une augmentation de 1,6 % du PIB des exportations de produits halieutiques résultant de la hausse des prix et de l’augmentation de la production (Figure 10). Cette hausse a toutefois été partiellement compensée par un déclin des exportations de fer à hauteur de 0,5 % du PIB, résultant d’une baisse de 9,3 % de la production de fer. Cela a été accompagné par l’arrêt de la production de pétrole en 2017, ce qui a aussi réduit les exportations de 1,1 % du PIB au cours de 2018. Figure 9: Historiquement, la croissance des Figure 10: Les exportations ont légèrement exportations a été conduite par la vente des mêmes augmenté en 2018 grâce à la hausse des exportations produits aux mêmes marchés de poisson … Source: ONS et calculs des auteurs Source: ONS et calculs des auteurs Figure 11: …alors que les importations ont augmenté Figure 12: En conséquence, la balance commerciale s’est en raison de la hausse des prix du pétrole et du blé détériorée et le déficit du compte courant s’est élargi Source : BCM et calculs des auteurs Source : BCM et calculs des auteurs 8. La baisse des exportations a été accompagnée par une augmentation des importations, due à la hausse des prix des matières premières importées et la croissance des importations de matériaux de construction. Les importations sont passées de 42,1% du PIB en 2017 à 48,2 % du PIB en 2018 en raison de plusieurs facteurs. (Figure 11). Les importations de produits pétroliers et alimentaires ont augmenté de 4,4 % du PIB, à cause des hausses de 27,1 % et de 17,8 % des cours mondiaux du pétrole et du blé, respectivement. Parallèlement, le développement du premier port en eau profonde de Nouadhibou et la construction d’un nouveau centre de conférences et de deux hôtels pour accueillir le sommet de l’Union Africaine fin Juin 2018 ont entraîné une augmentation des importations de matériaux de construction d’ 1,9 % du PIB. 4 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 9. La détérioration de la balance commerciale a creusé le déficit du compte courant. L’augmentation des exportations n’a pas pu compenser la très forte hausse des importations. Ainsi, le déficit du compte courant est passé de 14,3 % du PIB en 2017 à 18,0 % du PIB en 2018 (Figure 12). Malgré le creusement significatif du déficit, le financement a été assuré par une hausse des IDE liés à l’exploration gazière offshore, qui a commencé en janvier 2018, et des flux financiers des secteurs extractifs. Ceux-ci ont compensé le ralentissement des financements associés aux emprunts extérieurs destinés à l’investissement public. Par conséquent, le taux de couverture des réserves en devise est resté satisfaisant, à 4,7 mois d’importations en 2018, supérieure à la norme internationale de 3 mois d’importations. Entre temps, et malgré les pressions externes la BCM n’a autorisé que des mouvements limités du taux de change en 2018. Ainsi, le taux de change effectif réel s’est apprécié de 0.9 % jusqu’en septembre 2018, reflétant une surévaluation de la monnaie entre 4 et 12 % selon les estimations du FMI (2018). 1.1.3. Le secteur bancaire souffre de certaines faiblesses que les autorités tentent de résoudre 10. Le secteur bancaire souffre toujours de certaines faiblesses, malgré la forte croissance du crédit au secteur privé enregistrée en 2018. La reprise de la demande intérieure, les nouvelles lignes de crédit des bailleurs et l’ouverture de deux nouvelles banques ont entraîné une augmentation de la croissance des crédits au secteur privé, qui a atteint 19,2 % en 2018, contre 7,5% en 2017. Ce rebond est également illustré par la croissance de 13,8% de la masse monétaire (M2). Néanmoins, les vulnérabilités du secteur bancaire persistent. Le ratio du crédit intérieur au secteur privé/ PIB a été très faible, à 2,9 % en 2017, contre 47,1 % en ASS. Malgré l’amélioration de la supervision et les efforts en cours pour effacer les dettes anciennes, le ratio des prêts improductifs sur le total des prêts a augmenté, passant de 22,4 % en 2017 à 22,9 % en juin 2018. Ce ratio élevé est largement supérieur à tous les pays pairs de la Mauritanie (Figure 13), ce qui suggère que des efforts importants sont encore nécessaires pour protéger le secteur financier local contre les effets de débordement. On note toutefois que les banques mauritaniennes sont bien capitalisées et que leurs ratios de provisionnement des créances douteuses, bien qu’en baisse en 2018, restent satisfaisants. Figure 13: Le pourcentage des PNPs en Mauritanie est Figure 14: Le taux d’acces aux services financiers en beaucoup plus élevé que dans les pays pairs Mauritanie est l’un des plus bas au monde Source: IMF financial soundness indicators Source: Global Financial Inclusion Database 11. L’inclusion financière reste extrêmement limitée et représente un défi important qui affecte particulièrement les ménages ruraux travaillant dans l’agriculture. Contrairement à la tendance mondiale, le pourcentage de personnes ayant un compte dans une institution financière a diminué de 22,8 % en 2014 à 20,8 % en 2017, plaçant la Mauritanie parmi les pays du monde les moins financièrement inclusifs (Figure 14). En raison de la faiblesse du cadre réglementaire et institutionnel, l’accès aux services financiers numériques est également extrêmement faible, puisque 4,3 % seulement des personnes utilisent une carte de crédit ou de débit et 4 % possédent un compte d’argent mobile en 2017, contre respectivement 5 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 7,5 % et 20,9 % en SSA. Ces tendances reflètent la faible participation des mauritaniens dans le système financier. Ceci constitue une contrainte majeure pour le développement du secteur privé, en particulier pour les ménages ruraux travaillant dans l’agriculture. L’agriculture et l’élevage représentent plus de 25 % du PIB, mais moins de 1 % du total des crédits bancaires en 2010-2016. Les banques commerciales hésitent généralement à accorder des prêts au secteur agro-pastoral, car ce secteur est très volatile et sujet à des risques climatiques systémiques. De plus, les ménages agricoles manquent souvent de garanties et ne tiennent pas de registres financiers, car la plupart des transactions agricoles sont effectuées en espèces4. La concentration des institutions financières dans les centres urbains rend également l’accès rural aux services financiers encore plus difficile5. Les institutions de micro-finance, qui seraient plus à même de servir ces populations rurales, représentent une part infime du financement, avec un total de crédit qui dépasse à peine 0,2% du PIB. 12. Pour faire face à ces contraintes, les autorités ont renforcé le cadre réglementaire gouvernant le secteur bancaire et l’ont adapté aux normes internationales. Avec l’appui et l’assistance technique du FMI, la Mauritanie a adopté une nouvelle loi bancaire en juillet 2018. La loi accroît l’indépendance de la BCM et renforce le mécanisme de gestion de crise en établissant un nouveau cadre pour la résolution des défaillances bancaires et la protection des déposants. La loi étend également le champ de surveillance de la BCM aux sociétés d’assurance et à la Caisse des Dépôts et de Développement (CDD)6. La BCM a également publié une nouvelle directive en novembre 2018 visant à lutter contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Cette directive a été suivie de la décision de fermer 700 points de transfert d’argent illégaux en mars 2019. En outre, la BCM a publié une nouvelle directive en mars 2018 sur la composition des exigences de fonds propres et de solvabilité sur la base des exigences de Bâle II et III dans le but de renforcer la résilience des banques. Cette directive a également relevé le capital minimum des banques à 1 milliard d’unités MRU, ce qui devrait encourager les fusions bancaires. Pour encourager l’intermédiation financière, la BCM devrait également moderniser la réglementation en matière de monnaie électronique, d’intermédiaires en opérations de banque et poursuivre ses efforts en matière de système de payements. 13. Les efforts de la BCM portent également sur les faiblesses structurelles de la politique monétaire dans le cadre du programme du FMI. Pour commencer à résoudre ces problèmes, la BCM a mis en place en 2017 de nouvelles facilités de prêt et de dépôt et les a rendues opérationnelles en mars 2018 en définissant les garanties éligibles requises par les banques pour y participer. La BCM a également réduit en novembre 2018, pour la première fois en 10 ans, son taux directeur de 9 % à 6,5 %. La baisse du taux reflète mieux la dynamique du marché, en particulier celle des bons du Trésor. Neanmoins, il y a une surchagre de 2.5 % sur le taux de facilité de prêt tandis que le taux de facilité de dépôt a été fixé à 0 %. Ainsi, l’écart de taux d’intérêt reste large, ce qui décourage les banques à utiliser les nouvelles facilités. Si cet écart est rétréci, ces réformes devraient aider à relancer le marché interbancaire en Mauritanie et accroître la liquidités. Pour accroître la flexibilité de la politique de change, la BCM a préparé en 2018 un plan d’action détaillé à mettre en œuvre en 2019. 1.1.4. La situation budgétaire s’est encore améliorée 14. La situation budgétaire s’est encore améliorée en 2018 grâce à la poursuite de la politique prudente meneé par le Gouvernment (Tableau A.3 dans l’annexe IV). La discipline budgétaire a réussi de transformer le déficit budgétaire de 0,2% du PIB en 2017 en un excédent de 1,5% du PIB en 2018. Cet excédent, enregistré pour la première fois depuis 2013, a permis à la Mauritanie de surclasser tous ses comparateurs (Figure 15). De plus, le Gouvernement a réussi à maintenir un excédent primaire (dons comprises) pour la troisième année consécutive. 15. La discipline budgétaire reposait principalement sur la maîtrise des dépenses (Figure 16). Les dépenses publiques ont diminué, passant de 27,9% du PIB en 2017 à 26,6% en 2018. Cette baisse s’explique principale- ment par une diminution, à hauteur de 1,8% du PIB, des dépenses d’investissement public. Celle-ci est liée 4 75 % des Mauritaniens, interrogés dans le cadre de l’initiative Global Financial Inclusion en 2017, ont déclaré n’avoir reçu que de l’argent en espèces de la vente de produits agricoles. 5 Seulement 1 % des ménages ruraux vivent à proximité d’une banque, contre 22 % des ménages urbains (Amendola et al., 2017). 6 La CDD est une institution financière publique qui travaille principalement sur les prêts de microfinance. Son importance réside dans le fait qu’elle détient d’importants dépôts d’entreprises appartenant à l’État, ce qui en fait l’une des plus grandes banques du pays. La CDD n’est actuellement pas régie par la banque centrale et n’est pas soumise à ses règles prudentielles. 6 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 à la baisse des investissements financés par des dons extérieurs, et à la lenteur d’exécution des projets fi- nancés intérieurement, en raison du seuil plus élevé fixé pour la passation des marchés avec un fournisseur unique. En revanche, les dépenses récurrentes ont augmenté de 0,4% du PIB à cause: (i) de la hausse des dépenses d’intérêts sur la dette publique et (ii) de l’augmentation des subventions pour soutenir le secteur de l’élevage qui a été touché par la sécheresse ainsi que les subventions sur les carburants7. Figure 15: Contrairement aux pays pairs, la Mauritanie a Figure 16: Les dépenses ont diminué, en raison de la enregistré un surplus budgétaire grâce à une politique baisse des investissements publics et des dépenses budgétaire prudente courantes primaires Source : MEF, FMI-WEO (Octobre 2018), et calculs des auteurs. Source : MEF et calculs des auteurs Note: moy. représente la moyenne pour chaque groupe 16. Malgré la baisse des droits d’accises sur l’essence et la réduction des recettes minières, les re- cettes toatles ont augmenté grâce à la hausse des recettes fiscales. Les recettes totales ont augmenté, passant de 27,6% du PIB en 2017 à 28% du PIB en 2018 (Figure 17). Cette augmentation a été conduite par l’amélioration de la demande intérieure, mais surtout grâce à et la poursuite des efforts pour renforcer la mobilisation des recettes fiscales. Ces efforts ont ainsi permis à la Mauritanie de rattraper ses pairs aspirationnels en ce qui concerne cet indicateur (Figure 18). En effet, on estime que les gains de recettes fiscales provenant des réformes étaient d’environ 0,7 % et 0,8 % du PIB en 2017 et 2018 (Figure 19). En plus de l’augmentation des recettes fiscales, la redevance perçue pour une nouvelle licence d’exploration de gaz et de pétrole en janvier 2018 a stimulé les revenus à hauteur de 1,3 % du PIB8. Toutefois, ces évolutions positives ont été partiellement compensées par la baisse de 1,2 % du PIB des droits d’accise sur l’essence9 et le déclin de 0,5 % du PIB des recettes minières. A cela s’est ajouté la fin de la production de pétrole brut en 2017 et une diminution de 0,4 % du PIB des dons extérieurs. 7 Des subventions sur les carburants ont été accordées au dernier trimestre de 2018 aux distributeurs locaux pour compenser la différence entre les prix internationaux du pétrole et les prix fixes des carburants à la pompe. 8 La redevance provient d’ExxonMobil pour les droits d’exploration d’un bloc maritime dans la zone d’eaux profondes de la Mauritanie. 9 Ces recettes font partie des comptes spéciaux dénommés FAID (Fond d’Assistance et d’Intervention pour le Développement). Le prix de référence est fixe et toute dérogation à la baisse par rapport à ce prix génère des gains de recettes pour le Gouvernement. En revanche, tout mouvement à la hausse des prix internationaux réduit ces revenus et pourrait même se transformer en pertes ou en subventions. Ces accises ne sont pas enregistrées dans les taxes à la consommation, car elles sont affectées et placées dans ce véhicule/fonds spécial, qui est ensuite utilisé pour des projets d’infrastructure et de développement. Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Figure 17: Les recettes totales ont légèrement Figure 18: … grâce à l’augmentation des recettes fiscales augmenté qui ont dépassé la moyenne des pairs aspirationnels Source: MEF et calculs des auteurs Source: MEF, MFMod, et calculs des auteurs. Note: moy. représente la moyenne pour chaque groupe Figure 19: En effet, les gains de recettes fiscales provenant des réformes étaient d’environ 0,7 % et 0,8 % du PIB en 2017 et 2018 Source : Calculs des auteurs basés sur la Synthetic Control Method (SCM), Se référer à Abadie et al. (2010) et Matta et al. (2019) pour la méthodologie. Note : La Mauritanie synthétique représente le contrefactuel du ratio recettes fiscales/PIB de la Mauritanie sans les réformes. 17. Malgré l’amélioration continue de la situation budgétaire, le niveau de la dette publique a augmenté en raison de la conclusion d’un accord de paiement concernant les arriérés dus à la BCM. Après avoir baissé à 95.6 % du PIB en 2017, la dette publique a augmenté à environ 101.6 % du PIB en 2018, ce qui est nettement supérieur au ratio de la dette au PIB des pays pairs (Figure 20)10. Cette augmentation est dûe à la dette de l’administration centrale vis-à-vis la BCM (8,2 % du PIB en 2018), qui a été officiellement reconnue par le Gouvernement en 201811. Bien qu’elle ait augmenteé la dette, cette décision est une bonne initiative qui améliore la transparence. Étant donné que 87 % de la dette publique est libellée en devises étrangères, le stock de la dette publique est aussi très vulnérable au risque du taux de change. Compte tenu de l’important ratio dette/PIB, la dernière analyse de viabilité de la dette par la BM et le FMI révèle que la Mauritanie reste exposée à un risque élevé de surendettement. 10 La dette du secteur public comprend la dette de l’administration centrale, de la banque centrale (BCM), des entreprises d’État (SOE) et la dette garantie par le gouvernement. 11 Cette dette ne faisait pas partie de la dette totale des années précédentes, car elle n’était pas formalisée. 8 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Figure 20: La dette du taux du PIB en Mauritanie est Figure 21: Cependant, la capacité de la Mauritanie à très élevée par rapport à ses pays pairs rembourser ses dettes demeure gérable Source : MEF, FMI-WEO (Octobre 2018), et calculs des auteurs. Source : MEF et calculs des auteurs Note: moy. représente la moyenne pour chaque groupe 18. Plusieurs facteurs atténuent le risque de surendettement. Premièrement, le ratio dette publique/ PIB chuterait à 82,5 % si on exclut la dette dormante du Koweit12. Deuxièmement, étant donné que la majeure partie de la dette est à des conditions concessionnelles, les obligations de service de la dette restent gérables, à environ 5,7 % des recettes de l’État en 2018, ce qui est inférieur à celles des pays pairs (Figure 21). Troisièmement, le pays n’a pas accès aux marchés des capitaux financiers, ce qui l’oblige à compter sur les bailleurs de fonds et les partenaires de développement bilatéraux qui fournissent des dons et des financements concessionnels. Quatrièmement, les prêts concessionnels ont généralement des échéances plus longues, ce qui minimise les risques de refinancement. 19. La gestion de la dette en Mauritanie reste cependant fragmentée et les capacités d’analyse de la viabilité de la dette restent faibles. La dette extérieure est gérée entre la Direction Générale de l’Investissement Public et de la Coopération Internationale (DGIPCI), la Direction de la Dette Extérieure (DDE) et la BCM. Par ailleurs, la dette intérieure est gérée séparément par le département du Trésor en coordination avec la BCM. Ce marché est très restreint (seulement 12 % de la dette totale) et consiste dans son intégralité en bons du Trésor à court terme (moins d’un mois). Les capacités d’analyse sont limitées partiellement en raison de l’absence d’un « middle office » qui, conformément aux pratiques internationales, est responsable de l’analyse de la dette. 20. Toutefois, plusieurs efforts institutionnels ont été faits en 2018 pour renforcer la gestion de la dette et la coordination entre les differentes agences qui s’occupent de la dette en Mauritanie. Premièrement, le Comité National de la Dette Publique (CNDP) a été réactivé en avril 2018 avec un mandat mis à jour, grâce auquel il est impliqué dans le processus de sélection, d’établissement du calendrier, et de suivi des projets d’investissement public. Deuxièmement, les autorités ont mis en place en avril 2018 une procédure de coordination entre le Comité d’Analyse et de Programmation des Investissements Publics (CAPIP) et le CNDP, qui définit leurs responsabilités en matière de sélection des projets. Troisièmement, une interface commune entre les logiciels SYGADE-SIGIP-RACHAD pour les institutions impliquées dans des opérations liées à la dette a été établie en septembre 2018 pour coordonner les décaissements de la dette extérieure et les paiements du service de la dette. Cela facilitera l’inclusion des opérations de paiement du service de la dette dans le système de dépenses global. 12 La dette du Koweit, d’un montant d’1 milliard USD, fait partie d’un emprunt contracté dans les années 70 auprès de la Kuwait Investment Authority et n’a pas été annulée dans le cadre de l’initiative PPTE. Le prêt est en sommeil, aucun intérêt ni principal n’ayant été payé. Les autorités mauritaniennes sont en pourparlers avec le Koweit en vue de l’annulation de cette dette, mais aucun accord n’a encore été trouvé. 9 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 1.1.5. Le marché du travail s’est détérioré et reste entravé par la ségrégation et l’informalité 21. Le caractère lent et à forte intensité capitalistique de la croissance de ces dernières années a limité la création d’emplois. Le taux d’activité a reculé de 44,3 % en 2012 à 41,5 % en 201713. Ce déclin pourrait miner la croissance potentielle et empêcher la Mauritanie de récolter les bénéfices du dividende démographique émergent. En effet, la décomposition suivant la méthode Shapley (Annexe II) montre que le faible taux d’activité a freiné la croissance par habitant à hauteur de 1,3 point de pourcentage entre 2012 et 2017 (Figure 22). La baisse du taux de participation à la population active a été accompagnée d’un taux de chômage croissant, passant de 10,1 % en 2012 à 11,8 % en 2017, ce qui reste nettement au-dessus de la moyenne de 7,3 % dans l’ASS. Figure 22: La baisse du taux d’activité freine la Figure 23: Le taux de chômage a augmenté entre 2012 croissance économique. et 2017 Source: ONS et calculs des auteurs Source: ONS et calculs des auteurs 22. Le marché du travail mauritanien est marqué par un grand écart entre hommes et femmes et une marginalisation des jeunes. En 2017, plus d’un jeune de moins de 25 ans sur cinq était sans emploi. En même temps, 44,2 % des personnes âgées entre 14 et 35 ans n’étaient ni actives professionnellement, ni scolarisées ou en formation, ce qui indique un degré élevé de vulnérabilité. L’écart entre hommes et femmes sur le marché du travail est lui aussi particulièrement marqué. Bien que les femmes représentent plus de la moitié de la population mauritanienne en âge de travailler (57,5 %), seulement 28,2 % d’entre elles participent au marché du travail, contre 59,6 % pour les hommes mauritaniens et 62,9 % des femmes en moyenne en SSA. En outre, à 13,3 %, le taux de chômage des femmes est supérieur à celui des hommes (10,9 %) (Figure 23). En termes de niveau d’instruction, le chômage touche plus fortement les plus instruits, signalant l’existence d’un décalage entre les compétences fournies par le système éducatif et celles recherchées par les employeurs. 23. Le marché du travail est également handicapé par la prévalence de l’emploi informel. En 2017, les emplois informels représentaient plus de 56 % de la population active totale. Hors agriculture, l’informalité était la plus élevée dans le secteur commercial (44 %), les services (21 %) et le secteur manufacturier (26 %). La prévalence de l’emploi informel est plus élevée chez les jeunes et à Nouakchott, où se concentre environ 38 % de la main d’oeuvre informelle. L’informalité est particulièrement élevée chez les travailleurs illettrés (63 %) et les jeunes femmes de 14 à 29 ans (56 %). 24. Le niveau élevé d’informalité a des effets négatifs sur les travailleurs. Premièrement, l’informalité ne permet généralement pas aux travailleurs de gagner un salaire suffisant et de développer leurs compétences, car l’économie informelle emploie souvent des travailleurs moins qualifiés et moins productifs. Au niveau mondial, les travailleurs du secteur formel gagnent en moyenne 19% de plus que les travailleurs du secteur informel (World Bank, 2019a). Deuxièmement, l’emploi informel peut avoir des effets néfastes sur le bien-être des travailleurs, parce qu’ils sont exclus des filets de sécurité sociale et 13 Ce sont les seules enquêtes disponibles sur le marché du travail. 10 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 régimes de protection sociale. Enfin, la présence d’un grand secteur informel réduit l’assiette imposable et donc l’espace budgétaire pour les dépenses publiques en faveur des pauvres et des plus vulnérables et des investissements productifs. 1.2. Perspectives 2019-2021: le cadre macroéconomique est favorable, mais les risques locaux et externes persistent 25. Les perspectives de croissance à moyen terme sont favorables. Les projections permettent d’estimer que la croissance va augmenter pour atteindre en moyenne 6,2% sur la période 2019-2021. Cette croissance devrait être tirée par la poursuite de la croissance du secteur primaire, le renforcement du secteur des services, la hausse de la production minière. Ces projections supposent que l’agriculture, l’élevage et la pêche continueront d’afficher de solides performances, avec l’atténuation des effets de la sécheresse et une augmentation de la productivité lorsque les investissements actuels dans les infrastructures portuaires et le développement des réseaux d’irrigation seront finalisés. En outre, le secteur des services devrait bénéficier des réformes prévues pour 2019-2020. Il s’agit notamment de renforcer le climat des affaires par le biais de réformes de la justice commerciale et du registre du crédit, et d’augmenter la liquidité à la suite des réformes financières et monétaires (voir section 1.1.3). Les projections supposent également une très forte hausse de de la production minière en 2019 à mesure que la SNIM met en œuvre le projet Guelb-2 de modernisation de ses équipements. 26. Du côté de la demande, la demande privée et l’augmentation des exportations nettes devraient soutenir la croissance au cours de la période de prévision. La croissance de la consommation privée devrait s’accélérer à mesure que les revenus des secteurs primaires et des services augmentent. Ces secteurs constituent en effet la principale source de revenus de la plupart des ménages mauritaniens. En outre, l’investissement privé devrait s’accélérer grâce aux IDE aux industries extractives dans le cadre du développement du projet Grande-Tortue/Ahmeyim (GTA, Encadré 1). Ces évolutions seront soutenues par une liquidité accrue dans l’économie et plus de compétitivité dans le secteur agro-pastoral. Les exportations soutiendront également la croissance avec l’augmentation de la production minière et agricole. Enfin, les investissements publics devraient aussi contribuer positivement à la croissance. 11 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Encadré 1 : Projet Grande-Tortue/Ahmeyim (GTA) et perspectives d’avenir Le GTA est un gisement de gaz offshore ultra-profond qui chevauche les frontières maritimes entre la Mauritanie et le Sénégal. On estime qu’il devrait produire 15 000 tonnes de pieds cubes (tcf) de gaz sur une periode de 25 ans. Une décision d’investissement finale (FID) pour la phase 1 (sur 3) a été finalisée le 21 décembre 2018, trois ans après la découverte de la ressource. La phase 1, avec des dépenses d’investissement élevées et une capacité en gaz minimale, lancerait la production en 2022, avec une capacité annuelle de 2,3 millions de tonnes (mtpa) ; tandis que d’autres phases sont programmées pour suivre en 2023 et 2024. Entre 2019 et 2021, l’économie Mauritanienne bénéficiera de ce projet grâce à une augmentation des IDE. Bien que des progrès significatifs aient été réalisés, des incertitudes techniques et financières demeurent autour du projet. En outre, les effets directs, en particulier ceux liés aux gains budgétaires, ne devraient pas se manifester avant 2022, ce qui est au-delà de la période de perspective de ce document. À l’exception des flux actuels d’IDE reçus, ces paramètres n’ont pas été inclus dans le cadrage macroéconomique présenté ici. La situation fiscale et budgétaire à moyen et long terme est favorable du fait des recettes budgétaires et des exportations attendues à partir de 2022 en relation avec ces ressources. Selon des estimations préliminaires, les recettes globales brutes générées par le développement complet du GTA (phases 1 à 3) pourraient s’élever à 80 milliards de dollars (US) sur 30 ans, dont 14,4 milliards de dollars en recettes nettes reviendraient à la Mauritanie. Ces dividendes potentiels sont toutefois extrêmement sensibles aux fluctuations des prix du pétrole et du Gaz Naturel Liquéfié (GNL) et pourraient varier entre 4,2 et 25,5 milliards de dollars dans les scénarios de prix respectifs de 30 et 90 dollars par baril. De plus, ces résultats pourraient être affectés par tout retard concernant le développement de la phase 1 du projet et pars des incertitudes sur les propriétés du réservoir et la capacité de récupération du gaz. Mais, pour bénéficier de ces ressources, il est nécessaire d’adopter une stratégie efficace de gestion des ressources. L’adoption d’un nouveau cadre macroéconomique pour la gestion des ressources nécessitera de faire des choix sur (i) le niveau d’accès intergénérationnel aux ressources, compte tenu de sa nature limitée ; (ii) la quantité de richesses des ressources à allouer aux investissements publics générateurs de croissance dans le capital humain et physique par rapport aux dépenses récurrentes ou à l’épargne ; (iii) la façon de calibrer les politiques macroéconomiques et budgétaires afin de réduire la volatilité ; et (iv) la combinaison des politiques nécessaires pour promouvoir la diversification économique et la création d’emplois. L’adoption d’une règle budgétaire et des réformes structurelles sont des facteurs clés pour pour tirer profit de ces ressources et stimuler la croissance. Plus précisément, l’introduction d’une règle budgétaire fondée sur l’hypothèse du revenu permanent modifié (MPIH)14 , combinée à des réformes structurelles visant à renforcer la compétitivité, pourrait augmenter le taux de croissance du PIB de 1,2 % par an. Cela contraste avec une stratégie de dépense courantes (et sans réformes) qui comporterait des aspects négatifs pour la croissance compte tenu de la stabilité macroéconomique affaiblie. Source: World Bank (2019b), publication à venir. 14 Pour garantir l’équité intergénérationnelle de l’accès aux ressources naturelles, la MPIH recommande aux pays de garder une partie de leurs richesses issues des ressources au fil du temps et de ne consommer qu’une quantité limitée de ressources. Contrairement à l’hypothèse de revenu permanent (PIH), enjoignant les pays à ne consommer que le niveau (fixe) équivalant aux rendements à long terme attendus de la richesse des ressources naturelles, la MPIH permet une certaine avance des investissements en capital. 12 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 27. La stabilité macroéconomique devrait également se renforcer. Les politiques macroéconomiques favorables adoptées par les autorités depuis 2015 et la remontée des prix internationaux des produits miniers ont renforcé la stabilité macroéconomique et permis à la Mauritanie de dépasser les niveaux de stabilité macroéconomique de ses pairs régionaux, structurels, et potentiels (Annexe 3 et Figure 24). Ce cadre macroéconomique robuste devrait se renforcer à condition toutefois que le Gouvernement maintienne sa prudence budgétaire, ce qui contribuerait à maintenir la dette publique sur une trajectoire viable. L’amélioration des termes de l’échange grâce à l’augmentation des prix internationaux du fer devraient atténuer les pressions externes et permettre à la BCM de répondre aux besoins de financement extérieur tout en maintenant ses réserves au-delà de 5 mois d’importations. Finalement, l’inflation restera contenue au-dessous de 4% en raison de la baisse progressive des prix des produits alimentaires importés. Figure 24: La stabilité macroéconomique, qui s’est nettement améliorée en 2015-2018 grâce aux politiques adoptées par les autorités et à la reprise des prix mondiaux, devrait rester robuste en 2019-2021 Source: MFMod, et calculs des auteurs. Note: “e” signifie estimé et “p” signifie projeté. 28. Toutefois, les perspectives macroéconomiques sont sujettes à des risques internes liés aux élections présidentielles, à la réponse face à l’insécurité régionale et à la faible performance des entreprises publiques. Les élections présidentielles prévues pour juin 2019 posent deux risques importants. Premièrement, elles pourraient nuire à l’activité économique si elles sont associées à des troubles sociaux. Deuxièmement, elles pourraient affecter négativement la discipline budgétaire et exercer une pression à la hausse sur la dette publique. De plus, les risques de sécurité régionale au Sahel demeurent une source de préoccupation et les dépenses militaires pourraient augmenter plus rapidement que prévu. Des risques budgétaires pourraient également émerger du fait de passifs éventuels liés à la SNIM qui a subi des pertes financières ces dernières années. Si les problèmes financiers de la SNIM persistaient, le Gouvernement pourrait être contraint de fournir de nouvelles garanties de dette ou même d’accroitre les transferts directs pour couvrir les pertes. Cela aurait des répercussions sur les déficits et la dette publique. 29. Des risques externes pèsent également sur les perspectives macroéconomiques. Des prix du pétrole plus élevés que prévu entraîneraient une augmentation des subventions sur les carburants si les prix à la pompe n’augmentent pas proportionnellement. La BM estime que chaque augmentation de 1 dollar USD des prix internationaux du pétrole au-dessus de 69 dollars USD par baril pourrait coûter au Gouvernement mauritanien environ 1,1 million de dollars par an sous forme de subventions de carburant en l’absence d’ajustement des prix. De plus, la baisse des prix des exportations minières comparativement aux prévisions aggraverait les équilibres commercial et budgétaire. Compte tenu des importants besoins de financement du compte courant, des montants plus faibles d’IDE pourraient aussi éroder le niveau des réserves, obligeant éventuellement la BCM à intervenir sur le marché des changes ou à recourir à de coûteux emprunts extérieurs bilatéraux pour combler le déficit de financement15. 15 La BCM a eu recours à un tel emprunt en 2015 avec un prêt non concessionnel de 300 millions de dollars de l’Arabie saoudite 13 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 30. Face à ces risques, la Mauritanie devrait maintenir des politiques économiques saines. En particulier, il faut: • Poursuivre la prudence budgétaire afin de réduire la dette publique. Cette politique devrait s’accompagnée par des dépenses adéquates en infrastructures de base et en protection sociale. • Maintenir la stratégie d’emprunt actuelle qui évite les prêts non-concessionnels et s’appuie plutôt sur des dons et des financements concessionnels accordés à un rythme modéré compatible avec la capacité d’absorption. • Réintroduire la formule des prix automatique des carburants pour transmettre l’augmentation des prix mondiaux sur le marché intérieur afin d’éviter les subventions fiscales coûteuses. • Développer un carde macro-budgétaire qui garantit un accès intergénérationnel aux futures ressources gazières, maintient la stabilité budgétaire, et maximise la transformation des ressources en biens de production équitablement. • Accroître la flexibilité de la politique de change afin d’atténuer les effets des chocs exogènes et améliorer la compétitivité et continuer à renforcer le cadre réglementaire du secteur bancaire. • Moderniser la réglementation en matière de monnaie électronique, d’intermédiaires en opérations de banque pour encourager l’intermédiation financière. • Poursuivre les réformes structurelles pour promouvoir une croissance inclusive et la diversification de l’économie par le développement du secteur privé. 14 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Deuxième Partie – L’amélioration du climat des affaires 31. Si l’ajustement budgétaire a contribué à rétablir l’équilibre macroéconomique, il reste à mettre en œuvre des réformes structurelles pour promouvoir le développement du secteur privé. La première partie ayant montré comment le plan d’assainissement budgétaire et les réformes visant à améliorer l’efficacité de la politique monétaire ont amélioré la stabilité macroéconomique, la seconde partie présentera les réformes à mettre en œuvre pour promouvoir le développement du secteur privé et, ainsi, favoriser la diversification économique, créer des emplois et réduire la pauvreté. 32. Un secteur privé dynamique est l’un des principaux piliers du développement économique (Figure 25). Le secteur privé est un moteur essentiel de la croissance économique car les entreprises privées et les entrepreneurs investissent dans de nouvelles idées, de nouvelles installations de production et le transfert de connaissances, stimulant ainsi la productivité. De plus, dans la plupart des pays, le secteur privé est le principal employeur et créateur d’emplois, représentant plus de 90% des emplois dans les pays en développement (IFC, 2013). Le rythme de la croissance de l’emploi et la qualité de l’emploi dans le secteur privé sont donc essentiels au développement économique. En outre, la participation du secteur privé dans les projets d’infrastructure et les autres services est devenue encore plus importante dans un environnement où les ressources publiques diminuent. Enfin, le secteur privé et ses employés sont les principaux contributeurs des impôts qui financent les opérations du gouvernement. Ainsi, il y a une synergie naturelle entre les secteurs public et privé. Figure 25: Le développement du secteur privé peut avoir un impact significatif sur le développement économique Source: IFC (2011) 33. L’augmentation du crédit au secteur privé se traduirait par d’importants gains de croissance pour la Mauritanie. Comme discuté dans la section 1.1.3, l’inclusion financière est extrêmement limitée en Mauritanie. En effet, l’analyse de régression suggère que la contribution du crédit au secteur privé à la croissance du PIB par habitant en Mauritanie était l’une des plus faibles par rapport aux pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre entre 2000 et 2016 (Figure 26). Ainsi, l’augmentation du ratio crédit/PIB de la Mauritanie par rapport à la moyenne atteinte par ses pairs aspirationnels pourrait augmenter la croissance du PIB par habitant de plus de 0.2 points de pourcentage par an. 16 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Figure 26: La contribution du crédit au secteur privé à la croissance économique est très limitée en Mauritanie par rapport aux pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre Source : Calculs des auteurs basés sur Haile et Moller (2018). 34. Le potentiel de développement du secteur privé mauritanien est important mais il reste, pour qu’il se réalise, plusieurs défis structurels à relever. Une forte présence de l’État dans l’économie et des conditions de concurrence peu équitables, un accès limité au financement, une main-d’œuvre locale ayant des compétences limitées, la prévalence de la corruption, des services aux entreprises limités et une bureaucratie peu efficace sont autant de contraintes majeures pour le développement du secteur privé en Mauritanie (World Bank, 2017). Les PME, nouvelles et anciennes, ont du mal à se développer face aux grands conglomérats multisectoriels qui ont souvent leurs propres banques. Ces défis importants limitent les opportunités pour les PME et, partant, les emplois pour les mauritaniennes et les mauritaniens. Le gouvernement mauritanien a pris conscience de ces défis et a commencé à y répondre, mais il reste encore beaucoup à faire pour que les entreprises mauritaniennes, particulièrement les PME et les jeunes entreprises, aient la capacité de se développer et de jouer pleinement leur rôle d’acteurs de la croissance. 35. Ainsi, la seconde partie de ce rapport présente un état des lieux du climat des affaires, examine les récents développements dans ce domaine et propose une série de réformes susceptibles de favoriser le développement du secteur privé. La section 2.1 présentera la situation actuelle du climat des affaires en mettant l’accent sur les réformes importantes adoptées depuis quelques années par le gouvernement mauritanien. La section 2.2 présentera ensuite les réformes en cours, qui visent notamment à améliorer la justice commerciale et la fiabilité des informations sur les entreprises. La section 2.3 présentera les défis importants qui restent à relever et évoquera des pistes de réflexion pour améliorer le climat des affaires en profondeur. Enfin, la section 2.4 présentera un plan d’action résumant les principales réformes proposées. Les données actuellement disponibles sur le secteur privé mauritanien étant particulièrement limitées (voir Encadré 2 ci-dessous), ce chapitre s’appuiera essentiellement sur les rapports mondiaux sur le climat des affaires et la compétitivité, en les confrontant chaque fois que possible aux données locales disponibles. 17 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 2.1. Aperçu du climat des affaires et des réformes récentes 2.1.1. L’amélioration du climat des affaires est une priorité pour le Gouvernement 36. La promotion du secteur privé et l’amélioration du climat des affaires constituent un chantier stratégique de la SCAPP (Figure 27). Ce chantier fait partie du premier levier de la stratégie, qui vise à promouvoir une croissance forte, durable et inclusive à travers des transformations structurelles de l’économie qui favorisent l’émergence et le renforcement de secteurs créateurs d’emplois, et l’amélioration des capacités d’exportation du pays et de son attraction pour les IDEs. Le climat des affaires, ou climat de l’investissement, peut être défini comme « l’ensemble des facteurs propres à la localisation de l’entreprise, qui influent sur les opportunités de marché ou le désir des entreprises d’investir à des fins productives, de créer des emplois et de développer leurs activités » (World Bank, 2005). Figure 27: Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée de la Mauritanie (SCAPP) : leviers et chantiers stratégiques Source : SCAPP (2016-2030) 37. L’instauration d’un écosystème compétitif pour les petites et moyennes entreprises (PME) est essentielle au programme de croissance et de création d’emplois de la Mauritanie. L’analyse des caractéristiques des PME en Mauritanie est limitée par le manque d’études et de statistiques approfondies sur ce sujet (Encadré 2), d’autant plus qu’il est dominé par un très grand secteur informel, qui constitue parfois une concurrence deloyale pour les PME formelles (Figure 28). Néanmoins, la dernière enquête sur les entreprises menée par la Banque mondiale en 2014-2015 indique que, comme dans les pays pairs (Figure 29), les PME en Mauritanie représentent plus de 80% des entreprises formelles et pourraient donc être un moteur essentiel de la croissance et de la création d’emplois. Il faut toutefois noter que la majeure partie de la richesse nationale est encore aujourd’hui produite par les grands conglomérats d’entreprises. Ainsi, la Mauritanie est encouragée à redoubler d’efforts pour accroître la part des PME dans la création de richesse nationale. 18 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Figure 28: La part d’entreprises confrontées à la Figure 29: Comme dans les pays pairs, les PME concurrence du secteur informel est très importante représentent plus de 80% des entreprises en en Mauritanie Mauritanie Source : World Bank Enterprise Surveys et calculs des Source : World Bank Enterprise Surveys et calculs des auteurs. auteurs. Encadré 2 : Le manque de données sur les entreprises handicape la mise en place de politiques efficaces pour le développement du secteur privé. Les données disponibles sur le secteur privé mauritanien ne permettent pas d’avoir une vision globale fiable de la situation actuelle des entreprises mauritaniennes. Les «Enterprise Surveys» de la BM fournissent des données utiles sur les contraintes qui affectent les entreprises, mais les statistiques sur la composition et les tendances du secteur privé (croissance, âge, productivité, intégration à l’économie mondiale, etc.) sont insuffisantes. D’autre part, le Guichet Unique de Création d’Entreprises de Nouakchott et le Guichet Unique de la Zone Franche de Nouadhibou fournissent quelques statistiques sur la création des entreprises, mais rien sur leur période d’activité ou la fin de celle-ci. En ce qui concerne le secteur informel, l’Office National de la Statistique a publié en août 2017 un rapport sur l’emploi et le secteur informel qui fournit des informations utiles sur ce dernier. Il n’existe en revanche rien de semblable concernant le secteur formel. Enfin, faute de sanction ou de mécanisme d’exécution, les entreprises ne respectent pas leur obligation légale de dépôt annuel de leurs états financiers au registre du commerce. Avoir des données fiables sur le secteur privé est une condition préalable au développement du secteur privé. Ces données doivent permettre aux pouvoirs publics de mieux comprendre la réalité du secteur privé et ainsi de mettre en place des politiques adaptées. Des données fiables sont également essentielles au secteur privé lui-même, qui a besoin de savoir qui sont ses partenaires et concurrents. Cela est particulièrement vrai pour l’accès au crédit, qui est conditionné par l’existence d’informations fiables. La modernisation et l’informatisation du Registre du Commerce (voir ci-dessous) devraient permettre de répondre en partie à cette lacune. Un registre du commerce (et du crédit mobilier) moderne devrait grandement participer à l’amélioration de l’accès au crédit et permettre des recoupements avec les autres administrations (impôts, douane, etc.). Il jouera enfin un rôle majeur dans la lutte contre l’évasion fiscale, le secteur informel, la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. 19 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 38. La Mauritanie s’est engagée depuis 2014 dans un vaste programme d’amélioration de son climat des affaires. A l’époque de la rédaction de la SCAPP, les efforts de réforme consentis avaient déjà permis au pays de passer de la 176ème position en 2015 à la 168ème position en 2016, dans le classement mondial du rapport Doing Business16. Notant les importants progrès déjà réalisés, la SCAPP indique que les efforts seront poursuivis en consolidant les acquis et en privilégiant les domaines où il y a encore un fort potentiel d’amélioration, tels que le paiement des impôts et taxes, le commerce transfrontalier, ou l’octroi des permis de construire. La SCAPP invite à poursuivre et accélérer les réformes afin de permettre à la Mauritanie d’occuper une très ambitieuse 83ème place en 2030. 39. Signe de l’importance qu’il porte à ce sujet, le Gouvernement a mis en place en février 2019 un Conseil Supérieur d’Amélioration du Climat des Affaires17. Ce conseil est présidé par le Premier Ministre, et comprend l’ensemble des ministres concernés, ainsi que la BCM, la Zone Franche de Nouadhibou, et le patronat en tant que représentant du secteur privé. Ce comité interministériel est épaulé par un comité technique de suivi des réformes du Climat des Affaires, qui comprend des représentants de l’ensemble des administration concernées, ainsi que six représentants du secteur privé. La mise en place de ces structures augure de l’engagement du Gouvernement mauritanien à améliorer le climat des affaires, en étroite concertation avec le secteur privé (Figure 30). Toutefois, si cette implication systématique du secteur privé dans la préparation et la conduite des réformes du climat des affaires est sans précédent dans le pays, le dialogue public-privé reste faible et perfectible. Le Patronat étant le principal interlocuteur des autorités mauritaniennes, les PME, les femmes et les jeunes ne sont que trop rarement sollicités. Il appartient désormais aux structures de réforme du climat des affaires d’opérer de manière inclusive et de produire les résultats qui sont attendus d’elles. Figure 30: La structure institutionnelle des réformes du climat des affaires en Mauritanie est complexe, mais sa coordination est facilitée par la récente mise en place de deux nouvelles structures de coordination Source : Fabrice Lusinde wa Lusangi et ajouts des auteurs. 16 Ce classement a évolué depuis – voir infra. 17 Décret du 20 février 2019 portant création, attributions, composition et fonctionnement du Conseil Supérieur d’Amélioration du Climat des Affaires en Mauritanie 20 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 2.1.2. Les réformes accomplies en 2014-2018 ont porté sur de nombreux aspects du climat des affaires 40. Ces 5 dernières années, les autorités mauritaniennes ont accompli une série de 17 réformes portant sur 8 des 10 indicateurs du Rapport Doing Business (DB)18. En particulier, les réformes ont porté sur la simplification des procédures de création d’entreprises. Elles comprennent notamment : (i) la création d’un guichet unique (réunissant en un même lieu toutes les administrations concernées) et la suppression de l’obligation de publication et des frais pour obtenir un numéro d’identification fiscale (DB 2015) ; (ii) la suppression du capital minimum requis (DB 2016) ; (iii) la combinaison de plusieurs procédures d’enregistrement (DB 2018) ; et (iv) la suppression des frais d’enregistrement des actes de constitution de société (DB 2019). Ces réformes ont eu un impact significatif sur le nombre d’entreprises créées en Mauritanie (Figure 31)19. Toutefois, et bien que ces résultats soient encourageants, la densité de création d’entreprise reste faible en Mauritanie, et inférieure à celle de la plupart des pays pairs (Figure 32)20. Suite à ces réformes, la position de la Mauritanie sur l‘indicateur «création d’entreprises» s’est améliorée significativement, passant de la 164ème place en 2015 à la 46ème place en 2019. Ces résultats sont conformes à l’évolution observée dans les pays membres de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), qui ont également mis en œuvre plusieurs réformes pour simplifier les procédures de création d’entreprises. Au Sénégal, par exemple, le nombre de Sociétés à Responsabilité Limitée (SARL) a augmenté de 30 % suite aux réformes introduites par l’OHADA en 2014. Figure 31: Le nombre d’entreprises créées a augmenté Figure 32: Toutefois, la densité de création d’entreprise suite à la simplification des procédures de création reste faible, et inférieure à celle de la plupart des pays d’entreprises pairs Source : Guichet Unique de Création d’Entreprises de Source : Doing Business Entrepreneurship data (2016). Nouakchott 41. D’importantes réformes ont également été mises en œuvre pour faciliter le commerce transfrontalier et le paiement des impôts et taxes. Concernant la facilitation du commerce transfrontalier, la Mauritanie a facilité les échanges transfrontaliers en mettant à niveau le système électronique SYDONIA World, ce qui a réduit les délais de préparation et de soumission des déclarations en douane (DB 2017). De plus, les autorités ont éliminé l’obligation de peser tous les conteneurs d’importation au port de Nouakchott et ont rationalisé le mouvement des marchandises (DB 2017). Ces réformes, qui ont réduit les délais de transit des marchandises au port de Nouakchott, accompagnent les efforts de diversification de l’économie mauritanienne. Au niveau du paiement des impôts et taxes, le Gouvernement a réduit la fréquence des déclarations d’impôts et du paiement des cotisations de sécurité sociale (DB 2017), et a permis le dépôt et le paiement trimestriels (plutôt que mensuels) des contributions à la sécurité sociale (DB 2018), réduisant ainsi le temps passé par les contribuables à s’acquitter de leurs obligations fiscales. 18 Le rapport Doing Business (DB) de la Banque mondiale mesure la réglementation des affaires et son application effective dans 190 économies. Ce rapport, qui est publié annuellement depuis 16 ans, mesure les régulations favorables et défavorables à l’activité commerciale. 19 Il faut toutefois noter que, faute de données disponibles, il n’est pas possible de savoir si ces entreprises sont toujours en activité, ni d’évaluer l’impact de ces créations d’entreprises sur l’économie. 20 DB Entrepreneurship Data renseigne sur la densité de creation d’entreprises, définie comme le nombre de SARL nouvellement enregistrées pour 1 000 personnes en âge de travailler (celles âgées de 15 à 64 ans). 21 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 42. Au-delà des indicateurs du rapport Doing Business, la Mauritanie a entrepris des réformes de fond de plusieurs textes fondamentaux de son droit des affaires. Le renforcement du cadre juridique du droit de propriété inscrit dans le nouveau Code des Droits Réels (CDR) constitue un pilier de l’amélioration du climat des affaires. Avant l’adoption de ce code en 201721, premier du genre en Mauritanie, la propriété foncière faisait l’objet d’une multitude de conflits relatifs à son acquisition, son utilisation ou sa préservation. La propriété était régie par des dispositions légales et règlementaires éparpillées et quelques fois contradictoires, issues de traditions législatives diverses, dont certaines dataient de la période coloniale. Le manque de sécurité qui découlait de ces imprécisions constituait un frein significatif à l’investissement local et international. Cette situation a changé avec le nouveau CDR qui structure les différents droits que tout individu peut avoir sur un bien. En particulier, ce code : (i) unifie la définition de la propriété foncière et les types d’immeubles ; (ii) règlemente la propriété individuelle et collective, ses démembrements et les relations de voisinage ; et (iii) détermine les mesures administratives protégeant la propriété foncière et les procédures de résolution des contentieux fonciers. Ainsi, les actifs immobiliers peuvent être utilisés comme garanties financières, facilitant l’accès au crédit. Il faut toutefois noter que plus d’un an après son entrée en vigueur, les décrets d’application du CDR n’ont pas encore été adoptés. 43. Dans le domaine de la justice commerciale, une nouvelle loi adoptée en 2017 a créé une procédure spécifique simplifiée pour le règlement des petits litiges22. Cette loi fournit une procédure simplifiée, moins coûteuse, et plus rapide avec une durée de traitement maximale fixée à six mois pour les petits litiges. Ce mécanisme renforce la célérité et la simplicité du traitement judiciaire pour les litiges de petit montant, contribuant ainsi au développement du secteur privé. De plus, cette procédure simplifiée répond au souci de désengorger les juridictions des petits litiges. 44. Enfin, une loi relative au Partenariat Public-Privé (PPP) a été promulguée le 6 février 2017. Le Gouvernement a en effet commencé à engager le secteur privé par le biais de partenariats public-privé (PPP), comblant ainsi le fossé en matière de capitaux d’investissement, de technologie et de savoir-faire qui sont nécessaires pour améliorer l’efficacité et la fourniture de services publics. En effet, ces dernières années, le programme PPP a connu un regain d’intérêt de la part du gouvernement, considérant les partenariats public-privé comme une source alternative de financement des projets d’infrastructure. Suite à l’adoption de la loi en février 2017, le Gouvernement a mis en place une Cellule PPP (cadre institutionnel) et élaboré des directives et procédures opérationnelles pour le traitement des projets PPP. 2.1.3. Le climat des affaires a été amélioré de manière significative, mais il reste plusieurs défis majeurs à relever 45. Grâce aux réformes accomplies, le climat des affaires en Mauritanie est devenu plus favorable. En termes absolus, le score de la Mauritanie sur la facilité de faire des affaires est passé de 45,3 points dans le rapport DB 2015 à 51.9 dans le rapport DB 2019, réduisant ainsi l’écart avec les meilleures pratiques réglementaires mondiales (Figure 33)23. Cette amélioration a permis à la Mauritanie de progresser au classement général DB, passant de la 176ème place en 2015 à la 148ème en 2019, dépassant ainsi le Bénin et l’Algérie (Figure 34). Ces chiffres témoignent de l’engagement stratégique constant du Gouvernement pour améliorer le climat des affaires et, ainsi, encourager l’investissement et offrir plus d’opportunités pour le secteur privé dans l’économie mauritanienne. 21 Loi n° 2017-14 du 12 juin 2017 22 Loi n° 2017-019 du 18 juillet 2017. A noter que cette loi devrait faire l’objet d’une révision en 2019 pour élargir son champ d’application. 23 Les meilleures pratiques réglementaires mondiales ont un score de 100. 22 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Figure 33: Grace à 17 réformes, le score et le classement DB Figure 34: Ainsi, la Mauritanie est le pays qui a le plus de la Mauritanie ont été largement améliorés depuis 2015 progressé dans le classement DB par rapport à ses pairs Source : Rapport Doing Business de la Banque Mondiale Source : Rapport Doing Business de la Banque Mondiale 46. Malgré ces progrès importants, le climat des affaires demeure moins favorable en Mauritanie que dans la plupart de ses pays pairs. Le Sénégal, le Nicaragua, le Maroc, la Tunisie et la Moldavie devancent ainsi la Mauritanie dans le classement DB 2019. De plus, la facilité de faire des affaires en Mauritanie est inférieure à son potentiel compte tenu de son niveau de PIB par habitant (Figure 35). Le classement DB étant une mesure relative et dynamique, la Mauritanie doit maintenir le rythme des réformes si elle veut continuer à améliorer sa position. A mesure que la Mauritanie améliorera son score, la compétition se fera de plus en plus âpre, et les places d’autant plus dures à gagner ou à garder. Les efforts doivent ainsi être constants, faute de quoi les places gagnées seront perdues au profit des pays réformateurs. Le Sénégal, pays voisin, partenaire mais aussi compétiteur naturel de la Mauritanie, occupe actuellement la 141ème place du classement, et constitue un modèle intéressant pour le pays. Le Maroc, qui occupe actuellement la 60ème place grâce à un vaste programme d’amélioration de son climat des affaires mis en œuvre ces dernières années, constitue également une source d’inspiration positive. Figure 35: La facilité de faire des affaires en Mauritanie est inférieure à son potentiel compte tenu de son niveau de PIB par habitant Source : Rapport Doing Business de la Banque Mondiale. Note(s) : Dans chaque graphique, la ligne représente la relation linéaire pour les données et la zone ombrée représente l’intervalle de confiance de 95%. 47. En particulier, la Mauritanie devrait maintenir ses efforts pour faciliter le paiements des impôts, améliorer le raccordement à l’électricité, et redoubler d’efforts dans les domaines de l’obtention de prêts et du règlement de l’insolvabilité. Quelques petites améliorations ont été apportées en ce qui concerne l’obtention de prêts, le raccordement à l’électricité, et le paiement des impôts. Mais il reste encore beaucoup à faire dans ces domaines car la Mauritanie est toujours classée 144ème sur 186, 151ème sur 187, et 178ème sur 190, respectivement (Tableau 1). 23 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 48. En ce qui concerne le règlement de l’insolvabilité, la Mauritanie obtient le score de zéro, et est placée dernière avec 17 autres économies à la 168ème place. Ce mauvais score reflète une absence de pratique d’insolvabilité, telle que mesurée par DB. Par conséquent, il est primordial que la Mauritanie développe une pratique de l’insolvabilité, ce qui favorisera l’accès au crédit (voir paragraphes ci-dessous sur l’amélioration de l’accès au crédit). 49. Même si le Gouvernement a investi pour améliorer l’accès à l’électricité ces dernières années, le coût du raccordement à l’électricité reste élevé en Mauritanie. Le coût élevé du raccordement à l’électricité tel que mesuré par DB (Figure 36) semble dû au fait que les entreprises doivent subventionner le service public de distribution en investissant dans une sous-station électrique. Le manque d’infrastructures, d’accès et de qualité de l’électricité est également reflété dans les sous-indicateurs sur la fiabilité de l’approvisionnement et la transparence de l’indice tarifaire, et sur la durée totale et la fréquence des pannes par client et par an. Il faut toutefois noter que le Gouvernement a fait des efforts au cours des dernières années pour améliorer la production d’électricité (Figure 37). Cette amélioration est due à la construction de trois centrales : une centrale éolienne à Nouakchott de 30 MW en 2015, une centrale duale à Nouakchott Nord de 180 MW en 2016, et une centrale solaire, toujours à Nouakchott, de 50 MW en 2017. Cela a permis à la Mauritanie de plus que doubler sa production d’électricité au cours des dernières années, passant de 711 millions de KW-H en 2014 à 1788 millions de KW-H en 2017. Figure 36: Le coût du raccordement à l’électricité est Figure 37: La production d’électricité a augmenté très élevé en Mauritanie, comparé aux pays pairs rapidement ces dernières années Source : Rapport Doing Business de la Banque Mondiale Source : ONS 24 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Tableau 1: Par rapport à ses pairs, la Mauritanie a amélioré différents indicateurs du climat des affaires, mais le pays reste en retard sur le raccordement à l’électricité, l’obtention de prêts, le paiement des impôts, et le règlement de l’insolvabilité MAURITANIE NICARAGUA MOLDAVIE SENEGAL ALGERIE TUNISIE ZAMBIE MAROC BENIN LAOS Classement DB-2015 Classement Global 176 154 71 60 151 119 161 148 63 111 Création d’entreprise 164 141 54 100 117 120 90 154 35 68 Obtention d’un permis de construire 77 127 91 85 64 134 151 107 175 99 Raccordement à l’électricité 169 147 91 38 173 95 183 128 149 126 Transfert de propriete 66 157 115 71 165 134 167 77 22 152 Obtention de prêts 171 171 104 116 116 89 131 116 23 23 Protection des investisseurs minoritaires 166 132 122 78 135 172 122 178 56 83 Paiement des taxes et impôts 187 176 66 82 178 164 183 129 70 78 Commerce transfrontalier 151 131 31 50 121 74 79 156 152 177 Exécution des contrats 86 120 81 78 167 70 142 99 42 98 Règlement de l’insolvabilité (1) 189 97 113 54 115 110 99 189 58 95 Classement DB-2019 Classement Global 148 157 60 80 132 148 141 154 47 87 Création d’entreprise 46 150 34 63 144 46 64 180 14 102 Obtention d’un permis de construire 92 129 18 77 177 92 140 99 172 70 Raccordement à l’électricité 151 106 59 51 110 151 127 156 81 128 Transfert de propriete 102 165 68 87 155 102 118 85 22 150 Obtention de prêts 144 178 112 99 99 144 144 73 44 3 Protection des investisseurs minoritaires 110 168 64 83 168 110 140 174 33 110 Paiement des taxes et impôts 178 156 25 133 160 178 171 155 35 17 Commerce transfrontalier 141 173 62 101 85 141 139 76 35 153 Exécution des contrats 72 112 68 80 87 72 142 162 69 130 Règlement de l’insolvabilité (1) 168 76 71 67 106 168 94 168 68 99 Changement entre DB-2019 et DB-2015 (2) Classement Global -28 3 -11 20 2 13 -20 6 -16 -24 Création d’entreprise -118 9 -20 -37 -56 24 -26 26 -21 34 Obtention d’un permis de construire 15 2 -73 -8 -13 43 -11 -8 -3 -29 Raccordement à l’électricité -18 -41 -32 13 3 15 -56 28 -68 2 Transfert de propriete 36 8 -47 16 -35 21 -49 8 0 -2 Obtention de prêts -27 7 8 -17 28 10 13 -43 21 -20 Protection des investisseurs minoritaires -56 36 -58 5 14 -4 18 -4 -23 27 Paiement des taxes et impôts -9 -20 -41 51 -2 -4 -12 26 -35 -61 Commerce transfrontalier -10 42 31 51 -14 11 60 -80 -117 -24 Exécution des contrats -14 -8 -13 2 4 17 0 63 27 32 Règlement de l’insolvabilité (1) -21 -21 -42 13 -5 -4 -5 -21 10 4 Source : Rapport Doing Business de la Banque Mondiale. Notes : (1) Le classement porte sur 190 pays, mais pour le règlement de l’insolvabilité, le classement le plus bas est 168, 17 pays obtenant un score de 0 et occupant la dernière place. (2) la couleur verte indique qu’il y a eu une amélioration du classement entre DB-2015 et DB-2019, tandis que la couleur rouge indique qu’il y a eu une détérioration. 50. D’autres mesures de la compétitivité de la Mauritanie montrent également une situation défavorable et susceptible d’être grandement améliorée. Ainsi, le Global Competitiveness Index (GCI, ou indice mondial sur la compétitivité), qui examine l’environnement opérationnel des entreprises et la compétitivité des économies, place la Mauritanie à la 131ème place sur 140 économies évaluées24. Le score de la Mauritanie est particulièrement bas en ce qui concerne l’efficacité et l’indépendance des institutions judiciaires, le niveau de formation des travailleurs, la concurrence, le financement des PME, et les pratiques 24 Cet Indice est composé de 113 variables structurées en 12 «piliers de la compétitivité :» institutions, infrastructures, environnement macroéconomique, santé et enseignement primaire, enseignement supérieur et formation, efficacité du marché des biens, efficacité du marché du travail, développement des marchés financiers, état de préparation technologique, taille du marché, sophistication de l’entreprise et innovation. 25 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 entrepreneuriales (Tableau 2). Par ailleurs, plusieurs sources montrent que la corruption est un obstacle majeur pour les entreprises mauritaniennes (Figure 38), bien plus que dans l’ensemble des pays pairs. Certaines réformes en cours, comme celles portant sur la justice commerciale (voir paragraphe suivant), devraient permettre d’améliorer ces scores. Tableau 2: La Mauritanie occupe les dernières places Figure 38: La corruption est le second facteur le plus sur de nombreux indicateur clés de compétitivité problématique pour faire des affaires en Mauritanie Indicateurs Classement (sur 140) Indépendance judiciaire 134 Droit de propriété 139 Formation des employés par les entreprises 140 Effet de distorsion des taxes et subventions 138 sur la concurrence Domination du marché 138 Compétition dans les services 137 Prévalence des barrières non-tarifaires 139 Mobilité interne de la main d’œuvre 139 Financement des PME 138 Solidité des banques 139 Attitude envers le risque entrepreneurial 140 Indice mondial de la competitivité 131 Source : World Economic Forum, Global Competitiveness Source : Forum Economique Mondial, Enquête auprès des di- Index rigeants, 2017 2.2. Les réformes en cours mettent l’accent sur l’amélioration de la justice commerciale 51. L’accès à un cadre judiciaire efficace et fiable est une condition préalable nécessaire au développement du secteur privé en Mauritanie. Cette conclusion émane des récents travaux spécifiques à la Mauritanie (IFC, 2018a), des différents rapports d’évaluation disponibles (World Bank Enterprise Surveys, 2014; Global Competitiveness Index, 2018)25, et des consultations menées avec des PME mauritaniennes. Fort de ce constat, le Gouvernement mauritanien a entrepris depuis 2017 un vaste programme visant à améliorer la justice commerciale, moderniser le registre du commerce et du crédit mobilier, et développer les Modes Alternatifs de Règlement des Litiges (MARL). 2.2.1. Améliorer la justice commerciale pour la rendre plus efficace et plus fiable 52. Les délais et la qualité des décisions des juridictions commerciales devaient être améliorés (IFC, 2018a). Ces améliorations pourront être apportées par des réformes des textes et des pratiques et par l’informatisation du traitement judiciaire. 53. Le programme en cours vise à réduire le délai de traitement de l’ensemble des affaires commerciales, au-delà de la création d’une procédure spécifique pour les petits litiges (déjà adoptée). L’analyse des différents délais qui se succèdent dans la chaine commerciale montre que les lenteurs apparaissent surtout en phase d’appel, devant la chambre commerciale de la cour d’appel. Une réforme (en cours) du Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative (CPCCA), visant notamment à la création de Cours d’Appel commerciales, permettra de réduire les délais de traitement à tous les niveaux de la chaîne commerciale. 25 Voir notamment http://www.enterprisesurveys.org/data/exploreeconomies/2014/mauritania; et http://reports.weforum.org/global-competitiveness-report-2018/ 26 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 54. Un ensemble de réformes en cours de discussion permettra en outre de consacrer la spécialisation des juridictions commerciales. Une loi spécifique portant création, organisation et fonctionnement des juridictions commerciales (tribunaux de commerce, chambres commerciales des cours d’appel, et cour suprême) est en cours d’adoption. Par ailleurs, la spécialisation et la stabilisation des magistrats dans le domaine de la justice commerciale devraient être recherchées par des formations approfondies et une réforme du Statut de la Magistrature. La formation spécifique de ces magistrats devrait avoir pour contrepartie la garantie de maintien en poste durant une durée suffisante (au moins 5 ans). 55. À long terme, l’informatisation de la chaîne commerciale permettra de réduire les délais et d’améliorer la qualité de la justice commerciale. Cette informatisation permettra d’accélérer et d’améliorer le contenu des décisions et leur mise en forme par les greffes, par l’assistance à la rédaction des actes, jugements, arrêts, et par la mise en place d’un travail en réseau. Elle aidera également à sécuriser les décisions de justice et facilitera leur traçabilité et le contrôle des juridictions. De plus, elle renforcera la publication des décisions en les systématisant. La mise en place d’une procédure électronique permettra par ailleurs un renforcement de l’intégrité par l’attribution aléatoire et automatisée des dossiers. 56. Afin d’assurer l’existence d’un droit et d’une justice commerciale modernes et efficaces, la Mauritanie devrait aussi se pencher sur la problématique de la dualité de sources du droit. Droit moderne d’une part et Charia d’autre part, cette dualité se retrouve dans tout le système, et notamment dans la formation juridique des magistrats. Un rapprochement progressif de ces deux types de magistrature pourrait être mis en œuvre, afin de ne pas ancrer une divergence culturelle et générationnelle (IFC, 2018a). 2.2.2. Moderniser le registre du commerce pour rendre accessibles les informations sur les entreprises et améliorer la transparence 57. Le Registre du Commerce (RC) devrait être réformé et informatisé pour devenir un service centralisé et moderne. Partout dans le monde, ce type de registre est essentiel pour préserver les droits des actionnaires, des associés, des créanciers et des tiers à travers l’inscription des actes modificatifs et des contrats de nantissement. De même, il augmente la visibilité sur l’économie nationale par la diffusion de l’information juridique et économique sur les entreprises, favorisant la confiance et l’investissement national et international. Ainsi, le RC est un outil incontournable utilisé pour lutter contre la fraude fiscale, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Alors que le RC mauritanien joue correctement son rôle en ce qui concerne la création des sociétés, toutes les opérations subséquentes (recherches d’informations, dépôt des états financiers, inscription de sûretés, modifications des statuts, radiations etc.) ne sont que très rarement et difficilement effectuées. Cela est dû à un manque d’informatisation, de contrôle et de sanctions. 58. Le Gouvernement est en train de moderniser les registres du commerce locaux et de mettre en place le Registre du Commerce Central . Le dispositif actuel prévoit des Registres du Commerce Locaux (RCL)26 tenus par le greffe du tribunal de commerce. Il existe ainsi deux registres locaux, placés sous l’autorité des Tribunaux de Commerce de Nouakchott et Nouadhibou. Ces registres sont aujourd’hui essentiellement manuels et devraient être informatisés pour rendre l’information qu’ils gèrent accessible à toutes les parties concernées. Les textes prévoient par ailleurs que les informations générées et collectées par les registres locaux soient centralisées par un Registre du Commerce Central (RCC), tenu par la structure en charge de la propriété industrielle au Ministère chargé de l’Industrie. Le RCC n’étant pas encore en place, le Gouvernement est en train de travailler à son opérationnalisation. A terme, il est souhaitable que le RCC soit géré sous la forme d’un Etablissement Public Administratif doté de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière (IFC, 2018c). 26 Article 33 de la loi N° 2000-05 modifiée par la loi N° 2014-022 portant Code du Commerce et article 13 du décret n° 2006-049 du 29 mai 2006 relatif au Registre du commerce. 27 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 59. La modernisation et l’informatisation des RCL et du RCC permettront au RC de devenir un véritable registre des entreprises (IFC, 2018d). Il permettra notamment : - L’automatisation des immatriculations d’entreprises et de commerçants ; - L’automatisation des inscriptions : inscriptions complémentaires ou modification des informations sur les entreprises, inscriptions des nantissements, des brevets d’invention, des marques de fabrique, des cessions de fonds de commerce, et des décisions judiciaires commerciales ; - La délivrance électronique des copies (extraits ou certificats) avec la possibilité de facturer les services pour assurer l’autonomie financière du système ; - La publication sur un portail web des informations accessibles au public, comme les décisions de justice, la recherche de nom commercial, la recherche d’informations sur une entreprise ; - L’envoi automatique des données du RCL au RCC ; - La compilation de statistiques sur les entreprises mauritaniennes ; et - La détection des entreprises en difficulté ou cessation de paiements. 60. Ces développements du RC favoriseront la confiance par la transparence créée concernant les entreprises et permettront à la Commission de Suivi des Entreprises Economiques (CSEE) de remplir ses missions. La publicité du crédit mobilier est essentielle à la sécurisation des échanges et à la facilitation du crédit. Cette réforme participera à l’effort de formalisation du secteur privé, une évolution très attendue dans la mesure où le secteur informel est aujourd’hui très présent et très pesant27. La modernisation du RC permettra notamment de repérer l’absence de dépôt d’états financiers (une pratique quasi inexistante à ce jour) ou de pièces de comptabilité, qui sont des signaux d’irrégularité, voire de cessation des paiements, pouvant donner lieu à l’ouverture d’une procédure collective d’apurement du passif. Il apparait en effet nécessaire de mettre en place, grâce à la dématérialisation administrative, une simplification des procédures et une meilleure prévention par le contrôle en amont, qui permette aux juridictions commerciales de mieux assurer ensuite leur rôle de gardien de l’ordre public économique. N’ayant pas accès à ces informations, la CSEE n’est aujourd’hui pas en mesure de remplir ses missions d’observation des entreprises et de détection de leurs difficultés afin d’en alerter, le cas échéant, la juridiction commerciale, qui pourra décider de l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité. 61. Des réformes textuelles seront nécessaires afin de permettre la déclaration en ligne, l’obtention de documents en ligne, le paiement en ligne, ou encore l’archivage des données. Ces démarches électroniques nécessitent la consécration de la signature électronique et l’élaboration de textes permettant d’organiser le service informatisé du RCC. Le cadre juridique permettant d’utiliser la signature électronique dans les rapports dématérialisés est en cours d’adoption, suivant le modèle fourni par la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI). Une Autorité de la Signature Electronique devra également être mise en place, ainsi qu’une plateforme nationale sur le télépaiement. Ces évolutions impacteront positivement le développement du secteur privé à plusieurs niveaux, notamment en permettant le paiement des impôts en ligne. 2.2.3. Développer les modes alternatifs de règlement des litiges en complément de la justice étatique 62. Les Modes Alternatifs de Règlement des Litiges (MARL) sont des procédures privées de traitement des litiges participatives et collaboratives. Les MARLs sont inspirées du droit anglo-saxon, complémentaires à la justice étatique. Ils permettent de parvenir à un accord des parties « hors du juge », en faisant intervenir le droit, l’équité, la négociation et l’écoute des besoins. Les MARL sont très bien adaptés au contentieux commercial parce qu’ils sont des modes de règlement plus rapides et moins coûteux que la procédure judiciaire. L’arbitrage, la médiation et la conciliation sont les principaux MARL. 27 Même s’il est difficile de produire des statistiques précises sur sa taille exacte, l’importance du secteur informel est identifiée comme l’une des principales contraintes au développement du secteur privé par les chefs d’entreprises mauritaniens (World Bank Enterprise Surveys, 2014). On estime par ailleurs que le secteur informel en Mauritanie « est le principal pourvoyeur d’emploi, occupant plus de 56,5% de la population » (Source : Situation de l’Emploi et du Secteur Informel en Mauritanie en 2017, ONS, 2017). 28 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 63. Grace aux récentes réformes, le dispositif textuel est aujourd’hui satisfaisant pour permettre le développement des MARL en Mauritanie. Le Code de l’Arbitrage, qui avait été mis en place par la loi n° 2000-06 du 18 Janvier 2000, est en train d’être mis à jour pour tenir compte des évolutions internationales dans le droit et la pratique de l’arbitrage (IFC, 2019). Cette réforme s’accompagnera d’une loi spécifique relative à la médiation conventionnelle, qui viendra compléter la loi du 30 juillet 2018 relative à la médiation judiciaire. La médiation judiciaire s’inscrit dans le cadre d’un processus juridictionnel : il s’agit d’une médiation complémentaire et intégrée dans le dispositif processuel, dès lors qu’un litige est déjà porté devant le juge étatique. Elle se distingue de la médiation conventionnelle, qui est une transaction entre les parties en dehors de tout processus juridictionnel. Le système mis en place offrira une incitation financière à l’orientation des procédures vers la médiation (judiciaire et conventionnelle). 64. Pour développer davantage les MARL, le Centre International de Médiation et d’Arbitrage de Mauritanie (CIMAM) devrait être renforcé et un programme de communication et sensibilisation réalisé. Outil de mise en œuvre des MARL en Mauritanie, le CIMAM a été créé en 2013 par la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de Mauritanie (CCIAM), et consacré en 2015 par un arrêté conjoint du Ministre de la Justice et du Ministre du Commerce. Si le CIMAM existe depuis quelques années, il n’est pas encore pleinement opérationnel. Cependant, grâce à une assistance technique internationale il a commencé à se mouvoir pour aller à la rencontre de ses clients potentiels. Le CIMAM doit bénéficier d’un renforcement de capacités de son personnel car la crédibilité de ce centre en dépend, et donc la confiance des utilisateurs et du secteur privé. Par ailleurs, des arbitres et médiateurs devront être sélectionnés et formés. Enfin, les MARL devront être présentés et expliqués aux opérateurs économiques, magistrats, greffiers et avocats pour encourager l’orientation des procédures vers l’arbitrage et la médiation. 2.2.4. D’autres réformes essentielles sont en cours 65. Le Gouvernement et ses agences préparent d’autres réformes importantes pour améliorer le climat des affaires. On peut citer à titre d’exemple : - Les textes d’application du Code de l’urbanisme qui permettront d’améliorer la qualité de la règlementation relative à la construction (notamment les permis de construire) ; - Les décrets d’application du Code des droits réels, qui permettront notamment de définir les règles de la copropriété ; - La numérisation des titres fonciers, des titres de propriété et du cadastre à Nouakchott et dans le reste du pays ; - La mise en service par la BCM d’un Bureau d’Informations sur le Crédit (BICR), le 27 février 2019. Le BICR a pour mission de collecter des données sur l’historique des crédits et de traiter les informations collectées afin d’offrir aux établissements financiers divers services et produits à valeur ajoutée pour l’analyse, l’évaluation et la gestion des risques ; - La mise en place d’une solution de télé-déclaration qui permettra aux contribuables de déclarer leurs impôts en ligne (cette solution est offerte sous forme de pilote depuis mars 2019). Une solution permettant le télépaiement sera développée ultérieurement ; - La dématérialisation de la procédure d’immatriculation et d’enregistrement des sociétés au Guichet unique de création d’entreprise ; et - La mise en place d’un Guichet unique intégral du commerce transfrontalier regroupant les procédures administratives du Port et de la Douane. 66. Le Groupe de la Banque mondiale soutient activement les efforts d’amélioration du climat des affaires en Mauritanie. Ce soutien est fourni au travers de six projets aux actions complémentaires : (i) le Projet d’Eco-pole halieutique de Nouadhibou, (ii) une série d’Appuis Budgétaires (un premier programme clos et un deuxième en cours d’élaboration)28, (iii) le Projet de Gouvernance du Secteur Public (PGSP), (iv) la Revue du Secteur Foncier, (v) le Projet sur les Villes Productives et Résilientes, et (vi) le projet d’assistance technique de la Société Financière Internationale (IFC) sur le climat des affaires et l’entrepreneuriat, qui bénéficie d’un important soutien financier du gouvernement du Japon. 28 Mauritania First Competition and Skills DPF. 29 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 2.3. Des réformes fondamentales sont encore nécessaires 67. Si la Mauritanie a déjà accompli de grands progrès, il reste cependant beaucoup à faire, et les réformes décrites ci-dessous seront primordiales pour améliorer le climat des affaires et favoriser le développement du secteur privé. Les autorités mauritaniennes devraient se concentrer en priorité sur l’amélioration de l’accès aux financements. Le Gouvernement est encouragé à continuer à mettre en œuvre la feuille de route des réformes 2019-2020 en s’appuyant sur le dialogue public-privé et en communicant d’avantage et mieux sur les réformes. La qualité des feuilles de route pourrait également être améliorée à l’avenir. Au-delà de ces réformes à moyen terme, d’autres réformes, plus profondes, plus fondamentales, pourraient être envisagées pour passer à un niveau supérieur d’amélioration du climat des affaires et de développement du secteur privé en Mauritanie. 2.3.1. D’importants chantiers et défis sont encore à relever dans les prochaines années a) La Mauritanie devrait redoubler d’efforts pour améliorer l’accès au crédit 68. Les entreprises mauritaniennes identifient l’accès au financement comme la première contrainte limitant leur développement (voir Enterprise Surveys et GCI cités ci-dessus)29. En effet, le GCI classe la Mauritanie 138ème sur 140 sur l’indicateur relatif au secteur financier. La Mauritanie pèche notamment en ce qui concerne le financement des PME, la stabilité du système, la solidité des banques, et la proportion de prêts non-performants. Un système financier efficace et un secteur privé dynamique étant des moteurs importants d’une croissance durable et partagée, la Mauritanie devrait faire de l’accès au financement l’un de ses chantiers prioritaires. 69. La réforme du droit et le développement de la pratique des procédures d’insolvabilité sont essentiels pour l’amélioration de l’accès au financement des entreprises. De nombreuses études ont montré qu’un droit moderne augmente le niveau de crédit disponible dans l’économie (Menezes, 2014). L’environnement judiciaire et les procédures collectives d’apurement du passif (PCAP) sont les lieux de rencontre des créanciers et des débiteurs. Les tribunaux, les professionnels, et les institutions sont aussi essentiels pour garantir l’efficacité et la stabilité du système financier. Si les créanciers ne font pas confiance aux lois et à l’environnement judiciaire, ils sont moins disposés à prêter. Les débiteurs sont également moins disposés à chercher des moyens formels de financement s’ils n’ont pas une compréhension claire des conséquences juridiques liées à un défaut de paiement. 70. Le Gouvernement a entrepris des réflexions qui devraient mener à une réforme du droit et à un développement de la pratique des procédures d’insolvabilité. Comme souligné ci-dessus, le droit de l’insolvabilité n’est ni connu ni utilisé (à quelques rares exceptions près) en Mauritanie30. Pour remédier à cette situation, un diagnostic a été posé et des recommandations ont été proposées. Le droit des PCAP devrait être révisé courant 2019 afin d’inciter les débiteurs et les créanciers à y recourir. La réforme devrait offrir une procédure simplifiée pour les petites entreprises, un renforcement des mécanismes d’alerte (renforcement des liens entre RC, CSEE et tribunal de commerce pour aider à repérer les entreprises en difficulté), et un développement du droit des créanciers (droit de vote des créanciers quant à l’issue de la procédure et accès renforcé aux informations financières du débiteur). 71. Pour développer la pratique des PCAP, un important programme de sensibilisation et de formation devra être mis en œuvre. Ce programme visera à introduire et expliquer la législation des PCAP et son enjeu dans le développement de la confiance dans le milieu des affaires. Il ciblera les professionnels du droit (magistrats, greffiers, avocats, huissiers de justice, notaire, etc.) les professions du chiffre (experts comptables et commissaires aux comptes), et le secteur privé. 29 Selon les dernières données des « Enterprise Surveys » de la Banque mondiale, 52,4 % des entreprises interrogées indiquent que l’accès au financement est une contrainte majeure, ce qui est largement supérieur à la moyenne sub-saharienne (39,3 %). 30 Comme indiqué plus haut, cette absence de pratique est responsable du mauvais classement de la Mauritanie sur le sous-indicateur « résolution de l’insolvabilité » du rapport Doing Bu- siness. La Mauritanie y est classée 168e sur 193, dernier ex-aequo avec 17 autres pays n’ayant pas non plus de pratique selon Doing Business. 30 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 72. Il est important que les autorités mauritaniennes prennent conscience de la complexité de cet effort de sensibilisation et vulgarisation des procédures d’insolvabilité. En effet, l’expérience internationale montre que si le développement de la pratique des procédures d’insolvabilité est essentiel à l’amélioration de l’accès au crédit, cette évolution demeure très difficile à réaliser, dans la mesure où elle nécessite un changement des mentalités et des pratiques coutumières. L’implication profonde de l’ensemble des parties prenantes (gouvernement, ordre judiciaire, secteur bancaire, opérateurs économiques, etc.) sera essentielle au succès de cet effort. 73. Le droit des sûretés, qui organise l’ensemble des garanties de paiement des créances à terme, devra également être revu. Cette réforme visera à amener le droit des sûretés mauritanien au niveau des bonnes pratiques internationales, en s’inspirant notamment des instruments développés par la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI) sur les opérations garanties par des sûretés réelles mobilières. Cette réforme visera notamment à définir de façon claire la procédure, les mentions, les titres et les informations à mentionner en cas d’inscription de nantissement des actions ou des parts sociales d’une société commerciale, de nantissement de fonds de commerce, de renouvellement ou de radiation de l’inscription du privilège du créancier. Avec la modernisation et l’informatisation du registre du commerce et du crédit mobilier, cette réforme sera essentielle pour favoriser l’accès au crédit des entreprises en Mauritanie (voir Figure 40 ci-dessous pour l’impact de réformes similaires sur l’accès au crédit dans les états membres de l’OHADA). 74. Enfin, avec des prêts représentant 0,2% du PIB, le secteur de la microfinance reste très en dessous de son potentiel et pourrait être développé. Ce développement serait d’autant plus bénéfique que les Institutions de Microfinance (IMF) sont plus susceptibles de couvrir les besoins financiers des zones rurales (en particulier dans le domaine de l’agriculture), où les besoins sont particulièrement importants. Une façon de stimuler les IMF serait de leur donner accès à un système bancaire numérique centralisé (initiative devant être dirigée par le gouvernement ou la BC) et d’adopter une réglementation « sans agence » permettant aux IMF d’engager des agents au lieu d’ouvrir des succursales. b) Mise en œuvre de la feuille de route des réformes 2019-2020 75. Le Gouvernement est encouragé à continuer à mettre en œuvre la feuille de route des réformes 2019-2020. Cette feuille de route identifie quatre orientations stratégiques : (i) simplifier, dématérialiser et renforcer la transparence des procédures administratives ; (ii) simplifier la fiscalité et promouvoir l’accès au crédit ; (iii) moderniser la justice commerciale et améliorer la résolution des litiges commerciaux ; et (iv) améliorer la concertation et la communication sur les réformes. Parmi les réformes prévues par la feuille de route, on peut notamment citer le projet de simplifier la fiscalité des petites et moyennes entreprises en instaurant une déclaration unique pour la fiscalité directe des bénéfices. La modernisation du système d’adressage urbain à Nouakchott et dans les autres villes est également primordiale pour le développement du secteur privé sur le long terme. 76. Ces réformes devraient s’appuyer sur un dialogue public-privé plus inclusif. Les études montrent que l’implication du secteur privé dans toutes les phases d’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation des règles qui le concernent est essentielle au succès de la réglementation des affaires. Le Conseil Supérieur et le Comité Technique de l’amélioration du climat des affaires créés début 2019 (voir ci-dessus) constituent le lieu idoine pour la continuation et l’approfondissement de ce dialogue. Si la création de ces structures constitue une avancée notable, il demeure que le dialogue public-privé reste perfectible. En particulier, ce dialogue ne semble pas suffisamment inclusif et représentatif. En effet, le principal interlocuteur privé des autorités mauritaniennes est le patronat mauritanien (il est d’ailleurs le seul représentant du secteur privé dans le Conseil Supérieur). Ainsi, les PME, les femmes ou encore les jeunes ne sont que trop rarement consultés – alors même qu’ils et elles sont (ou devraient être) les premiers bénéficiaires de la plupart des réformes. Des structures comme le Club des Entrepreneurs de Mauritanie ou la Jeune Chambre de 31 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Commerce de Mauritanie devraient être soutenues et plus régulièrement impliquées dans les processus de réforme. 77. Une communication claire, efficace et innovante sur l’ensemble de ces réformes est primordiale. En effet, si des efforts de communication ont été entrepris ces dernières années, notamment autour des résultats du rapport DB, il faut noter que les utilisateurs de l’administration, les professionnels concernés (avocats, notaires, etc.) ou les bénéficiaires finaux (le secteur privé) ne sont que trop rarement mis au courant des réformes du climat des affaires. De nouvelles méthodes de communication plus spécifiques pour atteindre le public cible devront être développées et mises en œuvre. Les autorités mauritaniennes sont encouragées à préparer un plan d’action détaillé pour sensibiliser les secteurs privé et public, en parallèle. La diffusion pourrait également être associée à des boucles de rétroaction (« feedback loops ») pour s’assurer que les réformes atteignent leurs objectifs et que l’impact est réellement ressenti par le secteur privé. c) Elaboration des feuilles de route futures 78. La Mauritanie devrait continuer sa bonne pratique d’élaborer une feuille de route annuelle des réformes du climat des affaires, mais pourrait en améliorer la qualité. En effet, les feuilles de route pourraient être plus précises quant aux actions à entreprendre et aux préalables qu’elles impliquent. En ce qui concerne les réformes « Doing Business », celles-ci devraient mentionner non-seulement l’indicateur visé, mais aussi le sous-indicateur qui devrait être impacté par la réforme envisagée. 79. Les feuilles de route devraient également viser les réformes qui répondront le plus directement possible aux doléances exprimées par le secteur privé. A ce titre, la participation du secteur privé à l’élaboration des feuilles de route ne pourra être que bénéfique. Il apparait ainsi prioritaire de se concentrer sur les réformes visant l’amélioration de l’accès au crédit et le paiement des impôts et taxes. A ce titre, une réforme essentielle réclamée par le secteur privé mais non encore inscrite à la feuille de route des réformes du climat des affaires est la généralisation de la procédure de remboursement des crédits de TVA, qui est pour l’instant réservée aux seuls exportateurs. 80. Il est en outre essentiel que les feuilles de route aillent au-delà des réformes mesurées par le rapport DB. De nombreuses réformes tout à fait essentielles pour le secteur privé ne sont en effet pas capturées par la méthodologie Doing Business. Les feuilles de route futures devraient donc s’inspirer également d’autres indices, comme par exemple du Global Competitiveness Index du Forum Economique Mondial. 2.3.2. Pistes de réflexion pour améliorer le climat des affaires en profondeur 81. Le Gouvernement et le secteur privé sont invités à poursuivre leurs réflexions sur la politique de la concurrence, l’intégration à un ensemble régional, l’égalité juridique entre les genres, le renforcement du capital humain et la modernisation de la politique foncière. Chacun de ces sujets est primordial pour l’amélioration du climat des affaires et le développement du secteur privé dans le pays. Le gouvernement et le secteur privé en sont bien conscients, comme le montrent les travaux en cours sur l’ensemble de ces sujets, qui sont toutefois présentés ici en tant que « pistes de réflexion » dans la mesure où ces travaux n’en sont qu’à leurs débuts. a) Réformer la politique de la concurrence 82. Le manque de concurrence freine le développement du secteur privé et la diversification économique. Même si la Mauritanie est relativement ouverte au commerce et a adopté des réformes pour libéraliser des secteurs clés de l’économie (par exemple celui des télécommunications), la concurrence reste très limitée dans le pays. La Mauritanie est ainsi avant-dernière du classement mondial GCI sur la 32 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 domination du marché et la prévalence des barrières non-tarifaires. (Figure 39 et Tableau 2). Ceci est dû au fait que les marchés privés montrent de fortes tendances oligopolistiques avec la domination d’entreprises puissantes et bien connectées. En même temps, le Gouvernement intervient dans l’économie via les sociétés d’État (World Bank, 2018b). Certaines réformes ont eu lieu dernièrement dans ce domaine, par exemple sur les conditions d’accès aux marchés publics, mais il reste beaucoup à faire. En particulier, l’accès des PME aux marchés publics reste faible ou inexistant, la plupart des marchés étant attribués à des grands groupes familiaux bien connectés. Figure 39: La Mauritanie est l’un des pays les moins concurrentiels au monde Source : Global Competitiveness index et calculs des auteurs. Note(s) : Dans chaque graphique, la ligne représente la relation linéaire pour les données et la zone ombrée représente l’intervalle de confiance de 95%. 83. Les autorités peuvent renforcer la concurrence, comme le souligne la SCAPP, à travers l’adoption de plusieurs politiques favorables à la concurrence. La SCAPP souligne l’importance de la politique de la concurrence dans la réalisation des objectifs du Gouvernement et reconnaît que la gouvernance des marchés n’a pas été efficace jusqu’à présent. Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement devrait travailler sur trois piliers (World Bank, 2018b) : - Encourager les réglementations favorables à la concurrence afin d’ouvrir les marchés et de supprimer les réglementations sectorielles anticoncurrentielles ; - Promouvoir des conditions de concurrence équitables et garantir la neutralité concurrentielle ; et - Renforcer l’efficacité de la politique et de la législation sur la concurrence en éliminant les cartels implicites qui augmentent les coûts des intrants et réduisent l’accès à une plus grande variété de produits. b) Envisager l’intégration à un ensemble régional, tel que l’OHADA 84. L’adhésion à un mécanisme d’intégration régionale, tel que l’OHADA, pourrait être bénéfique à la Mauritanie. Créée en 1993, l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) est une initiative innovante et ambitieuse regroupant 17 pays d’Afrique de l’Ouest, du Centre, et de l’Océan Indien. Elle fournit un cadre juridique et règlementaire uniforme en matière de droit commercial, droit des sociétés, droit des sûretés, droit des PCAP et droit de l’arbitrage, notamment. L’Organisation est ouverte à tout état membre de l’Union Africaine. L’institution a démontré comment l’intégration économique régionale peut contribuer à la création de marchés, et comment des cadres juridiques et règlementaires uniformes modernes permettent aux entreprises de prospérer plus facilement (IFC, 2018b). En effet, les réformes entreprises par l’OHADA ont contribué à augmenter le crédit intérieur au secteur privé de 1,1 milliard de dollars EU au Sénégal, de 894 millions de dollars au Burkina Faso, de 729 millions de dollars au Togo, et de 607 millions de dollars au Mali (Figure 40). 33 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Figure 40: Le crédit intérieur (% PIB) dans les pays de l ’Afrique de l’Ouest a augmenté après l’adoption de la réforme du droit des sûretés Source : (IFC, 2018b) 85. La Mauritanie pourrait étudier la possibilité de rejoindre l’OHADA. Cette adhésion faciliterait les échanges commerciaux avec les autres membres de l’organisation ainsi qu’avec les investisseurs internationaux opérant dans ces pays. Elle permettrait également à la Mauritanie de bénéficier d’un corpus de droit moderne, inspiré des meilleures pratiques internationales. Elle permettrait enfin de faire appel à l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature, l’un des organes de l’Organisation, afin d’assurer la formation et le renforcement des capacités des juges et du personnel judiciaire. Deux des voisins immédiats de la Mauritanie, le Sénégal et le Mali, sont déjà membres de l’OHADA31. Le Maroc évalue la possibilité d’adhérer à l’organisation. Si tel était le cas, la question de son adhésion se poserait alors d’autant plus pour la Mauritanie32. c) Promouvoir l’égalité juridique entre les genres 86. L’égalité hommes-femmes est un élément essentiel de la croissance économique. Une plus grande égalité peut renforcer la productivité, améliorer le développement pour la prochaine génération, et rendre les institutions plus représentatives. Si l’accès des femmes aux opportunités économiques est lié à de nombreux facteurs, les études montrent que les lois et la réglementation peuvent influencer leur participation dans l’économie. Il a en effet été montré que les différences juridiques entre les genres diminuent la participation des femmes au marché du travail et nuisent à la croissance du PIB (Gonzales et al., 2015). La recherche estime même qu’une grande partie des différences du PIB par habitant entre les pays peut être attribuée à l’inégalité entre les sexes et que de nombreux pays peuvent accroître leur PIB en supprimant les barrières liées au genre sur le marché du travail (Cavalcanti et Tavares, 2015). L’égalité des chances permet aux femmes de faire les meilleurs choix pour elles-mêmes, leur famille et leur communauté. Cependant, il n’y a pas d’opportunités économiques égales là où existent des différences juridiques entre les sexes. 31 Les autres membres sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la République Centrafricaine, le Tchad, les Comores, la Côte d’Ivoire, la République Démocratique du Congo, la Guinée Equatoriale, le Gabon, la Guinée-Bissau, le Niger, la République du Congo, et le Togo 32 L’Arabe n’est pas une langue officielle de l’OHADA mais il le deviendrait automatiquement si un pays arabophone adhérait. Les langues officielles sont actuellement le Français, l’Anglais, l’Espagnol et le Portugais. Tous les textes de l’OHADA sont produits dans l’ensemble des langues officielles. 34 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 87. La Mauritanie est sous-performante sur l’indice d’égalité juridique entre les sexes. Le rapport « Les Femmes, l’Entreprise et le Droit » (Women, Business and the Law, ou WBL) de la BM mesure l’égalité juridique entre les genres dans 187 économies. Pour comprendre où les lois facilitent ou entravent la participation des femmes à l’économie, ce rapport a introduit un indice fondé sur les décisions économiques prises par les femmes à différentes étapes de leur vie professionnelle. Trente-cinq questions portant sur huit indicateurs sont notées et le score global d’un pays est égal à la moyenne non-pondérée des huit scores sur une échelle de 0 à 100 (où 100 représente le meilleur score)33. Le score de la Mauritanie sur cet indice d’égalité juridique entre les sexes était de 41.9 sur 100 en 2018. Ce score indique que, dans les domaines couverts par le rapport, les femmes mauritaniennes bénéficient de moins de la moitié des droits légaux dont bénéficient les hommes. Par conséquent, la Mauritanie est classée à la 176ème place sur 187 économies étudiées, derrière l’ensemble des pays pairs. Cette inégalité des chances entre femmes et hommes peut impliquer un coût économique car la capacité des femmes à faire des choix efficaces et à les transformer en résultats économiques dépend de lois qui ne limitent pas leur libre arbitre ni leurs activités économiques. 88. Le faible score de la Mauritanie résulte de lois qui limitent l’emploi des femmes et leur capacité à créer une entreprise ou à prendre des décisions économiques. En particulier, la Mauritanie est sous- performante sur six des huit indicateurs du rapport WBL (Figure 41). Le pays obtient un score de 25 sur 100 sur l’indicateur de rémunération, car les femmes n’ont pas le droit de travailler dans les emplois jugés ardus ni dans les mêmes secteurs que les hommes, y compris les usines, les manufactures, les mines et les chantiers. En outre, la loi ne garantit pas une rémunération égale pour un travail de valeur égale. De plus, le score sur l’accès à l’emploi n’est que de 25 sur 100 car il n’existe pas de législation concernant le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. Pour l’indicateur sur le mariage, le score est de 0 parce que les contraintes juridiques liées au mariage demeurent et qu’aucune législation sur la violence domestique n’existe. Concernant la maternité, la Mauritanie obtient 40 sur 100 car ni le congé de paternité payé, ni le congé parental payé n’existent. De plus, la loi n’interdit pas le licenciement des femmes enceintes. Figure 41: Le score de la Mauritanie est particulièrement bas sur six des huit indicateurs du rapport Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 100 25 25 0 40 75 20 50 41,88 Source : Indice WBL, 2018 89. Afin de promouvoir l’accès des femmes aux activités économiques, la Mauritanie pourrait adopter des réformes garantissant une rémunération égale pour un travail de valeur égale et interdisant et sanctionnant le harcèlement sexuel. La Mauritanie pourrait obtenir un score parfait sur l’indicateur « rémunération » en levant les restrictions imposées au travail des femmes. En effet, l’article 247 de Loi N ° 2004-017 du code du travail interdit aux femmes d’exercer des travaux excédant leurs forces ou des travaux susceptibles de nuire à leur santé, à leur intégrité physique, ou à leur moralité34. L’article 166 de la même loi interdit aux femmes de travailler dans les mêmes secteurs que les hommes, y compris les usines, les manufactures, les mines et les chantiers. Bien qu’il soit primordial d’assurer la santé et la sécurité au travail, la protection doit être garantie pour l’ensemble des travailleurs, indépendamment de leur sexe ou d’autres caractéristiques. L’accès à l’emploi pour les femmes et la capacité de ces dernières à rester employée seraient améliorés si les autorités adoptaient une loi concernant le harcèlement sexuel sur le lieu du travail, assortie de recours civils ou sanctions pénales. 33 Voir notamment http://wbl.worldbank.org/en/data/exploreeconomies/mauritania/2018 34 Les normes internationales du travail sont passées d’une approche où seule était considérée la protection des femmes, basée sur la soi-disant différence absolue entre les hommes et les femmes, à la recherche d’une homogénéisation des droits et de la protection de l’ensemble des travailleurs, aussi bien des femmes que des hommes, et à la volonté de faire du lieu de travail un lieu sûr pour tous les travailleurs indépendamment de leur sexe et d’autres caractéristiques. Voir notamment http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/@dgreports/@gender/documents/ publication/wcms_106292.pdf. 35 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 90. En outre, la Mauritanie pourrait faciliter la gestion d’entreprise, la gestion des actifs et améliorer les prestations de retraite. Le score pourrait également être amélioré en interdisant toute forme de discrimination fondée sur le genre de la part des créanciers en matière d’accès au crédit, en accordant aux femmes et hommes des droits de propriété égaux et en prenant en considération les contributions non-monétaires dans le cadre du mariage. La Mauritanie pourrait également renforcer son classement en égalisant l’âge de la retraite obligatoire des hommes et des femmes et les âges auxquels les hommes et les femmes peuvent prendre leur retraite avec des prestations de retraite complètes. En plus de supprimer les lois discriminatoires, il est nécessaire de garantir que la discrimination est interdite et que des lois d’égalité des sexes sont mises en œuvre. D’autres facteurs, tels que les normes sociales, les différences d’accès à l’éducation, les actifs et les réseaux, ou encore les contraintes au niveau des ménages, déterminent également la capacité et le processus décisionnel des femmes, conduisant souvent à des emplois moins rémunérés et opérant dans l’économie informelle. d) Renforcer le capital humain 91. La Mauritanie souffre d’un capital humain très faible. Le pays se classe en effet à la 151ème place sur 157 économies sur l’Indice du Capital Humain (Human Capital Index) publié en octobre 2018 par la Banque mondiale35. La Mauritanie se situe ainsi derrière l’ensemble de ses pairs régionaux, structurels, et aspirationnels (Figure 42). Cela est par ailleurs confirmé par le GCI du Forum Economique Mondial, qui classe la Mauritanie à la 131ème position sur 140 sur l’indicateur relatif à la qualification de la main d’œuvre, derrière l’ensemble de ses pairs. Ces indices mettent en lumière la faiblesse du système éducatif mauritanien et l’absence de formations offertes par les entreprises. 92. Le manque de compétences aptes à l’emploi et la faible éducation et formation sur le marché du travail constituent un obstacle majeur pour les entreprises. Les entreprises mauritaniennes souffrent du manque de compétence de la main-d’œuvre qui est, en moyenne, moins éduquée que dans la plupart des pays pairs (Figure 43). Cela est dû essentiellement à deux contraintes. Premièrement, de nombreux travailleurs ont peu ou pas d’éducation et très peu d’entreprises offrent une formation formelle à leurs employés. Deuxièmement, malgré le triplement du nombre de diplômés entre 2009 et 2017, l’offre de programmes de formation dans les écoles techniques et professionnelles reste limitée, représentant moins de 10% de l’ensemble des effectifs de l’enseignement post-fondamental. En conséquence, les pénuries de compétences restent importantes, ce qui crée de graves problèmes pour le développement des entreprises. Ainsi, la Mauritanie devrait investir dans son capital humain pour améliorer la productivité de ses travailleurs. 35 L’indice du capital humain quantifie la contribution de la santé et de l’éducation aux niveaux de productivité de la prochaine génération de travailleurs. Il permet aux pays d’évaluer le manque à gagner résultant de leurs déficits de capital humain, et dans quelle mesure ils pourraient progresser plus vite et transformer ces pertes en autant de gains en agissant maintenant. Voir http:// www.banquemondiale.org/fr/publication/wdr2019 36 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Figure 42: La Mauritanie se situe derrière ses pairs sur Figure 43: Le niveau d’éducation de la main-d’œuvre l’indice de capital humain mauritanienne est faible Source : WDI et calculs des auteurs. Source : World Bank Enterprise Survey et calculs des auteurs. e) Améliorer la politique foncière 93. Après avoir achevé la réforme du Code des Droits Réels, il est essentielde traiter la problématique du foncier. Les questions foncières sont au centre des enjeux du processus de développement eu égard aux pressions croissantes sur les terres, à l’expansion urbaine incontrôlée, aux besoins d’investissement à grande échelle, et à la lutte contre la pauvreté. Par ailleurs, des structures sociales ancestrales ont maintenu de fortes inégalités d’accès à la terre et malgré les dispositions prises par le Gouvernement pour abolir l’esclavage en 1981, ces inégalités persistent et risquent de menacer la cohésion sociale. La formalisation des droits fonciers ne concerne qu’un faible nombre de terrains : il n’y a en Mauritanie que 32.000 titres fonciers et, compte tenu de procédures relativement complexes, le rythme des immatriculations varie autour de 500 nouveaux titres par an. Le traitement de questions foncières devient une nécessité, or le cadre légal établi il y a 36 ans et basé sur une gestion des terres par une administration foncière aux capacités limitées ne permet pas d’améliorer la gouvernance foncière. Les procédures et les coûts d’obtention de documents fonciers restent hors de portée de la plupart des Mauritaniens (World Bank, 2019). 94. Une politique ambitieuse de clarification et de sécurisation des droits et des transactions sur la terre reste à concevoir. En milieu rural, de nombreuses expériences d’enregistrement des droits fonciers et de concertations pour une gestion concertées des terres peuvent inspirer les fondements d’une politique foncière rénovée. Des innovations restent à mettre au point dans le cadre d’opérations pilotes notamment (i) pour clarifier la répartition des terres domaniales et des terres relevant du patrimoine des particuliers ; (ii) pour mettre au point une documentation foncière en faveur de tout exploitant et (iii) pour parvenir à un consensus sur des objectifs d’aménagements différenciés de l’espace rurale (terres destinées aux communautés, à des aménagements par l’Etat, à des réserves foncières, aux investissements privés). En milieu urbain, l’enjeu est de parvenir à une régularisation massive des parcelles résidentielles, commerciales et industrielles et de mettre en place un dispositif susceptible de sécuriser les transactions. Depuis 2017, le Gouvernement mauritanien s’est engagé dans un processus de réforme pour mettre en place des solutions juridiques et opérationnelles. Des opérations de sécurisation foncière urbaine et rurale sur des zones restreintes seront mises en place en 2019. Elles fourniront au Gouvernement des éléments pour un dialogue national sur la question foncière et les fondements d’une politique foncière rénovée. 37 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 2.4. Proposition de plan d’action 95. L’amélioration du climat des affaires est un processus, non une action ponctuelle. Les politiques et les comportements des pouvoirs publics qui influent sur le climat des affaires couvrent un champ d’action très vaste avec des complexités différentes. Par conséquent, l’un des principaux défis que doit relever le Gouvernement est d’établir les priorités en termes de réformes. Pour faciliter ce processus, nous proposons ci-dessous un plan d’action qui présente les réformes mises en évidence dans ce rapport en fonction d’un horizon à court, moyen ou long terme (Tableau 3). 38 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Tableau 3: Proposition de plan d’action pour améliorer le climat des affaires et développer le secteur privé Objectifs Actions à mettre en œuvre Horizon Améliorer l’efficacité et renforcer Former, spécialiser et stabiliser les magistrats. 1 l’indépendance des institutions judi- Court terme Informatiser ciaires Améliorer la qualité et la disponibilité Moderniser et informatiser les registres du commerce et mettre en 2 Court terme des informations sur les entreprises place le Registre Central Offrir des alternatives à la justice éta- Développer les modes alternatifs de règlement des litiges et renforcer 3 Court terme tique le CIMAM Améliorer l’accès au crédit, en particu- Développer la pratique des procédures d’insolvabilité et reformer le 4 Court terme lier des PME droit des sûretés 5 Faciliter le paiement des impôts Mettre en place une solution de télépaiement Court terme Améliorer le raccordement à l’électri- 6 Développer les infrastructures, réduire les pannes, diminuer les coûts Court terme cité Numériser les titres fonciers, les titres de propriété et le cadastre dans 7 Faciliter le transfert de propriété Moyen terme l’ensemble du pays Impliquer systématiquement le secteur privé dans l’élaboration, la mise 8 Faciliter le dialogue public-privé en œuvre et l’évaluation des réformes. Faciliter un dialogue plus inclusif Moyen terme (PME) Améliorer les feuilles de route des ré- Répondre aux contraintes qui affectent le plus le secteur privé et aller 9 Moyen terme formes du climat des affaires au-delà des « réformes DB » Améliorer la communication sur les S’appuyer sur les méthodes innovantes du secteur privé pour atteindre 10 Moyen terme réformes les publics ciblés Développer l’esprit et les pratiques en- Concevoir une politique de développement de l’esprit et des pratiques 11 Longt terme trepreneuriales entrepreneuriales Améliorer la mise en œuvre du cadre légal de lutte contre la corrup- 12 Lutter contre la corruption Longt terme tion (notamment la loi anti-corruption de 2016) Lutter contre la concurrence déloyale Concevoir une politique de lutte contre la concurrence déloyale du 13 Longt terme du secteur informel secteur informel Réformer la politique de la concurrence et promouvoir des conditions 14 Accroître la concurrence Longt terme de concurrence équitables Faciliter l’accès des PME aux marchés Mettre en œuvre les récentes réformes de la règlementation des mar- 15 Longt terme publics chés publics Envisager l’adhésion à un mécanisme Réaliser une analyse coûts-bénéfices sur une possible adhésion à 16 Longt terme d’intégration régionale l’OHADA Développer l’accès des femmes aux Promouvoir l’égalité juridique entre les genres et encourager l’entre- 17 Longt terme opportunités économiques preneuriat féminin Renforcer le capital humain et amélio- Développer les formations techniques et professionnelles et inciter les 18 Longt terme rer la productivité des travailleurs entreprises à former leurs employés Concevoir une politique de clarification et de sécurisation des droits 19 Améliorer la politique foncière Longt terme et des transactions sur la terre 39 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Références Abadie, A., Diamond, A., & Hainmueller, J. 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Amélioration de la justice commerciale, Développement des modes alternatifs de règlement des litiges, et Modernisation du registre du commerce. Report Preparé by Claire Dollman. IFC. (2018b). Evaluation de l ’ Impact des Réformes OHADA. Washington D.C. IFC. (2018c). Rapport portant Diagnostic et Recommandations pour la Modernisation du Registre du Commerce de Mauritanie. Report Prepared by Adel Chouari. IFC. (2018d). Rapport sur l’informatisation du Registre du Commerce. Report Prepared by Mathieu Ouattara. IFC. (2019). Projet de réforme du Code de l’Arbitrage. Report Prepared by Bintou Boli Djibo. 40 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 IMF. (2018). Islamic Republic of Mauritania: Second Review Under the Extended Credit Facility Arrangement. Country Report No. 18/365. Washington D.C. Matta, S., Appleton, S., & Bleaney, M. (2019). The Impact of the Arab Spring on the Tunisian Economy. World Bank Economic Review, 33(1), 231 -258. Menezes, A. (2014). 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(2019a). Growing in the Shadow: Challenges of Informality. In Global Economic Prospects - January. Washington D.C. World Bank. (2019b). Macroeconomic Management of Gas Revenues in Mauritania, forthcoming. Washington D.C.  41 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Annexe I : Méthodologie d’identification des pays comparateurs (ou pairs) Le benchmarking (ou le référencement) est la comparaison systématique des performances d’un pays avec celles de pays comparables présentant certaines caractéristiques socio-économiques communes. Les comparaisons permettent aux pays (dans le cas présent, la Mauritanie) d’identifier des différences importantes dans leurs performances par rapport aux pays comparateurs (structurels ou aspirationnels). Le benchmarking est largement utilisé par les institutions internationales pour l’élaboration des politiques suivies dans différents domaines : commerce, facilitation des affaires et croissance économique (D’Acosta et al., 2013 ; Johnson et al., 2007 ; Kapsoli and Teodoru, 2017), entre autres. Outre le benchmarking par rapport à l’ASS, nous utilisons un algorithme pour identifier les pairs structurels et aspirationnels et référencer la Mauritanie par rapport à la moyenne de ces deux groupes (Tableau A.1). Nous définissons les « pairs structurels » comme des pays qui présentent actuellement des caractéristiques structurelles et économiques similaires à celles de la Mauritanie, tandis que les « pairs aspirationnels » sont des pays qui sont parvenus à croître beaucoup plus vite que la Mauritanie malgré un contexte économique et structurel initialement similaire. En résumé, cette méthodologie a abouti à la sélection du Bénin, du Nicaragua, et du Sénégal comme pairs structurels, et du Laos et de la Moldavie comme pairs aspirationnels. Tableau A.1: Critères adoptés pour sélectionner les pairs régionaux, structurels et aspirationnels pour la Mauritanie Groupe de pairs Définition Critères de sélection Pays sélectionnés Pays du même continent • Pays d’Afrique subsaha- • Moyenne des pays rienne d’Afrique subsaharienne, hors Pairs régionaux Mauritanie et pays riches de l’Afrique subsaharienne, à savoir Botswana, Nigéria et Afrique du Sud • Pays ayant un PIB par ha- bitant, une espérance de vie et une pénétration de téléphone mobile comprise dans une bande de +/- 30 • Bénin Pairs structurels Pays présentant des caractéristiques % des valeurs constatées pour la • Nicaragua économiques similaires à celles de Mauritanie en 2010-2014 • Sénégal la Mauritanie en 2010-2014 • Pays (i) exportateurs de matières premières (ii) non-encla- vés et (iii) ayant une population entre 1 et 20 millions en 2010-2014 • Pays exportateurs de matières premières et dont la popu- lation était comprise entre 1 et 20 millions en 2000-2003 Pays présentant des caractéristiques • Pays ayant un PIB par per- • Laos Pairs aspirationnels structurelles similaires à celles de sonne compris dans une bande de • Moldavie la Mauritanie en 2000-2003, mais +/- 30 % relatif au PIB par personne ayant connu une croissance (par de la Mauritanie en 2000-2003 personne) nettement plus rapide • Pays ayant connu une croissance par personne plus rapide de 2 points de pourcentage que celle de la Mauritanie en 2000-2017 42 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Annexe II : Décomposition Shapley La méthode Shapley décompose (World Bank, 2012) la croissance du PIB par habitant en (i) croissance associée à l’évolution du PIB par travailleur, (ii) en croissance associée à l’évolution du taux d’emploi, et (iii) en croissance associée aux changements de la population en âge de travailler. L’équation suivante pour le PIB par habitant est la base de cette décomposition : où Y représente le PIB réel, N la population totale, A la population en âge de travailler, E l’emploi, Y/E le PIB par travailleur (ci-après dénoté avec p ), E / A le taux d’emploi, (dénoté avec e ), E / N la part de la population active dans la population totale (dénoté avec w), et y le PIB par habitant. Les fractions de croissance associées aux modifications des trois composantes susmentionnées peuvent être calculées sur la base d’une équation de la croissance du PIB par habitant, comme suit: où p, e, et w dénotent les contributions respectives des variations de la productivité du travail, du taux d’emploi et de la composante démographique. Annexe III : Méthodologie pour développer l’indice de stabilité macroéconomique La stabilité macroéconomique est une condition nécessaire pour une croissance économique stable et soutenue (Bleaney, 1996). Les économistes argumentent que l’instabilité macroéconomique peut être observée à travers l’inflation, les déficits budgétaires, et les déficits des comptes courants. En particulier, les périodes d’inflation extrême affectent négativement la croissance à travers des effets négatifs sur les investissements et la croissance de la productivité (Barro, 2013; Bruno and Easterly, 1998; Fischer, 1993). De même, de larges déficits budgétaires et des niveaux d’endettement élevés nuisent à la croissance en augmentant les taux d’intérêt et donc le coût des investissements, ou en générant la nécessité de mesures budgétaires restrictives (Brauninger, 2005; Fischer, 1993). Enfin, les déficits du compte courant reflètent les vulnérabilités financières d’une économie. En suivant la méthodologie adoptee dans l’India Development Update (World Bank, 2018a), nous construisons un indice de stabilité macroéconomique (MSI) sous la forme: où Ιn f li;t, FBi;t, and CABi;t dénote respectivement l’inflation IPC, le solde budgétaire et le solde du compte courant pour un pays i à une année t. Par ailleurs, σi représente l’écart type de chaque variable et pays i. Toutes les données brutes et les projections sont extraites du modèle macro-fiscal (MFMod) de la Banque mondiale (Février 2019). Une augmentation de la valeur de l’indice indique que la stabilité macroéconomique s’améliore.  43 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Annexe IV : Tableaux statistiques Tableau A.2: Indicateurs macroéconomiques clés 2016 2017 E2018 P2019 P2020 P2021 Économie réelle (changement annuel, sauf indication contraire) 1,666 1,781 1,915 2,151 2,347 2,579 Croissance du PIB réel 2.0 3.0 3.6 6.7 5.8 6.0 Croissance du PIB réel par habitant -0.8 0.3 0.8 3.8 2.9 3.1 PIB par habitant ($ US courants) 1,100 1,125 1,181 1,233 1,244 1,273 PIB extractif, croissance 0.2 -9.0 -14.2 20.2 6.6 5.9 PIB non-extractif, croissance 2.3 4.7 5.7 5.4 5.8 6.1 y/c secteur primaire 3.0 4.8 5.8 5.5 5.9 6.5 y/c services -5.2 4.1 5.9 5.7 5.7 6.3 Prix (changement annuel, sauf indication contraire) Déflateur du PIB 4.1 3.8 3.8 5.3 3.1 3.6 Inflation de l'IPC 1.5 2.3 3.0 3.7 3.9 3.9 Prix du fer ($ / dmt) 58.4 71.8 69.8 76.5 70.2 70.0 Prix du cuivre ($ / mt) 4,868 6,170 6,530 6,267 6,278 6,286 Prix du pétrole (US $ / bbl) 42.8 52.8 68.3 59.2 59.0 58.1 Prix de l'or ($ / troy oz) 1,249 1,258 1,269 1,269 1,321 1,359 Comptes Budgétaires (pourcentage du PIB, sauf indication contraire) Dépenses 28.2 27.9 26.6 27.1 27.2 27.3 Revenues 27.7 27.6 28.0 27.2 27.5 27.5 Solde Budgétaire Primaire (hors dons) -1.3 0.2 2.4 1.0 0.9 0.8 Solde Budgétaire Primaire 0.5 1.2 3.1 1.7 1.7 1.4 Solde Budgétaire (hors dons) -2.4 -1.2 0.8 -0.6 -0.4 -0.4 Solde Budgétaire -0.5 -0.2 1.5 0.1 0.4 0.2 Dette Publique (y compris la dette du Koweit) 97.8 95.6 100.9 95.9 97.0 94.4 Domestique 4.7 5.0 12.8 11.3 10.8 10.4 Externe 93.1 90.6 88.1 84.7 86.2 84.0 Dette publique (hors dette du Koweit) 76.4 75.7 81.9 78.2 79.9 78.2 Balance des Paiements (pourcentage du PIB, sauf indication contraire) Solde du Compte Courant -14.9 -14.3 -18.0 -15.5 -20.2 -16.9 Solde de la Balance de Commerce -10.6 -7.5 -13.3 -8.3 -10.9 -8.8 Importations -40.1 -42.1 -48.2 -43.9 -46.5 -43.9 Exportations 29.6 34.6 34.9 35.7 35.6 35.1 Services (Net) -7.1 -10.2 -7.8 -11.0 -13.5 -12.1 Revenues (Net) -2.5 -1.6 -0.6 0.8 1.1 1.1 Investissement Direct Étranger 5.7 11.8 16.2 11.5 17.3 15.3 Réserves brutes (millions US$) 825 849 919 1,011 1,199 1,317 en mois d'importations de biens 5.2 4.9 4.3 4.8 5.2 5.7 en mois d'importations (biens et services) 3.9 3.6 3.7 3.8 4.0 4.5 Taux de change (moyenne, MRU/1US$) 35.2 35.8 35.7 .. .. .. PIB (nominal, milliards de MRU) 166.6 178.1 191.5 215.1 234.7 257.9 Source : MEF, Office National des Statistiques, BCM, FMI, chiffres de la population des Nations Unies, calculs des auteurs 44 Rapport sur la situation économique en Mauritanie - Mai 2019 Tableau A.3: Indicateurs budgétaires clés % du PIB (base cash) 2016 2017 E2018 P2019 P2020 P2021 Recette Total 27.7 27.6 28.0 27.2 27.5 27.5 Recette Hors-Extractives & Hors-Dons 24.2 24.3 24.9 24.3 24.4 24.6 Recettes Fiscale 16.5 17.4 18.4 18.5 18.5 18.7 Recette non-Fiscale 7.7 7.0 6.5 5.8 5.9 5.9 Recettes Extractives 1.6 2.3 2.5 2.2 2.4 2.4 Dons 1.9 1.0 0.6 0.7 0.8 0.6 Dépenses et prêts nets 28.2 27.9 26.6 27.1 27.2 27.1 Dépenses courantes 16.6 17.2 17.6 16.6 16.5 16.5 Salaires et traitements 7.4 7.3 7.3 7.5 7.7 7.9 Biens et services 3.5 3.5 3.4 3.4 3.4 3.4 Transferts courants 3.3 3.1 3.1 2.9 2.8 2.7 Intérêts sur la dette publique 1.0 1.4 1.6 1.6 1.3 1.2 Extérieurs 0.8 1.2 1.4 1.1 1.0 1.0 Intérieurs 0.2 0.3 0.2 0.4 0.3 0.2 Autres 1.3 1.8 2.2 1.3 1.3 1.3 Dépenses d'équipement et prêts nets 11.6 10.6 8.8 10.5 10.7 10.6 Investissements financés par extérieur 2.7 2.1 1.5 2.4 2.3 2.2 Investissements financés par intérieur 9.0 8.5 7.3 8.1 8.4 8.4 Restructurations et prêts nets 0.0 0.1 0.1 0.0 0.0 0.0 Solde Budgétaire Primaire (hors dons hors extractives) -2.9 -2.1 -0.1 -1.2 -1.5 -1.6 Solde Budgétaire Primaire 0.5 1.2 3.1 1.7 1.7 1.4 Solde Budgétaire (hors dons hors extractives) -4.0 -3.5 -1.7 -2.8 -2.8 -2.8 Solde Budgétaire -0.5 -0.2 1.5 0.1 0.4 0.2 Source : MEF, FMI et calculs des auteurs. 45