Annexe 5: Lettre de Politique de Développement O FFICIAL DOCUMENTS MINISTERE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES Antananarivo, le 0 6 NOV 2019 Le Ministre Monsieur David Malpass Président du Groupe de la Banque Mondiale 1818 H Street NW Washington DC Monsieur le Président, Les élections présidentielles qui se sont déroulées à Madagascar en 2018, marquent le passage à une nouvelle trajectoire de développement du pays. Le document de Politique générale de l'Etat (PGE) a été présenté au Parlement, avec pour objectif principal de rattraper le retard de développement accumulé depuis plus de 50 ans. En outre, un nouveau document stratégique, le Plan Emergence Madagascar 2019-2023 (PEM) est en cours de finalisation. Ce dernier va permettre de fixer le cadre global de planification nationale et de définir les actions et programmes prioritaires en vue de concrétiser les engagements du Président de la République de Madagascar. La présente lettre de politique de développement témoigne de la volonté du gouvernement en place à relever les défis pour la création des conditions favorables à une croissance économique forte et inclusive à travers l'amélioration de la résilience du pays aux catastrophes et risques climatiques. Dans ce cadre, le Gouvernement a initié un programme de réformes qui se déclinent en 3 piliers spécifiques : i) Modernisation du système national de gestion des risques et des catastrophes (GRC) ; ii) Renforcement de la résilience financière aux catastrophes ; et iii) Intégration de l'adaptation au changement climatique (ACC) et la résilience aux catastrophes dans la planification territoriale et urbaine. Ces actions s'inscrivent dans l'objectif de l'émergence et visent à assurer une croissance durable. * L'éradication de la pauvreté demeure l'objectif majeur du gouvernement. Madagascar est classé parmi les pays les plus pauvres au monde, avec 75 % de la population qui vit au-dessous de 1,90 dollar par jour. Le secteur primaire emploie plus de 75% de la population tandis que sa part dans la production intérieure n'atteint que 28% du PIB à cause de la faible productivité, en particulier, l'agriculture. La riziculture pluviale est fortement exposée aux effets négatifs du changement climatique. Les techniques d'élevage restent primitives et l'insécurité rurale dissuade les paysans à développer leurs activités. En outre, Madagascar est l'un des pays les plus affectés par des aléas climatiques en Afrique avec une moyenne de trois cyclones par année. La croissance économique reste stable, avec un taux de croissance estimé à 5,0 % en 2019. Cette performance est tirée notamment du secteur secondaire qui prévoit un taux de croissance de 7,5% sur l'année. Le renforcement des investissements dans le secteur énergie ainsi que le développement des zones franches d'exportation en sont les principales causes. Le secteur tertiaire, enregistre une croissance de 5,1% résultant de la réalisation des divers projets d'infrastructures visant aux objectifs de l'émergence. Au niveau du secteur primaire, les conditions climatiques en 2019 ont été favorables pour la production rizicole en 2019. En revanche, les exportations des principales cultures de rente et des produits de la pêche, ont connu un ralentissement au cours du premier semestre. Ainsi, la croissance de l'activité du secteur primaire a ralenti pour atteindre 2,8 % en moyenne en 2019. L'inflation en glissement annuel est contenue à 6.8% en 2019 (fin de période) grâce à la mise en œuvre d'une politique monétaire prudente. Au niveau des finances publiques, le Gouvernement poursuit ses efforts de mobilisation des recettes et de renforcement de la gestion des dépenses. Le taux de pression fiscale est estimé à 10,7% en 2019, une hausse de 0,5 point par rapport à celui de 2018. Du côté des dépenses, une hausse des investissements publics est prévue. En 2019, l'investissement est évalué à 7 ,4% du PIB contre 5,3% en 2018. Les dépenses dans les secteurs sociaux sont priorisées, en l'occurrence l'accès aux services de santé de base, l'éducation, l'eau potable, la lutte contre la malnutrition. Les perspectives économiques restent optimistes avec une croissance économique estimée à 5,5% en 2020. Cet objectif coïncidera avec la politique de l'émergence du Gouvernement. L'évolution positive du secteur secondaire, notamment la branche alimentaire, la boisson, le tabac, le textile, y contribue essentiellement. Ce secteur enregistrera un taux de croissance de 7,4%. Pour le secteur primaire, une croissance de 4,6% est attendue avec l'instauration de la sécurité rurale et l'extension des surfaces cultivables. Quant au secteur tertiaire, une croissance de 5,2% est prévue et due principalement à la construction des infrastructures essentielles, telles que les routes, les réseaux ferroviaires, les BTP et l'énergie. L'inflation devrait se stabiliser à 6.2% en 2020 (fin de période) grâce aux nombreuses mesures gouvernementales et aux actions de la Banky Foiben'i Madagasikara (BFM) sur la gestion des liquidités monétaires. Au niveau des Finances publiques, le Gouvernement continue la mise en œuvre de la Stratégie de Modernisation de la Gestion des Finances Publiques et les réformes ont été accélérées afin de garantir la mobilisation accrue de recettes et l'efficacité des affectations des deniers publics. La politique budgétaire demeure la création de plus d'espace budgétaire tout en améliorant la qualité des dépenses. En matière de recettes, la mise en œuvre des plans d'action pour les administrations fiscales et douanière améliorera la perception des recettes. Il s'agit notamment de l'amélioration de la gestion de la TVA, du renforcement du contrôle et de la lutte contre les infractions et délits fiscaux. Pour l'année 2020, le taux de pression fiscale augmentera de 0,8 point par rapport à 2019. Ainsi, ce taux sera de 11,5% du PIB. Concernant les dépenses, elles sont orientées vers une politique de relance en renforçant les dépenses d'investissement. L'objectif consiste à améliorer le bien-être de la population en priorisant les dépenses dans le secteur des infrastructures, dans le domaine social et dans la sécurité. A cette fin, les dépenses en capital seront prévues à 8,7% du PIB pour l'année 2020. Madagascar continue également de mettre en ouvre son programme de réforme macroéconomique, appuyé par la Facilité Elargie de Crédit (FEC) du FMI, qui est actuellement arrivé à son terme. Le Gouvernement prévoit de renforcer ce programme et poursuivre les réformes déjà engagées tout en visant la croissance inclusive et durable, et respectant les engagements visés dans la Politique Générale de l'Etat. Madagascar est exposé et vulnérable aux catastrophes naturelles et aux conséquences du changement climatique. Le pays est touché par de nombreux évènements climatiques, comme les cyclones, les inondations et la sécheresse, entre autres du fait de sa localisation et de sa topographie. Sa vulnérabilité est accentuée par l'environnement socioéconomique dégradé. Le climat, à dominante tropicale, varie considérablement à l'intérieur du pays. Le sud est marqué par des sécheresses tandis que les zones côtières au nord et à l'est sont plus exposées aux cyclones. Entre 2009 et 2018, le pays a été frappé par 27 cyclones et tempêtes tropicales, systématiquement suivis d'inondations. En 2017, le cyclone Enawo a affecté 430 000 personnes, et le cyclone Ava 161 000 personnes en 2018. Avec le changement climatique, le pays risque une intensification des pluies et des vagues de chaleur, avec une augmentation des températures moyennes, ainsi que des cyclones. Les épisodes de sécheresses, de 22 jours en moyenne aujourd'hui, pourraient augmenter de 8 jours à horizon 2050, les fortes pluies avec de grosses disparités régionales de -3 à 13%. Les vagues de chaleur de 6 jours en moyenne pourraient augmenter de 5 à 35 jours, le niveau de la mer pourrait s'élever de 19 à 47 cm. En outre, Madagascar est également vulnérable aux risques sanitaires avec des épidémies récurrentes, telle que l'épidémie de peste, de rougeole dans un contexte de dysfonctionnement du système de santé Cette situation pèse sur le développement social et économique du pays. Le coût économique des pertes annuelles causées par les catastrophes naturelles a été estimé à environ 100 millions USD, avec une probabilité de 10% qu'il dépasse 420 millions USD et de 5% qu'il dépasse 600 millions USD. De nombreux facteurs contribuent à la vulnérabilité de Madagascar, notamment la croissance rapide de la population, l'urbanisation non maîtrisée, le manque d'infrastructures et de bâtiments résilients. En zone urbaine, l'accroissement se fait principalement dans des quartiers informels y compris dans des zones à risques. En matière de santé, Madagascar est particulièrement vulnérable aux maladies dépendant de facteurs climatiques, tels que le paludisme et les maladies diarrhéiques. Ainsi, conformément aux tendances observées en Afrique, les niveaux de vulnérabilité sont très élevés parmi les populations urbaines en croissance rapide à Madagascar. Reconnaissant l'impact majeur des catastrophes et du changement climatique, le Plan Emergence Madagascar (2019-2023) fait de la résilience aux catastrophes une priorité stratégique avec l'objectif de construire un « Madagascar résilient aux chocs, informé, protégé de tous dégâts, dans toutes les dimensions du développement durable et où les investissements prennent en compte les risques et les catastrophes naturelles ». L'Etat malgache a adopté en 2015 une nouvelle politique nationale de Gestion des Risques de Catastrophes (GRC), définissant sa structure et ses principes, puis une stratégie pour opérationnaliser cette politique. Ce cadre présente néanmoins des lacunes opérationnelles, financières et sectorielles. De ce fait, la capacité de réponse au niveau régional et local est faible et la résilience des secteurs clés limitée. De plus, peu de mécanismes structurés ont été mis en place pour le financement de la préparation, la réponse aux catastrophes et la reconstruction. Le Plan Emergence Madagascar prévoit donc d'opérationnaliser le cadre législatif et règlementaire régissant la gestion des risques de catastrophes à Madagascar grâce à des mesures institutionnelles, des outils de planification, des systèmes d'information et un mécanisme de coordination bénéficiant d'instruments de financement adaptés. Le Gouvernement reconnait aussi l'importance de renforcer la sensibilisation, institutionnelle ou auprès de la population, avec des structures régionales et en intégrant la GRC de façon transversale, notamment dans la planification territoriale. Dans le cadre du renforcement du système national de gestion des risques et des catastrophes, les principales réformes initiées visent l'opérationnalisation de l'architecture institutionnelle prévue par la loi GRC de 2015. Grâce à 3 décrets d'application de la loi GRC, les mandats, stratégique pour la CPGU et opérationnel pour le BNGRC, sont clarifiés, de même que la possibilité pour le BNGRC de disposer de bureaux au niveau régional. La mise en place et l'opérationnalisation de ces bureaux et le développement de plans de contingence dans les régions les plus à risque, constituent une priorité du Gouvernement. De plus, les mécanismes de coordination intersectoriels, stratégiques et opérationnels, avec des instances dédiées ont également été revus afin de permettre d'améliorer l'efficacité de la réponse institutionnelle aux catastrophes. Avec la mise en euvre de ce programme, le Gouvernement s'assurera que la Plateforme National pour la réduction des risques de catastrophes soit établie dans les plus brefs délais et qu'elle se réunisse de façon régulière. Dans le cadre d'une gestion nationale plus volontariste des risques de catastrophes, le gouvernement a aussi adopté en 2018 une Politique nationale de protection sociale relative au régime non contributif (Loi n°2017-028) et la Stratégie Nationale de Protection Sociale 2019 - 2023. Dans un objectif de réduction de la pauvreté mais aussi au regard de la vulnérabilité de la population, cette stratégie prévoit la mise en place d'un système qui permet d'apporter une réponse aux chocs, pour les plus pauvres. Un décret clarifiant les rôles, la coordination inter institutionnelle nationale mais aussi avec les intervenants du secteur humanitaire et du développement a ainsi été adopté afin d'opérationnaliser cette politique. L'assistance aux populations post catastrophe devrait ainsi pouvoir davantage transiter à travers le système national de protection sociale et les acteurs humanitaires internationaux devraient être en mesure de répondre aux catastrophes au travers de ce mécanisme. Cela devrait faciliter le passage à l'échelle de cette politique, améliorer la coordination des réponses nationales et internationales, mais aussi permettre de mobiliser le système de protection sociale pour les autres types de catastrophes, dites « rapides », comme les cyclones. Compte tenu du coût des dégâts causés par les catastrophes naturelles ces dernières années et la prise de conscience du changement climatique, le Gouvernement s'est engagé à mettre en place un système de protection financière pour lui permettre de faire face aux situations d'urgence tout en protégeant l'équilibre budgétaire. Le Fonds National de Contingence destiné à financer la préparation et la réponse aux catastrophes, a ainsi été créé. Ce Fonds est géré par le BNGRC dont le statut a en conséquence été modifié, devenant ainsi un Etablissement Public à caractère Administratif. La création de ce fonds vise à améliorer la prévisibilité et la gestion des ressources disponibles avec une allocation budgétaire annuelle, qui sera verse'e au commencement de l'année fiscale, et la possibilité de recevoir des contributions externes. Avec son caractère pluriannuel, ce fonds améliorera la transparence et l'efficacité de la mobilisation des financements. Il permettra également de financer la souscription à une assurance catastrophe souveraine par l'Etat malgache et de gérer les fonds versés, le cas échéant. Un manuel de procédures opérationnel, clarifiant les responsabilités, les modalités de passation de marché et de dépenses éligibles, ainsi que les procédures d'audit et de contrôle de ce fonds, sera élaboré. Le manuel permettra également de clarifier les règles pour déterminer le montant maximal des ressources financières que le Fonds peut accumuler, et ce afin d'éviter un coût d'opportunité trop élevé. Cet outil constituera un nouvel élément clé pour le renforcement de la résilience financière de Madagascar aux catastrophes. Il sera complété par le développement d'une stratégie de protection financière qui permettra d'identifier et coordonner les différents instruments et mécanismes établis ou à mettre en place pour une gestion budgétaire intégrée des risques de catastrophes. La pénétration de l'assurance contre les catastrophes à Madagascar est extrêmement faible, et plus généralement le secteur de l'assurance reste très peu développé (avec un taux de pénétration à 0,7% du PIB). Aussi, l'adoption en Conseil des Ministres et soumission au Parlement d'une nouvelle loi sur les assurances doit permettre de faciliter le recours à ce type d'assurances mais aussi d'accroître la pénétration de l'assurance dans le pays grâce à une régulation renforcée du secteur. Ceci concerne notamment l'assurance souveraine en cas de catastrophe ainsi que l'assurance pour le secteur agricole et les micro-assurances, permettant de mieux couvrir des secteurs et personnes vulnérables aux aléas climatiques. Enfin, néanmoins, à l'instar de la loi sur la Gestion des Risques de Catastrophes (GRC), les décrets d'application font défaut. Plusieurs sont en préparation concernant la planification territoriale (aux niveaux régional, urbain, communal) et la construction. Ils intègrent chacun la question du changement climatique et de la résilience aux risques de catastrophes. Ils s'appuient sur un corpus de méthodologies développées notamment dans le cadre de la préparation de ce financement. Cet ensemble dotera le pays d'un cadre et d'une démarche clarifiée et opérationnelle, intégrant l'adaptation au changement climatique, concernant la planification territoriale et la construction. Concernant l'intégration de l'adaptation au changement climatique et la résilience aux catastrophes dans le développement territorial et urbain, deux approches complémentaires ont été mises en place par le Gouvernement. La première porte sur la construction des bâtiments publiques avec l'adoption d'une norme nationale pour la construction de bâtiment résistant aux aléas naturels ainsi que des décrets d'application de la Loi Urbanisme et Habitat portant sur la construction (permis de construire et de lotir), afin de mieux réguler le secteur et de diffuser des règles intégrant la résilience aux catastrophes et l'adaptation au changement climatique. La deuxième approche concerne la planification. L'intégration de la gestion des risques et de la résilience dans l'aménagement du territoire et le développement urbain est aussi prévue par la Stratégie Nationale de Gestion des Risques de Catastrophes (SNGRC) qui s'appuie sur le 'principe de planification visant à réduire les vulnérabilités physiques sociales, environnementales et économiques des populations' et prévoit dans les activités à mener 'd'élaborer et opérationnaliser des plans d'urbanisme, d'aménagement et de gestion des zones rurales, intégrant une analyse préalable des risques de catastrophes'. En 2016, Madagascar a adopté deux lois structurantes, la Loi portant Orientation de l'Aménagement du Territoire (LOAT 2015-051) et la Loi relative à l'Urbanisme et de l'Habitat (LUH 2015-052). Elles fixent le cadre et les orientations générales en matière de planification territoriale et urbaine. Trois guides pour l'intégration de l'Adaptation au Changement Climatique (ACC) dans la planification urbaine, communale et régionale ont été adoptés. Des décrets portant la mise en application de ces guides sont mis en place de sorte à préparer des projets de villes plus résilientes et prenantes en compte les impacts du changement climatique. Les guides rappellent les enjeux et le processus de la démarche, précisent les méthodologies pour établir les diagnostic territoriaux (dangers, exposition, vulnérabilité climatique), des stratégies et mesures d'adaptation possibles. Des formations sur ces outils sont prévues, de même que sur les nouvelles normes de construction. Les réformes de cette opération sont complémentaires aux réformes de la dernière opération d'appui budgétaire sur la viabilité fiscale et énergie approuvée par le Conseil d'Administration de la Banque Mondiale en avril 2019. Cet appui budgétaire, qui est en cours de mise en œuvre, soutient les réformes visant à renforcer la gestion des risques budgétaires. La présente opération est en ligne avec cet objectif en se focalisant sur les risques liés aux catastrophes naturelles. De plus, la précédente opération concourait à l'objectif de la création d'espace budgétaire tel que défini dans la politique budgétaire. La mise en oeuvre de toutes ces actions permettra au Gouvernement d'atteindre ses objectifs d'émergence afin de bâtir une nation forte prospère et solidaire pour la fierté et le bien- être des Malagasy. Toutefois, la limitation des ressources conduit le Gouvernement à solliciter l'appui financier de la Banque Mondiale. Cette opération d'appui budgétaire avec option de tirage différé en cas de catastrophe, ou Cat DDO, permettra ainsi d'appuyer les efforts du Gouvernement pour une gestion plus proactive du risque de catastrophe. Les différentes actions préalables prévues dans le cadre de ce Cat DDO, au travers l'adoption d'une série de décrets et d'arrêtés ministériels ainsi que de la Loi sur les assurances représentent ainsi la volonté du Gouvernement de renforcer la résilience de Madagascar face aux catastrophes. LE MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES f f