SITUATION ÉCONOMIQUE EN CÔTE D’IVOIRE POUR QUE DEMAIN NE MEURE JAMAIS La Côte d’Ivoire face au changement climatique JU I L L ET 2 0 1 8 / SEPTI ÈME ÉDIT ION Table des matières Liste des tableaux 3 Liste des graphiques 4 Avant-propos 5 Liste des abréviations 6 Remerciements 7 Messages-clés 9 PARTIE 1 : L’ETAT DE SANTE DE L’ECONOMIE IVOIRIENNE 15 1.1 Les événements économiques récents 16 1.1.1 Une croissance qui reste robuste mais en légère baisse 16 1.1.2 Un secteur externe avec des tendances contrastées 19 1.1.3 Un taux d’inflation maitrisé avec des agrégats monétaires stables 20 1.1.4 Une politique budgétaire maitrisée 22 1.2 Les perspectives de court et moyen termes 24 1.2.1 Un scénario favorable (2018-21) 24 1.2.2 Des risques multiples mais gérables 26 1.3 Une croissance économique soutenable impose une gestion du capital naturel 29 PARTIE 2 : LES DEFIS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN COTE D’IVOIRE 33 2.1. Que signifie le changement climatique pour la Côte d’Ivoire ? 34 2.2. Une estimation des coûts économiques associés au changement climatique 35 2.2.1 Un aperçu général des pertes économiques et sociales 35 2.2.2 Un zoom sur la filière cacao et le littoral 37 2.3. L’importance d’agir et les opportunités à saisir 41 2.3.1 La stratégie gouvernementale 41 2.3.2 La nécessité de mobiliser tous les acteurs 43 2.3.3 Les opportunités d’investissement climato-intelligent 45 Bibliographie 54 Annexes statistiques 56 Liste des tableaux Tableau 1: Projections macroéconomiques, 2018-2021 25 Tableau 2: L’influence du changement climatique sur certaines cultures clés en Côte d’Ivoire 36 Liste des graphiques Graphique 1 : Le taux de croissance du PIB reste élevé 16 Graphique 2 : Les facteurs explicatifs de la croissance du côté de l’offre et de la demande 17 Graphique 3 : La croissance est de moins en moins portée par le secteur privé 18 Graphique 4 : Le ralentissement de la contribution du secteur privé capté par plusieurs indicateurs conjoncturels 18 Graphique 5 : Evolution des comptes extérieurs, 2014-17 20 Graphique 6 : L’évolution des prix intérieurs en Côte d’Ivoire 21 Graphique 7 : L’évolution du déficit budgétaire et de la dette publique 22 Graphique 8 : L’évolution du prix du pétrole sur les marchés internationaux, 2013-18 27 Graphique 9 : Variation du stock de capital naturel, 1990-2014 (en USD valeur 2014) 30 Graphique 10 : Composition du Stock de capital naturel par habitant en Côte d’Ivoire, 1995-2014 30 Graphique 11 : Simulation des zones qui seraient sous le niveau de la mer avec une élévation du niveau de 1,20 m 35 Graphique 12 : La déforestation accélérée de la Côte d’Ivoire, 1990-2015 38 Graphique 13 : L’impact du changement climatique sur la fertilité des terres cacaotières d’ici 2050 39 Graphique 14 : Engagement pour l’atténuation des GES pris par la Côte d’Ivoire dans le cadre de l’Accord de Paris sur le Climat 42 Graphique 15 : La baisse du coût de l’énergie solaire 49 Graphique 16 : La production d’énergie solaire en Afrique, 2017 50 Graphique 17 : Plus de motorisation avec le développement économique 51 4 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Avant-propos La Côte d’Ivoire a perdu près d’un tiers de son stock de ressources naturelles au cours de ces 25 dernières années selon ce septième rapport de la situation économique du pays. D’abord surpris, c’est avec tristesse que je me suis ensuite souvenu que les forêts sont aujourd’hui presque totalement détruites et que de nombreux villages côtiers disparaissent progressivement sous les flots des océans. Le mois dernier, lors de ma visite à Bouaké, j’y ai vu la détresse des habitants qui manquaient cruellement d’eau. Bien sûr, plusieurs causes peuvent expliquer la dégradation du capital naturel de la Côte d’Ivoire. Certaines sont humaines, d’autres naturelles. De plus en plus, les scientifiques s’accordent à donner une place prépondérante au changement climatique. Malheureusement, la Côte d’Ivoire apparait comme un des pays les plus vulnérables de la planète à ce phénomène, par son positionnement géographique proche de l’océan et de l’équateur et la dépendance de son économie à l’agriculture relativement peu diversifiée et tributaire des conditions climatiques. Conscient de ce risque, le Gouvernement ivoirien a depuis quelques temps accéléré ses efforts en participant activement aux divers forums internationaux consacrés au changement climatique. Le pays s’est même fixé des objectifs ambitieux afin de limiter ses émissions de gaz CO2 et favoriser l’utilisation d’énergies renouvelables, notamment les hydrauliques et le solaire. Un plan de reforestation est aussi progressivement mis en place. La Banque mondiale n’est pas restée inactive car elle encourage le développement d’une culture climato-intelligente du cacao ainsi que d’autres produits agricoles et aide les pays côtiers de la région, y compris la Côte d’Ivoire, à maîtriser leur risque d’érosion côtière. Ce rapport pousse un cri d’alarme en plaidant pour une prise de conscience urgente et collective. La lutte contre le changement climatique va requérir des décisions immédiates mêmes si les principaux effets sont attendus dans le plus long terme comme l’éventuelle survie de la filière du cacao à cause du réchauffement des températures et de l’assèchement des terres cultivables. L’effort devra aussi être collectif car des changements de comportement seront attendus de la part de tous et qui en plus devront être coordonnés pour être efficaces. Il serait vain, par exemple, de construire une maison individuelle résistante aux intempéries si elle se trouvait dans une zone à risque d’inondations ou si les infrastructures d’évacuation d’eau n’étaient pas développées. J’espère que vous serez d’accord avec moi que la bonne gestion du capital naturel de la Côte d’Ivoire ainsi que la maîtrise du risque climatique doivent devenir des priorités si le pays veut se maintenir sur un sentier de croissance accélérée et harmonieuse dans la durée. L’histoire économique a montré qu’un pays ne peut pas prétendre bâtir sa réussite économique s’il met en danger ses générations futures. Pierre Laporte Directeur des Opérations pour la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Burkina Faso et le Togo 5 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Liste des abréviations AFD : Agence Francaise de Developpement BHCI : Banque de l’Habitat de Côte d’Ivoire BCEAO : Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest BTP: Bâtiment et Travaux Publics BRT : Bus Rapid Transit CNCE : Caisse Nationale des Caisses d’Epargne CNRA : Centre National de Recherche Agronomique CO2 : Dioxyde de Carbone CIE : Compagnie Ivoirienne d’Electricité CCC : Conseil du Café-Cacao CDN : Contributions Déterminées au niveau National CCNUCC : Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques DGI : Direction Générale des Impôts Eurobond : Emprunt émis en commun par les pays de la zone euro sur les marchés FCFA : Franc de la Communauté Financière Africaine FIC : Fond d’Investissement Climatique GES : Gaz à Effet de Serre GIEC : Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat IDE : Investissements Directs Etrangers LBTP : Laboratoire du Bâtiment et des Travaux Publics WACA : Programme de gestion du littoral ouest Africain ONG : Organisations Non Gouvernementales PPP : Partenariats Publics-Privés PME : Petites et Moyennes Entreprises PIB : Produit interieur Brut PNCC : Plan National sur le Changement Climatique PND : Plan National de Developpement PNUD : Programme des Nations Unies pour le Developpement SODECI : Société de Distribution d’Eau de Côte d’Ivoire SFI : Société Financière Internationale SIR : Société Ivoirienne de Raffinage SOFRECO : Société française leader dans le conseil et l’assistance technique au développement économique et social durable TVA : Taxe sur la Valeur Ajoutee UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine UNESCO : Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture UNISDR : Bureau des Nations Unies pour la réduction des risques de catastrophe 6 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Remerciements Ce rapport a été préparé sous la direction de Jacques Morisset. Il a bénéficié des contributions d’Amina Coulibaly pour la première partie. Maria Sarraf, Emmanuel Kouadio, Manuela Ravina da Silva ont rédigé la deuxième partie, avec la participation de Mélissa Landesz, Nicolas Desramaut, Salimata Follea, Holger Kray, Jean-Philippe Tré, et Carolina Silva Franca. Les auteurs voudraient remercier Andrea Coppola, Sunil Mathrani, Sebastien Dessus, Julie Rozenberg, Miria Pigato, et Marianne Fay ainsi que l’équipe du Fonds Monétaire International (FMI) travaillant sur la Côte d’Ivoire pour leurs commentaires. Gertrude Tah et Joseph Anoh ont aidé au formatage du rapport. L’équipe communication de la Banque mondiale, notamment Marie-Ange Memel, Elena Queyranne et Erick Rabemananoro, ont contribué aux préparatifs de dissémination et de communication du rapport. Nos remerciements particuliers vont à l’endroit de l’organisation Mighty Earth, organisation militante mondiale pour la protection de l’environnement, qui a gracieusement mis à disposition sa photothèque sur les forêts de Côte d’Ivoire pour l’illustration du rapport. Les rédacteurs du rapport ont également bénéficié des conseils et encouragements de Pierre Laporte et Lars Moller, respectivement Directeur des Opérations pour la Côte d’Ivoire et Manager sectoriel pour le Bénin, le Burkina Faso, le Togo et la Côte d’Ivoire. 7 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Messages-clés La Côte d’Ivoire rattrape le temps perdu. Depuis ce rapport plaide pour une action urgente et la sortie de crise de fin 2011, le revenu moyen concertée, car « l’avenir ne sera pas ce qui va par habitant s’est accru de près de 40 %, pour arriver, mais ce que nous allons faire2 ».  atteindre 1630 dollars en 2017, ce qui est Partie 1 : L’état de l’économie ivoirienne approximativement le niveau qui prévalait au milieu des années 1980.1 À ce rythme, le pays Ce début d’année 2018 marque une accalmie devrait rejoindre le groupe des économies à dans l’évolution de l’économie ivoirienne. Après revenu intermédiaire en 2035, selon la définition avoir souffert d’une certaine instabilité politique de la Banque mondiale, avec un revenu d’environ et sociale lors du premier semestre 2017 et subi 4300 dollars par habitant. la chute spectaculaire du prix du cacao sur les marchés internationaux, les conditions tant Cette performance remarquable doit être internes qu’externes se sont stabilisées. Ces nuancée à deux titres. Premièrement, la évolutions expliquent en partie les bons résultats forte croissance économique n’est pas encore économiques obtenus par la Côte d’Ivoire ces inclusive, un fait désormais bien établi et derniers mois, mais il est encore trop tôt pour reconnu par le gouvernement. Le taux de conclure que ce calme va perdurer. pauvreté n’a ainsi diminué que de 5 points entre 2011 et 2015 selon les données officielles. Mieux L’économie continue son expansion rapide, avec redistribuer les fruits de la croissance est l’un un taux de croissance du PIB qui a frôlé 8 % en des défis majeurs de la Côte d’Ivoire. 2017. Cette performance est principalement due au secteur agricole qui a bénéficié de Deuxièmement, le modèle de croissance conditions climatiques avantageuses et de la économique doit être soutenable à long terme. hausse des prix (à l’exception du cacao). Si le L’utilisation des ressources naturelles à des secteur des services a continué sur sa lancée de fins productives ne doit pas mettre en péril les ces dernières années, le secteur secondaire a générations futures. Or, le stock de capital naturel subi une décélération en partie provoquée par le du pays est en danger. En effet, la Côte d’Ivoire secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) est l’un des pays avec le taux de déforestation le qui a vu un ralentissement des chantiers publics. plus rapide au monde, au moment où les plaines côtières souffrent d’érosion liée à la montée des La moindre contribution de la consommation et eaux. De plus en plus, les populations urbaines de l’investissement privé est peut-être le signe le sont exposées aux dégâts matériels et sociaux plus visible que la nature de la croissance est en causés par les inondations. La Côte d’Ivoire est train de se transformer. Si, en 2015, ce secteur en outre très vulnérable au risque climatique comptait pour 10,5 points de croissance, sa puisqu’elle est le 147ème pays le moins résilient contribution a diminué à 9,3 points en 2016 puis sur 169. seulement 2,9 points en 2017. Cette perte a été compensée par le secteur public et par le secteur Après avoir passé en revue l’état et les externe. Plusieurs variables conjoncturelles perspectives de l’économie ivoirienne, ce semblent confirmer ce ralentissement des septième rapport sur la situation économique activités privées, comme le crédit à l’économie en Côte d’Ivoire s’intéresse donc à l’impact du et l’indice du BTP. Le manque d’amélioration changement climatique sur le pays et, surtout, du climat des affaires, les incertitudes liées aux explore les pistes qui pourraient permettre troubles sociaux du premier semestre de 2017 d’atténuer ces chocs tant à court qu’à long et les élections présidentielles prévues fin 2020 terme. Parce qu’il n’y a guère de temps à perdre, pourraient expliquer ce ralentissement. 1 Le revenu par habitant est mesuré en US dollar à valeur constante de 2010. La source est la Banque mondiale. 2 Henri Bergson. 9 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 L’ensemble des indicateurs financiers et Cet effort a été en partie neutralisé par monétaires sont restés relativement stables la réduction de la fiscalité pétrolière en 2017, à commencer par le taux d’inflation et cacaotière mise en place pour qui s’est maintenu en dessous de 1 %. La protéger les acteurs économiques des politique monétaire menée par la BCEAO est fluctuations des prix du pétrole et du restée prudente, tirée par une expansion cacao. du crédit un peu moins rapide que lors des années précédentes. Dans son ensemble, le 2. La gestion des arriérés et des paiements de l’État. Le gouvernement système financier est en bonne santé, avec une a réglé le paiement des factures augmentation des fonds propres des banques, accumulées dans le secteur de même si la proportion des prêts en souffrance a l’électricité et, depuis début 2017, légèrement augmenté de 9 à 9,9 % entre 2016 paye toutes ses factures dans les et 2017. La Côte d’Ivoire continue sa révolution délais impartis. Il a aussi procédé aux de la téléphonie mobile puisque 34 % des paiements de ses arriérés à l’égard adultes détenaient un compte mobile en 2017, de ses fournisseurs de biens et de soit trois fois plus que ceux qui détenaient un services pour un montant de plus de compte auprès d’une institution financière. 400 millions de dollars. Enfin, l’État Sur le plan externe, la balance du compte a également apporté un éclairage courant s’est légèrement détériorée de 1% nouveau sur les transactions financières à 2% du PIB entre 2016 et 2017. Si la balance dans la filière du cacao en finançant commerciale s’est améliorée grâce au bon un audit indépendant, qui a relevé des comportement des exportations, notamment irrégularités qui ont coûté près de 300 agricoles, la balance des services et des soldes millions de dollars au Conseil Café- primaires s’est dégradée. Le déficit extérieur Cacao (CCC). a été aisément financé par une combinaison d’Investissements Directs Etrangers (IDE) et 3. La gestion de la dette publique. Avec des emprunts sur le marché d’aide extérieure, ainsi que par les emprunts international à des termes extrêmement obligataires de l’État sur le marché des favorables en mai 2017 puis en mars Eurobonds. 2018, le gouvernement a pu subvenir à La politique budgétaire a été maîtrisée en ses besoins de financement à des coûts 2017 avec un déficit qui s’est avéré moins raisonnables et « reprofiler » une partie élevé que prévu de -4,2 % (au lieu de la de la dette existante. La dette publique prévision de -4,5 % du PIB), mais en hausse par est estimée autour de 46 % du PIB – ce rapport à 2016. L’augmentation des dépenses qui représente un risque modéré, et le sécuritaires a été largement compensée par service de la dette absorbe moins de une maîtrise des dépenses d’investissement, 15% des recettes de l’État, soit 3 fois qui ont été sous-exécutées. La gestion des moins que dans des pays comme le finances publiques s’est aussi améliorée dans Ghana et le Togo. trois domaines : Les perspectives à court et moyen termes 1. La mobilisation des recettes. Les sont favorables pour l’économie ivoirienne qui autorités ont adopté un certain nombre devrait rester sur un sentier de croissance du de réformes administratives (paiement PIB autour de 7-7,5 % pendant ces prochaines électronique, identifiant unique, années. La politique d’ajustement budgétaire du harmonisation des bases) qui ont permis gouvernement devrait faire légèrement fléchir d’accroître les recettes d’environ 15 % la croissance, même si la hausse des activités du en valeur réelle entre 2016 et 2017. secteur privé devrait en partie compenser cet 10 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 effet. En outre, le gouvernement a manifesté Au niveau domestique, le climat politique sa volonté d’améliorer le climat des affaires, pourrait se détériorer à l’approche des d’accélérer ses projets de partenariat avec le prochaines élections présidentielles. Une secteur privé, et de promouvoir le secteur de plus forte incertitude pourrait retarder transformation des produits agricoles. les investissements et ralentir l’activité économique. Une hausse de l’agitation sociale, Le taux d’inflation devrait rester maîtrisé, en comme lors du premier semestre 2017, pourrait dessous de la norme communautaire de 3 % . influer sur la conduite de la politique budgétaire La croissance de la masse monétaire devrait si le gouvernement choisit de répondre être contrôlée par la politique prudente de la favorablement à de nouvelles revendications. BCEAO et la croissance du crédit bancaire rester en ligne avec celle de l’économie. Les banques Au-delà de ces risques de court terme, la commerciales devraient progressivement soutenabilité de la croissance ivoirienne repose diversifier leur portefeuille, stimulées par en partie sur la bonne gestion de son stock les innovations technologiques, l’usage de de capital naturel. En effet, il serait contre- nouveaux instruments et la concurrence accrue productif et dangereux de financer la croissance en provenance de la téléphonie mobile. actuelle en gaspillant les réserves naturelles du pays au détriment des générations futures. La situation extérieure du pays devrait rester stable, avec toutefois une légère dégradation La croissance récente de la Côte d’Ivoire a provoquée par une hausse des importations en partie reposé sur l’utilisation de son stock liée à plusieurs chantiers publics de grande de ressources naturelles qui, selon la Banque envergure (métro d’Abidjan, 4ème pont, etc.). mondiale, aurait diminué de 26 % entre 1990 et 2014. Cette perte n’est pas aussi grande que Le gouvernement devrait réduire son déficit dans certains pays pétroliers (-63 % au Nigéria) de 4,2 % du PIB en 2017 à 3 % du PIB en 2019 ou agricoles/miniers (-32 % en Tanzanie) mais – en conformité avec les normes établies au elle demeure inquiétante. Elle tranche avec la sein de l’UEMOA, par un effort simultané en performance de pays émergents qui ont réussi recettes et en dépenses. Plusieurs réformes à valoriser leur stock de capital naturel, comme administratives devraient accroître l’assiette le Brésil (+57 %) et la Thaïlande (+92 %). Si fiscale afin de collecter plus de recettes. De cette estimation n’est qu’un ordre de grandeur, nouvelles procédures de passation de marchés elle est confirmée par plusieurs phénomènes (avec l’introduction d’un système électronique) visibles comme la déforestation, l’épuisement et des contrôles internes et externes renforcés des réserves d’eau et l’érosion côtière. devraient améliorer l’efficacité des dépenses. Au déclin du stock de capital naturel associé L’économie ivoirienne reste toutefois vulnérable à la gestion de la croissance économique à plusieurs titres. Sur le plan externe, le risque s’ajoutent les risques liés au changement majeur continuera d’être lié aux fluctuations climatique. Celui-ci peut affecter durablement des prix des matières primaires du fait de la et significativement le stock de ressources diversification insuffisante de l’économie naturelles du pays. ivoirienne. Si le prix du cacao a pesé en 2016 puis en 2017, la hausse des prix du pétrole, La prise en compte du capital naturel dans la qui a doublé sur les marchés internationaux stratégie de croissance de la Côte d’Ivoire appelle au cours des 18 derniers mois, devrait obliger un effort des autorités à au moins trois niveaux. le gouvernement à statuer sur une éventuelle Premièrement, elles devraient développer un répercussion plus ou moins forte sur les prix des cadre analytique pour mieux évaluer l’impact carburants, ce qui aurait un impact négatif sur de différents choix de politiques économiques le secteur du transport. sur le sentier de croissance du pays. Deuxièmement, elles devraient s’interroger sur 11 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 les instruments à leur disposition pour influer million de personnes supplémentaires dans sur les décisions des investisseurs tant publics une situation d’extrême pauvreté (personnes que privés. Enfin, elles devraient examiner les vivant avec moins de 1,90 dollars par jour) conséquences budgétaires de ces politiques, car et qui s’ajouteront aux 6 millions de pauvres bon nombre de mesures ne seront pas neutres aujourd’hui. financièrement pour l’État. Afin de mieux illustrer les coûts associés au Partie 2 : Les défis du changement climatique changement climatique, le rapport accorde une en Côte d’Ivoire attention particulière au secteur du cacao et à l’érosion côtière. Le cacao qui représente 1/3 Si la Côte d’Ivoire souffre du changement des exportations du pays et fournit un revenu climatique, elle peut devenir un des champions à plus de 5 millions de personnes, est une du continent africain pour adapter son économie des causes majeures de la déforestation (60 face à ce phénomène et en atténuer les effets. % des forêts ont disparu entre 1990 et 2015) Comme la vaste majorité des pays du continent dont souffre aujourd’hui la Côte d’Ivoire. La africain, elle ne contribue que marginalement à culture du cacao est aussi mise en danger par l’effet de serre. Le pays devrait être confronté l’augmentation progressive des températures à l’horizon 2050 à l’effet combiné de la hausse qui devrait réduire la fertilité des terres dans des températures (+2 degrés Celsius), de la les régions traditionnellement agricoles du Sud- variation des précipitations (-9 % en mai et +9 Est. % en octobre) et de la montée des eaux des océans (30 cm). Avec un littoral de 566 km, la Côte d’Ivoire est – avec le Nigéria, la Mauritanie, et le Sénégal – Le développement économique et le climat sont l’un des pays d’Afrique de l’Ouest qui possèdent inextricablement liés : sans mesures adéquates, les plus longues côtes. Les plaines côtières le changement et la variabilité climatiques recensent près de 7,5 millions d’habitants, soit mettront en péril les progrès durement acquis 30 % de la population ivoirienne et abritent près depuis quelques décennies et pourraient de 80 % des activités économiques du pays. faire basculer des millions d’Ivoiriens dans la pauvreté. En l’absence d’une étude exhaustive Aujourd’hui, plus de 2/3 du littoral ivoirien est sur l’impact du changement climatique sur affecté par des phénomènes d’érosion côtière. l’économie ivoirienne, ce rapport fournit une Cette perte de terre au profit de la mer a déjà première approche basée sur des informations eu des conséquences dramatiques. L’ancienne parcellaires et en extrapolant les résultats ville coloniale de Grand-Lahou a maintenant d’études conduites pour d’autres pays ou sur complètement disparu sous l’eau et la ville l’ensemble du continent africain. Ainsi, selon historique de Grand-Bassam, classée patrimoine le Groupe d’experts intergouvernemental sur culturel mondial de l’UNESCO, est également l’évolution du climat (GIEC), le changement menacée. La perte des plages et des dunes, climatique pourrait faire baisser le PIB de qui fournissent une protection naturelle contre l’ensemble de l’Afrique de 2 à 4 % d’ici 2040 et les inondations, aggrave les conséquences des entre 10 et 25 % en 2100. Pour la Côte d’Ivoire, submersions marines, qui envahissent les villes cela correspondrait à une perte équivalente et les villages durant les fortes tempêtes. de 380 à 770 milliards de FCFA. Ces pertes Elle menace aussi l’économie du pays, par se repartiraient entre le secteur agricole, le son impact potentiel sur les installations capital humain et les infrastructures. industrielles et les infrastructures de premier plan comme la Société ivoirienne de raffinage Plus grave, le changement climatique pourrait (SIR), l’Aéroport international d’Abidjan, les faire basculer dans l’extrême pauvreté 2 % à 6 Ports autonomes d’Abidjan et de San-Pedro, les % de ménages supplémentaires d’ici 2030. Pour routes côtières, les plantations industrielles, la Côte d’Ivoire, ceci correspondrait à près d’1 ainsi que d’importantes installations hôtelières 12 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 à Abidjan, Grand-Bassam, Assinie et San-Pedro. que les effets des changements climatiques Le coût des dommages liés au changement se manifesteront dans le futur. Avant tout, il climatique sur la zone côtière n’a pas été convient de mieux expliquer le changement estimé de façon exhaustive. Néanmoins, une climatique à la population, notamment ses étude de cas sur la zone de Port-Bouët (avec une origines, ses conséquences et les moyens population de 0,4 million d’habitants) a estimé d’adaptation disponibles pour y faire face. le coût de l’érosion et de la submersion marine Chaque Ivoirien(ne) doit comprendre qu’il ou pour la seule année de 2015 à 1,4 milliard de elle peut améliorer sa relation avec la nature francs CFA. et contribuer à la lutte contre le changement climatique. Cela peut être une personne qui L’importance d’agir face aux dangers du privilégie les transports publics plutôt que réchauffement climatique a été bien comprise d’utiliser sa voiture ou encore une entreprise par le Gouvernement ivoirien, qui est déjà très qui finance un projet de reforestation. actif sur le plan international. La Côte d’Ivoire est l’un des pays africains qui a présenté une Tant la réduction que l’adaptation au des stratégies de réduction des risques les changement climatique offrent de nombreux plus ambitieuses tant à court qu’à plus long bénéfices et opportunités économiques pour la terme. Si les coûts d’une telle stratégie étaient Côte d’Ivoire. Le coût des technologies propres importants, ils seraient moindres par rapport à a chuté et l’Accord de Paris sur le climat en ceux de l’inaction. Par exemple, l’expérience 2015 a envoyé un signal clair aux entreprises et a montré qu’il coûte approximativement 10 aux investisseurs du monde entier qu’un avenir fois plus cher de réhabiliter une route mal à faible émission de carbone est possible. Les conçue par rapport aux risques climatiques que bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux d’incorporer ce risque pendant sa construction. se sont aussi fortement engagés. Le rapport met l’accent sur : (i) les énergies renouvelables : (ii) Pour être effective, une politique de réduction l’adaptation de la filière cacao ; (iii) la gestion et d’adaptation requiert l’implication de tous intégrée du littoral et (iv) la modernisation les acteurs. Si l’État peut mettre en place ainsi que l’adaptabilité du transport routier. des cadres de références, voir des incitations Chacun de ces secteurs est amené à jouer et des sanctions, la mise en œuvre de cette un rôle important dans la lutte contre le stratégie dépendra de l’ensemble des acteurs. changement climatique tout en contribuant à Or, aujourd’hui, les acteurs locaux semblent la modernisation de l’économie, à la réduction relativement peu engagés en Côte d’Ivoire. de la pollution, à l’amélioration de la santé des L’absence ou la faiblesse des débats publics populations, à l’augmentation des revenus de sur les questions de changement climatique l’État par une meilleure taxation du carbone et le peu d’intérêt qu’accorde l’opinion à ce tout en créant de nouveaux emplois verts. sujet traduit l’idée communément répandue 13 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 PARTIE 1 : L’ETAT DE SANTE DE L’ECONOMIE IVOIRIENNE • La performance de la Côte d’Ivoire reste remarquable avec une expansion économique qui a frôlé 8% en 2017 et une maîtrise de ses principaux agrégats et variables macroéconomiques et financiers. • La qualité de la politique budgétaire s’améliore avec non seulement une maitrise du déficit dans un contexte mouvementé, mais aussi grâce à l’amélioration des recettes, l’apurement d’un certain nombre d’arriérés et de factures accumulées, et la gestion intelligente de l’endettement. • Les perspectives restent favorables mais elles supposent que l’effet négatif associé à l’ajustement budgétaire (prévu) sur la croissance économique sera compensé par une accélération des activités du secteur privé et par une bonne gestion des risques, notamment la hausse des prix du pétrole et les incertitudes autour du calendrier politique. • A plus long terme, la Côte d’Ivoire doit veiller à ce que son développement économique ne se fasse pas au détriment des générations futures, étant donné que son stock de capital naturel a déjà diminué de 26% entre 1990 et 2014 et qu’il risque d’être encore plus affecté par le changement climatique dans les années à venir. « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles » est un adage qui s’applique relativement bien à l’économie ivoirienne en ce début d’année 2018. Après une dernière année mouvementée, marquée par des revendications sociales pendant le premier semestre, et une forte chute du prix du cacao sur les marchés internationaux, l’environnement tant national qu’international apparait avoir retrouvé une certaine stabilité. Par conséquent, il n’est pas surprenant de retrouver les tendances positives qui ont prévalu au cours de ces dernières années, à savoir une croissance du PIB autour de 7-8 % et une stabilité des variables financières et économiques comme le taux d’inflation et les équilibres budgétaires et externes. En regardant vers l’avenir, le défi des autorités sera de trouver le juste équilibre entre une conduite budgétaire prudente mais efficace tout en favorisant l’essor du secteur privé et en maitrisant les risques internes et externes. Cette question avait retenu l’attention dans le sixième rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire. Si elle reste d’actualité, ce rapport se focalise sur une autre problématique, toute aussi importante, qui est la soutenabilité de la stratégie de croissance poursuivie par la Côte d’Ivoire dans le plus long terme. L’expérience internationale montre de plus en plus qu’il ne s’agit pas seulement de croitre le plus rapidement possible mais aussi de s’assurer que cette croissance soit partagée et soutenable en préservant le stock de capital naturel du pays. Il est facile d’imaginer qu’un pays qui gaspille ses réserves minérales, agricoles et forestières ne pourra pas se maintenir longtemps sur un rythme de croissance accéléré – il pourrait même mettre en danger le bien-être de ses générations futures. Une revue de la situation ivoirienne indique que ses réserves naturelles diminuent au cours du temps, notamment en raison de la déforestation et de l’épuisement des terres ainsi que des réserves agricoles et minérales. Parce que cette diminution pourrait être exacerbée par la vulnérabilité du pays aux chocs climatiques, elle justifiera l’attention donnée au phénomène du réchauffement climatique dans la deuxième partie de ce rapport. Cette première partie du rapport est organisée en trois sections. La première analyse les événements récents qui se sont passés dans l’économie ivoirienne. La deuxième section discute des prévisions à relativement court terme tout en évaluant les risques. Enfin, la troisième section s’intéresse à la soutenabilité de la croissance économique en Côte d’Ivoire en examinant son impact sur son stock de capital naturel. 15 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 1.1. Les événements économiques récents 1.1.1. Une croissance qui reste robuste mais en légère baisse En 2017, l’économie ivoirienne a continué de croitre à un rythme rapide de 7,8%, légèrement supérieur à ce qui avait été anticipé il y a quelques mois dans le sixième rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire (Graphique 1).3 Cette excellente performance a permis à la Côte d’Ivoire d’être dans le top 5 des pays à la croissance la plus forte en 2017. Elle confirme la trajectoire positive qui s’est dessinée depuis la sortie de crise politique en 2011, même si le taux semble graduellement se ralentir. Elle a pris place dans un contexte relativement instable, marqué par des revendications sociales durant le premier semestre, et la chute du cours du cacao sur les marchés internationaux. Graphique 1 : Le taux de croissance du PIB reste élevé 11 9 7 5 3 1 -1 2004-8 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 -3 -5 Cote d'Ivoire UEMOA Afrique sub-saharienne Source : Banque mondiale La première raison qui expliquerait la bonne performance de la croissance économique en 2017 est la performance du secteur agricole, qui a bénéficié de conditions climatiques favorables et une hausse des prix, notamment pour les produits de rente (à l’exception du cacao). Le secteur primaire a enregistré une forte croissance de 10,9% en 2017 contre -1,1% en 2016 grâce au rebond de l’agriculture d’exportation (+17,3%) et une bonne performance de l’agriculture vivrière (+7,2%) (Graphique 2). L’agriculture d’exportation a bénéficié de la hausse exceptionnelle de production du cacao (environ +28%) et aussi de la hausse de production de l’anacarde (+9,5%), de l’ananas (+25%), caoutchouc (+28%) et du coton graine (+6,1%). Le secteur des services est resté dynamique, porté par le commerce, le transport, et les communications. Les télécommunications ont connu une expansion en 2017 (+15,6% contre 9 % en 2016). Par contre, la dynamique du secteur secondaire s’est ralentie (4,2%) par rapport à 2016 (15,2%). Ce ralentissement s’explique par le secteur de la construction qui fut affecté par les événements socio-politiques survenus au premier trimestre 2017 et le rythme moins rapide des chantiers et travaux publics. 3 Banque mondiale : Rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire, Aux portes du Paradis, volume 6, janvier 2018. 16 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 9,5 0,8 7,5 2,6 0,8 5,5 3,9 Du côté de la demande, la hausse de la demande externe a été le principal facteur de 3,8 croissance 3,1 3,5 en 2017 alors que tant la consommation que l’investissement se sont ralentis (Graphique 2). La demande extérieure nette a été forte en 2017, tirée par la hausse des exportations de 1,0 produits 1,5 1,9 3,5 primaires, en passant d’une contribution de -3,7 pts du PIB en 2016 à 3,6 pts du PIB en 1,92017. La demande intérieure s’est affaiblie en raison de la consommation 0,6 dont la contribution a chuté de -0,2 -0,5 2016 2015investissements presque 6 points entre 2016 et 2017, alors que la contribution des 2017 a marginalement baissé de 2,8 pts en 2016 à 1,7 pts en 2017. Plusieurs facteurs primaire expliquer peuvent Secteur cette Secteur tendance secondaire politique baissière, en premier lieu les incertitudes liées au climat Secteur qui et socialPIB tertiaire marchand avoir peuvent non rendu plus prudents les consommateurs et les investisseurs.Droits et taxes PIB Reel Graphique 2 : Les facteurs explicatifs de la croissance du côté de l’offre et de la demande 9,5 12,0 1,5 10,0 0,8 7,5 2,6 8,0 9,8 3,6 0,8 7,8 6,0 4,0 3,8 5,5 3,9 2,0 3,8 2,5 2,8 1,7 0,0 -0,6 -1,3 3,1 3,5 -2,0 -2,9 -3,7 -4,0 1,0 1,5 1,9 3,5 2015 2016 2017 1,9 0,6 Demande externe nette -0,2 -0,5 2015 2016 2017 Variation des stocks Secteur primaire Secteur secondaire Consommation finale Secteur tertiaire PIB non marchand Investissements Droits et taxes PIB Reel Taux de croissance Source : Banque mondiale 12,0 1,5 Peut-être 10,0 l’indicateur le plus visible de la transformation de la croissance ivoirienne est la 8,0 diminution de 7,8 des secteurs 9,8 la contribution 3,6 privé et public en 2017 (Graphique 3). Si la contribution 6,0 secteur public s’est amoindrie de3,8 du 4,0 seulement 0,3 pts du PIB depuis 2016, la contribution du 2,0 secteur privé 2,5 a baissé d’environ 2,8 5 points 1,7 du PIB, à cause du ralentissement simultané de la 0,0 -0,6 -1,3 consommation -2,0 -2,9 (-6.3%) et de -3,7 l’investissement privés (-6.6%) par rapport à 2016. -4,0 Avant de chercher 2015 les causes 2016 derrière ce ralentissement de la contribution du secteur privé, il 2017 d’examiner convient encore Demande si elle se retrouve dans l’évolution récente d’autres indicateurs. externe nette Le constat est que le crédit au secteur privé tout comme l’indice de construction (BTP)4 ont Variation des stocks enregistré un ralentissement de leur croissance au cours des derniers mois (Graphique 4). Ce Consommation finale constat n’est pas anodin car il complète le message transmis par les comptes nationaux que Investissements l’activité privée semble se ralentir. Comme cela a été expliqué dans le cinquième rapport Taux de croissance économique, la littérature économique a mis en évidence un certain nombre de variables économiques qui sont corrélées avec les variations du PIB, et cela dans une relation presque contemporaine.5 L’examen de ces variables pour la Côte d’Ivoire a aussi l’avantage de donner une idée de l’activité économique qui a pris place durant les premiers mois de l’année 2018 – bien avant la production des comptes nationaux. 4 L’indice BTP est aussi influencé par l ’investissement public 5 Banque mondiale : Rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire : « Et si l’Emergence était une femme », volume 5, juillet 2017. 17 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Graphique 3: La croissance est de moins en moins portée par le secteur privé 12,0 10,5 Contributon à la croissance % 10,0 9,3 8,0 6,0 3,6 4,0 2,9 1,2 1,6 1,3 2,0 0,0 -2,0 -4,0 -2,9 -2,6 Secteur privé Secteur public Secteur externe 2015 2016 2017 Source : Banque mondiale Graphique 4 : Le ralentissement de la contribution du secteur privé capté par plusieurs indicateurs conjoncturels Evolution Evolution du crédit du crédit au secteur au secteur Indicateur Indicateur dudu avancé avancé BTP BTP 31,7 31,7 privé privé 170 170 28,6 28,6 150 150 130 130 Variation annualisée 25,5 25,5 Variation annualisée Variation annualisée Variation annualisée 110 110 22,4 22,4 90 90 19,3 19,3 70 70 50 50 16,2 16,2 30 30 10 10 13,1 13,1 -10 -10 10,0 -30 10,0 -30 nov.-14 juil.-16 juin-14 avr.-15 mai-17 janv.-14 sept.-15 févr.-16 déc.-16 oct.-17 mars-18 nov.-14 juil.-16 avr.-15 mai-17 janv.-14 juin-14 sept.-15 févr.-16 déc.-16 oct.-17 mars-18 nov.-14 juil.-16 juin-14 avr.-15 mai-17 janv.-14 sept.-15 févr.-16 déc.-16 oct.-17 mars-18 nov.-14 juil.-16 avr.-15 mai-17 janv.-14 juin-14 sept.-15 févr.-16 oct.-17 mars-18 déc.-16 Source : Gouvernement de la Côte d’Ivoire Il est important de préciser que l’économie ivoirienne ne souffre pas d’un renversement de tendance mais plutôt d’un ralentissement de sa croissance. Ce sentiment est renforcé par les résultats de la dernière enquête menée par la Chambre de Commerce France-Côte d’Ivoire auprès de 147 de ses adhérents.6 Ceux-ci ont répondu que l’année 2017 « n’a pas répondu à tous leurs espoirs » puisque seulement un quart (¼) d’entre eux estiment que leurs affaires se sont mieux portées en 2017 par rapport à 2016 et que leurs investissements ont été en recul en comparaison de leur programmation. Bien qu’il soit trop tôt pour conclure que le ralentissement de la croissance du secteur privé est un phénomène conjoncturel ou risque de devenir plus permanent, au moins deux hypothèses peuvent être avancées pour expliquer le dynamisme fléchissant des acteurs privés. Le premier 6 CCI France-Côte d’Ivoire, Baromètre conjoncturel, Année 2017. 18 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 est la disparition graduelle des effets de rattrapage qui avaient prévalus à la sortie de crise. Il est bien connu que la restauration d’un climat politique apaisé pousse les acteurs vers un élan de consommation et d’investissement – en partie pour rattraper le temps perdu. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, cet élan a sans nul doute été encouragé par la politique budgétaire volontariste du gouvernement qui a investi massivement dans les projets d’investissement et qui a revalorisé la fonctions publiques. La mise en œuvre de réformes favorisant l’essor du secteur privé a permis la progression de la Côte d’Ivoire dans le classement de Doing Business tenu par la Banque mondiale. L’arrivée de nouvelles banques et une demande accrue pour le crédit ont aussi contribué à la montée de la consommation et l’investissement du secteur privé. Toutefois, l’ensemble de ces effets positifs se sont progressivement ralentis au cours du temps avec le tassement progressif des réformes entreprises par le gouvernement, y compris une expansion moins rapide des dépenses publiques. Il faut reconnaitre qu’après une période d’enthousiasme, les investisseurs privés deviennent plus attentifs à la qualité du climat des affaires dans leurs décisions qui demeure, malgré des progrès, éloigné des standards internationaux, voire même régionaux. La deuxième hypothèse derrière le ralentissement de l’essor du secteur privé est liée à l’augmentation de l’incertitude dans le contexte politique et social. Les revendications d’une partie des forces militaires ainsi que de la Fonction publique lors du premier semestre de 2017, à laquelle se rajoute la menace terroriste régionale, rappellent la fragilité de la Côte d’Ivoire. Ce sentiment de fragilité est exacerbé par le rapprochement des élections présidentielles qui sont programmées pour la fin 2020. Les incertitudes restent nombreuses, notamment sur le choix des candidats dans la majorité présidentielle, et le comportement de l’opposition. La théorie économique ainsi que les études empiriques ont montré depuis longtemps que l’incertitude est un facteur décisif dans les décisions des investisseurs, parfois aussi important que le coût, car ces derniers sont souvent assez flexibles pour s’adapter à des conditions difficiles mais encore faut-il qu’ils puissent réussir à les anticiper.7 1.1.2 Un secteur externe avec des tendances contrastées La situation extérieure de la Côte d’Ivoire s’est légèrement détériorée en 2017 par rapport à 2016 (1,1% du PIB), avec un déficit de la balance en compte courant estimé à 2,1% du PIB. Cette dégradation est principalement due à la détérioration des services et des soldes de revenus primaires et secondaires. Ce déficit a été aisément financé par les IDE, l’aide internationale, et les emprunts de l’Etat sur les marchés financiers internationaux. Si les deux premières composantes sont restées au même niveau (en % du PIB) que lors des dernières années, la dernière a considérablement augmenté suite au changement de comportement du gouvernement qui a privilégié les emprunts internationaux (notamment les émissions obligataires) plutôt que régionaux. Les entrées nettes d’IDE sont restées constantes à 1,8% en 2017 et étaient principalement composées d’investissements privés dans les secteurs agroalimentaire, extractif et financier. Les réserves régionales de la BCEAO étaient égales à 4,2 mois d’importations à la fin de 2017. La balance des services et des soldes primaires s’est dégradée en 2017. La dégradation du solde des services s’explique par une hausse du coût des frets et assurances alors que celle du compte des revenus est due à une hausse des paiements des intérêts notamment sur les eurobonds émis en 2014, 2015 et en 2017. 7 Cf. par exemple, A. Dixit et R. Pindyck, Investment under Uncertainty, Princeton University Press, 1994. 19 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Graphique 5 : Evolution des comptes extérieurs, 2014-17 12 11 9,6 9,2 9,8 7 en% du PIB 2 -0,6 -1,1 1,4 -2,1 -3,4 -4,0 -3,6 -3,7 -3 -6,1 -6,2 -6,6 -7,1 -8 -13 2014 2015 2016 2017 Solde commercial Solde des services Solde revenu Compte courant Source : Banque mondiale et FMI. La balance commerciale quant à elle, s’est améliorée en raison de l’augmentation du volume des exportations de produits primaires (+15.1 en 2017) et de la hausse des prix des autres produits d’exportation y compris de la noix de cajou et du coton. L’augmentation exceptionnelle de la production de cacao, en hausse de 28% en 2016/17 par rapport à 2015/16, a partiellement compensé la baisse des prix mondiaux du cacao. Si les exportations agricoles ont fortement augmenté, celles des produits industriels a enregistré une légère hausse de 5%. En parallèle, la valeur des importations est restée approximativement constante entre 2016 et 2017. Le volume des importations a augmenté de 6.5%, tirée par les importations des biens de consommations (20%). Les volumes d’importations de biens d’équipement et de biens intermédiaires sont restés sensiblement au même niveau qu’en 2016. Les flux d’exportations et d’importations de marchandises ont suivi les mêmes tendances pendant les premiers mois de 2018. Les exportations (en valeur) ont continué de croître à environ 19% à la fin du premier trimestre 2018 malgré la baisse des prix. Du côté des importations, l’on constate une certaine reprise des importations des biens d’équipement qui ont augmenté d’environ 37% par rapport au premier trimestre 2017. 1.1.3 Un taux d’inflation maitrisé avec des agrégats monétaires stables En 2017, la politique monétaire, menée au niveau régional par la BCEAO, est restée prudente de manière à garder une inflation modérée et éviter des pressions sur le taux de change réel. Les autorités ont aussi resserré leur politique, notamment en décembre 2016 même si elle a été légèrement assouplie en mars 2017, afin de réduire les emprunts des états membres qui avaient ainsi accumulé des déficits budgétaires. Le lien entre la politique monétaire et l’ajustement budgétaire est bien connu dans la littérature économique et il a été mis en œuvre par la BCEAO afin que les gouvernements de la sous-région se trouvent sous pression de réduire leur déficit budgétaire et donc leur besoin de financement.8 8 Pour plus de détails, cf. FMI, rapport article 4 sur les pays de l’UEMOA. 20 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 L’inflation est restée modérée à 0,8 % en 2017, bien en deçà du seuil régional de 3% de l’UEMOA d’une part, grâce à la politique monétaire prudente de la BCEAO, mais d’autre part, grâce à la maitrise des prix des denrées alimentaires dues aux bonnes conditions climatiques et aux retombées du programme de relance agricole. Un autre facteur se trouve être la politique de plafonnement des prix et marges en imposant des prix maximums pour un certain nombre de produits de première nécessité (le riz, l’huile, le ciment, le sucre etc.). En effet, l’Etat ivoirien a décidé depuis le mois de juillet 2017 de plafonner des prix et des marges sur des prix des denrées alimentaires de première nécessité afin de lutter contre la vie chère. Cette mesure qui avait été mise en place pour 6 mois, fut reconduite en janvier 2018. Enfin, il convient de souligner que l’Etat a volontairement isolé les prix de l’essence, et donc du transport, de la forte augmentation des prix du pétrole sur les marchés internationaux en réduisant la fiscalité intérieure plutôt que d’ajuster les prix intérieurs. Ce n’est qu’à partir d’octobre 2017, à la lumière des pertes de recettes budgétaires, que les autorités ont commencé à graduellement ajuster le prix du carburant. Graphique 6 : L’évolution des prix intérieurs en Côte d’Ivoire Source : Agence nationale de la statistique La masse monétaire s’est accrue d’environ 20% en 2017, portée par l’expansion du crédit et par une augmentation des avoirs extérieurs au sein du système financier. L’expansion du crédit à l’économie est restée élevé à 13.3% mais à un taux plus faible par rapport aux années antérieures. Cette décélération du crédit à l’économie provient de la baisse de la demande intérieure observée en 2017 et du resserrement de la politique monétaire de la BCEAO qui a rendu les banques commerciales plus prudentes dans l’utilisation de leur fonds. Toutefois, les crédits semblent avoir augmenté plus rapidement vers les secteurs secondaire et tertiaire ainsi que vers les Petites et Moyennes Entreprises (PME). Le secteur financier est resté globalement stable en 2017 mais souffre de plusieurs vulnérabilités. La mise en œuvre des nouvelles normes de fonds propres établies par les accords de Bâle II et III et l’introduction de la surveillance consolidée ont contribué à renforcer le ratio d’adéquation des fonds propres moyens, qui s’est  établie à 9% à fin 2017 contre 8,8% en 2016. Le ratio de concentration des prêts par rapport au capital s’est également amélioré, passant d’environ 127% 21 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 fin 2016 à 99% environ fin 2017. A l’inverse, les prêts non performants sont passés de 9,0% à 9,9% en un an. Le gouvernement a également progressé dans la restructuration des portefeuilles des banques publiques, notamment avec la privatisation de la Banque de l’Habitat de Côte d’Ivoire (BHCI) et la mise en œuvre du plan de restructuration de la Caisse Nationale des Caisses d’Epargne (CNCE). La monétisation de l’économie a poursuivi sa marche en avant, notamment avec l’augmentation relativement rapide du nombre d’Ivoiriens qui possèdent un compte bancaire  : 41 % en 2017 contre 34 % en 2014.9 Cette rapide avancée reflète surtout l’explosion des comptes auprès des compagnies de téléphonie portable, alors que les comptes bancaires restent modestes. Si la Côte d’Ivoire est à l’avant-garde au sein de l’UEMOA (derrière toutefois le Togo et approximativement au niveau du Sénégal), elle reste en retrait par rapport aux pays à revenus intermédiaires et même par rapport à certains pays d’Afrique de l’Est comme le Kenya. Parmi les principales contraintes se trouvent la durée limitée des dépôts auprès des banques, le manque de produits adaptés, une information parcellaire, et une réglementation lourde.10 1.1.4 Une politique budgétaire maitrisée Même si le déficit budgétaire s’est détérioré en 2017 par rapport à 2016, la bonne nouvelle est que ce déficit est moindre que ce que prévoyait le programme avec le FMI. Le déficit budgétaire s’établit à 4,2% du PIB, contre 4% du PIB en 2016, au lieu de 4,5% du PIB programmé. Ce résultat reflète les efforts produits pour contrôler des dépenses courantes et d’investissement.11 Ces efforts ont permis de réduire de 0,2% du PIB les dépenses courantes et d’investissement par rapport à ce qui était initialement prévu. La hausse des dépenses publiques en 2017 (+0.1% du PIB par rapport à 2016) provient essentiellement de l’augmentation des subventions aux écoles privées et des dépenses de bourses. Cela démontre l’engagement du gouvernement à soutenir sa politique d’éducation. Le niveau des dépenses en capital est resté aussi élevé qu’en 2016, équivalent à 6,5% du PIB, malgré une exécution plus lente des projets d’investissements. Graphique 7 : L’évolution du déficit budgétaire et de la dette publique Solde global (y/c dons)base ordonnancement Dette publique totale 2014 2015 2016 2017 47,5 0,0 47,3 47 47 -1,0 46,5 -2,8 46 -3,9 46,1 -4,0 -4,2 -2,0 % PIB % PIB 45,5 45 -3,0 44,8 44,5 -4,0 44 43,5 -5,0 Source : Banque mondiale et FMI. 9 The Global Findex Database, Measuring Financial Inclusion and the Fintech Revolution 2017. 10 Pour une discussion plus approfondie, voir le troisième rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire, 2016. 11 Ce déficit plus bas qu’anticipé traduit aussi l’augmentation légèrement plus rapide du PIB, 7,8 contre 7,6%, mais cet effet compte uniquement pour 0,25% du PIB. 22 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Au-delà du contrôle budgétaire relativement bien maitrisé, les autorités ivoiriennes ont porté une attention particulière sur trois facteurs : le premier facteur est l’effort produit par l’administration fiscale pour mobiliser davantage de recettes fiscales, même si celui-ci a en partie été masqué par des décisions de politiques économiques de la part des autorités. Si on prend en compte que la fiscalité pétrolière et cacaotière a été volontairement abaissée (engendrant des manques à gagner autour de 200 milliards de FCFA), les recettes fiscales ont progressé de près de 0,8 % du PIB en 2017, soit une progression en valeur réelle de 15%. Cette performance traduit la mise en œuvre de réformes administratives comme l’ouverture de centres des moyennes entreprises, les télédéclarations et paiements en ligne et un meilleur contrôle des contribuables. Cet effort avait été poursuivi dans l’Annexe fiscale de la Loi du budget 2018 quand les autorités avaient proposé d’éliminer un certain nombre d’exonérations sur la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) pour des gains qui avaient été estimés autour de 0,6% du PIB. Or, cette proposition a été renversée, sous la pression du secteur privé, même si elle a été compensée par une hausse de la fiscalité sur les ventes de noix de cajou. Vers une réforme de la fiscalité en Côte d’Ivoire Imaginez un pays avec un taux standard de TVA à 6 %. La réalité rejoint l’imagination en Malaisie, un pays qui a réussi son émergence en choisissant un système fiscal de droit commun attractif. L’Île Maurice a adopté la même stratégie avec un impôt sur les sociétés de 15%. En contrepartie, ces deux pays ont limité l’usage des régimes d’exceptions, à savoir les exonérations. Aujourd’hui la Côte d’Ivoire semble avoir choisi une voie inverse. Le régime de droit commun n’est guère attractif avec un taux de TVA à 18% et un impôt sur les sociétés à 25%, avec en plus l’usage de multiples prélèvements et taxes qui contribuent à augmenter la charge fiscale sur les entreprises. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que le pays multiplie l’usage des régimes d’exceptions, y compris celles comprises dans les Conventions, le Code Général des Impôts, le Code des Investissements, et autres Codes sectoriels. Cette multiplicité réduit l’assiette fiscale et contribue à accroitre la complexité du système qui devient difficile à contrôler. Non seulement le gouvernement ne peut pas atteindre ses objectifs de recettes fiscales mais les contribuables ont aussi le sentiment de ne pas être traités de la même manière. Ce dilemme est sans nul doute le plus visible dans la gestion de la TVA car si le taux nominal est fixé à 18 %, son taux effectif se situe autour de 4-5%. En d’autres termes, uniquement ¼ de son potentiel est perçu en Côte d’Ivoire ce qui est insuffisant tant par rapport aux normes internationales que régionales au sein de l’UEMOA. Si les raisons de cette faible efficience sont multiples, la présence de 63 exemptions pèse de tout son poids. Le gouvernent pourrait envisager d’abaisser le taux standard de la TVA, en accord avec les règles au sein de l’UEMOA, tout en réduisant voire en éliminant les régimes d’exception. La logique de cette démarche serait encore plus justifiée en tenant compte du fait que les remboursements de TVA aux entreprises sont aujourd’hui performants en Côte d’Ivoire. Le deuxième facteur positif dans la politique budgétaire suivie par le gouvernement a été l’effort produit pour corriger des comportements « déviants » qui avaient pris place dans un passé pas si lointain. Le gouvernement a opté de régler ses factures d’électricité, non seulement en trouvant un accord sur ses arriérés mais aussi en payant pleinement et sans délais ces factures depuis le début de 2017. Il a aussi payé ses arriérés à un certain nombre d’entreprises qui lui avaient fourni des biens et services, pour un montant proche de $400 millions (271 milliards de FCFA). Enfin, l’audit des transactions commerciales sur le marché du cacao a révélé plusieurs irrégularités qui ont coûté au pays autour de $300 millions en raison de défaillances de gouvernance, notamment du régulateur. Le troisième et dernier facteur est la politique d’endettement. Les autorités ont su adapter leur comportement aux conditions sur les marchés financiers en profitant des taux attractifs des marchés internationaux. Le gouvernement a émis avec succès au mois de juin 2017 puis en mars 2018 des Eurobonds pour des montants (nets) respectifs de 1,2 et 2,1 milliards de dollars américains à des 23 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 taux et des maturités qui sont parmi les meilleurs des pays « dits émergents ».12 Les autorités ont fait preuve d’ingéniosité financière sur au moins deux plans. D’abord, ils ont procédé à une émission libellée en Euro – une première pour un pays africain - de manière à réduire le risque de change. Ensuite, ils ont pris l’option en 2018 de se surendetter en allant au-delà de leur besoin de financement afin d’utiliser une partie des fonds levés pour racheter une partie de leur dette existante qui ne bénéficiait pas de termes aussi favorables. Cette opération de rachat va permettre de reprofiler la dette et réduire le service de la dette de l’Etat. En 2017, le gouvernement a réussi à maintenir sa dette sous contrôle. A la fin 2017, le stock de la dette publique a atteint à 46,1% du PIB contre 47,1% du PIB en 2016. Le financement régional a baissé de 1,4 % du PIB alors que le financement extérieur a augmenté de 0,4% du PIB. La Côte d’Ivoire reste toutefois à un risque modéré de surendettement en raison du poids considérable et de la croissance de la dette non-concessionnelle (augmentation de la vulnérabilité à cause de la possible hausse des taux d’intérêts) et de l’échéance de la dette concentrée dans les années 2023-25. En plus ce chiffre n’intègre pas les dettes accumulées par les entreprises publiques estimées autour de 4,28% du PIB en 2017 et les risques contingents associés au système financier et aux projets de Partenariats Publics-Privés (PPP). 1.2. Les perspectives de court et moyen termes Après une année 2017 quelque peu mouvementée, le début 2018 connait une accalmie. Il est encore trop tôt pour déterminer si cette stabilisation va perdurer mais il est indéniable que le climat politique et social s’est apaisé et les perspectives de croissance de l’économie mondiale ainsi que régionale se sont améliorées selon les prévisions tant de la Banque mondiale que du FMI.13 Les prix des principales matières agricoles sont également à la hausse, y compris celles dont la Côte d’Ivoire est productrice comme le cacao, le coton, et l’huile de palme. Les risques ne sont pas toutefois pas inexistants, tant sur le plan interne qu’externe, comme cela est exposé à la fin de cette section. 1.2.1 Un scénario favorable (2018-21) Les perspectives restent donc favorables pour le pays pour les deux prochaines années. Le taux de croissance du PIB devrait atteindre environ 7,4% en 2018 pour ensuite se réduire graduellement à 7,2 % en 2019 puis 7,2 % en 2020 et 7,0 % en 2021. Les secteurs porteurs de la croissance devraient rester approximativement les mêmes qu’en 2017, à savoir l’agriculture, les services modernes et l’émergence d’une industrie de transformation. Le secteur primaire devrait rester robuste grâce à la progression de la production vivrière bénéficiant du programme de relance agricole et la consolidation de l’agriculture d’exportation. L’activité industrielle, y compris la construction, devrait retrouver une partie de son dynamisme, soutenue par le programme d’investissements publics, l’augmentation des capacités de transformation de produits agricoles (notamment l’anacarde et le cacao), de nouvelles installations dans les zones industrielles d’Abidjan et de la dynamique des demandes nationales et régionales. Le secteur tertiaire bénéficiera des innovations technologiques, en particulier dans le secteur de la communication, et des efforts produits par le gouvernement visant à moderniser le port d’Abidjan ainsi que le transport urbain. 12 En mars 2018, le pays a émis deux tranches équivalentes libellées en euros ; l’une (850 millions d’Euros) à 12 ans, avec un taux nominal de 5,25% et l’autre à 30 ans (une des échéances les plus longues parmi les émetteurs d'Afrique subsaharienne) au taux de 6,625%. 13 Sources : Banque mondiale, Global Economic Prospects, Avril 2018, et FMI, WEO Outlook, Avril 2018. 24 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Tableau 1: Projections macroéconomiques, 2018-2021 Projections   2016 2017 (e) 2018 (p) 2019(p) 2020(p) 2021(p) Croissance du PIB (%) 8,3 7,8 7,4 7,2 7,2 7,0 Inflation (%) 0,7 0.8 1,2 1,6 1,6 2,0 Solde budgétaire (%du PIB) -3,9 -4,2 -3,8 -3,0 -3.0 -3.0 Solde du compte courant (% du PIB) -1,1 -2,1 -2.7 -2,9 -3,0 -3,0 Dette publique (% du PIB) 47,0 46,1 48,1 46,7 46,4 45,5 Source : Banque mondiale, juin, 2018. Du côté de la demande, si la contribution de la consommation tant privée que publique devrait continuer à se réduire graduellement à la lumière de l’ajustement budgétaire prévu, cette tendance devrait être compensée par la croissance des investissements publics qui bénéficiera des chantiers publics tels que les projets d’infrastructures socioéconomiques, logements sociaux, Métro d’Abidjan et le quatrième pont. Il sera toutefois nécessaire d’améliorer la gestion des investissements publics, à savoir la capacité du gouvernement à sélectionner les meilleurs projets, à les mettre en œuvre, et à les entretenir au cours du temps.14 Du côté de l’investissement privé, qui est somme toute resté stationnaire autour de 11-12 % du PIB depuis 2012, il est anticipé que le gouvernement va accélérer son programme de PPP, continuer à mettre en œuvre les réformes dans son climat des affaires, et renforcer sa politique d’industrialisation et de modernisation à travers le développement d’activités de transformation et de services, y compris grâce à la modernisation de l’infrastructure portuaire et l’établissement de zones aménagées pour les entreprises. La relance du secteur privé à travers un programme de réformes d’envergue est certainement un des plus grands chantiers du gouvernement dans les années à venir.15 Baisse de la contribution du secteur privé et mise en œuvre du Plan National de Développement (2016-2020) Le PND 2016- 2020 vise une croissance moyenne du PIB réel d’environ 9% par an sur la période 2016-2020, avec une contribution majeure du secteur privé en complément du programme d’investissements publics. Le niveau global d’investissement prévu est de l’ordre de 30000 milliards de FCFA dont 60 % pour le privé y compris les Partenariats Public-Privé. Ainsi, le taux d’investissement privé devrait passer de 10,7% en 2015 à 14,5% en 2020. Cela démontre que l’objectif du gouvernement est d’accroitre la contribution du secteur privé dans la croissance économique. Cependant, la tendance baissière de la contribution du secteur privé à la croissance économique depuis 2014 soulève des questions auxquelles le gouvernement devra se pencher. La contribution du secteur privé est passé de 10,5 point du PIB en 2015 à 2,9 point du PIB en 2017. Une augmentation de la part du secteur privé est plus que nécessaire pour soutenir la croissance économique ivoirienne surtout que le pays devra faire un ajustement du déficit budgétaire entre 2018 et 2019. En d’autres termes, le gouvernement devra moins dépenser et donc réduire sa contribution à la croissance économique dans les années à venir Il devra donc créer un meilleur climat d’affaire pour les entreprises, notamment par des procédures administratives simplifiées et plus prévisibles, une protection renforcée de la propriété intellectuelle, un plus grand respect de l’Etat de droit et une réglementation adéquate et mieux appliquée tant au niveau général que sectoriel. En plus, Le gouvernement devra mettre en place des politiques afin de favoriser le transfert de technologie et développer le capital humain tel que cela a été préconisé dans le dernier rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire. 14 Une étude conjointe de la Banque mondiale et du FMI, conduite en 2017, avait proposé un certain nombre de recommandations allant dans ce sens. 15 Pour une discussion plus approfondie sur cette thématique, cf. Banque mondiale, Aux portes du Paradis, Comment la Côte d’Ivoire peut rattraper son retard technologique, sixième rapport sur la situation économique, février 2018. 25 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Le taux d’inflation devrait rester en dessous de 2% entre 2018 et 2019, soit en deçà de la cible fixée au sein de l’UEMOA. Ce taux correspond à la politique monétaire prudente qui devrait caractériser la conduite de la BCEAO dans les court et moyen termes ainsi qu’à la politique gouvernementale en matière de lutte contre la cherté de la vie. Au niveau des comptes extérieurs, une légère détérioration du déficit de la balance courante est prévue pour les années à venir en raison de la hausse des importations, nécessaires pour les nombreux chantiers d’infrastructures. Les exportations devraient se maintenir à leur niveau, même si ces projections dépendront de facteurs exogènes comme les variations des prix sur les marchés internationaux, des volumes de récoltes (notamment pour le cacao) et de la demande globale. Graduellement, il est prévu que les exportations de biens transformés devraient augmenter, en particulier sur le marché régional où la Côte d’Ivoire pourra prendre avantage de son positionnement géographique et des tarifs préférentiels. Le gouvernement devra réussir un ajustement du déficit budgétaire de 1,2% entre 2017 et 2019 pour atteindre l’objectif communautaire de 3% du PIB. Cet ajustement devra faire appel tant à des mesures de mobilisation de recettes fiscales qu’à des mesures de contrôle et de rationalisations des dépenses publiques. Le gouvernement a déjà pris des mesures destinées à améliorer le recouvrement des recettes fiscales, en lançant en mars 2018 l’interconnexion des bases de données de la Direction Générale des Impôts (DGI), de la Société de Distribution d’Eau de Côte d’Ivoire (SODECI), de la Compagnie Ivoirienne d’Electricité (CIE) et du Laboratoire du Bâtiment et des Travaux Publics (LBTP). La mise en place d’un numéro d’identification de chaque contribuable devrait être aboutie en août 2018 pour les grandes entreprises à Abidjan. Ces mesures permettront non seulement d’améliorer la qualité de l’information sur les contribuables mais aussi de réduire la fraude fiscale et donc de mobiliser plus de ressources fiscales à terme. Des efforts avaient été aussi consentis afin d’élargir l’assiette fiscale à travers la suppression progressive des exonérations de la taxe sur la valeur ajoutée, et la mise en place de nouvelles taxes sur les produits cosmétiques, les véhicules de luxe, les boissons alcoolisées et le tabac. Au niveau des dépenses, les autorités devront rationaliser et réduire les dépenses courantes mais aussi prioriser les dépenses d’investissement tout en privilégiant les partenariats publics-privés. Le développement du système électronique de passation des marchés publics devrait aider à raccourcir les délais et à mieux contrôler les coûts. Le renforcement des contrôles tant internes qu’externes des comptes publics devra devenir une priorité. La réduction graduelle du déficit public devra réduire les besoins de financement de l’Etat, et donc entrainer une baisse de l’endettement public après une légère hausse en 2018. Le stock de dette publique de l’administration centrale devrait se réduire de 48,1 % du PIB en 2018 à 46,4 % du PIB en 2020. Le poids de la dette externe devrait augmenter en raison des emprunts obligataires récents du gouvernement, alors que les conditions sur le marché régional devraient continuer à être relativement coûteuses. Les risques ne sont toutefois pas absents, surtout si l’on prend en compte les dettes accumulées par les entreprises publiques et les risques contingents liés aux PPP. 1.2.2 Des risques multiples mais gérables Même si les perspectives restent positives pour la Côte d’Ivoire à court et moyen terme, le pays est exposé à des risques exogènes et internes importants. Sur le plan extérieur, le pays reste vulnérable aux prix des matières premières. Une baisse des prix des produits de base (en particulier les prix du cacao) pourrait non seulement avoir un impact négatif sur la croissance économique mais aussi affecter négativement le solde extérieur du pays et les comptes budgétaires du gouvernement. Comme l’a indiqué une étude du FMI, une baisse des 26 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 prix de 10 % explique un déclin de la croissance réelle de 0,6 pp après 4 ans.16 Alors, la baisse prolongée des cours du cacao pourrait avoir des effets néfastes sur la croissance à moyen et long terme. Une des incertitudes majeures pour la Côte d’Ivoire concerne l’évolution des prix du pétrole sur les marchés internationaux. Après la chute en 2014, ceux-ci ont rebondi pour revenir à un niveau proche de US$ 70 en avril 2018 (cf. graphique). Cette forte hausse, si elle se prolonge, ne manquera pas d’affecter l’économie ivoirienne, notamment si le gouvernement décide ou non de la reporter sur les prix locaux du carburant (encadré). Graphique 8 : L’évolution du prix du pétrole sur les marchés internationaux et de l’écart avec les prix domestique à la pompe, 2013-18 Source: Banque mondiale Note : Le prix domestique est défini comme le prix du super à la pompe, alors que le prix international est la moyenne du prix (Brent, Dubaï et WTI). Impact de la hausse continue des prix internationaux du pétrole La Côte d’Ivoire est un importateur net de pétrole et les prix ont augmenté de plus de 185% depuis janvier 2016 après une chute vertigineuse entre mi-2014 et fin 2015. Dans ce contexte, la hausse continue des prix du pétrole affecterait non seulement les recettes fiscales de l’Etat mais aussi le compte courant du pays et les consommateurs. Au niveau du compte courant, une augmentation des prix du pétrole détériorerait le solde du compte courant mais n’aurait pas une influence significative car la Côte d’Ivoire est aussi exportatrice de pétrole raffiné, dont le prix augmenterait aussi. Au niveau des comptes budgétaires, une augmentation des prix du pétrole pourrait a priori aider la situation budgétaire si la hausse est répercutée sur les prix domestiques comme cela est prévu par le mécanisme d’ajustement de prix des carburants mis en place depuis avril 2015. Une étude du FMI a démontré qu’une telle hausse augmentait la valeur des importations et donc devrait avoir un impact positif sur les recettes de l’Etat, même si cette hausse entrainait une baisse de la demande intérieure (l’élasticité semble relativement faible à 0,16). Le renchérissement du pétrole pourrait par contre augmenter la facture en carburant de l’Etat. 16 FMI, Croissance à moyen terme : Consultations annuelles au titre des statuts de l’Article IV pour la Côte d’Ivoire, Juin 2018. 27 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 L’impact final dépendra toutefois de la réponse du gouvernement face à la hausse des prix du pétrole. S’il décide de ne pas répercuter entièrement la hausse des prix sur les carburants, l’ajustement devra se faire à travers l’abaissement de la fiscalité de manière à préserver les marges des opérateurs dans la filière. Jusqu’à octobre 2017, comme cela est visible dans le graphique 8, le gouvernement a préféré retarder l’application du mécanisme d’ajustement des prix domestiques ce qui a entrainé une perte de recettes fiscales d’environ 160 milliards de FCFA en termes de recettes fiscales (environ 0.6% du PIB) durant l’année 2017. Depuis octobre, le prix du carburant a augmenté de 550 FCFA/l à 610 FCFA/l, soit une hausse de 7%, mais qui reste insuffisante par rapport à la hausse du prix mondial de 35% pendant cette même période. Au niveau des consommateurs, une hausse des prix du pétrole répercutée par le gouvernement aura une incidence sur le coût du carburant et donc du transport. L’augmentation du coût du transport sera répercutée sur le prix des denrées alimentaires et donc une augmentation des prix à la consommation. Cette hausse du coût du transport contribuera à accroître les coûts pour les entreprises et les transporteurs. Il est à noter que la Côte d’Ivoire est relativement isolée des variations du prix du pétrole dans son secteur de l’électricité. Ses sources majeures sont l’hydro et le gaz domestique, dont le prix est fixé d’avance dans le contrat de la société d’Etat -CI-Energie. Par contre, le secteur reste exposé aux variations du taux de change car une grande partie du gaz voit son prix fixé en US dollar. En outre, le resserrement de la politique monétaire sur les marchés internationaux et régionaux rendrait les emprunts non concessionnels plus coûteux pour le gouvernement, ce qui pourrait avoir une incidence sur l’assainissement budgétaire prévu et la viabilité de la dette à moyen et à long terme. Enfin, le pays reste tributaire des conditions climatiques et reste vulnérable à la menace terroriste. Sur le plan intérieur, de nouvelles tensions sociopolitiques et sécuritaires à l’approche des élections présidentielles de 2020 pourraient décourager l’investissement privé et ralentir la croissance économique du pays. L’État pourrait être tenté de dépenser plus pour soutenir l’activité économique et assurer la paix sociale et politique ce qui pourrait se faire au détriment de la stabilité macroéconomique et financière du pays. En outre, même si le risque d’endettement du pays est modéré, la Côte d’Ivoire reste vulnérable aux chocs intérieurs et extérieurs défavorables, en particulier ceux liés aux exportations, au taux de croissance et au taux de change du dollar US. Les risques contingents liés à certaines entreprises d’État, y compris les banques publiques (en cours de restructuration) et les programmes de partenariat public-privé, sont des sources de risques budgétaires et devraient être suivis de près notamment en matière d’élargissement de la couverture de la dette. Le gouvernement a fait des efforts à travers la mise en place de la base de données sur le stock de la dette des entreprises publiques (estimé à 4.8% en fin 2017). Cependant, des efforts complémentaires devrait être faits afin d’y inclure toutes les entreprises publiques. Aussi, le pays doit maintenir une stratégie prudente de gestion de la dette et accroître la mobilisation des recettes afin d’éviter des emprunts excessifs non concessionnels à l’avenir et de créer des amortisseurs budgétaires. Toutes ces vulnérabilités appellent à la nécessité d’un suivi attentif des indicateurs de la dette et de la mise en œuvre de politiques macroéconomiques prudentes. A ce niveau, le gouvernement avec l’aide des bailleurs de fonds (Banque mondiale et FMI) devrait améliorer le cadre d’analyse de viabilité de la dette. Ce nouveau cadre sera lancé en juillet 2018 et pourrait aider le pays à mieux gérer les risques. Les risques budgétaires associés aux passifs éventuels liés à la dette des PPP et des entreprises d’État constituent aussi une source potentielle de risque pour l’endettement public. Aujourd’hui, malgré les efforts récents de l’administration 28 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 centrale, ces risques ne sont pas encore bien maitrisés en raison des déficiences qui subsistent en matière de couverture et suivi de la dette de l’ensemble des parties prenantes de l’Etat. Enfin, le retard pris dans la mise en œuvre des mesures fiscales nécessaires pour assainir les finances publiques ainsi que les investissements publics inefficaces pourraient mettre en péril la viabilité budgétaire et la dette tout en ayant des conséquences négatives sur la croissance. Le pays devra alors réussir la consolidation fiscale pour lequel le pays s’est engagé en maintenant ses efforts de recouvrement des impôts, prioriser les investissements et améliorer l’efficacité et l’efficience de ses dépenses. 1.3 Une croissance économique soutenable impose une gestion du capital naturel Pour la Côte d’Ivoire, le défi à venir est non seulement de maintenir la croissance économique à un rythme accéléré mais aussi de s’assurer qu’elle reste soutenable à terme. En effet, l’utilisation massive et incontrôlée des ressources naturelles est contreproductive, détruit l’environnement et porte atteinte aux générations futures, qui en subiront les conséquences et en paieront le prix. En plus des risques mentionnés ci-dessus, la Côte d’Ivoire devra donc faire face à un risque que l’utilisation incontrôlée de son stock de capital naturel puisse affecter négativement son sentier de croissance économique dans les années à venir. Le caractère soutenable de la croissance s’évalue selon la gestion et le maintien de trois formes de capital : capital physique, capital humain et capital naturel d’une génération à l’autre. Si les deux premiers bénéficient traditionnellement d’une attention spécifique, en étant intégré dans les comptes nationaux, la gestion du capital naturel est généralement négligée ce qui peut tronquer le diagnostic. Le capital naturel regroupe non seulement les stocks d’énergie et d’actifs minéraux, mais également toutes les ressources renouvelables ou non, telles que les sols productifs, les forêts tropicales, les océans, la couche d’ozone, n’importe quel actif naturel fournissant des flux de services écologiques ou économiques au cours du temps. Ce stock étant d’importance prépondérante, notamment dans les pays pauvres en capital financier et humain, il influe sur leur modèle de croissance. Par exemple, dès 1989, l’économiste du World Ressources Institute, Robert Repetto et ses co- auteurs, ont montré dans une étude qu’en intégrant pleinement les impacts sur l’environnement de l’activité économique, la croissance du PIB en Indonésie était de seulement 4% alors qu’elle était estimée officiellement à 7,1% par an entre 1971 et 1984.17 Aujourd’hui, la croissance économique n’intègre pas les pertes de ressources naturelles de bois, pétrole, et terres cultivables ou encore les dégâts subis par l’environnement. Tout simplement parce que ces pertes et destructions ne donnent pas lieu généralement à des estimations monétaires, et ne sont donc pas incluses dans les comptes nationaux. La croissance du PIB est un indicateur trompeur en cela qu’elle ne tient pas compte de l’environnement, ce qui crée une impression faussée de développement. Fort de ce constat, de nombreux économistes soutiennent que le PIB et les comptes nationaux devraient être élargis pour inclure les coûts et les avantages environnementaux.18 17 R. Repetto et al., Wasting Assets: Natural Resources in the National Income Accounts, World Resources Institute, June 1989. 18 P. Pawan G., Moving beyond GDP: How to factor natural capital into economic decision making. Washington, DC : World Bank, 2012. 29 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 La Banque mondiale a pris l’initiative d’inclure le capital naturel dans le calcul du PIB de chaque pays, y compris la Côte d’Ivoire. Cette initiative – WAVES19- a vu le jour en 2010 et s’est développée au cours de dernières années, notamment à travers la publication « la Richesse des nations » dont le dernier volume a été publié en 2018.20 Une base de données a ainsi été constituée et permet de calculer pour plus de 150 pays l’évolution de leur stock de capital naturel au cours du temps.21 L’accent y est mis sur trois composantes principales : les ressources agricoles (forêts, pâturages), l’énergie et les ressources minières. Si ces trois composantes sont importantes, notamment pour un pays comme la Côte d’Ivoire, elles ne sont pas exhaustives et ne prennent pas en compte les réserves halieutiques et animalières ou la gestion de l’eau. Cette méthodologie comporte également des limites, en attribuant des prix moyens, souvent régionaux, à chacune des trois composantes, alors que des variations significatives existent entre pays d’une même région et même à l’intérieur d’un même pays. Malgré ses limitations, l’initiative permet de déterminer une approximation de l’impact des variations du stock de capital naturel sur la croissance économique d’un pays. Les résultats provenant de cette méthodologie pour la Côte d’Ivoire indiquent que la valeur du stock de capital naturel par habitant a diminué de 26 % entre 1995 et 2014 ce qui est important par comparaison internationale (Graphique 9). Elle n’est pas aussi grave qu’au Nigeria (-76%), approximativement dans l’ordre de grandeur observé qu’au Kenya, Madagascar et la Tanzanie mais fort éloignée de plusieurs pays qui ont réussi à revaloriser leur stock de capital naturel comme le Ghana, l’Afrique du Sud et la Thaïlande. Graphique 9 : Variation du stock de Graphique 10 : Composition du Stock de capital naturel, 1990-2014 (en USD capital naturel par habitant en Côte d’Ivoire, valeur 2014) 1995-2014 16 000 92,9 000 1416 000 constant 2014 US$ per capita 57,6 000 1214 000 US$ par habitant, valeur constante 2014 51,6 000 1012 000 Variation, % 13,615,9 000 810 000 7,8 6 000 8 000 4 000 6 000 -19,3 -27-26,4-22 2 000 -32,4 4 000 0 2 000 -63,8 1995 2000 2005 2010 2014 0 Nigeria Cote d'Ivoire Kenya Madagascar Maurice Burkina Faso Bresil Senegal Ghana Thailande Tanzanie Afrique du Sud Forests 1995 2005 areas 2000 Protected 2010 2014 Forets Cropland Zones Protegees Terres agricoles Pastureland Paturages Energie fossile Mines Fossil fuel energy Minerals Source : Banque mondiale 19 Wealth Accounting and the Valuation of Ecosystem Services (WAVES) - partenariat mondial mené par la Banque mondiale qui vise à promouvoir le développement durable en veillant à ce que les ressources naturelles soient intégrées dans la planification du développement et les comptes économiques nationaux. 20 Lange, G.; Wodon, Q.; Carey, K. The Changing Wealth of Nations 2018: Building a Sustainable Future. Washington, DC: World Bank, 2018. 21 Banque mondiale, Changing Wealth of Nations 2016: Changes to the Methodology and Data. 30 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 En Côte d’Ivoire, les principales sources sont la déforestation, la surexploitation énergétique et minérale (Graphique 10). Le poids de la déforestation n’est pas surprenant à la lumière de l’ampleur de ce phénomène comme cela sera décrit avec plus de détails dans la deuxième partie de ce rapport. Il est à noter que la valeur du stock de capital total est remontée depuis 2005 sous l’impulsion de la valorisation des terres agricoles et de la découverte de gisements miniers et du ralentissement de la déforestation. La prise en compte de la valeur du capital naturel est importante pour la Côte d’Ivoire car celui-ci constitue un atout non négligeable pour l’économie. Sa part est environ égale à 45 % en 2014, ce qui est dans la moyenne des pays à bas revenus mais supérieur à ce qui est observé dans les pays à revenus intermédiaires (autour de 22%) qui ont une richesse plus diversifiée vers le capital humain et productif. A la gestion du stock de capital naturel au sein du processus de développement économique, s’ajoute les risques associés au changement climatique. Le réchauffement des températures, la variabilité et l’intensité accrue des précipitations ainsi que la montée des eaux des océans sont autant de facteurs qui contribuent à la détérioration du stock de capital naturel sur la plante. La Côte d’Ivoire se trouve être extrêmement vulnérable, menaçant ainsi sa quête de l’émergence économique. Le défi pour la Côte d’Ivoire est donc de passer d’une croissance économique quantitative à une croissance durable et qualitative, en valorisant son capital naturel dans son processus économique et en maîtrisant les conséquences du changement climatique. Cette prise en compte imposera la mise en œuvre de nouvelles politiques dont plusieurs exemples peuvent être donnés ci-dessous. En premier lieu, les autorités ivoiriennes devraient explicitement inclure l’évolution du capital naturel dans leur stratégie de croissance, en particulier dans la mise en œuvre du Plan national de Développement et leurs autres politiques sectorielles. Si la problématique de la préservation de l’environnement est parmi les préoccupations du gouvernement (notamment dans sa politique énergétique comme cela sera mis en évidence dans la deuxième partie de ce rapport), elle ne s’est pas encore traduite de manière explicite dans la conduite de sa politique budgétaire, en particulier d’investissements au cours des prochaines années, et sur les activités du secteur privé. Par exemple, il pourrait exister un certain nombre d’opportunités qui pourraient aider à développer une économie « verte » et de nouveaux emplois. Bien entendu, il faudrait aussi gérer un certain nombre de conflits potentiels dans l’utilisation des ressources non renouvelables comme l’eau, la terre, les forêts et les ressources minières ainsi qu’halieutiques. Aujourd’hui, le Gouvernement ivoirien ne possède pas encore un outil analytique qui lui permettrait d’appréhender ces multiples questions stratégiques et d’évaluer leurs impacts sur le sentier de croissance économique du pays tant dans le court que le plus long terme. Ensuite, le gouvernement pourrait examiner les différents instruments qui sont à sa disposition pour mieux gérer ses richesses naturelles. Une possibilité serait d’introduire une fiscalité incitative à la préservation de l’environnement, notamment une taxe carbone qui serait prélevée en fonction des émissions de gaz CO2 par chaque contribuable.22 Les revenus collectés par une telle taxe pourraient servir à financer des projets d’investissements ou des filets sociaux ciblant les groupes les plus vulnérables au changement climatique. Un autre instrument que pourraient envisager les autorités serait de modifier le cadre légal et réglementaire de manière à ce que la préservation du capital naturel soit mieux prise en compte par les investisseurs. Cela pourrait inclure, par 22 D'ores et déjà, la Côte d’Ivoire collabore étroitement avec le Partenariat pour la préparation au Marché Carbone (PMR) et la Coalition du Leadership en matière de Prix du Carbone (CPLC), deux initiatives hébergées par Banque Mondiale. Bénéficiant de l’appui technique et financier, le pays a pris les premières démarches afin d’analyser les bénéfices et d’évaluer les options d’une approche de politique fiscale environnemental à l’exemple d’un prix du carbone dans le contexte ivoirien. 31 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 exemple, une refonte des normes pour la construction de bâtiments et de routes, ainsi que la prise en compte du risque environnemental dans la tarification de l’eau ou de l’énergie. Enfin, en fonction des choix stratégiques et des instrument choisis, le gouvernement se devra d’évaluer les conséquences financières sur son budget et ses politiques d’emprunts. S’il est certain que l’impact ne sera pas neutre sur les finances publiques, il convient toutefois de souligner que les mesures ne sont pas toutes forcément coûteuses. D’une part, le gouvernement peut se focaliser sur des changements dans le cadre légal et institutionnel de manière à influer sur les décisions du secteur privé, et d’autre part, il a un rôle important à jouer en matière d’information et de mise en place de systèmes d’alerte. Afin de mieux répondre à toutes ces questions, qui sont autant de pistes à discuter. La deuxième partie de ce rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire s’intéresse au phénomène du changement climatique. Les conséquences de ce changement sur l’économie du pays seront examinées, pour ensuite discuter des réformes qui pourraient être mises en œuvre pour aider à mieux maitriser ce phénomène tant dans le court que le plus long terme. 32 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 PARTIE 2 : LES DEFIS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN COTE D’IVOIRE • La Côte d’Ivoire est l’un des pays les plus vulnérable au changement climatique – 147eme sur 178 pays- en raison de sa position géographique, la structure de son économie et se son manque de préparation • Les coûts sont déjà visibles, avec la hausse des températures et la montée des eaux de l’océan, et devraient s’accentuer jusqu’à remettre en cause la culture du cacao et affecter toute la région côtière qui abrite près de 80 % des activités économiques du pays. • Le Gouvernement ivoirien s’est engagé à mettre en place une politique de mitigation et d’adaptation face aux dangers du changement climatique mais cet engagement doit encore inclure une prise de conscience collective. • Bien que les coûts d’une stratégie de résilience soient indéniablement élevés pour le pays, ceux-ci seront inférieurs à l’inaction et ils pourront être compensés par des opportunités d’investissements climato- intelligents dans des secteurs porteurs qui créeront de nouveaux emplois. Les pieds dans l’eau, le regard dans le vague, « y a plus de saisons » se lamente Maxime. A la suite des pluies diluviennes qui se sont abattues sur la ville de Grand Bassam - située à environ 30 km d’Abidjan - sa maison a été engloutie par les flots comme celles de ses voisins. Bien qu’il existe encore des incertitudes sur l’ampleur du changement climatique, celui-ci est déjà une réalité en Côte d’Ivoire comme sur l’ensemble de la planète. L’importance du changement climatique ne doit pas être ignorée par la Côte d’Ivoire car elle peut aller jusqu’à remettre en cause sa quête vers l’émergence économique. Les coûts sont déjà apparents – inondations, érosion côtière - et ils devraient probablement augmenter au cours du temps si rien n’est fait pour les maitriser. Le gouvernement l’a bien compris car il a donné une attention particulière à ce phénomène, notamment par son engagement au plan international. Si cet engagement des autorités est le bienvenu, il restera insuffisant s’il ne s’accompagne pas d’une prise de conscience collective. La lutte contre les effets néfastes du changement climatique impose des actions de la part de tous, qui devront être coordonnées et qui devront surtout être mises en œuvre avec un sentiment d’urgence. Ce rapport plaide pour une prise de conscience collective la plus rapide possible car demain est déjà aujourd’hui et il est essentiel que « demain ne meure jamais ». Cette deuxième partie sur la situation économique en Côte d’Ivoire commence par mettre en évidence les conséquences du changement climatique sur l’économie du pays, en illustrant les coûts directs mais aussi indirects. Elle poursuit par une description quantitative et qualitative des principales pertes économiques, avec un zoom particulier sur la filière du cacao et sur la zone côtière qui sont non seulement des secteurs prioritaires en Côte d’Ivoire mais aussi fortement exposés au changement climatique. Enfin, elle conclut avec un plaidoyer sur le besoin d’une prise de conscience collective – au-delà de l’engagement fort du gouvernement – qui devrait se traduire par des changements de comportements mais aussi à travers le développement de nouvelles opportunités d’investissements et d’emplois dans des secteurs considérés comme « climato- intelligents ». 33 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 2.1. Que signifie le changement climatique pour la Côte d’Ivoire ? Parce qu’un Ivoirien émet, en moyenne, 10 fois moins de gaz CO2 dans l’atmosphère que la moyenne mondiale ou même 33 fois moins qu’un Américain, la Côte d’Ivoire est surtout une victime du changement climatique qui prend place au niveau de la planète. Les conséquences pour le pays sont inquiétantes puisque son indice de vulnérabilité se trouve parmi les plus élevés au monde : à savoir 147ème sur 178 pays.23 Ce classement est similaire à celui des autres pays situés le long de la côte atlantique de l’Afrique, tels que le Togo (143), le Nigeria (145) et la Guinée (146), légèrement meilleur que celui de la Mauritanie (154) et du Bénin (155) mais en deçà de celui obtenu par le Ghana (101), le Gabon (120) et le Sénégal (130). La forte vulnérabilité de la Côte d’Ivoire s’explique en partie par l’ampleur du changement climatique mais aussi par le manque de préparation du pays. Selon la communauté scientifique, l’effet de serre se traduit par une augmentation de la température moyenne, une variabilité accrue de la pluviométrie et une montée des eaux des mers ainsi que des océans. Pour la Côte d’Ivoire, malgré l’incertitude liée aux différents scenarios climatique, ce triple phénomène est déjà visible et, sans modification de politiques et de comportements, il devrait mener d’ici l’année 2050 à : • Une hausse de la température de 2°C en moyenne pour l’ensemble du pays avec un pic qui peut dépasser 3.5° C en Janvier ; et des hausses de température plus élevé au Nord qu’au Sud (World Bank, 2018) 24. • Une variation de la précipitation allant d’une baisse de 9% des précipitations au courant des mois avril-mai à une augmentation des précipitations allant jusqu’à 9% en octobre (World Bank, 2018) 25. • Une élévation du niveau de la mer de 30 cm est prévue le long des côtes ivoiriennes (World Bank, 2013)26. Au-delà des explications scientifiques qui dépassent le cadre de ce rapport, la gravité des prévisions peut s’illustrer en visualisant une montée des eaux. Tel qu’indiqué ci-dessus, une élévation de près 30 cm est prévue d’ici 2050. Cette élévation pourrait atteindre 80 cm à 1,20 m en 2100 dépendamment du modèle climatique27 dans les agglomérations de Bassam et d’Abidjan (Graphique 11). Les zones inondées augmenteraient sensiblement, provoquant des inondations mortelles et destructrices et la relocalisation forcée de nombreuses familles et activités économiques. L’infrastructure serait également touchée avec la disparition de logements, de routes, d’écoles et de centres de santé. Dans ces conditions, la recrudescence de maladies tropicales comme le paludisme et la méningite pourrait être observée. Bref, il ne fait guère de doutes que le changement climatique aura des conséquences néfastes pour la Côte d’Ivoire, et que celles-ci vont probablement s’accroitre au cours du temps en cas d’inaction. 23 Source : https://gain-new.crc.nd.edu/country/c-te-d-ivoire 24 Ces prédictions couvrent la période 2040 à 2059 pour le scénario RCP 8.5 et représentent la moyenne de 16 modèles climatiques. 25 idem 21. 26 Cette prédiction est prévue pour l’année 2050 pour le scenario RCP 8.5 27 Le scenario RCP 8.5 prévoit une élévation du niveau de la mer de 30 cm d’ici 2050. Le scenario RCP 8.5 prévoit une élévation 120 cm d’ici 2100 alors que le scénario RCP 2.6 prévoit une élévation de 80 cm (World Bank, 2013). RPCs (Representative Concentration Pathway) sont des scénarios du climat basés sur différentes hypothèses d’émission de gaz à effet de serre. Ces scénarios ont été établis par le GEIC dans son cinquième rapport. 34 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Graphique 11: Simulation des zones qui seraient sous le niveau de la mer avec une élévation du niveau de 1,20 m Grand-Bassam (2018) Grand-Bassam (1,20 m élévation niveau de la mer) Abidjan (2018) Abidjan (1,20 m d’élévation niveau de la mer) Source » http://sealevel.climatecentral.org 2.2. Une estimation des coûts économiques associés au changement climatique Le développement socio-économique et le climat sont inextricablement liés : sans mesures adéquates, le changement et la variabilité climatique mettront en péril les progrès durement acquis depuis quelques décennies et pourront faire basculer des millions de personnes dans la pauvreté (Banque mondiale, 2015). Le problème est d’autant plus grave en Afrique où des millions de personnes dépendent de l’agriculture pluviale et d’autres vivent dans des villes, proches des côtes, sujettes aux inondations. Les coûts liés à l’impact du réchauffement climatique sur la croissance économique et la réduction de la pauvreté ainsi que sur les secteurs clés de l’économie - l’agriculture, le capital humain, les infrastructures - sont appelés à s’accroitre considérablement. En l’absence d’une étude exhaustive sur les coûts de l’impact du changement climatique sur l’économie ivoirienne, la section suivante tente sur la base d’informations parcellaires disponibles d’en donner une idée générale pour ensuite s’intéresser aux retombées particulières sur deux secteurs-clés de l’économie ivoirienne, à savoir la filière cacao et l’érosion côtière. 2.2.1 Un aperçu général des pertes économiques et sociales Selon le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC, 2007), le changement climatique pourrait faire baisser le PIB de l’ensemble de l’Afrique de 2 à 4 % d’ici à 2040 et cette 35 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 baisse pourrait atteindre 10% voire 25% en 2100. Pour mettre ces pourcentages en perspective, une perte entre 2 % et 4% du PIB de la Côte d’Ivoire représenterait entre 380 et 770 milliards de FCFA en valeur constante de 2017. Plus grave, le changement climatique pourrait faire basculer 2% à 6% de ménages supplémentaires dans l’extrême pauvreté d’ici 2030. A titre comparatif pour la Côte d’Ivoire, ceci correspondrait à près d’1 million de personnes supplémentaires qui basculeraient dans l’extrême pauvreté (personnes vivant avec moins de 1,90 USD par jour) et qui s’ajouteront aux 6 millions de pauvres recensés dans le pays en 2015. Une personne qui aujourd’hui vit juste au-dessus du seuil de pauvreté, peut basculer dans la pauvreté quand une inondation détruit sa petite entreprise ou une sècheresse décime un troupeau. Les chocs climatiques peuvent inverser des décennies de travail et d’épargnes (Hallegatte et al., 2016). L’ampleur des pertes économiques s’explique par le positionnement géographique du pays et par sa structure économique. Son économie reste principalement agricole, comptant pour environ ¼ du PIB et la moitié des emplois, particulièrement vulnérable à la pluviométrie et au réchauffement. De surcroît, la concentration de ses activités et infrastructures économiques autour du littoral expose le pays à la hausse prévue de la température, aux changements de pluviométrie et de la montée des eaux. Un rapide tour d’horizon des coûts potentiels est proposé pour le secteur agricole (y compris la pêche), l’infrastructure économique, et le capital humain. Coût sur le secteur agricole. En Côte d’Ivoire tout comme dans la majorité des pays africains, l’agriculture constitue un des moteurs de l’économie. Or, celle-ci reste exposée aux aléas climatiques en raison de l’usage encore réduit de techniques modernes d’irrigation et de l’usage extensif, plutôt qu’intensif, des terres. Cette vulnérabilité engendre de fortes variations de la production au cours du temps, comme par exemple en 2016 et 2017 lorsque la croissance de la production agricole s’est multipliée par 3 grâce à une pluviométrie exceptionnelle. Ces variations se répercutent sur le revenu des paysans et leur capacité à investir dans les actifs nécessaires à l’essor de leurs activités. A plus long terme, la baisse prévue des précipitations et la hausse des températures risquent de réduire la fertilité des terres, en augmentant l’évaporation et donc l’assèchement des terres. Les risques d’épidémies et d’invasion d’insectes devraient aussi s’accroitre. Ces changements ne seront pas uniformes sur l’ensemble du territoire ivoirien car elles devraient toucher davantage les régions du sud-ouest, alors que celles en plus haute altitude devraient devenir plus fertiles. L’impact du changement climatique sur un certain nombre de produits agricoles est illustré dans le Tableau suivant. Tableau 2. L’influence du changement climatique sur certaines cultures clés en Côte d’Ivoire Impact projeté en 2050 Maïs Pertes supérieures à 25 % dans les régions du nord-ouest (Ahossane et al., 2013). Patates douces Pertes autour de 3 million de tonnes (Ahossane et al., 2013). et ignames Gains dans les régions basses et dans le nord-est (Agneby, N´zi-comoé, Moyen comoé Noix de cajou et la région des lacs), mais pertes équivalentes à 40% dans le nord-ouest (les régions de Savanes, du Denguélé et du Worodougou) (CIAT,2011). Coton Peu d’impact (CIAT, 2011). 36 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Le coût sur la pêche. Le réchauffement de l’eau de mer, l’augmentation du niveau d’acidité et la réduction du niveau de l’oxygène dans le nord-est de l’océan atlantique, entraineraient une réduction de capture de poissons de près de 50% le long de la côte ivoirienne28 (World Bank, 2013). Cette réduction aurait des impacts néfastes sur la consommation de protéine animales, l’économie et l’emploi. Coût sur les infrastructures. En Côte d’Ivoire, les coûts sur les infrastructures économiques du réchauffement climatique quoique non encore estimés seront immenses. De manière générale, les infrastructures comme les centrales électriques, les routes, les barrages hydrauliques, sont toutes vulnérables aux impacts du réchauffement climatique. Le stress imposé aux routes par les précipitations peut entraîner des coûts de réhabilitation très élevés, surtout si celles-ci ont été construites sans prendre en compte les conditions climatiques. En outre, le changement climatique entraînera plus fréquemment des perturbations de la circulation des personnes et des biens, avec une incidence directe sur la productivité économique. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, comme expliqué ci-après, ces effets seront exacerbés en raison de la proximité de la majorité de ses infrastructures du littoral. Le coût humain. Selon l’ONU, environ 90% des catastrophes naturelles enregistrées dans le monde depuis 20 ans (1995-2015) ont été causées par des phénomènes liés au climat tels que les inondations, les tempêtes, les canicules et la sécheresse. Les inondations ont représenté à elles seules 47% des catastrophes climatiques et ont affecté 2,3 milliards de personnes, dont l’immense majorité (95 %) en Asie et en Afrique (UNISDR, 2015). En Côte d’Ivoire, le bilan humain et matériel des catastrophes naturelles a augmenté au cours de ces dernières années suite aux inondations de plus en plus graves et fréquentes. En 2017, par exemple, le bilan humain a été de 20 morts et 43 blessés, sans compter les nombreuses personnes déplacées29. Cette situation est aggravée à Abidjan où les inondations à chaque saison des pluies font des dégâts énormes dans plusieurs quartiers populaires tels que la Riviéra Palmeraie, Abobo, et Port-Bouët à cause de la forte concentration de personnes, du manque de préparation, et de l’état précaire de nombreuses habitations et infrastructures. En outre, la fréquence de ces aléas a augmenté depuis ces dernières années poussant au déplacement des populations et à la destruction de plusieurs quartiers situés dans des bassins de ruissellement d’eaux de pluie. 2.2.2 Un zoom sur la filière cacao et le littoral Ce rapide tour d’horizon indique que la Côte d’Ivoire est exposée à de nombreux coûts liés au changement climatique. Une attention particulière est donnée ci-dessous à deux phénomènes spécifiques qui sont susceptibles de toucher un grand nombre d’Ivoiriens  ; à savoir l’impact du changement climatique sur la filière de cacao et l’érosion côtière. La filière cacao Premier producteur mondial de cacao, l’économie de la Côte d’Ivoire été historiquement façonnée par cette monoculture. Ce produit compte encore aujourd’hui pour environ 1/3 des recettes d’exportations et plus de 10% des recettes fiscales. Cette activité procure des revenus directement et indirectement à près de 5 millions de personnes, principalement dans les zones de production concentrées au sud du pays : le Sud-Comoé, Agneby, Moyen-Comoé, Sud-Bandama, Fromager et Lagunes. 28 Cette situation arriverait quand la température de la planète (qui a déjà augmenté de 0,8⁰ C à 1,5⁰ C) augmenterait de 2⁰ C supplémentaire. 29 http://aip.ci/flash/cote-divoire-pluies-diluviennes-a-abidjan-20-morts-et-43-blesses-enregistres-nouveau-bilan- ministere/ 37 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 La filière du cacao est à la fois la source d’une tragédie écologique et une victime du réchauffement climatique. Elle est une tragédie car son exploitation s’est surtout faite à travers l’expansion des surfaces cultivées, qui ont augmenté de près de 40 % au cours des 20 dernières années. Cette expansion s’est faite au détriment des forêts et des zones protégées puisqu’ elle est estimée avoir contribué à 30 % de la déforestation en Côte d’Ivoire.30 Le couvert forestier, estimé à 37% du territoire national en 1960, s’était réduit à moins de 14% en 2010 (AFD, 2013), avec une forte accélération depuis 1990 et pendant les années de crise politique (SOFRECO, 2009) (Graphique 12). Or, les forêts tropicales jouent un rôle indispensable dans la lutte contre le changement climatique en stockant du carbone. Elles répondent également à des besoins vitaux au niveau local, en régulant les températures, en aidant à générer des précipitations et en purifiant l’air et l’eau. Des forêts saines aident les communautés rurales à prospérer. Le paradoxe est que la disparition des forêts a créé un cercle vicieux car, en rendant les sols moins fertiles, elle a poussé les paysans à défricher encore plus de nouvelles terres. Graphique 12 : La déforestation accélérée de la Côte d’Ivoire, 1990-2015 Source : REED+ La filière du cacao sera aussi une victime du changement climatique. En effet, le réchauffement prévu des températures devrait mettre à mal les plantations de cacao, notamment celles situées dans les régions des Lagune et du Sud-Comoé (Schroth et al. (2016; 2017)). L’altitude optimale pour la culture du cacao est actuellement de 100-250 mètres au-dessus du niveau de la mer. Avec le réchauffement du climat, celle-ci passera à 450-500 mètres d’ici 2050 pour compenser l’augmentation de température (Läderach et al., 2011). Une augmentation de la température devrait assécher plus rapidement les terres et réduire leur fertilité. La réponse logique serait alors de déplacer31 les plantations vers le Sud-Ouest, qui se trouvant à une plus haute altitude, deviendraient plus aptes à la culture du cacao (voir graphique 13). Un tel déplacement causera encore plus de déforestation. De surcroit, elle prendrait place dans un contexte où de nombreux 30 Les autres causes de la déforestation est la recherche de bois de feu, les feux de brousse (accidentels ou intentionnels, souvent liés à l’agriculture ou la chasse) ; et l’exploitation minière, notamment l’orpaillage artisanal illégal. 31 Le possible impact du réchauffement climatique sur la fertilité des terres, et le déplacement éventuel des lieux actuel d’exploitations, n’est pas une question propre à la Côte d’Ivoire. Elle est aussi pertinente pour d’autres pays producteurs de cacao, comme le Ghana, et des producteurs de café comme la Colombie et l’Equateur. 38 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 arbres, vieux et malades, devront être remplacés dans les prochaines années32 mettant beaucoup plus de pression sur les nouvelles aires cultivables. Enfin, cet exode risque d’engendrer des conflits fonciers dans les nouvelles régions, surtout qu’elles abritent aujourd’hui de nombreuses zones protégées, y compris le parc national Tai qui fait partie du patrimoine de l’humanité selon l’UNESCO. Graphique 13 : L’impact du changement climatique sur la fertilité des terres cacaotières d’ici 2050 Aujourd’hui Année 2050 Lagunes Sud-Comoé Adapté de Läderach, et al., 2013 Plus Moins Aptes Aptes L’érosion côtière La vulnérabilité des villes côtières - y compris Abidjan - n’est plus à démontrer. Avec ses 566 km, la Côte d’Ivoire est – avec le Nigéria, la Mauritanie, et le Sénégal – parmi les pays d’Afrique de l’Ouest qui possèdent les plus longues côtes. Le littoral ivoirien couvre une superficie de 23 253 km2 soit 7 % de la superficie total du pays. Il renferme une grande diversité biologique (Hauhouot, 2002) incluant des zones humides dont certaines d’importance internationale, classées zones Ramsar, une flore et une faune avec des communautés et espèces remarquables et emblématiques, d’importantes forêts marécageuses, des forêts côtières, un système unique de lagunes et estuaires associé à des mangroves et prairies marécageuses. Cette mosaïque d’écosystèmes confère au littoral ivoirien un grand rôle dans le maintien de la diversité biologique au niveau régional car elle fait en effet partie intégrante du grand écosystème marin du courant du Golfe de Guinée. 32 Le cacaoyer ivoirien connait son pic de production à l’âge de 16/20 ans avec 631 kg/ha, pour décliner à une production moyenne de 244 kg/ha par à l’âge de 36/40 ans (PNUD, 2013). Selon Kroger et al. 2017, environ 0,66 million ha de plants de cacao ont besoin d’être replanté et environ 1,15 million ha ont besoin d’être réhabilité, soit environ 35% de la surface cultivée en cacao. 39 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Les plaines côtières abritent une population importante estimée en 2014 à près de 7,5 millions d’habitants (RGPH, 2014) ou 30 % de la population ivoirienne. Cette population se concentre dans les grandes agglomérations dont les plus importantes sont Abidjan et San-Pedro où les ports traitent plus de 90 % des échanges extérieurs du pays en volume et en valeur. Le littoral, espace propice à l’agriculture, la pêche, le tourisme ainsi qu’au développement urbain et industriel, concentre une abondance d’activités socio-économiques, et joue un rôle indéniable dans l’émergence de pôles de croissance. Il abrite près de 80 % des activités économiques du pays. Aujourd’hui, plus de 2/3 du littoral ivoirien, principalement les côtes sableuses à l’Est du pays, est affecté par des phénomènes d’érosion côtière. Bien que la section du littoral Fresco soit naturellement vulnérable à l’érosion côtière, le phénomène est exacerbé par la pression anthropique (dégradation et destruction des mangroves et forêts côtières, démographie galopante, urbanisation croissante, grands travaux publics, extraction de sable, pollution industrielle, et la surexploitation des ressources aquatiques) et par le changement climatique tel que l’élévation du niveau de la mer, la hausse des températures et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des évènements météorologiques extrêmes. D’inquiétantes tendances d’augmentation de l’érosion sont observées entre Fresco et Port-Bouët-Vridi. Au recul moyen du rivage de 1 à 2 mètres par an, s’ajoute les phénomènes d’érosion exceptionnels, comme ceux de 1984,1986, 2007 et 2011, pouvant entraîner un retrait du trait de côte jusqu’à 20 mètres par évènement, dont la fréquence s’est accrue durant ces dernières décennies. Cette perte de terre au profit de la mer a des conséquences dramatiques sur les installations humaines dans ces zones où les enjeux sont particulièrement concentrés. Les habitations et infrastructures sont définitivement détruites, comme ce fut le cas pour la ville de Grand-Lahou qui a dû être relocalisée depuis 1973 sur des terres plus hautes, l’éloignant de son accès à la mer, si important pour ces activités économiques et sociales. L’ancienne ville coloniale de Grand-Lahou, important patrimoine culturel ivoirien, a maintenant complètement disparu sous l’eau et la ville historique de Grand-Bassam, classée patrimoine culturel mondial de l’UNESCO est quant à elle aussi menacée. Ces phénomènes de perte des plages et des dunes, protections naturelles contre les inondations, aggravent les conséquences des submersions marines, qui envahissent les villes et les villages durant les fortes tempêtes. Ces phénomènes menacent directement les populations ivoiriennes par la destruction de leurs habitations et le bouleversement de leurs moyens de subsistance (ressources océaniques, lagunaires et d’eau douce), occasionnant ainsi des migrations susceptibles de provoquer des conflits. Ils menacent aussi l’économie du pays, par leurs impacts potentiels sur les installations industrielles et les infrastructures de premier plan comme la Société Ivoirienne de Raffinage, l’Aéroport International d’Abidjan, les Ports Autonomes d’Abidjan et de San-Pedro, les routes côtières, les plantations industrielles, ainsi que d’importantes installations hôtelières à Abidjan, Grand-Bassam, Assinie et San-Pedro. Une étude de cas sur la zone de Port-Bouët (avec une population de 0,4 million d’habitants) a estimé le coût de l’érosion et la submersion marine pour la seule année de 2015 à 1,4 milliards de FCFA (IMDC et al. 2017). Si aucune mesure de gestion des risques côtiers n’est mise en place, l’élévation du niveau de la mer et le changement du régime des vagues prévues par les modèles de changement climatiques exacerberont ces phénomènes. A long terme, le coût des dommages d’une élévation de 20 cm du niveau de la mer d’ici 2050 dans ville d’Abidjan a été estimé à environ 460 milliards de FCFA par an (Hallegatte et al, 2013). 40 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 2.3. L’importance d’agir et les opportunités à saisir L’importance d’agir face aux dangers du réchauffement climatique tant au niveau atténuation qu’adaptation a été bien compris par le Gouvernement ivoirien, qui est déjà très actif sur le plan international. Il est l’un des pays africains qui ont présenté une stratégie d’atténuation des risques tant dans le court que dans le plus long terme. Parmi les signataires de l’Accord de Paris, la Côte d’Ivoire fut l’un des pays à ambitionner le taux de réduction inconditionnelle de CO2 le plus ambitieux de toute la région CEDEAO à l’horizon 2030, à savoir 28%. Cet engagement s’est déjà traduit par plusieurs actions, y compris des projets avec la Banque mondiale pour lutter contre la déforestation et l’érosion côtière. Ci-dessous nous nous proposons de commencer par rappeler que le Gouvernement de la Côte d’Ivoire s’est déjà engagé à faire de la lutte contre le changement climatique une priorité nationale. Ensuite, malgré cette volonté politique, beaucoup reste à faire tant sur le plan de la mobilisation des acteurs publiques et privés, que sur le plan de l’opérationnalisation de politiques et stratégies d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques. 2.3.1 La stratégie gouvernementale Au niveau de l’atténuation du changement climatique, le Gouvernement ivoirien s’est engagé sur le plan international à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES). Les autorités ont adhéré aux protocoles et plans d’actions internationaux comme la ratification de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) en 1994, la soumission de ses Contributions Déterminées au niveau National (CDN) et la signature de l’Accord de Paris sur les changements climatiques en 2015. A cela s’ajoute une réelle volonté politique, notamment à travers le Président de la République qui porte la voix de la Côte d’Ivoire à tous les grands sommets internationaux sur le Climat comme la Conférence de Paris en 2015 ou le « One Planet Summit » en 2017. Cet engagement a avant tout mis l’accent sur la contribution de la Côte d’Ivoire à la diminution des effets de serre au niveau global. Comme exposé dans le Graphique ci-dessous les actions portent sur trois axes principaux : (i) l’utilisation des sources d’énergies  «  propres  »  ; (ii) l’utilisation et l’exploitation intelligentes des terres agricoles et des forêts ; et (iii) la gestion durable et la valorisation des déchets. Pour raffermir leur volonté, les autorités ont même chiffré leur ambition qui est de réduire les effets de serre d’au moins 28% et utiliser 42% d’énergies renouvelables d’ici 2030. 41 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Graphique 14  : Engagement pour l’atténuation des GES pris par la Côte d’Ivoire dans le cadre de l’Accord de Paris sur le Climat 28% Réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) d’ici 2030 26% Hydroélectricité 42% Electricité provenant des Energie Solaire 16% énergies renouvelables d’ici 2030. Energie éolienne Intensification et mécanisation de Gestion durable et Réduction des émissions de GES l’agriculture et de la production valorisation des déchets. dues à la déforestation et à la animale. dégradation des forêts. Source : Equipe de rédaction sur la base des informations du CDN Au niveau de l’adaptation aux changements climatiques, la volonté du gouvernement s’est inscrite dans le Plan National de Développement adopté en 2016. Celui-ci offre un cadre de référence stratégique qui intègre les défis des changements climatiques sur les années 2016-20. Il se base pour cela sur un certain nombre de stratégies sectorielles comme le Programme Nationale de Changement Climatique (PNCC, 2012), et la Stratégie Nationale de Lutte contre les Changements Climatiques (2014). Plus récemment, la Côte d’Ivoire s’est engagée à accélérer l’Agriculture Zéro déforestation et la production de Cacao sans déforestation (voir section suivante). Plus concrètement, la Côte d’Ivoire a commencé à mettre en place des mesures qui lui permettront d’atténuer les effets des changements climatiques sur les populations et le tissu économique. Par exemple, le gouvernement a récemment donné plus d’attention à la gestion des inondations dans les villes. Pour minimiser les effets de la saison des pluies, dans le District d’Abidjan, des travaux de curage et d’entretien permanents sont menés dans les quartiers d’Abobo, Cocody et à Koumassi. A l’intérieur du pays, le gouvernement prévoit des opérations de libération et de sécurisation des emprises et exutoires des ouvrages d’assainissement et de drainage des eaux 42 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 pluviales dans les localités d’Anyama (sud), de Daloa (centre-ouest), Dimbokro (centre), Korhogo (nord) et San-Pedro (sud-ouest). Récemment le pays a bénéficié de l’appui de la Banque mondiale et du Fond d’Investissement Climatique (FIC) pour lutter contre le déboisement et la dégradation des forêts. Elle fait aussi partie du Programme de gestion du littoral ouest Africain (WACA), d’un coût global de 16 milliards de FCFA, visant à améliorer la résilience du littoral face aux changements climatiques. Avant de revenir plus concrètement sur la nature des actions d’adaptation, notamment pour un certain nombre de secteurs prioritaires, il est utile de souligner deux points. Le premier est que les coûts d’une politique d’adaptation seront importants, mais devraient rester largement inférieurs à ceux associés à l’inaction. Dans le cadre de la préparation du PND, les coûts liés à l’adaptation aux changements climatiques ont fait l’objet d’une estimation rapide pour les secteurs à fort vulnérabilité pour se situer autour de $300 million de dollar par an pendant la période 2016-20. Cette estimation représente un ordre de grandeur qui paraît inférieur aux prévisions de la Banque mondiale (2015) pour l’ensemble du continent africain sur une période plus longue. En effet, il est estimé que les coûts pourraient atteindre entre $10 milliards (pour s’adapter à un réchauffement de 2°C) et $100 milliards par an (en cas de hausse de la température de 4°C). Ces coûts sont approximatifs car ils varient en fonction de l’ampleur des effets climatiques et de la prise d’actions par les autorités. Il faut cependant retenir que l’adaptation aux effets du changement climatique représentera un défi énorme sur un plan financier mais il sera moindre que celui de l’inaction comme l’illustre l’exemple d’une route construite avec des matériaux inadaptés (cf. encadré). Un exemple du coût de l’inaction : Des coûts 10 fois plus élevés sur la durée de vie d’une route A Abidjan, bon nombre de routes sont construites pour durer une quinzaine d’année mais se trouvent endommagées en quelques mois en raison d’évènements climatiques extrêmes. Si d’autres facteurs peuvent expliquer ce phénomène (caniveau bouché, qualité des travaux, et.), la non prise en compte des risques climatiques (inondation, forte chaleur) dans leur conception en est surement une cause majeure. L’expérience internationale a démontré que la prise en compte des changements climatiques dès la conceptualisation des projets de routes est financièrement plus rentable que de construire une route moins chère mais plus vulnérable (Banque mondiale, 2017). En effet, il est estimé que dans les zones à risques les coûts de réhabilitation d’une route non-adaptée aux changements climatiques sont en général 10 fois plus élevés que pour une route adaptée. Si le coût initial de construction est plus élevé pour cette dernière, celui-ci est largement compensé par les économies accumulées au cours du cycle de vie de la route. Le deuxième point est qu’une politique d’adaptation requiert l’engagement de tous les acteurs. Ce point fait l’objet d’une attention particulière dans la section suivante. 2.3.2 La nécessité de mobiliser tous les acteurs L’intervention de l’Etat dans la lutte contre le changement climatique est à la fois justifiée et justifiable. Elle est justifiée en raison de l’importance du phénomène qui peut non seulement ébranler l’ensemble de l’économie mais aussi entrainer des changements sociaux et humains qui sont encore difficile à imaginer. Elle est justifiable car la prise en compte du changement climatique requiert une coordination sinon il y a un risque que l’action individuelle ne porte pas pleinement ses fruits.  Par exemple, un ménage peut décider de construire une maison résistante aux aléas climatiques mais cet effort sera amoindri si elle se situe dans une zone propice aux 43 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 inondations ou si l’infrastructure environnante n’est pas adaptée. De même, l’Etat peut intervenir de manière à encourager les investissements individuels en comblant des lacunes de marchés en matière d’information, de financement et de motivation. Beaucoup de ménages et d’entreprises n’ont pas les ressources financières suffisantes. D’autres tardent à agir car ils ne perçoivent pas l’effet immédiat du changement climatique ou espèrent que les investissements nécessaires seront payés par leur voisin. Pourtant, l’engagement de l’Etat devrait s’intensifier, notamment en matière d’adaptation, et ne saurait suffire à lui seul. Tant la lutte contre le changement climatique que son adaptation passent par une prise de conscience collective qui devra se traduire par des changements de comportement individuels. Si l’Etat peut mettre en place des cadres de références, voir des incitations et des sanctions, leur mise en œuvre va dépendre de leur appropriation par l’ensemble des acteurs. Aujourd’hui, les acteurs locaux de la société civile et du monde des affaires semblent relativement peu engagés en Côte d’Ivoire. L’absence ou le peu de débats publics sur les questions de changement climatique en Côte d’Ivoire et le peu d’intérêt qu’accorde l’opinion à ce sujet traduisent l’idée communément répandue que les effets des changements climatiques se manifesteront dans le futur. Il n’en demeure pas moins que les stratégies pour s’adapter ou atténuer les changements climatiques nécessitent des actions coordonnées et une adhésion de tous les acteurs nationaux (gouvernement, politiques, société civile, secteur privé). Cette implication des acteurs commence par une plus grande compréhension au sein de la population de ce qu’est le changement climatique, ses origines, ses conséquences et les moyens d’adaptation disponibles pour y faire face. Il est important que chaque Ivoirien(ne) comprenne qu’il ou elle peut améliorer sa relation avec la nature et contribuer à son humble niveau à la lutte contre le changement climatique. Cela peut être un individu qui favorise les transports publics plutôt que l’utilisation de la voiture ou encore une entreprise citoyenne qui finance un projet de reforestation. Les acteurs gouvernementaux. Bien que la question des changements climatiques soit la responsabilité du ministère en charge de l’environnement, le changement climatique n’est pas uniquement une question environnementale, c’est aussi un problème pour le développement économique et social des pays. Une plus forte implication des ministères régaliens comme celui en charge des finances et autres ministères sectoriels comme celui de l’agriculture ou des infrastructures économiques est indispensable pour faire avancer le débat sur le climat dans le pays. • Rôle du ministère de l’économie et des finances. Aujourd’hui, en Côte d’Ivoire, tout comme dans de nombreux pays africains, les ministres en charge de l’économie et des finances sont traditionnellement restés en marge de l’action et du débat climatique (par exemple, la Côte d’Ivoire ne dispose pas d’une estimation économique de l’impact du changement climatique ; alors qu’une telle étude pourrait inciter le gouvernement à investir dans des mesures d’adaptation). Le ministère de l’Economie et des Finances a un rôle essentiel à jouer et doit être remis au centre de l’action climatique. Ce ministère détient en effet les instruments clés pour lutter contre le changement climatique - réformes fiscales environnementales et outils fiscaux (taxes carbones) pour accroître la résilience et gérer les risques climatiques - tout en fournissant les incitations appropriées aux ménages et aux entreprises (Banque mondiale -CAPE, 2015). Rôle des ministères sectoriels. La prise en compte des informations climatiques à moyen et long terme dans les investissements et les décisions de planification est une composante importante de la résilience climatique. Le Plan National sur le Changement Climatique (PNCC, 2014) a déjà identifié l’intégration des changements climatiques dans les politiques sectorielles comme un axe stratégique. Il est essentiel maintenant que les ministères sectoriels puissent opérationnaliser cet objectif stratégique de façon concrète en intégrant les changements climatiques dans leur 44 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 politique et investissements à court et plus long termes. Les acteurs non étatiques, qu’il s’agisse des Organisations Non Gouvernementales (ONG), des entreprises ou des élus locaux, ont aussi un rôle crucial à jouer dans la lutte contre le changement climatique et à préserver les communautés les plus pauvres des impacts de ce phénomène. • La Société civile. Le rôle des ONG et de la société civile ainsi que des médias est essentiel en matière de sensibilisation des citoyens aux défis du changement climatique et de développement durable. • Le Secteur privé. Sensibiliser le secteur privé quant aux risques que pose le changement climatique sur leur investissement (impact de l’érosion côtière sur l’hôtellerie balnéaire par exemple) tout en les invitant à afficher leurs engagements en matière d’adaptation et d’atténuation au changement climatique dans leurs processus productifs. Un des éléments peut être de sensibiliser et renforcer les capacités du secteur bancaire à développer des produits financiers innovants en soutien d’une économie verte et résiliente. • Les champions locaux. Aux actions précitées, il est important d’impliquer des « champions locaux » de haut niveau pour gagner en visibilité dans les discussions sur le changement climatique et surmonter les obstacles politiques à l’utilisation de l’information climatique. L’exemple du groupe de musique « Magic System », qui a porté la thématique du changement climatique dans ses tournée en Afrique, est à saluer et à multiplier. 2.3.3 Les opportunités d’investissement climato-intelligent L’adaptation au changement climatique combinée avec la réduction des émissions de gaz à effet de serre peut aider à stimuler la transformation économique de la Côte d’Ivoire. Elle peut générer un développement durable qui stimulera la croissance, comblera le déficit énergétique et réduira la pauvreté. En outre, le moment semble opportun pour investir dans les solutions climatiques. Le coût des technologies propres a baissé et l’Accord de Paris sur le climat en 2015 a envoyé un signal clair aux entreprises et aux investisseurs du monde entier qu’un avenir à faible émission de carbone est possible. Les bailleurs de fonds -bilatéraux et multilatéraux se sont aussi fortement engagés. En s’engageant dans l’Accord de Paris à travers un ambitieux CDN, la Côte d’Ivoire a marqué sa volonté de réduire l’empreinte carbone de son développement en privilégiant des options d’atténuation présentant des ‘co-bénéfices’ élevés ». En effet, en visant un objectif de 42% de son mix énergétique en énergie renouvelable d’ici 2030, la Côte d’Ivoire s’offre graduellement une alternative certaine aux énergies fossiles tout en bénéficiant d’une énergie qui est de plus en plus moins chères (comparé aux prix des combustibles fossiles qui augmente sans cesse), et contribue à la sécurité énergétique du pays tout tant réduisant la pollution locale. Une plus grande adoption du solaire hors réseau placera le pays à l’avant-garde de l’innovation dans le secteur de l’énergie. La vulgarisation des transports en commun va permettre de réduire la congestion et la dépendance des populations vis-à-vis des prix du pétrole tout en réduisant la pollution locale avec ses bénéfices avérés sur la santé des populations. La réduction de la déforestation aura des impacts positifs sur la biodiversité, les moyens de subsistance et la résilience des populations. Enfin, l’adoption d’une tarification33 sur le carbone constituerait une bonne politique budgétaire et pourrait faire partie de la réforme fiscale pour apporter plus de revenus au gouvernement en levant des fonds d’une source plus facile à percevoir. 33 La Côte d’Ivoire collabore déjà étroitement avec le Partenariat pour la préparation au Marché Carbone (PMR) et la Coalition du Leadership en matière de Prix du Carbone (CPLC), dans l’optique d’évaluer les options d’une approche de politique fiscale environnemental basée sur la tarification du carbone. 45 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Outre ces co-bénéfices, les opportunités d’investissement dans une agriculture intelligente face au climat (y compris l’élevage et la pêche), la conservation des zones côtières, les infrastructures résilientes, l’énergie renouvelable, et les mesures d’adaptation proactives peuvent créer des emplois verts. Une récente étude de la Société Financière Internationale (SFI, 2016) vient confirmer ce potentiel. Elle estime que d’ici 2020 les investissements climato-intelligents peuvent atteindre 500 milliards de FCFA dans les énergies renouvelables ; 300 milliards de FCFA dans la construction de bâtiments écologiques ; 50 milliards de FCFA dans la gestion des déchets ; et 150 milliards de FCFA dans les transports. Afin de mieux comprendre ces opportunités, l’accent est mis ci-dessous sur deux initiatives liées à l’adaptation aux changements climatiques: i) l’adaptation de la filière cacao ;  ii) la gestion intégrée du littoral ; ainsi que deux initiatives liées à l’atténuation du changement climatique : i) les énergies renouvelables ; et ii) la modernisation et la résilience du transport routier. L’adaptation aux changements climatiques de la filière cacao Deux types d’actions peuvent être envisagés pour la filière cacao. La première vise à réduire son impact sur la déforestation, qui est devenue une catastrophe nationale. En 2014, au sommet de la planète organisé à New York, le Gouvernement ivoirien a pris une position claire en s’engageant à mettre en place une production de cacao qui ne s’attaquerait plus aux forêts et cela dès 2017. Cet engament s’est depuis traduit par plusieurs initiatives, notamment un projet d’appui soutenu par la Banque mondiale, et une stratégie développée de manière conjointe avec les principales compagnies opérant le long de la filière (cf. encadré). L’Initiative Cacao & Forêts : une approche concertée L’élaboration de l’Initiative Cacao & Forêts a commencé en mars 2017, lors d’un événement organisé à Londres par le prince de Galles. La réunion a mis en ordre de marche un processus qui a permis de développer un Cadre d’actions communes, signé à la Conférence des Nations Unies sur le climat à Bonn en novembre 2017. Ce cadre contient des engagements spécifiques de la part des Gouvernements ivoirien et ghanéen et d’une vingtaine d’entreprises de la chaîne d’approvisionnement du cacao pour lutter contre la déforestation et la dégradation des forêts. En moins d’un an, l’Initiative Cacao & Forêts a été le catalyseur des accords entre les gouvernements des deux principaux pays producteurs de cacao, les grandes entreprises de la chaîne d’approvisionnement du chocolat et du cacao et les organisations de la société civile. Les principes suivants ont été établis : 1. Interdire et prévenir les activités de la filière du cacao qui contribuent à la déforestation ou dégradation des parcs nationaux et réserves, forêts classées et forêts du domaine forestier protégé (domaine rural); 2. Respecter les droits des producteurs de cacao, réduire les risques sociaux de la mise en œuvre de ces actions afin de minimiser les impacts sociaux ; 3. Promouvoir la restauration efficace et la conservation sur le long terme des parcs nationaux et réserves ainsi que des forêts classées ; 4. Renforcer la cartographie de la chaîne d’approvisionnement, avec pour objectif final l’obtention d’une traçabilité totale jusqu’au niveau de la plantation ; 5. Mettre en œuvre des actions tangibles et objectifs assortis de délais précis, de méthodologies robustes et crédibles, de consultations de parties prenantes et d’un calendrier réaliste ; 6. Mettre en œuvre les actions adoptées dans le contexte d’une approche territoriale, en créant des liens forts avec des initiatives similaires sur d’autres productions agricoles, et en s’alignant pleinement sur la stratégie nationale REDD+ et les autres stratégies et plans nationaux pertinents ; 7. Travailler de concert avec le gouvernement et d’autres partenaires, à la mise en œuvre des actions du Cadre ainsi qu’à la mobilisation des ressources financières et de l’expertise technique requises ; 8. Fournir un suivi et un compte-rendu efficaces des progrès réalisés au niveau des engagements et actions afin d’assurer transparence et responsabilité. Source : Scobey, 2018 46 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Pour être efficace, la lutte contre la déforestation se doit d’inclure des sanctions à l’encontre des producteurs qui ne respectent pas les règles mais aussi des incitations. La logique est simple : pour que les producteurs ne s’attaquent plus aux forêts, il faut leur donner le moyen d’améliorer leur rendement en menant une politique de semence améliorée et d’entretien du verger. Leur revenu peut aussi être augmenté en valorisant, par exemple, les déchets agricoles cacaoyers. Les cabosses offrent un potentiel bioénergétique pour une combustion domestique ou pour produire de la bioélectricité à usage communautaire. Réussir un tel pari de création d’emplois verts dans la cacao-culture requiert des programmes ciblés de formation et de soutien financier. De manière plus générale, l’accent devra être mis sur l’innovation dans les pratiques agricoles et le traitement post récolte, la recherche et le développement d’espèces améliorées et la valorisation des déchets de la cacao-culture (PNUD, 2013). La deuxième action s’inscrit dans la stratégie d’adaptation que se doit de mener la Côte d’Ivoire pour atténuer les effets néfastes du changement climatique sur l’exploitation de cacao. Au-delà du déplacement des plantations vers des zones plus fertiles au cours du temps qui a été discutée dans la section précédente, il existe plusieurs pistes dont certaines sont évoquées ci-dessous (Kroeger et al., 2017) : • Accroitre les zones d’ombrage. Au cours des dernière décennies, il y a eu une réduction des zones d’ombres dans les plantations cacaotières (Ruf, 2011; Läderach et al., 2013). Aujourd’hui, il est estimé que 50 % des plantations bénéficient d’un ombrage moyen et 35 % n’ont aucun ombrage (Läderach et al., 2013). Avec le réchauffement prévu, l’augmentation des zones d’ombrage devient naturellement une priorité car il protège le verger en réduisant l’évaporation. Toutefois, un équilibre est nécessaire car trop d’ombre peut favoriser les infections et la propagation d’insectes ainsi que créer une concurrence pour l’usage de l’eau entre le verger cacaotier et les arbres plantés pour créer les zones d’ombre. La sélection des arbres propagateur d’ombres ainsi que sur la technique à utiliser pour les planter de manière optimale en tenant compte de l’eco-système, requièrent davantage de recherche (Hutchins et al., 2015 ; Carr et Lockwood, 2011; Tscharntke et al. 2011). • Améliorer les techniques de greffage. La réhabilitation des arbres à travers l’usage du greffage a été utilisée avec succès en Costa Rica, (voir Encadré). Son adoption en Côte d’Ivoire pourrait améliorer la résistance du verger au changement climatique tout en nécessitant moins de travail et d’argent que la plantation de nouveaux arbres pour remplacer les plus anciens. Le greffage : l’expérience du Costa Rica Le greffage des arbres avec de nouvelles variétés améliorées est couramment pratiqué au Costa Rica. Cette technique permet d’améliorer les rendements et la résistance des arbres à moindre coût. Elle avait été adoptée dès les années 1970 et 1980 lorsque le verger avait souffert des virus « moniliasis ». Depuis, de nombreux fermiers possèdent leurs propres couveuses leur permettant de procéder à ces greffages. Elle est en cours d’expérimentation au Ghana où de nouvelles variétés hybrides sont testées, plus résistantes aux variations pluviométriques et aux maladies (Hutchins et al., 2015). 47 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 • Encourager le développement de nouvelles variétés. Le Centre National de Recherche Agronomique (CNRA) ivoirien a participé au décryptage du génome du cacaoyer, premier arbre fruitier tropical de longue génération à avoir été séquencé. Ces résultats ouvrent le champ à de nombreuses études qui permettront d’améliorer son adaptation aux conditions environnementales, sa résistance aux maladies et ses qualités aromatiques (UNDP, 2013). A titre d’exemple, la nouvelle variété de plants de cacao baptisée Mercedes offre un cycle court et produit 2 t à l’hectare, contre 0,4 t pour l’ancienne variété (Mieu, 2016). L’adaptation du littoral ivoirien. Suite à l’adoption récente de la Loi n°2017-378 du 2 juin 2017 relative à l’aménagement, à la protection et à la gestion intégrée du littoral, le Gouvernement de la Côte d’Ivoire a affirmé son engagement à protéger et valoriser son littoral de façon durable. Un des objectifs majeurs de la gestion intégrée du littoral est d’augmenter la résilience des communautés, des écosystèmes, et des infrastructures clés en zone côtière. Pour ce faire il faudra que l’Etat investisse sur le long terme dans des stratégies qui assureront la durabilité des actions déjà menées et des efforts à venir, à savoir : • L’aménagement du territoire – L’exacerbation des phénomènes liés au changement climatique demande une attention particulière à la planification de l’espace. Un développement climato-intelligent requiert des arbitrages quant aux décisions d’expansion urbaine et industrielle et de localisation d’infrastructures économiques (grands ouvrages de travaux publics ou opérations du secteur privé). • La promotion de la recherche et la formation scientifique dans les domaines tels que: l’ingénierie côtière, l’océanographie, et la télédétection et système d’information géographique – Il est très difficile, voire impossible dans certains cas, de faire des prévisions ou de la modélisation en termes de l’évolution du trait de côte, des pertes en terres, des impacts liés au changement climatique sans données scientifiques crédibles et spécifiques au pays. • La mise en place d’un système d’alerte lié au littoral et ceci en vue de l’intensification et la fréquence des évènements météorologiques . • L’intégration de l’adaptation au changement climatique et de la gestion des risques de catastrophes dans les plans de développement aux niveaux national, régional et local ainsi que dans les stratégies sectorielles les plus pertinentes (par exemple transport, agriculture, pêche, exploitation pétrolière, construction). Le projet d’investissement Régional de Résilience des Zones Côtières en Afrique de l’Ouest (West Africa Coastal Adaptability -WACA) Le projet d’investissement pour la résilience du littoral ouest africain (projet WACA de par son acronyme en anglais) a pour but d’aider les pays ouest africains à harmoniser la gestion de leurs infrastructures et ressources naturelles afin d’accroître leur résilience au changement climatique en général, ainsi qu’à l’érosion côtière et aux inondations en particulier. Vu la complexité du fonctionnement écologique du littoral et la multiplicité des acteurs et des usages, le projet vise à mettre en évidence les mesures multisectorielles d’adaptation au changement climatique qui peuvent apporter des solutions viables aux problématiques de (i) coordination et harmonisation des politiques et interventions au niveau régional, (ii) renforcement du cadre juridique et des capacités institutionnelles, (iii) observation du littoral et capacité de production, gestion et analyse des données, (iv) capacité des états et des populations à réagir en cas de catastrophe, (v) gestion des sols et aménagement du territoire, (vi) protection des ressources naturelles, (vii) promotion d’un développement climato-intelligent pour ce qui est des infrastructures, de l’urbanisation et des industries, et (viii) lutte contre la pollution en zone côtière. Source : Banque mondiale 48 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 L’atténuation du changement climatique : Les énergies renouvelables Parce que le secteur énergétique est l’un des principaux contributeurs de l’effet de serre observé au niveau de la planète, ce secteur a reçu une attention particulière dans les stratégies visant à la protection de l’environnement. Dans ce contexte, le développement de l’énergie solaire présente une opportunité pour de nombreux pays, notamment grâce à la chute rapide des coûts de production au cours des dernières années. Ceux-ci sont à présent au-dessous de 5 cents US par KW, comme le montrent les récents exemples de l’Afrique du Sud, la Zambie, le Maroc et le Sénégal (Graphique 15). Ces coûts sont hautement compétitifs comparés à d’autres sources d’énergie comme celles basées sur les hydrocarbures, et nettement moins polluantes. Graphique 15 : La baisse du coût de l’énergie solaire Source : Banque mondiale, 2018 L’expérience internationale montre que les opportunités d’investissements dans l’énergie solaire peuvent être dans ou en dehors du réseau national d’électricité. La Côte d’Ivoire ne s’est pas encore montrée très active dans la première catégorie, en comparaison d’autres pays de la sous-région comme le Sénégal et le Burkina Faso, même si plusieurs projets devraient voir le jour en 2018 et dans les années à venir.34 Il faut reconnaitre qu’il existe encore certaines contraintes techniques puisque l’usage du réseau national requiert un équilibre entre la demande et l’offre, alors que la production d’énergie solaire n’est possible que pendant la journée et en l’absence de nuages. Il est alors nécessaire de mettre en place des capacités de stockage ou une alternance de production avec des sources d’énergies traditionnelles, qui contribuent à renchérir le coût de l’investissement. 34 Ce n’est que dans les derniers mois que le Gouvernement ivoirien a lancé plusieurs initiatives de projets de centrale solaire photovoltaïque, y compris à Bingué-Bougou près de Korhogo au nord ; Dimbokro, Bouaké et Daoukro au centre du pays. 49 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Graphique 16 : La production d’énergie solaire en Afrique, 2017 90 80 70 60 50 MW, 40 30 20 10 0 Cote d'Ivoire Guinea Botswana Zambia Zimbabwe Ethiopia Burundi Eq Guinea Malawi Madagascar Mayotte Mozambique Nigeria Kenya Mauritius Benin Burkina Faso Congo Rep Angola Ghana Senegal Rwanda Namibia Uganda Mali Seychelles Niger Cent Afr Rep Tanzania Sudan Cabo Verde Somalia Swaziland Togo Cameroon Source : Banque mondiale, 2018 La Côte d’Ivoire se trouve à l’avant-garde du développement de projets d’énergie solaire qui ne sont pas connectés au réseau. Un marché s’est développé, avec plusieurs entreprises privées, dans la distribution de kits, de panneaux et de mini grid à usage individuel ou communautaire. Les bénéfices sont d’accroitre l’accès à l’électricité pour des utilisateurs isolés ou avec des moyens financiers relativement limités. A l’instar d’autres pays qui bénéficient aussi de conditions d’ensoleillement favorables, la Côte d’Ivoire pourrait accélérer ses investissements dans l’énergie solaire. Non seulement les coûts sont aujourd’hui largement maitrisés et ce type de projets peut se développer plus rapidement que la construction d’usines thermiques ou hydrauliques. Ils permettront au pays de diversifier ses sources d’énergie et de créer de nombreux emplois comme le montre l’exemple du Bangladesh où plus de 140 000 emplois ont pu être créés grâce à des investissements dans l’énergie solaire en zones rurales. Le pays devrait considérer les dernières innovations technologiques comme la construction de panneaux solaires sur des plans d’eaux, qui permettent à la fois un meilleur rendement à cause de la réverbération et éviter les conflits fonciers sur l’utilisation des terres. L’atténuation au changement climatique : la modernisation du transport Avec l’Energie, le secteur des Transports représente l’une des principales sources mondiales de production de GES, principaux responsables du changement climatique. Avec son récent dynamisme économique, la Côte d’Ivoire connaît une augmentation de ses émissions d’équivalent CO2 : en 2014, le pays a émis 11 045 000 tonnes d’équivalent CO2, et ce chiffre est en constante augmentation à mesure que le PIB et l’activité du pays progressent. Afin de garantir un développement soutenable du point de vue environnemental, la Côte d’Ivoire se doit de minimiser l’empreinte écologique de ses principaux secteurs d’activités, dont celui des transports. De façon classique, la croissance économique induit une augmentation du nombre de déplacements des biens et des personnes : dans le cas ivoirien, les parts modales étant nettement en faveur du transport routier individuel, cela se traduira en une augmentation du taux de motorisation et du nombre de véhicules en circulation, notamment en milieu urbain. En 2016, le parc de véhicules en circulation en Côte d’Ivoire était estimé à 1,2 millions de véhicules, dont 550 000 véhicules particuliers et 500 000 motocycles. Le reste étant constitué de véhicules utilitaires (poids-lourds, bus, etc.). 50 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Graphique 17 : Plus de motorisation avec le développement économique 180 TAUX DE MOTORISATION (VEH 160 Afrique du Sud, 140 POUR 1000 HBTS) 120 100 80 Ghana Pérou 60 40 Sénégal 20 Nigeria 0 Côte d'Ivoire 0 2000 4000 6000 8000 10000 12000 14000 PIB PAR HABITANT PPA ($) Source : Banque mondiale. Un changement des pratiques en matière de transports est nécessaire, afin de ne pas aggraver une situation qui est déjà préoccupante. Du point de vue des polluants locaux, la congestion automobile en milieu urbain émet d’importantes quantités de substances nocives telles que les particules fines (PM), les oxydes d’azote (NOx) ou le monoxyde de carbone CO à cause du manque d’entretien des véhicules, la prédominance du carburant Diesel (72%) et de la vétusté du parc. L’âge moyen du parc automobile ivoirien est de 22 ans, l’un des plus élevés de la CEDEAO, lorsque le Sénégal ou le Ghana se limitent à 12 et 14 ans respectivement (SFI, 2017). Du point de vue des GES, le parc automobile ivoirien émet environ 3 millions de tCO2 eq, soit un quart des émissions totales du pays. Et ce chiffre est probablement sous-estimé, étant donné qu’un important nombre de véhicules, souvent les plus polluants, n’est pas déclaré. Plusieurs solutions durables sont envisageables pour inverser la tendance. D’une part, il faut moderniser l’équipement automobile ivoirien et le rationaliser. Par exemple, les transporteurs professionnels – de marchandise ou de personnes – doivent moderniser leurs flottes afin d’améliorer l’efficacité énergétique de leurs véhicules, réduire les coûts de maintenance et améliorer la sécurité des employés et des riverains. Surtout, cela permet une réduction conséquente des émissions  : réduire de 10 ans l’âge moyen du parc de taxis compteurs, taxis communaux ou minibus Gbaka permettrait de baisser de 10% au moins leurs émissions de CO2 (SFI, 2017). Le Gouvernement ivoirien a d’ailleurs pris un certain nombre de mesures allant dans ce sens. En effet, les «France au-revoir», ces voitures d’occasion importées, jugées «trop polluantes», seront soumis à une stricte limite d’âge à partie de juillet 2018 quand le décret du 6 décembre 2017 sera mis en vigueur : pas plus de 10 ans pour les camions, pas plus de sept ans pour les mini- cars et camionnettes et surtout pas plus cinq ans pour les véhicules de tourisme. Parce que ces voitures pourront encore circuler, cette mesure devra être accompagnée par un carburant plus propre (le Diesel produit par le Société Ivoirienne de Raffinage - SIR - est loin de correspondre aux normes internationales) - et un contrôle technique bien mieux encadré. D’autre part, il est urgent de procéder à un report modal du véhicule particulier vers des modes moins polluants tels que les transports en commun. La mise en place de systèmes de transports de masse performants dans les agglomérations urbaines réduirait significativement les émissions de polluants et de GES, mais réduirait également la congestion, diminuerait les temps de trajets et aurait un impact économique majeur sur l’aire urbaine. A nouveau, le gouvernement s’est montré actif avec l’achat récent de 450 bus dont certains fonctionnant avec de l’énergie à gaz 51 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 et avec le développement des transports lagunaires qui transporte en moyenne plus de 1 millions de passagers par an. A l’avenir, la mise en place de systèmes de bus en site en propre de type Bus Rapid Transit (BRT) est peu onéreuse au regard du service délivré, et une première étude de faisabilité estime que l’impact direct sur les émissions de CO2 de la mise en place d’un tel système à Abidjan, sur un corridor stratégique, est la réduction de 22 500 tonnes de CO2 par an, sans compter les externalités. Enfin, la conception des infrastructures de transports doit s’inscrire dans une logique de résilience face au changement climatique déjà en marche sur la planète. Le niveau des eaux augmente, l’érosion côtière est à l’œuvre sur les côtes ivoiriennes et la pluviométrie est irrégulière d’une année à l’autre. Pourtant, la façon de construire et d’entretenir les routes est toujours la même. La construction et la réhabilitation d’infrastructures côtières doivent s’accompagner de mesures d’adaptation et de protections côtières spécifiques, la localisation des routes et le développement foncier qui les accompagne doivent être pensés en prévision des potentiels impacts négatifs liés aux phénomènes climatiques et les politiques d’entretien routier doivent être renforcées. Certaines solutions incluent : • Un bon entretien des routes est le moyen le plus important et le plus efficace de réduire l’impact des changements climatiques sur le réseau routier. Une nouvelle étude de la Banque mondiale (2017) en tire cette conclusion et indique que les dommages causés par les chocs climatiques sont plus graves s’il n’existe pas de système d’entretien routier adéquat. • La modélisation de l’avancement du trait de côte en fonction de différentes solutions de mitigation (épis, digues végétales, etc.) afin de déterminer la localisation optimale d’une infrastructure. Plusieurs bailleurs de fonds s’intéressent à l’implémentation de 28 épis courts entre le Port de Lomé au Togo et la frontière avec le Bénin afin de protéger la route inter-Etat Lomé – Cotonou. La Banque mondiale participe à ce projet à travers son Projet d’investissement Régional de Résilience des Zones Côtières en Afrique de l’Ouest (WACA). • Le revêtement des chaussées peut être repensé comme une partie intégrante du système de drainage en utilisant des matériaux perméables pour chacune des couches. Dans son projet d’investissement dans l’aviation dans les îles du Pacifique, la Banque mondiale accompagne le Gouvernement du Tuvalu pour l’utilisation d’une structure stabilisante de la couche de base appelée GeoCell, qui augmente la stabilité de la chaussée en accélérant le drainage des eaux, améliorant la répartition des efforts subis par l’infrastructure et réduit les coûts de construction. Cette technologie est en cours de déploiement sur des sections critiques du réseau routier et les chaussées aéroportuaires. En somme, les transports doivent se réinventer afin de catalyser une croissance économique soutenable et minimiser les retombées négatives de ce secteur sur le climat. 52 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Bibliographie Agence Internationale de l’Énergie. 2017. Energy Access Outlook 2017. Vienne; AIE. Ahossane, K., Jalloh, A., Nelson, G.C. et al. 2013. Côte d’Ivoire, chapter 5. Dans: West African Agriculture and Climate change: A Comprehensive Analysis. 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NJAS- Wageningen Journal of Life Sciences 74–75, 1–7 DOI: http://dx.doi.org/10.101 56 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 ANNEXES STATISTIQUES 57 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Tableau 1: Indicateurs Économiques Principaux   2012 2013 2014 2015 2016 2017 (e) 2018 (p) Comptes Nationaux (% du PIB)             Consommation finale 81,0 77,2 78,2 80,8 81,4 80,6 79,2 Formation brute du capital 11,5 15,8 17,3 18,2 19,4 20,0 20,8 Variation de stocks 3,6 4,7 0,9 0,2 1,0 0,8 -0,6 Solde extérieur 3,9 2,3 3,7 0,7 -2,3 0,7 0,4 Exportations 47,2 38,2 38,2 37,6 32,2 35,2 35,0 Importations 43,3 34,6 34,6 36,8 34,3 34,5 34,6 PIB(Coût des facteurs) 76,8 78,1 80,9 79,5 80,0 80,4 80,9 Agriculture 19,8 18,8 20,1 19,0 17,3 17,6 17,2 Industrie 21,1 24,0 23,0 22,9 24,4 24,2 23,5 Service 36,0 35,3 37,8 37,6 38,3 38,7 39,9 Droits et Taxes net 10,9 10,3 10,2 11,7 11,6 11,5 11,4 Prix (% glissement annuel moyen) Déflateur du PIB 2,6 3,3 0,8 1,4 1,6 1,1 0,5 Indice des Prix à la consommation 1,3 2,6 0,4 1,2 0,7 0,8 1,7 Indicateurs Fiscaux (% du PIB) Recettes totales et dons 19,2 19,7 18,9 20,0 19,4 19,2 19,3 Recettes fiscales 16,2 15,6 15,3 15,1 15,5 15,5 15,6 Recettes non-fiscales 2,4 2,8 2,5 3,5 2,5 2,6 2,5 Dons 0,6 1,3 1,8 1,4 1,4 1,5 1,2 Dépenses totales 22,3 21,9 21,8 22,8 23,3 23,4 23,1 Dépenses courantes 17,8 15,9 15,9 16,4 16,7 17,1 16,3 Dont service de dette 1,7 1,4 1,3 1,5 1,7 1,6 1,7 Dépenses d'investissement 4,5 6,0 5,9 6,4 6,5 6,5 6,8 Solde primaire -1,2 -0,1 -0,5 -0,3 -1,8 -1,2 -2,1 Solde global -3,2 -2,2 -2,2 -2,8 -3,9 -4,2 -3,8 Secteur extérieur Balance commerciale 11,4 9,6 10,9 9,7 9,2 9,8 7,8 Exportations de marchandises (f.o.b) 45,2 38,5 36,7 35,8 29,8 29,2 28,4 Importations de marchandises (f.o.b) 33,8 29,0 25,7 26,1 20,6 19,4 20,7 Compte de services (Net) -7,3 -7,3 -6,1 -6,2 -6,6 -7,1 -6,6 Autres (Net) -5,4 -4,3 -3,4 -4,1 -3,7 -3,6 -3,0 Solde du Compte Courant 0,3 0,3 1,4 -0,6 -1,1 -2,1 -2,8 Compte de Capital et d'Opérations Financières Compte de Capital 0,0 0,0 0,8 0,8 0,6 0,5 0,1 Investissements Directs Etrangers 1,2 1,3 1,2 1,5 1,7 1,8 1,6 Investissements de Portefeuille et Autres -2,6 1,1 -0,9 0,5 -2,3 5,5 4,2 Memo PIB (prix courant en milliards de FCFA) 13677,0 15446,0 17461,0 19595,0 21562,0 23436,0 25472,0 PIB (prix constant 2009 en milliards de FCFA) 12335,5 13479,3 14661,6 15961,4 17291,9 18606,0 20026,0 Taux de change (FCFA:US$-moyenne annuelle) 510,0 494,0 494,0 591,0 593,0 581,0 Population (million) 22,0 22,5 23,1 23,7 24,3 25,0 25,0 Source: Fonds Monétaire International, Banque mondiale, Institut National de Statistique 58 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Tableau 2: Compte Nationaux % du PIB 2012 2013 2014 2015 2016 2017(e) Prix courant Demande Agregée Consommation Finale 79,7 76,4 75,4 76,4 76,3 75,6 Privée 66,9 64,1 63,1 64,5 64,8 63,5 Publique 12,8 12,3 12,3 11,9 11,5 12,1 Formation Brute de Capital 12,8 17,0 18,9 19,5 20,5 21,3 Privée 7,3 10,7 12,0 12,8 14,0 14,5 Publique 5,5 6,3 6,9 6,7 6,5 6,8 Variation de Stocks 3,3 3,7 0,9 0,6 0,2 0,3 Solde Extérieur 4,2 2,9 4,9 3,5 3,0 2,8 Exportations 48,9 41,5 39,3 37,7 32,4 31,9 Importations 44,7 38,6 34,4 34,2 29,4 29,0 Facteurs de production PIB au coût des facteurs 89,8 77,2 80,1 79,8 80,4 80,6 Agriculture 22,2 21,0 21,1 22,7 20,9 20,1 Industrie 24,0 26,0 27,4 25,8 27,5 27,8 Services 31,0 30,3 31,6 31,3 31,9 32,7 Droits et Taxes Net 10,2 10,2 10,5 10,9 10,7 10,7 Prix Reel (base 2009) Demande Agregée Consommation Finale 81,0 77,2 78,2 80,8 81,4 80,6 Privée 68,6 65,9 66,8 63,8 70,7 69,3 Publique 12,4 11,2 11,4 11,0 10,7 11,3 Formation Brute de Capital 11,5 15,8 17,3 18,2 19,4 20,0 Privée 6,4 9,9 10,8 11,8 12,7 13,2 Publique 5,1 6,0 6,5 6,5 6,7 6,8 Variation de Stocks 3,6 4,7 0,9 0,2 1,0 0,8 Solde Extérieur 3,9 2,3 3,7 0,7 -1,7 -1,3 Exportations 47,2 38,2 38,2 37,6 32,6 32,4 Importations 43,3 34,6 34,6 36,8 34,3 33,7 Facteurs de production PIB au coût des facteurs 76,8 78,1 80,9 79,5 80,0 80,4 Agriculture 19,8 18,8 20,1 19,0 17,3 17,6 Industrie 21,1 24,0 23,0 22,9 24,4 24,2 Services 36,0 35,3 37,8 37,6 38,3 38,7 Droits et Taxes Net 10,9 10,3 10,2 11,7 11,6 11,5 Sources: Institut National de Statistique, FMI et Banque mondiale 59 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Tableau 3: Croissance Réelle par Secteur Glissement annuel (%) 2012 2013 2014 2015 2016 2017(e) Agriculture 0,3 3,8 11,5 2,8 -1,1 9,8 Agriculture vivrière, élevage -2,5 1,2 18,7 -1,0 3,9 7,4 Agriculture d'exportation 4,3 5,7 2,8 7,5 -8,0 14,2 Sylviculture 0,6 87,1 0,0 27,5 2,0 -5,0 Pêche 18,8 16,5 0,4 30,7 2,7 -1,3 Industrie 6,1 24,2 3,9 8,3 15,2 6,9 Extraction minière -25,8 14,7 -3,0 20,4 18,1 -3,6 Industries agroalimentaires 28,4 4,1 8,7 -1,7 2,2 14,3 Energie 155,2 97,9 -6,3 5,2 37,9 9,7 Batiments et travaux publics 40,5 17,9 15,5 18,3 22,1 8,5 Autres industries manufacturières 4,3 21,3 7,9 6,8 9,8 5,7 Services 6,8 7,2 9,1 8,2 10,4 8,3 Transports et Communication 27,2 8,9 5,9 12,3 9,2 8,7 Services -3,2 7,5 10,2 7,9 11,7 7,6 Commerce 9,3 5,1 10,8 6,5 8,0 8,5 Administration publique 35,1 3,5 7,3 7,7 3,6 3,4 Sources: Institut National de Statistique, FMI et Banque mondiale Tableau 4: Opérations Fiscales %PIB 2012 2013 2014 2015 2016 2017(e) Recettes totales et dons 19,2 19,7 19,6 20,0 19,4 19,5 Recettes totales 18,6 18,4 17,8 18,5 18,0 18,1 Recettes Fiscales 16,2 15,6 15,3 15,1 15,5 15,5 Impots directs 5,3 5,0 4,4 4,0 4,0 4,1 Impots Indirects 10,9 10,6 10,9 11,1 10,9 10,6 Recettes non-fiscales 2,4 2,8 2,5 3,5 2,5 2,6 Dons 0,6 1,3 1,8 1,4 1,4 1,5 Dépenses Totales 22,3 21,9 21,8 22,8 23,3 24,0 Dépenses courantes 17,8 15,9 15,9 16,4 16,7 17,1 Salaire et Traitements 6,8 6,7 7,0 6,8 6,5 6,5 Subventions et autres Transferts courants 3,0 2,1 1,8 2,1 1,8 1,8 Autres Dépenses courantes 4,2 3,5 3,9 4,2 4,3 4,6 Dépenses liées à la crise 0,4 0,5 0,4 0,6 0,6 0,6 Service de la Dette 1,7 1,4 1,3 1,5 1,7 1,7 Dette intérieure 0,6 0,7 0,7 0,7 0,9 0,9 Dette extérieure 1,1 0,6 0,6 0,8 0,8 0,8 Dépenses d'investissements 4,5 6,0 5,9 6,4 6,5 6,9 Financées sur ressources intérieures 3,7 4,0 3,6 4,0 4,9 3,9 Financées sur ressources extérieures 0,8 2,0 2,3 2,4 1,6 3,0 Solde Primaire -1,2 -0,1 -1,0 -1,3 -2,2 -2,6 Solde Global -3,2 -2,2 -2,2 -2,9 -4,0 -4,2 Solde Global (excl. dons) -3,8 -3,5 -4,0 -4,3 -5,2 -5,4 Variations des arriéres intérieurs 1,4 0,3 -1,0 0,0 0,4 -0,8 Solde Global (base caisse) -1,8 -2,0 -3,2 -2,8 -3,5 -5,3 Source: Fonds Monétaire International et Banque mondiale 60 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Tableau 5: Balance des paiements %PIB 2012 2013 2014 2015 2016 2017(e) Solde du Compte Courant 0,3 0,3 1,4 -0,6 -1,1 -2,1 Solde du Compte Courant (excl. Dons) -0,3 -1,0 -0,3 -2,1 -2,5 -3,2 Solde Commerciale 11,4 9,6 10,9 9,7 9,2 9,8 Exportations (f.o.b) 45,2 38,5 36,7 35,8 29,4 29,2 dont Cacao 12,6 12,5 13,1 15,7 12,7 12,4 dont produits pétroliers 14,7 11,0 8,8 5,8 4,0 3,9 Importations (f.o.b) 33,8 29,0 25,7 26,1 20,2 19,4 dont pétrole 10,3 9,4 9,6 6,2 4,0 4,0 Services (net) -7,3 -7,3 -6,1 -6,2 -6,6 -7,1 Revenus primaires (net) -3,4 -2,9 -2,6 -3,1 -2,9 -3,3 dont intérêt sur la dette publique 1,1 0,6 0,5 0,8 0,8 0,7 Revenus Secondaire (net) -1,9 -1,4 -0,8 -1,1 -0,8 -1,4 Gouvernement -0,2 0,4 0,7 0,5 1,4 0,9 Autres secteurs -1,8 -1,8 -1,5 -1,6 -2,2 -2,3 Comptes de Capital et d'Opérations Financières -1,5 2,4 1,1 2,8 -0,3 7,0 Compte du Capital 0,0 0,0 0,8 0,8 0,6 0,5 Compte des Operations Financières -1,5 2,4 0,3 2,0 -0,6 6,0 Investissements Directs Etrangers 1,2 1,3 1,2 1,5 1,7 1,8 Investissements de portefeuille (net) 0,5 0,6 2,6 3,0 0,2 5,5 Autres investissements (net) -3,2 0,6 -3,5 -2,5 -2,5 -1,3 Officiel, net -1,9 0,5 1,3 0,7 0,3 -0,5 Prêts projets 0,4 1,4 1,4 1,7 1,2 2,1 Autres prêts 0,0 0,0 2,9 -1,2 0,0 4,9 Amortissement -2,3 -0,9 -1,3 -1,2 -1,3 -3,0 Non-officiel, net -1,3 0,1 -4,8 -3,1 -2,8 -0,7 Erreurs et omissions 0,0 0,0 -0,3 -0,2 0,0 0,0 Solde Global -2,7 0,4 2,3 2,0 -1,1 4,5 Source: Fonds Monétaire International et Banque mondiale Tableau 6: Inflation, Taux de change et Prix Glissement annuel moyen (%) 2012 2013 2014 2015 2016 2017(e) Inflation Déflateur du PIB 2,6 3,3 0,8 1,4 1,6 1,1 Indice des prix a la consommation 1,3 2,6 0,4 1,2 0,7 0,8 Indice hors alimentation 1,8 2,8 1,4 1,0 0,5 0,7 Indice produits alimentaires -0,3 1,9 -2,1 2,0 -2,1 1,7 Taux de change (CFA:US$) 510 494 494 591 593 581 Produits de base selectionnés Pétrole ($/bbl) 105,0 104,1 96,2 50,8 42,8 50,3 Cacao ($/kg) 2,4 2,4 3,1 3,1 2,9 2,0 Café ($/kg) 4,1 3,1 2,3 2,1 2,1 2,3 Caoutchouc ($/kg) 3,2 2,5 2,0 1,6 1,6 2,1 Source: Institut National des Statistiques, Ministère de l’Economie et des Finances, Banque mondiale 61 Situation économique en Côte d’Ivoire - Juillet 2018 Tableau 7: Taux de Pauvreté   1985 1995 2002 2008 2015 Total 10 32,3 38,4 48,9 46,3 Urbain 5 42 49 62,5 56,8 Rural 15,8 19,4 24,5 29,5 35,9 Source: Ministère du Plan et de Développement, 2015 Tableau 8: Indicateurs du Secteur Monétaire et Bancaire   2012 2013 2014 2015 2016 2017(e) A. Situation Monétaire Avoirs extérieurs nets -14,2 0,2 4,1 3,2 -2,4 4,1 Avoirs intérieurs nets 16,0 16,9 12,0 15,6 14,5 11,0 Crédits nets à l'Etat 29,6 15,3 14,1 -3,0 30,7 2,2 Banque Centrale 19,1 2,2 -8,5 -16,4 6,6 21,4 Banques 45,9 31,8 36,1 5,7 43,2 -5,3 Crédit à l'économie 12,4 22,6 21,7 29,6 15,0 13,3 Masse Monétaire (M2) 16,1 18,8 12,1 19,7 B. Solidité financière de l'ensemble du secteur bancaire (%) Adéquation des fonds propres Capital aux avoirs pondérés par le risque 8,6 10,0 10,1 8,1 8,0 9,8 Normes de fonds propres Total des crédits/total des actifs 52,1 59,5 53,8 55,7 56,2 54,0 Concentration : crédits aux 5 plus grands emprunteurs au capital 129,5 63,2 76,3 109,4 126,8 102,9 Crédits en souffrance bruts/total des crédits 15,5 12,6 11,3 10,6 9,0 9,3 Provisions générales/crédits en souffrance bruts 78,7 76,0 77,1 68,5 71,1 65,8 Crédits en souffrance nets/total des crédits 3,8 3,3 2,8 3,8 2,8 3,5 Crédits en souffrance nets des provisions/fonds propres 49,5 34,1 28,1 47,0 36,5 35,9 Resultats et rentabilité Rendement net d'impôt des actifs moyens (ROA) 0,5 1,2 Rendement net d'impôt des fonds propres moyens (ROE) 7,1 17,4 Traitements et salaires/revenus bancaires net 29,8 28,9 2017: les indicateurs de solidité financière de 2017 sont celle de Juin 2017 Liquidités Actifs liquides/total des actifs 35,3 48,7 49,8 52,0 50,8 52,9 Actifs liquides/total des dépôts 46,1 65,5 67,5 71,0 73,8 76,3 Total des crédits/total des dépôts 77,6 80,0 72,8 76,1 81,7 77,9 Source: Fonds Monétaire International, BCEAO 62 www.banquemondiale.org/fr/country/cotedivoire