Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie Vers une consolidation budgétaire qui améliore la gestion des investissements publics et fortifie les filets sociaux Février 2018 Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 001 Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie Vers une consolidation budgétaire qui améliore la gestion des investissements publics et fortifie les filets sociaux Ce document a été préparé par une équipe composée de Wael Mansour (Écono- miste du pays et chargé du projet), Aline Coudouel (Économiste Principal), Mat- thieu Lefebvre (Spécialiste Senior de Protection Sociale), El Hadramy Oubeid (Spécialiste du Secteur Public) et Julien Gallant (Consultant de PPP). L’équipe tient à remercier Paolo Zacchia (chef de programme) et Christine Richaud (Écono- miste Principale) pour leurs précieux commentaires. Ce rapport a été préparé sous la supervision de Lars Christian Moller (Directeur de la Pratique Macroéconomie Investissement et Commerce en Afrique de l’Ouest), Louise Cord (Directrice des Opérations Cap-Vert, Gambie, Guinée-Bissau, Maurita- nie, Sénégal), and Laurent Msellati (Représentant Résident). www.banquemondiale.org/fr/country/mauritania Table des Matières Messages Principaux _______________________ vi Première Partie : Développements Économiques Récents _______________________ 1 1.1 L’évolution de la croissance 1 1.2 Les développements du secteur extérieur 4 1.3 Les développements monétaires et le secteur financier 6 1.4 Les développements budgétaires 10 1.5 Perspectives 2018-2020 et risques 13 Annexes 1 : Indicateurs macroéconomiques 16 Deuxième Partie : Aperçu de la Gestion des Investissements Publics en Mauritanie________ 18 2.1 Un contexte dominé par une expansion des ressources 18 2.2 Amélioration des allocations budgétaires 19 2.3 La répartition sectorielle des dépenses d’investissement 20 2.4 Diagnostic du cadre de la gestion de l’investissement public 24 2.4.1 L’architecture institutionnelle et organisationnelle 25 2.4.2 Programmation et sélection des projets 25 2.4.3 Marchés publics 27 2.4.4 Exécution et suivi de projets 30 2.5 Conclusion 31 Annexe 2 : Répartitionsectorielle des investissements public 32 Troisième Partie : Mettre en Place des Filets Sociaux Pérennes et Efficients pour Réduire la Pauvreté Extrême et Protéger les Ménages Vulnérables des Chocs______________________ 33 3.1 Les filets sociaux, outils de lutte contre l’extrême pauvreté et de protection contre les chocs 33 3.1.1 Réduire l’extrême pauvreté et la vulnérabilité aux chocs en Mauritanie 33 3.1.2 Les filets sociaux sont efficaces pour réduire la pauvreté 34 3.1.3 La Mauritanie peut bâtir sur des bases solides pour développer un système de filets sociaux 35 3.2 Cinq actions clefs pour un système de filets sociaux efficient et efficace 36 Action 1 : Adopter une stratégie de financement 37 Action 2 : Rationaliser certains programmes qui ne répondent pas aux exigences d’efficience 38 Action 3 : Étendre le registre social sur l’ensemble du territoire 41 Action 4 : Étendre le programme de transferts sociaux Tekavoul 42 Action 5 : Mettre en place un dispositif national de réponse aux chocs 44 3.3 Conclusion 45 Annexe 3 : Analyse de l’impact des subventions énergétiques 46 Messages Principaux 1. Le Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie (RSEM) est une nouvelle publication périodique de la Banque mondiale (BM) qui souligne les tendances écono- miques récentes et discute des problèmes de développement pertinents pour le pays. Le RSEM se sert des rapports analytiques existants de la BM pour présenter des problèmes économiques et sociaux actuels. Le RSEM est destiné au grand public et sert de véhicule pour lancer un débat factuel sur les choix économiques parmi les principaux acteurs natio- naux surtout entre les décideurs politiques et les citoyens. Les opinions et les projections exprimées dans le rapport sont celles des auteurs et ne représentent pas celles du Conseil d’administration de la BM ni du Gouvernement mauritanien. 2. Cette première édition du RSEM présente un compte rendu de la situation éco- nomique en 2017 et aborde la question de la consolidation budgétaire à travers l’angle des investissements publics et des dépenses sur les filets sociaux. Comme discuté dans ce rap- port, la consolidation budgétaire est la clé de la stabilité macroéconomique et de la crois- sance à long terme. Pour réussir cette consolidation, le gouvernement doit mettre en place : i) un système efficace de gestion des investissements publics qui assure la sélection des projets ayant les meilleurs rendements économiques et sociaux ; ii) un programme de filets sociauxqui protège les pauvres contre les risques de déséquilibre budgétaire, renforce leur capital humain et leurs capacités économiques et est plus rentable que le système existant. Ainsi, le RSEM est composé de 3 parties. Partie 1 - développements économiques récents. Partie 2 – Un aperçu sur la gestion des investissements publics ; Partie 3 - mettre en place des filets sociaux pérennes et efficients.  Partie 1: Développements économiques récents 3. L’activité économique semble reprendre avec l’amélioration de la consommation privée et la reprise graduelle des prix internationaux du fer et du cuivre, ainsi que la bonne tenue de l’activité économique non extractif. En 2017, la croissance du PIB est estimée à 3,5%, en hausse par rapport à 2,0% en 2016, tirée par la pêche, le commerce et les indus- tries manufacturières. L’inflation pour sa part a atteint 2,4% en 2017, en hausse par rapport à 1,5% en 2016. Cette hausse reflète surtout les prix des denrées alimentaires importées et l’effet de la dépréciation continue de l’Ouguiya. 4. Cette reprise est plutôt lente et compromet les gains en termes de réduction de la pauvreté accrue entre 2008 et 2014, durant la période du boom minier. En effet, les esti- mations de la BM montrent que la réduction de la pauvreté s’est presque figée en 2017 mais que le nombre absolu des pauvres continue d’augmenter. Avec une économie qui semble avoir aussi du mal à créer de l’emplois, ces résultats aggravent les tensions so- ciales et mettent en évidence la nécessité d’accélérer la croissance, d’investir dans le ca- pital humain et de réformer les filets sociaux pour améliorer les conditions de vie des populations les plus pauvres et les plus vulnérables, les protéger des chocs, et les doter de nouvelles opportunités économiques. vi - La Banque Mondiale - Février 2018 5. Les pressions extérieures sur la balance des paiements ont nettement diminué en 2017 grâce à un rebondissement des prix du fer et à la politique de consolidation budgétaire qui a permis une réduction des importations notamment ceux des équipements de construc- tion. Ainsi, le déficit du compte courant (DCC) s’est réduit de 15,8% du PIB en 2016 à 11,0% en 2017. Néanmoins, l’ampleur du DCC pose un défi car elle nécessite une mobilisation im- portante de financement dont les sources les plus prépondérantes restent les investissements directs étrangers (IDE) et les emprunts extérieurs. Ainsi en 2017, le ralentissement des dé- caissements d’emprunts étrangers liés aux projets d’investissements publics a contribué à une baisse modérée des réserves en devises, passant de 5,2 mois d’importation en 2016 à 5,1 mois en 2017. Ce niveau de réserves reste toutefois confortable et au-dessus de la cible de la BCM. 6. L’ampleur du DCC, la faiblesse des exportations non extractives, et une certaine rigidité dans le fonctionnement du marché des devises étrangères ont affaibli la capacité de la Mauritanie à réagir face au choc des termes de l’échange. Cette dynamique a impacté la capacité du pays à financer ses besoins extérieurs et l’a conduit auparavant à recourir à des prêts non concessionnels pour accroître les réserves en devises de la BCM au prix d’une augmentation de la dette publique. De plus, le manque d’outils de gestion monétaire a ren- du la politique monétaire moins efficace pour amortir les chocs et intervenir pour atténuer les contraintes de liquidité domestique. Face à ces problèmes, la BCM a élaboré un plan de réformes triennal, visant à remédier à ces lacunes. Ces réformes ont bien commencé, mais le rythme pourrait être considérablement accéléré. 7. Dans le but de s’attaquer à une dette publique croissante dassurer la stabilité macroéconomique, le Gouvernement a maintenu une politique budgétaire prudente axée sur l’élargissement de l’assiette fiscale et le contrôle des dépenses. Ce plan a réussi, et pour une deuxième année consécutive le solde budgétaire primaire en 2017 est resté excéden- taire à 1,2% du PIB. Aidé par la reprise des recettes minières et les recettes de pèches ainsi que par des économies sur les dépenses opérationnels, l’ajustement principal est venu des investissements publics qui ont chuté de 3,3% du PIB en 2 ans. Ce résultat a abouti à une réduction du ratio de la dette, pour la première fois depuis une décennie, de 99.1% du PIB en 2016 à 93.6% en 2017. Mais, le risque de surendettement reste élevé, ce qui justifie une continuation de la politique budgétaire actuelle. 8. Les perspectives de croissance pour 2018-2020 s’appuient sur des réformes struc- turelles auxquelles le gouvernement s’est engagé. Des réformes qui se focalisent sur le climat des affaires, l’amélioration de la compétitivité, et la stabilité macroéconomique. Si elles sont exécutées, la croissance atteindra graduellement 5,2% en 2020. Cette reprise bénéficiera du rebond anticipé des prix des matières premières et de l’augmentation des IDE notamment ceux liés aux découvertes gazières et à l’expansion de la production minière. Cette reprise devrait être accompagnée par des réformes sur la gestion des investissements publics pour augmenter leur efficacité et par certains partenariats public-privé. Elle suppose aussi que le soutien financier des bailleurs augmentera selon le nouveau plan de développement na- tional, la Stratégie de croissance accélérée et de prospérité partagée (SCAPP). Malgré ce progrès, le taux de croissance anticipé doit être plus ambitieux pour soutenir une réduction continue de la pauvreté et la création d’emploi. Ainsi un focus doit être fait sur les politiques favorisant la croissance afin que la Mauritanie rattrape ses homologues et atteigne son ob- jectif de pays émergent. 9. Ces perspectives font faces à des risques remarquables. Le premier est celui de la volatilité des prix des matières premières ; une incertitude qui peut avoir un effet négatif sur les IDE attendus dans le secteur extractif. Le second risque est celui de la capacité adminis- trative d’exécuter les réformes attendues surtout celles liées à la stabilité macroéconomique et à la participation du secteur privé. Un échec sur ce plan aura des conséquences impor- tantes sur l’économie et sa capacité à générer de l’emploi ; ce qui augmentera les tensions Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - vii politiques et sociales. Le programme de réformes ambitieux mis en avant reste un défi pour la Mauritanie et repose sur une forte volonté politique d’accommoder un environnement mondial qui change, et sur la capacité de l’Administration mauritanienne à consulter, com- muniquer et réaliser ces réformes. Partie 2 Gestion des investissements publics 10. L’investissement public (IP) est considéré comme l’un des piliers majeurs du dé- veloppement économique de la Mauritanie. Durant les cinq dernières années, les crédits d’investissements cumulés octroyés à l’IP ont totalisé plus de 90 milliards de MRU. Au- jourd’hui, l’IP compte pour plus de 40 % du budget de l’État et représente plus de 25 % de l’investissement global dans le pays. En accélérant l’accumulation de la dette publique, cet IP a un coût budgétaire élevé et n’a abouti qu’à une croissance moyenne plutôt faible de 4,3 %. Ce résultat non souhaité émane des problèmes structurels tout au long du cycle de gestion de l’IP. Ces contraintes affectent l’efficacité et le rendement économique du porte- feuille des projets publics en Mauritanie. 11. La répartition sectorielle des dépenses d’investissement a été plus favorable aux projets d’infrastructure surtout dans les secteurs de l’agriculture, l’énergie et le transport, notamment les projets de routes. Plusieurs projets structurants ont été réalisés et ont conduit à une transformation du pays entre autres au niveau de la connectivité des régions et le désenclavement des zones rurales, l’augmentation de la capacité de production d’élec- tricité, et l’augmentation importante des zones d’agriculture irrigués. Mais, le focus sur les infrastructures a laissé peu de marges au profit des secteurs clef comme l’éducation, la santé et les filets sociaux. Le développement de ces secteurs est impératif à la soutenabilité de la croissance et la prospérité future du pays. Ainsi, une attention particulière sera portée aurééquilibrage des investissements entre les secteurs prioritaires afin d’augmenter le ren- dement économique et social du PIP. 12. Le diagnostic du cadre de la gestion de l’investissement public (GIP) révèle de nom- breux goulots d’étranglement qui se manifeste sur plusieurs plans : i. Sur le plan institutionnel : le manque des ressources humaines ainsi que les changements fréquents dans les domaines de compétence des ministères et notamment entre les ministères des Affaires économiques, du Budget et des Finances ont affaibli la coordination entre les différents services, et ont abouti vers un proces- sus faible de priorisation de projets. ii. Sur le plan de la programmation et de la sélection des projets : des contraintes surtout au niveau de l’arbitrage entre les projets et leur mode de finan- cement qui n’est pas nécessairement guidé par les stratégies sectorielles, le manque de budgétisation pluriannuelle, et la faible capacité administrative pour entamer des études de faisabilité détaillée des projets. iii. Sur le plan des marchés publics : le processus des marchés publics souffre des plusieurs incohérences relatives à la délimitation des attributions des or- ganes de passation des marchés publics ainsi que leurs compositions, leurs modalités de fonctionnement, et l’absence de décrets d’application de la loi sur la délégation des ouvrages. Les réformes mises en place en Octobre 2017 commencent à remédier à cela. viii - La Banque Mondiale - Février 2018 iv. Sur le plan de l’exécution et du suivi de projets : l’absence de règles harmonisées d’exécution réduit l’efficacité de la mise en œuvre des projets, augmente leur coût, et réduit la transparence. De plus malgré les textes qui régissent cette fonc- tion, l’évaluation systématique et méthodique des projets manque toujours. Les in- dicateurs de performance, utilisés actuellement par les autorités, ne ciblent que les aspects administratifs des projets, comme le décaissement et le démarrage des activi- tés, et n’évaluent ni le montage technique, ni les rendements économiques et sociaux. 13. Conscient de cette contrainte, le Gouvernement a récemment montré une bonne volonté politique de réformer le cadre de GIP en prenant certaines me- sures pour le redresser. Mais, les défis restent nombreux et requièrent des réformes structurelles profondes. À cet effet, trois axes de réforme sont recommandés : • Axe 1 : Approfondir le processus d’évaluation des projets. En- treprendre une évaluation ex ante détaillée basée sur des critères quantitatifs stan- dardisés intégrant les aspects économiques, sociaux et environnementaux surtout pour les grands projets. De plus, une évaluation ex post est également nécessaire pour mieux appréhender les coûts-avantages portant surtout sur les aspects économiques, financiers et les délais de réalisation. Pour cela, il faut doter les ministères de moyens pour assurer convenablement le suivi physique des projets ; faire des audits techniques et financiers. • Axe 2 : Etre plus sélectif dans le choix des projets. Aligner le PIP avec les priorités nationales de la SCAPP et établir un système budgétaire et comp- table pluriannuel pour améliorer la programmation financière et le déploiement ponctuel du budget et assurer un suivi effectif des dépenses en capital. • Axe 3  : Améliorer l’efficacité de l’exécution des projets. Aug- menter l’absorption des crédits extérieurs d’investissements ; démarquer les procédures pour mieux gérer le flux de travail et réduire les délais  ; et harmo- niser les textes de la mise en œuvre de la procédure de passation de marche avec la loi, en intégrant la programmation des marchés publics dans le pro- cessus budgétaire, et en renforçant l’égalité d’accès à la commande publique. Partie 3 Filets sociaux 14. La Mauritanie a progressé dans la voie de l’éradication de l’extrême pauvreté. Ce- pendant, en accord avec la Stratégie Nationale de Protection Sociale et la SCAPP, le renfor- cement du dispositif de la protection sociale reste plus que jamais nécessaire pour atteindre l’objectif d’éradication de la pauvreté et d’appui aux personnes en grande vulnérabilité. 15. Les filets sociaux ont un impact sur les ménages à travers trois types de canaux : équité, résilience, et opportunités. En termes d’équité, les filets sociaux permettent d’amé- liorer la consommation des ménages, mais aussi d’impulser une amélioration des écono- mies locales. En termes de résilience, les programmes aident à renforcer les capacités des ménages à faire face aux chocs. En termes d’opportunités, ils augmentent l’utilisation des services de santé et l’inscription et la présence à l’école. D’autre part, les programmes ont aussi un impact démontré sur les capacités productives des ménages. Les bénéficiaires tendent à développer ou étendre leurs activités indépendantes et à travailler plus dans leurs exploitations familiales. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - ix La Mauritanie part sur de bonnes bases : capacité à mobiliser des ressources, ex- périence opérationnelle, stratégie, et engagement politique fort. Consolider cet existant et développer un dispositif efficient de lutte contre pauvreté et vulnérabilité requiert 5 actions : Action 1 : Adopter une stratégie de financement qui utilise une panoplie d’instruments pour répondre aux besoins fixes (pauvreté chronique) et variables (réponse aux chocs). Pour déployer une politique de protection sociale efficace, le gouvernement doit s’engager dès à présent à financer le système de filets so- ciaux – Registre Social, programme Tekavoul, dispositif de réponse aux chocs – en mobi- lisant les fonds nécessaires et en mettant en place les outils de financements adaptés. Le déploiement du Registre Social et du programme Tekavoul sur l’ensemble du territoire nécessite la mobilisation progressive d’un budget annuel de 11 à 13 milliards d’Ouguiyas d’ici 2021. • Action 2 : Rationaliser certains programmes qui ne répondent pas aux exigences d’efficience. Rationaliser les programmes qui ne ciblent pas bien les pauvres, ont des coûts opérationnels élevés permettra d’améliorer l’ef- ficacité des dépenses et de maximiser l’impact sur la pauvreté et vulnérabilité. Par exemple, les subventions butane et électricité sont régressives et accentuent les inégalités car plus de 25% des subventions vont aux 10% plus riches tandis que 1 à 2 % vont aux 10% les plus pauvres. Les boutiques EMEL sont mieux distribuées mais continuent à profiter aux riches plus qu’aux pauvres en valeur absolue. De plus, l’efficience du programme EMEL est limitée, car les subventions ne représentent plus que 40% du budget, alors que les coûts opérationnels en représentent la ma- jorité. La réforme des subventions de butane, de l’électricité, et du programme EMEL (qui représentaient respectivement 0,8, 0,6 et 1,4 milliards MRU en 2014) permettrait de dégager des ressources considérables et contribuer à financer les filets sociaux, tout en améliorant l’efficience de la dépense publique. • Action 3 : Étendre le Registre Social sur l’ensemble du terri- toire puis le mettre à jour régulièrement, pour doter la Mauritanie d’un outil de ciblage efficace tout en rationalisant les coûts et délais des programmes ciblés du gouvernement et de ses partenaires. • Action 4 : Étendre progressivement le Programme National de Transferts Sociaux (Tekavoul) sur l’ensemble du territoire, en enrôlant pro- gressivement 100.000 ménages extrêmement pauvres dans des cycles d’appui de 5 ans. • Action 5 : Mettre en place un dispositif de réponse aux chocs afin d’appuyer les ménages affectés par les chocs cycliques, en particulier ceux liés au changement climatique. Ce dispositif doit inclure un mécanisme d’alerte pré- coce, un dispositif institutionnel d’élaboration et de coordination des plans de réponse, un mécanisme de ciblage, un/des programmes, et des outils de financement. 16. Le système de filets sociaux est un outil essentiel pour éliminer l’extrême pau- vreté en investissant dans le capital humain des populations mauritaniennes et en dimi- nuant l’impact humain et économique des crises et catastrophes. C’est un investissement productif rentable pour les générations futures. x - La Banque Mondiale - Février 2018 Première Partie Développements Économiques Récents 1.1 L’évolution de la croissance Une reprise économique moyenne en 2017 qui reste insuffisante pour maintenir les gains de réduction de la pauvreté. 1. La Mauritanie semble enfin émerger de la période du choc minier. La Mauritanie a connu un boom minier entre 2006 et 2013 qui a vu la part des investissements dans le PIB atteindre 42 % en moyenne, bien supérieure à celle de l’Afrique subsaharienne et de la région du Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (19 et 27 %, respectivement)1. Ainsi la formation brute de capital a été le principal moteur de la croissance réelle durant cette période (figure 2). Cet investissement a éclipsé la consommation privée en augmentant presque trois fois plus rapidement ; un résultat qui soulève tout de même des questions quant aux bénéfices de ces investissements et à leur aptitude à stimuler le bien-être des ménages mauritaniens. D’autre part, la contribution de la demande exté- rieure nette2 à la croissance réelle durant le boom a été largement négative, en moyenne 2,3 %, reflétant ainsi une exportation non diversifiée, et une grande dépendance aux importations surtout les intrants et les biens d’équipements ali- mentés par la croissance du secteur extractif. Dans le second semestre de 2014 et suite à l’écroulement des prix internationaux des minerais, le pays a connu un choc brutal des termes de l’échange (TdE) qui a entrainé un effondrement des exportations et de l’investissement, surtout privé, et ainsi provoqué un ralentis- sement considérable de la croissance. Cette chute aurait été plus prononcée si les secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche n’avaient pas connu une croissance forte de 4.7 % au cours des années 2015 et 2016 (figure 1). En fin de 2017, la Mauritanie semble tourner cette page. Mais ce choc a exposé un nombre de vulnérabilités macroéconomiques fondamentales qui, si elles ne sont pas traitées convenablement par des réformes économiques structurelles, risquent d’anéantir les progrès réalisés par le pays au cours de la dernière décennie. 1  Source : Banque mondiale, Indicateurs de Développement Mondial (2017). 2  Calculée selon Exportations moins Importations. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 1 Figure 1 : Contribution sectorielle Figure 2 : Contribution à la croissance à la croissance de PIB (%) du PIB des composantes de la demande agrégée 20% Tax Nette 36% Exp . d e b ien s et services Gouvernmen t Investis sement Commerces et Services 30% Con structio n Con som. des ménages 15% 24% Sect. Manu facturier Con som. secteu r pu blic Extractives Imp . d e b ien s et services 18% Peche 10% PIB Agricu lture et Elevage 12% PIB 6% 5% 0% -6 % 0% -1 2% -1 8% -5 % -2 4% 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Source : Office National des Statistiques (ONS), estimations et calculs du personnel de la Banque mondiale. 2. L’activité économique à repris lentement en 2017 grâce à l’amélioration progressive de la consommation privée et à la perfor- mance des secteurs de pêche, du commerce et des industries manu- facturières. En 2017, la croissance du PIB est estimée à 3,5%, contre 2,0% en 2016 et 1,4% en 2015. Néanmoins, cette reprise reste fragile car les contraintes de liquidité sur le marché domestique, résultant de la consolidation budgétaire et d’une politique monétaire inefficace, continuent de freiner l’élan de la crois- sance, qui demeure de ce fait en dessous de celle observée dans le continent Africain (figure 3)3. Du côté de l’offre, la pêche 4, le commerce et les industries manufacturières restent les principaux moteurs de la croissance. Ils compensent la performance du secteur de la construction5 affectée par la réduction des in- vestissements publics, et de la production minière en baisse à la suite des pro- blèmes opérationnels de la Société Nationale Industrielle et Minière (SNIM) 6 ainsi que par la chute continue de la production pétrolière, une activité qui de- vrait complètement s’arrêter à la fin de 20177. Dans ce contexte, le PIB non ex- tractif devrait atteindre 4% en 2017, contre 2,5% en 2016, contrebalançant une baisse de 0,1% de la croissance réelle du secteur extractif (tableau 1). Du côté de la demande, la reprise de l’activité économique est tirée par l’amélioration de la consommation privée comme l’indique l’augmentation de la masse mo- nétaire (M2) et de la consommation de gasoil, respectivement de 12.6 et 4.7 % au cours des 8 premiers mois de 2017 (a/a). Ces développements ont compen- sé la baisse continue de l’investissement public au cours de la même période. 3  La moyenne étant de 3.7 %. 4  La production halieutique a augmenté de 72 % au cours du premier semestre de 2017 an- née-en-année (a/a). 5  L’importation de ciment a baissé au cours des 8 premiers mois de 2017 par 32% (a/a), tandis que celle du clinker a augmenté de 33.6%. 6  La production du fer par la SNIM et du cuivre par MCM a baissé de 8 et 24 % au cours des 8 premiers mois de 2017 (a/a). 7  La production de pétrole de Chinguetti a chuté de 17.6 % au cours des 8 premier mois de 2017 (a/a). 2 - La Banque Mondiale - Février 2018 Figure 3 : Croissance du PIB en Afrique en 2017 (%) 8 6 4 2 0 Gambia, The Mozambique Zimbabwe Angola Equat orial Guinea Liberia Kenya Ghana Tanzania Burundi Malawi Niger Mali Senegal Chad Gabon Lesotho Cameroon Botswanab Guinea-Bissau Benin Swaziland Sudan Togo Comoros Mauritius Seychelles Cabo Verde Côte d'Ivoire Sierra Leone South Africa Nigeria Guinea Uganda Rwanda Et hiopia Mauritania Zambia Congo, Rep. Congo, Dem. Rep. Madagascar -2 -4 -6 Source : Banque mondiale GEP (2017) 3. Mais, cette reprise reste plutôt lente et met en danger les gains obtenus en termes de réduction de la pauvreté. Après la baisse continue de la pauvreté entre 2008 et 2014, les estimations de la Banque mondiale montrent que la réduction de la pauvreté s’est presque figée en 2017 (figure 4). En utilisant des repères internationaux de pauvreté de 1,9 dollar par jour (repère inférieur) et de 3,1 dollars par jour (repère supérieur), le taux de pauvreté se situe aujourd’hui respectivement à 5,7 et 21,7 %8. Bien que la croissance « pro-pauvre » dans le secteur de l’élevage ait protégé les moyens de subsistance d’une grande partie des populations pauvres, cette stagnation des taux de pauvreté résulte d’une faible performance du secteur agricole, d’un resserrement budgétaire et, surtout, d’une stagnation du revenu national moyen représenté par une croissance du PIB par habitant quasi nulle. Après des années de forte croissance, notam- ment au cours de la période du boom minier, le revenu par habitant est passé de seule- ment 38.573 MRU en 2015 à 38.879 MRU en 2016 (figure 4). Cela résulte directement de la forte croissance de la population9, de la faible croissance de l’activité économique, et d’une dynamique défavorable des termes de l’échange qui ont réduit le PIB nominal au cours des deux dernières années. Ce résultat contribue à annuler une partie des gains que le pays a enregistré au cours de la dernière décennie en matière de réduction de la pauvreté. Figure 4 : Taux de pauvreté et PIB par habitant Figure 5 : Marché du travail (%) % poverty rate 000 MRO 50 450 55 Participation au marche du travail 45 405 Taux de chomage 50 40 360 35 315 45 30 270 40 25 225 35 20 180 30 15 135 10 90 25 5 45 20 0 0 15 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 P2017 P2018 P2019 PIB par habitant PIB par habitant reel 10 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 $1.9/jour PPP $3.1/day PPP Source : ONS, enquête auprès des ménages en 2000, 2008 et 2014. Extrapolations et calculs du personnel de la Banque mondiale. 8  Source : Perspectives de la macro-pauvreté de la Banque mondiale (printemps 2017). Les repères ont été calculés sur la base de la Parité de Pouvoir d’Achat (PPA) de 2011. 9  Le taux de fécondité présentait un taux élevé de 4,5 % en 2015. Source : Indicateurs de développe- ment mondial. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 3 4. En outre, l’économie mauritanienne semble avoir aussi du mal à créer suffisamment de l’emplois pour ses citoyens. Bien que la baisse du taux de chômage soit notable depuis le début du boom minier en 200610 (figure 5), cette baisse masque un déclin continu de la population active, notamment parmi les femmes et les jeunes, ce qui peut avoir un effet néfaste sur les gains en termes de réduction de pauvreté et, plus important encore, sur la paix sociale. Cela met en évidence la nécessité d’accélérer la croissance, d’investir dans le capital humain et de réformer les filets sociaux non seulement pour protéger les populations les plus pauvres et les plus vulnérables aux chocs et réformes, en particulier en période de stagnation, mais aussi pour les doter d’opportunités économiques. 5. L’inflation reste jusqu’à présent modérée, mais des pressions croissantes proviennent de l’augmentation des prix des denrées alimen- taires. En 2017, l’inflation globale a augmenté de 1,5% en 2016 à 2,3% en 2017, tandis que l’inflation sous-jacente11 a enregistrée 2,1% au cours de l’année (figure 6). Deux facteurs alimentent cette inflation. Tout d’abord, l’augmentation de 3,2 % des prix des produits alimentaires, accentuée par la pénurie de poissons suite à la décision du Gou- vernement de ne plus renouveler les permis de pêche artisanale aux pêcheurs étran- gers. Ensuite, la dépréciation progressive de l’Ouguiya depuis 2015 contribuant à l’aug- mentation des prix à l’importation. Les produits alimentaires constituent en moyenne 51 % du panier de consommation des ménages. Par conséquent, la hausse de leur prix a un impact particulièrement important sur le pouvoir d’achat de la population et surtout des pauvres. Mais, le niveau d’inflation reste jusque-là modéré, ce qui constitue généra- lement une période plus propice aux réformes car elle adoucit l’impact sur les groupes les plus vulnérables de la société, surtout quand il s’agit de prendre des décisions visant à resserrer la politique budgétaire et adopter des politiques monétaires et de change plus flexibles. Ainsi, une accélération des réformes est nécessaire tout en profitant de cette courte période d’opportunité avant que les pressions inflationnistes ne s’intensifient. Figure 6 : Fluctuation annuelle des prix (%) 7 6 5 4 3 2 1 0 -1 -2 Produ its Alimentaires -3 Inflation Globale -4 -5 Inflation sou jacente - h ors energie et alimen tation -6 -7 Sep-13 Sep-14 Sep-15 Sep-16 Sep-17 Jan-13 Feb-13 Mar-13 Apr-13 May-13 Jun-13 Jul-13 Aug-13 Oct-13 Nov-13 Dec-13 Jan-14 Feb-14 Mar-14 Apr-14 May-14 Jun-14 Jul-14 Aug-14 Oct-14 Nov-14 Dec-14 Jan-15 Feb-15 Mar-15 Apr-15 May-15 Jun-15 Jul-15 Aug-15 Oct-15 Nov-15 Dec-15 Jan-16 Feb-16 Mar-16 Apr-16 May-16 Jun-16 Jul-16 Aug-16 Oct-16 Nov-16 Dec-16 Jun-17 Dec-17 Jan-17 Feb-17 Mar-17 Apr-17 May-17 Jul-17 Aug-17 Oct-17 Nov-17 Source  : Office Nationale des Statistique (ONS), calculs du personnel de la Banque mondiale. _____ 1.2 Les développements du secteur extérieur Jusqu’à présent, le solde extérieur s’est amélioré, atténuant la pression sur les réserves en devises de la banque centrale. Toutefois, les besoins de financement du déficit du compte courant restent importants et le rôle des investissements directs étrangers (IDE) et des emprunts extérieurs demeure prépondérant. 10  En raison du manque de données, les auteurs ne sont pas en mesure d’estimer les indicateurs du mar- ché du travail pour 2015 et 2016. 11  L’inflation sou jacente est définie comme la variation de l’indice des prix à la consommation, à l’exclu- sion des prix de l’alimentation et du pétrole. Cette mesure reflète les prix intérieurs. 4 - La Banque Mondiale - Février 2018 6. Les pressions extérieures de la balance des paiements (BdP) ont nettement diminué en 2017 grâce à un rebondissement des prix du fer et à la politique de consolidation budgétaire. Le resserrement de la politique budgétaire en réponse au choc de la détérioration des termes de l’échange (TdE) a permis de réduire les importations, notamment les équipements de construction. Aidé par une forte hausse de la valeur des exportations de fer et des produits de pêche - une hausse de 31 et 37 % res- pectivement au cours de 2017 - le déficit commercial est tombé à 4,2 % du PIB (tableau 1). En conséquence, le déficit du compte courant (DCC) a chuté à 11% du PIB, contre 15,8% en 2016. Ces résultats suggèrent une modération des besoins de financement externe, et donc une réduction des pressions sur la demande de devises de la BCM et sur l’ouguiya. 7. Malgré cette amélioration, l’ampleur du DCC pose un défi aux autorités car il nécessite une mobilisation importante de financement. Les principales sources de financement externes en Mauritanie restent les IDE et les emprunts publics extérieurs, en particulier ceux contractés pour financer les projets d’investissements (figure 8). En 2017, malgré des pressions extérieures plus faibles et une augmentation de 71% des IDE12, le ralentissement des décaissements d’emprunts étrangers liés aux projets d’investissements publics a contribué à une baisse modérée des réserves de change, passant de 5,2 mois en 2016 d’importation à 5.1 mois en 2017. Ce niveau de réserve est confortable, mais comprend un prêt non concessionnel Saoudien de 300 millions de dollars américains, offert à la BCM en 2015 comme appui à la BdP13. Figure 7 : Structure du compte Figure 8 : Financement du compte courant (% du PIB) courant (USD millions) 60 2000 40 1500 20 1000 0 500 -2 0 0 -40 -60 -500 -80 -1 000 2017p 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017p 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Compte Capital IDEs (net) Transferts Courants (net) Services et Revenus Importations Exportations Prêts offic iels (net) Autres Balance Compte Courant Erreurs et omissio ns CAD (valeur absolu e) Source : Banque Centrale Mauritanienne, calculs du personnel de la Banque mondiale. 8. À l’instar de nombreux pays exportateurs de ressources naturelles en Afrique subsaharienne, le compte courant de la Mauritanie présente d’importants déficits structurels. L’essor de la production pétrolière en 2006 et la hausse cyclique des prix des produits miniers ont entraîné une hausse spectaculaire des investissements publics et accentué le DCC. Alors que les exportations de produits miniers (fer, cuivre et or) sont de loin la principale source de devises étrangères14, des importations importantes d’équipements et de services sont nécessaires pour extraire cette rente économique et réaliser les projets d’investissements publics. Entre 2009 et 12  L’augmentation en 2017 est due principalement aux investissements supplémentaires dans le secteur pétrolier pour clôturer le champ de Chingetti conformément aux obligations contractuelles. La production pétrolière cessera à partir de 2018. 13  Sans ce prêt, les réserves tomberaient à 3,3 mois d’importations. 14  Les exportations de produits miniers et de pétrole représentent 75 % des importations en Mauritanie (moyenne 2009-2016). Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 5 2017, ces importations d’équipements et de services15 ont représenté en moyenne 90 % des exportations de minerais (figure 9). En termes de flux, ces importations représentent des sorties de devises qui contrebalancent presque entièrement tous les afflux créés par les exportations. De même, le rapatriement des bénéfices des sociétés étrangères et des sociétés pétrolières hors du pays exacerbe la situation. Au regard des comptes de reve- nus négatifs (figure  10), peu de réinvestissement sont réalisés, à l’exception peut-être des coûts opérationnels et quelques dépenses sociales. Une telle dynamique conduit à de grandes sorties de devises, qui dépassent les transferts privés (transferts de fonds) et les transferts officiels, et créent ainsi des difficultés de financement, en particulier les années où les IDE ne se matérialisent pas, forçant le gouvernement à recourir aux emprunts étrangers. Cela exerce également de grandes pressions sur les réserves en devises de la banque centrale et, par conséquent, sur le taux de change. 9. Dans le cas de la Mauritanie, des politiques actives de diversifi- cation économique permettront d’inverser cette dynamique et d’assurer la soutenabilité des comptes extérieurs. L’engagement actif du gouvernement dans les réformes structurelles permettant le développement du secteur privé non extractif est essentiel pour stimuler les exportations et la croissance, et ainsi réduire la dépendance vis-à-vis du secteur extractif afin d’assurer une viabilité externe. Cela sup- pose des réformes pour maintenir la stabilité macroéconomique, stimuler la formation du capital humain, améliorer le climat des affaires, et créer une intégration plus pro- fonde dans les chaînes de valeur entre les secteurs miniers et l’économie domestique. Figure 9 : Flux commerciaux (US$ millions) Figure 10 : Flux de transferts (US$ millions) 4000 300 3000 200 2000 1000 100 0 -1 000 0 -2 000 -1 00 -3 000 -4 000 -2 00 2017p 2003 2004 2005 2006 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2007 Imp Services (net) Imp Autres Imp Equippements Imp P roduits pétroliers Imp P roduits alimentaires Exp Autres Exp P roduits de P eche Exp de minerais et petrole Balance commerciale Revenue (net) Transferts privés Transferts officiels Source : Banque Centrale Mauritanienne, calculs du personnel de la Banque mondiale. 1.3 Les développements monétaires et le secteur financier La rigidité des politiques monétaire et du taux de change limite la capacité des décideurs à s’attaquer aux déséquilibres extérieurs et aux problèmes actuels de liquidité ; de plus le secteur bancaire présente certains risques et ne répond pas adéquatement aux besoins de financement du secteur privé. 10. La dynamique des taux de change a augmenté la vulnérabilité macroé- conomique de la Mauritanie aux chocs externes. Le déficit important du compte courant, la faiblesse des exportations non extractives, et une certaine rigidité dans le fonc- tionnement du marché des devises étrangères (DE) ont affaibli la capacité de la Mauritanie 15  Aussi relier aux activités extractives et aux investissements publics. 6 - La Banque Mondiale - Février 2018 à réagir face au choc négatif des termes de l’échange commencé en 2014. Cette dynamique a affecté la capacité du pays à financer ses besoins extérieurs durant la période du choc dé- clenchant ainsi des pressions notables sur les réserves de devises à la BCM, d’où le recours à un prêt non concessionnel saoudien pour booster les réserves en devises au prix d’une augmentation de la dette publique. Bien que la BCM ait adopté en septembre 2014 une parité mobile par rapport au dollar américain et ait permis à l’ouguiya de se déprécier nomi- nalement de 7,4 % en 2015, cela n’était pas suffisant. En effet, le taux de change réel effectif en Mauritanie s’est apprécié de 8,2 % au cours de la même période (figure 11), surtout que le dollar américain s’est globalement renforcé notamment vis-à-vis de l’euro. Ces résultats ont abouti à une surévaluation de la monnaie que le FMI16 a estimée entre 14 et 21 %. Ainsi en alimentant cette surévaluation, la rigidité de la politique de taux de change rend le pays plus vulnérable aux chocs externes et nuit à la compétitivité de l’économie. 11. Face à ces contraintes, la BCM a pris des dispositions pour assurer une plus grande flexibilité et satisfaire la demande de devises dans les mar- chés. Ces mesures comprenaient l’arrêt des ventes directes de devises au secteur privé et une application plus stricte de la réglementation en matière de change17. Ces mesures se sont en effet traduites par une amélioration de l’offre de devises sur le marché de change. De plus, aidée par une diminution continue des pressions sur la balance des paiements, la BCM a eu recours à une politique de taux de change plus flexible en 2016 et 2017, et a assoupli son intervention sur le marché de change. En conséquence, la monnaie s’est encore dépréciée de 4,1% entre janvier 2016 et décembre 2017, rapprochant ainsi le taux de change de son équilibre de moyen terme. Passer graduellement à une approche sys- témique basée sur les forces du marché pour déterminer le taux de change nécessite des réformes plus structurelles par la BCM comme celles énumérées plus loin dans le texte. Figure 11 : Indice du taux de change 140 90 40 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 RER (MUV/GDP ) REER (IMF) ER Source : BCM, FMI et calculs du personnel de la Banque mondiale. 12. Les contraintes de liquidité sur les marchés intérieurs ont été ag- gravées par le choc des termes de l’échange et une faible croissance. Depuis 2015, le secteur bancaire fait face à des contraintes de liquidité accentuées. Trois facteurs ont aggravé la situation. Tout d’abord, le plan de consolidation budgétaire et l’activité économique faible ont poussé les entreprises publiques à augmenter les prélèvements sur leurs dépôts bancaires. Ensuite, au fur et à mesure que les prix du fer baissaient, l’activité de la SNIM a été affectée réduisant ainsi ses rapatriements de devises et forçant la compagnie à accélérer l’amortissement des bons du Trésor qu’elle détenait afin de cou- vrir ses pertes financières. Enfin, le projet du nouvel aéroport de Nouakchott, entière- ment financé à l’échelle nationale, a augmenté l’exposition des banques commerciales au secteur public et la magnitude du financement a impacté ainsi la liquidité dans le secteur. 16  FMI, article IV, juillet 2017. 17  Incluant les ratios de positions de change et les rapatriements et utilisations des services acquises sur le marché. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 7 13. En dépit de certaines mesures pour stimuler la liquidité, le manque d’outils de gestion monétaire au niveau de la BCM a rendu la politique monétaire moins efficace pour amortir ces chocs. La BCM a pris quelques mesures pour augmenter la liquidité. Elle a réduit les opérations de stérili- sation, appliqué plus strictement la réglementation sur le rapatriement des recettes d’exportation18, et mobilisé des fonds de bailleurs pour établir une ligne de crédit avec les banques commerciales pour stimuler le crédit au secteur privé. Néanmoins, ces actions restent insuffisantes. Bien que des progrès importants aient été réalisés dans la modernisation et le respect de la réglementation bancaire, la BCM manque encore d’instruments nécessaires pour s’engager dans une politique monétaire active. En ef- fet, le taux d’intérêt directeur reste inchangé depuis des années et continue de n’avoir qu’une influence modérée sur les taux d’intérêts commerciaux. Les interventions sur le marché interbancaire et les opérations de pension sont, en outre, très limitées du fait du manque de garanties éligibles, et la BCM ne possède pas de facilité de prêt pour répondre aux besoins de financement des banques commerciales. Sans ces instruments, il sera dif- ficile d’avoir une politique monétaire plus réactive qui puisse tout à la fois tenir compte des effets des chocs extérieurs et des choix de politique budgétaire, gérer l’élasticité de la liquidité du marché, et servir à la BCM dans son rôle de prêteur de dernier ressort. 14. La BCM a élaboré un plan de réformes sur trois ans, visant à remé- dier aux lacunes des politiques monétaires et de change. Au cours du second semestre de 2016, la BCM a mis en place un plan de réformes ambitieux avec le soutien de partenaires de développement, notamment le FMI. Le plan consiste à améliorer le fonctionnement du marché des changes en révisant les procédures et systèmes liés aux ventes aux enchères de devises afin d’accroître la flexibilité de la politique de change, de permettre une plus grande détermination des prix des devises par le marché, et de soute- nir la viabilité externe. Le plan traite également des déficiences de la politique monétaire pour permettre à la BCM de mieux gérer la liquidité sur les marchés et de jouer son rôle de prêteur de dernier ressort. Cela comprend la réforme des instruments de politique monétaire tels que les taux d’intérêt, les réserves obligatoires, les tableaux et les provi- sions de liquidités, l’introduction d’un cadre de gestion de crises, et la création d’établis- sements de prêts et de dépôts à la BCM. Enfin, les réformes prévoient également le ren- forcement de l’environnement réglementaire de la supervision bancaire, l’investissement dans les systèmes d’information de la banque centrale, et le renforcement des capacités analytiques. L’exécution de ces réformes a bien commencé, mais le rythme pourrait être considérablement accéléré. 15. Le secteur bancaire en Mauritanie est en train de se développer mais le crédit à la population et au secteur privé reste limité. Le secteur ban- caire mauritanien est composé de 16 banques, dont une institution publique de micro- finance. Le secteur se caractérise par un faible taux de bancarisation de 20,4 %, bien en dessous de la moyenne de l’Afrique subsaharienne de 28,9 %, et d’une petite base de déposants n’excédant pas 320 000 comptes dont 70 % appartiennent à des individus. Les banques ont environ 147 agences réparties dans 19 villes et couvrent théoriquement 46 % de la population, mais offrent des services financiers très limités. Par ailleurs, 63 % de ces agences sont concentrées à Nouadhibou et à Nouakchott19. Bien que les dépôts aient progressivement augmenté, ils n’ont atteint que 27 % du PIB en 201620. Ces caractéris- tiques indiquent que peu d’individus utilisent le système bancaire pour épargner, surtout 18  Ces réglementations touchent principalement le secteur extractif et celui de la pêche. 19  Les chiffres sont pour 2014. Source : Programme d’évaluation du secteur financier, République isla- mique de Mauritanie, note technique sur l’inclusion financière, Banque mondiale, février 2016. 20  Derniers chiffres disponibles à l’équipe de la banque mondiale. 8 - La Banque Mondiale - Février 2018 pendant les périodes de ralentissement économique. Cela reflète également la présence d’un important secteur privé informel, typique d’une économie basée sur le cash. D’autre part, le crédit au secteur privé a également augmenté de 8,3 % (a/a) en 2016 et représente maintenant environ 25 % du PIB. Les prêts à la consommation sont les plus courants et représentent environ 26 % du crédit total du secteur privé, tandis que la part des crédits aux secteurs du commerce, des services et de la construction constitue respectivement 22, 18 et 18 % (figure 12). La petite base de dépôts est une contrainte pour l’augmen- tation du crédit pour le secteur privé. En effet, le ratio du crédit privé pour les dépôts bancaires en Mauritanie était déjà de 110,4 % en 2016, bien qu’en baisse de 134,1 % par rapport à l’année précédente. Un tel ratio prudentiel élevé donne moins d’opportunités aux banques d’accroître leurs crédits sans augmenter cette base de dépôt, soit en attirant des dépôts externes, soit plus important encore en augmentant le taux de bancarisation et l’inclusion financière de la population mauritanienne. 16. Les risques du secteur bancaire restent élevés, mais gérables. Le secteur financier souffre de faiblesses structurelles. Cela comprend la faiblesse de la qualité de l’actif, la faible rentabilité, la présence de nombreuses petites banques dont la viabilité financière peut être mise en cause, la concentration des dépôts ainsi que des crédits, y compris des prêts aux entités liées aux propriétaires de banques, qui dépassent parfois les limites prudentielles. Le taux de créances improductives a atteint 23 % en 2017, en baisse par rapport à 45 % en 2010 et 30 % en 2015, l’année du choc des termes de l’échange. Cette tendance reflète une amélioration de la supervision et de la confor- mité bancaire, ainsi que les efforts continus visant à supprimer les anciens prêts impro- ductifs21. Cependant, la part des créances improductives reste élevée et le coût de l’ap- provisionnement diminue considérablement la rentabilité des banques. Parallèlement, la norme des fonds propres reste relativement élevée et s’est légèrement détériorée de 23,1 % en 2015 à 23,7 % en 2016. Néanmoins, quelques banques ont adopté des straté- gies de prêt agressives au cours des dernières années, les rendant vulnérables. En outre, l’exposition souveraine en particulier aux entreprises publiques n’est pas classée comme un risque systémique et les effets du ralentissement économique sur la qualité du crédit et des garanties peuvent s’avérer plus graves que les statistiques actuelles l’indiquent. Figure 12 : Composition du crédit au secteur privé (2016) Overall infrastructure 3,1%RE-ELEVAGE 1% 2% AGRI CULTU 5% 4 PECHE 9,6% Développement rural 6% 3 26% 12,9% MINE Développement Industriel 4,4% 4,4% 2 Mauritania 10,7% Electricity INDU STRIES Roads Aménagement du territoire 1 Sub-Saharan 18% Africa Ressources humaines 8 8,9% CONSTRUCTION 0 Low income TRANSPORT-TRANSIT Développement institutionnel Lower middle income COMMERCES 18% Projets Multisectoriels 50,4% 2% SERVICES SNIM Air Transport Ports 22% AUTRES DONT CREDITS A LA CONSOMMATION Source : BCM, calculs du personnel de la Banque mondiale. 21  Cet exercice de correction/suppression explique une partie importante de la chute des NPL. Les don- nées disponibles ne permettent pas de déterminer la contribution exacte. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 9 1.4 Les développements budgétaires Le gouvernement a entrepris un plan de consolidation budgétaire, axé sur l’élargissement de l’assiette fiscale et le contrôle des dépenses, notamment par la révision des investissements publics, dans le but de s’attaquer à une dette pu- blique croissante et assurer la stabilité macroéconomique. 17. Pour s’adapter au choc persistant des TdE, le gouvernement a mis en œuvre avec succès un plan de consolidation budgétaire qui, en 2016, a abouti à un ajustement budgétaire notable de 3% du PIB. Cette politique a ramené le déficit budgétaire de 3,1% du PIB en 2015 à 0,5% du PIB en 2016 (tableau 2). Plus important encore, cette politique a réussi à atteindre un excédent primaire de 0,5% du PIB, contre un déficit de 2,0% du PIB un an auparavant. Ce plan se focalisait sur 2 axes : stimuler la mobilisation des revenus budgétaires non-extractifs, et contrôler les dépenses notamment par l’amélioration de la gestion des investissements publics. 18. La stratégie de mobilisation des recettes du gouvernement s’est concentrée sur l’élargissement de l’assiette fiscale et le renforcement des contrôles de l’administration fiscale. Le gouvernement a notamment relevé le taux de TVA et les droits d’accise sur certains biens de consommation, resserré les contrôles douaniers et fiscaux, réformé le système de quotas pour le secteur de la pêche et sollicité des subventions suite au Sommet arabe de 2016 à Nouakchott. Ces mesures ont aug- menté de manière cumulative les recettes budgétaires de 1% du PIB. Malgré ces efforts concrets, des développements externes ont contrebalancé ces résultats. Ainsi la baisse des dividendes des entreprises publiques comme la SNIM, de l’impôt sur les sociétés, des droits d’accise sur l’essence22, et des revenus budgétaires du secteur pétrolier ont contri- bué à une baisse globale des revenus budgétaires de 1,6 % du PIB en 2016 (tableau 2). Figure 13: Composition des Figure 14 : Composition des recettes budgétaires (% PIB) dépenses budgétaires (% PIB) 50 Investissement financés par intérieur 500 Investissement financés par extér ieur 45 Autr e 40 Intérêts sur la dette publique 400 Tr ansferts courants 35 Biens et services Salaires et traitements 30 300 Prix du Fer ($/dmt) - droite 25 20 200 15 10 100 5 0 0 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 20 6 p 1 17 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 Source : Ministère des Finances, calculs du personnel de la Banque mondiale. E : estimation. 22  Le prix de référence de l’essence à la pompe a été fixé par rapport au prix international du pétrole de 100 dollars américains le baril. Ainsi, toute baisse par rapport à ce prix engendre des gains budgétaire, toute hausse réduit les revenus et peut même se transformer en subventions. Ces impôts ne sont pas enre- gistrés comme taxes de consommation car ils sont affectés au Fonds d’assistance et d’intervention pour le développement (FAID) consacré à des projets d’infrastructure et de développement. Ce fonds a été mis en place par un décret précisant les critères d’éligibilité à ce financement. 10 - La Banque Mondiale - Février 2018 19. L’ajustement budgétaire reposait essentiellement sur des réductions de dépenses récurrentes et d’investissement. Le MEF a in- troduit des mesures de contrôles strictes sur le budget de fonctionnement du gouvernement central ainsi que celui des entreprises publiques, ce qui a permis de réaliser des économies budgétaires cumulées d’environ 1,9% du PIB. Ces me- sures ont été accompagnées par une grande réforme de la masse salariale en in- tégrant les salaires du personnel des EPAs au système de paiements automatisé du ministère des finances permettant ainsi le paiement ponctuel des salaires de tous les employés du secteur public, et éviter les futures arriérés23. Le Gouver- nement a également pris une série de mesures politiques qui ont abouti à une réduction de l’investissement public de 2,4% du PIB, par rapport à 2015, et ainsi ralenti l’accumulation de la dette publique. Ces mesures comprenaient i) le re- port de projets routiers qui n’étaient pas financés par les subventions du sommet Arabe ; ii) l’utilisation des recettes exceptionnelles provenant des droits d’accise sur l’essence pour financer des projets existants plutôt que de nouveaux projets ; et iii) le renforcement des contrôles sur les plans de décaissement des autorités contractantes surtout pour les projets d’investissement à financement étranger. 20. En 2017, le Gouvernement a maintenu la même politique bud- gétaire prudente. La hausse des prix internationaux des produits de base et l’inflation domestique ont stimulé les recettes budgétaires hors dons de 0,7% du PIB en 2017. Les recettes provenant du secteur extractif et de celui de la pêche, ainsi que les taxes sur les biens et les services et sur le commerce international, ont compensé la baisse des impôts sur les sociétés résultant d’une faible activité économique en 2016. Du côté des dépenses, le cout de la reformes des EPAs et du référendum sur les amendements constitutionnels a été neutralisé par un resser- rement des dépenses récurrentes et une continuation de la politique de maîtrise des investissements publics suite à une revue du portefeuille et un décaissement plus lent des projets. Ceci a entrainé une nouvelle baisse de ces dépenses au cours de l’année (tableau 1). Par conséquent, le résultat budgétaire s’est amélioré avec un déficit estimé à 0,2% du PIB en 2017, contre un déficit de 0,5% en 2016. Le plus important est que pour une deuxième année consécutive, le solde primaire est resté excédentaire, à environ 1,2% du PIB, mettant ainsi les ratios de la dette publique sur une trajectoire à la baisse. Le gouvernement continue d’avoir re- cours principalement aux emprunts concessionnels extérieurs sous forme d’ap- puis budgétaires et de financement de projets provenant des partenaires de dé- veloppement à la fois multilatéraux et bilatéraux24. Le financement domestique reste limité, ce marché étant très faible et sous-développé et largement influen- cé par les conditions de liquidité des banques commerciales et de la SNIM 25. 23  Cette réforme consiste à soumettre les dépenses des EPA et des agences publiques au réseau automatisé de la chaine des dépenses de la trésorerie (RACHAD) et au système de paiement des salaires de la direction générale du budget (RATEB) sans toucher à leur statut légal d’autonomie. Cette réforme, appliquée dès le 1er janvier 2017 et qui se terminera en 2019, permet de réduire les risques budgétaires. Elle révèle aussi les doublons et les travailleurs fantômes recensés. 24  Les emprunts extérieurs représentent plus de 95 % du financement étranger. Les 5 % restants étaient des retraits du Fonds du pétrole, à ne pas confondre avec les revenus du secteur pétrolier comptabilisés comme revenus intérieurs. 25  Le marché domestique est entièrement constitué d’instruments de financement à court terme, essentiel- lement des bons du Trésor (BT) de moins de 6 mois de maturité. Deux types existent, les BT détenus par les banques commerciales et les BT détenus par des agents non bancaires principalement la SNIM (qui détient majoritairement des BT avec une maturité de 1 mois). Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 11 Figure 15 : Indice de la qualité d’infrastructure Overall infrastructure 4 3 2 Mauritania Electricity Roads 1 Sub-Saharan Africa 0 Low income Lower middle income Air Transport Ports Source : BM revue des dépenses publiques (2016) basée sur les indices de compétitivité du Forum Économique Mondial. 21. L’efficacité de l’investissement public peut être améliorée consi- dérablement. Bien que l’investissement public ait joué un rôle important dans la croissance et la réduction de la pauvreté depuis 2009-2010, surtout au niveau des in- frastructures rurales, les inquiétudes sur la qualité et la rentabilité de certains projets se sont accrues, ainsi que sur la capacité administrative de gérer un portefeuille d’une telle magnitude (figure 15). En effet, le processus de sélection et d’exécution des projets pré- sente encore quelques faiblesses, notamment avec certains à rentabilité économique basse26. En outre, l’ampleur et la nature du financement du PIP, avec principalement le recours à l’emprunt étranger, ont accru la dette publique extérieure. Face à ces préoc- cupations, la Mauritanie a lancé une série de réformes de gestion des investissements publics (GIP), qui sera discutée dans la deuxième sections de ce rapport, pour amélio- rer l’efficacité du PIP dans le double but d’avoir un impact plus important sur la crois- sance tout en renforçant également la stabilité budgétaire et réduire la dette publique. 22. Bien que le niveau de la dette publique reste élevé à cause du recours actif à l’emprunt extérieur pour les investissements publics et de la dépréciation nominale de la monnaie, la consolidation bud- gétaire a réussi à réduire la dette au PIB en 2017. Le stock de la dette pu- blique a rapidement augmenté en 2013-2016, atteignant 99,1% du PIB en 2016 (figure 16). L’impact des emprunts extérieurs pour financer l’investissement pu- blic dans les infrastructures et couvrir le déficit de la balance des paiements a été aggravé par la dépréciation de l’Ouguiya et la contraction du PIB nominal durant le choc des termes de l’échange. De plus, comme 96% de cette dette est en de- vises étrangères, la vulnérabilité de son encours aux risques de change demeure très élevée (Figure 16) 27. Néanmoins, avec un excédent budgétaire primaire en- registré pour une deuxième année consécutive, la dette publique devrait dimi- nuer de 5,5 points en fin de 2017 et atteindre 93,6% du PIB. Comme la majeure partie de la dette est à des conditions concessionnelles, les obligations au titre du service de la dette restent gérables à environ 4,3% des recettes publiques. 26  Un indicateur approximatif de l’efficacité des dépenses d’investissement public est le ratio marginal capital/production (ICOR), qui en Mauritanie est estimé à 10,4, bien au-dessus du ratio de référence de 3 pour les pays les plus performants. 27  Le stock de la dette comprend les arriérés accumulés sur une dette bilatérale passive au Koweït (22,4 % du PIB) et un prêt non concessionnel de l’Arabie Saoudite (6,7 % du PIB) contracté par la BCM pour construire des réserves en devises. 12 - La Banque Mondiale - Février 2018 Figure 16 : Composition Figure 18 : Flux de création de la dette (% PIB) de la dette publique (% du PIB) Dette Étrangère 20 Deficit Primaire 100 5,7 4,7 Taux d'intérêt réel 90 Dette D omestique 5,1 4,8 15 Taux de croissance 5,0 5,0 80 Dépréciation du taux de change 6,2 70 10 Autres y inclus allegeme nt de dette 4,1 60 résiduel 23. 50 5 92,7 94,3 88,5 40 86,6 85,7 83,4 74,1 0 30 66,5 20 -5 10 0 -1 0 2013 2014 2015 2016 E2017 P2018 P2019 P2020 2013 2014 2015 2016 E2017 P2018 P2019 P2020 Source : Ministère des Finances, calculs du personnel de la Banque mondiale. 1.5 Perspectives et risques28 1.5.1 Perspectives 2018-2020 La mise en œuvre du programme de réformes structurelles du gouver- nement devrait assurer une plus grande stabilité macroéconomique, mais une plus grande d’attention doit être accordée aux politiques favorisant la croissance qui reste insuffisante pour la réduction de la pauvreté et la création d’emploi. 24. Les perspectives de croissance 2018-2020 reposent sur une série de mesures structurelles que le Gouvernement s’est engagé à entreprendre dans le cadre de son programme de réformes. La crois- sance du PIB devrait progressivement rebondir et atteindre 5,2 % d’ici 202029 (tableau 1). Cette reprise est projetée sur la base d’un rebond anticipé des prix des matières premières, en particulier ceux du fer, et l’augmentation des IDE dans les secteurs extractifs, notamment ceux liés aux découvertes de gaz aux frontières avec le Sénégal et à l’expansion des mines d’or de Tasiast et la production de nouveau produits comme le quartz. En outre, les projections anticipent une aug- mentation du PIB non extractif (tableau 1). Cette évolution suppose la poursuite des réformes des affaires ainsi que la continuation des réformes dans les secteurs de la pêche et de l’agriculture, y compris l’élevage. Cette reprise devrait être ac- 28  Les projections dans cette section sont ceux des auteurs du rapport et ne représentent pas le cadre macroéconomique arrêtés par le gouvernement. Les projections du gouvernement sont représentées dans son accord avec le Fond Monétaire International en Décembre 2017 sur un programme triennal au titre de la facilite élargie de crédit. Les détails sont publiés sur http://www.imf.org/en/Publications/CR/ Issues/2017/12/13/Islamic-Republic-of-Mauritania-Three-Year-Arrangement-under-the-Extended-Cre- dit-Facility-45465 29  Les projections du gouvernement tabulent une croissance de 2,7% en 2017 ; 4.5% en 2019 et 7.5% en 2020. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 13 compagnée d’investissements publics plus efficaces suite aux réformes de la GIP et à certains partenariats public-privé (PPP)30 ; elle suppose aussi que le soutien financier des bailleurs augmentera selon le nouveau plan de développement national, la SCAPP, récemment formulé. Malgré ce progrès, le taux de croissance projeté pourrait être en- core plus ambitieux surtout pour un pays à revenu intermédiaire inférieur comme la Mauritanie. Un focus doit être fait sur les politiques favorisant la croissance, afin que le pays rattrape ses homologues et atteigne son objectif de pays émergent. 30 Le Gouvernement devrait maintenir son objectif de stabilité macroéconomique. Dans le cadre de son plan de réformes, le Gouvernement de- vrait continuer sa politique de consolidation budgétaire. Le MEF s’est fixé comme ob- jectif de maintenir un excédent primaire dans les années à venir, tout en équilibrant le budget à partir de 2018 (tableaux 2). Pour atteindre ce but, et par conséquent baisser le ratio dette/PIB, le Gouvernement entend approfondir les réformes de l’impôt sur les sociétés, les dépenses fiscales et les transferts aux entreprises parapubliques. De plus, le gouvernement envisage d’introduire des réformes permettant une plus grande flexibilité de la politique de change, la modernisation de la gestion de la liquidité, et une meilleure souplesse dans la politique monétaire. En conjonction avec une poli- tique budgétaire plus prudente, ces réformes, si elles sont mises en œuvre, devraient réduire la vulnérabilité du pays aux chocs externes et assurer une meilleure stabilité macroéconomique ; une condition nécessaire pour stimuler et maintenir la croissance économique à court et moyen termes. 31 Dans un tel scénario de réformes, il est prévu que la pression sur la balance des paiements diminue au fur et à mesure que le solde exté- rieur se réduit. Une amélioration de la compétitivité couplée à une consolidation budgétaire devrait stimuler les exportations d’un côté et ajuster la demande intérieure de l’autre. Par conséquent, le déficit du compte courant pourrait se réduire à environ 8,8% du PIB d’ici 2020, alors que l’inflation augmentera progressivement à 4,2 % au cours de la même période. Aidé par un taux de change plus flexible, le financement extérieur peut être assuré grâce à un soutien stable des bailleurs, lié aux réformes gou- vernementales, une augmentation notable des IDE grâce aux perspectives positives du secteur extractif et du secteur minier, ainsi qu’à travers des investissements planifiés en Partenariat Public Privé. Par conséquent, ces développements prévoient que les ré- serves de la BCM augmenteront à 5,4 mois d’importations d’ici 2020. 32 Finalement, les perspectives d’extrême pauvreté restent à amé- liorer et reposent principalement sur l’évolution des secteurs primaires. Les taux effectifs de la pauvreté extrême devraient diminuer légèrement à 4,7  % en 2020, au fur et à mesure que la croissance du revenu par habitant reprend (figure 2). La pauvreté modérée31 devrait atteindre 20 %, en baisse par rapport à 21,7 % en 2016. Ces prévisions restent sensibles aux fluctuations des prix agricoles et aux développements ultérieurs dans ce secteur, en particulier à la mécanisation de l’agriculture, aux expor- tations agricoles, aux réformes foncières, et aux réformes dans l’industrie de la pêche. Des réformes structurelles dans ces domaines accompagnées par une amélioration des 30  Le portefeuille de projets de PPP est en train d’être finalisé par le gouvernement. Certains projets sont à un stade avancé de préparation et pourront être lancés dès 2018 comme les installations de stockage de pétrole à Nouadhibou et Nouakchott, et les installations frigorifiques destinées à l’export à l’aéroport de Nouadhibou. 31  Celle qui est mesurée par la ligne internationale de 3,5 dollars du PPA de 2011. 14 - La Banque Mondiale - Février 2018 filets de protection sociale seront donc des conditions essentielles pour accélérer la ré- duction de la pauvreté et atténuer l’impact des réformes planifiées au niveau de la sta- bilité macroéconomique. 1.5.2 Risques et défis Les risques sont associés aux capacités politiques et administratives nécessaires à la mise en œuvre des réformes et à la nécessité d’assu- rer l’équilibre entre la croissance et la stabilité macroéconomique. 33 Les perspectives économiques à moyen terme englobent des risques remarquables qui peuvent affecter la croissance économique. Le premier risque est celui de l’incertitude des perspectives de la croissance économique mondiale ainsi que l’évolution des prix des matières premières ; une incertitude qui peut avoir un effet négatif sur les IDE attendus dans le secteur extractif. De plus, une hausse graduelle des prix internationaux du pétrole risque d’augmenter la facture énergétique du pays, ce qui pourra exercer une pression sur la balance des paiements. Cela réduira également les recettes provenant des accises sur l’essence, créant des pressions budgétaires et des besoins d’ajustement plus importants. Le second risque est celui de la capacité de l’administration mauritanienne à exécuter et à communi- quer effectivement sur les réformes structurelles attendues surtout celles liées à la stabilité macroéconomique et à la participation du secteur privé. Un échec sur ce plan aura des conséquences importantes sur la croissance et la compétitivité de l’écono- mie mauritanienne, et par conséquent sur sa capacité à générer de l’emploi ainsi qu’à faire face aux chocs externes, ce qui augmentera les tensions politiques et sociales. 34 Pour éviter ces risques, le défi consiste à assurer i) une plus grande flexibilité du taux de change qui stimule la compétitivité du secteur privé, ii) une poli- tique monétaire active qui augmente les outils de gestion de la liquidité et entreprend des réformes du secteur bancaire afin d’améliorer l’accès aux crédits pour le secteur privé et iii) une politique budgétaire qui garantit que le programme de consolidation continue de soutenir la croissance à court terme, assure un équilibre entre les besoins d’endettement pour les projets d’infrastructure et la durabilité de la dette à long terme, et protège les personnes vulnérables grâce à des filets de protection sociale plus efficaces. 35 La gestion des investissements publics et les filets de protection sociale sont donc au cœur des plans de réformes en Mauritanie. Bien que ces deux programmes constituent des piliers importants du plan de consolidation bud- gétaire, leur impact sur l’économie reste plus large. Un système de gestion des inves- tissements publics plus efficace créera non seulement un espace budgétaire qui réduira l’accumulation de la dette publique, mais aura également un impact plus important sur la croissance, la création de l’emplois, et aura l’opportunité d’engager davantage le secteur privé mauritanien dans l’activité économique au lieu de l’évincer. Les filets de protection sociale, en revanche, sont aussi importants mais manquent d’efficacité et de ciblage. La réforme de la protection sociale créera ainsi des économies fiscales, garantira que les groupes les plus vulnérables de la société sont protégés en période de chocs et de ré- formes, et ainsi contribue à stimuler l’activité économique et la croissance. La gestion des investissements publics et les filets de protection sociale sont examinés plus en détail dans les chapitres deux et trois de ce rapport. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 15 Annexes 1 : Indicateurs macroéconomiques Les projections sont ceux de la Banque mondiale et ne sont adoptée avec le gouvernement. Tableau 1 : Indicateurs macroéconomiques clés 2013 2014 2015 2016 E2017 P2018 P2019 P2020 Économie Réelle Changement annuel sauf indication contraire Croissance du PIB réel 6.1 5.6 1.4 2.0 3.5 3.6 4.6 5.2 PIB par habitant, croissance 3.5 3.0 -1.0 -0.4 1.1 1.2 2.2 2.8 PIB extractif, croissance 15.1 4.2 -5.3 -1.1 -0.1 0.3 2.6 3.2 PIB non-extractif, croissance 5.6 5.8 2.4 2.5 4.0 4.1 4.9 5.5 y/c secteur primaire -1.0 2.2 5.9 3.5 3.6 3.6 4.6 5.2 y/c services 3.4 10.0 4.1 2.5 3.9 4.3 5.0 5.7 Prix Changement annuel sauf indication contraire Déflateur du PIB 3.0 -9.2 -4.9 4.1 4.2 3.5 3.7 3.2 Inflation de l'IPC 4.1 3.5 0.5 1.5 3.0 3.6 4.6 4.2 Prix du fer ($ / dmt)* 135.4 97.0 55.9 58.4 71.7 62.0 57.1 54.6 Prix du cuivre ($ / mt)* 7332 6863 5510 4868 6030 6430 6462 6471 Prix du pétrole (US $ / bbl)* 104.1 96.2 50.8 42.8 50.3 50.2 50.5 51.1 Prix de l'or ($ / troy oz)* 1411 1266 1161 1249 1254 1291 1313 1341 Comptes Budgétaires Pourcentage du PIB, sauf indication contraire Dépenses 25.8 29.5 32.7 28.2 27.7 27.2 27.6 27.7 Revenues 30.1 26.1 29.3 27.7 27.5 27.3 27.9 28.4 Solde Budgétaire Primaire (hors dons) 4.6 -2.5 -4.1 -1.3 0.2 0.2 0.6 0.9 Solde Budgétaire Primaire 5.2 -2.4 -2.3 0.5 1.2 1.4 1.8 2.2 Solde Budgétaire (hors dons) 3.6 -3.5 -5.2 -2.4 -1.2 -1.1 -0.9 -0.6 Solde Budgétaire 4.3 -3.4 -3.4 -0.5 -0.2 0.1 0.3 0.7 Dette Publique (y compris la dette du Koweït) 70.0 77.8 94.3 97.7 93.6 91.4 90.7 88.4 Domestique 4.1 6.2 5.7 4.7 5.1 4.8 5.0 5.0 Externe 65.9 71.5 88.6 93.0 88.5 86.6 85.7 83.4 Dette publique (hors dette du Koweït) 52.5 59.3 73.8 76.8 74.0 72.1 71.2 68.9 PV de la dette publique/PIB 56.4 56.1 53.5 Balance des Paiements Pourcentage du PIB, sauf indication contraire Solde du Compte Courant -22.2 -28.3 -20.7 -15.8 -11.0 -9.7 -8.8 -8.7 Solde de la Balance de Commerce -6.9 -13.7 -12.1 -10.7 -4.2 -3.9 -3.3 -3.0 Importations -53.7 -50.9 -42.1 -40.7 -39.1 -39.7 -40.0 -40.5 Exportations 46.8 37.2 30.0 29.9 34.9 35.8 36.7 37.5 Services (Net) -14.8 -14.1 -8.5 -7.2 -9.1 -9.0 -8.8 -8.2 Revenues (Net) -3.0 -2.7 -3.9 -2.5 -0.3 -1.7 -1.4 -1.4 Investissement Direct Étranger 19.9 9.6 10.8 5.8 9.1 7.0 6.7 6.5 Réserves brutes (millions US $, eop) 982 620 821 825 849 894 949 1046 en mois d'importations de biens 3.9 2.8 5.1 5.2 5.1 5.1 5.2 5.4 en mois d'importations (biens et services) 3.0 2.2 4.2 4.4 4.2 4.2 4.3 4.5 Taux de change (moyenne) 29.63 30.17 32.38 35.15 35.34 PIB (nominal - milliard de MRU) 169.6 162.6 156.9 166.6 179.7 192.7 209.0 226.9 Source: MEF, Office National des Statistiques, BCM, chiffres de la population des Nations Unies, calculs du personnel de la Banque mondiale. * Les prix des produits pour 2017 reflètent ceux de Avril 2017. Les projections sont ceux de la Banque mondiale et ne sont adoptée avec le gouvernement. 16 - La Banque Mondiale - Février 2018 Tableau 2 : Indicateurs budgétaires clés % du PIB (base cash) 2013 2014 2015 2016 P2017 P2018 P2019 P2020 Recette Total 30.1 26.1 29.3 27.7 27.5 27.3 27.9 28.4 Recette Hors-Extractives & Hors-Dons 24.3 20.5 25.8 24.2 24.1 26.1 26.7 27.1 Recettes Fiscale (hors extractives) 14.6 16.1 16.7 16.5 17.0 17.3 18.1 18.7 Recette non-Fiscale (hors extractives) 9.7 4.4 9.1 7.7 7.1 7.1 7.1 7.1 Recettes Extractives 3.8 2.2 2.8 3.5 3.7 3.6 3.8 3.8 Dons 0.7 0.5 0.9 0.6 0.6 0.6 0.6 0.6 Dépenses et prêts nets 25.8 29.5 32.7 28.2 27.7 27.2 27.6 27.7 Dépenses courantes 15.8 17.7 18.5 16.6 16.9 16.2 16.1 16.1 Salaires et traitements 6.1 6.8 7.6 7.4 7.2 7.2 7.2 7.2 Biens et services 3.5 4.0 4.0 3.5 3.6 3.7 3.7 3.6 Transferts courants 4.1 4.5 4.3 3.3 3.1 3.2 3.2 3.2 Intérêts sur la dette publique 0.9 1.0 1.1 1.0 1.4 1.3 1.5 1.5 Extérieurs 0.7 0.7 0.8 0.8 1.2 0.9 1.0 1.0 Intérieurs 0.2 0.2 0.3 0.2 0.3 0.4 0.4 0.5 Autres 1.0 1.5 1.5 1.3 1.6 0.8 0.6 0.6 Dépenses d'équipement et prêts nets 10.0 11.8 14.0 11.6 10.7 11.0 11.5 11.6 Investissements financés par extérieur 2.9 3.6 5.0 2.7 2.1 3.6 3.9 4.0 Investissements financés par intérieur 7.1 8.2 9.0 9.0 8.6 7.4 7.6 7.6 Restructurations et prêts nets 0.0 0.0 0.2 0.0 0.1 0.0 0.0 0.0 Solde Budgétaire Primaire (hors extractives) 0.1 -7.9 -4.0 -1.1 -1.2 -0.3 0.3 0.9 Solde Budgétaire Primaire (hors dons) 4.6 -2.5 -4.1 -1.3 0.2 0.2 0.6 0.9 Solde Budgétaire Primaire 5.2 -2.4 -2.3 0.5 1.2 1.4 1.8 2.2 Solde Budgétaire (hors extractives) -0.8 -8.8 -5.1 -2.1 -2.6 -1.6 -1.2 -0.6 Solde Budgétaire (hors dons) 3.6 -3.5 -5.2 -2.4 -1.2 -1.1 -0.9 -0.6 Solde Budgétaire 4.3 -3.4 -3.4 -0.5 -0.2 0.1 0.3 0.7 Source: MEF, calculs du personnel de la Banque mondiale. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 17 Deuxième Partie Aperçu de la Gestion des Investissements Publics en Mauritanie 2.1 Un contexte dominé par une expansion des ressources avec une gestion passive qui est en train de se moderniser 1. L’investissement public (IP) est considéré comme l’un des piliers majeurs du développement économique de la Mauritanie. Depuis l’indé- pendance, l’investissement public (IP) a joué un rôle important dans l’économie mau- ritanienne, son volume n’a cessé de croître pour combler les besoins grandissants d’un État naissant. Durant les cinq dernières années, les crédits d’investissements cumulés octroyés à l’IP ont totalisé plus de 90 milliards de MRU. Aujourd’hui, l’IP compte pour plus de 40 % du budget de l’État et représente plus de 25 % de l’investis- sement global dans le pays. Ceci démontre l’intérêt porté par les autorités à la gestion de ce portefeuille, surtout dans un contexte marqué par la volatilité des ressources du secteur extractif et la récurrence des chocs économiques. L’IP reste un moteur es- sentiel de la croissance en Mauritanie à moyen et long terme. Il est au centre du plan de développement national de la stratégie de croissance accélérée et de la prospérité partagée (SCAPP) qui fixe l’objectif ambitieux de transformer la Mauritanie en pays émergent à l’horizon 2030. 2. Mais cet IP a un coût élevé sans pour autant atteindre les ob- jectifs ambitieux de développement mis en place par le gouvernement. Bien que l’augmentation d’IP soit considérée comme un exploit ayant contribué à la diminution de la pauvreté de 13 points32 entre 2008 et 2014, son impact cependant est resté insuffisant pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (CSLP)33. De plus, cet IP a un coût budgétaire élevé dont l’effet est d’accroître la dette publique qui est passée de 70,2 % en 2011 à 97,7 % en 2016, en grande partie dû à l’endettement extérieur dédié aux financements de pro- jets. Le rendement économique a été aussi moyen avec une croissance réelle du PIB de 4,3 %34, à égalité avec la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne. Conscient de cette contre-performance globale, le gouvernement a commencé à réfléchir aux 32  Source ONS : enquête nationale sur les conditions de vie des ménages en Mauritanie en 2014. 33  CSLP couvre la période 2001-2015, son objectif est de réduire l’incidence de la pauvreté à 25% et l’ex- trême pauvreté à 16% (repères nationaux de pauvreté). 34  En moyenne sur la période 2011-2016. 18 - La Banque Mondiale - Février 2018 contraintes importantes à lever pour améliorer la performance, l’efficience et la transparence de l’IP. Autant le diagnostic du système de Gestion de l’Investisse- ment Public (GIP) de Mauritanie est devenu un sujet prééminent depuis la dernière analyse de la soutenabilité de la dette35, autant la gouvernance des investissements publics demeure l’enjeu majeur de la gestion des politiques publiques économiques et sociales. 3. Toutefois, malgré les efforts récemment entrepris, rares sont les rapports et études qui se focalisent sur la politique de la GIP, une des plus grandes contraintes économiques en Mauritanie, pour passer en revue et analyser l’allocation des ressources destinées à l’IP. La question de la GIP est au cœur du problème de la performance économique du pays et de ses besoins de développement croissants. Comme cela dépend intimement du degré d’efficience de la gestion des projets publics, il est judicieux de faire un diagnostic du processus de sélection des projets durant la période 2010-2016. Il est donc im- portant de passer en revue les dépenses publiques, puis de procéder à une analyse des pratiques. 2.2 Amélioration des allocations budgétaires pour l’investissement mais l’exécution des financements extérieurs reste faible 4. Malgré une bonne amélioration des financements intérieurs pour les investissements publics, la Mauritanie est encore dépendante du financement extérieur. Le volume du budget programmé d’investissement a connu une hausse spectaculaire durant la dernière décennie. Il est passé de 163 mil- liards d’ouguiyas en 2010 à 261 milliards en 2016. Cette hausse s’explique large- ment par une amélioration du financement domestique qui a plus que doublé, pas- sant de 54 milliards en 2010 à 124 milliards en 2016, suite à l’élargissement des ressources propres budgétaires provenant du secteur extractif durant les années du boom minier et pétrolier mais aussi des ressources fiscales suite aux réformes de 2011-201236. Toutefois, le financement extérieur a lui aussi connu un rebond après le gel des bailleurs suite au coup d’État de 2008, atteignant 137 milliards en 2016 contre 109 milliards en 2010 ; alors que la moyenne sur la période d’avant 2004- 2009 était de moins de 30 milliards. 5. Cette dépendance croissante du financement extérieur produit une situation d’endettement de plus en plus préoccupante avec un coût de service de la dette qui augmente graduellement. Les dépenses pour le paiement de la dette continuent d’augmenter avec une progression annuelle de plus de 10 %. La Mauritanie connaît un niveau d’endettement de plus en plus inquiétant et le Gouvernement a une nouvelle propension à contracter des prêts non concessionnels. L’ensemble des conventions au 31 décembre 2016 représente 37 % en dons et quasi dons et 63 % en prêts. Le service annuel de la dette reste dominé par les créanciers multilatéraux et les banques commerciales qui en représentent plus de 70 % en 2016. 35  IMF article IV (2016). 36  Ces réformes ont augmenté les recettes fiscales hors recettes extractives de 10,7 % du PIB en 2011 à 14,7 % en 2012. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 19 Tableau 1 : Budget d’investissement en Mauritanie Année Programmation Exécution Absorption (%) FN FE FN+FE FN FE FN+FE FN FE FN+FE 2011 5,5 11,3 16,8 5,4 3,1 8,5 9,8 2,7 5,1 2012 7,5 12,0 19,5 8,6 5,1 13,7 11,5 4,3 7,0 2013 11,0 12,4 23,4 12,1 4,8 16,9 11,0 3,9 7,2 2014 12,0 13,0 25,0 13,3 5,8 19,1 11,1 4,5 7,6 2015 12,2 13,3 25,5 14,1 7,8 21,9 11,6 5,9 8,6 2016 12,4 13,7 26,1 14,9 4,0 18,9 12,0 2,9 7,2 FN : Financement National et FE : Financement Extérieur. Source : Tableau en milliards de MRU construit à partir du TOFE et des données du BOOST et DAD. 6. Tandis que la capacité d’exécution budgétaire semble nettement s’améliorer pour le financement domestique, elle reste nettement faible pour les projets financés par les bailleurs. L’exécution budgétaire globale de l’IP est passée de 40 % en 2010 à 72 % en 2016. Ce taux assez bon d’exécution des dépenses publiques est essentiel pour éviter de compromettre le PIP et retar- der le développement économique du pays. Mais ces chiffres doivent être nuancés puisqu’ils proviennent essentiellement d’un taux d’exécution de presque 100 % des projets financés sur ressources nationales, alors que celui des projets financés par des ressources extérieures n’était en moyenne que de 36 % sur la période 2010-2016. En absence de circonstances particulières, cette situation à deux vitesses souligne une divergence accentuée dans les conditions de surveillance ou contraintes de délai des procédures de passation et d’exécution de la commande publique selon le type de financement des projets. Cette situation révèle une faiblesse importante sur le plan de la préparation budgétaire et pose un risque potentiel non seulement sur le niveau de dépassement budgétaire, dû aux variations des prix des intrants, mais aussi sur le niveau macroéconomique puisque le Gouvernement s’engage sur un endettement en devises qui excède les besoins et la capacité d’absorption de l’économie37. 2.3 La répartition sectorielle des dépenses d’inves- tissement a été plus favorable aux projets d’in- frastructure que ceux du capital humain 7. Un effort considérable de financement des infrastructures dans le cadre de l’aménagement du territoire et faible investissement dans le capital humain. La répartition intra-sectorielle des IP n’était pas harmonisée avec le CSLP. La concentration sur les infrastructures a laissé peu de marges aux autres secteurs clés dans la stratégie de développement du pays, surtout les secteurs sociaux (figure 1). Ainsi les projets marqués sous la catégorie «  aménagement du territoire » ont consommés la moitié des dépenses d’investissement tandis que les 37  La revue des engagements tenus lors de la table ronde pour la Mauritanie à Bruxelles, en Juin 2010, montre que les bailleurs de fonds ont signé des conventions pour plus de 3 milliards de dollars US contre des promesses initiales de 3,233 milliards de dollars US, soit l’équivalent de 921,4 milliards d’ouguiyas. Mais l’absorption de l’ensemble de ces financements sur la même période se fait lentement soit 0,866 milliard de dollars US qui représente donc un taux moyen d’exécution de moins de 37 %. 20 - La Banque Mondiale - Février 2018 projets liés aux ressources humaines ne dépassent pas les 9%. Bien que les projets d’infrastructures aient généralement un coût plus élevé que les autres, la tendance entre 2010-2016 était faiblement orientée vers les secteurs du capital humain (ta- bleau 2 – annexe 2). Vue les contraintes budgétaires et les contraintes d’endettement, le gouvernement est de plus en plus confronté à choisir les projets les plus rentables et les plus efficaces ; ainsi que de rééquilibrer sa politique d’IP pour assurer des dé- penses plus importantes pour améliorer la qualité du capital humain, une condition nécessaire pour relancer la croissance économique sur des bases plus soutenables. Figure 1 : Répartition sectorielle des dépenses d’investissement - moyenne 2010-2016 (%) 3,1% 9,6% Développement rural 12,9% Développement Industriel 4,4% 4,4% 10,7% Aménagement du territoire 8,9% Ressources humaines 8 Développement institutionnel Projets Multisectoriels 50,4% SNIM Source : Ministère de l’Économie et des Finances, calculs du personnel de la Banque mondiale. 8. Les nouveaux financements des infrastructures ont été très favo- rables aux secteurs de l’agriculture et de l’énergie. Pour la première fois dans l’histoire du pays, l’investissement national dans certains secteurs comme le dévelop- pement rural et le développement industriel a rejoint le niveau de l’investissement extérieur. Cette évolution reflète la nouvelle orientation accordée par l’État en faveur des sous-secteurs de l’agriculture, de l’hydraulique villageoise, de l’élevage et aussi en grande partie de l’énergie. Les financements ont majoritairement servi à la réalisation d’aménagement et d’ouvrages agricoles ainsi qu’à la maintenance de l’existant. La part du secteur du développement industriel a pratiquement triplé et le sous-secteur de de l’énergie a vu sa part augmenter de 1,6 % en 2010 à plus de 14,4 % en 2015 des dépenses d’investissements du sous-secteur. Les autres sous-secteurs (pêche, mine, industrie, commerce, artisanat et tourisme) ont vu leur part stagner ou parfois diminuer. De- puis quelques années, l’aménagement du territoire, qui comprend les grands projets d’infrastructure (routes, ports, aéroports, habitat…), bénéficie de la majeure partie des financements, soit plus de 50 % en moyenne durant la période 2010-2016. 9. Ainsi cette politique focalisée sur l’infrastructure a permis de réali- ser et d’engager des projets majeurs ayant contribué à élargir l’accès des populations aux services de base. Entre 2010 et 2016, de grands projets ont été réalisés comme la construction d’une centrale électrique duale (fioul/gaz) de 180 mé- gawatts, la construction d’une centrale photovoltaïque de 14 mégawatts et l’éclairage public à Nouakchott. Aussi des centrales éoliennes de 270 kilowatts qui visent à fournir de l’électricité pour approvisionner des localités côtières ainsi que le projet de ligne électrique entre Nouakchott et Nouadhibou pour couvrir le couloir minier et côtier. Pour le secteur de l’eau, on peut citer l’alimentation en eau potable de la zone d’Aftout Chergui qui vise à améliorer les conditions de vie des populations dans trois régions pauvres du sud de la Mauritanie grâce à l’accroissement significatif de la desserte en eau potable, et l’accès à des équipements sanitaires de qualité. De même, le projet d’ali- Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 21 mentation en eau potable des villes et villages de l’Est à partir du bassin Dhar visant à couvrir les besoins de l’Est du pays. Enfin les autres grands projets sont la construction de l’aéroport de Nouakchott, le développement de la zone franche de Nouadhibou et le développement du réseau routier avec la construction de milliers de kilomètres de voies bitumées et la connexion de la quasi-totalité des wilayas au réseau routier national. Encadré 1 : Exemple de Mégaprojet : L’aéroport de Nouakchott : OumouTounsi Achevé en Juin 2016 au lieu de 2013, l’aéroport international de Nouakchott, est l’un des plus grands projets de l’histoire de la Mauritanie, en termes de volume et complexité de mise en œuvre. En outre, son mode de financement est innovant. Fait pour 2 millions de passagers, il couvre une superficie bâtie de 25.000 m2 et des pistes et aires de stationne- ment de plus de 50.000 m2 ; et il peut recevoir les plus gros porteurs du monde. Il est difficile de déterminer le coût du projet car la forme du contrat est assez proche des styles PPP même si le cadre légal n’existait pas au moment de sa signature en octobre 2011. Le Gouvernement estime le coût à plus de 400 millions de dollars en reconsidérant les projets similaires de la sous-région, le paiement a été assuré sous forme de contrepartie libérable en nature sous forme de lotissement urbain dans la zone résidentielle à Nouakchott (y compris l’ancien aéroport) pour une superficie de 452 ha. L’aéroport a été déclaré satisfai- sant aux normes et standards par une expertise internationale de l’OACI. Nonobstant les aspects de gouvernance qui ont soulevées plusieurs préoccupations, l’expérience de cette réalisation devrait être évaluée en ex-post pour ses aspects de mode de financement in- novant, capital national, promotion des entreprises nationales, capacités et coûts écono- miques, création d’emploi…etc. Il semble aussi que la gestion de financement n’était pas neutre quant à la liquidité bancaire en Mauritanie. Les banques, en difficulté, ont restreint les conditions d’accès au crédit, aussi bien pour les entreprises que pour les particuliers qui veulent plus investir dans l’immobilier engendré par l’opération. 10. La concentration sur la grande infrastructure a laissé une faible marge de manœuvre aux secteurs sociaux. La part consacrée au développement des ressources humaines a augmenté, elle est passée de 4,7 % du total des investisse- ments publics en 2010 à plus de 10 % en 2015, pour retomber à 2.7 % en 2016. La répar- tition sous-sectorielle montre que l’éducation, la santé et l’emploi ont absorbé la partie majoritaire de ces ressources allouées au développement humain (tableau 2). À partir de 2011, les efforts de lutte contre le chômage et la promotion de l’emploi ont évolué, certai- nement sous l’effet des printemps arabes, où la problématique de l’emploi, notamment des jeunes, est devenue un thème préoccupant. Malgré ces efforts, les indicateurs sur le développement humain en Mauritanie restent faibles et en deçà des attentes. Un effort de rééquilibrage est nécessaire. Mais les nouvelles infrastructures physiques pourraient avoir un effet limité sur cet effort à défaut de compétences. Ainsi, il sera nécessaire de rééquilibrer les investissements vers les secteurs sociaux pour construire avec succès le capital humain du pays. 11. Le choix des allocations budgétaires n’était pas suffisamment ra- tionnel. L’analyse du dispositif de planification budgétaire des IP montre des défis notoires à relever pour réaliser les objectifs des stratégies de développement. Le déca- lage entre les priorités dans la stratégie de développement et les priorités financées est évident. Le Programme d’Investissement Public (PIP) comme outil de gestion de réfé- rence est affaibli principalement par la non priorisation des activités du CSLP mais aussi par le manque de son articulation sur des choix rationnels partagés avec les ministères sectoriels. Il est pratiquement difficile de caractériser les programmes triennaux du PIP 22 - La Banque Mondiale - Février 2018 comme une émanation patente des stratégies sectorielles du fait d’un manque notoire de coordination entre l’équipe de la mobilisation et l’équipe sectorielle en amont. Un effort d’alignement du PIP et des priorités sectorielles a débutée avec l’adoption de la nouvelle stratégie nationale de développement la SCAPP en fin 2017. Alors qu’il est bien tôt d’éva- luer les résultats, la réussite de cette initiative dépendras essentiellement de l’adoption d’un processus de budgétisation pluriannuel, de la coordination active au niveau tech- nique et politique entre le MEF et les ministères sectorielle, et de l’évaluation périodique du statu d’exécution de la SCAPP. Encadré 2 : La nomenclature budgétaire Les premières leçons tirées des bilans d’exécution des différents plans d’action du CSLP de la période 2001-2015 ont montré la nécessité d’aligner davantage la programmation financière de l’État aux priorités du développement. Trois CSLP ont été conçus pour met- tre en œuvre le CSLP (2000-2015). Aussi, l’État a dressé un cadre de dépenses à moyen terme (CDMT) global en 2008 révisé en conséquence des CSLP avec la confection de cer- tains CDMT sectoriels. L’État dispose du PIP, un autre outil servant de socle aux présents instruments, remis à jour théoriquement tous les deux ans. L’un des principaux problèmes est l’existence de trois nomenclatures assez distinctes pour le budget, le CDMT, le PIP et le CSLP. Les classifications varient et regroupent plusieurs composantes avec des sous-ensembles pour chaque outil. Pour passer de l’une à l’autre et trouver des correspondances dans les libellés utilisés, il n’existe pas de système défini mais des tables de passage très complexes avec différentes métho- des de traitement pour parvenir à des approches parfois voisines. Par exemple, la Mauritanie utilise une nomenclature des investissements qui classifie les secteurs en six grandes catégories, en particulier lors de la présentation de la loi des Finances. Elle regroupe : (i) le développement rural, (ii) le développement industriel, (iii) l’aménagement du territoire, (iv) les ressources humaines, (v) le développement institutionnel, et (vi) les projets multisectoriels. Les investissements financés dans le cadre du budget découlent en principe des stratégies sectorielles de développement ce qui rends encore plus difficile la lisibilité budgétaire. La Mauritanie a adopté l’approche de budgétisation CDMT pour remédier aux pro- blèmes qui minent son système budgétaire, toutefois les résultats de cette expérience sont restés loin des objectifs de planification recherchés. Ces CDMT n’ont pas permis (i) de passer de la budgétisation des moyens à celle basée sur les résultats, (ii) de définir des enveloppes globales logiques à partir du cadre macroéconomique et (iii) d’assurer l’allocation intersectorielle sur la base des priorités nationales inscrites dans le CSLP et les stratégies. En résumé le CDMT n’a point amélioré la prévisibilité budgétaire ; les parts allouées aux secteurs prioritaires n’ont pas augmenté pour atteindre l’objectif du CDMT ; les lois de finances ne se sont donc pas réformées avec l’adoption du CDMT ; et il n’existe aucun lien entre les priorités du CDMT et celles du budget. 12. La répartition géographique présente une tendance vers l’équité. Bien que Nouakchott et Nouadhibou restent couvertes par l’essentiel des IP, l’analyse montre de nouvelles zones y compris des poches d’extrême pauvreté et des régions en- clavées. Cette approche a pour objectif de réduire les inégalités liées à l’éloignement des centres urbains les plus dynamiques, notamment en termes d’accès aux infrastructures et aux services de base, tels que les routes, l’électricité, l’eau potable, l’éducation, la santé. L’intensification des efforts pour le développement de ces zones et le renforcement du ciblage de leur population, répondent à l’objectif d’une meilleure répartition des fruits de la croissance, favorisant ainsi la mobilité, la productivité et l’intégration dans la dyna- mique de développement du pays. Des régions comme l’Aftout oriental et le Hodh Char- gui constituent de nouvelles destinations des financements, cette approche correspond Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 23 bien à des interventions ciblées face à la pauvreté. Ce nouveau mécanisme de redistri- bution vise à réduire les écarts de richesse, et donc les inégalités, entre les différentes collectivités territoriales. 13. L’investissement public, constituent un domaine à forts enjeux po- litiques, économiques, financiers et sociaux. À cet effet la gestion des IP com- mence à susciter l’intérêt du gouvernement, de l’opinion publique et de la société civile, qui s’interrogent en toute légitimité, sur la destination et l’utilisation de l’argent public. L’évaluation de la stratégie du gouvernement (CLSP) 2001- 2015 a montré, que malgré les progrès dans les infrastructures, les autorités n’ont pas parvenu à traduire sur le plan social un renforcement du capital humain. Au contraire, les performances dans le secteur de l’éducation, de la santé, de l’emploi ont été maigres par rapport au résultat escomp- té. L’une des causes majeures était la gestion stratégique des investissements publics et la réparation des allocations des ressources. L’écart entre les différents outils de la pro- grammation des investissements et les réalisations montre l’inefficacité de la gestion des IP. La planification et les exécutions d’activités dénote d’une faiblesse de maîtrise du PIP comme outil principal de programmation et de mise en œuvre des politiques publiques. 14. La consolidation de la gestion des outils de la programmation fi- nancière notamment le PIP conditionne tous les efforts d’optimisation de l’équilibre au profit du capital humain. Cela constitue, d’ailleurs, un enjeu majeur pour la Mauritanie et une problématique essentielle à laquelle on doit trouver une solution efficace. En effet, le développement durable et inclusif repose essentiel- lement sur l’accumulation des actifs immatériels notamment le capital humain. 2.4 Diagnostic du cadre de la gestion de l’investissement public 15. L’évaluation a montré que la Mauritanie est en dessous de la moyenne requise pour avoir un système de gestion d’investissement pu- blic efficient. L’investissement public est justifié par son impact sur la croissance et l’accès aux services publics, mais son efficacité et efficience dépendent de sa gestion. Les observations qui précèdent révèlent l’importance de celles-ci, et il est évident que des investissements sélectionnés ou mis en œuvre de manière non efficace et non ef- ficiente tendent à affecter négativement les finances publiques. En conséquence, des actions urgentes devraient être prises pour améliorer l’efficacité et l’efficience du PIP. La gestion des IP doit privilégier des engagements basés sur les résultats et non les moyens. L’atteinte des objectifs de la SCAPP ne saurait être réalisée tant que le pro- cessus de maturation des projets publics d’investissement et leur inscription au PIP n’auront pas été institutionnalisés et appliqués de manière rigoureuse et disciplinée. 16. L’amélioration de la gestion du PIP peut conduire à une meil- leure allocation avec des meilleurs résultats au niveau du rendement économique et sociale du projet. Le diagnostic du cadre de la gestion de l’in- vestissement public montre un bilan mitigé. La gestion du PIP reste inefficace et peu coordonnée avec une faible priorisation des projets, une procédure d’exécution non uniforme parfois mal appliquée, et une évaluation et un suivi quasi absents. Cette 24 - La Banque Mondiale - Février 2018 section résume les contraintes du cadre de la gestion d’investissements publics en Mauritanie en soulignant les déficiences liées aux arrangements organisationnels et institutionnels du PIP, ainsi que celles des différentes étapes du cycle des projets comme la sélection, la passation des marches et l’exécution des marchés publics. Le gouvernement a déjà lancé un ensemble de mesures mais la situation demande des réformes plus profondes pour redresser les constats négatifs observés durant l’évaluation du système. 2.4.1 L’architecture institutionnelle et organisationnelle 17. La Mauritanie a connu des changements fréquents dans les do- maines d’attributions des ministères et notamment entre les ministères des Affaires économiques, du Budget et des Finances. Ces modifications ont eu un impact sur la coordination et l’intégration nécessaires entre les services. De fait, certaines informations devant être partagées entre les différents services ne le sont pas, occasionnant des difficultés et des lenteurs dans certaines missions. Le pro- gramme d’investissement est préparé au niveau de la Direction Générale des Projets d’Investissement et de la Coopération Économique alors que la Direction du budget élabore le budget de l’État ; cela constitue une difficulté de programmation pour le suivi financier des investissements publics. Par exemple, les apports d’aide extérieure pour le développement ne sont pas, du moins jusqu’à aujourd’hui, inscrits dans les documents budgétaires nationaux et échappent donc au contrôle parlementaire. L’indisponibilité de données sur le financement extérieur et l’imprévisibilité de cette aide du fait notamment du décalage du calendrier budgétaire des bailleurs avec celui du gouvernement affaiblissent le principe d’unité budgétaire. 18. Des besoins urgents en termes de ressources surtout humaines pour l’administration des IP. Les autorités chargées de l’investissement n’ont pas les moyens techniques, humains et matériels pour assurer le suivi des investissements publics et recueillir les données relatives à la qualité et à la réalisation effective des pro- jets financés au cours du cycle budgétaire. Il n’existe pas de base de données systémique sur les résultats physiques annuels de l’exécution du BCI. La budgétisation des dépenses d’investissement et celle des dépenses de fonctionnement sont des processus distincts et ne donnent pas lieu à l’échange des estimations relatives aux charges récurrentes. 2.4.2 Programmation et sélection des projets 19. Il est nécessaire de mettre en place un cadre unifié pour la gestion de l’investissement public. Ceci permettra à terme d’allouer les ressources aux projets présentant les meilleurs rendements socio-économiques. Le cas de la Tunisie est un bon exemple d’un cadre bien intègre du GIP (figure 2). Cet outil est d’abord appelé à améliorer le choix des investissements servant à mettre en place des in- frastructures adéquates au besoin et de renforcer la qualité des investissements dans le cadre des stratégies sectorielles et assurer leur réalisation dans les meilleurs délais. Ce cadre favorisera le développement d’une base de données qui permettra d’avoir une vision actualisée et complète du processus et ses acteurs au moment d’identifica- Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 25 tion, de programmation et de mise en œuvre des projets. Il est nécessaire de renfor- cer tout cela par l’institutionnalisation de ce mécanisme pour permettre d’unifier les règles et les outils des projets d’investissement. Ce cadre commence à se développer en Mauritanie. En effet, le gouvernement a établi en fin 2016 un cadre institutionnel de formulation, de sélection et de programmation de l’IP38 et a mis en place en avril 2017 un comité (le CAPIP) pour assurer son implémentation. Il a aussi lancé un sys- tème informatique intégrée de pour la GIP (SIGIP) qui a servi à l’élaboration du PIP 2018-2020. Cette mise en vigueur vient de débuter et les résultats seront attendus lors de la conclusion du cycle budgétaire 2018. De plus, l’aspect interministérielle et régionale de ce cadre reste à se développer. Figure 2 : Tunisie Plan de Développement 2016 – 2020 : Cadre Unifiée de GIP 20. À court terme, et à la lumière de ces divers enseignements, un ensemble de mesures correctives rapides a été opérés récemment. Le gouvernement entreprend depuis fin 2016 une réforme dans le domaine de la ges- tion des finances publiques pour renforcer les processus liés au volet investissements publics du Budget. Cette réforme vise à instaurer des règles fondamentales dans la gestion des IP pour une utilisation optimale des dépenses publiques. Elle consiste à élaborer et à mettre en œuvre des critères rigoureux pour la sélection et l’inscrip- tion des projets au PIP, de sorte que le PIP et le budget de l’État soient exhaustifs et couvrent tous les financements extérieurs et domestiques ; l’obligation de justifier les projets et d’observer des critères et filtres de sélection ; assurer un minimum de co- hérence et créer un cadre institutionnel pour examiner les projets sélectionnés. Aussi le gouvernement a fait appel au mode de financement de certains services publics et infrastructures par le biais des partenariats public-privé (PPP). 38  Reference au décret 2016-179. CAPIP : comite d’analyse et de programmation de l’investisse- ment public. 26 - La Banque Mondiale - Février 2018 21. Améliorer la planification, la sélection et la programmation des projets. Cette intervention vise à combler un vide juridique dans le système national de planification en adoptant le décret no 2016-179 fixant le cadre institutionnel de for- mulation, de sélection et de programmation de l’investissement public. Il permettra ainsi plus de cohérence dans l’élaboration du PIP grâce à la nouvelle grille de filtrage, et contribuera à améliorer la soutenabilité et la viabilité de la dette publique, ainsi qu’une meilleure mobilisation des ressources. En conséquence, un manuel de procé- dures a été instauré par circulaire du Premier ministre en 2017 avec pour objectif de fournir aux différents intervenants un outil détaillé sur les procédures d’opérationna- lisation du décret susvisé et de définir les rôles et responsabilités des acteurs vis-à-vis de la gestion du PIP. 22. Avoir un système comptable et budgétaire unifié. Pour la première fois, la Mauritanie a présenté le budget de l’État de 2017 dans un document unique englobant les financements extérieurs. Ce progrès important a permis d’enregistrer toutes les dépenses d’investissement public, donc d’accroître les contrôles et d’amélio- rer le compte rendu financier et budgétaire. Aussi cette mesure a permis d’éliminer du PIP les dépenses de fonctionnement et les subventions pour le transformer en vrai bud- get d’investissement public en harmonisant la nomenclature budgétaire et comptable. 23. Recommandations en termes de sélectivité et financement de pro- jets. Les bonnes pratiques internationales de la GIP nous informent que la sélection des projets doit se faire sur la base d’évaluations ex ante, et que le mode de financement, sous forme de ressources domestiques ou extérieures ou d’un PPP, doit être judicieu- sement sélectionné au moment de la préparation du PIP. La programmation financière doit être connue pour sa prise en charge budgétaire pluriannuelle, ce qui permet le dé- ploiement à temps du budget. La dimension territoriale et le rôle des communes dans les IP ne peuvent plus être ignorés. Cette dimension doit être considérée pour permettre au gouvernement de mieux exécuter les projets publics. De même, il est crucial de sou- ligner l’importance d’une bonne coordination entre les investissements de l’administra- tion centrale, des agences et ceux des communes pour éviter de nombreux problèmes, notamment les doublons, qui faussent le calcul des retombées des investissements et complique la gestion de projets. Le gouvernement doit disposer de marges de manœuvre budgétaires suffisantes pour poursuivre sa politique d’investissement qui doit prendre en considération les contraintes comme les capacités d’absorption ou d’endettement. Les projets sélectionnés et évalués peuvent rester dans le pipeline avant de passer dans le PIP en cas de contraintes budgétaires contra-cyclique par exemple. Le gouvernement doit adopter une planification à long terme des investissements publics qui consiste à l’identi- fication des projets stratégiques, à un horizon de dix ans par exemple. 2.4.3 Marchés publics 24. Des études récentes ont clairement pointé les difficul- tés actuelles. Trois diagnostics conduits par l’Autorité de Régula- tion des Marchés Publics (ARMP) confirment ces dysfonctionnements et indiquent les principaux goulots d’étranglement des procédures 39 : i) la non-conformité et les incohérences relatives à la délimitation des attri- butions des organes de passation des marchés publics, ii) la non-conformité et 39  Etude d’harmonisation des textes régissant les marchés publics en Mauritanie (Mai, 2016) Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 27 les incohérences relatives à la composition, aux modalités de fonctionnement et au statut des membres des organes de passation des marchés publics, iii) l’ab- sence de décrets d’application de la loi sur la délégation des ouvrages et iv) les correctifs d’encadrement des modalités d’organisation et de fonctionnement des commissions. 25. Donc réformer le système de passation des marchés publics est plus que nécessaire. Le cadre actuel n’est pas adapté pour prendre en compte les nouveaux paramètres relatifs à la consommation efficiente d’inves- tissements publics de plus en plus large et complexe. Conscientes des dévia- tions, les autorités ont commencé à prendre les dispositions utiles pour redres- ser le dispositif réglementaire en augmentant les contrôles sur les risques. Le gouvernement est en train de redresser les dispersions de la mise en œuvre de la réforme engagée en 2012 et d’harmoniser et aligner les textes d’applications de la loi du nouveau dispositif organisationnel de passation des marchés publics. L’aboutissement de cette réforme aura pour effet de redresser les textes et de cadrer certaines pratiques pour appliquer un même corpus de règles (décrets, arrêtés et circulaires) à l’ensemble des entreprises publiques ou privées pour consacrer davantage les principes de séparation de la passation, du contrôle et de la régulation. 26. Les textes d’application du code des marchés publics ont dé- tourné la loi de son objectif premier. Le code des marchés publics, ré- formé en 2012, adresse d’une façon satisfaisante les principes fondamentaux de transparence et d’indépendance de la passation des marchés publics, mais les textes d’application ont introduit des confusions qui handicapent le bon fonctionnement du système de passation. L’autoévaluation de la performance 40 du système a permis de révéler l’existence de confusions, contradictions et dé- viations sur le cadre légal, réglementaire et institutionnel des textes d’applica- tion de la loi. En conséquence, les procédures ne sont pas assez transparentes, l’exécution physique et financière des marchés est très mal suivie par les autori- tés contractantes dû à un manque d’appropriation de celle-ci, d’une propension forte pour la fragmentation (usage de l’infra-seuil) ou pour l’usage du gré à gré. 27. L’État a eu recours à ses entreprises publiques pour l’exécution des IP. La délégation de maîtrise d’ouvrage continue d’augmenter, créant une pression additionnelle sur le secteur privé. Ainsi pour la période 2010-2015, les investissements publics exécutés par délégation de maîtrise d’ouvrage sont passés de 13,7 % de la masse globale des investissements en 2010 à plus de 35 % en 2015. Ils ont été principalement réalisés par des entreprises publiques opérant dans les secteurs des travaux publics, du bâtiment et de l’aménagement rural (figure 3). Certains délégataires ont joué leur rôle d’agence d’exécution ou de régisseurs en ayant recours aux services des entrepreneurs et bureaux d’études sélectionnés par voie concurrentielle en application des procédures de passation de marchés. 40  Autoévaluation du système des marchés publics à l’aide des indicateurs de conformité de base de l’OCDE et des indicateurs de conformité et performance (Revue des dépenses publiques ; juin 2017). 28 - La Banque Mondiale - Février 2018 Figure  3  : Montant des investissements publics délégués en milliards de MRU41 6,6 6 ,6 ENER EN SNAAT SN 3 13 ATTM AT 4,8 4 ,8 ISKAN IS SNDE SN 2 ,5 2,5 1 ,3 1,3 Source : Calculs du personnel de la Banque mondiale à partir des statistiques des entreprises publiques. Encadree 3 : En 2017 des reformes sur le volet de la passation ont été bien engagées La réforme des marchés publics a été essentiellement centrée sur la refonte des dé- crets d’application de la loi 2010-044 du 22 juillet 2010 portant Code des marchés publics en seul texte. Elle vise la mise en conformité de ce nouveau décret avec le code des marchés publics et au souci de simplification nécessaire à la bonne application des procédures de passation de marchés. Le deuxième volet de la réforme est de combler les vides réglementaires concernant l’application du code des marchés publics aux dépenses inférieures au seuil de com- pétence des commissions de passation des marchés publics (CPMP). Le troisième volet de la réforme est de combler aussi les vides réglementaires con- cernant l’application d’application de Loi 2005-020 du 30 janvier 2005 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et aux conditions dans lesquelles elle peut être déléguée, (MOP) tout en veillant à l’instauration de mécanismes permettant de prévenir toutes les déviations constatées par le passé dans la pratique de délégation de la MOP. Également les décrets et arrêtés portant application de la loi n° 2017 - 006 du 01 février 2017 relative au Partenariat Public-Privé (PPP), ces textes renforcent le cadre légal et institutionnel des PPPs en Mauritanie. Mise en place d’un nouveau système institutionnel de passation des marchés publics qui permet une meilleure appropriation des autorités contractantes de leurs marchés. 28. En revanche l’exécution des IP par ces entreprises n’a pas donné les résultats escomptés. Certaines entreprises ont plutôt tendance à s’investir sans y avoir été habilités par la loi et à développer des capacités d’opérateurs bénéficiant d’avantages comparés grâce aux parts de marchés qui leur sont réservées sur finance- ments publics. Ce constat et les distorsions qui en résultent sur les segments de marché des BTP et de l’aménagement pourraient nuire au développement du secteur privé, suite à son éviction par les entreprises publiques, et contribuer à la mauvaise qualité des investissements ou à la création de systèmes de rente. 41  Échantillon important des entreprises publiques, les données ne regroupent pas la cellule du génie militaire et la Somelec dont la part est estimée à plus de10 %. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 29 29. Recommandations sur la mise en œuvre des marchés publics. Malgré le lancement en fin 2017 des réformes, essentiellement axées sur la passation (voir Encadré 3), un processus effectif de mise en œuvre des marchés publics doit assurer la transparence et la cohérence nécessaires entre les différents pouvoirs de la passation, du contrôle et de la régula- tion des procédures des marchés publics. Les objectifs sont de : i) simplifier les procédures de passation et harmoniser les textes de la mise en œuvre avec la loi ; ii) intégrer la programma- tion des marchés publics dans le processus budgétaire et financier et ; iii) renforcer l’égalité d’accès à la commande publique. Il est également important de répartir clairement les rôles et responsabilités de tous les acteurs de la mise en œuvre, en définitive le maître d’œuvre doit contrôler régulièrement les coûts du projet et les changements importants survenant durant l’exécution du projet. Il serait bon d’instaurer un mécanisme standardisé avec des signaux pour permettre de déceler à temps les modifications majeures et de déclencher en consé- quence une révision, une actualisation ou s’il le faut une clôture anticipée du projet. Beaucoup d’efforts doivent être accomplis en matière de simplification administrative contre les goulots d’étranglement avec un respect du cadre institutionnel tout en renforçant les sectoriels. L’im- plication du secteur privé dans la politique d’investissement public s’impose également pour faire participer les partenaires privés aux efforts de l’État à travers notamment des conces- sions ou des partenariats public-privé (PPP). 2.4.4 Exécution et suivi de projets 30. L’exécution des projets n’est pas soumise à des règlesprécises et harmonisées de suivi pour la réalisation des objectifs. Le manque de coor- dination régulière entre les ministères entraîne des difficultés d’exécution et finan- cière tout comme l’absence de contrôle de normes environnementales et sociales. La dernière réforme des marchés publics de 201242 ne semble pas avoir amélioré l’exé- cution des projets ni introduit la transparence requise. Les ministères sectoriels ne soumettent pas de rapports réguliers sur l’état d’avancement des projets qui assure- raient que les fonds sont dépensés comme prévu. 31. L’exécution des projets par des unités hors de l’administration est un phénomène qui persiste en Mauritanie. Cette exécution nuit à l’intégration des financements extérieurs dans le système des finances publiques. Il y a un manque de contrôle et de visibilité sur les projets financés par les partenaires étrangers. Ceux financés par des donateurs sont généralement exécutés par des unités de coordina- tion du projet (UCP), créées par les donateurs en fonction des exigences fiduciaires et certaines faiblesses dans la capacité de l’administration de gérer des projets. L’exé- cution se fait à l’extérieur du processus budgétaire national, et les interventions du MEF sont clairement insuffisantes pour contrôler les projets. Si ces organes peuvent faciliter l’exécution de certains projets, ils viennent souvent en concurrence avec l’ad- ministration, génèrent des frustrations parmi les fonctionnaires, et n’aide pas néces- sairement à mettre plus de transparence. 32. D’autre part, il est difficile d’affirmer que le gouvernement pro- cède à une revue et évaluation systématique à la fin de ses projets pour en tirer des enseignements et améliorer la qualité du PIP. Peu de rapports sont disponibles sur la mise en œuvre des projets et encore moins sur 42  Loi no 2010-044 du 22 juillet 2010 portant sur le code des marchés publics et ses décrets d’application no 2011-180 du 07 juillet 2011 et no 2012-084 du 04 avril 2012. 30 - La Banque Mondiale - Février 2018 leur évaluation concernant l’atteinte des objectifs initiaux sauf pour les projets financés par certains bailleurs de fonds. La Direction du suivi et de l’évaluation du MEF n’a pas les outils ni le personnel adéquat pour mener ses missions de supervision et se repose de facto sur celles effectuées par les bailleurs de fonds ou rarement par les sectoriels. 33. Les autorités n’ont pas les outils nécessaires pour une supervi- sion et une évaluation adéquates. Le gouvernement se retrouve sans méthodo- logie pour évaluer la performance des projets en Mauritanie. Les indicateurs actuels de performance ciblent particulièrement la mise en œuvre administrative comme le décaissement et le démarrage des activités alors que l’on devrait plus se soucier de la conception, du montage technique, de la réalisation du projet et des résultats vis-à- vis de la population. Ce problème est accentué par le manque de comptabilité patri- moniale de l’État pour permettre l’obligation d’évaluation des valeurs actualisées des investissements publics et en avoir aussi un inventaire exhaustif. 34. Recommandations pour le suivi et lévaluation des projets. Les investissements, en particulier pour les grands projets, doivent subir une éva- luation ex ante détaillée basée sur des critères quantitatifs standardisés inté- grant les aspects économiques, sociaux et environnementaux. Elle doit se faire en toute transparence avec des critères d’efficacité. Pour les projets importants, ces évaluations pourraient accompagner les conventions de prêts ou le budget de l’État pour faciliter les discussions parlementaires. Il est important d’évaluer aussi les frais de gestion et d’entretien des projets pour budgétiser convenable- ment. Une évaluation ex post est également nécessaire pour considérer les ensei- gnements tirés de l’exécution des projets antérieurs et pour mieux appréhender les coûts-avantages portant surtout sur les aspects économiques, financiers et les délais de réalisation. Cette évaluation pourrait idéalement se faire par un audit externe afin de connaître les coûts réels et éviter les mêmes erreurs d’inefficience pour les projets futurs. 2.5 Conclusion 35. Les défis sont nombreux et complexes et requièrent des ré- formes structurelles profondes dans la gestion des IP. La Mauritanie est confrontée principalement à un problème d’optimisation et d’équité dans les allocations des ressources entre les infrastructures et le développement humain, conjugué avec un manque de gestion efficace et efficiente des investissements publics. La rareté des ressources face aux besoins importants d’investissements publics pour la réalisation des programmes de développement exige la mise en œuvre de réformes pour améliorer la pertinence, l’efficacité et l’efficience des IP. Certaines réformes concernent parfois même les fondements de la gestion des finances publiques et son organisation. À cet effet, il est important pour le gou- vernement de mener, sur la base des « bonnes pratiques » établies ailleurs et leçons tirées de l’exécution du CSLP, des reformes pour améliorer la gestion des investissements publics pour mieux réussir sa SCAPP. Le gouvernement devrait créer un environnement propice pour la réforme permettant de consolider les outils de programmation financière de l’État notamment le volet de la gestion des investissement publics. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 31 Annexe 2 : Répartition sectorielle des investissements public Tableau 2 : Répartition des IP par sous-secteur (en % des investissements publics) Secteur 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 I. Développement rural 1.1 Agriculture 3,2 1,9 2,9 6,1 6,2 5,7 1,5 1.2 Génie rural 0,5 1,3 1,1 0,5 0,5 0,4 1,6 1.3 Hydraulique villageoise 1,3 2,8 2,6 3,1 4,2 5,8 3,8 1.4 Élevage 0,0 0,0 0,0 0,0 0,5 0,9 1,5 1.5 Environnement 2,4 1,6 0,3 0,4 0,3 0,7 0,3 1.6 Recherche/formation/vulgarisation 0,1 0,0 0,0 0,0 0,1 0,0 0,0 II. Développement industriel 2.1 Pêche 5,5 0,2 0,3 1,3 1,6 1,3 0,9 2.2 Mines hors SNIM 0,4 0,3 0,2 0,1 0,1 0,1 0,0 2.3 Industries 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,8 1,9 2.4 Commerce 0,0 0,0 0,1 0,1 0,0 0,0 0,0 2.5 Énergie 1,7 6,3 3,9 12,8 15,5 14,4 9,9 2.6 Artisanat 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 2.7 Tourisme 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 III. Aménagement du territoire 3.1 Habitat/urbanisme/transport 9,9 9,7 8,3 6,2 4,5 4,9 4,7 3.2 Hydraulique urbaine 14,9 2,9 4,9 9,7 5,7 8,7 6,8 3.3 Infrastructures routières 21,7 22,0 29,5 22,8 27,2 21,6 11,7 3.4 Infrastructures portuaires 16,6 20,5 13,6 0,0 0,6 0,7 0,0 3.5 Infrastructures aéroportuaires 1,0 0,0 0,4 1,0 0,8 2,5 0,3 3.6 Information 0,5 0,3 0,3 0,7 0,4 0,4 0,0 3.7 Télécommunications 0,0 0,0 0,5 0,6 1,8 1,2 0,4 IV. Ressources humaines 4.1 Culture 0,0 0,0 0,0 0,1 0,2 0,3 0,0 4.2 Justice 1,0 0,3 0,1 0,1 0,2 0,1 0,0 4.3 Éducation 1,4 3,9 3,8 4,2 1,5 2,4 1,8 4.4 Santé et affaires sociales 1,2 0,8 2,9 3,1 2,7 3,2 0,6 4.5 Alphabétisation 0,0 0,0 0,2 0,2 0,1 0,0 0,0 4.6 Emploi 1,1 2,9 3,8 3,5 4,4 4,1 0,1 4.7 Jeunesse et sports 0,1 0,1 0,0 0,3 0,2 0,1 0,2 V. Développement institutionnel 5.1 Appui à l’administration 3,7 4,2 4,4 5,0 4,3 3,8 0,3 5.2 Appui au secteur privé 0,3 0,4 0,3 0,3 0,5 0,2 0,1 VI. Projets multisectoriels 8,6 13,0 10,3 15,9 14,2 13,9 6,6 VII. SNIM 3,1 4,3 5,4 2,4 2,0 1,9 1,4 Source : Calculs du personnel de la Banque mondiale provenant des données de la Direction du budget. 32 - La Banque Mondiale - Février 2018 Troisème Partie Mettre en Place des Filets Sociaux Pérennes et Efficients Pour Réduire la Pauvreté Extrême et Protéger les Ménages Vulnérables des Chocs 3.1 Les filets sociaux, outils de lutte contre l’extrême pauvreté et de protection contre les chocs 3.1.1 Réduire l’extrême pauvreté et la vulnérabilité aux chocs en Mauritanie 1. Après une période de réduction de la pauvreté lente, la Maurita- nie a profité des prix élevés des matières premières pour accélérer la réduction de pauvreté. En particulier, pendant la période 2008-2014, la pauvreté est passée de 44.5 pour cent à 33.0 pour cent, selon le seuil national de pauvreté. Ce- pendant, les prix des matières premières sont désormais moins favorables à la Mauri- tanie, ce qui réduit les perspectives de progrès en termes de réduction de la pauvreté. Au contraire, la consolidation fiscale nécessaire pour refléter ces nouvelles conditions pourrait mettre en péril les gains récents. 2. Les filets sociaux peuvent répondre à plusieurs objectifs, en par- ticulier réduire la pauvreté et réduire la vulnérabilité aux chocs. D’une part, les filets sociaux conçus pour le moyen terme appuient les ménages en situation de pauvreté extrême chronique. Ces programmes s’inscrivent dans la durée, pour ac- compagner les ménages les plus pauvres et les aider à investir dans leur capital humain (surtout celui des enfants) et productif. D’autre part, certains programmes sont mis en place pour répondre à des chocs ponctuels (par exemple, réforme des subventions, choc économique externe, ou consolidation fiscale) ou à des chocs cycliques et récur- rents (soudure, mauvaise pluviométrie, etc.). Ces fonctions sont toutes les deux perti- nentes en Mauritanie, particulièrement dans le contexte macroéconomique actuel. 3. La Mauritanie a fait de grands progrès ces dernières années dans la mise en place de certains piliers fondamentaux d’un système natio- nal de filets sociaux. La Stratégie Nationale de Protection Sociale, adoptée en juin 2013, souligne en particulier le besoin de renforcer le dispositif de la protection so- ciale pour en assurer l’adéquation et la pérennité. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 33 3.1.2 Les filets sociaux sont efficaces pour réduire la pauvreté, protéger les pauvres des chocs et pro- mouvoir leur inclusion productive 4. Un système de filets sociaux est un outil essentiel pour éliminer l’extrême pauvreté en investissant dans le capital humain des popula- tions et en diminuant l’impact humain et économique des chocs. C’est un investissement productif rentable pour les générations futures. Dans l’ensemble, les filets sociaux ont un impact sur les ménages à travers trois types de canaux : équité, résilience, et opportunités (voir tableau 1). En plus de ces canaux qui décrivent les im- pacts sur les ménages qui bénéficient des programmes, les programmes ont aussi des impacts sur l’économie locale, à travers l’injection de ressources, et à terme, des im- pacts sur la croissance économique. Tableau 1 : Canaux d’impact des filets sociaux et aspects spécifiques Equité Résilience Opportunités • Consommation • Epargne • Investissement dans le capital • Sécurité alimentaire • Transferts privés humain : • Pauvreté • Abandon des mécanismes - Education d’adaptation appauvrissants - Santé • Renforcement des moyens - Nutrition d’existence • Inclusion productive : • Biens/outils productifs - Revenus 5. Les filets sociaux permettent d’améliorer la consommation des mé- nages, mais aussi d’impulser une amélioration des économies locales. Une étude récente qui combine les résultats de toutes les évaluations d’impact rigoureuses menées sur le continent Africain montre que la consommation des ménages augmente en moyenne de 74 centimes pour chaque dollar transféré43. Le reste des transferts est géné- ralement investi, particulièrement pour les programmes qui sont focalisés sur les aspects productifs. Les programmes ont aussi des impacts positifs sur l’économie locale – à travers l’augmentation de la consommation de biens et services des pauvres. Pour chaque dollar transféré aux bénéficiaires, les non-bénéficiaires voient aussi leurs revenus augmenter de 26 à 83 centimes en Ethiopie, de 39 centimes au Ghana, de 3 à 16 centimes au Kenya, de 33 centimes au Lesotho, de 30 centimes en Zambie et de 36 centimes au Zimbabwe44 . Ainsi, si l’on considère les impacts cumulés sur les bénéficiaires et sur les non-béné- ficiaires, on observe des effets multiplicateurs de 1.08 à 1.84. Chaque dollar transféré ajoute plus qu’un dollar dans l’économie locale. 6. En termes de résilience, les programmes aident à renforcer les capa- cités des ménages à faire face aux chocs. En moyenne, les ménages bénéficiaires épargnent 20 pourcent de plus que les ménages non bénéficiaires. De plus, les stratégies négatives d’adaptation aux chocs (ventes de bétails ou d’outils, retrait des enfants de l’école, etc.) sont plus souvent évitées. En particulier, les ménages bénéficiaires ont moins recours au travail des enfants. Il est aussi important de noter que les programmes de filets sociaux ne réduisent pas les transferts privés entre ménages, qui reflètent la forte solidarité entre les individus dans la région. 43  Andrews, Hsiao et Ralston (2017) dans Beegle, Coudouel et Monsalve (Eds, 2017). 44  Taylor et al 2013, 2014a, 2014b et Thome et al 2014a et 2014b. 34 - La Banque Mondiale - Février 2018 7. Les programmes ont aussi un impact fort sur les investissements des ménages et leur capital humain. Les programmes augmentent l’utilisation des services de santé et l’inscription et la présence à l’école – en moyenne, les inscrip- tions et la fréquentation de l’école augmente de 6 à 7 pourcent. Les effets sont parti- culièrement marqués pour les jeunes au niveau du secondaire, moment où de nom- breux enfants issus de ménages pauvres tendent à décrocher. Ces investissements dans la santé et l’éducation sont des éléments essentiels pour améliorer la situation des générations futures et briser le cycle de transmission intergénérationnelle de la pauvreté. Cependant, l’impact des filets sociaux en la matière dépend aussi largement de l’offre des services et de leur qualité. 8. Finalement, les programmes ont aussi un impact démontré sur les capacités productives des ménages – les bénéficiaires travaillent plus et de manière plus productive. Ils tendent à développer ou étendre leurs activités indépen- dantes et à travailler plus dans leurs exploitations familiales. De nombreux pays en Afrique explorent les mécanismes pour combiner les filets sociaux avec des interven- tions productives ciblées pour permettre aux plus pauvres d’améliorer leur capacité à générer des revenus plus diversifiés et plus élevés. 9. Les filets sociaux sont des investissements productifs ren- tables pour les générations futures. En effet, en plus de leur impact sur la consommation, Ils ont un impact direct sur l’investissement dans le capital hu- main et sur la productivité des ménages, et un impact indirect sur l’économie lo- cale. Au total, les filets sociaux sont des programmes efficients pour appuyer les plus pauvres et protéger les vulnérables des chocs, y compris des impacts de reformes. 3.1.3 La Mauritanie peut bâtir sur des bases solides pour développer son système de filets sociaux 10. La Mauritanie part sur de bonnes bases : une capacité à mobili- ser des ressources, de l’expérience dans les programmes, une stratégie, et un engagement politique fort. Parmi les programmes, le programme EMEL a été établi pour répondre aux besoins des ménages affectés par les chocs. Le pro- gramme ne cible pas les pauvres, autrement qu’en offrant des denrées alimentaires de base que les couches les plus riches tendent à trouver peu intéressants et en im- posant des limites sur les quantités achetées. Initialement prévu pour une période temporaire, le programme s’est ensuite inscrit dans la durée. 11. De nombreux acteurs non-gouvernementaux ont aussi une expé- rience solide dans les programmes de réponse aux crises. Initialement ces programmes étaient surtout concentrés sur la distribution alimentaire, mais plus récem- ment bon nombre d’entre eux ont préféré les transferts monétaires. Ces programmes sont typiquement ciblés sur les ménages vulnérables aux chocs, avec des méthodologies qui impliquent souvent les communautés et certains critères de vulnérabilité. 12. La Mauritanie a aussi commencé à mettre en place le Registre So- cial. Ce registre a pour objectif d’identifier les ménages qui vivent dans la pauvreté de manière chronique, ainsi que les ménages vulnérables aux chocs. Ce registre a déjà été mis en place dans les Moughattaas de Mbout, Kankossa, Selibaby, Barkeol et Ould Yenge. Il sera déroulé sur l’ensemble du territoire au cours des prochaines Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 35 années. Le registre sera mis en place dans toutes les région, moughattas, communes et localités du pays, afin d’inclure tous les pauvres extrêmes du pays, quel que soit leur lieu de résidence45. Le registre social est constitué sur la base de l’identification par les communautés des ménages les plus pauvres en leur sein, selon des quotas établis en fonction de la carte détaillée de la pauvreté extrême. Une fois les ménages pré-identifiés par les communautés, un test de vérification des moyens est réalisé, sur la base des conditions de vie des ménages (socio-économiques, habitats, biens de production, etc.). Le gouvernement recommande que le Registre Social serve de base pour les interventions sociales de l’État et de ses partenaires. 13. De plus, la Mauritanie a commencé à mettre en œuvre un pro- gramme de transferts sociaux pour les ménages en extrême pau- vreté, le Programme Tekavoul. Ce programme s’inscrit dans la durée pour appuyer les investissements dans le capital humain des enfants et les moyens de production. Le programme vise spécifiquement à promouvoir l’inscrip- tion des enfants à l’école, l’utilisation des services de santé, l’enregistrement à l’état civil, et les bonnes pratiques parentales pour le développement de la pe- tite enfance. Ce programme, ciblé sur la base du Registre Social, sera progres- sivement déployé sur l’ensemble du territoire au cours des prochaines années46 . En plus de transferts monétaires, les ménages bénéficiaires participent à des activi- tés de promotion sociale qui ont pour objectif de les aider à identifier les bonnes pra- tiques en matière de santé, hygiène, nutrition, et développement de la petite enfance. 14. Finalement, en 2017, le gouvernement a également mis en œuvre un programme de filets sociaux réactifs aux chocs. Ce programme permet d’appuyer des ménages affectés par les effets du changement climatique en se basant sur les informations de l’Observatoire à la Sécurité Alimentaire (OSA). 3.2 Cinq actions clefs pour un système de filets sociaux efficient et efficace 15. Il convient désormais de consolider cet existant, et de développer un système de filets sociaux optimal pour lutter contre la pauvreté ex- trême et protéger les plus vulnérables des chocs climatiques et économiques. Pour ce faire, il faut combiner plusieurs efforts : i. Mettre en place une stratégie pour le financement ii. Rationaliser les programmes ineffectifs iii. Étendre le Registre Social sur l’ensemble du territoire et le maintenir actualisé iv. Étendre le programme de transferts sociaux Tekavoul sur l’ensemble du territoire v. Développer un dispositif de réponse aux chocs 45  Au 31 janvier 2018, le Registre Social est disponible (ou en phase avancée de réalisation) dans 8 moughataas (Sélibaby - Mbout - Barkéol -Kankossa - Oul Yenge - Kobenni - Tintane - Aleg - R’kiz) soit environ 50.000 ménages. 46  Au 31 janvier 2018, le programme Tekavoul appuie plus de 15.000 ménages dans les moughataas de M’bout, Sellibabi et Kankossa. 36 - La Banque Mondiale - Février 2018 Action 1 : Adopter une stratégie de financement qui utilise une panoplie d’instruments pour répondre aux besoins fixes (pauvreté chronique) et variables (réponse aux chocs) 16. La clef de voute du système de filets sociaux est son financement. Le coût d’un système qui, d’une part, appuie les plus pauvres de manière continue et pérenne, et, d’autre part, soutient les ménages affectés par les chocs de manière rapide et systématique n’est pas très élevé pour un pays comme la Mauritanie. Cela est particulièrement le cas si ce système est efficient – avec des transferts réguliers et des réponses rapides aux chocs. Cela est beaucoup moins couteux qu’une situa- tion où les réponses sont désorganisées, arrivent trop tard, et ne sont pas fiables et où les plus pauvres sont laissés pour compte et la cohésion sociale est en péril. Encadré 1 : Instruments utilisés pour financer les réponses aux chocs Il y a plusieurs options pour financer les réponses aux chocs, en plus du budget : • Les fonds de contingence ou réserve sont utilisés dans de nombreux pays pour financer l’appui aux ménages, la réhabilitation, la reconstruction and les activités de pré- vention. Les fonds souverains dédiés à la réponse aux chocs sont en place en Colombie, Costa Rica, Inde, Indonésie, Mexique, Philippines, Laos et Vietnam, entre autres. Un certain nombre de pays en Afrique travaillent à leur établissement, y compris le Kenya. • Des crédits/prêts contingents, qui permettent aux pays d’accéder à des fonds liquides immédiatement après un choc. Ces instruments promeuvent des réponses ra- pides, ce qui permet de réduire les risques de durcissement des crises et de réduire le coût des réponses. • Les instruments de marchés – contrats de dérivés, assurance, ou obligations catastrophe – peuvent être utilisés pour transférer une partie des risques aux acteurs privés (compagnies d’assurance, de réassurance, banques, investisseurs, etc.). Les paiements sont déclenchés selon la performance d’indices paramétriques qui dépen- dent d’indicateurs objectifs (pluies, prix, etc.). Chaque instrument sert un objectif différent et il convient de les combiner pour répon- dre à différents risques de manière la plus économique possible. Figure 1. Approche par couches de la protection financière face au risque de désastre Remarque : MDB = banque multilatérale de développement ;IFI=Institution Financière Internationale Source: Adapté de SOVEREIGN CLIMATE AND DISASTER RISK POOLING, World Bank Technical Contribution to the G20, 2017 Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 37 17. A terme, une fois les systèmes en place, le coût du dé- ploiement du système de filets sociaux national est estimé47 entre MRU 1,1 et 1,3 milliards par an : • MRU 0,03 milliard pour le développement et la mise à jour du Registre Social, • MRU 0,9 milliards pour le programme Tekavoul couvrant pour les 100 000 mé- nages les plus pauvres (environ 18% des ménages) • MRU 0,2 à 0,4 milliards pour une réponse aux crises 18. La stratégie de financement doit exploiter les économies réalisées par les réformes engagées, en particulier le Registre Social, et mobili- ser des ressources additionnelles de manière pérenne. Il s’agit aussi d’avoir une stratégie de financement qui corresponde aux besoins – besoins permanents et besoins en cas de chocs – et qui combine donc des financements permanents à des outils contingents. Ces derniers peuvent inclure des outils financiers d’assurance, des fonds ou réserves, des emprunts contingents (qui sont prêts à être déclenchés à tout moment), etc. (voir encadré 1). 19. Pour financer l’ensemble des besoins, de nombreuses options existent en Mauritanie, qui pourraient être étudiées. Entre autres, • Une réforme des subventions de butane et d’électricité permettrait de dégager de l’espace fiscal en inscrivant ces dépenses dans le budget de l’état de manière durable ; • Une réforme du programme EMEL permettrait aussi de dégager des fonds qui pourraient être convertis de manière pérenne dans le budget de l’état ; • Les partenaires au développement pourraient être mobilisés pour contribuer tant au financement des aspects permanents (Registre Social et Te- kavoul) qu’à celui des aspects temporaires (dispositif de réponse aux chocs) à travers des investissements classiques et/ou des lignes de crédits ou plans de contingence pré-approuvés ; • Le gouvernement pourrait orienter certaines assurances vers le finance- ment de transferts monétaires (par exemple l’assurance African Risk Capacity) ; • Le gouvernement pourrait mettre en place un fonds spécial pour financer certains aspects, afin que les ressources naturelles soient partagées avec les plus pauvres et vulnérables. Action 2 : Rationaliser certains programmes qui ne répondent pas aux exigences d’efficience (ciblage insuffisant, manque de pérennité, couts administratifs trop élevés, etc.) 20. Réorienter les efforts de certains programmes et acteurs permet- tra d’améliorer l’efficience des dépenses et l’impact sur les ménages en extrême pauvreté et ceux qui sont vulnérables aux chocs. Plusieurs pistes sont proposées, parmi celles qui s’offrent en Mauritanie : i) améliorer le ciblage des 47  Banque Mondiale, Projections budgétaires pour le déploiement national du système de filets sociaux en Mauritanie, (prochain). 38 - La Banque Mondiale - Février 2018 programmes qui visent les pauvres et vulnérables, ii) éliminer certaines subventions aux produits énergétiques, iii) faire évoluer le programme EMEL et iv) une meilleure coordination des interventions d’urgence. Quelles que soient les options sélection- nées pour rationaliser les programmes existants, il est essentiel de s’assurer que les gains d’efficience soient immédiatement investis dans le système de protection social lui-même, comme un élément du financement discuté au point précédent. 21. Améliorer le ciblage des programmes qui visent les pauvres et vul- nérables. L’efficacité de certains des programmes mis en place pour servir les plus pauvres et vulnérables en Mauritanie pourrait être renforcé si le ciblage des bénéfi- ciaires était amélioré. Par exemple, certains programmes de soins pour les indigents, de bourses pour les pauvres, d’appui aux victimes de chocs, etc. pourraient profiter de la mise en place du Registre Social pour affiner leur ciblage. Chaque programme pourrait alors appliquer leurs critères particuliers (en termes de groupe démogra- phique ou en fonction des conditions de vie ou des biens des ménages par exemple) aux ménages inclus dans le Registre Social. 22. Les gains d’efficience peuvent venir de deux sources  : une meil- leure allocation et une meilleure gestion. Tout d’abord, mieux cibler les programmes permet de limiter les « fuites » vers les ménages qui ne devraient pas être bénéficiaires. Cela permet donc soit d’augmenter la couverture (en dirigeant les fonds économisés vers la population ciblée qui n’était pas couverte), soit de réduire les coûts du programme. À l’extrême, on peut envisager d’éliminer complètement certains programmes mal ciblés et réinvestir les économies réalisées vers un ou des programmes bien ciblés. De plus, d’un point de vue administratif, partager un outil de ciblage permet aux programmes de réaliser des économies en termes de coûts de gestion (le ciblage représente en général un coût assez conséquent, surtout pour les programmes temporaires ou à petite échelle). Le Registre Social représente alors un bien public important pour les programmes ciblés. 23. Éliminer certaines subventions aux produits énergétiques. Par- mi les subventions encore en place en Mauritanie, l’électricité et le butane ab- sorbent des ressources fiscales importantes. Une analyse menée par le CMAP et la Banque Mondiale sur l’impact des subventions sur les ménages pauvres a conclu que ces subventions accentuent les inégalités. Elles bénéficient de manière dis- proportionnelle aux ménages les plus riches : plus de 25% des subventions vont vers les 10% les plus riches et seulement 1-2% pour les 10% les plus pauvres. Cela est dû au fait que les plus riches consomment beaucoup plus que les pauvres : presque 13 fois plus d’électricité et 17 fois plus de butane (en consommation di- recte) et au fait que les subventions ne sont pas ciblées sur les plus pauvres mais au contraire universelles. Cela est aussi dû au fait que les riches consomment plus de biens qui utilisent l’électricité dans leur fonction de production et bénéficient donc ce faisant aussi indirectement des subventions (voir analyse de l’impact des subventions - annexe 1). 24. La réforme de ces subventions pourrait libérer des ressources significatives, estimées à 0,6 milliards MRU pour 2014 pour l’électricité et 0,8 milliards MRU pour le butane en 2014. Ces ressources devraient alors contribuer au financement du système de filets sociaux pour compenser les pertes subies par les plus pauvres lors de l’élimination des subventions et, de manière plus générale pour financer le Registre Social, le programme national de transferts Sociaux Tekavoul, et le dispositif de réponse au choc décrit ci-dessous. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 39 25. Faire évoluer le programme EMEL. Le programme EMEL joue un rôle dans la protection des ménages les plus pauvres, mais il ne permet pas de le faire de manière très efficiente. Il mériterait donc d’être amélioré ou converti avec des modalités différentes. Réformer les boutiques EMEL est aussi important pour améliorer l’efficacité de la dépense publique, parce qu’il est plus efficace de donner du cash aux bénéficiaires plutôt que des biens spécifiques (sauf dans les lieux qui connaissent de sérieux problèmes d’approvisionnement), parce qu’il est plus efficient de renforcer la résilience des ménages à moyen terme, et parce que les modalités des boutiques (justifiées dans un contexte d’ur- gence) ne sont pas efficientes pour un programme continu. 26. Il existe plusieurs options pour réformer ce programme. Par exemple, dans les lieux où l’accès aux produits est limité, une option serait de maintenir les boutiques ouvertes et d’éliminer les subventions ou de maintenir les boutiques ouvertes et cibler les subventions vers les plus pauvres. Une autre option est de fermer les boutiques dans les lieux où l’approvisionnement n’est pas un problème, et de compenser les plus pauvres à travers des transferts sociaux ciblés. Quelle que soit la solution sélectionnée, elle doit être progressive car elle dépend de la mise en place d’un mécanisme alternatif pour les plus pauvres. Ces options peuvent aussi être subséquentes (et ne sont pas forcément mutuellement exclusives). 27. Une meilleure coordination des actions d’urgence. L’inclusion des inter- ventions d’urgence au sein d’un dispositif national de coordination et d’évaluation des ré- ponses aux chocs permettrait une meilleure efficience des dépenses engagées. Pour être effi- cace, ce dispositif devra promouvoir des processus inclusifs et participatifs engageant toutes institutions et organisations actifs dans la réponse aux chocs (voir Action 5 ci-dessous). Encadré 2 : EMEL – un programme qui appuie les pauvres, mais une efficience limitée EMEL est distribué plus ‘équitablement’ que la consommation totale, et bien plus équitablement que les subventions au gaz et électricité. En effet, en 2014, on estime que les boutiques EMEL permettaient un gain de 4% de la consommation alimentaire pour les plus pauvres et 2% pour les plus riches. Cependant, le programme profite quand même plus aux riches qu’aux plus pauvres en valeur absolue car ces derniers consomment de plus grandes quantités que les pauvres. En termes d’efficience, le programme EMEL, en 2015, le budget alloué à la subvention représente moins de la moitié des coûts du programme (46% des coûts en 2016 pour Nouakchott et entre 35 et 40% des coûts en 2015 à l’intérieur du pays). Cette efficience est en diminution, en partie à cause de la réduction des volumes dont sont dotées les boutiques et en partie à la baisse des prix de certains produits sur les marchés inter- nationaux (ce qui limite la taille de la subvention). Figure 2 : Distribution des coûts réels de fonctionnement des boutiques à l’intérieur du pays (%) 100 5 6 5 6 8 13 14 14 15 9 9 10 8 9 8 80 13 9 12 18 26 17 23 40 60 36 40 72 66 64 58 56 51 20 39 35 0 Urbain Rural Urbain Rural Urbain Rural Urbain Rural 2012 2013 2014 2015 Coû t de la subvention des produits Location de la bou tique Salaire gérant Supervision 40 - La Banque Mondiale - Février 2018 Action 3 : Étendre le Registre Social sur l’ensemble du territoire et en assurer la qualité et l’usage par le Gouvernement et ses partenaires 28. Le Registre Social est un outil central pour la mise en œuvre de la stra- tégie de protection sociale de la Mauritanie. En effet, un tel outil permet aux pro- grammes de mieux cibler leurs interventions – en utilisant une base de données commune élaborée sur la base des recommandations des communautés. En Mauritanie, le Registre So- cial est élaboré sur la base de quotas qui visent à assurer que chaque commune est représen- tée proportionnellement à son poids dans la pauvreté du pays. Ainsi, c’est aussi un outil qui promeut une équité géographique. Cela veut dire qu’un ménage pauvre à la même « chance » d’être inclus dans le Registre Social, quel que soit son lieu de résidence. Encadré 3 : Comment le Brésil, la Colombie, le Ghana et le Séné- gal ont créé un registre social pour une meilleure efficience et un plus grand impact De nombreux pays utilisent les registres sociaux pour coordonner l’identification, l’enregistrement et l’évaluation de l’éligibilité des ménages. Les registres permettent d’améliorer l’efficience des programmes – en ciblant mieux, et en réduisant le cout du ciblage – et de promouvoir la coordination qui permet d’appuyer les ménages de manière intégrale. Ces registres ont été lancés initialement au Brésil et en Colombie, où ils forment le cœur du système de protection sociale. Ils sont alors utilisés par de nombreux pro- grammes qui ciblent les ménages pauvres – dans les secteurs de la santé, l’éducation, l’eau, l’électricité, les filets sociaux, le transport, etc. Au total, ce sont plus de 30 pro- grammes qui utilisent le Cadastro Unico au Brésil et le SISBEN en Colombie. Désormais de nombreux pays à travers le monde ont adopté les registres sociaux. En Afrique, le registre national du Ghana sert à identifier les bénéficiaires du LEAP (programme de transferts monétaires), ainsi que les ménages indigents du Système national d’Assurance Santé. De même, au Sénégal, le Registre National Unique est utilisé par le Programme National de Bourses de Sécurité Familiale, le programme de la Couverture Maladie Universelle, et certains programme productifs. Tableau 2 : Exemples de registres dans le monde Pays Nom du registre Nombre de ménages Nombre de programmes (part de la population) utilisant le registre Brésil Cadastro Unico 27.2 million (40%) 30+ Chili Registre Social des 12.3 million (70%) 65+ Ménages Colombie SISBEN 10.4 million (73%) 31 Géorgie TSA registre 1.2 million (36%) 16 Pakistan Registre Socio-Economic 27 million (90%) 30 National (NSER) Philippines Listahanan 15,3 million (77%) 52 Sénégal Registre National Unique 450,000 (30%) 3 Source: World Bank (2017), Social Registries for Social Assistance and Beyond. 29. Un Registre Social comme celui-ci peut être utilisé par de nombreux programmes qui cherchent à servir les ménages les plus pauvres et vulné- rables – programmes qui offrent la gratuité des soins, programmes de bourse, services de tutorat pour jeunes écoliers, programmes de distribution d’aliments ou de biens, par Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 41 exemple. Cela inclut les programmes qui servent une population plus ample, mais qui peuvent proposer un service ou tarif différentié. Ces programmes vont bien au-delà des programmes de filets sociaux. Dans certains pays, des dizaines de programmes utilisent le registre, permettant une mise en cohérence des programmes et un ciblage amélioré. Par exemple, en Colombie et au Brésil, les registres sociaux sont utilisés pour cibler des programmes de garderies ou crèches, nutrition, soins pour personnes âgées, assurance santé, crédits pour logement, cantines scolaires, transports scolaires, formation professionnelle, bourses d’étude, etc. En Mauritanie, ces programmes pourraient inclure les programmes d’assistance aux ménages du CSA48 et du MA- SEF49, certains programmes de santé (gratuité, forfaits, etc.), certains programmes d’incitation à l’éducation (cantines, bourses, etc.), ainsi que des programmes d’appui aux activités génératrices de revenus et au développement des activités productives. 30. La construction du Registre Social peut aussi offrir une plate- forme au registre des populations pour identifier inscrire les individus qui n’ont pas encore obtenu de numéro national d’identité. Ces personnes sont le plus souvent parmi les pauvres et vulnérables. Dans le contexte de la Mauri- tanie, il est critique que le Registre Social inclue les bonnes personnes – les ménages en situation de pauvreté extrême, et ceux qui sont dans une situation de vulnérabilité aux chocs – pour assurer que le ciblage est bien centré sur les nécessiteux. Il convient aussi de s’assurer que les ménages de certains groupes marginaux soient aussi inclus, par exemple les ménages nomades, où ceux qui sont récemment arrivés dans les villes. 31. Maintenir le Registre Social à jour est le deuxième élément néces- saire pour assurer son impact sur l’efficience des programmes et l’impact des ressources publiques. En effet, bien que l’on puisse anticiper que la situation des ménages les plus pauvres n’évolue que lentement, et donc que leur inclusion dans le registre social soit a priori à maintenir pour une certaine période. Il est en revanche possible que certains ménages préalablement non pauvres voient leur situation empi- rer et devraient être intégrés au registre. De plus, certains individus déménagent – mi- gration temporaire ou permanente, des ménages se forment et changent, des individus naissent et meurent, etc. Cependant, la mise à jour est couteuse et complexe50, et typi- quement, les registres prévoient une combinaison de mécanismes de mise à jour. 32. D’autre part, la Direction du Registre Social a désormais établi un modèle de protocoles pour ses usagers. Ces derniers sont définis comme les programmes gouvernementaux ou non gouvernementaux ciblant les ménages pauvres et vulnérables. Il sera important de mettre en place une règlementation qui assure le respect des principes de confidentialité des données personnelles. Action 4 : Étendre le programme de transferts sociaux Tekavoul sur tout le territoire et assurer sa pérennité 33. Le Gouvernement a décidé de développer un programme national de transferts sociaux pour apporter un appui régulier aux ménages les plus pauvres du pays, sur l’ensemble du territoire. Ce programme de trans- ferts conditionnels vise à appuyer les plus pauvres, pendant une période d’au moins 5 ans renouvelable, pour qu’ils puissent investir dans le capital humain de leurs en- fants et dans leur capacité à générer des revenus plus élevés. Ce type de programme 48  Commissariat à la Sécurité Alimentaire. 49  Ministère des Affaires sociales, de l’Enfance et de la Famille. 50  Le coût annuel de la maintenance du Registre Social est estimé à MRU 0,03 milliards à raison de 40.000 ménages mis à jour par an 42 - La Banque Mondiale - Février 2018 a montré une certaine efficacité à réduire la pauvreté, améliorer les indicateurs de développement humain, et renforcer les actifs des ménages. 34. Il est important de souligner que les pays ont besoin de ces pro- grammes de manière permanente, sur le long terme, car dans toute société, à tout moment, une partie de la population est en situation de pauvreté extrême et a besoin d’un appui sur le moyen terme pour consolider sa condition. Donc, alors que les ménages peuvent entrer et sortir du programme après quelques années, le programme, lui, est per- manent. De même, les leçons tirées des pays qui ont investi dans ces programmes incluent le besoin de maintenir les familles pour une durée relativement longue, pour s’assurer que leurs conditions s’améliorent significativement avant d’envisager un retrait du pro- gramme ou une graduation via un programme complémentaire (sinon, le risque de chuter à nouveau dans la pauvreté extrême est très élevé). Encadré 4 : Paramètre du Programme de Transferts Sociaux Tekavoul L’objectif du Programme Tekavoul et de contribuer à l’amélioration du pouvoir d’achat et du capital humain des ménages en extrême pauvreté, à travers des transferts réguliers et un meilleur accès aux services de base de santé et d’éducation. Le programme vise à appuyer les 100.000 ménages les plus pauvres sur l’ensemble du territoire. L’identifica- tion des ménages bénéficiaires du Programme est faite à partir du Registre Social : Teka- voul définit le nombre de ménages éligibles par commune ainsi que les critères de sélec- tion et envoie sa requête à la Direction du Registre Social. La liste des ménages identifiés, ainsi que les caractéristiques des ménages demandées, sont mises à disposition dans un délai moyen d’une semaine. Le programme fait partie d’une intervention plus large, avec trois éléments : tout d’abord, la promotion sociale auprès des ménages pour encourager l’adoption de comportements posi- tifs, combinée avec le renforcement des services de santé et éducation de base (dont la de- mande est stimulée par l’augmentation du pouvoir d’achat des ménages bénéficiaires et les conditionnalités), et avec des transferts sociaux réguliers pour aider les ménages à améliorer leurs conditions de vie et investir dans leur membres et leur capacité productive. Le Programme Tekavoul est conditionnel – le versement des transferts dépend du respect de conditionnalités par les ménages. Les conditionnalités encouragent les ménages à in- vestir plus et mieux dans le capital humain de leurs enfants. Spécifiquement, les ménages s’engagent à : • Inscrire et maintenir les enfants à l’école • Investir dans la santé de la mère et des enfants • Utiliser l’argent du transfert social pour le bien-être de la famille • Suivre les conseils de la séance de promotion sociale Tekavoul appuie les ménages avec des transferts trimestriels de 1500 MRU par ménage pour une période de 5 ans (6000 MRU par an). Après 5 ans, les conditions de vie des bénéficiaires est réévaluée, afin de déterminer si le ménage a réussi à suffisamment amé- liorer sa situation et/ou si d’autres ménages ont besoin d’appui à leur tour. 35. Le programme Tekavoul propose une période d’au moins 5 ans, après lesquels la situation des ménages est évaluée à nouveau. Une autre le- çon est celle de l’importance de la régularité des paiements. En effet, lorsque les ménages voient les transferts comme des sources fiables, ils investissent de manière plus marquée (car ils savent qu’ils peuvent compter sur les transferts). 36. En Mauritanie, un défi pour les années à venir, une fois le modèle mis en route, est d’assurer le financement du programme pour l’ensemble du pays. Il s’agit aussi alors d’institutionnaliser cet outil et de s’assurer de son inscription dans le budget pour un financement pérenne. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 43 Action 5 : Mettre en place un dispositif national de réponse aux chocs 37. Le gouvernement doit mettre en place un système national aux réponses des chocs. Les institutions et organisations qui mettent en œuvre des programmes de réponse aux chocs pour venir en aide aux plus affectés lors des désastres ont travaillé ces dernières années à l’harmonisation de leurs interven- tions et au partage des bonnes pratiques et leçons dans la mise en œuvre des pro- grammes. Il s’agit désormais pour le Gouvernement de se doter d’un dispositif de réponse aux chocs. L’objectif est d’avoir un système en place, avec des paramètres clairs et objectifs, qui pourra être déclenché lorsque nécessaire. Un tel dispositif permet donc une réponse très rapide, prévisible, et proportionnelle aux besoins. Ce dispositif permet aussi une réponse plus efficace qui évite les doublons et les brèches et qui limite les coûts opérationnels des interventions. Il peut aussi être utilisé pour mobiliser les ressources nécessaires de manière contingente. Un tel dispositif permet de coordonner les différents intervenants autour d’un plan de réponse partagé et ainsi d’optimiser les ressources disponibles. Encadré 5 : Programmes de filets sociaux réactifs aux chocs Une des caractéristiques clefs des programmes réactifs aux chocs est leur capacité à s’éten- dre rapidement pendant les urgences – puis à se contracter une fois la phase d’urgence passée. Il y a plusieurs manières de faire cela, comme décrit dans le tableau 3. Tableau 3 : Options pour étendre les filets sociaux pour répondre aux chocs Option Description Expansion verticale Augmenter la valeur ou durée d’un programme de transfert existant (paiement additionnel, montant plus élevé) Expansion horizontale Ajouter des bénéficiaires à un programme existant (nouvelles régions, entrée exceptionnelle dans le programme, modification des conditions, etc.) Utiliser les systèmes Utiliser les systèmes existant (système d’information, de paiement, etc.) pour existants mettre en place un programme Alignement Développer des programmes séparés mais alignés (montants, durée, fréquences, critères, etc.) Recentrage Recentrer les programmes existants sur les ménages les plus vulnérables aux chocs Certains pays en Afrique ont mis en place ce type de programmes. En Ethiopie, par exemple, le gouvernement étend régulièrement le PNSP (Productive Safety Net Pro- gram, Programme de Filets Sociaux Productifs) pour répondre aux chocs climatiques annuels. En particulier, le programme a été utilisé lors de la grande sécheresse de 2011, appuyant 3,1 million de bénéficiaires additionnels pour trois mois, et étendant la durée des transferts pour 6,5 million de bénéficiaires existants. Au Kenya, le HSNP (Hunger Safety Net Program, Programme de Filet Sociaux pour la Famine) a préenregistré tous les ménages des comtés du nord du pays (374.000 ménages) et les a dotés de comptes en banque et cartes de débit. 27% des ménages de ces comtés sont des bénéficiaires réguliers du programme de filets sociaux. Les autres reçoivent des paiements ponctuels seulement lorsque le risque de sécheresse est élevé (un paiement pour chaque mois où leur zone est considérée “à risque”. Le paiement est déclenché automatiquement en fonction d’un index de végétation obtenu par les satellites (OPM 2016). 44 - La Banque Mondiale - Février 2018 38. Un dispositif de réponse aux chocs inclut plusieurs éléments : i. Un mécanisme d’alerte précoce dont l’objectif est de définir chaque année les zones affectées, la sévérité du choc et le nombre de vulnérables par zones en s’appuyant notamment sur la collecte régulière et fiable de données primaires. ii. Un plan de réponse national, qui définit de manière scientifique chaque année les modalités d’intervention et les populations à appuyer. Ce plan national assure la coordination des interventions de tous les acteurs – gouver- nementaux et partenaires. iii. Un mécanisme de ciblage pour identifier rapidement les ménages à appuyer dans les zones identifiées par le plan de réponse, en utilisant le Registre Social pour un processus rapide et objectif. iv. Un ou plusieurs programmes réactifs aux chocs, pour mettre en œuvre la réponse (Voir encadré 5). v. Une stratégie de financement qui combine plusieurs instruments pour une mobilisation rapide et efficiente des fonds, comme décrit au point 1. 3.3 Conclusion un effort urgent pour appuyer les plus pauvres et protéger les vulné- rables des impacts de la consolidation fiscale. 39. Le système de filets sociaux est un outil essentiel pour éliminer l’extrême pauvreté en investissant dans le capital humain des populations mauritaniennes et en diminuant l’impact humain et économique des crises et catastrophes. C’est un investissement productif rentable pour les générations futures. Et le gouvernement doit se préparer pour que ces outils puissent protéger les plus pauvres de manière pérenne et, surtout, de manière efficiente, sur la base d’outils nationaux. 40. Le gouvernement a déjà démontré son intérêt à renforcer son système de protection sociale en Mauritanie. Cependant, les défis restent nombreux. La volon- té politique doit être soutenue par la mobilisation de la population et des acteurs de développement. Plusieurs partenaires techniques et financiers soutiennent acti- vement les initiatives gouvernementales, en particulier le Fonds des Nations Unis pour l’Enfance, le Bureau International du Travail et le Programme Alimentaire Mondiale. L’implication de la société civile, en particulier les ONG et les médias, est aussi un élément essentiel pour la réussite des politiques de protection sociale, que ce soit par le renforcement de l’expertise et la participation citoyennes, par une meilleure diffusion de l’information ou encore par la mise en place de mécanisme de responsabilisation sociale. A terme, les programmes devront être institutionna- lisés afin que prestations sociales deviennent un élément pérenne du pacte social et du bien-être en Mauritanie. Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 45 Annexe 3 : analyse de l’impact des subventions énergétiques Tableau 1 présente les dépenses des ménages en butane et électricité (ces dernières re- présentent en moyenne 1.1% et 5.9% des dépenses des ménages, et sont plus élevées pour les ménages les plus riches) ainsi que le montant estimé des bénéfices perçus par les ménages. Les subventions au butane et à l’électricité bénéficient plus aux riches qu’aux pauvres. Les 20% les plus riches reçoivent 17 fois plus des subventions au gaz et 7 fois plus que les subventions à l’électricité que les 20% des ménages les plus pauvres. Le quintile le plus riche reçoit donc 48% des subventions totales en butane, et 39% de celles en élec- tricité (le plus pauvre seulement 3 et 6%). Ces subventions accentuent donc les inégalités – les riches gagnent le plus en valeur absolue et en valeur relative. Cela est représenté graphiquement sur Figure 1, qui montre que la consommation de butane et électricité est plus inégale que la consommation totale. Les lignes pour le butane et l’électricité sont plus éloignées de la ligne de 45° qui représente une égalité entre tous les ménages, que la ligne de consommation totale. Tableau 1 : dépenses des ménages pour produits énergétiques et montant des subventions perçues Dépenses Bénéfices Bénéfices (en % des dépenses totales) (Ouguiya par individu par (en pourcentage du total) an) Butane Electricité Butane Electricité Butane Electricité Decile 1 0.27 1.66 168.92 283.49 1% 2% Decile 2 0.48 3.35 451.98 696.11 2% 4% Decile 3 0.55 3.35 644.25 921.35 3% 5% Decile 4 0.79 4.24 1,087.29 1,157.10 5% 7% Decile 5 0.96 4.51 1,525.57 1,454.98 7% 9% Decile 6 1.06 5.80 1,944.28 1,745.18 9% 10% Decile 7 1.15 6.35 2,461.22 2,008.09 11% 12% Decile 8 1.31 6.96 3,261.27 2,208.32 15% 13% Decile 9 1.36 7.56 4,155.74 2,502.06 19% 15% Decile 10 1.29 6.81 6,367.56 4,135.60 29% 24% Moyenne 1.09 5.93 2,206.33 1,710.93 100% 100% Distribution des bénéficies Butane Distribution des bénéfices électricité Figure 03: La progressivite dans la distribution des benefices via les produits subventionnes Figure 03: La progressivite dans la distribution des benefices via les produits subventionnes 1 1 ligne de 45? ligne de 45 L(p): Lorenz L(p): Lorenz C(p): Butane C(p): Electricite .8 Courbes de Lorenz et de concentrations .8 Courbes de Lorenz et de concentrations .6 .6 .4 .4 .2 .2 0 0 0 .2 .4 .6 .8 1 0 .2 .4 .6 .8 1 Les percentiles (p) Les percentiles (p) 46 - La Banque Mondiale - Février 2018 www.banquemondiale.org/fr/country/mauritania Rapport sur la Situation Économique en Mauritanie - 47