Un rapport phare du Groupe de la Banque mondiale RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2020 LE COMMERCE AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT À L’ÈRE DE LA MONDIALISATION DES CHAÎNES DE VALEUR ABRÉGÉ Un rapport phare du Groupe de la Banque mondiale RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE LE COMMERCE AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT À L’ÈRE DE LA MONDIALISATION DES CHAÎNES DE VALEUR ABRÉGÉ Cet abrégé présente une vue d’ensemble du Rapport sur le développement dans le monde 2020 : Le commerce au service du développement à l’ère de la mondialisation des chaînes de valeur, doi : 10.1596/978-1-4648-1457-0. La version intégrale du rapport, une fois publié, sera affichée en format PDF sur les sites https://openknowledge.worldbank.org/ et http://documents.worldbank.org/, et des exemplaires du rapport peuvent être commandés à l’adresse www.amazon.com. Pour toute citation, reproduction et adaptation, veuillez utiliser la version définitive du rapport. © 2020 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits réservés Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage. 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Elle est reproduite avec l’autorisation de Max Galka ; une autorisation est nécessaire pour toute autre utilisation. Maquette de couverture : Kurt Niedermeier, Niedermeier Design, Seattle, Washington. Conception graphique : George Kokkinidis, Design Language, Brooklyn, New York, et Kurt Niedermeier, Niedermeier Design, Seattle, Washington. Rapport sur le développement dans le monde 2020 : Le commerce au service du développement à l’ère de la mondialisation des chaînes de valeur Qu’est-ce qu’une chaîne de valeur mondiale (CVM)? Une chaîne de valeur mondiale fractionne le processus de production entre plusieurs pays. Les entreprises se spécialisent et n’ont pas à produire l’intégralité d’un bien. Exportations Exportations Exportations destinées à la consommation Matières premières Pièces et composants Frontière Frontière Frontière Produits finis Intrants de services Produits semi-finis Comment fonctionnent les CVM? Les échanges entre entreprises impliquent généralement l’existence de relations durables. La participation des pays aux CVM est dictée par les fondamentaux économiques, mais les politiques publiques sont importantes pour accroître la participation et élargir les avantages. Moteurs Résultats • Coopéra Politiques té tion : p i tiv ro t ec ec nn ti Co on e nc I né h ie Do ta sa p lo i g ap soc Ouverture • et is al em Cr o i té r ti og on s Gé iale et s ci rspé al i sat Env e eté io au tio n yp Ins ir o é env vr ar e ch i ne du tit ut c ll Ta n H n io me Ré p ns m nt a du de l ir : on s ue CVM n em q i en lit ta Po le Re s se la io ri ep t ns intere ntr Abrégé Les CVM peuvent continuer de stimuler la croissance, de créer des emplois de meilleure qualité et de réduire la pauvreté, à condition que les pays en développement entreprennent des réformes plus profondes et que les pays industrialisés mettent en œuvre des politiques ouvertes et prévisibles. L e commerce international s’est rapidement développé de main-d’œuvre à l’intérieur des pays comme à l’étranger. après 1990 grâce à l’expansion des chaînes de valeur Deuxièmement, les conflits commerciaux entre grands pays mondiales (CVM). Cette expansion a permis une conver- pourraient entraîner une contraction ou une segmentation gence sans précédent : les pays pauvres ont accéléré leur crois- des CVM. sance et commencé à rattraper les pays riches, et la pauvreté Qu’en est-il des répercussions pour les pays en déve- a fortement reculé. loppement qui cherchent à établir des liens avec les CVM, Ces gains reposent sur la fragmentation de la production à acquérir de nouvelles technologies et à poursuivre leur entre les différents pays et l’intensification des relations entre croissance ? Les CVM offrent-elles toujours une voie de déve- les entreprises. Les pièces et les composants ont commencé loppement ? Telles sont les principales questions examinées à sillonner le monde alors que les entreprises cherchaient à dans le présent Rapport, qui évalue la contribution des CVM faire des économies là où elles le pouvaient. La productivité à la croissance, à l’emploi et à la réduction de la pauvreté, mais et les revenus ont augmenté dans des pays comme le Ban- aussi aux inégalités et à la dégradation de l’environnement. gladesh, la Chine et le Viet Nam, qui sont devenus partie Le Rapport explique aussi comment les politiques nationales intégrante des CVM. Et c’est précisément dans ces pays que peuvent relancer la croissance du commerce et faire en sorte la pauvreté a le plus baissé. que les CVM participent au développement durable plutôt que Cependant, il n’est plus si évident aujourd’hui que le de s’y opposer. Enfin, il identifie les insuffisances du système commerce reste un moteur de prospérité. Depuis la crise commercial international qui ont semé des dissensions entre financière mondiale de 2008, la croissance du commerce est des pays, et propose une feuille de route pour les résoudre atone et l’expansion des CVM a ralenti. La dernière décennie grâce au renforcement de la coopération internationale. n’a pas connu d’événements transformateurs comparables à Le Rapport conclut que les CVM peuvent continuer de ceux des années 90 — l’intégration de la Chine et de l’Europe stimuler la croissance, de créer des emplois de meilleure de l’Est dans l’économie mondiale et la conclusion d’accords qualité et de réduire la pauvreté, à condition que les pays en commerciaux de grande envergure tels que le Cycle d’Uruguay développement entreprennent des réformes plus profondes et l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). et que les pays industrialisés mettent en œuvre des politiques Parallèlement, deux menaces potentiellement sérieuses ouvertes et prévisibles. L’évolution technologique, représente pour le modèle de croissance induite par le commerce et à probablement plus une aubaine qu’une malédiction pour forte intensité de main-d’œuvre sont apparues. Première- le commerce et les CVM. Les avantages de la participation ment, l’arrivée de technologies économes en main-d’œuvre aux CVM peuvent être largement partagés et s’inscrire dans telles que l’automatisation et l’impression 3D pourrait rappro- la durée si tous les pays améliorent la protection sociale et cher la production du consommateur et réduire la demande environnementale. Abrégé | 1 Figure O.1 Les échanges liés aux CVM ont L’expansion des CVM pourrait connu une croissance rapide dans ralentir, à moins de restaurer les années 90, mais stagnent depuis la crise une certaine prévisibilité financière mondiale de 2008 des politiques publiques 55 Les CVM existent depuis des siècles. Mais elles ont connu Part des CVM dans les échanges mondiaux (%) une croissance rapide entre 1990 et 2007, lorsque les progrès 50 technologiques — dans les transports, l’information et les communications — et la réduction des obstacles au com- merce ont incité les fabricants à étendre leurs processus de 45 production au-delà des frontières nationales (figure O.1). La croissance des CVM s’est concentrée dans les secteurs des 40 machines, de l’électronique et des transports, ainsi que dans les régions spécialisées dans ces secteurs : Amérique du Nord, 35 Asie de l’Est et Europe occidentale. La plupart des pays de ces régions participent à des CVM complexes, produisant des biens manufacturés et services de pointe, et mènent des acti- 30 vités innovantes (carte O.1). En revanche, de nombreux pays d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie centrale continuent de 70 75 10 15 80 85 90 95 00 05 19 19 20 20 19 19 19 19 20 20 proposer des produits intermédiaires qui sont transformés Sources : Équipe du Rapport sur le développement dans le monde 2020, à partir dans d’autres pays. de données issues de la base Eora26 (https://worldmrio.com/) ; et Johnson et Noguera La croissance du commerce et des CVM a toutefois ralenti (2017). depuis quelques années (figure O.1). Ce ralentissement est en Note : Voir la figure 1.2 du Rapport principal pour plus de détails. partie dû au recul de la croissance économique en général, et plus particulièrement de l’investissement. Le ralentissement des réformes commerciales, et parfois même leur démantè- lement, en est une raison supplémentaire. De plus, la frag- mentation de la production dans les régions et les secteurs les plus dynamiques est parvenue à maturité. La Chine produit Carte O.1 Tous les pays participent aux CVM – mais pas de la même manière Liens avec les CVM, 2015 Faible participation Produits de base limités Produits de base intensifs Biens manufacturés simples Biens manufacturés et services de pointe Activités innovantes Données manquantes BIRD 44640 AOÛT 2019 Source : Équipe du Rapport sur le développement dans le monde 2020, sur la base de la taxonomie des CVM pour 2015 (voir encadré 1.3 du Rapport principal). Note : La nature des liens d’un pays avec les CVM dépend de : 1) l’étendue de sa participation aux CVM ; 2) sa spécialisation sectorielle , et 3) son degré d’innovation. Des détails sont fournis dans la figure 1.6 du Rapport principal. 2 | Rapport sur le développement World Development dans le monde 2020 Report 2020 davantage sur son territoire1. Aux États-Unis, l’essor du secteur Figure O.2 Le PIB par habitant augmente le plus lorsque du schiste bitumineux a réduit d’un quart les importations de les pays décident d’exécuter des tâches manufacturières pétrole entre 2010 et 2015 et a quelque peu découragé l’externa- limitées dans le cadre des CVM lisation de la production manufacturière2. Variation cumulée du PIB par habitant (%) 60 La récente montée du protectionnisme pourrait également 57 peser sur l’évolution des CVM. Le protectionnisme pourrait 50 48 induire le rapatriement ou la relocalisation des CVM exis- 40 tantes et l’expansion des CVM pourrait être mise en suspens 32 à cause de l’incertitude qui continue de peser sur les politiques 30 publiques. En effet, les entreprises ont tout intérêt à reporter 20 leurs plans d’investissement tant que la prévisibilité des condi- tions du marché n’est pas rétablie. 10 0 Les CVM augmentent les revenus, Année 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 de l’évènement créent des emplois de meilleure Années après l’évènement qualité et réduisent la pauvreté Biens manufacturés simples L’hyperspécialisation améliore l’efficacité, et les relations Biens manufacturés et services de pointe interentreprise durables favorisent la diffusion des technologies Activités innovantes ainsi que l’accès au capital et aux intrants le long des chaînes Sources : Équipe du Rapport sur le développement dans le monde 2020, à partir des données d’Eora (https://worldmrio.com/) et de la base de données des Indicateurs du développement dans le monde de la Banque de valeur. En Éthiopie, par exemple, les entreprises participant mondiale (https://datacatalog.worldbank.org/dataset/world-development-indicators). aux CVM sont plus de deux fois plus productives que celles Note : L’analyse quantifie la variation cumulée du PIB réel par habitant au cours des 20 années suite au passage d’un qui se limitent au commerce traditionnel. Les entreprises niveau inférieur à un niveau supérieur de participation aux CVM. La méthodologie est décrite dans l’encadré 3.3 du Rapport principal. d’autres pays en développement enregistrent également des gains de productivité importants grâce à leur participation aux CVM. On estime qu’une augmentation de 1 % de cette transformation structurelle dans les pays en développement, participation accroît le revenu par habitant de plus de entraînée par un transfert de main d’œuvre depuis les activités 1 %, ce qui est nettement plus élevé que les 0,2 % de gain induit moins productives au profit d’activités plus productives dans par le commerce traditionnel. La croissance est généralement les industries manufacturières et les services. Les entreprises la plus forte lorsque les pays passent de l’exportation de des CVM ont une autre caractéristique remarquable : elles produits de base à l’exportation de produits manufacturés emploient généralement plus de femmes que les autres, ceci simples (des vêtements, par exemple) à partir d’intrants étant vérifié dans un grand nombre de pays4. Elles contribuent importés (des textiles notamment) (figure O.2), à l’instar du donc aux nombreux avantages en matière de développement Bangladesh, du Cambodge et du Viet Nam. qui sont associés à l’augmentation de l’emploi des femmes. Ces forts taux de croissance ne peuvent toutefois être La participation aux CVM s’accompagne d’une réduction maintenus sans progresser vers des formes de participation de la pauvreté, car elles augmentent les revenus et stimulent de plus en plus sophistiquées. Mais les transitions entre l’emploi5. D’une manière générale, le commerce réduit la chaque niveau de sophistication des exportations — des biens pauvreté principalement grâce à la croissance. Cependant, manufacturés simples aux biens manufacturés et services les CVM réduisent davantage la pauvreté que le commerce de pointe, puis aux activités innovantes (conformément à la traditionnel, parce qu’elles augmentent plus la croissance taxonomie des CVM utilisée dans le Rapport et décrite en détail économique que le commerce de produits finals. Au Mexique dans l’encadré 1.3 du Rapport principal) — s’accompagnent et au Viet Nam, par exemple, les régions qui ont participé d’exigences accrues en matière de compétences, de connectivité plus activement aux CVM ont également connu un recul plus et d’institutions de réglementation. marqué de la pauvreté. Les CVM améliorent également la qualité des emplois, mais leur relation avec le niveau de l’emploi est complexe. Les Les gains associés aux CVM entreprises des CVM sont généralement plus productives et plus fortement capitalisées que les autres (en particulier ne sont pas également répartis les entreprises non commerciales), ce qui leur permet donc et les CVM peuvent nuire de mobiliser moins de main-d’œuvre dans leur processus de à l’environnement fabrication. En revanche, l’amélioration de la productivité accroît la production des entreprises et donc la création Les gains liés à la participation aux CVM ne sont pas égale- d’emplois3. Il s’ensuit que les CVM s’accompagnent d’une ment répartis entre les pays et au sein de ceux-ci. Les grandes Abrégé | 3 entreprises qui externalisent la production de pièces et de les plastiques) lié à l’emballage des marchandises. La croissance certaines tâches à des pays en développement ont vu leurs induite par les CVM peut également exercer une forte pression marges bénéficiaires et leurs profits augmenter, ce qui semble sur les ressources naturelles, surtout si elle s’accompagne de indiquer qu’une part croissante des réductions de coûts liées à la subventions à la production ou à l’énergie, qui encouragent la participation aux CVM ne bénéficie pas aux consommateurs6. surproduction. Sur une note plus positive, les études empiriques Parallèlement, les marges bénéficiaires des producteurs des ne confirment pas la crainte d’une relocalisation des stades de pays en développement diminuent. Ce contraste est évident, par production les plus polluants dans les pays où les normes envi- exemple, au niveau des marges des entreprises de confection ronnementales sont les plus laxistes. aux États-Unis et en Inde, respectivement. À l’intérieur des pays, l’exposition au commerce avec les pays à faible revenu et les changements technologiques contri- Les nouvelles technologies buent à la réaffectation de la valeur ajoutée du travail vers le favorisent globalement capital. Les inégalités peuvent également se creuser sur le mar- le commerce et les CVM ché du travail, où la rémunération du travail qualifié augmente tandis que celle du travail non qualifié stagne7. Les femmes L’émergence de nouveaux produits, de nouvelles technologies rencontrent aussi des difficultés : même si les CVM peuvent de production comme l’automatisation et l’impression 3D, et de leur offrir plus d’emplois, elles semblent être confrontées à des nouvelles technologies de distribution comme les plateformes plafonds de verre encore plus bas. Les femmes se retrouvent numériques génère à la fois des opportunités et des risques. Mais généralement dans les segments à faible valeur ajoutée et il est les données disponibles à ce jour suggèrent un accroissement net souvent difficile de trouver des femmes propriétaires ou cheffes des échanges et des CVM via les nouvelles technologies. d’entreprises8. L’innovation entraîne des échanges de nouveaux biens et Les CVM peuvent aussi avoir des effets néfastes sur services qui contribuent à une croissance plus rapide du com- l’environnement. Les principaux coûts pour l’environnement merce international. En 2017, 65 % des échanges se classaient des CVM sont liés à la croissance des échanges de biens inter- dans des catégories qui n’existaient pas en 1992. médiaires, et à l’accroissement des distances parcourues, par Étonnamment, l’apparition de nouvelles technologies de rapport au commerce traditionnel. Leurs effets comprennent production est aussi susceptible de stimuler la croissance. l’augmentation des émissions de dioxyde de carbone (CO2) asso- L’automatisation encourage les pays à utiliser des méthodes ciées aux transports (comparativement au commerce tradition- nécessitant moins de main-d’œuvre et réduit la demande de nel) et un excès de déchets (en particulier dans l’électronique et produits provenant des pays en développement qui en utilisent le plus. Toutefois, cette relocalisation n’est pas mise en évidence par les données9 et les travaux sur l’automatisation10 et l’impres- Figure O.3 L’automatisation dans les pays sion 3D11 portent à croire que ces technologies ont contribué à industrialisés stimule les importations en provenance l’augmentation de la productivité et des volumes de production. des pays en développement Elles ont ainsi accru la demande d’importations d’intrants en 10 provenance des pays en développement (figure O.3). Évolution en % des importations des pays en développement 8 De même, les sociétés de plateforme numérique réduisent de pièces en provenance le coût du commerce et permettent aux petites entreprises de 6 s’affranchir de leurs marchés locaux et de vendre leurs biens et services à travers le monde. Mais il semble que l’emprise 4 croissante de ces sociétés de plateforme sur les marchés affecte 2 la répartition des avantages du commerce mondial12. 0 Les politiques nationales peuvent n t re n es e od an sion ch ires M ues ec ines e x s ile s en s en Au que ré Pr alim uré s p tau du t im xtil qu io io tu iv ob tu tim ut at iq ta ul ni ct h Te es ct é sti ac ib m uc ac im ric M ra tro fa Bâ renforcer la participation aux CVM pr la to str uf Éd xt u Ag an di se Él ts m m re e e ie ui ts sd iè s p er str od n its ui no at pi tif du m c pa its ro Pr In le et du ol is, c sc ro ou Bo En principe, le fractionnement de produits complexes comme tre e sp ch Au ic rv tre ut Se ao Au les voitures et les ordinateurs permet aux pays de se spécialiser C Augmentation des importations induite par l'automatisation dans l’élaboration de pièces et tâches plus simples et ainsi facili- Source : Artuc, Bastos, and Rijkers 2018. ter la participation au commerce international des pays dont le Note : La figure décrit l’augmentation, induite par l’automatisation, des importations par les pays industrialisés stade de développement est moins avancé. Mais la capacité d’un de matériaux en provenance des pays en développement par grand secteur au cours de la période 1995-2015. L’évolution des importations de pièces est mesurée en points logarithmiques ; une augmentation de 0,10 point logarithmique pays à participer aux CVM n’est nullement garantie. équivaut approximativement à une augmentation de 10 % des importations. La participation aux CVM est déterminée par les dotations 4 | Rapport sur le développement dans le monde 2020 Figure O.4 Transition vers des CVM plus sophistiquées : quelques exemples de politiques nationales Produits de base à biens Biens manufacturés simples à biens Biens manufacturés et services manufacturés simples manufacturés et services de pointe de pointe à activités innovantes Fondamentaux Politiques prioritaires Investissement direct étranger : adopter des politiques favorables à l’investissement et améliorer le climat des affaires Finance : améliorer l’accès au Finance: Finance :améliorer améliorerl’accès au l’accès financement au en financement fonds en propres fonds propres Dotations financement bancaire Coûts de main-d’œuvre : Compétences techniques et de gestion : Compétences avancées : éduquer pour éviter des réglementations rigides éduquer, former et s’ouvrir favoriser l’innovation et faire de la place et les distorsions des taux de change aux compétences étrangères aux talents étrangers Accès aux intrants : réduire les droits de douane et les MNT, Normalisation : harmoniser ou accepter réciproquement les normes réformer les services Taille du marché Accès au marché : Accès au marché : rechercher des accords commerciaux élargir les accords commerciaux aux investissements et aux services Infrastructure commerciale : réformer les Services logistiques de pointe : investir dans les infrastructures services douaniers; libéraliser le secteur des de transport multimodales transports; investir dans les ports et les routes Géographie Connectivité élémentaire en matière de TIC : Services TIC de pointe : libéraliser les services TIC, investir dans l’infrastructure des TIC développer le haut débit Gouvernance : promouvoir la stabilité politique Gouvernance : améliorer la prévisibilité des politiques, rechercher des accords commerciaux à fort degré d’intégration Institutions Homologation des normes : établir Droits de propriété intellectuelle : Contrats : renforcer l’exécution un régime d’évaluation de la conformité assurer la protection Source : Équipe du Rapport sur le développement dans le monde 2020. Note : TIC = technologies de l’information et de la communication ; MNT = mesures non tarifaires. en facteurs de production, la taille du marché, la géographie et dans des CVM plus avancées (figure O.4) en se basant sur les institutions. Cependant, ces paramètres fondamentaux ne une analyse des facteurs influençant différents types de sont pas les seuls facteurs déterminants ; les politiques jouent participation aux CVM. Il convient de signaler que les politiques également un rôle important. Les politiques visant à attirer nationales peuvent et doivent être adaptées à la situation des l’investissement direct étranger (IDE) peuvent pallier l’insuf- pays et aux formes spécifiques de participation aux CVM. fisance des capitaux, des technologies et des compétences en Il est important d’attirer l’IDE à toutes les étapes de gestion13. La libéralisation du commerce intérieur associée à la la participation. Ceci exige ouverture, protection des négociation de la libéralisation du commerce extérieur permet investisseurs, stabilité, climat des affaires favorable et, de surmonter les obstacles liés à un petit marché domestique, dans certains cas, promotion de l’investissement. Certains en affranchissant les entreprises et les exploitations agricoles pays, comme ceux d’Asie du Sud-Est qui ont bénéficié d’une demande intérieure et d’intrants locaux limités. L’amélio- d’investissements étrangers dans la production de biens, ration des infrastructures de transport et de communication et continuent de restreindre les investissements étrangers dans l’ouverture à la concurrence de ces services peuvent remédier les services. D’autres essaient d’attirer des investissements aux problèmes liés à l’isolement géographique14. Et la partici- par le biais d’exonérations fiscales et de subventions, mais pation à des accords à haut degré d’intégration peut stimuler ils risquent de s’aliéner leurs partenaires commerciaux, et les la réforme des institutions et de l’action publique, surtout avantages nets de cette approche ne sont pas nécessairement lorsqu’elle est assortie d’une assistance technique et financière15. positifs. Néanmoins, des pays comme le Costa Rica, la Malaisie Le Rapport identifie les politiques qui favorisent l’intégration et le Maroc ont incité de grandes multinationales à réaliser Abrégé | 5 des investissements transformateurs dans les CVM grâce à l’amélioration des chaînes de valeur, les pays devraient d’efficaces stratégies de promotion de l’investissement. investir dans le capital humain17. En Malaisie, le Penang Skills Les taux de change surévalués et les réglementations du Development Centre est un exemple de centre de formation travail restrictives augmentent le coût du travail et empêchent géré par l’industrie qui a fortement contribué à la moderni- ainsi les pays dont la main-d’œuvre est abondante d’en tirer sation du pays en vue de son intégration dans les CVM de parti. Au Bangladesh par exemple, le coût de la main-d’œuvre l’électronique et de l’ingénierie. manufacturière correspond au revenu par habitant, alors que Des politiques ciblées visant à lever les obstacles aux CVM •  dans de nombreux pays africains, le coût du travail est plus de peuvent être efficaces. Au Bangladesh par exemple, la mise en deux fois plus élevé. service d’entrepôts en douane, associée à la délivrance de lettres En tirant parti de la libéralisation du commerce pour de crédit adossées (assurant l’accès au fonds de roulement), a se connecter aux marchés, les pays peuvent accroître la catalysé l’intégration du pays dans les CVM de la confection. taille de leurs marchés et accéder aux intrants nécessaires Les pays peuvent établir des liens entre les petites et •  à la production. On observe ainsi une corrélation entre les moyennes entreprises (PME) nationales et les entreprises- importantes réductions tarifaires appliquées unilatéralement chefs de file des CVM — en appuyant la formation et le par le Pérou dans les années 2000 et la croissance accélérée de renforcement des capacités et en fournissant aux entreprises- sa productivité ainsi que l’expansion et la diversification de ses chefs de file des informations sur les possibilités d’approvi- exportations destinées aux CVM16. Les accords commerciaux sionnement. Des programmes de ce type ont été menés facilitent l’accès aux marchés et ont fortement contribué à la avec succès au Chili et en Guinée dans le secteur minier, au participation aux CVM dans un grand nombre de pays, dont Kenya et au Mozambique dans l’agriculture, et en République le Bangladesh, le Honduras, le Lesotho, Madagascar, Maurice tchèque dans les secteurs de l’électronique et de l’automobile. et la République dominicaine. D’autre part, les économies de Pour les pays participants aux chaînes de valeur agricoles, •  biens et de services étant de plus en plus étroitement liées, la les politiques de soutien à l’intégration des petits exploitants réforme des politiques relatives aux services — concernant revêtent une importance particulière. En Afrique, les télécommunications, les finances, les transports et divers l’agriculture représente 55 % des emplois et plus de 70 % services aux entreprises — devrait faire partie de toute stratégie des revenus des pauvres. Les petits exploitants ne pourront visant à promouvoir les activités des CVM. bénéficier des chaînes de valeur agricoles que s’ils reçoivent Pour de nombreux biens échangés dans les CVM, un jour un soutien supplémentaire, par exemple grâce à des services de retard équivaut à l’imposition d’un tarif douanier supérieur de vulgarisation agricole, à l’accès aux instruments de à 1 %. L’amélioration des procédures douanières et frontalières, gestion des risques (tels que l’assurance) et à des activités de la promotion de la concurrence dans les services de transport et coordination visant à exploiter les économies d’échelle par de logistique et l’amélioration de l’infrastructure et de la gouver- le biais d’organisations de producteurs. nance portuaires peuvent réduire les coûts associés au facteur temps et aux incertitudes, et atténuer ainsi les inconvénients L’amélioration du climat des affaires et de l’investissement de l’éloignement. pour les CVM à l’échelle nationale peut être coûteuse et Les CVM étant stimulées par la facilité de formation prendre du temps, ce qui incite de nombreux pays à établir de réseaux d’entreprises, il convient également de prêter attention à la mise en œuvre des contrats afin de garantir des zones économiques spéciales (ZES) pour créer des îlots la stabilité et la prévisibilité des dispositions juridiques au d’excellence. Mais les résultats obtenus à ce jour portent à sein de ces réseaux. La protection des droits de propriété croire que relativement peu de ZES sont efficaces, et qu’elles intellectuelle est particulièrement importante pour ne le sont que lorsqu’elles remédient à des défaillances les chaînes de valeur plus innovantes et complexes. Le spécifiques du marché et des politiques. Pour que les renforcement des capacités nationales de certification conditions soient réunies, même dans une zone géographique et de contrôle visant à assurer le respect des normes restreinte, il faut une planification et une mise en œuvre internationales peut également faciliter la participation minutieuses pour garantir l’abondance des ressources aux CVM. nécessaires — telles que la main-d’œuvre, la terre, l’eau, Si bon nombre d’approches traditionnelles de la politique l’électricité et les télécommunications — la minimisation des industrielle — dont les incitations fiscales, les subventions et les obstacles réglementaires et la transparence de la connectivité. exigences relatives au contenu local — peuvent avoir un effet Les quelques programmes couronnés de succès dans des de distorsion sur les structures de production dans le contexte pays comme la Chine, le Panama, les Émirats arabes unis et actuel des CVM, d’autres politiques volontaristes offrent des récemment l’Éthiopie, mais aussi les nombreux exemples perspectives plus intéressantes, particulièrement lorsqu’elles de ZES qui n’ont pas réussi à attirer les investisseurs ou à se visent à remédier aux dysfonctionnements du marché : développer, offrent des enseignements importants relatifs • Pour renforcer les capacités nationales d’appui à aux conditions d’exploitation des ZES pour le développement. 6 | Rapport sur le développement dans le monde 2020 D’autres politiques peuvent de production écologiques. Réduire les distorsions, telles que celles créées par les subventions à l’énergie et à la production, aider à garantir le partage et la et instaurer la taxation du carbone permettraient d’améliorer pérennité des avantages des CVM l’affectation des ressources et de réduire les émissions de CO221. En outre, les réglementations environnementales, en Au-delà des politiques visant à faciliter la participation aux particulier celles visant certains secteurs et polluants, pour- CVM, des politiques complémentaires sont nécessaires pour raient réduire les dommages occasionnés par la production et en partager les avantages et en atténuer les coûts. Celles-ci le transport liés aux CVM. comprennent des politiques du marché du travail visant à aider les travailleurs susceptibles d’être touchés par des changements structurels, des mécanismes visant à garantir La coopération internationale le respect de la réglementation du travail, et des mesures de favorise la participation protection environnementale. bénéfique aux CVM Certains travailleurs bénéficieront de l’expansion des CVM, mais d’autres pourraient en pâtir en fonction de leurs situation Le système commercial international est particulièrement géographique, secteur et qualification. L’aide à la reconversion, précieux pour les CVM. Celles-ci transcendent les frontières et qui est particulièrement importante dans les pays à revenu l’action ou l’inaction des pouvoirs publics d’un pays peut avoir intermédiaire et élevé, permettra aux travailleurs de s’adapter des répercussions sur les producteurs et les consommateurs à l’évolution des modes de production et de distribution d’autres pays. La coopération internationale peut donc liée aux CVM. Les politiques de reconversion peuvent contribuer à atténuer ces répercussions des politiques notamment faciliter la mobilité de la main-d’œuvre et donner nationales et à obtenir de meilleurs résultats en matière de aux travailleurs les moyens de trouver un nouvel emploi18. Le développement. Le coût du protectionnisme étant amplifié chômage lié aux changements structurels étant généralement lorsque les biens et les services traversent les frontières de longue durée, l’assurance-salaire peut aider à maintenir des plusieurs fois, les avantages d’une réduction coordonnée des travailleurs en activité dans des emplois moins bien rémunérés, obstacles au commerce sont encore plus importants pour les de sorte qu’ils ne perdent pas totalement leur revenu, ce qui CVM que pour le commerce traditionnel. Compte tenu du est plus avantageux sur le long terme. Par exemple, le modèle lien indissociable entre l’investissement étranger et les CVM, de «flexicurité», qui a fait ses preuves au Danemark, donne l’existence d’un climat d’investissement ouvert et sans risque aux employeurs la liberté d’embaucher et de congédier des est essentielle à la participation aux CVM, en particulier pour travailleurs avec peu de restrictions, mais aide les travailleurs les pays où les capitaux sont rares. en leur versant de généreuses allocations de chômage et grâce Les pays en développement ont énormément bénéficié à des politiques actives de promotion de l’emploi. du système de commerce réglementé, particulièrement de La réglementation du travail, lorsqu’elle est bien conçue ses garanties contre la discrimination commerciale, de ses et appliquée, peut aider à assurer la sécurité et la santé des incitations à la réforme, de l’accès aux marchés du monde travailleurs. Les entreprises privées peuvent y contribuer, en entier et de ses recours en cas de différends, même contre particulier lorsque leurs clients sont sensibles aux conditions les poids lourds du commerce. Mais le système commercial de travail en vigueur dans leurs opérations internationales. La international est soumis à d’énormes pressions aujourd’hui. politique nationale et la coopération internationale peuvent Trois décennies de rattrapage économique induit par le également jouer un rôle important dans la mise en place et commerce dans les pays en développement ont modifié le suivi de normes du travail appropriées. Au Viet Nam, les l’équilibre économique entre les pays et accru les inégalités de conditions de travail se sont améliorées lorsque les entreprises revenus au sein de ceux-ci. La symétrie croissante de la taille participèrent au programme «Better Work» de l’Organisation économique des pays met en relief l’asymétrie persistante internationale du travail et de la Société financière de leurs niveaux de protection. Parallèlement, le système internationale (OIT-IFC), alors que les pouvoirs publics prirent commercial, qui avait jusqu’alors su s’adapter au changement, des mesures complémentaires pour communiquer les noms s’est affaibli ces dernières années, notamment en raison de des entreprises qui ne respectaient pas les principales normes l’échec des négociations de Doha. Des initiatives régionales du travail19. telles que l’Union européenne et l’ALENA ont également La tarification de la dégradation de l’environnement peut souffert des désaccords entre leurs pays membres. éviter que les CVM n’accentuent la mauvaise affectation des Le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine ressources20. Les prix des biens devraient refléter leurs coûts ouvre la voie au protectionnisme et à l’incertitude politique, économiques et socio-environnementaux. Une tarification et commence à perturber les CVM. Si ce conflit s’aggrave et appropriée des dommages environnementaux encouragerait provoque l’effondrement de la confiance des investisseurs, les également l’innovation dans la création de biens et processus effets sur la croissance et la pauvreté mondiales pourraient Abrégé | 7 être importants — plus de 30 millions de personnes pourraient commerce réglementé au lieu de recourir à une protection tomber dans la pauvreté (revenus inférieurs à 5,50 dollars par unilatérale; et si tous les pays définissent ensemble un pro- jour) et le revenu mondial pourrait chuter non moins de 1,4 bil- gramme de négociations qui reflète à la fois les priorités du lion de dollars. Cela dit, même dans une situation de status développement et du commerce. quo, les pratiques commerciales à l’origine du conflit sont susceptibles d’avoir des répercussions négatives. Élargir la coopération en matière fiscale, Pour maintenir une ouverture commerciale bénéfique, renforcer la concurrence et accroître les il est essentiel d’adopter une double approche. La première flux de données devrait reposer sur l’intensification de la coopération commer- L’imposition du capital est de plus en plus difficile à l’ère de ciale pour s’attaquer aux derniers obstacles au commerce des la mondialisation des entreprises, de la fragmentation de la biens et des services, ainsi qu’à d’autres mesures qui faussent production, et de la croissance d’actifs intangibles tels que les échanges, comme les subventions et les activités des entre- la propriété intellectuelle. La coopération devrait assurer prises publiques. La deuxième devrait porter sur l’élargisse- un accès équitable aux recettes fiscales — dont les pays ment de la coopération au-delà de la politique commerciale, riches ont besoin pour aider les travailleurs industriels dont pour inclure la fiscalité, la réglementation et l’infrastructure. l’emploi a été supprimé, et les pays pauvres pour construire des infrastructures. Une approche conjointe visant à Approfondir la coopération traditionnelle recourir davantage à l’imposition basée sur la destination Pour ce qui est de l’avenir, la plus grande priorité devrait des échanges pourrait à la fois décourager les entreprises être d’approfondir les règles et engagements commerciaux de transférer leurs bénéfices et les pays de rivaliser en traditionnels. Jusqu’à présent, la coopération internationale matière fiscale, tout en tenant compte des conséquences a entraîné une ouverture inégale en matière de biens et de sur les recettes fiscales des petits pays en développement. services. La libéralisation du commerce n’a que trop tardé Parallèlement, d’autres mesures de lutte contre l’érosion de dans l’agriculture et les services, et certains biens industriels la base d’imposition et les transferts de revenus pourraient restent limités sur certains marchés ainsi que par des mesures atténuer les difficultés associées à la mobilisation des non tarifaires. Les préférences commerciales ont réduit cer- ressources intérieures. tains tarifs douaniers imposés essentiellement aux pays les plus pauvres, mais pas ceux que ces pays prélèvent sur leurs Les flux de données et l’expansion internationale des importations. Si le traitement spécial et différencié accordé aux entreprises numériques, qui jouent un rôle important dans pays en développement a parfois tenu compte de la lenteur des les CVM, suscitent une inquiétude croissante auprès des réformes, il a fondamentalement freiné la participation aux consommateurs. Les risques vont des atteintes à la vie privée, CVM et l’intégration dans l’économie mondiale. dans le cas des services fondés sur l’utilisation des données, De plus, la hausse des droits de douane dans certains des aux pratiques anticoncurrentielles dans le cas des services plus grands marchés du monde — pour protéger la production à fondés sur les plateformes numériques. Au niveau national, plus forte valeur ajoutée — entrave les activités de transforma- les États ont recours à des lois sur la localisation des données tion dans l’agro-industrie et d’autres secteurs à forte intensité pour limiter la mobilité transfrontalière de ces dernières et de main-d’œuvre comme la confection et la maroquinerie dans à des règles strictes sur le traitement des données. Le droit les pays en développement. Les règles d’origine restrictives des de la concurrence reste lui aussi explicitement nationaliste accords préférentiels limitent les possibilités d’approvisionne- et la coopération dans le cadre d’accords commerciaux ment à l’étranger. Les subventions et les entreprises publiques bilatéraux ou régionaux a été limitée. La solution pourrait faussent la concurrence, et les règles existantes ne garantissent être un nouveau type de compromis : des engagements des pas la neutralité concurrentielle. Dans le secteur des services, entreprises exportatrices en matière de réglementation, destinés les négociations internationales n’ont guère facilité la libérali- à protéger les intérêts des consommateurs à l’étranger, en sation au-delà de celle menée unilatéralement. D’importants échange d’engagements des pays importateurs en matière services pertinents pour les CVM, tels que le transport aérien et d’accès au marché, comme dans certains accords récents sur maritime (qui a le plus besoin d’une libéralisation coordonnée), la circulation des données. ont été exclus des négociations en raison du poids de puissants Mais les pays en développement ne doivent pas être tenus à groupes d’intérêts. l’écart de tels dispositifs, car cela compromettrait la productivité Les négociations commerciales traditionnelles peuvent de leur participation CVM. L’aide internationale peut leur apporter des résultats plus significatifs si les principaux permettre de prendre des engagements réglementés dans négociants des pays en développement s’y engagent en tant les domaines présentant un intérêt en matière d’exportation que partenaires égaux, voire en tant que leaders, au lieu de (comme les services fondés sur l’utilisation de données) et            rechercher un traitement spécial et différencié ; si les grands d’ obtenir des engagements de leurs partenaires commerciaux pays industrialisés continuent de soutenir un système de lorsqu’ils ouvrent leurs marchés (comme pour l’application de 8 | Rapport sur le développement dans le monde 2020 la politique de concurrence). 8. Rocha et Winkler (2019). Enfin, les problèmes de coordination des projets 9. Oldenski (2015) indique que la relocalisation n’est pas très répandue d’infrastructure pèsent sur les investissements dans les aux États-Unis. 10. Artuc, Bastos, et Rijkers (2018). CVM, ainsi que sur l’expansion et la modernisation de 11. Freund, Mulabdic, et Ruta (2018). celles-ci, en particulier dans les pays les plus pauvres. 12. Voir Chen et Wu (2018); Garicano et Kaplan (2001); Höppner et À l’échelle mondiale, les pays sous-investissent dans les Westerhoff (2018). infrastructures commerciales parce qu’ils ne prennent pas 13. La corrélation positive entre l’IDE et le capital, la technologie et les en compte leurs avantages supplémentaires pour leurs compétences en gestion repose uniquement sur la participation aux CVM dans le secteur manufacturier. Il n’y a pas de corrélation partenaires commerciaux. Ceux qui partagent une frontière entre les flux d’IDE et l’intégration des secteurs nationaux de peuvent réaliser des gains plus importants lorsqu’ils prennent l’agriculture, des produits de base ou des services dans les CVM. simultanément des mesures pour accélérer les échanges Cette constatation pourrait laisser entrevoir un rôle plus favorable transfrontaliers. Par exemple, le Guatemala et le Honduras pour l’IDE axée sur l’efficacité ou les marchés, qui recherche des ont réduit de 10 heures à 15 minutes les délais d’attente à destinations concurrentielles à l’échelle internationale et des plateformes d’exportation potentielles. Buelens et Tirpák (2017) leur frontière lorsqu’ils ont formé une union douanière et établissent une corrélation positive entre les stocks d’IDE bilatéraux accepté de reconnaître les mêmes documents électroniques. et la participation bilatérale en amont aux CVM ainsi que la valeur L’Accord sur la facilitation des échanges de l’Organisation brute des échanges bilatéraux. mondiale du commerce encourage les pays à coordonner 14. APEC et World Bank (2018). l’amélioration de la facilitation du commerce et fournit 15. Selon Johnson et Noguera (2017), l’Union européenne et d’autres accords commerciaux préférentiels, en particulier les accords aux pays à faible revenu une aide financière pour les aider approfondis, jouent un rôle important dans la réduction du ratio à réaliser les investissements nécessaires. Une approche de la valeur ajoutée bilatérale aux exportations brutes, signe de la similaire pourrait permettre d’exploiter les synergies fragmentation accrue de la production mondiale. relatives à d’autres investissements dans les infrastructures 16. Pierola, Fernandes, et Farole (2018). de transport, d’énergie et de communication. 17. Les données de la base Eora (https://worldmrio.com/) montrent une relation en U entre le PIB par habitant des pays et l’intégration en aval dans les CVM. Notes 18. Bown et Freund (2019). 19. Hollweg (2019). 1. Constantinescu, Mattoo, et Ruta (2018). 20. Gollier et Tirole (2015) ; Nordhaus (2015). 2. Idem 21. Cramton et al. (2017) ; Farid et al. (2016) ; Weitzman (2017). 3. Au Viet Nam, les entreprises qui importent et exportent emploient plus de travailleurs que celles qui exportent seulement ou qui n’exportent pas, compte tenu des effets fixes sectoriels et provinciaux ainsi que des participations gouvernementales ou étrangères. Au Mexique, les entreprises qui ont des relations avec les acheteurs, et celles qui exportent et importent, emploient Bibliographie également plus de personnel que les entreprises exclusivement APEC (Asia–Pacific Economic Cooperation) and World Bank. 2018. importatrices ou exportatrices. Cette constatation vaut même si “Promoting Open and Competitive Markets in Road Freight and l’on tient compte des caractéristiques régionales et sectorielles des Logistics Services: The World Bank Group’s Markets and Compe- entreprises ainsi que de toute participation étrangère. À l’échelle tition Policy Assessment Tool Applied in Peru, the Philippines, and d’un pays, les entreprises qui importent et exportent emploient Vietnam.” Unpublished report, World Bank, Washington, DC. donc plus de travailleurs que les entreprises commerciales à sens Artuc, Erhan, Paulo S. R. Bastos, and Bob Rijkers. 2018. “Robots, Tasks, and unique ou les entreprises non commerciales. Trade.” Policy Research Paper 8674, World Bank, Washington, DC. 4. Rocha et Winkler (2019). Bown, Chad P., and Caroline L. Freund. 2019. “Active Labor Market 5. L’élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance dépend de Policies: Lessons from Other Countries for the United States.” PIIE divers facteurs, dont son incidence (évolution des inégalités), la Working Paper 19–2 (January), Peterson Institute for International répartition initiale des terres, la richesse et les revenus, les nive- Economics, Washington, DC. aux d’instruction des pauvres, d’autres formes d’investissements Buelens, Christian, and Marcel Tirpák. 2017. “Reading the Footprints: pu­blics antérieurs, ainsi que les institutions locales, y compris les How Foreign Investors Shape Countries’ Participation in Global syndicats (Ferreira, Leite, et Ravallion 2010 ; Ravallion et Datt 2002). Value Chains.” Comparative Economic Studies 59 (4): 561–84. Voir aussi Dollar et Kraay (2002) et Ferreira et Ravallion (2008). Chen, Maggie Xiaoyang, and Min Wu. 2018. “The Value of Reputation 6. Les marges bénéficiaires peuvent augmenter parce que les prix in Trade: Evidence from Alibaba.” Paper presented at Workshop on sont plus élevés, ou parce que les coûts sont plus bas, ou une com- Trade and the Chinese Economy, King Center on Global Develop- binaison des deux lorsque les marchés ne sont pas parfaitement ment, Stanford University, Stanford, CA, April 12–13. concurrentiels, ce qui signifie que les entreprises peuvent influen- Constantinescu, Ileana Cristina Neagu, Aaditya Mattoo, and Michele cer les prix. L’effet sur les marges des entreprises est différent selon Ruta. 2018. “The Global Trade Slowdown: Cyclical or Structural?” que la réduction des coûts ou les gains découlant de la participation World Bank Economic Review. Published electronically May 23. aux CVM sont entièrement transmis aux consommateurs par le https://doi.org/10.1093/wber/lhx027. biais de prix plus bas. Cramton, Peter, David J. MacKay, Axel Ockenfels, and Steven Stoft, eds. 7. Feenstra et Hanson (1996, 1997) ; Verhoogen (2008). 2017. Global Carbon Pricing: The Path to Climate Cooperation . Abrégé | 9 Cambridge, MA: MIT Press. the-eus-competition-investigation-into-amazon-marketplace/. Dollar, David, and Aart Kraay. 2002. “Growth Is Good for the Poor.” ILO (International Labour Organization) and IFC (International Journal of Economic Growth 7 (3): 195–225. Finance Corporation). 2016. “Progress and Potential: How Better Farid, Mai, Michael Keen, Michael G. Papaioannou, Ian W.H. Parry, Work Is Improving Garment Workers’ Lives and Boosting Factory Catherine A. 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I nve st i ga t i o n i n t o A m a z o n M a r k e t p l a c e.” Kluwer Competition Law Blog , November 30, Wolters Kluwer, Alphen aan den Rijn, The Netherlands. http://compe- titionlawblog.kluwercompetitionlaw.com/2018/11/30/ 10 | Rapport sur le développement dans le monde 2020 Abrégé | 11 ECO-AUDIT Déclaration des avantages environnementaux Le Groupe de la Banque mondiale s’est engagé à réduire son empreinte environnementale. À l’appui de cet engagement, nous exploitons des moyens d’édition électronique et des outils d’impression à la demande installés dans des centres régionaux à travers le monde. Ensemble, ces initiatives permettent une réduction des tirages et des distances de transport, ce qui se traduit par une baisse de la consommation de papier, de l’utilisation de produits chimiques, des émissions de gaz à effet de serre et des déchets. Nous suivons les normes relatives à l’utilisation du papier recommandées par l’Initiative Green Press. La plupart de nos livres sont imprimés sur du papier certifié par le Forest Stewardship Council (FSC) et contenant entre 50 et 100 % de fibre recyclée dans la quasi-totalité des cas. Cette fibre est soit écrue, soit blanchie à l’aide d’un procédé totalement sans chlore (TCF), d’un traitement sans chlore (PCF) ou d’un blanchiment sans chlore élémentaire amélioré (EECF). D’autres informations sur les principes environnementaux de la Banque sont disponibles sur le site http://www.worldbank.org/corporateresponsibility. Le commerce international s’est rapidement développé après 1990 grâce à l’expansion des chaînes de valeur mondiales (CVM). Celles-ci représentent actuellement près de la moitié de l’ensemble des échanges. Cette expansion a permis une convergence économique sans précédent, les pays pauvres accélérant leur croissance et commençant ainsi à rattraper les pays riches. Cependant, depuis la crise financière mondiale de 2008, la croissance du commerce est atone et l’expansion des CVM a ralenti. Parallèlement, deux menaces potentiellement sérieuses pour le modèle de croissance induite par le commerce sont apparues : premièrement, l’arrivée de nouvelles technologies pourrait rapprocher la production du consommateur et réduire la demande de main-d’œuvre ; deuxièmement, les conflits commerciaux entre grands pays pourraient entraîner une contraction ou une segmentation des CVM. Le Rapport sur le développement dans le monde 2020 : Le commerce au service du développement à l’ère de la mondialisation des chaînes de valeur cherche à déterminer si les CVM et le commerce international offrent toujours une voie de développement. Il conclut que l’évolution technologique représente à ce stade plus une aubaine qu’une malédiction. Les CVM peuvent continuer de stimuler la croissance, de créer des emplois de meilleure qualité et de réduire la pauvreté, à condition que les pays en développement entreprennent des réformes plus profondes pour promouvoir la participation aux CVM ; que les pays industrialisés mettent en œuvre des politiques ouvertes et prévisibles ; et que tous contribuent à donner une nouvelle impulsion à la coopération multilatérale. SKU 33358