SITUATION ÉCONOMIQUE EN CÔTE D’IVOIRE LE DÉFI DES COMPÉTENCES Pourquoi la Côte d’Ivoire doit réformer son système éducatif ? Quatrième Édition / Janvier 2017 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 ii Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Table des matières Avant-propos .........................................................................................................................................................................v Liste des abréviations.........................................................................................................................................................vi Remerciements.....................................................................................................................................................................vii Messages principaux .........................................................................................................................................................ix PARTIE 1 : L’ETAT DE SANTE DE L’ÉCONOMIE IVOIRIENNE........................................................................1 1.1 Les développements récents : Une trajectoire positive.................................................................................2 1.2 Les perspectives de court et moyen termes......................................................................................................9 1.3 La diversification économique comme l’une des solutions pour favoriser plus de croissance..............13 1.4 Le capital humain est un des leviers de la croissance économique.........................................................20 PARTIE 2 : le système éducatif ivoirien face au défi de l’émergence............................25 2.1.L’état des lieux : des efforts mais encore des retards......................................................................................26 2.2 L’accélération des réformes est nécessaire......................................................................................................31 2.3 Des pistes pour générer des gains d’efficience...............................................................................................35 2.4 Conclusion : un nouveau contrat social............................................................................................................43 Liste des Tableaux Tableau 1 : Les exportations et les importations ont diminué dans les 8 premiers mois de l’année 2016......8 Tableau 2 : Perspectives macroéconomiques à moyen terme.................................................................................9 Tableau 3 : L’agriculture ivoirienne ne s’est guère diversifiée au cours des 25 dernières années..........16 Tableau 4 : Répartition des actifs de 25-34 ans selon la catégorie socio-professionnelle et le niveau d’études atteint..............................................................................................................................................30 Tableau 5 : Une comparaison régionale des éléments des coûts unitaires dans le primaire.....................37 iii Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Table des Graphiques Graphique 1 : Le pays avec la croissance économique la plus rapide sur le continent africain en 2016.......2 Graphique 2 : La contribution sectorielle à la croissance économique, côté de l’offre................................3 Graphique 3  : Les sources de la croissance économique du côté de la demande.........................................4 Graphique 4  : Un taux d’inflation maîtrisé et aligné sur ceux de la région......................................................5 Graphique 5 : La croissance monétaire et du crédit en légère baisse...............................................................5 Graphique 6 : Les comptes de l’État...............................................................................................................................6 Graphique 7 : Des comptes extérieurs relativement stables.................................................................................7 Graphique 8 : La transformation structurelle de l’économie ivoirienne en deux étapes..........................14 Graphique 9 : La force de travail quitte l’agriculture et l’urbanisation s’accélère.......................................14 Graphique 10  : La diversification des exportations de la Côte d’ivoire en comparaison des autres pays...15 Graphique 11 : Le niveau de revenu national est fortement corrélé à l’indice de développement humain, 2014...........................................................................................................................................20 Graphique 12  : Les résultats scolaires en Thaïlande et en Côte d’Ivoire, 1975-2010 (% diplômés)..............21 Graphique 13 : La Côte d’Ivoire consacre une part importante de son PIB à l’éducation mais le niveau d’espérance de vie scolaire reste faible.........................................................................................................................27 Graphique 14 : La problématique de la faible qualité de l’enseignement.........................................................29 Graphique 15  : L’efficience du système éducatif ivoirien demeure faible malgré de récents progrès.............32 Graphique 16 : Deux options pour augmenter l’espérance de vie scolaire.....................................................34 Graphique 17 : Les salaires des enseignants ivoiriens sont relativement élevés par rapport au niveau de développement du pays.................................................................................................................37 Graphique 18 : Les écoles ivoiriennes sont mal équipées et les élèves manquent d’ouvrages scolaires......43 iv Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Avant-propos Une des questions fondamentales pour la Côte d’Ivoire est de déterminer comment maintenir son économie sur une trajectoire de croissance accélérée, durable et plus inclusive, afin de réduire significativement les inégalités. Afin de stimuler le débat, ce quatrième rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire rappelle que la diversification est une des voies à considérer. La majorité des pays qui ont réussi leur émergence ont su diversifier leurs économies vers des produits de plus en plus sophistiqués, qui ont ainsi généré une plus haute valeur ajoutée et un revenu supplémentaire à leurs habitants. Si ce quatrième rapport propose plusieurs pistes pour que la Côte d’Ivoire puisse accroître sa diversification, il souligne que cet effort va devoir être accompagné par une réforme de son système éducatif et d’apprentissage. En effet, il faut des compétences pour produire plus et mieux, et celles-ci sont en général acquises pendant les années d’école et de formation. Le système éducatif ivoirien reste aujourd’hui moins performant, malgré des efforts récents d’offrir une bonne éducation à la majorité de sa jeunesse qui passe la moitié moins de temps à l’école que celle dans les pays émergents. Les résultats scolaires sont également insuffisants puisqu’à la fin du primaire, les jeunes ivoiriens, d’après les indicateurs, lisent et calculent moins bien que les jeunes burundais, burkinabé et sénégalais. Au bout du compte, la qualité de la force de travail ne correspond pas aux attentes du marché du travail. La Côte d’Ivoire ne se trouve qu’au 172ème rang sur 188 pays dans le classement des Nations-Unies sur le développement du capital humain dans le monde. A juste titre, les autorités ivoiriennes ne sont pas restées inactives. Elles ont entamé un certain nombre de réformes visant à améliorer la performance scolaire tant dans le cycle primaire que secondaire et tertiaire, y compris l’enseignement technique. Elles ont aussi alloué davantage de ressources budgétaires au secteur de l’éducation car il faudra plus d’enseignants, de bâtiments et d’équipements scolaires dans les années à venir. Ce rapport plaide pour une accélération de ces réformes si le pays veut rattraper la performance des pays émergents. En particulier, mais pas exclusivement, l’efficience de la dépense devra être améliorée avec un sentiment d’urgence. Pour cela, il faudra sans nul doute repenser la politique de ressources humaines envers les enseignants, modifier le système de subventions versées aux écoles privées et réduire les dépenses administratives car ces trois composantes comptent pour plus de 90% de la dépense publique. L’objectif ultime est de maximiser l’impact associé à chaque franc injecté dans le système éducatif, de manière à ce que la majorité des jeunes ivoiriens puissent apprendre et ainsi acquérir les compétences dont ils auront besoin pour être performants sur le marché du travail et donc espérer un avenir meilleur. Pierre Laporte Directeur des Opérations Pour la Côte d’Ivoire, Bénin, Burkina Faso et Togo v Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Liste des abréviations BCEAO Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest C2D Contrat de Désendettement et de Développement FAO Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture FCFA Franc de la Communauté Financière d’Afrique FMI Fonds Monétaire International OCDE Organisation de coopération et de développement économique PASEC Programme d’analyse du systeme educatif PIB Produit Intérieur Brut PISA Programme international pour le suivi des acquis des élèves  PPP Partenariat Public-Privé TVA Taxe sur la Valeur Ajoutée UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africaine USD United States Dollar vi Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Remerciements Ce rapport a été préparé sous la direction de Jacques Morisset. André Francis Ndem est le principal auteur de la deuxième partie consacrée à la problématique de l’éducation, avec la participation de Hamoud Wedoud Kamil. Guillaume Adingra a contribué aux analyses techniques et à la compilation des données. L’équipe du FMI sur la Côte d’Ivoire, dirigée par Ghura Dhaneshwar, est remerciée pour ses commentaires ainsi que Jean-Michel Marchat, Patrick Ramanantoanina, Azedine Ouerghi, Samba Ba et Alain d’Hoore. Gertrude Tah, Taleb Ould Sid’ahmed et Joseph Anoh ont aidé au formatage du rapport. Les rédacteurs du rapport ont également bénéficié des conseils et encouragements de Pierre Laporte, Lars Moller et Meskerem Mulatu. vii Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 viii Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Messages principaux Combien de temps la Côte d’Ivoire pourra-t-elle estimée à 1,5 %. se maintenir sur une trajectoire de croissance La légère baisse de la croissance économique par accélérée et inclusive sans améliorer les com- rapport à 2015 et la moyenne reportée depuis pétences au sein de sa force de travail ? L’ex- la sortie de crise politique en 2012 est expliquée périence internationale montre que la voie vers par le repli du secteur agricole qui a souffert l’émergence est tracée en grande partie par la de conditions climatiques défavorables lors du capacité des pays à améliorer l’efficience de premier semestre de 2016. Les autres secteurs leur système éducatif et d’apprentissage. Par ont continué sur leur lancée, portés par la bonne exemple, lors de sa course vers l’émergence la performance de la communication, de la finance, Thaïlande a multiplié par trois la proportion de du transport, de l’énergie, et du commerce. A ses diplômés scolaires. Les travaux de R. Barro signaler, toutefois, le ralentissement de plusieurs et du prix Nobel R. Lucas ont aussi confirmé le indicateurs, comme la croissance du crédit au rôle moteur (mais pas unique) du capital humain secteur privé et les importations d’équipements, dans le développement économique à travers ses qui peuvent indiquer un léger repli des activités effets induits positifs sur la productivité du tra- économiques. vail et l’innovation technologique qui permettent d’engendrer une croissance non seulement sou- Les autres indicateurs économiques et financiers tenue mais aussi diversifiée. sont restés sous contrôle, avec une inflation maî- trisée et la hausse de la masse monétaire alignée A juste titre, les décideurs de politique économique sur le rythme de la croissance de l’économie. en Côte d’Ivoire ont donc placé le renforcement des compétences au centre de leur stratégie de Si le déficit budgétaire s’est agrandi pour atteindre développement économique pour les années à 4 % du PIB en 2016, cela a été en partie la consé- venir car leur pays ne se situe aujourd’hui qu’au quence de la hausse des dépenses sécuritaires 172ème rang sur 188 pays, selon l’indicateur de après les attentats de Grand-Bassam en mars développement de capital humain proposé par 2016. Le Gouvernement a aussi continué de privi- les Nations Unies. légier les dépenses en capital qui ont atteint 7,5 % du PIB en 2016 contre 6 % en 2013. En termes de Ce quatrième rapport sur la situation économique financement, le recours aux emprunts régionaux a en Côte d’Ivoire, après avoir passé en revue les remplacé ceux sur les marchés globaux. récents développements économiques et les perspectives du pays à l’horizon 2 à 3 ans dans Au niveau des comptes externes, on note un une première partie, s’interroge sur comment la renversement de tendance avec la baisse des Côte d’Ivoire peut renforcer son capital humain exportations lors des huit premiers mois de 2016. en améliorant son système éducatif, notamment Cette baisse est surtout concentrée dans les en augmentant la qualité de la dépense publique produits agricoles qui ont souffert de conditions dans ce secteur stratégique. climatiques défavorables et de la baisse du prix du cacao sur les marchés internationaux d’environ Partie 1 : L’état de santé de l’économie 25% depuis novembre 2015. Dans le même ivoirienne temps, les importations se sont aussi ralenties, notamment celles en intrants et en biens Au sein d’une économie mondiale et régionale d’équipement qui ont même diminué par rapport fragilisée, la Côte d’Ivoire continue à se distinguer à 2015. Le déficit du compte courant, qui s’est par sa bonne performance économique. En 2016, stabilisé autour de 1-2 % du PIB, a été aisément le taux de croissance de son économie devrait financé par les afflux de capitaux étrangers, en atteindre 7,9 %, ce qui place le pays au deuxième particulier les investissements directs étrangers rang parmi les pays de l’Afrique sub-Saharienne alors que l’aide (nette) a légèrement diminué. et loin devant la moyenne continentale qui est ix Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Les perspectives pour les 2-3 prochaines années rature économique et l’expérience internationale sont positives avec un taux de croissance qui ont mis en évidence le rôle des institutions et devrait graduellement converger vers 7,5 % en des infrastructures de connectivité mais il semble 2019 et des comptes budgétaires et externes exister un consensus que la qualité de la force sans grand changement. Ce taux de croissance de travail sera un élément-clé pour que la Côte devra reposer sur un regain encore plus prononcé d’Ivoire réussisse sa diversification économique des activités du secteur privé dans la mesure dans le moyen et long-terme. Un certain niveau où la politique budgétaire sera limitée par les de compétences est requis pour qu’un travailleur intentions déclarées des autorités de maintenir soit productif et pour maximiser l’impact du pro- le niveau du déficit budgétaire et d’endettement grès technologique dans les processus de produc- dans les limites des critères accordés au sein tion. La différence dans les niveaux de producti- de l’UEMOA. Ce scénario suppose aussi que vité entre pays est surtout expliquée par la force l’économie ivoirienne continuera à être préservée de cette relation entre compétences et innovation des chocs tant externes qu’internes. Or, ceux-ci technologique. ne sont pas négligeables comme cela est mis en Or, aujourd’hui, la Côte d’Ivoire ne peut pas évidence dans le rapport. compter sur un niveau de capital humain qui Le défi de la Côte d’Ivoire est celui de la corresponde à son ambition de devenir un pays diversification. Bien que des progrès aient été émergent dans un avenir rapproché. Conscient de réalisés lors de ces deux dernières décennies, ce déficit, le Gouvernement a redirigé ses efforts le pays reste largement dépendant de quelques vers le secteur de l’éducation, en le plaçant au matières premières (notamment le cacao) et centre de sa nouvelle stratégie de développement d’un secteur des services qui se caractérise par pour les prochaines années. Est-ce que ces un haut degré d’informalité et de manque de efforts seront suffisants pour améliorer le niveau compétitivité. Somme toute, force est de constater des compétences qui permettront aux jeunes que l’agriculture reste concentrée autour des ivoiriens d’atteindre leurs aspirations en termes mêmes produits depuis 1980, l’industrialisation d’emplois et de revenus ? ayant stagné au milieu des années 1990. Si les exportations sont relativement diversifiées selon Partie 2 : le système éducatif ivoirien face les normes (modestes) du continent africain, la au défi de l’émergence Côte d’Ivoire se trouve encore éloignée de la Après plus de 10 années de crise politique et performance enregistrée par les pays émergents. sociale, beaucoup d’observateurs ont parlé d’une Plusieurs opportunités de diversification existent génération sacrifiée en Côte d’Ivoire. En effet, le comme cela est proposé dans le rapport, en système scolaire ivoirien a été fortement ébranlé combinant à la fois des actions transversales sur pendant ces années d’instabilité. Après avoir été le climat des affaires et ciblées, basées sur les considéré comme un des fleurons éducatifs de avantages comparatifs de la Côte d’Ivoire. l’Afrique de l’Ouest, la Côte d’Ivoire se trouvait Diversifier l’économie ivoirienne est important en retrait de la performance atteinte par presque pour non seulement réduire les risques associés tous les autres pays de la sous-région en 2011. aux multiples chocs externes et internes, mais Le retour de la stabilité politique a été marqué aussi pour promouvoir la création de valeur par une forte volonté du Gouvernement ivoirien ajoutée et d’emplois productifs. Ce n’est donc pas à remettre sur pied le système éducatif. Un une surprise que le Gouvernement est en train de effort conséquent a été déployé pour mobiliser se mobiliser fortement pour chercher à diversifier davantage de ressources budgétaires et pour son agriculture, à consolider plusieurs chaînes de inciter le développement d’écoles privées ainsi transformation alimentaire, et à promouvoir les que pour promouvoir des réformes ambitieuses, secteurs technologiques de demain. comme le droit à l’éducation gratuite jusqu’à En parallèle à ces actions, la mise en place de l’âge de 16 ans. En 2016, le secteur éducatif conditions nécessaires à l’épanouissement de la ivoirien recevait près de 5 % du PIB en ressources croissance économique est indispensable. La litté- budgétaires ce qui plaçait le pays parmi les x Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 premiers sur le continent africain. gnants, et la construction de nouvelles écoles. Toutefois, même en portant leurs fruits, ces ré- Tous ces efforts ont commencé à porter leurs formes risquent de rester insuffisantes pour at- fruits avec une amélioration de la performance teindre les résultats scolaires reportés par les pays scolaire. Les taux d’inscription et de réussite émergents. En effet, même si le Gouvernement ont augmenté sensiblement au cours de ces envisage d’allouer des ressources budgétaires dernières années. Pourtant force est de constater supplémentaires dans les années à venir, l’écart que les progrès restent insuffisants car la Côte de financement serait de l’ordre de 2475 milliards d’Ivoire demeure en retrait de la moyenne de FCFA sur la période 2016-25 entre ce que le africaine et surtout très éloignée des résultats Gouvernement a aujourd’hui prévu dans sa stra- atteints par les pays émergents. Les adolescents tégie et ce qui serait nécessaire pour atteindre ne fréquentent pas assez l’école secondaire, le niveau d’espérance de vie scolaire tel qu’il est avec des taux d’abandon et de redoublement aujourd’hui reporté dans les pays émergents. Ce élevés, et de nombreux élèves ne savent pas résultat souligne le besoin pour la Côte d’Ivoire encore lire et compter convenablement à la fin de d’améliorer la qualité de la dépense publique, si le l’école primaire. Même quand ils vont à l’école, pays veut atteindre les résultats scolaires que sa de nombreux étudiants n’apparaissent guère population est en droit de revendiquer. préparés aux besoins du marché du travail. Bref, le taux moyen d’espérance de vie scolaire en Côte Le rapport suggère trois pistes de réformes qui d’Ivoire se situait autour de 8 ans en 2015, alors pourraient être explorées par les autorités dans qu’il atteignait 12 ans au Cap-Vert, autour de 14 leur effort d’améliorer les résultats du système ans dans les pays émergents. Bien entendu il éducatif national. Ces trois pistes partent du prin- faut laisser du temps au temps car l’amélioration cipe que pour être efficaces, les réformes doivent des résultats scolaires s’inscrit forcément dans la s’attaquer aux principales catégories de dépenses durée.  de l’Etat, à savoir les salaires des enseignants, les subventions versées aux écoles privées, et Ce bilan est partagé par les autorités ivoiriennes les dépenses administratives ainsi qu’en équi- qui ont décidé de redoubler leurs efforts dans leur pements. Prises ensemble, ces trois catégories plan national de développement et leur politique comptent pour plus de 95% des dépenses pu- sectoriel de l’éducation portant sur la période bliques dans le secteur de l’éducation. 2016-2020. Ce rapport montre que la réussite de la Côte d’Ivoire va largement dépendre de La première piste porte sur la performance des la capacité du Gouvernement à augmenter enseignants, qui est généralement vue comme l’impact de chaque montant alloué au secteur le principal déterminant de la réussite scolaire. de l’éducation sur l’espérance moyenne de vie Si cette performance est tributaire de nombreux scolaire dans le pays. Aujourd’hui, cet impact est facteurs, elle est généralement associée à la faible avec un taux d’efficience de 1,51 année de politique de ressources humaines en termes de vie scolaire supplémentaire pour un pour-cent de rémunérations, d’évaluation et de développement PIB dépensé sur l’éducation, ce qui est loin de professionnel. Or, celle-ci, pourrait être améliorée la performance atteinte dans les pays efficients. en Côte d’Ivoire, plusieurs exemples proposés Avec un tel taux, la Côte d’Ivoire ne pourra pas dans le texte pourraient servir à guider la réflexion atteindre ses ambitions en termes d’éducation puis l’action des dirigeants ivoiriens. et de compétences, ce qui pourrait remettre en La deuxième piste concerne le système de cause sa marche vers l’émergence. subventions des écoles privées établi pour Bien entendu, les autorités ne vont pas rester absorber le surplus d’élèves qui rentrent dans inactives et plusieurs réformes sont prévues afin le premier cycle de l’école secondaire et qui d’augmenter le taux d’efficience du système édu- ne peuvent pas trouver de la place dans les catif au cours des prochaines années. L’attention établissements publics. Il est reconnu que ce est portée sur l’amélioration du contenu de l’en- système est onéreux pour des résultats somme seignement, le recrutement de nouveaux ensei- toute mitigés. Il est ainsi proposé plusieurs actions xi Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 pour améliorer ce système, comme la distribution indispensable pour que la Côte d’Ivoire puisse at- de « vouchers » aux familles qui auraient alors le teindre ses objectifs. Cette action est nécessaire choix de les utiliser selon le placement de leurs mais il faudrait davantage car il ne suffira pas de enfants ; l’introduction de nouveaux critères pour mieux dépenser mais aussi de s’assurer que les décider de l’affectation des élèves (y compris la acquis pédagogiques correspondent aux attentes proximité) et le suivi renforcé des écoles privées du marché du travail. Pour cela, il faudra adapter de manière à mieux coordonner le versement des le programme scolaire, y compris dans l’ensei- subventions par rapport à leur performance. gnement technique, en étroite collaboration avec le secteur privé. La troisième piste est basée sur un double constat. Ainsi, la Côte d’Ivoire dépense proportionnelle- Les pistes invoquées dans ce quatrième rapport ment beaucoup en personnels administratifs mais économique sur la Côte d’Ivoire sont inspirées relativement peu en équipements et matériel sco- par l’expérience internationale mais devront être laires. De nombreuses écoles souffrent du manque adaptées au contexte ivoirien. Pour cela, la mise d’accès à l’eau potable et à l’électricité ainsi que en place d’un contrat social entre les différentes de l’absence de toilettes  ; en moyenne les défi- parties prenantes semble être une étape indispen- cits sont plus grands que dans le reste de l’Afrique sable. En effet, l’amélioration du système éducatif Sub-Saharienne. Les manuels scolaires sont aussi et d’apprentissage est l’affaire de tous, y compris en nombre insuffisant. Comme il semble difficile les enseignants, les élèves et leurs familles ainsi d’augmenter le budget du secteur de l’éducation, que le secteur privé et les dirigeants politiques. la suggestion serait alors de réduire les dépenses Toutes ces parties prenantes doivent s’accorder administratives pour financer des achats d’équipe- sur le chemin à prendre tout en privilégiant le ments et de matériels supplémentaires. bien-être collectif de manière à offrir le meilleur avenir possible aux enfants de la République de la L’amélioration de l’efficacité de la dépense pu- Côte d’Ivoire. blique au sein du secteur de l’éducation apparait xii Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 PARTIE 1 : L’ETAT DE SANTE DE L’ÉCONOMIE IVOIRIENNE 1. L’économie ivoirienne devrait continuer à croître à un taux autour de 7,9 % en 2016 ; soit un léger repli par rapport aux dernières années, cependant le pays démontre sa résilience dans un contexte moins favorable avec une pluviométrie déficitaire et des risques sécuritaires accrus ainsi qu’un ralentissement global et régional.  2. Les perspectives sont bonnes avec un taux de croissance du PIB prévu qui devrait graduellement converger autour de 7,5% en 2019. La maîtrise des équilibres budgétaires et extérieurs est une réalité, bien qu’une attention particulière devra être accordée à la gestion des risques tant externes qu’externes qui ne sont pas négligeables. 3. La résilience de l’économie ivoirienne s’inscrit dans sa diversification qui, malgré des progrès, reste insuffisante car son agriculture reste concentrée autour des mêmes récoltes que dans les années 80 et son industrialisation a stagné depuis 15 ans. 4. La mise en place d’une croissance diversifiée et partagée va nécessiter une amélioration des compétences au sein du pays, notamment à travers une amélioration significative de la performance du système national d’éducation et d’apprentissage. En ce début d’année 2017, l’économie ivoirienne continue de bien se porter. La croissance économique, légèrement en deçà de 8 % en 2016, reste au rendez-vous et la plupart des voyants économiques et financiers du pays sont au vert. Les perspectives sont aussi favorables pour les prochaines années, même si les risques ne sont pas inexistants dans un contexte global et régional fragilisé. Cette bonne performance de l’économie ivoirienne traduit en partie la volonté des autorités ivoiriennes à faire plus et mieux, notamment L’ambition de en cherchant à davantage diversifier leur pays. En effet, la diversification la Côte d’Ivoire est nécessaire pour augmenter la résilience du pays face aux chocs externes, est donc de en particulier les variations des prix des matières premières comme le diversifier son rappelle l’expérience actuelle des pays pétroliers et miniers. Elle est aussi agriculture tout utile pour accroitre la valeur ajoutée au sein de l’économie et ainsi créer les en redéployant emplois productifs que la vaste majorité des ivoiriens est en droit d’attendre. sa base L’ambition de la Côte d’Ivoire est donc de diversifier son agriculture tout en industrielle redéployant sa base industrielle et en encourageant l’essor d’une nouvelle et en économie de services. encourageant Le défi de la diversification se trouve au centre de la stratégie l’essor d’une nationale de développement de la Côte d’Ivoire mais sa réussite nouvelle dépend de plusieurs conditions. Si la littérature économique ne s’est économie de pas encore accordée sur l’ensemble de ces conditions, un consensus s’est services. toutefois constitué autour du rôle central joué par le capital humain. Ce rôle, très tôt reconnu par les pays émergents de l’Asie, s’est traduit par une amélioration spectaculaire de la qualité de leur capital humain au cours des dernières décennies. Par exemple, la Thaïlande a triplé son pourcentage de diplômés en 25 ans. Malheureusement, la Côte d’Ivoire se trouve aujourd’hui encore fort éloignée de ces standards puisque le pays n’était classé qu’au 172ème rang sur 188 pays en termes de développement du capital humain 1 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 à la fin 2014. Il y donc un besoin urgent de soutenir l’effort de diversification par une amélioration des compétences au sein du pays. Cette première partie de ce rapport est organisée comme suit. Elle commence par une description des principaux développements récents du pays, avec une attention particulière aux équilibres budgétaires et externes. Sur cette base, les perspectives de court et moyen termes sont discutées tout en rappelant les risques tant externes qu’internes. Le défi de la diversification est ensuite exposé en examinant les progrès de la Côte d’Ivoire mais aussi en mettant en évidence certains de ses retards qui peuvent cependant se transformer en opportunités. Enfin, la conclusion souligne le rôle prépondérant du capital humain, et donc du système éducatif, qui devra accompagner tout effort de diversification dans le futur. 1.1 Les développements récents : Une trajectoire positive Si certains pourraient se Après cinq années de forte expansion économique à un rythme montrer déçus, soutenu de 9 % en moyenne par an, la croissance du PIB devrait voire inquiets atteindre 7,9 % en 2016 (graphique 12 1). Si certains pourraient se montrer par cette légère 10,1 déçus, voire inquiets par cette légère baisse cette performance 10 9,3 économique 8,8 8,9 baisse cette reste remarquable car elle a pris place dans un environnement moins propice, 7,9 performance avec des conditions climatiques 8 défavorables pendant les six premiers économique reste mois de l’année, une hausse6 de l’insécurité régionale et un ralentissement remarquable % du PIB par an prononcé des activités économiques 4 3,3 le continent africain. Elle démontre sur car elle a pris la résilience de la Côte d’Ivoire. 1,8 2 2 place dans un Le taux de croissance du PIB enregistré par la Côte d’Ivoire en 2016 a environnement été le deuxième plus rapide en 0 Afrique sub-saharienne 2004-8 2009 2010 2011 2012 2013 (graphique 2014 2015 20161). moins propice. Il dépasse de plus de 6 % la moyenne africaine, qui n’a atteint que 1,5 % selon -2 les estimations de la Banque-4 mondiale.1 Bref, la Côte d’Ivoire fait partie du groupe restreint de six pays africains qui ont reporté -4,2 une croissance supérieure -6 à 5,5 % en 2016. Cote d'Ivoire UEMOA Afrique sub-saharienne Graphique 1: Le pays avec la croissance économique la plus rapide sur le continent africain en 2016 12 2016 10,1 10 10 9,3 8,8 8,9 7,9 8 8 6 6 % du PIB par an % par an 4 3,3 2 4 1,8 2 2 0 2004-8 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 -2 0 Gambie Zambie Guinee Bissau Liberia Namibie Cote d'Ivoire Nigeria Swaziland Tchad Gabon Zimbabwe Burundi Cap-Vert Mozambique Maurice Ethiopie Malawi Niger Mali Sierra Leone Burkina faso Cameroun Tanzanie Soudan Madagascar Benin Ouganda Guinee Rwanda Botswana Kenya Congo DR Ghana Togo Afrique du Sud Angola Lesotho Congo R Comores Seychelles Senegal -4 -4,2 -2 -6 Cote d'Ivoire Côte d’Ivoire UEMOA UEMOA Afrique sub-saharienne Afrique Sub-saharienne -4 Source : Banque mondiale 2016 10 1 Banque mondiale, Africa’s Pulse, volume 14, octobre 2016. 8 6 2 an Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 La légère baisse de la croissance ivoirienne a pris place dans un En conséquence, contexte moins favorable que lors des dernières années, à commencer la production de par un harmattan («  le vent du désert  ») de rare violence et une pratiquement pluviométrie déficitaire lors du premier semestre de l’année. En toutes les conséquence, la production de pratiquement toutes les cultures de rente a cultures de baissé, expliquant à elle seule une diminution d’environ 0,4 % du PIB en 2016 rente a baissé, (graphique 2). Fort heureusement, il semble que l’agriculture de subsistance expliquant à et l’élevage aient mieux résisté pendant l’année, ce qui a permis au secteur elle seule une primaire de contribuer pour 0,9% à la croissance économique, ce qui est diminution Agriculture d'exportation supérieure qu’en 2015, -0,4 mais éloigné de la performance atteinte en 2014. d’environ 0,4 % Produits pétroliers 0,0 du PIB en 2016. Les secteurs secondaires et tertiaires ont continué en 2016 sur Sylviculture 0,0 leur lancée, malgré un contexte régional somme toute morose, Pêche 0,0 notamment avec une hausse de l’insécurité et les incertitudes liées Industries agro-alimentaires 0,3 aux variations des prix des matières premières. La contribution des Transports 0,4 services à la croissance reste substantielle, notamment grâce à l’expansion Autres industries manufacturières 0,5 rapide des secteurs de l’énergie, des communications, du commerce et du Télécommunication 0,6 transport. Il est à noter le rebond du secteur de l’énergie, traduisant les efforts Agriculture vivrière, élevage 0,8 du Gouvernement à accroître la production et la distribution d’électricité dans le pays. Au niveau du secteur Extraction minière secondaire, la construction 0,8est indéniablement restée la locomotive suivie parBTP les activités minières 0,9 et manufacturières, Commerce même si la contribution d’ensemble de ce secteur à la croissance 1,1 économique s’est légèrement affaiblie Energie (gazeaulec) en 2016 par rapport à 2015 et surtout 2013. 1,6 Autres services 1,8 -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 Graphique 2: La contribution sectorielle à la croissance économique, côté de l’offre en % 10,0 Agriculture d'exportation -0,4 9,3 0,9 8,9 0,0 8,8 Produits pétroliers 8,0 1,7 1,9 7,9 Sylviculture 0,0 2,6 0,9 Pêche 0,0 6,0 3,6 Industries agro-alimentaires 0,3 % 3,9 4,1 Transports 0,4 4,0 5,1 Autres industries manufacturières 0,5 0,9 2,0 2,9 2,0 Télécommunication 0,6 2,3 Agriculture vivrière, élevage 0,8 0,8 0,5 0,9 0,0 Extraction minière 0,8 2013 2014 2015 2016 BTP 0,9 Tax (net) et PIB non marchand Commerce 1,1 Secteur Tertiaire Energie (gazeaulec) 1,6 Secteur Secondaire Autres services 1,8 Secteur Primaire -1,0 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 Taux de croissance en % Source : MEF et Banque mondiale 10,0 9,3 0,9 8,9 8,8 8,0 1,7 1,9 7,9 2,6 0,9 6,0 3,9 3,6 4,1 4,0 5,1 0,9 2,0 2,9 2,0 2,3 0,8 0,5 0,9 0,0 2013 2014 2015 2016 Tax (net) et PIB non marchand 3 Secteur Tertiaire Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Au niveau de la demande, les tendances sont restées approximative- ment les mêmes qu’au cours de ces dernières années, avec une crois- sance économique répartie entre une hausse de la demande publique et privée (graphique 3). L’apport (net) du secteur public transparaît dans le creusement du déficit de l’Etat, à la suite de l’expansion rapide des pro- grammes d’investissements. La contribution du secteur privé a été moindre en 2016 qu’en 2015 en raison de la hausse moins rapide de la consommation privée. L’influence du secteur extérieur est restée approximativement la même en 2016 qu’en 2015. Graphique 3 : les sources de la croissance économique du côté de la demande Source : Gouvernement, Banque mondiale et FMI L’inflation est maîtrisée, autour de 2 % en glissement annuel (graphique 4). Au-delà de la politique monétaire prudente menée par les autorités régionales, ce faible taux reflète la volonté du gouvernement ivoirien à réduire le coût de la vie en assurant la transmission de la baisse du prix international de l’énergie sur les tarifs des transports et de l’électricité au niveau local. Cette baisse a permis de contrebalancer la hausse temporaire du prix de plusieurs produits alimentaires qui avait pris place entre mars et juin 2016 à la suite de pénuries sur plusieurs marchés urbains. La hausse des prix alimentaires a graduellement diminué depuis juin 2016, s’inversant même en août 2016, indiquant l’amélioration de la production agricole suite à des conditions climatiques plus favorables. L’expansion monétaire a continué de suivre la croissance de l’économie, reflétant la politique prudente poursuivie par la BCEAO (graphique 5). On note toutefois un léger ralentissement en 2016 en partie expliqué par la baisse des avoirs (nets) extérieurs du système bancaire depuis mars 2016. Le système financier ivoirien a continué d’octroyer des crédits à l’économie à un taux annuel de croissance avoisinant 20 % ce qui est malgré tout une baisse par rapport à 2015. Les prêts en direction du secteur public ont contribué à environ 1/3 de cette croissance. 4 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Au niveau des comptes de l’Etat, le déficit budgétaire devrait se situer autour de 4 % du PIB en 2016, alors qu’il n’était que de 2,2 % en 2014 (graphique 6). Cette hausse s’explique en partie par l’accroissement des dépenses sécuritaires mais traduit aussi la politique volontariste du Gouvernement à accroître les dépenses en infrastructure, notamment sur la base de financements internes. Si cette politique se justifie pour combler les 10,0% retards de la Côte d’Ivoire dans ces domaines, elle doit cependant 8,0% être suivie de manière attentive notamment en raison de l’engagement des autorités à 6,0% respecter le critère de convergence de l’UMEOA qui impose un déficit inférieur 4,0% à 3 pour cent du PIB à partir de 2019.  2,0% Pour financer son déficit budgétaire, l’Etat a surtout0,0% eu recours aux emprunts domestiques (y compris sur le marché régional en FCFA). sept-15 juil-15 juil-16 mai-15 nov-15 mai-16 janv-15 mars-15 janv-16 mars-16 -2,0% La dette interne a augmenté de 1,4 % du PIB, alors que la dette externe a baissé de 0.9% du PIB. Ce changement de stratégie entre 2015 et 2016 Indice général hors alimentation reflète le différentiel de coût entre ces emprunts qui s’est inversé au cours Indice Produits Alimentaires & boissons non alcoolisées des 12 derniers mois. Avec un montant de dette publique équivalent à 48,3% d’Ivoire. du PIB, le risque de surendettement reste modéré pour la Côte Indice général Graphique 4 : Un taux d’inflation maîtrisé et aligné sur ceux de la région 10,0% 30% 2,5 Contribution a la croissance monetaire 8,0% 25% 2,0 6,0% 20% 4,0% 1,5 15% %.An/An 2,0% 1,0 0,0% 10% sept-15 juil-15 juil-16 mai-15 nov-15 mai-16 janv-15 mars-15 janv-16 mars-16 -2,0% 0,5 5% 0% - janv-15 mars-15 sept-15 juil-15 janv-16 mars-16 nov-15 juil-16 mai-15 mai-16 Indice général hors alimentation -5% -0,5 Indice Produits Alimentaires & boissons non alcoolisées Côte d'Ivoire Uemoa Euro Indice général Avoirs exterieurs net Credit Source : Agence Nationale de la Statistique Graphique 5 : La croissance monétaire et du crédit en légère baisse 30% 2,5 35% Contribution a la croissance du credit Contribution a la croissance monetaire 25% 30% 2,0 25% 20% 1,5 20% 15% %.An/An 15% 10% 1,0 10% 5% 0,5 5% 0% 0% janv-15 mars-15 sept-15 juil-15 janv-16 mars-16 nov-15 mai-15 juil-16 mai-16 sept-15 juil-15 - juil-16 mai-15 nov-15 mai-16 janv-15 mars-15 janv-16 mars-16 -5% -0,5 Avoirs exterieurs net Credit Crédit au gouvernement Crédit au secteur privé Côte d'Ivoire Uemoa Euro Source : BCEAO et FMI 35% 5 dit Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Les dépenses publiques ont continué à s’accroître à un rythme soutenu en 2016(+1,6 % du PIB entre 2015 et 2016). Cette hausse 2014 2013 courantes s’est partagée entre les dépenses 2015 %2016 (+0,7 du PIB) et surtout les 50 0,0 dépenses en investissements (+1.1 % du PIB), qui ont atteint 7,5 % du PIB a été rendue possible grâce à la -1,0 en 2016 (graphique 6).2 Elle48 mobilisation de ressources supplémentaires, notamment fiscales. 48,3 47,8 Après avoir stagné autour 46 44,8 -2,0 % PIB % PIB de 15,0-15,5% du PIB entre 2013-2,0 et 2015, un saut quantitatif de 1,6% du 44 à une série de réformes visant PIB a été réalisé en 2016 grâce -3,0 à améliorer la -2,8 performance de l’administration fiscale.-3,1 Par contre, les recettes non-fiscales 42 43,3 -4,0 ont chuté de 1,1 % du PIB entre 2015 et 2016. -4,1 40 -5,0 Overall balance (cash basis) Graphique 6: les comptes de l’État Central governement debt, gross L’évolution du solde budgétaire et de la Le financement du budget (% du PIB) dette publique (% du PIB) 25,0 2013 2014 2015 2016 20,3 20,8 5,0 19,7 4,1 50 0,0 20,0 18,8 1,7 4,0 1,3 1,5 1,7 3,1 2,4 2,8 3,5 2,8 48 -1,0 2,4 15,0 3,0 48,3 2,0 % PIB 47,8 3,7 46 44,8 -2,0 2,0 3,0 4,1 % PIB % PIB % PIB -2,0 10,0 1,8 15,6 15,3 16,7 44 -3,0 1,0 0,2 14,7 0,4 -2,8 0,1 5,0 -3,1 0,0 42 43,3 -4,0 2013 2014 2015 2016 -1,0 0,0 -4,1 40 -5,0 -2,0 2013 2014 2015 -1,2 2016 Overall balance (cash basis) Solde budgétaire Financement intérieur Dons et subventions Financement extérieur Recettes non fiscales Central governement Dette publique debt, gross Total Financement Recettes fiscales Recettes totales Composition des recettes publiques (% du PIB) Composition des dépenses publiques (% du PIB) 5,0 25,0 30,0 20,8 4,1 19,7 20,3 24,7 4,0 18,8 25,0 23,1 20,0 3,1 1,7 21,9 21,0 1,5 1,3 1,7 2,4 2,8 2,8 3,5 7,5 3,0 2,4 20,0 6,4 15,0 2,0 6,0 5,7 3,7 % PIB 4,1 % PIB 2,0 3,0 15,0 % PIB 10,0 15,6 1,8 15,3 16,7 1,0 0,2 14,7 0,4 10,0 5,0 0,1 15,9 15,3 16,6 17,3 0,0 5,0 0,0 2013 2014 2015 2016 -1,0 2013 2014 2015 2016 0,0 2013 2014 2015 2016 -2,0 -1,2 Dépenses d'investissement Dons et subventions Recettes non fiscales Dépenses courantes Recettes fiscales Recettes totales Financement intérieur Financement extérieur Dépenses Totales Source : Banque mondiale et FMI Total Financement 30,0 2 Une partie de l’accroissement des dépenses s’explique par l’inclusion d’un certain nombre 24,7 été classées hors-budget les années précédentes. d’opérations qui avaient 25,0 23,1 21,9 21,0 7,5 6 20,0 6,4 6,0 5,7 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 15,0% En ce qui concerne les comptes extérieurs de la Côte d’Ivoire, le déficit de la balance en compte courant est resté autour10,0% de 1 % du PIB 11,0% (graphique 7). Ce déficit a été financé par une combinaison d’investissements 9,9% 5,0% 8,4% directs étrangers, alors que l’aide (nette) officielle et les emprunts extérieurs 1,4% (autres que libellés en FCFA sur le marché régional) sont restés modestes -1,4% à -1,0% -2,0% 0,0% % du PIB cause du resserrement des conditions sur les marchés financiers globaux, -4,3% y compris pour la Côte d’Ivoire. Les flux d’investissements directs -6,1% étrangers -5,0% -7,8% -7,6% ont fortement augmenté de 1,3 % du PIB en 2015 à 2,9 % du PIB en 2016, -6,6% -3,4% traduisant l’engouement des investisseurs internationaux dans les secteurs -10,0% -3,0% -2,8% de la transformation agro-alimentaire et des services de consommation -4,3% (notamment le commerce). Cet engouement reflète aussi un élargissement -15,0% de la base des investisseurs, qui viennent d’horizons de plus en différenciés, y compris d’Asie et d’Afrique du Nord, et plus uniquement -20,0% de France et d’Europe. 2013 2014 2015 2016 Graphique 7: Des comptes extérieurs relativement stables Solde commercial Solde des services Solde revenu Compte courant Un déficit de la balance du compte qui Une forte entrée d’investissements directs augmente faiblement étrangers mais moins d’aide en 2016 15,0% 8,0% 10,0% 6,0% 11,0% 1,2% 9,9% 5,0% 8,4% 4,0% 1,3% 1,4% 2,1% -1,4% -1,0% -2,0% 1,3% 0,0% 2,0% 3,5% 2,9% 1,0% % du PIB -4,3% 2,7% 0,4% % du PIB -6,1% 0,0% 0,6% 0,2% 0,5% 0,1% -5,0% -7,8% -7,6% -1,0% -6,6% -3,4% -2,0% -3,0% -2,8% -2,0% -10,0% -5,5% -4,3% -4,0% -15,0% -6,0% -20,0% 2013 2014 2015 2016 -8,0% 2013 2014 2015 2016 Solde commercial Solde des services Portfolio investment, Investissements en net Official, net Aide (nette) portefeuille Solde revenu Compte courant Other investment, net Autres investissements FDI IDE Source : FMI 8,0% 6,0% 1,2% 4,0% 1,3% 2,1% 1,3% 2,0% 3,5% 2,9% 1,0% 2,7% 0,4% % du PIB 0,0% 0,6% 0,2% 0,5% 0,1% -1,0% -2,0% -5,5% -2,0% 7 -4,0% Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 L’apparente stabilité de la position extérieure de la Côte d’Ivoire masque un ralentissement sensible tant des exportations que des importations pendant les 8 premiers mois de l’année 2016 (tableau 1). Les exportations ont baissé de 13% en valeur au cours des 8 premiers mois de l’année 2016, ce qui renverse la tendance observée depuis la sortie de crise en 2012. Cette chute est surtout expliquée par le comportement des exportations de fèves de cacao et de cacao transformé ainsi que de noix de cajou, qui ont souffert de conditions climatiques défavorables au cours du premier trimestre 2016. Un autre facteur d’explication a été la baisse de 25 % du prix du cacao sur les marchés internationaux entre novembre 2015 et 2016. A titre de rappel, le cacao compte pour environ 35 % des exportations de marchandises de la Côte d’Ivoire, avec une pointe à 50% en 2015 en raison de récoltes exceptionnelles. Au niveau des importations, la tendance est aussi baissière durant les 8 premiers mois de l’année 2016. Contrairement à 2014 où la baisse avait uniquement concerné les importations de biens d’équipements, les biens intermédiaires ont aussi diminué en 2016 (y compris les biens exceptionnels). Cette baisse pourrait traduire un ralentissement de l’activité économique puisqu’il existe une corrélation bien établie entre les importations et le taux de croissance économique au cours du temps. Il est cependant encore trop tôt pour conclure si la baisse récente des importations est temporaire ou va s’inscrire dans la durée. Tableau 1: Les exportations et les importations ont diminué dans les 8 premiers mois de l’année 2016 (taux de croissance annualisé) 2013 2014 2015 2016* EXPORTATIONS 23% 1% 12% -13% Cacao fèves 15% 17% 38% 5% Noix de cajou 12% 176% 2% -7% Pétrole Brut -25% -33% -13% 8% Autres Produits primaires 2% -13% -7% 3% Cacao transformés 15% 19% 23% 5% Produits pétroliers 12% 9% -33% -42% Autres Produits transformés -17% 0% -1% 4% IMPORTATIONS 20% -14% 17% -8% Biens de consommation -2% 11% 14% 6% Biens d'équipements 95% -53% 82% -12% Biens intermédiaires 4% 1% -7% -22% Source : Calculs de la Banque mondiale sur la base des données du Gouvernement (*) Taux de croissance sur les 8 premiers mois de l’année en comparaison de la même période en 2015. 8 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 1.2 Les perspectives de court et moyen termes Les perspectives sont bonnes pour l’économie ivoirienne dans le court et moyen termes. La croissance économique devrait se stabiliser autour de 8 % en se reposant sur les mêmes forces que pendant ces dernières années avec toutefois un glissement progressif vers une croissance qualitative plutôt que quantitative (tableau 2). Ce scénario repose sur l’hypothèse que les prix des matières premières (notamment du cacao et du pétrole) vont se maintenir, que la stabilité politique va perdurer, et que les conditions climatiques vont rester relativement favorables. L’influence de ces chocs sur la trajectoire de l’économie ivoirienne est discutée à la fin de cette section. Tableau 2 : Perspectives macroéconomiques à moyen-terme En pourcentage du PIB sauf indication contraire 2014 2015 2016 2017 (p) 2018 (p) 2019 (p) Croissance du PIB (%) 8.8 8.9 7.9 7.8 7.7 7.5 Inflation (IPC, %) 0,4 1,2 1.0 1.2 2.0 2.0 Solde budgétaire -2,2 -2.9 -4.0 -3.8 -3.5 -3.0 Solde du compte courant -1.4 -1.0 -2.0 -2.8 -2.5 -2.7 Dette publique 44.8 47.8 48.3 48.0 46.8 45.0 Notes : p = prévision. Source : Banque mondiale Le scénario de base prévoit une croissance économique forte qui devrait cependant légèrement s’affaiblir par rapport aux dernières années. Cette légère baisse s’explique par la diminution progressive de l’effet De surcroit, de rattrapage qui avait prévalu depuis la sortie de crise en 2012. Cet effet de l’examen de rattrapage a été visible dans le retour de nombreux investisseurs privés, mais plusieurs aussi dans la mise à disponibilité des sources de financement extérieur ayant indicateurs permis de conduire une politique de dépenses ambitieuse de la part de l’Etat. économiques et La dette publique (en excluant le C2D) a d’ailleurs augmenté de près de 10% financiers qui du PIB entre 2012 et 2016. De surcroit, l’examen de plusieurs indicateurs sont en principe économiques et financiers qui sont en principe fortement corrélés avec la fortement croissance du PIB suggère un ralentissement possible de la croissance dans corrélés avec la les derniers mois de 2016. Par exemple, l’extension du crédit au secteur privé croissance du s’est ralentie ainsi que les importations de biens d’équipements et l’indice du PIB suggère un chiffre d’affaires au sein du secteur des services.3 ralentissement possible de la Le moteur de cette croissance devrait progressivement être tenu croissance dans par le secteur privé, à la vue des engagements gouvernementaux, les derniers notamment dans le récent programme avec le FMI, qui sont de mois de 2016. réduire le déficit public et de maintenir le niveau de la dette publique au cours des prochaines années.4 Les secteurs porteurs devaient rester les services modernes, y compris les communications, la banque, et les transports ainsi que les services personnels comme l’éducation et la santé. 3 Voir Ministère des Finances, Note de conjoncture économique, août 2016. 4 Le nouveau programme du FMI a été approuvé le 12 décembre 2016. Il porte sur 3 ans. Pour plus de détails, cf. www.imf.org. 9 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Ces secteurs bénéficient d’une forte demande domestique, portée par la croissance démographique, l’urbanisation et l’enrichissement progressif des ménages. Leur croissance pourrait encore être stimulée par la demande régionale en raison de la position centrale de la Côte d’Ivoire dans l’espace UEMOA. Il faudra aussi que cette croissance espérée au sein des services soit accompagnée par des gains de compétitivité qui permettront une diversification graduelle de l’économie ivoirienne, notamment vers un regain de l’industrialisation. Parce que cette problématique de la diversification est centrale pour la Côte d’Ivoire, elle sera examinée en profondeur dans la prochaine section. En attendant, il convient de souligner que la participation du secteur privé à la croissance économique devrait aussi se manifester à travers Ces projets le programme ambitieux de partenariats privés-publics (PPP). Le Plan incluent un National de Développement a identifié plus de 100 partenariats potentiels, métro à Abidjan, dont une vingtaine sont déjà en état de préparation avancée. Ces projets des usines incluent un métro à Abidjan, des usines électriques, et d’autres infrastructures électriques, mais aussi des partenariats dans la santé, l’éducation et la transformation et d’autres agro-alimentaire. infrastructures Au niveau de la politique budgétaire, comme mentionné auparavant, mais aussi des l’objectif du gouvernement ivoirien est de graduellement converger partenariats vers les critères accordés au sein de l’espace de l’UEMOA, notamment dans la santé, un déficit budgétaire qui ne devrait pas dépasser 3 % du PIB en l’éducation et la 2019. Pour cela les autorités misent sur la hausse progressive des revenus transformation domestiques grâce à une plus grande efficacité de leur administration fiscale agro-alimentaire. qui ne fonctionne pas encore à plein régime. Cette stratégie suppose aussi un contrôle des dépenses de fonctionnement, notamment de la masse salariale qui devrait se réduire de 0.5-0.8% du PIB sur la période 2016-19 pour ainsi laisser un espace suffisant aux dépenses d’investissements et aux programmes de couverture sociale comme l’accès à l’éducation pour tous et les soins gratuits pour les populations indigentes. En parallèle, la dette publique devrait se réduire autour de 45% du PIB à l’horizon 2019. En ce qui concerne les comptes externes, il existe une certaine incertitude liée au comportement tant des exportations que des importations. En supposant un contexte global relativement stable et porté vers une reprise graduelle de la croissance économique (en ligne avec les prévisions de la Banque mondiale et du FMI), les flux commerciaux en provenance et en direction de la Côte d’Ivoire devraient sensiblement augmenter au cours des prochaines années. Les exportations devraient répondre favorablement aux efforts de diversification des chaines agro- alimentaires, alors que les importations en biens d’équipement et d’intrants devraient suivre le rythme de la demande domestique. Le déficit de la balance courante, prévu autour de 2-3 % du PIB, devait être couvert par une combinaison d’investissement directs étrangers, d’aide officielle et d’emprunts non-concessionnels. Un environnement avec des risques multiples Les risques externes et internes, qui pourraient perturber la bonne marche de l’économie ivoirienne, ne sont pas inexistants. Au niveau des risques externes, la Côte d’Ivoire reste tributaire des prix de ses principaux 10 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 produits commerciaux, notamment le cacao et le pétrole, qui pourraient aussi ricocher sur un certain nombre de prix domestiques comme le transport et l’énergie. Une attention particulière devra être donnée au prix du cacao, en baisse de 25 % depuis la fin 2015, car il affecte non seulement les recettes de l’Etat, mais il se répercute aussi sur le prix bord champ à travers la formule utilisée par le Gouvernement. La moindre variation du prix du cacao a une importance considérable pour la Côte d’Ivoire car ce produit constitue environ 1/3 des exportations du pays et touche près de 6 millions de familles. Les perspectives pour 2017 ne semblent pas indiquer un rebond, au contraire une légère baisse de 2 % est anticipée par la Banque mondiale, en raison Une attention de la hausse des stocks de 33 à 38%, et des incertitudes sur la demande.5 particulière A terme, il pourrait être envisagé un scénario pessimiste où le prix du cacao devra être continue de glisser, alors que celui du pétrole augmenterait graduellement au donnée au prix cours du temps. du cacao, en Ensuite, la Côte d’Ivoire est influencée par la croissance économique baisse de 25 au sein de ses principaux partenaires commerciaux. Le ralentissement % depuis la des deux locomotives africaines que sont le Nigéria et l’Afrique du Sud n’est fin 2015, car pas une bonne nouvelle, même si ces deux pays ne comptent que pour une il affecte non part infime du commerce international de la Côte d’Ivoire. Dans le même seulement les ordre d’idée, la recrudescence des risques terroristes pourrait toucher recettes de l’économie nationale ainsi que les tendances protectionnistes qui pourraient l’Etat, mais il se se manifester en Europe et aux USA à la suite du récent referendum (Brexit) répercute aussi et des élections présidentielles. sur le prix bord champ à travers Enfin, le renchérissement prévu du coût des emprunts tant sur la formule les marchés régionaux que globaux pourrait influer sur l’équilibre utilisée par le budgétaire, à travers une hausse du service de la dette. Ce risque n’est gouvernement. pas entièrement maitrisable car il dépend en partie de la politique monétaire américaine. Jusqu’à présent, la Côte d’Ivoire a été relativement épargnée puisque son risque-pays (mesuré par le spread sur le marché secondaire de la dette) est le plus bas du continent africain après la Tanzanie.6 Un resserrement des conditions des crédits par la BCEAO, tel qu’il a commencé à être mis en œuvre en décembre 2016, pourrait aussi renchérir l’endettement au sein de la sous-région. Au-delà des incertitudes liées à l’évolution de l’économie globale, la performance économique reste en partie associée aux conditions climatiques, notamment à travers leurs impacts sur la production agricole. La chute de la production de cacao et des principales cultures de rentes observée lors du premier semestre 2016 a été principalement expliquée par la violence de l’Harmattan. Plusieurs risques internes ne sont pas à écarter. Bien que le climat politique soit apaisé, les enjeux électoraux à venir comme la préparation des élections présidentielles en 2020 peuvent influer sur la conduite de politique économique, notamment dans un contexte où les dépenses publiques devront rester sous contrôle. 5 Banque mondiale, Commodity markets Outlook, Octobre 2016. 6 Source: EMBI. 11 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Dans tous les cas, la marge de manœuvre sera certainement étroite au niveau de la politique budgétaire. Les autorités devront maintenir l’équilibre budgétaire, tout en mettant en œuvre leurs programmes de dépenses sociales et en infrastructure. Cela va nécessiter un effort considérable en termes de mobilisation de recettes de manière à éviter le recours excessif à l’endettement, alors que le taux de recouvrement de certains impôts (notamment la TVA) reste faible. Les dépenses en personnel devront diminuer en pourcentage du PIB ce qui nécessitera une politique salariale et d’embauche modeste. En outre, les autorités devront faire preuve de vigilance car les risques de dérapages existent dans un certain nombre des secteurs parapublics susceptible de perturber les finances publiques. Si des efforts ont été produits dans le secteur de l’énergie avec l’adoption d’une nouvelle grille tarifaire pour l’électricité en juillet 2016 et le rééchelonnement de la dette de la société de raffinage, il existe encore des incertitudes sur la politique de redressement poursuivie par les autorités pour plusieurs établissements financiers publics ou sous tutelle de l’Etat. Si ces risques para budgétaires sont relativement bien connus (ils ont déjà fait l’objet d’analyse dans les précédents rapports), le risque associé à la prolifération des partenariats privés-publics a reçu moins d’attention. Pourtant, comme expliqué dans l’encadré ci-dessous, il devient une source de préoccupation. Les risques contingents associés au PPP doivent être bien évalués  Les partenariats privés-publics (PPPs) sont au centre de la stratégie de la Côte d’Ivoire depuis le retour de la stabilité politique. Approximativement 5 à 6 projets d’investissement d’infrastructures ont été menés de cette manière entre 2012 et 2016 (y compris le fameux troisième pont) pour un montant d’environ 5 milliards de dollars US. Pour la période 2016-20, le Gouvernement a identifié près de 100 projets, dont au moins une vingtaine sont bien avancés pour un montant proche de 20 milliards de dollars US. Les PPPs présentent le double avantage de réduire le recours au budget de l’Etat en faisant appel aux capitaux privés et de permettre les transferts technologiques et de compétences qui sont souvent plus importants que dans le secteur public. Or, la participation du secteur privé ne signifie pas qu’il n’y aurait plus de risques pour le budget de l’Etat. Au-delà des limites de capacité technique ou de négociations, le risque pour le budget de l’Etat peut être individuel et/ou systémique. Le risque individuel est celui associé à chaque projet qui doit bien être évalué par les autorités. Il existe un risque commercial ou légal par exemple si l’Etat doit palier aux obligations du partenaire privé en cas de rupture de contrats ou si un revenu minimal est garanti à l’opérateur privé (comme pour le troisième pont à Abidjan). Le risque systémique est celui lié à l’ensemble des projets, qui devient ainsi vulnérable à des chocs exogènes. Il est différent du premier dans le sens où les risques individuels peuvent être faibles mais l’exposition de l’Etat devient importante si le portefeuille de projets atteint une taille considérable. Si le risque associé à chaque projet n’est que de 10% en moyenne, le risque total pourrait néanmoins atteindre 2 milliards de dollars si l’ensemble de projets PPP est de 20 milliards. Le gouvernement ivoirien se doit de mettre en place un système intégré de gestion de risques, qui est encore à l’objet d’études, avec une certaine urgence de manière à mieux contrôler les risques contingents associés aux PPPs existants et à venir. 12 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 1.3 La diversification économique comme l’une des solutions pour favoriser plus de croissance Prémunir la Côte d’Ivoire à l’encontre des risques tant externes qu’internes est essentiel pour le maintien d’une croissance stable et soutenue. En parallèle, il y aussi un besoin pressant de découvrir de nouveaux moteurs de croissance dans la mesure où l’effet de rattrapage qui a prévalu lors de ces dernières années a fort logiquement commencé à s’estomper. Ce double enjeu justifie l’attention donnée à la diversification de l’économie dans le Plan National de Développement pour la période 2016-20.  L’expérience internationale et la théorie économique ont montré que la diversification est utile tant pour accroitre la résilience d’une économie que pour augmenter sa productivité au cours du temps. Une plus grande diversité réduit les risques selon le principe bien connu qu’il vaut mieux ne pas mettre tous les « œufs dans le même panier ». Dans ce sens, A. Deaton a argumenté que la diversification de l’agriculture vers l’industrie est essentielle pour contrer la baisse séculaire des prix relatifs des matières premières par rapport aux produits transformés.7 Au-delà de la gestion des risques, la diversification devient un instrument pour améliorer la qualité de la croissance en promouvant l’innovation technologique et la productivité de la main d’œuvre (Romer, 1990).8 Empiriquement, les économies avec une plus grande diversification, notamment en matière d’exportations, enregistrent de meilleures Si la Côte performances économiques à long terme.9 Une récente étude a calculé d’Ivoire qu’une baisse d’un point dans l’indice de concentration des exportations d’un parvenait à pays africain entraine une augmentation de son taux de croissance d’environ accroitre la 0,3-0,8 %.10 Selon ce calcul, si la Côte d’Ivoire parvenait à accroitre la diversification diversification de ses exportations à la hauteur de celle du Kenya, son taux de de ses croissance pourrait augmenter de 8,5 % dans le long terme. Si elle rejoignait exportations à la performance de l’Afrique du Sud ou du Vietnam, sa croissance pourrait la hauteur de s’accroitre de plus de 10 %. L’enjeu est donc de taille pour la Côte d’Ivoire. celle du Kenya, son taux de La diversification de la Côte d’Ivoire est en marche…. croissance A la vue de l’importance de la diversification dans la stratégie de pourrait développement de la Côte d’Ivoire, il convient de s’interroger si celle- augmenter de ci n’est pas déjà en marche. Il y a au moins deux critères qui indiquent 8,5 % dans le une diversification progressive de l’économie ivoirienne. Premièrement, les long terme. activités économiques ainsi que les emplois se déplacent en provenance de l’agriculture vers l’industrie et les services (graphique 8). Ce déplacement a commencé par une première étape (1960-82) qui correspondait à la vague d’industrialisation alors que la part des services a eu tendance à décliner 7 A. Deaton and G. Laroque, On the Behavior of Commodity Prices, The Review of Economic Studies, Vol. 59, No. 1 (Jan., 1992). 8 Paul M. Romer, Endogenous Growth, Journal of Political Economy, 1990, vol. 98, no. 5. 9 FMI, Regional Economic Outlook, Sub-Saharan Africa Multi-speed Growth, Octobre 2016; Hesse, Heiko (2008), Export diversification and Economic Growth , Working Paper No 21, Commission on Growth and Development of The International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank, 36 pages. Lederman, D. and W. F. Maloney (2007), Trade Structure and Growth, dans Natural Resources: Neither Curse nor Destiny (eds.) D. Lederman and T.N. Srinavasan, Stanford University Press, Palo Alto. 10 L. Hodey, A. Oduro et H. Senazda, Export Diversification and Economic Growth in Sub- Sahara Africa, Journal of African Development, 2015. 13 70,0 Valeur ajoutee, % 54,9 60,0 60,6 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 47,9 2017 42,1 50,0 50,1 40,0 34,8 34,0 30,0 23,7 20,0 durant cette période. La deuxième se manifeste à partir de21,5 étape 15,4 1992 10,0 quand la progression du secteur 20,4 industriel s’est stoppée en faveur de l’essor du secteur des services. La transformation 0,0 de l’économie ivoirienne s’est 1964 1968 1972 1976 1984 1988 1992 1996 2000 2004 2008 2012 1960 1980 accompagnée par une urbanisation progressive du pays (graphique 9). Agriculture Industry Services Graphique 8 : La transformation structurelle Graphique 9 : La force de travail quitte de l’économie ivoirienne en deux étapes l’agriculture et l’urbanisation s’accélère 100% 80 62,6 25,4 90% 50,1 70 64 80% % de la population active 60 % de la population acive 70% 60% 50 50% 44,9 40 40% 30 31,3 30% 22,8 27,6 20 20% 29,7 10% 18,6 10 13,3 9,8 0% 0 2002 2008 2013 2025 Employes Employés Independants Indépendants Agriculteurs Agriculteurs Urbanisation (%) Urbanisation (%) Source : Gouvernement Le deuxième critère qui permet d’avancer que l’économie ivoirienne est en train de se diversifier se trouve dans l’évolution de la composition des exportations du pays. Depuis 1995, le nombre de produits exportés ainsi que celui de marchés destinataires ont augmenté de manière substantielle, si bien qu’aujourd’hui, la Côte d’Ivoire est, après le Sénégal, le pays de l’UEMOA qui reporte l’indice de concentration des exportations le moins élevé (graphique 10). Pourtant, la Côte d’Ivoire (avec un indice de 0.34 en 2014) reste encore éloigné de la diversification atteinte par les pays émergents comme l’Afrique du sud ou le Vietnam et même des autres pays africains à l’instar de l’Ouganda ou le Kenya.11 Si la diversification de l’économie ivoirienne est en marche, celle-ci reste encore partielle sur au moins deux aspects. Contrairement à de nombreux pays émergents, la Côte d’Ivoire n’a pas encore réussi à diversifier son agriculture et à promouvoir l’expansion de son secteur industriel. L’absence de ces deux moteurs mérite une attention particulière car elle pourrait mettre en péril les efforts actuels du Gouvernement. 11 De même le degré de complexité des exportations ivoiriennes reste faible en comparaison des pays émergents. Pour plus de détails, cf. FMI, Fostering Sustainable Economic Growth, in Selected Issues, juin 2016. 14 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Graphique 10 : La diversification des exportations de la Côte d’ivoire en comparaison des autres pays 1,20 Cote d'Ivoire Côte d’Ivoire 300 1,00 250 Nombre de produits 0,80 200 HH Indice 0,60 0,37 150 0,40 100 0,20 50 0,00 0 Chile Nigeria Taiwan Jamaica Kuwait Liberia Tajikistan Bahrain Tunisia Croatia Mexico Suriname France Italy Uzbekistan Azerbaijan Belarus Lesotho Slovakia Kenya Afghanistan Yemen Serbia El Salvador Somalia Rwanda Dominican Republic Estonia Barbados Romania Mozambique Indonesia Macedonia Senegal Burundi Indice de concentration Concentration Index Number of products Nombre de produits Source : UNCTAD Si le poids de l’agriculture dans l’économie ivoirienne a diminué, ce secteur s’est en lui-même très peu diversifié au cours des 25 dernières années (tableau 3). Le poids des cultures traditionnelles (patate douce, manioc, canne à sucre, huile de palme, plantains et cacao) est pratiquement resté inchangé entre 1990 et 2013, comptant pour approximativement ¾ de la production totale. Cela signifie que la production de produits avec une plus En outre, la part haute valeur ajoutée comme les légumes et les fruits n’ont guère progressé des aliments durant cette période. En outre, la part des aliments transformés est restée transformés est autour de 7 % de la production agricole totale entre 1990 et 2013, ce qui restée autour montre le manque de dynamisme des activités de transformation pendant de 7 % de la cette période. production La diversification agricole est certainement une opportunité que la agricole totale Côte d’Ivoire se doit d’exploiter dans les années à venir. Plusieurs pays entre 1990 et agricoles, comme le Kenya et la Thaïlande, ont misé sur cette stratégie pour 2013. accroître leur productivité et ainsi réduire la pauvreté dans leur monde rural. Au Kenya, les cultures traditionnelles représentaient 82 % de la production agricole en 1970 contre seulement 32 % en 2010. Ce glissement reflète le succès de l’horticulture kenyane qui a fait la renommée du pays dans les récentes années. Une stratégie similaire a été poursuivie dans les pays émergents à forte dominance agricole, ce qui leur a permis non seulement d’offrir des opportunités de revenus plus élevés à leurs agriculteurs mais aussi à mieux maîtriser leur exode rural vers les villes. Ce dernier équilibre est une des préoccupations des dirigeants ivoiriens. 15 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Tableau 3 : L’agriculture ivoirienne ne s’est guère diversifiée au cours des 25 dernières années 1990 2013 Total des cultures et aliments transformés (tonnes) 14 131 631 23 643 640 Cultures (% du total) 93% 93 % Patate douce (% des cultures) 24% 26% Manioc (% des cultures) 11% 11% Canne à sucre (% des cultures) 10% 9% Huile de Palme (% des cultures) 10% 8% Plantains (% des cultures) 8% 7% Fèves de cacao (% des cultures) 6% 7% Faible diversification Riz (% des cultures) 5% 9% des produits agricoles Autres (% des cultures) Faible 26% 23% transformation Aliments transformés (% du total) des produits 7% 7% Source : FAO agricoles Après une vague d’industrialisation jusqu’au début des années 90, le poids de l’industrie dans l’économie ivoirienne est resté stagnant. Si ces Cette stagnation est en premier lieu expliquée par la faible compétitivité de contraintes l’économie ivoirienne, souffrant de nombreuses contraintes comme cela est affectent tous capté par l’’indice de compétitivité compilé par le World Economic Forum les secteurs qui plaçait la Côte d’Ivoire au 91ème rang sur 140 pays dans le monde en de l’économie, 2015.12 Les principales contraintes se trouvent dans le manque d’accès aux elles sont plus infrastructure de base (notamment l’ électricité) et aux crédits ainsi que dans pesantes pour la lourdeur de la fiscalité et de nombreuses procédures administratives. Si ces les industries contraintes affectent tous les secteurs de l’économie, elles sont plus pesantes manufacturières pour les industries manufacturières où les marges de profit sont généralement où les marges moins grandes car la concurrence internationale y est plus intense que dans de profit sont les autres secteurs. Le manque de dynamisme du secteur industriel en généralement Côte d’Ivoire est aussi la conséquence de l’évolution mondiale au sein de ce moins secteur qui est devenu plus capitalistique et intense en technologie au cours grandes car la des dernières décennies.13 Si un pays en développement pouvait s’introduire concurrence dans la lutte mondiale grâce à une main d’œuvre plus compétitive, comme internationale y les pays asiatiques dans les années 80 et 90, cela est devenu plus compliqué est plus intense aujourd’hui.14 que dans les Toutefois, l’industrialisation de l’économie ivoirienne doit rester une autres secteurs. priorité. La création d’emplois productifs, notamment dans les villes, va nécessiter l’émergence d’entreprises fortes et concurrentielles. Si certaines 12 World Economic Forum: http://www3.weforum.org/docs/WEF_ACR_2015/Africa_ Competitiveness_Report_2015.pdf 13 Mc Kinsey, Manufacturing the future: The next era of global growth and innovation, novembre 2012. 14 Une des conséquences de cette évolution est que certains pays sont en train de se diversifier en développant leur secteur de services. Cette stratégie a notamment été poursuivie par l’Inde, avec un certain succès. Voir, H. Jacoby et B. Dasgupta, Changing Wage Structure in India in the Post-Reform Era: 1993-2011, World Bank Policy Research Paper, 7426, septembre 2015. 16 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 de ces entreprises peuvent émerger du secteur des services, force est de constater que la plupart des secteurs modernes (banques, communications, transports) n’offrent pas des débouchés énormes en termes d’emplois car ils restent fortement intensifs en technologie et en capital. Il est estimé que ces secteurs comptent pour moins de 5 % de l’emploi en Côte d’Ivoire, alors que le commerce informel compte pour presque 25%. Pour D. Rodrik, l’essor d’un secteur manufacturier reste une des solutions prioritaires pour absorber la rapide croissance de la force de travail et créer des emplois productifs.15 Pour la Côte d’Ivoire, le défi est donc d’identifier les actions qui pourraient aider à rendre son secteur manufacturier concurrentiel sur le plan international voire régional. Ce défi impose une combinaison de mesures transversales sur le climat des affaires et d’actions ciblées basées sur les avantages comparatifs du pays. Bien que le gouvernement ivoirien ait déjà entamé des réformes pour améliorer la compétitivité de son climat des affaires, celles-ci-doivent être accélérées pour que les entreprises manufacturières puissent évoluer dans un cadre propice à leur essor. Il Le Gouvernement est important d’améliorer l’accès au crédit comme cela avait été souligné se doit aussi dans le deuxième rapport sur l’économie ivoirienne.16 L’imposante armada de réduire les de procédures administratives, tant au niveau de la fiscalité, de  l’appareil barrières à judiciaire et régulateur que du marché du travail doit être simplifiée et assouplie l’entrée dans pour abaisser les coûts des entreprises et encourager leur formalisation. les secteurs Le Gouvernement se doit aussi de réduire les barrières à l’entrée dans les prioritaires secteurs prioritaires de manière à encourager la concurrence, qui est elle- de manière à même le meilleur moyen pour promouvoir l’innovation technologique dans le encourager la sens large du terme, ce qui implique l’adoption et l’adaptation de mécanismes concurrence, qui efficients de production et de commercialisation par les entreprises opérant est elle-même le en Côte d’Ivoire. meilleur moyen En parallèle à ces réformes transversales, les autorités ont ciblé pour promouvoir plusieurs sous-secteurs –notamment le cacao et l’anacarde- avec l’innovation l’objectif d’augmenter la part des produits transformés à travers technologique le développement de chaînes de valeurs. Plusieurs actions concrètes sont déjà en place, qui devraient mener à une transformation accrue de ces produits avec des cibles ambitieuses d’ici 2020. Il y aussi un effort de rendre plus attractif le secteur technologique ainsi que celui des services personnels (comme l’éducation et la santé) où le pays peut profiter de sa position stratégique au sein de la sous-région. En plus de ces actions sectorielles, le Gouvernement a adopté une approche visant à promouvoir les investissements dans des lieux stratégiques. L’optimisation de l’espace économique inclut Abidjan, en particulier son port et ses espaces industriels aménagés, mais aussi les villes secondaires comme Bouaké et San Pedro. Au-delà de ces actions ciblées basées sur les avantages comparatifs traditionnels de la Côte d’Ivoire, une politique plus ambitieuse de diversification pourrait être menée. Cette politique devrait être axée sur les exportations car celles-ci permettraient aux entreprises concernées d’atteindre plus facilement les seuils de production nécessaires aux rendements 15 D. Rodrik, The past, the present and the likely future of structural transformation, 2014. 16 Banque mondiale, La course vers l’émergence : Pourquoi la Côte d’Ivoire doit ajuster son système financier, juillet 2016. 17 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 d’échelle, qui sont de plus en plus importants dans l’industrie manufacturière.17 Bien qu’une politique de développement manufacturier axée sur le marché local reste possible, celle-ci est contrainte par le pouvoir d’achat relativement limité d’une grande partie de la population ivoirienne.18 L’orientation vers les exportations permet aussi d’utiliser la concurrence internationale comme un garde-fou à la politique industrielle du Gouvernement, afin d’éviter de soutenir des efforts dans des secteurs qui n’ont pas forcément un avenir dans le long terme. A titre indicatif, trois approches complémentaires sont proposées ci-dessous pour promouvoir les exportations, en particulier manufacturières. La première se base sur la constatation que la croissance des exportations d’un pays est principalement expliquée par l’essor de ce qu’il fait déjà. Selon Brenton-Newfarmer (2007), les pays les plus performants sont ceux capables de maximiser leurs réseaux existants en vendant leurs produits sur plusieurs marchés ou en vendant plusieurs produits sur un même marché.19 A titre d’exemple, la Côte d’Ivoire exportait 2079 produits dans Il s’agirait pour 148 pays en 2014, ce qui pouvait idéalement constituer un total de 307,692 la Côte d’Ivoire combinaisons possibles. Or, la Côte d’Ivoire n’exploitait que 2,3 % de ces de déceler les combinaisons alors qu’un pays comme la Corée est capable de dépasser 40 produits qui sont %. Cette différence suggère une opportunité indéniable pour la Côte d’Ivoire. importés dans Par exemple, il pourrait être envisagé d’exporter des produits alimentaires la sous-région autres que le cacao vers la Hollande –qui est le premier marché commercial et qui pourrait du pays. De même, les produits cosmétiques ivoiriens qui se vendent déjà être produits dans la zone UEMOA et en France pourraient être exportés vers d’autres compétitivement marchés, notamment africains comme le Congo et le Nigéria.20 en Côte d’Ivoire. La deuxième approche, plus connue et intitulée « product-space » ou l’Espace des produits, repose sur l’hypothèse qu’un pays doit se concentrer sur des produits proches de ses avantages comparatifs actuels.22 Le rapport de l’OCDE (2016) a conduit cet exercice qui a permis à ses experts de mettre en avant les opportunités de diversification dans les produits imprimés (livres, brochures), les produits pharmaceutiques et cosmétiques, les véhicules à moteur pour le transport de passagers, et les ouvrages en bois (menuiserie).22 Enfin, la troisième approche est une adaptation de l’approche de la substitution des importations préconisée à la fin des années 50 et 60, mais dans une optique sous régionale et sans une politique volontariste de protection. Il s’agirait pour la Côte d’Ivoire de déceler les produits qui sont importés dans la sous-région et qui pourrait être produits compétitivement en Côte d’Ivoire. L’argument ici est que les exportateurs 17 Le recours à la technologie et aux équipements sophistiqués impose des investissements fixes de plus en plus importants, qui ne peuvent être couverts que par des volumes de production relativement importants. Sinon, l’entreprise se voit obligée de fixer des prix non-compétitifs ou alors de produire à perte. 18 P. Collier, The Bottom Million: why the poorest countries are falling and what can be done about it, Oxford University Press, 2007. 19 P. Brenton and R. Newfarmer: Discovery channel, World Bank working paper, 2007. 20 En 2014, la Côte d’Ivoire a exporté pour environ 5 million US de produits pharmaceutiques, dont environ 90 % en France. 21 Pour une description de cette méthodologie, cf. C. Hidalgo et R. Hausmann, The building blocks of economic complexity, 2009. 22 OCDE, Examen multidimensionnel par pays, Côte d’Ivoire, 2016. 18 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 ivoiriens pourraient profiter de la proximité et des avantages tarifaires qui leur permettraient de réduire leurs coûts de transports et de transactions par rapport à leurs concurrents en dehors de la sous-région. Aujourd’hui les exportations de la Côte d’Ivoire vers les autres pays de la sous-région ne couvrent que 7 % des besoins communautaires. Si la Côte d’Ivoire s’est positionnée comme le pourvoyeur régional de savons et détergents (53 % des importations au sein de l’UEMOA) et de bois de charbon et de bois (38 % des importations), ces deux exemples représentent des exceptions. Pour illustrer le potentiel régional de la Côte d’Ivoire, un simple exercice a été mené dans l’encadré ci-dessous qui pourrait guider la réflexion. Cet exercice est partiel dans le sens qu’il ne capte pas les potentialités vers de nouveaux produits d’exportations mais illustre certaines directions possibles sur la base des exportations actuelles de la Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire comme pourvoyeur de biens et services de la zone UEMOA. En moyenne sur la période 2010-14, les pays de l’UEMOA (en dehors de la Côte d’Ivoire) ont importé des marchandises pour un montant de 20 000 milliards de FCFA par an. Ces importations couvraient une vaste panoplie de produits allant des pâtisseries aux machines optiques en passant par le bois et les huiles végétales. Pour couvrir ces besoins, les exportations de la Côte d’Ivoire ne représentaient que 7% de ce total. La question est donc de déterminer s’il existe des opportunités pour la Côte d’Ivoire de jouer un rôle plus important dans le commerce régional. Pour mieux cerner ces possibilités, trois critères sont retenus : (i) Les produits qui sont importés par les pays de l’UEMOA mais dont les exportations ivoiriennes ne constituent qu’une part infime. Ce critère capte la demande potentielle. (ii) Les produits dont les coûts de transports et de tarifs sont importants, car la proximité de la Côte d’ivoire et son appartenance à l’espace sous-régional permet de les réduire de manière substantielle. Ce critère capte l’avantage comparatif géographique. (iii) Les produits qui sont déjà exportés par la Côte d’Ivoire, y compris en dehors de la zone UEMOA. Ce critère capte la compétitivité apparente du pays. Sur la base de ces trois critères, un certain nombre de produits pourrait représenter des opportunités pour la Côte d’Ivoire. Parmi ceux-ci on peut citer : (i) Caoutchouc et ouvrages en caoutchouc (les exportations ivoiriennes couvrent actuellement 2 % des importations de l’UEMOA) ; (ii) Meubles et literies (3 %) ; (iii) Outils et ustensiles (1,2%) ; (iv) Papiers et cartons (9%) ; (v) Produits céramiques (0.1%) ; (vi) Cycles et autres véhicules terrestres (2%). 19 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 1.4 Le capital humain est un des leviers de la croissance économique Pour réussir la diversification de son économie, la Côte d’Ivoire devra maitriser le développement de son capital humain de manière à mieux l’orienter sur le marché du travail. En effet, la production de produits et de services modernes requiert des compétences qui ne sont pas toutes répandues au sein de la main d’œuvre locale. Cette vérité a été au centre de la réussite des pays émergents qui ont porté très tôt leur attention sur le rôle du capital humain dans leur processus de développement économique. Le rôle du capital humain s’illustre simplement dans sa corrélation La place de la positive et étroite avec le niveau du revenu par habitant à travers Côte d’Ivoire pays dans le monde (graphique 11). Si cette corrélation capte l’influence dans l’indice de de plusieurs facteurs (car la croissance économique est forcément développement multidimensionnelle) elle résiste aux tests économétriques en indiquant que humain proposé les pays les plus riches sont en général ceux qui ont le plus de capital humain, par les Nation- y compris les pays avec de vastes ressources naturelles comme la Norvège et Unies n’est la Malaisie. A l’inverse, les pays les plus pauvres de la planète sont ceux avec guère flatteuse un indicateur de développement humain relativement réduit. La place de la car le pays Côte d’Ivoire dans l’indice de développement humain proposé par les Nation- se trouvait Unies n’est guère flatteuse car le pays se trouvait uniquement au 172ème rang uniquement au sur 188 pays en 2014. De manière plus précise, plusieurs études récentes, 172ème rang dont celle du FMI en 2016 rappellent que le développement humain, avec sur 188 pays en la qualité des institutions et les infrastructures de connectivités, est un des 2014. éléments clés pour qu’un pays puisse réussir sa politique de diversification des exportations.23 Graphique 11 : Le niveau de revenu national est fortement corrélé à l’indice de développement humain, 2014 Source : Nations-Unies 23 FMI, Regional Economic Outlook, Sub-Saharan Africa Multi-speed Growth, octobre 2016. 20 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 L’importance du capital humain pour la Côte d’Ivoire est peut-être encore mieux mise en évidence en examinant son rôle dans le processus de développement économique de la Thaïlande. A titre de rappel, en 1980, la Thaïlande et la Côte d’Ivoire reportaient approximativement le même Thailande niveau de revenu par habitant (environ 3500 USD) et une structure identique 60,0 de leur capital humain (mesurée par le taux de diplômés). En 2010, le taux de 57.3 10,5 diplômés atteignait 60 % en Thaïlande, alors qu’il plafonnait 50,0 à 30 % en36.9 Côte d’Ivoire (graphique 12). Cette progression s’est traduite 40,0 par un revenu par 9,0 19,0 habitant qui est devenu 3,5 fois supérieure en Thaïlande par rapport à celui de 3,9 4,6 30,0 la Côte d’Ivoire. Cet exemple illustre le rôle joué par le développement humain 4,9 9,8 11,5 12,8 dans la réussite de la Thaïlande, même si la causalité entre 20,0 capital humain 6,0 et 3,7 27,8 croissance économique peut aller dans les deux sens. Il 10,0montre 2,8 également 5,2 que 23,2 19,6 19,3 1,4 16,7 si la Côte d’Ivoire a environ 25 ans de retard par rapport à 3,0la 5,4 Thaïlande, 4,2 4,0 7,2 celui-ci 0,0 peut se résorber par une politique volontariste d’améliorer le 1975 système 1980 1985 éducatif 1990 1995 2000 2005 2010 et d’apprentissage. Primaire Seondaire Tertaire Graphique 12 : Les résultats scolaires en Thaïlande et en Côte d’Ivoire, 1975-2010 (% diplômés) Cote d'Ivoire Thailande Thaïlande Côte d’ivoire 60,0 60,0 57.3 10,5 50,0 50,0 36.9 34.6 40,0 40,0 9,0 19,0 3,9 4,6 2,1 30,0 30,0 2,1 9,8 8,1 4,9 11,5 12,8 2,1 6,2 20,0 6,0 4,9 20,0 1,6 3,7 27,8 4,3 10,0 1,4 23,2 2,8 5,2 16,7 19,6 19,3 0,9 24,4 3,0 10,0 1,0 4,2 21,4 4,2 0,8 3,6 18,5 5,4 4,0 7,2 0,7 3,1 13,3 2,6 0,0 5,6 6,8 8,2 4,5 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 0,0 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 Primaire Seondaire Tertaire Primaire Seondaire Tertaire Source : Base de données de Barro et Lee. Note : taux de diplômés pour les individus âgés de plus de 15 ans. Cote d'Ivoire Le rôle60,0 majeur joué par le capital humain dans le développement économique ne saurait surprendre pour les adeptes de la théorie néo- 50,0 classique de la croissance économique. Très tôt, celle-ci a mis en exergue 34.6 l’importance du progrès technologique et des idées comme l’élément moteur 40,0 de la réussite d’un pays à long terme. Les fameux travaux empiriques de R. 2,1 Barro ont confirmé cet argument en montrant que la quantité et la qualité du 30,0 2,1 8,1 capital humain étaient un des principaux, mais pas le seul déterminant de la 2,1 6,2 prospérité 20,0 d’un pays dans le long-terme.4,9 24 La croissance d’un pays est aussi 1,6 dépendante de sa géographie (climat, 4,3 ressources naturelles, et proximité 0,9 24,4 des marchés 10,0 globaux) 0,8 1,0 et 4,2 de la qualité18,5 de 21,4 ses institutions ainsi que de ses 0,7 3,6 3,1 13,3 politiques 2,6économiques. 6,8 8,2 4,5 5,6 0,0 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 24 Voir par exemple, R. Barro et Lee, A New Data Set of Educational Attainment in the World, 1950-2010, NBER Working paper, 15902, Avril 2010. Primaire Seondaire Tertaire 21 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Dans un récent article R. Lucas, prix Nobel d’Economie en 1995, a construit un modèle qui montre que le développement d’un pays est fonction du déplacement de sa main-d’œuvre en provenance du secteur agricole vers les emplois urbains, ce qui incite les ménages à investir davantage dans l’acquisition des compétences (voir encadré). Cet investissement en capital humain permet à son tour d’engendrer des gains de compétitivité et de promouvoir l’innovation et ainsi placer le pays sur une trajectoire de croissance accélérée et soutenue. En effet, l’innovation contribue à la fois à la croissance et à la diversification de l’économie. Les entreprises sont interdépendantes, et les efforts d’innovation de chaque entreprise bénéficient à terme à l’ensemble de l’économie, lorsque les connaissances liées à cette innovation se diffusent, tirant l’économie vers la croissance en améliorant la productivité des entreprises et leur compétitivité. Par ailleurs, l’innovation contribue à la production de nouveaux biens et services ou à l’adoption de nouvelles techniques de production, favorisant ainsi l’émergence de nouveaux secteurs d’activité ainsi que de nouveaux métiers, et donc la diversification économique (processus de destruction créatrice par lequel des entreprises traditionnelles sont progressivement remplacées par des entreprises de plus en plus modernes et de plus en plus productives). Comment réconcilier la transformation structurelle et développement en capital humain ? Selon R. Lucas (2015), le développement économique est un processus endogène où la croissance économique pousse à l'urbanisation, qui elle-même favorise la croissance économique à travers des effets d'agglomération et les investissements en capital humain qui sont supérieurs pour les ménages engagés dans des activités non agricoles. Cette dernière hypothèse est basée sur les travaux de G. Becker qui avaient montré que les ménages mieux lotis économiquement diminuaient leur taux de fertilité et investissaient davantage dans l'éducation de leurs enfants. Le modèle de Lucas permet de réconcilier la double observation empirique que le développement économique d'un pays est intimement associé à une baisse de l'agriculture et à une hausse du stock en capital humain. Il met aussi l'accent sur le rôle central de l'investissement en capital humain dans la transformation structurelle d'un pays, ce qui fait conclure à son auteur que la révolution industrielle doit davantage au progrès de l'éducation que les investissements en capital physique.  Source: R. Lucas, Human Capital and Growth, American Economic Review, 105(5), 2015. Dans ce courant de pensée, l’acquisition de compétences à travers un système éducatif performant devient essentielle. Cette acquisition est nécessaire pour que les travailleurs puissent acquérir un emploi productif et rémunérateur. Le niveau d’éducation est en effet un des déterminants explicatifs les plus robustes du revenu du travail, en Côte d’Ivoire et dans l’ensemble des pays de la planète. Par exemple, l’étude récente de la Banque mondiale sur le marché du travail ivoirien montre que les emplois formels et salariés sont presque exclusivement détenus par des travailleurs avec 22 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 un niveau d’éducation supérieur au primaire.25 A l’inverse, la majorité des travailleurs de l’informel avec un revenu précaire n’ont pas ou peu d’éducation. Bref, pour gagner sa vie il faut être productif, et pour être productif, il faut posséder des compétences qui sont généralement acquises à l’école ou dans des programmes de formation. Il faut non seulement des compétences pour obtenir un bon travail mais celles-ci permettent aussi de promouvoir l’innovation. Une main d’œuvre mieux formée est plus apte à adapter et adopter les nouvelles technologies qui permettront au pays de se lancer sur la route de la En effet, non diversification et du développement. Elle pourra aussi aider à maximiser les seulement effets croisés avec les investissements en capital physique. En effet, non il faut des seulement il faut des travailleurs qualifiés pour faire fonctionner des machines travailleurs ou équipements sophistiqués, mais aussi le rendement de ces travailleurs est qualifiés augmenté avec de meilleures technologies. C’est d’ailleurs dans la force de pour faire ces effets croisés que D. Acemoglu (2001) explique les écarts de productivité fonctionner des (et donc de revenus) entre pays.26 C’est sur cette relation que se doit d’œuvrer machines ou la Côte d’Ivoire. équipements sophistiqués, Le gouvernement ivoirien est conscient de la nécessité de promouvoir mais aussi le les compétences de sa main d’œuvre, qui ne correspondent pas rendement de aujourd’hui aux attentes du pays. Cette ambition se trouve au centre ces travailleurs de la stratégie nationale de développement économique pour les années est augmenté 2016-20. Un effort considérable y est proposé pour améliorer la performance avec de du système éducatif, notamment en y consacrant une part importante et meilleures croissante du budget de l’Etat. Est-ce que cet effort sera suffisant ? Comment technologies. améliorer l’efficience du système éducatif de manière à ce que chaque franc investi puisse amener le maximum de résultats ? Quelles sont les leçons de l’expérience internationale qui pourraient inspirer la Côte d’Ivoire ? Autant de questions qui justifient l’attention donnée au secteur de l’éducation dans la deuxième partie de ce rapport.  25 Banque mondiale, Toward better employment and productive inclusion of the poor in Côte d’Ivoire, 2016. 26 D. Acemoglu et. F. Zillibotti, Productivity Differences, Quarterly Journal of Economics, 2001. 23 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 24 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 PARTIE 2 : LE SYSTÈME ÉDUCATIF IVOIRIEN FACE AU DÉFI DE L’ÉMERGENCE 1. Après une décade de crise, le système éducatif ivoirien est en train de remonter la pente, mais sa performance reste encore aujourd’hui en deçà de celle reportée dans de nombreux pays africains. En outre, cette performance est fort éloignée de celle des pays émergents puisque la Côte d’Ivoire reporte environ 25 ans de retard par rapport à la Thaïlande. 2. Si l’éducation est au centre du Plan National de Développement pour les années à venir et des ressources supplémentaires sont programmées en direction de ce secteur, le Gouvernement se doit d’accélérer les réformes pour que le pays atteigne les résultats scolaires qui lui seront nécessaires pour accéder à l’émergence. 3. Au centre de ces réformes se trouve le besoin de promouvoir l’efficience de la dépense publique, qui reste deux fois moindre que la moyenne en Afrique, en améliorant la performance du corps enseignant, en revisitant les mécanismes de subventions aux écoles privées et en augmentant les dépenses en équipement, tout en réduisant les frais administratifs. 4. Si plusieurs pistes de réformes sont suggérées, inspirées de l’expérience internationale, une étape indispensable est de mettre en place un nouveau contrat social où toutes les parties prenantes vont œuvrer pour la réussite scolaire de tous les enfants de la Côte d’Ivoire. Après cinq années de forte expansion économique, la Côte d’Ivoire se doit de pérenniser sa croissance. La diversification de l’économie est devenue le nouveau chantier du Gouvernement comme cela est expliqué dans son Plan National de Développement pour les années 2016-20. A juste titre, la diversification peut non seulement prémunir le pays contre les chocs exogènes, mais aussi apporter un nouveau souffle de croissance en créant à la fois plus de valeur ajoutée et d’emplois dans les années à venir. La précédente partie avait conclu que le défi de la diversification est avant tout celui de l’acquisition des compétences. Les pays les plus prospères sont ceux qui ont réussi leur diversification grâce au développement d’une main d’œuvre compétente et capable d’incorporer et de diffuser le progrès technologique au cours du temps. Par conséquent, le défi majeur de la Côte d’Ivoire est celui de promouvoir de nouvelles compétences, ce qui passe nécessairement par la mise en place d’un système éducatif et d’apprentissage efficient. Si l’acquisition de compétences est le résultat de multiples facteurs économiques et socio-politiques, il est généralement accepté que la performance du système éducatif et d’apprentissage est un facteur déterminant. Celui-ci doit non seulement offrir les opportunités pour que le maximum d’enfants et de jeunes puissent aller à l’école, mais aussi qu’ils acquièrent les connaissances dont ils auront besoin lors de leur vie d’adulte, notamment sur le marché du travail.27 27 Pour un cadre de références et une discussion sur le lien entre l’acquisition de compétence et le système éducatif, cf. P. Glewwe et M. Kremer, Schools, Teachers, and Education Outcomes in Developping Countries, Handbook on the Economics of Education, 2006. 25 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Cette deuxième partie commence par rappeler l’effort actuel entrepris par les autorités ivoiriennes pour mettre à niveau leur système éducatif. Or, malgré des progrès, la performance de la Côte d’Ivoire en 2015 demeure en deçà de celle obtenue par la plupart des pays africains, y compris de la sous-région. Si le pays veut réaliser ses ambitions et rejoindre le groupe des pays émergents, une accélération des réformes au sein du système éducatif sera nécessaire dans les prochaines années. Ces réformes devront porter sur plusieurs plans, en fonction du caractère multidimensionnel du système éducatif qui doit non seulement apporter aux étudiants les compétences en adéquation avec les besoins du marché du Ces réformes travail mais aussi les former aux aléas de la vie. L’accent est mis ici sur devront porter les réformes qui visent à améliorer l’efficience de la dépense publique, à sur plusieurs savoir comment optimiser l’impact associé à chaque franc injecté dans le plans, en fonction système éducatif sur l’espérance moyenne de vie scolaire. Cette efficience du caractère est aujourd’hui faible en Côte d’Ivoire, loin derrière la performance des pays multidimensionnel émergents et même de certains pays africains. Afin de stimuler le débat, du système cette partie conclut en offrant plusieurs pistes de réflexion sur comment éducatif qui doit améliorer l’efficience interne du système éducatif ivoirien et ainsi parvenir à non seulement engendrer une amélioration graduelle des compétences au sein du pays. apporter aux étudiants les 2.1. L’état des lieux : des efforts mais encore des retards… compétences en Après plus de 10 ans de crise multiforme, beaucoup ont parlé adéquation avec d’une génération sacrifiée. En effet, le système éducatif ivoirien n’a pas les besoins du fonctionné à plein régime entre la fin des années 1990 et 2011. Dans plusieurs marché du travail régions, l’insécurité empêchait simplement les enfants de fréquenter l’école. mais aussi les Les revendications politiques et sociales, notamment dans l’enseignement former aux aléas tertiaire, s’étaient traduites par plusieurs années presque entièrement de la vie. blanches. Bref, si la Côte d’Ivoire avait longtemps été considérée comme un des fleurons éducatifs de l’Afrique de l’Ouest, la situation avait bien changé à la fin des années 2000.28 Depuis 2011, le gouvernement ivoirien a produit beaucoup d’efforts pour renverser cette situation. D’abord, il a affecté des ressources budgétaires additionnelles au secteur de l’éducation puisque le budget alloué à ce secteur (en valeur constante) a augmenté de 7,5 % par an depuis 2010 – soit plus de trois fois plus vite que la croissance observée pendant la période 2000-05. Cet effort budgétaire a servi à financer la construction de nouvelles salles de classes (9,291 classes pour le primaire et 3,500 pour le secondaire) et l’embauche de nombreux enseignants (19,995 et 6,167 pour le primaire et le secondaire respectivement). En 2015, l’Etat ivoirien consacrait environ ¼ de son budget ou presque 5 % de son PIB à l’éducation. Ce dernier taux se compare avantageusement avec la majorité des pays africains, même s’il n’est pas encore au niveau de ceux reportés par le Vietnam, par exemple. La comparaison est moins favorable lorsque les dépenses sont ajustées par le nombre d’élèves puisque 28 Au cours des années 50, la Côte d’Ivoire faisait partie de ce qui était appelé alors «  les colonies de haute participation » en termes de scolarisation, avec un taux de scolarisation de 26% contre 8% au Soudan et 3,4% au Niger. En 1958, le pays comptait un lycée classique, une école Normale, quatre collèges modernes dont un réservé aux de filles, 17 cours normaux et complémentaires, un collège technique et quatre centres d’apprentissages. 26 5,00 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 4,00 % of PIB 3,00 le montant de dépenses par élève au niveau primaire était2,00environ égal à 413 USD (PPP, valeur constante) en Côte d’Ivoire alors qu’il dépassait 900 dollars 1,00 au Cap-Vert et atteignait 1200 Us dollars au Vietnam et à l’Ile Maurice. Si le gouvernement ivoirien dépense comparativement beaucoup 0,00 sur son secteur éducatif, cela correspond en partie à la structure démographique du pays Vietnam Tanzania India Mauritius Benin Cabo Verde Burundi Togo Cote d'Ivoire Burkina Faso Uganda Madagascar Gabon Chad Congo, Dem. Rep. Mali avec une grande proportion de jeunes en âge de fréquenter l’école. Graphique 13: La Côte d’Ivoire consacre une part importante de son PIB à l’éducation mais le niveau d’espérance de vie scolaire reste faible 7,00 16,0 6,00 14,0 12,0 Esperance de vie scolaire 5,00 10,0 4,00 % of PIB 8,0 3,00 6,0 4,0 2,00 2,0 1,00 0,0 Tanzania East Asia & Pacific India Mauritius Thailande Benin Cabo Verde Togo Burundi Cote d'Ivoire Madagascar Sub-Saharan Africa Burkina Faso Uganda Gabon Congo, Dem. Rep. Chad Mali 0,00 Vietnam Tanzania India Mauritius Benin Togo Cabo Verde Burundi Cote d'Ivoire Burkina Faso Uganda Madagascar Gabon Chad Congo, Dem. Rep. Mali Source : Banque mondiale 16,0 En plus des efforts financiers, l’Etat a entrepris la mise en œuvre 14,0 de nombreuses réformes visant à améliorer les performances du système 12,0 éducatif. L’année 2015 a ainsi été marquée par la création du Esperance de vie scolaire Comité 10,0 Interministériel de Coordination du Secteur Education/Formation et de la cellule technique de coordination et de suivi des politiques et plans 8,0 stratégiques du secteur éducation/formation (Task Force), qui doivent jouer 6,0 important à travers la coordination sectorielle. Par ailleurs, le secteur un rôle doté de capacités accrues d’évaluation de ses politiques et résultats, à s’est 4,0 travers le renforcement de l’Inspection Générale de l’Education Nationale, 2,0 en consacrant de plus en plus de ressources aux activités d’évaluation des apprentissages. 0,0 Sur un plan plus directement lié à la qualité, le Ministère Tanzania East Asia & Pacific India Mauritius Benin Thailande Togo Cabo Verde Burundi Cote d'Ivoire Madagascar Uganda Sub-Saharan Africa Burkina Faso Gabon Congo, Dem. Rep. Chad Mali de l’Education Nationale met en œuvre la réforme des Centres d’Animation et de Formation Pédagogiques, à travers une amélioration des référentiels de formation, un renforcement de leur gouvernance. Dans l’enseignement supérieur, la mise en place des contrats de performances est une innovation majeure. Conduite jusqu’au bout, elle peut avoir un impact positif et significatif pour l’employabilité des formés. La volonté des autorités publiques à améliorer le système éducatif s’est accompagnée par l’essor des écoles privées. Celles-ci ont proliféré en milieu urbain, en raison de perspectives de rendement dans des marchés captifs et de croissance économique retrouvée. Elles ont aussi aidé à pallier le 27 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 déficit d’écoles publiques, notamment au niveau de l’enseignement secondaire, en recevant de nombreux élèves et en bénéficiant d’une part non–négligeable de subventions publiques (plus de détails sur ce système sont donnés plus en avant dans le texte). Les établissements privés accueillent environ 27 % d’élèves inscrits dans les cycles primaires et secondaires. Leur poids est particulièrement important aux premiers et seconds cycles de l’enseignement secondaire où ils comptent pour 49 et 57 % des effectifs, encore plus pour les derniers cycles ainsi que pour l’éducation post-secondaire. La convention 1992 stipule les standards, régulations et responsabilités des établissements privés. En moyenne, le secteur privé s’est montré plus performant que le secteur public en termes de réussite scolaire, même si des variations importantes sont notées suivant les établissements. Pourtant, en dépit de ces efforts, le système éducatif et d’apprentissage ivoirien restait sous-performant sur de nombreux aspects en 2015. L’espérance de vie scolaire (ajustée par le taux de redoublement) atteignait en moyenne 7,7 ans sur l’ensemble des niveaux d’enseignement, alors qu’elle était égale à 9,7 années en Afrique et 12 ans dans les pays à revenu intermédiaire. Le niveau global de scolarisation des jeunes en Côte d’Ivoire est donc sensiblement inférieur à ce qui est atteint dans les autres pays de la région, étant encore plus éloigné de la référence des pays à revenus intermédiaire. Il est à noter que cette différence persiste même lorsque des facteurs exogènes sont pris en compte dans la comparaison (cf. encadré). L’espérance de vie scolaire en Côte d’ivoire n’est que peu affectée par des facteurs exogènes au système éducatif Mingat et al ont montré que dans le contexte africain, la couverture scolaire est liée en grande partie à des contraintes indépendantes du fonctionnement du système éducatif. Ces contraintes concernent notamment le poids de la population scolarisable par rapport à la population en âge d’assurer le financement du système éducatif (plus les jeunes sont nombreux par rapport aux actifs, moins on peut en scolariser en moyenne), ou la part de la population rurale dans la population totale (moindres économies d’échelles et coûts unitaires de scolarisation plus élevés). La comparaison de l’efficience entre pays n’est pertinente qu’une fois l’influence de ces éléments de contexte contrôlée. Dans le cas de la Côte d’Ivoire, l’espérance de vie scolaire estimée compte tenu de ces deux variables de contexte est de 7,61 ans, pour une valeur observée de 7,68. La proximité entre ces valeurs signifie que ces contraintes exogènes au système éducatif n’expliquent pas la faiblesse relative des scolarisations en Côte d’Ivoire. Source : Mingat Alain et Ndém André Francis, 2013, L’équité un fil rouge des politiques éducatives nationales, Institut de Recherche sur l’Education/UNICEF. Le retard de la Côte d’Ivoire transparait aussi dans d’autres indicateurs de base, comme le taux d’achèvement du primaire qui est égal à 63,1 % contre 72,6 % en Afrique et 92,8 % dans les pays à revenu intermédiaires. A la fin du premier cycle de l’enseignement secondaire, les mêmes écarts subsistent car le taux d’achèvement est de 35,1% en Côte d’ivoire, alors qu’il dépasse 45 % et 75 % en Afrique et dans les pays à revenu intermédiaire. 28 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Il y aussi des différences de performance entre filles et garçons ainsi qu’entre le milieu urbain et rural. Les filles demeurent désavantagées Or, les bien que des progrès majeurs aient été reportés au cours de ces dernières résultats de années, notamment en termes d’inscription au niveau primaire et du premier l’évaluation des cycle secondaire. Par contre, au niveau du second cycle secondaire, il y avait compétences en encore 16 points de pourcentage moins de filles inscrites que de garçons troisième année en 2015. L’écart entre le milieu rural et urbain s’est même empiré pour les du primaire inscriptions après le niveau d’éducation primaire. réalisée en Au-delà de la durée des scolarisations, il est important de juger 2012 montre de la qualité des apprentissages. Or, les résultats de l’évaluation des que la majorité compétences en troisième année du primaire réalisée en 2012 montre que la des élèves majorité des élèves ont un niveau faible ou très faible, aussi bien en français ont un niveau (87 %) qu’en mathématiques (73 %). Il est toutefois important de noter que, faible ou très alors que les scores moyens des élèves des écoles privées se situent à 49 faible, aussi en français et 53 en mathématiques, ceux des élèves des écoles publiques bien en français s’élèvent seulement à 28 et 36 respectivement en français et mathématiques. (87 %) qu’en mathématiques S’agissant des évaluations internationales, les enquêtes PASEC (73 %). permettent à la fois d’analyser l’évolution du niveau moyen de compétence des élèves de l’enseignement primaire, et de comparer le niveau des élèves ivoiriens avec celui des élèves d’autres pays francophones d’Afrique. Dans la dimension temporelle, les résultats des évaluations de 1996 et 2009 montrent une détérioration des acquisitions en fin de primaire. Le score moyen agrégé de français et mathématiques était passé de 45,3 en 1996 à 29,2 en 2009. Les dernières enquêtes PASEC réalisées en 2014 indiquent que la Côte d’Ivoire se rapproche de la moyenne des pays africains francophones en ce qui concerne les résultats en français (score de 517 en Côte d’Ivoire, contre 584 au Sénégal), alors que les résultats en mathématiques sont parmi les plus bas (score de 476 en Côte d’Ivoire, contre 594 au Burundi). Graphique 14: La problématique de la faible qualité de l’enseignement Source : MEN/Direction de la Veille et du Suivi pédagogique et Banque mondiale. 29 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Si l’on considère que le système éducatif a pour rôle, entre autres, de préparer les individus à devenir actifs sur le plan économique grâce aux compétences acquises, alors la question de l’emploi des sortants du système éducatif devient pertinente pour juger de sa performance.29 A nouveau, les résultats sont médiocres puisqu’en 2013 seulement 26,2 % des jeunes ivoiriens âgés de 25 à 34 ans avec un diplôme de fin de second cycle de l’enseignement secondaire, de l’enseignement technique/formation professionnelle ou de l’enseignement supérieur réussissaient à occuper un emploi qualifié sur le marché du travail. A contrario, 73,8 % d’entre eux reportaient être soit au chômage, soit dans un emploi qui est en deçà de leurs qualifications. L’efficacité externe du système éducatif, est donc faible, et l’évolution temporelle montre que sur ce point également, il s’agit d’une caractéristique structurelle du système, sachant qu’en 2002, la même proportion était de 26 %. Il est entendu que la difficulté pour les jeunes diplômés à trouver des emplois qualifiés s’explique aussi par la faible demande des entreprises qui n’est pas nécessairement liée à leur qualification. Tableau 4: Répartition des actifs de 25-34 ans selon la catégorie socio professionnelle et le niveau d’études atteint 2002 2013 Technique et Technique et Secondaire Supérieur Secondaire Supérieur professionnel professionnel Cadre supérieur 2.2% 3.6% 8.9% 2.3% 3.6% 5.3% Cadre moyen 7.8% 9.9% 11.5% 4.3% 0.3% 11.9% Employé qualifié 9.7% 23.7% 11.2% 17.0% 6.5% 13.8% Employé non qualifié 6.0% 6.1% 2.5% 7.6% 9.3% 7.8% Informel non agricole 35.0% 27.0% 26.0% 36.8% 57.1% 35.6% Informel agricole 13.1% 0.9% 2.1% 15.1% 11.7% 6.4% Chômeur 26.2% 28.6% 37.8% 16.9% 11.6% 19.3% Ensemble 100.0% 100.0% 100.0% 100.0% 100.0% 100.0% Source : Banque mondiale. Du point de vue du développement des compétences pour la diversification de l’économie, la Côte d’Ivoire est donc confrontée à des défis qui concernent à la fois la dimension quantitative liée au niveau global de scolarisation des jeunes ivoiriens, et la dimension qualitative liée aux apprentissages des élèves et à leur employabilité, ceci, en dépit du volume important de ressources publiques qui lui est consacré depuis 2011. 29 Il est évident que cette vision est réductrice de la réalité car un système éducatif ne doit pas seulement aider à former et a préparer les étudiants pour le marché du travail mais aussi aux respects des valeurs individuelles et de la société ainsi qu’à l’engagement civique et aux respects des institutions. 30 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 2.2 L’accélération des réformes est nécessaire Les ambitions de la Côte d’Ivoire sont grandes. Pour répondre au défi du développement des compétences, le Plan National de Développement prévoit la mise en œuvre de réformes significatives, comme l’adoption de la Politique de Scolarité Obligatoire pour les jeunes ivoiriens de 6 à 16 ans, pour doter le pays des ressources humaines capables de bâtir une économie émergente en 2020. Selon les estimations du Gouvernement, la mise en œuvre de cette politique nécessitera le recrutement de plus de 8 000 enseignants par an au primaire et au premier cycle du secondaire, ainsi que la construction d’environ 5 000 salles de classes par an dans ces deux niveaux d’enseignement, entre 2015 et 2025. Le Gouvernement a aussi entrepris des réformes qui visent à améliorer le contenu de l’enseignement, afin de mieux l’adapter aux exigences de la vie moderne et des besoins formulés par les entreprises sur le marché du travail. Aujourd’hui, Améliorer la performance du système éducatif est une tâche ce temps qui éminemment complexe car elle dépend de nombreux facteurs qui se est mesuré par trouvent à la fois à l’intérieur et à l’extérieur du système éducatif. l’espérance Par exemple, la croissance démographique ainsi que la capacité de l’Etat à de vie scolaire mobiliser des ressources financières sont des éléments majeurs à prendre est d’environ en compte dans le calcul des besoins financiers du secteur. L’acquisition de 8 ans en Côte compétences est influencée non seulement par la quantité de ressources d’ivoire, alors financières et humaines injectées dans le système éducatif mais aussi par la qu’il dépasse motivation et la formation des enseignants, le contenu du curriculum scolaire, 14 ans dans la participation des élèves et de leurs familles ainsi que le cadre institutionnel les pays et d’évaluation. Bref, il y a une multitude d’éléments à considérer. émergents. Pourtant, un début de réponse peut être donné en portant l’attention sur comment la Côte d’Ivoire pourra garder plus longtemps sa jeunesse au sein de son système scolaire et d’apprentissage. Aujourd’hui, ce temps qui est mesuré par l’espérance de vie scolaire est d’environ 8 ans en Côte d’ivoire, alors qu’il dépasse 14 ans dans les pays émergents.30 En s’intéressant à l’espérance de vie scolaire, l’approche part du principe que l’acquisition des compétences est favorisée si les enfants restent plus longtemps à l’école. Les études empiriques confirment que les résultats aux examens scolaires comme le PISA sont meilleurs dans les pays avec une espérance de vie scolaire plus élevée. 31 Bien entendu cette corrélation n’est pas parfaite et peut varier sensiblement d’un pays à l’autre. Rester plus longtemps à l’école n’est pas forcément une garantie de réussite scolaire et d’acquisition de compétences utiles sur le marché du travail, car il ne faut pas seulement apprendre plus longtemps mais aussi mieux. Dans ce 30 En 2014, l’espérance de vie scolaire est en moyenne de 14 années dans les pays en transition 15,2 ans au Brésil, 13,5 ans au Cap-Vert, 13,8 ans en Chine, 15,6 ans en Hongrie, 15,2 ans à Maurice, 16,4 ans en Turquie. 31 Le choix de l’espérance de vie scolaire comme indicateur dans cette analyse est pertinent pour plusieurs raisons : D’abord de nombreuses études montrent que le temps est un ingrédient essentiel pour le développement des compétences. Par exemple, pour chaque année d’espérance de vie scolaire additionnelle, le score moyen des résultats PISA d’un pays augmente de 17 points pour les maths et 13 points pour la lecture. Ensuite l’espérance de vie scolaire est une moyenne pondérée des taux de scolarisation aux différents niveaux d’enseignement, il est donc indiqué pour rendre compte du niveau global de scolarisation. 31 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 sens, le contenu du programme scolaire prend toute son importance. Une augmentation de l’espérance moyenne de vie scolaire ne permet pas non plus de capter les discriminations de genre ou les disparités entre groupes ainsi qu’à travers les régions. L’objectif pour la Côte d’ivoire serait donc d’accroître son espérance moyenne de vie scolaire de 6 ans d’ici 2025. Pour réaliser cet objectif, le Gouvernement va devoir injecter des ressources budgétaires dont le montant va varier suivant leur efficience. Plus le Gouvernement sera capable d’améliorer l’espérance de vie scolaire pour chaque franc dépensé, moins il devra utiliser de ressources tout en restant égal par ailleurs. Or, de ce point de vue, même si la Côte d’Ivoire est en train de s’améliorer, le pays reste aujourd’hui parmi les moins performants à l’échelle internationale (graphique 15). En effet, la Côte d’Ivoire n’offre que 1,6 années de scolarisation à ses citoyens pour 1 point de pourcentage PIB dépensé, alors que l’efficience moyenne dans un échantillon de 40 pays de niveau de développement comparable est de 2,7 années d’études pour 1 point de pourcentage de PIB dépensé. Graphique 15 : L’efficience du système éducatif ivoirien demeure faible malgré de récents progrès Swaziland Côte d'Ivoire 2002 1,20 Côte d'Ivoire 2007 1,28 Sénégal Mali Côte d'Ivoire 2013 1,52 Côte d'Ivoire 2015 1,55 Malawi Burkina Faso Honduras Ghana Belize Afrique du Sud Rwanda Bhoutan Togo Ukraine Tchad Tunisie Bénin Mauritanie Cap-Vert Moyenne 2,72 Cameroun Ouganda Guinée Colombie Inde Madagascar Guyane Thaïlande Guatemala Indonésie Maurice Bulgarie Albanie Liban Iran Azerbaïdjan Roumanie 0 1 2 3 4 5 6 Source : Calculs de la Banque mondiale. 32 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Trois scénarios peuvent être envisagés pour illustrer l’enjeu : · Le premier scénario suppose que le degré d’efficience du système éducatif va rester le même que celui observé en 2015, à savoir 1,56 d’années de scolarisation par point de pourcentage de PIB dépensé. Dans ces conditions, l’Etat devra injecter au moins 22 281 milliards de FCFA pendant les 10 prochaines années pour atteindre le niveau moyen d’espérance de vie scolaire de 14 ans en 2025. · Le deuxième scénario postule que le degré d’efficience va s’améliorer grâce aux réformes que le Gouvernement a prévu dans sa stratégie nationale. A titre de rappel, ces réformes incluent une optimisation du temps de travail des enseignants et une croissance des salaires moins rapide que celle du PIB par habitant. Selon les prévisions officielles, ces réformes devraient entrainer une hausse progressive de l’efficience de 1,56 années en 2015 jusqu’à 2,49 années de scolarisation par point de pourcentage de PIB dépensé en 2025. Parce ce que le système deviendra graduellement plus effectif, le montant des ressources à injecter sera moindre que dans le premier scénario, pour s’établir à 16 447 milliards de FCFA pendant la période 2015-25. Scénario 1 : Le niveau d’efficience reste identique à celui de 2015 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 Esp. Vie Scolaire (années) 7,68 8,32 8,96 9,61 10,25 10,89 11,53 12,17 12,81 13,45 14,09 Efficience 1,56 1,56 1,56 1,56 1,56 1,56 1,56 1,56 1,56 1,56 1,56 Dép. éduc. en % du PIB 4,94 5,35 5,76 6,17 6,59 7,00 7,41 7,82 8,24 8,65 9,06 PIB (milliards de FCFA) 18 780 20 433 22 231 24 187 26 316 28 631 30 063 31 566 33 144 34 801 36 542 Dép. éduc (milliards de 927 1 093 1 281 1 494 1 733 2 004 2 228 2 470 2 730 3 010 3 311 FCFA) Ressources programmées 927 995 1 067 1 144 1 227 1 315 1 361 1 409 1 458 1 508 1 561 Besoin de financement 0 99 214 350 507 689 867 1 061 1 272 1 502 1 750 Scénario 2 : Le niveau d’efficience augmente selon les prévisions du gouvernement 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 Esp. Vie Scolaire (années) 7,68 8,32 8,96 9,61 10,25 10,89 11,53 12,17 12,81 13,45 14,09 Efficience 1,56 1,68 1,77 1,86 1,95 2,04 2,13 2,22 2,31 2,40 2,49 Dép. éduc. en % du PIB 4,94 4,94 5,06 5,17 5,26 5,34 5,42 5,49 5,55 5,61 5,66 PIB (milliards de FCFA) 18 780 20 433 22 231 24 187 26 316 28 631 30 063 31 566 33 144 34 801 36 542 Dép. éduc (milliards de 927 1 010 1 125 1 250 1 384 1 530 1 629 1 732 1 839 1 952 2 070 FCFA) Ressources programmées 927 995 1 067 1 144 1 227 1 315 1 361 1 409 1 458 1 508 1 561 Besoin de financement 0 15 58 106 157 214 267 323 381 443 509 Scénario 3 : Le niveau d’efficience nécessaire pour atteindre l’émergence 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 Esp. Vie Scolaire (années) 7,68 8,32 8,96 9,61 10,25 10,89 11,53 12,17 12,81 13,45 14,09 Efficience 1,56 1,70 1,84 1,99 2,13 2,28 2,42 2,57 2,71 2,86 3,00 Dép. éduc. en % du PIB 4,94 4,90 4,86 4,83 4,80 4,78 4,76 4,74 4,73 4,71 4,70 PIB (milliards de FCFA) 18 780 20 433 22 231 24 187 26 316 28 631 30 063 31 566 33 144 34 801 36 542 Dép. éduc. (milliards de 927 1 000 1 080 1 168 1 264 1 369 1 431 1 497 1 566 1 640 1 717 FCFA) Ressources prgrammées 927 995 1 067 1 144 1 227 1 315 1 361 1 409 1 458 1 508 1 561 Besoin de financement 0 6 14 24 37 53 70 88 109 131 156 33 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 · Le troisième scénario se veut résolument optimiste en supposant que les autorités vont accélérer les réformes, ce qui va mener à une croissance plus rapide du degré d’efficience pour le porter à 3 années de scolarisation par point de PIB dépensé en 2025. Cette amélioration permet d’estimer les besoins en termes de financement, qui devraient se situer autour de 14 660 milliards de FCFA pour les 10 prochaines années. Ces trois scénarios, volontairement simplistes, illustrent que les ressources budgétaires programmées par le Gouvernement ne seront pas suffisantes, si le degré d’efficience dans leur utilisation ne s’améliore pas significativement dans le proche avenir. Dans le premier et second scénario, l’écart de financement serait équivalent à 8 310 milliards de FCFA et 2400 milliards de FCFA respectivement. Afin de combler cet écart, l’efficience de la dépense devra doubler entre 2015 et 2025. C’est cette approche qu’a résolument poursuivi un pays comme le Cap- Vert, qui en dépensant approximativement le même montant (par rapport au PIB) que la Côte d’Ivoire, est parvenu à une espérance moyenne de vie scolaire de près de 3 ans supérieure en 2014 (graphique 16). A contrario, le Ghana est parvenu à améliorer sa performance en allouant des ressources supplémentaires, en partie grâce aux revenus perçus sur le secteur pétrolier. Graphique 16 : Deux options pour augmenter l’espérance de vie scolaire 12 Esperance de vie scolaire, nb. annees Cap-Vert 10 8 Ghana 6 4 Côte d'Ivoire 2 0 0 2 4 6 8 10 12 Depenses, % du PIB Dépenses, % du PIB Source : Banque mondiale 34 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 2.3 Des pistes pour générer des gains d’efficience La Côte d’Ivoire a fait de l’amélioration de la performance de son système éducatif une des priorités de sa stratégie de développement. Malgré des efforts soutenus depuis 2012, le système présente encore des défaillances. Le nombre d’élèves entrant dans le secondaire reste faible, la discrimination contre les filles reste persistante, les salles de classes pas toujours bien équipées, les enseignants parfois mal formés, et le curriculum scolaire inadapté aux besoins du marché du travail. Bien que cet indicateur reste imparfait, les étudiants ivoiriens restent en moyenne moins longtemps à l’école que dans de nombreux autres pays africains, a fortiori par rapport aux pays émergents. Une partie des carences actuelles va être remédiée par l’apport de financement supplémentaire car, sans nul doute, il y aura besoin de La prime à la plus d’enseignants, de salles de classes et de matériel pédagogique qualité sera pour absorber et former tous les nouveaux étudiants qui feront leur aussi coûteuse entrée dans le système scolaire au cours des prochaines années. La car il faudra prime à la qualité sera aussi coûteuse car il faudra financer de nouveaux financer de programmes de formation, adapter les matières d’enseignements et mettre nouveaux en place des systèmes d’évaluations tant des enseignants que des élèves. Si programmes le Gouvernement s’est déjà engagé à augmenter les ressources budgétaires de formation, vers le secteur de l’éducation, les scénarios ci-dessus ont montré que adapter les ces efforts doivent être accompagnés par des réformes visant à accroître matières l’efficience des dépenses qui reste faible en Côte d’Ivoire aujourd’hui. d’enseignements Avant de proposer quelques pistes de réflexion sur comment accroître et mettre en l’efficience du système éducatif ivoirien, il convient de préciser que place des celle-ci est aussi en partie déterminée par le comportement des systèmes familles. Ainsi, les familles les plus démunies doivent composer avec des d’évaluations contraintes financières qui les obligent parfois à retirer leurs enfants des tant des écoles. Ce comportement s’accentue au fur et à mesure du cycle scolaire enseignants que car non seulement les frais de scolarité ont tendance à augmenter, mais des élèves. aussi le coût d’opportunité d’envoyer l’enfant à l’école s’accroît car celui-ci peut devenir actif dans une activité pécuniaire (par exemple travailler aux champs). Il y a aussi des facteurs culturels, qui expliquent notamment la baisse du taux de fréquentation scolaire par les jeunes filles. Tous ces facteurs sont importants mais ne sont pas analysés dans ce rapport. L’attention est ici portée sur les facteurs internes du système scolaire qui contribuent à expliquer la faible efficience du système éducatif ivoirien. Par exemple, le redoublement des élèves engendre des pertes d’efficience considérables. Si, en 2015, les taux de redoublement avaient été de 10 % plutôt que 17 %, 14,8 % et 16,7 % pour l’enseignement primaire, le premier et le second cycle de l’enseignement secondaire, l’Etat aurait pu économiser plus de 50 milliards de FCFA. Toutes ces ressources auraient pu être utilisées vers des mesures visant à augmenter l’espérance de vie scolaire. Ci-dessous sont proposées trois pistes de réflexion, partiellement inspirées par l’expérience internationale, y compris dans d’autres pays africains, qui cherchent à améliorer l’impact des dépenses sur la performance du système scolaire ivoirien. Ces trois pistes partent du 35 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 principe que pour être efficaces, les réformes doivent s’attaquer aux principales catégories de dépenses de l’Etat, à savoir les salaires des enseignants, les subventions versées aux écoles privées, et les dépenses administratives ainsi qu’en équipements. Prises ensemble, ces trois catégories comptent pour plus de 95% des dépenses publiques dans le secteur de l’éducation. Ces trois pistes, même si elles ne sont pas exhaustives, vont aussi au cœur du fonctionnement du système éducatif en Côte d’Ivoire. Il est en Il est en effet difficile d’imaginer un système efficient sans des enseignants motivés et effet difficile performants, des écoles privées efficaces, et un équilibre entre les dépenses d’imaginer administratives et celles en équipements. Si ces trois pistes sont importantes un système prises individuellement, elles sont complémentaires. L’amélioration du corps efficient sans des enseignants passe par une adéquation du matériel scolaire ainsi que des enseignants par un accompagnement administratif. De même, la performance des écoles motivés et privées reste tributaire de la qualité des enseignants et des mécanismes de performants, suivi par l’Etat. des écoles Enfin, ces pistes doivent être interprétées comme des orientations privées pour lancer le débat plutôt que comme des recommandations. D’une efficaces, et un part, la réflexion n’est pas terminée et des analyses supplémentaires devront équilibre entre encore être effectuées. D’autre part, il sera important que les réformes soient les dépenses appropriées par l’ensemble des parties prenantes pour que la réflexion mène administratives à la décision puis à l’action. et celles en équipements. Piste 1 : Améliorer le rendement des enseignants. Aujourd’hui, les enseignants ivoiriens sont comparativement mieux payés que dans tous les pays comparateurs de notre échantillon (Tableau 5). Ils sont aussi plus nombreux puisque la taille des classes y est généralement plus réduite. Au niveau du primaire, les salaires moyens sont ainsi supérieurs de 33,4 % par rapport à la référence moyenne des pays comparateurs, alors que le nombre d’élèves par enseignant est inférieur de 14,3 %. Au niveau du secondaire, les mêmes écarts subsistent, même si la taille des classes au niveau du premier cycle apparaît relativement grande en Côte d’Ivoire.32 En tenant compte du niveau de richesse des pays, on observe que plus les pays sont riches, plus les salaires sont relativement faibles, mais à PIB par habitant à peu près comparable, on voit que les rémunérations en Côte d’Ivoire sont sensiblement plus élevées qu’au Maroc, au Cameroun, en Egypte, et au Cap-Vert (graphique 17). Les enseignants ivoiriens reportent aussi une rémunération qui est 4,5 fois supérieure à celle du revenu moyen par habitant, qui est l’écart le plus grand de notre échantillon. Dans beaucoup d’autres pays, le salaire des enseignants est inférieur à celui de la moyenne nationale. 32 Le salaire moyen des enseignants s’établit respectivement à 8,7 et 9,6 fois le PIB par habitant, pour le premier et le second cycle de l’enseignement secondaire, contre 5 et 6,6 fois le PIB par habitant en moyenne pour les pays les plus efficients. Concernant la taille des personnels, ils sont particulièrement plus nombreux dans le second cycle de l’enseignement général. En effet le nombre d’élèves par enseignant est égal à 17,2 en Côte d’Ivoire contre 30,2 dans les pays de référence. Dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, les enseignants sont moins nombreux en Côte d’Ivoire, avec 49,4 élèves par enseignants, contre 41,7 élèves par enseignants dans les pays les plus efficients. Toutefois, il est important de noter que le nombre élevé d’enseignants dans le second cycle est lié à un temps de travail particulièrement faible, comparé aux autres pays. Bien que les informations disponibles sur ce point soient plus parcellaires, on note quand même que les enseignants du second cycle de l’enseignement secondaire travaillent en moyenne 10 heures par semaine en Côte d’Ivoire, contre 20 heures par semaine au Gabon et 21 heures au Togo. 36 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Tableau 5 : Une comparaison régionale des éléments des coûts unitaires dans le primaire Salaire Salaire Nombre Nombre Dépense de Dépense moyen moyen des d’élèves d’élèves fonctionnement sociale par Pays Année des non enseignants par par non par élève (PIB/ élève (PIB/ enseignants (PIB/hab.) enseignant enseignant hab.) hab.) (PIB/hab.) Mali 2008 3.78 53.3 3.78 789.5 0.0262 0.00136 Togo 2007 3.90 44.1 7.79 1139.1 0.00649 0 Madagascar 2006 2.93 55.0 4.78 1687.0 0.0153 0.0108 Togo 2011 4.45 43.5     0.0136 0 Gabon 2008 0.876 36.8 1.09 47.6 0.00475 0.00138 Cameroun 2011 2.73 53.2 5.05 343.2 0.0117 0 Tchad 2003 7.20 71.6 5.32 333.0 0.0153 0 Guinée 2005 2.26 47.7 2.84 216.0 0.0259 0 Moyenne 2007 3.62 50.1 4.38 650.8 0.0155 0.00150 Côte 2015 4.83 42.9 6.99 466.4 0.00660 0.000179 d’Ivoire Source : Rapports d’état sur les systèmes éducatifs nationaux (RESENs) Graphique 17: Les salaires des enseignants ivoiriens sont relativement élevés par rapport au niveau de développement du pays 500% Salaire moyen des enseignants du primaire Côte d'Ivoire 450% 400% en % du PIB par habitant Maroc 350% Cameroun 300% Zambie 250% Cap Vert 200% Philippines Jordanie Tunisie Mexique 150% Angola Hongrie Paraguay Turquie Pologne 100% Égypte Congo Pérou Argentine Gabon Chili 50% Sri Lanka Costa Rica Malaisie 0% 0 2000 4000 6000 8000 10000 12000 14000 PIB par habitant, US$ Source : Banque mondiale 37 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 La priorité n’est donc pas forcément vers une réévaluation salariale et un recrutement massif, au-delà des actions déjà envisagées par le Gouvernement au cours des prochaines années. L’action doit plutôt se diriger sur comment accroître l’efficience des enseignants qui est généralement considérée comme le principal déterminant de la réussite scolaire dans les pays tant industrialisés qu’en voie de développement.33 La réponse ne saurait être simple car la performance des enseignants dépend de nombreux paramètres, comme la qualité du curriculum ou du matériel et des équipements. Pourtant, l’expérience internationale suggère quelques priorités dont la première qui serait d’envisager une politique de ressources humaines qui viseraient à mieux motiver les enseignants par des incitations financières et non financières tout en instaurant des contrôles plus efficaces. Il existe une littérature volumineuse à ce sujet, dans la mesure où cette problématique touche autant les pays de l’OCDE que les pays les plus pauvres, qui met en avant que toute tentative de réformes se doit d’être adaptée au contexte.34 Les décideurs politiques en Côte d’Ivoire pourraient utilement s’inspirer de l’expérience réussie dans l’Etat de Pernamuco au Brésil (cf. encadré). Rémunération des enseignants liée à la performance : l’impact du programme d’indemnités à Pernambuco, Brésil À travers le monde, les salaires de l’enseignant sont presque systématiquement déterminés en fonction de leur niveau de formation ou années d’expérience, plutôt que de leur performance. Pourtant, un nombre croissant de recherches montre que ces deux caractéristiques des enseignants ne rendent pas compte de l’efficacité réelle des enseignants dans les classes. Les résultats de recherche montrent étonnamment peu de corrélation avec la capacité des enseignants à faire progresser les apprentissages de leurs élèves. Avec l’abondance des évaluations de compétences des élèves qui offrent des mesures de performances des écoles abondantes et actualisées, un nombre croissant de systèmes éducatifs adoptent des réformes qui lient plus directement la rémunération des enseignants à leur performance Un tel programme a été lancé en 2008 dans l’Etat de Pernambuco situé au Nord Est du Brésil (un des moins performants dans le pays à ce moment-là), sous la forme de bonification des enseignants. En vertu du programme, les écoles publiques fixent des objectifs annuels pour améliorer les scores des élèves aux tests d’évaluation, ainsi que leurs taux de réussite. Cette combinaison en même temps décourage la promotion automatique des enfants dont les apprentissages sont insuffisants, ainsi que les redoublements élevés, qui sont un phénomène courant au Brésil. Le montant du bonus pour chaque école dépend du niveau d’atteinte des objectifs de performance de l’année. Dans les trois premières années du programme, ces bonus ont représenté en moyenne 1 à 2 mois de salaire pour la majorité du personnel des écoles. Les écoles ne parvenant 33 Par exemple, Organisation for Economic Cooperation and Development, Teachers matter: Attracting, developing and retaining effective teachers. Paris: OECD, 2005. 34 Barbara Bruns, Deon Filmer, and Harry Anthony Patrinos, Making Schools Work: New Evidence on Accountability Reforms, The World Bank, 2011. 38 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 pas à atteindre au moins 50 % de leurs objectifs ne reçoivent aucun bonus, ce qui permet au programme d’être un plus grand facteur de redevabilité, que la plupart des autres programmes de rémunération basé sur la performance en cours d’expérimentation dans différents Etats au Brésil. Le programme a eu un impact positif : par rapport aux États du nord-est du Brésil et aux écoles des municipalités hors-programme de l’Etat de Pernambuco, les écoles qui ont mis en œuvre ce programme ont vu une augmentation significative dans les apprentissages de leurs élèves au cours des deux années de mise en œuvre. Les écoles avec des objectifs plus ambitieux ont réalisé plus de progrès que les écoles similaires avec des objectifs moins ambitieux. Comme l’a conclu une revue des initiatives de bonus enseignants inclus dans le livre, des choix de conceptions spécifiques, tels que le montant, la prévisibilité et le ciblage du bonus (identification exacte du résultat qui est récompensé et de la manière dont il est mesuré) comptent beaucoup dans le succès de tels programmes. Enfin, il est important de suivre ces programmes au fil du temps, sachant qu’aussi bien les caractéristiques positives que négatives des expériences de rémunération basée sur la performance peuvent évoluer au fil du temps et peuvent affecter de manière importante leurs impacts. Jusqu’à présent, les résultats de l’Etat de Pernambuco ont été encourageants et suggèrent que les indemnités peuvent servir à un stimulus pour améliorer les pratiques dans les classes, ainsi que les apprentissages des élèves. Source: http://blogs.worldbank.org/education/paying-teachers-to-perform-the-impact-of-bonus-pay-in-pernambuco-brazil La deuxième priorité pour le Gouvernement serait de chercher à améliorer l’allocation des enseignants tant au niveau régional qu’entre niveaux d’enseignement. En effet, il existe aujourd’hui une profonde disparité régionale avec une forte concentration des enseignants à Abidjan au détriment des régions les plus pauvres. Ce déséquilibre est accentué par l’allocation des enseignants les plus expérimentés et avec des grades plus élevés au sein de la capitale économique du pays. Il existe aujourd’hui comparativement trop d’enseignants dans le primaire que dans le premier cycle de l’enseignement secondaire, comme cela transparait dans la taille des classes. Une réallocation pourrait donc être bénéfique. Ces ajustements devraient être introduits avec précaution, à l’exemple de ce qui est en train de se faire en Tanzanie et en Ouganda. L’accent est mis sur l’allocation des nouveaux enseignants alors que les affectations existantes ne sont guère modifiées pour minimiser les chocs dans le système. Piste 2  : Rectifier le système de subventions versées aux écoles privées. Chaque année la Côte d’Ivoire engage des ressources publiques non-négligeables en versant des subventions aux écoles privées, près de 90 milliards de FCFA en 2015. La majorité de ces subventions servent à soutenir les établissements privés qui accueillent les élèves qui n’ont pas pu obtenir une place dans le système public à la sortie du primaire. Elles jouent donc un rôle primordial dans la délivrance d’éducation secondaire en Côte d’Ivoire. Le système en place présente toutefois des carences sur au moins trois plans qu’il conviendrait de remédier. Premièrement, les montants de la subvention sont trop bas par rapport aux frais de scolarité, ce qui oblige 39 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 souvent les familles à payer des sommes supplémentaires.35 Ce système défavorise ces familles par rapport à celles dont les enfants fréquentent les établissements publics. La deuxième carence est que le système actuel n’incite pas les établissements privés à améliorer leur performance. En effet, les montants de subventions sont versés indépendamment des résultats scolaires obtenus par les établissements. De plus en plus, il apparait que la distribution des subventions est devenue quasi-automatique d’année en année et ne correspond même plus à la capacité d’absorption du système public. Par exemple, deux régions avec le même nombre d’élèves à placer dans les Les familles établissements privés peuvent reporter des montants de subventions très pourraient différents. Bref, il peut être invoqué que le système est devenu pervers, car il alors décider ne vise plus à améliorer la performance du système éducatif mais à préserver si elles veulent l’existence d’établissements privés pas toujours de qualité. aller dans un La troisième carence est qu’en versant les subventions aux écoles établissement privées, le Gouvernement ne laisse pas de choix aux familles. L’allocation privé et de leurs enfants vers le système public est uniquement déterminée par la réussite recevoir une scolaire, qui est elle-même fortement liée aux revenus de la famille et à leur lieu aide ou alors d’habitat. Ce système pousse donc à la fracture sociale. y renoncer Le Gouvernement est déjà en train de considérer des actions afin de pour s’inscrire rendre ce système de subventions plus efficace. Au risque de simplifier, dans une école il existe deux approches, qui ne sont pas nécessairement contradictoires. publique. La première approche, celle du «  big bang  », consisterait à renverser la logique du système actuel. Plutôt que de verser des subventions aux écoles privées, l’idée serait de supporter financièrement les familles à travers un système d’aide financière directe souvent appelées « vouchers ». Les familles pourraient alors décider si elles veulent aller dans un établissement privé et recevoir une aide ou alors y renoncer pour s’inscrire dans une école publique. En outre, si le choix se fait en faveur de l’école privée, la famille pourrait alors choisir son établissement, instaurant une concurrence saine parmi les établissements qui deviendraient plus motivés à améliorer leur performance au cours du temps. Enfin, le Gouvernement pourrait cibler les familles les plus démunies, et ainsi éviter d’appuyer financièrement celles qui n’en n’ont pas besoin. Plusieurs pays ont mis en place des systèmes de « vouchers », généralement avec succès (cf. encadré). Comment la distribution de bons peut-elle améliorer la performance du système éducatif ? Au fur et à mesure que la demande pour les services éducatifs augmente, les ressources deviennent limitées. Dans la plupart des pays, le Gouvernement est le financier et le pourvoyeur principal de services éducatifs. Pourtant, la couverture scolaire universelle est loin d’être une réalité. Un des moyens pour financier l’éducation est d’appuyer les familles avec une aide financière – à travers le versement d’argent lorsqu’elles enregistrent leurs enfants ou pour acheter du matériel scolaire. Ces versements, généralement sous forme de bons ou « vouchers en anglais » est de 35 Les montants des subventions sont fixés à 120,000 FCFA par élève et par an dans le premier cycle de l’éducation secondaire, 140,000 FCFA pour le second cycle secondaire d’éducation générale et 175,000 CFA pour le niveau technique. 40 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 laisser la décision aux familles de choisir le type d’établissements scolaires qui leur conviendrait le mieux. Le choix de l’éducation à travers la distribution de bons est aussi vu comme une manière d’accroitre la concurrence au sein du système scolaire. Les partisans de cette approche argumentent que cette concurrence entraine des gains d’efficience, dans la mesure où les écoles (publique et privées) vont chercher à s’améliorer pour attirer davantage d’élèves. L’idée est que ces écoles deviennent plus performantes en améliorant leur cursus scolaire et leurs mécanismes d’apprentissage. A l’opposé, les détracteurs avancent que le système de « vouchers » ne garantit pas que les établissements scolaires soient redevables à l’Etat et à ceux qui paient leurs impôts. Ils invoquent le fait que le versement de l’aide n’est pas directement lié à la performance de l’établissement et que ce lien est au mieux indirect. Afin de trancher dans ce débat, il convient de considérer l’évidence empirique comme cela est proposé ci-dessous. Il existe deux types de programmes de « vouchers » : ciblés ou universels. La Colombie a mis en place un programme ciblé. Ce programme pour l’expansion de la couverture des écoles secondaires (PACES) a été inauguré en 1991, avec l’objectif d’offrir l’accès à l’éducation secondaire au tiers de la population la plus pauvre. Ce programme est devenu si populaire que les bénéficiaires des vouchers ont dû être sélectionnés par loterie. Les autorités municipales procureraient 20 % du financement pour le PACES alors que le gouvernent fédéral finançait le reste. Ce programme a été poursuivi jusqu’en 1997, a couvert plus de 125,000 enfants dans 216 municipalités. Le coût unitaire par élève dans les écoles privées sélectionnées était 40 % plus que la norme dans les écoles qui ne participaient pas au programme. Le système de loterie a permis de tester l’impact du programme et de comparer les résultats entre bénéficiaires et non- bénéficiaires. Les principaux résultats ont montré que ceux qui ont reçu des bons ont en général obtenu de meilleurs résultats scolaires et une meilleure éducation. Quand ils sont comparés avec les non-bénéficiaires, les élèves des familles qui ont reçu des bons avaient 6% moins de probabilité de redoubler, reportaient des résultats 0,2 points supérieurs, et avaient 20% plus de chances de réussir aux examens d’entrée au collège. Au Chili, le programme a été universel depuis 1980. Chaque municipalité reçoit un montant d’argent qui sert à financer des bons qui seront distribués aux élèves inscrits dans les écoles. Les municipalités subventionnent aussi des écoles, que les parent peuvent sélectionner. Si les résultats aux tests sont presque similaires, le coût unitaire est inférieur dans les écoles qui sont subventionnées. Les travaux de recherche sur ce programme n’ont pas permis de montrer des bénéfices évidents sur la durée. Les Pays-Bas sont un autre pays qui a utilisé un système de bons. 70 % des élèves enregistrés sont placés dans des établissements financés par le programme du Gouvernement. En moyenne, ces élèves proviennent de familles qui ont tendance à être d’une classe sociale défavorisée par rapport à ceux qui sont inscrits dans des écoles qui ne participent pas aux programmes. Pourtant, leurs résultats scolaires sont meilleurs. L’option pour les familles de participer au programme et de choisir leur école semble procurer des incitations à ces dernières de se perfectionner au cours du temps. Ces exemples illustrent que le système de bons peut aider les pays à améliorer leur système éducatif. Leur succès est en partie lié au contexte. Afin de mieux comprendre comment améliorer ces systèmes, il y a encore besoin d’expérimenter. Heureusement, cette recherche est menée par de nombreux gouvernements, avec le soutien des partenaires au développement, y compris la Banque mondiale. Source: http://blogs.worldbank.org/education/how-do-school-vouchers-help-improve-education-systems 41 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 La deuxième approche serait plus progressive. Il s’agirait de modifier les critères d’allocation des subventions aux écoles privées en les liant, d’une part, aux taux de réussite de leurs élèves aux examens et, d’autre part, en affectant les élèves non seulement en fonction de leur réussite scolaire En liant le mais aussi par rapport à leur situation familiale. En liant le montant des montant des subventions à la réussite de l’établissement, l’Etat va encourager le secteur subventions à privé à devenir plus performant, alors qu’aujourd’hui celui-ci présente en la réussite de moyenne un taux de réussite inférieur à celui du système public. En fait, cette l’établissement, moyenne est trompeuse car il existe une forte variabilité entre établissements l’Etat va privés. Par conséquent, l’idée serait de verser plus de subventions aux écoles encourager le performantes, ce qui éliminerait graduellement les écoles privées en dessous secteur privé des standards ou les pousseraient à s’améliorer. à devenir plus performant, La proposition d’affecter les élèves entre les établissements privés alors et publics en tenant compte de leur situation familiale vise à une qu’aujourd’hui meilleure intégration sociale et à inciter les familles pauvres à garder celui-ci leurs enfants à l’école. Avec ce nouveau système, les familles plus pauvres présente en auraient plus de chances de fréquenter des établissements publics ou des moyenne un écoles qui se trouveraient plus proches du logement familial, étant donné taux de réussite que les frais de transports sont souvent un obstacle majeur à la fréquentation inférieur à celui scolaire. du système Piste 3 : rationaliser les dépenses en personnel non-enseignants public. et en équipements. Le système actuel se caractérise par des dépenses administratives relativement élevées, au détriment de l’achat de matériel et d’équipements scolaires auxquels de faibles montants ont été alloués. Comme pour les enseignants, le personnel non enseignants est relativement mieux payé et plus nombreux (par élève) en Côte d’Ivoire que dans les autres pays (voir tableau 5). Si la Côte d’Ivoire reportait le même nombre de personnel non-enseignant par élève que la moyenne de notre échantillon, le Gouvernement aurait pu économiser environ 42 milliards de FCFA en 2015. Dans le même temps, les dépenses en biens et matériel d’éducation sont fort réduites en Côte d’Ivoire, notamment en comparaison des autres pays. Par exemple, ces dépenses représentent moins de 5 % des dépenses totales alors qu’elles atteignent presque 20 % dans des pays efficients comme le Cap-Vert et la Thaïlande. Dans ces conditions, il n’est guère surprenant de constater que les écoles ivoiriennes sont le plus souvent moins bien équipées que leurs homologues dans les autres pays africains (Graphique 18). Les enfants n’ont aussi pas assez d’ouvrages pour perfectionner leur apprentissage scolaire. 42 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Graphique 18: Les écoles ivoiriennes sont mal équipées et les élèves manquent d’ouvrages scolaires Cote d'Ivoire Côte d’ivoire Afrique sub-Saharenne Afrique sub-Saharienne Cap-Vert Cap-Vert 97,1 92,0 66,6 68,3 48,2 37,7 39,3 31,0 25,1 1,8 2,2 1,0 1,6 2,7 1,0 Nombre d'eleves par Nombre d’élèves par Nombre d'eleve par Nombre d’élèves par Ecoles primaires avec Écoles primaires avec Ecoles primaires avec Écoles primaires avec Ecoles primaires avec Écoles primaires avec livre de lecture livre de mathématiques accès à l’électricité (%) accès à l’eau potable (%) toilettes (%) livre de lecture livre de mathematique acces a l'electricite (%) acces a l'eau potable toilettes (%) (%) Source : Banque mondiale. Cette double comparaison suggère que l’Etat ivoirien pourrait réduire ses frais administratifs tout en réallouant cette économie vers des dépenses accrues en matière d’équipements et de matériels scolaires. Bien entendu cette suggestion requiert une analyse plus approfondie des raisons derrière la hauteur des dépenses administratives pour ensuite chercher à les rationaliser. Cette réflexion apparait urgente à la vue des graves manquements en termes d’infrastructures scolaires, puisque seulement 1/3 des écoles primaires ivoiriennes sont connectées au réseau électrique ou ont accès à des sources d’eau potable. Moins d’un établissement primaire sur deux reporte détenir des toilettes. Force est de constater qu’il restera difficile d’accroitre la performance d’ensemble du système éducatif ivoirien sans une amélioration sensible des équipements. 2.4 Conclusion : un nouveau contrat social En effet, la Côte Réussir le défi d’accroitre les compétences de la force de travail d’Ivoire se doit en Côte d’Ivoire va nécessiter une meilleure performance du d’améliorer système éducatif. Si une augmentation des ressources financières sera l’efficience de indéniablement nécessaire pour embaucher davantage d’enseignants et ses dépenses construire de nouvelles salles de classe ainsi que d’acheter du matériel publiques scolaire, cet engagement pourrait ne pas suffire. En effet, la Côte d’Ivoire se en matière doit d’améliorer l’efficience de ses dépenses publiques en matière d’éducation, d’éducation, à à savoir obtenir plus pour chaque franc dépensé.  savoir obtenir plus pour Ce rapport a proposé plusieurs pistes de réflexion qui vont dans le but chaque franc d’améliorer l’efficience du système et ainsi augmenter l’espérance dépensé.  de vie scolaire, de manière à rapprocher la Côte d’Ivoire des pays émergents. L’attention a été portée en particulier sur la politique en ressources humaines, les subventions aux écoles privées et les dépenses 43 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 administratives et en équipements. Sans revenir sur le détail de ces pistes, il convient de rappeler que ces trois éléments comptent pour plus de 90 % de la dépense publique allouée au secteur de l’éducation et qu’elles s’attaquent donc au cœur du système. L’approche retenue dans ce rapport s’est centrée sur le besoin de retenir plus longtemps la jeunesse ivoirienne au sein du système scolaire. En effet, aujourd’hui, le temps moyen d’espérance scolaire est inférieur à 8 ans, alors qu’il dépasse 14 ans dans les pays émergents. Plus ce temps s’allongera, plus l’acquisition des compétences sera favorisée. Pourtant, si cette condition est nécessaire, elle ne saurait être suffisante car encore faut-il s’assurer que les matières enseignées correspondent aux besoins des entreprises sur le marché du travail. Cette dernière question n’a pas été véritablement abordée dans ce rapport, mais elle est importante. A cet effet les questions de flexibilité de l’offre de formation (pour qu’elle puisse s’adapter aux mutations de l’économie), d’autonomie des centres de formation et de contractualisation pour inciter à la performance en matière d’employabilité, devront probablement faire l’objet de réflexions plus approfondies. Enfin, l’expérience internationale rappelle qu’un contrat social autour de l’acquisition des compétences est un passage obligé car l’éducation est l’affaire de tous. Ce contrat doit inclure autant le corps enseignant que les administrateurs du système éducatif, mais aussi les familles ainsi que les entreprises privées. Toutes ces parties prenantes sont concernées et doivent s’accorder sur la direction à prendre, avec un sentiment d’urgence si la Côte d’ivoire veut réussir son pari du développement de son capital humain et de la diversification. 44 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 ANNEXES STATISTIQUES 45 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Tableau 1 : Principaux Indicateurs Economiques   2012 2013 2014 2015 2016 Comptes Nationaux (% du PIB)         Consommation finale 79.7 76.4 76.0 75.2 74.2 Formation brute du capital 12.8 17.0 18.7 19.9 23.3 Variation de stocks 3.3 3.7 1.0 0.3 -0.6 Solde extérieur 4.2 2.9 4.2 4.7 3.1 Exportations 48.9 41.5 41.3 40.1 36.6 Importations 44.7 38.6 37.0 35.4 33.6 PIB (Coût des facteurs) 89.8 89.8 89.4 89.2 89.1 Agriculture 22.2 21.0 21.2 21.1 19.0 Industrie 24.0 26.0 24.8 25.2 26.7 Service 31.0 30.3 30.9 30.6 31.7 Droits et Taxes net 10.2 10.2 10.6 10.8 10.9 Prix (% glissement annuel moyen) Déflateur du PIB 2.6 3.3 0.8 1.4 2.7 Indice des Prix à la consommation 1.3 2.6 0.4 1.2 1.5 Indicateurs Fiscaux (% du PIB) Recettes totales et dons 19.2 19.7 19.6 21.2 20.7 Dépenses totales 22.3 21.9 21.8 24.2 24.7 Solde primaire -1.2 -0.1 -0.5 -0.4 -1.6 Solde global -3.2 -2.2 -2.2 -3 -4.1 Secteur extérieur Balance commerciale 11.4 9.6 10.3 10.8 8.4 Compte de services (Net) -7.3 -7.3 -7.8 -8.6 -7.6 Autres (Net) -5.4 -4.3 -3.4 -3.8 -1.6 Solde du Compte Courant 0.3 0.3 0.3 0.3 -0.3 Compte de Capital et d'Operations Financières Compte de Capital 0.0 0.0 0.0 0.0 1.1 Investissements Directs Etrangers 1.2 1.3 2.0 2.2 2.9 Investissements de Portefeuille et Autres 0.5 0.6 0.3 0.3 1.1 Memo PIB (prix courant en milliards de FCFA) 13677.0 15446.0 16796.0 18495.0 21102.0 PIB (prix constant 2009 en milliards de FCFA) 12335.5 13479.3 14623.2 16130.4 17440.2 Taux de change (FCFA:US$-moyenne annuelle) 510 494 494 591 587.3 Population (million) 22 22.5 23.1 23.7 24.3 Source : Fonds Monétaire International, Banque mondiale, Institut National de Statistique 46 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Tableau 2 : Compte Nationaux % du PIB 2012 2013 2014 2015e 2016e Prix courant Demande Agrégée Consommation Finale 79.7 76.4 76.0 75.2 74.2 Privée 66.9 63.6 63.0 61.1 60.9 Publique 12.8 12.7 13.0 14.0 13.3 Formation Brute de Capital 12.8 17.0 18.7 19.9 23.3 Privée 7.3 10.6 12.5 13.1 13.8 Publique 5.5 6.3 6.2 6.8 9.5 Variation de Stocks 3.3 3.7 1.0 0.3 -0.6 Solde Extérieur 4.2 2.9 4.2 4.7 3.1 Exportations 48.9 41.5 41.3 40.1 36.6 Importations 44.7 38.6 37.0 35.4 33.6 Facteurs de production PIB au coût des facteurs 89.8 89.8 89.4 89.2 89.1 Agriculture 22.2 21.0 21.2 21.1 19.0 Industrie 24.0 26.0 24.8 25.2 26.7 Services 31.0 30.3 30.9 30.6 31.7 Droits et Taxes Net 10.2 10.2 10.6 10.8 10.9 Prix Réel (base 2009) Demande Agrégée Consommation Finale 81.0 77.2 77.0 76.5 75.7 Privée 68.6 65.4 65.0 63.4 62.9 Publique 12.4 11.8 12.1 13.0 12.8 Formation Brute de Capital 11.5 15.8 16.9 17.9 19.2 Privée 6.4 9.8 11.1 11.6 12.0 Publique 5.1 6.1 5.8 6.4 7.2 Variation de Stocks 3.6 4.7 3.7 3.8 5.4 Solde Extérieur 3.9 2.3 2.3 1.8 -0.3 Exportations 47.2 39.8 38.2 38.5 37.8 Importations 43.3 37.5 35.8 36.7 38.0 Facteurs de production PIB au coût des facteurs Agriculture 19.8 18.8 19.3 19.0 18.4 Industrie 21.1 24.0 22.9 23.5 25.1 Services 36.0 35.3 36.0 36.0 36.2 Droits et Taxes Net 10.9 10.3 10.1 10.1 9.8 Sources : Institut National de Statistique, FMI et Banque mondiale 47 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Tableau 3 : Croissance Réelle par Secteur Glissement annuel (%) 2012 2013 2014 2015 2016 Agriculture 0.3 3.8 11.5 6.8 5.6 Agriculture vivrière, élevage -2.5 1.2 18.7 5.0 12.9 Agriculture d'exportation 4.3 5.7 2.8 10.0 -5.4 Sylviculture 0.6 87.1 0.0 -6.9 2.1 Pêche 18.8 16.5 0.4 3.0 5.2 Industrie 6.1 24.2 3.9 12.5 17.6 Extraction minière -25.8 14.7 -3.0 26.3 19.6 Industries agroalimentaires 28.4 4.1 8.7 3.2 8.2 Energie 155.2 97.9 -6.3 20.0 45.2 Bâtiments et travaux publics 40.5 17.9 15.5 26.1 38.2 Autres industries manufacturières 4.3 21.3 7.9 3.5 13.8 Services 6.8 7.2 9.1 8.3 14.4 Transports et Communication 27.2 8.9 5.9 8.3 11.3 Services -3.2 7.5 10.2 7.8 9.1 Commerce 9.3 5.1 10.8 9.0 15.2 Administration publique 35.1 3.5 7.3 6.4 16.8 Sources : Institut National de Statistique, FMI et Banque mondiale 48 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Tableau 4 : Operations Fiscales %PIB 2012 2013 2014 2015 2016 Recettes totales et dons 19.2 19.7 19.6 21.2 20.7 Recettes totales 18.6 18.4 17.8 19.7 19.1 Recettes Fiscales 16.2 15.6 15.3 16 16.7 Impôts directs 5.3 5 4.4 4.3 4.1 Impôts Indirects 10.9 10.6 10.9 11.7 11.6 Recettes non-fiscales 2.4 2.8 2.5 3.7 2.4 Dons 0.6 1.3 1.8 1.5 1.7 Dépenses Totales 22.3 21.9 21.8 24.2 24.7 Dépenses courantes 17.8 15.9 15.9 17.4 17.3 Salaire et Traitements 6.8 6.7 7 7.2 6.8 Subventions et autres Transferts courants 3 2.1 1.8 2.2 1.7 Autres dépenses courantes 4.2 3.5 3.9 4.4 4.4 Dépenses liées à la crise 0.4 0.5 0.4 0.6 0.5 Service de la Dette 1.7 1.4 1.3 1.6 1.7 Dette intérieure 0.6 0.7 0.7 0.8 0.9 Dette extérieure 1.1 0.6 0.6 0.8 0.7 Dépenses d'investissements 4.5 6 5.9 6.7 7.5 Financées sur ressources intérieures 3.7 4 3.6 4.3 4.4 Financées sur ressources extérieures 0.8 2 2.3 2.5 3 Solde Primaire -1.2 -0.1 -0.5 -0.4 -1.6 Solde Global -3.2 -2.2 -2.2 -3 -4.1 Solde Global (excl. dons) -3.8 -3.5 -4 -4.5 -5.7 Variations des arriérés intérieurs 1.4 0.3 -1 0 -0.1 Solde Global (base caisse) -1.8 -2 -3.2 -3 -4.2 Source : Fonds Monétaire International et Banque mondiale 49 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Tableau 5 : Balance des paiements %PIB 2012 2013 2014 2015 2016 Solde du Compte Courant 0.3 0.3 0.3 0.3 0.3 Solde du Compte Courant (excl. Dons) -0.3 -1.0 -1.5 -1.2 -1.3 Solde Commerciale 11.4 9.6 10.3 10.8 8.3 Exportations (f.o.b) 45.2 38.5 38.6 38.3 33.9 dont Cacao 12.6 12.5 13.6 16.4 14.2 dont produits pétroliers 14.7 11.0 9.2 6.1 5.8 Importations (f.o.b) 33.8 29.0 28.2 27.5 25.4 dont pétrole 10.3 9.4 7.7 4.9 4.2 Services (net) -7.3 -7.3 -7.8 -8.6 -7.6 Revenus primaires (net) -3.4 -2.9 -3.3 -3.5 -2.8 dont intérêt sur la dette publique 1.1 0.6 0.6 0.8 0.8 Revenus Secondaire (net) -1.9 -1.4 0.0 -0.3 0.0 Gouvernement -0.2 0.4 1.8 1.5 1.7 Autres secteurs -1.8 -1.8 -1.8 -1.8 -1.7 Comptes de Capital et d'Operations Financières -1.5 2.4 1.5 1.8 1.7 Compte du Capital 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 Compte des Operations Financières -1.5 2.4 1.5 1.8 1.8 Investissements Directs Etrangers 1.2 1.3 2.0 2.2 3.0 Investissements de portefeuille (net) 0.5 0.6 0.3 0.3 0.1 Autres investissements (net) -3.2 0.6 -0.8 -0.6 -1.3 Officiel, net -1.9 0.5 2.1 3.6 0.7 Prêts projets 0.4 1.4 1.5 1.8 2.1 Autres prêts 0.0 0.0 2.1 3.2 0.0 Amortissement 2.3 0.9 1.4 1.3 1.4 Non-officiel, net -1.3 0.1 -2.9 -4.2 -2.0 Erreurs et omissions 0.0 0.0 0.0 0.0 0.0 Solde Global -2.7 0.4 0.6 0.1 -0.1 Source : Fonds Monétaire International et Banque mondiale Tableau 6 : Inflation, Taux de change et Prix Glissement annuel moyen (%) 2012 2013 2014 2015 2016 Inflation Déflateur du PIB 2.6 3.3 0.8 1.4 1.8 Indice des prix à la consommation 1.3 2.6 0.4 1.2 2.1 Indice hors alimentation 1.8 2.8 1.4 1.0 -0.3 Indice produits alimentaires -0.3 1.9 -2.1 2.0 4.1 Taux de change (CFA:US$) 510 494 494 591 Produits de base sélectionnés Pétrole ($/bbl) 105.0 104.1 96.1 52.4 Cacao ($/kg) 2.4 2.4 3.1 3.1 Café ($/kg) 4.1 3.1 4.4 Caoutchouc ($/kg) 3.2 2.5 1.7     Source : Institut National des Statistiques, Ministère des Finances, Banque mondiale 50 Situation économique en Côte d’Ivoire - 4ème édition - Janvier 2017 Tableau 7 : Taux de Pauvreté   1985 1995 2002 2008 2015 Total 10 32.3 38.4 48.9 46.3 Urbain 5 42 49 62.5 56.8 Rural 15.8 19.4 24.5 29.5 35.9 Source : Ministère du Plan et de Développement, 2015 Tableau 8 : Indicateurs du secteur de l'éducation Indicateurs de scolarisation 2011 2012 2013 2014 2015 Taux Brut de Scolarisation au Préscolaire (%) 3.9 4.7 5.8 6.7 Taux Brut d'accès au primaire (%) 76.6 84.7 85.2 94.4 102.2 Taux d'achèvement du primaire (%) 55.1 56.7 55.9 58.1 63.1 Taux Brut d'Accès au secondaire 1 (%) 33.8 39.4 45.4 55.9 59.9 Taux d'achèvement du secondaire 1 (%) 28.3 31.9 31.6 33.3 35.5 Taux Brut d'Accès au secondaire 2 (%) 19.0 16.2 14.1 18.0 24.2 Taux d'achèvement du secondaire 2 (%) 17.1 19.5 12.7 12.4 16.1 Nombre d'élèves pour 100K habitants ETFP 235 279 390 461 Nombre d'élèves pour 100K habitants Sup 312 380 769 796 Source : Pôle de Dakar, Banque mondiale           Côte Indicateurs de qualité Minimum Maximum d'Ivoire Score PASEC 2014 en début de primaire, français 484.1 435.2 627.7 Score PASEC 2014 en début de primaire, mathématiques 465.9 437.4 605.1 Score PASEC 2014 en fin de primaire, français 517 403.5 548.4 Score PASEC 2014 en fin de primaire, mathématiques 475.7 405.8 593.6 Source : PASEC Indicateurs d'emploi 2002 2013 Proportions de cadres parmi les 25-34 ans qui ont atteint l’enseignement supérieur (%) 20.4 17.2 Proportion d’employés/ouvriers qualifiés ou de cadres parmi les 25-34 ans qui ont 19.6 23.6 atteint le secondaire 2 (%) Proportion d’employés/ouvriers qualifiés ou de cadres parmi les 25-34 ans qui ont fait 37.3 10.4 l’ETFP (%) Source : Calculs à partir de l'ENV 2002 et de l'ENSETE 2013     51 www.banquemondiale.org/cotedivoire