RECOMMANDATIONS VISANT A RENFORCER LE PROGRAMME ANTI-CORRUPTION MALI LA REFORME DU SECTEUR PUBLIC ET RENFORCEMENT DES CAPACITES REGION AFRIQUE BANQUE MONDIALE i TABLE DES MATIÈRES Sigles et abréviations iii Résumé analytique iv I. Généralités 1 II. La corruption : un phénomène préoccupant dans le monde entier 1 III. La Banque mondiale 4 IV. Les coûts économiques de la corruption 5 V. Le contexte économique 6 VI. Le contexte historique des mesures anti-corruption 7 VII. Réformes anti-corruption en cours 8 VIII. La gouvernance au Mali 9 IX. Problèmes et recommandations 12 A) L'économie politique de la corruption 12 B) Marchés publics 21 C) Gestion des finances publiques 31 D) La fonction publique 38 E) Le pouvoir judiciaire 44 X. Conclusion 48 ii Exercice budgétaire 1er juillet ­ 30 juin Équivalences monétaires Monnaie : Franc CFA Taux officiel : 1 dollar = XXX francs CFA(1999) Sigles et abréviations ADEMA Alliance pour la démocratie au Mali BCEAO Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest CAN Coupe d'Afrique des Nations CENI Commission électorale nationale indépendante CF Contrôleur financier CGE Contrôleur général de l'État CMA Coalition mondiale pour l'Afrique CMDT Compagnie malienne pour le développement des textiles COCAN Comité d'organisation de la Coupe d'Afrique des Nations COPOCO Compagnie cotonnière CPAR Rapport analytique sur la passation des marchés DAF Direction administrative et financière DGMP Direction générale des marchés publics DNB Direction nationale du budget DNCF Direction nationale du contrôle financier EDM Électricité du Mali EP Entreprise publique EPIC Etablissement public à caractère industriel et commercial FCFA Franc de la Communauté financière africaine FDI Fonds de développement institutionnel HUICOMA Huilerie cotonnière du Mali IF Inspection des finances ITEMA Industrie textile du Mali MDRE Ministère du développement rural et de l'environnement MSPAS Ministère de la santé publique et des affaires sociales MTTP Ministère des transports et des travaux publics OCDE Organisation de coopération et de développement économiques ONG Organisation non gouvernementale PNUD Programme des Nations Unies pour le développement PSA Programme d'ajustement structurel RDM Rapport sur le développement dans le monde SAP Stratégie d'aide-pays SGS Société générale de surveillance SDV Groupe de transport français SE Société d'État SG Secrétaire général SOTELMA Société de télécommunications du Mali SYNTRUI Syndicat national des transporteurs routiers urbains et interurbains TI Transparency International UNCTRM Union nationale des coopératives de transports routiers du Mali iii RESUME ANALYTIQUE 1. DEMANDE D'ENVOI D'UNE MISSION DE LA BANQUE MONDIALE. À la demande du président Alpha O. Konaré, une mission de la Banque mondiale a séjourné au Mali du 14 mars au 5 avril 1999 dans le but d'évaluer le programme anti-corruption et de proposer les méthodes par lesquelles la Banque mondiale pourrait soutenir les efforts du gouvernement dans la mise au point de son programme anti-corruption. Les délégués de la Banque ont proposé d'apporter leur concours en établissant un diagnostic de la corruption et en suggérant des solutions. Ils ont également examiné la possibilité d'incorporer dans les projets financés par l'IDA une clause interdisant le versement de pots-de-vin, pour limiter la corruption dans la passation des marchés publics. Ils se sont entretenus avec des représentants du gouvernement, des hommes d'affaires, des journalistes et des membres des professions libérales et du corps diplomatique. En juillet 2001, une deuxième mission a été invitée à venir discuter le rapport et à prendre en compte les progrès accomplis par le gouvernement dans l'exécution de son programme anti- corruption. Le présent rapport reflète à la fois le travail de la mission initiale et le suivi effectué par la mission de 2001. 2. LA CORRUPTION : SON DIAGNOSTIC ET SON IMPACT. Selon la définition de la Banque, la corruption désigne l'abus d'une fonction publique pour le profit personnel. Elle peut être le fait de petits fonctionnaires, au traitement généralement peu élevé. En ce cas, il s'agit de « petite » corruption, motivée par la « nécessité ». Lorsqu'elle est le fait de cadres moyens ou supérieurs et des élites au pouvoir, elle constitue la « grande » corruption, fondée sur la « cupidité » et le pouvoir. La corruption, qui a souvent pour point de départ le secteur privé, étranger et national, implique à la fois ceux qui en prennent l'initiative et ceux qui se laissent corrompre. C'est sans doute la conséquence la plus nocive d'une mauvaise gestion économique. Pour porter leurs fruits, les programmes anti-corruption doivent donc s'attaquer aux causes sous-jacentes du mauvais fonctionnement de l'État. Ils nécessitent un programme d'action, fermement soutenu, réduisant les pouvoirs discrétionnaires, éliminant l'impunité et renforçant la transparence dans les affaires publiques. 3. La corruption nuit à l'efficacité économique et à l'équité sociale, car elle détourne les ressources des objectifs de développement économique et social, et prive les citoyens de services, en particulier les pauvres, qui ne peuvent pas payer les pots- de-vin obligatoires. Le coût économique pour l'État des différentes formes de corruption comprend : le vol ou le gaspillage des ressources publiques ; la perte de recettes fiscales par suite de l'évasion fiscale, souvent couverte par les fonctionnaires corrompus ; les frais d'entretien supplémentaires entraînés par la mauvaise qualité des équipements, et l'alourdissement du fardeau de la dette publique, les pots-de-vin et dessous-de-table accroissant le coût des projets. Les coûts économiques de la corruption généralisée sont une perte d'efficacité causée par l'excès des obstacles et des retards administratifs, et la perte d'investissements productifs. Si la corruption peut s'accompagner pendant un temps d'une croissance élevée, il n'en est pas moins vrai que la croissance aurait été plus forte sans la corruption, car l'économie n'aurait pas pâti de ses effets négatifs sur la répartition du revenu. La corruption systémique n'est pas compatible avec des taux élevés de croissance soutenue et la réduction de la pauvreté. Elle fausse l'affectation des ressources, décourage l'investissement étranger, amoindrit la compétitivité sur le plan international et érode la légitimité de l'État et du processus politique. iv L'argument suivant lequel la corruption renforce l'efficacité en réduisant les coûts de transaction méconnaît le fait que la corruption finit par devenir systémique, s'étendant à l'ensemble du pays. 4. Les activités du secteur public où le risque de corruption et son coût sont le plus élevés sont, entre autres, le recouvrement des recettes publiques (y compris les recettes douanières), la gestion des dépenses publiques (y compris la passation des marchés et la fourniture des services publics), les mécanismes de réglementation des affaires (privatisation des entreprises publiques et des sociétés de services publics), le secteur financier, le système judiciaire (absence de contrôle de l'exécution des contrats et du respect des droits), la responsabilité politique (y compris les fonctionnaires et l'armée, souvent nommés pour des raisons politiques ou pour servir des intérêts particuliers), les contre-pouvoirs peu efficaces dans l'administration (y compris les conflits d'intérêt) et le financement des personnalités et des partis politiques. 5. LA CORRUPTION ET LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE. La communauté internationale est de plus en plus préoccupée par l'impact négatif de la corruption sur la croissance économique et sur la lutte contre la pauvreté. Elle n'est pas seulement un problème d'ordre intérieur : les investisseurs et hommes d'affaires étrangers se livrent, eux aussi, à des activités illicites. Pourtant, il est impératif qu'un pays soit fermement résolu à combattre ce fléau lorsqu'il s'attaque à cette entreprise ardue qu'est la réduction de la corruption. Conscientes du fait que la corruption réduit l'épargne intérieure et l'efficacité de l'aide extérieure, les organisations internationales, dont la Banque mondiale, sont toutes disposées à lancer et à soutenir des programmes anti-corruption. 6. LE ROLE DE LA BANQUE DANS LA LUTTE CONTRE LA CORRUPTION. La Banque mondiale considère la bonne gestion des affaires publiques comme une condition préalable à la croissance économique et au développement social, et essentielle au succès d'une campagne de lutte contre la corruption. Elle cherche à renforcer la gouvernance dans le cadre des réformes de politique économique, à l'occasion des programmes d'ajustement structurel, en libéralisant les économies, en les rendant plus compétitives, et en rénovant la fonction publique et en réformant le système judiciaire. Les instruments privilégiés de l'appui au développement des institutions publiques sont les programmes d'ajustement structurel, les crédits sectoriels et les projets d'investissement. La Banque s'efforce depuis longtemps de lutter contre la fraude et la corruption dans ses projets et elle a adopté des procédures de passation des marchés et de décaissement qui visent à minimiser les risques, tant pour les prêteurs que pour les emprunteurs. Si la Banque s'inquiète de la mauvaise gouvernance et la corruption, ce n'est pas seulement parce que cela contrarie sa mission de développement économique et de lutte contre la pauvreté, mais également parce qu'elle a la responsabilité fiduciaire d'utiliser efficacement ses ressources dans les pays emprunteurs. 7. LES BAILLEURS DE FONDS ET LES PROGRAMMES DE GOUVERNANCE. L'amélioration de la gestion des affaires publiques figure en bonne place dans les programmes de réforme des organismes multilatéraux et bilatéraux. Il arrive que le Fonds monétaire international (FMI) entérine des mesures de lutte contre la corruption dans ses programmes ; l'aide accordée dans le cadre de l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) sera liée aux questions de gouvernance. Les bailleurs de fonds bilatéraux, tels que les participants au v Programme spécial d'assistance en faveur des pays d'Afrique subsaharienne (PSA) administré par la Banque mondiale, attribuent aux pays une note basée sur des critères de gouvernance. Transparency International (TI) publie des indices de perception de la corruption reposant sur des enquêtes menées dans quelques 85 pays. La décision prise par le gouvernement malien de lancer une stratégie et un plan d'action pour lutter contre la corruption vient en temps opportun et devrait rencontrer un vif intérêt auprès des bailleurs de fonds. L'envoi d'une mission de la Banque mondiale chargée de formuler des recommandations à l'appui du programme anti-corruption du pays témoigne du désir de la Banque de fournir une assistance technique et analytique aux pays désireux de débarrasser leur société du fléau de la corruption. 8. L'INITIATIVE EN COURS DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION. Le renversement par la violence de la deuxième République et l'instauration de la troisième République en 1991, suivie par l'investiture du président Alpha O. Konaré en 1992, ont abouti à une campagne de réformes dans le secteur public. L'une de ces réformes a été d'imposer au Chef de l'Etat et aux ministres de déclarer leur patrimoine au moment de leur entrée en fonction. Des lois en vigueur depuis 1974 punissaient de peines sévères, pouvant aller jusqu'à la peine de mort (qui n'a jamais été appliquée) ceux qui abuseraient des biens publics pour obtenir des gains illicites. Cependant, sous la troisième République, le tribunal spécial chargé de faire appliquer cette législation a été aboli et ce type d'infraction a été ramené au même niveau que toutes les autres. D'aucuns expliquent la lenteur des réformes de la gouvernance par la contraction économique causée par la surévaluation du taux de change avant 1994 et par la contestation qui a entouré les élections de 1997. Cependant, le gouvernement se rend compte qu'en dépit de son mandat et de sept années au pouvoir, la lutte contre la corruption piétine. 9. L'initiative actuelle résulte de la perception que la corruption est devenue un phénomène endémique et nuisible pour l'économie et pour la confiance des citoyens dans le gouvernement. Cette perception est corroborée par la presse, par un sondage pilote effectué en 1995 sur les services publics ainsi que par les entretiens qu'ont eus les représentants de la Banque avec la société civile : hommes d'affaires, membres des professions libérales, journalistes, universitaires, politiciens et agents de l'État, anciens et présents. Les éléments d'information disponibles montrent que la corruption a envahi le secteur public dans les domaines de la gestion financière, de la passation des marchés, des douanes, de la fonction publique, du système judiciaire et de la vie politique, cela principalement par le biais du financement du parti dominant. Les représentants de la Banque ont constaté que ces secteurs de la société civile, y compris les juristes et les comptables, la presse et les milieux des affaires, subissaient les effets de la corruption. Des envoyés de TI venus en visite au Mali en 1994 ont déclaré que le président Konaré lui-même avait acquis la conviction que l'inaction face à la corruption entraînerait la chute de son gouvernement. 10. En 1995, la Coalition mondiale pour l'Afrique (CMA) a abordé ouvertement le dossier de la corruption et, en 1997, M. Robert McNamara, ancien co-président honoraire de la CMA, a dirigé une mission CMA/TI au Mali. Cette mission avait pour premier objectif d'obtenir un accord au sujet de l'insertion de la clause anti- corruption dans les grands marchés publics. Conformément aux directives de la Banque mondiale relatives à la passation des marchés, il n'est permis de demander aux soumissionnaires intéressés par les projets de la Banque de renoncer à verser vi des pots-de-vin ou à pratiquer la corruption que si le gouvernement a adopté une stratégie satisfaisante de lutte contre la corruption. Cette question sera abordée dans le contexte de la préparation du programme anti-corruption. Durant le second mandat du président Konaré, il a semblé que le gouvernement soutiendrait énergiquement des mesures efficaces de lutte contre la corruption. Le gouvernement venait de sanctionner un haut fonctionnaire pour fraude concernant le monopole d'État des tabacs et était prêt à soutenir la clause anti-corruption. Le président Konaré a exprimé son intérêt pour une vaste stratégie de lutte contre la corruption, y compris des réformes du système judiciaire et du financement des partis politiques. 11. DEMANDE D'ASSISTANCE A LA BANQUE. La décision prise par la Banque de s'attaquer à la corruption en tant que problème de développement a été rendue publique à l'Assemblée annuelle de la Banque mondiale de 1996 et à la réunion des chefs d'État de la CMA en 1997 (le président Konaré est co-président de la CMA). Ces deux réunions ont donné au président Konaré l'occasion de discuter avec la Banque de l'organisation d'une mission pluridisciplinaire de lutte contre la corruption en avril 1999. La Présidence a préparé des commentaires écrits sur le rapport produit par cette mission. Le Président Konaré a ensuite invité la Banque à renvoyer une mission à Bamako en juillet 2001 pour discuter le rapport. Cette mission a discuté avec le Président et les cadres de la Présidence le rapport, les mesures prises par le gouvernement depuis la parution du rapport et les étapes suivantes envisagées. Les discussions ont été menées sous la conduite du Secrétaire Général Adjoint de la Présidence, qui avait assuré auparavant la présidence de la Commission anti-corruption Ad-hoc. 12. LANCEMENT D'UN PROGRAMME ANTI-CORRUPTION. Depuis la visite de la mission initiale à Bamako, le gouvernement s'est engagé dans un programme important de réforme visant à éradiquer la corruption. Les mesures prises jusqu'ici comprennent la création en octobre 1999 d'une Commission anti-corruption Ad-hoc avec pour mandat de réexaminer les rapports d'inspection produits au cours des sept dernières années, rapports qui étaient restés sans suite, suivie, toujours en octobre 1999, de l'annonce par le président Konaré d'un vaste programme anti-corruption comprenant des enquêtes de toutes les directions administratives et financières (DAF) et de tous les services financiers de l'État. Le pouvoir judiciaire et la police ont fait l'objet de réformes de fonds destinées à rehausser leur efficacité en matière de crimes économiques et financiers. Une refonte du code pénal destinée à mieux punir les violations au code de passation des marchés a été opérée en août 20011. Le Gouvernement a l'intention de modifier le Code des marchés publics afin d'obliger toutes les entreprises publiques à se soumettre aux procédures d'appel d'offre sur base de la concurrence pour la passation de leurs marchés, y compris la toute puissante CMDT qui contrôle le secteur cotonnier. 13. Des sanctions ont été prises contre des cadres supérieurs de la fonction publique. Un ancien ministre a été emprisonné, des mesures sont en cours pour lever l'immunité parlementaire de deux cadres du parti au pouvoir. Les directeurs d'entreprises publiques importantes comme la CMDT et la compagnie nationale d'électricité ont été emprisonnés, ainsi que les directeurs des services de pension, 1Loi 01-079 du 20 août 2001, portant révision du Code Pénal. vii des postes et des douanes. Chacun des chapitres du présent rapport détaille le contenu de ces réformes. 14. DEMARCHE DE LA MISSION. L'approche de la mission s'articule selon trois grands axes : limiter les possibilités de corruption, appliquer les sanctions et assurer la transparence. Chacun de ces thèmes est examiné ci-dessous et plus en détail dans le corps du rapport. · Limiter les possibilités. En réduisant le pouvoir discrétionnaire de l'administration, on agit contre la corruption. La mise en oeuvre des programmes de privatisation et de démantèlement des monopoles des entreprises d'État limitera les possibilités de corruption. Une réforme complète des structures de gestion et de comptabilité de plusieurs compagnies, y compris la compagnie cotonnière et l'extraction de l'or, s'impose également. Les tarifs douaniers doivent être simplifiés (dans le contexte des réformes de l'UEMOA) et la concurrence favorisée. Les procédures de passation des marchés publics, bien conçues en soi, doivent être appliquées et accompagnées systématiquement d'audits indépendants. Bien que la passation des marchés représente quelque 2,5 % du PIB, environ la moitié des achats publics financés par le budget de la nation échappent aux règles de passation des marchés. En réduisant le nombre des règles officielles, on limite les possibilités offertes aux fonctionnaires de prélever des rentes à chaque étape du processus d'approbation. · Appliquer les sanctions. Bien que la loi prévoie des sanctions, les représentants de la Banque ont eu connaissance de cas où la malversation n'a pas été sanctionnée. Les rapports du Contrôle général de l'État de la présidence citaient des actes illicites qui n'ont jamais été punis, bien que les rapports aient été remis à la présidence et transmis aux ministères pour qu'ils y donnent la suite voulue. Le Parlement ne reçoit pas ces rapports mais on lui remet un résumé annuel, et il n'a encore jamais pris l'initiative de mener une enquête. La justice est hors de la portée des citoyens ordinaires et les arrêts des tribunaux sont à vendre, souvent avec la complicité des magistrats des deux parties. Le système juridique ne protège pas les droits de propriété du secteur privé. Ni le parquet ni la magistrature n'ont de procédures disciplinaires. · Assurer la transparence. Le Mali a une presse libre qui fait connaître les abus des agents de l'État et de leurs supporteurs du secteur privé, donnant plus de transparence à la conduite du gouvernement. Cependant, il arrive que la presse donne des informations inexactes et agisse de manière irresponsable. Ainsi, il a été annoncé à tort que la mission de la Banque mondiale avait identifié 21 milliardaires maliens, qui auraient prétendument obtenu des rentes du secteur public. La presse s'est aussi rendue coupable d'actes de corruption ou s'est alliée à des groupes d'intérêts, promettant de mieux les traiter moyennant le versement de pots-de-vin. Des journalistes ont créé un réseau de lutte contre la corruption. Ils ont identifié plusieurs activités de recherche de rente et activités illicites dans les secteurs public et privé, y compris au sein de la presse. Il est fréquent que les résultats des enquêtes officielles soient étouffés. Tout contribue à créer l'impression que le gouvernement ne sanctionne pas la pratique de la corruption. Qui plus est, les citoyens se plaignent qu'ils n'ont pas le droit de demander réparation devant les tribunaux ni de contester l'issue des appels d'offres pour les marchés publics. Une plus grande transparence doit viii entourer les affaires publiques, comme le prévoyait la loi de 1998, qui garantissait l'accès des citoyens aux services publics, y compris le droit de prendre connaissance des actes officiels. Cette loi, conçue à l'origine pour rétablir la confiance dans le gouvernement et pour restreindre les possibilités d'action tant des corrupteurs que des corrompus, n'est pas encore entrée en vigueur. 15. Les axes de réflexion de la mission. La mission s'est penchée en particulier sur l'économie politique de la corruption, la passation des marchés publics, la gestion et le contrôle des finances publiques, la réforme de la fonction publique et le système judiciaire. Ses observations, son diagnostic et ses recommandations sont résumés ci-dessous. L'économie politique de la corruption 16. La corruption au Mali est systémique et pernicieuse en raison du système de clientélisme politique, qui fait que les postes officiels sont attribués à ceux qui produisent des rentes pour leur patron, pour le parti politique ou pour eux-mêmes. Les carences des systèmes de contrôle permettent aux agents de l'État de voler des biens et des fonds publics, ou de monnayer l'influence de l'État. Ceux-ci sont d'autant plus encouragés à se servir de leur position à leur propre profit que le secteur privé n'offre guère d'opportunités, que les prestations de retraite sont insuffisantes et que la sécurité de l'emploi est loin d'être assurée pour les fonctionnaires, problèmes répandus dans beaucoup de pays de la région. Les supérieurs, qui disposent d'un pouvoir discrétionnaire substantiel, demandent souvent à leurs subordonnés de commettre des indélicatesses ; les coupables échappent régulièrement aux sanctions. Les nouveaux venus récalcitrants sont contraints de se soumettre au système. 17. Les citoyens et le secteur privé vendent leur soutien politique aux partis en échange de concessions, d'emplois et de possibilités d'obtention de rentes. Les partis ne sont pas animés par des motifs idéologiques et sont composés d'un nombre disproportionné de personnes à la recherche de rentes. Ils s'efforcent d'accaparer les postes dans l'administration et de profiter des projets financés par les bailleurs de fonds pour récompenser leurs membres, leur permettant d'acquérir ressources, postes et le pouvoir d'influer sur les marchés. Seul le parti au pouvoir reçoit l'appui des électeurs et du secteur privé, puisqu'il est le seul à pouvoir offrir quelque chose en échange. Il existe quelques 70 partis politiques, mais seule une poignée d'entre eux est en mesure de mener des campagnes crédibles à l'échelle régionale, et à plus forte raison nationale. 18. Ce système d'incitations qui se renforcent les unes les autres fait qu'il est difficile pour un acteur isolé de modifier les règles du jeu. Les partis et les politiciens qui s'y aventurent risquent de perdre leurs appuis politiques ; les employés de l'État risquent de perdre leur poste ; et les opérateurs économiques privés risquent de ne pas pouvoir concurrencer ceux qui continuent à bénéficier d'un traitement favorable de la part de l'administration. Les partenaires venus du secteur privé contribuent également à perpétuer la corruption. Non seulement la corruption politique sape la légitimité de l'État et de la vie politique, mais en outre elle entraîne une mauvaise affectation des ressources publiques, ressources qui pourraient servir plus efficacement les priorités économiques et sociales, y compris l'investissement étranger nécessaire à la croissance future. ix 19. En raison de ces facteurs, les systèmes de contrôle du Mali se sont affaiblis, les sanctions ne sont pas imposées et différents groupes de la société et du gouvernement se rejettent le blâme sans exercer leur responsabilité. Le manque de transparence et la corruption qui règnent ouvertement dans l'administration ont créé une crise de confiance, l'opinion doutant que le gouvernement ait le désir et le pouvoir de lutter contre la corruption. La révolution de 1991 avait fait naître l'espoir d'une société ouverte, démocratique, et d'une amélioration dans la conduite des affaires de l'État. Aujourd'hui, comme l'a dit une des personnes interrogées par les représentants de la Banque, « s'il y a encore une révolution dans ce pays, ce sera à cause de la corruption. » 20. Recommandations concernant l'économie politique · Appliquer fermement les « Lois sur la transparence dans le financement des partis » et vérifier les déclarations de patrimoine des agents de l'État · Créer à la présidence une commission anti-corruption, supervisée par un conseil représentatif de la société civile. Une pareille commission a été créée en octobre 1999 · Mettre en oeuvre une loi sur la liberté d'accès aux informations publiques · Promouvoir des programmes d'éducation civique menés par les ONG · Surveiller l'efficacité du mécanisme de financement des partis politiques par l'intermédiaire d'une commission indépendante et responsable · Développer et promouvoir au sein de l'administration une stratégie et un programme d'action dirigés par la présidence, soutenus par les parties prenantes, donnant des résultats visibles, crédibles et rapides. 21. Le programme de réformes. Le programme de réformes a déjà traduit sous forme de mesures concrètes plusieurs des recommandations ci-dessous : · La Commission Ad hoc chargée des rapports de contrôle de l'administration, intégrée à la présidence, a été renforcée et transformée en une commission permanente. Elle avait été créée en octobre 1999 avec une équipe multidisciplinaire de sept membres, en tant qu'organe consultatif ayant pour mandat de conseiller le Président sur le contenu et le suivi des rapports publiés par la CGE et les services d'inspection ministériels. La Commission a examiné 623 rapports et, pour 82 d'entre eux, a recommandé d'entamer des poursuites en justice sur la base des preuves disponibles. Ses activités ont fait l'objet de 4 rapports, et des pièces à conviction ont été transmises au Procureur de la République, accompagnées d'un résumé des principaux chefs d'accusation. Le travail de cette commission avait pour objectif de restaurer la crédibilité de l'état auprès de la population en ce qui concerne la gestion des finances publiques, et de briser le mur de silence qui entourait les rapports produits par les différentes missions d'inspection. La Commission ad hoc a été remplacée aujourd'hui par une institution permanente, la Cellule d'Appui aux Structures de Contrôle de l'Administration (CASCA). Si cet organe ne comprend pas de membres de la société civile, il est à noter que trois associations de la société civile ont été créées : Transparence Mali, l'Observatoire National de Lutte Contre la Corruption et le Réseau des Journalistes Maliens Contre la Corruption. x · Des programmes d'éducation civique sous la conduite d'ONG ont été lancés dans plusieurs localités mais il est encore trop tôt pour juger de leurs effets. Il sera important de relier cette initiative à l'établissement de nouvelles communes en cours. · Un mécanisme de financement des partis politiques a été mis en place en prévision des élections générales de 2002. Il vise à rétablir une saine concurrence dans l'arène politique et plus de transparence du financement des partis, ainsi qu'à réduire la situation de quasi-monopole du parti au pouvoir. La stratégie anti-corruption et son programme d'action ont, sous la conduite du Président, obtenus des résultats remarquables. Parmi les mesures prises, on relèvera une réforme de la passation des marchés publics, une amélioration du contrôle dans les finances publiques, l'instauration de nouveaux tribunaux y compris une police et des parquets spécialisés pour les crimes économiques, la prise de sanctions à l'endroit des contrevenants puissants et ayant des responsabilités élevées 22. Mesures recommandées pour l'avenir · Les « lois sur la transparence dans le financement des partis » et la production d'une déclaration des avoirs par toutes les personnalités officielles devront être mises en vigueur de façon rigoureuse. · La législation en cours de préparation destinée à renforcer la responsabilité et la transparence dans la gestion des affaires publiques devra être mise en application. Passation des marchés publics 23. LOIS CONCERNANT LA PASSATION DES MARCHES : GENERALITES. Le code général de passation des marchés promulgué en 1995, louable dans ses intentions, n'a jamais été appliqué. La corruption est répandue dans le secteur public et perpétuée par le secteur privé. Les points faibles du système de passation des marchés sont, entre autres : l'abus des marchés de gré à gré, le mépris des procédures de soumission des offres, l'inefficacité du contrôle des entreprises d'État et le fait que les adjudications ne sont pas rendues publiques. 24. ABUS DES MARCHES DE GRE A GRE. Cette méthode de passation des marchés, au lieu d'avoir un caractère exceptionnel, s'est généralisée. En 1997, les marchés de gré à gré représentaient 42 % des marchés portant sur 80 millions de dollars ; il en était probablement de même en 1998. 25. MEPRIS DES PROCEDURES ET OBSTACLES OPPOSES A LA SOUMISSION DES OFFRES. Un nombre excessif de pièces est exigé, pièces qui peuvent être achetées illégalement. Les offres sont souvent rejetées pour des raisons aussi arbitraires que subjectives, et il est impossible de faire appel. 26. ABSENCE DE CONTROLE SUR LES ENTREPRISES D'ETAT. Le contrôle des entreprises publiques laisse fortement à désirer. L'agence qui en a la responsabilité manque en effet des moyens financiers et humains pour évaluer la performance de telles entreprises. La gestion de ces entreprises publiques requiert en effet la xi formulation d'une politique efficace permettant un contrôle constant de toutes les questions liées aux obligations et responsabilités des différents organes internes et organes de tutelle de l'entreprise, à ses actifs et à la gestion des risques, au respect de ses engagements fiduciaires et aux conflits d'intérêts. Selon la loi, les marchés d'un montant supérieur à 250 millions de FCFA passés par les entreprises publiques doivent faire l'objet d'un appel d'offres. Mais cette loi peut être tournée de multiples façons. Les ambiguïtés et les irrégularités entourant les sociétés d'économie mixte telles que la CMDT sont légions. Le processus de privatisation doit encore être fermement exécuté et souffre d'un retard considérable. 27. Première entreprise para-publique du Mali, la CMDT a le monopole de l'achat, de la transformation et de la commercialisation du coton, un secteur qui compte pour un quart du PIB. Ses actionnaires sont l'état malien, avec 60 pour-cent des actions, et la CFDT avec 40 pour-cent. Dans le passé, les performances de cette société ont été spectaculaires, faisant du Mali le deuxième producteur africain de coton après l'Egypte. La mission a discuté la problématique de la réforme de cette entreprise qui a fait l'objet d'audits et d'analyses financières et sectorielles, dont les activités échappent à toute véritable surveillance et dont les pratiques en matière de gestion financière et de passation de marchés ont été très critiquées. A la fin de 1999, la CMDT devait faire face à une crise financière majeure avec des pertes cumulées de 58 milliards de FCFA pour la période 1999-2000, pertes dont le montant dépassait celui des dépenses de l'éducation primaire pour la même période. Cette crise avait été provoquée par une chute de 40% des cours mondiaux du coton depuis 1998. Cette chute devait être suivie par un boycott de la production cotonnière par le monde paysan au cours de la campagne 2000-2001, déclenché par la réduction du prix au producteur, avec pour résultat une diminution de 50% de la production cotonnière. Les autres entreprises qui souffrent également de problèmes de gestion graves comprennent l'EDM (récemment privatisée), l'ITEMA, la SOTELMA et la SONATAM. 28. Mesures recommandées dans le domaine de la passation des marchés · Éviter le recours aux marchés par entente directe par les DAF, les organismes hors-budget et les organismes et entreprises telles que la CENI, le COCAN et la CMDT. · Limiter le nombre des pièces exigées, rendre publiques les adjudications et accorder des recours aux soumissionnaires non sélectionnés. · Ne pas autoriser de dérogations au code de la passation des marchés, y compris pour la CMDT. Effectuer et publier des audits indépendants des principaux marchés et des livraisons. · Demander aux fournisseurs de s'engager à ne pas verser de pots-de-vin lorsque la stratégie de lutte contre la corruption aura été mise en place. · Appliquer avec rigueur les sanctions à toute infraction au code de passation des marchés. xii 29. Le programme de réformes. Le gouvernement a endossé dans une très large mesure les recommandations du rapport et a souligné l'importance de combiner les réformes administratives avec les actions pénales. Les réformes suivantes ont été adoptées : · En ce qui concerne la CMDT, une mission de restructuration a conclu que la crise actuelle avait pour principale origine une mauvaise gestion, avec pour résultat des coûts élevés, des investissements excessivement ambitieux, des ventes de fibre du coton dans des conditions peu transparentes, et une attitude laxiste de la part de ses deux principaux actionnaires. Le Président Directeur Général de la CMDT a été relevé et mis en prison, et devrait être prochainement poursuivi pour fraude et détournement.. D'autres cadres supérieurs de la CMDT sont également poursuivis. · Un programme de réformes à court et moyen termes a été préparé. Il comprend, entre autres : (a) un plan de restructuration financière à court terme appuyé par l'IDA ; (b) le désengagement progressif de la CMDT des missions de service public et un recentrage autour de ses activités liées au système coton ; (c) une participation accrue des producteurs et du secteur privé dans la gestion de la filière coton, y compris l'ouverture du capital de la CMDT aux producteurs ainsi qu'aux travailleurs ; et (d) la libéralisation des deux secteurs coton et oléagineux, afin d'améliorer leur compétitivité et leur rentabilité, y compris la privatisation de HUICOMA.. · D'autres personnalités ont été également mises en prison et devraient être poursuivies, y compris les directeurs généraux de l'EDM, ITEMA, SOTELMA et SONATAM. Le Gouvernement se propose en outre d'engager les réformes suivantes : · L'institution d'un référé pré-contractuel devant un juge administratif de façon à garantir un droit de recours aux soumissionnaires qui contesteraient l'adjudication d'un contrat. · Une publicité élargie à la radio et à la télévision sur toutes les informations relatives aux marchés publics, conformément au code de passation des marchés. · Rattachement de la Direction Générale des Marchés Publics (DGMP) à la Primature de façon à assurer une meilleure supervision par les autorités chargées de l'administration. 30. Mesures recommandées pour l'avenir · Il faudra veiller à faire appliquer le code pénal révisé qui punit toutes les infractions au code de passation des marchés, y compris les exonérations à l'appel d'offre concurrentiel et les violations de la liberté d'accès et de l'égalité des candidats devant les appels d'offre publics. Le nouveau code comporte également des mesures à l'encontre du blanchissement d'argent et du recel d'argent blanchi. xiii · Il faudra également veiller à éliminer toutes les ambiguïtés et autres lacunes entravant la pleine application des dispositions du code de marché public aux entreprises parapubliques, dont l'Etat est l'actionnaire majoritaire. Cette recommandation qui émane de la Présidence demande une mise en oeuvre dans les meilleurs délais. La CMDT, notamment, devrait être entièrement soumise à l'application du code de passation des marchés. Il faudrait exiger d'elle l'utilisation de l'appel d'offre concurrentiel pour tout marché supérieur à 250 millions de FCFA et la soumission de tous les marchés à des vérifications indépendantes et publiées. La permission accordée à la COCAN (Comité d'Organisation de la Coupe d'Afrique des Nations) d'utiliser le gré à gré pour les travaux publics considérables qu'il commissionne constitue une exception importante et très risquée à cette application rigoureuse de la loi. Gestion des finances publiques 31. LE SYSTEME DE FINANCES PUBLIQUES. Le système officiel comporte des procédures complexes de préparation et de mise en oeuvre du budget, ainsi que des fonctions de contrôle et d'inspection, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du ministère des Finances. Elles ne sont jamais appliquées. 32. MAUVAISE COORDINATION, ERREURS ET FAIBLESSE DES CONTROLES. La faiblesse de gestion des finances publiques facilite la corruption. Le budget d'équipement est préparé officiellement par le ministère de l'Économie, du Plan et de l'Intégration et la coordination avec le ministère des Finances laisse à désirer. La mise en oeuvre du budget est mal surveillée et coordonnée entre les ministères techniques, les projets de développement et la Direction nationale du budget. Les enveloppes budgétaires et les dépenses ne correspondent guère. Faute de contrôles, les détournements de fonds portent sur des montants substantiels. Les chiffres sont souvent inexacts et les états budgétaires sont établis trop tard pour qu'on puisse intervenir efficacement. Tous les organismes de contrôle manquent de personnel qualifié, de matériel et de locaux. Il est rarement tenu compte des rapports. Les capacités d'analyses font défaut. La gestion financière, la transparence et la responsabilité demeurent insuffisantes. La corruption fausse l'application des règles budgétaires existantes. 33. MANQUE DE RESPONSABILITE. Les membres de la mission ont noté que les mécanismes censés assurer le contrôle, la responsabilité et la confiance sont sérieusement compromis, comme il est expliqué ci-dessous. · Ministères. En principe, la séparation des pouvoirs entre les ordonnateurs et les comptables publics assure la responsabilité et la transparence dans l'utilisation des deniers publics. Dans la pratique, le système présente de graves lacunes. Les pouvoirs ministériels sont délégués au directeur de la DAF (Direction administrative et financière) de chaque ministère. Ceux-ci ne sont pas sélectionnés pour leur compétence, mais pour leurs relations personnelles avec le ministre. Dans la pratique, ils bénéficient d'une totale impunité. · Mécanismes de contrôle. Le système de contrôle des finances publiques comprend des mécanismes à priori et à posteriori. Les contrôles à priori sont exercés par la Direction Nationale du Contrôle Financier du ministère des Finances, qui a détaché des services dans quatre autres ministères. Les contrôles à posteriori sont effectués par : i) la Direction Nationale du Trésor et xiv de la Comptabilité Publique (DNTCP); ii) l'Inspection des finances du ministère des Finances ; iii) le Contrôle général de l'État (CGE) à la présidence ; et iv) la Section des comptes de la Cour suprême. Les rapports annuels du CGE sont transmis aux membres de l'Assemblée nationale, qui ne s'acquittent pas des fonctions de surveillance qui leur incombent et laissent les rapports sans suite. Ceux-ci ne sont pas mis à la disposition des médias ni du public en général. · Commissions parlementaires. Les Commissions parlementaires ne jouent pour ainsi dire aucun rôle dans l'examen de l'emploi des ressources votées par le parlement. Les législateurs n'ont pas reçu une formation suffisamment solide et les commissions manquent de personnel et de matériel adapté. · Conflits d'intérêt. Par le passé, de nombreux conflits d'intérêt ont contribué à saper la confiance de la population. Par exemple, le Premier Ministre était en même temps chef de l'ADEMA et le président de la CENI était aussi président du barreau. 34. MANQUE DE CONTROLE ET DE SUIVI DES PROJETS FINANCES PAR L'ETRANGER : Étant donné que 80 % des projets du budget d'équipement sont financés par des fonds étrangers, les autorités maliennes n'ont guère de contrôle sur les dépenses et ne reçoivent pas des bailleurs de fonds les informations dont elles auraient besoin pour suivre l'exécution des projets. Il semble que si les bailleurs de fonds ne font pas preuve de vigilance, les ressources destinées aux projets sont détournées. 35. Mesures recommandées dans le domaine de la gestion des finances publiques · Recruter et former le personnel des organismes de contrôle et des DAF selon des critères de compétence professionnelle. · Majorer le budget des organismes de contrôle . · Responsabiliser les services ministériels de gestion en publiant régulièrement des audits indépendants de l'affectation et de l'utilisation des comptes des DAF par les organismes de contrôle. · Faire en sorte que les organismes de contrôle présentent des rapports sur les DAF au ministère des Finances, à la Présidence et à la Cour suprême. · Réorganiser les commissions parlementaires pour qu'elles exercent une surveillance budgétaire. 36. Réformes déjà exécutées · En ce qui concerne le manque de coordination entre la préparation du budget et son exécution, les autorités ont pris note de la collusion qui règne entre les cadres responsables de la gestion des ressources publiques et du manque d'un véritable système de contrôle ; toutes choses qui ont entraîné une propagation de la corruption. Sans renier l'importance à accorder aux DAF dans le programme de réformes anti-corruption, les autorités ont souligné la nécessité de renforcer le système général de contrôle des finances publiques. xv · Le Ministère de l'Economie, du Plan et de l'Intégration a été intégrée au Ministère des Finances de façon à améliorer la coordination budgétaire. · A la lumière de l'expérience acquise au cours de la première phase de la réforme anti-corruption, le Président a demandé aux services publics de lui soumettre des propositions de réforme des services de contrôle. La réforme de janvier 2000 constitue la suite de cette initiative. Elle a conduit à des réformes institutionnelles fondées sur l'efficacité des services et la responsabilisation des cadres chargés de la gestion des ressources publiques. · Le Contrôle Général de l'Etat a été transféré à la Primature sous le nom de Contrôle Général des Services Publics. A l'avenir cet organe aura le pouvoir de saisir le Procureur de la République dès qu'il serait en possession de preuves de violation de loi. · Restructuration des Unités d'Inspection Ministérielles en mettant l'accent sur le professionnalisme et la responsabilité de leurs agents. · A la suite de chaque mission d'inspection, les services de contrôle sont tenus d'envoyer une copie de leur rapport aux responsables des organismes qui ont fait l'objet d'une inspection. Ces responsables sont à leur tour requis de répondre par écrit aux observations faites par le service de contrôle compétent. · L'ensemble du corps des contrôleurs a fait l'objet d'une première augmentation des salaires de façon à motiver les agents. La nouvelle commission anti-corruption permanente (CASCA) aura la responsabilité d'effectuer le suivi des rapports d'inspection des services publics. 37. Mesures recommandées pour l'avenir · En ce qui concerne les politiques visant à raviver les services de contrôle, particulièrement la Section des Comptes de la Cour Suprême, les dispositions en cours visent à transformer cette section en une Cour des Comptes, indépendante et dotée de ses propres ressources budgétaires. Cette mesure devrait être mise oeuvre, dès que possible, à cause de l'importance du rôle de la Section des Comptes dans la revue des comptes budgétaires et dans la conduite d'enquêtes indépendantes de l'Exécutif. · La réforme des DAF requiert des mesures spécifiques, vu le rôle essentiel joué par ces directions dans l'administration du fait de leur contrôle des budgets des ministères, du personnel, des patrimoines et des procédures. Elles ont fait l'objet d'enquêtes dans le cadre de la réforme anti-corruption importante annoncée en octobre 1999. Il faut envisager maintenant une réforme qui sépare les DAF de l'exécution de celles des mesures qui relèvent à proprement parler des autorités politiques. Les nominations des DAF devraient être fondées sur les qualifications, conformément à la loi, et déconnectées des fonctions ministérielles à caractère politique. La fonction publique 38. GENERALITES. La réforme de la fonction publique a été entreprise après 1972, sous la deuxième République. Auparavant, l'Etat avait perdu toute crédibilité, car xvi les autorités politiques détournaient les ressources publiques pour leur propre usage et était accusé de s'être purement et simplement substitué à l'administration coloniale. La qualité des services publics baissait et les besoins des consommateurs étaient négligés. Les réformes ont réduit les effectifs et les dépenses de l'administration, mais ne se sont pas traduites par une amélioration qualitative. Après la révolution démocratique de 1991, le Mali a commencé à redéfinir le rôle de l'État et le débat n'est pas clos. Le secteur public avait été conçu comme un instrument de mise en oeuvre de bonnes politiques et de services adaptés, visant à créer un environnement favorable au secteur privé et à assurer le développement des ressources humaines. La stratégie prévoyait que l'État se désengagerait d'un certain nombre d'activités en faveur du secteur privé et se concentrerait sur la réorganisation de l'administration, afin de produire des services de bonne qualité, au moindre coût, compte tenu des ressources disponibles. 39. LA CENTRALISATION ADMINISTRATIVE DU MALI. L'administration est fortement centralisée, ainsi que la majeure partie des ressources, au détriment des régions. Les fonctionnaires manquent d'esprit d'initiative et n'assument pas la responsabilité des résultats de leurs décisions. Ce système est partiellement paralysé par la complexité des procédures et des formalités, et par le manque de motivation des agents. Un Examen des dépenses publiques (EDP) mené en 1995 par la Banque mondiale notait la faiblesse du moral, le manque de transparence dans la rémunération, la subjectivité dans les promotions, et le peu d'importance attaché à la responsabilité des agents devant leurs supérieurs et devant leurs administrés en général. De toute évidence, cet EDP n'a guère eu d'effet. Le gouvernement à présent a fait passer le nombre des communes de 19 à 703. Cette réforme devrait donner lieu à de graves contraintes au niveau des ressources humaines et matérielles, et on peut craindre que les systèmes de contrôle de l'État soient également insuffisants. 40. MANQUE DE MOTIVATION DES AGENTS DE L'ETAT. La forte centralisation des décisions et la place prépondérante accordée au contrôle au ministère de la Fonction publique font qu'il est difficile de motiver les fonctionnaires. Les statuts juridiques de la fonction publique imposent une réglementation excessive et mettent l'accent sur les processus plutôt que sur les résultats. Au lieu de privilégier l'efficacité et les résultats des dépenses publiques, le système veut que les fonctionnaires respectent des règles strictes. Les traitements des fonctionnaires, à de nombreux niveaux, ne sont pas bas, d'un point de vue relatif, et peuvent représenter un multiple du revenu par habitant, parfois plus pour les travailleurs du secteur de la santé et pour les enseignants qui ont des syndicats puissants. Mais la rémunération des fonctionnaires en général doit faire l'objet d'une analyse plus approfondie. Les primes et les indemnités représentent 22 % de la masse salariale et créent de fortes disparités entre les catégories. 41. SOURCES DE CORRUPTION. On a déjà évoqué la complicité systémique des fonctionnaires nommés par clientélisme, qui cherchent à obtenir des rentes pour leur patron politique, et de celle des opérateurs privés, qui payent les avantages dont ils bénéficient. La complexité un tant soit peu délibérée de l'administration facilite aussi la corruption. La mission de décentralisation a remarqué qu'une veuve de fonctionnaire retraité devait présenter, sur une période de deux ou trois ans, 27 pièces, accompagnées de force pots-de-vin, avant de commencer à toucher sa pension. Il en est de même pour le transfert des titres fonciers et autres fonctions administratives importantes. Le gouvernement n'a pas donné suite aux xvii propositions présentées par la mission en vue de remanier les règlements et les procédures. 42. RECRUTEMENT DANS LA FONCTION PUBLIQUE. Le recrutement est censé se faire sur concours, mais, au niveau le plus élevé, où l'on compte 2 000 hauts fonctionnaires, les intérêts particuliers, et notamment ceux du parti au pouvoir, l'emportent souvent. Les procédures disciplinaires ne sont pas appliquées, par conséquent il est difficile de sanctionner un fonctionnaire incompétent ou malhonnête. Outre leurs responsabilités techniques et financières, les DAF sont aussi chargées de la gestion du personnel dans chaque ministère. Elles sont toutefois mal préparées à s'acquitter de cette tâche, car elles n'ont pas de personnel compétent, pas de procédures appropriées, pas d'information, et présentent par ailleurs d'autres insuffisances. Le dossier d'environ un tiers des agents de l'État (soit 42 000 personnes, dont 5 000 agents de police), a disparu. La fonction publique prend de l'âge et les limites de recrutement imposées dans le passé ne lui ont pas permis de se rajeunir. Près de 70% des fonctionnaires en poste aujourd'hui pourraient partir en retraite au cours des dix prochaines années. Cette situation offre une opportunité exceptionnelle d'améliorer la qualité de la fonction publique. Cependant, il sera nécessaire d'élaborer et de mettre en oeuvre un programme de formation visant à compléter l'éducation des cadres moyens et à renforcer le niveau des cadres nouvellement recrutés, qui souvent sortent d'un système d'éducation dont les performances sont médiocres.. 43. PROFESSIONNALISER LA FONCTION PUBLIQUE. Il faut professionnaliser la fonction publique et réduire le pouvoir dont disposent les autorités politiques de pourvoir des postes sans tenir compte des compétences. Cette réforme doit s'appuyer sur la décision politique d'instaurer un système de nomination, d'évaluation et d'affectation basé sur les compétences et étayé par un mécanisme d'information efficace, indiquant la description des tâches, et des profils de rendement pour chaque candidat. Ces profils comprendraient également des barèmes de salaire reliant les responsabilités professionnelles à des postes budgétaires. Ceux qui ne peuvent pas être recyclés seront placés dans des programmes de départ. 44. Mesures recommandées dans le domaine de la fonction publique · Baser le recrutement sur les compétences professionnelles, en commençant par les 2 000 postes de hauts fonctionnaires. · Améliorer les systèmes d'information, en indiquant les qualifications du personnel, pour décider les affectations. · Créer une commission autonome de la fonction publique, indépendante du ministère de la Fonction publique, chargée de surveiller le recrutement. · Réviser les salaires, les barèmes de rémunération, les retraites et autres prestations et les rendre transparents. · À plus long terme, redéfinir la fonction publique, son rôle et ses responsabilités, dans le cadre de commissions et d'audiences publiques. xviii · Établir progressivement les nouvelles communes, compte tenu des capacités matérielles et humaines dont dispose l'administration pour y affecter du personnel et les équiper. 45. Le programme de réformes · Aucune mesure importante n'a été prise pour repenser et réorganiser la fonction publique et instituer un système de rémunération fondée sur le mérite. Comme on l'a déjà noté, les services de contrôle ont fait l'objet d'une réorganisation et ont reçu des ressources supplémentaires. Leur relation avec le Procureur de la République a été renforcée. 46. Mesures recommandées pour l'avenir · Les obligations juridiques de recrutement des fonctionnaires sur base des qualifications professionnelles doivent être strictement appliquées, en commençant par les 2000 postes de hauts fonctionnaires. Toutefois, des commentaires faits par les titulaires actuels desdits postes, l'on note que le problème fondamental est un changement dans l'attitude des cadres une fois qu'ils ont été nommés. Pour apporter une solution efficace à ce problème, il sera nécessaire d'améliorer les systèmes d'incitations en vigueur et d'introduire une plus grande responsabilisation des titulaires, accompagnée d'un régime conséquent des sanctions et de rétablir la transparence dans la gestion publique. Il n'y a pas de conflit entre un système fondé sur le mérite et celui sur la carrière. On pourra donc retenir le concept de service de carrière, mais en l'assortissant d'une évaluation régulière basée sur le mérite, ainsi que d'un système de promotion et de transfert, et en protégeant les cadres supérieurs contre toute ingérence politique. Cette approche devrait permettre de réduire la corruption et de jeter les bases d'un processus de réforme à plus long terme de l'ensemble de la fonction publique. · Conformément aux orientations annoncées par les autorités, il est nécessaire de prendre des mesures visant à tenir responsables pour leurs actes, les cadres issus du secteur privé et nommés à des postes stratégiques dans la fonction publique. · Il est impératif de commencer au plus tôt un processus visant à renforcer la professionnalisation de la fonction publique pour assurer la soutenabilité des réformes en matière de gouvernance. Le nombre important de départs à la retraite au cours des prochaines années offre une opportunité d'améliorer le service, bien qu'une formation et une éducation modernes soient toujours nécessaires au niveau des cadres moyens et nouvellement recrutés. La mission reconnaît que la mise en place d'une commission de la fonction publique autonome pour la supervision du recrutement constituerait une solution moins satisfaisante et plus précaire qu'une réforme plus profonde du Ministère de la Fonction Publique. En effet, les commissions autonomes ne sont pas à l'abri de l'ingérence politique et de la corruption. · Le gouvernement comprend la nécessité d'une réforme de la fonction publique, qui vu sa complexité politique et administrative, devrait être entreprise suivant une approche pragmatique et graduelle, ainsi que la nécessité d'un lien étroit entre cette réforme et la politique de décentralisation, xix particulièrement en ce qui concerne les implications fiscales de la création de collectivités locales viables. · La décentralisation offre une opportunité majeure d'augmenter le pouvoir des communautés, d'améliorer la prestation de service et de freiner la corruption. Ces objectifs ne pourront se concrétiser que s'il y a développement de la capacité locale et adoption d'un cadre réglementaire approprié, assorti de ressources financières suffisantes. Ce processus pourrait être appuyé dans le cadre d'un projet financé par la Banque mondiale, en préparation au niveau de la Direction Nationale des Collectivités Locales. Ce projet sera consacré à la prestation de service et utilisera une approche progressive qui comprendra les tests de nouveaux mécanismes institutionnels susceptibles d'apporter les améliorations nécessaires à la prestation de service. Le projet a reçu un accueil très favorable au niveau des acteurs locaux, mais connaît une résistance de la part des acteurs du niveau sectoriel. L'enjeu pour les autorités politiques sera donc d'appuyer la gestion efficace des changements institutionnels requis, des systèmes de contrôle financier et de la mise en place des ressources nécessaires. Le cadre juridique et le système judiciaire 47. L'HISTOIRE DU DROIT AU MALI. Le Mali dispose d'un inventaire complet de lois sur la corruption. Entre 1974 et 1984, sous la deuxième République, quatre corps de lois importants ont été adoptés concernant les abus de biens publics, les profits illicites et la corruption. La pénalisation des infractions d'ordre économique n'a pas mis fin à la corruption généralisée car il manquait la volonté politique d'appliquer les lois. Cette situation a fait perdre toute crédibilité au ministère public et à la magistrature. Au début de la troisième République, en 1991, on a assisté à une campagne de moralisation du secteur public, comprenant les déclarations de patrimoine obligatoires, et l'adoption d'une loi punissant de lourdes peines les abus de fonds publics ou l'utilisation d'une fonction officielle pour le profit personnel. La volonté politique de faire appliquer la loi a été amoindrie par les relations personnelles et par le discrédit du système judiciaire. L'inflation a rendu ces lois trop répressives (peine de mort pour un détournement de fonds d'un montant équivalent à 20 000 dollars des EU) et a encouragé le chantage. 48. CORRUPTION DE L'APPAREIL JUDICIAIRE. Cette corruption est notoire. On sait que les arrêts des tribunaux sont achetés, les garanties prévues par la loi sont foulées au pied et les lois bafouées. Au dernier Forum national sur la justice, le président de la République a demandé de façon rhétorique à quel type d'obstacles la démocratie était confrontée lorsque les clients étaient trompés et abandonnés par leur avocat, lorsque les huissiers saisissaient arbitrairement des biens dont la valeur excédait largement celle requise par le tribunal et lorsque les notaires certifiaient des faux. Quelle confiance les opérateurs économiques ou les investisseurs étrangers peuvent-ils éprouver lorsque qu'ils doivent verser des pots-de-vin et que les nationaux bénéficient d'un traitement préférentiel ? Comment l'État peut-il être systématiquement exploité par les décisions de tribunaux favorisant des intérêts particuliers ? Quelle confiance peut inspirer un système judiciaire dans lequel les juges exigent une part des honoraires pour trancher dans un sens ou dans l'autre ? Dans ces conditions, a-t-il conclu, il n'est pas étonnant que les tribunaux, la police et le parquet agissent de manière à retirer le maximum de gains. xx 49. PERTINENCE DES LOIS ET DES CODES JURIDIQUES. Un rapport de la Fédération du Patronat malien note qu'il est difficile de déterminer si la pléthore de lois en vigueur est adaptée. La plupart des lois sont peu en rapport avec les réalités ; les législateurs ne cherchent guère à les améliorer et ne sont pas guidés par des principes reconnus. Le parlement ne présente qu'un nombre infime de lois : sa principale activité consiste à modifier les projets de loi présentés par le gouvernement, lesquels ne sont souvent que la transplantation dans leur intégralité de réglementations étrangères. Beaucoup de législateurs n'ont pas reçu une formation adéquate et manquent de personnel technique compétent. Les Codes de Procédure civile, commerciale et sociale présentent d'énormes lacunes, et les délibérations de la Cour suprême sont caractérisées par le manque d'information et de transparence. Dans l'ensemble, la justice fonctionne mal et se caractérise par le manque de cohérence et de volonté de faire appliquer ses sentences. Il peut être souhaitable d'améliorer les lois et le code juridique, mais la première priorité doit être d'inspirer la volonté d'appliquer les lois en vigueur, et tout particulièrement celles qui ont trait à la corruption. 50. Mesures recommandées dans les domaines juridique et judiciaire · Fonder les promotions, les rétrogradations et les mutations sur le mérite et faire intervenir l'Inspecteur en chef des services judiciaires dans toute décision relative à la carrière des juges. · Rétablir l'indépendance de la magistrature. L'Inspecteur en chef doit être membre du Conseil supérieur de la magistrature, qui prendra les décisions relatives à la nomination des juges et aux procédures disciplinaires. · Donner une formation aux magistrats du parquet en matière de preuves et de procédures. · Veiller à ce que les inspecteurs soient suffisamment récompensés, rémunérés et équipés. · Planifier et installer des tribunaux régionaux compte tenu des crédits budgétaires disponibles. · Accroître le budget du ministère de la Justice pour qu'il englobe le ministère public et donner aux juges et aux magistrats du parquet une formation en matière de délits économiques. · Élaborer et publier un barème des frais de justice. · Rédiger de nouvelles lois contre la corruption visant à instituer des garanties légales et des normes en matière de preuve. · Publier les lois et les doctrines juridiques dans la Gazette juridique. · Lutter contre la corruption policière, en particulier dans le cas des barrages routiers. xxi 51. Le programme de réformes · Les réformes du système judiciaire sont à ce jour parmi les plus importantes. Il y a peu de temps encore, le Procureur de la République du Tribunal de Première Instance dans la Commune III du District de Bamako était le seul organe compétent pour recevoir les rapports produits par la Commission Ad hoc. La récente révision de la loi pénale établit trois juridictions avec des Tribunaux de Première Instance à Kayes, à 600 kilomètres de Bamako, le Tribunal de Première Instance actuel de Bamako, et un troisième situé à Mopti, également à 600 kilomètres de Bamako. · Chacune de ces juridictions disposera d'un parquet spécialisé dans les crimes de nature économique et financière et dirigé par le Procureur de la République du Tribunal. Ce parquet comprendra outre des magistrats, une brigade financière composée d'officiers de police judiciaire et d'agents spécialisés dans les enquêtes économiques et financières. · Le nouvel organisme se conformera au droit commun. L'accent est mis sur la formation et la spécialisation des juges dans ce domaine, dont la jurisprudence est complexe. Les types d'infraction incluent le blanchissement et le recel d'argent blanchi, les infractions au code de passation des marchés, telles l'avantage injustifié qui serait accordé à certains soumissionnaires, les entraves à un accès égal à la soumission et le traitement inégal des plaignants en cas de contestation de l'adjudication. Il a été fait également mention du fractionnement des offres, des passations de marché de gré à gré pour des achats dépassant le plafond monétaire établi, du manque de suivi par les responsables et d'imposition de sanction contre ceux qui ne respectent pas les termes des appels d'offre dans le cas où l'Etat aurait plus de 50 % de participation, ainsi que de la sollicitation ou acceptation de pots-de-vin ou faveurs auprès de soumissionnaires par des membres de commissions officielles. 52. Mesures recommandées pour l'avenir · Le nouveau projet de code pénal doit être mis en oeuvre. Ses dispositions sanctionnent le blanchissement d'argent, les pots-de-vin et les infractions au code de passation des marchés mentionnées ci-dessus. · Conformément à ce qui a été recommandé, il conviendrait de faire siéger l'Inspecteur en chef au Conseil Supérieur de la Magistrature. Cette réforme n'a pas pour intention de diminuer l'indépendance des juges. Elle permettra à l'Inspecteur en chef de donner des avis au Conseil sur toutes les nominations, promotions et sanctions disciplinaires, toutes fonctions exécutées à l'heure actuelle par le Ministre de la Justice. · La recommandation de promulgation d'une loi définissant le mode de calcul des dommages et intérêts dans les procédures judiciaires et la publication des résultats avait pour objectif de susciter une plus grande transparence et équité dans l'application de ces dispositions. Cette recommandation, et en particulier l'obligation de publier les résultats avait pour objectif d'empêcher toute collusion entre les juges et les plaignants, un phénomène apparemment de grande ampleur. xxii · Un tribunal de première instance devrait être créé pour régler les contestations éventuelles d'amendes imposées par la police, de façon à empêcher les abus policiers très répandus contre lesquels, en pratique, les citoyens ordinaires n'ont que très peu de recours. Conclusion 53. NECESSITE D'ELABORER UN PROGRAMME. Les observateurs du secteur public et du secteur privé sont d'accord sur le fait qu'il faut mettre fin à la corruption, comme le prouve l'inventaire de mesures et d'instruments adoptés à cet effet. Une connaissance générale des causes et de l'ampleur de la corruption par un vaste segment de l'opinion favorise le désir du président de mettre en place un programme anti-corruption actif. D'aucuns prétendent que la corruption est systémique et trop profondément ancrée pour être éliminée. On rappellera à ce propos les paroles du Conseiller juridique de la Banque mondiale, qui disait que « les corrompus et corrupteurs ont tout intérêt à répandre la notion que la corruption est dominante et généralisée », de sorte qu'elle devienne permanente. Les membres de la mission sont convaincus que si la volonté politique est là, un programme anti-corruption efficace peut apporter rapidement des améliorations substantielles dans la conduite des affaires publiques et réduire la corruption. Pour que le programme porte ses fruits à long terme, les bonnes intentions doivent se traduire par des mesures concrètes. 54. MOBILISER UN SOUTIEN. Le programme de réformes proposé par le gouvernement ne pourra être lancé tant qu'une stratégie politique visant à mobiliser l'opinion des principaux segments de la société en faveur du changement n'aura pas été adoptée. Le souhait officiellement exprimé de fixer des règles du jeu équitables afin de permettre à plusieurs partis politiques de se faire concurrence, ce qui desserrerait l'emprise du parti dominant actuel sur les leviers du pouvoir, est un élément de cette stratégie. Le gouvernement est en train de réfléchir aux moyens d'y parvenir, mais il doit veiller à assurer une répartition équitable des fonds et à faire effectuer des audits indépendants des états financiers des partis. Mais surtout, le lancement d'une campagne convaincante de lutte contre la corruption exigera toute la détermination des dirigeants politiques. Le programme suggéré ici comprend des mesures qui pourront être appliquées au cours des deux prochaines années, pendant le mandat du gouvernement actuel. 55. ÉLEMENTS DU PROGRAMME. Pour réduire la corruption systémique, il faudra apporter des réformes à la passation des marchés, à la gestion des dépenses publiques, à la fonction publique et au pouvoir judiciaire. Si ce programme est mis en oeuvre, on peut espérer qu'il rompra l'enchaînement d'incitations, de complicités et d'impunité qui caractérise la conduite des affaires publiques au Mali. Endiguer la corruption nécessite également la mise en oeuvre de réformes durables des institutions, du gouvernement et des politiques. Une mission de courte durée comme celle-ci ne permet que de mettre en route le processus de définition des problèmes et de formulation de recommandations. Seules des analyses approfondies permettront de prévoir des mesures à long terme en toute connaissance de cause. xxiii 56. PRIORITES. Les membres de la mission estiment qu'il convient d'accorder un rang de priorité élevé à la professionnalisation des postes clés de la fonction publique. Il faudra à cet effet instaurer un système de recrutement responsable et transparent, qui brisera les liens de complicité qui unissent les fonctionnaires, permettant de traiter la corruption au cas par cas. On pourra alors s'attaquer à la corruption par le biais des systèmes de contrôle financiers et judiciaires. Il est urgent également de faire des DAF des modèles de bonne gouvernance en matière de passation des marchés, d'utilisation des ressources publiques et de gestion du personnel. Le programme de réforme économique qui se déroule actuellement avec le concours de la Banque, qui prévoit la privatisation des entreprises publiques, et la déréglementation et la libéralisation de l'économie, devrait limiter les possibilités de recherche de rente. La simplification des démarches administratives améliorera la gouvernance et limitera la corruption. 57. Résumé des mesures recommandées pour l'avenir Le programme anti-corruption a conduit à la mise en oeuvre d'un nombre important de mesures recommandées par la mission. Dans certains cas, celles-ci ont été plus loin que les recommandations, notamment en matière de passation des marchés, de contrôle des finances publiques et en matière judiciaire. Dans d'autres domaines, les progrès ont été limités. Il parait utile de résumer en un tableau les principales mesures recommandées pour l'avenir, qui ont été expliquées de façon plus approfondie ci-dessus. Economie politique · Mettre en oeuvre «les lois sur la transparence dans le financement des partis» et l'obligation pour certaines personnalités officielles (dont la liste devrait être élargie) de déclarer leurs avoirs. · Promulguer la législation introduisant la responsabilisation et la transparence dans les affaires publiques. Passation des marchés · Appliquer le code de passation des marchés à l'ensemble des entreprises où l'état détient une participation majoritaire. Gestion des finances publiques · Mettre en application réflexions entamées relatives à l'établissement d'une Cour des Comptes et à son rôle dans le contrôle budgétaire. · Prendre des mesures spécifiques pour la réforme des DAF ; Séparer leurs compétences en matière de décisions administratives de la prise des décisions politiques. Fonction publique · Fonder le recrutement dans la fonction publique sur la qualification professionnelle. xxiv · Mettre en place des réglementations visant à restaurer l'équilibre nécessaire entre la responsabilisation d'agents publics venant du secteur privé et le système de contrôle et de sanctions les concernant. · Entamer le processus de remplacement d'un grand nombre de départs à la retraite par des professionnels qualifiés et formés, en tant qu'étape essentielle d'une amélioration de la fonction publique. · Veiller, dans la conduite de la réforme de la fonction publique, aux liens nécessaires avec la politique de décentralisation du gouvernement. · Développer la capacité locale dans les nouvelles communes et veiller à l'adéquation des ressources et des systèmes de contrôle.. Cadre légal et judiciaire · Mettre en oeuvre le nouveau code pénal. · Renforcer le rôle de l'inspecteur en chef des services judiciaires. · Promulguer une loi sur la définition et la publication des dommages et intérêts dans les procédures judiciaires. · Mettre en place un tribunal chargé de régler les contestations d'amendes imposées par la police. 58. Au cours de la mission de juillet 2001, le gouvernement a établi son programme de réforme en réponse au Rapport de la Mission Anti-corruption. Dans sa réponse, le gouvernement reconnaît que la lutte contre la corruption et les infractions financières requiert la mise en place la série de mesures suivantes: · Système hiérarchisé de contrôle à tous les niveaux. · Nomination et le recrutement de cadres sur la base de critères de compétence professionnelle. · Appui à la population fondé sur des campagnes d'information, d'éducation et de communication relatives aux effets de la corruption et des malversations financières. · Soutien à la formation d'une Coalition entre les secteurs privés et publics. · Revalorisation des salaires des employés de l'état. · Etablissement d'un corps de magistrats et de police judiciaire bien équipé, motivé et formé en matière de nouvelles techniques d'enquêtes judiciaires. · Formation, motivation et équipement des responsables officiels de la gestion et du contrôle des finances publiques. xxv 59. En conclusion, le gouvernement note que la lutte sera longue et difficile et demandera d'établir de nouvelles structures dotées du pouvoir nécessaire à la mise en oeuvre des changements. xxvi I. Généralités 1. À la demande du Président Alpha O. Konaré, une mission de la Banque mondiale a séjourné au Mali du 14 mars au 5 avril 1999 dans le but d'examiner comment la Banque pourrait soutenir le programme gouvernemental visant à améliorer la gestion économique et à lutter contre la corruption1. Les objectifs de la mission consistaient à évaluer la portée et l'état d'avancement du programme anti- corruption du gouvernement, de recommander des mesures additionnelles et de proposer les domaines dans lesquels la Banque mondiale pourrait prêter son soutien. Étant donné que le gouvernement mettait alors au point son propre programme anti-corruption, les représentants de la Banque ont proposé de participer aux travaux en établissant un diagnostic de la corruption et en suggérant des solutions. Ils étaient également censés examiner la possibilité d'incorporer dans les projets financés par l'IDA une clause interdisant le versement de pots-de- vin, pour limiter la corruption dans la passation des marchés publics. En juillet 2001, une deuxième mission a été invitée à venir discuter le rapport et à prendre en compte les progrès accomplis par le gouvernement dans l'exécution de son programme anti-corruption. Le présent rapport reflète à la fois le travail de la mission initiale et le suivi effectué par la mission de 2001. 2. La mission a eu lieu après un échange de lettres entre le Président Alpha Konaré et James D. Wolfensohn, qui a suivi la visite au Mali de l'ancien Président de la Banque mondiale et co-Président honoraire de la Coalition mondiale pour l'Afrique (CMA), Robert McNamara. Les deux hommes ont évoqué la nécessité d'adopter des mesures énergiques pour lutter contre la corruption et l'utilisation éventuelle d'une « promesse de ne pas recourir à la corruption » dans le cadre du programme gouvernemental. Le gouvernement a convenu d'étudier cette possibilité. Le mandat et la composition de la mission ont été établis par échange de lettres entre Jean-Louis Sarbib, Vice Président de la Région Afrique, et le Président Konaré en décembre 1998. 3. Pour saisir la nature et l'ampleur du problème, les représentants de la Banque se sont entretenus avec de hauts responsables du gouvernement, des membres de la société civile, des ONG, du secteur privé, de la presse, du corps diplomatique et avec des représentants des bailleurs de fonds. Ils ont consulté les dossiers de la Banque mondiale et des documents de référence, comprenant l'Enquête pilote de 1995 sur les services publics, des projets de documents de stratégie établis par les conseillers à la Présidence, et plusieurs discours du Président. II. La corruption : un phénomène préoccupant dans le monde entier 4. La communauté internationale attache une importance croissante à la bonne gouvernance et considère que la lutte contre la corruption est une condition essentielle au développement durable et à la réduction de la pauvreté. L'aide extérieure, pense-t-on, est efficace dans les pays bien gouvernés et la mauvaise 1La mission était composée de MM/Mme Richard Westebbe, Chef de la mission ; John Schwartz, spécialiste senior de la passation des marchés ; Siaka Bakayoko, spécialiste de la gestion financière ; Hans Wabnitz, conseiller juridique principal ; Kâzim Oezimer, spécialiste de la gestion du secteur public ; Jack Titsworth, spécialiste senior de la gestion du secteur public ; et Melissa Thomas, économiste (institutions). Susan Chase a préparé le rapport pour la publication. Mohamed A. Touré, spécialiste senior de mise en oeuvre à la Mission résidente a participé à l'essentiel des travaux des deux missions. Madame Grace Yabrudy, Chef de la Mission résidente, a pourvu un appui précieux à l'ensemble du processus. 1 gouvernance érode le soutien en faveur de l'aide dans les pays industriels. La corruption entrave un développement sain et équitable, dans la mesure où elle détourne au profit des riches les ressources destinées aux pauvres ; elle alourdit les charges des entreprises ; fausse la répartition des dépenses publiques ; et sape l'état de droit et la légitimité de l'État. On s'occupe beaucoup de la corruption depuis quelques années, car on a davantage pris conscience de l'existence du phénomène, dont l'ampleur et les conséquences se sont amplifiées (Tanzi, mai 1998). Pendant la guerre froide, il suffisait qu'un régime soit politiquement acceptable. Le recentrage qui s'est opéré par la suite fait que la corruption qui régnait dans beaucoup de pays n'est plus aussi facilement tolérée. La corruption ne s'étalait pas au grand jour dans les pays à économie planifiée, qui formaient la majorité des pays en développement. L'avènement d'une plus grande transparence dans les pays en voie de démocratisation a mis au grand jour la corruption. La réorientation récente de l'économie mondiale dans le sens du marché privilégie l'efficacité économique et fait ressortir les distorsions imputables à la corruption. 5. La montée en puissance de l'État depuis 1960 s'est traduite par un alourdissement des impôts, des dépenses publiques et de la réglementation et du contrôle de l'activité économique par l'État. Elle a de ce fait multiplié les possibilités de corruption. L'expansion rapide du commerce extérieur a encouragé la compétitivité, mais elle a aussi incité les entreprises à verser des pots-de-vin pour obtenir des marchés lucratifs, pratique interdite dans le droit des États-Unis et condamnée récemment par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). De par son immensité, le secteur des entreprises publiques dans les pays en développement est devenu une source majeure de corruption économique et politique. La résistance opposée à la privatisation par les fonctionnaires a jeté la lumière sur ces sources de rentes restées obscures jusqu'alors. 6. Au cours des dernières années, plusieurs initiatives de lutte contre la corruption ont été lancées avec le concours de la CMA, de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI), du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), de l'OCDE, et d'ONG telles que Transparency International (TI). En février 1999, des ministres et des hauts fonctionnaires de 11 pays africains, dont le Mali, se sont réunis à Washington. Ils ont défini un ensemble de principes et demandé aux pays de s'attaquer énergiquement aux effets catastrophiques de la corruption. Les délégués sont convenus de coopérer au lancement d'une campagne, soutenue par les plus hautes instances de l'État et par la société civile, comprenant des mesures de prévention et de dissuasion, reposant sur les principes de bonne gouvernance, de responsabilité et de transparence. En mai 1999, les ministres du G7 ont soutenu une augmentation des mesures d'allégement de la dette en faveur des pays les plus pauvres, à condition qu'ils poursuivent leur ajustement, améliorent la gouvernance et continuent à lutter contre la pauvreté. 7. La corruption désigne l'abus d'une fonction publique pour le profit personnel, ainsi que pour celui du parti, du groupe ethnique et de la classe sociale de ceux qui la pratiquent. Elle englobe le versement de pots-de-vin, la fraude, l'escroquerie, le clientélisme, le népotisme et le trafic d'influence. La corruption intervient dans le secteur privé et aux points de rencontre entre les secteurs public et privé. Elle est florissante dans les zones du secteur privé où les distorsions causées par la politique économique et la réglementation créent des opportunités 2 de rente et encouragent les entreprises étrangères à verser des pots-de-vin pour obtenir des contrats et des concessions. La corruption peut aussi affecter et impliquer les institutions de la société civile, telles que le barreau, les comptables professionnels et les chambres de commerce, dont les membres succombent à la corruption : les juristes conspirent avec les juges pour fausser les arrêts des tribunaux, les entreprises perdent des contrats dans des appels d'offres fictifs ou versent des dessous-de-table pour obtenir des marchés. La grande et la petite corruption vont de pair. Lorsque les politiciens et les hauts responsables pratiquent la grande corruption, ils donnent l'exemple aux citoyens. La petite corruption, pratiquée par les agents subalternes, se propage à leurs supérieurs en l'absence de garde-fous. Lorsque subalternes et supérieurs ont partie liée, dans l'administration, les organisations ou les entreprises, la corruption prend des allures de coopérative, dans laquelle tous les membres touchent leur part des bénéfices. La corruption revêt aussi une dimension politique, qui naît des modalités de financement des partis et de la façon dont le pouvoir est géré, qu'on ait affaire à un régime totalitaire ou pluraliste et démocratique. Dans certains pays, les bénéfices de la corruption ne servent pas seulement à l'enrichissement personnel, mais également à disputer les élections et à payer des « claques » politiques. Il faut donc que les institutions fonctionnent bien, tant au plan politique qu'au plan économique. 8. La corruption est la conséquence la plus nocive d'une mauvaise gestion économique. Les incitations à la corruption triomphent dans les pays où les politiques nationales et la réglementation -- en elles-mêmes des institutions -- sont trop faibles pour y faire obstacle. De fait, la corruption fleurit dans le vide institutionnel. Dans la lutte contre la corruption, enquêter sur la concussion et la sanctionner, faire appliquer les lois et punir ne suffisent pas à assurer des résultats durables si l'on ne tente pas de remédier à ses causes sous-jacentes et d'améliorer la gouvernance en général. La corruption trahit l'incurie du secteur public, à laquelle il faut répondre par une vaste stratégie d'amélioration du fonctionnement du secteur public. Il faut en particulier renforcer les grandes institutions du secteur public, principalement la branche exécutive, mais aussi les branches judiciaire et législative. 9. Les facteurs qui renforcent l'efficacité de l'État sont aussi ceux qui limitent la corruption. Pour que les programmes de lutte contre la corruption portent leurs fruits, il faut instaurer plus de transparence dans les procédures intérieures et extérieures et exiger plus de probité de la part des agents du secteur public et du secteur privé. Il est également indispensable de renforcer les moyens dont dispose le système judiciaire pour instruire équitablement les affaires de corruption et accroître la responsabilité, tout en donnant les moyens d'agir à la société civile. Lorsque la corruption est endémique et profondément ancrée, son éradication est une entreprise de longue haleine qui suppose une réforme des institutions et des mentalités. On ne peut pas s'attaquer à la corruption isolément. Cependant, le présent rapport recommande au gouvernement malien un certain nombre de mesures à court terme, telles que l'élimination des politiques et des règlements dépassés, l'application des lois en vigueur et la limitation des opportunités de profit personnel. Si ces mesures sont appliquées, elles prouveront que le gouvernement est résolu à lutter contre la corruption. 3 III. La Banque mondiale 10. La Banque mondiale prête à des gouvernements et, à ce titre, elle s'intéresse à la corruption qui sévit dans le secteur public ou aux points d'articulation des secteurs public et privé. À ses yeux, la bonne gouvernance est essentielle à la croissance économique et au développement social. Comme l'affirmait le Rapport sur le développement dans le monde 1997, « C'est [de l'efficacité de l'État] que dépend la fourniture des biens et des services -- et l'établissement des règles et des institutions -- qui permettent aux marchés de prospérer et à chacun de vivre mieux. » La gouvernance est une notion neutre, désignant l'exercice de l'autorité ou du contrôle. On peut la définir comme la direction et le contrôle politiques exercés sur la société civile, s'agissant de la gestion de ses ressources, aux fins du développement économique et social. On entend par bonne gestion économique une gestion qui a pour objet de promouvoir le bien-être de la société, dans la transparence et la responsabilité et dans le respect de la loi. La Banque cherche depuis longtemps à limiter la fraude et la corruption dans l'exécution des projets qu'elle finance, et elle a adopté des procédures de passation des marchés et de décaissement à cet effet. Dans son dialogue avec les pays, elle conteste les projets injustifiés figurant dans les programmes d'investissement public et elle a réduit ses activités de prêt dans les pays où la mauvaise gouvernance, y compris la corruption systémique, a eu des conséquences négatives sur ses projets. Les programmes d'ajustement eux-mêmes visent à améliorer la performance économique et réduisent les possibilités de rente économique. 11. Pour la Banque mondiale, la corruption est donc un problème auquel elle doit s'attaquer dans l'exercice de sa mission de développement. Elle a en outre la responsabilité fiduciaire de prévenir la fraude et la corruption dans les projets qu'elle finance, conformément à ses Statuts. Cet aspect de son travail est développé dans ses directives concernant la passation des marchés et la gestion des projets. Le renforcement des systèmes de gestion des projets limite sur le court terme la corruption dans les projets de la Banque. Cependant, pour que les résultats soient durables, il faut également que les systèmes de contrôle des administrations nationales soient renforcés. 12. Le cadre mis en place à la Banque pour lutter contre la corruption est décrit dans « Helping Countries Combat Corruption: The Role of the World Bank 1997 ». Ce cadre guide les activités de la Banque dans quatre domaines : 13. Prévenir la fraude et la corruption dans les projets financés par la Banque · Aider les pays qui demandent à la Banque de soutenir leurs efforts pour lutter contre la corruption · Soulever le problème de la corruption dans les stratégies d'aides aux pays (SAP), les programmes de prêt par pays, le dialogue de politique générale, les analyses économiques et le choix et la conception des projets · Dénoncer publiquement la corruption et fournir son soutien aux efforts menés à l'échelle internationale pour lutter contre la corruption Le plan d'action contre la corruption pour l'exercice 99 stipulait que les Stratégies d'aide-pays présentées au Conseil devaient contenir un diagnostic de la 4 gouvernance en général et indiquer les risques de corruption dans les projets financés par la Banque en particulier. Au delà du diagnostic, il convient d'examiner les aspects anti-corruption de la conception et de la mise en oeuvre des programmes de prêt de la Banque. 14. La Banque coopère avec les pays emprunteurs pour améliorer la gouvernance dans deux domaines qui se renforcent mutuellement, et qui prennent la corruption à sa source : la réforme de la politique économique et le développement des institutions publiques. Dans le premier cas, la Banque promeut la stabilité macroéconomique et la libéralisation des marchés. Les réformes de politique économique mettent aussi l'accent sur la déréglementation et l'expansion des marchés, non seulement pour réduire le gaspillage et l'inefficacité, mais également pour susciter la concurrence et la transparence et pour éliminer les sources de corruption et de gains illicites. Les réformes peuvent avoir des résultats immédiats qui contribuent de façon importante à renforcer la compétitivité des pays dans une économie mondiale en évolution rapide. Ces réformes comprennent généralement la baisse des tarifs douaniers, l'élimination des restrictions quantitatives, l'abolition du contrôle des prix, la réduction des subventions, la privatisation des entreprises d'État et la réhabilitation du secteur financier. 15. Le second domaine est le développement des institutions publiques. Il crée des conditions propices aux réformes économiques et autres. Des systèmes efficaces de gestion des ressources publiques, des organisations responsables, une fonction publique compétente et motivée et un cadre juridique sain, assorti d'un pouvoir judiciaire indépendant, sont des éléments indispensables à une bonne gestion économique. Ce sont là les grands thèmes de ce rapport. La Banque mondiale met aussi l'accent sur le partenariat avec la société civile en vue de créer un environnement dans lequel les ONG et le secteur privé peuvent compléter les activités du gouvernement. L'Institut de la Banque mondiale organise des ateliers de travail avec la société civile, les parlementaires et les médias en vue de mettre le parlement et la société civile mieux à même de faire valoir leurs idées, de demander des comptes, et d'exiger la transparence. IV. Les coûts économiques de la corruption 16. La corruption nuit à l'efficacité économique et à l'équité, car elle détourne les ressources des objectifs de développement économique et social et prive les citoyens de services, en particulier les pauvres, qui ne peuvent pas payer les pots- de-vin obligatoires. Les formes que revêt la corruption sont nombreuses : pots-de- vin, fraude et détournement de fonds et de biens publics, etc. Le coût économique des différentes formes de corruption comprend : le vol ou le gaspillage des ressources publiques ; la perte de recettes fiscales par suite de l'évasion fiscale ; les frais d'entretien supplémentaires entraînés par la mauvaise qualité des équipements ; et l'alourdissement du fardeau de la dette publique, les pots-de-vin et dessous-de-table accroissant le coût des projets. Les coûts économiques sont une perte d'efficacité causée par l'excès des obstacles et des retards administratifs, et la perte des investissements productifs qui auraient été effectués en l'absence de corruption. Si celle-ci s'est accompagnée dans certains pays d'un taux de croissance économique élevé, il y a peu de chances que cette situation perdure. 5 17. CORRUPTION DANS LE SECTEUR PUBLIC. Les domaines d'activité du secteur public dans lesquels les risques et les coûts de la corruption sont souvent élevés sont : le recouvrement des recettes, et surtout des droits de douane ; la gestion des dépenses publiques, où la comptabilité laisse à désirer et où la responsabilité est diffuse ; la passation des marchés, qui est peut-être, de tous les secteurs, celui où le risque de pots-de-vin, de collusion et de conflits d'intérêt est le plus élevé ; la fraude sur les salaires, notamment le versement de commissions occultes pour obtenir un emploi, et les emplois fictifs ; la prestation des services publics, en particulier dans la santé publique et l'éducation, où des travailleurs relativement bien payés exigent des dessous-de-table pour arrondir leurs fins de mois ; les organismes de réglementation des affaires, où une réglementation aussi excessive qu'inutile permet aux fonctionnaires de se laisser soudoyer ; la privatisation des entreprises publiques ou l'octroi de licences aux exploitants privés dans le secteur des réseaux publics, qui étaient réservés auparavant à des monopoles d'État ; le secteur financier (si la réglementation des banques et des intermédiaires financiers autres que les banques est faible ou mal appliquée) ; le système judiciaire (si les juges et les magistrats sont sous-payés et susceptibles d'être corrompus. Lorsque le système judiciaire est corrompu, l'exécution des contrats et le respect des droits de propriété sont compromis, freinant l'investissement et la croissance économique, et il est difficile de porter plainte.) ; et dans le financement des hommes et des partis politiques, problème qui se pose dans la quasi-totalité des pays. 18. En résumé, la corruption systémique est incompatible avec le maintien de taux soutenus de croissance et de réduction de la pauvreté. En fait, elle entrave la croissance si elle engendre une mauvaise affectation des ressources, décourage l'investissement étranger, et amoindrit la compétitivité sur les marchés extérieurs, la légitimité de l'État et l'intégrité du processus politique. L'argument selon lequel la corruption met de l'huile dans les rouages en abaissant les coûts de transaction est spécieux. En réalité, ce sont les distorsions créées par l'État lui- même qui provoquent la concussion, vue comme un moindre mal. Qui plus est, cette corruption ne connaît pas de limites et s'étend aux autres institutions publiques (Sindzingre 1997). V. Le contexte économique 19. Le Mali est un pays pauvre, où la démocratie n'a jamais vraiment pris racine, et qui sort à peine d'une longue dictature militaire. Le secteur privé crée peu d'emplois et les résultats économiques sont inégaux. Avant la dévaluation de 1994 du franc CFA, le programme d'ajustement structurel (PAS) comprenait des mesures d'ordre interne visant à améliorer la compétitivité en réduisant les coûts et le niveau des prix intérieurs, et comportait des mesures d'austérité budgétaire et monétaire, le maintien des salaires dans le secteur public, la restructuration des dépenses en faveur des secteurs sociaux, la simplification de la réglementation, la libéralisation du commerce et des prix et le désengagement de l'État de certaines entreprises publiques et la réforme de la gestion des autres entreprises publiques. Des réformes sectorielles importantes ont été effectuées dans le domaine de la santé primaire. On a pu réduire le déficit budgétaire et stimuler l'activité du secteur privé, mais la perte de compétitivité et le déclin général de la région causés par la surévaluation de la monnaie a limité la croissance du PIB de 2 % 6 seulement en valeur réelle à 3 % par an, ce qui ne compensait pas l'augmentation de la population. 20. La dévaluation de 1994 a été suivie par une intensification des réformes structurelles macroéconomiques et sectorielles soutenues par la Banque mondiale et le FMI. Le PIB réel a progressé de 4,8 % par an de 1994 à 1997, et de 6,8 % en 1998, en grande partie grâce à l'amélioration de la compétitivité du coton, du riz et de l'or. Les troubles politiques de 1996-97 ont amené un ralentissement des réformes dans les secteurs des entreprises publiques, des finances, de l'énergie et de l'éducation. La hausse des prix qui a suivi la dévaluation a entamé le pouvoir d'achat des fonctionnaires. La reprise économique, accompagnée d'une faible inflation et d'un redressement des finances publiques a considérablement réduit le déficit budgétaire. L'amélioration du recouvrement des recettes fiscales et le contrôle des dépenses ont contribué à ce résultat. VI. Le contexte historique des mesures anti-corruption 21. ASPECTS POLITIQUES ET INSTITUTIONNELS. La responsabilité dans l'emploi des ressources publiques était une caractéristique commune des anciens royaumes du Mali. Sous la première République (1960-68), le gouvernement socialiste s'est placé sous le signe de la responsabilité et de la transparence dans l'emploi des ressources publiques, dans le contexte de la responsabilité civile et par opposition au régime colonial autoritaire, auquel on reprochait de tolérer la corruption. Cette époque s'est achevée lors du coup d'état militaire qui a créé la deuxième République (1968-91). Le régime répressif qui a été instauré contrôlait tous les aspects de la vie civile dans une économie fermée, dominée par le secteur public. Il a également été marqué par le détournement généralisé des biens publics et par des violations des règles relatives aux dépenses et à la passation des marchés. La condamnation de ces pratiques par l'opinion publique a inspiré une campagne officielle de moralisation de la vie publique. Quatre grands corps de lois ont été adoptés entre 1974 et 1984, traitant de l'abus des biens publics, des gains illicites et de la corruption. Un tribunal d'exception, la Cour spéciale de sûreté de l'État, a été institué pour instruire les affaires présentées par une commission d'enquête. La pénalisation des infractions économiques n'a cependant pas endigué la corruption endémique, faute de volonté politique de faire appliquer la loi, les citoyens n'ayant pas été informés à priori. L'impunité de personnalités notoirement corrompues a amoindri la crédibilité des principaux organismes d'enquête et de justice, la Cour spéciale et le Contrôle général de l'État, qui relève directement du Président. 22. LE REGIME ACTUEL. Le renversement de la deuxième République et la création de la troisième République en 1991, suivie par l'investiture du Président Alpha O. Konaré en 1992, ont abouti à une campagne visant à moraliser le secteur public. Il a été fait obligation aux membres du gouvernement de présenter une déclaration de patrimoine et la corruption a été définie comme l'exercice de pressions en vue de forcer des agents de l'État à violer leur serment et à agir contre leur conscience. La loi datant de 1974 prévoyait des peines sévères, pouvant aller jusqu'à la peine de mort, pour abus de biens publics, exploitation d'une fonction officielle pour obtenir des faveurs ou des avantages, et enrichissement illicite. Le tribunal d'exception chargé d'appliquer cette législation a été éliminé sous la troisième République, et ce type d'infraction a été ramené au même niveau que les autres. À l'exception du détournement de biens publics, les autres infractions 7 étaient mal définies dans la jurisprudence. Quoi qu'il en soit, la prédominance des relations personnelles dans la vie publique et le discrédit du système judiciaire ont entravé toute tentative de réforme. 23. Le gouvernement Konaré a inauguré une ère de réformes constitutionnelles, institutionnelles et économiques. En 1989, sous le régime précédent, une Commission nationale de la réforme administrative avait été créée et chargée de mener une réflexion sur le rôle du secteur public. Un mouvement de décentralisation, lié au mécontentement suscité par les services publics, a vu le jour pendant la Conférence nationale de 1991, selon les grandes lignes du modèle béninois, qui a conduit au rétablissement de la démocratie. Les réformes institutionnelles ont été poursuivies et financées dans le cadre de projets soutenus par les bailleurs de fonds. Le Canada a prêté son soutien au lancement d'un programme de réforme de la justice, qui a abouti au Forum national de 1999. Sur le plan économique, le Mali a adopté, en 1991, des programmes d'ajustement structurel appuyés par la Banque mondiale et le FMI pour s'attaquer aux problèmes de la politique budgétaire, des sureffectifs dans la fonction publique, de la libéralisation et du manque de compétitivité. La dévaluation de 1994, on l'a vu, a consolidé la réforme économique et s'est accompagnée d'une croissance modeste mais soutenue du revenu par habitant. 24. Les luttes politiques et les manifestations étudiantes ont mis un frein aux réformes. Le parti au pouvoir, l'Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA), était une coalition comprenant le parti du Président Konaré, qui avait gagné les élections de 1992. L'ADEMA était en lutte avec les partis d'opposition et des tensions internes compliquaient la tâche du Président, qui devait aussi faire face à la crise économique. Une fois que les perturbations provoquées par le mouvement étudiant s'étaient atténuées, les alliés de l'ADEMA ont quitté le gouvernement et un seul parti est réapparu en 1996. Les élections législatives de 1997 ont été un échec, car elles avaient été mal organisées, sur la base de listes électorales contestées, si bien qu'elles ont été annulées par la Cour constitutionnelle. L'opposition a boycotté les élections présidentielles et parlementaires suivantes. VII. Réformes anti-corruption en cours 25. Le regain d'intérêt du Mali pour la lutte contre la corruption résulte de la perception que celle-ci est devenue un phénomène endémique et nuisible pour l'économie et pour la société (Annexe 2). La corruption a envahi le secteur public, dans les domaines de la gestion financière, de la passation des marchés, des douanes, de la fonction publique, du système judiciaire et de la vie politique, par le biais du financement du parti dominant. Les représentants de la Banque ont constaté que des couches importantes de la société civile étaient gangrenées, notamment les juristes, les comptables, la presse et les milieux d'affaires. Des envoyés de TI venus au Mali en 1994 ont déclaré que le Président lui-même avait acquis la conviction que l'inaction face à la corruption serait fatale à son gouvernement. Une deuxième mission de TI a proposé en 1996 que les principaux responsables se réunissent pour mettre en place un Système d'intégrité national. Cependant, les choses n'ont guère bougé à l'époque et on a pu se demander si le gouvernement tenait réellement à agir. 26. En 1995, la CMA a soulevé la question de la corruption. En 1997, elle a invité M. McNamara à diriger une mission CMA/TI au Mali. À la demande du 8 gouvernement, la Banque mondiale avait placé le Mali parmi les cinq pays où elle enverrait des missions de lutte contre la corruption. Dans ce cas particulier, il s'agissait de faire en sorte que le gouvernement prouve qu'il était décidé à prendre des mesures énergiques pour lutter contre la corruption. La suggestion a été faite, pour commencer, d'inclure une clause anti-corruption dans la passation des marchés. Le gouvernement semble à présent disposé à envisager une telle mesure dans le contexte de sa stratégie globale de lutte contre la corruption. Le second mandat du Président Konaré a semblé être une époque favorable à la création d'une section locale de TI au Mali, et on a pensé qu'il serait possible d'obtenir le soutien du gouvernement en faveur de mesures efficaces de lutte contre la corruption. Pour démontrer ce soutien, le gouvernement vient d'entreprendre des poursuites contre un haut fonctionnaire dans une affaire de fraude concernant le monopole des tabacs. Le Président Konaré a manifesté son intérêt pour une stratégie globale de lutte contre la corruption. Cependant, la réforme de la justice et du financement des partis politiques est de la plus haute importance. 27. En dépit des attentes nées de l'avènement de la troisième République, la mise en oeuvre des mesures anti-corruption en vigueur et la réforme des capacités institutionnelles chargées de lutter contre ce fléau n'avancent guère. Peu de nouvelles mesures ont été proposées ou mises en oeuvre. Ce rapport a pour objet de confirmer que la corruption est devenue systémique, entraînant une crise de confiance au sein de la population. La population doute effectivement que le gouvernement soit bien décidé à monter un programme de réformes crédible et audacieux. 28. La décision prise par la Banque de s'attaquer à la corruption en tant que problème de développement a été rendue publique à l'Assemblée annuelle de la Banque mondiale de 1996 et à la réunion des chefs d'État de la CMA (le Président Konaré est co-Président de la CMA) en 1997. Ces deux réunions ont donné au Président Konaré l'occasion d'inviter la Banque à organiser une mission pluridisciplinaire de lutte contre la corruption. La mission de la Banque mondiale, conduite en avril 1999 et le présent rapport devraient apporter leur contribution à cette stratégie et présenter leurs constatations comme une caution internationale apportée aux mesures que le gouvernement pourra prendre. La Présidence a préparé des commentaires écrits sur le rapport produit par cette mission. Le Président Konaré a ensuite invité la Banque à renvoyer une mission à Bamako en juillet 2001 pour discuter le rapport. Cette mission a discuté avec le Président et les cadres de la Présidence le rapport, les mesures prises par le gouvernement depuis la parution du rapport et les étapes suivantes envisagées. Les discussions ont été menées sous la conduite du Secrétaire Général Adjoint de la Présidence, qui avait assuré auparavant la présidence de la Commission anti-corruption Ad-hoc. Le Chef de la Cellule d'Appui aux Structures de Contrôle de l'Administration, la CASCA (qui a pris la succession de la Commission Ad-hoc), et les membres de son personnel ont participé aux discussions. Ces dernières ont débouché sur un accord sur le rapport et sur les révisions à y apporter. VIII. La gouvernance au Mali 29. La corruption est un constat d'échec de la gouvernance. Pour examiner ce dossier, il faut comprendre les liens entre les trois branches du pouvoir -- l'exécutif, le législatif et le judiciaire -- et comment chacune exerce dans la pratique les 9 pouvoirs qui lui sont conférés par la Constitution. La Conférence nationale de 1991 a débattu de l'alternative entre un président symbolique et un président activiste peu soucieux (ou incapable) de partager le pouvoir. Il en est résulté un compromis : le Président en tant qu'arbitre entre les trois branches du pouvoir. 30. La Constitution établit un gouvernement qui tire sa légitimité du Président de la République, qui lui-même tient son mandat du peuple. Le Président de la République est responsable des actes du gouvernement et n'est pas obligé de nommer un premier ministre issu de la majorité parlementaire, ni d'accepter les candidatures présentées par le premier ministre. Avant de renvoyer le Premier Ministre, cependant, le Président est tenu de recevoir de lui une lettre de démission légitime. L'Assemblée nationale peut tenir le gouvernement responsable, mais elle ne le fait pas dans la pratique. Le nombre des ministres et la structure du gouvernement sont fixés par décret et peuvent être modifiés à chaque remaniement ministériel. 31. Les institutions de l'État s'obligent mutuellement à la transparence par le biais de mécanismes officiels de suivi réciproque et, en fin de compte, par la volonté du peuple. Le désir populaire de voir l'État rendre directement des comptes était l'une des causes sous-jacentes de la révolution de mars 1991. La conférence nationale avait pour objectif de rétablir la confiance du peuple. Le mot d'ordre était « faire place nette ». C'est à la suite de cette conférence qu'a été inscrite dans la Constitution une disposition obligeant le Président de la République, le Premier Ministre et les ministres à présenter et à mettre à jour tous les ans une déclaration de patrimoine. Cependant, ces déclarations ne sont pas soumises à des audits et il est fréquent qu'elles ne soient même pas effectuées. La confiance n'a pas été rétablie car les ressources sont mises à la disposition de l'administration publique. Le suivi est effectué par les supérieurs hiérarchiques. Les rapports d'inspection internes, dans le passé, restaient confidentiels et étaient traités d'une façon qui donnait l'impression que les actes de corruptions restaient impunis. Maintenant les dossiers sont envoyés à la Commission anti-corruption. 32. La Loi no 98 du 19 janvier 1998 a été adoptée pour instaurer la transparence exigée par la population. Elle régit les relations entre l'administration et les bénéficiaires des services publics, et garantit l'accès du public à ces services, exige des décisions écrites de la part des agents de l'État, réduit les domaines secrets et oblige l'administration à faire connaître ses actes en temps utile. Toutefois, cette loi n'a jamais été appliquée, si bien qu'il est difficile à l'opinion publique d'exiger la transparence dans les affaires publiques. La presse malienne est active. Elle a des associations et des publications qui dénoncent les malversations. Elle fait souvent preuve d'irresponsabilité dans les reportages et n'a pas assez de ressources pour mener des investigations. Néanmoins, c'est une institution clé qui introduit de force la transparence et la responsabilité dans les affaires publiques et il conviendra de renforcer ce rôle à l'avenir. 33. Le système d'élections au scrutin majoritaire, conçu pour promouvoir la stabilité, favorise toutefois le parti au pouvoir. Contrôlant le gouvernement et jouissant d'une majorité écrasante au Parlement, l'ADEMA peut obtenir les ressources nécessaires pour rester au pouvoir, et le seul moyen pour l'opposition de recevoir quelques pots-de-vin est de former une coalition avec l'ADEMA ou de fusionner avec elle. Les implications de cette situation pour la lutte contre la corruption politique et pour la gouvernance démocratique, qui exigent toutes deux une opposition politique énergique, sont traitées ci-après. 10 34. DEMARCHE DE LA MISSION. L'approche de la mission s'articule selon trois grands axes : limiter les possibilités de corruption, appliquer les sanctions et assurer la transparence. Chacun de ces thèmes est examiné ci-dessous et plus en détail dans le corps du rapport. · Limiter les possibilités. En réduisant le pouvoir discrétionnaire de l'administration, on agit contre la corruption. La mise en oeuvre des programmes de privatisation et de démantèlement des monopoles des entreprises d'État limitera les possibilités de corruption. Une réforme complète des structures de gestion et de comptabilité de plusieurs compagnies, y compris la compagnie cotonnière et l'extraction de l'or, s'impose également. Les tarifs douaniers doivent être simplifiés (dans le contexte des réformes de l'UEMOA) et la concurrence favorisée. Les procédures de passation des marchés publics, bien conçues en soi, doivent être appliquées et accompagnées systématiquement d'audits indépendants. Bien que la passation des marchés représente quelque 2,5 % du PIB, environ la moitié des achats publics financés par le budget de la nation échappent aux règles de passation des marchés. En réduisant le nombre des règles officielles, on limite les possibilités offertes aux fonctionnaires de prélever des rentes à chaque étape du processus d'approbation. · Appliquer les sanctions. Bien que la loi prévoit des sanctions, les représentants de la Banque ont eu connaissance de cas où la malversation n'a pas été sanctionnée. Les rapports du Contrôle général de l'État de la présidence citaient des actes illicites qui n'ont jamais été punis, bien que les rapports aient été remis à la présidence et transmis aux ministères pour qu'ils y donnent la suite voulue. Le Parlement ne reçoit pas ces rapports mais on lui remet un résumé annuel, et il n'a encore jamais pris l'initiative de mener une enquête. La justice est hors de la portée des citoyens ordinaires et les arrêts des tribunaux sont à vendre, souvent avec la complicité des magistrats des deux parties. Le système juridique ne protège pas les droits de propriété du secteur privé. Ni le parquet ni la magistrature n'ont de procédures disciplinaires. · Assurer la transparence. Le Mali a une presse libre qui fait connaître les abus des agents de l'État et de leurs supporteurs du secteur privé, donnant plus de transparence à la conduite du gouvernement. Cependant, il arrive que la presse donne des informations inexactes et agisse de manière irresponsable. Ainsi, il a été annoncé à tort que la mission de la Banque mondiale avait identifié 21 milliardaires maliens, qui auraient prétendument obtenu des rentes du secteur public. La presse s'est aussi rendue coupable d'actes de corruption ou s'est alliée à des groupes d'intérêts, promettant de mieux les traiter moyennant le versement de pots-de-vin. Des journalistes ont créé un réseau de lutte contre la corruption. Ils ont identifié plusieurs activités de recherche de rente et activités illicites dans les secteurs public et privé, y compris au sein de la presse. Il est fréquent que les résultats des enquêtes officielles soient étouffés. Tout contribue à créer l'impression que le gouvernement ne sanctionne pas la pratique de la corruption. Qui plus est, les citoyens se plaignent qu'ils n'ont pas le droit de demander réparation devant les tribunaux ni de contester les résultats des appels d'offres pour les marchés publics. Une plus grande transparence doit entourer les affaires publiques, comme le prévoyait la loi de 1998, qui garantissait l'accès des citoyens aux 11 services publics, y compris le droit de prendre connaissance des actes officiels. Cette loi, conçue à l'origine pour rétablir la confiance dans le gouvernement et pour restreindre les possibilités d'action tant des corrupteurs que des corrompus, n'est pas encore entrée en vigueur. IX. Problèmes et recommandations 35. Dans leur enquête sur la corruption, ses causes et ses remèdes éventuels, les membres de la mission ont sélectionné les domaines suivants, propices à la corruption systémique : l'économie politique, la passation des marchés publics, la gestion des finances publiques, la fonction publique et la justice. Les conclusions et recommandations de la mission que le gouvernement devrait envisager pour intensifier son programme anti-corruption sont présentées ci-dessous. A. L'économie politique de la corruption 36. La corruption au Mali est systémique et pernicieuse en raison du système de clientélisme politique, qui fait que les postes officiels sont attribués à ceux qui produisent des rentes pour leur patron, pour le parti politique ou pour eux-mêmes. Les carences des systèmes de contrôle permettent aux agents de l'État de voler des biens et des fonds publics, ou de monnayer l'influence de l'État. Ceux-ci sont d'autant plus encouragés à se servir de leur position à leur propre profit que le secteur privé n'offre guère d'opportunités, que les prestations de retraite sont insuffisantes et que la sécurité de l'emploi est loin d'être assurée pour les fonctionnaires, problèmes répandus dans beaucoup de pays de la région. Les supérieurs, qui disposent d'un pouvoir discrétionnaire substantiel, demandent souvent à leurs subordonnés de commettre des indélicatesses ; les coupables échappent régulièrement aux sanctions. Les nouveaux venus récalcitrants sont contraints de se soumettre au système. Il convient, bien entendu, de reconnaître que les partis et les processus politiques ont un rôle légitime à jouer dans l'élaboration des politiques et dans l'affectation des ressources et, dans ce contexte, on aurait tort de méconnaître l'interaction entre la politique et la gouvernance. 37. Lorsqu'on place dans l'administration des agents chargés de procurer des rentes, il est difficile de leur interdire d'en profiter personnellement. À mesure que s'élargit le cercle des complicités, les preuves de malversation deviennent des moyens d'influence dans le cadre d'un système de chantage à double sens. Il en résulte un affaiblissement délibéré des systèmes de contrôle et l'impunité, même en cas d'infraction. La petite corruption fleurit dans le vide, si bien que même dans le système de clientélisme, les moyens de contrôle sur les participants sont inopérants. Ce système d'incitations qui se renforcent les unes les autres fait qu'il est difficile pour un acteur isolé de modifier les règles du jeu. Les partis et les politiciens qui s'y aventurent risquent de perdre leurs appuis politiques ; les employés de l'État risquent de perdre leur poste ; et les opérateurs économiques privés risquent de ne pas pouvoir concurrencer ceux qui continuent à bénéficier d'un traitement favorable de la part de l'administration. Les incitations qui engendrent ce système encouragent la corruption systémique, même quand les individus changent. 12 38. Il se peut que les bailleurs de fonds alimentent ce système, car ils ont affaibli les moyens de contrôle en place, sans pour cela surveiller l'emploi des ressources qu'ils fournissent. Les ressources accordées au titre de l'aide sont parfois détournées. Ce chapitre traite de l'économie politique de la corruption au Mali, mais il faut le lire dans le contexte des autres chapitres pour saisir toute l'étendue du problème dans les secteurs clés. 39. LES ELEMENTS FAVORISANT LA CORRUPTION SYSTEMIQUE. Les traitements et les retraites des fonctionnaires sont insuffisants ; le contrôle financier des fonds et des biens de l'État est déficient, et le contrôle des stocks et des inventaires est inexistant. Le système de gestion du personnel n'est pas objectif : les postes de cadres sont pourvus par relations et non pas en fonction des qualifications, et les anciens cadres sont renvoyés sans explication. Les citoyens et les opérateurs économiques maliens exigent du gouvernement et du processus politique des biens privés de préférence à des biens publics et ils accordent leur soutien politique en échange de biens matériels2. Selon les termes employés par le chef d'un parti politique, « ils se fichent d'hier et ils se fichent de demain ». Cet état de choses crée un système pervers d'incitations qui entretient la corruption systémique. Il faut que les Maliens prennent conscience de ce qu'ils doivent attendre du système politique et des services publics pour qu'ils méritent leur soutien. 40. Les individus instruits n'ont guère d'opportunités d'emploi dans le secteur privé. Les diplômés de l'université peuvent passer des années à chercher du travail. Aussi la fonction publique est-elle très prisée, en dépit de la faiblesse des rémunérations, qui ne suffisent pas à payer le logement, la nourriture et l'éducation des enfants, et n'ont pas été ajustés en fonction de l'inflation. Les agents de l'État vivent dans l'incertitude et sont fortement incités à trouver des revenus d'appoint pour assurer leur avenir et celui de leur famille. 41. EMPLOI DES FONDS ET DES BIENS DE L'ETAT. La faiblesse des contrôles financiers et le manque de contrôle des stocks et des inventaires facilitent les détournements ou l'abus des biens et des capitaux de l'État, y compris des apports d'aide extérieure3 (voir la partie relative à la gestion des finances publiques). La vente de l'influence de l'administration peut rapporter gros et il existe des clients potentiels dans tous les domaines. Le manque d'information fait qu'il est difficile de dépister les irrégularités. 42. Le marché le plus lucratif pour le trafic d'influence est le secteur privé, en raison des montants en jeu et du rôle substantiel que joue l'État dans la réglementation et la passation des marchés. Aussi, les postes assortis de pouvoirs discrétionnaires, tels que les douanes, les impôts, la passation des marchés, les postes où 2 Les biens publics sont de caractère non exclusif, c'est-à-dire qu'une fois créés, chacun en retire des avantages. On citera par exemple les phares, la protection de l'environnement et la défense nationale. La fourniture de biens publics est l'une des principales fonctions de l'État, car le secteur privé ne les produit pas efficacement. Les biens privés, au contraire, peuvent être accaparés entièrement par leur propriétaire. 3 On citera un exemple de l'abus de l'aide extérieure trouvé dans un rapport du contrôleur général de l'État, Audit du PAM-Mali, Mission no 089/971/CGR-C, du 16 septembre 1997, où l'on peut lire l'anecdote suivante : sur un échantillon de 100 sacs de mil, 15 ont été subtilisés par le personnel de PAM-Mali, 15 ont été vendus pour payer le coût du transport, 35 sont allés à la personne qui avait préparé le dossier du projet pour les villageois, 15 ont été donnés en remerciement à ceux qui avaient négocié l'accord de projet et 20 ont été reçus par le promoteur du projet. 13 s'élaborent les règlements, sont potentiellement très lucratifs. D'un autre côté, l'achat du bon vouloir de l'État par les entreprises (réductions d'impôts, exonérations de droits de douane, accès aux marchés) enclenche une logique de politique du pire chez ceux qui veulent rester compétitifs. Cela accroît la dépendance par rapport au soutien de l'État et fausse l'entrée sur le marché. L'absence de règles du jeu transparentes dissuade les investisseurs étrangers et locaux d'investir sur le long terme. 43. LE MARCHE DES POSTES DE FONCTIONNAIRE. Les postes dans la fonction publique peuvent être considérés comme des actifs qui produisent un flux de revenus licites, sous forme de salaire, primes et indemnités, et un flux de revenus illicites provenant du détournement des biens et des deniers de l'État, de la vente d'influence et de l'usage de pouvoirs discrétionnaires pour obtenir des rentes4. La valeur de ces postes crée un marché secondaire. Ceux qui ont le pouvoir de recruter ou de licencier peuvent négocier leur influence ou s'en servir pour soutirer une rente. Ce marché a pu éclore grâce à l'absence de contrôle sur les décisions en matière de personnel : évaluations selon des critères autres que le rendement, systèmes déficients de tenue des dossiers, absence de vérification des antécédents ou des conflits d'intérêt, recours aux nominations discrétionnaires et pouvoir de licencier des titulaires sans explications (voir la partie traitant de la fonction publique). Ceux qui ont le pouvoir de recruter et de licencier exigent donc une partie du flux de revenus généré par le poste qu'ils peuvent pourvoir, ou demandent d'autres services personnels. 44. CONSEQUENCES. Les rentes remontent le long de la voie hiérarchique, élargissant le cercle des complicités. Il devient de plus en plus difficile aux personnes impliquées de briser leurs chaînes. Les postes sont occupés par des gens incompétents et indignes de confiance, d'où une baisse de la qualité du personnel. Ceux qui ont le pouvoir de recruter et de licencier conservent implicitement leur pouvoir discrétionnaire de monnayer les recrutements. L'insécurité croissante de l'emploi et l'insuffisance des prestations de retraite encouragent les titulaires à accumuler au maximum au cas où ils perdraient leur poste ou seraient mutés à un poste moins lucratif. 45. ATTENTES ENGENDREES PAR L'ÉTAT ET PAR LE PROCESSUS POLITIQUE. Ayant toujours connu la pauvreté et une administration incompétente, les Maliens n'attendent pas grand chose de l'État, si bien qu'ils vendent leur soutien politique à vil prix. À choisir, beaucoup opteraient pour des biens privés à consommer immédiatement plutôt que pour des investissements dans les biens publics : recevoir un dollar aujourd'hui les intéresse plus qu'avoir une école dans leur village l'année prochaine. Dénués d'idéologie politique, ils adhèrent aux partis politiques pour avoir un moyen d'obtenir des ressources de l'État. Pour occuper des postes dans l'administration et les conserver, les partis ont besoin de voix et d'argent pour financer les campagnes électorales. Ils ont aussi besoin d'argent et d'avantages entre les élections pour donner satisfaction à leurs partisans5. Les partis monnaient les postes et l'influence de l'administration pour être soutenus. 4 On distingue entre les transactions volontaires (la vente d'un avantage supérieur à celui qui est prévu par la loi) et les transactions involontaires (dans lesquelles une partie doit payer pour recevoir le traitement ou le service auquel la loi lui donne droit). 5 Les activités des partis n'ont pas seulement pour objet de redistribuer des richesses entre leurs membres, car les partis utilisent leur domination du gouvernement pour accaparer l'aide extérieure et le pouvoir de coercition de l'État pour extorquer des ressources, même à ceux qui ne les soutiennent pas. 14 Ceux qui n'ont ni pouvoir discrétionnaire ni postes à vendre ne reçoivent aucun soutien politique ou financier, tandis que le parti au pouvoir est assailli par les chercheurs de rente par un effet d'échelle. L'administration et les projets financés par l'aide extérieure deviennent des ressources dont se servent les partis pour engraisser leurs partisans. 46. LE ROLE DU PARTI. Le parti exerce une influence sur les acteurs politiques car il fournit le soutien dont ils ont besoin pour rester en poste et pour agir. À travers les acteurs politiques, le parti contrôle le personnel subalterne, aidé en cela par la faiblesse des systèmes de contrôle. Les acteurs du gouvernement à la recherche des avantages offerts par le parti prêtent des véhicules pour les campagnes électorales et nomment des partisans dans l'administration (Annexe 4). Le parti peut aussi user de son influence pour soutirer des rentes aux acteurs du gouvernement, en demandant des contributions en échange du maintien en fonction ou en exigeant l'accès aux biens de l'État ou le bénéfice du pouvoir discrétionnaire du gouvernement. Ce mécanisme permet au parti de devenir une structure parallèle de prise de décisions politiques. 47. Les individus qui cherchent à obtenir des rentes ont de bonnes raisons d'adhérer au parti au pouvoir et de lui verser une cotisation, ce qui engendre un effet d'échelle, dans lequel plus un parti a de membres, plus il en attire. Comme le parti s'appuie de plus en plus sur des gens recherchant leur profit personnel, il devient difficile à ceux qui sont motivés par des raisons idéologiques de mettre fin à l'hémorragie de fonds publics, à l'érosion du capital humain de l'administration et au recours arbitraire au pouvoir de coercition de l'État. Le parti risque alors de se scinder entre idéologues et profiteurs, ou entre factions de profiteurs qui ont des demandes contradictoires. 48. Il peut être difficile pour les politiciens, les agents de l'État et les opérateurs du secteur privé de quitter volontairement le système. Tous en bénéficient, risquent de voir dénoncer leurs malversations passées et s'exposent à des sanctions officielles, le cercle des complicités les enfermant dans un système de chantage à double sens. Ceux qui font partie du système ont du mal à appliquer les sanctions d'une manière transparente et objective. Dans les petites agglomérations, la situation est rendue encore plus délicate par les liens de loyauté et les obligations envers parents et amis. 49. La menace de sanctions irrégulières et inappropriées peut accroître l'incertitude, encourageant les acteurs de l'administration à accumuler plus rapidement. L'incertitude et l'érosion de la confiance créent des corporatismes, au sein desquels les acteurs placés dans des positions analogues s'unissent et ferment les yeux sur les irrégularités commises par le groupe pour mieux se protéger. L'impossibilité de quitter le système ou de sanctionner engendre la paralysie. Ce mécanisme donne naissance à la corruption systémique, au Mali comme dans beaucoup d'autres pays (Bayard, 1989)6. 50. LA CORRUPTION SYSTEMIQUE AU MALI. Les représentants de la Banque se sont entretenus avec toutes sortes d'acteurs du gouvernement et d'ailleurs, personnalités politiques ou administrateurs, en exercice ou à la retraite, les chefs 6 Il existe une littérature de sciences politiques surabondante, tant de caractère général que traitant spécifiquement du cas de l'Afrique et de la corruption, sur le clientélisme, la concussion et l'État néo-patrimonial. 15 de partis politiques, des députés, des opérateurs économiques, des étudiants, des journalistes, des notaires, des comptables, des bailleurs de fonds et des chefs religieux. Le message qui leur est parvenu est sans équivoque : la corruption est devenue tellement systématique, tellement ancrée dans la société, qu'on ne peut plus la considérer comme le fait d'actes individuels hors normes, mais comme un phénomène sociologique généralisé. Elle est acceptée comme un phénomène universel, tant par les acteurs du gouvernement que par la société civile, qui doutent qu'on puisse s'y attaquer de quelque manière que ce soit. Depuis la transition démocratique de 1991-92, les mesures prises pour rendre le gouvernement plus responsable ont été annulées. Avec un sentiment d'exaspération, de colère et d'impuissance, les différents secteurs des affaires se montrent mutuellement du doigt mais sont incapables d'agir unilatéralement pour remédier à la situation au sein de leur propre groupe, ou répugnent à le faire. 51. Il en résulte une paralysie systémique qui a engendré l'impunité : même les actes de corruption les plus flagrants restent impunis. Beaucoup des personnes interrogées doutent qu'il soit possible de trouver une solution. Des groupes importants de la société civile, dont la presse et les principaux dirigeants politiques, croient cependant que le système doit et peut changer. La mission anti- corruption de la Banque a été organisée en réponse à ce désir, exprimé par les plus hautes instances du gouvernement. 52. Selon les personnes interrogées, sous la première République, en régime socialiste, la taille de l'administration s'est considérablement étendue et la corruption était minime. Plusieurs facteurs ont été avancés : la prise de position contre la corruption proclamée par le populaire Président Modibo Keïta, le sentiment de fierté qui a accompagné l'accession à l'indépendance, l'idéologie socialiste, l'imposition de sanctions et le niveau de vie confortable dont jouissaient les fonctionnaires. Mais cette situation ne pouvait pas durer. La mauvaise gestion de l'économie a joué un rôle crucial dans le succès du coup d'État qui a mis au pouvoir la dictature militaire du général Moussa Traoré. 53. Sous la deuxième République, les militaires ont rabaissé les valeurs intellectuelles et ont fait du pouvoir et de la richesse personnels les symboles éclatants de la réussite. L'administration est devenue la voie royale de l'enrichissement et la corruption a commencé à fleurir. En fin de compte, les accusations de corruption ont contribué à la révolution de 1991, qui a conduit à la troisième République. La corruption n'en a pas moins persisté, et s'est même aggravée. Pour certains, la démocratie était devenue synonyme de licence. Le gouvernement de la troisième République a hésité à punir et a brisé l'autorité. Selon les opérateurs économiques, alors qu'auparavant il ne fallait distribuer de pots-de-vin qu'à un seul niveau, il faut à présent en verser à tous les niveaux. Beaucoup des personnes interrogées estiment que la corruption est pire que sous le régime militaire de Moussa Traoré, mais il est difficile de comparer en raison de plusieurs facteurs, notamment le fait que la presse, récemment libéralisée, dénonce les actes de corruption, et que le volume des ressources disponibles a augmenté grâce à l'aide extérieure. 54. La corruption systémique fait partie intégrante du système de clientélisme. À la base de ce système, on trouve bon nombre de citoyens ordinaires et un secteur privé qui soit n'attend aucun service de l'État soit exige des biens privés et des paiements, situation qui ne pourra changer qu'avec le temps. Ces acteurs monnaient leur soutien politique en échange de versements privés. Les partis et 16 les acteurs politiques puisent dans les deniers de l'État pour satisfaire ces exigences. Le maintien de ce système est incompatible avec des mécanismes de contrôle indépendants solides. C'est pourquoi les mécanismes de contrôle tels que la justice et les organismes d'audit ne sont pas soutenus. 55. COUT DU SYSTEME. Le coût de ce système est difficile à évaluer. Faute de documentation et d'audits réguliers, il est impossible de déterminer combien d'argent ou de fournitures ont été volés à l'État. En soi, l'absence totale de contrôle des stocks ouvre la porte au vol et à la fraude. Certes, on peut se faire une idée de l'ampleur du marché de l'influence, par exemple en notant le pourcentage élevé des marchés de gré à gré et non pas par appel d'offres, mais même l'information sur les marchés publics est incomplète et il faudrait un audit plus approfondi pour mesurer les coûts associés à l'absence d'appel à la concurrence. 56. Les coûts indirects sont difficiles à chiffrer. Ils comprennent : la dégradation des capacités des ressources humaines de l'administration, puisque les qualifications et le rendement n'ont rien à voir avec la fonction et les promotions ; le recentrage des ambitions des chefs d'entreprise, qui abandonnent les activités du secteur privé au profit des activités de l'État ; la baisse de la confiance des investisseurs ; le manque de compétitivité du secteur privé ; une distorsion des investissements publics, qui sont détournés des objectifs sociaux et économiques hautement prioritaires ; et l'érosion des normes, de la confiance sociale et de la légitimité du gouvernement et de la loi. 57. SANCTIONS ET CORRUPTION. La campagne contre la corruption ne doit pas commencer par des sanctions. En effet, on ne peut pas imposer de sanctions de manière transparente si tout le monde est impliqué. Du reste, la loi en vigueur sur l'abus de biens publics est si sévère qu'elle est pratiquement inapplicable. Il convient de la modifier pour éliminer les peines de mort et de prison à perpétuité, et la recentrer sur le remboursement et la restitution. Il ne suffit pas que les sanctions soient appliquées : il faut que cela se sache. 58. Cependant, la corruption au Mali n'est pas un problème technique. Beaucoup des réformes qui s'imposent sont aussi évidentes que peu coûteuses (par exemple imposer des contrôles élémentaires sur les dépenses relatives à la CAN ou tenir les dossiers des sanctions administratives). C'est plutôt un problème politique. Dans le système d'incitations qui se renforcent mutuellement que nous avons décrit, il est très difficile à un acteur ou à un parti donné de modifier les règles du jeu. La petite corruption fleurit dans le vide, tandis que les différents corps de l'administration et de la société s'accusent les uns les autres sans pouvoir balayer devant leur porte. Le manque de transparence, combiné à des pratiques administratives irrégulières a provoqué une crise de conscience, qui fait que l'opinion publique doute que le gouvernement ait sincèrement le désir de lutter contre la corruption, en admettant qu'il en soit capable. 59. Si les Maliens trouvent qu'il est politiquement difficile de punir les individus pris en flagrant délit de corruption, ils trouveront sans doute tout aussi difficile de mener à bien une réforme du secteur public. Cela nécessiterait l'existence d'une stratégie politique qui ait largement été approuvée par la classe politique, les fonctionnaires et le secteur privé. Heureusement, trois atouts peuvent aider le Mali à cet égard. En premier lieu, les Maliens ont mis en pratique les idéaux démocratiques de 1991 pour créer une société plus ouverte, dans laquelle on peut discuter librement. En deuxième lieu, l'exaspération éprouvée par les Maliens 17 devant la corruption peut faciliter le déclenchement d'un mouvement de réforme. Enfin, l'unité de la société malienne et la valeur attachée à la création de consensus sont des atouts qui doivent être utilisés dans la lutte contre la corruption. Programme d'action recommandé 60. On trouvera ci-dessous une liste de recommandations à long et à court terme. Certaines mesures peuvent être appliquées dès à présent, telles que l'imposition d'un système de contrôle à la CAN. Les recommandations à plus long terme, qui figurent en fin de liste, doivent être étudiées plus avant. · Respect de la loi. Les dirigeants doivent mettre fin aux irrégularités commises à un niveau élevé et cesser de contourner les procédures ou les règles constitutionnelles, légales et éthiques. Même l'apparence de l'illégalité doit être scrupuleusement évitée. · Donner l'exemple. La stratégie de changement du Mali implique que les dirigeants maliens fassent disparaître l'impression de corruption et dissipent le profond cynisme de la population. L'exemple doit venir de haut. Ainsi, les dirigeants devront faire vérifier leurs déclarations de patrimoine et les rendre publiques. · Obliger les partis à présenter leurs déclarations financières. Le parti au pouvoir devrait présenter ses déclarations financières et les faire publier dans la presse. Les déclarations doivent faire l'objet d'audits publics indépendants. · Appliquer les systèmes de contrôle. Des systèmes de contrôle appropriés doivent être mis en place à titre prioritaire dans toute nouvelle entreprise, y compris la COCAN. · Accroître la transparence. La transparence mettra le gouvernement plus à l'abri des rumeurs de corruption tout en permettant de dépister plus facilement les comportements irréguliers. Les documents officiels, y compris les arrêts des tribunaux, les adjudications de marchés, les rapports d'inspection et autres informations relatives à l'emploi des ressources publiques devraient être publiés systématiquement. · Établir des doubles des documents. Les dossiers seront établis en double exemplaire et conservés en lieu sûr. · Adopter une loi sur la liberté d'information. Les citoyens devraient avoir le droit présumé d'obtenir des renseignements du gouvernement. Ce droit sera défendu par les tribunaux et les membres de l'administration qui n'en tiendront pas compte s'exposeront à des sanctions (voir la Loi de 1999). Plusieurs pays, dont les États-Unis et le Canada, ont des lois de ce type, que les législateurs maliens pourraient étudier avec profit. L'Afrique du Sud examine actuellement une loi sur la « Démocratie ouverte ». · Adopter une loi sur l'ouverture des réunions au public. Les affaires publiques doivent se régler en public. La plupart des réunions au cours desquelles les entités publiques prennent des décisions doivent être ouvertes au public, et la presse doit y être admise. 18 · Publier les barèmes de traitement, de primes et d'indemnités des fonctionnaires. La publication de ces barèmes évitera aux fonctionnaires de passer pour riches et les mettra à l'abri des quémandeurs. Elle les mettra également à l'abri des soupçons d'enrichissement illicite et permettra au public de participer à un débat avec le gouvernement sur la nécessité de faire correspondre les rémunérations aux responsabilités. · Adopter des lois protégeant les individus qui dénoncent les malversations. Les personnes qui dénoncent publiquement la fraude ou la corruption dans l'administration seront protégées contre les représailles, y compris la rétrogradation, le licenciement, une mutation ou une baisse de salaire. · Organiser des campagnes d'éducation civique. On encouragera les ONG et les organismes bilatéraux à soutenir l'éducation civique. · Adopter une stratégie politique. Le gouvernement doit élaborer une stratégie politique pour mettre en oeuvre les réformes anti-corruption, sinon ces réformes ne seront pas appliquées. · Établir une commission anti-corruption. Plusieurs organismes ou commissions anti-corruption ont été créés dans plusieurs pays avec des résultats inégaux. Généralement, ils sont chargés de surveiller la conduite des agents de l'État et d'étudier leurs déclarations de patrimoine. Ces commissions sont indépendantes du pouvoir exécutif et disposent de ressources adaptées et de moyens institutionnels appropriés pour poursuivre les fautifs. Le service anti-corruption créé en Ouganda en 1996 n'était pas autonome. Il fonctionnait au sein du bureau du Vice Président et était censé faire appliquer les recommandations de l'inspecteur général et de l'auditeur général. Le service a ensuite fait partie du ministère de l'éthique professionnelle à la présidence. Nous recommandons dans ce rapport que, dans un premier temps, on installe à la présidence un service de conseillers chargé de la lutte contre la corruption, qui relèvera d'un conseil représentatif de membres de la société civile et qui profitera de l'autorité de la présidence pour obtenir des preuves et pour engager les poursuites nécessaires. En octobre 1999, le Président Konaré a annoncé la création d'une commission régulière rattachée à la Présidence dont la tâche était d'assurer le suivi des rapports du Contrôle Général de l'État pendant une durée de trois mois. · Le financement des partis par l'État peut donner lieu à des abus. Même s'il existe d'autres raisons de faire financer les partis par l'État, la faiblesse des systèmes de contrôle financier et le jeu des influences politiques font craindre des abus et donnent à penser que les fonds ne seront pas distribués ni les sanctions appliquées avec impartialité. Pourtant, si tous les partis ayant des candidats viables ne peuvent pas financer leurs campagnes électorales, aucun parti, si ce n'est le parti au pouvoir, n'aura des chances de remporter les élections et de mener à bien le processus de changement démocratique. Il existe peut-être des moyens plus substantiels d'assurer la participation des partis d'opposition, tels que les audits publics indépendants des listes électorales pour lutter contre la fraude électorale, ou une modification du système de scrutin majoritaire. Si les autorités décident de mettre en oeuvre un système de financement des partis politiques, elles devraient envisager de renforcer la commission électorale nationale indépendante, sous la houlette 19 d'un conseil extérieur formé de membres respectés de la société, comme cela se fait dans d'autres pays. 61. Le programme de réformes. Le programme de réformes a déjà traduit sous forme de mesures concrètes plusieurs des recommandations (voir ci-dessous) : · La Commission Ad-hoc chargée des rapports de contrôle de l'administration, intégrée à la présidence, a été renforcée et transformée en une commission permanente. Elle avait été créée en octobre 1999 avec une équipe multidisciplinaire de sept membres, en tant qu'organe consultatif ayant pour mandat de conseiller le Président sur le contenu et le suivi des rapports publiés par la CGE et les services d'inspection ministériels. La Commission a examiné 623 rapports et, pour 82 d'entre eux, a recommandé d'entamer des poursuites en justice sur la base des preuves disponibles. Ses activités ont fait l'objet de 4 rapports, et des pièces à conviction ont été transmises au Procureur de la République, accompagnées d'un résumé des principaux chefs d'accusation. Le travail de cette commission avait pour objectif de restaurer la crédibilité de l'état auprès de la population en ce qui concerne la gestion des finances publiques, et de briser le mur de silence qui entourait les rapports produits par les différentes missions d'inspection. La Commission ad hoc a été remplacée aujourd'hui par une institution permanente, la Cellule d'Appui aux Structures de Contrôle de l'Administration (CASCA). Si cet organe ne comprend pas de membres de la société civile, il est à noter que trois associations de la société civile ont été créées : Transparence Mali, l'Observatoire National de Lutte Contre la Corruption et le Réseau des Journalistes Maliens Contre la Corruption. · Des programmes d'éducation civique sous la conduite d'ONG ont été lancés dans plusieurs localités mais il est encore trop tôt pour juger de leurs effets. Il sera important de relier cette initiative à l'établissement de nouvelles communes en cours. · Un mécanisme de financement des partis politiques a été mis en place en prévision des élections générales de 2002. Il vise à rétablir une saine concurrence dans l'arène politique et plus de transparence du financement des partis, ainsi qu'à réduire la situation de quasi-monopole du parti au pouvoir. · La stratégie anti-corruption et son programme d'action ont, sous la conduite du Président, obtenus des résultats remarquables. Parmi les mesures prises, on relèvera une réforme de la passation des marchés publics, une amélioration du contrôle dans les finances publiques, l'instauration de nouveaux tribunaux y compris une police et des parquets spécialisés pour les crimes économiques, la prise de sanctions contre des contrevenants puissants et ayant des responsabilités élevées. 62. Mesures recommandées pour l'avenir · Les « lois sur la transparence dans le financement des partis » et la production d'une déclaration des avoirs par toutes les personnalités officielles devront être mises en vigueur de façon rigoureuse. 20 · La législation en cours de préparation destinée à renforcer la responsabilité et la transparence dans la gestion des affaires publiques devra être mise en application. B. Marchés publics 63. LE CADRE DES MARCHES PUBLICS. Les marchés publics sont soumis au Code de passation des marchés publics de 1995, et des organismes d'État décentralisés sont responsables du processus de passation des marchés. Les marchés proposés par des départements ministériels pour un montant supérieur à 10 millions de FCFA doivent passer par la Direction générale des marchés publics (DGMP). Le Code de passation des marchés publics et les règlements connexes sont appropriés et jugés exemplaires pour la sous-région (voir annexe 5). Toutefois, comme indiqué dans le rapport analytique de la Banque sur la passation des marchés au Mali de décembre 1998 et comme l'ont confirmé par ailleurs les conclusions de cette mission, des lacunes subsistent et le système de passation des marchés publics fait l'objet d'une corruption généralisée. 64. La réglementation applicable à la passation des marchés est fréquemment ignorée ou contournée, ce qui aboutit souvent à des pratiques corrompues et frauduleuses de la part du secteur public aussi bien que du secteur privé. Il faut faire preuve de discipline dans l'utilisation des ressources limitées de l'État, en respectant les quatre principes fondamentaux du processus de passation des marchés publics -- efficacité, économie, transparence et égalité d'accès aux offres. C'est seulement un effort collectif pour atteindre ces objectifs avec un ferme soutien des autorités qui réduira les pratiques de corruption et permettra à un plus grand nombre de gens de bénéficier du processus d'appel d'offres. 65. FAIBLESSES DU SYSTEME DE PASSATION DES MARCHES. Ces faiblesses sont celles qui sont à l'origine de pratiques corrompues et frauduleuses. Parmi les plus courantes figurent l'abus des marchés de gré à gré, l'absence de contrôle sur les marchés passés par des entreprises publiques et des sociétés d'économie mixte, le mépris des procédures d'évaluation des offres et d'attribution des marchés, les obstacles à la soumission des offres et l'absence de mesures correctives à l'encontre des contrevenants. 66. ABUS DES MARCHES DE GRE A GRE. Le Code de passation des marchés publics autorise la passation de marchés de gré à gré sous certaines réserves. Les marchés portant sur plus de dix millions de FCFA doivent avoir l'accord préalable de la DGMP. La passation de marchés de gré à gré est rare pour les investissements financés par des bailleurs de fonds extérieurs, mais elle est courante pour les dépenses financées sur le budget national. Entre 1995 et 1998, le nombre de marchés de gré à gré a varié entre 41 (38 %) en 1995, 47 (39 %) en 1996 et 64 (42 %) en 1997. Pour l'année 1998, jusqu'en octobre, leur nombre a atteint 26 (28 %) et bien qu'en diminution, c'est celui de la fin de l'exercice qui sera retenu et celui-ci sera probablement plus proche des moyennes des années précédentes. En outre, la passation de marchés de gré à gré est pratiquée dans le cadre de budgets discrétionnaires (CENI ­ élections ; COCAN ­ Coupe d'Afrique) égaux ou supérieurs au budget national et elle s'effectue en dehors des procédures de passation des marchés publics. 21 67. Les marchés passés de gré à gré auraient été plus nombreux s'ils n'avaient été fractionnés. Pour ceux qui portaient sur moins de 10 millions de FCFA, la mission a constaté qu'ils étaient régulièrement subdivisés en lots plus petits (même de 9 950 500 FCFA) pour rester au-dessous du seuil à partir duquel la DGMP procède à un examen, et sous-traités aux mêmes entrepreneurs et fournisseurs. Globalement, le montant des marchés attribués aux mêmes entrepreneurs et fournisseurs représente bien plus de 20 à 40 millions de FCFA. Le Contrôleur de l'État signale dans ses rapports la pratique consistant à fractionner les marchés pour éviter des appels d'offres. 68. Les données pour 1997 indiquent que les marchés passés de gré à gré et portant sur plus de 10 millions de FCFA ont concerné l'achat de véhicules, l'exécution de travaux (installation de pompes hydrauliques, bâtiments) et l'achat de fournitures (carburant, produits pharmaceutiques) qui auraient tous pu faire l'objet d'appels d'offres. Près de 20 de ces marchés portaient sur plus de 100 millions de FCFA et six sur plus de 400 millions de FCFA (dont un marché de carburants de 800 millions de FCFA). En outre, 20 % de ces marchés ont été « régularisés » une fois conclus par les départements responsables. 69. Il est important de lancer un appel d'offres pour obtenir de meilleurs prix et mettre fin à la pratique des marchés de gré à gré. Bien que ces derniers puissent être justifiés dans certains cas, beaucoup d'entre eux auraient pu être remplacés par des appels à la concurrence afin d'obtenir des prix compétitifs et assurer un accès égal aux offres. Pour souligner l'importance des appels d'offres, le ministre des Finances a diffusé en 1993 des circulaires aux Directions administratives et financières (DAF) qui supervisent le processus de passation des marchés au niveau des départements ainsi que les entreprises publiques. De plus, des sanctions sont prévues au cas où des fonctionnaires ne respecteraient pas les règles de passation des marchés publics. 70. Bien que les pratiques de corruption restent peu claires dans le cas de ces marchés, les entretiens que les membres de la mission ont eus avec des fonctionnaires et des hommes d'affaires ont révélé l'existence de pots-de-vin. Les DAF sont particulièrement enclines à passer des marchés de gré à gré et les postes de directeurs de DAF et de directeurs de l'équipement sont considérés comme « particulièrement lucratifs ». À chaque changement de ministre, le nouveau titulaire désigne son propre directeur de DAF -- indépendamment de ses compétences techniques -- dans le domaine considéré, probablement pour faciliter le recours à des méthodes discrétionnaires de passation des marchés. Bien que les demandes de déblocage de fonds pour les marchés passés de gré à gré soient soumises par les ministres au Ministère des Finances, on signale de sources officielles que ces demandes émanent également de la présidence et du cabinet du Premier Ministre. 71. La pratique de la « régularisation » a posteriori des marchés est inquiétante : la DGMP est invitée à donner son avis sur les marchés conclus du fait que le Contrôleur Financier du ministère des Finances a besoin de les faire valider par la DGMP pour réunir les pièces nécessaires avant de payer l'attributaire du marché. Cette pratique va à l'encontre des articles du Code de passation des marchés et est injustifiable. Le rôle de la DGMP se borne à une approbation automatique, ce qui nuit à son intégrité professionnelle et à sa crédibilité. 22 72. Des arguments sont avancés pour justifier la passation de marchés de gré à gré. Les ministères se plaignent du fait que les lignes de crédits approuvées pour l'exercice ne sont pas disponibles avant un délai de trois mois après le début de l'exercice, ce qui contraint les ministères qui doivent supporter des dépenses ordinaires considérables (par exemple, le ministère des Travaux publics) à ne passer des marchés qu'avec des entreprises pouvant s'accommoder d'un délai de paiement de trois mois. Un autre argument est que la préparation des programmes est lente et que ceux-ci doivent être exécutés de gré à gré pour permettre aux DAF d'utiliser leurs lignes de crédits avant la fin de l'exercice. D'autres invoquent l'« urgence », argument qui peut être légitime mais semble avoir pour but d'éviter les procédures légales de passation des marchés normales, qui prennent beaucoup de temps. La passation de marchés de gré à gré offre des possibilités d'obtenir des faveurs du secteur privé et alourdit les frais généraux. 73. Il apparaît également que, du fait de leurs bas salaires, les fonctionnaires se trouvent contraints de s'assurer des revenus supplémentaires par le biais des marchés. Cet argument est difficile à vérifier étant donné qu'on ne dispose pas de données empiriques indiquant si la corruption cesse à partir d'un certain niveau de salaire. En fait, les traitements de nombreuses catégories de fonctionnaires sont supérieurs au revenu moyen par habitant. Un argument plus plausible pour expliquer les pratiques de corruption est le fait que beaucoup de gens ont le sentiment que les règles n'ont pas besoin d'être respectées en l'absence de contrôles assortis de sanctions. 74. ABSENCE DE CONTROLE DE LA PASSATION DES MARCHES. L'article 2 du Code de passation des marchés publics stipule que les marchés conclus par les sociétés de l'État, les sociétés d'économie mixte, les entreprises publiques et les EPIC sont soumis aux règles applicables à la passation des marchés publics. Le décret n° 97- 1878-SG de novembre 1997 fixe un seuil de 250 millions de FCFA au-delà duquel les EPIC et les EP sont soumises au Code de passation des marchés publics. Ce décret ne mentionne pas certaines sociétés d'économie mixte telle que la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT), l'EDM et la SOTELMA qui figurent parmi les plus grandes entreprises du Mali. La CMDT a eu, en 1997, un chiffre d'affaires net annuel de 250 milliards de FCFA, en augmentation de 42 % par rapport à 1996. 75. Au cours d'entretiens avec des transporteurs, des expéditeurs et des membres des milieux d'affaires, la CMDT est apparue comme une des entreprises les plus corrompues du Mali. Cette impression est due au caractère fermé et intégré de ces opérations et à l'absence d'appel d'offres pour la plupart de ses gros marchés. En fait, la transparence fait défaut sur l'ensemble de son circuit intégré. Un audit technique de 1998 révèle des facteurs d'inefficacité considérables au sein de la CMDT, au niveau des ventes, de l'entreposage, de la transformation des produits de l'entretien des routes et de la gestion des pièces détachées. On estime d'une façon générale -- ce qui est confirmé par les recommandations de l'audit technique -- que la CMDT pourrait réaliser des gains de productivité sensibles en sous-traitant davantage et en recourant de façon plus systématique à des adjudications et à des appels d'offres -- questions à examiner lors de la préparation du nouveau contrat-plan de la CMDT avec l'État. 76. L'État a une participation majoritaire de 60 % au capital de la CMDT. Celle-ci devrait être soumise, en matière de passation des marchés aux mêmes lois nationales que tout autre organisme d'État passant des marchés. Bien que des 23 adjudications aient lieu chaque année pour les engrais, les insecticides et le matériel agricole, la CMDT a monopolisé les transports au cours de la dernière décennie alors que dans le passé, elle lançait des appels d'offres dans ce domaine. Vingt pour cent seulement des activités de transport ont été confiés à six syndicats des transporteurs nationaux (UNCTRM et SYNTRUI, entre autres), qui acheminent le coton destiné à l'exportation depuis les cinq usines d'égrenage du coton jusqu'à Abidjan et Dakar. Tout le coton collecté auprès des producteurs est transporté par le parc de véhicules de la CMDT, ainsi que les semences de coton produites aux usines d'égrenage. Les transports maritimes sont assurés par un consortium français, SDV (Boloré). 77. Les syndicats de transporteurs se plaignent d'avoir à accepter de bas tarifs. D'après plusieurs sources, il faut payer les directeurs de la CMDT pour obtenir des contrats. La CMDT signale que la productivité de ces transporteurs privés est faible du fait de l'âge de leurs parcs de véhicules et de rotations peu efficaces. On assiste alors à un cercle vicieux en ce sens que les bas tarifs de transport et les contrats limités, sans garantie d'extension, empêchent les transporteurs locaux de rentabiliser leurs opérations et de moderniser leurs parcs de véhicules. L'une des principales dépenses de la CMDT est liée à l'entretien du parc de véhicules des transporteurs et des chauffeurs. Une partie de ce parc pourrait être revendue à ces transporteurs privés au moyen de mécanismes de financement modernes et novateurs. 78. Le coton-graine est vendu à des prix subventionnés à la HUICOMA pour la production d'huile et de savon. Les produits sont ensuite commercialisés par des intermédiaires à des prix fixés hors de toute concurrence. Les ventes de coton aux entreprises textiles ITEMA et COMATEX sont également subventionnées. Quatre vingt quinze pour cent de l'ensemble du coton est commercialisé par l'intermédiaire de la COPACO à Paris. Le rapport d'audit a recommandé l'utilisation de procédures d'appel à la concurrence telles que des ventes aux enchères, qui assureraient une plus grande transparence et de meilleurs prix étant donné que les prix de vente de la CMDT obtenus par intermédiaire d'acheteurs privés sont plus élevés que ceux qui sont obtenus par le biais de la COPACO. De plus, cela limiterait le recours à des pratiques corrompues. Le rapport d'audit indique qu'en sous-traitant davantage les opérations de transport ainsi que d'autres activités clés (par exemple, l'entretien des routes) par des procédures d'appel d'offres appropriées, on devrait améliorer la trésorerie de la CMDT et sa rentabilité, et les producteurs de coton y trouveraient également leur avantage. 79. NON-RESPECT DES PROCEDURES D'EVALUATION ET D'ATTRIBUTION DES OFFRES. Les résultats des évaluations d'offres de la DGMP et d'autres sources sont « arrangés » pour favoriser un soumissionnaire particulier. Dans certains cas, cet état de chose est découvert en temps voulu et dans d'autres cas, l'organisme officiel responsable soumissionne à nouveau, souvent en présentant des faux documents. On dispose d'informations confirmant les allégations selon lesquelles les procédures d'évaluation des offres laissent à désirer du fait de pratiques corrompues. Dans le cas d'un grand marché de travaux, les plis ont été ouverts en public -- notamment les offres de financement -- et on les a ensuite évalués en examinant leurs aspects techniques sur la base d'un système de points. Dans le cas de ce marché, les offres les plus avantageuses -- dont certaines émanaient d'entreprises réputées -- ont été rejetées pour des raisons techniques. Les offres les meilleures sur le plan technique étaient également parmi les plus coûteuses et c'est « la moins coûteuse » qui a été finalement retenue. Étant donné que 24 l'utilisation du système de points -- auquel la Banque mondiale est tout à fait hostile -- aboutit inévitablement à une notation subjective, les offres de financement ont été connues au stade de l'évaluation technique et la première commission d'évaluation a été remplacée par une autre. En conséquence, des rumeurs insistantes ont circulé, suivant lesquelles ce marché avait donné lieu à des actes de corruption. Du fait que cette procédure est autorisée dans les dossiers d'appel d'offres utilisés localement, les procédures d'évaluation des offres et d'attribution des marchés comportent de graves lacunes qui incitent à la corruption. On signale également qu'aux stades de la conclusion des marchés et des paiements, des faveurs sont exigées du secteur privé et que si des pots-de-vin ne sont pas versés, des retards s'ensuivent automatiquement. 80. OBSTACLES A LA SOUMISSION DES OFFRES. Le Code de passation des marchés stipule que chaque soumissionnaire doit fournir la preuve de ses compétences techniques et de sa capacité technique et financière à exécuter un marché donné. De plus, les soumissionnaires doivent prouver qu'ils sont en règle avec le fisc, fournir des certificats de nationalité, notamment ceux des actionnaires, une attestation de non faillite, participer aux fonds de logement et cotiser à la Sécurité sociale. Les soumissionnaires se plaignent du fait que ces formalités rendent la préparation et l'approbation des offres particulièrement complexes. Il apparaît que certaines de ces pièces (compétences techniques, paiements des impôts à jour) peuvent être obtenues moyennant finances auprès de sources officielles. 81. La nécessité de présenter un grand nombre de pièces entraîne le rejet arbitraire d'offres pour « non réponse », ce qui limite la concurrence et encourage des pratiques corrompues en pénalisant les soumissionnaires que l'on souhaite éliminer. Les rapports d'évaluation n'indiquent pas régulièrement pourquoi les offres sont rejetées et sans recours, ce qui donne l'impression qu'il y a eu corruption même lorsque la procédure a été suivie correctement. 82. ABSENCE DE SANCTIONS. Les articles 89 et 90 du Code de passation des marchés prévoient la prise de sanctions en cas d'infraction aux procédures de passation des marchés de la part de fonctionnaires, bien qu'ils ne fassent pas mention de pratiques corrompues. Cette question a cependant fait l'objet d'une note technique sur la transparence et la moralité des marchés publics, diffusée en septembre 1997 par la DGMP. Il apparaît néanmoins que des sanctions ne sont pas prises lorsque des infractions au Code de passation des marchés publics sont découvertes. 83. DROITS DE DOUANE ET PASSATION DES MARCHES. Les pratiques frauduleuses et corrompues dans le cadre des régimes d'exonération de droits pour les importations et des projets faisant l'objet d'un financement extérieur coûtent cher au Trésor. Le ministère des Finances a mis en place, pour accroître le recouvrement des droits sur les importations de pétrole, un mécanisme novateur qui rend obligatoire le paiement de droits sur toutes les importations, avec remboursement dans les 24 heures si les exonérations s'avèrent valides. Ce système a été institué pour éliminer le recours abusif aux exonérations de droits sur les importations de pétrole, qui était dû à une collusion entre les services douaniers et les importateurs, les produits pétroliers étant ultérieurement revendus sur le marché malgré la présence de la Société générale de surveillance (SGS). La SGS, qui a son siège à Genève (Suisse) assure l'inspection des importations au Mali avant leur expédition et les vérifie à leur arrivée en collaboration avec les services douaniers. 25 84. Les systèmes de contrôle ne sont cependant pas devenus plus rigoureux. La meilleure méthode consiste à éliminer les possibilités de pratiques corrompues. Le ministère des Finances a donc l'intention d'étendre le mécanisme institué pour les importations pétrolières aux importations effectuées dans d'autres secteurs, notamment à celles qui sont liées à des projets d'investissements financés par les bailleurs de fonds. 85. LA PASSATION DES MARCHES ET LE CODE MINIER. Le nombre de concessions minières est passé de 8 en 1992 à environ 90 en 1999. De nombreuses entreprises locales obtiennent des concessions sans avoir les qualifications techniques et financières voulues et elles les utilisent pour bénéficier des exonérations de droits prévues par le code minier. Cette observation vaut en particulier pour les importations de pétrole et le matériel. Les importations exonérées de droit ont donné lieu à une collusion avec des fonctionnaires des douanes qui n'ont pas vérifié les quantités de pétrole utilisées par rapport aux informations sur le programme de travail annuel et les estimations relatives à la consommation de pétrole que les bénéficiaires des concessions étaient censés fournir. 86. Plusieurs entreprises locales n'ont pas utilisé de concessions minières mais ont cependant demandé des importations de pétrole exonérées de droits égales à leurs « besoins estimatifs annuels » pour des travaux d'exploration. Les entreprises qui effectuent des travaux miniers demandent des exonérations pour une quantité supérieure à leur consommation totale, le reste étant utilisé à des fins pour lesquelles aucune exonération ne peut être accordée. Il est clair que les fonctionnaires des douanes et les détenteurs de concessions minières qui souhaitent abuser du système peuvent le faire essentiellement parce que les besoins d'importations ne sont pas comparés à la consommation effective des opérateurs miniers. Le ministère des Finances examine actuellement le coût que représente cette perte de recettes fiscales et recherche des moyens de soumettre à un contrôle plus rigoureux les demandes d'importations de pétrole exonérées de droits dans le secteur minier. Il met actuellement au point un mécanisme suivant lequel les facteurs de production pour lesquels les sociétés minières sollicite des exonérations de droits pourront être rapportés aux travaux effectivement réalisés. 87. ABSENCE DE CONTROLE SUR LES ENTREPRISES D'ETAT. Le contrôle des entreprises publiques laisse fortement à désirer. L'agence qui en a la responsabilité manque en effet des moyens financiers et humains pour évaluer la performance de telles entreprises. La gestion de ces entreprises publiques requiert en effet la formulation d'une politique efficace permettant un contrôle constant de toutes les questions liées aux obligations et responsabilités des différents organes internes et de tutelle de l'entreprise, à ses actifs et à la gestion des risques, au respect de ses engagements fiduciaires et aux conflits d'intérêts. Selon la loi, les marchés d'un montant supérieur à 250 millions de FCFA passés par les entreprises publiques doivent faire l'objet d'un appel d'offres. Mais cette loi peut être tournée de multiples façons. Les ambiguïtés et les irrégularités entourant les sociétés d'économie mixte telles que la CMDT sont légions. Le processus de privatisation doit encore être fermement exécuté et souffre d'un retard considérable. 88. Première entreprise parapublique du Mali, la CMDT a le monopole de l'achat, de la transformation et de la commercialisation du coton, un secteur qui compte pour un quart du PIB. Ses actionnaires sont l'état malien, avec 60 pour-cent des actions, et la CFDT avec 40 pour-cent. Dans le passé, les performances de cette société ont été spectaculaires, faisant du Mali le deuxième producteur africain de coton 26 après l'Egypte. La mission a discuté la problématique de la réforme de cette entreprise qui a fait l'objet d'audits et d'analyses financières et sectorielles, dont les activités échappent à toute véritable surveillance et dont les pratiques en matière de gestion financière et de passation de marchés ont été très critiquées. A la fin de 1999, la CMDT devait faire face à une crise financière majeure avec des pertes cumulées de 58 milliards de FCFA pour la période 1999-2000, pertes dont le montant dépassait celui des dépenses de l'éducation primaire pour la même période. Cette crise avait été provoquée par une chute de 40% des cours mondiaux du coton de puis 1998. Cette chute devait être suivie par un boycott de la production cotonnière par le monde paysan au cours de la campagne 2000-2001, déclenché par la réduction du prix au producteur, avec pour résultat une diminution de 50% de la production cotonnière. Les autres entreprises qui souffrent également de problèmes de gestion graves comprennent l'EDM (récemment privatisée), l'ITEMA, la SOTELMA et la SONATAM. 89. Recommandations relatives à un programme d'action · Passation de marchés de gré à gré. La passation des marchés de gré à gré devrait être remplacée par une planification systématique des marchés combinée à un processus de programmation budgétaire et à l'octroi efficace de crédits par le ministère des Finances. Chaque DAF et chaque service officiel passant des marchés devrait établir un plan annuel de passation des marchés durant le processus budgétaire précédant l'exercice, plan qui devrait être mis à jour trimestriellement et dont copie devrait être envoyée à la DGMP. La passation des marchés de gré à gré dépassant le seuil de 10 millions de FCFA au-delà duquel la DGMP doit donner son accord devrait être plafonnée à 10 % par trimestre de l'ensemble des marchés prévus par le service passant des marchés. Ce plafond devrait être géré par la DGMP sur une base trimestrielle. La DGMP ne devrait approuver une demande de passation des marchés de gré à gré dépassant la limite de 10 millions de FCFA que si le marché en question est : i) pleinement conforme aux exceptions définies dans les articles 34 et 35 correspondants du Code des marchés publics ; ii) accompagné du plan de passation des marchés agréé mentionné plus haut ; et iii) à condition que l'activité ou le/les élément(s) prévu(s) dans le cadre du marché proposé figurent dans le budget approuvé. La passation de marchés de gré à gré portant sur un montant inférieur à 10 millions de FCFA devrait être signalée chaque trimestre à la DGMP au moyen des informations recueillies au ministère des Finances, avec des examens ex post des marchés portant sur un montant inférieur à 10 millions de FCFA. · Le fractionnement des marchés d'un montant inférieur à 10 millions de FCFA ne devrait pas être toléré et les responsables devraient être pénalisés conformément à la loi. Les circulaires antérieures concernant cette pratique inquiétante qui ont été diffusées par le ministère des Finances et la DGMP devraient l'être à nouveau et les coupables devraient être poursuivis. Le ministère des Finances devrait non pas traiter isolément chaque dépense mais, au contraire, les vérifier pour déterminer s'il y a fractionnement de marchés. 27 Les DAF ayant de grands programmes d'achats devraient faire appel à des spécialistes de la passation des marchés pour rendre leurs programmes plus efficaces, économiques et transparents et assurer une formation à leur personnel pour lui apprendre à utiliser des méthodes professionnelles de passation des marchés. Les directeurs de DAF devraient être sélectionnés en fonction de leurs qualifications et compétences reconnues dans le domaine concerné -- et notamment de leur expérience en matière de passation des marchés -- et fournir la preuve qu'ils n'ont pas commis d'irrégularités dans ce domaine. Il faut mettre fin à la pratique de la « régularisation » des marchés après leur conclusion. · Budgets extraordinaires. Les services responsables de budgets extraordinaires (CENI, COCAN) devraient être soumis aux mêmes règles de passation des marchés que tout autre service officiel. Le COCAN devrait être soumis pleinement aux règles du Code de passation des marchés et ne devrait bénéficier d'aucune exonération en matière de droits de douane, d'impôts ou autres dispositions fiscales ou mesures de contrôle. Ses comptes devraient être vérifiés par un auditeur indépendant tous les six mois et son rapport d'audit devrait être rendu public. Tous les décideurs du COCAN devraient être tenus de rendre publics leurs intérêts commerciaux et ceux des membres de leur famille pour éviter tout conflit d'intérêt. Les informations ainsi révélées devraient également faire l'objet d'un audit public indépendant. · Audits. Pour renforcer les examens effectués par le Contrôleur de l'État, les DAF et les services officiels passant des marchés devraient être contrôlés par des auditeurs techniques extérieurs indépendants (pour les états financiers et la passation des marchés) nommés sur appel à la concurrence pour des contrats limités à une période de trois ans. Les audits de passation des marchés devraient également être étendus à la DGMP pour l'on puisse se faire une opinion objective du fonctionnement du système de passation des marchés de l'État. Il convient de rétablir les contrôles des stocks et notamment leurs audits, sans quoi des vols de toutes sortes sont possibles. · Sociétés d'économie mixte et entreprises publiques. Le décret n° 97- 1878/MF-SG, qui stipule que les marchés passés par les EPIC et les EP et pour un montant supérieur à 250 millions de FCFA sont soumis au Code officiel de passation des marchés devrait être modifié de façon à s'appliquer également aux sociétés d'économie mixte telles que la CMDT, l'EDM et la SOTELMA. La CMDT devrait soumettre tous les marchés de 250 millions de FCFA à l'examen de la DGMP, notamment les rapports d'évaluation des offres et les recommandations relatives à l'attribution des marchés. Tous les marchés d'un montant supérieur à 2 milliards de FCFA devraient être approuvés par les services officiels compétents. La DGMP devrait être autorisée à recevoir le document de soumission du soumissionnaire auquel il est recommandé d'attribuer le marché au moment de l'évaluation des offres. Les transports, notamment routiers et maritimes, devraient à nouveau faire l'objet d'appel d'offres pour permettre d'obtenir des prix plus compétitifs et assurer une plus grande transparence des opérations. Pour rendre plus difficile encore la recherche de rentes, il conviendrait de soumettre les achats ou les travaux de la CMDT ne faisant pas l'objet d'adjudication publique à des appels d'offres conformément au Code de passation des marchés. 28 · Amélioration des procédures d'évaluation des offres et d'attribution des marchés. Il conviendrait en priorité de préparer des dossiers type d'appels d'offres, des documents de présélection, des invitations pour des services de consultants et des formulaires d'évaluation des offres pour les biens et les travaux et les services de consultants comme prévu dans le cadre d'un Fonds de développement institutionnel (FDI) financé par la Banque mondiale et utilisé par d'autres bailleurs de fonds multilatéraux. Il s'agit d'améliorer la qualité des dossiers d'appel d'offres et des documents d'évaluation et de réduire le temps consacré à l'approbation des documents et les possibilités d'actes de corruption. La DGMP devrait examiner les évaluations des offres des soumissionnaires recommandés. Pour assurer la transparence voulue, la DGMP devrait recevoir un pli non ouvert et demander une deuxième copie sous pli scellé de l'offre pour rendre toute modification difficile. Les opérateurs économiques devraient avoir le droit de contester devant un tribunal l'attribution des marchés. À l'heure actuelle, les rapports de la DAF sur les appels d'offres sont souvent fantaisistes, ce qui peut également être le cas des pièces jointes. Il conviendrait d'accorder à la DGMP des ressources pour assurer la supervision voulue de la gestion de marchés afin de vérifier si ceux-ci sont exécutés correctement, et également d'enquêter sur les pratiques visant à retarder la signature des contrats et les paiements au titre des marchés afin d'obtenir des dessous de table. · Obstacles à la soumission des offres. Les appels d'offres devraient être annoncés en temps voulu dans les journaux locaux. Le nombre de pièces nécessaires pour soumettre des offres devait être réduit au minimum (numéro de contribuable, preuve de la capacité technique et garantie financière en rapport avec l'appel d'offres, et attestation certifiant que l'intéressé est en règle avec le fisc). Le document de soumission devrait indiquer quelles pièces doivent être fournies d'une part pour la soumission de l'offre et d'autre part au moment de la signature. La décision de rejeter une offre devrait être fondée sur la non présentation des pièces requises et communiquée à un stade précoce et non au moment de l'ouverture des plis. Les soumissionnaires devraient avoir trois chances de fournir les pièces manquantes. Les pièces devraient être vérifiées, les rapports d'évaluation devraient indiquer les raisons du rejet d'une offre. Les appels d'offres ne devraient être lancés que pour les petits marchés auprès d'au moins trois entrepreneurs pleinement qualifiés. Comme indiqué dans le rapport analytique sur la passation des marchés au Mali, on pourrait susciter une plus grande confiance dans le processus d'appel à la concurrence en vérifiant systématiquement l'intérêt manifesté par les entreprises avant d'établir des listes restreintes et en diffusant davantage d'informations dans le secteur privé. 29 Comme indiqué dans le rapport analytique sur la passation des marchés au Mali, et comme l'envisage la DGMP, on devrait établir un bulletin géré par une entité du secteur privé pour diffuser des invitations à soumissionner et annoncer les attributions de marchés, et pour indiquer brièvement comment la passation des marchés est conduite et combien de temps prendra le processus. Cela pourrait être fait en collaboration avec la chambre de commerce. · Droits de douane et passation des marchés. Le régime de vérification des importations de produits pétroliers devrait être étendu aux autres importations, notamment à celles qui sont liées à des projets de développement financés par des bailleurs de fonds. Le système est compatible avec les politiques de la Banque mondiale et du FMI. · Passation des marchés conformément au code minier. Il est recommandé de fonder l'attribution des concessions minières sur des qualifications techniques et financières vérifiées et acceptées. Pour limiter les possibilités de fraude fiscale et de collusion, l'utilisation qui est faite des équipements d'opérations minières devrait être vérifiée. Il conviendrait de soutenir les efforts déployés en ce sens par le ministère des Finances. · Des sanctions doivent être prises en cas d'infraction au Code de passation des marchés. 90. Le programme de réformes. Le gouvernement a endossé dans une très large mesure les recommandations du rapport et a souligné l'importance de combiner les réformes administratives avec les actions pénales. Les réformes suivantes ont été adoptées : · En ce qui concerne la CMDT, une mission de restructuration a conclu que la crise actuelle avait pour principale origine une mauvaise gestion, avec pour résultat des coûts élevés, des investissements excessivement ambitieux, des ventes de fibre du coton dans des conditions peu transparentes et une attitude laxiste de la part de ses deux principaux actionnaires. Le Président Directeur Général de la CMDT a été relevé et mis en prison, et devrait être prochainement poursuivi pour fraude et détournement.. D'autres cadres supérieurs de la CMDT sont également poursuivis. · Un programme de réformes à court terme a été préparé. Il comprend, entre autres : (a) un plan de restructuration financière à court terme appuyé par l'IDA ; (b) le désengagement progressif de la CMDT des missions de service public et un recentrage autour de ses activités liées au système coton ; (c) une participation accrue des producteurs et du secteur privé dans la gestion de la filière coton, y compris l'ouverture du capital de la CMDT aux producteurs ainsi qu'aux travailleurs ; et (d) la libéralisation des deux secteurs coton et oléagineux, afin d'améliorer leur compétitivité et leur rentabilité, y compris la privatisation de HUICOMA.. 30 · D'autres personnalités ont été également mises en prison et devraient être poursuivies, y compris les directeurs généraux de l'EDM, ITEMA, SOTELMA et SONATAM. Le Gouvernement se propose en outre d'engager les réformes suivantes : · L'institution du référé pré-contractuel devant un juge administratif de façon à garantir un droit de recours aux soumissionnaires qui contesteraient l'adjudication d'un contrat. · Une publicité élargie à la radio et à la télévision sur toutes les informations relatives aux marchés publics, conformément au code de passation des marchés. · Rattachement de la Direction Générale des Marchés Publics (DGMP) à la Primature de façon à assurer une meilleure supervision par les autorités chargées de l'administration. 91. Mesures recommandées pour l'avenir · Il faudra veiller à faire adopter le code pénal révisé qui punit toutes les infractions au code de passation des marchés, y compris les exonérations à l'appel d'offre concurrentiel et les violations de la liberté d'accès et de l'égalité des candidats devant les appels d'offre publics. Le nouveau code comporte également des mesures à l'encontre du blanchissement d'argent et du recel d'argent blanchi. · Il faudra également veiller à éliminer toutes les ambiguïtés et autres lacunes entravant la pleine application des dispositions du code de marché public aux entreprises parapubliques, dont l'Etat est l'actionnaire majoritaire. Cette recommandation qui émane de la Présidence demande une mise en oeuvre dans les meilleurs délais. La CMDT, notamment, devrait être entièrement soumise à l'application du code de passation des marchés. Il faudrait exiger d'elle l'utilisation de l'appel d'offre concurrentiel pour tout marché supérieur à 250 millions de FCFA et la soumission de tous les marchés à des vérifications indépendantes et publiées. La permission accordée à la COCAN (Comité d'Organisation de la Coupe d'Afrique des Nations) d'utiliser le gré à gré pour les travaux publics considérables qu'il commissionne constitue une exception importante et très risquée à cette application rigoureuse de la loi. C. Gestion des finances publiques 92. Des réunions ont eu lieu avec les responsables des services fiscaux et des douanes pour déterminer dans quelle mesure la corruption empêche l'État de s'assurer des recettes dans ces deux domaines. Des entretiens ont eu lieu avec les DAF d'un certain nombre de ministères -- ministère de la Santé, de la Solidarité et des personnes âgées (MSSPA), ministère du Développement rural et de l'Eau (MDRE), ministère de la Défense et ministère des travaux publics et des transports (MTP&T) -- qui représentent un pourcentage important des crédits budgétaires annuels de l'État. La DNCF, l'IF et le CGE constituent les trois 31 organismes de contrôle pour la gestion des finances publiques et ils ont fourni à la mission une aide précieuse pour recueillir des informations (voir annexe 6). 93. Les rapports établis par l'IF et le CGE au cours des cinq dernières années ont été examinés dans le but de : i) confirmer l'existence de mécanismes de contrôle dans le domaine de la gestion publique, ainsi que l'efficacité du CGE et de l'IF ; ii) déterminer si les contrôles empêchent, détectent et corrigent les irrégularités commises au niveau des dépenses publiques ; et iii) évaluer l'opportunité et la pertinence de la soumission des rapports à la présidence et au parlement en vue d'actions complémentaires. Dans le cadre du processus d'examen, on a évalué la capacité du CGE et de l'IF à fournir, pour améliorer la gestion des dépenses publiques, une assistance financière et gestionnelle valable au ministère ainsi qu'aux autres entités publiques recevant des fonds de l'État. 94. Deux réunions ont eu lieu avec des membres de l'Assemblée nationale pour évaluer leur rôle dans le contrôle des dépenses publiques par le biais du processus d'approbation budgétaire, et dans l'examen de la Loi de règlement qui régit l'exécution du budget. La mission a discuté des mesures propres à renforcer la fonction de supervision par l'intermédiaire du comité des finances du Parlement. Des entretiens approfondis ont eu lieu avec des représentants du secteur privé et des organisations de la société civile. La communauté des bailleurs de fonds a fourni de précieuses informations permettant de mieux comprendre les pratiques de corruption au Mali, particulièrement en ce qui concerne les mécanismes de survie et les cas mineurs de harcèlement. Ces informations ont permis de mieux évaluer l'impact de la corruption sur les entreprises et sur les opérations de réduction de la pauvreté. 95. Au Mali, le sentiment qui prévaut parmi les fonctionnaires, les opérateurs du secteur privé, les organisations de la société civile et la communauté des bailleurs de fonds est que la corruption s'aggrave, qu'elle est généralisée et qu'elle nuit à l'efficacité économique. Les données recueillies confirment ces constatations. La mission n'a malheureusement pas été en mesure de procéder à un contrôle des principaux cycles de dépenses publiques ni à une évaluation approfondie des DAF et du système de gestion budgétaire. Les nombreux entretiens qu'elle a eus pendant son séjour lui ont permis de vérifier les constatations qui ont été faites. Cette évaluation a révélé des faiblesses dans le système de contrôle et la gestion des finances publiques, et l'on ne peut compter sur les responsables pour détecter les cas de corruption ou imposer des sanctions. 96. SYSTEME DE GESTION DES FINANCES PUBLIQUES. La distinction entre ceux qui donnent des ordres et ceux qui exercent les fonctions d'autorisation, d'approbation, de paiement et d'enregistrement est importante. Cette séparation des fonctions renforce le principe selon lequel ceux qui autorisent les dépenses ne devraient pas être aussi ceux qui sont chargés de collecter, d'administrer et de décaisser les fonds de l'État. Si ce système est appliqué et respecté de façon appropriée, il devient un mécanisme de contrôle intégré qui fournit un excellent système de poids et contrepoids à l'administration des fonds publics. Il constitue également une preuve de responsabilité, de transparence et de bonne gouvernance. 97. La distinction entre ceux qui ont le pouvoir d'ordonner des dépenses et ceux qui sont chargés d'administrer les fonds de l'État est renforcée par des mécanismes de contrôle interne aussi bien à priori qu'à posteriori à tous les stades de la gestion des finances publiques. Si les contrôleurs financiers (CF) avaient le statut 32 d'auditeurs internes au sein du ministère, avec le pouvoir de signaler les irrégularités de leurs DAF aux ministres techniques, ces derniers seraient tenus d'agir, de prendre des mesures disciplinaires ou de fournir des explications lors des conseils ministériels hebdomadaires. La question serait transmise à l'IF ou au CGE en fonction de l'irrégularité commise, pour complément d'enquête. La conclusion de cette enquête serait communiquée à la section des comptes de la Cour suprême pour être transmise à la présidence et/ou à l'Assemblée nationale. Des contrôles à posteriori sont effectués par les services d'inspection dans le cadre de leur fonction d'audit pour évaluer la situation et recommander des mesures correctives. 98. MECANISMES DE CONTROLE. Pour identifier les lacunes du système de contrôle, il est important d'examiner les fonctions des directions administratives et financières (DAF) et les divers mécanismes de contrôle qui ont été mis en place au plan interne par l'État pour superviser les décaissements. De plus, cet examen couvrira l'ordre des experts comptables qui est chargé de l'audit extérieur des entreprises parapubliques ainsi que des projets de développement. La Société générale de surveillance (SGS) supervise l'importation de biens dans le pays. Le système de contrôle se compose comme suit : · Directions administratives et financières (DAF) · Direction nationale du contrôle financier (DNCF) · Direction Nationale du Trésor et de la Comptabilité Publique (DNTCP) · Inspection des finances (IF) · Contrôle général de l'État (CGE) · Section des comptes de la Cour suprême · Ordre des experts comptables · Société générale de surveillance (SGS) Les DAF jouent un rôle crucial dans la gestion des dépenses publiques car elles supervisent l'utilisation des crédits budgétaires trimestriels. Une fois que la Loi de Finance a été votée et que les premières tranches trimestrielles sont débloquées pour les divers ministères et autres entités publiques, les DAF prennent littéralement la relève. Elles gèrent les ressources aussi bien financières qu'humaines des divers ministères et jouent de facto de rôle de contrôleurs financiers pour l'utilisation effective des ressources financières de l'État. 99. DIRECTIONS ADMINISTRATIVES ET FINANCIERES. Chaque ministère est doté d'une direction administrative et financière ayant à sa tête un directeur administratif et financier (DAF) nommé par décret ministériel. Les directeurs administratifs et financiers sont choisis parmi les inspecteurs des finances, des services du fisc ou des douanes (finances, fisc, douanes) du ministère des Finances. Les DAF sont des spécialistes financiers dont les responsabilités ont été élargies pour inclure la gestion du personnel, des immobilisations et des fournitures de bureau, en plus de leur rôle traditionnel consistant à préparer, exécuter et contrôler le budget du ministère. 100. Un DAF est un ordonnateur délégué relevant directement du ministre qui l'a nommé. En sa capacité d'ordonnateur délégué, il peut prendre un engagement au nom du gouvernement. En tant que spécialistes, les DAF sont indépendants des ministres et théoriquement, leur mandat ne devrait pas être lié à celui du ministre qui les a nommés mais dans la pratique, tout remaniement ministériel au Mali 33 s'accompagne d'une rotation correspondante des DAF. En apparence, l'indépendance des DAF est grandement compromise et bien qu'aucun cas concret n'ait été signalé à la mission, les DAF pourraient être soumis à des pressions abusives du ministre qui détermine leurs possibilités de carrière et leur avancement. 101. Le transfert du ministre aux DAF de la fonction d'ordonnateur aurait dû s'accompagner de la mise en place d'un contrôle interne rigoureux mais dans la pratique, les DAF ne sont soumis qu'au contrôle à priori des contrôleurs financiers de la DNCF qui fait partie du ministère des Finances, et au contrôle à posteriori de la DNTCP, lors des paiements et des inspecteurs de l'IF, qui fait partie du ministère des Finances, ou du CGE. Alors que les premiers contrôles et celui de la DNTCP sont systématiques et obligatoires, ceux de l'IF et du CGE sont effectués de façon aléatoire. En d'autres termes, le contrôle financier est systématiquement pratiqué comme contrôle administratif et une vérification de conformité pour déterminer la régularité des justificatifs de toute dépense. Les contrôles de l'IF et du CGE ne sont pas fréquents faute de personnel qualifié, d'un budget adéquat et d'un soutien logistique (voitures et ordinateurs, par exemple) suffisant. 102. Un audit de la DAF du ministère du Développement rural effectué le 17 novembre 1997 et diffusé par le CGE indique qu'entre le 1er janvier 1995 et le 20 novembre 1997, on a enregistré six achats différents d'un montant supérieur à 10 millions de FCFA et représentant un total de 102 984 370 FCFA effectués sans appel à la concurrence, contrairement aux stipulations du Code de passation des marchés. Cela révèle deux lacunes du système de contrôle : tout d'abord, le code n'est pas respecté et deuxièmement, malgré un contrôle à priori de la DNCF et un contrôle au point de paiement par le comptable au Trésor, les paiements sont approuvés en l'absence des pièces appropriées, à savoir les offres et les rapports d'évaluation relatifs aux achats portant sur un montant supérieur à 10 millions de FCFA. Le rapport d'audit a révélé une médiocre gestion du personnel, et un contrôle irrégulier des ressources extérieures faute d'une communication satisfaisante entre la DAF et les responsables des projets de développement sur le terrain. 103. La plupart des DAF ne disposent pas d'un système de contrôle interne bien établi ni d'un manuel de procédures. Faute de système de contrôle, les DAF ne rendent pas compte de leurs actions bien que relevant du ministre. Ce système est rendu plus inefficace encore par le manque de matériel et de fournitures. Dans ces circonstances, la mission a confirmé avec les DAF, les IF et le CGE que pratiquement personne ne sait si les biens et services pour lesquels des paiements sont demandés ont jamais été fournis. Les DAF effectuent des paiements sur la base des pièces qui leur sont présentées et n'ont pas le pouvoir de vérifier si un service a été fourni ou un bien a été acheté. On craint aujourd'hui que ce système ne donne lieu à des abus. Pour frapper les esprits et faire ressortir le manque de comptabilité appropriée dans l'administration, la DNCF a dit que si tout le mobilier, le matériel de bureau et les divers équipements que son service a approuvés au cours des dix dernières années avaient été effectivement achetés, il n'y aurait pas un seul bureau de l'administration où le personnel disposerait d'assez d'espace pour pouvoir s'asseoir et travailler ! 104. La DNCF est préoccupée à juste titre par le taux de renouvellement des DAF et l'absence de critères uniformes de nomination. Elle déplore le temps excessif 34 consacré à la formation de DAF qui sont remplacés un peu après. Le taux élevé de renouvellement des DAF entraîne également des retards dans le traitement des demandes de paiements. C'est ainsi que des DAF inexpérimentés commettent fréquemment des erreurs en préparant les demandes de paiement et en soumettant les justificatifs. La DNCF ne souhaite guère être le formateur par défaut des DAF. Elle considère que les ministères des Finances et de la Fonction publique qui ont délégué leurs fonctions de gestion financière et d'administration du personnel aux DAF devraient être chargés de la formation des intéressés au moment de leur recrutement et également en cours d'emploi. 105. Confier aux DAF des activités aussi diverses que la gestion financière et l'administration du personnel ne peut que nuire à leur efficacité. Au Mali, les DAF sont des spécialistes financiers aux compétences limitées, voire inexistantes en matière de gestion des ressources humaines. En conséquence, les ressources humaines de la plupart des ministères sont mal gérées et inefficaces et donnent lieu à des irrégularités. Il existe en principe des mécanismes de contrôle pour superviser les activités des DAF, empêcher les irrégularités et faire en sorte, lorsqu'elles se produisent, qu'elles soient détectées et corrigées, comme indiqué plus haut. Ces mécanismes de contrôle sont la DNCF, du ministère des Finances qui effectue les contrôles administratifs ou vérifie la conformité des demandes de paiement avant que ceux-ci ne soient effectués ; l'inspection des finances (IF) et également le ministère des Finances qui se concentrent sur des audits financiers ex-post semblables aux audits financiers extérieurs effectués par des cabinets d'experts comptables publics et le CGE, à la présidence, qui est chargé des audits financiers et gestionnels ex-post de toutes les entités recevant des fonds publics. Les organismes de contrôle disposent de textes relativement satisfaisants définissant leur mission, leur organisation et leurs effectifs. En fait, tous se heurtent aux mêmes problèmes découlant du manque de ressources matérielles et humaines. En outre, les motivations et les plans de carrière font défaut et ils sont considérés comme des voies de garage pour les fonctionnaires, dont on ne sait que faire, et les incompétents. 106. Recommandations concernant un programme d'action · Professionnaliser les organismes de contrôle. Il conviendrait de vérifier les compétences techniques et l'intégrité des membres du personnel des organismes de contrôle, et de remplacer tous ceux qui ne répondent pas aux normes. Le CGE et l'inspecteur principal des Finances devraient être nommés pour un mandat de durée déterminée et être assurés d'une pension adéquate. Il conviendrait de revaloriser le statut des services d'inspection et des profils de carrière devraient être établis. · Augmenter les budgets. Les budgets relatifs au personnel, au matériel et aux bureaux des organismes de contrôle devraient être augmentés par un vote de l'Assemblée nationale. · Professionnaliser le personnel des DAF. Les directeurs des DAF devraient être remplacés par des professionnels sélectionnés en fonction de leurs mérites. Ils relèveraient du secrétaire général (SG) du ministère. Des audits indépendants des comptes des DAF seraient effectués régulièrement pour vérifier si les crédits correspondent aux dépenses effectuées et formuler des recommandations en vue d'améliorer les résultats. Les organismes de contrôle 35 procéderaient à des examens périodiques et signaleraient les cas devant donner lieu à des mesures administratives et à une action en justice. · Responsabilité des rapports. Les rapports des organismes de contrôle seraient transmis aux ministres compétents en vue de mesures ultérieures, avec des délais précis de réponses et suivis par les ministres, les services du Premier Ministre et la présidence une fois les faits vérifiés et les procédures adéquates suivies. Le Parlement recevrait un rapport d'inspection après examen au sein du Gouvernement. · Transparence des rapports. La DGMP recevrait sur l'attribution des marchés publics des informations publiées régulièrement. Les rapports des pouvoirs publics faisant suite à ceux des services d'inspection devraient être publiés et indiquer les mesures prises par telle ou telle institution, et signaler les cas de rapports irréguliers ainsi que les sanctions administratives et autres prises. Les comportements non conformes d'un ministre seraient signalés aux services d'inspection administrative et judiciaire. · Pouvoir des organismes de contrôle. Les services d'inspection auraient le pouvoir d'exiger que des pièces soient produites immédiatement conformément à la loi et sous peine de sanctions. Les pièces fournies comprendraient notamment des relevés bancaires et la comptabilité publique. · Recours. Les personnes soumises à un audit disposeraient d'un droit de réponse et donneraient une réponse aux responsables de l'audit. · Formation des services d'inspection. Du fait du vieillissement de la fonction publique, les inspecteurs n'ont pas les compétences nécessaires pour effectuer des enquêtes à l'aide de méthodes modernes. Des ordinateurs devraient être utilisés conformément aux normes juridiques en vigueur dans le cadre des enquêtes menées par la police judiciaire. · Justificatifs des bailleurs de fonds. Les bailleurs de fonds devraient être tenus d'adresser des copies des documents relatifs aux dépenses publiques -- notamment les audits internes -- au ministère des Finances et à l'Assemblée nationale. Si les bailleurs de fonds s'exécutent, le Gouvernement sera en mesure de suivre les dépenses liées à l'aide même s'il ne peut pas les contrôler. · Assemblée nationale. On renforcerait le rôle de l'Assemblée nationale en réorganisant et en équipant les commissions parlementaires clés et en leur confiant la responsabilité du contrôle et de l'inspection budgétaire. 107. Le programme des reformes · En ce qui concerne le manque de coordination entre la préparation du budget et son exécution, les autorités ont pris note de la collusion qui règne entre les cadres responsables de la gestion des ressources publiques et du manque d'un véritable système de contrôle ; toutes choses qui ont entraîné une propagation de la corruption. Sans renier l'importance à accorder aux DAF dans le programme de réformes anti-corruption, les autorités ont souligné la nécessité de renforcer le système général de contrôle des finances publiques. 36 · Le Ministère de l'Economie, du Plan et de l'Intégration a été intégrée au Ministère des Finances de façon à améliorer la coordination budgétaire. · A la lumière de l'expérience acquise au cours de la première phase de la réforme anti-corruption, le Président a demandé aux services publics de lui soumettre des propositions de réforme des services de contrôle. La réforme de janvier 2000 constitue la suite de cette initiative. Elle a conduit à des réformes institutionnelles fondées sur l'efficacité des services et la responsabilisation des cadres chargés de la gestion des ressources publiques. · Le Contrôle Général de l'Etat a été transféré à la Primature sous le nom de Contrôle Général des Services Publics. A l'avenir cet organe aura le pouvoir de saisir le Procureur de la République dès qu'il serait en possession de preuves de violation de loi. · Restructuration des Unités d'Inspection Ministérielles en mettant l'accent sur le professionnalisme et la responsabilité de leurs agents. · A la suite de chaque mission d'inspection, les services de contrôle sont tenus d'envoyer une copie de leur rapport aux responsables des organismes qui ont fait l'objet d'une inspection. Ces responsables sont à leur tour requis de répondre par écrit aux observations faites par le service de contrôle compétent. · L'ensemble du corps des contrôleurs a fait l'objet d'une première augmentation des salaires de façon à motiver les agents. La nouvelle commission anti-corruption permanente (CASCA) aura la responsabilité d'effectuer le suivi des rapports d'inspection des services publics. 108. Mesures recommandées pour l'avenir · En ce qui concerne les politiques visant à raviver les services de contrôle, particulièrement la Section des Comptes de la Cour Suprême, les dispositions en cours visent à transformer cette section en une Cour des Comptes, indépendante et dotée de ses propres ressources budgétaires. Cette mesure devrait être mise oeuvre, dès que possible, à cause de l'importance du rôle de la Section des Comptes dans la revue des comptes budgétaires et dans la conduite d'enquêtes indépendantes de l'Exécutif. · La réforme des DAF requiert des mesures spécifiques, vu le rôle essentiel jouer par ces directions dans l'administration du fait de leur contrôle des budgets des ministères, du personnel, des patrimoines et des procédures. Elles ont fait l'objet d'enquêtes dans le cadre de la réforme anti-corruption importante annoncée en octobre 1999. Il faut envisager maintenant une réforme qui sépare les DAF de l'exécution de celles des mesures, qui relèvent à proprement parler des autorités politiques. Les nominations des DAF devraient être fondées sur les qualifications, conformément à la loi, et déconnectées des fonctions ministérielles à caractère politique. 37 D. La fonction publique 109. REFORME ADMINISTRATIVE ET ORGANIGRAMME (1972-1990). Durant la période 1972-1990, le gouvernement malien s'est efforcé de réformer l'administration mais il avait déjà perdu toute crédibilité (voir annexe 6). Il a été accusé par les autorités politiques de détourner les ressources publiques pour son propre usage, par la population de s'être substitué à l'administration coloniale et par son personnel, de ne pas répondre à des revendications légitimes. La taille de l'appareil administratif avait été réduite, de même que son coût relatif, mais on n'était parvenu ni à améliorer la qualité des services ni à répondre aux préoccupations des consommateurs. L'administration était pratiquement considérée comme une institution étrangère, ce qui peut expliquer dans une certaine mesure l'ampleur de la corruption. 110. LE PLURALISME POLITIQUE APRES 1992. Après 1992, l'administration malienne s'est efforcée de suivre le mouvement populaire de réforme de l'administration publique qui était un phénomène mondial. Ses trois axes étaient l'État, le marché et la société. Suivant le nouveau rôle qui leur était imparti, l'État et la fonction publique étaient censés s'employer essentiellement à créer un environnement favorable au développement du secteur privé et mettre le secteur public au service du développement. En bref, l'administration publique doit justifier l'utilisation qu'elle fait des ressources allouées par les utilisateurs de services et démontrer que non seulement elle n'entrave pas le développement, mais qu'elle y contribue. 111. DIAGNOSTIC. La réorganisation de l'administration avait pour but de donner la priorité aux ministères clés pour lesquels de nouveaux organigrammes seraient établis et dont le personnel serait évalué et les fonctions redéfinies. À l'heure actuelle, l'administration malienne est centralisée en ce sens que le pouvoir délégué aux échelons subalternes est limité. Toutefois, elle n'assume toujours pas la responsabilité de ses décisions. Les fonctionnaires de la capitale ont perdu l'initiative et ceux des provinces ne disposent pas du matériel et du personnel nécessaires à l'exercice de leurs fonctions. Le système est paralysé par des procédures et formalités complexes, avec peu de liaisons horizontales entre les services. 112. La complexité de l'administration facilite la corruption. La mission de décentralisation a signalé qu'une veuve retraitée de la fonction publique doit soumettre 27 justificatifs sur un période de 2 à 3 ans pour commencer à toucher une pension. On enregistre des retards comparables pour les transferts de titres de propriété et d'autres fonctions administratives. Ces piètres performances ne sont pas sanctionnées et à ce jour, le Gouvernement n'a pas donné suite aux propositions de la mission de décentralisation visant à entreprendre une refonte de la réglementation et des procédures. 113. La centralisation du processus de décision et la place prépondérante accordée au contrôle par le ministère de la Fonction publique font qu'il est difficile de motiver les fonctionnaires. Les statuts juridiques de la fonction publique imposent une réglementation excessive et mettent l'accent sur les processus, ce qui ne facilite pas une gestion axée sur les résultats. Des fonctionnaires aux responsabilités équivalentes n'ont pas la même rémunération. Certaines catégories de personnel sont relativement bien payées. C'est ainsi que les syndicats d'enseignants sont parvenus à obtenir des salaires de sept à huit fois supérieurs au revenu par 38 habitant. Les primes et indemnités représentent 22 % de la masse salariale totale et créent de fortes disparités d'une catégorie à l'autre. 114. Ces constatations ne sont pas nouvelles. Une revue des dépenses publiques effectuée par la Banque en 1995 signalait la démoralisation du personnel et le manque de transparence au niveau des rémunérations, l'aspect arbitraire des nominations aux postes à responsabilités et l'importance insuffisante accordée à la responsabilisation du personnel vis-à-vis de ses supérieurs et de la population en général. Ce rapport n'a manifestement pas eu beaucoup d'effet. 115. Le problème essentiel consiste à professionnaliser la fonction publique et réduire le pouvoir qu'ont les autorités politiques de pourvoir des postes sans tenir compte des compétences. Cette réforme doit s'appuyer sur un système d'information de gestion efficace qui comprendrait des descriptions de postes et des profils précis pour chaque candidat. Ces profils devraient correspondre aux postes budgétaires. · Transparence. La corruption est facilitée par la complexité et le manque de transparence des procédures, ce qui tient à un certain nombre de facteurs. L'administration est isolée de la société et la notion de service lui est étrangère. Les technologies modernes de l'information n'étant pas utilisées, la gestion administrative est opaque, ce qui entraîne une forte centralisation accompagnée d'un manque de responsabilisation et d'évaluation des résultats. · Moralité. La décentralisation et la flexibilité de l'administration pourraient entraîner une mauvaise utilisation des ressources et des actes de corruption. Cela rend d'autant plus nécessaire une moralité fondée sur un code déontologique prévoyant des sanctions. Des méthodes de formation modernes peuvent contribuer à une moralisation des comportements et en fait, les projets de développement bien conçus ne peuvent aboutir que si le personnel est compétent et intègre. · Procédures et résultats. Dans les pays en développement, les ressources humaines sont généralement sous-utilisées et peu productives. Les nominations en fonction de critères politiques étant la norme, les qualifications des candidats sont sans rapport avec celles qu'exige leur poste. En fait, la philosophie de la gestion des ressources humaines met l'accent sur les procédures de gestion du personnel plutôt que sur les performances, ce qui démotive le personnel et l'incite à l'absentéisme. Il s'agit d'un environnement dans lequel on contrôle des procédures sans s'efforcer d'atteindre des objectifs. Dans une administration de ce type, les fonctionnaires savent ce qu'il faut faire mais pas comment procéder. · Réorganisation administrative. La réforme administrative devrait être envisagée dans le contexte d'un nouveau rôle de l'État, se désengageant de certains secteurs pour assurer un certain équilibre entre le secteur public et le secteur privé. Ces questions ne font pas l'objet d'un consensus au Mali bien qu'elles soient activement examinées. Il est important de s'adapter au nouveau rôle des administrations publiques au sein de l'État, et cela pour un certain nombre de raisons -- contraintes budgétaires, attentes croissantes de la population, exigences des technologies nouvelles et rôle nouveau de l'État dans la prestation de services peu coûteux et de haute qualité à une économie compétitive dans le cadre d'une économie mondiale en mutation. En effet, l'État jouera un rôle majeur dans la définition d'un nouveau pacte social 39 suivant lequel il ne s'occupera plus de tout mais utilisera ses ressources pour atteindre des objectifs prioritaires dans des domaines tels que la défense, la justice et la décentralisation politique et administrative. L'État fixera ainsi des priorités et supervisera l'application des lois et des règlements mais sans se substituer au marché. Selon ce principe, on peut parler d'un regroupement des ministères sociaux, culturels et économiques ; les remaniements ministériels devraient correspondre aux changements qui s'imposent plutôt qu'à des préoccupations politiques. À la suite de cette réorganisation, le personnel pourra être adapté, tant en nombre qu'en qualité aux besoins de chaque ministère. Il conviendrait de procéder progressivement en commençant par les ministères clés qui sont ceux de l'Éducation, de la Santé, et des Finances. 116. ORGANISATION ET RECRUTEMENT ET CONTROLE DU PERSONNEL. En ce qui concerne l'organisation, une fois les objectifs fixés, des missions détaillées et une division précise des responsabilités administratives seront décidées. On aboutira ainsi à un nouvel organigramme indiquant les activités et objectifs de chaque service. En ce qui concerne le personnel, il convient au préalable de disposer d'une base d'information sur le profil de chaque personne pour que les intéressés aient des qualifications correspondant aux descriptions de poste. On commencera par limiter le nombre de fonctionnaires et la masse salariale. Des données informatisées à jour seront nécessaires pour tous les fonctionnaires. On pourrait initialement réduire les effectifs en déterminant quelles catégories de personnel sont en surnombre, puis sélectionner les personnes les plus qualifiées pour le poste en question. Celles qui ne sont pas retenues seraient recyclées ou quitteraient la fonction publique. Il ne s'agirait pas d'une mesure ponctuelle, mais plutôt d'un processus continu débouchant sur une fonction publique de meilleure qualité. La réforme devrait être considérée comme la capacité de s'adapter en permanence à une réalité en pleine évolution. Il est donc recommandé de suivre une approche progressive compatible avec la capacité du système à absorber le changement, en s'inspirant de l'expérience des autres pays. 117. Les recrutements dans la fonction publique s'effectuent en principe en fonction des compétences mais les principes de recrutement doivent être appliqués de façon plus rigoureuse. Dans sa lutte contre la corruption, le Mali devrait accorder la priorité à la réforme de la fonction publique pour se doter d'une administration fondée effectivement sur la compétence. Lorsque des fonctionnaires ne doivent plus leur poste à d'autres fonctionnaires, ils sont moins vulnérables à la coercition, davantage assurés d'être récompensés pour leur bon travail et capables de conscience professionnelle. Il s'agit de modifier les incitations d'une part en reconnaissant que la compétence constitue la base de l'avancement et d'autre part en prenant des sanctions à l'encontre de ceux qui enfreignent les règles. Une fois que l'on aura coupé les liens qui unissent les fonctionnaires dans le cadre des systèmes fondés sur une complicité mutuelle, la corruption se limitera à des actes individuels et sera donc plus facile à cerner et à contrôler7. Il sera alors plus facile de s'attaquer à la corruption en resserrant les contrôles financiers et les contrôles des stocks et en renforçant les organes de contrôle officiels tels que le pouvoir 7 Aux États-Unis, la réforme de la fonction publique a contribué à la lutte contre le poids excessif des appareils politiques. 40 judiciaire, le contrôle général d'État, la section des comptes et l'inspection générale des finances. En bref, ce que l'on propose, c'est une professionnalisation de la fonction publique fondée sur un code de bonne conduite mettant l'accent sur la transparence, l'évaluation, le contrôle et la responsabilité des actes répréhensibles. 118. Recommandations relatives à un programme d'action · Priorité absolue. Les 2 000 postes à responsabilités actuellement pourvus sur décret présidentiel devraient faire l'objet d'une réforme. Les nominations à ces postes sont effectuées en fonction de considérations politiques plutôt que de la compétence des intéressés. Le gouvernement de transition de 1991 a exigé que trois candidatures soient présentées au Conseil des ministres pour chaque poste. Ces postes à responsabilités devraient être recensés. Il conviendrait d'adopter un texte créant un système de classification à quatre ou cinq niveaux. Les fonctions devraient être décrites dans des textes. Les mécanismes de transfert d'un poste à un autre devraient être officialisés. Le ministère de la Fonction publique devrait organiser le processus de recrutement à ces postes et les nominations à caractère politique devraient être exclues. · Le recrutement devrait être ouvert à la concurrence. Des critères objectifs d'instruction, d'expérience, et de performance professionnelle devraient être fixés et respectés et les licenciements devraient être justifiés. Les fonctionnaires laissés pour compte ou évincés de leur poste devraient avoir le droit de contester devant un tribunal les décisions les concernant. Des profils de carrière doivent être établis (en particulier dans les services d'inspection et les organismes de contrôle). Les traitements et indemnités doivent être régularisés et des salaires décents doivent être assurés à ceux qui se trouvent en bas de l'échelle. Une retraite suffisante doit être accordée en particulier à ceux qui exercent des postes à responsabilité. · Système d'information sur le personnel. Il conviendrait d'améliorer sans tarder le système d'information sur le personnel pour y inclure les qualifications que nécessite chaque poste de la fonction publique. Les dossiers manquants et incomplets sur le personnel devraient être reconstitués. Il conviendrait d'examiner les budgets des trois dernières années pour vérifier les crédits budgétaires par rapport à la consommation de ressources en personnel et autres à divers niveaux et à divers emplacements géographiques des services publics. · Transparence. Il conviendrait de suivre et d'enregistrer les performances et les sanctions administratives. À l'heure actuelle, les données relatives à ces dernières sont supprimées chaque année. Du fait que l'on a souvent recours à des sanctions au lieu d'engager des poursuites judiciaires en cas d'abus graves, cela permet à des personnes qui en ont commis dans le passé d'être nommées à des postes à responsabilités. · Rendre les salaires publics. Tous les traitements, primes, et indemnités touchées par les fonctionnaires devaient être rendus publics chaque année. 41 · Protection contre les mesures arbitraires. Une protection devrait être assurée contre les licenciements arbitraires. Les postes non politiques tels que ceux de DAF devraient être identifiés. Des licenciements ne devraient avoir lieu que pour des raisons valables. Les titulaires de postes clés tels que ceux de Président de la Cour suprême ou de Contrôleur général de l'État devraient avoir un mandat d'une durée fixe et bénéficier d'une retraite adéquate. · Les salaires devraient être rationalisés. Le système actuel est fondé sur les qualifications professionnelles et la situation de famille. Il conviendrait d'établir un lien entre les tâches accomplies et les résultats concrets obtenus. Pour rationaliser les salaires, il faut supprimer les primes et indemnités d'un montant élevé et relever les salaires proprement dits, pour permettre à l'État de mieux contrôler les dépenses salariales. La rationalisation des salaires consisterait également à payer les fonctionnaires en fonction de leur poste plutôt que de leur niveau d'instruction et de leur expérience. Il faudrait également réévaluer la répartition de la masse salariale pour faire en sorte que les rémunérations soient en rapport avec les différents postes et que les fonctionnaires reçoivent un bon salaire pour éviter des actes de corruption. On devrait également envisager un relèvement des prestations de retraites et aider les personnes âgées à accéder à la propriété. · Rotation des affectations. Lorsque des fonctionnaires sont attachés au même service pendant longtemps, ils peuvent établir des relations personnelles avec ceux qu'ils sont censés servir ou contrôler, ce qui peut nuire à leur travail. · Mettre les fonctionnaires à l'abri des pressions politiques. Le Gouvernement malien devrait envisager une législation visant à empêcher les fonctionnaires d'être victimes de menées politiques mais aussi de manipuler le processus politique. Un exemple de législation de ce type aux États-Unis est la loi Hatch, 5 U.S.C. 73(III) modifiée ; 5 C.F.R., Partie 733. Cette loi interdit aux fonctionnaires d'utiliser leur pouvoir officiel ou leur influence pour intervenir dans une élection, d'obtenir des contributions politiques sauf dans certaines circonstances ; de solliciter ou de décourager l'activité politique de toute personne en relation avec un organisme officiel ; de se livrer à des activités politiques dans l'exercice de leurs fonctions, dans un bureau de l'administration, où lorsqu'ils portent un uniforme officiel ou utilise un véhicule public ; de solliciter des contributions politiques auprès du public et de porter des badges à caractère politique dans l'exercice de leurs fonctions. En outre, les fonctionnaires ne peuvent pas être candidats à des élections à une charge publique. · Il conviendrait de créer une commission autonome de la fonction publique. Cet organisme serait indépendant du ministère de la Fonction publique et superviserait le recrutement, la promotion et l'évaluation des hauts fonctionnaires, notamment des directeurs de DAF, sous la direction d'un comité extérieur. · Décentralisation. Le Gouvernement est en train d'augmenter sensiblement le nombre de communes qui passera de 19 actuellement à 703 -pour assurer une meilleure représentation de la population au niveau local. Cet objectif est louable mais le nouveau système risque d'entraîner une augmentation substantielle des cas d'utilisation irrégulière des ressources et de corruption si 42 le personnel ne reçoit pas la formation voulue et si l'on ne met pas en place des équipements et des systèmes de contrôle adéquats. Il convient au minimum de recommander une approche graduelle dans ce domaine. 119. Le programme de réformes Aucune mesure importante n'a été prise pour repenser et réorganiser la fonction publique et instituer un système de rémunération fondée sur le mérite. Comme on l'a déjà noté, les services de contrôle ont fait l'objet d'une réorganisation et ont reçu des ressources supplémentaires. Leur relation avec le Procureur de la République a été renforcée. 120. Mesures recommandées pour l'avenir · Les obligations juridiques de recrutement des fonctionnaires sur base des qualifications professionnelles doivent être strictement appliquées, en commençant par les 2000 postes de hauts fonctionnaires. Toutefois, des commentaires faits par les titulaires actuels desdits postes, l'on note que le problème fondamental est un changement dans l'attitude des cadres une fois qu'ils ont été nommés. Pour apporter une solution efficace à ce problème, il sera nécessaire d'améliorer les systèmes d'incitations en vigueur et d'introduire plus de responsabilisation des titulaires, accompagnée d'une régime conséquent des sanctions et de rétablir la transparence dans la gestion publique. Il n'y a pas de conflit entre un système fondé sur le mérite et celui sur la carrière. On pourra donc retenir le concept de service de carrière, mais en l'assortissant d'une évaluation régulière basée sur le mérite, ainsi que d'un système de promotion et de transfert, et en protégeant les cadres supérieurs contre toute ingérence politique. Cette approche devrait permettre de réduire la corruption et de jeter les bases d'un processus de réforme à plus long terme de l'ensemble de la fonction publique. · Conformément aux orientations par les autorités, il est nécessaire de prendre des mesures visant à tenir responsables pour leurs actes, les cadres issus du secteur privé et nommés à des postes stratégiques dans la fonction publique. · Il est impératif de commencer au plus tôt un processus visant à renforcer la professionnalisation de la fonction publique pour assurer la soutenabilité des réformes en matière de gouvernance. Le nombre important de départs à la retraite au cours des prochaines années offre une opportunité d'améliorer le service, bien qu'une formation et une éducation modernes soient toujours nécessaires au niveau des cadres moyens et nouvellement recrutés. La Banque reconnaît que la mise en place d'une commission de la fonction publique autonome pour la supervision du recrutement constituerait une solution moins satisfaisante et plus précaire qu'une réforme plus profonde du Ministère de la Fonction Publique. En effet, les commissions autonomes ne sont pas à l'abri de l'ingérence politique et de la corruption. · Le gouvernement comprend la nécessité d'une réforme de la fonction publique, vu sa complexité politique et administrative, devrait être entreprise suivant une approche pragmatique et graduelle, ainsi que la nécessité d'un lien étroit entre cette réforme et la politique de décentralisation, 43 particulièrement en ce qui concerne les implications fiscales de la création de collectivités locales viables. · La décentralisation offre une opportunité majeure d'augmenter le pouvoir des communautés, d'améliorer la prestation de service et de freiner la corruption. Ces objectifs ne pourront se concrétiser que s'il y a développement de la capacité locale et adoption d'un cadre réglementaire approprié, assorti de ressources financières suffisantes. Ce processus pourrait être appuyé dans le cadre d'un projet financé par la Banque mondiale, en préparation au niveau de la Direction Nationale des Collectivités Locales. Ce projet sera consacré à la prestation de service et utilisera une approche progressive qui comprendra les tests de nouveaux mécanismes institutionnels susceptibles d'apporter les améliorations nécessaires à la prestation de service. Le Projet a reçu un accueil très favorable au niveau des acteurs locaux, mais connaît une résistance de la part des acteurs du niveau sectoriel. L'enjeu pour les autorités politiques sera donc d'appuyer la gestion efficace des changements institutionnels requis, des systèmes de contrôle financier et de la mise en place des ressources nécessaires. E. Le pouvoir judiciaire 121. Le Mali dispose d'un ensemble complet de lois sur la corruption. Entre 1974 et 1984, sous la deuxième République, quatre corps de lois importants ont été adoptés concernant les abus de biens publics, les profits illicites et la corruption. La pénalisation des infractions d'ordre économique n'a pas mis fin à la corruption généralisée car la volonté politique d'appliquer les lois faisait défaut. Cette situation a fait perdre toute crédibilité au ministère public et à la magistrature. Au début de la troisième République, en 1991, on a assisté à une campagne de moralisation du secteur public, comprenant les déclarations de patrimoine obligatoires, et l'adoption d'une loi punissant de lourdes peines les abus de fonds publics ou l'utilisation d'une fonction officielle pour le profit personnel. La volonté politique de faire appliquer la loi a été amoindrie par les relations personnelles et par le discrédit du système judiciaire. L'inflation a rendu ces lois trop répressives (peine de mort pour un détournement de fonds d'un montant équivalent à 20 000 dollars des EU) et a encouragé le chantage. 122. Au Mali comme dans beaucoup d'autres pays de la région, le système judiciaire laisse à désirer et manque notamment de locaux, de matériel, de fournitures et de personnel qualifié. Du fait de ces déficiences, il est dans l'ensemble inefficace. Les ressources ne sont pas déployées en fonction des besoins prioritaires, mais dispersées de façon ponctuelle. Les textes juridiques ne sont pas adaptés à la réalité et ne correspondent pas au code uniforme de l'OHADA. Par ailleurs, le système juridique ne respecte pas les traditions locales et, il n'est donc pas en harmonie avec la culture populaire. Les juges n'appliquent pas les textes existants qui sont dans l'ensemble satisfaisants. Le gouvernement ne respecte pas l'indépendance du pouvoir judiciaire et les ingérences du ministre de la justice ainsi que les procédures disciplinaires ne font que nuire encore davantage à l'intégrité du système. 123. L'inefficacité et la corruption de l'appareil judiciaire paraissent notoires. Les arrêts des tribunaux sont achetés, les garanties prévues par la loi sont foulées au 44 pied et les lois sont bafouées. Au forum national sur la justice de mars 1999, le Président de la République a demandé comment la démocratie peut fonctionner lorsque les clients sont trompés et abandonnés par leur avocat, que les huissiers saisissent arbitrairement des biens d'une valeur très supérieure à celle requise par le tribunal et que les notaires certifient des faux. Quelle confiance peuvent avoir les opérateurs économiques ou les investisseurs étrangers lorsqu'ils doivent verser des pots-de-vin et que les nationaux bénéficient d'un traitement préférentiel ? Comment l'État peut-il être systématique exploité par les décisions de tribunaux favorisant des intérêts particuliers ? Quelle confiance peut-on avoir dans un système judiciaire dans lequel les juges exigent une part des honoraires pour influer sur les décisions ? Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que les tribunaux, la police et le parquet agissent de manière à s'assurer le maximum de gains. 124. Dans sa revue, le récent forum sur la justice concluait que les principales causes de la corruption du système judiciaire étaient l'administration défaillante des juridictions judiciaires et de leur personnel, l'absence de système de contrôle, l'insuffisance des ressources humaines et matérielles, et le niveau inadéquat des crédits budgétaires destinés à couvrir les dépenses de fonctionnement. On peut citer également le non-respect des procédures judiciaires, et notamment le manque de probité de certains juges et de certains membres des tribunaux, notamment des notaires et de la police judiciaire. On a également fait état du manque de volonté politique pour prendre des mesures qui garantiraient la neutralité de l'État. Enfin, il faut signaler le manque de transparence des mécanismes de contrôle de la gestion des ressources publiques. 125. D'après un rapport de la Fédération du patronat, il est difficile de déterminer si la pléthore des lois en vigueur est adaptée. En effet, certains textes sont bien rédigés mais incompatibles avec d'autres lois en vigueur et mal adaptés aux réalités maliennes. En fait, le corps législatif malien légifère très peu, sa principale activité consistant à modifier les projets de loi présentés par le gouvernement et fréquemment inspirés de modèles étrangers. Beaucoup de législateurs n'ont pas reçu la formation adéquate et ne disposent pas d'un personnel technique compétent. La Cour suprême est handicapée par d'énormes lacunes au niveau des Codes de procédure civile, commerciale et sociale et ainsi que par le manque d'information et de transparence. Le système judiciaire est considéré comme incapable de fonctionner et caractérisé par l'incohérence de ses verdicts. 126. Recommandations relatives à un programme d'action · Inspection. Il conviendrait de donner au service d'inspection judiciaire les moyens de fonctionner. L'Inspecteur en chef devrait participer à toutes les décisions (qui devraient consignées par écrit) relatives à la carrière d'un juge où d'un membre du tribunal pour faire en sorte que les promotions, les rétrogradations et leurs mutations soient fondées sur le mérite. · Mesures disciplinaires. L'Inspecteur en chef devrait se voir attribuer un siège au Conseil supérieur de la magistrature et avoir le droit de demander des mesures disciplinaires. Les nominations, promotions et mesures disciplinaires concernant les juges et le personnel de l'appareil judiciaire devraient être décidées par le Conseil supérieur sur l'avis de l'Inspecteur en chef. À l'heure actuelle, le ministère de la Justice est loin de s'acquitter de ces fonctions de 45 façon satisfaisante. Pour jouer ce rôle, le Conseil supérieur devrait disposer des dossiers sur le personnel et également du budget et des pouvoirs effectivement prévus par la constitution. En bref, le pouvoir judiciaire devrait être considéré comme une branche séparée de l'État au même titre que le parlement et le pouvoir exécutif. Le Président continuerait à présider le Conseil supérieur pour maintenir un lien avec l'exécutif. · Former les magistrats du parquet. Les magistrats du parquet devraient recevoir une formation pour être mieux familiarisés avec les procédures légales. Leur comportement professionnel devrait être contrôlé par les services de l'Inspecteur principal. Une nouvelle loi est nécessaire pour fixer des normes en ce qui concerne les dommages et intérêts décidés par les juges et les niveaux de preuve exigés. · Inspecteurs. Les inspecteurs devraient recevoir une rémunération satisfaisante et disposer du matériel et du budget voulus pour pouvoir circuler librement. Ils devraient attacher une grande importance à la qualité et produire des rapports trimestriels et annuels indiquant les lacunes à combler et proposant des mesures correctives. · Tribunaux. Il conviendrait de créer des tribunaux seulement lorsque l'on dispose de ressources suffisantes pour les faire fonctionner. Leur nombre ne pourra être augmenté que si des budgets adéquats sont votés. Il conviendrait d'adopter un programme assorti d'un calendrier pour la mise en place de tribunaux régionaux adéquats. · Recouvrement des coûts. Les frais de justice fondés sur un barème officiel devraient financer une partie des coûts du système judiciaire. · Publication. Les lois devraient être systématiquement publiées au journal officiel, les jugements dans le bulletin et la doctrine juridique dans la revue. Les doctrines devraient être communiquées à la communauté juridique et transmises sur l'internet. · Fondements des jugements. Il conviendrait de promulguer une loi définissant comment les dommages et intérêts devraient être établis et calculés. Il arrive souvent que l'attribution de dommages et intérêts ne repose pas sur des méthodes ou des calculs précis, ce qui fait que les demandes d'indemnités ne s'appuient pas nécessairement sur la preuve de préjudices. Cela crée une possibilité de collusion entre le juge et le plaignant. Il faut adopter une loi indiquant la preuve requise des préjudices encourus et une base de calcul pour les dommages et intérêts et il faut faire en sorte que tous les jugements explicitent leurs éléments probants en ce qui concerne les dommages et intérêts et leur mode de calcul. · Recours des citoyens. Les fonctionnaires et les particuliers devraient être autorisés à dénoncer les fraudes commises par les pouvoirs publics. Il faut leur permettre de poursuivre en justice les coupables et de recevoir des indemnités en rapport avec les montants en jeu. · Corruption de la police. Il faut lutter contre la corruption de la police en exigeant des reçus pour les amendes payées. Le paiement d'amendes devrait 46 être rendu public et faire l'objet d'un audit. Il convient de créer un tribunal de première instance pour permettre au public de contester les paiements d'amendes. Des mesures supplémentaires s'imposent pour réformer la police. · Législation anti-corruption. Il convient de rédiger un nouveau statut pour harmoniser les textes législatifs existants pour la lutte contre la corruption, faire respecter la légalité et fixer des normes en matière de preuves et de pénalités. · Réduire les pénalités pour détournement de fonds. La rigueur des pénalités explique peut-être pourquoi il est difficile d'engager des poursuites et de faire jouer les systèmes de contrôle. La peine de mort pour détournement de fonds devrait être abolie et d'autres peines devraient être envisagées. La loi devrait insister sur le remboursement des montants détournés. 127.Le programme de réformes · Les réformes du système judiciaire sont à ce jour parmi les plus importantes. Il y a peu de temps encore, le Procureur de la République du Tribunal ou du Parquet de Première Instance dans la Commune III du District de Bamako était le seul organe compétent pour recevoir les rapports produits par la Commission Ad hoc. La récente révision de la loi pénale établit trois juridictions avec des Tribunaux de Première Instance à Kayes, à 600 kilomètres de Bamako, le Tribunal de Première Instance actuel de Bamako, et un troisième situé à Mopti, également à 600 kilomètres de Bamako. · Chacune de ces juridictions disposera d'un parquet spécialisé dans les crimes de nature économique et financière et dirigé par le Procureur de la République du Tribunal. Ce parquet comprendra outre des magistrats, une brigade financière composée d'officiers de police judiciaire et d'agents spécialisés dans les enquêtes économiques et financières. · Le nouvel organisme se conformera au droit commun. L'accent est mis sur la formation et la spécialisation des juges dans ce domaine, dont la jurisprudence est complexe. Les types d'infraction incluent le blanchissement et le recel d'argent blanchi, les infractions au code de passation des marchés, telles l'avantage injustifié qui serait accordé à certains soumissionnaires, les entraves à un accès égal à la soumission, et le traitement inégal des plaignants en cas de contestation de l'adjudication. Il a été fait également mention du fractionnement des offres, des passations de marché de gré à gré pour des achats dépassant le plafond monétaire établi, du manque de suivi par les responsables et d'imposition de sanction contre ceux qui ne respectent pas les termes des appels d'offre dans le cas où l'Etat aurait plus de 50 % de participation, ainsi que de la sollicitation ou acceptation de pots-de-vin ou faveurs auprès de soumissionnaires par des membres de commissions officielles. 128. Mesures recommandées pour l'avenir · Le nouveau projet de code pénal doit être mis en oeuvre. Ses dispositions sanctionnent le blanchissement d'argent, les pots-de-vin et les infractions au code de passation des marchés mentionnées ci-dessus. 47 · Conformément à ce qui a été recommandé, il conviendrait de faire siéger l'Inspecteur en chef au Conseil Supérieur de la Magistrature. Cette réforme n'a pas pour intention de diminuer l'indépendance des juges. Elle permettra à l'Inspecteur en chef de donner des avis au Conseil sur toutes les nominations, promotions et sanctions disciplinaires, toutes fonctions exécutées à l'heure actuelle par le Ministre de la Justice. · La recommandation de promulgation d'une loi définissant le mode de calcul des dommages et intérêts dans les procédures judiciaires et la publication des résultats avait pour objectif de susciter une plus grande transparence et équité dans l'application de ces dispositions. Cette recommandation, et en particulier l'obligation de publier les résultats avait pour objectif d'empêcher toute collusion entre les juges et les plaignants, un phénomène apparemment de grande ampleur. · Un tribunal de première instance devrait être créé pour régler les contestations éventuelles d'amendes imposées par la police, de façon à empêcher les abus policiers très répandus contre lesquels, en pratique, les citoyens ordinaires n'ont que très peu de recours. X. Conclusion 129. NECESSITE D'ELABORER UN PROGRAMME. Les observateurs du secteur public et du secteur privé sont d'accord sur le fait qu'il faut mettre fin à la corruption et toutes sortes de mesures pourraient être prises à cet effet. Les causes et l'ampleur de la corruption sont bien connues et l'opinion publique se félicite du désir du Président de mettre en place un programme anti-corruption. À ceux qui prétendent que la corruption est systémique et trop profondément ancrée pour être éliminée, on rappellera les paroles du Conseiller juridique de la Banque mondiale, qui disait que « les corrompus et les corrupteurs ont tout intérêt à répandre la notion que la corruption est dominante et généralisée », de telle sorte qu'elle devienne permanente. Les membres de la mission sont convaincus que si la volonté politique est là, un programme anti-corruption efficace peut permettre d'améliorer rapidement la conduite des affaires publiques et de réduire la corruption. Pour que le programme porte ses fruits à long terme, les bonnes intentions doivent se traduire par des mesures concrètes. 130. MOBILISER UN SOUTIEN. Le programme de réformes proposé par le gouvernement ne pourra être lancé tant qu'une stratégie politique visant à mobiliser de larges couches de la société en faveur du changement n'aura pas été adoptée. Un élément de cette stratégie est le souhait officiellement exprimé de fixer des règles du jeu équitables afin de permettre à plusieurs partis politiques de se faire concurrence, ce qui desserrerait l'emprise du parti dominant actuel sur les leviers du pouvoir. Le gouvernement réfléchit actuellement aux moyens d'y parvenir, mais il doit veiller à assurer une répartition équitable des fonds et à faire effectuer des audits indépendants des états financiers des partis. Mais surtout, le lancement d'une campagne convaincante de lutte contre la corruption exigera un ferme engagement des dirigeants politiques. Le programme recommandé ici comprend des mesures qui pourront être appliquées au cours des deux prochaines années, pendant le mandat du gouvernement actuel. En même temps, il faudra 48 entreprendre un vaste programme d'éducation et de sensibilisation, afin de susciter un appui massif en faveur d'une réforme de la gouvernance. 131. ÉLEMENTS DU PROGRAMME. Pour réduire la corruption systémique, il faudra entreprendre des réformes de passation des marchés, de la gestion des dépenses publiques, de la fonction publique et du pouvoir judiciaire. Ce programme d'action a pour but de commencer à rompre l'enchaînement d'incitations, de complicités et d'impunité qui caractérise la conduite des affaires publiques au Mali. Pour endiguer la corruption, il faut également mettre en oeuvre de réformes durables des institutions, du gouvernement et des politiques. Une mission de courte durée comme celle-ci ne permet que de mettre en route le processus consistant à définir les problèmes et à concevoir des réformes. Il est également recommandé de procéder à une étude plus poussée qui sera le prélude d'une réforme à long terme. 132. PRIORITES. Les membres de la mission ont conclu qu'il fallait accorder un rang de priorité élevé à la professionnalisation des postes clés de la fonction publique en mettant en place un système de recrutement responsable et transparent, qui brisera les liens de complicité qui unissent les fonctionnaires et permettra ainsi de traiter la corruption au cas par cas. On pourra alors s'attaquer à la corruption par le biais des systèmes de contrôle financiers et judiciaires. Il est urgent également de faire des DAF des modèles de bonne gouvernance en matière de passation des marchés, d'utilisation des ressources publiques et de gestion du personnel. Le programme de réforme économique actuellement en cours avec l'assistance de la Banque, qui prévoit la privatisation des entreprises publiques ainsi que la déréglementation et la libéralisation de l'économie, devrait limiter les possibilités de recherche de rente. La simplification des démarches administratives améliorera la gouvernance et limitera la corruption. 133. Résumé des mesures recommandées pour l'avenir Le programme anti-corruption a conduit à la mise en oeuvre d'un nombre important de mesures recommandées par la mission. Dans certains cas, celles-ci ont été plus loin que les recommandations, notamment en matière de passation des marchés, de contrôle des finances publiques et en matière judiciaire. Dans d'autres domaines, les progrès ont été limités. Il parait utile de résumer en un tableau les principales mesures recommandées pour l'avenir, expliquées de façon plus approfondie ci-dessus. Economie politique · Mettre en oeuvre «les lois sur la transparence dans le financement des partis» et l'obligation pour certaines personnalités officielles (dont la liste devrait être élargie) de déclarer leurs avoirs. · Promulguer la législation introduisant la responsabilisation et la transparence dans les affaires publiques. Passation des marchés · Appliquer le code de passation des marchés à l'ensemble des entreprises où l'état détient une participation majoritaire. 49 Gestion des finances publiques · Mettre en application les réflexions entamées relatives à l'établissement d'une Cour des Comptes et à son rôle dans le contrôle budgétaire. · Prendre des mesures spécifiques pour la réforme des DAF ; Séparer leurs compétences en matière de décisions administratives de la prise des décisions politiques. Fonction publique · Fonder le recrutement dans la fonction publique sur la qualification professionnelle. · Mettre en place des réglementations visant à restaurer l'équilibre nécessaire entre la responsabilisation d'agents publics venant du secteur privé et le système de contrôle et de sanctions les concernant. · Entamer le processus de remplacement d'un grand nombre de départs à la retraite par des professionnels qualifiés et formés, en tant qu'étape essentielle d'une amélioration de la fonction publique. · Veiller dans la conduite de la réforme de la fonction publique, aux liens nécessaires avec la politique de décentralisation du gouvernement. · Développer la capacité locale dans les communes nouvelles et veiller à l'adéquation des ressources et des systèmes de contrôle. Cadre légal et judiciaire · Mettre en oeuvre le nouveau code pénal. · Renforcer le rôle de l'inspecteur en chef des services judiciaires. · Promulguer une loi sur la définition et la publication des dommages et intérêts dans les procédures judiciaires. · Mettre en place un tribunal chargé de régler les contestations d'amendes imposées par la police. 134. Au cours de la mission de juillet 2001, le gouvernement a établi son programme de réforme en réponse au Rapport de la Mission Anti-corruption. Dans sa réponse, le gouvernement reconnaît que la lutte contre la corruption et les infractions financières requiert la mise en place la série de mesures suivantes: · Système hiérarchisé de contrôle à tous les niveaux. · Nomination et le recrutement de cadres sur la base de critères de compétence professionnelle. 50 · Appui à la population fondé sur des campagnes d'information, d'éducation et de communication relatives aux effets de la corruption et de malversations financières. · Soutien à la formation d'une Coalition entre les secteurs privés et publics. · Revalorisation des salaires des employés de l'état. · Etablissement d'un corps de magistrats et de police judiciaire bien équipé, motivé et formé en matière de nouvelles techniques d'enquêtes judiciaires. · Formation, motivation et équipement des responsables officiels de la gestion et du contrôle des finances publiques. 135. En conclusion, le gouvernement note que la lutte sera longue et difficile et demandera d'établir de nouvelles structures dotées du pouvoir nécessaire à la mise en oeuvre des changements. 51