BRISER LES OBSTACLES AU COMMERCE AGRICOLE REGIONAL EN AFRIQUE CENTRALE  riser les Obstacles B au Commerce Agricole Regional en Afrique Centrale Août 2018 © 2018 International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank 1818 H Street NW Washington DC 20433 Telephone: 202-473-1000 Internet: www.worldbank.org Ce volume est un produit du personnel du Groupe de Banque mondiale. Les résultats, les interprétations et les conclusions exprimés dans ce volume ne reflètent pas nécessairement les points de vue des directeurs exécutifs du Groupe de la Banque mondiale ou des gouvernements qu’ils représentent. Le Grouple de la Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données incluses dans ce travail. 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Toute requête sur les droits et licences, y compris les droits subsidiaires, doivent être adressées au : Bureau de l’Éditeur Banque mondiale 1818 H Street NW Washington, DC 20433 États-Unis Fax 202-522-2422 e-mail pubrights@worldbank.org Conception de couverture par : Odilia Renata Hebga Sommaire Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . vii Acronymes et abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . viii Résumé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . x 1. Introduction..............................................................................................................................................1 La CEMAC et l’intégration régionale en Afrique centrale....................................................................4 2.  Intégration commerciale dans la CEMAC.........................................................................................6 2. 1  Commerce agricole régional .............................................................................................................7 2.2  Situation de la région en termes de sécurité alimentaire ..................................................................8 2.3  Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC......................................12 3.  La production agricole de la CEMAC peut répondre à la demande régionale d’aliments de base ....13 3.1   Le manque d’organisation commerciale des producteurs limite leur pouvoir de négociation..........21 3.2   La mauvaise qualité des infrastructures de transport entrave l’accès au marché à l’intérieur 3.3   du Cameroun mais aussi vers les pays de la CEMAC.....................................................................23 Le nombre élevé d’intermédiaires augmente le coût des échanges agricoles.................................27 3.4   La volatilité des prix plus élevée que prévu font que les rendements sont imprévisibles................33 3.5  La mauvaise gestion des marchés et le manque d’infrastructures compromettent les liens 3.6   commerciaux....................................................................................................................................37 3.7  Certaines fonctions commerciales valables sont devenues de facto des tracasseries en raison de la faiblesse de l’exécution............................................................................................42 Commerce des produits agricoles dans la CEMAC..........................................................................45 4.  Le commerce non comptabilisé et informel de produits agricoles est très répandu.........................45 4.1   4.2   Le manque de clarté dans l’application des règlements commerciaux et des règles douanières entraîne une multitude de coûts formels et informels aux frontières.............................49 Poste frontière d’Abang-Minko–Eboro (Cameroun–Gabon)..................................................50 4.2.1   Poste frontière de Kye-Ossi–Ebebiyín (Cameroun–Guinée équatoriale)..............................58 4.2.2   Poste frontière de Garoua–Boulai (Cameroun–République centrafricaine)..........................59 4.2.3   4.2.4  Poste frontière de Kousséri–N’Djamena (Cameroun–Tchad)................................................67 Les réactions des commerçants face à l’informalité et aux tracasseries entrainent 4.3   une spirale de pratiques informelles.................................................................................................69 Les risques sécuritaires et les crises politiques modifient les courants et les flux commerciaux.....71 4.4  Les femmes constituent la grande majorité des commerçants nationaux le long 4.5   des corridors de commerce agricole de la CEMAC.........................................................................73 4.6  Les prix finaux à la consommation dans la CEMAC reflètent les processus commerciaux coûteux et lourds..............................................................................................................................74 Recommandations et domaines d’action...........................................................................................82 5.  Bibliographie..............................................................................................................................................90 iii iv  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Liste des tableaux Tableau R1  Les cinq plus grandes priorités pour promouvoir le commerce agricole dans la CEMAC ..... xiv Tableau 1  Aperçu de la CEMAC, 2017.........................................................................................................5 Tableau 2  Le secteur pétrolier dans la région CEMAC, 2016.......................................................................5 Tableau 3  Exportations agricoles par destination (%)..................................................................................7 Tableau 4  Principaux indicateurs de sécurité alimentaire et de nutrition dans la CEMAC...........................9 Tableau 5  Points de contrôle entre Foumbot et Douala (camion de 7 tonnes)...........................................43 Tableau 6  Points de contrôle entre Foumbot et Kye-Ossi (camion de 12 tonnes).....................................43 Tableau 7  Points de contrôle entre Kye-Ossi et Bata (camion de 7 tonnes)..............................................44 Tableau 8  Points de contrôle entre Abang-Minko et Libreville (camion de 20 tonnes)...............................44 Tableau 9  Commerce annuel du Cameroun avec le Gabon à la frontière d’Abang-Minko–Eboro, 2017.....48 Tableau 10  Exportations et importations entre le Cameroun et le Tchad à travers le marché de Kousséri, 2017.......................................................................................................................................49 Tableau 11  Agences aux frontières à Abang-Minko–Eboro........................................................................52 Tableau 12  Droits officiels payables à l’AGASA..........................................................................................55 Tableau 13  Amendes officielles d’importation/exportation du Gabon.........................................................56 Tableau 14  Coût réel de dédouanement d’un camion à la frontière d’Abang-Minko–Eboro (FCFA sauf indication contraire)..................................................................................................................57 Tableau 15  Agences aux frontières à Kye-Ossi–Ebebiyín..........................................................................59 Tableau 16  Agences aux frontières à Garoua-Boulai.................................................................................62 Tableau 17  Coût effectif du commerce pour un camion effectuant le trajet aller-retour Garoua-Boulai–Bangui (FCFA sauf indication contraire).............................................................................65 Tableau 18  Coût effectif du commerce pour un petit commerçant transfrontalier transportant un (1) sac de manioc (environ 25 kg)..........................................................................................................67 Tableau 19  Agences aux frontières à Kousséri–N’Djamena.......................................................................69 Tableau 20  Formation des prix indicative pour certains produits entre le Cameroun et le Gabon (FCFA/kg)....................................................................................................................................................75 Tableau 21  Formation des prix indicative pour certains produits entre le Cameroun et la Guinée équatoriale (FCFA/kg).................................................................................................................................75 Tableau 22  Les cinq plus grandes priorités pour promouvoir le commerce agricole dans la CEMAC ......86 Liste des figures Figure R1  Composition du prix pour quelques produits sur le corridor Cameroun–Gabon (pourcentage du prix final à la consommation)...........................................................................................xiii Figure 1  Prévalence de la sous-alimentation (%) (moyenne triennale)........................................................9 Figure 2  Indice net de production alimentaire (2004–2006 = 100).............................................................13 Figure 3  Indice net de production alimentaire par habitant (2004–2006 = 100).........................................14 Figure 4  Valeur nette de la production (en USD constants 2004–2006)....................................................15 Sommaire  v Figure 5  Principaux produits agricoles du Cameroun (volume en millions de tonnes, 2016 (à gauche) et valeur en millions de USD constants 2004–2006, 2014 (à droite)).......................................16 Figure 6  Ménages agricoles selon les cultures produites (pourcentage, 2014).........................................17 Figure 7  Production des principales cultures au Cameroun, par région, 2011 (pourcentage)....................18 Figure 8  Effectif des principales espèces d’animaux élevés au Cameroun, par région, 2013 (pourcentage du total).................................................................................................................................19 Figure 9  Perception par les producteurs agricoles de leur pouvoir de négociation....................................23 Figure 10  Perception de la facilité d’accès aux marchés chez par les producteurs agricoles....................24 Figure 11  Principaux circuits pour les échanges agricoles dans la CEMAC..............................................27 Figure 12  Perception par les commerçants de leur pouvoir de négociation...............................................32 Figure 13  Perception par les commerçants de la disponibilité et de la qualité des produits agricoles.......32 Figure 14  Perception par les producteurs agricoles de la justice et de la prévisibilité des prix..................33 Figure 15  Fluctuation des prix à la consommation à Bafoussam, région Ouest, Cameroun, janvier 2012 à septembre 2017 (FCFA/kg).................................................................................................35 Figure 16  Fluctuation des prix à la consommation à Garoua, région du nord, Cameroun, janvier 2012 à septembre 2017 (FCFA/kg).................................................................................................36 Figure 17  Typologie du commerce agricole du Cameroun avec un échantillon de pays de la CEMAC...............................................................................................................................................46 Figure 18  Perceptions des différences de prix dans les pays de la CEMAC..............................................76 Figure 19  Constitution du prix de la tomate sur le corridor de Foumbot (Cameroun) à Libreville (Gabon) (pourcentage du prix final à la consommation).............................................................................77 Figure 20  Constitution de prix du maïs sur le corridor de Foumbot (Cameroun) à Libreville (Gabon) (pourcentage du prix final à la consommation).............................................................................78 Figure 21  Constitution des prix de la banane plantain sur le corridor de Foumbot (Cameroun) à Libreville (Gabon) (pourcentage du prix final à la consommation)...........................................................78 Figure 22  Constitution des prix de l’oignon dans le corridor de Ngaoundere (Cameroun) à Libreville (Gabon) (pourcentage des prix final à la consommation).........................................................79 Figure 23  Constitution des prix pour certains produits sur le corridor Cameroun–Gabon (pourcentage des prix finaux à la consommation).......................................................................................80 Figure 24  Catégorisation des interventions pour promouvoir le commerce agricole dans la CEMAC.......82 Liste des images Image R1  Zone de la CEMAC, y compris les principales zones de production au Cameroun, les corridors de commerce et les postes frontaliers étudiés.....................................................................xviii Image 1  Régions du Cameroun et les principaux flux commerciaux agricoles sélectionnés.....................12 Image 2  Tomates chargées dans une camionnette sur le terrain, région Ouest, Cameroun......................24 Image 3  Légumes transférés d’une voiture à un camion au marché de Foumbot, Cameroun...................26 Image 4  Aires d’attente informelles des camions à la périphérie de Douala..............................................27 Image 5  Marché de Foumbot dans la région Ouest, Cameroun................................................................38 Image 6  Marché de Sandanga à Douala, Cameroun.................................................................................40 vi  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Image 7  Poste frontière entre le Cameroun et le Gabon et la Guinée équatoriale.....................................51 Image 8  Zone frontalière d’Abang-Minko–Eboro........................................................................................51 Image 9  Poste frontière d’Abang-Minko–Eboro (gauche—Cameroun, droite—Gabon).............................52 Image 10  Zone frontalière de Kye-Ossi–Ebebyín.......................................................................................58 Image 11  Frontière Kye-Ossi–Ebebyín (côté camerounais).......................................................................59 Image 12  Poste frontière entre le Cameroun et la République centrafricaine............................................60 Image 13  Zone frontalière de Garoua-Boulai.............................................................................................61 Image 14  Frontière Garoua-Boulai (à gauche—côté camerounais, à droite—côté centrafricain)..............61 Image 15  Trajet Garoua-Boulai–Bangui.....................................................................................................66 Image 16  Principaux postes frontières entre le Cameroun et le Tchad......................................................68 Image 17  Tomates et bananes plantains commercialisées à Kousséri......................................................68 Image 18  Pratiques informelles pour faire face à l’augmentation des coûts (gauche—surcharge d’un sac de riz, droite—surcharge d’un pick-up).......................................................71 Image B.4.1  Port Gabon/Quai Boscam dans le port de Douala.................................................................81 Liste des encadrés Encadré 1  L’Office Céréalier au nord du Cameroun...................................................................................20 Encadré 2  Organisations de producteurs et liens commerciaux : le cas de NOWEFOR...........................22 Encadré 3  Marchés frontaliers dans la CEMAC.........................................................................................29 Encadré 4  Commerce maritime des produits agricoles..............................................................................81 Remerciements C e rapport a été préparé par une équipe codirigée par Joanne Gaskell et John Keyser et composée de Gabriel Boc, Chloe Cangiano, Carmine Soprano, Robert Nkendah, Diego Arias Carballo et Bodomalala Rabarijohn. Les personnes suivantes ont apporté une aide précieuse à la recherche sur le terrain : Mbouassie Adjac, Jean Marie Assiga, Said Mariam Ben, Ousseni Ayiagnigni Fifen, Arsène Mendomo, Xounkifirou Mongbet, Moussa Njoupouognigi et Fifen Zounkaraneni. L’équipe remercie Elisabeth Huybens (Directeur pays), Dina Umali Deininger (Directeur de Pratique), Issa Diaw (Chef de programme), Mazen Bouri (Chef de programme) et Alberta Mascaretti (Chef du Service Afrique, FAO/TCIA) pour les excellents conseils qu’ils ont offert tout au long du processus. Les com- mentaires utiles de Kilara Suit sur les aspects techniques en rapport au genre sont grandement appréciés. L’équipe aimerait également remercier les examinateurs Norbert Fiess, Paul Brenton et Myriam Chaudron pour leurs précieux commentaires. Ce travail a été possible grâce à une collaboration entre la Banque mondiale et la Division du Centre d’in- vestissement de l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture des Nations Unies (FAO/TCIA) dans le cadre du Programme de coopération FAO/Banque mondiale. La publication et la diffusion de ce rapport a bénéficié de l’appui du Mécanisme faîtier pour le Fonds fidu- ciaire du commerce avec des contributions du gouvernement du Royaume-Uni (DFID), de la Suède (Sida), de la Norvège (Ministère des Affaires Etrangères), des Pays-bas (Ministère des Affaires Etrangères) et de la Suisse (SECO). Pour de plus amples renseignements, veuillez contacter Joanne Gaskell (jgaskell@worldbank.org) ou John Keyser (jkeyser @worldbank.org). vii Acronymes et abréviations AGASA Agence gabonaise de sécurité alimentaire BARC Bureau de l’affrètement routier de la République Centrafricaine BGFT Bureau de gestion du fret terrestre CEMAC Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale CGCC Conseil gabonais des chargeurs DGCC Direction générale de la concurrence et de la consommation générale DGRE Direction générale de la recherche extérieure (Agence de renseignement du Cameroun) EGC Equilibre général calculable FAO Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture FCFA Franc CFA d’Afrique Centrale GIC Groupe d’initiative commune IDH Indice de développement humain LVO Lettre de voiture internationale MEP Mémorandum économique pays MINADER Ministère de l’agriculture et du développement rural (du Cameroun) MINEPIA Ministère de l’élevage, de la pêche et des industries animales (du Cameroun) NA Non applicable (enquête sur les perceptions) NSP Ne sait pas (enquête sur les perceptions) OP Organisation de producteurs PAM Programme alimentaire mondial PIB Produit intérieur brut PIDMA Projet d’investissement et de développement des marchés agricoles PNUD Programme de développement des Nations Unies PRODEL Projet de développement de l’élevage RDM Reste du monde SCA Services de conseil et d’analyses (du Groupe de la Banque mondiale) SPS Sanitaire et phytosanitaire TIC Technologie de l’information et de la communication viii Acronymes et abréviations  ix UDE Union douanière équatoriale UDEAC Union douanière et économique de l’Afrique centrale UEACE Union économique de l’Afrique centrale UEMOA Union économique et monétaire ouest-africaine UMAC Union monétaire de l’Afrique Centrale Résumé C ette étude vise à soutenir les pays de la représentant ensemble un marché de 48,5 millions Communauté économique et monétaire de personnes. d’Afrique centrale dans leurs efforts pour diversifier leurs économies par une expan- Malgré le potentiel naturel de la CEMAC, le sec- sion du commerce agricole. La contribution du teur agricole reste largement sous-développé ; le rapport peut être résumée en quatre points : (a) Le pétrole et les minéraux ont tendance à dominer commerce régional peut grandement stimuler le les économies et les exportations des pays de la développement agricole et entrainer une réduc- CEMAC. Le pétrole brut représente 86 pour cent tion de la pauvreté dans la mesure où il permettrait des exportations de la CEMAC ; la République d’accroitre les revenus agricoles et réduire le prix du Congo dépend du pétrole pour 61 pour cent de des aliments et il pourrait également permettre de son PIB, le Gabon pour la moitié, le Tchad pour réduire les factures d’importation et améliorer ainsi 40 pour cent et le Cameroun pour près de 10 pour la balance des paiements ; (b) ce potentiel n’est cent. Compte tenu de cette situation, la région a été pas encore réalisé en raison principalement de la fortement affectée par la chute des cours du pétrole faiblesse des liens entre les agriculteurs et les mar- et les pays de la CEMAC étudient actuellement chés, de la mauvaise qualité des infrastructures de des options de diversification et de réduction de la marché et des coûts élevés du commerce résultant dépendance aux importations pour les produits ali- de la corruption le long des corridors de commerce mentaires. La valeur ajoutée agricole en pourcen- régionaux ; (c) une action coordonnée pour rehaus- tage du PIB varie considérablement entre pays de la ser la capacité des associations de producteurs, CEMAC, allant de 2,6 pour cent en Guinée équato- investir dans les installations et les entrepôts, amé- riale à 50 pour cent au Tchad. L’agriculture emploie liorer l’efficacité des points de contrôle légitimes et cependant une part importante de la population éliminer le harcèlement (ou « tracasseries ») le long dans la plupart des pays de la CEMAC et la région des corridors de commerce aurait des retombées exporte une grande variété de produits agricoles. économiques substantielles qui profiteraient aux producteurs et aux consommateurs des deux côtés Si la composante monétaire de l’intégration des frontières ; et (d) pour pouvoir s’attaquer à ces régionale est opérationnelle depuis de nom- contraintes, il faudrait une collaboration intersecto- breuses années, les dispositions relatives à la libre rielle et un leadership politique fort afin de surmon- circulation des biens, des personnes et des ser- ter la résistance inévitable en termes d’économie vices restent problématiques. Le régime de transit politique de ceux qui tirent actuellement des rentes représente l’une des principales complications de du système au détriment des pauvres. l’intégration commerciale dans la CEMAC. Deux membres (République centrafricaine et Tchad) sont En accédant à l’indépendance, les pays d’Afrique enclavés et dépendent fortement du transit du port centrale se sont lancés dans un processus d’inté- de Douala au Cameroun alors qu’il n’y a pas d’har- gration économique qui a abouti à la signature monisation entre les systèmes nationaux des autres du Traité de la CEMAC en 1994. Aujourd’hui, membres pour permettre une nouvelle répartition les membres de la CEMAC sont le Cameroun, la des prélèvements à l’importation lorsque des mar- République centrafricaine, le Tchad, la République chandises sont introduites dans la Communauté. du Congo, la Guinée équatoriale et le Gabon, x Résumé  xi Les dispositions relatives aux échanges de pro- Dans cette analyse, une « approche corridor » duits agricoles à l’intérieur de la Communauté a été adoptée pour comprendre les conditions ne sont pas claires et les dispositions relatives à actuelles à certains passages frontaliers et dans la libre circulation des personnes (c’est-à-dire les marchés de regroupement à leur proximité les commerçants agricoles transfrontaliers) ne qui déterminent la compétitivité de la CEMAC sont pas uniformes. Comme le détaille le rapport, en matière de production alimentaire et la capa- les processus de passage aux frontières varient cité des agriculteurs de l’Afrique centrale à être considérablement d’un poste frontalier à l’autre en compétitifs sur leur propre marché régional. termes de procédures et de coûts. Bien que les pays L’analyse se concentre sur les produits de base les de la CEMAC se soient accordés d’éliminer tous les plus pertinents pour les producteurs pauvres et les droits de douane sur le commerce intrarégional, des consommateurs pauvres et examine en détail la per- droits sont encore perçus à certaines frontières et, formance des corridors de commerce agricole pour même lorsque les tarifs ont été supprimés, de nom- cerner les facteurs qui réduisent les bénéfices qui breux coûts non tarifaires sont encore perçus par les devraient être à la disposition des agriculteurs et/ou autorités douanières elles-mêmes dans bien des cas, majorent les prix payés par les consommateurs. ayant un effet limitatif au même titre que les tarifs. Sur le plan qualitatif, le rapport décrit les faits aux En outre, les échanges à l’intérieur de la Commu- frontières et les types de contraintes auxquels sont nauté sont négativement affectés par l’insuffisance confrontés les petits et grands commerçants, hommes de l’application du principe convenu de la libre cir- et femmes, qui opèrent dans l’économie formelle et culation des personnes dans la CEMAC, un principe informelle. Sur le plan quantitatif, il décompose les qui est pleinement effectif uniquement au Came- différences de prix des produits de base dans les mar- roun, en République du Congo, en République cen- chés acheteurs et vendeurs en différences attribuables trafricaine et au Tchad. Ailleurs, les commerçants aux coûts des licences et permis commerciaux, aux agricoles et autres personnes qui franchissent les frais de commercialisation et aux frais officiels et frontières sont soumis à des exigences de visa, des officieux associés à l’achat et à la vente de produits contrôles de documents et d’autres contrôles qui agricoles dans la région CEMAC. Le rapport tire étouffent la concurrence et augmentent le coût du des conclusions en se référant à quatre corridors commerce agricole. de commerce : Cameroun–Gabon, Cameroun– Guinée équatoriale, Cameroun–­ République centra- Par conséquent, malgré l’élan politique d’inté- fricaine et Cameroun–Tchad. gration régionale, le commerce intrarégional reste faible. Pour les Etats membres de la CEMAC, Selon les conclusions de l’étude, le développe- les exportations au sein de la CEMAC ne repré- ment du commerce agricole peut grandement sentent que 2,1 pour cent du total des exportations stimuler le développement agricole et réduire la et les importations au sein de la Communauté seu- pauvreté à travers une augmentation des revenus lement 3,9 pour cent du total des importations, agricoles et une baisse des prix des aliments et, selon les statistiques officielles. Dans le secteur par ailleurs, réduire les factures d’importation agricole, plus de 95 pour cent des exportations et améliorer la balance des paiements. S’étendant agricoles enregistrées ont été à destination de pays plus de 3 millions de km2, la région de la CEMAC tiers en 2015 et plus de 75 pour cent des importa- est dotée d’un climat diversifié et de ressources en tions enregistrées provenaient de l’extérieur de la terres importantes qui la rendent particulièrement CEMAC. Ces données doivent toutefois être inter- propice au développement des activités agropas- prétées avec prudence étant donné que le commerce torales. Néanmoins, environ 45 pour cent de la agricole régional s’effectue essentiellement par des population de la zone CEMAC souffrent de sous-­ voies informelles et n’est pas systématiquement alimentation et parmi eux, 10 pour cent souffrent enregistré dans les systèmes statistiques. d’un déficit alimentaire extrême. La stimulation xii  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale du commerce régional des produits agricoles favo- sont généralement établies pour faciliter la pro- riserait la diversification économique, améliore- duction et que très peu sont organisées pour faire rait la sécurité alimentaire et créerait des emplois des ventes groupées ou en vue d’autres liens com- pour les populations vulnérables de la CEMAC. merciaux, en particulier avec les acteurs étrangers De nombreux produits agricoles qui pourraient être des chaînes de valeur. Par conséquent, les produc- produits dans la CEMAC sont importés du reste teurs ont peu de ­ pouvoir de négociation lorsqu’ils du monde. Selon les données du secteur formel vendent leur production—un fait confirmé tant par (UNCOMTRADE, 2017), le riz, l’huile de palme et l’enquête et que par les observations sur le terrain. la volaille comptent parmi les principales importa- Les infrastructures constituent une autre probléma- tions agricoles, représentant plusieurs centaines de tique. Les coûts de transport sur courte distance, du millions de dollars d’échanges par an. On sait éga- champ au marché le plus proche, représentent entre lement qu’il y a un volume important d’échanges 15 pour cent et 25 pour cent du coût de production transfrontaliers non enregistrés de légumes frais et total, en fonction de la taille du chargement et de d’aliments de base, y compris des échanges entre sa périssabilité. Le transport sur courte et longue des pays de la CEMAC et des pays non membres de distance entraîne des pertes importantes en raison la CEMAC et que ces échanges ont un bon poten- du mauvais état des routes. Enfin, tous les partici- tiel d’expansion (Nkendah 2013, OMC 2013, Amin pants le long des corridors de commerce ont relevé et Hoppe 2013, Banque mondiale 2013). Le fait de les « tracasseries » comme un problème majeur au permettre aux commerçants informels de se déve- Cameroun, aux frontières et dans les pays voisins lopper et de s’intégrer progressivement dans l’éco- de la CEMAC. Les coûts des échanges réels dans nomie formelle stimulerait le commerce et la base les lieux étudiés sont systématiquement plus élevés du secteur privé pour la croissance et le dévelop- que les tarifs officiels. La culture de la tracasserie pement à l’avenir. La réduction des coûts du com- est tellement admise, généralisée et institutionnali- merce permettrait également de faire baisser les sée que les acteurs du marché internalisent ces paie- prix des denrées alimentaires et d’améliorer l’accès ments dans les coûts de transport. Il est urgent de à la nourriture et la sécurité alimentaire. renforcer l’effectivité et l’efficacité des fonctions légitimes (telles que les limites de poids des véhi- Le potentiel du commerce agricole intrarégio- cules et les mesures sanitaires et phytosanitaires) nal dans la CEMAC n’est pas réalisé principa- tout en éliminant les tracasseries. lement en raison de la faiblesse des liens entre les agriculteurs et les marchés, de la faible qua- Une action coordonnée visant à accroître la lité des infrastructures de marché et des coûts capacité des associations de producteurs, à du commerce élevés résultant de la corruption investir dans des installations de marché et des le long des principaux corridors. L’étude montre entrepôts et à éliminer le harcèlement le long que les coûts d’intermédiation le long des corridors des corridors aurait des retombées économiques de commerce, à destination, et notamment les coûts substantielles qui profiteraient aux producteurs d’accès au marché, constituent le facteur de coût et aux consommateurs des deux côtés des fron- le plus important, représentant 42 pour cent du tières. Des solutions pour éliminer les tracasseries prix final à la consommation (voir Figure R1). Les le long des corridors de transport pourraient réduire frais de transport et les « tracasseries » représentent les prix des aliments de 14 pour cent et—selon environ un tiers du prix final, alors que les coûts un modèle d’équilibre générale calculable (EGC) de production ne sont que de 20 pour cent. Les préparé dans le cadre du Mémorandum écono- coûts de passage aux frontières représentent à eux mique de la CEMAC—augmenter les exportations seuls environ 7 pour cent du prix à la consomma- de 23 pour cent. Les conclusions du rapport sur tion et la marge du producteur n’est que de 3 pour l’accumulation des coûts marginaux le long des cent. Les coûts d’intermédiation sont élevés, en corridors de commerce étudiés et les possibilités partie parce que les organisations de producteurs perçues pour réduire ces coûts amènent à proposer Résumé  xiii Figure R1  Composition du prix pour quelques produits sur le corridor Cameroun–Gabon (pourcentage du prix final à la consommation) Transport, 16% Coûts de production, 18% Marge du producteur, 3% Intermédiaires à Intermédiaires le la destination long du couloir, finale, 16% Franchissement de 23% Frais de marché, 2% Tracasserie, 14% frontière, 7% Production Transport Intermédiation Frontière cinq domaines d’intervention prioritaires. Les deux plupart des coûts du commerce agricole sont consti- premières recommandations ciblent les coûts d’in- tués avant que les produits atteignent les frontières. termédiation du marché. L’investissement dans le Si la coopération régionale est nécessaire dans des développement du commerce agricole régional doit domaines stratégiques, la plupart des possibilités commencer par l’amélioration de l’accès des pro- d’amélioration du commerce agricole au sein de la ducteurs au marché tant d’un point vue commercial CEMAC sont entre les mains d’acteurs nationaux que physique. Le troisième domaine prioritaire vise ou sous-nationaux. à réduire les tracasseries généralisées. Le quatrième domaine prioritaire vise à réduire les autres coûts Le rapport est structuré autour d’un ensemble de transport ; et le cinquième porte sur l’amélio- de « messages clés » qui développent les princi- ration des conditions aux frontières. Bien que les paux points décrits plus tôt. Ces messages sont coûts aux frontières ne semblent représenter que les suivants : 7 pour cent du prix final à la consommation, les postes frontaliers desservent plusieurs corridors et Production et approvisionnement de produits peuvent constituer un goulot d’étranglement pour agricoles dans la CEMAC le commerce agricole, si c’est n’est un point de bloc­age total des produits. 1. La production agricole peut satisfaire la demande en aliments de base dans la zone Pour s’attaquer à ces contraintes, il faudra un CEMAC. leadership politique fort qui permet de surmon- 2. L’insuffisance d’organisation commerciale ter la résistance en termes d’économie politique des producteurs limite leur pouvoir de de ceux qui tirent des rentes du système actuel négociation. au détriment des pauvres. La mise en œuvre des 3. La mauvaise qualité des infrastructures de recommandations de ce rapport nécessite de s’en- transport entrave l’accès au marché tant gager avec plusieurs parties prenantes et d’iden- au sein Cameroun que vers les pays de la tifier des promoteurs et défenseurs pour chaque CEMAC. domaine prioritaire. En général, il existe d’impor- 4. Le nombre élevé d’intermédiaires augmente tantes opportunités au niveau de chaque pays pour les coûts de transaction pour le commerce faciliter le commerce régional étant donné que la agricole. xiv  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale 5. Une volatilité des prix plus forte que prévu 10. Les réactions des commerçants face à l’infor- entraîne des rendements imprévisibles. malité et aux tracasseries aboutissent à une 6. La mauvaise gestion des marchés et la mau- spirale de pratiques informelles. vaise qualité des infrastructures de marché 11. Les risques de sécurité et les crises poli- entravent les liens commerciaux. tiques modifient les courants et les flux 7. Dans toute la région de la CEMAC, les fonc- commerciaux. tions commerciales légitimes ne sont pas 12. Les femmes constituent la plus grande part exercées et, de ce fait, elles se transforment des commerçants domestiques le long des en « tracasseries ». corridors de commerce agricole dans la Commerce des produits agricoles dans la CEMAC. CEMAC 13. Les prix finaux à la consommation dans la CEMAC reflètent les processus commerciaux 8. Le commerce non enregistré et informel des coûteux et lourds. produits agricoles est très répandu. 9. L’application imprécise des règlements com- merciaux et des règles douanières entraîne une multitude de coûts frontaliers formels et informels. Tableau R1  Les cinq plus grandes priorités pour promouvoir le commerce agricole dans la CEMAC Gains Calendrier Coût Échelle Type d’appui Priorités et mesures Faible/ Court/ Faible/ Objectif politique/ Nationale/ Moyen/ Moyen/ Modéré/ Objectif Régionale Elevé Long Elevé d’investissement Priorité 1 : Réduire les coûts d’intermédiation en reliant les agriculteurs aux marchés (a) Renforcer les liens commerciaux entre les producteurs ruraux et les consommateurs urbains en : • Travaillant avec les organisations de producteurs Elevé Moyen Modéré Nationale Investissement pour agréger la production et organiser des ventes groupées constantes. • Soutenant les alliances productives transfronta- Elevé Moyen/ Modéré Régionale Investissement lières ou d’autres liens commerciaux directs entre Long les négociants régionaux de la CEMAC et les organisations de producteurs. (b) Accroître l’accès au transport motorisé dans les zones rurales : • Introduction d’accords de crédit-bail et d’autres Moyen Court Modéré Nationale Investissement nouveaux mécanismes de financement pour les prestataires de services de transport. (a continué) Résumé  xv Gains Calendrier Coût Échelle Type d’appui Priorités et mesures Faible/ Court/ Faible/ Objectif politique/ Nationale/ Moyen/ Moyen/ Modéré/ Objectif Régionale Elevé Long Elevé d’investissement Priorité 2 : Améliorer l’efficacité des marchés agricoles (a) Investissements physiques dans les infrastruc- tures de marché, y compris : • Etals de marché, stockage sécurisé, entrepôts fri- Elevé Court/ Modéré Nationale Investissement gorifiques, quais de chargement, éclairage, assai- Moyen nissement, aires de repos aux points stratégiques des corridors de commerce régionaux. (b) Promouvoir la compétitivité par la gestion inclu- sive et l’encadrement du marché en : • Impliquant les associations de commerçants et Moyen Moyen Faible Nationale Mixte d’autres utilisateurs privés dans le développement et la gestion des espaces de marché publics. • Lançant le dialogue sur une charte de service Moyen Moyen Faible Nationale/ Mixte pour la gestion du marché et la promotion d’une Regionale telle charte. (c) Accroitre l’accès à l’information sur les marchés et le commerce pour promouvoir la compétiti- vité en : • Formant et sensibilisant les vendeurs sur la dyna- Faible/Med Court/ Faible Nationale Investissement mique des marchés et des prix pour améliorer les Moyen capacités d’interprétation et de décision. • Introduisant des systèmes d’information sur le marché qui réduisent la dépendance à l’égard des Moyen Court/ Modéré Nationale Investissement réseaux informels pour la détermination des prix. Moyen • Développant un système régional d’information sur les marchés pour agréger les systèmes natio- Moyen Moyen/ Modéré Régionale Investissement naux, en utilisant les technologies de l’information Long et de la communication (TIC) dans la mesure du possible. Priorité 3 : Professionnaliser le comportement le long du corridor de commerce (a) Renforcer la capacité des organismes de réglementation à effectuer des échanges légi- times en : • Menant une revue fonctionnelle des responsabi- Moyen Court Faible Nationale Investissement lités clés et en introduisant des systèmes de ges- tion basés sur la performance. • Élaborant et mettant en œuvre un programme Moyen Moyen Modéré Nationale/ Investissement de formation pour les agents de contrôle autour Regionale d’un code de conduite pour le comportement professionnel. • Réduisant (rationalisant) le nombre de points de Elevé Moyen Modéré Nationale Politique contrôle le long des corridors de commerce • Mettant à niveau les points de contrôle légitimes en Elevé Moyen Modéré Nationale Investissement renforçant la capacité à mener à bien les fonctions (telles que la surveillance en matière sanitaire et phytosanitaire) et en améliorant la surveillance à l’aide de caméras ou d’autres modalités. (b) Engager les usagers du corridor à signaler les abus et la corruption, en : • Sensibilisant les usagers des corridors sur les Moyen Court Faible Nationale/ Investissement points de contrôle, frais et fonctions légitimes. Regionale • Renforçant et/ou introduisant des directives de Moyen Court Faible Nationale/ Investissement lutte contre la corruption (numéro vert), traitant Regionale systématiquement les signalements faits et en récompensant les bons résultats. (a continué) xvi  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Tableau R1  a continué Gains Calendrier Coût Échelle Type d’appui Priorités et mesures Faible/ Court/ Faible/ Objectif politique/ Nationale/ Moyen/ Moyen/ Modéré/ Objectif Régionale Elevé Long Elevé d’investissement Priorité 4 : Renforcement des liaisons de transport régionales (a) Améliorer l’entretien des routes et les infrastruc- tures en : • Développant une stratégie de connectivité régio- Moyen Court Faible Régional Investissement nale pour relier les producteurs agricoles aux centres de demande. • Introduisant une gestion basée sur la performance Elevé Court/ Faible Nationale Investissement des ponts-bascules et d’autres stratégies pour une Moyen application fiable et transparente des limites de poids des véhicules. • Investissant dans la réhabilitation, la construction Elevé Court/ Modéré/ Nationale Investissement et la planification de l’entretien de routes. Moyen Elevé • Attirant des investissements dans les parcs de Moyen Court Faible Nationale Investissement camions privés (parking sécurisé, douches, etc.) (b) Briser les cartels et améliorer la compétitivité du transport agricole national et régional en : • Développant un plan d’action spécifique assorti Moyen Court Faible Nationale/ Investissement de délais pour la réforme du secteur, basé sur le Regionale dialogue entre les opérateurs de transport et les décideurs politiques. • Mettant en place un groupe de travail dédié pour Moy/El. Moyen/ Modéré Nationale/ Mixte la mise en œuvre du plan d’action et le suivi de Long Regionale l’avancement par rapport aux indicateurs de per- formance convenus. (c) Améliorer l’accès des commerçants régionaux aux ports en : • Draguant le Quai Boscam et enlevant les épaves Moyen Court/ Modéré/ Nationale Investissement bloquant les jetées Moyen Elevé • Modernisant les autres ports utilisés par les Moyen Court/ Modéré/ Nationale Investissement navires régionaux au besoin. Moyen Elevé (a continué) Résumé  xvii Gains Calendrier Coût Échelle Type d’appui Priorités et mesures Faible/ Court/ Faible/ Objectif politique/ Nationale/ Moyen/ Moyen/ Modéré/ Objectif Régionale Elevé Long Elevé d’investissement Priorité 5 : Amélioration des opérations aux frontières (a) Investissements physiques dans les infrastruc- tures frontalières telles que : • Éclairage, revêtement des routes, amélioration Moyen Court Modéré/ Nationale Investissement des bâtiments, et numérisation des systèmes de Elevé dossiers (b) Établir des commissions frontalières mixtes comprenant : • Des comités nationaux avec une agence chef de Moyen Court Faible Nationale Politique file, telle que les douanes, pour améliorer la coor- dination à chaque poste frontalier. • Des commissions internationales pour coordonner Moyen Moyen Faible Régional Politique les fonctions et régulariser les procédures entre les pays aux postes frontaliers partagés. (c) Professionnaliser le comportement des agents aux frontières et des usagers des frontières en : • Introduisant des systèmes de gestion basés sur Moyen Court Faible Nationale Mixte la performance articulés sur une charte de service pour les agences aux frontières. • Formant les agents des douanes et les usagers Elevé Court Faible Nationale Mixte des frontières aux droits et obligations fondamen- taux, y compris les avantages de la conformité réglementaire. • Mettant en place des hotlines gratuites pour Moyen Moyen Faible Nationale Investissement signaler les cas de corruption et d’abus (d) Sensibiliser les usagers des frontières sur les règlements officiels, les structures de frais offi- ciels et les exigences officielles au passage aux frontières en : • Élaborant des supports et des programmes de Moyen/ Court Faible Nationale/ Investissement formation pour les agents aux frontières et les Elevé Régionale usagers des frontières. • Produisant du matériel de publicité et des bro- Moyen/ Court Faible Nationale/ Mixte chures conviviales contenant des informations Elevé Régionale sur les procédures commerciales ; affichant tous les frais officiels bien en vue dans chaque poste frontalier. • Menant une campagne de publicité sur la Moyen/ Court Faible/ Nationale/ Investissement nécessité et les avantages de la conformité Elevé Modéré Régionale réglementaire. (e) Rationaliser les exigences commerciales en : • Adoptant des approches fondées sur le risque Elevé Court Faible Nationale Politique pour l’inspection et la conformité aux frontières. • Réexaminant les exigences relatives aux déclara- Moyen/ Moyen Modéré Nationale/ Mixte tions SPS en fonction des risques. Elevé Régionale • Éliminant les inspections obligatoires aux fron- Moyen/ Moyen Faible Nationale Mixte tières et les exigences de certification des produits Elevé (y compris la certification sanitaire et phytosani- taire) lorsqu’il n’y a pas de conditions de déclara- tion d’importation. (f) Favoriser le dialogue à travers la Commission Elevé En cours Faible Régional Politique de la CEMAC sur les coûts économiques des fermetures imprévisibles des frontières. Réexa- miner les contrôles de sécurité en vue d’ac- croître les opportunités commerciales. xviii  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Image R1  Zone de la CEMAC, y compris les principales zones de production au Cameroun, les corridors de commerce et les postes frontaliers étudiés Source : Données cartographiques © 2018 Google, ORION-ME. 1. Introduction Malgré le vaste potentiel de production et de com- et des réglementations difficiles à suivre limitent merce agricole de la région de la Communauté le mouvement des marchandises des zones excé- économique et monétaire d’Afrique centrale dentaires vers les zones déficitaires et imposent (CEMAC), le secteur agricole y reste largement des coûts inutiles qui entraînent des prix plus bas sous-développé. Le pétrole brut représente 86 pour pour les agriculteurs et des prix plus élevés pour les cent des exportations de la CEMAC, ce qui rend consommateurs. Pour les agriculteurs et les com- les économies de la Communauté vulnérables aux merçants qui vendent des denrées périssables, les cycles des matières premières et à la chute des prix coûts peuvent être particulièrement élevés. du pétrole au point où la région se trouve à présent confrontée à une crise budgétaire majeure. Dans Cette étude soutient les pays de la CEMAC dans toute la région, les importations agricoles repré- leurs efforts pour diversifier leurs économies sentent près d’un cinquième de la facture totale à travers l’expansion du commerce agricole. des importations, le Cameroun et la République du Ce service de conseil et d’analyse (SCA) vise à Congo ayant chacun importé pour plus d’un mil- répondre à trois grandes questions : (a) quel est le liard USD de produits agricoles en 2015. Pour les potentiel d’accroissement du commerce agricole populations de la CEMAC, la dépendance vis-à-vis régional ? ; (b) qu’est-ce qui empêche de réaliser du pétrole pour le développement a entrainé de très ce potentiel ? et (c) quels types d’investissements fortes inégalités de la croissance, les taux de pau- et de réformes politiques pourraient aider les pays vreté étant élevés dans tous les pays, en particulier de la CEMAC à réaliser ce potentiel ? Le SCA se dans les zones rurales. La sous-­ alimentation affecte concentre sur les aliments de base commerciali- une proportion substantielle de la population de la sés au niveau régional tels que le maïs, le bétail, la CEMAC, une situation qui est aggravée par la fra- tomate et la banane plantain qui intéressent parti- gilité politique et la violence dans plusieurs pays de culièrement les producteurs et les consommateurs la région. pauvres, ce qui feraient que les recommandations sont particulièrement pertinentes pour la réduction La volatilité des prix due aux coûts commerciaux de la pauvreté et l’augmentation des revenus des élevés et aux obstacles commerciaux entrave 40 pour cent les plus pauvres. le secteur agroalimentaire de la CEMAC. Les recherches de la Banque mondiale sur le commerce Les conclusions mettent l’accent sur les coûts régional en Afrique montrent que les pays Afri­ cains et les contraintes associés au commerce agri- sont globalement handicapés par des coûts commer- cole à grande et à petite échelle, y compris les ciaux élevés de manière disproportionnés, résultant procédures aux frontières et dans les marchés d’une mauvaise connectivité, de l’abondance des de regroupement de proximité. Des études anté- barrières formelles et informelles et des marchés rieures, telles que celles réalisées par Nkendah de transport où la concurrence est limitée et la pro- 2013, Amin et Hoppe 2013 et la Banque mondiale ductivité très faible. Ces obstacles affectent parti- 2013, indiquent que la plupart des échanges agri- culièrement les petits agriculteurs et les négociants coles régionaux dans la CEMAC se font par des agricoles. Des changements politiques soudains voies informelles et ne sont pas enregistrés dans les 1 2  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale statistiques commerciales officielles. Cependant, de loin le plus grand producteur et exportateur de on sait relativement peu de choses sur la façon produits agricoles à l’heure actuelle. A l’exception dont ces systèmes fonctionnent dans la région de la notable du Tchad, les autres pays de la CEMAC CEMAC et sur les problématiques spécifiques que n’exportent quasiment aucun produit agricole vers rencontrent les grands et petits commerçants pour le Cameroun bien qu’ils importent des quantités accéder aux marchés des pays voisins dans cette importantes de ce pays. Par conséquent, le rapport partie de l’Afrique. s’est concentré sur les corridors de commerce agri- coles partant du Cameroun, sans négliger les autres Cette analyse utilise une « approche de corridor » pays de la CEMAC qui ont le potentiel de béné- pour comprendre les conditions actuelles au ficier d’un renforcement de l’intégration commer- niveau de certains passages frontaliers et dans les ciale. Il est intéressant de garder à l’esprit que, dans marchés de regroupement de proximité qui sont les corridors étudiés dans le présent rapport, si les importants pour le commerce agricole régional flux devaient être inversés, l’ampleur des coûts du dans la CEMAC. L’étude se concentre sur la com- commerce serait similaire, ainsi que la nature des préhension des conditions commerciales pour les procédures lourdes. Par conséquent, la présente producteurs pauvres et les consommateurs pauvres analyse (en particulier en termes de passage aux en suivant les produits à six points de la chaîne frontières, de transport et de « tracasseries ») peut d’approvisionnement : exploitation agricole, mar- être extrapolée avec un bon degré de confiance à ché immédiat, marché de collecte, marché urbain, une future augmentation des flux commerciaux de marché frontalier et marché étranger. En examinant la CEMAC vers le Cameroun. en détail la performance des corridors de commerce agricoles, il est possible de cerner les facteurs qui, Une partie importante des informations qualita- soit réduisent les bénéfices qui devraient être à tives et quantitatives provient des observations la disposition aux agriculteurs et/ou augmentent directes sur le terrain lors de deux missions au les prix payés par les consommateurs. Sur le plan Cameroun et dans les zones frontalières des pays qualitatif, le rapport décrit les faits aux frontières voisins. La première mission a porté sur la collecte et les types de contraintes auxquels sont confron- de données aux points de passage aux frontières les tés les petits et grands commerçants, hommes et plus importants entre le Cameroun et le Gabon, la femmes, qui opèrent dans l’économie formelle et Guinée équatoriale et la République centrafricaine. informelle. Sur le plan quantitatif, l’étude décom- La deuxième mission a débuté dans les zones de pose les différences de prix des produits dans les production de la région occidentale du Cameroun marchés acheteurs et vendeurs résultant du coût et s’est poursuivie jusqu’aux régions du nord, sui- de de licences et permis commerciaux, de frais de vant les principaux blocs de corridors de commerce commercialisation et aux autres frais officiels et Cameroun-Tchad. Des informations supplémen- non officiels en rapport à l’achat et à la vente de taires ont été collectées à Yaoundé et à Douala produits agricoles dans la zone de la CEMAC. Le auprès des autorités publiques et des acteurs privés rapport fond ses conclusions sur quatre corridors de impliqués dans le commerce agricole. commerce : Cameroun–Gabon, Cameroun–Guinée Equatoriale, Cameroun–­ République centrafricaine Pour recueillir des données primaires sur le vécu et Cameroun–Tchad. des commerçants et des transporteurs partici- pant au commerce agricole dans la CEMAC, un Le rapport est axé sur le cas du Cameroun exercice de collecte de données a été comman- qui est actuellement le principal producteur et dité dans le cadre de l’étude : des étudiants uni- exportateur agricole de la CEMAC. Comme le versitaires se sont joints aux voyages de camions souligne le reste du rapport, malgré un fort poten- partant du Cameroun vers les pays voisins de tiel dans la région de la CEMAC, le Cameroun est la CEMAC (Gabon et Guinée équatoriale). Le Introduction  3 but de ces voyages était d’enregistrer le nombre de réponse sur une échelle de 1 à 5, allant de « Tout points de contrôle, les délais retards et les coûts (for- à fait d’accord » à « Pas du tout d’accord » (plus mels et informels) associés à ces points de contrôle les options « Ne sait pas » et « Non applicable ») ainsi que les procédures de passage des frontières. ainsi qu’une question ouverte pour chaque niveau Les étudiants ont voyagé dans des camions moyens sur les idées pour améliorer la commercialisation et gros avec des marchandises agricoles diverses, des produits agricoles. La taille globale de l’échan- recueillant des informations sur les deux étapes du tillon de 463 répondants tirés au hasard a permis voyage (bien que le plus s ­ ouvent les camions soient d’obtenir sur tous les modules (à l’exception de la retournés à vide). Au total, dix voyages ont été paire Cameroun–Guinée équatoriale, où la frontière effectués à la fin de 2017 et au début de 2018 et cou- fermée rendait difficile l’identification des répon- vraient les itinéraires suivants : Foumbot-­ Douala, dants) des perceptions intéressantes qui correspon- Foumbot-Kye-Ossi/Abang-Minko, Kye-Ossi-Bata daient bien constats des visites sur le terrain et des et Abang-Minko-­ Libreville. Les éclairages appor- voyages en camion. Les éclairages obtenus de ce tés par ces voyages sont présentés tout au long du travail sont présentés tout au long du rapport. rapport. Le rapport est structuré autour de 13 constats Afin de compléter la collecte de données sur le qui couvrent la production, l’approvisionnement terrain, une étude a été également commandi- et le commerce. La dernière section présente des tée sur la perception des différents acteurs du recommandations et des domaines d’investisse- commerce agricole de la CEMAC : producteurs, ment et de réforme politique qui pourraient aider commerçants et usagers des frontières aux prin- la région à concrétiser ses ambitions d’intégration cipaux points de passage au Cameroun–Guinée commerciale au service de la sécurité alimentaire, équatoriale, Cameroun–Gabon et Cameroun– du développement agricole et de la diversification République centrafricaine. L’étude portait sur les économique. perceptions générales des processus de commercia- lisation des produits agricoles, avec des options de La CEMAC et l’intégration 2.  régionale en Afrique centrale En accédant à l’indépendance de la France, supranationalisme. Alors que le traité révisé les pays d’Afrique centrale se sont lancés maintenait les institutions en place, il renforçait le dans un processus d’intégration économique pouvoir des institutions et convertissait le Secréta- qui a culminé avec la signature du traité de la riat en une Commission, faisant écho à une initia- CEMAC) en 1994. Ce processus a débuté en 1959, tive similaire de l’Union Economique et Monétaire lorsque quatre membres de l’ancienne Fédération Ouest-Africaine (UEMOA) en 2006. Il a également de l’Afrique Equatoriale Française, la République créé un Parlement communautaire et une Cour de Centrafricaine, le Tchad, la République du Congo justice communautaire pour la CEMAC. et le Gabon ont signé une Convention instituant l’Union Douanière Equatoriale (UDE). En 1964, Aujourd’hui, les membres de la CEMAC com- l’Union douanière s’est élargie lorsque le Came- prennent le Cameroun, la République Centra- roun et l’UDE se sont joints à l’Union Douanière fricaine, le Tchad, la République du Congo, la et Economique de l’Afrique Centrale (UDEAC), Guinée Equatoriale et le Gabon, représentant rejointe par la Guinée Equatoriale en 1983. Les ensemble un marché de 48,5 millions de per- crises économiques des années 1980 ont donné une sonnes (Tableau 1). La région représente plus de impulsion à la poursuite de l’intégration écono- 3 millions de km2 et est riche en ressources natu- mique, ce qui a conduit à la création de la CEMAC relles. L’abondance de l’eau et des pâturages rend en 1994 appelant à la création d’un marché com- la région particulièrement propice aux activi- mun et d’une union monétaire. Cependant, ce n’est tés agropastorales. Néanmoins, le potentiel de la qu’en 1999 que la CEMAC est devenue effective et région s’est concrétisé par des taux de croissance a remplacé l’UDEAC. inégaux ces dernières années. La disponibilité des ressources en hydrocarbures a contribué à des Le nouveau Traité a établi deux Unions, l’Union niveaux de développement inégaux au sein du bloc. Economique de l’Afrique Centrale (UEAC) Bien que tous les pays de la CEMAC, à l’exception et l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale de la République Centrafricaine et du Tchad, soient (UMAC) pour atteindre les objectifs de la classés dans la catégorie des pays à revenu intermé- CEMAC. Ensemble, ces deux unions visent à diaire, les chiffres du Produit intérieur brut (PIB) (a) mettre en place un dispositif multilatéral pour par habitant masquent un degré élevé d’inégalité le suivi des politiques économiques et financières des revenus, la pauvreté demeurant un problème dans leurs Etats membres, (b) gérer la monnaie répandu dans les zones rurales et urbaines. commune, (c) créer un environnement sûr pour l’activité économique, (d) harmoniser les régle- Malgré le potentiel agricole de la CEMAC, le mentations des politiques sectorielles, et (e) créer pétrole demeure la principale source de revenus un marché commun pour les biens, les services, les pour la plupart de ses États membres. Sauf pour capitaux et les personnes. le Cameroun, toutes les économies de la région sont fortement dépendantes du pétrole, qui représente En 2008, la CEMAC a été réformée pour 18 pour cent du PIB de la CEMAC et 66 pour cent passer de la coopération interétatique au de ses recettes d’exportation (voir Tableau 2). 4 La CEMAC et l’intégration régionale en Afrique centrale  5 Tableau 1  Aperçu de la CEMAC, 2017 PIB (milliards PIB par habitant Croissance Population Croissance du Pays USD, prix (USD, prix moyenne du PIB (millions) PIB (%) courants) courants) 2012–2016 (%) Cameroun 30,7 24,3 1,263 4,0 5,3 République Centrafricaine 2,0 5,0 400 4,7 –4,4 Tchad 9,7 12,2 799 0,6 3,4 République du Congo 7,8 4,3 1,794 –3,6 2,7 Guinée Équatoriale 10,1 0,8 11,948 –7,4 –3,1 Gabon 14,5 1,9 7,584 1,0 4,2 CEMAC 74,7 48,5 1,539 2,2 3,4 Source : Fonds Monétaire International, Base de données des perspectives de l’économie mondiale, octobre 2017. Tableau 2  Le secteur pétrolier dans la région CEMAC, 2016 Production Secteur pétrolier, Croissance de la Secteur pétrolier, Pays (millions de pourcentage des production pourcentage du PIB tonnes) exportations Cameroun 4,7 –4,3 4,0 28,0 Tchad 6,5 −10,8 10,7 88,1 République du Congo 11,4 −1,8 36,5 79,9 Guinée Équatoriale 10,2 −18,6 44,7 97,2 Gabon 11,5 −3,5 25,2 58,7 Total 44,3 –7,7* 18,0* 66,2* Source : Banque de France, 2017. *Indique la moyenne régionale. La région a été fortement affectée par la chute Guinée Equatoriale à 50 pour cent au Tchad. des cours du pétrole. La croissance dans la région Seuls deux pays tirent une part significative de leur est passée de 1,6 pour cent en 2015 à 0,2 pour cent valeur ajoutée de l’agriculture, à savoir le Tchad en 2016, avant de rebondir à 2,2 pour cent en 2017. (50 pour cent) et la République Centrafricaine Pourtant, ces chiffres de croissance masquent de (43 pour cent). Dans les autres pays, les parts de fortes disparités dans la région : en 2017, la Guinée l’agriculture dans le PIB sont inférieures à 20 pour Equatoriale et la République du Congo ont connu cent, avec le Cameroun à 17 pour cent (données de des récessions, tandis que la République Centra- 2016, Indicateurs de Développement Mondial de la fricaine et le Cameroun ont connu une forte crois- Banque mondiale). sance économique de 4,7 pour cent et 4,0 pour cent respectivement. De plus, la faiblesse des cours du L’agriculture occupe une part importante de pétrole affecte la balance commerciale de la Com- la population dans la plupart des pays de la munauté, avec un déficit de 15 pour cent tant en CEMAC. Plus de la moitié de la population est 2015 qu’en 2016 (Banque de France, 2017). employée dans l’agriculture au Cameroun, en Répu- blique Centrafricaine et au Tchad (respectivement La valeur ajoutée agricole en pourcentage du 62 pour cent, 72 pour cent et 77 pour cent) et 41 pour PIB varie considérablement au sein la région, cent des personnes travaillent dans l’agriculture en allant de seulement 2,6 pour cent du PIB en République du Congo. L’agriculture représente une 6   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale part plus faible de l’emploi en Guinée Equatoriale Dans la pratique, la libre circulation des marchan- (19 pour cent de l’emploi) et au Gabon (16 pour dises n’est toujours pas appliquée universellement cent de l’emploi) (données de 2017, Indicateurs de et uniformément, d’autant plus que les dispositions développement mondial de la Banque mondiale). de « libre pratique » (la libre circulation une fois officiellement introduite dans la Communauté) ne La région exporte une grande variété de produits sont pas mises en œuvre par les États membres. Les agricoles, les cultures commerciales exportées marchandises importées de pays non membres de en dehors de la CEMAC jouant un rôle impor- la Communauté et dédouanées par un pays membre tant. Le Cameroun est un exportateur important de de la CEMAC sont de nouveau taxées lorsqu’elles cacao, de fruits (ananas et goyaves) et de poulet. sont introduites dans d’autres pays de la CEMAC. La République Centrafricaine exporte principale- Pour le moment, le Traité de la CEMAC ne contient ment des légumes vers des pays non membres de aucune disposition visant à éviter la double imposi- la CEMAC en Afrique. La République du Congo tion des produits commerciaux, ce qui semble être exporte du thé et du café (avec toutefois une impor- un recul par rapport aux dispositions de l’UDEAC. tante fluctuation annuelle des exportations de café) En ce qui concerne les partenaires commerciaux (UN Comtrade). hors de la Communauté, un Tarif extérieur commun (avec cinq taux : 0 pour cent, 5 pour cent, 10 pour Le commerce agricole dans la région est régi par cent, 20 pour cent et 30 pour cent) a été adopté, les instruments instituant l’UEAC, qui prévoient mais les pays membres adoptent souvent des excep- un marché commun des produits agricoles à tra- tions unilatérales et des mesures de suspension. vers plusieurs mesures : Le régime de transit complique les politiques • L’élimination des droits de douanes nationales et d’intégration commerciale dans la CEMAC. des obstacles non tarifaires ; Deux membres (la République Centrafricaine et • L’établissement d’une politique commune envers le Tchad) sont enclavés et dépendent fortement les pays tiers ; du transit du port de Douala au Cameroun alors • L’établissement de politiques de concurrence, que les systèmes nationaux des autres membres notamment en ce qui concerne les aides de ne sont pas harmonisés pour permettre une nou- l’État ; velle répartition des prélèvements à l’importation • La mise en œuvre du principe de la libre circula- lorsque des marchandises sont introduites dans la tion des personnes, des services et des capitaux ; Communauté. Les droits douaniers ont une grande • L’harmonisation et la reconnaissance des normes importance pour les budgets nationaux dans chacun techniques et des procédures de certification. des pays de la CEMAC, ce qui crée des pressions pour taxer à chaque frontière jusqu’à ce qu’un sys- tème de compensation ou distribution des recettes Intégration commerciale 2.1  soit effectivement mis en place. Les efforts visant à dans la CEMAC rationaliser le transit Communautaire et les méca- nismes de compensation ont été expérimentés sur Alors que la composante monétaire de l’inté- papier ; les systèmes qui fonctionnent dans la pra- gration régionale a réussi à stabiliser l’inflation tique ont souvent été introduits et mis en œuvre de et les taux de change, la libre circulation des manière bilatérale (par exemple, entre le Cameroun biens, des personnes et des services reste problé- et la République Centrafricaine sur les points de matique dans la CEMAC (OMC 2013). Il était contrôle le long des corridors prioritaires). initialement prévu que la zone de libre-échange envisagée dans le traité de 1994 se matérialiserait Ainsi, les dispositions relatives aux échanges en 1998, avec l’introduction d’un tarif préférentiel intracommunautaires (principalement pour exonéré sur les échanges intracommunautaires. les produits agricoles) ne sont pas claires et La CEMAC et l’intégration régionale en Afrique centrale   7 l’application des principes de la libre circulation Commerce agricole 2.2  est inégale. Comme le détaille le reste du rapport, les procédures de passage aux frontières pour les régional produits agricoles intracommunautaires varient Malgré la volonté politique d’intégration régio- considérablement d’un poste frontalier à l’autre, tant nale, le commerce intrarégional reste faible. Les en termes de procédures que de coûts. Même si les exportations au sein de la CEMAC ne représentent mesures tarifaires ont été difficiles à cerner dans la que 2,1 pour cent du total des exportations et les législation disponible et dans tout l’échantillon de importations seulement 3,9 pour cent du total des postes frontières inclus dans cette analyse, il existe importations pour les membres de la CEMAC, selon de nombreux coûts non tarifaires, souvent perçus par les statistiques officielles. Ces chiffres sont à compa- les autorités douanières elles-mêmes, qui limitent les rer à 15 pour cent des exportations et 11,5 pour cent échanges commerciaux de la même manière que les des importations en 2010 pour la communauté com- taxes. De plus, les échanges intracommunautaires merciale de l’UEMOA. La faiblesse de l’intégration sont également négativement affectés par la faible commerciale régionale s’explique en partie par la application de la libre circulation des personnes prépondérance du pétrole dans le panier des expor- dans la CEMAC, qui jusqu’à présent n’est pleine- tations de la région, la faiblesse du secteur manufac- ment efficace qu’au Cameroun, en République du turier dans ces pays et le caractère plus informel du Congo, en République Centrafricaine et au Tchad. commerce intrarégional, ce qui signifie que le com- Le Gabon et la Guinée Equatoriale limitent l’ac- merce inter-CEMAC est moins susceptible d’être cès aux citoyens de la CEMAC pour des raisons de enregistré dans les statistiques officielles. sécurité (l’exemple le plus récent étant la fermeture de la frontière entre le Cameroun et la Guinée Equa- La demande de la CEMAC pour les produits toriale en janvier-février 2018, après un coup d’Etat agricoles est de plus en plus satisfaite de l’exté- manqué dans ce dernier pays). Néanmoins, certains rieur de la région (Tableau 3). Dans tous les États points de passage frontaliers visités dans le sud du membres de la Communauté, plus de 95 pour cent Cameroun offrent un accès d’une durée et d’une dis- des exportations agricoles ont été à destination tance limitées aux commerçants étrangers. de pays tiers (le reste du monde) en 2015 et plus Tableau 3  Exportations agricoles par destination (%) % D’exportations agricoles Pays Région 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 CAF CEMAC 0,2 n/a n/a 4,6 3,0 6,2 2,4 3,8 n/a 0,1 n/a 1,7 CAF RDM 99,8 100,0 100,0 95,4 97,0 93,8 97,6 96,2 100,0 99,9 100,0 98,3 CMR CEMAC 1,9 2,8 1,9 3,2 3,3 1,8 1,0 0,7 0,7 0,5 0,8 0,7 CMR RDM 98,1 97,2 98,1 96,8 96,7 98,2 99,0 99,3 99,3 99,5 99,2 99,3 DENT CEMAC 16,7 28,4 28,0 14,2 28,3 22,0 0,7 1,0 n/a 0,2 2,9 3,9 COG RDM 83,3 71,6 72,0 85,8 71,7 78,0 99,3 99,0 100,0 99,8 97,1 96,1 GAB CEMAC 8,6 8,8 12,4 39,5 64,7 79,4 90,5 69,2 68,8 58,1 9,6 4,4 GAB RDM 91,4 91,2 87,6 60,5 35,3 20,6 9,5 30,8 31,2 41,9 90,4 95,6 GNQ CEMAC 0,7 0,0 0,1 0,8 0,9 0,7 0,1 0,0 0,0 8,3 9,9 0,3 GNQ RDM 99,3 100,0 99,9 99,2 99,1 99,3 99,9 100,0 100,0 91,7 90,1 99,7 TCD CEMAC 1,3 0,0 0,1 0,2 0,1 0,1 1,9 1,1 0,7 0,5 0,0 1,4 TCD REDM 98,7 100,0 99,9 99,8 99,9 99,9 98,1 98,9 99,3 99,5 100,0 98,6 Source : COMTRADE de l’ONU. Remarque : CAF = République centrafricaine ; CME = Cameroun ; COG = République du Congo ; GAB = Gabon ; GNQ = Guinée équatoriale ; TCD = Tchad ; RDM = Reste du monde ; n/a = s’applique pas. 8  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale de 75 pour cent des importations agricoles prove- une valeur estimée à près de 38 milliards FCFA naient du reste du monde. Selon les statistiques (environ 85 millions USD, taux de change moyen officielles, les exportations agricoles sont restées de 2008) représentant 0,4 pour cent du PIB enregis- plutôt constantes entre 2004 et 2015, oscillant entre tré du Cameroun. La sous-déclaration du commerce 1 395 millions USD en 2006 et 2 324 millions USD agricole se retrouve également au niveau des don- en 2009, avant de baisser à 2 047 millions USD en nées officielles sur les biens importés. Par exemple, 2015, tandis que les importations ont augmenté de les dix principales importations alimentaires de 174 pour cent de 2004 (1 471 millions USD) à 2015 la Guinée Equatoriale comprennent les chewing- (4 033 millions USD). Cela indique que l’augmen- gums, les bonbons et le chocolat, ce qui reflète tation de la demande de produits agricoles a été sûrement l’enregistrement plus systématique des satisfaite principalement par le reste du monde. En importations qui proviennent de l’extérieur de la effet, les importations agricoles provenant du reste région par les principaux ports aériens et maritimes. du monde ont augmenté de 179 pour cent entre 2004 et 2015, alors que les importations en prove- nance des pays de la CEMAC n’ont augmenté que Situation de la région 2.3  de 41 pour cent. en termes de sécurité Selon les données officielles sur le commerce, le alimentaire Cameroun est le premier exportateur de pro- Environ 45 pour cent de la population de la duits agricoles au sein de la CEMAC (13 millions CEMAC souffre de sous-alimentation et parmi USD en 2015). Selon ces données, les principales eux, 10 pour cent souffrent d’un déficit alimen- exportations sont le riz blanchi, les soupes et bouil- taire extrême1 (CEMAC, 2009) (voir Tableau 4 lons, l’eau minérale et autres préparations. La et Figure 1). La faiblesse de l’intégration com- République du Congo a exporté des produits agri- merciale réduit l’accessibilité globale des aliments coles d’une valeur de 2 millions USD à la CEMAC dans la région, entraînant des importations encore en 2015, principalement de la canne à sucre et ses plus élevées en provenance du reste du monde. La dérivés. Les autres pays de la région de la CEMAC, sous-alimentation est la plus répandue en Répu- la République Centrafricaine, le Tchad, la Guinée blique centrafricaine et au Tchad où 58,6 pour cent Equatoriale et le Gabon ont exporté pour moins de et 32,5 pour cent des personnes respectivement 1 million USD de produits agricoles vers leurs par- souffrent de malnutrition, mais est plutôt faible au tenaires de la CEMAC. Gabon et au Cameroun. La prévalence du retard de croissance chez les enfants est plus homogène dans Cependant, ces données doivent être interpré- l’ensemble de la Communauté, allant de 17,5 pour tées avec prudence parce que les statistiques cent au Gabon à 40,7 pour cent en République Cen- officielles enregistrent mal le commerce agricole trafricaine. L’obésité n’affecte qu’une petite partie régional. Pour diverses raisons examinées tout au de la population de la CEMAC, à l’exception de la long de ce rapport, le commerce agricole régional Guinée Equatoriale et du Gabon, où la dépendance se produit principalement par voie informelle et aux aliments transformés importés entraîne des n’est pas systématiquement enregistré dans les sys- taux d’obésité supérieurs à 13 pour cent. tèmes de données nationaux. Selon une étude sur le commerce informel (Nkendah 2013), un peu plus L’insécurité alimentaire au Cameroun se retrouve de 155 000 tonnes de produits agricoles et horti- principalement dans les zones rurales et, plus coles non enregistrés ont été expédiées du Came- particulièrement, dans le nord du pays (PAM roun vers ses voisins de la CEMAC en 2008 pour 2017a). Selon les estimations, environ 16 pour cent Moins de 300 calories par personne et par jour. 1 La CEMAC et l’intégration régionale en Afrique centrale  9 Tableau 4  Principaux indicateurs de sécurité alimentaire et de nutrition dans la CEMAC Prévalence Prévalence Prévalence Prévalence de de Prévalence Prévalence de Prévalence de la du Prévalence de l’obésité l’allaitement l’insécurité de l’anémie chez sous-alimentation retard de du surpoid au sein maternel alimentaire l’emaciation les femmes au sein de la croissance chez les de la exclusif Pays sévère au chez les en âge de population totale chez les enfants population chez les sein de la enfants procréer (%) enfants (<5 ans,%) adulte (> 18 nourrissons population (<5 ans,%) (15–49 ans,%) (<5 ans,%) ans,%) (0–5 mois,%) (%) 2004–06 2014–16 2014–16 2016 2005 2016 2005 2016 2005 2014 2005 2016 2005 2015 Guinée n/a n/a n/a 3,1 35 26,2 8,3 9,7 8,2 13,3 48,0 43,7 n/a 7,4 Équatoriale Gabon 9,7 7,0 n/a 3,4 n/a 17,5 n/a 7,7 10,5 13,6 57,8 59,1 n/a 6,0 Cameroun 20,2 7,9 27,6 5,2 35,4 31,7 8,7 6,7 5,6 8,6 45,3 41,4 23,5 28,2 République centrafri­ 39,9 58,6 n/a 7,1 45,1 40,7 8,5 1,8 2,6 4,1 49,0 46,0 23,1 34,3 caine Tcdhad 39,2 32,5 n/a 13,0 44,8 39,9 4,4 2,5 3,2 5,5 51,1 47,7 2,0 0,3 République 33,4 28,2 n/a 8,2 31,2 21,2 8,5 5,9 5,4 8,2 57,9 51,9 19,1 32,9 de Congo Source : FAO 2017. Remarque : Tous les chiffres en pourcentage à moins d’indication du contraire. Figure 1  Prévalence de la sous-alimentation (%) (moyenne triennale) 60 50 40 Pour cent 30 20 10 0 01 2 3 4 5 6 7 8 9 0 1 2 3 4 5 6 01 00 00 00 00 00 00 00 00 01 01 01 01 01 01 20 –2 –2 –2 –2 –2 –2 –2 –2 –2 –2 –2 –2 –2 –2 –2 – 09 99 00 01 02 03 04 05 06 07 08 10 11 12 13 14 20 20 19 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 20 Cameroun République centrafricaine Tchad République du Congo Gabon Source : FAOSTAT. des ménages sont en situation d’insécurité alimen- des ménages urbains. Historiquement, les régions taire (3,9 millions de personnes), dont 1 pour cent du Grand Nord ont été les plus exposées à l’insé- en situation d’insécurité alimentaire sévère (envi- curité alimentaire. Au niveau national, 30 pour cent ron 211 000 personnes). L’insécurité alimentaire est des personnes consacrent plus de 75 pour cent de principalement concentrée dans les zones rurales, leurs dépenses à l’alimentation, mais ce chiffre est avec plus de 22 pour cent des ménages ruraux souf- tiré vers le haut par les régions du Nord où la part frant d’insécurité alimentaire, contre 10,5 pour cent des personnes dépensant plus de 75 pour cent de 10  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale leurs dépenses alimentaires est de 54,2 pour cent l’agriculture et de l’élevage mais l’agriculture est pour l’Extrême-Nord, 41,8 pour cent pour l’Ada- difficile parce que les saisons pluvieuses sont deve- mawa et 43,5 pour cent pour le nord. nues imprévisibles avec le phénomène météorolo- gique El Niño. La population rurale est vulnérable, La République centrafricaine reconstruit lente- avec 87 pour cent de la population rurale vivant en ment son économie et rétablit la stabilité suite dessous du seuil de pauvreté. De plus, selon la FAO à un conflit aux conséquences désastreuses pour (2017), 40 pour cent des enfants de moins de cinq la population (PAM 2015). Le pays a le deuxième ans présentent un retard de croissance (petite taille niveau de développement humain le plus bas du pour l’âge) en raison de la malnutrition chronique. monde (PAM 2017), notamment à cause du conflit. Le niveau de santé maternelle est médiocre, avec La pauvreté est répandue dans le pays ; il a l’In- des taux de mortalité élevés dus à un accès insuffi- dice de Développement Humain (IDH) le plus bas sant aux services de santé. du monde et environ la moitié de la population est confrontée à l’insécurité alimentaire, soit 2,5 mil- Un afflux de centaines de milliers de réfugiés lions de personnes. Les autorités centrafricaines fuyant des conflits dans les pays voisins a exercé et les Nations Unies estiment que 70 pour cent de une pression supplémentaire sur les ressources la population vit en dessous du seuil de pauvreté déjà faibles du Tchad. Les réfugiés, les personnes en 2015. Près de la moitié des pauvres vit dans les déplacées et les autres communautés pauvres du zones urbaines tandis que dans les zones rurales, bassin du lac Tchad dépendent de l’aide humani- sept personnes sur dix vivent en dessous du seuil taire pour leur survie. de pauvreté, en particulier dans les ménages dirigés par de petits agriculteurs et des artisans. En outre, Le score de de la République du Congo à l’IDH est les femmes sont plus touchées par le phénomène, élevé en référence aux normes régionales, mais il avec environ 77 pour cent d’entre elles vivant dans masque une distribution inégale des richesses et la pauvreté (UNECA 2017). Le niveau de violence des taux de pauvreté élevés (PNUD 2014). Près reste élevé, les groupes rebelles contrôlent cer- de la moitié de la population vit en dessous du seuil taines parties du pays qui continuent de connaître de pauvreté et 14 pour cent des familles souffrent des poussées de violence sporadiques ; environ d’insécurité alimentaire. En outre, 24 pour cent 600 000 personnes ont été contraintes de se dépla- des enfants de moins de cinq ans souffrent de mal- cer vers d’autres régions du pays pour échapper aux nutrition chronique et la malnutrition est restée la conflits. cinquième cause de décès prématuré pendant une décennie. La production alimentaire est basée sur Le Tchad souffre d’une pauvreté généralisée et l’agriculture de subsistance de tubercules et du d’insécurité alimentaire (WFP 2017b). Le Tchad manioc et, bien que calorifiques, ces cultures ont est classé 185ème sur 188 pays à l’IDH 2015 du Pro- une faible valeur nutritionnelle. L ’approvision- gramme des Nations Unies pour le développement nement alimentaire de la République du Congo (PNUD). De nombreux Tchadiens sont encore dépend fortement des importations, plus de 75 pour confrontés à de graves privations, la plupart des cent des besoins alimentaires totaux étant impor- Objectifs du Millénaire pour le Développement tés. Au cours des 25 dernières années, la propor- n’étant pas atteints en 2015. Entre 2003 et 2011, le tion de terres utilisées pour l’agriculture n’a que taux de pauvreté national est passé de 55 pour cent à peu augmenté, notamment en raison du manque 47 pour cent. Cependant, avec la crise économique d’infrastructures, alors que la population a presque et financière actuelle, la pauvreté pourrait augmen- doublé. En conséquence, le pays est incapable de ter. Le nombre absolu de pauvres devrait passer suivre la demande croissante de produits alimen- de 4,7 millions à 6,3 millions entre 2012 et 2019 taires. La pauvreté est principalement un phéno- (Banque mondiale 2017a). Les gens dépendent de mène rural, l’ampleur et la sévérité de la pauvreté La CEMAC et l’intégration régionale en Afrique centrale  11 ont augmenté, entre 2005 et 2011, le nombre de avec un taux de pauvreté en 2014 estimé à 30 pour pauvres est passé à 951 000 en 2011 contre 795 000 cent de la population (PNUD 2014). En Guinée en 2005. De plus, la pauvreté urbaine reste impor- Equatoriale, parce que les produits importés ven- tante, notamment à Brazzaville. Dans les zones dus dans les supermarchés sont chers, seuls 20 pour rurales, 7 personnes sur 10 (69,4 pour cent) sont cent de la population peuvent couvrir 100 pour cent pauvres ; 57,4 pour cent des pauvres vivent dans de leurs besoins nutritionnels quotidiens en calories les zones rurales. A l’échelle nationale, malgré la et en protéines. Selon les autorités nationales, en croissance démographique entre les deux années, 2006, 76 pour cent de la population vivaient dans de le nombre de pauvres a diminué à 1 658 000 en mauvaises conditions (moins de 1 000 FCFA/jour) 2011, en baisse par rapport aux 1 801 000 de 2005 (República de Guinea Ecuatorial and FAO 2012). (Banque mondiale 2017b). La Guinée équatoriale et le Gabon sont tous deux dépendants des importations de produits alimen- Cette dépendance à l’égard de produits impor- taires, les revenus élevés de la production pétrolière tés coûteux, souvent sous forme transformée, a le leur permettant, et ces importations proviennent des répercussions négatives sur la sécurité ali- principalement de l’Espagne et de la France, les mentaire et la qualité nutritionnelle en Guinée anciennes puissances coloniales. Par conséquent, Equatoriale et au Gabon. Le Gabon est au 109ème ces deux pays sont touchés à la fois par la sous-­ rang en termes d’Indice de Développement Humain nutrition (malnutrition) et l’hyper nutrition (malnu- sur 188 pays. La performance du Gabon en termes trition par excès). d’IDH est encore loin de son potentiel économique,  roduction et 3. P approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC Cette section du rapport se concentre sur la pro- représente une zone de production importante et duction, la commercialisation et l’approvision- dynamique pour les produits commercialisés dans nement des produits agricoles en provenance du la zone CEMAC et au Nigeria, tels que la banane Cameroun vers les autres pays de la CEMAC. plantain (également produit en abondance dans les Elle se penche surtout sur la situation aux fron- Régions Administratives du Sud-ouest, du Centre et tières pour comprendre les aspects de production, du Littoral), l’avocat, la tomate, le maïs, la viande la commercialisation immédiate, les intermédiaires de volaille et les œufs. La partie Nord du Cameroun le long des principaux canaux et corridors à travers (comprenant les Régions administratives du Nord lesquels produits agricoles proviennent du Came- et de l’Extrême-Nord) est une autre zone d’intérêt roun, ainsi que les principaux goulots d’étrangle- en raison de son importance dans la production de ment et les coûts qui interviennent avant que les céréales sèches, d’arachides et de légumineuses marchandises arrivent à la frontière. et de sa position géographique pour le commerce agricole et le transit du bétail entre le Tchad, la Les principales informations sur la production République Centrafricaine et le Nigéria. et la commercialisation proviennent de deux régions géographiques du Cameroun (voir Les principaux messages sont élaborés à par- Image 1). La Région administrative de l’Ouest tir des observations sur le terrain, de l’étude Image 1  Régions du Cameroun et les principaux flux commerciaux agricoles sélectionnés Source : Atlas du Cameroun. 12 Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC  13 de perception et des déplacements en camion le capacité des pays à répondre à cette demande ali- long des principaux corridors, ainsi que de la lit- mentaire croissante. Les pays de la CEMAC ont térature et de données secondaires. Les résultats bien progressé au cours de la dernière décennie en concernent la performance et le potentiel agricole ce qui concerne l’augmentation de leur production de la CEMAC, les faiblesses des Organisations de alimentaire nationale, comme le montre la Figure 2, producteurs (OP) dans le commerce, les problèmes tant pour la culture que pour l’élevage. de transport, les principaux canaux de commerciali- sation (acteurs et institutions), la volatilité des prix, Les gains historiques de la production agricole la gestion du marché et les tracasseries au Came- une fois ramenés par habitant sont insuffisants roun, ainsi que les facteurs qui influent sur les prix pour répondre à la demande de la CEMAC. payés aux agriculteurs et la façon dont les agricul- Comme le montre la Figure 3, au cours de la der- teurs accèdent à différents marchés. nière décennie, la production alimentaire a considé- rablement augmenté au Cameroun, même en tenant compte de la croissance démographique. Le Tchad, La production agricole de 3.1  la République Centrafricaine et la République du la CEMAC peut répondre Congo ont également augmenté leur production par rapport à leur population tandis que les taux à la demande régionale de croissance agricole du Gabon et de la Guinée d’aliments de base Equatoriale n’ont pas suffisamment augmenté compte tenu de leur croissance démographique. Avec la croissance démographique et l’urba- Les progrès du Cameroun sont en grande partie dus nisation croissante dans la plupart des pays, à l’augmentation de la production céréalière résul- la demande alimentaire dans la CEMAC aug- tant de l’expansion de la surface cultivée (plus que mente. Néanmoins, les contraintes financières doublé entre 2005 et 2014, alors que les rendements imposées par la baisse des prix des hydrocarbures, stagnent pour la plupart). La production nette par décrites dans la section précédente, entravent la habitant dans les autres secteurs de l’alimentation Figure 2  Indice net de production alimentaire (2004–2006 = 100) 180 160 158 152 140 120 118 113 100 106 90 80 60 40 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Cameroun République centrafricaine Tchad République du Congo Guinée Équatoriale Gabon Source : FAOSTAT. 14  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Figure 3  Indice net de production alimentaire par habitant (2004–2006 = 100) 140 130 126 120 113 110 100 95 90 90 82 80 73 70 60 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Cameroun République centrafricaine Tchad République du Congo Guinée Équatoriale Gabon Source : FAOSTAT. s’est également améliorée, à l’exception de l’éle- zones agroécologiques, permettant la culture de vage pour lequel la croissance a suivi le rythme de 14 cultures principales, ce qui est le chiffre le plus l’augmentation de la population. élevée pour la CEMAC. Le Cameroun compte cinq grandes zones agroécologiques : la forêt équa- Ainsi, les atouts agroécologiques du Cameroun, toriale intérieure ; la forêt équatoriale maritime ; les gains de productivité et l’importance du sec- les hautes terres tropicales, la savane guinéenne et teur agricole dans l’économie globale expliquent la savane soudanaise. Ce sous-ensemble de zones son rôle actuel en tant que fournisseur alimentaire représente la plupart des zones agro écologiques de la région CEMAC, et démontrent le potentiel dans lesquelles la production alimentaire à petite d’expansion future. L ’importance du Cameroun échelle est effectuée en Afrique subsaharienne. pour la production alimentaire dans la CEMAC a En comparaison, les conditions climatiques dans également augmenté en termes de valeur et de part les autres pays de la CEMAC font qu’il est diffi- dans la région. En corrélation avec les gains de pro- cile de pratiquer la culture d’un large éventail de duction, le Cameroun a également constamment cultures vivrières : dans les pays plus humides du augmenté la valeur de sa production alimentaire sud (Gabon, Guinée Equatoriale et République du nette, qui représente près des deux tiers du total de Congo), la production de céréales sèches est limitée la CEMAC, comme le montre la Figure 4. A l’ex- (la République Centrafricaine est dans une situation ception de l’élevage, le Cameroun a les plus hauts similaire), tandis que pour le Tchad, dans le nord, la niveaux de valeur de la production par habitant pour production de fruits et de légumes est difficile. tous les sous-secteurs alimentaires, y compris pour les céréales au même niveau que le Tchad. Le potentiel agroécologique du Cameroun reflète une partie de la diversité dans la région de la Les tendances de production agricole du Came- CEMAC, permettant au pays de produire une roun s’expliquent par un large éventail de large gamme de produits végétaux et animaux Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC  15 Figure 4  Valeur nette de la production (en USD constants 2004–2006) 10 9 3% 3% 5% 5% 2% 8 3% 4% 5% 3% 5% 7 3% 24% 21% 22% 3% 6% 3% 24% 18% 5% 3% 5% 6 4% 5% 18% 11% 5% 20% 11% 10% Milliards $ 20% 12% 5 20% 11% 22% 13% 13% 13% 4 13% 13% 3 58% 60% 61% 57% 62% 2 61% 58% 58% 56% 57% 1 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 Cameroun République centrafricaine Tchad République du Congo Guinée Équatoriale Gabon Source : FAOSTAT. (voir la Figure 5). En termes de valeur, le manioc, de la moitié des ménages camerounais pratiquent la banane plantain, le fruit du palmier à huile, le l’agriculture, les ménages pauvres sont plus dépen- maïs et le taro sont les plus importants. En termes dants de cette activité que les ménages non pauvres de valeur, la bananes plantain, la banane, le manioc, (88 pour cent contre 42 pour cent)2. Les principaux la tomate et la viande de bœuf représentent près de systèmes agricoles sont : (a) la production de coton la moitié de la valeur agricole totale. combinée à l’arachide, au mil, au sorgho, au riz irri- gué et au bétail dans la plaine semi-aride du nord ; Malgré les gains récents, le secteur agricole came- (b) la production de cacao combinée au manioc, rounais reste principalement caractérisé par à la banane plantain et au taro dans la partie sud l’agriculture familiale traditionnelle constituée de la zone de la forêt tropicale et dans les plaines à 63 pour cent des petits exploitants travaillant occidentales et côtières ; (c) la production de café sur moins de 2 ha. Les ménages de petits exploi- Arabica combinée avec le maïs, le taro, la banane tants familiaux (environ 2 millions) contribuent à plantain, le haricot, l’igname, la pommes de terre 60 pour cent de la production alimentaire, opèrent irlandaises et le bétail dans les hautes terres occi- dans le secteur informel et représentent 75 pour dentales ; (d) la production de café Robusta combi- cent de la main-d’œuvre agricole. Alors que plus née au manioc, à la banane plantain et au taro dans INS. (2015). Chapitre 14 : AGRICULTURE. Dans l’Annuaire statistique du Cameroun (pp. 204–214). 2 16   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Figure 5  Principaux produits agricoles du Cameroun (volume en millions de tonnes, 2016 (à gauche) et valeur en millions de USD constants 2004–2006, 2014 (à droite)) Manioc 5.5 Plantains 4.3 Fruit du palmier a huile 2.7 Maïs 2.2 Taro (taro) 1.8 Sorgho 1.3 Canne à sucre 1.3 Bananes 1.2 Tomates 1.2 Légumes frais 0.8 Arachides 0.7 Ignames 0.6 Patates douces 0.4 Haricots, secs 0.4 Patates 0.4 Riz, paddy 0.4 Ananas 0.3 Oignons, secs 0.3 Cacao, fèves 0.3 Concombres et cornichons 0.3 0 1 2 3 4 5 6 Millions tonnes Plantains 801.6 Bananes 484.1 Manioc 431.5 Tomates 324.5 Viande indigène, bovins 302.3 Cacao, fèves 280.3 Taro (taro) 266.1 Arachides, avec coquille 261.1 Hariocots, secs 208.1 Maïs 153.1 Légumes, frais 147.7 Sorgho 130.7 Ignames 118.2 Coton-fibre 115.8 Huile de palme 110.1 Viande locale, poulet 100.6 Coton graines 66.8 Caoutchoue, naturel 63.8 Lait de vache frais entier 57.9 Doliques, secs 57.3 0 200 400 600 800 Millions US$ Source : FAOSTAT. Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC   17 la partie nord de la zone de forêt tropicale et dans 250 groupes répartis au-delà des frontières les plaines occidentales et côtières ; et (e) la produc- nationales et dans d’autres pays de la CEMAC tion de ruminants combinée au maïs, au manioc et ainsi qu’au Nigéria—influence également la au haricot sur le plateau de l’Adamaoua, une savane dynamique de la production et des échanges. centrale avec des savanes arborées et des prairies. Ces groupes ethniques relèvent principalement des groupes linguistiques bantous, sémitiques et nilo- La plupart des ménages agricoles sont engagés tiques et contribuent traditionnellement aux parti- dans la production de cultures de base, confor- cularités agricoles. Les Bamileke, une communauté mément à la perte d’importance des cultures de bantoue, sont fortement axés sur l’agriculture que rente au Cameroun. Comme l’indique la Figure 6, les femmes principalement prennent en charge. Les près de 40 pour cent des ménages cultivent du Beti-Pahuin sont une autre communauté ethnique maïs et entre un cinquième et un quart des produc- bantoue, occupant les régions du sud de la forêt teurs cultivent l’arachide, la banane, le haricot, le tropicale du Cameroun et se consacrant principa- gombo, la banane plantain, le manioc et la patate lement à la culture du cacao. Les Fulani sont des douce. La culture de rente la plus importante est le tribus nomades qui voyagent principalement avec cacao, cultivé par 8 pour cent des ménages, suivi leur bétail dans la partie nord du pays. Tel qu’il est par le coton (7 pour cent) et le café (3 pour cent). indiqué plus en détail dans le rapport, cette diversité Le riz, l’un des produits les plus consommés dans ethnique joue un rôle essentiel dans les échanges le Nord du Cameroun, n’est cultivé que par 4,4 pour informels dans la région de la CEMAC, étant donné cent des ménages. Fait intéressant, la production que le petit commerce est souvent effectué par un de légumes (comme la tomate, l’oignon et l’ail), membre du même groupe des deux côtés de la qui fait partie du menu quotidien de nombreux frontière. ménages, est concentrée chez un petit nombre Les producteurs agricoles au Cameroun conti- de ménages agricoles. En dehors des poulets, un nuent de faire face aux même problèmes interdé- ménage agricole sur quatre (26,5 pour cent) élève du bétail et d’autres animaux d’élevage. pendants qui limitent leur production que ceux de la plupart des pays subsahariens. Les visites La diversité ethnique du Cameroun—­ sur le terrain ainsi que les discussions avec les auto- caractérisée par l’existence d’environ rités publiques indiquent que l’accès aux intrants est Figure 6  Ménages agricoles selon les cultures produites (pourcentage, 2014) 45 40 38 35 30 27 27 25 25 21 20 20 20 20 15 15 13 12 12 9 8 10 7 5 5 5 5 4 4 5 3 3 3 2 2 1 1 1 1 0 0 ac aïs Ba des ar e ne o s an o ta M ain do ioc m o s de ho rre P ro ou t C lle C ao Pa ton Av ier Ig e ch il e an z m e es An afé G ign as ge ns C e ru u C es te c itr n Pr t ut A na G icot m S ce M Ri ou H an pl mb a un m To gu br Ag ho C ime ot Ta i at O an in o m e rg ac lm oc te te an Ar M t o na C m u hi n ar s ao C Pa Po Ba Source : ECAM 4, Institut national de la statistique, Cameroun, 2014. 18  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale faible : la quantité moyenne d’engrais utilisée est Les différences agroécologiques sur l’ensemble inférieure à sept kilogrammes par hectare et moins des régions du Cameroun, combinées aux parti- de cinq pour cent des exploitants agricoles utilisent cularités régionales de la production agricole et des semences améliorées. De plus, les services de de la commercialisation, entraînent une réparti- contrôle et de certification de semences du Minis- tion inégale de la production (comme la Figure 7 tère de l’Agriculture et du Développement Rural et la Figure 8 le montrent). Trois régions se dis- (MINADER) sont défaillants et un soutien constant tinguent particulièrement et ont été incluses dans des projets au système semencier reste nécessaire. cette analyse pour études de cas : la région Ouest et De même, la qualité des engrais et des produits phy- la partie nord, comprenant les régions du Nord et de tosanitaires disponibles sur le marché est fluctuante, l’Extrême-nord. ce qui entraîne souvent des importations informelles non certifiées. La couverture des services de vulgari- Les conditions biophysiques font de la région sation est également insuffisante et les services exis- Ouest du Cameroun l’une des régions produc- tants sont souvent dans l’incapacité de prodiguer des tives du pays et une importante zone d’appro- conseils face aux nouvelles maladies (par exemple, visionnement pour le commerce agricole dans l’apparition récente de cas de légionnaires d’automne, la CEMAC. La région Ouest est la plus petite du observés lors des visites sur le terrain). Les organisa- pays en termes de superficie (environ 14 000 km²) tions de producteurs (comme exposé plus amplement et la plus densément peuplée (128,5 personnes/km² dans la section suivante) sont faibles en termes de contre une moyenne nationale de 41,6 habitants/km²) capacité institutionnelle et de pérennité, en particulier (MINADER 2017). La région est caractérisée par en matière de stockage, de transformation et de com- de hauts plateaux entourés de plaines et d’une mercialisation. La mécanisation est très limitée, le chaîne de montagnes. Le climat est tropical humide Cameroun ayant un ratio de 0,1 tracteur/1 000 ha, et avec des saisons pluvieuses bimodales qui se che- l’accès au financement est problématique vu que les vauchent parfois. La végétation est généralement producteurs agricoles sont incapables de soumettre dominée par une savane herbeuse au sommet des des propositions bancables pour le nombre déjà limité collines et des forêts dans les vallées. Les condi- de produits financiers dans le secteur. tions naturelles des montagnes (abondance d’eau, Figure 7  Production des principales cultures au Cameroun, par région, 2011 (pourcentage) 80 67% 60 58% Pour cent 40 19% 20 0 ua tre t d l d st st d t ra Es s or or Su e ue ue ao tto en ou N N O o am Li C e d- d- m or Su Ad trê N Ex Maïs Manioc Pomme de terre Haricots Tomates Banane plantain Banane Source : Institut national de la statistique, Cameroun, 2015. Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC  19 Figure 8  Effectif des principales espèces d’animaux élevés au Cameroun, par région, 2013 (pourcentage du total) 45 40 37% Pourcentage total national 35 32% 30 25 22% 22% 20 16% 15 14% 10 5 2% 1% 0 ua tre t d l d t st d t ra Es es es or or Su ue ao tto en ou ou N N O am Li C e d- d- m or Su Ad trê N Ex Bovins Ovins Caprins Porcins Source : Institut National de la Statistique, Cameroun, 2015. sols volcaniques fertiles), ainsi que les sols hydro- modifié l’organisation territoriale en augmentant la morphes des basses terres donnent une grande superficie consacrée aux cultures de légumes, de efficacité de la production agricole, en particulier fruits et d’aliments de base, qui occupent la plupart pour le maraîchage. En outre, la production de des champs (Uwizeyimana 2009). Le centre urbain légumes dans les bas-fonds permet une troisième de Foumbot près de Bafoussam ne dépend plus récolte pendant la saison sèche, intercalée avec des du commerce du café et est devenu l’un des plus cultures de maïs ou de haricots (Fongang 2009). grands marchés agricoles du pays. Les données disponibles les plus récentes indiquent (comme dans la Figure 5) que la région Ouest est En matière d’élevage, la région Ouest s’est spé- en tête dans la production de tomates, de maïs, de cialisée dans la production de volaille. Bien que la pommes de terre et de haricots, avec également des population de bovins, de petits ruminants et de por- quantités importantes de plantain et de banane. cins de la région soit relativement petite par rapport à celles des parties nord et est de Cameroun, l’ouest Le passage de la région du statut de zone à pro- est de loin la plus importante zone de production duction intensive de café à celui de territoire de viande de volaille et d’œufs. En 2013 (dernières fragmenté complexe à production diversifiée données comparables disponibles), la région Ouest explique en partie cette performance. Le système a produit 56 000 tonnes d’œufs, soit un pourcentage intensif de production de café mis en place par impressionnant de 87 pour cent du total national, les colons vers 1940 était resté stable pendant un et depuis, la production a continué d’augmenter demi-siècle. Cependant, suite à la crise pétrolière pour atteindre 85 000 tonnes en 2016. De même, de 1973, les superficies consacrées aux caféiers ont la viande de volaille est un produit important, attei- progressivement diminué au profit d’autres cultures gnant en 2013 environ 20 pour cent de la produc- et de l’élevage. Actuellement, il reste peu de plan- tion nationale. En plus des œufs et de la viande, des tations de café, alors que la production de légumes animaux vivants sont exportés de la région Ouest crée une nouvelle dynamique territoriale avec de vers les pays du sud de la CEMAC et vers le Nige- nouveaux mouvements de personnes et de biens. ria. L’expansion récente du secteur de la volaille a La culture des plantes alimentaires a profondément néanmoins été ralentie par une épidémie de grippe 20  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale aviaire ces dernières années, notamment en 2017 où Le nord du Cameroun est également une zone une part importante des exploitations agricoles ont d’élevage importante en plus d’être une zone été affectées et où les autorités publiques ont inter- importante de passage du bétail qui part du dit la vente et le déplacement des animaux et ont Tchad vers le Nigeria et vers les pays de la abattu une part importante de la population aviaire. CEMAC. Les deux régions du nord comptent plus de la moitié de l’effectif des petits ruminants (ovins Le Nord du Cameroun est également une zone et caprins) et près d’un tiers de la population bovine. de production importante, en particulier pour l’élevage et les céréales sèches. Les deux régions Néanmoins, les deux régions du nord sont les plus Nord et Extrême-nord représentent près de 30 pour exposées à la dégradation de l’environnement, à cent de la population du Cameroun et sont les la sécheresse, aux inondations et aux invasions régions les plus pauvres et les plus exposées à l’in- acridiennes, ce qui affecte considérablement les sécurité alimentaire (taux de pauvreté de 74,3 pour récoltes et aggrave l’insécurité alimentaire. Mal- cent dans l’Extrême-nord et 67,9 pour cent dans le gré le potentiel de production qui est plus que suf- Nord). Le climat est soudano-sahélien et de plus en fisant pour la population locale, la pauvreté oblige plus aride à mesure qu’on se déplace vers le nord souvent les producteurs à vendre leurs récoltes avec des précipitations annuelles moyennes de 400 immédiatement au moment de la récolte, aux prix à 500 mm à Maroua contre 800 mm par an à Garoua minimaux, pour répondre aux besoins urgents de à juste 170 km au sud. La concentration des activi- revenus. La vulnérabilité aux chocs climatiques tés dans les quelques mois de la saison des pluies est exacerbée par les crises politiques fréquentes et entraîne des pénuries de main-d’œuvre importantes continues (dans le bassin du lac Tchad, en Répu- et constitue l’un des principaux handicaps pour blique Centrafricaine et au Tchad dans une certaine l’agriculture à cette latitude. Toutefois, presque tout mesure). En conséquence, la partie nord a été et le millet (95 pour cent), 75 pour cent du sorgho, reste la principale zone d’insécurité alimentaire du deux tiers du riz et un quart de la production de Cameroun ayant un besoin constant de soutien du maïs proviennent des cultures de ces deux régions gouvernement (voir Encadré 1) et des partenaires du nord, en plus de l’arachide, de l’oignon et du internationaux. coton. Encadré 1  L’Office Céréalier au nord du Cameroun L’Office céréalier est un établissement public créé en 1975 qui avait pour vocation d’être une banque de céréales et un mécanisme de stabilisation des prix dans le nord du Came- roun en achetant, stockant et revendant les principaux aliments de base consommés dans la région. Ayant son siège à Garoua (région du Nord) et cinq centres dans les trois régions du nord (Nord, Extrême-nord et Adamaoua), l’Office est sous la supervision du Ministère de l’Agriculture. La capacité de stockage de l’Office a considérablement augmenté au cours des dernières années, notamment grâce au soutien des partenaires internationaux qui ont investi dans ses infrastructures de stockage. Néanmoins, le peu de ressources financières limitées ne per- met à l’Office d’utiliser que le quart seulement de sa capacité de stockage de 40 000 tonnes. Les céréales achetées auprès des agriculteurs à proximité des entrepôts (situés principale- ment dans les villes de Garoua, Maroua et Ngaoundéré) sont le sorgho, le millet, le maïs et le riz. Depuis 2013, l’Office a accru ses achats pour les faire passer d’environ 5 300 tonnes à 12 300 tonnes en 2017, soit moins de 1 pour cent de la production de la région. Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC  21 Le stockage est effectué au moment de la récolte aux prix du marché et les produits sont revendus pendant la période de soudure à des prix préférentiels (jusqu’à 20 pour cent infé- rieurs aux prix du marché, mais toujours plus élevés qu’au moment de la récolte). Géné- ralement, il n’est pas vérifié si les produits sont vendus aux plus nécessiteux et certaines des populations rurales les plus vulnérables n’ont pas accès aux entrepôts. Néanmoins, la revente se fait en petites quantités auprès d’une clientèle diversifiée, pour éviter que les commerçants en acquièrent de grandes quantités. Le volet de stabilisation des prix de la mission de l’Office n’a jamais eu d’effet concret étant donné que l’Office ne disposait que de peu de ressources financières depuis sa création, rendant impossible l’achat, le stockage et la redistribution de quantités suffisantes pour avoir un impact sur le marché. Dans l’en- semble, la situation financière de l’Office se dégrade, malgré les modestes gains obtenus provenant de la différence de prix, en raison de ses coûts de fonctionnement élevés et de la diminution de l’appui public. Source : Visite de terrain et entretien, février 2018. Le manque d’organisation 3.2  peu pérennes. Généralement, les nouvelles interven- tions du gouvernement et de ses partenaires ne pas commerciale des sont coordonnées et visent la création de nouvelles producteurs limite leur OP ainsi que le regroupement de certaines d’entre pouvoir de négociation elles en unions et fédérations, tandis que les efforts visant à renforcer les OP existantes n’existent que Alors que le paysage des organisations de pro- dans les projets plus récents. ducteurs (OP) au Cameroun est assez développé, très peu de producteurs ont constitué des organi- Les observations sur le terrain indiquent que sations pour effectuer des ventes groupées et éta- très peu d’OP vont au-delà du regroupement des blir des liens commerciaux, en particulier avec intérêts dans la production pour s’engager dans les acteurs étrangers de la chaîne de valeur. Les des activités commerciales organisées (voir Enca- données les plus récentes indiquent qu’en 2012 il y dré 2). Alors que les producteurs recourraient sou- avait plus de 120 000 OP de base : 115 581 Groupes vent aux OP pour accéder au financement de projet d’Initiative Commune (GIC avec 10 membres en et hors projet, en vue d’acheter massivement des moyenne), 3647 unions de GIC, 59 fédérations de intrants, et dans certains cas afin d’obtenir des ser- syndicats GIC, 1853 coopératives de production, vices techniques et de conseil pour la production, il 1575 coopératives de crédit, 67 unions de coopé- y a très peu de cas de ventes groupées, d’établisse- ratives et 11 fédérations de coopératives. Cette dis- ment de liens commerciaux ou d’activités de trans- tribution des GIC et des coopératives s’explique en formation, sauf en tant que résultat immédiat d’un partie par le fait que la législation fixe de exigences projet en cours. Pour les plus petits producteurs indi- plus contraignantes pour les coopératives, mais viduels des OP, les besoins immédiats de revenus (en aussi par le manque de connaissance des avantages conséquence des chocs externes et de la dépendance tirés des associations. En général, la plupart des OP envers les revenus agricoles) font qu’il leur est diffi- sont créées pour accéder à un financement externe, cile de synchroniser la vente des produits agricoles et dans la plupart des cas pour des projets, et elles sont 22  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Encadré 2  Organisations de producteurs et liens commerciaux : le cas de NOWEFOR NOWEFOR est une fédération de 12 GIC, fondée en 1995 dans quatre provinces (Mezam, Momo, Bui et Donga-Mantung) de la région Nord-ouest du Cameroun. Ses 2 500 membres sont organisés en unions en fonction de leurs activités de production agricole principale : maïs, riz, manioc, igname, pomme de terre, tomate, gingembre, huile de palme, volaille et porc. Son équipe technique de base comprend 1 coordinateur salarié, 3 agents thématiques (production, marketing et microfinance), 36 commerciaux et 25 animateurs techniques. Ses sources de financement proviennent de subventions externes, des frais d’adhésion, des paiements d’intérêts et d’un prélèvement sur le chiffre de vente. Auparavant, les producteurs de volaille avaient l’habitude de vendre au marché de Bamenda et ils avaient peu de pouvoir de négociation. NOWEFOR a contacté les restaurants de la ville pour arranger un approvisionnement régulier ; les producteurs collaborent actuellement avec 7 restaurants, chacun achetant 50 poulets par semaine. Même si les prix ne sont pas supérieurs à ceux du marché, les producteurs tirent profit d’un débouché constant pour leur production, ce qui se traduit par des ventes plus rapides et des pertes d’animaux limitées. Pour les producteurs de tomate, à la fin de 2005, NOWEFOR a conclu un accord avec une chaîne de supermarchés à Douala pour une livraison hebdomadaire régulière pendant six mois, pour commencer. Entre décembre 2005 et septembre 2006, au total 25,2 tonnes de tomates ont été livrées à l’acheteur. Afin de répondre à la demande en produits de qualité, NOWEFOR a dû organiser une formation technique pour ses membres (par exemple sur la lutte intégrée contre les ravageurs). La contractualisation n’a duré qu’une année : selon NOWEFOR, les principaux motifs de résiliation étaient le long délai de paiement de l’ache- teur (en moyenne trois mois après la livraison) et les difficultés à assurer l’équilibre entre les exigences quantitatives et qualitatives de l’acheteur. Source : Fongang 2012. l’organisation du rassemblement des quantités plus Par conséquent, les producteurs ont un faible importantes demandées par les acheteurs. En outre, pouvoir de négociation lorsqu’ils vendent leur le manque de synchronisation des récoltes entre production—un fait confirmé par l’enquête et membres d’une OP (en particulier pour les produits les observations sur le terrain. Près des trois quarts périssables telles que les tomates produites dans la des producteurs enquêtés pensent qu’ils n’ont pas région Ouest) fait qu’il est encore plus difficile d’or- de pouvoir de négociation des prix (Figure 9), ce ganiser un approvisionnement important et constant. qui contraste fortement avec les intermédiaires qui Les coûts d’accès et de transport sur le terrain ainsi pensent en avoir et déclarent avoir une marge de que le manque d’installations de stockage ne per- manœuvre suffisante lors des achats et des ventes mettent pas le groupage d’un volume suffisant de (90 pour cent des répondants).3 Les producteurs production étant donné que les gros acheteurs pré- rencontrés lors des visites sur le terrain ont toujours fèrent traiter avec de plus gros producteurs au lieu de mentionné les prix comme leur principale préoc- visiter plusieurs champs avec leurs camions. cupation, en particulier dans la région Ouest où la 3 Dans les diagrammes sur la perception, les nombres près des barres indiquent le nombre précis de répondants pour chaque réponse possible. Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC  23 Figure 9  Perception par les producteurs agricoles de leur pouvoir de négociation Agriculteurs: Quand je vends des récoltes ou du bétail, j’ai le pouvoir de négocier le prix que je veux. (N =76) 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Pourcentage des répondants Tout à fait d’accord D’accord Ni d’accord ni pas d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord Source : Sondage sur les perceptions, janvier-février 2018. Remarque : N = nombre de répondants. production a augmenté plus vite que les opportunités des pays voisins et ne sont pas non plus soutenues de commercialisation ainsi que les infrastructures de par les initiatives publiques. transport et de traitement. Les producteurs ont éga- lement exprimé une nette préférence pour les ache- teurs étrangers (ou leurs représentants), qui offrent La mauvaise qualité 3.3  habituellement de meilleurs prix que les acteurs de la des infrastructures de chaîne de valeur ou les intermédiaires locaux. transport entrave l’accès Toutefois, dans les interventions récentes, des au marché à l’intérieur du appuis commencent à être apportés à l’établis- Cameroun mais aussi vers sement de liens commerciaux entre les produc- teurs et les autres acteurs de la chaîne de valeur, les pays de la CEMAC mais généralement uniquement au Cameroun. La mauvaise qualité des infrastructures de Par exemple, les deux projets en cours de la Banque transport et les coûts que cela entraîne consti- mondiale (Projet d’Investissement et de Dévelop- tuent un goulot d’étranglement important pour pement des Marchés Agricoles [PIDMA] et Pro- les producteurs et les commerçants de produits jet de Développement de L’Elevage [PRODEL]) agricoles. Malgré les gains de productivité et comportent des volets dédiés d’appui aux OP pour l’augmentation des exportations vers la région de qu’elles s’engagent dans les chaînes de valeur, la CEMAC, les coûts de transport ont augmenté y compris les « Alliances Productives ». Lors de ces dernières années pour les trajets de courte visites sur le terrain dans la région Ouest, un pro- distance mais aussi de longue distance. Les agri- ducteur de maïs à moyenne échelle et membre d’une culteurs recourent généralement aux services des coopérative soutenue par le PIDMA, a exposé les transporteurs pour livrer leurs marchandises étant détails de la relation fructueuse établie entre leur donné que même les gros producteurs ne possèdent OP et un grand producteur de volaille, qui achète généralement pas leurs propres camions. En fonc- toute sa production de manière prévisible avec un tion du volume de production et du mécanisme de supplément par rapport aux prix du marché. Dans commercialisation, les agriculteurs peuvent choisir les régions du nord, les producteurs ont également entre le transport en motocyclette, dans de petites mentionné l’appui du PIDMA à l’organisation de voitures, dans des véhicules plus larges (camion- coopératives pour qu’elles aient leurs propres unités nettes) ou dans les camions de petites et moyennes de stockage et regroupent leurs ventes. Toutefois, tailles. L’accès routier au champ est souvent trop bien que conscientes des opportunités commer- difficile pour les gros camions de plus de 10 à 12 ciales dans la zone élargie de la CEMAC, les OP et tonnes, ce qui représenterait la charge typique pour leurs membres n’explorent pas encore directement l’exportation et pour les gros producteurs ou les les liens commerciaux avec les grands acheteurs 24  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Figure 10  Perception de la facilité d’accès aux marchés chez par les producteurs agricoles Agriculteurs: Il est facile d'amener mes cultures et mon bétail sur le marché. (N =76) 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Pourcentage des répondants Tout à fait d’accord D’accord Ni d’accord ni pas d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord Source : Sondage sur les perceptions, janvier-février 2018. Remarque : N = nombre de répondants. organisations de petits producteurs pour les ventes jusqu’à 0,91 USD/tonne/km pour un véhicule trans- groupées. Dans l’enquête sur la perception, un tiers portant un chargement mixte. Cette fourchette de des personnes interrogées se sont plaintes des diffi- coûts sur une courte distance est de quatre fois à cultés à transporter leurs produits agricoles au mar- huit fois plus chère/élevée que pour les transports ché le plus proche (voir Figure 10). sur une longue distance (détaillés ci-­ dessous), une différence qui est en accord avec les données fac- Les coûts de transport des produits agricoles du tuelles de la documentation sur les coûts de trans- champ au marché le plus proche représentent port en Afrique subsaharienne (Teravaninthorn et souvent la majeure partie du coût de production. Raballand 2009). Comparé aux coûts de produc- Par exemple, les données collectées dans les zones tion, le transport sur une courte distance représente de production des alentours de Bafoussam dans la entre 15 pour cent et 25 pour cent du total, selon le Région Ouest indiquent que les coûts de transport volume du chargement et la périssabilité. En outre, sur une courte distance peuvent aller de 0,51 USD/ les producteurs se plaignent également de plus en tonne/km pour un camion de 10 tonnes à 0,63 USD/ plus du manque de véhicules, ce qui a augmenté les tonne/km pour une camionnette de 3 tonnes et coûts au cours des dernières années. Image 2  Tomates chargées dans une camionnette sur le terrain, région Ouest, Cameroun Source : Photo par équipe pendant le travail sur le terrain. Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC  25 De même, le transport des produits agricoles tomates et les autres légumes, le mauvais état des des marchés de la zone de production vers les routes combiné à la surcharge fréquente des camions centres de consommation au Cameroun et dans entrainent des pertes importantes de produits ou les la CEMAC est coûteux. Le transport de produits endommagent. En outre, la surfragmentation du agricoles sur longue distance se fait avec de plus transport de la production à la consommation aug- gros camions de 12 tonnes ou plus, selon la des- mente ces risques étant donné que les produits sont tination. Pour la production agricole de la région transférés entre des moyens de transport différents Ouest, le transport sur le premier tronçon des cor- et dans des dispositions différentes. Par exemple, ridors transfrontaliers ou les trajets les plus courts un panier typique de tomates ou un sac d’avocats allant de Foumbot à Yaoundé (270 km) et Douala serait d’abord transporté du champ au marché le (300 km) coûte entre 150 000 FCFA (283 USD) plus proche par motocyclette ou camionnette, avant et 250 000 FCFA (471,7 USD) et les trajets durent d’être déchargé puis chargé dans un camion de 12 de 7 à 8 heures. Le trajet de 260 km de Yaoundé à 20 tonnes qui pourrait éventuellement s’arrêter (qui elle-même le centre d’une importante région pour être déchargé à Yaoundé ou Douala, avant agricole) aux marchés frontaliers du sud comme de continuer vers l’un des marchés frontaliers du Abang Minko coûte en moyenne 210 000 FCFA sud, où le chargement serait réparti en plus petits (377,4 USD), avec une durée similaire de 7 heures. chargements à transporter en voiture par de petits et Au Cameroun, sur cet itinéraire, le coût moyen par moyens commerçants gabonais, qui les vendraient tonne et par kilomètre du transport sur longue dis- en gros à Libreville aux détaillants, qui à leur tour tance est de 0,12 USD, ce qui est en accord avec pourraient ensuite reconditionner le chargement d’autres estimations de la documentation (par et le transporter à nouveau pour la vente finale. exemple, le long du corridor Douala–N’Djamena, Aucune donnée sur les pertes subies tout au long de le coût de transport par tonne par kilomètre est la chaîne n’est disponible, compte tenu de la mul- également estimé à 0,12 USD, tandis que pour titude des acteurs impliqués, mais les informations Douala–Bangui, il est de 0,17 USD/tonne/km provenant de l’un des marchés urbains de Douala [Nathan Associates Inc. 2013]). Fait intéressant, les indiquent que pour le tronçon Foumbot-Douala, les données sur les voyages en camion indiquent que le pertes pour un camion de tomates seraient d’envi- coût aux frontières Cameroun-Gabon à Libreville ron 8 pour cent (20 paniers d’un chargement total (475 km) pour un camion de 20 tonnes est d’envi- de 250 paniers). En outre, 20 pour cent en plus du ron 697 500 FCFA (1 316 USD), ce qui donne un chargement (50 paniers sur 250) seraient endom- coût par tonne par kilomètre nettement inférieur de magés et seraient vendus à un prix inférieur. De seulement 0,08 USD. Ce résultat est inférieur à la même, pour le bétail, les transporteurs ont indiqué plupart des estimations de coûts de transport dans qu’entre un et quatre animaux meurent au cours les corridors de l’Afrique de l’ouest et de l’Afrique d’un voyage ordinaire entre la zone de production centrale, mais il peut s’expliquer en partie par le fait et le marché urbain. qu’au Gabon le prix du carburant est inférieur et les infrastructures sont meilleures. Les coûts élevés Pour le transport sur longue distance, les pertes de transport sur longue distance sont en partie dus de marchandises agricoles sont aggravées par aux limites en termes d’infrastructures et en partie les vols. Les transporteurs signalent des problèmes à des problèmes de gouvernance, tels que les cartels continuels de vol, en particulier dans le cas des de camionneurs, qui limitent l’entrée sur le marché. petits camions sur les itinéraires Foumbot–Douala et Yaoundé. Dans les zones où les routes sont en Le transport sur courte mais aussi sur longue mauvais état et où les embouteillages ralentissent la distance occasionne des pertes importantes à circulation, les voleurs grimpent dans les camions cause du mauvais état des infrastructures. En et tirent des sacs ou des paniers qui sont jetés sur le particulier pour les denrées périssables telles que les côté de la route et recueillis par le reste de la bande. 26   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Généralement, les camionneurs ne prennent pas le droit varie comme suit : 550 FCFA (1,00 USD) pour risque de s’arrêter et continuent le voyage, même un camion de 7 tonnes, 1 000 FCFA (1,9 USD) pour si les pertes sont souvent retirées de leurs salaires. un camion de 10 tonnes, 1 500 FCFA (2,80 USD) Les données collectées lors des visites sur le terrain pour un camion de 20 tonnes et 5 000 FCFA indiquent que 3 camions sur 10 sont victimes de vol (9,40 USD) pour un camion de 26 tonnes. au cours d’un voyage intérieur typique allant de la zone production à un centre urbain (un tronçon de En plus des problèmes de qualité des infrastruc- route de 250 km), avec des pertes estimées à 8 à tures routière, le transport au Cameroun est 10 paniers pour les denrées périssables telles que également affecté par le manque d’aires de les tomates ou 1 ou 2 sacs pour les marchandises chargement/stationnement/d’attente pour les sèches. Selon le volume type, les pertes causées par gros camions. Des petits marchés ruraux à Douala les vols atteignent environ 1 pour cent du charge- et Yaoundé et inversement, les installations dispo- ment ; cette estimation est prudente étant donné que nibles pour charger et garer les camions sont insuf- les transporteurs signalent également que des pro- fisantes, en particulier à Douala où le port sert de duits sont retirés du chargement aux divers points point d’accès pour le commerce en Afrique centrale. de contrôle le long du trajet et pendant les arrêts Les transporteurs se plaignent souvent de l’absence techniques pour l’entretien urgent des camions. d’installations sanitaires et de lieux de repos et choisissent souvent les stations-service et les quar- En plus des péages routiers payés, les transpor- tiers périurbains comme arrêts de ravitaillement, teurs déboursent également pour plusieurs types surpeuplant ainsi ces endroits et augmentant les de droits d’accès le long des corridors. Dans les risques de vol et de tracasseries. Tout dernièrement zones de production de la région Ouest, la plupart en mars 2018, les organisations de transporteurs ont des autorités locales perçoivent des droits de circu- organisé une grève nationale pour attirer l’attention lation pour les camions venant charger des produits du gouvernement sur les conséquences de la fer- agricoles, qu’ils s’approvisionnent sur le terrain ou meture de l’aire de stationnement de camions de à un marché. Par exemple, au marché de Foumbot, le Bépanda à Douala. Image 3  Légumes transférés d’une voiture à un camion au marché de Foumbot, Cameroun Source : Photo par équipe pendant le travail sur le terrain. Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC   27 Image 4  Aires d’attente informelles des camions à la périphérie de Douala   Source : Photos par équipe pendant le travail sur le terrain. Le nombre élevé 3.4  d’étranglement de la commercialisation. Comme d’intermédiaires augmente la Figure 11 le résume, il existe six blocs majeurs dans un corridor commercial agricole typique le coût des échanges (exploitation agricole/champ, marché de proximité, agricoles marché de collecte, marchés urbains, marchés fron- taliers et enfin marché étranger) et divers degrés Le grand nombre d’intermédiaires le long des d’intermédiation, selon les liens commerciaux et principaux canaux est une réponse à l’insuf- les informations disponibles, les infrastructures fisance des liens commerciaux et aux goulots Figure 11  Principaux circuits pour les échanges agricoles dans la CEMAC Le moins utilisé Le plus utilisé Circuit d’intermédiation Circuit d’intermédiation Circuit d’intermédiation minimum moyen élevé Champs et exploitations des producteurs Marchés immédiats Marchés de collecte (Foumbot) Marchés urbains au Cameroun (Yaoundé/Douala) Marchés aux frontières Frontières Marchés étrangers CEMAC = Direction de l’interactions = Point d’intermédiation le long du circuit de commercialisation = Intermédiation finale du gros au détail Source : Explication basée sur des visites sur le terrain. 28  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale commerciales, la taille des acteurs, le pouvoir de venant du Nigeria. Comme il a déjà été souligné, il négociation et la disponibilité des acheteurs. Au est difficile pour les petits producteurs d’organiser niveau de la production, les agriculteurs ont parfois le groupage de grandes quantités qui intéressent les la possibilité de vendre directement leur production acheteurs étrangers, et le mauvais état des routes à de grands acheteurs urbains et étrangers, à des empêche l’accès direct des gros camions aux champs. intermédiaires locaux (buyam sellam) ou de trans- porter eux-mêmes les marchandises à un marché L ’autre part, les producteurs préfèrent largement trai- plus important (en ville ou aux frontières). Sinon, ter directement avec les gros acheteurs étant donné les débouchés immédiats pour les produits agri- ils obtiennent généralement de meilleurs prix. Les coles sont les marchés ruraux, ayant lieu chaque acheteurs étrangers du Nigeria ou du Gabon (ou leurs semaine la plupart du temps, au croisement de plu- représentants) sont perçus comme de meilleurs par- sieurs villages et bassins de production, générale- tenaires commerciaux que les intermédiaires locaux. ment à moins de 25 km de l’exploitation agricole. Dans ces marchés de proximité, les producteurs Au-delà des liens commerciaux directs avec les peuvent vendre directement leurs produits (vente acheteurs étrangers, quelques grands producteurs au détail pour la consommation locale) ou vendre acheminent également leurs marchandises direc- à un intermédiaire (buyam sellam), qui regroupent tement à Yaoundé et à Douala ou vers un marché la production pour les grands acheteurs came- frontalier. En louant les moyens de transport, ces rounais qui passent avec leurs camions dans les producteurs envoient des quantités moyennes (3 petits marchés ruraux. Le niveau suivant, les mar- à 10 tonnes) directement sur ces marchés dont ils chés de collecte (par exemple celui de Foumbot), paient l’accès et les intermédiaires qui vendent leurs sert aux transactions plus importantes : les gros produits. Par exemple, les droits d’accès au mar- producteurs vendent leurs produits—par le biais ché de Douala varient de 3 500 FCFA (6,6 USD) ­ d’intermédiaires—aux acheteurs étrangers et came- à 6 500 FCFA (12,30 USD), selon le chargement, rounais qui partent de ce marché directement vers tandis que les commissions de vente varient de la frontière ou Yaoundé/Douala. Les marchés fron- 100 FCFA (0,20 USD) par panier vendu (tomates taliers (pour plus de détails, voir Encadré 3) servent et autres légumes vendus par panier de 20 kg) à souvent de points intermédiaires pour fragmenter 25 pour cent de la valeur du chargement au cas les grosses cargaisons de produits agricoles desti- où le producteur n’a pas de relations suf­ f isantes nées aux acheteurs de taille moyenne qui traversent au marché et doit recourir à un intermédiaire plus la frontière en tant qu’intermédiaires entre la phase important. de la vente en gros et de celle au détail. Pour les biens qui ne passent pas par les marchés frontaliers, Les circuits commerciaux agricoles à multiples les points d’arrivée sont les marchés urbains de intermédiaires sont les plus courants. Le cas des vente en gros à la vente au détail dans les capitales producteurs qui ne peuvent pas vendre directement et les grandes villes des pays voisins de la CEMAC. aux gros acheteurs, principalement à cause de l’in- suffisance des quantités produites et du manque Les circuits d’échanges agricoles comportant le d’accès, est un exemple intermédiaire. Dans ce cas, moins d’intermédiaires sont les moins utilisés, les producteurs transportent leurs produits vers le vu les difficultés d’établissement de liens com- marché rural le plus proche ou vers un marché de merciaux, de transport et d’organisation de ras- collecte (comme celui de Foumbot) où ils vendent semblement de grandes quantités. Seuls quelques leurs produits à des intermédiaires. Alternative- producteurs, généralement de grande taille, rencon- ment, certains intermédiaires viennent directement trés lors des visites sur le terrain peuvent directement dans les villages et achètent auprès des producteurs. vendre leurs produits à un acheteur étranger, bien Dans les deux cas, les intermédiaires obtiennent des que cette pratique soit de plus en plus courante, en marges significatives et constantes, compte tenu de particulier avec les commerçants ou les acheteurs leur pouvoir de négociation et de leur connaissance Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC  29 Encadré 3  Marchés frontaliers dans la CEMAC A la frontière entre le Cameroun et le Gabon, Abang-Minko accueille le célèbre Mar- ché Mondial, un grand marché qui se tient du côté camerounais de la frontière le samedi. Le Mondial a toujours été un rendez-vous hebdomadaire important pour les commerçants régionaux, en particulier ceux de nationalité gabonaise qui se rendaient au Cameroun pour acheter des produits agricoles. Toutefois, les interactions avec les commerçants et les fonc- tionnaires aux frontières ont révélé que l’événement a progressivement perdu une partie de son importance au cours des dernières années, notamment en raison de la baisse de la demande gabonaise en produits camerounais qui serait due au ralentissement récent de l’économie du Gabon, où le PIB national et le revenu par habitant ont diminué de plus de 20 pour cent entre 2014 et 2016. Le Mondial accueille au total environ 1 500 à 2 000 vendeurs. Les opérateurs du marché sont pour la plupart des commerçants de nationalité camerounaise, notamment les détail- lants et les grossistes, qui achètent généralement des produits de la région d’Abang-Minko ou d’autres régions du Cameroun et les revendent au Mondial—ils seraient rarement des producteurs également. Certains commerçants, y compris ceux qui tiennent des points de vente permanents, travailleraient au marché tous les jours, alors que d’autres, y compris de nombreux petits commerçants, ne viendraient généralement que le samedi. Les camions qui se préparent pour cette journée de marché sont observés dès le jeudi après-midi ou le vendredi matin. Toujours dans le sud du Cameroun, le marché de Kye-Ossi, qui a lieu chaque jour, accueille plusieurs commerçants au détail et en gros vendant divers produits agricoles. Entre autres, les articles les plus communément échangés comprennent la tomate, l’oignon, la pomme de terre, les haricots, le gingembre et l’huile de palme. Beaucoup de produits proviennent d’autres régions du Cameroun, telles que Foumbot (tomate, pomme de terre), Maroua/ Garoua (oignon) ou Bamenda (pomme de terre), et ils seraient généralement transportés à Kye-Ossi dans des camions camerounais de 6 à 12 tonnes, le chargement ayant lieu soit sur le site de production, soit sur des marchés plus importants tels que Yaoundé. Les vendeurs du marché sont presque exclusivement camerounais. Les grossistes passent généralement leurs commandes au marché par téléphone, en appelant les intermédiaires camerounais des lieux de provenance tels que Foumbot, Maroua/Garoua ou Bamenda, tan- dis que les petits commerçants et les détaillants achètent auprès d’eux au marché. Les acheteurs uniques effectuent généralement leur paiement par monnaie mobile s’ils ont la possibilité d’acheter un camion complet de marchandises (ou même plusieurs camions)— alors que les petits commerçants qui achètent encore au gros mais qui ne peuvent pas encore se payer un chargement entier mettent généralement en commun leurs ressources et passent une commande conjointe. Enfin, les détaillants qui achètent de petites quantités auprès des grossistes sur place paient généralement en espèces. Les clients qui achètent au marché seraient principalement gabonais (typiquement originaires de Bitam mais aussi de plus loin, comme Oyem ou Libreville) et équatoguinéens, bien que des Camerounais originaires de villages des alentours de Kye-Ossi en font également partie. Dans la plupart des cas, les opérateurs du marché seraient des commerçants plutôt que des producteurs. 30  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Le marché d’Ambam a lieu chaque jour dans le centre-ville d’Ambam, au sud du Came- roun. Il accueille environ 300 à 350 vendeurs, tous Camerounais, qui vendent une grande variété de produits agricoles achetés pour la plupart sur d’autres marchés (plus grands), bien que quelques produits soient achetés localement. Les vendeurs sont principalement des femmes, tandis que les hommes sont principalement impliqués dans le commerce de gros, c’est-à-dire l’approvisionnement des détaillants, et tiennent également des bars et des magasins ou se livrent à d’autres activités commerciales dans la zone du marché. Les articles les plus couramment commercialisés comprennent, entre autres, les pommes de terre, les tomates, les haricots, les arachides et les herbes. Les vendeurs du marché sont presque exclusivement des commerçants camerounais, qui vendent des marchandises pro- venant principalement de Yaoundé (chaque deux semaines ou chaque mois) ou, dans une moindre mesure, du Marché Mondial qui a lieu chaque semaine à Abang-Minko ; d’autre part, la tomate et la banane plantain semblent être des produits locaux. Les vendeurs du marché sont répartis en deux principales catégories : les détaillants qui tiennent des étals de rue (qui pour la plupart achètent leurs marchandises auprès des gros- sistes du marché et les vendent aux clients locaux en petites quantités) et les grossistes qui travaillent généralement dans des salles en béton de six à neuf mètres carrés avec une toiture adéquate. Ils achètent leurs marchandises à Yaoundé ou à Abang-Minko (bien que généralement elles proviennent au départ de l’ouest ou du nord du Cameroun) et les transportent à Ambam, où ils les vendent principalement aux vendeurs du marché (en sacs de 100 kg) ou aux clients locaux (au détail). Les commandes sont généralement passées aux fournisseurs par téléphone tandis que les paiements sont faits par Western Union ou monnaie mobile—les fournisseurs sont responsables de l’organisation du transport, qui est généralement effectué par de gros camions (par exemple, d’environ 30 tonnes) qui peuvent quitter Yaoundé 3 à 4 fois par semaine en moyenne. A la frontière entre le Cameroun et la République Centrafricaine, Garoua-Boulai accueille un vaste marché proposant une grande variété d’articles incluant divers produits agricoles tels que l’oignon, l’ail, la tomate et le manioc, ainsi que des boissons, des vêtements et des chaussures. Les vendeurs du marché sont presque exclusivement camerounais, à l’excep- tion des petits commerçants centrafricains (des femmes) qui vendent du manioc ; certains d’entre eux vivent de l’autre côté de la frontière, en République centrafricaine, et font plu- sieurs voyages vers le marché chaque jour, tandis que d’autres se sont réinstallés du côté camerounais après la crise des réfugiés. Les commerçants centrafricains qui viennent pour la journée peuvent traverser la frontière à pied (s’ils transportent de petites quantités de marchandises, par exemple, un sac de manioc) ou utiliser des charrettes s’ils vendent de 7 à 10 sacs. La provenance des produits agricoles sur le marché est diverse : les produits camerounais tels que l’oignon proviennent de Garoua et Maroua au nord, tandis que l’ara- chide provient de Touboro et la pomme de terre de Bamenda. Située au croisement des frontières du Cameroun, du Tchad et de la République Centra- fricaine, la région de Mbaiboum est un point de rencontre historique entre les peuples de l’ouest (Fulani, Peul), du sud et du nord. Le marché frontalier de Mbaiboum se trouve dans la partie nord du Cameroun, dans le département de Mayo-Rey, et une partie de la ville de Touboro (à 35km du centre-ville). Grâce aux récents investissements publics et privés (Sodecoton), la région bénéficie des infrastructures nécessaires en routes et ponts, permet- tant au marché frontalier régional de prospérer. Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC  31 Le marché a lieu trois fois par semaine et attire les commerçants de toute la région et au-delà, y compris du Nigeria et du Soudan. Le marché aux bestiaux, qui a lieu une fois par semaine, est le lieu de vente d’environ 800 à 900 têtes pendant la saison sèche et d’environ 2 000 têtes pendant la saison des pluies. Le bétail provient principalement du Cameroun et du Tchad et les clients sont camerounais, soudanais, nigérians, centrafricains et gabonais. Une place de marché spéciale permet aux camions de charger de grandes quantités de bétail, avant de partir pour les principaux centres de consommation de la région (Yaoundé, Douala, Bangui, etc.). Récemment, l’insécurité est devenue une préoccupation majeure et les commerçants bénéficient d’une escorte militaire de Touboro jusqu’au marché tôt le matin et sur le chemin du retour à la fin de la journée des échanges. Sans escorte, les risques d’at- taque sont très élevés. Les taxes au marché de Mbaiboum sont de 1 500 FCFA (2,80 USD) par tête de bétail provenant du Cameroun et de 4 700 FCFA (8,90 USD) pour le bétail pro- venant de l’extérieur du pays. Ces taxes sont réparties entre la municipalité, les douanes et le Ministère de l’Elevage. A la frontière nord entre le Cameroun et le Tchad, juste en face du fleuve Logone venant de N’Djamena, Kousséri est le principal marché frontalier dans la région de l’extrême nord du Cameroun. Ce marché a lieu tous les jours et permet les échanges directs avec la capitale tchadienne de l’autre côté de la frontière. Il y a trois principaux types de mouvements : (i) le transit, du Tchad au Nigeria (principalement du bétail et le sésame) et vice-versa (principale- ment des produits transformés, tels que le pétrole) ; (ii) les exportations du Cameroun vers le Tchad (et dans une moindre mesure vers le Nigeria) de maïs, de sorgho, de riz, d’igname, de fruits, d’oignons, de canne à sucre du nord du Cameroun, ou de plantain et de légumes du centre et du sud du Cameroun ; et (iii) les importation du Tchad vers le Cameroun, principale- ment du bétail, du sésame, de l’arachide et certains légumes. En termes d’infrastructures, la commune de Kousséri est équipée d’un parc de vaccination, d’un abattoir, d’un marché aux bestiaux, d’une porcherie, de pâturages, d’un champ de fourrage et d’installations d’élevage. Le marché compte environ 250 vendeurs. Source : Visites sur le terrain et entretiens. des zones de production et des acheteurs potentiels. des produits agricoles (Figure 12). Des propor- Par exemple, au marché de Foumbot, les marges des tions similaires de commerçants s’accordent pour intermédiaires varient de 16 pour cent (150 FCFA dire qu’il est généralement facile de trouver des ou 0,28 USD) pour un régime de bananes plan- produits agricoles à commercialiser (80 pour cent) tain à 23 pour cent (75 FCFA ou 0,14 USD) pour et que leur qualité est satisfaisante (88 pour cent) un melon et jusqu’à 35 pour cent (1 250 FCFA ou (Figure 13). Après ce point intermédiaire dans les 2,35 USD) pour un panier de tomates. zones de production, les denrées agricoles sont achetées par des acheteurs plus importants, pour la En général, les intermédiaires sont peu disposés plupart étrangers, qui poursuivent leur route au-delà à discuter de leur modèle d’affaires, étant donné des frontières ou par des commerçants camerounais que le grand public est généralement conscient qui poursuivent leur route jusqu’à l’un des marchés des marges importantes facturées. Les résultats de frontaliers. Ces derniers marchés ont également l’enquête indiquent qu’en général, la plupart des leurs propres intermédiaires dont le rôle est de frag- commerçants pensent qu’ils ont suffisamment de menter les grosses cargaisons pour les échanges pouvoir pour négocier les prix à la fois à l’achat avec les petits et moyens acheteurs étrangers. (88 pour cent) mais aussi à la vente (90 pour cent) 32  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Figure 12  Perception par les commerçants de leur pouvoir de négociation Commerçants: Quand j’achète des produits agricoles, j’ai le pouvoir de négocier le prix que je veux. (N = 141) 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Pourcentage des répondants Tout à fait d’accord D’accord Ni d’accord ni pas d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord NSP Commerçants: Quand je vends des produits agricoles, j’ai le pouvoir de négocier le prix que je veux. (N = 141) 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Pourcentage des répondants Tout à fait d’accord D’accord Ni d’accord ni pas d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord Source : Sondage sur les perceptions, janvier-février 2018. Remarque : N = nombre de répondants. Figure 13  Perception par les commerçants de la disponibilité et de la qualité des produits agricoles Commerçants: Il est facile de trouver des produits agricoles pour le commerce. (N = 141) 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Pourcentage des répondants Tout à fait d’accord D’accord Ni d’accord ni pas d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord Commerçants: Je suis satisfait de la qualité des produits agricoles dont je fais le commerce. (N = 141) 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Pourcentage des répondants Tout à fait d’accord D’accord Ni d’accord ni pas d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord Source : Sondage sur les perceptions, janvier-février 2018. Remarque : N = nombre de répondants. Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC  33 La plupart des échanges agricoles sont fragmen- de leurs liens commerciaux pour acheter et stocker tés davantage, avec des coûts d’intermédiation des produits agricoles en grandes quantités pendant supplémentaires à chaque étape. Le manque d’in- de courtes périodes, jusqu’à ce qu’un gros acheteur formations commerciales, l’absence de synchroni- arrive sur le marché, abusant ainsi de leur pouvoir sation de la production et de la commercialisation, commercial. En outre, les producteurs et les petits et la variation de la demande intérieure et exté- commerçants se plaignent que les buyam sellam rieure entraînent d’autres coûts de transaction. Par monopolisent les quelques installations de stockage exemple, il est assez fréquent que les produits agri- existant dans leurs marchés respectifs, ainsi que les coles atteignent un marché de collecte (après avoir aires de stationnement et de chargement limitées. été directement vendus par les producteurs ou ache- tés sur le terrain par les buyam sellam), d’où ils sont transportés à Douala et Yaoundé par des commer- La volatilité des prix plus 3.5  çants camerounais, d’où ils poursuivent leur route élevée que prévu font jusqu’à un marché frontalier. Une fois de plus, des marges étonnamment élevées et constantes sont fac- que les rendements sont turées par les intermédiaires, entraînant des coûts imprévisibles trois fois plus élevés que ceux décrits précédem- Plus que les niveaux de prix, tous les producteurs ment. De même, lorsque les agriculteurs vendent et un nombre important d’autres acteurs du mar- leurs produits sur les marchés ruraux, les intermé- ché ont mentionné la volatilité des prix comme un diaires qui agissent en tant que agents de groupage obstacle majeur à la production et au commerce commercial transfèrent les produits vers un marché agricole. Les prix fluctueraient considérablement de collecte, où ils collectent plus de produits, avant même si la corrélation avec la saisonnalité est limi- de continuer vers un marché urbain et de vendre à tée, en particulier pour les denrées périssables, mais un acheteur étranger pour une destination directe- même pour certaines denrées non périssables. Les ment au-delà des frontières. observations sur le terrain sont complétées par les résultats de l’enquête (Figure 14) qui indiquent que Il convient de distinguer les intermédiaires qui 85 pour cent des agriculteurs estiment que les prix agissent en tant qu’agent de groupage commer- qu’ils reçoivent pour leurs produits agricoles ne cial (buyam sellam) de ceux qui exécutent la sont ni justes ni prévisibles. Plusieurs producteurs fonction de détaillants. Ces derniers ajoutent un rencontrés sur le terrain ont décrit leurs activités autre niveau de coût (15 à 20 pourcent) sur les mar- agricoles comme une « loterie ». La volatilité des chés où ils opèrent (à tous les niveaux), mais leur prix est problématique non seulement en raison fonction s’inscrit bien dans la dynamique du mar- des rendements imprévisibles, mais aussi parce ché. Les premiers sont perçus par les autres acteurs que souvent les producteurs ne rentrent pas dans du marché comme profitant de leurs liquidités et Figure 14  Perception par les producteurs agricoles de la justice et de la prévisibilité des prix Agriculteurs: Les prix que je reçois pour mes récoltes ou mon bétail sont justes et prévisibles. (N = 76) 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Pourcentage des répondants Tout à fait d’accord D’accord Ni d’accord ni pas d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord Source : Sondage sur les perceptions, janvier-février 2018. Remarque : N = nombre de répondants. 34  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale leurs frais lorsque les prix atteignent des niveaux également accrue, en particulier depuis le début de minimaux. Par exemple, des calculs effectués avec 2015 : les prix en février 2017 étaient 2,25 fois plus plusieurs producteurs ont montré qu’un prix à la élevés que quatre mois auparavant, en octobre 2016. production de moins de 3 000 FCFA (5,70 USD) Le plantain suit une tendance similaire de hausse pour un panier de tomates de 20 kg entraîne des des prix et de volatilité croissante : il a atteint le prix pertes pour les producteurs. Bien qu’aucune statis- record de 322 FCFA (0,63 USD) par kilogramme en tique officielle ne soit disponible, les mêmes pro- août 2017, ce qui était 2,3 fois plus élevé que six ducteurs ont indiqué que, jusqu’en janvier 2018, mois auparavant, en février 2017. Il est intéressant les prix à la production étaient inférieurs au seuil de noter que ces deux produits sont exportés vers de rentabilité. L’analyse de l’augmentation des les pays voisins de la CEMAC et vers le Nigeria. prix et les discussions sur le terrain révèlent que la Les données pour d’autres fruits (en particulier réduction de moitié de la marge des intermédiaires la pastèque) et les légumes—non inclus dans les (buyam sellam) permettrait toujours au moins d’at- chiffres—révèlent des tendances similaires. D’autre teindre le seuil de rentabilité. part, la volatilité des prix du maïs et de l’avocat mentionnée par les producteurs n’est pas corrobo- Malheureusement, aucun mécanisme régulier de rée par les données sur les prix à la consommation : collecte des prix et aucun système d’information l’avocat garde ses fluctuations annuelles dues à la sur les marchés ne sont en place pour collecter saisonnalité, tandis que les prix du maïs diminuent les informations sur les prix à la production ou lentement avec une volatilité similaire en une sai- dans les marchés ruraux afin de vérifier com- son. Dans la région du Nord (voir la Figure 16), la plètement ces observations. Les données obtenues volatilité des prix sur le marché de Garoua est éga- auprès de l’Institut National de la Statistique, qui lement nuancée : pour l’oignon, les fluctuations de recueille les prix à la consommation dans chaque prix ont diminué en intensité au cours des dernières marché urbain des capitales régionales pour une années, à cause de l’augmentation de la production très large gamme de produits agricoles, constituent (les prix diminuent lentement) et l’amélioration des les meilleures informations de substitution. Toute- possibilités de stockage. Les prix du millet et du fois, compte tenu de la proximité de ces marchés maïs ont enregistré des fluctuations plus impor- aux zones de production et de la présomption de tantes en 2012 et en 2013, suivis d’une réduction corrélation entre les prix à la production et les prix à de la volatilité en 2014 et 2015, avant de redevenir la consommation, les séries de données mensuelles de plus en plus fluctuants. Les prix de l’arachide pour la période allant de 2012 à 2017 peuvent don- ont connu une forte volatilité continue au cours de ner une indication des tendances de la volatilité la période considérée. Bien que ces constats soient des prix. Les fluctuations de prix des principaux mitigés, par prudence, il convient de souligner que produits fabriqués dans les zones couvertes par les certains producteurs ont fait valoir que les intermé- marchés de Bafoussam (région Ouest) et de Garoua diaires imposent des prix inférieurs même en l’ab- (région du nord) sont présentées dans la Figure 15 sence de volatilité des prix, compte tenu du pouvoir et la Figure 16. limité de négociation et de l’accès insuffisant des producteurs à l’information. La volatilité croissante des prix est confirmée pour certaines cultures, en particulier dans la Du côté de l’offre, l’un des principaux facteurs région Ouest, tandis que pour d’autres, les résul- déterminants du prix est la surproduction à tats ne sont pas concluants (comme la Figure 15 certains moments, due aux réactions des pro- le montre). La tomate sur le marché de Bafoussam ducteurs aux pics de prix à un mois donné par en est le meilleur exemple, les prix ayant augmenté le passé, et à la demande relativement élevée de au cours des dernières années malgré l’augmenta- ces dernières années, y compris d’autres pays de tion de la production. La volatilité des prix s’est la CEMAC. La tomate est à nouveau l’exemple le FCFA/kg FCFA/kg FCFA/kg FCFA/kg ja ja ja ja nv nv nv nv ie ie ie ie 0 100 200 300 400 500 600 0 50 100 150 200 250 300 350 0 100 200 300 400 500 600 700 800 0 50 100 150 200 250 300 350 r-1 r-1 r-1 r-1 2 2 2 2 m m m m se se se ai se p a pt ai-1 pt ai-1 pt -1 em 2 em 2 em 2 te i-12 m br br br br e- e- e- e- ja 12 ja 12 ja 12 ja 12 nv nv nv nv ie ie ie ie r-1 r-1 r-1 r-1 3 3 3 3 se m se m se m se m ai pt ai-1 pt ai-1 pt -1 pt ai-1 em 3 em 3 em 3 em 3 br br br br e- e- e- e- ja 13 ja 13 ja 13 ja 13 nv nv nv nv ie ie ie ie r-1 r-1 r-1 r-1 4 4 4 4 se m se m se m se m ai pt ai-1 pt ai-1 pt -1 pt ai-1 em 4 em 4 em 4 em 4 br br br br e- e- e- e- ja 14 ja 14 ja 14 ja 14 nv nv nv nv ie ie ie ie Avocat r-1 r-1 r-1 r-1 Tomate 5 5 5 5 Maïs (grains) m m m m Plantain (vert) Cameroun, janvier 2012 à septembre 2017 (FCFA/kg) se se se ai se Source : Données de l’Institut National de la Statistique du Cameroun. pt ai-1 pt ai-1 pt -1 pt ai-1 em 5 em 5 em 5 em 5 br br br br e- e- e- e- ja 15 ja 15 ja 15 ja 15 nv nv nv nv ie ie ie ie r-1 r-1 r-1 r-1 6 6 6 6 se m se m se m se m ai pt ai-1 pt ai-1 pt -1 pt ai-1 em 6 em 6 em 6 em 6 br br br br e- e- e- e- ja 16 ja 16 ja 16 ja 16 nv nv nv nv ie ie ie ie r-1 r-1 r-1 r-1 7 7 7 7 se m se m se m se m ai pt ai-1 pt ai-1 pt -1 pt ai-1 Figure 15  Fluctuation des prix à la consommation à Bafoussam, région Ouest, em 7 em 7 em 7 em 7 br br br br e- e- e- e- 17 17 17 17 Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC  35 FCFA/kg FCFA/kg FCFA/kg FCFA/kg ja ja ja ja nv nv nv nv i i ie ie 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1000 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 0 50 100 150 200 250 300 0 50 100 150 200 250 300 er er -1 -1 r-1 r-1 2 2 2 2 se ma se m se m se m i- ai ai ai pt pt - pt -1 p te -1 em 12 em 12 em 2 m 2 br br br br e- e- e- e- ja 12 ja 12 ja 12 ja 12 nv nv nv nv ie ie ie ie r-1 r-1 r-1 r-1 3 3 3 3 se m se ma se m se m ai ai ai pt - pt i- pt -1 p te -1 em 13 em 13 em 3 m 3 br br br br e- e- e- e- ja 13 ja 13 ja 13 ja 13 nv nv nv nv ie ie ie ie r-1 r-1 r-1 r-1 4 4 4 4 m m m m janvier 2012 à septembre 2017 (FCFA/kg) Source : Institut National de la Statistique, Cameroun. se ai se ai se ai se ai pt - pt - pt -1 p te -1 em 14 em 14 em 4 m 4 br br br br e- e- e- e- ja 14 ja 14 ja 14 ja 14 nv nv nv nv Millet ie ie ie ie Oignon r-1 r-1 r-1 r-1 Arachides 5 5 5 5 Maïs (grain) se m se m se m se m ai ai ai ai pt - pt - pt -1 p te -1 em 15 em 15 em 5 m 5 br br br br e- e- e- e- ja 15 ja 15 ja 15 ja 15 nv nv nv nv ie ie ie ie r-1 r-1 r-1 r-1 6 6 6 6 se ma se m se m se m i- ai ai ai pt pt - pt -1 p te -1 em 16 em 16 em 6 m 6 36   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale br br br br e- e- e- e- ja 16 ja 16 ja 16 ja 16 nv nv nv nv ie ie ie ie r-1 r-1 r-1 r-1 7 7 7 7 se m se m se m se m ai ai ai ai pt - pt - pt -1 p te -1 em 17 em 17 em 7 m 7 br br br br e- e- e- e- 17 17 17 17 Figure 16  Fluctuation des prix à la consommation à Garoua, région du nord, Cameroun, Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC   37 plus frappant étant donné que les producteurs et les et Yaoundé et dans les capitales de la CEMAC. De commerçants rencontrés lors des visites sur le ter- plus, le peu d’informations disponibles sur les prix rain ont indiqué que la demande nationale et régio- s’avère souvent contreproductif pour les produc- nale en ce produit a augmenté ces dernières années teurs : en réponse aux pics de prix à un mois donné et que les producteurs ont réagi en conséquence. De par le passé, ils finissent par surproduire, ce qui même, la demande en œufs explique en partie la entraine la baisse des prix. Par exemple, les prix de forte expansion des exploitations avicoles commer- la tomate ont été très bas en janvier 2018 (et se sont ciales dans la région Ouest. Néanmoins, les chocs lentement redressés en février lors de la mission sur externes (telles que la crise de la grippe aviaire en le terrain), malgré un pic en janvier–février 2017. 2016–2017 ou la fermeture des frontières) ont un Les producteurs ont indiqué que l’offre excéden- impact de plus en plus disproportionné sur les prix. taire sur le marché et la fermeture de la frontière entre le Cameroun et la Guinée équatoriale étaient La présence d’acheteurs étrangers sur le mar- les principales raisons de cette situation. ché a également une incidence importante sur les prix. Les producteurs rencontrés lors des visites sur le terrain ont presque unanimement apprécié la La mauvaise gestion 3.6  présence des acheteurs étrangers et considèrent que des marchés et le les échanges agricoles dans la CEMAC, en plus du Nigeria, dynamisent le marché. Néanmoins, la pré- manque d’infrastructures sence d’acheteurs étrangers n’est pas constante et compromettent les liens prévisible ; de plus, alors que les prix augmentent commerciaux significativement lorsque les commerçants came- rounais sont en concurrence avec les acheteurs Au regard des estimations des volumes échan- extérieurs, la situation inverse conduit souvent à gés, les marchés dans les zones de production l’effondrement des prix. Les producteurs ont même des régions de l’ouest et du nord sont générale- indiqué que les prix fluctuent considérablement en ment mal organisés et ne disposent que de peu une journée, en fonction de l’heure d’arrivée des d’infrastructures commerciales. Les principaux acheteurs étrangers ou de leurs représentant sur un problèmes sont l’absence généralisée d’étals de marché donné. marché, les commerçants vendant à même le sol ; la proximité immédiate des routes principales, entraî- L’absence de système d’information sur les mar- nant des embouteillages et à la pollution par les chés diffusant les prix, associée à une connais- poussières ; le manque de lieux dédiés ou spécia- sance insuffisante des prix, désavantage encore lisés par culture ; l’absence ou l’accès insuffisant plus les producteurs lorsqu’il s’agit de négo- à l’eau et aux installations sanitaires ; l’absence cier les prix de leurs productions. Les visites d’aires de stationnement et de points de charge- sur le terrain et les discussions avec les autorités ment pour les camions ; l’absence de collecte des publiques ont mis en évidence la difficulté à obte- ordures et des déchets ; et le manque d’organisation nir des informations claires sur les prix actuels aux du mouvement des personnes et des biens entravent différents maillons de la chaîne logistique agricole davantage l’accès. En outre, d’après les observa- et sur leur évolution. Certains grands producteurs tions, les infrastructures générales de commercia- ont des contacts dans les marchés de proximité et lisation (zones couvertes, espaces de chargement et en zone urbaine et peuvent téléphoner pour obtenir de déchargement) et de stockage sont très limitées, des informations sur les prix, mais la plupart des ce qui est particulièrement problématique pendant producteurs dépendent des informations fournies la saison des pluies étant donné que les acteurs par leurs acheteurs et aucun acteur ne connait clai- du marché et leurs marchandises ne sont pas cou- rement les prix finaux à la consommation à Douala verts. En conséquence, l’accès limité des camions 38  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Image 5  Marché de Foumbot dans la région Ouest, Cameroun Source : Photos par équipe pendant le travail sur le terrain. et le manque général d’organisation ralentissent les centres de consommation au Cameroun et dans les échanges et favorisent la prolifération d’inter- les pays voisins de la CEMAC. Se tenant trois fois médiaires disposant de meilleures relations com- par semaine (mardi, vendredi et dimanche), le mar- merciales. Cette situation est typique à la fois pour ché est le théâtre de mouvements importants pour les marchés ruraux de proximité et pour les grands la consommation locale et le transport vers d’autres marchés de collecte, tels que Foumbot. endroits au Cameroun, au Gabon, en Guinée équato- riale et au Tchad. Selon les responsables du marché, En particulier, dans l’important bassin de pro- environ 45 à 50 camions (7 tonnes) partent chaque duction des alentours de Bafoussam, dans la semaine pour Yaoundé et Douala (315 à 350 tonnes/ région occidentale, les installations du mar- semaine) et 10 à 15 camions (15 tonnes) pour le ché sont insuffisantes pour la taille et le type Gabon et la Guinée Equatoriale (150 à 225 tonnes/ d’échanges agricoles actuellement pratiqués. Le semaine). Un plus petit nombre de camions marché de Foumbot est un point important de liai- partent pour Kousséri, dans le cadre des échanges son des zones de production de la région Ouest avec avec le Tchad, et en plus, Foumbot connaît une Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC  39 Image 5  Continued Source : Photos par équipe pendant le travail sur le terrain. augmentation des volumes en juillet-août, lorsque Cameroun et les marchés étrangers. L ’accès au mar- les acheteurs nigérians arrivent en grand nombre. ché pour les camions est limité, l’espace disponible Pourtant, la totalité de la zone du marché n’est pas ne peut accueillir qu’environ six camions à la fois, revêtue bien que située sur le côté de la route prin- obligeant les autres à attendre, ce qui congestionne cipale, comporte à peine des zones couvertes et des davantage la circulation déjà dense autour du mar- bâtiments en béton, et la plupart des commerçants ché. Alors que l’eau et les installations sanitaires vendent à même le sol ou dans de petites cabanes en sont généralement disponibles, les commerçants bois, comme l’Image 5 le montre. continuent de vendre leurs produits à même le sol, avec quelques tables et des étals pour les vendeurs Les grands marchés urbains ne sont pas mieux les plus proches de l’entrée du marché. La propreté lotis en matière d’infrastructures et de gestion générale du marché est médiocre étant donné que (Image 6). Tous les jours, le marché de Sandanga le nettoyage et la collecte des ordures ne sont faits à Douala, situé au centre et à seulement un kilo- qu’une fois par jour et il n’y a pas de lieux claire- mètre du port, sert de marché au détail et de point ment délimités pour jeter les déchets. L ’espace du de connexion entre les zones de production au marché est segmenté par produit mais en général il 40  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Image 6  Marché de Sandanga à Douala, Cameroun Source : Photos par équipe pendant le travail sur le terrain. Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC  41 est très difficile de se déplacer dans le marché étant la perception des redevances est rarement systéma- donné que les vendeurs se trouvent près des princi- tique, en partie parce que les vendeurs établissent pales voies d’accès. De plus, le marché a été amé- eux-mêmes leurs déclarations et sous-évaluent les nagé sur un terrain à deux niveaux dont un seul est quantités introduites au marché et en partie parce actuellement relié à la route, permettant ainsi l’ac- que les collecteurs détournent une partie de l’argent cès des véhicules. en l’absence de système d’émission de ticket ou de reçu. Par exemple, à Foumbot, le collecteur du La perception des redevances de marché ne marché a indiqué que 500 tickets de 100 FCFA semble pas systématique et les fonds collectés (0,20 USD) seraient délivrés aux vendeurs le ne sont pas affectés à l’entretien et au dévelop- dimanche et 1 000 tickets de chaque le mardi et le pement du marché. Tous les marchés visités dans vendredi, totalisant 2 000 tickets pour les vendeurs les zones de production, dans les centres urbains et dans une semaine typique. Cette estimation est net- aux frontières ont mis en place un système de rede- tement inférieure au volume des produits agricoles vances où les représentants de l’autorité locale ou commercialisés à Foumbot (au moins 500 tonnes des auxiliaires collectent les redevances auprès des partent pour Yaoundé, Douala, le Gabon et la Gui- utilisateurs du marché. Par exemple, sur le marché née équatoriale) et au nombre de personnes obser- aux bestiaux de Bafoussam, les redevances sont col- vées au marché lors des visites sur le terrain. lectées en fonction du nombre d’animaux introduits au marché (qui ne seront pas automatiquement tous En l’absence de gestion organisée du marché, vendus) : 100 FCFA (0,20 USD) par tête de bovin, les commerçants s’organisent eux-mêmes en de petit ruminant ou de porcin, et 50 francs FCFA groupes d’intérêts collectifs afin d’assurer les (0,10 USD) pour la volaille. Au marché de Foumbot fonctions de base telles que le nettoyage et la et dans plusieurs autres marchés ruraux plus petits sécurité pour un coût supplémentaire pour les de la région Ouest, les redevances pour les pro- acteurs du marché. Par exemple, le marché de duits agricoles sont de 100 FCFA (0,20 USD) par Sandanga à Douala a une équipe de gestion du sac de 100 kg ou panier de 20 à 25 kg de légumes. marché public, dont le rôle au-delà de la perception Au nord, des marchés tels que le marché céréalier des redevances pour la municipalité n’est pas clair, de Yagoua facturent 200 FCFA (0,4 USD) par sac et d’une association de commerçants qui facture de 100 kg de céréales. Pour les commerçants ou les 100 FCFA par jour par négociant pour l’organisa- détaillants réguliers, des possibilités de paiement de tion du nettoyage du marché tous les soirs et régule redevances mensuelles sont disponibles, allant par les relations entre les acteurs du marché. D’autres exemple de 5 000 FCFA (9,40 USD) à 10 000 FCFA marchés utilisent un système similaire, mais moins (18,80 USD). institutionnalisé, en payant des tiers pour nettoyer, surveiller et organiser les locaux du marché. A l’exception du marché de Foumbot, aucun reçu ne semble avoir été émis pour les rede- Les rares infrastructures commerciales, en par- vances payées et perçues au nom de l’autorité ticulier les installations de stockage, semblent publique locale (mairie, municipalité ou chef- être sous la mainmise de l’élite et des intermé- ferie). Dans aucune des discussions, les chefs de diaires locaux. Dans les rares cas où des projets ou marché ou ses représentants n’ont indiqué que les des interventions gouvernementales ont construit redevances collectées sont utilisées pour le net- des entrepôts pour stocker des marchandises au toyage, le fonctionnement ou le développement de marché, les petits acteurs du marché se plaignent leurs marchés. Les améliorations et les investisse- du manque d’accès. En effet, ces installations sont ments dans les infrastructures sont généralement souvent utilisées par les intermédiaires buyam sel- le fruit des initiatives du gouvernement central, lam pour stocker les marchandises collectées en d’ONG ou de partenaires internationaux. En outre, attendant l’arrivée de gros acheteurs. 42  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Certaines fonctions 3.7  submergées par la culture du paiement de petites commerciales valables amendes et de pots-de-vin. sont devenues de facto des La certification sanitaire et phytosanitaire (SPS) tracasseries en raison de la est un autre exemple de fonction commerciale faiblesse de l’exécution légitime qui, telle qu’elle est actuellement prati- quée, relève davantage de la collecte de recettes Les tracasseries (petit harcèlement) sont généra- que de la protection contre les risques alimen- lisées dans la région de la CEMAC et constituent taires, phytosanitaires et vétérinaires. Bien que un facteur important de coûts du commerce les enquêtes sur le terrain aient révélé que la police régional. Les tracasseries sont une forme généra- phytosanitaire et vétérinaire du Cameroun sont plus lisée de corruption constituée de nombreux petits susceptibles de délivrer des reçus officiels pour paiements sans délivrance de reçu et sans cause à des leurs services que les autres organismes le long du fonctionnaires, notamment à la police, à l’armée/la corridor, la pratique des frais d’inspection obliga- gendarmerie, aux responsables des ponts-bascules, toires est peu utile étant donné que les pays voisins aux agents de la circulation routière et aux autres de la CEMAC n’ont pas encore instauré de condi- autorités. Les enquêtes sur le terrain ont révélé que tions de déclaration SPS. A cet égard, il n’est pas le long des corridors, il est universellement perçu clair si les agents SPS certifient autre chose que que, même si tous les documents sont en ordre, l’apparence générale. La gestion des risques SPS les paiements sont toujours nécessaires. Sans ces exige effectivement des systèmes professionnels paiements, les agents publics retardent tout simple- fonctionnels et ne peut être réalisée simplement par ment l’expédition jusqu’à ce que le paiement soit la perception de redevances ou la vente d’autorisa- effectué. L’un des exemples les plus fréquemment tions SPS. A l’heure actuelle, en raison du manque cités, qui a également été à l’origine de la grève des de matériel de test, de protocoles prescrits et de for- transporteurs en mars 2018, est le cas des postes mation, toutes les inspections SPS sont uniquement de pesée ne sont pas étalonnés, donnant ainsi des visuelles et les produits à risque faible sont traités résultats très différents à chaque arrêt, nécessitant de la même manière que ceux à risque élevé. plusieurs paiements « correctifs » sans délivrance de reçu. Même si l’impact des tracasseries comporte de nombreuses dimensions, les estimations des En plus de soutirer l’argent de la poche des gens, coûts directs le long du corridor sont centrées les tracasseries sapent la compétitivité de l’agri- sur les arrêts aux points de contrôle non tech- culture régionale et imposent un coût important nique. Ces coûts sont payés par tous les acteurs, à l’économie en général. A cause de l’absence de depuis le producteur arrêté entre le village et son contrôle du respect des poids limites des véhicules, marché de proximité jusqu’au commerçant trans- par exemple, les routes se détériorent plus rapi- frontalier dont le camion est arrêté des dizaines de dement, ce qui entraîne des coûts d’entretien plus fois avant d’atteindre sa destination. Même si cha- élevés pour les gouvernements et les propriétaires cun de ces paiements puisse sembler minime, les de véhicules. De nombreux conducteurs interrogés tracasseries s’accumulent rapidement. Comme il est ont même déclaré que les tracasseries favorisent la indiqué ci-après, les tracasseries augmentent le coût surcharge des véhicules étant donné qu’ils savent de transport des produits agricoles entre Foumbot et qu’ils devront payer un pot-de-vin quel que soit Douala de 25 pour cent (0,03 USD par tonne et par le poids réel du véhicule. D’autres fonctions légi- kilomètre). Dans d’autres pays, les transporteurs times en rapport à la sécurité nationale et régionale, disent que ce coût est encore plus élevé. En Gui- à l’aptitude des véhicules et des conducteurs, et à née Equatoriale, les observations sur le terrain et les l’entretien du marché qui sont tous nécessaires pour rapports de transporteurs suggèrent que les tracas- soutenir le commerce régional ont également été series ajoutent 0,06 USD par tonne et par kilomètre Production et approvisionnement de produits agricoles dans la CEMAC  43 (15 USD par tonne de la frontière camerounaise à Entre Foumbot et Kye-Ossi dans le sud du Bata) aux coûts, tandis qu’au Gabon, le coût est Cameroun, les tracasseries augmentent les coûts encore plus élevé et atteint 0,30 USD par tonne et directs de 0,02 USD par tonne par kilomètre par kilomètre (135 USD par tonne de la frontière (une augmentation de 15 pour cent). Comme le camerounaise à Libreville). Tableau 6 le montre en détail, un camion moyen de 12 tonnes effectuant un trajet entre la zone de Entre Foumbot et Douala, les tracasseries aug- production et le marché frontalier à Kye-Ossi serait mentent les coûts de transport de 0,03 USD par arrêté 52 fois entrainant un retard de 130 minutes tonne et par kilomètre (soit une augmentation de (pour un voyage de 10 à 11 heures) et un coût 25 pour cent) si la valeur du temps du conduc- direct total de 65 000 FCFA (123 USD). Parmi teur et le coût d’opportunité de l’immobilisation ces arrêts, 44 pourraient être qualifiés de tracas- du véhicule ne sont pas pris en compte. Comme series entrainant un retard de 114 minutes et un le Tableau 5 le montre en détail, un camion moyen coût de 61 000 francs CFA (115 USD). Les résul- de 7 tonnes effectuant le trajet entre la zone de pro- tats indiquent que plus le voyage est long et plus duction et le marché de Douala serait arrêté 22 fois le camion est grand, plus le coût par tonne et par entrainant un retard de 47 minutes (pour un voyage de kilomètre engendré par les tracasseries est faible. 6 à 7 heures) et un coût direct total de 44 500 FCFA (84 USD). Seize de ces arrêts pourraient être quali- De l’autre côté de la frontière, en Guinée Equa- fiés de tracasseries entrainant un retard de 34 minutes toriale, les tracasseries sont également cou- et un coût de 41 000 FCFA (77 USD). rantes et augmentent les coûts de transport de Tableau 5  Points de contrôle entre Foumbot et Douala (camion de 7 tonnes) Total des Tracasserie Coût moyen Type de point Coût moyen Nombre retards (oui/non, selon le total de contrôle (FCFA) causés (min) niveau de formalité) (FCFA) Péage routier  5 10 Non    500 2 500 Gendarmerie  7 14 Oui   2 000 14 000 Contrôle mixte  7 14 Oui    500 3 500 Bureau des Echanges  1  3 Oui 13 500 13 500 Police phytosanitaire  1  3 Oui 10 000 10, 000 Municipalité  1  3 Non   1 000 1 000 Total 22 47 44 500 Source : Voyages en camion. Tableau 6  Points de contrôle entre Foumbot et Kye-Ossi (camion de 12 tonnes) Total des Tracasserie Coût moyen Type de point Coût moyen Nombre retards (oui/non, selon le total de contrôle (FCFA) causés (min) niveau de formalité) (FCFA) Péage routier  8  16 Non 500 4 000 Gendarmerie 18  36 Oui 2 000 36 000 Contrôle mixte 20  60 Oui 500 10 000 Prévention routière  6  18 Oui 2 500 15 000 Total 52 130 65 000 Source : Voyages en camion. 44  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale 0,06 USD par tonne par kilomètre. Comme le Au Gabon, les tracasseries semblent avoir un montre le Tableau 7, après avoir franchi la fron- impact particulièrement important étant donné tière, un camion moyen de 7 tonnes effectuant le qu’elles augmentent les coûts de transport de trajet vers le marché urbain de Bata serait arrêté 32 0,30 USD par tonne par kilomètre. Comme le fois entraînant avec un retard de 3h 55 min pour un montre le Tableau 8, un camion moyen de 20 tonnes coût total de 124 500 FCFA (235 USD). Parmi ces effectuant le trajet entre le passage aux frontières arrêts, 28 pourraient être qualifiés de tracasseries et le marché urbain de Libreville peut s’attendre à entrainant un retard de 3 heures 20 minutes et un être arrêté 44 fois entrainant un retard de 15 heures coût de 66 000 FCFA (125 USD). Ces résultats plus 34 minutes pour un coût total de 1 980 000 FCFA élevés s’expliquent en partie par les arrêts supplé- (3 736 USD). Parmi ces arrêts, 33 pourraient être mentaires requis par la force paramilitaire présente qualifiés de tracasseries entrainant un retard de sur les routes en Guinée équatoriale, à la suite du 11 heures 7 minutes et un coût de 1 510 000 FCFA coup d’Etat manqué. (2 850 USD). Tableau 7  Points de contrôle entre Kye-Ossi et Bata (camion de 7 tonnes) Total des Tracasserie Coût moyen Type de point Coût moyen Nombre retards (oui/non, selon le total de contrôle (FCFA) causés (min) niveau de formalité) (FCFA) Police  7 31 Oui 1 300 9 100 Gendarmerie  7 39 Oui 1 471 10 300 Armée  7 60 Oui 5 214 36 500 Paramilitaire  7 70 Oui 1 443 10 100 Douane  4 35 Non 14 625 58 500 Total 32 3 heures 124 500 55 minutes Source : Voyages en camion. Tableau 8  Points de contrôle entre Abang-Minko et Libreville (camion de 20 tonnes) Total des Tracasserie Coût moyen Type de point Coût moyen Nombre retards (oui/non, selon le total de contrôle (FCFA) causés (min) niveau de formalité) (FCFA) Police  7 2 heures Oui 47 143 330 000 27 minutes Police phytosanitaire  4 1 heure Oui 45 000 180 000 44 minutes Gendarmerie 18 6 heures Oui 45 000 810 000 18 minutes Municipalité  4 1 heure Oui 47 500 190 000 10 minutes Douane  4 1 heure Non 42 500 170 000 38 minutes Autres  7 2 heures Non 42 857 300 000 27 minutes Total 44 15 heures 1 980 000 34 minutes Source : Voyages en camion. Commerce des produits 4.  agricoles dans la CEMAC Cette section est axée sur le commerce agricole étudiés, en plus des statistiques officielles et de formel et informel, les processus et les coûts de la documentation secondaire. Ils portent essen- passage aux frontières, ainsi que les réactions tiellement sur la comparaison des flux commer- des acteurs face aux procédures formelles et aux ciaux formels et informels, et comptabilisés et non pratiques informelles du secteur public. Elle comptabilisés, l’expérience d’un passage formel traite essentiellement des activités aux frontières du de la frontière avec des produits agricoles et les Cameroun avec le Gabon, la Guinée équatoriale, la coûts associés, les comportements des acteurs en République centrafricaine et le Tchad en vue d’ap- réaction aux coûts commerciaux, aux tracasseries préhender les écarts entre les pratiques effectives et et aux processus inefficients, ainsi que l’impact de les règlements officiels de la CEMAC (pas claires la situation sécuritaire régionale et des crises poli- pour les autorités respectives), les écarts entre les tiques sur les courants et les flux commerciaux. statistiques officielles sur le commerce et la réalité, les coûts réels de passages de la frontière et l’iti- néraire que les produits agricoles doivent parcourir Le commerce non 4.1  pour parvenir à leur destination finale (et les prix comptabilisé et informel correspondants). de produits agricoles est Les principaux éclairages sur le commerce agri- très répandu cole aux frontières de la CEMAC proviennent du Il est difficile d’appréhender, de réguler et d’amé- poste frontière d’Abang-Minko–Eboro (Cameroun/­ liorer le commerce agricole dans la zone CEMAC Gabon), du poste frontière de Kye-Ossi–Meyo Kye à cause du manque d’exactitude des statistiques (Cameroun–Gabon), du poste frontière de Kye- commerciales ; en effet, une grande partie des Ossi–Ebebiyín (Cameroun/Guinée équatoriale) flux sont non comptabilisés et informels et de dans le sud, du poste frontière de Garoua-Boulai ce fait, omis dans les statistiques. Au sens de ce (Cameroun/République centrafricaine) à l’est et rapport, « commerce formel » désigne les flux qui des postes frontière de Kousséri–N’Djamena, de passent par un poste frontière officiel, tandis « com- Yagoua–Bongor et de Figuil (Cameroun/Tchad) au merce informel » désigne le passage d’une frontière nord (voir Image E.1 pour les détails). Il convient à des endroits non prévus à cet effet. On entend par de noter que les parties nord et ouest du Cameroun « commerce comptabilisé » les flux commerciaux ont aussi de vastes échanges commerciaux avec restitués par les statistiques officielles (soit par les le Nigéria, qui, même s’il n’est pas membre de la autorités douanières, soit par les ministères du com- CEMAC, est un important partenaire commercial merce). Le « commerce non comptabilisé » n’est pas (non couvert dans cette analyse). retranscrit dans les statistiques officielles, même s’il arrive parfois qu’il passe par des points de passage Les constats de la section précédente ont été frontaliers formels (et heureusement, certains des établis à partir des observations sur le terrain, détails y afférents sont enregistrés par les autorités de l’enquête sur les perceptions et des voyages phytosanitaires, comme décrit plus loin). en camions passant dans les postes frontières 45 46   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Le commerce entre le Cameroun et ses voisins la frontière de façon informelle, en particulier de la CEMAC peut se résumer comme suit (voir lorsqu’ils transportent des articles interdits ou Figure 17) : illégaux et cela implique de traverser le fleuve Ntem en pirogue. Néanmoins, les preuves anec- • Entre le Cameroun et le Gabon et la Guinée dotiques recueillies au cours du travail sur le équatoriale, il semblerait que les usagers des terrain suggèrent que ce commerce (informel) frontières empruntent les points de passage ne représente qu’une petite fraction de l’en- prévus à cet effet, plutôt que des itinéraires non semble des flux commerciaux passant par les dédiés. Ceci s’expliquerait par un minimum postes frontières. Toutefois, indépendamment de deux raisons : premièrement, les courants de l’utilisation des points de passage formels commerciaux font qu’il est éventuellement plus par les commerçants, les données commerciales commode pour les camions et les autres véhi- officielles sont en divergence avec certaines réa- cules de passer par un point de passage formel ; lités sur le terrain, laissant entrevoir un volume et deuxièmement, il se peut que des facteurs spé- considérable de commerce non comptabilisé, tel cifiques au site soient en jeu. À Abang-Minko– que décrit plus amplement ci-après dans cette Eboro et Kye-Ossi–Meyo Kye, par exemple, la section. configuration géographique de la frontière, qui • Entre le Cameroun et la République centrafri- comporte une vaste zone tampon et une ligne de caine, à Garoua-Boulai, l’insécurité et l’instabi- démarcation naturelle tracée par un fleuve, dis- lité croissantes dans la République centrafricaine suade potentiellement les usagers des frontières ont récemment rendu obligatoire le recours à une d’emprunter des itinéraires non prédéfinis qui escorte militaire pour tous les camions en transit, impliqueraient de traverser le fleuve en pirogue. éliminant ainsi toute possibilité de s’écarter de Selon les autorités aux frontières, il arrive que l’itinéraire formel de passage des frontières. En des petits commerçants s’aventurent à passer outre, la configuration de la frontière ne prévoit Figure 17  Typologie du commerce agricole du Cameroun avec un échantillon de pays de la CEMAC Commerce comptabilisé Cameroun–République centrafricaine Commerce informel Commerce formel Cameroun–Tchad Cameroun– Guinée équatoriale Cameroun–Gabon Commerce non comptabilisé Commerce des produits agricoles dans la CEMAC   47 qu’une seule route principale revêtue, ce qui le lait et la crème sous forme solide (2,4 millions fait qu’il est difficile pour les camions d’em- USD) ; et les chewing-gums (1 million USD). Les prunter d’autres itinéraires non prédéfinis. La réalités, telles qu’observée aux principaux postes fragmentation et le regroupement des cargaisons frontières entre les deux pays, indique un important de camion ne semblent pas non plus être des pra- commerce non déclaré. Par exemple, rien que pour tiques très populaires. L’utilisation de camions la banane plantain, la valeur des importations effec- de grande taille, l’importance de la présence tuées au poste frontière d’Abang-Minko–Eboro en officielle à la frontière et les besoins en reve- 2017 est estimée à 6,5 millions USD. nus de la République centrafricaine font que la comptabilisation des flux commerciaux est plus Plus en détails, la plupart des échanges com- exhaustive. merciaux à proprement parler à Abang-Minko • Entre le Cameroun et le Tchad, la longueur de sont unidirectionnels et concernent des produits la frontière et la configuration géographique agricoles acheminés vers le sud, en provenance de la région (paysages dégagés clairsemés de du Cameroun vers le Gabon. Il semblerait que végétation arbustive et fleuve Logone facile la banane plantain soit le produit le plus couram- à traverser) font qu’il est facile de franchir la ment commercialisé (d’origine locale ou provenant frontière à des endroits non prévus à cet effet, de la province du Littoral), suivie de la pomme de en particulier pendant la saison sèche où même terre (province de l’Ouest), de l’oignon (provinces les camions de taille moyenne peuvent se per- du Nord/Extrême Nord), de la tomate (province mettre de traverser la brousse. Les observations de l’Ouest) et du haricot. Outre les exportations sur le terrain et les discussions avec les res- camerounaises, quelques produits sont importés du ponsables ont indiqué que le passage informel Gabon vers le Cameroun, notamment l’ail (produit de la frontière est une pratique très répandue localement) et les spaghettis (provenant de pays dans la région nord. La capacité de contrôle tiers)—des importations de poulet congelé sont des frontières et de patrouille sur toute leur également enregistrées, même si elles sont habituel- longueur est faible et ne suffit pas à décou- lement illicites et passent par des voies informelles, rager les gens à franchir les frontières dans le produit étant actuellement interdit au Cameroun. l’illégalité et même lorsqu’elles sont prises sur Le Tableau 9 ci-dessous donne un aperçu des pro- le fait, elles peuvent s’en tirer avec un paie- duits agricoles les plus couramment commerciali- ment informel. Même aux postes frontières sés aux frontières. de Kousséri, de Figuil et de Yagoua, il y a sous-comptabilisation et non-­ comptabilisation De même qu’à Abang-Minko, les flux commer- des flux commerciaux à cause de la nature des ciaux à Kye-Ossi–Meyo Kye sont aussi unidirec- petits chargements passant la frontière. Les tionnels. Les exportations de produits agricoles tels statistiques officielles ne cadrent pas avec les que la banane plantain, la tomate, l’oignon, le maïs, données collectées sur le terrain. la pomme de terre et le manioc, entre autres, du Cameroun à destination du Gabon constituent l’es- D’après les données officielles4, les principaux pro- sentiel des échanges commerciaux. Le Cameroun duits importés par le Gabon en provenance de la n’importe que de façon occasionnelle de petites CEMAC sont l’huile de palme (3,3 millions USD) ; quantités de poisson fumé (thon, sardines, etc.) et les soupes, les bouillons et les préparations d’huile de cuisson produite à des fins commerciales. (3,1 millions USD) ; le chocolat (2,8 millions USD) ; La majorité des commerçants sont de nationalité Données de l’UN Comtrade 2015. 4 48  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Tableau 9  Commerce annuel du Cameroun avec le Gabon à la frontière d’Abang-Minko–Eboro, 2017 Exportations Importations Volume Valeur Volume Valeur (tonnes) (USD/FCFA) (tonnes) (USD/FCFA) Banane 10 408,00 6 513 730 USD Ail 38,45 63 046 USD plantain 3 446 418 519 FCFA 35 859 259 FCFA Haricot 1 968,33 308 077 USD 163 003 704 FCFA Oignon 1 218,83 1 230 461 USD Spaghetti 31,07 63 046 USD 163 003 704 FCFA 33 357 672 FCFA Tomate 1 116,96 735 591 USD 389 201 587 FCFA Pomme de 1 082,34 474 855 USD terre 251 246 031 FCFA Source : Données fournies par la police phytosanitaire du Cameroun. gabonaise et entrent au Cameroun sur des camions le lait et la crème sous forme solide (0,6 million de petite taille (3,5 tonnes) ou de petits véhicules. USD) ; et l’eau minérale (0,4 million USD). Mal- Les cargaisons sont généralement transportées gré la fermeture de la frontière pendant la visite jusqu’à Kye-Ossi sur des camions camerounais, en sur le terrain, les données indicatives montrent que provenance, par exemple, de zones de production les principaux produits agricoles commercialisés telles que Foumbot (tomates) ou Garoua/Maroua sont la banane plantain, le manioc et la tomate, (oignons), puis transférées sur des camions gabo- ainsi que le bétail exporté par le Cameroun. En nais se dirigeant vers Libreville–la banane plantain plus du camionnage longue distance depuis les est probablement la seule à faire exception à cet iti- zones de production, de Yaoundé et de Douala, les néraire : elle est produite localement et est, de ce Equatoguinéens se rendent également à Kye-Ossi–­ fait, souvent achetée par les commerçants gabonais Ebebiyín en pick-up ou en petite voiture, laissent sur le marché de Kye-Ossi. Elle est généralement leur véhicule à la frontière et entrent au Cameroun à transportée en petites quantités par des pickups et pied pour s’approvisionner au marché de Kye-Ossi. des voitures gabonais pour être commercialisée sur le marché de Bitam, ou consommée localement. Les données commerciales officielles6 de la Lorsque (occasionnellement) des importations se République centrafricaine indiquent que les font du Cameroun au Gabon, c’est généralement les principaux produits qu’elle importe des autres Camerounais qui passent la frontière à Meyo Kye pays de la CEMAC sont les sardines conge- pour acheter au marché de Bitam. lées (1,9 million USD) ; les soupes, les bouil- lons et les préparations (1,6 million USD) ; les D’après les données officielles5, les principaux eaux minérales (1,5 million USD) ; le lait et la produits importés par la Guinée équatoriale crème sous forme solide (0,6 million USD) ; et le depuis la CEMAC sont les soupes, les bouillons chewing-gum (0,3 million USD). Dans la réalité, et les préparations (2,4 millions USD) ; le choco- il semblerait que la plupart des flux commerciaux lat (1 million USD) ; la bière (0,9 million USD) ; à Garoua-Boulai sont assurés par des poids lourds Données de l’UN Comtrade 2015. 5 Données de l’UN Comtrade 2015. 6 Commerce des produits agricoles dans la CEMAC  49 Tableau 10  Exportations et importations entre le Cameroun et le Tchad à travers le marché de Kousséri, 2017 Produits d’exportation Fréquence Volumes Total annuel Produits exportés Oignon 4 mois par année (octobre–janvier) 24 camions par mois avec 100 sacs chacun 960 tonnes 8 camions (7 tonnes) par semaine en Banane plantain Toute l’année 2 800 tonnes moyenne 7 camions (7 tonnes) par semaine en Avocat 3 mois par an (décembre–février) 588 tonnes moyenne 5 camions (7 tonnes) par semaine en Pomme de terre Toute l’année 1 750 tonnes moyenne Maïs Toute l’année 5–6 gros camions (45 tonnes) par mois 2 970 tonnes Tomate Toute l’année 3–4 camions par mois 294 tonnes Produits importés Sommet de 6 semaines en 12 600 10 camions par jour, avec 30 têtes chaque septembre–décembre animaux 2–3 jours par semaine (lundi, mercredi et 41 250 Bovins Reste de l’année samedi) pour un total de 10–15 camions animaux 53 850 Bovins totaux animaux 7 camions/jour, tous les jours, 30 870 Mouton 6 semaines en septembre et décembre 100–110 animaux animaux Source : Données de la police phytosanitaire, Mora, région de l’Extrême-Nord. longue distance (25–40 tonnes) transportant divers échangés au poste frontière de Kousséri/N’Djamena produits provenant du Cameroun et d’autres pays indiquent que les produits les plus courants sont le tiers à destination de la République centrafricaine. maïs, la banane plantain, la pomme de terre, l’oig­ Il s’agit de produits de la CEMAC en provenance du non, l’avocat et la tomate (exportations du Came- Cameroun tels que l’oignon (de Garoua/Maroua), roun) et le bétail (importations au Cameroun). l’ail et l’arachide, aussi bien que des produits pro- venant de pays tiers, y compris le riz (d’Asie), la farine (d’Europe) et le sucre (du Brésil), ainsi que Le manque de clarté 4.2  de boissons, de biscuits et d’autres produits trans- dans l’application des formés. Les informations sur les volumes n’étaient pas disponibles pendant la visite sur le terrain. règlements commerciaux et des règles douanières D’après les données officielles7, les principaux entraîne une multitude de produits importés par le Tchad de la CEMAC sont les sauces et les préparations de sauce coûts formels et informels (8,1 millions USD), le riz semi-blanchi ou blanchi aux frontières (4,6 millions USD), les biscuits sucrés (2,7 mil- Les exigences et les formalités de dédouanement lions USD) et les sucreries (2,4 millions USD) manquent de clarté, de cohérence et de transpa- et les soupes, les bouillons et les préparations rence. Si les tarifs et les exigences en matière de for- (2,1 millions USD). Les données sur les volumes8 malités sont généralement établis sur papier, ils ne (voir Tableau 10) obtenus pour les produits agricoles Données de l’UN Comtrade 2015. 7 En l’absence de données fiables sur les prix, ces volumes n’ont pas pu être convertis en valeurs. 8 50  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale sont pas nécessairement à la disposition immédiate informelle, sont généralement imposés à un taux des commerçants et des voyageurs qui souhaitent indépendant de la taille du chargement. les consulter aux frontières—il arrive aussi que les formalités (et les coûts associés) varient d’un site à un autre et elles comportent souvent une marge Poste frontière d’Abang- 4.2.1  de liberté qui est fonction du jugement personnel Minko–Eboro (Cameroun– (et de l’humeur) du fonctionnaire de service. L’ap- Gabon) plication des dispositions de la CEMAC semble, A Abang-Minko/Eboro, la frontière qui sépare au mieux, aléatoire, même si elles sont, la plupart la région sud du Cameroun du Gabon s’étend du temps, connues des utilisateurs (y compris les sur une vaste zone composite traversée par le agents des douanes et les commerçants). Les études fleuve Ntem. La frontière est ouverte de 6 heures de cas suivantes comment des différences de degré à 18 heures et la rivière Ntem trace une ligne de d’application ont été observées entre les pays. Entre démarcation claire et naturelle entre les deux pays. autres facteurs, y compris certains propres au site, Le point de passage frontalier à proprement parler la probabilité d’application des dispositions de la est constitué d’une grande aire revêtue concentrant CEMAC aux différents sites est corrélée aux condi- les petits bureaux de toutes les principales agences tions commerciales/sécuritaires et aux niveaux de aux frontières, dotées en moyenne d’un ou deux gouvernance. ­ fonctionnaires—leur seule responsabilité est de contrôler les papiers liés aux formalités douanières Les coûts effectifs des échanges dans les sites de tous les véhicules et de toutes les personnes en étudiés sont généralement corrélés au manque transit. La zone est appelée « point de contrôle de clarté, de cohérence et de transparence des avancé », ou poste avancé. Les autres formalités aux procédures à la frontière. Les coûts réels ne frontières sont effectuées dans des zones à l’écart correspondent souvent pas aux tarifs officiels et de la ligne de franchissement du fleuve. Du côté comprennent souvent des éléments de coûts non camerounais, on retrouve une telle zone à environ officiels tels que des paiements informels obli- 3,5 km du poste avancé : elle abrite les bureaux gatoires extorqués par certaines autorités, tant principaux de toutes les agences aux frontières, un au niveau des frontières que le long des routes entrepôt et une grande aire de marché avec quelques menant aux principales zones de consommation. petits magasins en plus des étals des vendeurs. De Pour certains frais, tels que ceux dus aux autori- même, du côté gabonais, la plupart des agences aux tés des douanes, des services SPS et du fret ter- frontières se trouvent dans une zone située à environ restre, les paiements sont généralement effectués 1 km du poste avancé, où les contrôles sont effectués contre la délivrance d’un reçu officiel. Néan- et les formalités complétées. Les formalités de pas- moins, le montant réel payé ne correspond pas seport au Gabon sont effectuées au bureau dépar- toujours au montant figurant sur le reçu, ce qui temental de la police de l’immigration/­ l’émigration indique des comportements de recherche de rente, à Bitam, à 29 km de la zone frontalière. La carte 9 quand bien même les procédures officielles sont (Image 7) et les Images 8 et 9 ci-dessous donnent un en apparence suivies. Enfin, les coûts commer- aperçu de la zone frontalière. ciaux réels sont souvent régressifs vis-à-vis des commerçants/véhicules, parce que certains petits ­ Selon les statistiques officielles des autorités droits, en ­particulier ceux extorqués de manière d’immigration camerounaises, chaque mois, Bitam est le chef-lieu du département de Ntem, qui fait partie de la province de Woleu-Ntem. Le chef-lieu de la province de 9 Woleu-Ntem est Oyem. Commerce des produits agricoles dans la CEMAC  51 Image 7  Poste frontière entre le Cameroun et le Gabon et la Guinée équatoriale Source : Sur la base des informations recueillies pendant le travail sur le terrain en janvier 2018. Données cartographiques © 2018 Google. Image 8  Zone frontalière d’Abang-Minko–Eboro Source : Données et images recueillies lors du travail sur le terrain en janvier 2018. Données cartographiques © 2018 Google. environ 2 500 personnes entrent au Gabon par en moyenne), que ce soit en provenance du Came- Abang-Minko. Parmi celles-ci, environ 2 000 sont roun (sans considération de la partie du pays) ou des Gabonais qui se rendent au marché de Mon- du Gabon. Selon les estimations des autorités aux dial le samedi pour faire des achats. Le passage frontières, en moyenne, 130 à 150 véhicules passent des frontières se fait essentiellement en camions à Abang-Minko chaque mois. de petite et moyenne taille (de 3,5 à 8–10 tonnes 52  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Image 9  Poste frontière d’Abang-Minko–Eboro (gauche—Cameroun, droite—Gabon) Source: Photos par équipe pendant le travail sur le terrain. Formalités aux frontières Tableau 11  Agences aux frontières à Abang-Minko–Eboro Agences aux frontières Cameroun Gabon 1.  Douanes—bureau principal a.  Police de l’Immigration/Emigration—poste avancé Police phytosanitaire et Service vétérinaire—bureau 2.  b.  Ministère de la Santé—poste avancé principal Bureau de Gestion du Fret Terrestre (BGFT)—bureau 3.  c.  Armée—poste avancé principal 4.  Police de l’immigration/l’émigration—bureau principal d.  Conseil Départemental—poste avancé 5.  Gendarmerie—poste avancé e  Douanes—poste avancé 6.  Agence de renseignement—poste avancé Agence gabonaise de sécurité alimentaire (AGASA)—poste f.  avancé 7.  Police phytosanitaire—poste avancé g.  Conseil Départemental—poste avancé 8.  Douanes—poste avancé h.  Ministère du Commerce—poste avancé 9.  Police phytosanitaire—poste avancé Côté camerounais Les agences suivantes se trouvent du côté came- • BGFT rounais de la frontière d’Abang-Minko–Eboro : • Ministère du Commerce • Direction Générale de la Recherche Extérieure • Douanes (DGRE) • Police de l’immigration/l’émigration (section spécialisée de la police chargée de la supervision Des éléments de la police et de la gendarme- des flux migratoires) rie sont également présents à la frontière. Les • Police phytosanitaire inspections phytosanitaires et vétérinaires sont • Ministère de l’Elevage, des Pêches et des menées par deux agences distinctes, l’une rele- Industries Animales (responsable des contrôles vant du MINADER (c’est-à-dire la police phyto- vétérinaires) sanitaire) et l’autre du MINEPIA (c’est-à-dire le Commerce des produits agricoles dans la CEMAC  53 Service vétérinaire). Toutefois, les deux agences en dehors de la plage de 7h30 à 15h30 en semaine se partagent généralement un même bureau, que et à tout moment du week-end—le droit s’élève à ce soit à Abang-Minko ou à toutes les autres fron- 5 000 FCFA (9,45 USD) pour les petits véhicules, tières visitées pendant le travail sur le terrain. Les tels que les pickups et les minibus, et à 10 000 FCFA formalités aux frontières sont souvent complétées (18,90 USD) pour les camions de petite taille (3 à par le propriétaire du chargement ou le chauffeur du 4 tonnes). D’un autre côté, les douanes ne semblent camion. Dans certains cas, ce sont des facilitateurs/ pas imposer de droits d’importation, tel que prévu intermédiaires qui s’en chargent—ces personnes aux dispositions de la CEMAC.10 prennent généralement la responsabilité de remplir les formalités de dédouanement pour le compte de Visa technique. Les représentants des douanes l’acheteur, contre le paiement d’une somme. ont indiqué que, conformément à un décret émis en janvier 2018, toutes les cargaisons de produits Police de l’immigration/l’émigration. Les ressor- agricoles tels que les plantes, les céréales, les légu- tissants des pays de la CEMAC qui voyagent avec mineuses et les fruits, ainsi que de bétail seront sou- leur passeport n’ont généralement pas besoin de mis au visa technique du Ministère des Forêts et de visa (ni de payer) pour entrer au Cameroun pour la Faune avant de pouvoir être exportés. Le Minis- un séjour allant jusqu’à 90 jours, conformément tère n’étant pas représenté au niveau des frontières, au principe de libre circulation des personnes. Les en principe, il incombe aux douanes d’appliquer voyageurs de la CEMAC sont également autorisés le décret pour son compte. Celles-ci ayant indiqué à entrer sur le territoire camerounais avec leur carte qu’elles ne le font actuellement pas pour éviter de d’identité nationale, mais ils doivent rester dans un limiter les flux d’exportation, il n’est pas exclu que rayon de 30 km du point de passage frontalier—c’est cette disposition nouvellement approuvée a ouvert le cas, par exemple, des commerçants gabonais qui la voie à des abus et/ou créé des opportunités d’ex- se rendent au Marché Mondial d’Abang-Minko le torsion de rentes. samedi pour faire des achats. Cependant, les auto- rités de l’immigration reconnaissent qu’il est diffi- Contrôles phytosanitaires. La police phytosani- cile d’appliquer la règle des 90 jours aux voyageurs taire est responsable des contrôles phytosanitaires lorsqu’ils entrent au Cameroun avec leur carte des produits agricoles. Ces contrôles ne semblaient d’identité nationale (sans timbre indiquant leur date pas se baser sur des conditions de déclaration de SPS d’entrée) au lieu de leur passeport. formelles, mais plutôt sur la propreté et la sûreté du produit. Les inspections ne sont que visuelles, Frais de douane. A Abang-Minko, les douaniers les autorités n’ayant pas d’équipement d’échantil- ont expliqué que l’agence facturait normalement lonnage ni d’installations laboratoires appropriés. un « droit de sortie » correspondant à 2 pour cent Aucune forme d’approche de gestion des risques de la valeur de la cargaison sur toutes les expor- n’a été détectée ; les responsables ont, à la place, tations camerounaises. Sachant qu’il arrive que les indiqué qu’ils s’efforcent de contrôler tous les char- cargaisons arrivent parfois sans factures et/ou avec gements qui passent la frontière. Au Cameroun, les des factures inexactes, le calcul de la taxe de sortie contrôles sont effectués dans un entrepôt situé dans est parfois basé sur une estimation faite au niveau la zone du marché, avant le chargement des mar- de la frontière, laissée à la discrétion de l’officier chandises sur les camions. Le processus comprend de service. Les douanes perçoivent également un les étapes suivantes : remplir un formulaire de « droit d’heures supplémentaires » (contre la déli- demande ; soumettre les marchandises au contrôle vrance d’un reçu) pour les cargaisons dédouanées visuel d’un agent de la police phytosanitaire ; et 10 À Abang-Minko et ailleurs, les douanes camerounaises étaient sans doute les agences aux frontières les moins coopératives, la plupart des fonctionnaires refusant de divulguer des informations au motif que le siège à Yaoundé n’avait pas envoyé d’approbation formelle. 54  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale payer un droit pour obtenir un certificat phytosan­ et leurs chargements, et délivre un document inti- itaire délivré à la frontière. Le coût effectif du certi- tulé « Lettre de voiture internationale pour le trans- ficat phytosanitaire est de 2 000 FCFA (3,80 USD), port routier de marchandises », habituellement tel qu’indiqué dans la partie supérieure gauche du abrévié par Lettre de voiture internationale (LVO), certificat. Toutefois, les responsables ont indiqué certifiant que le véhicule est autorisé à transporter que le coût total de la procédure allait de 3 500 à des marchandises à l’international. Le coût de déli- 7 000 FCFA (6,60 à 13,20 USD), suivant la « quan- vrance d’une LVO varie de 5 000 FCFA (9,45 USD) tité de travail » requise d’eux et/ou de la taille du pour les pickups et les minibus à respective- véhicule/du chargement inspecté. Aucune liste ment 10 000 FCFA (18,90 USD) et 15 000 FCFA officielle des frais n’était disponible au niveau de (28,35 USD) pour les camions de petite (3–4 la frontière et, contredisant les chiffres communi- tonnes) et grande (8–10 tonnes) taille. qués par les responsables, les commerçants et les camionneurs affirment que les droits payés vont Côté gabonais de 5 000 FCFA pour les petits véhicules (voitures, pickups, fourgonnettes, etc.) à 10 000 FCFA (9,45 à Les agences suivantes sont représentées à la 18,90 USD) pour les camions, tous types confon- frontière d’Eboro : dus. Si des reçus sont normalement délivrés, ils ne correspondent généralement qu’à une partie du • Douanes montant total payé, suggérant que la différence est • Police de l’immigration/l’émigration (section empochée par le responsable de service. spécialisée de la police chargée de la supervision des flux migratoires) D’après les autorités, les exigences phytosani- • AGASA taires décrites ci-dessus ne s’appliquent qu’aux • Conseil Gabonais des Chargeurs (CGC) cargaisons commerciales et non aux petits achats • Direction Générale de la Concurrence et de la destinés à une consommation personnelle. Tou- Consommation Générale (DGCC) tefois, il n’existe pas de législation formelle, ni • Ministère du Commerce de texte réglementaire, ni d’autre disposition applicable qui exempte officiellement les petits La plupart des formalités de passage de la fron- chargements des exigences documentaires phytosa- tière, à l’exception des contrôles douaniers qui nitaires. De plus, aucun seuil précis ne semble avoir sont toujours effectués à la frontière, semblent été fixé pour permettre de distinguer les cargaisons être centralisées à Bitam. Si nous n’avons pas pu commerciales des cargaisons personnelles—les rencontrer de représentants des douanes d’Eboro responsables ont indiqué qu’ils parviennent à faire ni de Bitam, les informations recueillies auprès la distinction grâce à leur « expérience ». Cette des utilisateurs transfrontaliers suggèrent que les question ne semble pas vraiment se poser à Abang- autorités douanières gabonaises ont cessé de perce- Minko puisque, comme il a déjà été expliqué, les voir des droits d’entrée sur les cargaisons agricoles échanges commerciaux y sont essentiellement entrant au Gabon, conformément aux dispositions assurés par de grosses cargaisons transportées par de la CEMAC. Les douanes effectuent également camion. des inspections phytosanitaires visuelles des char- gements importés pour le compte de l’AGASA. BGFT. Le Bureau de gestion du fret terrestre est une agence gouvernementale relevant du Ministère Police de l’immigration/l’émigration. En octobre du Transport du Cameroun, responsable de la ges- 2017, le Gabon a officiellement ratifié l’accord de tion du trafic et du fret aux frontières terrestres du la CEMAC prévoyant la libre circulation des per- pays. À Abang-Minko, le BGFT effectue des ins- sonnes au sein de la région. Il en résulte que, tout au pections sur les véhicules qui traversent la frontière moins en principe, tous les citoyens de la CEMAC Commerce des produits agricoles dans la CEMAC  55 voyageant avec un passeport biométrique peuvent à Bitam. Les droits ne s’appliqueraient qu’aux car- maintenant entrer sur le territoire gabonais sans gaisons commerciales, et non personnelles—même visa pour des séjours allant jusqu’à 90 jours. En si la distinction ne semble pas être faite à partir revanche, il semblerait que la réalité sur le terrain d’informations officielles ou d’une classification, soit quelque peu différente. Selon les autorités de mais plutôt laissée à la discrétion de l’officier de l’immigration du Gabon, en moyenne, 15 citoyens service. de la CEMAC (en majorité des Camerounais) entrent sans visa au Gabon tous les jours—peut-être L’AGASA est également responsable des ins- parce que la plupart de ceux qui passent à Abang- pections de santé animale. Les commerçants qui Minko n’ont pas de passeport et voyagent généra- importent du bétail au Gabon doivent présenter un lement avec leur carte d’identité nationale. En ce Certificat d’importation vétérinaire et laisser leur qui concerne ces derniers, les autorités de l’immi- bétail dans une zone de quarantaine à la frontière gration du Gabon peuvent leur demander de laisser pendant les inspections qui peuvent prendre jusqu’à leurs papiers d’identité à la frontière et de revenir une semaine, pour un coût de 3 500 FCFA par tête dans un délai d’un (1) jour. Dans l’ensemble, les (6,62 USD). Les inspections ne sont générale- preuves anecdotiques recueillies pendant le travail ment que visuelles à cause du manque d’installa- sur le terrain suggèrent que l’application du prin- tions de laboratoire et d’équipements d’essai. Une cipe de libre circulation est souvent laissée à la dis- fois l’inspection réalisée, les négociants en bétail crétion de l’agent de service. doivent payer un droit forfaitaire de 10 000 FCFA (18,90 USD) à l’AGASA pour obtenir une autorisa- AGASA. A l’image de ce qui est observé du côté tion de circulation au Gabon pour leur bétail. camerounais de la frontière, les inspections phyto- sanitaires à Eboro sont effectuées visuellement à DGCC. La DGCC est mandatée pour effectuer des cause du manque d’installations de laboratoire et contrôles de qualité sur les produits importés au d’équipements d’essai. Les contrôles ne semblaient Gabon, qu’ils soient agricoles ou non. Comme à pas non plus fondés sur des déclarations de SPS l’AGASA, les inspections ne sont que visuelles : les formelles, mais plutôt sur l’apparence générale. importateurs doivent payer un droit de 5,30 FCFA Les importateurs doivent présenter le certificat par kg (0,01 USD par kg) de marchandises trans- phytosanitaire délivré par la police phytosanitaire portées (indépendamment de sa nature), soit envi- du Cameroun à l’AGASA et payer un droit d’ins- ron 16 800 FCFA (31,75 USD) ou 48 000 FCFA pection qui est fonction de la taille du véhicule et (90,72 USD) pour un camion de 3,5 tonnes et de du type de marchandise transportée. Le Tableau 12 10 tonnes respectivement, et une autorisation de résume les droits officiels payables selon les infor- mise à la consommation est alors émise, disponible mations fournies par les responsables de l’AGASA uniquement à Bitam. Tableau 12  Droits officiels payables à l’AGASA Taille du Chargement de bananes plantains Chargement autre que bananes plantains véhicule Total des droits Droits par tonne Total des droits Droits par tonne (tonnes) USD FCFA USD FCFA USD FCFA USD FCFA >1 18,90 10 000 18,90 10 000 18,90 10 000 18,90 (1 tonne) 10 000 (1 tonne) (1 tonne) (1 tonne) 3,5 37,80 20 000 10,80 5 714 56,70 30 000 16,20 8 571 10 56,70 30 000 5,67 3 000 75,60 40 000 7,56 4 000 >12 75,60 40 000 6,30 3 333 189 00–302 40 100 000–160 000 15,75–25,20 8 333–13 333 (12 tonne) (12 tonne) (12 tonne) (12 tonne) Source : Sur la base des données fournies par l’AGASA. 56   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale CGC. La CGC est une entité publique placée sous la ont donné un aperçu des exigences, des procédures tutelle technique du Ministère du Transport du Gabon, et des droits dits « officiels » au Cameroun et au responsable, entre autres, de la gestion du fret et du Gabon, tel que rapportés par les agences des fron- trafic. Les importateurs de produits agricoles entrant tières de chaque pays. Cependant, les entretiens au Gabon doivent payer 10 000 FCFA (18,90 USD) menés auprès des commerçants et des transpor- pour leurs cargaisons (indépendamment de leur taille), teurs sur le marché ont révélé que les droits effec- suite à quoi un bordereau d’identification de fret mul- tivement appliqués sont sensiblement différents, tel timodal, disponible uniquement à Bitam, est émis. que résumé au Tableau 14. Pour des informations détaillées sur le montant de chaque droit officiel, Ministère du Commerce. Toutes les cargaisons veuillez vous référer aux différents tableaux spé- entrant/sortant du Gabon doivent être accompa- cifiques aux agences présentés tout au long de ce gnés d’une déclaration d’importation/exportation. rapport. Comme on le voit, les coûts commerciaux Cette déclaration, si elle est délivrée à titre gratuit, sont hautement régressifs, les petits commerçants ne serait disponible qu’au Ministère du Commerce utilisant un minibus d’une tonne payant trois fois à Libreville—­ les commerçants qui manquent à la plus par tonne que les grands commerçants utilisant présenter à la frontière sont passibles d’une amende un camion de 10 tonnes. Des reçus sont générale- dont le montant varie en fonction de la quantité et ment délivrés, sauf que parfois, les montants indi- de la nature des marchandises transportées (voir qués sont différents (et généralement inférieurs) de Tableau 13). Comme d’habitude, les amendes ne ceux effectivement payés. La police (ordinaire) et la s’appliquent en principe qu’aux cargaisons commer- gendarmerie sont connues pour systématiquement ciales, mais la distinction entre les chargements de extorquer des paiements informels à tous les véhi- cette nature et ceux destinés à la consommation per- cules transitant par la zone frontalière, sans qu’au- sonnelle est généralement laissée à la discrétion de cun reçu ne soit délivré. l’agent de service. Comme cela a déjà été souligné dans la deuxième Coûts effectifs des échanges commerciaux partie du rapport, les paiements effectués en cours de route contribuent à gonfler le coût glo- A Abang-Minko, les coûts et les procédures com- bal du commerce. Outre les frais de dédouanement merciaux effectifs peuvent considérablement à la frontière, les commerçants et les transporteurs différer des coûts et des procédures commer- ont indiqué devoir effectuer plusieurs paiements ciaux officiels. Les deux sous-sections précédentes informels aux points de contrôle implantés par la Tableau 13  Amendes officielles d’importation/exportation du Gabon Droit (USD/FCFA) Taille du véhicule (tonnes) Banane plantain Banane plantain + Produits frais Produits frais + seulement produits frais (sans plantain) oignon >1 18,90 USD 18,90 USD 18,90 USD — (10 000 FCFA) (10 000 FCFA) (10 000 FCFA) 3.5 — 28,35 USD 47,25 USD — (15 000 FCFA) (25 000 FCFA) 10 28,35 USD 56,70 USD 94,50 USD — (15 000 FCFA) (30 000 FCFA) (50 000 FCFA) >12 37,80 USD 75,60 USD 170,10 USD 198,45 USD (20 000 FCFA) (40 000 FCFA) (90 000 FCFA) (105 000 FCFA) Source : Sur la base des informations fournies par le Ministère du commerce du Gabon. Remarque : ? = Informations sur les coûts officiels non disponibles auprès de l’agence responsable. Commerce des produits agricoles dans la CEMAC   57 Tableau 14  Coût réel de dédouanement d’un camion à la frontière d’Abang-Minko–Eboro (FCFA sauf indication contraire) Minibus (1 tonne) Petit camion (4 tonnes) Grand camion (10 tonnes) Nom de Agence la taxe responsable Coût Coût Coût Coût Coût Coût Différence Différence Différence officiel effectif officiel effectif officiel effectif Coûts pour sortir du Cameroun Frais d’entrée Police* 0 5 000 5 000 0 5 000 5 000 0 5 000 5 000 Payé pour Armée* 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 entrer sur le marché à Immigration 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 des fins de Mairie ? 2 000 ? ? 2 000 ? ? 2 000 ? chargement Assemblée ? 1 000 ? ? 2 000 ? ? 2 000 ? Frais de Mairie ? 1 000 ? ? 2 000 ? ? 5 000 ? chargement Frais de sortie Douane 2% 10 000 n/a 2% 15 000 n/a 2% 15 000 n/a des douanes Phytosanitaire Police phyto 2 000 5 000 3 000 2 000 10 000 8 000 2 000 10 000 8 000 Frais de LVO BGFT 5 000 5 000 0 10 000 10 000 0 15 000 10 000 (5 000) Frais de sortie Police* ? ? ? ? ? ? 0 2 000 2 000 Payé au Armée* ? ? ? ? ? ? 0 2 000 2 000 Poste Avancé. Informations disponibles uni- quement pour les camions de taille grand Coûts pour entrer au Gabon Frais de temps Douane 5 000 5 000 0 10 000 10 000 0 10 000 10 000 0 supplémentaire Inspection AGASA 10 000 5 000 (5 000) 20 000 25 000 5 000 30 000 50 000 20 000 phyto Frais de note CGC 10 000 5 000 (5 000) 10 000 10 000 0 10 000 25 000 15 000 d’identification Certificat d’au- DGCC ? 5 000 ? 16 800 25 000 8 200 48 000 48 000 0 torisation à la consomma- tion (frais de délivrance) Frais non Mairie ? 2 500 ? ? 5 000 ? ? 10 000 ? spécifiés Assembleé ? 5 000 ? ? 5 000 ? ? 15 000 ? Armée* 0 5 000 5 000 0 5 000 5 000 0 5 000 5 000 Police* 0 5 000 5 000 0 5 000 5 000 0 10 000 10 000 Coûts totaux aux frontières Total par véhicule (FCFA) 32 000 70 500 12 000 68 800 140 000 40 200 115 500 230 000 66 000 Coût par tonne (FCFA) 32 000 70 500 12 000 17 200 35 000 10 050 11 150 23 000 6 600 Total par véhicule (USD) 60,49 133,27 22,68 130,06 264,65 75,99 217,39 434,78 124,76 Coût par tonne (USD) 60,49 133,27 22,68 32,51 66,16 19,00 21,74 43,48 12,48 Source : Sur la base des données collectées pendant le travail sur le terrain en janvier 2018. Remarque : ? = Informations sur les coûts officiels non disponibles auprès de l’agence responsable; n/a = s’applique pas. 58  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale police (branche régulière) et/­ ou l’armée le long de Poste frontière de Kye-Ossi– 4.2.2  la route. Les paiements varient généralement entre Ebebiyín (Cameroun–Guinée 3,78 et 9,45 USD, indépendamment de la taille du équatoriale) véhicule et de la nature du chargement, le montant réel étant souvent fonction de l’humeur de l’officier La configuration de Kye-Ossi–Ebebiyín est très de service—par exemple, un officier travaillant un différente de celle d’Abang-Minko/Eboro et de dimanche est susceptible d’être de pire humeur et Kye-Ossi/Meyo Kye. Le poste frontière se situe sur donc d’exiger un paiement plus élevé. Un chauffeur une petite zone revêtue sans ligne de démarcation de camion se rendant à Oyem (100 km d’Abang- naturelle entre le Cameroun et la Guinée équatoriale. Minko) a indiqué que la route compte un minimum La zone du côté camerounais, située à proximité du de huit (8) points de contrôle : en supposant qu’il faut marché de Kye-Ossi, comporte un rond-point qui payer en moyenne 6,62 USD par point de contrôle, compte aussi un embranchement menant à Meyo on obtient un coût supplémentaire de 52,96 USD par Kye du côté équatoguinéen ; en même temps, une voyage. De même, un camion se rendant à Libreville route partant du point de passage frontalier mène à peut être arrêté par la police et/ou l’armée jusqu’à Ebebiyín (environ 27 km de là). Les Images 10 et trente fois en cours de route, ce qui donne un mon- 11 donnent un aperçu de la zone frontalière.11 tant d’environ 198,60 USD par voyage. En raison de la nature imprévisible et informelle de ces paie- La frontière était fermée lors des visites sur le ments, le calcul des moyennes peut être trompeur— terrain et ce, depuis fin décembre 2017. La zone a mais les chiffres n’en suggèrent pas moins que les apparemment été fermée à la suite d’une tentative de pots-de-vin représentent une part potentiellement coup d’Etat manquée qui a eu lieu en Guinée équa- importante des coûts totaux de transport. toriale le 24 décembre 2017. Depuis, le commerce Image 10  Zone frontalière de Kye-Ossi–Ebebyín Source : Sur la base d’informations recueillies pendant le travail sur le terrain en février 2018. Données cartographiques © 2018 Google. Les données Google Maps indiquent que le poste frontière de Kye-Ossi–Ebebiyín est situé sur la ligne frontière entre le Cameroun 11 et le Gabon et non sur la ligne frontière entre le Cameroun et la Guinée équatoriale. Si aucune explication officielle de cette situation n’a pu être obtenue pendant le travail sur le terrain, il se peut que les trois pays aient négocier pour que le point de passage entre le Cameroun et la Guinée équatoriale se situe sur la N2, c’est-à-dire le long, en fait, de la ligne frontière entre le Cameroun et le Gabon, vu que la seule route principale reliant le Cameroun à la Guinée équatoriale (N2) passe d’abord par le Gabon. Commerce des produits agricoles dans la CEMAC  59 Image 11  Frontière Kye-Ossi–Ebebyín représentation, y compris la douane, la police (côté camerounais) de l’immigration et de l’émigration, le BGFT, la police phytosanitaire, le Ministère du Com- merce et la Mairie. En revanche, du côté de la Guinée équatoriale, nous n’avons observé que deux grands bureaux, ceux de la police et de la douane, quoiqu’aucune visite n’est autorisée de ce côté de la frontière. Les autorités équato-guinéennes ont refusé de fournir des informations sur le nombre d’agences représentées. L’activité aux frontières et la dynamique du mar- ché de Kye-Ossi semblent être étroitement liées. Selon la police de l’immigration et de l’émigration Source: Photo par équipe pendant le travail sur le camerounaise, les passages à Kye-Ossi/Ebebiyín se terrain. chiffrent par « milliers » les jours de marché les plus entre les deux pays a pratiquement cessé. La fron- achalandés, qui semblent être les lundis, les mercre- tière est actuellement militarisée avec le déploie- dis et les samedis. Pour le reste de la semaine, on ment de soldats et de policiers équato-guinéens et observe en moyenne une centaine de passages. Les une atmosphère générale de tension se ressent sur Équatoguinéens peuvent entrer au Cameroun sans l’ensemble de la zone : aucun passage de la frontière visa, en utilisant leur carte d’identité nationale et se n’a pu être observé, même si les autorités équato-­ déplacer librement dans le pays pour une période guinéennes ont indiqué que quelques personnes et allant jusqu’à 90 jours. Il devrait en être de même camions étaient parfois autorisés à entrer en Guinée en théorie pour les Camerounais qui traversent la équatoriale. Nous n’avons donc pu collecter que peu frontière en direction de la Guinée équatoriale, d’informations lors des courtes conversations infor- celle-ci ayant officiellement adopté le principe de melles tenues à proximité de la frontière avec des libre circulation des personnes en octobre 2017 ; fonctionnaires et des commerçants camerounais. toutefois, les conversations avec les commerçants camerounais ont indiqué que l’application effective Formalités aux frontières de ce principe est aléatoire et est souvent laissée à la discrétion du responsable de service, tandis que la Tableau 15  Agences aux frontières frontière elle-même serait parfois fermée sans pré- à Kye-Ossi–Ebebiyín avis ni justificatif, avant même la fermeture du 24 Agences aux frontières décembre. Equatorial Cameroun Guinea 1. Mairie a. Police Poste frontière de Garoua– 4.2.3  2. Ministry of Commerce b. Douane Boulai (Cameroun–République 3. Police phytosanitaire et Service vétérinaire centrafricaine) 4. BGFT 5. Douane Garoua-Boulai est l’une des deux principales 6. Police de l’immigration/l’émigration frontières de la région orientale du Cameroun, l’autre étant Kentzou. Située le long du couloir principal allant du port de Douala à Bangui (via Côté camerounais Yaoundé), la ville a traditionnellement joué un Du côté camerounais, toutes les principales rôle important en tant que portail des échanges agences aux frontières ont de petits bureaux de commerciaux entre le Cameroun et la République 60   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale centrafricaine. Les activités frontalières dans la peu sûres et/ou présument qu’elles sont patrouillées région ont, de ce fait, toujours été assez intenses— par des fonctionnaires qui vont leur extorquer des quoique récemment, les flux commerciaux pots-de-vin, et de ce fait ne les utilisent qu’à l’oc- semblent avoir ralenti en raison de la détérioration casion. Les Images 12 et 13 ci-dessous donnent un des conditions sécuritaires du côté de la République aperçu de la zone frontalière de Garoua-Boulai. centrafricaine. Depuis 2013/14, l’insécurité et la violence en République centrafricaine ont égale- Comparés au passé, les volumes d’échanges ment entraîné un afflux majeur de réfugiés, dont commerciaux passant par Garoua-Boulai ont bon nombre se sont finalement implantés dans la diminué après la crise de 2013/14 en République région orientale du Cameroun—créant deux grands centrafricaine. L’insécurité accrue du côté centra- camps de réfugiés dans la région de Garoua-Boulai, fricain de la frontière, les afflux massifs de réfugiés dont un (Gado) abrite actuellement environ 25 000 au Cameroun et les incursions occasionnelles des résidents.12 milices centrafricaines ont eu un impact négatif sur les volumes globaux du commerce. Néanmoins, La zone frontalière ne comporte aucune ligne l’introduction d’escortes militaires semble récem- de démarcation naturelle et consiste essentiel- ment avoir amélioré la situation. Il semblerait que lement en une route revêtue mesurant envi- tous les véhicules se rendant en République centra- ron 200 mètres, actuellement partagée par les fricaine ont à présent l’obligation de se joindre à un camions, les voitures, les charrettes et les pié- convoi organisé par l’armée centrafricaine et l’as- tons. Du côté camerounais, juxtaposée à une partie sociation des transporteurs, et partant généralement du marché de Garoua-Boulai se trouve également de Bangui à raison de deux fois par semaine, les une grande aire de chargement et de déchargement mardis et samedis. Quant aux camions retournant à de camions. Si quelques routes non répertoriées vide de la République centrafricaine, ils suivent un parallèles au passage frontalier formel existent, les convoi hebdomadaire qui arrive à Garoua-­ Boulai commerçants, qui sont pour la plupart de petits com- les jeudis. En général, les convois comptent en merçants voyageant à pied, les trouvent généralement moyenne 80 à 100 camions, dont la plupart sont Image 12  Poste frontière entre le Cameroun et la République centrafricaine Source : Données cartographiques © 2018 Google. 12 https ://www.voanews.com/a/many-more-refugees-flee-central-african-republic-violence-to-cameroon/4060632.html. Commerce des produits agricoles dans la CEMAC   61 lourds, chacun payant 25 000 FCFA (47,30 USD) Douala–Bangui et que le trafic y a traditionnelle- à l’Association des transporteurs centrafricains ment été surtout composé de camions lourds longue en tant que « droit de convoi ».13 On ne sait trop distance. Le convoi peut avoir contribué au renfor- dans quelle mesure l’introduction des convois a pu cement de la sécurité générale et, ainsi, à la relance modifier la nature des échanges commerciaux dans des flux commerciaux, qui avaient manifestement la région, des sources locales ayant indiqué que ralenti en raison des fréquentes attaques des milices Garoua-Boulai a historiquement été un important contre les camions en territoire centrafricain, le portail à la République centrafricaine sur le corridor long de la route menant à Bangui. Il semblerait que Image 13  Zone frontalière de Garoua-Boulai Source : Sur la base des données et des images recueillies dans le cadre du travail sur le terrain en février 2018. Données cartographiques © 2018 Google. Image 14  Frontière Garoua-Boulai (à gauche—côté camerounais, à droite—côté centrafricain) Source : Photos par équipe pendant le travail sur le terrain. En général, le convoi comprend aussi bien des camions longue distance venant de Douala que des camions effectuant des trajets 13 Garoua-Boulai–Bangui uniquement—ce dernier prenant généralement deux jours et demi avec deux nuits étapes. Si nous n’avons pas pu obtenir d’informations officielles sur le moment où la mesure des convois a été introduite, il semblerait qu’elle soit en place depuis 2016 au moins, peut-être plus tôt. 62   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale ces attaques ont cessé depuis l’introduction des que les Centrafricains vivant du côté centrafricain convois. Les jours sans convoi, la frontière est géné- de la frontière dépendent presque exclusivement ralement empruntée par quelques petits commer- des hôpitaux, des écoles et services publics simi- çants qui se rendent à pied au marché pour y faire laires camerounais situés du côté camerounais de des achats et des ventes et un trafic modéré de petits Garoua-Boulai. On pourrait donc en déduire que la véhicules tels que des voitures et des camionnettes frontière reste ouverte les jours sans convoi pour les semble aussi y circuler. Il semblerait également besoins de ce trafic. Formalités aux frontières Tableau 16  Agences aux frontières à Garoua-Boulai Agences aux frontières Cameroun République centrafricaine 1. Police de l’immigration/l’émigration a. Police 2. Ministère de la Santé b. Gendarmerie 3. Ministère du Commerce c. Guichet unique 4. Police phytosanitaire et Service vétérinaire d. Bureau d’affrètement routier centrafricain, BARC 5. Gendarmerie 6. BGFT 7. Douane Côté camerounais Police de l’immigration/l’émigration. Selon les estimations, en moyenne, environ 1 000 personnes Les agences suivantes sont représentées du côté par mois entrent au Cameroun via Garoua-Boulai et camerounais de la frontière de Garoua-Boulai : ils sont à plus de 90 pour cent de nationalité cen- trafricaine. Il s’agit aussi bien de conducteurs de • Douanes véhicules que de petits commerçants voyageant à • Police de l’immigration/l’émigration pied. Ces derniers seraient bien connus des autorités • Police phytosanitaire camerounaises et de ce fait, n’ont même pas à pré- • MINEPIA (responsable des contrôles vétérinaires) senter leur passeport ni même leur carte d’identité • BGFT nationale pour passer la frontière. D’autre part, les • Ministère du Commerce camionneurs peuvent entrer au Cameroun sans visa • Ministère de la Santé en utilisant leur passeport et sont autorisés à rester • Direction générale de la recherche extérieure dans le pays pour une durée maximale de 90 jours. Il (DGRE) semble que la plupart des conducteurs ne possèdent en réalité pas de passeport et voyagent donc avec un Des officiers de la police ordinaire et de la gen- laissez-passer délivré par les autorités de l’immigra- darmerie du Cameroun sont également présents. tion au prix de 5 000 FCFA (9,45 USD). Ainsi, on retrouve à Garoua-Boulai pratiquement les mêmes agences que celles observées aux frontières Police phytosanitaire. Tous les produits sortant du visitées dans la région du sud, aux seules exceptions Cameroun doivent être accompagnés d’un certificat notables du Ministère de la Santé et du Ministère du phytosanitaire. Les camions arrivant de Douala se pro- Commerce (ce dernier n’est pas retrouvé à Abang- curent normalement ce certificat au port ; sinon, tous Minko mais est présent à Kye-Ossi–Meyo Kye). De les autres véhicules peuvent se le faire délivrer aux plus, on retrouve un petit guichet du BARC, ainsi frontières pour un montant forfaitaire de 2 000 FCFA qu’un guichet unique rattaché à la douane centra- (3,78 USD), indépendamment de la nature et de la fricaine. La frontière est ouverte de 6h à 18h. Commerce des produits agricoles dans la CEMAC   63 quantité des marchandises transportées. Ce montant Ministère de la Santé La mission principale des correspond à ce qui est exigé pour l’impression du responsables de la santé est de vérifier que les certificat aux autres frontières visitées dans le cadre voyageurs longue distance en transit sont en posses- de la mission ; en revanche, ces autres sites facturent sion d’un certificat de vaccination contre la fièvre aussi des frais supplémentaires allant de 5 000 FCFA jaune—les petits commerçants transfrontaliers qui (9,45 USD) à 20 000 FCFA (37,80 USD), suivant passent la frontière pendant la journée semblent la taille du véhicule et la nature du chargement ins- exemptés de ce contrôle, même si la décision est pecté. Quant aux petits commerçants transfrontaliers probablement laissée à la discrétion du responsable passant à Garoua-Boulai, ils semblent exemptés de de service. Les contrôles sont gratuits, toutefois les cette obligation, quoique la décision semble, au final, voyageurs qui ne sont pas en mesure de présenter être laissée à la discrétion du responsable de service. un certificat doivent payer la somme de 4 500 FCFA A cause du manque d’installations de laboratoire et (8,51 USD) couvrant le coût réel de la vaccination d’équipements d’essai, toutes les inspections phyto- et le coût de délivrance du certificat. sanitaires ne semblent être que visuelles. Guichet unique des douanes centrafricaines. BGFT. Ainsi qu’observé aux points de passage Les douanes ont un bureau à guichet unique du frontaliers dans la région du sud, le BGFT est chargé côté camerounais de la frontière. Établi en 2016, il de contrôler les véhicules en transit, de collecter relève des douanes centrafricaines, est doté de fonc- les déclarations de fret et de délivrer la Lettre de tionnaires des douanes centrafricains et sert prin- voiture internationale (LVO).14 Ce dernier s’obtient cipalement de point de contrôle final des camions au prix de 751 FCFA par tonne (1,42 USD) plus en transit sur la route de Bangui. Sa clientèle est 4 500 FCFA (8,51 USD) pour les commissions, essentiellement composée de chauffeurs arrivant dont 2 000 FCFA (3,78 USD) pour la « commission de Douala, transportant des produits manufacturés d’information » et 2 500 FCFA) pour la « commis- ou transformés—ils complètent généralement les sion d’assistance routière ». Les petits commerçants formalités de dédouanement au port et présentent qui traversent la frontière à pied sont dispensés des ensuite les papiers au responsable du guichet formalités auprès du BGFT. unique : titre de transit, déclaration d’exportation et facture, ainsi que la preuve de paiement des droits BARC. Le bureau du BGFT à Garoua-Boulai de douane pour les marchandises provenant de l’ex- héberge un petit bureau du BARC, un organisme térieur de la CEMAC. Si tous les documents sont en public relevant du Ministère du Transport à Bangui règle, les camions sont autorisés à entrer en Répu- et chargé de contrôler tous les véhicules longue dis- blique centrafricaine, sinon ils sont tenus de com- tance en transit vers la République centrafricaine. Le pléter les formalités pendant que leur chargement BARC délivre une LVO distincte (de celle délivrée reste dans un entrepôt situé du côté centrafricain par le BGFT). Les petits commerçants sont exemp- de la frontière. Les services rendus par le guichet tés de ces formalités. unique ne font l’objet d’aucun droit. Les véhicules transportant des produits agricoles n’ont générale- ment pas à s’arrêter au guichet.15 14 Les droits facturés par le BGFT s’apparentaient davantage à une taxe arbitraire (superflue), plutôt qu’au paiement d’un service réel rendu aux commerçants (ex : assurance). 15 Ceci est peut-être dû au fait que le guichet unique semble se préoccuper essentiellement du pré-dédouanement des camions longue distance venant de Douala et se rendant directement à Bangui, c’est-à-dire ceux qui transportent généralement des produits manufacturés et transformés originaires de pays tiers et transportés en conteneurs. Les produits agricoles, eux, proviennent généralement de diverses régions du Cameroun, sont transportés et dédouanés à Garoua-Boulai puis chargés dans des camions en partance pour Bangui. Il se peut donc que les camions agricoles complètent les formalités de dédouanement à la frontière (par des intermédiaires) au lieu d’utiliser le pré-dédouanement auprès du guichet unique. 64   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Côté centrafricain diffèrent considérablement de ceux déclarés par les agences aux frontières en tant que chiffres Du côté centrafricain de la frontière, toutes les « officiels ». Le Tableau 17 donne un aperçu des coûts formalités de dédouanement sont effectuées à totaux encourus par un camion qui effectue un tra- Beloko, une petite ville située à environ 10 km de jet aller-retour Garoua-Boulai–Bangui. Le tableau la frontière, là où les bureaux de toutes les agences présente également une comparaison des coûts aux frontières sont implantés. Ces agences com- effectifs des échanges déclarés par les commerçants prennent, entre autres, la douane, le BARC, la police aux frais officiels établis à partir des informations phytosanitaire, le Service vétérinaire, le Ministère fournies par les autorités aux frontières. Une telle de l’Eau et des Forêts, le Ministère du Transport et le comparaison n’est toutefois disponible que pour le Ministère du Commerce, ainsi qu’un service interne Cameroun, les conditions sécuritaires ayant empê- des impôts communément appelé « Impôts ». S’il ché l’équipe de passer en République centrafricaine n’a malheureusement pas été possible d’entrer en et de collecter des informations auprès des autori- République centrafricaine et d’y rencontrer les res- tés locales. L’Image 15 montre les différents arrêts ponsables frontaliers pour des raisons de sécurité, effectués lors d’un trajet Garoua-Boulai–Bangui. les informations recueillies auprès des commerçants et des transporteurs suggèrent que diverses agences Tel que démontré, les coûts encourus le long aux frontières centrafricaines imposent des droits, du parcours sont très élevés. A un prix estimé formels et informels, tel que résumé au Tableau 17. à 78 770 FCFA (148.90 USD) par tonne pour un Des taxes d’importation, manifestement facturées camion de 25 tonnes et 71 338 CFAF (134.85 USD) par les douanes centrafricaines en violation de la dis- par tonne pour un camion de 40 tonnes, les sommes position de la CEMAC, figurent parmi ces droits. Il collectées par les autorités aux frontières et les en résulte des coûts commerciaux totaux très élevés autres agences le long de l’itinéraire gonflent consi- dont la plus grande partie est payable dans la partie dérablement le coût à payer pour faire parvenir des centrafricaine du trajet Garoua-Boulai-Bangui. En aliments de base à Bangui. Exprimé en pourcentage outre, il semble clairement y avoir des duplications du prix du maïs payé aux cultivateurs à la ferme, d’exigences, comme c’est le cas avec les autorités par exemple (environ 145 000 FCFA ou 274 USD phytosanitaires centrafricaine, qui ne reconnaissent par tonne), le coût du passage de la frontière à pas les certificats phytosanitaires délivrés par leurs Garoua-Boulai et du trajet menant à Bangui majore homologues camerounais et exigent des commer- de près de 49 à 54 pour cent la valeur d’expédition çants de se faire délivrer un nouveau contre le paie- de la marchandise débarquée. ment d’un droit. Enfin, et peut-être le plus important, il semble que les douanes centrafricaines continuent Le Tableau 17 montre également la nature à prélever des taxes (importantes) sur les cargaisons hautement régressive des coûts pour les petits importées, malgré les dispositions de la CEMAC véhicules : les sommes versées aux différentes exigeant la libre circulation des marchandises—il autorités ne varient pas significativement en semble aussi qu’il y ait double prélèvement de taxes, fonction de la taille du véhicule. Ainsi, transpor- la douane centrafricaine les prélevant non seulement ter une tonne de marchandises vers Bangui sur un au niveau de la frontière (taxes d’importation à pro- camion de 25 tonnes revient environ 9.4 pour cent prement parler, payées à Beloko) mais aussi à l’arri- plus cher que sur un véhicule de 40 tonnes. Ceci vée à Bangui (prétendue récupération). explique, au moins partiellement, pourquoi la plu- part des camions transitant à Garoua-Boulai sont de Coûts effectifs des échanges commerciaux grande taille : ils permettent de faire des économies d’échelle. Il arrive que les coûts effectifs des échanges déclarés par les négociants et les transporteurs Commerce des produits agricoles dans la CEMAC   65 Tableau 17  Coût effectif du commerce pour un camion effectuant le trajet aller-retour Garoua-Boulai–Bangui (FCFA sauf indication contraire) Grand camion (25 tonnes) Trés gros camion (40 tonnes) Nom de la taxe Agence responsable Coût Coût Coût Coût Différence Différence officiel effectif officiel effectif Coûts pour sortir du Cameroun Frais de parking Mairie ? 1 500 ? ? 2 000 ? Laissez-passer Police de l’immigration 5 000 5 000 0 5 000 5 000 0 Armée 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 Frais de sortie Police (régulière) 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 Frais de douane Douane ? 50 000 ? ? 10 000 ? Certificat phytosanitaire Police phyto 2 000 5 000 3 000 2 000 20 000 18 000 Frais de délivrance LVO BGFT 23 250 23 250 0 34 500 34 500 0 Frais de déclaration d’exportation Min. Commerce ? 10 000 ? ? 15 000 ? Coûts d’entrée en RCA–Poste frontalier de Garoua-Boulai Police (régulière) 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 Frais d’entrée Armée 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 Mairie ? 1 000 ? ? 1 000 ? Frais de délivrance LVO BARC ? 5 000 ? ? 10 000 ? Frais de pesée Min. Travaux Publics ? 15 000 ? ? 20 000 ? Frais de convol militaire BARC ? 25 000 ? ? 25 000 ? Point de contrôle de Beloko (8 km de la frontière de Garoua-Boulai) Frais no précisés Police (régulière) 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 Pas de reçu Armée 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 Estampillage des reçus Min. Eau et Forêt ? 20 000 ? ? 25 000 ? de douane Pont-bascule Min. Travaux Publics 0 75 000 75 000 0 150 000 150 000 Droits à l’importation Douane 0 1 000 000 1 000 000 0 1 500 000 1 500 000 Impôt su le revenu Autorités fiscales ? 50 000 ? ? 50 000 ? Certificat phytosanitaire Police phyto ? 5 000 ? ? 5 000 ? Taxe de déclaration d’importation Min. Commerce ? 25 000 ? ? 50 000 ? Arrêts en Route Taxe de pesée (Baboua) Min. Travaux Publics 0 40 000 40 000 0 50 000 50 000 Taxe de pesée (Bouar) Min. Travaux Publics 0 40 000 40 000 0 50 000 50 000 Parking (Bouar)—nuit Gardes de sécurité ? 1 000 ? ? 1 000 ? Parking (Bossembélé)—nuit Gardes de sécurité ? 1 000 ? ? 1 000 ? Arrivée à Bangul Police 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 Frais non précisés Armée 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 Frais de recouvrement douanier Douane 0 500 000 500 000 0 750 000 750 000 Péage BARC ? 5 000 ? ? 5 000 ? Frais d’estampillage Police phyto 0 2 500 2 500 0 5 000 5 000 Frais d’escorte Douane ? 10 000 ? ? 10 000 ? Sortie Bangul Frais de convoi militaire BARC ? 25 000 ? ? 25 000 ? Frais non précisés Police 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 Pas de reçu Armée 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 Rentrée au Cameroun Armée 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 Frais d’entrée Police 0 2 000 2 000 0 2 000 2 000 Frais non spécifiés BGFT ? 5 000 ? ? 10 000 ? Total du voyage Total par véhicule (FCFA) 30 250 1 969 250 1 684 500 41 500 2 853 500 2 547 000 Coût par tonne (FCFA) 1 210 78 770 67 380 1 038 71 338 63 675 Total par véhicule (USD) 57,18 3 722,59 3 184,31 78,45 5 394,14 4 814,74 Coût par tonne (USD) 2,29 148,90 127,37 1,96 134,85 120,37 Source : Sur la base d’informations recueillies pendant le travail sur le terrain en février 2018. Remarque : ? = Informations sur les coûts officiels non disponibles auprès de l’agence responsable. n/a = Informations des responsables centrafricains non disponibles. 66   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Image 15  Trajet Garoua-Boulai–Bangui Source : Sur la base d’informations recueillies pendant le travail sur le terrain en février 2018. Données cartographiques © 2018 Google. Il faut aussi noter que, selon les estimations, les Les petits commerçants semblent bénéficier de droits de pesage représentent 8.6 à 9.5 pour cent formalités de dédouanement et de coûts moins du montant total respectivement payé par les institutionnalisés. Comme le montre le Tableau 18, véhicules de 25 et 40 tonnes sur l’itinéraire com- un petit commerçant transfrontalier qui se rend à pied plet (soit 170 000 FCFA ou 320 USD pour un véhi- en République centrafricaine (généralement pour cule de 25 tonnes et 270 000 FCFA ou 510 USD vendre du manioc au marché de Garoua-­ Boulai) se pour un véhicule de 40 tonnes). Aux dires des verrait facturer divers petits droits qui n’ont pas conducteurs, les responsables du pont-­ bascule jus- nécessairement de véritable appellation ni de justi- tifient ces frais élevés par des amendes pour sur- ficatif officiel et semblent être appliqués souvent de charge de véhicules, toutefois aucun reçu ne leur façon informelle sans faire l’objet de reçu. En outre, serait délivré pour les montants payés et tous les il semble que les petits chargements sont exemptés camions seraient systématiquement considérés en de la plupart des exigences de documentation appli- surcharge indépendamment de la taille du charge- cables aux gros négociants, quoique ce n’est pas ment. Il en ressort que de telles pratiques, non seu- toujours systématique ni/ou le résultat d’une exemp- lement privent le gouvernement centrafricain des tion formelle accordée par l’organisme frontalier revenus dont il a besoin pour l’entretien des routes, compétent. La décision à ce sujet semble souvent mais encouragent également la surcharge puisque être laissée à la discrétion du responsable de service. les conducteurs savent qu’ils devront de toutes les Les coûts du commerce en général restent élevés : le façons payer quel que soit le poids du véhicule. montant total des frais payés pour faire passer un sac de manioc de 25 kg par la frontière correspond à plus de 35 pour cent de la valeur du sac. Commerce des produits agricoles dans la CEMAC   67 Tableau 18  Coût effectif du commerce pour un petit commerçant transfrontalier transportant un (1) sac de manioc (environ 25 kg) Montant payé Agence responsable FCFA USD Sortie de la République centrafricaine Police phytosanitaire 100 0,19 Entry into Cameroon Mairie 300 0,57 Police phytosanitaire 100 0,19 Gestionnaire du marché 400 0,76 Gendarmerie 500 0,95 Total 1 400 2,66 Coûts estimatifs du commerce estimés par tonnea 51,07 96,52 Coûts du commerce en pourcentage de la valeur du sacb 35,47% Source : Sur la base des informations recueillies pendant le travail sur le terrain. Remarque : a. Calculé sur la base de l’équivalence suivante 1 sh tn = 907,185 kg. b. Calculé sur la base d’un prix d’achat de 0,30 USD par sac, soit une valeur de sac de 7,5 USD. 4.2.4  Poste frontière de Kousséri– Lors des visites au poste frontière secondaire de N’Djamena (Cameroun–Tchad) Figuil et de Yagoua-Bongor, le caractère infor- mel et laxiste du régime de passage frontalier a Le poste frontière de Kousséri–N’Djamena été clairement établi. Par exemple, les entretiens reste16 le poste le plus important entre le Came- avec divers acteurs publics et privés à ces postes roun et le Tchad et le point final du corridor de frontières ont révélé que les tarifs appliqués varient 1 650 km naissant à Douala. La frontière est maté- selon le poste frontière et les responsables, la taille rialisée par le fleuve Logone et les deux rives sont et le chargement du camion, le moment où il passe reliées par un pont. Les autorités aux frontières ont à la frontière, ainsi de suite. Souvent, les notes leurs bureaux implantés sur leur côté respectif. La d’orientation des autorités douanières laissent une plupart des marchandises destinées au commerce importante marge d’interprétation et, de ce fait, agricole proviennent du marché de Kousséri : les ouvrent la voie aux paiements informels. Les auto- camions camerounais s’y arrêtent généralement rités aux frontières retardent souvent de manière et les Tchadiens achètent et font passer les pro- significative les usagers des frontières qui tentent duits agricoles de l’autre côté. Aux côtés de ces de se conformer aux exigences et exigent un reçu petits commerçants, plusieurs camions de grande pour les paiements. De plus, les rôles des autorités taille venant de Douala passent la frontière et dans publiques à la frontière ne sont pas suf­ f isamment l’ensemble, Kousséri–N’Djamena, avec Touboro–­ bien définis, entraînant des duplications de contrôle Mbaiboum, sont les postes frontières les plus et des paiements supplémentaires, d’autant que les formels entre le Cameroun et le Tchad. Malheureu- points de contrôle ne sont pas réunis en un seul sement, la situation sécuritaire ne nous a pas permis point. Par exemple, au point de passage de la fron- d’y effectuer des visites et une collecte de données tière de Figuil, les 12 inspections se trouvent sur aussi approfondies qu’aux autres frontières. plusieurs kilomètres des deux côtés. 16 Voir la section sur la situation sécuritaire dans le bassin du lac Tchad pour de plus amples détails. 68   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Image 16  Principaux postes frontières entre le Cameroun et le Tchad Source : Données cartographiques © 2018 Google. Image 17  Tomates et bananes plantains commercialisées à Kousséri Source: Photos par équipe pendant le travail sur le terrain. Commerce des produits agricoles dans la CEMAC   69 Formalités aux frontières Tableau 19  Agences aux frontières à Kousséri–N’Djamena Agences aux frontières Cameroun Tchad Délégation départementale du Ministère de l’Agriculture Police (service de l’immigration) Bureau des douanes (gestion) Autorité douanière Poste de douane (au pont de Ngueli) Armée (direction surveillance territoire) Police phytosanitaire Contrôle phytosanitaire Contrôle vétérinaire Autres agences techniques secondaires Police (service de l’immigration) Gendarmerie Bataillon d’intervention rapide Ministère du Commerce Du côté camerounais, on retrouve les mêmes Les réactions des 4.3  agences qu’aux postes frontières, auxquelles s’ajoute le Bataillon d’intervention rapide rendu commerçants face à nécessaire par les problèmes de sécurité causés l’informalité et aux par Boko Haram et une duplication de la pré- tracasseries entrainent sence des douanes (un grand bureau à Kousséri une spirale de pratiques et un petit poste à la traversée du pont). A cause de la réticence de la partie tchadienne à discuter, il informelles n’a pas été possible d’inventorier toutes les agences Les commerçants et les usagers des frontières présentes à la frontière, mais d’après nos discus- ont réagi de manière imaginative au nombre et à sions avec d’autres acteurs, il s’agirait de l’immi- la valeur grandissants des paiements informels, gration et de la police régulière, des douanes, d’une ainsi que des exigences juridiques et formelles. branche armée distincte chargée du contrôle fron- Le montant des paiements formels et informels talier (Direction surveillance territoire), des auto- étant souvent déterminés par la taille de la car- rités phytosanitaires et d’autres agences techniques gaison, elle-même estimée par le nombre de sacs, secondaires. les commerçants surchargent les sacs. De plus, ils déguisent le type de marchandises transportées, dis- De même, compte tenu du climat généralement simulant les produits sujets aux taxes les plus élevées tendu à Kousséri, il n’a pas été possible de procé- au centre et les entourant de produits de moindre der à une collecte et à une analyse complètes des valeur. En outre, les petits chargements transpor- données sur les coûts de passage de la frontière. tés par voiture ou moto étant rarement contrôlés D’après des informations indicatives, des droits et taxés—­ formellement et ­ informellement—à des de douane sont prélevés (mais il n’est pas clair tarifs proportionnellement moindres, il est courant s’il s’agit de droits de douane ou d’autres types de fragmenter le chargement d’un gros camion en de taxes) et les tracasseries de la police et de l’ar- petits regroupements de deux ou trois lots par moto- mée sont monnaie courante à un coût standard de cyclette qui traversent alors la frontière avec moins 5 500 FCFA (10 USD) par camion. de difficultés, pour ensuite regrouper la cargaison dans un autre camion, de l’autre côté. 70   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Une des réactions des usagers des frontières a été la cargaison. Dans cette configuration, il est rare de prendre plus de risques pour éviter le passage que les grossistes traitent avec les autorités aux formel d’une frontière. Dans le nord du Cameroun frontières et il n’y a guère de commerce enregistré, en particulier, les acteurs du commerce adoptent contrôlé et taxé aux postes frontières officiels. souvent des comportements à risque pour éviter de traiter avec les autorités. Si les risques sécuritaires En rapport aux deux stratégies d’adaptation sont décrits dans cette section, il convient de men- ci-dessus, la fragmentation et le groupage des tionner quelques-uns des autres dangers typiques. chargements de produits agricoles est une pra- Les commerçants de bestiaux choisissent souvent tique largement répandue. Encore une fois, dans de traverser le fleuve Logone en faisant nager leurs le nord du Cameroun en particulier, mais aussi à animaux pendant qu’ils les dirigent à partir d’une d’autres points de passage frontalier dans une cer- pirogue, pour éviter de traverser les ponts tenus taine mesure, il est courant de faire appel à des inter- par les autorités publiques ou d’utiliser les ferries médiaires pour fragmenter (à deux kilomètres avant également surveillés. Si pendant la saison sèche, le premier point de contrôle frontalier, parfois au les pertes dues à la noyade sont négligeables, les marché le plus proche) la cargaison d’un camion en commerçants maintiennent cette pratique pendant petites quantités d’un ou deux sacs qui sont ensuite la saison des pluies, lorsque le prix du bétail est transportés à travers la frontière en voiture ou en à son maximum. Sur terre, lorsqu’ils traversent moto (et parfois même à vélo ou en charrette). En des territoires non balisés et non répertoriés, les général, les camions doivent s’arrêter à tous les commerçants font souvent la rencontre de voleurs postes de contrôle frontaliers et s’acquitter d’un locaux, se font endommager leurs véhicules, mais paiement à chaque étape, tandis qu’une moto s’ar- réussissent généralement à échapper aux brigades rête à moins de la moitié des points de contrôle (la mobiles de la police et des autorités douanières. police phytosanitaire et le Ministère du Commerce semblent particulièrement indifférents aux petits Il arrive que l’appartenance ethnique joue un transports). De l’autre côté de la frontière, un camion rôle clé dans le commerce informel, créant des partenaire attend l’arrivée des petits chargements inégalités d’accès aux marchés. Tel qu’indiqué pour regrouper la cargaison. Cette pratique est par- précédemment dans le rapport, la répartition géo- ticulièrement répandue au poste frontière de Kous- graphique des ethnies dans la région ne coïncide séri–N’Djamena, où pratiquement tous les camions pas avec les frontières nationales et les popula- s’arrêtent et sont déchargés du côté camerounais de tions vivant à proximité de la frontière utilisent ce la frontière. De là, une entreprise florissante (appa- fait à leur avantage. Dans le nord du Cameroun en remment menée par des anciens combattants tcha- particulier, les réseaux transfrontaliers informels diens bénéficiant d’un statut d’exonération fiscale) mettent à profit les liens ethnolinguistiques com- fait traverser la cargaison en petites quantités par le muns et se positionnent en intermédiaires de mar- pont menant à N’Djamena pour être livrée aux com- ché. Il arrive souvent qu’un groupe de villages ou merçants ou directement sur le marché. une grande famille soit départagée des deux côtés de la frontière et utilise leurs liens familiaux pour Lorsqu’ils passent par les canaux formels, les transporter de petits lots de produits agricoles (un utilisateurs ont pour stratégie habituelle de sur- à deux sacs de céréales à moto, deux fois plus dans charger les camions, soit en surchargeant chacun une petite voiture) de l’autre côté de la frontière. des sacs, soit en dépassant le poids maximum Lorsqu’il leur arrive de se faire prendre ou inter- autorisé (ou les deux). La pratique consistant à roger, ils prétendent souvent que les marchandises surcharger un sac—comme nous l’avons direc- ont été achetées au marché et sont destinées à une tement observée sur le marché de Yagoua (voir consommation domestique une fois arrivées à des- Image 18)—est un exemple illustrant comment les tination. Une fois qu’ils ont réuni une quantité suf- commerçants partent de l’unité—le sac—pour tra- fisante de marchandises, un camion arrive et prend fiquer les nombreux paiements prélevés par sac. Commerce des produits agricoles dans la CEMAC   71 Image 18  Pratiques informelles pour faire face à l’augmentation des coûts (gauche— surcharge d’un sac de riz, droite—surcharge d’un pick-up) Les « spécialistes » de la surcharge au marché des le commerce agricole dans la région en augmen- céréales facturent 1 000 FCFA (1,90 USD) par sac tant les pertes, les risques que les commerçants pour comprimer 200 kg de céréales dans un sac de doivent prendre et l’informalité. Dans les parties 100 kg. A part cela, les transporteurs déguisent par- nord du Cameroun (et dans une certaine mesure fois leurs cargaisons en disposant les marchandises dans la région de l’Adamaoua), la situation sécu- légères en bordure et en dissimulant les plus lourdes ritaire induite par Boko Haram a réduit les flux (sacs de céréales, par exemple) vers l’intérieur. commerciaux entre le Cameroun et le Nigéria, ainsi Cette tactique est particulièrement utile dans les que le transport de bétail du Tchad vers le Nige- zones rurales moins fréquentées où les routes prin- ria. De plus, le corridor Douala-N’Djamena a éga- cipales et les postes frontières n’ont pas de stations lement été perturbé à cause du risque d’attaques de pesage. De même, lorsque les autorités publiques sur le dernier tronçon (Mora-Kousséri). Le trafic a imposent des droits différents aux différents pro- été redirigé pour passer à travers Touboro dans le duits agricoles, les produits de valeur supérieure sud du Tchad puis Moundou jusqu’à N’Djamena. sont cachés à l’intérieur et une déclaration erronée Le nombre d’incidents transfrontaliers de vol de est faite sur la composition globale de la cargaison. bétail au Cameroun a également augmenté tant du côté nigérian que du côté tchadien, limitant les transactions transfrontalières habituelles et faisant Les risques sécuritaires 4.4  momentanément fluctuer les prix du bétail. Enfin, et les crises politiques la fermeture de la frontière entre le Cameroun et la Guinée équatoriale a recanalisé le commerce sur modifient les courants et des itinéraires ruraux non officiels. les flux commerciaux Depuis mai 2014, le Cameroun a officiellement Ajoutant aux coûts élevés du commerce et à la participé à l’offensive contre Boko Haram et lourdeur des procédures, la situation sécuri- cette implication a profondément affecté la taire dans la région et les fréquentes crises poli- situation sécuritaire dans ses régions nord.17 Si tiques viennent aggraver les impacts subis par Le Grand Nord du Cameroun : Reconstruction au milieu d’un conflit. Briefing N°133 du Groupe Afrique Crise Nairobi/ 17 Bruxelles, 25 octobre 2017. 72   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale le conflit a graduellement perdu en intensité depuis à environ 33 000 animaux en 2016 et 2017 (une 2014–2015, la violence et les attentats suicides se réduction de 39 pour cent). Le transit d’ovins est sont poursuivis en 2017 et le niveau de menace reste également passé de 2 482 animaux en 2015 à 1 373 élevé dans les régions de l’Extrême-Nord, du Nord en 2016, avant de remonter légèrement à 1 944. A et de l’Adamaoua. Sur le territoire camerounais des fins de comparaison, les importations de bovins et à la frontière, Boko Haram a réussi à perturber du Tchad vers le Cameroun à travers le même poste aussi bien les activités de production que le com- frontière ont stagné autour de 6 000 animaux. merce. Le groupe s’est mis à financer ses activités en accordant des prêts aux commerçants, exigeant Le commerce dans le nord du Cameroun et dans un pourcentage de leurs bénéfices en retour. Sur les le bassin du lac Tchad a considérablement dimi- marchés proches des frontières—Amchide, Foto- nué et les réseaux commerciaux locaux ont dû kol, Makary, Hile Alifa et Kousséri—Boko Haram trouver d’autres sources de revenus ou réorien- a extorqué de l’argent aux commerçants qu’il n’a ter leurs activités vers d’autres régions du Came- pas aidé à financer. Dans les départements de Mayo roun. Les commerçants ayant des opérations de Sava et de Mayo Tsanaga, des centaines d’enlève- plus grande envergure ont déménagé à N’Djamena, ments ont été signalés, le groupe ayant emporté les Bertoua, Douala ou Yaoundé, et les petits commer- gens pour les réduire au travail agricole forcé, pour çants ont été les plus durement touchés. Les com- ensuite vendre la récolte sur les marchés camerou- merçants doivent maintenant faire d’importants nais et nigérians. Dans la région du lac (Kofia, Hile détours de plus de 100 km sur les mauvaises routes, Alifa, Darak), Boko Haram a menacé les agricul- ce, souvent à moto et à vélo pour atteindre leurs teurs pour leur extorquer un tribut de 10 pour cent destinations dans le Nigéria. Le transport au sein de leurs récoltes (cette extorsion concerne égale- du Cameroun a également été affecté par le conflit, ment les districts de Mayo Sava et Mayo Tsanaga). en particulier au niveau de l’important segment Certaines régions frontalières étant inaccessibles, la Maroua-Kousséri du corridor Douala–N’Djamena, production céréalière (mil et maïs) a été interdite qui a même été fermé pendant plusieurs mois en par l’armée, même dans certaines zones non fron- 2014. Sur d’autres routes critiques de la région, talières, pour des raisons de sécurité, entraînant une comme celles d’Amchidé-Mora, de Maroua-­ baisse significative de la production agricole régio- Kousséri et de Fotokol-Kousséri, les véhicules nale et un déplacement d’agriculteurs. ne pouvaient circuler que sous escorte militaire jusqu’en 2016. D’après les données de Camrail, Le commerce de bétail et le transit souffrent tout le fret des marchandises produites dans le nord du autant parce que les commerçants ou les éleveurs Cameroun (oignon, mil, sorgho, maïs, arachide et se rendant au Nigéria ont dû payer pour la sécu- porcs vivants) s’est réduit de moitié depuis 2014. rité de leur passage. Les ventes de bétail volé sur A cause de cela, une part importante du trafic entre les marchés du Nigéria et du Cameroun sont une Douala et N’Djamena s’est déplacée au poste fron- autre source de revenus pour Boko Haram. D’après tière de Touboro, ce qui a réduit la distance parcou- les estimations, depuis 2013, le groupe a volé au rue au Cameroun au bénéfice de l’entrée dans le moins 17 000 têtes de bovins et des milliers d’ovins sud du Tchad. et de caprins au Cameroun, pour une valeur d’en- viron 6 millions USD. En outre, les données col- Néanmoins, la situation sécuritaire se dégrade lectées auprès des autorités douanières de Yagoua, également au Tchad et la crise en République un important point de passage de bétail du Tchad centrafricaine perdure. Les incidents récents et au Cameroun et au Nigéria, indiquent clairement de plus en plus fréquents de vol de bétail et de vio- que les flux de transit ont diminué. Par exemple, le lence associée, qui entraînent le déplacement de transit de bovins à destination du Nigéria passant nombreux éleveurs, sont particulièrement graves. par Yagoua est passé de 53 662 animaux en 2015 Par exemple, les enlèvements d’enfants Mbororo, Commerce des produits agricoles dans la CEMAC   73 appartenant à un groupe ethnique spécialisé dans sur le terrain indiquent que s’il y a escalade de la l’élevage, ont gagné en fréquence depuis 2007 crise, l’économie du Cameroun (où 20 pour cent du (Kossoumna Liba’a, Dugué et Torquebiau 2011). PIB provient des régions anglophones) pourrait être Les enfants sont utilisés comme monnaie d’échange affectée dans son ensemble. pour forcer les ventes de bétail. Les contrevenants sont des Nigérians, des Camerounais, mais sur- La fermeture des frontières, telles que celle tout des Tchadiens et des Centrafricains. A cause récemment observée entre le Cameroun et la des risques grandissants, les éleveurs ont adapté Guinée équatoriale, illustre encore comment les leurs pratiques commerciales : si, auparavant, ils crises politiques affectent le commerce agricole. exposaient fièrement leur bétail, à présent, ils Le poste frontalier de Kye-Ossi–Ebebiyin, un point sont obligés de subdiviser les grands troupeaux en de passage important et une source de denrées ali- sous-unités de 20 à 30 têtes pour réduire le risque mentaires pour la Guinée, a été fermé vers la fin de vol et la visibilité de leur capital. Ceci a, à son décembre 2017 et le trafic a été redirigé vers le vil- tour, fait augmenter les coûts de garde du bétail et lage proche de Olamze où les chargements de grands de nombreux propriétaires de bétail urbains ont camions étaient fragmentés en petits lots transportés cessé de confier les soins de leurs animaux aux par des « pousseurs » sur des pistes clandestines Mbororo à cause des risques associés. dans la forêt traversant les frontières. Les infor- mations indicatives obtenues durant ces voyages Plus récemment, l’activité économique et le (les étudiants ont également franchi la frontière par commerce avec le Nigeria ont été également ces voies) montrent qu’un coût supplémentaire de affectés par la crise dans la partie anglophone 20 000 FCFA (18 USD) était nécessaire pour traver- du Cameroun. Deux régions (le Nord-ouest et le ser les frontières dans l’épaisseur de la forêt. Sud-ouest) forme la partie anglophone du pays et représentent 4 pour cent du territoire national et 20 pour cent de la population totale (International Cri- Les femmes constituent 4.5  sis Group 2017a). L’économie de ces régions repose la grande majorité des sur le secteur pétrolier (9 pour cent du PIB), le bois (4,5 pour cent), l’agriculture intensive, y com- commerçants nationaux pris de grandes plantations propriétés de Came- le long des corridors de roon Development Corporation, et d’autres petites commerce agricole de la plantations qui approvisionnement Douala et les pays de la CEMAC. La crise affecte le commerce CEMAC intérieur ainsi que le commerce avec le Nigeria : Les femmes agricultrices et commerçantes les commerçants nigérians doivent passer par ces sont affectées de manière disproportionnée par régions pour parvenir aux bassins de production les obstacles au commerce. Conformément aux dans la région occidentale et au-delà alors que les constats de la littérature sur l’agriculture en Afrique commerçants nationaux sont souvent rebutés par la subsaharienne (par exemple Mukasa et Salami, présence accrue de la police et de l’armée dans les 2016),18 les observations sur le terrain ont confirmé deux régions ainsi que par le climat général d’ins- le fait que les agricultrices ont difficilement accès tabilité (par exemple, la connexion internet est fré- à la terre, cultivent généralement des parcelles de quemment coupée). Il n’y a pour l’instant aucune moindre taille et ont un moindre accès aux services étude ou estimation de l’impact de la crise mais les de conseil. De plus, la contribution des femmes au preuves anecdotiques observées durant la mission Mukasa, AN, and Salami, AO (2016). Gender equality in agriculture : What are really the benefits for Sub-Saharan Africa? 18 Africa Economic Brief Chief Economist Complex | AEB, 7(3), 1–12. 74   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale travail agricole est de manière disproportionnée plus Contrairement à ce qui est relevé dans d’autres grande bien que les hommes assument les gros tra- sites frontaliers en Afrique, les femmes des sites vaux (défrichage et labour). En outre, peu d’OP de visités n’ont pas signalé de contraintes majeures producteurs sont dirigées par des femmes, l’une des liées à la maltraitance, y compris le harcèle- exceptions notables étant la CROPSEC, une associa- ment sexuel ou la violence physique. De manière tion agropastorale active dans les régions du Nord et générale, elles se plaignent plutôt du harcèlement de l’Extrême Nord comptant plus de 3 000 femmes « financier » des autorités aux frontières et aux mar- (soit 59 pour cent des membres) (Fongang, 2012). chés et font remarquer que leur volume d’affaires généralement faible peut ne pas être suffisant pour Les femmes jouent un rôle important dans le couvrir les coûts associés au passage aux frontières commerce dans tous les lieux étudiés, mais prin- ou à la vente sur les marchés. De même, les femmes cipalement en tant que commerçantes dans leur considèrent souvent l’accès au financement comme propre pays, alors que les hommes prédominent leur principale priorité pour développer leur activité dans le commerce transfrontalier. Les travaux sur commerciale, suivi de l’accès aux compétences, le terrain et l’enquête ont confirmé que la plupart aux machines, à la distribution et au marketing. Des des détaillants et des intermédiaires (buyam sellam) carences en infrastructures spécifiques pour chaque sur les marchés ruraux immédiats et sur les mar- sexe ont pu être observées aux différents endroits chés de collecte, ainsi que dans un grand nombre visités pendant la mission, notamment l’absence de marchés urbains, sont des femmes. En général, totale de toilettes et de structures d’accueil pour les femmes sont impliquées dans les échanges sur les enfants. En général, le passage du commerce à courte distance (par exemple, les petits commer- petite échelle au commerce à grande échelle dépend çants transfrontaliers centrafricains qui vont à pied de facteurs tels que l’accès au crédit, le niveau sont principalement des femmes). En général, elles d’instruction et l’attitude entrepreneuriale. Pour sont prédominantes parmi les petits détaillants et les femmes, des variables personnelles telles que la les clients sur le marché bien que leur participa- situation matrimoniale et le nombre d’enfants, ainsi tion au commerce de gros ne soit pas non plus rare, que des variables socioculturelles telles que la dis- comme cela a été observé sur les marchés d’Abang- crimination, le pouvoir décisionnel et le contrôle des Minko ou de Kye-Ossi. Dans certains cas, on trouve ressources au sein du ménage peuvent affecter leur également des femmes parmi les commerçants capacité à faire du commerce à grande échelle. mieux établis qui achètent de grandes quantités de produits agricoles (par exemple, en se servant de pick-up, de minibus ou de petits camions). Les 4.6  Les prix finaux à la conducteurs de ces véhicules, en revanche, seraient consommation dans la CEMAC généralement des hommes. Enfin, Garoua-Boulai présente un flux commercial transfrontalier à petite reflètent les processus échelle quelque peu particulier en ce qui concerne commerciaux coûteux et le manioc, les femmes centrafricaines y étant pré- lourds dominantes. Ces femmes traversent généralement la frontière en République centrafricaine et peuvent La nature fragmentée du commerce agricole effectuer plusieurs voyages par jour pour acheter et le manque de données systématiques sur les et vendre sur le marché local du côté camerounais. prix à la consommation dans les capitales de la Dans certaines régions, la faible participation des CEMAC font qu’il est difficile d’élaborer une femmes pourrait s’expliquer par leur rôle central au analyse complète de la formation des prix pour sein de la famille et surtout le poids de l’Islam au un grand nombre de produits agricoles échan- Nord Cameroun où, en vertu de la culture musul- gés. Néanmoins, les données collectées lors des mane, les femmes du groupe ethnique peul ne visites sur le terrain et les trajets en camion ainsi doivent pas se montrer dans les lieux publics. que certaines statistiques officielles du Cameroun Commerce des produits agricoles dans la CEMAC   75 permettent une analyse indicative de l’évolution différences immédiates entre prix à la production et des prix aux principaux points des corridors vers prix aux marchés immédiats représentent entre un le Gabon et la Guinée équatoriale ainsi qu’une ana- cinquième et un quart du total (conformément aux lyse de la constitution des prix le long du corridor observations précédentes du rapport sur les diffi- Cameroun–­ Gabon pour la tomate, la banane plan- cultés et les coûts d’évacuation et de commerciali- tain, le maïs et l’oignon. sation de la production). Les prix à la consommation à Libreville sont Les résultats sont similaires pour les prix à la nettement plus élevés qu’au Cameroun et com- consommation à Bata, la plus grande ville de la parés au prix à la production, ils sont quatre à Guinée équatoriale. Pourtant, les coûts à Malabo, six fois plus élevés. Comme indiqué au Tableau 20, la capitale et la plus grande ville du pays, sont pro- la plus petite différence concerne le maïs, mais ce bablement encore plus élevés compte tenu du tra- prix est tout de même 3,8 fois supérieur aux prix à jet supplémentaire en bateau. Comme indiqué au la production. La différence la plus forte concerne Tableau 21, la plus petite différence entre prix à la le plantain (5,8 plus élevé). Aucune tendance parti- production et prix à la consommation concerne le culière ne se dégage en ce qui concerne les princi- maïs (3 fois plus élevé), tandis que la plus grande pales étapes de la formation des prix, sauf que les concerne le plantain (7,5 fois plus élevé). Tableau 20  Formation des prix indicative pour certains produits entre le Cameroun et le Gabon (FCFA/kg) Banane Cameroun et Gabon Tomate plantain Maïs Oignon Prix à la production 175 120 145 150 Foumbot/Garoua 275 150 190 350 Yaoundé 475 290 275 400 Abang-Minko 700 400 310 480 Bitam 750 470 320 495 Libreville 825 700 550 635 Ratio prix à la consommation/prix à la production 4.7 5.8 3.8 4.2 Source : Calculs basés sur des visites sur le terrain, des voyages en camion et des données officielles. Tableau 21  Formation des prix indicative pour certains produits entre le Cameroun et la Guinée équatoriale (FCFA/kg) Banane Cameroun–Guinée Equatoriale Tomate plantain Maïs Oignon Prix à la production 175 120 145 150 Foumbot/Garoua 275 150 190 350 Yaoundé 475 290 275 400 Kye-Ossi 500 410 340 460 Ebebiyin 925 740 395 545 Bata 1,075 900 440 605 Ratio prix à la consommation/prix à la production 6.1 7.5 3.0 4.0 Source : Calculs basés sur des visites sur le terrain, des trajets en camion et des données officielles. 76   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Dans l’ensemble, une multitude de facteurs de grande importance commercialisés au sein nationaux, frontaliers et étrangers ont été relevés de la CEMAC : la tomate, le maïs, la banane comme contribuant à l’augmentation des coûts plantain et l’oignon. Compte tenu des informa- du commerce des produits agricoles, entrainant tions disponibles, l’analyse complète n’a pu être en retour une hausse des prix à la consommation menée que pour le corridor du Cameroun au Gabon et une réduction de la marge des producteurs. (des zones de production de l’ouest ou du nord Les résultats de l’enquête confirment que les usa- vers Libreville). L’analyse s’est concentrée sur le gers des frontières reconnaissent largement les dif- mécanisme de commercialisation typique (décrit férences de prix importantes entre les pays, comme précédemment dans le rapport) dans lequel le pro- le montre la Figure 18. ducteur amène ses produits à un marché de collecte, à partir d’où les marchandises sont transférées par Une analyse plus détaillée de la constitution des intermédiaires à un grand négociant qui, à son des prix a été préparée en utilisant les diverses tour, transporte les marchandises vers un marché informations recueillies tout au long du travail frontalier (dans notre cas, Abang-Minko) d’où les sur le terrain pour quatre produits agricoles marchandises franchissent la frontière et continuent Figure 18  Perceptions des différences de prix dans les pays de la CEMAC Usagers des frontières: Il existe de grandes différences de prix des produits agricoles entre le Cameroun et la Guinée équatoriale. (N = 24) 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Pourcentage des répondants Tout à fait d’accord D’accord Ni d’accord ni pas d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord Usagers des frontières: Il existe de grandes différences de prix des produits agricoles entre le Cameroun et la Gabon. (N = 106) 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Pourcentage des répondants Tout à fait d’accord D’accord Ni d’accord ni pas d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord Usagers des frontières: Il existe de grandes différences de prix des produits agricoles entre le Cameroun et la République centrafricaine. (N = 115) 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Pourcentage des répondants Tout à fait d’accord D’accord Ni d’accord ni pas d’accord Pas d’accord Pas du tout d’accord NSP Source : Sondage sur les perceptions, janvier-février 2018. Remarque : N = nombre de répondants. Commerce des produits agricoles dans la CEMAC   77 vers Libreville. Le coût des tracasseries, les pertes La constitution des prix du maïs du Cameroun en cours de route ainsi que les marges des inter- au Gabon est également dominée par les coûts médiaires (gros et détail) sur le marché de destina- de l’intermédiation le long du corridor (22 pour tion ont également été pris en compte. Bien que les cent) et à la destination finale (21 pour cent) camions transportent des marchandises diverses, (Figure 20). Les coûts de production représentent l’analyse s’est concentrée sur un seul produit à la moins d’un cinquième du total, tandis que la marge fois, compte tenu de l’absence d’information sur la du producteur n’est que de 3 pour cent. Les frais de composition réelle de l’ensemble des produits. transport représentent 16 pour cent et les tracasse- ries lors du transport 12 pour cent. L ’analyse de la constitution du prix de la tomate le long du corridor Foumbot (Cameroun) à De même, la constitution des prix de la banane Libreville (Gabon) indique que les coûts de pro- plantain de Foumbot à Libreville montre que les duction (y compris la marge du producteur) ne coûts d’intermédiation (le long du corridor— représentent que 20 pour cent du prix final à la 14 pour cent et à la destination finale—27 pour consommation (Figure 19). Par ailleurs, le coût de cent) représentent une part significative des prix l’intermédiation le long du corridor (22 pour cent) finaux (Figure 21). Les autres constituants des prix et à la destination finale (21 pour cent) sont des fac- restent dans des proportions similaires, les coûts teurs de coûts importants. Le coût des tracasseries de production (y compris les gains du producteur) (12 pour cent) est un ajout important à la forma- représentant 18 pour cent, les coûts de transport tion des prix et représente environ 75 pour cent du 15 pour cent, les tracasseries 15 pour cent et le pas- coût total du transport de l’exploitation à la table sage aux frontières 7 pour cent. (16 pour cent). Les coûts de passage aux frontières représentent environ 6 pour cent. Figure 19  Constitution du prix de la tomate sur le corridor de Foumbot (Cameroun) à Libreville (Gabon) (pourcentage du prix final à la consommation) 9% 100 12% 90 11% 1% 80 70 5% 6% 60 11% Pour cent 50 1% 1% 6% 40 11% 30 3% 1% 5% 20 5% 13% 10 0 er e t ur é s ko ie é ko re lle rie é il os bo ta ire vr ch ch ch er ci te iè vi in in gr se dé eu m on ar ia ar ar nt ss re c M M as de ou u éd 'o m m fro m ib g- g- de lf ca od ac d F –L i rm an an ge de de de ba a pr n– e ge n Tr Tr ro st ai Ab Ab te ar is is s tio du + ar Po bo M ai l'in M ra ra t– s– s M ta Fr nt ge tE F F bo oi ire de tra ar pl or m ia e In M Ex sp ou éd rg an tF a rt rm M po Tr or te s sp l'in an an Tr de Tr ge ar M Source: Estimés à partir des données collectées pour ce rapport. 78   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Figure 20  Constitution de prix du maïs sur le corridor de Foumbot (Cameroun) à Libreville (Gabon) (pourcentage du prix final à la consommation) 9% 100 12% 90 14% 1% 80 70 6% 60 7% Pour cent 7% 50 2% 0% 7% 40 7% 30 3% 0% 9% 2% 20 12% 10 0 er re t ur é s ko ie é ko re lle rie é il os bo ta ire ch ch ch er ci uv te iè vi in in gr se dé m n ar ia ar ar nt ss re c M M oe fo as de u u éd m m fro m ib g- g- de ca Fo od d' il ac –L rm an an ge de de de ba a pr n– e ge n Tr Tr ro st ai Ab Ab te ar is is s tio du + ar Po bo M ai l'in M ra ra t– s– ts M ita Fr ge tE F F bo n ire de lo tra ar or m xp ia e In M sp ou éd rg tE an tF a rm or M Tr or te sp sp l'in an an Tr de Tr ge ar M Source: Estimés à partir des données collectées pour ce rapport. Figure 21  Constitution des prix de la banane plantain sur le corridor de Foumbot (Cameroun) à Libreville (Gabon) (pourcentage du prix final à la consommation) 13% 100 90 14% 80 1% 13% 70 6% 60 Pour cent 7% 50 7% 40 7% 2% 1% 7% 30 2% 1% 20 6% 2% 10% 10 0 r re t ur é s ko ie é ko re lle r ie é il os bo ie ta ire ch ch ch er uv te iè vi in in gr nc se dé m ar ia ar ar nt ss re c M M oe fo as de ou u éd m m fro m ib g- g- de ca od d' il ac –F –L rm an an ge de de de ba a pr e ge n Tr Tr ro n st ai Ab Ab te ar is is s tio du + ar Po bo M ai l'in M ra ra t– s– s M ita Fr nt ge tE F F bo ire de lo tra ar or m xp ia e In M sp ou éd rg tE an tF a rm or M Tr or te sp sp l'in an an Tr de Tr ge ar M Source: Estimés à partir des données collectées pour ce rapport. Commerce des produits agricoles dans la CEMAC   79 Figure 22  Constitution des prix de l’oignon dans le corridor de Ngaoundere (Cameroun) à Libreville (Gabon) (pourcentage des prix final à la consommation) 9% 100 12% 90 12% 1% 80 70 6% 6% 60 Pour cent 7% 50 3% 1% 11% 40 7% 30 3% 1% 3% 20 7% 11% 10 0 er re t ur é s ko ie é ko re lle rie é il os bo ta ire ch ch ch er ci uv te iè vi in in gr se dé m n ar ia ar ar nt ss re c M M oe fo as de u u éd m m fro m ib g- g- de ca Fo od d' il ac –L rm an an ge de de de ba a pr n– e ge n Tr Tr ro st ai Ab Ab te ar is is s tio du + ar Po bo M ai l'in M ra ra t– s– ts M ita Fr ge tE F F bo n ire de lo tra ar or m xp ia e In M sp ou éd rg tE an tF a rm or M Tr or te sp sp l'in an an Tr de Tr ge ar M Source: Estimés à partir des données collectées pour ce rapport. Le prix de l’oignon, dont la production est plus eux seuls environ 7 pour cent des prix tandis que la importante dans les régions du nord du Came- marge du producteur n’est que de 3 pour cent. roun, suit un schéma de constitution similaire à celui des trois autres produits (Figure 22). La dis- Il est surprenant que le transport terrestre des tance sur l’ensemble du couloir entraîne des coûts produits agricoles gagne en popularité malgré le plus élevés pour le transport plus élevés (20 pour grand nombre d’obstacles et de coûts. Le Gabon cent) et pour les tracasseries qui y sont associées et surtout la Guinée équatoriale pourraient être (15 pour cent). Les coûts d’intermédiation le long mieux desservis par voie maritime depuis Douala du corridor représentent une fois encore plus de et d’autres ports plus petits au Cameroun, en termes 40 pour cent du prix final tandis que le passage aux de coûts officiels aussi bien non officiels. Néan- frontières représente 6 pour cent du coût. moins, la voie maritime semble disparaître peu à peu (voir Encadré 4). Compte tenu de la similitude de la formation des prix pour ces quatre produits, l’analyse de Les implications de ces coûts commerciaux, d’un la constitution globale des prix indique que les point de vue macroéconomique, sont poten- coûts d’intermédiation (le long du corridor, à tiellement importantes. Selon ENVISAGE, un la destination finale et à l’inclusion des coûts modèle mondial dynamique d’EGC mis au point d’accès au marché) sont les principaux fac- par la Banque mondiale, l’élimination du coût des teurs de coût, représentant 42 pour cent du total tracasseries au Cameroun permettrait d’accroitre (Figure 23). Les frais de transport et les tracasseries les exportations du Cameroun vers les pays de la représentent environ un tiers du total, tandis que les CEMAC d’environ 23 pour cent. L ’élimination des coûts de production sont de près de 20 pour cent. coûts des tracasseries à l’échelle de la CEMAC per- Les coûts de passage aux frontières représentent à mettrait d’accroitre les exportations intrarégionales 80  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Figure 23  Constitution des prix pour certains produits sur le corridor Cameroun–Gabon (pourcentage des prix finaux à la consommation) Transport, 16% Coûts de production, 18% Marge du producteur, 3% Intermédiaires à Intermédiaires le la destination long du couloir, finale, 16% Franchissement de 23% Frais de marché, 2% Tracasserie, 14% frontière, 7% Production Transport Intermédiation Frontière Source: Estimés à partir des données collectées pour ce rapport. d’environ 25 pour cent d’ici 2030 (Djiofack 2018). les exportations de produits alimentaires mais Bien que ces résultats de modélisation ne soient aussi les importations d’intrants agricoles tels que qu’indicatifs, ils confirment le fait que les coûts les semences et les engrais. La baisse des prix des du commerce sapent la compétitivité des exporta- intrants agricoles favoriserait l’intensification de tions et que leur élimination peut avoir des effets l’agriculture et, combinée à un accès accru aux mar- multiplicateurs pour l’économie. La réduction des chés d’exportation de produits alimentaires, elle sti- frictions commerciales faciliterait non seulement mulerait la diversification économique de la région. Commerce des produits agricoles dans la CEMAC  81 Encadré 4  Commerce maritime des produits agricoles De nombreuses études plus anciennes décrivent la voie maritime du commerce des pro- duits agricoles entre le port de Douala au Cameroun et Libreville et Port-Gentil au Gabon et Malabo et Bata en Guinée équatoriale. En référence aux volumes estimatifs mentionnés dans cette littérature, ce canal était largement utilisé et d’importants volumes étaient échan- gés commercialisés par voie maritime avec ces pays voisins de la CEMAC. Néanmoins, les visites et les entretiens dans le cadre de cette étude (février 2018) ont mon- tré que très peu de commerçants utilisent désormais ce canal maritime et que le commerce maritime a décliné au point de s’être pratiquement arrêté. Port Gabon/Quai Boscam, partie du port de Douala, était le principal lieu de chargement des produits agricoles destinés aux pays de la CEMAC et au Nigéria, mais les problèmes récents en matière d’infrastructures et d’accès ont fait que les commerçants se sont tournés vers le camionnage. Selon les quelques autorités encore présentes sur le site, les volumes des échanges ont pro- gressivement diminué en 2014 en raison des accumulations de sable et de la présence d’épaves dans le quai et de sa proximité immédiate. La capacité a chuté de 20 à 30 bateaux le long du quai en deux ou trois lignes parallèles à seulement trois à cinq bateaux à l’heure actuelle, les navires devant mener des manœuvres de « stationnement » compliquées pour pouvoir char- ger. En conséquence, très peu de commerçants utilisent le quai. Au moment de la visite, un bateau à destination de Libreville attendait depuis six semaines d’avoir une cargaison suffisante pour justifier le voyage, une situation à comparer aux départs quasi-quotidiens dans le passé. La solution (enlèvement du sable et des épaves) est évidemment connue de la direction du port de Douala, mais aucun progrès n’a été réalisé à ce jour. Image B.4.1  Port Gabon/Quai Boscam dans le port de Douala Source : Imagerie © 2018 DigitalGlobe, Données cartographiques © 2018 Google. 5. Recommandations et domaines d’action Comme le rapport l’a souligné, les facteurs limi- produits de l’exploitation au consommateur final. tant le commerce agricole dans la zone CEMAC La résolution d’une contrainte, telle que l’accès de sont multiples, interdépendants et coûteux. Ces chacun des agriculteurs aux marchés immédiats, goulots d’étranglement peuvent être de nature aurait un impact négligeable sur le commerce régio- nationale ou régionale (internationale), reflétant nal si les blocages en aval restent sans réponse. En des lacunes dans la politique ou l’investissement. règle générale, l’amélioration des conditions le long Certaines solutions au niveau national pourraient d’un corridor de commerce donné a plus de chances être étendues au niveau de la CEMAC à travers des d’être efficace que le ciblage d’un seul problème sur interventions bien conçues. Les recommandations de nombreux corridors de commerce. de cette section se répartissent en quatre catégories en fonction de l’échelle ciblée (nationale ou régio- Les opportunités d’investissement pour réduire nale) et de l’instrument qui serait probablement les coûts du commerce agricole régional com- utilisé (réforme des politiques vs investissement). mencent par les producteurs. Une assistance aux Ces quatre catégories sont numérotées selon les producteurs à s’organiser pour établir des liens quadrants de la Figure 24. Les recommandations commerciaux avec de grands acheteurs leur per- peuvent être classées selon le stade le long du cor- mettra de passer du statut d’agriculteurs à celui ridor de commerce (exploitation, marché, fron- d’agropreneurs. L’accès physique aux marchés, par tières, etc.) où elles sont ciblées. l’entretien des routes et le transport motorisé, est également essentiel. Les investissements promet- Figure 24  Catégorisation des interventions teurs en appui aux producteurs comprennent : pour promouvoir le commerce agricole dans la CEMAC • L’amélioration de la capacité des OP à agréger Investissement la production et à organiser des ventes groupées constantes. (1) Remarque : Les chiffres entre 1 2 parenthèses se réfèrent aux quadrants de la figure 24. Nationale Régionale • Les appuis à l’établissement de liens commer- ciaux plus forts entre les producteurs ruraux et 4 3 les consommateurs finaux, éventuellement par le biais d’alliances productives (suivant le modèle utilisé dans les projets PIDMA et PRODEL Politique financés par la Banque mondiale), et/ou d’autres approches. (1) L ’accent que la recherche dans cette étude a mis • La réhabilitation, la construction et la planification sur les « approches de corridor » s’applique éga- de l’entretien des routes rurales pour améliorer l’ac- lement aux investissements et aux réformes poli- cès physique du champ au marché immédiat. (1) tiques. Les efforts visant à améliorer le commerce • Des mécanismes de financement innovants agricole régional ont le plus de chances d’abou- pour accroître la disponibilité du transport tir lorsqu’ils considèrent la totalité du trajet des motorisé. (1) 82 Recommandations et domaines d’action  83 • L’appui à des alliances productives transfronta- l’Inde sur l’importance de favoriser la concur- lières ou à d’autres formes de liens commerciaux rence et de fournir une entrée sans restriction entre réseaux de grands négociants de la région aux commerçants agréés. (1) CEMAC et organisations ou réseaux de produc- teurs. (2) Des solutions pour éliminer les tracasseries le long des corridors de transport pourraient La réduction des inefficacités commerciales au réduire les prix des denrées alimentaires de niveau du marché nécessite des investissements 14 pour cent. Les acteurs interrogés dans le cadre dans les infrastructures, des réformes politiques/ de cette étude ont universellement reconnu que de gouvernance et de meilleurs systèmes d’in- les tracasseries sont généralisées et coûtent cher. formation. L’analyse a mis en évidence que dans L’élimination d’une pratique aussi généralisée ne les marchés dotés d’installations plus modernes, serait pas facile, mais il existe des possibilités l’accès du public est souvent entravé et que peu de ­d’action : travaux d’entretien et d’aménagement sont effec- tués bien que les redevances de marché soient per- • Sensibilisation sur ce qui constitue des points de çues pratiquement dans tous les cas. En outre, la contrôle/ redevances/fonctions légitimes, et ce collecte et la diffusion régulières des données sur qui ne l’est pas. (1) les prix à travers un système d’information sur le • Lancement d’un dialogue avec les agences pré- commerce pourraient accroître la transparence des sentes aux points de contrôle sur le coût des tra- transactions, réduire les marges des intermédiaires casseries dans leur pays, appui aux améliorations et atténuer la volatilité des prix. Les interventions de capacités nécessaires pour que ces agences recommandées au niveau du marché comprennent : puissent remplir des fonctions commerciales légitimes, développement d’un programme de • Construction d’infrastructures de marché telles formation pour les agents présents aux points de que des espaces couverts, des étals de marché, contrôle. (1, 4) des entrepôts, des points d’eau et des installa- • Réduction du nombre de points de contrôle le tions sanitaires. (1) long des corridors et, en cours de route, amélio- • Appui à des structures de gestion et de contrôle ration des points de contrôle restants au moyen inclusives. Les associations de commerçants de caméras ou d’autres modalités qui donnent un existantes pourraient être un bon point de départ sentiment d’encadrement. (1) pour impliquer le secteur privé dans la gestion et • Renforcement d’une ligne téléphonique anti-­ le développement de tels espaces publics. (3) corruption (numéro vert) et traitement de • Un système d’information sur le commerce manière cohérente des signalements. (1) durable pour réduire la dépendance vis-à-vis • Incitation des commerçants à respecter les des réseaux informels pour la collecte d’infor- réglementations existantes, c’est-à-dire ne mations et la prise de décisions commerciales pas surcharger les véhicules, s’assurer que les et pour permettre de découvrir les prix en toute documents nécessaires sont en règle, refuser transparence. (1) (2) de payer un pot-de-vin au lieu d’une amende. • Formation et sensibilisation des producteurs/ Cela pourrait se faire à travers la mise en place vendeurs à la dynamique des marchés et des prix d’une « charte des commerçants » qui précise les afin que les producteurs puissent interpréter plus droits et obligations des usagers des corridors de précisément les données sur les prix. (1) commerce. (2) (4) ­ • Un système d’information de marché régional pour agréger les systèmes nationaux. (2) (4) Aux frontières, il existe des possibilités de faci- • Appuis au développement du marché de gros, en liter le commerce agricole en améliorant la ges- suivant les enseignements tirés de la Chine et de tion, en collectant de meilleures informations et 84  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale en investissant dans les infrastructures. La pro- • Investissements dans des infrastructures et des lifération artificielle d’agences aux frontières installations telles que l’éclairage (pour la sécu- actuellement observée ne fait qu’accroitre consi- rité), le revêtement des routes, la modernisation dérablement les délais, les coûts et la corruption, des bâtiments et la numérisation des systèmes de sans ajouter beaucoup de valeur au processus des dossiers. (1) échanges. Il est possible de consolider les agences • Révision des systèmes de gestion basé sur la per- (certaines agences pourraient en théorie former des formance existants pour assurer des salaires adé- unités mixtes ou être présentes uniquement du côté quats et des paiements dans les délais prescrits le plus concerné des frontières) et renforcer la coor- pour le personnel des agences aux frontières et dination inter-agences. Durant les travaux sur le amélioration de la formation pour le personnel terrain, il a été noté que les responsables aux diffé- des agences frontalières. (1) rents sites semblaient se connaître et communiquer • Diffusion de la réglementation, des structures de de manière amicale par des appels téléphoniques frais et des exigences de passage aux frontières informels, mais il n’existait pas de mécanismes/ pour les usagers des frontières. (1) plateformes de coordination institutionnalisés à travers lesquels ils peuvent se rencontrer régulière- Au niveau de la politique générale, le commerce ment (par exemple une fois par trimestre), établir agricole régional dans la CEMAC souffre d’un des dispositions de présidence tournante, discu- manque de standardisation des pratiques et ter et résoudre des problèmes communs, etc.19 De d’un manque d’harmonisation entre les poli- même, il ne semble pas exister entre les différents tiques nationales et les politiques de la CEMAC. organismes de hiérarchie interne qui pourrait ren- Au Cameroun, il n’existe pas de règlement unique forcer la coordination inter-agence de chaque côté régissant le commerce agricole avec les voisins de de la frontière. Les politiques et les investissements la CEMAC. Cette étude a révélé que les règlements proposés pour réduire les coûts du commerce agri- officiels étaient souvent incompatibles avec les pra- cole aux frontières comprennent :20 tiques aux frontières qui elles-mêmes présentent d’énormes variations entre régions. Les recomman- • Établissement de commissions frontalières dations en réponse à ce constat comprennent : nationales avec désignation d’une agence chef de file, telle que les douanes, pour améliorer la • Appui en conseil et en politiques aux gouverne- ­coordination. (3) ments nationaux, en particulier l’Administration • Rationalisation des agences aux frontières en des douanes et le Ministère du Commerce afin utilisant des systèmes de guichet unique. On d’établir un ensemble unique et cohérent de pourrait consolider les plusieurs niveaux d’in- réglementations et développer les capacités et tervention de la police, de la gendarmerie et la supervision nécessaires pour les appliquer de d’autres unités de l’armée et on pourrait faire manière cohérente. (3) de même avec des agences techniques telles • Réduction des taxes aux frontières qui ont un que la police phytosanitaire et le contrôle effet d’obstacles non tarifaires, même si les vétérinaire. (3) droits d’exportation sont ou seront bientôt • Mise en place de commissions frontalières ­supprimés. (3) mixtes internationales pour coordonner les fonc- • Mise en place d’un dialogue régional sur les tions et régulariser les procédures entre les exigences en matière de déclaration SPS. Il pays. (4) y a peu sinon aucune raison de facturer la 19 Il existe des expériences intéressantes sur la coordination inter-agences par l’intermédiaire des Commissions frontalières mixtes (CFM) sur plusieurs frontières de la CAE. 20 En Zambie, dans le nouveau projet de loi sur la gestion des frontières, le fisc zambien a été désigné comme agence principale à toutes les frontières du pays. Recommandations et domaines d’action  85 certification lorsque l’importateur n’est pas les interventions. Les plus grandes priorités d’in- sujet à des exigences de déclaration et qu’il est tervention sont les domaines qui représentent une peu utile de certifier qu’un produit est exempt part importante des coûts du commerce et les de ravageurs ou de maladies lorsque les deux domaines où il existe un fort potentiel de réduction pays ont le même ravageur ou la même maladie. de ces coûts. Le Tableau 22 énumère les cinq prin- Des recherches supplémentaires sur les mesures cipales priorités d’action recommandées visant à SPS qui tiennent compte des risques véritables améliorer le commerce agricole dans la CEMAC. pour la santé des végétaux et des animaux et Les coûts d’intermédiation sur le marché, qui repré- l’innocuité des aliments contribueraient à don- sentent la majeure partie (42 pour cent) des coûts ner plus de valeur des points de contrôle SPS du commerce dans la CEMAC, sont au centre des ­actuels. (4) deux premières recommandations. La réduction des • Au niveau de la CEMAC, mise en place d’un tracasseries omniprésentes est la troisième priorité ; régime commercial pour les produits agricoles la réduction des autres coûts de transport est la qua- auquel tous les gouvernements peuvent adhérer. trième priorité ; et l’amélioration des conditions aux Le principal obstacle en termes d’économie frontières (qui ne représentent que 7 pour cent des politique est la génération ou la redistribution prix à la consommation) est la cinquième priorité. des recettes fiscales à partir des activités aux Il est bon de noter qu’il existe d’importantes oppor- frontières. Un appui en conseil et en politiques tunités au niveau de chaque pays pour faciliter le pourrait aider les pays à trouver des solutions commerce régional étant donné que la plupart des alternatives en tirant des enseignements de coûts du commerce agricole sont constitués avant l’expérience d’autres blocs commerciaux sur la que les produits atteignent les frontières. En effet, manière de réduire la dépendance aux taxes aux la plupart des possibilités d’amélioration du com- frontières. (4) merce agricole au sein de la CEMAC sont entre les mains d’acteurs nationaux ou sous-nationaux. L’évolution de la coordination à la coopération et la bonne gestion des crises politiques à haut Pour pouvoir mener à bien ces recommandations, niveau entre les gouvernements de la CEMAC il faudra un leadership politique fort qui permet pourraient réduire au tant que possible les fer- de surmonter la résistance en termes d’économie metures de frontières. Comme le montre l’exemple politique de ceux qui tirent des rentes du système de la Guinée équatoriale qui est mentionné à actuel au détriment des pauvres. Pour compliquer maintes reprises, la fermeture des frontières entre la tâche, l’amélioration de la performance des cor- le Cameroun et un pays importateur net de produits ridors nécessite la participation de multiples par- alimentaires affecte immédiatement à la fois les ties prenantes et ministères du gouvernement aux prix à la production et la disponibilité alimentaire niveaux local, national et régional. L ’identification dans l’autre pays. de promoteurs et de défenseurs au sein du secteur public et privé pour les réformes et les investisse- • La Commission de la CEMAC, en collaboration ments nécessaires dans chaque domaine prioritaire avec chacun des gouvernements, examine les sera donc essentielle à la réussite des interventions. questions de sécurité pour s’assurer qu’elles ne sont pas disproportionnées et que le commerce—­ Les conclusions de ce rapport tracent égale- même avec des contrôles supplémentaires—­ peut ment plusieurs pistes de recherche ultérieures. continuer sans entrave. (4) La première question est de savoir qui bénéficiera des efforts visant à réduire les coûts du commerce Les conclusions de ce rapport sur la constitu- agricole. L’élimination des écarts de prix offre des tion de coûts marginaux le long des corridors de opportunités majeures pour améliorer les revenus commerce étudiés offrent un moyen de classer des agriculteurs et réduire les prix des produits 86   Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale alimentaires en milieu urbain, mais les élasticités l’ampleur actuelle des maladies animales et végé- de la demande et de l’offre détermineraient dans tales dans la CEMAC pour pouvoir définir des une certaine mesure quels acteurs du système mesures d’atténuation appropriées, ciblées et fon- seront capables de s’approprier les rentes résul- dées sur le risque. Enfin, comme indiqué au début, tant des changements politiques ou des investis- cette étude s’est concentrée sur les corridors de sements. L’incidence de ces gains résultant d’un commerce qui partent du Cameroun. Il serait utile accroissement des échanges est une question clé dans les recherches supplémentaires d’examiner les d’économie politique et un domaine important corridors partant d’autres pays afin de confirmer pour la recherche future. La deuxième question de si la structure des coûts du commerce et les prin- recherche concerne les risques SPS posés par le cipaux obstacles au commerce agricole sont simi- commerce agricole. Alors que les avantages d’un laires. Les corridors de commerce agricoles partant accroissement des échanges agricoles pour la diver- de l’extérieur du Cameroun seront particulièrement sification économique et la sécurité alimentaire sont importants parce que les autres pays de la CEMAC indéniables, cet accroissement vient avec un risque développent des exportations agricoles pour diver- de contamination. Il est nécessaire de comprendre sifier leurs économies. Tableau 22  Les cinq plus grandes priorités pour promouvoir le commerce agricole dans la CEMAC Gains Calendrier Coût Échelle Type d’appui Priorités et mesures Faible/ Court/ Faible/ Objectif politique/ Nationale/ Moyen/ Moyen/ Modéré/ Objectif Régionale Elevé Long Elevé d’investissement Priorité 1 : Réduire les coûts d’intermédiation en reliant les agriculteurs aux marchés (a) Renforcer les liens commerciaux entre les producteurs ruraux et les consommateurs urbains en : • Travaillant avec les organisations de producteurs Elevé Moyen Modéré Nationale Investissement pour agréger la production et organiser des ventes groupées constantes. • Soutenant les alliances productives transfronta- Elevé Moyen/ Modéré Régionale Investissement lières ou d’autres liens commerciaux directs entre Long les négociants régionaux de la CEMAC et les organisations de producteurs. (b) Accroître l’accès au transport motorisé dans les zones rurales : • Introduction d’accords de crédit-bail et d’autres Moyen Court Modéré Nationale Investissement nouveaux mécanismes de financement pour les prestataires de services de transport. (a continué) Recommandations et domaines d’action   87 Gains Calendrier Coût Échelle Type d’appui Priorités et mesures Faible/ Court/ Faible/ Objectif politique/ Nationale/ Moyen/ Moyen/ Modéré/ Objectif Régionale Elevé Long Elevé d’investissement Priorité 2 : Améliorer l’efficacité des marchés agricoles (a) Investissements physiques dans les infrastruc- tures de marché, y compris : • Etals de marché, stockage sécurisé, entrepôts fri- Elevé Court/ Modéré Nationale Investissement gorifiques, quais de chargement, éclairage, assai- Moyen nissement, aires de repos aux points stratégiques des corridors de commerce régionaux. (b) Promouvoir la compétitivité par la gestion inclu- sive et l’encadrement du marché en : • Impliquant les associations de commerçants et Moyen Moyen Faible Nationale Mixte d’autres utilisateurs privés dans le développement et la gestion des espaces de marché publics. • Lançant le dialogue sur une charte de service Moyen Moyen Faible Nationale/ Mixte pour la gestion du marché et la promotion d’une Regionale telle charte. (c) Accroitre l’accès à l’information sur les marchés et le commerce pour promouvoir la compétiti- vité en : • Formant et sensibilisant les vendeurs sur la dyna- Faible/Med Court/ Faible Nationale Investissement mique des marchés et des prix pour améliorer les Moyen capacités d’interprétation et de décision. • Introduisant des systèmes d’information sur le marché qui réduisent la dépendance à l’égard des Moyen Court/ Modéré Nationale Investissement réseaux informels pour la détermination des prix. Moyen • Développant un système régional d’information sur les marchés pour agréger les systèmes natio- Moyen Moyen/ Modéré Régionale Investissement naux, en utilisant les technologies de l’information Long et de la communication (TIC) dans la mesure du possible. Priorité 3 : Professionnaliser le comportement le long du corridor de commerce (a) Renforcer la capacité des organismes de réglementation à effectuer des échanges légi- times en : • Menant une revue fonctionnelle des responsabi- Moyen Court Faible Nationale Investissement lités clés et en introduisant des systèmes de ges- tion basés sur la performance. • Élaborant et mettant en œuvre un programme Moyen Moyen Modéré Nationale/ Investissement de formation pour les agents de contrôle autour Regionale d’un code de conduite pour le comportement professionnel. • Réduisant (rationalisant) le nombre de points de Elevé Moyen Modéré Nationale Politique contrôle le long des corridors de commerce • Mettant à niveau les points de contrôle légitimes en Elevé Moyen Modéré Nationale Investissement renforçant la capacité à mener à bien les fonctions (telles que la surveillance en matière sanitaire et phytosanitaire) et en améliorant la surveillance à l’aide de caméras ou d’autres modalités. (b) Engager les usagers du corridor à signaler les abus et la corruption, en : • Sensibilisant les usagers des corridors sur les Moyen Court Faible Nationale/ Investissement points de contrôle, frais et fonctions légitimes. Regionale • Renforçant et/ou introduisant des directives de Moyen Court Faible Nationale/ Investissement lutte contre la corruption (numéro vert), traitant Regionale systématiquement les signalements faits et en récompensant les bons résultats. (a continué) 88  Briser Les Obstacles Au Commerce Agricole Regional En Afriqua Centrale Tableau R1  a continué Gains Calendrier Coût Échelle Type d’appui Priorités et mesures Faible/ Court/ Faible/ Objectif politique/ Nationale/ Moyen/ Moyen/ Modéré/ Objectif Régionale Elevé Long Elevé d’investissement Priorité 4 : Renforcement des liaisons de transport régionales (a) Améliorer l’entretien des routes et les infrastruc- tures en : • Développant une stratégie de connectivité régio- Moyen Court Faible Régional Investissement nale pour relier les producteurs agricoles aux centres de demande. • Introduisant une gestion basée sur la performance Elevé Court/ Faible Nationale Investissement des ponts-bascules et d’autres stratégies pour une Moyen application fiable et transparente des limites de poids des véhicules. • Investissant dans la réhabilitation, la construction Elevé Court/ Modéré/ Nationale Investissement et la planification de l’entretien de routes. Moyen Elevé • Attirant des investissements dans les parcs de Moyen Court Faible Nationale Investissement camions privés (parking sécurisé, douches, etc.) (b) Briser les cartels et améliorer la compétitivité du transport agricole national et régional en : • Développant un plan d’action spécifique assorti Moyen Court Faible Nationale/ Investissement de délais pour la réforme du secteur, basé sur le Regionale dialogue entre les opérateurs de transport et les décideurs politiques. • Mettant en place un groupe de travail dédié pour Moy/El. Moyen/ Modéré Nationale/ Mixte la mise en œuvre du plan d’action et le suivi de Long Regionale l’avancement par rapport aux indicateurs de per- formance convenus. (c) Améliorer l’accès des commerçants régionaux aux ports en : • Draguant le Quai Boscam et enlevant les épaves Moyen Court/ Modéré/ Nationale Investissement bloquant les jetées Moyen Elevé • Modernisant les autres ports utilisés par les Moyen Court/ Modéré/ Nationale Investissement navires régionaux au besoin. Moyen Elevé (a continué) Recommandations et domaines d’action  89 Gains Calendrier Coût Échelle Type d’appui Priorités et mesures Faible/ Court/ Faible/ Objectif politique/ Nationale/ Moyen/ Moyen/ Modéré/ Objectif Régionale Elevé Long Elevé d’investissement Priorité 5 : Amélioration des opérations aux frontières (a) Investissements physiques dans les infrastruc- tures frontalières telles que : • Éclairage, revêtement des routes, amélioration Moyen Court Modéré/ Nationale Investissement des bâtiments, et numérisation des systèmes de Elevé dossiers (b) Établir des commissions frontalières mixtes comprenant : • Des comités nationaux avec une agence chef de Moyen Court Faible Nationale Politique file, telle que les douanes, pour améliorer la coor- dination à chaque poste frontalier. • Des commissions internationales pour coordonner Moyen Moyen Faible Régional Politique les fonctions et régulariser les procédures entre les pays aux postes frontaliers partagés. (c) Professionnaliser le comportement des agents aux frontières et des usagers des frontières en : • Introduisant des systèmes de gestion basés sur Moyen Court Faible Nationale Mixte la performance articulés sur une charte de service pour les agences aux frontières. • Formant les agents des douanes et les usagers Elevé Court Faible Nationale Mixte des frontières aux droits et obligations fondamen- taux, y compris les avantages de la conformité réglementaire. • Mettant en place des hotlines gratuites pour Moyen Moyen Faible Nationale Investissement signaler les cas de corruption et d’abus (d) Sensibiliser les usagers des frontières sur les règlements officiels, les structures de frais offi- ciels et les exigences officielles au passage aux frontières en : • Élaborant des supports et des programmes de Moyen/ Court Faible Nationale/ Investissement formation pour les agents aux frontières et les Elevé Régionale usagers des frontières. • Produisant du matériel de publicité et des bro- Moyen/ Court Faible Nationale/ Mixte chures conviviales contenant des informations Elevé Régionale sur les procédures commerciales ; affichant tous les frais officiels bien en vue dans chaque poste frontalier. • Menant une campagne de publicité sur la Moyen/ Court Faible/ Nationale/ Investissement nécessité et les avantages de la conformité Elevé Modéré Régionale réglementaire. (e) Rationaliser les exigences commerciales en : • Adoptant des approches fondées sur le risque Elevé Court Faible Nationale Politique pour l’inspection et la conformité aux frontières. • Réexaminant les exigences relatives aux déclara- Moyen/ Moyen Modéré Nationale/ Mixte tions SPS en fonction des risques. Elevé Régionale • Éliminant les inspections obligatoires aux fron- Moyen/ Moyen Faible Nationale Mixte tières et les exigences de certification des produits Elevé (y compris la certification sanitaire et phytosani- taire) lorsqu’il n’y a pas de conditions de déclara- tion d’importation. (f) Favoriser le dialogue à travers la Commission Elevé En cours Faible Régional Politique de la CEMAC sur les coûts économiques des fermetures imprévisibles des frontières. Réexa- miner les contrôles de sécurité en vue d’ac- croître les opportunités commerciales. Bibliographie Banque de France. 2016. Rapport annuel de la Zone franc. Eurosysteme. Djiofack, C. (2018) : Using a dynamic global CGE model (ENVISAGE) to model the impact of removing petty harassment costs (tracasseries) on intra-regional trade and growth in CEMAC. Background paper to the CEM. World Bank. Fongang, Guillaume. 2009. Les mutations du secteur agricole bamiléké (Cameroun) étudiées à travers ses acteurs : Une analyse à partir des localités de Fokoué et de Galim. pastel-00004919. ———. 2012. Les organisations de producteurs en Afrique de l ‘ Ouest et du Centre : attentes fortes, dures réalités. FARM (Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde). Institut National de la Statistique (INS). 2015. « Chapitre 14 : Agriculture. » Dans Annuaire Statistique du Cameroun, de Institut National de la Statistique (INS), 204–214. INS. Institut National de la Statistique (INS). 2014. Monographie des échanges transfrontaliers de marchandises au Cameroun. INS. International Crisis Group. 2017. Cameroon’s Far North : Reconstruction amid Ongoing Conflict. 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