Note d’information fevrier 2016 MIEUX ÉTABLIR LES DROITS FONCIERS DES FEMMES ET DES HOMMES DANS GENDER INNOVATION LAB LES ZONES RURALES AU BÉNIN La recherche menée par le GIL a pour objectif la réduction des inégalités entre les hommes Auteurs: Markus Goldstein, Kenneth Houngbedji, Florence Kondylis, et les femmes en Afrique Sub- Michael O’Sullivan, Harris Selod Saharienne. En évaluant l’impact d’interventions innovantes, le GIL produit des preuves rigoureuses MESSAGES CLÉS sur l’efficacité des programmes de réduction des écarts de 1. En Afrique subsaharienne, les femmes sont moins susceptibles que genre en termes de revenus, de les hommes de posséder un terrain. Elles ont des terrains plus petits productivité, de ressources et d’autonomisation. L’équipe du que ceux des hommes et sont confrontées à une forte insécurité GIL travaille actuellement sur foncière pour les terrains qu’elles exploitent. Ces disparités ont un plus de 50 évaluations d’impact coût, qui peut se traduire par une perte de productivité. dans 21 pays avec l’objectif de construire une base de 2. Il ressort des premiers résultats qu’améliorer la sécurité foncière en connaissances solides et d’en tirer des leçons utiles pour la région. délimitant les terres a pour effet d’accroître les investissements de L’objectif du GIL est d’accroître long terme (arbres et cultures de rente) et d’éponger les disparités l’adoption de politiques efficaces entre hommes et femmes au regard de la mise en jachère des terres par les gouvernements, les organisations de développement et – une dimension importante de l’investissement pour améliorer la le secteur privé afin de combattre fertilité des sols. les causes sous-jacentes des inégalités de genre en Afrique, 3. Il pourra être important que les interventions futures puissent et de promouvoir, en particulier, concerner toutes les terres possédées par un ménage. Nous avons l’autonomisation économique et sociale des femmes. Le en effet constaté que certaines femmes réorientent leur production Lab cherche à accomplir cette agricole vers les parcelles qui n’ont pas été délimitées car situés en tâche en produisant et en disséminant auprès des décideurs dehors des frontières du village. Ce report vers les terrains hors village politiques de nouveaux résultats permet de sécuriser des terres moins sûres et moins productives. scientifiques et conclusions pertinentes sur ce qui fonctionne et ne fonctionne pas pour promouvoir l’égalité des genres. http://www.worldbank.org/en/programs/africa-gender-innovation-lab Partout en Afrique subsaharienne, les décideurs La Millenium Challenge Corporation (MCC) a cherchent à trouver des instruments pour renforcer apporté un appui technique et financier à la mise les droits fonciers des possesseurs terriens et des en œuvre des PFR dans le cadre d’un accord avec agriculteurs en zone rurale, là où l’accès aux terres et à la le Gouvernement béninois. Dans le cadre d’un plan propriété foncière est majoritairement régi par les usages foncier rural, la formalisation des droits coutumiers coutumiers. De façon générale, la coutume ne reconnait des ménages ruraux se fait en deux grandes étapes. souvent aux femmes que des droits secondaires Dans un premier temps, toutes les parcelles d’un d’utilisation des terres, acquis par l’intermédiaire d’un village donné sont délimitées, les droits fonciers époux ou d’un parent de sexe masculin. En cas de décès correspondants sont enregistrés à l’issue d’une enquête de leur conjoint ou en cas de divorce, elles peuvent donc foncière approfondie, et des bornes sont placées pour perdre leurs droits coutumiers non sanctionnés par un délimiter clairement la propriété. Dans un deuxième droit de propriété légalement reconnu. L’absence de temps, des certificats fonciers ruraux (CFR) doivent droits fonciers solidement établis peut se traduire par être délivrés aux ménages par les autorités locales. des sous-investissements et des rendements agricoles moindres tant pour les hommes que pour les femmes. Une équipe combinant des chercheurs de la Banque mondiale (Groupe de recherche sur le développement, La réponse typique des pouvoirs publics à ce manque DIME et Africa Gender Innovation Lab - les laboratoires d’investissement agricole prend la forme de programmes d’évaluation d’impact pour le développement, et longs et coûteux de formalisation visant la délivrance d’innovation pour les questions liées à l’égalité des de titres fonciers (immatriculation). Selon le rapport sexes en Afrique) et de l’École d’Économie de Paris, Doing Business 2014 de la Banque mondiale, il faut faire a cherché à évaluer l’impact du programme PFR six démarches qui prennent 120 jours en moyenne et au moyen d’une approche expérimentale. Cette coûtent environ 9 % de la valeur totale du bien foncier étude présente les résultats de la première pour enregistrer une propriété en Afrique subsaharienne. analyse causale de l’impact d’un programme Ces programmes ont tendance à faire abstraction du de formalisation foncière à grande échelle. rôle du droit coutumier, si important dans les zones rurales d’Afrique sub-Saharienne où il régente l’accès à la terre et son utilisation. Il existe donc un besoin réel CE QUI A ÉTÉ FAIT de rendre les programmes de formalisation foncière plus Pour réaliser une évaluation rigoureuse des effets, efficaces du point de vue de leurs coûts, de mieux les l’équipe de recherche s’est appuyée sur une sélection inscrire dans le contexte coutumier qui prévaut dans aléatoire des villages par un tirage au sort dans chaque les zones rurales, afin d’obtenir de meilleurs résultats commune qui a permis d’identifier publiquement et sur le plan de l’amélioration de la sécurité foncière. en toute transparence les villages bénéficiaires du programme PFR et les villages de contrôle. Un an ALORS, QUE FAIRE ? après le début des opérations, une enquête a été Les plans fonciers ruraux (PFR) au Bénin relèvent menée dans 291 de ces villages pour comparer les d’une approche décentralisée, moins coûteuse et plus différences de résultats entre les villages bénéficiaires accessible pour la formalisation et de sécurisation des et non bénéficiaires d’un PFR. Cette enquête qui droits fonciers. Cette approche, pourtant pilotée depuis couvre une vaste zone géographique comporte des les années 1990, reste novatrice dans la région, en données provenant de 9 des 12 départements du mettant l’accent sur la formalisation des droits coutumiers Bénin. L’échantillon de l’étude comprend les ménages existants des paysans, pris individuellement. Elle vise ayant au moins une parcelle dans leur village, soit 2 972 autant à améliorer la tenure foncière qu’à stimuler les ménages et 6 094 parcelles au total (dont 5 329 situées investissements agricoles dans les zones rurales. dans les limites du village de résidence du ménage). L’IMPACT DU PFR SUR LA MISE EN JACHÈRE DES TERRES 0,030 0,025 0,020 0,015 ,015** ,013 0,010 ,011 0,005 ,003 0,000 Ménages Dirigés par un Homme Ménages Dirigés par une Femme parcelles non délimitées parcelles délimitées Les chercheurs ont entrepris d’étudier l’impact initial que le palmier à huile et le teck, et de 43 % pour la de la première phase du programme – la délimitation plantation d’arbres – en comparaison avec le groupe des terres – sur les investissements agricoles au témoin. Ces constats reflètent une nette augmentation Bénin avant même la délivrance des certificats des investissements agricoles de long terme. fonciers. Ces effets à court terme font ressortir Les premiers résultats montrent aussi que le l’impact sur les investissements de la formalisation programme a éliminé les disparités entre les hommes des droits coutumiers d’accès à la terre. et les femmes au regard de la mise en jachère des terres, un mode essentiel de restauration de la CE QUI A ÉTÉ CONSTATÉ fertilité des sols. Ainsi, les ménages dirigés par une L’amélioration de la sécurité de la tenure foncière femme dans les villages bénéficiaires d’un PFR sont résultant de la délimitation des terres a pour effet plus enclins à laisser leurs terres en jachère que les d’accroître les investissements de long terme ménages dirigés par un homme dans les villages dans les arbres et les cultures de rente, et de PFR ou dans les villages témoins. La délimitation gommer les disparités entre hommes et femmes des terrains pourrait avoir apaisé les craintes au regard de la mise en jachère des terres – une qu’ont les femmes de perdre leurs terres dans dimension important de l’investissement pour l’éventualité où elles les laisseraient en jachère, les améliorer la fertilité des sols. La délimitation des incitant à réaliser cet important investissement. parcelles a entraîné une amélioration de la perception Le programme a par ailleurs entraîné un de sécurité foncière, telle que mesurée par le droit déplacement initial de la production agricole qu’estime avoir le chef de ménage de vendre ses des ménages dirigés par une femme, en réponse terres. Cette perception accrue de sécurité de la à l’évolution relative de sécurité foncière tenure s’est traduite par un accroissement des entre les parcelles délimitées et les autres. investissements de long terme dans les arbres et les cultures commerciales pérennes pour l’ensemble La délimitation des parcelles ayant couvert l’essentiel, ménages, qu’ils soient dirigés par un homme ou une mais non l’ensemble des terrains des petits exploitants, femme. Un an après les opérations de délimitation, les premiers résultats de l’étude montrent que certaines les investissements des ménages concernés ont agricultrices ont déplacé leur production agricole vers augmenté de 39 % pour les cultures de rente telles des parcelles situées à l’extérieur du périmètre de leur village où les terrains n’ont pas été délimités et sécurisés, ceci enfin de protéger ces parcelles non délimitées. Ce déplacement pourrait être motivé par les disparités sous-jacentes entre hommes et femmes en matière de sécurité foncière. Une fois les parcelles délimitées dans le village, les femmes ont un sentiment renforcé qu’elles ne perdront pas les terrains qu’elles contrôlent dans le village, et choisissent de déplacer leur production et leur main-d’œuvre agricole vers des parcelles relativement moins sécurisées en dehors du village, et ce, afin de les protéger. À l’inverse, les hommes seraient moins susceptibles de réagir de la sorte, puisqu’ils ont déjà des droits fonciers mieux établis – même sur les terres non délimitées en dehors du village. Toutefois, la réaction des agricultrices provoque une baisse des rendements agricoles sur les parcelles au sein du village, qui se traduit par une augmentation de 22 % des disparités de productivité agricole entre hommes et femmes sur ces terrains. CONCLUSION Les premières résultats de cette étude mettent en exergue la complexité des questions foncières en zone rurale, mais débouchent aussi sur des recommandations pratiques. Les interventions hybrides de formalisation foncière qui intègrent le droit coutumier peuvent doper les investissements dans les cultures de rente et les arbres pour l’ensemble des ménages, et dans la mise en jachère des terrains des femmes, même à brève échéance. Cela étant, la présente étude révèle aussi la nécessité d’une approche spatiale plus inclusive, couvrant toutes les terres des ménages ruraux, pour s’assurer que ceux qui ont initialement des droits de propriété plus précaires bénéficient tout autant du programme. Une nouvelle phase de collecte de données conduite en début d’année mettra en évidence l’impact à plus long terme de la délimitation des terres sur les femmes et les hommes. Pour de plus amples informations, le Document de travail de la Banque mondiale consacré à la recherche sur les politiques est accessible en cliquant sur le lien suivant : http://documents.worldbank.org/curated/en/2016/04/26185627/ POUR DAVANTAGE formalizing-rural-land-rights-west-africa-early-evidence- D’INFORMATIONS, PRIERE DE CONTACTER randomized-impact-evaluation-benin Markus Goldstein Cette initiative reçoit l’appui de l’Umbrella facility pour l’égalité mgoldstein@worldbank.org des genres du Groupe de la Banque Mondiale. Rachel Coleman L’Umbrella Facility pour l’égalité des genres est un fonds à bailleurs multiples conçu pour renforcer la sensibilisation, la connaissance et les capacités afin d’approfondir la rcoleman1@worldbank.org prise en compte du genre dans les politiques de développement. Le financement est rendu possible grâce aux contributions généreuses des gouvernements de l’Allemagne, 1818 H. St NW de l’Australie, du Canada, du Danemark, de l’Espagne, des Etats-Unis, de la Finlande, de l’Islande, de la Norvège, du Royaume-Uni, de la Suède et de la Suisse. Washington, DC 20433 USA Etats-Unis d’ Amérique