102724 Un rapport phare du Groupe de la Banque mondiale Rapport sur le développement dans le monde LES DIVIDENDES DU NUMÉRIQUE ABRÉGÉ Un rapport phare du Groupe de la Banque mondiale Rapport sur le développement dans le monde LES DIVIDENDES DU NUMÉRIQUE ABRÉGÉ Cet abrégé présente une vue d’ensemble et la table des matières du Rapport sur le développement dans le monde 2016 : Les dividendes du numérique (doi : 10.1596/978-1-4648-0671-1). La version intégrale du rapport définitif, une fois publié, sera affichée en format PDF sur le site https://openknowledge.worldbank.org/. Des exemplaires du rapport peuvent également être commandés à l’adresse http://Amazon.com. Pour toute citation, reproduction et adaptation, veuillez utiliser la version définitive du rapport. © 2016 Banque internationale pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington, DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits réservés Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage. 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Parmi les composantes, on citera, à titre d’exemple, les tableaux, les graphiques et les images. Pour tous renseignements sur les droits et licences, s’adresser au service des publications et de la diffusion des connaissances de la Banque mondiale : Publishing and Knowledge Division, The World Bank, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, USA ; télécopie : 202-522-2625 ; courriel : pubrights@worldbank.org. Conception graphique :  Reboot (www.reboot.org), New York, New York, et George Kokkinidis, DesignLanguage, Brooklyn, New York Photo de couverture : Illustration de World Press Photo 2013 : en pleine nuit sur la plage à Djibouti, des migrants tentent d’utiliser leurs téléphones portables sur des réseaux de la Somalie voisine. © John Stanmeyer/National Geographic Creative. Avec l’autorisation de John Stanmeyer/ National Geographic Creative. Nouvelle autorisation requise pour toute réutilisation. Table des matières v Avant-propos vii Remerciements 1 Abrégé : Renforcer le socle analogique de la révolution numérique 5 Le numérique : transformations et fractures 8 Comment l’internet favorise le développement 11 Les dividendes : croissance, emplois et prestation de services 18 Les risques : concentration, inégalités et contrôle 25 Rendre l’internet universel, abordable, ouvert et sûr 29 Compléments analogiques pour une économie numérique 36 Une coopération internationale pour résoudre des problèmes mondiaux 38 Des technologies numériques qui profitent à tous 38 Notes 39 Références iii Avant-propos Nous nous trouvons au cœur de la révolution de l’information et de la communication la plus importante de l’histoire de l’humanité. Plus de 40 % de la population mondiale a accès à l’internet, de nouveaux usagers intégrant le web chaque jour. Parmi les 20 % des ménages les plus pauvres, près de 7 sur 10 possèdent un téléphone mobile. En fait, ces ménages sont plus susceptibles d’ac- céder à des téléphones mobiles qu’à des toilettes ou à de l’eau salubre. Nous devons tirer parti de cette évolution rapide de la technologie pour rendre le monde plus prospère et plus solidaire. Le Rapport sur le développement dans le monde 2016 fait valoir que les défis qui se posent traditionnellement au plan du développement empêchent la révolution numérique d’engendrer des transformations profondes. Pour beaucoup de personnes, l’accès accru aux technologies numériques offre aujourd’hui plus de choix et de commodité. En favorisant l’inclusion, l’efficacité et l’innovation, la technolo- gie permet aux populations pauvres et défavorisées d’accéder à un monde de possibilités aupa- ravant hors de portée. Au Kenya par exemple, le coût de l’envoi de fonds par des travailleurs émigrés a diminué de 90 % après la mise en place du système de paiement numérique M-Pesa. Les nouvelles techno- logies permettent aux femmes d’intégrer plus facilement le marché de l’emploi — comme chef d’entreprises de commerce en ligne, dans des professions exercées sur le web ou dans des proces- sus d’entreprises externalisés. Le milliard de personnes handicapées à travers le monde — dont 80  % vivent dans des pays en développement — peut mener une existence plus productive en communiquant par texte, par la voix et par la vidéo. Et les systèmes d’identification numérique peuvent offrir un meilleur accès à des services publics et privés aux 2,4 milliards de personnes qui ne disposent pas de documents d’identité formels comme des actes de naissance. Si tout cela représente une énorme avancée, beaucoup restent exclus du système faute d’un accès aux technologies numériques. Les personnes vivant dans une pauvreté extrême ont le plus à gagner d’une meilleure communication et d’un meilleur accès à l’information. Près de 6 mil- liards de personnes ne disposent pas d’une connexion internet haut débit, et ne peuvent donc pas participer pleinement à l’économie numérique. Pour faire en sorte que les réseaux numériques soient accessibles à tous, nous devons investir dans les infrastructures et engager des réformes qui renforcent la concurrence dans le secteur des télécommunications, encouragent les partena- riats public-privé et permettent une régulation efficace. Le rapport conclut que les avancées dans le domaine de l’information et de la communication ne seront pleinement profitables que si les pays continuent à améliorer leur climat des affaires, investissent dans l’éducation et la santé de leurs populations, et s’emploient à promouvoir la bonne gouvernance. Dans les pays où ces fondamentaux sont faibles, les technologies numériques n’ont pas sti- mulé la productivité ou réduit les inégalités. En revanche, ceux qui complètent leurs investisse- ments dans la technologie par des réformes économiques plus vastes récoltent les dividendes du numérique qui se déclinent sous la forme d’une accélération de la croissance, d’un plus grand nombre d’emplois et de services de meilleure qualité. Le Groupe de la Banque mondiale se tient prêt à aider les pays à poursuivre ces priorités. Avec nos clients, nous travaillons déjà à promouvoir un environnement économique concurrentiel, à renforcer l’éthique de responsabilité et à améliorer les systèmes d’enseignement et de formation professionnelle pour préparer les populations à occuper les emplois du futur. v vi AVANT-PROPOS Alors qu’à travers le monde, plus de 4 milliards de recherches sont effectuées sur Google chaque jour, 4 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à l’internet. Les conclusions de ce rapport doivent être mises à profit par tous ceux qui œuvrent à mettre fin à l’extrême pauvreté et promouvoir une prospérité partagée. La plus grande avancée dans l’histoire de l’information et des communications ne sera véritablement révolutionnaire que si elle profite à tous et partout. Jim Yong Kim Président Groupe de la Banque mondiale Remerciements Ce Rapport a été préparé par une équipe dirigée par Deepak Mishra et Uwe Deichmann. L’équipe se composait en outre de Kenneth Chomitz, Zahid Hasnain, Emily Kayser, Tim Kelly, Märt Kivine, Bradley Larson, Sebastian Monroy Taborda, Hania Sahnoun, Indhira Santos, David Satola, Marc Schiffbauer, Boo Kang Seol, Shawn Tan et Desiree van Welsum. Les travaux ont été menés sous la direction générale de Kaushik Basu, Indermit Gill et Pierre Guislain, et le président de la Banque mondiale, Jim Yong Kim, a été une source inestimable d’encouragements. L’équipe a reçu des conseils d’un Groupe consultatif coprésidé par Kaushik Basu et Toomas Hendrik Ilves et composé de Salim Sultan Al-Ruzaiqi, Carl Bildt, Yessica Cartajena, Dorothy Gordon, Richard Heeks, Monica Kerretts-Makau, Feng Lu, N.R. Narayana Murthy, Paul Romer et Hal Varian. L’équipe tient à remercier de leur généreux appui à la préparation du rapport le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement du Canada et le Centre de recherches pour le développement international ; le ministère des Affaires étrangères et le Cabinet du président de l’Estonie ; l’Agence française de développement ; le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement et l’Agence allemande de coopération internationale (GIZ)  ; le ministère israélien de l’Économie ; le ministère des Affaires étrangères de Norvège et l’Agence norvégienne de coopération au développement  ; le ministère suédois des Affaires étrangères  ; le programme du savoir au service du développement financé par de nombreux bailleurs de fonds ; et la Banque mondiale qui lui a fait bénéficier de son budget de soutien à la recherche. Des consultations réunissant des participants de nationalités diverses ont été organisées dans les pays suivants : Allemagne, Arménie, Belgique, Chine, République dominicaine, Émirats arabes unis, Estonie, États-Unis, Finlande, France, Inde, Indonésie, Irlande, Jamaïque, Kenya, les Philippines, Maroc, Oman, Pakistan, Pays-Bas, République arabe d’Égypte, Royaume-Uni, Somalie, Suède, Suisse, Turquie et Viet Nam. Des informations détaillées sur ces consultations sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.worldbank.org/wdr2016/about. Des consultations interinstitution- nelles se sont tenues avec la Commission européenne, l’Union internationale des télécommunica- tions, l’Organisation de coopération et de développement économiques, la Commission des Nations Unies pour le haut débit, la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Les conclusions préliminaires du rapport ont aussi été examinées dans le cadre de plusieurs conférences et ateliers, notamment la table ronde de Brookings-Blum, la conférence de Séoul sur la science, la technologie et l’innovation en faveur du développement, la Conférence internationale des économistes agri- coles à Milan, la Conférence sur l’internet au service des populations à l’université de Stanford, le Sommet mondial sur la société de l’information, ainsi qu’au iHub de Nairobi, à Oxford Internet Institute, à l’université de Columbia, par le Programme suédois pour les technologies de l’informa- tion et de la communication dans les régions en développement, la conférence UbuntuNet Alliance Connect au Mozambique, à l’université de West Indies à MONA en Jamaïque, au Département d’État américain et le Forum économique mondial. L’équipe tient à remercier les participants à toutes ces conférences et ateliers pour leurs précieux commentaires et suggestions. Bruce Ross-Larson a coordonné les travaux d’édition du rapport. Les activités de production et la logistique du rapport ont été assurées par Brónagh Murphy, Mihaela Stangu et Jason Victor, avec l’appui de Laverne Cook, Gracia Sorensen, Roza Vasileva et Bintao Wang. Reboot a assumé la responsabilité de la conception graphique, et Phillip Hay, Vamsee Krishna Kanchi, Mikael Ello Reventar et Roula Yazigi ont fourni des conseils sur la stratégie de communication. Le service des publications de la Banque mondiale a coordonné l’édition, la conception, la mise en vii viii REMERCIEMENTS page, l’impression et la diffusion du Rapport, qui a été édité par Nancy Morrison et Dana Lane. Diane Stamm et Laura Wallace ont respectivement revu les documents de référence et les notes de cadrage. L’équipe tient en particulier à remercier Denise Bergeron, Jose de Buerba, Mary Fisk, Yulia Ivanova, Patricia Katayama, Stephen McGroarty, Andres Meneses, Chiamaka Osuagwu, Stephen Pazdan et Paschal Ssemaganda, Bouchra Belfqih du service de traduction et d’inter- prétation et son équipe, ainsi que l’Unité de cartographie. L’équipe remercie également Vivian Hon, Jimmy Olazo et Claudia Sepúlveda du rôle de coordination qu’elles ont assumé, ainsi que Elena Chi-Lin Lee, Surekha Mohan et Joseph Welch qui ont coordonné les opérations de mobilisa- tion des ressources. Jean-Pierre Djomalieu, Gytis Kanchas, Nacer Megherbi, Manas Ranjan Parida et Pratheep Ponraj ont apporté leur soutien dans le domaine des technologies de l’information. L’équipe remercie les personnes suivantes avec qui elle a eu des entretiens instructifs  : Jenny Aker, George Akerlof, Robert Atkinson, David Autor, Arup Banerji, Eric Bartelsman, Vint Cerf, Carol Corrado, Claudia Maria Costin, Augusto de la Torre, Asli Demirgüç- Kunt, Shantayanan Devarajan, Laurent Elder, Marianne Fay, Francisco Ferreira, Torbjorn Fredriksson, Carl Frey, Haishan Fu, Mark Graham, Caren Grown, Ravi Kanbur, Jesse Kaplan, Loukas Karabarbounis, Phil Keefer, Michael Kende, Homi Kharas, Taavi Kotka, Aart Kraay, Arianna Legovini, Norman Loayza, Epp Maaten, Michael Mandel, James Manyika, Magdy Martinez-Soliman, Njuguna Ndung’u, Nandan Nilekani, Ory Okolloh, Tapan Parikh, Rich Pearson, Lant Pritchett, Martin Rama, Vijayendra Rao, Ana Revenga, John Rose, Sudhir Shetty, Joseph Stiglitz, Randeep Sudan, Larry Summers, Jan Svejnar, Chad Syverson, Prasanna Tambe, Michael Thatcher, Hans Timmer, Kentaro Toyama, Nigel Twose, Bart van Ark, Tara Vishwanath, Stephanie von Friedeburg, Melanie Walker et Darrell West. Ont contribué à la rédaction des spotlights et des notes sectorielles, Robert Ackland, Wajeeha Ahmad, Hallie Applebaum, Joseph Atick, Amparo Ballivian, Adis Balota, Biagio Bossone, Karan Capoor, Mariana Dahan, Alan Gelb, Aparajita Goyal, Dominic S. Haazen, Naomi Halewood, Mia Harbitz, Todd Johnson, Anna Lerner, Dennis Linders, Arturo Muente-Kunigami, Urvashi Narain, Thomas Roca, Zlatan Sabic, Marcela Sabino, Chris Sall, Randeep Sudan, Kyosuke Tanaka, Tatiana Tropina, Michael Trucano et Darshan Yadunath. Le Rapport s’appuie sur des documents et des notes de référence préparés par Karina Acevedo, Laura Alfaro, Maja Andjelkovic, Izak Atiyas, Ozan Bakis, Shweta Banerjee, Sheheryar Banuri, Johannes Bauer, Jessica Bayern, Zubair Bhatti, Miro Frances Capili, Xavier Cirera, Nicholas Crafts, Cem Dener, Joao Maria de Oliveira, Bill Dutton, Mark Dutz, Maya Eden, Ana Fernandes, Lucas Ferreira-Mation, Rachel Firestone, Jonathan Fox, Paul Gaggl, Jose Marino Garcia, Elena Gasol Ramos, Tina George, Daphne Getz, Itzhak Goldberg, Martin Hilbert, Sahar Sajiad Hussain, Leonardo Iacovone, Saori Imaizumi, Ali Inam, Melissa Johns, Todd Johnson, Patrick Kabanda, Chris Kemei, Doruk Yarin Kiroglu, Barbara Kits, Anna Kochanova, Gunjan Krishna, Arvo Kuddo, Filipe Lage de Sousa, Michael Lamla, Victoria Lemieux, Emmanuel Letouzé, Zahra Mansoor, Francisco Marmolejo, Aaditya Mattoo, Samia Melhem, Michael Minges, Martin Moreno, Huy Nygen, Stephen O’Connell, Brian O’Donnell, Alberto Osnago, Tiago Peixoto, Mariana Pereira-Lopez, Gabriel Pestre, Sonia Plaza, Rita Ramalho, Dilip Ratha, Seyed Reza Yousefi, Said Mohamed Saadi, Leo Sabetti, Simone Sala, Deepti Samant Raja, David Sangokoya, Bessie Schwarz, Sophiko Skhirtladze, Elisabeth Tellman, Kristjan Vassil, Patrick Vinck, Joanna Watkins, Robert Willig, Min Wu, Maggie Xu, Emilio Zagheni et Irene Zhang. Tous les documents de référence utilisés pour la préparation du rapport sont accessibles à l’adresse www.worldbank.org/wdr2016 ou auprès du bureau du RDM à la Banque mondiale. L’équipe a bénéficié des conseils d’experts suivants qui ont participé aux différents cycles d’examen du rapport  : Christian Aedo, Ahmad Ahsan, Mohamed Ihsan Ajwad, Omar Arias, Cesar Baldeon, Morgan Bazilian, Kathleen Beegle, Luis Beneviste, Christian Bodewig, Stefanie Brodmann, Shubham Chaudhuri, Karl Chua, Massimo Cirasino, Amit Dar, Ximena del Carpio, Deon Filmer, Adrian Fozzard, Samuel Freije, Roberta Gatti, Caren Grown, Mary Hallward–Driemeier, Robert Hawkins, Joel Hellman, Mohamed Ibrahim, Leora Klapper, Luis Felipe Lopez Calva, Charlotte V. McClain-Nhlapo, Atul Mehta, Samia Melham, Claudio Montenegro, Reema Nayar, David Newhouse, Anna Olefir, Pierella Paci, Cecilia Paradi-Guilford, Josefina Posadas, Siddhartha Raja, Dena Ringold, David Robalino, Jan Rutkowski, Carolina Sanchez-Paramo, Joana Silva, Jin Song, Renos Vakis, Alexandria Valerio, Joao Pedro Wagner de Azevedo, Aleem Walji, Michael Weber et William Wiseman. Par ailleurs, les régions, les pôles mondiaux d’expertise, les cellules de solutions transversales, le département juridique, le Groupe indépendant d’évaluation et d’autres unités du Groupe de la Banque mondiale ont grandement contribué à la préparation du rapport. De nombreuses autres personnes, des services de la Banque mondiale et de l’extérieur, ont fait des observations constructives, fourni d’autres contributions et participé aux réunions de REMERCIEMENTS ix consultation. Il s’agit entre autres de  : Jamal Al-Kibbi, Mavis Ampah, Dayu Nirma Amurwanti, James Anderson, Elena Arias, Andrew Bartley, Cyrille Bellier, Rachid Benmessaoud, Natasha Beschorner, Zubair Bhatti, Phillippa Biggs, Brian Blankespoor, Joshua Blumenstock, David Caughlin, Jean-Pierre Chauffour, Michael Chodos, Diego Comin, Pedro Conceicao, Paulo Correa, Eric Crabtree, Prasanna Lal Das, Ron Davies, Valerie D’Costa, James Deane, Donato de Rosa, Niamh Devitt, Ndiame Diop, Dini Sari Djalal, Khalid El Massnaoui, Oliver Falck, Erik Feiring, Xin Feng, Nicolas Friederici, Doyle Galegos, Rikin Gandhi, John Garrity, Diarietou Gaye, Daphne Getz, Ejaz Syed Ghani, Soren Gigler, Chorching Goh, Itzhak Goldberg, Simon Gray, Boutheina Guermazi, Suresh Gummalam, Stefanie Haller, Nagy Hanna, Jeremy Andrew Hillman, Stefan Hochhuth, Anke Hoeffler, Bert Hofman, Mai Thi Hong Bo, Tim Hwang, William Jack, Sheila Jagannathan, Satu Kahkonen, Kai Kaiser, Jesse Kaplan, Rajat Kathuria, Anupam Khanna, Stuti Khemani, Zaki Khoury, Oliver Knight, Srivatsa Krishna, Kathie Krumm, Victoria Kwakwa, Somik Lall, Jason Lamb, Jessica Lang, Andrea Liverani, Steven Livingston, Augusto Lopez-Claros, Muboka Lubisia, Sean Lyons, Sandeep Mahajan, Shiva Makki, Will Martin, Selina McCoy, Stefano Mocci, Mahmoud Mohieldin, Partha Mukhopadhyay, Pauline Mwangi, Gb Surya Ningnagara, Tenzin Norbhu, Tobias Ochieng, Varad Pande, Douglas Pearce, Oleg Petrov, Jan Pierskalla, Maria Pinto, Martin Raiser, Achraf Rissafi, Nagla Rizk, Michel Rogy, Gabriel Roque, Karen Rose, Carlo Maria Rossotto, Frances Ruane, Onno Ruhl, Umar Saif, Daniel Salcedo, Apurva Sanghi, Arleen Seed, Shekhar Shah, Fred Shaia, Shehzad Sharjeel, Gurucharan Singh, Rajendra Singh, Alexander Slater, Karlis Smits, Vicenzo Spezia, Christoph Stork, Younas Suddique, Abdoulaye Sy, Maria Consuelo Sy, Noriko Toyoda, Rogier van den Brink, Adam Wagstaff, Ken Warman, Cynthia Wong, Bill Woodcock, Pat Wu, Elif Yonca Yukseker et Breanna Zwart. L’équipe a également rencontré des représentants de la société civile et du secteur privé, notamment Airbnb ; Alibaba (Chine) ; Babajob (Inde) ; Baidu (Chine) ; Diplo (Suisse) ; Economic and Social Research Institute (ESRI; Irelande) ; Elance-oDesk (désomais Upwork) ; eLimu (Kenya) ; Enterprise Ireland ; l’e-Governance Academy d’Estonie ; Facebook ; Google ; Groupe Speciale Mobile Association (GSMA) ; Human Rights Watch ; iHub de Nairobi ; Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), Internet Society ; Khan Academy ; Let’s Do It! (Estonie) ; Lyft ; MajiVoice (Kenya) ; McKinsey Global Institute ; National Association of Software and Services Companies (Inde) ; Nortal (Estonie) ; Olacabs (Inde) ; Postmates ; Rovio Entertainment (Finlande) ; Souktel (Cisjordanie et Gaza) ; The Start-Up Jamaica Accelerator ; TransferWise (Estonie/Royaume-Uni) ; Twitter et Uber. L’équipe présente ses excuses à toute personne ou organisation qu’elle aurait omis de men- tionner par inadvertance. Inclusion Efficacité Innovation ABRÉGÉ ABRÉGÉ Renforcer le socle analogique de la révolution numérique Les technologies numériques connaissent une expansion rapide presque partout, mais leurs dividendes — les avantages plus larges que procurent ces technologies au plan du développement — tardent à se concrétiser. Souvent, elles dopent la croissance, élargissent les possibilités et améliorent la prestation des services. Pourtant, leur effet global n’a pas répondu aux attentes et est inégalement réparti. Si l’on veut qu’elles profitent à tous et partout, il faut combler le fossé numérique qui persiste, en particulier en matière d’accès à l’internet. Mais il ne suffira pas d’adopter plus largement ces technologies. Pour tirer le meilleur profit de la révolution numérique, les pays doivent aussi agir sur les « compléments analogiques » en renforçant les réglementations qui favorisent la concurrence entre les entreprises, en adaptant les compétences des travailleurs aux besoins de la nouvelle économie et en faisant en sorte que les institutions rendent compte de leur action. Les technologies numériques — internet, les téléphones Alibaba, le site de commerce en ligne dédié aux entre- mobiles et tous les autres outils servant à recueillir, prises, favorise l’efficacité au sein de l’économie chinoise, stocker, analyser et partager des informations sous une et sans doute du monde entier. En exploitant les éco- forme numérique — se sont répandues rapidement. nomies d’échelle obtenues grâce à l’automatisation, la Dans les pays en développement, les ménages qui pos- plateforme de paiement numérique M-Pesa constitue sèdent un téléphone mobile sont plus nombreux que une innovation importante dans le secteur financier, qui ceux qui ont accès à l’électricité ou à de l’eau salubre, et profite grandement aux populations du Kenya et d’autres près de 70 % des personnes appartenant au quintile infé- pays. Inclusion, efficacité et innovation sont les princi- rieur de la population sont propriétaires d’un portable. Le paux mécanismes par lesquels les technologies numé- nombre d’internautes a plus que triplé en dix ans, pas- riques favorisent le développement. sant d’un milliard en 2005 à 3,2 milliards à la fin de 2015, Si les exemples de réussites individuelles abondent, selon les estimations1. Les entreprises, les individus et les effets de la technologie sur la productivité mondiale, les administrations sont donc plus connectés que jamais l’amélioration des opportunités pour les pauvres et la (figure A.1). La révolution numérique a apporté des gains classe moyenne et la promotion d’une éthique de respon- privés immédiats — un accès plus aisé à l’information et sabilité dans la conduite des affaires publiques n’ont pas aux moyens de communication, plus de commodité, des été à la hauteur des attentes (figure A.2)2. Les entreprises produits numériques gratuits et de nouvelles formes de sont plus connectées que jamais, mais la croissance de loisirs. Elle a aussi engendré un sentiment profond de la productivité mondiale a ralenti. Les technologies cohésion sociale et d’appartenance à une communauté numériques transforment le monde du travail, mais les mondiale. Cela dit, les investissements massifs dans les marchés de l’emploi se sont polarisés et les inégalités se technologies de l’information et de la communication creusent, surtout dans les pays les plus riches, mais aussi (TIC) ont-ils accéléré la croissance, créé des emplois et de plus en plus dans les pays en développement. Et alors amélioré les services ? En fait, les pays reçoivent-ils des que les démocraties sont de plus en plus nombreuses, dividendes substantiels de la révolution numérique ? la proportion d’élections libres et régulières recule. La technologie peut être source de transformations. Ces tendances persistent en dépit des technologies Un système d’identification numérique tel que le sys- numériques. tème Aadhaar en Inde, en apportant une solution à des Ainsi, alors que les technologies numériques problèmes d’information complexes, aide les pays qui le connaissent une expansion rapide, leurs dividendes ne désirent à promouvoir l’inclusion de groupes défavorisés. suivent pas le même rythme, pour deux raisons. D’abord, En réduisant sensiblement les coûts de coordination, près de 60  % de la population mondiale n’a toujours pas ABRÉGÉ 3 Figure A.1 Les technologies numériques se sont diffusées rapidement presque partout a. Adoption du numérique b. Adoption du numérique c. Adoption du numérique par les entreprises par les individus par les administrations 1,0 1,0 1,0 Moyenne 0,8 0,8 0,8 mondiale Moyenne Moyenne mondiale 0,6 mondiale 0,6 0,6 0,4 0,4 0,4 0,2 0,2 0,2 0 0 0 100 1 000 10 000 100 000 100 1 000 10 000 100 000 100 1 000 10 000 100 000 PIB par habitant PIB par habitant PIB par habitant (en dollars constants de 2005) (en dollars constants de 2005) (en dollars constants de 2005) Sources : Équipe du RDM 2016. Données disponibles à l’adresse suivante : http://bit.do/WDR2016-FigO_1. Note : Les graphiques montrent le niveau de diffusion, dans tous les pays, des technologies numériques mesuré selon l’indice d’adoption du numérique calculé pour ce rapport et décrit en détail au chapitre 5 du rapport complet. PIB = produit intérieur brut. accès au web et ne dispose d’aucun moyen pratique de dans les technologies numériques donnent aux élites plus participer à l’économie numérique. Ensuite, certains des de moyens de s’exprimer, ce qui peut les amener à mono- avantages supposés des technologies numériques sont poliser l’action publique et à exercer un contrôle accru contrebalancés par de nouveaux risques (figure A.3). Dans sur l’État. De plus, parce que les aspects économiques de beaucoup de pays avancés, les marchés de l’emploi se l’internet favorisent les monopoles naturels, l’absence polarisent et les inégalités se creusent de plus en plus, en d’un environnement économique concurrentiel peut se partie parce que la technologie développe les compétences traduire par une concentration des marchés, qui bénéficie élevées et remplace les fonctions routinières, forçant ainsi aux entreprises en place. Il n’est donc pas surprenant que de nombreux travailleurs à rivaliser pour des emplois fai- les personnes les plus instruites, les mieux connectées blement rémunérés. Lorsque les institutions ne sont pas et les plus capables en profitent le plus, ce qui limite les tenues de rendre des comptes, les investissements publics retombées de la révolution numérique. Figure A.2 Les perspectives mondiales suscitent le pessimisme en dépit des technologies numériques a. Productivité mondiale b. Inégalités mondiales c. Gouvernance mondiale Moyenne mobile sur 5 ans de la croissance Variation en pourcentage du revenu réel entre Proportion d’élections libres et régulières (%) médiane de la productivité de la main-d’œuvre 1998 et 2008 à di érents niveaux de l’échelle par heure travaillée, en pourcentage, mondiale des revenus, en prix de 2003 dans 87 pays 6 90 100 70 75 4 50 50 30 2 25 10 0 –10 0 5 15 25 35 45 55 65 75 85 95 85 19 9 19 2 19 5 19 8 19 1 19 4 20 7 20 0 20 3 20 6 20 9 20 2 15 73 79 91 97 03 09 15 7 8 8 8 9 9 9 0 0 0 0 1 19 19 19 19 19 19 20 20 20 Percentile de la répartition du revenu mondial Sources : Partie a : Conference Board (différentes années) ; équipe du RDM 2016. Partie b : Lakner et Milanovic, 2013. Partie c : Bishop et Hoeffler, 2014. Données disponibles à l’adresse suivante : http://bit.do/WDR2016-FigO_2. 4 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Figure A.3 Pourquoi les dividendes du numérique ne se diffusent-ils pas rapidement ? Que faire ? Rendre l’internet Fracture Connectivité Accessible Abordable Ouvert et sûr Stratégie Technologies Partager les fruits de développement numériques numérique INCLUSION EFFICACITÉ INNOVATION Dividendes Réduire les risques Compléments CONTRÔLE INÉGALITÉS CONCENTRATION Source : Équipe du RDM 2016. Pour maximiser les dividendes du numérique, il L’accès à l’internet est fondamental, mais pas suffi- faut mieux comprendre les liens entre la technologie et sant. L’économie numérique doit aussi reposer sur un d’autres facteurs importants pour le développement — ce socle analogique solide, composé de réglementations qui qu’on désigne par « compléments analogiques » dans le créent un cadre des affaires dynamique et permettent rapport. Grâce aux technologies numériques, les tâches aux entreprises d’exploiter les technologies numériques de routine qui font appel à de multiples transactions pour affronter la concurrence et innover ; de compétences deviennent nettement moins chères, plus rapides et plus grâce auxquelles les travailleurs, les chefs d’entreprise et commodes. Cependant, la plupart des tâches comportent les agents de l’État peuvent saisir les occasions que pré- aussi un aspect qui ne peut pas être automatisé et qui sente le monde numérique ; et d’institutions responsables exige du bon sens, de l’intuition et de la discrétion. Si on qui utilisent l’internet pour renforcer les moyens d’action fait appel à la technologie pour automatiser les tâches des citoyens. Son effet à long terme sur le développe- sans améliorer en parallèle les compléments analo- ment n’est en rien définitif, puisqu’il est continuellement giques, on court le risque de ne pas en profiter à grande façonné par l’évolution de la technologie (connectivité) échelle. La révolution numérique peut donner naissance et par les dispositifs économiques et sociaux et les méca- à de nouveaux modèles commerciaux qui bénéficient nismes de gouvernance choisis par chaque pays (com- aux consommateurs, sauf lorsque les entreprises en pléments)4. Les pays capables de s’adapter rapidement à place contrôlent l’entrée sur le marché. La technologie cette évolution de l’économie numérique sont ceux qui peut rendre les travailleurs plus productifs, sauf lors- profiteront le plus des dividendes du numérique, tandis qu’ils ne possèdent pas le savoir-faire nécessaire pour que les autres ont toutes les chances de rester à la traîne l’utiliser. Les technologies numériques peuvent aider à (figure A.3 et encadré A.1). contrôler l’absentéisme des enseignants et améliorer les Les trois compléments — un climat propice aux résultats scolaires, sauf si le système éducatif n’a pas de affaires, un capital humain solide et une bonne gou- comptes à rendre3. vernance — semblent familiers, ce qui est parfaitement Que doivent faire les pays  ? En priorité, ils doivent normal, car ils forment le socle du développement tous rendre l’internet accessible à tous et financière- économique. Cela dit, les technologies numériques y ment abordable. L’internet au sens large s’est développé ajoutent deux dimensions importantes. Premièrement, rapidement, mais est loin d’être universel. Pour chaque elles augmentent le coût de renonciation aux réformes personne disposant d’une connexion haut débit à large nécessaires, et elles amplifient l’impact de bonnes (et bande, cinq en sont privées. Quelque 4  milliards de de mauvaises) politiques, de sorte que les pays qui personnes dans le monde n’ont aucun accès à l’internet, n’adoptent pas de réformes perdront plus de terrain que près de 2  milliards n’utilisent pas de téléphone mobile les autres : les technologies numériques ont fait monter et près d’un demi-milliard vivent dans des zones qui ne les enjeux pour les pays en développement, qui ont plus reçoivent pas de signaux mobiles. La connexion de tous à gagner que les pays riches, mais aussi plus à perdre. à l’internet, qui est l’un des objectifs de développement Deuxièmement, si les technologies numériques ne durable (ODD) adoptés récemment, reste un chantier constituent en aucun cas un raccourci vers le développe- inachevé, qui peut néanmoins être mené à bien grâce ment, elles peuvent stimuler ce dernier, voire l’accélérer, à un arsenal judicieux de mesures  : concurrence sur le en améliorant la qualité des compléments : les registres marché, partenariats public-privé et régulation efficace du commerce en ligne aident des entreprises jeunes et de l’internet et du secteur des télécommunications. innovatrices à pénétrer le marché  ; des formations en ABRÉGÉ 5 Encadré A.1 Foire aux questions : coup d’œil sur le rapport Que dit ce rapport ? sur les plateformes numériques pourraient donner lieu à des Le Rapport sur le développement dans le monde étudie l’im- concentrations dommageables dans de nombreux secteurs. pact de l’internet, des téléphones mobiles et des technologies L’automatisation rapide, y compris d’emplois de bureau inter- connexes sur le développement économique. Dans la première médiaires, pourrait contribuer à l’érosion du marché du travail partie, il montre que les technologies numériques offrent et à une aggravation des inégalités. De plus, le mauvais bilan d’énormes possibilités, qui se concrétisent rarement. La seconde de nombreux projets de cyberadministration témoigne du taux partie propose des politiques publiques qui accroissent la d’échecs élevé des projets de TIC et du risque que les États et les connectivité, accélèrent les réformes complémentaires dans entreprises exploitent les technologies numériques pour contrô- d’autres secteurs que celui des technologies de l’information et ler les citoyens, au lieu de les émanciper. de la communication (TIC) et apportent des solutions aux pro- blèmes de coordination à l’échelle mondiale. Que doivent faire les pays pour atténuer ces risques ? La connectivité est essentielle, mais pas suffisante, pour récolter Quels sont les dividendes du numérique ? tous les fruits des technologies numériques. Les investissements Croissance, emplois et services sont les avantages les plus dans le numérique doivent être appuyés par des « compléments importants qu’apportent les investissements dans le numérique. analogiques » : des réglementations qui permettent aux entre- Les trois premiers chapitres du Rapport montrent comment les prises d’exploiter l’internet pour affronter la concurrence et inno- technologies numériques aident les entreprises à devenir plus ver ; de meilleures compétences pour que les individus puissent productives  ; les populations à trouver des emplois et élargir saisir toutes les possibilités offertes par le numérique ; et des ins- leurs possibilités, et les pouvoirs publics à fournir des services titutions responsables, afin que les pouvoirs publics répondent de meilleure qualité à tous. aux besoins et aux exigences des citoyens. Les technologies numériques pourront, à leur tour, renforcer ces compléments, et Comment les technologies numériques favorisent-elles le accélérer le rythme du développement. développement et génèrent-elles des dividendes numériques ? En réduisant le coût de l’information, les technologies numé- Comment connecter ceux qui ne le sont pas encore ? riques diminuent considérablement le coût des transactions La concurrence sur le marché, les partenariats public-privé et une économiques et sociales pour les entreprises, les individus et le régulation efficace des opérateurs internet et mobiles encou- secteur public. Elles favorisent l’innovation lorsque les coûts de ragent l’investissement privé qui peut rendre l’accès universel et transaction sont quasiment nuls. Elles améliorent l’efficacité, car abordable. Il faudra parfois réaliser des investissements publics, les activités et les services existants deviennent moins onéreux, qui se justifieront par leur forte rentabilité sociale. Il sera cepen- plus rapides ou plus commodes. Et elles renforcent l’inclusion dant plus difficile de faire en sorte que l’internet reste ouvert et puisque les populations accèdent à des services qui étaient sans danger alors que les internautes sont confrontés à la cyber- auparavant hors de leur portée. criminalité, aux atteintes à la vie privée et à la censure en ligne. Pourquoi le Rapport fait-il valoir que les dividendes du Quelle est la principale conclusion ? numérique ne se diffusent pas assez rapidement ? Les stratégies de développement numérique doivent être plus Pour deux raisons. Premièrement, près de 60 % de la population ambitieuses que les stratégies en matière de TIC. La connectivité mondiale n’a toujours pas accès au web et ne peut pas parti- pour tous reste un objectif important et un énorme défi, mais les ciper pleinement à l’économie numérique. En outre, au sein de pays doivent aussi créer les conditions requises pour tirer profit chaque pays, des fractures numériques persistent selon le sexe, de la technologie. Faute de compléments analogiques, l’effet de la situation géographique, l’âge et les revenus. Deuxièmement, ces stratégies sur le développement sera décevant. En revanche, certains des avantages supposés de l’internet sont neutralisés si les pays établissent un socle analogique solide, ils profiteront par de nouveaux risques. Les intérêts particuliers des entre- grandement de la révolution numérique – croissance plus prises, les incertitudes réglementaires et la contestation limitée rapide, emplois plus nombreux et services de meilleure qualité. ligne bien conçues aident les travailleurs à améliorer leurs compétences  ; les nouvelles plateformes média- Le numérique : tiques peuvent accroître la participation citoyenne  ; et, transformations et fractures les ferments numériques — systèmes financiers numé- L’internet et les technologies connexes ont atteint les riques, systèmes d’identification numérique, médias pays en développement beaucoup plus rapidement sociaux et données en libre accès — procurent des avan- que les innovations technologiques précédentes. Par tages qui se diffusent dans l’ensemble de l’économie et de exemple, il aura fallu 160 ans à l’Indonésie pour récolter la société, et renforcent ainsi les liens entre la technolo- les fruits de l’invention des paquebots, et 60 ans au Kenya gie et ses compléments. pour avoir l’électricité. En revanche, il a suffi de 15 ans au 6 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Figure A.4 La transformation numérique à l’œuvre Des populations connectées En moyenne, 8 personnes sur 10 possèdent un téléphone a. Les technologies numériques se diffusent mobile dans les pays en développement, et cette pro- rapidement dans les pays en développement portion ne cesse d’augmenter. Même dans le quintile 100 inférieur de la population, près de 70  %  disposent d’un portable. C’est en Afrique subsaharienne que le taux de pénétration de la téléphonie mobile est le plus faible, Pourcentage de la population 80 à savoir 73 %, contre 98 % dans les pays à revenu élevé. Cependant, l’adoption de l’internet accuse un retard 60 considérable : 31 % seulement de la population des pays en développement y avaient accès en 2014, contre 80 % dans les pays à revenu élevé. La Chine a le plus grand 40 nombre d’internautes, suivie par les États-Unis. L’Inde, le Japon et le Brésil complètent le top cinq de ce classement. 20 Considéré du point de vue du nombre d’internautes, le monde apparaît plus égalitaire que lorsqu’on l’envisage sous l’angle des revenus (carte A.1), ce qui illustre la mon- 0 dialisation rapide de l’internet. 1990 1995 2000 2005 2010 2015 Meilleur approvisionnement en eau Téléphone mobile Des entreprises connectées Électricité Internet Haut débit mobile Le nombre d’entreprises ayant adopté l’internet a aug- Établissements secondaires Meilleures installations d'hygiène menté dans tous les groupes de pays par niveau de revenu. Dans les pays à revenu élevé de l’OCDE (Organisation de b. Une journée typique sur internet coopération et de développement économiques), près de 9  entreprises sur 10 avaient une connexion internet large bande en 2010–2014, contre 7 dans les pays à revenu 186 millions intermédiaire et 4 dans les pays à faible revenu. Mais les de photos sur 152 millions taux d’adoption de technologies plus complexes comme d’appels par 36 millions INSTAGRAM les serveurs sécurisés, les réseaux d’entreprises, la ges- SKYPE d’achats sur AMAZON tion des stocks et le commerce en ligne sont beaucoup plus faibles dans la plupart des pays en développement. 2,3 milliards de GO de 803 millions de 8,8 milliards TRAFFIC WEB TWEETS Des administrations connectées de vidéos 4,2 milliards de recherches sur Les administrations prennent de plus en plus le train du YOUTUBE numérique et la part des emplois à forte intensité de TIC regardées GOOGLE 207 milliards dans les pays en développement est plus importante dans de COURRIELS le secteur public que dans le privé. Dès 2014, les 193 États envoyés membres de l’Organisation des Nations Unies (ONU) avaient des sites web nationaux, dont 101 permettaient Sources : Indicateurs du développement dans le monde (Banque mondiale, différentes années) ; aux citoyens d’ouvrir un compte personnel en ligne, 73 de équipe du RDM 2016 ; http://www.internetlivestats.com/one-second/ (consulté le 4 avril 2015). déclarer leurs impôts sur le revenu et 60  d’enregistrer Données à l’adresse suivante : http://bit.do/WDR2016-FigO_4. une entreprise. S’agissant des principaux systèmes admi- Note : Au graphique a, pour certaines années, les données concernant l’électricité sont interpolées nistratifs, 190  États membres disposaient de systèmes à partir des données disponibles. GO = gigaoctets. automatisés de gestion financière, 179  utilisaient ces Viet Nam pour se doter d’ordinateurs, et l’introduction de systèmes pour les formalités douanières et 159 pour l’ad- téléphones mobiles et de l’internet n’a pris que quelques ministration de l’impôt. Parmi ceux-ci, 148 employaient années. Dans les pays en développement, les ménages une forme quelconque d’identification numérique et qui possèdent un téléphone mobile sont plus nombreux 20 possédaient des plateformes d’identification numé- que ceux qui ont accès à l’électricité ou à des installations rique polyvalentes. Jusqu’à présent, les pays en dévelop- d’hygiène améliorées (figure A.4, partie a). L’accès accru à pement ont investi davantage dans l’automatisation des l’internet a provoqué une explosion de la production et fonctions administratives que dans les services destinés de la consommation d’informations à travers le monde aux citoyens et aux entreprises. (figure A.4, partie  b). Cependant, alors que l’internet a atteint rapidement la quasi-totalité des pays, il est moins La fracture numérique persiste utilisé dans les pays les plus pauvres, en grande partie en termes d’accès et d’utilisation parce qu’il ne s’y est pas diffusé aussi largement. Enfin, Pour l’essentiel, la majorité de la population mondiale malgré les nombreux excellents exemples d’utilisation reste en marge de la révolution numérique. Environ 15 % des nouvelles technologies dans les pays en développe- seulement de la population a les moyens de payer un ment, celles-ci sont bien mieux exploitées dans les pays accès à l’internet haut débit. Les téléphones mobiles, que avancés5. possèdent près des quatre cinquièmes de la population ABRÉGÉ 7 Carte A.1 L’internet se répartit plus équitablement que les revenus a. En fonction du revenu national, 2014 b. En fonction de la population d’internautes, 2014 IBRD 42010 Source : Banque mondiale. Données disponibles à l’adresse suivante : http://bit.do/WDR2016-MapO_1. Note : Les pays sont redimensionnés en proportion de leur revenu national et de leur population d’internautes. Plus la couleur est sombre, plus le revenu national est élevé (partie a, PIB au taux de change du marché) et plus la population d’internautes est nombreuse (partie b). mondiale, sont le principal moyen d’accéder à l’internet téléphone mobile, et 71 % sont coupés du web. Les écarts dans les pays en développement. Malgré tout, près de entre les 40 % les plus pauvres et les 60 % les plus riches 2 milliards de personnes n’ont pas de téléphone portable, et entre les populations rurales et urbaines se réduisent et près de 60 % de la population mondiale n’a pas accès à pour les téléphones mobiles, mais se creusent pour l’internet. L’Inde et la Chine sont certes les pays les plus l’internet. En Afrique, la fracture numérique entre les concernés, mais plus de 120 millions de personnes ne sont groupes démographiques reste considérable (figure A.6, toujours pas connectées en Amérique du Nord (figure A.5). La fracture numérique peut être aussi profonde au partie  a). Les femmes ont moins de chances que les sein d’un même pays que d’un pays à l’autre. Près de 21 % hommes d’utiliser ou de posséder des outils numériques, des ménages parmi les 40 % de la population située au bas et l’écart est encore plus marqué entre les jeunes (20 %) et de l’échelle des revenus de leur pays n’ont pas accès à un les plus de 45 ans (8 %). 8 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Figure A.5 L’internet reste indisponible, inaccessible et inabordable pour la majorité de la population mondiale a. Accès aux TIC en termes de population b. La population mondiale non connectée Total population mondiale ~7,4 milliards Congo, Rép. dém. du Mexique 68 millions Philippines 63 millions Éthiopie 70 millions Fédération de Russie 95 millions 55 millions Brésil Iran, Rép. isl. d’ Couverte par 98 millions 54 millions des services mobiles Nigéria Myanmar 111 millions 7 milliards 53 millions Bangladesh Viet Nam 148 millions 52 millions Pakistan États-Unis 165 millions 51 millions Téléphones mobiles Indonésie Tanzanie 49 millions 213 millions 5,2 milliards Thaïlande Chine 48 millions 755 millions Égypte, Rép. arabe d’ 42 millions Turquie 41 millions Total Inde Total Pays hors internautes 1,063 milliard internautes 20 premiers 3,2 milliards 3,2 milliards Internet Internet haut haut débit débit 1,1 milliard 1,1 milliard Sources : Banque mondiale, 2015 ; Meeker, 2015; UIT, 2015 ; GSMA, https://gsmaintelligence.com/ ; Division de la population de l’ONU, 2014. Données disponibles à l’adresse suivante : http://bit.do/WDR2016-FigO_5. Note : L’internet haut débit (à large bande) comprend le nombre total d’abonnements à une connexion fixe large bande (par DSL, modems câbles, fibre optique, etc.) et le nombre total d’abonnements à des services mobiles 4G/LTE, auxquels il faut appliquer un facteur de correction pour tenir compte des abonnés aux deux types de service. 4G = quatrième génération ; DSL = ligne d’abonné numérique ; TIC = technologies de l’information et de la communication ; LTE = évolution à long terme. L’accroissement de la connectivité n’a pas vérita- obtenir des informations, et non pas pour des transactions. blement permis de réduire les inégalités en termes De plus, leur utilisation de la cyberadministration est d’information. Par exemple, on compte davantage de très inégale : les citoyens appartenant au quintile supé- contributions à Wikipédia depuis la RAS de Hong Kong rieur de revenus dans le pays de l’UE le plus connecté (Chine) que depuis l’ensemble de l’Afrique, alors que ce ont 45 fois plus de chances d’utiliser des services en continent compte 50  fois plus d’internautes6. De plus, ligne que ceux du quintile inférieur de revenus dans le volume d’informations publiées sur le web et leur le pays de l’UE le moins connecté (figure A.6, partie  b). origine correspondent souvent à ce que l’on observe Au niveau des pays, ce sont les personnes instruites, en dehors de l’internet. On constate par exemple que ayant un emploi, habitant les villes, de sexe masculin et 85  % des contenus générés par les utilisateurs et ayant un accès au haut débit qui recourent le plus aux indexés par Google viennent des États-Unis, du Canada services administratifs électroniques. et d’Europe, ce qui correspond à la part des revues scien- tifiques internationales publiées dans ces pays. De fait, Comment l’internet favorise le volume d’informations produites et consommées dans l’économie numérique a peu de conséquences sur le développement le nombre d’utilisateurs de technologies numériques. Dans le domaine de l’information, les technologies Dans un monde où près d’un cinquième de la popula- numériques ont considérablement élargi les sources, tion est illettrée, la diffusion des technologies numé- réduit les coûts et créé des biens. Ce faisant, elles ont riques a peu de chances, à elle seule, de marquer la fin facilité la recherche, la comparaison et le partage des du fossé du savoir. informations et contribué à renforcer les liens et la Les pays qui sont parvenus à combler le fossé de collaboration entre les agents économiques en influant l’accès au numérique sont souvent confrontés à une sur la façon dont les entreprises fonctionnent, les nouvelle fracture, celle des capacités numériques. Au individus cherchent des opportunités et les citoyens sein de l’Union européenne (UE), les entreprises sont communiquent avec l’administration. Cette évolution plus portées que les citoyens à employer l’internet pour ne se limite pas aux opérations économiques, mais elle dialoguer avec les administrations. Les citoyens ont agit aussi sur la participation des femmes à la vie active, recours à la cyberadministration essentiellement pour la capacité des personnes handicapées à communiquer ABRÉGÉ 9 Figure A.6 La fracture de l’accès au numérique est profonde en Afrique, et celle des capacités est profonde dans l’Union européenne a. Afrique b. Union européenne La fracture numérique peut être profonde au sein des pays Les ménages pauvres ont moins recours à la cyberadministration que les riches a. Afrique b. Union européenne 25 100 Individus ayant accès à l’internet (%) % des individus (de 16 à 74 ans) 20 80 15 60 10 40 45:1 5 20 0 0 40 % 60 % Mûrs Jeunes Ruraux Urbains Femmes Hommes les plus les plus (45+) (15-24) 0 20 000 40 000 60 000 80 000 pauvres riches PIB par habitant (USD) Échelle Âge Localisation Sexe des revenus Quartile de revenu supérieur Deuxième quartile (ménages) Troisième quartile Quartile inférieur Sources : Équipe du RDM 2016, à partir de données de Research ICT Africa (différentes années), de l’UIT et d’Eurostat (CE, différentes années). Données disponibles à l’adresse suivante : http://bit.do/WDR2016-FigO_6. Note : Pour plus d’informations, voir figure 2.4 dans le rapport principal. et la façon d’occuper le temps de loisir. En surmontant Figure A.7 L’internet favorise le développement les obstacles à la circulation de l’information, en donnant de trois grandes façons plus de poids à certains facteurs et en transformant les produits, les technologies numériques peuvent rendre TECHNOLOGIES le développement plus inclusif, efficace et innovant NUMÉRIQUES (figure A.7 et encadré A.2). Le spotlight 1 du rapport com- plet examine plus généralement les liens entre ces trois mécanismes dans les publications économiques. L’internet favorise l’inclusion Avant l’avènement de l’internet, certaines transactions Recherche Automatisation Économies d’échelle étaient si coûteuses qu’elles n’avaient pas de marché. et information et coordination et plateformes Deux types de transactions appartiennent à cette catégorie  : i) lorsque deux parties à une transaction potentiellement rentable ne se connaissaient pas du tout et devaient consacrer des sommes exorbitantes à INCLUSION EFFICACITÉ INNOVATION la recherche et l’information  ; ii) lorsqu’une partie pos- sédait beaucoup plus d’informations que l’autre. Dans les publications économiques, on parle d’asymétrie de Source : Équipe du RDM 2016. l’information entre acheteurs et vendeurs et, faute de confiance et de transparence, beaucoup de transactions pas les moyens de contacter un acheteur potentiel dans un ne sont pas réalisées. autre pays et qui ignore si elle peut faire confiance à un En diminuant les coûts d’acquisition de l’information nouveau partenaire commercial, ou d’un travailleur indé- et en rendant un plus grand nombre d’informations pendant disposé à réaliser de petits travaux rémunérés, disponibles en toute transparence, les technologies ou du propriétaire d’un logement qui souhaite louer une numériques ouvrent la voie à de nouvelles transactions7. chambre vacante à des touristes, ou encore de populations Prenons l’exemple d’un agriculteur pauvre qui n’a pas isolées ou marginalisées qui ne bénéficient pas de services accès au crédit parce que les prêteurs n’ont aucun moyen publics. Dans tous ces cas, à cause d’un déficit fondamen- d’évaluer sa solvabilité, ou d’une petite entreprise qui n’a tal d’information, il est difficile de conclure une affaire ou 10 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Encadré A.2 Le commerce électronique à la chinoise : inclusion, efficacité et innovation dans les villages Taobao Le phénomène observé à Shaji est la meilleure illustration de la plateformes de commerce électronique entre entreprises. Ces croissance dynamique et de la diffusion rapide du commerce plateformes facilitent les échanges à l’intérieur des filières et électronique en Chine. D’une économie basée sur l’élevage d’une filière à l’autre dans le secteur déjà florissant de la pro- porcin dans les années  80, le village de Dongfeng dans la duction en Chine, ainsi que dans celui des exportations. Elles commune de Shaji (province du Jiangsu) est passé au recyclage aident aussi les entreprises étrangères à vendre en Chine, et des déchets plastiques dans les années 90. En 2006, un émigré les consommateurs profitent de la variété et de la commodité de retour au village ouvre une boutique en ligne de meubles qu’offrent les sites en ligne de vente au détail. Le cybercom- ordinaires. Son succès encourage d’autres villageois à faire de merce a non seulement contribué à accroître les revenus en même et dès la fin de 2010, le village compte 6 ateliers de fabri- milieu rural, mais il a aussi facilité les achats. Dans les localités cation de panneaux, 2 ateliers de pièces métalliques, 15 entre- rurales, le pouvoir d’achat ne représente qu’un tiers environ de prises de logistique et de transport et 7 magasins d’ordinateurs celui des villes, mais la consommation globale des 650 millions desservant 400 ménages engagés dans la vente en ligne par- de ruraux chinois est importante et contribue à l’objectif national tout en Chine, et même dans les pays voisins. Shaji est l’un des qui consiste à passer d’une économie axée sur les exportations premiers «  villages Taobao  » — du nom d’une plateforme de et les investissements à une économie plus tournée vers la commerce en ligne gérée par le groupe Alibaba — où au moins consommation. Enfin, l’essor du commerce en ligne a fait naître 10 % des ménages font du commerce électroniquea. Les villages de nombreuses entreprises de logistique qui assurent des livrai- Taobao, et plus généralement l’essor du commerce électronique sons rapides, parfois par bicyclette dans les villes et villages. en Chine, montrent comment l’internet favorise l’inclusion, l’ef- ficacité et l’innovation. Innovation. Taobao et d’autres plateformes de commerce élec- tronique sont des exemples d’innovations réalisées grâce aux Inclusion. Alors que l’économie des zones urbaines côtières de économies d’échelle obtenues lorsque les coûts de transaction Chine se développait rapidement ces 30 dernières années, les baissent considérablement. Ces plateformes étant entièrement régions rurales et occidentales du pays ont pris du retard. Les automatisées, les frais peuvent rester bas, et leur fonctionne- gros investissements dans la connectivité rurale commencent ment est souvent financé uniquement par la publicité. Toutefois, cependant à porter leurs fruits. Plus de 90 % des villages auront certaines questions — comme instaurer la confiance sur le un accès au haut débit fixe d’ici la fin de 2015. Le commerce en marché et prévenir la fraude — ne peuvent pas être résolues ligne permet aux producteurs des villes et des villages de par- uniquement par l’automatisation. Dans ces cas, les mécanismes ticiper à l’économie nationale, voire mondiale. À la fin de 2014, de notation en ligne, de dépôt fiduciaire et de règlement des plus de 70  000  commerçants travaillaient dans 200  villages conflits sont autant de solutions possibles. L’un des atouts les Taobao, et bien plus dans d’autres régions rurales. La plupart des plus précieux d’Alibaba et d’autres opérateurs de commerce en magasins sont de petite taille, avec en moyenne 2,5 employés. ligne sont les données qu’ils accumulent. Chaque transaction est Un tiers environ des propriétaires sont des femmes, et un cin- un moyen de mieux connaître l’économie et le comportement quième n’avait pas d’emploi auparavant. Environ 1 % d’entre eux des clients. Ces informations facilitent la création de nouvelles sont handicapés. L’un des plus grands «  cyberentrepreneurs  » gammes d’activités, comme les crédits aux petites entreprises d’Alibaba, cloué sur un fauteuil roulant après un accident, a créé accordés sur la base d’une évaluation automatisée de leur sol- un commerce en ligne de produits d’élevage florissant. vabilité. Elles favorisent aussi l’inclusion financière. Au début de 2015 par exemple, Ant Financial, filiale d’Alibaba, s’est associée à Efficacité. En plus des sites de commerce électronique de type la Société financière internationale pour accorder des prêts à des Taobao, Alibaba et d’autres entreprises chinoises exploitent des femmes-chefs d’entreprise en Chine. Source : Équipe du RDM 2016, à partir d’informations du China State Information Center, de la China Association for Employment Promotion et de rapports internes d’Alibaba. a. http://www.alizila.com/report-taobao-villages-rural-china-grow-tenfold-2014. de trouver la solution voulue. Les relevés de téléphones L’internet favorise l’efficacité mobiles, le commerce électronique entre entreprises, l’éco- C’est sans doute sur les transactions qui existaient nomie axée sur le partage, les mécanismes de réputation avant son avènement, mais qu’il a rendues plus rapides, en ligne et les systèmes d’identification numérique sont meilleur marché ou plus commodes, que l’internet a autant de moyens de surmonter ces obstacles à la circula- eu les retombées les plus importantes, de deux façons. tion de l’information. S’ils présentent l’avantage de rendre Premièrement, la baisse spectaculaire du prix des le marché plus efficace, il semble que leur principal intérêt technologies numériques a amené les entreprises et soit l’impact qui en résulte  : développer l’activité com- les administrations à remplacer les facteurs existants merciale, créer des emplois, accroître l’accès aux services — travail et investissements hors TIC — par des inves- publics et favoriser ainsi l’inclusion8. tissements dans les TIC et à automatiser une partie de ABRÉGÉ 11 leurs activités. Les compagnies aériennes utilisent des Figure A.8 Beaucoup de transactions numériques systèmes de réservation en ligne pour remplir leurs font appel aux trois mécanismes et à un marché biface avions. Les supermarchés remplacent les caissières par des caisses automatiques. Les industriels font appel à des systèmes de gestion des stocks et de la chaîne logistique INNOVATION en temps réel. Et les administrations investissent dans des systèmes de gestion de l’information et proposent Plateformes des services en ligne pour effectuer un large éventail de tâches, allant de la délivrance de permis de conduire aux déclarations d’impôts. Deuxièmement, les technologies numériques donnent INCLUSION EFFICACITÉ plus de poids aux facteurs qui ne sont pas remplacés et les rendent plus productifs. Elles aident les cadres à mieux superviser les ouvriers, les politiciens à contrôler les pres- Vendeurs Acheteurs tataires de services, et les travailleurs à mettre la techno- logie à profit pour devenir plus productifs, ce qui accroît Chauffeurs, hôtes Économie Passagers, visiteurs le rendement du capital humain. En simplifiant les tâches à la demande/ et indépendants et petites entreprises et en augmentant la productivité des facteurs existants, du partage l’internet peut considérablement améliorer la rentabilité Demandeurs d’emplois, Employeurs, des entreprises, des travailleurs et des administrations. voyageurs, entrepreneurs Plateformes compagnies aériennes d’appariement et artistes et hôtels, investisseurs L’internet favorise l’innovation Commerce en ligne Commerçants et Clients et bénéficiaires Dans une situation poussée à l’extrême, on parvient à et paiements expéditeurs (argent) (argent) l’efficacité maximale lorsque les transactions sont réa- numériques lisées automatiquement, sans intervention humaine, Source : Équipe du RDM 2016. et que les coûts de transaction sont quasiment nuls. C’est le domaine de la «  nouvelle économie  », celui de plateformes de recherche ou de commerce électronique, ou de services en ligne font appel à une plateforme ou à un de systèmes de paiement numérique, de livres électro- modèle de marché « biface ». Les plateformes mettent les niques, de musique en ligne et de médias sociaux. Les acheteurs en contact avec les vendeurs, ou un usager avec coûts fixes de la mise en place de ces plateformes sont un prestataire de services. Dans un service de covoiturage, sans doute élevés, mais le coût marginal de la réalisation la plateforme associe automatiquement les conducteurs d’une autre transaction ou de l’ajout d’un utilisateur est aux passagers (innovation), les conducteurs profitent très faible. Ainsi, les rendements d’échelle augmentent, d’une activité rémunératrice souple qui serait autrement ce qui encourage de nouveaux modèles commerciaux et inaccessible (inclusion), et les passagers bénéficient d’une procure un avantage notable aux entreprises en ligne qui plus grande commodité et souvent de prix plus bas (effi- rivalisent avec des concurrents conventionnels. Le coût cacité). Les sites de financement participatif, d’apparie- marginal nul attire de nouveaux vendeurs et de nou- ment des offres et demandes d’emploi, de colocation et de veaux acheteurs sur les plateformes de ces entreprises, et musique fonctionnent de la même façon (figure A.8). crée un effet de réseau vertueux grâce auquel l’avantage pour l’acheteur augmente à mesure qu’un plus grand nombre de vendeurs se joint au réseau, et vice-versa. Les dividendes : croissance, Plus les vendeurs utilisent un site d’enchères, plus ce emplois et prestation site attire d’enchérisseurs. De même, plus un moteur de recherche est sollicité, plus il apprend et devient efficace. de services Les rendements d’échelle et les coûts marginaux nuls Les avantages des technologies numériques se pro- expliquent aussi pourquoi beaucoup de réseaux sociaux pagent dans l’ensemble de l’économie (figure A.9). L’inter- sont devenus l’instrument de mobilisation sociale et net favorise l’inclusion des entreprises dans l’économie de protestations politiques de prédilection. En rendant mondiale en développant les échanges, augmente la possible une collaboration et des communications pra- productivité du capital et intensifie la concurrence sur tiquement sans friction, l’internet peut favoriser de nou- le marché, ce qui stimule l’innovation. Il offre des pos- veaux modèles de prestation de services, encourager des sibilités aux ménages en créant des emplois, a un effet actions collectives et accélérer l’innovation. multiplicateur sur le capital humain et crée une rente L’édition 2016 du Rapport sur le développement dans le pour le consommateur. Il facilite l’accès des citoyens monde donne de nombreux exemples qui montrent com- aux services publics, renforce les capacités des pouvoirs ment l’internet favorise l’inclusion, l’efficacité et l’innova- publics et sert de plateforme sur laquelle les citoyens tion. Dans l’économie de l’internet, ces trois mécanismes peuvent aborder des questions d’action collective. Ces fonctionnent souvent de concert. C’est pourquoi les avantages ne sont ni automatiques ni garantis, mais les concordances individuelles illustrées à la figure A.7 sim- technologies numériques ont souvent des effets positifs plifient une réalité plus complexe. Beaucoup d’entreprises considérables. 12 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Figure A.9 Comment les trois mécanismes donc difficile d’isoler l’effet des technologies numériques s’appliquent aux entreprises, aux individus de façon globale. Une analyse réalisée au niveau des entreprises permet de dresser un tableau plus fiable9  : et aux administrations l’internet permet à de nombreuses petites entreprises TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES de participer aux échanges internationaux et donc de mieux s’intégrer  ; rend le capital existant plus produc- tif ; accroît l’efficacité ; et, en stimulant la concurrence, encourage l’innovation. INCLUSION EFFICACITÉ INNOVATION Accroître les échanges Grâce à l’internet, plus de produits peuvent être exportés vers un plus grand nombre de marchés, généralement par Utilisation des entreprises plus jeunes. On constate qu’une hausse ENTREPRISES Échanges Concurrence du capital de 10 % de l’usage de l’internet dans un pays exportateur Perspectives Productivité de Bien-être des augmente de 0,4 % le nombre de produits échangés entre INDIVIDUS d’emploi la main-d’œuvre consommateurs deux pays. Une hausse analogue de l’usage de l’internet dans un couple de pays augmente de 0,6  % la valeur Capacités du Moyens ADMINISTRATION Participation moyenne du commerce bilatéral par produit10. Les entre- secteur public d’expression prises qui vendent sur eBay en Afrique du Sud, au Chili, Source : Équipe du RDM 2016. en Jordanie et au Pérou sont plus jeunes que celles qui ne vendent pas en ligne11. Au Maroc, des artisans ruraux, L’internet peut accroître les échanges, dont certains sont illettrés, vendent dans le monde entier améliorer l’utilisation du capital par l’intermédiaire de la plateforme d’artisanat Anou. et renforcer la concurrence À l’autre extrémité du spectre, les entreprises échangent Le secteur des TIC occupe une place relativement faible sur des sites commerciaux internationaux comme dans l’ensemble de l’économie. Il représente environ 6 % Alibaba, dans un marché en ligne qui pourrait représen- du PIB des pays membres de l’OCDE, et beaucoup moins ter plus de 6 000 milliards de dollars au cours des cinq dans les pays en développement (figure  A.10, partie a). prochaines années. Les plateformes en ligne permettent Aux États-Unis, où se trouvent 8 des 14 plus grandes de résoudre les problèmes de confiance et d’information entreprises de technologie en termes de chiffre d’affaires, grâce à des systèmes d’avis et de notation, et en propo- la part du secteur des TIC dans le PIB se situe autour de sant des dispositifs de dépôt fiduciaire et de règlement 7 %. Elle est de 12 % en Irlande, un pays qui ne prétend des différends. Un commerce plus aisé de produits pas avoir sa Silicon Valley, mais qui attire de nombreuses intermédiaires encourage à « dégrouper » davantage les entreprises étrangères grâce à son climat des affaires processus de production, non seulement sur les marchés concurrentiel et à une fiscalité favorable. Au Kenya, qui de biens, mais aussi sur ceux des services12. En Inde, accueille l’un des secteurs des TIC les plus importants en Jamaïque et aux Philippines, les entreprises ont d’Afrique, la valeur ajoutée des services de TIC dans le conquis une part de ces marchés mondiaux de services PIB était de 3,8 % en 2013. qui vont de services administratifs traditionnels à des La contribution des investissements dans les TIC à offres de tutorat en ligne et à distance. la croissance du PIB a été relativement constante ces 20 dernières années. Dans les pays à revenu élevé, elle a Améliorer l’utilisation du capital été ramenée de 0,7 % en 1995–1999 à 0,4 % en 2010–2014 L’impact le plus important de l’internet sur la croissance (figure  A.10, partie b). Dans les pays en développement, vient sans doute du fait qu’il réduit les coûts et augmente elle était relativement faible (de l’ordre de 15  %), ce qui par conséquent la productivité du travail et la rentabilité indique que les technologies numériques y ont été moins dans la quasi-totalité des secteurs de l’économie. Une largement adoptées. Cependant, compte tenu de l’expan- information de meilleure qualité aide les entreprises à sion rapide du numérique dans le monde en dévelop- mieux utiliser la capacité existante, à optimiser la ges- pement, cette contribution est appelée à augmenter. En tion des stocks et des chaînes logistiques, à diminuer outre, la contribution indirecte des investissements dans la durée d’immobilisation des biens d’équipement et à les TIC à la croissance économique, sous la forme d’une réduire les risques. Dans le transport aérien, des algo- amélioration de la productivité totale des facteurs, pour- rithmes complexes de réservation et de tarification ont rait être elle aussi importante, bien qu’on ne dispose pas amélioré d’un tiers environ le coefficient d’occupation encore de données rigoureuses reliant ces deux éléments. des vols intérieurs aux États-Unis entre 1993 et 2007. L’adoption rapide des technologies numériques par L’entreprise de distribution de colis UPS est réputée l’économie signifie que leurs avantages sont largement pour son utilisation d’algorithmes d’acheminement répandus et leurs effets indirects sur la croissance diffi- intelligents qui évitent aux camions de prendre des ciles à estimer. Tout comme l’énergie ou les transports, virages à gauche, ce qui leur fait gagner du temps et l’internet est devenu un élément essentiel de l’infrastruc- économiser environ 4,5  millions de litres d’essence par ture des pays, et un facteur de production pour la qua- an. De nombreux détaillants intègrent aujourd’hui leurs si-totalité des activités des économies modernes. Il est fournisseurs dans la gestion en temps réel de leur chaîne ABRÉGÉ 13 Figure A.10 La taille du secteur des TIC et sa part dans la croissance du PIB sont encore relativement limitées a. Part dans le PIB, b. Contribution à la croissance pays de l’OCDE, 2011 du PIB, 1995–2014 14 7 12 6 10 5 Pourcentage Pourcentage 8 4 6 3 4 2 2 1 0 0 Ja de ya Su on e se Ét ong i bo s Es urg S ie p. inl de p. va e D chè ue em ue an k Al Fra a m ce G as ce pa ie lg e Isl que l e r e or al e Lu ts rie ys e tri e ép e H -Un 9 4 9 4 9 4 9 4 m ni ov e C ar Po ogn Ré slo nd Pa agn Be gn Po nd Au vèg ch , R nd ad Es én n N tug um is rè le n -B S l Itali 99 00 00 01 99 00 00 01 t q an q Ré F uè p xe -U to . i a a ée Irla –1 –2 –2 –2 –1 –2 –2 –2 a 95 00 05 10 95 00 05 10 Ro or 19 20 20 20 19 20 20 20 C Moyenne OCDE (6 %) Pays développés Pays en développement Investissements Tous les autres facteurs dans les TIC Sources : OCDE 2014 ; Conference Board Total Economy Database, janvier 2014 ; équipe du RDM 2016. Données disponibles à l’adresse suivante : http://bit.do/WDR2016-FigO_10. Note : PIB = produit intérieur brut ; TIC = technologies de l’information et de la communication ; OCDE = Organisation de coopération et de développement économiques. logistique pour réduire leurs frais de stockage. Au Viet Figure A.11 Les entreprises vietnamiennes Nam, les entreprises qui font du commerce en ligne qui font du commerce électronique affichent en moyenne une hausse de la productivité affichent une PTF plus élevée, 2007–2012 totale des facteurs supérieure de 3,6 points de pourcen- tage à celle des entreprises qui n’en font pas (figure A.11). 4 Les entreprises automobiles chinoises qui sont les utili- Points de pourcentage satrices les plus averties de l’internet renouvellent leur 3 stock cinq fois plus vite que leurs concurrentes moins rompues à l’internet. Enfin, le Botswana et l’Uruguay 2 sont dotés de systèmes d’identification et de traçage du bétail uniques en leur genre qui répondent aux critères d’exportation du bœuf vers l’Union européenne, tout en 1 rendant le processus de production plus efficace. 0 Effet de la Effet de la PTF Renforcer la concurrence productivité de sur la croissance la main-d’œuvre Lorsque des services pleinement automatisés faisant sur la croissance appel à l’internet suppriment les coûts de transaction Commerce électronique marginaux, les conséquences sur la structure du marché Usage de l’internet sont assez ambiguës. De faibles coûts marginaux sup- Source : Nguyen et Schiffbauer (2015) pour le RDM 2016. Données posent de grandes économies d’échelle, qui favorisent disponibles à l’adresse suivante : http://bit.do/WDR2016-FigO_11. les monopoles naturels. Dans le monde non connecté, Note : Pour plus d’informations, voir figure 1.9 du rapport principal. ces secteurs — celui de la production d’électricité par PTF = productivité totale des facteurs. exemple — exigent souvent une certaine forme de régu- lation pour protéger les intérêts des consommateurs. de recherche, de leur situation géographique ou d’autres Cependant, les caractéristiques des services sur inter- informations recueillies sur ceux-ci. net peuvent aussi encourager le jeu de la concurrence. L’internet peut aussi faciliter la pénétration sur les Ainsi, les sites comparateurs de prix sont censés réduire marchés. Les entreprises en ligne peuvent démarrer et les prix pour les consommateurs, même si les données passer rapidement à une échelle plus grande avec des montrent qu’une dispersion des prix persiste sur le web, effectifs ou des investissements en capital relativement en partie du fait que les entreprises réussissent mieux à faibles. L’informatique en nuage — la location de services différencier les prix, en proposant différents tarifs à dif- informatiques et de stockage de données — diminue les férents consommateurs en fonction de leur historique coûts de démarrage et permet aux entreprises d’accroître 14 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 leur capacité en fonction des besoins, ce qui réduit aussi données révèle que ce sont les personnes qui sont déjà les le risque pour les investisseurs. Bien que de nombreuses plus aisées qui en profitent le plus (tableau A.1). Celles qui entreprises en ligne semblent fonctionner sur des mar- possèdent les compétences nécessaires pour tirer parti chés distincts, la plupart, sinon toutes, rivalisent avec des de la technologie seront avantagées. Toutefois, même entreprises non connectées. Les applications de message- les pauvres en bénéficient dans une certaine mesure, rie instantanée font concurrence aux autres moyens de grâce à la création d’emplois et à un accès plus aisé au télécommunications, les moteurs de recherche et les sites travail et aux marchés. Lorsque les pouvoirs publics et le de médias sociaux se disputent les recettes publicitaires secteur privé parviendront à mieux adapter les services avec les médias traditionnels, les entreprises de commerce numériques aux pauvres, ces avantages augmenteront en ligne font concurrence aux entreprises convention- vraisemblablement. nelles et l’argent mobile fait concurrence aux banques classiques. Les innovations suscitées par cette concur- Création d’emplois rence entre les entreprises en ligne et les autres profitent Le nombre d’emplois directs créés grâce aux technolo- globalement aux consommateurs, en particulier lorsque gies numériques est assez limité, mais ce qu’elles ont les marchés hors ligne connaissent des distorsions. Les contribué à créer peut être important. Dans les pays entreprises de services de transport comme Uber, Lyft, en développement, le secteur des TIC n’emploie en Olacab et Didi-Kuaidi Dache ont bouleversé les secteurs moyenne que 1 % environ de la population active : moins des taxis, qui sont généralement confrontés à une régle- de 0,5 % en Bolivie et au Ghana, et un peu moins de 2 % en mentation excessive, des restrictions d’accès et des prix Colombie et au Sri Lanka. Dans les pays de l’OCDE, envi- élevés. De même, TransferWise et Xoom ont réduit les ron 3 à 5 % des emplois sont dans ce secteur. Instagram, rentes réglementaires dans le secteur financier et diminué une application de partage de photographies, avait seu- le prix des transferts internationaux dans une proportion lement 13 employés en 2012 lorsqu’elle a été achetée par pouvant atteindre 90  %. En Ouganda, avec eKeebo, des Facebook pour 1 milliard de dollars. À l’époque, Facebook cuisiniers indépendants ou amateurs fournissent et par- comptait 5 000 employés, contre 145 000 chez Kodak aux tagent des repas faits maison, et se passent ainsi d’une grandes heures de la pellicule photo dans les années 90. licence d’exploitation de restaurant. Pourtant, la valeur boursière de Facebook est plusieurs fois supérieure à celle de Kodak à l’époque13. Cependant, L’internet favorise la création d’emplois les emplois dans le secteur des TIC sont généralement et rend les travailleurs plus productifs bien rémunérés et, aux États-Unis, chaque emploi dans Les individus souhaitent ardemment communiquer et les technologies de pointe crée 4,9 emplois dans d’autres se connecter. De toute évidence, l’avantage en termes de secteurs14. Au Kenya, le système de paiement numérique bien-être personnel d’un accès à la technologie numé- M-Pesa assure des revenus supplémentaires à plus de rique est énorme. Cet accès accroît-il aussi les opportuni- 80 000 agents. Et en Chine, le State Information Center tés économiques de chacun ? C’est un fait certain que les estime que l’essor récent du secteur du commerce en téléphones mobiles et l’internet sont utilisés davantage ligne dans le pays a créé 10 millions d’emplois dans des à des fins sociales que professionnelles. Cependant, des magasins en ligne et des services connexes, soit 1,3  % travaux récents montrent que les utilisateurs en tirent des emplois du pays. En outre, de nouvelles opportuni- aussi des avantages économiques tangibles. S’il est dif- tés de création d’entreprises et d’emplois indépendants ficile de les quantifier, une évaluation qualitative des s’ouvrent rapidement dans l’économie numérique. Tableau A.1 Tableau de bord des avantages des technologies numériques pour les travailleurs et les consommateurs Effet jusqu’à présent Effet potentiel Catégorie Pauvres Autres Pauvres Autres Création d’emplois Secteur et professions des TIC Négligeable L Négligeable L Secteurs utilisateurs de TIC L M L M Accroissement de la productivité des travailleurs Rendement accru du capital humain L M L H Connection des individus avec les emplois M H H H et les marchés Avantages pour les consommateurs Augmentation de la rente des consommateurs M H H H Source : Équipe du RDM 2016. Note : Le terme pauvre désigne le quintile inférieur sur l’échelle de revenus. Les différents effets rappellent l’analyse faite au chapitre 2 du rapport principal et proviennent d’une évaluation qualitative des données. TIC = technologies de l’information et de la communication. L = faible ; M = Moyen ; H = élevé. ABRÉGÉ 15 Encadré A.3 Combler la fracture du handicap grâce aux technologies numériques Plus d’un milliard de personnes souffrent de handicaps à travers services de minimessages (SMS), de messagerie instantanée, le monde, et 80 % d’entre elles vivent dans des pays en déve- de relais téléphonique et de sous-titrage réduisent les pro- loppement. Les personnes handicapées ont des difficultés à blèmes de communication des personnes ayant des troubles de communiquer, échanger, accéder à des informations et partici- l’audition et de la parole. Les interfaces de navigation en mode per à des activités civiques. Les technologies numériques aident mains libres et à commande gestuelle aident les personnes à surmonter certains de ces obstacles. Elles rendent possible de à mobilité très réduite à utiliser des appareils numériques. multiples moyens de communication — voix, textes et gestes — Cependant, le simple fait que la technologie existe ne suffit pour accéder aux informations et dialoguer avec les autres. pas à combler le déficit d’intégration socioéconomique des Les fonctions de reconnaissance vocale, d’agrandissement et personnes handicapées. Il faut mettre en place un écosystème de synthèse de la parole profitent aux personnes ayant des favorable pour encourager la mise en œuvre de technologies troubles visuels, cognitifs, d’apprentissage et de mobilité. Les numériques accessibles. Source : Raja (2015), pour le RDM 2016. En réduisant les coûts de transaction, l’internet accroît 15 % pour chaque année supplémentaire d’enseignement les débouchés pour les personnes qui ont de la peine à supérieur dans les pays en développement. trouver des emplois ou des activités productives, et favo- Les plus grands avantages que les technologies rise l’intégration des femmes, des personnes handicapées numériques vont procurer aux pauvres proviendront et des habitants des localités isolées (encadré A.3). L’initia- sans doute de la baisse des coûts d’information et de tive Impact Sourcing permet aux pauvres et aux personnes recherche. La technologie peut informer les travailleurs vulnérables de trouver des emplois sur internet. En Inde, sur les prix, les intrants ou les nouvelles technologies de l’État de Kerala a mis en place le projet Kudumbashree façon plus rapide et moins coûteuse, et réduire ainsi les dans le but d’externaliser des services informatiques à frictions et les incertitudes15. Elle évite des déplacements des coopératives de femmes issues de familles pauvres, coûteux, libère du temps pour travailler et réduit les dont 90  % n’avaient jamais travaillé en dehors de chez risques de délits ou d’accidents de la route (encadré A.4)16. elles. Samasource et Rural Shores mettent en relation L’exploitation de la technologie pour obtenir des des clients aux États-Unis et au Royaume-Uni avec des informations sur les prix, la qualité des sols, la météo et travailleurs au Ghana, en Haïti, en Inde, au Kenya et en de nouvelles techniques, ainsi que pour coordonner les Ouganda. Parmi les cybertravailleurs du monde entier qui actions avec les négociants, est largement attestée dans utilisent la plateforme Elance (qui fait partie d’Upwork), l’agriculture (voir le point sector focus 1 dans le rapport 44 % sont des femmes, et beaucoup souhaitent concilier complet). Au Honduras, les agriculteurs qui reçoivent vie professionnelle et vie de famille. Une enquête réalisée par minimessages (SMS) des sur les prix du marché pour ce rapport auprès de cybertravailleurs révèle que font état d’une plus-value de 12,5 % pour leurs produits17. la possibilité de travailler de chez eux avec des horaires Au Pakistan, grâce aux téléphones mobiles, les agri- flexibles est le plus gros avantage du travail en ligne. culteurs se tournent vers des cultures de rapport plus périssables, mais aussi plus rentables, et réduisent de 21 à Accroissement de la productivité du travail 35  % les pertes après récolte18. La diminution de l’asy- Pour l’économie dans son ensemble, l’effet le plus profond métrie de l’information a généralement plus d’effet de l’internet sur les individus est sa capacité à rendre les lorsqu’elle permet d’obtenir des informations sur des travailleurs plus productifs. En transférant aux technolo- marchés distants, ou si elle bénéficie à des agriculteurs gies les tâches routinières et répétitives, les travailleurs se défavorisés qui ont plus de mal à accéder à l’information19. concentrent sur des activités à plus forte valeur ajoutée. En utilisant judicieusement les cours en ligne ouverts Plus de rente pour les consommateurs à tous (MOOC) ou des outils d’enseignement en ligne Là où l’internet entraîne l’automatisation totale des ser- comme la Khan Academy, les enseignants passent plus de vices, de nombreux emplois sont supprimés. Il reste en temps à échanger et à travailler avec les élèves à la traîne. effet peu d’agents de voyage, de libraires ou d’employés Les chercheurs peuvent consacrer plus de temps à réflé- de disquaires. Cependant, la même dynamique constitue chir et à innover, au lieu de chercher des informations ou une aubaine pour les consommateurs. De nouveaux refaire des travaux déjà réalisés par d’autres. Enfin, les biens et services numériques voient le jour — livres élec- cadres peuvent travailler plus facilement avec des équipes troniques, musique numérique et moteurs de recherche. dans d’autres pays. Ce sont les personnes les plus quali- De plus, l’internet a transformé des services existants fiées qui profitent le plus de ces avantages. C’est d’ailleurs (services de taxis et d’hôtellerie, de santé, d’éducation le meilleur moment d’être un travailleur hautement qua- et commerce de détail), et a accru l’éventail de biens et lifié, car le rendement de l’éducation reste élevé — près de services disponibles, notamment dans le domaine des 16 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Encadré A.4 Dividendes du numérique pour le milliard le plus pauvre Les pauvres bénéficient certes des technologies numériques, un mois d’accès internet représente plus de 1,5 fois le revenu mais peu si l’on considère leur véritable potentiel. Dans les pays annuel par habitant. Même les téléphones mobiles sont chers : en en développement, près de 7 personnes sur 10 possèdent un télé- Afrique, le propriétaire médian d’un téléphone mobile consacre phone mobile dans le quintile inférieur de la population, ce qui plus de 13 % de son revenu mensuel à ses appels téléphoniques et améliore leur accès aux marchés et aux services. Dans les régions ses envois de SMS. En outre, beaucoup de pauvres ne possèdent rurales du Niger, les informations sur les prix agricoles obtenues pas les compétences de base en lecture, écriture et calcul qui sont grâce aux téléphones mobiles réduisent les coûts de recherche nécessaires pour utiliser l’internet. Au Mali et en Ouganda, les trois de 50 %a. Dans le Pérou rural, l’accès aux téléphones mobiles a quarts environ des élèves du niveau trois du primaire ne savent augmenté de 11  % la consommation réelle des ménages entre pas lire. En Afghanistan et au Niger, 7 adultes sur 10 sont illettrés. 2004 et 2009, et réduit la pauvreté de 8 points de pourcentage Dans les pays avancés, les pauvres doivent s’attendre à et l’extrême pauvreté de 5,4 points de pourcentageb. une stagnation de leurs salaires et à des opportunités réduites, Les pauvres peuvent tirer profit des technologies numériques contraints qu’ils sont de plus en plus de rivaliser avec des tra- même lorsqu’ils ne possèdent pas de téléphone mobile ou d’or- vailleurs évincés de leur emploi par l’automatisation. De plus, dinateur. Par exemple, en donnant à des millions de pauvres une les technologies numériques peuvent aggraver les disparités identité officielle, l’identification numérique accroît leur accès à socioéconomiques. Par exemple, le vote par internet sur des une quantité de services publics et privés. À Narma Dih, un vil- projets de budget municipal dans l’État du Rio Grande do Sul au lage de l’État du Bihar (Inde) sans électricité ni route praticable Brésil et la participation des citoyens à des initiatives, telles que en tout temps, les agriculteurs pauvres bénéficient de services que U-Report en Ouganda montrent que les nouveaux utilisa- de vulgarisation agricole numériques assurés par Digital Green, teurs sont généralement des hommes, des jeunes, des diplômés une organisation non gouvernementale (ONG) qui dispense des de l’université et des personnes fortunées : en somme, ceux qui formations à l’aide de vidéos produites localementc. étaient déjà privilégiés avant l’avènement de l’internetd. Malgré tout, les pauvres ne recueillent qu’une petite partie Grâce aux progrès rapides de la technologie, les pauvres vont des dividendes du numérique. Alors que la majorité d’entre eux de plus en plus avoir les moyens de payer l’accès à l’internet et possèdent un téléphone mobile, ils n’ont pas accès à l’internet, ou d’utiliser de nombreux services numériques. Leur capacité à n’ont pas les moyens de se l’offrir. En Amérique latine, moins d’un recueillir les fruits de ces investissements dépendra cependant ménage sur 10 est connecté au web. En République centrafricaine, dans une large mesure de l’existence de compléments analogiques. Source : Équipe du RDM 2016. a. Aker et Mbiti, 2010. b. Beuermann, McKelvey et Vakis, 2012. c. Chomitz, 2015. d. Spada et al., 2015 ; Berdou et Lopes, 2015. loisirs. Il améliore donc le bien-être des consommateurs, de 3  000  dollars par an grâce à l’internet. En Estonie, mais d’une manière qu’il est difficile de déterminer. les signatures numériques permettent d’économiser Les gens considèrent que les technologies numé- 20 minutes par transaction. Enfin, une étude sur le temps riques ont, sans aucun doute, amélioré leur situation. consacré à la recherche d’informations montre qu’en Selon une enquête réalisée dans 12 pays d’Afrique, 65 % moyenne, chaque recherche en ligne prend 15  minutes des personnes interrogées estiment que leur famille est de moins qu’une recherche classique en bibliothèque, mieux lotie parce qu’elle possède des téléphones mobiles, que ses résultats sont plus précis et pertinents et que 20 % seulement ne sont pas d’accord (14,5 % n’en sont pas l’expérience est plus agréable. En moyenne, la rente que sûres)20. En outre, 73  %  d’entre elles affirment que les le consommateur tire de ces services peut atteindre téléphones mobiles réduisent leur temps et leurs frais 500 dollars par an, ce qui représente un avantage énorme de déplacement, tandis que 10  % seulement disent le si on la ramène à l’ensemble des usagers. contraire. Les deux tiers déclarent se sentir plus en sécu- rité grâce à leur téléphone mobile. L’internet peut améliorer les capacités Des études ont tenté de quantifier la valeur écono- et la réactivité des administrations mique de ces avantages. Une étude réalisée en 2010 par Les administrations fournissent des services qui, en McKinsey auprès de consommateurs en Allemagne, en règle générale, ne sont pas échangeables, manquent sou- Espagne, aux États-Unis, en Fédération de Russie, en vent d’envergure et ne sont pas soumis à la concurrence France et au Royaume-Uni a révélé qu’un ménage était sur le marché. Améliorer leur efficacité constitue donc disposé à payer en moyenne 50  dollars par mois pour un défi de taille, et on peut s’attendre à ce que l’internet des services qu’il obtient aujourd’hui gratuitement soit très utile à la prestation des services publics. De fait, sur l’internet. Des données sur l’emploi du temps aux les exemples d’amélioration des capacités du secteur États-Unis indiquent que l’individu médian gagne plus public grâce à l’internet abondent. De meilleurs outils ABRÉGÉ 17 de communication avec les citoyens et de diffusion de plus concurrentiel en augmentant la probabilité que l’ad- l’information favorisent également la participation — judicataire vienne d’une autre région que celle du projet. en associant les populations à des programmes d’aide Elle a aussi permis d’améliorer la qualité des infrastruc- publique, ou en leur donnant les moyens de commenter tures. Cependant, la majorité des projets numériques l’action des agents publics et de contrôler ces derniers. dans le secteur public n’atteignent pas leurs objectifs, Enfin, l’internet aide les citoyens à se connecter et à s’or- ce qui entraîne des pertes budgétaires considérables22. ganiser pour mener des actions collectives et exercer des Les technologies numériques peuvent aussi améliorer pressions lorsque la performance des pouvoirs publics la gestion des affaires publiques en aidant à contrôler la ne répond pas à leurs attentes. performance des travailleurs. Un nombre limité mais croissant d’études d’impact fait état d’une incidence Accroître la participation généralement positive du suivi de l’absentéisme des tra- L’absence de preuve d’identité empêche les pauvres vailleurs par des moyens technologiques, lorsque ceux-ci d’exercer leurs droits démocratiques et humains fon- sont associés à d’autres réformes institutionnelles23. En damentaux. Lorsque les systèmes d’enregistrement des Ouganda, où l’on estime à 27  % l’absentéisme des ensei- actes d’état civil sont défaillants ou inexistants, beaucoup gnants, les chefs d’établissement emploient des téléphones de pauvres ne sont tout simplement pas comptabilisés. mobiles pour comptabiliser les présences et transmettre L’identification numérique peut contribuer à surmonter les statistiques recueillies à une base de données centrale les obstacles à la participation. Beaucoup de pays ont qui produit des rapports hebdomadaires. Ce programme, adopté des dispositifs d’identification numérique polyva- auquel s’ajoutent des primes liées à l’assiduité des ensei- lents, ou des systèmes conçus spécialement pour organi- gnants, a permis de réduire l’absentéisme de 11 points de ser des élections ou gérer des transferts après des conflits, pourcentage. L’internet fournit également des données qui présentent de nombreux avantages, l’un d’eux étant en temps réel pour mieux planifier et gérer les infrastruc- de rendre le secteur public plus efficace. Depuis cinq tures de services. Au Ghana, au Kenya, en Tanzanie et en ans, près de 900 millions d’Indiens ont obtenu des cartes Zambie, les agents de santé signalent les médicaments de d’identité numériques qui servent à ouvrir des comptes contrefaçon et les ruptures de stock avec leurs téléphones bancaires, contrôler l’assiduité des fonctionnaires et mobiles. Regroupées dans une base de données centrale et identifier les bénéficiaires de subventions publiques. Au recensées géographiquement, ces informations aident les Nigéria, les cartes d’identité numériques ont révélé l’exis- administrateurs à remédier aux pénuries de médicaments tence de 62 000 « fonctionnaires fantômes », permettant et d’équipements. ainsi d’économiser un milliard de dollars par an. L’avan- En offrant aux citoyens les moyens d’émettre rapide- tage le plus important de ces dispositifs est sans doute ment leur avis sur des sujets précis, on a souvent amélioré une meilleure intégration des populations marginalisées les résultats. À l’aide d’applications de téléphonie mobile ou défavorisées dans la société. telles que SeeClickFix et FixMyStreet aux États-Unis et au Les technologies numériques donnent également aux Royaume-Uni, les usagers signalent les nids de poule, les pauvres la possibilité de voter en les dotant de moyens graffitis et les décharges sauvages. Les pouvoirs publics d’identification sûrs et en limitant les fraudes et les peuvent ensuite rendre compte des réparations, et fer- intimidations à l’aide d’un meilleur système de contrôle. mer ainsi la chaîne de réactions. Les centres d’appel par Grâce aux téléphones mobiles, les citoyens signalent les internet, grâce auxquels les citoyens signalent des pro- cas de violence et d’intimidation des électeurs, ce qui blèmes et suivent l’état d’avancement de leurs demandes, accroît la participation électorale  : au Mozambique, les sont aujourd’hui monnaie courante à Barcelone, Buenos citoyens pouvaient signaler les irrégularités par SMS, ce Aires, Muscat, Rio de Janeiro, Séoul et Ulaanbaatar, pour qui a amélioré de 5 points de pourcentage la participation ne citer que quelques villes. La compagnie des eaux de aux scrutins21 ; Ushahidi et Uchaguzi sont des applications Nairobi fait appel à MajiVoice, et l’une des compagnies participatives qui signalent et recensent les violences élec- d’électricité de la République dominicaine, EDE Este, torales au Kenya. En multipliant les sources d’information, utilise un service analogue pour recevoir les plaintes, l’internet peut réduire le risque de mainmise des médias et suivre la solution apportée à l’aide d’un flux de travail rendre la censure plus difficile à appliquer. automatisé, et informer régulièrement les citoyens des progrès réalisés. Lorsque ces dispositifs sont bien appli- Améliorer les capacités du secteur public qués, les citoyens profitent avec enthousiasme des occa- L’internet améliore l’efficacité et la productivité grâce sions de donner leur avis, et les problèmes sont résolus à l’automatisation et la gestion axée sur les données. plus rapidement (figure A.12). Presque tous les pays ont tenté d’automatiser leurs administrations fiscales et douanières, ainsi que la pré- Renforcer la voix des citoyens paration, l’exécution et la comptabilité budgétaires, avec Les pouvoirs publics, en particulier dans les pays à la des résultats mitigés. Grâce aux déclarations d’impôts en pointe de la révolution numérique comme l’Estonie, la ligne, il est moins coûteux de faire respecter les obliga- République de Corée et Singapour, commencent à tirer tions fiscales, et les guichets uniques informatisés et les profit des plateformes numériques et d’analyse des portails web améliorent l’efficacité des services. En Inde données pour élaborer plus rapidement des politiques et en Indonésie, l’utilisation de systèmes de passation mieux étayées et plus intégrées. De plus, l’internet ouvre des marchés en ligne a permis de rendre le processus de nouvelles voies vers une démocratie participative. 18 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Figure A.12 Plus de plaintes résolues plus rapidement à la compagnie des eaux de Nairobi après l’introduction Les risques : concentration, d’un dispositif numérique de feedback de la clientèle inégalités et contrôle 120 60 000 Ainsi, l’internet peut constituer un facteur puissant de développement. Cependant, comme l’indique le rapport, les possibilités qu’il offre sont trop souvent mal exploi- 100 50 000 tées, et il arrive parfois qu’il contribue à aggraver des Délai de résolution en jours Nombre total de plaintes problèmes persistants. Pourquoi ? On constate principa- 80 40 000 lement que dans le cas des emplois, des activités com- merciales ou des services publics complexes, l’internet 60 30 000 ne parvient habituellement qu’à rendre une partie des tâches moins onéreuse, plus efficaces ou plus commodes 40 20 000 grâce à l’automatisation. Le reste dépend d’aptitudes Introduction que les humains possèdent en abondance, mais dont de MajiVoice sont dépourvus les ordinateurs. Beaucoup de tâches 20 10 000 traditionnelles du comptable ou du caissier — calculs ou traitement des retraits  par exemple — sont désormais 0 0 automatisées. D’autres, en revanche, comme l’élabora- Juin Décembre Juin Décembre tion de stratégies fiscales ou la prestation de services de 2013 2013 2014 2014 conseils à la clientèle, nécessitent un raisonnement com- Délais de résolution plexe ou des aptitudes socioémotionnelles. De la même Plaintes déposées manière, beaucoup de services publics consistant à Plaintes résolues fournir des informations ou des autorisations de routine peuvent être automatisés, tandis que d’autres, comme Source : Banque mondiale, 2015. Données disponibles à l’adresse suivante : http://bit.do/WDR2016-FigO.12. l’enseignement ou la police, exigent un haut degré de Note : Pour plus d’informations, voir figure 3.11 du rapport principal. discernement, de connaissances tacites et de jugement. Bon nombre des problèmes et des défaillances de l’in- ternet surviennent lorsque la technologie numérique est L’Islande a expérimenté la rédaction participative de sa déployée dans un contexte où les « compléments analo- constitution, et le Brésil et l’Estonie ont étudié la possibi- giques » importants demeurent inadéquats. Que sont ces lité de faire participer les citoyens à l’élaboration des lois. compléments ? Ce sont surtout des règles qui permettent En réduisant considérablement le coût des communica- d’assurer un haut degré de concurrence, des aptitudes tions et de la coordination, les médias sociaux peuvent qui permettent d’exploiter les technologies, et des insti- surmonter les obstacles traditionnels à l’action collective tutions responsables de leurs actions (figure A.13). des citoyens. De plus en plus de données empiriques montrent aussi que les téléphones mobiles et l’utilisation de Twitter et Facebook ont aidé les manifestants durant Lorsque l’internet permet aux entreprises de réaliser •  le Printemps arabe en République arabe d’Égypte24, et des économies d’échelle alors que le cadre de l’activité contribué aux manifestations pacifistes aux États-Unis25 économique ne se prête pas à la concurrence, on risque et à la mobilisation citoyenne dans toute l’Afrique26. d’assister à une concentration excessive de l’emprise exercée par certaines entreprises sur le marché et à la création de monopoles nuisibles à toute innovation Figure A.13 Faute de compléments analogiques future. solides, les possibilités peuvent se muer en risques Lorsque l’internet automatise un grand nombre de •  tâches, mais que les travailleurs ne possèdent pas les TECHNOLOGIES compétences requises pour s’adapter aux nouvelles NUMÉRIQUES technologies, cela risque d’accroître les inégalités au lieu de favoriser une plus grande efficacité. Lorsque l’internet contribue à réduire les obstacles à la •  circulation de l’information qui nuisent à la prestation des services, mais que les pouvoirs publics refusent de rendre compte de leurs actions, on assiste à un Information sans resserrement du contrôle, plutôt qu’à la promotion de Automatisation Économies d’échelle l’autonomisation et de l’inclusion. éthique de sans compétences sans concurrence responsabilité L’interaction entre les investissements en faveur de l’internet et les réformes engagées dans les domaines CONTRÔLE INÉGALITÉS CONCENTRATION complémentaires est au cœur du débat politique concer- nant les incidences de la technologie. Une étude réalisée en 2008 par Claudia Goldin et Lawrence Katz27 et basée Source : Équipe du RDM 2016. sur les travaux antérieurs de Jan Tinbergen a défini ABRÉGÉ 19 cette dynamique propre au marché du travail comme Figure A.14 Facteurs expliquant le faible taux une «  course entre l’éducation et la technologie  ». d’adoption des technologies numériques À mesure que la technologie progresse, certaines com- par certaines entreprises pétences deviennent obsolètes. Les travailleurs doivent en acquérir de nouvelles qui les aideront à tirer parti de Intérêts la technologie pour augmenter leur productivité. Cette en place adaptation prend du temps et est souvent douloureuse pour beaucoup, mais c’est ainsi que les économies évo- Incertitude luent. Les sections qui suivent examinent les risques réglementaire Économie et les compléments dans le secteur privé, le marché du analogique Économie travail et le secteur public. numérique (4-5 % du PIB ; 1-2 % des emplois) Concentration croissante : interactions Monopole entre la réglementation et les technologies numérique La concurrence est un des principaux mécanismes qui permettent à l’internet de stimuler la croissance écono- Source : Équipe du RDM 2016. mique. Grâce à l’augmentation du volume de l’informa- tion et à l’accélération de sa circulation, les clients ont appliquer les règles en vigueur dans leurs secteurs respec- plus de choix et peuvent comparer les prix plus facile- tifs — comme la connaissance de la ville (dans le cas des ment. Les entreprises qui font un usage plus efficace de chauffeurs de taxi londoniens) ou des exigences relatives à la technologie progressent et forcent leurs concurrents l’assurance. Cette démarche peut être jugée valide lorsque à les imiter. Tout porte à croire que ce processus est en la réglementation vise à préserver la sécurité des popula- cours dans l’ensemble de l’économie, mais trois pro- tions et à assurer un niveau de service minimal. Pourtant, blèmes possibles risquent de se poser. les nouveaux modèles d’affaires doivent souvent leur suc- Premièrement, bien que l’internet ait connu une cès au fait qu’ils s’attaquent à des marchés qui connaissent expansion rapide dans le secteur privé de certains pays, des distorsions profondes et sont pratiquement dominés son adoption par des entreprises évoluant à l’extérieur du par des monopoles ou des oligopoles. Il convient donc de secteur des TIC est restée lente dans d’autres. Les entre- mesurer le risque posé par l’entrée de nouveaux acteurs prises urbaines, de grande envergure, à croissance rapide, sur un marché sous-réglementé à l’aune des avantages à coefficient élevé de compétences ou fortement axées sur que peut présenter pour les consommateurs une offre de l’exportation utilisent plus intensément les technologies services moins chers et plus commodes. numériques. Les causes de ces écarts sont mal comprises : Le troisième risque possible découle de la position elles sont peut-être simplement le reflet des disparités de dominante occupée par bon nombre de plateformes en revenu, des caractéristiques sectorielles ou de variations ligne et de prestataires intermédiaires de services internet. dans les capacités de gestion, mais elles pourraient aussi L’histoire économique nous enseigne que les entreprises s’expliquer par les obstacles qui entravent l’adoption des résistent mal à la tentation de tirer parti d’une position nouvelles technologies (figure A.14) — des droits d’impor- dominante, et les grandes entreprises du web n’y font pas tation élevés pour les biens et services numériques dans exception. L’économie de l’internet favorise les monopoles certains pays, ou des distorsions du marché et des mesures naturels28, et certaines plateformes dominent désormais protectionnistes permettant à certaines entreprises de leurs marchés. Elles génèrent des revenus tels qu’elles maintenir leur rentabilité à l’abri des pressions que pour- peuvent rapidement accaparer de nouveaux marchés en raient exercer sur elles de nouveaux concurrents plus rachetant leurs concurrents ou en proposant des services innovateurs. À titre d’exemple, des entreprises mexicaines concurrentiels, pour ne laisser aux start-ups locales que confrontées à la concurrence chinoise ont augmenté d’infimes créneaux spécialisés, notamment dans les pays le nombre d’ordinateurs par employé, multipliant ainsi en développement. Certaines des plus grosses entreprises par deux la probabilité de recourir à l’internet pour leurs du web sont désormais dans le collimateur des organes achats, comparativement aux entreprises qui n’avaient pas de régulation. Google, qui engrange près du tiers des à faire face à une concurrence importante. recettes publicitaires mondiales sur le web29, a fait l’objet Deuxièmement, lorsque des entreprises en ligne enva- d’enquêtes portant sur ses stratégies de placement préfé- hissent le marché de leurs concurrents conventionnels, l’ef- rentiel de ses propres produits, d’exploitation du contenu fet de perturbation peut être considérable, et les organes de de tierces parties, et d’exclusion dans le placement d’an- régulation ne savent souvent pas comment réagir. Récem- nonces publicitaires30. Amazon, la plus grande plateforme ment, les entreprises de l’« économie à la demande » Uber de vente en ligne pour les éditeurs, a profité de sa position et Airbnb ont bouleversé les secteurs établis du taxi et de dominante sur le marché pour imposer ses politiques l’hôtellerie. Leurs modèles d’affaires modulables et adap- de prix. Safaricom, qui exploite le système de paiements tables à l’échelle du globe ont engendré de nombreux imi- M-Pesa, s’est opposé à l’entrée de prestataires de services tateurs locaux. Dans certaines grandes villes comme Paris, concurrentiels. Le volume considérable d’informations Delhi ou Beijing, les entreprises conventionnelles confron- personnelles identifiables qu’accumulent bon nombre de tées à cette concurrence inédite ont cherché à lui barrer la ces entreprises constitue une autre source de préoccupa- route, en exhortant généralement les régulateurs à faire tions (encadré A.5). 20 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Encadré A.5 La mention « J’aime » de Facebook et ce qu’elle révèle — l’arbitrage entre la commodité et la protection de la vie privée Lorsque des économistes comme George Stigler et Richard Posner Les organisations de collecte de données en font souvent se sont penchés sur la protection de la vie privée et l’activité éco- la vente. Un courtier en données a ainsi recueilli en moyenne nomique au début des années 1980, ils ont soulevé de nombreuses 1 500 éléments d’informations portant sur plus de 500 millions de questions qui restent d’actualité aujourd’hui, même si à l’époque, consommateurs du monde entier en utilisant des renseignements les « activités de stockage, de récupération et de diffusion appro- fournis volontairement par les usagers sur un éventail de sites web. priée de l’information étaient souvent extrêmement coûteusesa  ». Cependant, même les données facilement accessibles comme Aujourd’hui, une énorme collection d’informations identifiables rend celles des mentions «  J’aime  » de Facebook peuvent permettre la prestation des services plus efficace et plus pertinente. Les pres- de prédire des caractéristiques sensibles, telles que « l’orientation tataires de services sont en mesure de mieux cibler leurs produits ou sexuelle, l’ethnie, les croyances religieuses et les opinions politiques, d’en fixer le prix en s’appuyant sur un ensemble de caractéristiques les traits de personnalité, l’intelligence, le bonheur, l’utilisation de et de préférences connues. Les moteurs de recherche fournissent des substances toxicomanogènes, le statut marital des parents, l’âge et résultats plus pertinents. Les compagnies d’assurance maladie ou le sexeb ». De plus, les capteurs des téléphones intelligents peuvent d’assurance automobile peuvent calculer leurs primes avec plus de permettre de deviner « l’humeur, l’état de stress, la personnalité, précision en s’appuyant sur des informations vérifiables sur l’activité la présence d’un trouble bipolaire, les caractéristiques démogra- physique de leurs clients ou leur comportement au volant. Enfin, phiques (par exemple, le sexe, le statut marital, la situation profes- les pouvoirs publics peuvent utiliser les systèmes de données pour sionnelle, l’âge), le tabagisme, le bien-être général, la progression alléger les charges administratives qui pèsent sur leurs citoyens. En de la maladie de Parkinson, les habitudes de sommeil, le bonheur, Estonie, grâce au portail d’administration électronique, les citoyens le niveau et les types d’activité physique et les déplacementsc ». n’ont jamais besoin de fournir deux fois la même information. Les risques sont multiples et vont du délit informatique — par Cependant, rares sont ceux qui savent comment ces énormes exemple, le vol d’identité lorsque des données stockées d’une quantités de données sont recueillies et utilisées, ou qui connaissent manière non sécurisée tombent entre de mauvaises mains — à l’identité de ceux qui en assurent la gestion. Les utilisateurs ne la discrimination  — lorsqu’on impose à une personne des tarifs savent pas toujours quelles sont les informations recueillies à leur ou des taux d’intérêt plus élevés ou qu’on lui refuse un emploi sujet, et les prestataires de services leur fournissent rarement ce ren- en s’appuyant sur des informations erronées impossibles à cor- seignement. Les États peuvent parfois mettre sur le compte d’activi- riger facilement —, en passant par la persistance d’informations tés légitimes de maintien de l’ordre le furetage auquel ils s’adonnent dépassées qui nient le droit d’une personne à se faire pardonner en secret, mais il leur arrive parfois de violer ainsi les lois et les droits, un épisode embarrassant mais non pertinent de sa vie ou son droit comme l’a révélé Edward Snowden lorsqu’il a dénoncé les activités de bénéficier d’une deuxième chance, problème qui a poussé les d’espionnage auxquelles s’adonnaient les agences de sécurité des pays européens à adopter le principe du « droit à l’oubli ». Enfin, États-Unis, du Royaume-Uni et d’autres États. Ces révélations ont le problème le plus important peut-être est celui de la perte de conduit à l’émergence d’un nouveau « nationalisme des données » confiance qui entraîne une utilisation sous-optimale de l’internet. au nom duquel les États exigent que les données concernant leurs Ces préoccupations varient d’une société à l’autre. Cinquante-huit résidents soient stockées sur leur propre territoire, ou encouragent pour cent des Nigérians et 57 % des Indiens croient que l’infor- l’emploi de technologies locales jugées plus dignes de confiance, mation privée sur internet est très sûre, mais seulement 18 % des mais qui risquent d’être moins fiables ou plus coûteuses. Français et 16 % des Allemands sont de cet avisd. Sources : Équipe du RDM 2016, d’après Peppet, 2014 ; Castro, 2013 ; Economist, 2014 ; Kosinski, Stillwell et Graepel, 2013. a. Posner, 1981. b. Kosinski, Stillwell et Graepel, 2013. c. Voir Peppet (2014) pour les références individuelles. d. CIGI et Ipsos, 2014. Il est trop tôt pour dire si ces problèmes réduiront les il est clair que la concurrence et la structure du marché avantages économiques généraux de l’internet ou s’ils qui caractérisent le web ressemblent à bien des égards à seront atténués par les faibles coûts d’entrée dans le sec- celles que l’on observe dans l’économie analogique. Les teur et par l’évolution rapide de la technologie. Les consom- politiques doivent faire en sorte que toutes les entreprises mateurs bénéficient généralement des modèles d’affaires novatrices puissent avoir accès aux marchés et bénéficier basés sur le web qu’appliquent de nouvelles entreprises et de règles du jeu équitables. Autrement, l’écart risque de des entités déjà installées. Les marchés sont extrêmement continuer à se creuser entre le rendement économique dynamiques, et plusieurs des avantages procurés par les des entreprises de tailles diverses et de différents pays, économies d’échelle ou par le fait d’être le premier à adopter et entre la performance des économies nationales. une technologie donnée seront peut-être de courte durée. Par ailleurs, leur taille permet aux grandes entreprises Accroissement des inégalités : la course d’offrir des services et des produits peu coûteux ou gra- entre compétences et technologie tuits, et leurs bénéfices élevés favorisent l’investissement S’il est vrai que l’internet et les technologies connexes dans la recherche-développement (R&D). En revanche, favorisent la croissance, comment les gains sont-ils ABRÉGÉ 21 Figure A.15 La part du travail dans Figure A.16 La baisse de la part du travail dans le le revenu national est en baisse dans revenu national est liée à l’accroissement des inégalités de nombreux pays, y compris dans Variations du coefficient de Gini et de la part du travail dans certains pays en développement le revenu national, 1995–2010 Évolution de la part du travail dans la productivité 30 nationale depuis 1975 25 Variation du coefficient de Gini pour Points de pourcentage, tous les 10 ans CHN la consommation ou le revenu (%) 20 FIN Pologne 15 DNK Mexique LET Hongrie 10 BGR Estonie EST 5 CRI Bahreïn GBR Slovénie 0 ITA Lituanie NOR ESP HND BLR Afrique du Sud –5 GRC Norvège ARG –10 PAN PRY Luxembourg TUN IRL Micronésie, États fédérés de –15 Namibie Lettonie –20 Nouvelle-Zélande –30 –25 –20 –15 –10 –5 0 5 10 15 20 25 Chine Variation de la part du travail dans le revenu national (%) Finlande Tunisie Source : Eden et Gaggl, 2015, pour le RDM 2016. Données disponibles à l’adresse suivante : Argentine http://bit.do/WDR2016-FigO_16. République slovaque Allemagne partagés sur le marché du travail ? Les technologies numé- Autriche riques stimulent la productivité et améliorent le bien-être Suède général, mais les perturbations qu’elles provoquent sur le France marché du travail peuvent être préjudiciables et conduire Italie à un accroissement des inégalités. Les tendances mon- Australie diales peuvent nous renseigner à ce propos. On constate Taïwan, Chine d’abord que la part du travail dans le revenu national, en Canada Japon particulier celle des travailleurs non qualifiés, affiche Danemark une baisse passablement forte dans beaucoup de pays en Suisse développement  — à l’exception du Brésil et de l’Ukraine États-Unis d’Amérique (figure A.15)31. Les inégalités se creusent plus rapidement Pays-Bas dans les pays où la part des revenus du capital augmente Belgique au détriment de celle du travail (figure A.16). Un certain République tchèque nombre d’études récentes établissent un lien entre le chan- Espagne gement technologique et cet accroissement des inégalités Singapour (voir le chapitre 2 du rapport complet). Royaume-Uni Portugal Une tendance connexe est la polarisation — ou l’éro- Bolivie sion — du marché du travail qui s’observe non seulement Turquie dans les économies avancées, mais aussi de plus en plus Arménie dans beaucoup de pays en développement. La proportion Colombie des emplois réservés à une main-d’œuvre hautement Kenya qualifiée et celle des emplois faiblement qualifiés sont Thaïlande en hausse, tandis que celle des emplois semi-qualifiés Costa Rica est en baisse dans la plupart des pays en développement Islande pour lesquels nous disposons de données détaillées Bélarus (figure A.17). Or, les emplois semi-qualifiés se situent sou- Moldova Corée (Rép. de) vent près du sommet de l’échelle de répartition des reve- Ukraine nus dans les pays à faible revenu — d’Afrique par exemple. Brésil La Chine fait remarquablement exception à ces tendances mondiales grâce à la mécanisation croissante de son agri- –15 –10 –5 0 5 10 culture qui a conduit à une augmentation (peut-être tem- Variations de la part du travail dans le revenu national poraire) des emplois courants de niveau intermédiaire. Les autres exceptions comprennent certains pays riches Source : Karabarbounis et Neiman, 2013. Données disponibles en ressources naturelles et exportateurs de produits de à l’adresse suivante : http://bit.do/WDR2016-FigO_15. base, dont plusieurs d’Asie centrale et d’Amérique latine. 22 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Figure A.17 Le marché du travail est de plus en plus polarisé dans de nombreux pays en développement Variation annuelle moyenne de la répartition des emplois, de 1995 à 2012 environ 2,0 1,5 Points de pourcentage 1,0 0,5 0 –0,5 –1,0 –1,5 –2,0 –2,5 ne ie n ug e ica e Ta rice M ibie G ie B e n U ie da Sa ie M ne ub Sri que ar k a Pa na P a de e Ét na ue o sie Bo gua za ica in s Ba rou N an m e ie te a du s Tu la aï r Bh d’ M ud m ra Th do O ain N bad i C uta ue ine nd sta Ja nd G nam op l rb an El oliv Ph rqu a go hi i an ha a ai st n Ka a R ica e do ndu RY S m Pé au am lva aï Se la I tsw ra ki C riq ipp hi kr kh ab nz o La al on r ,E t os ua il ne H ue oi liq éd Af ac iq ép bl M pu ,R Ré te yp Ég Emplois hautement qualifiés (à forte intensité de compétences cognitives et interpersonnelles spécialisées) Emplois semi-qualifiés (à forte intensité de compétences cognitives et manuelles courantes) Emplois non qualifiés (à forte intensité de compétences manuelles spécialisées) Sources : Équipe du RDM 2016, d’après les ICMT de l’OIT (OIT, différentes années) ; Base de données sur la répartition des revenus dans le monde (I2D2 ; Banque mondiale, différentes années) ; Bureau national de la statistique de Chine (différentes années). Données disponibles à l’adresse suivante : www.worldbank.org/wdr16data/FigO_17. Note : Le graphique illustre l’évolution de la répartition des emplois de 1995 à 2012 environ, dans les pays pour lesquels on dispose d’au moins sept années de données. Les catégories utilisées sont celles d’Autor (2014). Les emplois hautement qualifiés sont ceux de législateurs, de cadres supérieurs et de dirigeants, de spécialistes, de techniciens et de professionnels assimilés. Les emplois semi-qualifiés sont ceux d’employés administratifs, d’artisans et d’ouvriers de métiers de type artisanal, ainsi que d’opérateurs d’usines et de machines et d’ouvriers de l’assemblage. Les emplois non qualifiés sont ceux occupés par des employés de services et des vendeurs, ainsi que dans d’autres métiers de base. Voir la figure 2.15 du rapport complet pour plus de détails. Comment cela peut-il s’expliquer ? Les machines sont compenser les pressions à la baisse sur la rémunération, à de plus en plus capables de s’acquitter de tâches courantes mesure que la main-d’œuvre disponible dans ces secteurs plus rapidement et à moindre coût que les humains, et continuera d’augmenter. Cette dynamique va de pair avec nombre des tâches que l’on considère aujourd’hui comme la tendance à la hausse des bénéfices de l’éducation et des sortant de l’ordinaire  — par exemple, la traduction, les inégalités que l’on peut observer dans de nombreux pays. souscriptions d’assurance, ou même les diagnostics médi- Les conséquences de cette évolution pour les pays en caux — pourraient bien être confiées à des machines à l’ave- développement dépendent de l’intensité des bouleverse- nir. Contrairement aux transformations technologiques du ments technologiques. La proportion des emplois qui pour- passé comme la mécanisation de l’agriculture ou l’automa- raient faire l’objet d’une automatisation importante est tisation de l’industrie manufacturière, l’internet exerce sur actuellement plus élevée dans les pays en développement les emplois de cols blancs bien rémunérés une influence que dans les pays plus avancés, où nombre de ces emplois encore plus considérable que sur les emplois de cols bleus. ont déjà disparu (figure A.18). Cependant, ce changement Certains travailleurs de niveau intermédiaire pos- sera probablement plus long à venir dans les pays à faible sèdent des aptitudes supplémentaires qui peuvent leur revenu. La plupart de ces pays accusent toujours passable- permettre d’obtenir de nouveaux emplois spécialisés ment un retard au plan technologique : la proportion des mieux rémunérés là où la technologie a tendance à pro- emplois urbains utilisant les TIC mesurée dans un échan- mouvoir la croissance du capital humain et à rendre les tillon de pays en développement n’atteignait qu’un tiers travailleurs qualifiés plus productifs. Ces travailleurs du total environ. Par ailleurs, les niveaux de rémunération profiteront de ce bouleversement technologique. Dans sont toujours faibles, et la part des emplois manuels spé- les pays en développement, l’éducation bénéficie le plus à cialisés est toujours plus élevée, de sorte que les investisse- ceux qui possèdent un diplôme d’études supérieures, et la ments en faveur des technologies seront moins rentables rémunération est plus élevée et croît plus rapidement dans pour les entreprises. Cela ne signifie pas pour autant que les postes à forte intensité de TIC32. Ceux qui ne justifient les pays à faible revenu devraient ignorer ces tendances. pas de telles aptitudes sont contraints à des emplois non Il importe en effet de retenir que même en l’absence de varia- spécialisés et faiblement qualifiés, tels que les services tions sensibles de l’emploi, les catégories professionnelles de conciergerie, d’hôtellerie ou de soins personnels. Il est les plus en demande sont celles qui exigent des aptitudes possible que la demande pour ces services augmente, mais cognitives et socioémotionnelles avancées et qui sont donc cette augmentation ne sera peut-être pas suffisante pour moins exposées aux bouleversements technologiques. ABRÉGÉ 23 Figure A.18 Du point de vue de la technologie, deux-tiers des emplois sont menacés par l’automatisation dans le monde en développement, mais cette dynamique est limitée par de plus bas salaires et une adoption plus lente de la technologie Part estimée des emplois menacés par l’automatisation, année la plus récente 100 peuvent être informatisés (%) 80 Part des emplois qui 60 40 20 0 rie Ta rgh n dj ize ni é tan G e U aza N igé e C ra a bo ua Bo ge N ie al e Ét olie ie El rag e te or Ba Pan ala la a ue Se sh du rbie M Sud oi Ma rice C ERY ie Ro uat a Th a r aï nie Al nde An nie C la ua e M ie O lte Se hyp ie yc re ru es ge tie e G alv ay Ar roa y ta e ga Le DE um eu C ua et gi N in on nd n Lit hin in os d ki sta ica ri ng am c liv op , is n C n ép go ua ad U ell de S u a Éq Ri Pa i d am g l a ica ba tto nt e or m da Gikis ne la au g g C I la Bu ue ki kr hi h iq é in bl uzb M m do riq pu O éd Af ue or ac iq isj Ré bl M C pu Ré Pourcentages corrigés (faisabilité technologique + retard d’adoption) Pourcentages non corrigés (faisabilité technologique) Sources : Équipe du RDM 2016. Pour plus d’informations, voir la figure 2.24, dans le rapport complet. Données disponibles à l’adresse suivante : http://bit.do/wdr16data/FigO_18. Note : OCDE = Organisation de coopération et de développement économiques. Les politiques à envisager, outre une refonte des systèmes une société de loisirs forcés ». Et pourtant, au fil des de protection sociale, sont celles qui favorisent des sys- siècles, les économies se sont adaptées aux changements tèmes d’éducation et de formation de meilleure qualité et considérables qui ont marqué le marché du travail, le plus mieux adaptés, c’est-à-dire des réformes qui prendront de important ayant été, de loin, l’exode agricole. En 1910, les nombreuses années à porter leurs fruits. États-Unis comptaient 12  millions de travailleurs agri- Il importe de garder à l’esprit que d’un point de vue coles. Cent ans plus tard, il n’y en avait plus que 700 000, historique, la suppression et la perte d’emplois dues aux sur une population totale plus de trois fois plus élevée. changements technologiques font partie intégrante du Cependant, personne ne peut prédire quel sera l’impact progrès économique. C’est précisément l’accroissement global des changements technologiques au cours des pro- de la productivité — à mesure que la technologie remplace chaines décennies, et cet impact pourrait bien être plus certains travailleurs tout en favorisant l’amélioration des vaste et plus rapide que celui observé auparavant. Il est compétences de ceux qui restent et des nouveaux arrivés — clair toutefois que les décideurs sont engagés dans une qui génère la croissance et libère les ressources humaines course à la technologie et à l’éducation, et que les gagnants et financières qui peuvent ainsi être déployées dans des seront ceux qui auront encouragé le renforcement des secteurs plus rentables. Les changements technologiques compétences pour faire en sorte que tous puissent profi- réduisent aussi les tâches physiquement éprouvantes, ter des nouvelles possibilités du numérique. répétitives ou dangereuses. Une telle évolution sera bien accueillie dans les pays aux prises avec le vieillissement Renforcement des moyens de contrôle : ou le déclin de leurs populations, ou dans les professions qui souffrent d’une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. combler le fossé entre les institutions La télémédecine et l’automatisation des diagnostics et la technologie peuvent par exemple permettre aux spécialistes de soi- On attendait de l’internet qu’il ouvre une ère nouvelle de gner beaucoup plus de patients, même dans les régions responsabilisation et d’autonomisation politique, en favo- éloignées en proie à une pénurie de médecins. risant la participation des citoyens à la prise de décisions La crainte du « chômage technologique » remonte à et la mise en place de collectivités virtuelles autonomes la révolution industrielle. Même des penseurs comme capables d’obliger les pouvoirs publics à rendre compte de l’économiste John Maynard Keynes et l’écrivain Isaac Asi- leurs actions. Ces espoirs sont, pour la plupart, restés sans mov y ont succombé. Keynes, au cours des années 1930, lendemain. L’internet a certes permis de rendre beaucoup prédisait que la semaine de travail ne serait plus que de de services publics plus efficaces et plus commodes, mais 15 heures avant la fin du XXe siècle, et Asimov, dans un il n’a en revanche eu qu’un effet limité sur la recherche de ouvrage publié en 1964, prédit qu’un des problèmes les solutions aux problèmes les plus persistants : comment plus pressants de l’humanité en 2014 sera l’ennui « dans rendre les prestataires de services plus responsables 24 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Tableau A.2 Classement des projets numériques de mobilisation citoyenne Impact Mobilisation Partenariats Retour complémentaire des OSC d’information Participation Réponse des Projet Lieu hors ligne avec l’État collectif citoyenne pouvoirs publics Por Mi Barrio Uruguay F E I Change My City Inde M E Lungisa Afrique du Sud F E Pressure Pan Brésil E M Rappler Philippines E M Change.org Monde E M U-report Ouganda E F Huduma Kenya F F Daraja Maji Matone Tanzanie F F FixMyStreet Géorgie F F Check My School Philippines F F Barrios Digital Bolivie F F e-Chautari Népal F F I Paid a Bribe Inde M F Mejora Tu Escuela Mexique F F Karnataka BVS Inde F F Sauti Za Wananchi Tanzanie F F Source : Équipe du RDM 2016, d’après Peixoto et Fox, 2015, pour le RDM 2016. Note : Les exemples sont classés par degré d’intervention des autorités publiques. OSC = Organisation de la société civile. F = faible, M = moyen, E = élevé. (problèmes du mandant et de l’agent) et comment renfor- dans la majeure partie des cas. Par exemple, le projet cer la participation du public et donner aux populations Maji Matone, qui permettait aux Tanzaniens de signaler pauvres et défavorisées une plus grande voix au chapitre des problèmes d’approvisionnement en eau en milieu (problèmes d’action collective). rural à l’aide de SMS, n’a reçu que 53 SMS pendant ses six La mesure dans laquelle les citoyens peuvent recourir premiers mois de mise en œuvre — ce qui est très loin de à l’internet pour responsabiliser davantage les presta- son objectif initial de 3 000 SMS — et a été annulé. taires de services dépend du contexte. La solidité des La participation à l’action politique et la mobilisa- relations de responsabilité instaurées entre les décideurs tion des pauvres sont restées limitées, tandis que dans et les prestataires de services est l’élément le plus impor- de nombreux pays, l’internet profitait d’une manière tant à prendre en compte, comme le fait valoir le Rapport disproportionnée aux élites politiques et renforçait l’in- sur le développement dans le monde  2004 intitulé Des services fluence exercée par les pouvoirs publics sur le discours pour les pauvres. L’examen de 17 initiatives de mobilisation social et politique. Les technologies numériques ont numérique, réalisé aux fins du présent rapport, laisse parfois favorisé globalement l’exercice du droit de vote, constater que trois des neuf initiatives faisant intervenir mais cela ne s’est pas nécessairement soldé par des choix un partenariat entre les organisations de la société civile mieux éclairés ou plus représentatifs. Dans l’État brési- (OSC) et les pouvoirs publics ont eu du succès (tableau lien du Rio Grande Do Sul, le vote en ligne a augmenté A.2). Par contre, les huit initiatives qui ne s’appuyaient pas de 8  points de pourcentage la participation électorale, sur un partenariat ont échoué pour la plupart. Il s’ensuit mais les personnes qui s’en sont prévalues appartenaient que bien que la collaboration avec les autorités publiques d’une manière disproportionnée aux tranches plus riches ne soit pas à elle seule garante du succès, elle pourrait et plus scolarisées de la population (figure A.19). Même bien être essentielle malgré tout. Un autre facteur déter- dans les pays développés, la mobilisation citoyenne reste minant de la réussite est une véritable mobilisation hors un défi. Seul un petit sous-ensemble non représentatif ligne, notamment en raison du fait que le taux de recours de la population participe, et il est souvent difficile de par les citoyens aux canaux numériques est resté faible maintenir cette participation. Les avis des spécialistes ABRÉGÉ 25 des sciences sociales divergent sur la question de savoir Figure A.19 Le vote en ligne peut favoriser la si l’internet habilite de manière disproportionnée les participation électorale, mais il risque d’accroître citoyens ou les élites politiques, si elle aggrave la pola- l’influence de groupes plus privilégiés risation, ou si elle approfondi ou affaibli le capital social et, dans certains cas, si elle incite à la violence organisée. Profils des participants à un vote sur le budget participatif votant ou non L’utilisation de la technologie par les autorités publiques en ligne dans l’État du Rio Grande do Sul (Brésil), 2011–2012 est généralement fructueuse lorsqu’elle sert à trouver des 60 solutions à des problèmes relativement simples d’infor- mation et de suivi. Pour des enjeux plus complexes — par 50 exemple, amélioration de la gestion des prestataires ou pro- motion de la participation citoyenne —, la technologie n’est utile que lorsque les pouvoirs publics sont déjà à l’écoute 40 des préoccupations de la population. L’internet ne servira Pourcentage donc souvent qu’à renforcer des relations de responsabilité 30 mutuelle entre pouvoirs publics et citoyens, plutôt qu’à remplacer des liens existants, y compris en renforçant les 20 moyens de surveillance et de contrôle des autorités (enca- dré A.6). Pour combler le fossé qui sépare des technologies en mutation et des institutions figées, il faudra mettre en 10 œuvre des projets propres à renforcer la transparence et la responsabilisation des institutions de l’État. 0 ur 0 0 es ire 0 0 re 00 75 00 50 rie m ai Rendre l’internet universel, ta 6 < pé nd m 6 1 en 0– 0– > Fe Su co ém 50 75 abordable, ouvert et sûr Se Él 1 Les politiques en matière de TIC de première génération Sexe Niveau d’éducation Niveau de revenus (BRL/mois) qui prévoyaient la concurrence sur le marché, la participa- Vote hors ligne Vote en ligne tion du secteur privé et un cadre réglementaire souple ont conduit à un accès quasi universel à des services de télépho- Source : Équipe du RDM, d’après Spada et al., 2015. Données disponibles à l’adresse suivante : nie abordables, mais ne se sont pas montrées aussi efficaces http://bit.do/WDR2016-FigO_19. pour élargir les services internet. Cela tient en grande partie Note : BRL = Réal brésilien. aux échecs répétés des politiques — par exemple, accapare- l’exploitation de réseaux fédérateurs, ou « dorsales », la ment des organes de régulation, privatisations mal conçues, promotion de l’accès libre aux réseaux des fournisseurs gestion inefficace du spectre, taxation excessive du secteur d’accès, en faisant en sorte que tous les grands projets et monopole exercé sur les lignes internationales. En même d’infrastructures (routes, voies ferrées, pipelines et temps, l’absence d’un consensus global sur la façon d’abor- distribution d’énergie) prévoient la mise en place d’une der les enjeux de la prochaine génération — par exemple, liaison par fibre optique, la mise en place de points la protection de la vie privée, la cybersécurité, la censure et la d’échange internet et la création de caches locaux pour gouvernance de l’internet — conduit à un choix d’approches le stockage des contenus fréquemment utilisés. plus circonspectes et plus diverses pour la réglementation Les politiques publiques peuvent améliorer la connec- •  de l’internet (encadré A.7 et figure A.20). tivité sur le dernier kilomètre en autorisant l’entrée sur le marché de fournisseurs concurrents  — notamment Politiques axées sur l’offre : disponibilité en favorisant une concurrence intermodale (entre les et accessibilité à un coût abordable réseaux câblés, les réseaux sans fil et les lignes d’abonnés Une manière utile d’analyser les politiques d’action sur numériques) — et en obligeant les fournisseurs d’accès à l’offre en matière de TIC consiste à prendre en compte mettre les lignes d’accès à la disposition de leurs concur- l’ensemble de la chaîne de valeur, à partir du point d’en- rents au prix de gros (dégroupage de la boucle locale). trée de l’internet dans un pays (le premier kilomètre), La portion la plus importante du kilomètre invisible •  puis lorsque l’internet traverse le pays (le kilomètre est celle qui a trait à la gestion du spectre, laquelle intermédiaire) pour atteindre l’usager ultime (le dernier exige la mise en œuvre de mesures pour élargir le kilomètre), sans oublier certains éléments cachés de la spectre, promouvoir un accès concurrentiel à ce der- chaîne (le kilomètre invisible). nier, encourager le partage d’installations essentielles comme les pylônes radio et libéraliser le marché de la •  Il est possible d’améliorer l’efficacité du premier kilo- revente du spectre. mètre en libéralisant le marché des antennes de trans- mission par satellite et en éliminant les monopoles sur Outre les politiques portant essentiellement sur les les lignes internationales et les stations d’atterrissage TIC, presque toutes les utilisations que font de l’internet de câbles. les organisations du secteur privé, les citoyens ou les •  Le renforcement du kilomètre intermédiaire passe par pouvoirs publics dépendent d’un certain nombre d’élé- la libéralisation du marché de la construction et de ments essentiels (encadré A.8). 26 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Encadré A.6 La quadrature du cercle — restrictions à la circulation de l’information Les États interfèrent aussi directement avec les réseaux numé- un large consensus de la société. En revanche, dans les régimes riques pour contrôler l’accès à l’information. Un des pionniers autocratiques, où l’utilisation de l’internet est souvent aussi de l’internet, John Gilmore, affirmait que « l’internet considère fréquente que dans les pays démocratiques (figure EA.6.1), les la censure comme une nuisance et s’emploie à la contournera ». autorités sont confrontées à un dilemme. Si elles autorisent la Bill Clinton déclarait pour sa part en 2000 que chercher à contrô- libre circulation des idées sur l’internet, elles risquent de voir ler l’internet, c’était comme essayer de « vider la mer avec une leur autorité contestée. Si elles l’interdisent, elles risquent de petite cuillère  »b. Pourtant, les vendeurs privés de logiciels et s’isoler de l’économie mondiale de l’information. Il s’agit de les institutions publiques ont trouvé des moyens de censurer trouver un juste milieu, et les États ne cessent de raffiner leur l’accès à certains contenus de l’internet, soit en fermant leur approche pour parvenir, par exemple, à censurer les contenus domaine web national entier comme l’a fait la République arabe qui risquent d’encourager l’action collective tout en autorisant d’Égypte pendant cinq jours en 2011, en bloquant l’accès à des les critiques individuelles. sites intérieurs ou étrangers particuliers ou en ciblant des blogs Le filtrage et la censure de l’internet engendrent des coûts individuels ou d’autres sites de médias sociaux. En 2013, Google sociaux et économiques. Premièrement, le coût des opérations a reçu de divers États 6  951  demandes de retrait de contenus de censure ou de filtrage des contenus internet détourne des de résultats de recherche, la majorité de ces demandes venant ressources publiques qui pourraient servir à d’autres fins. La sur- de la Turquie, des États-Unis d’Amérique et du Brésil. D’autres veillance du trafic internet intérieur et le blocage sélectif de sites pays comme la Chine et la République islamique d’Iran bloquent web étrangers exigent d’importantes ressources financières, un complètement l’accès à Google et à certains autres sites, même savoir-faire technique et un personnel expérimenté, qui pourraient si cette situation est appelée à changer. servir à l’exécution de tâches plus productives. Deuxièmement, le Des gouvernements de toutes tendances limitent l’accès filtrage et les méthodes utilisées pour le déjouer peuvent réduire la à des contenus comme la pornographie infantile, les discours rapidité d’accès à l’internet, et causer ainsi un préjudice aux entre- haineux, les insultes ou les critiques à l’endroit de figures prises qui l’utilisent. Troisièmement, le filtrage peut réduire l’accès d’autorité, les attaques dirigées contre certaines cultures ou à des informations utiles au plan économique ou scientifique — religions, ou les rapports faisant état de soulèvements ou d’ac- par exemple, le moteur de recherche Google Scholar, indispen- cidents. Lorsque des autorités publiques redevables de leurs sable pour les universités et les laboratoires. Quatrièmement, de actions déterminent les paramètres de la censure, on observe l’avis de l’Union européenne par exemple, le blocage des sites web Figure EA 6.1 Les États autocratiques encouragent la cyberadministration tout en censurant l’internet a. Prestation de services de cyberadministration b. Niveau de filtrage de l’internet, par type de gouvernement par type de gouvernement 1,0 Important Indice des services en ligne 0,8 Sélectif 0,6 0,4 Soupçonné 0,2 Aucun 0 Autocratie Démocratie –10 –5 0 5 10 Nature des contenus filtrés Autocratie Démocratie Politiques Sociaux Conflits et sécurité Sources : Équipe du RDM 2016, sur la base de Polity IV, 2015 ; ONU, 2014 ; Open Net Initiative, données de 2013. Données disponibles à l’adresse suivante : http://bit.do/WDR2016-FigBO_6_1. Note : Le projet Polity IV définit les types de gouvernement en s’appuyant sur des caractéristiques, telles que la compétitivité et l’ouverture du système de recrutement des cadres, les garde-fous en place pour assurer la probité des hauts dirigeants, et la réglementation et la compétitivité de la participation au processus politique. La note globale attribuée varie de -10 pour une autocratie pure à +10 pour une démocratie pure. Voir le manuel de l’utilisateur de Polity IV pour en savoir plus. (voir page suivante) ABRÉGÉ 27 Encadré A.6 La quadrature du cercle — restrictions à la circulation de l’information (suite) étrangers pourrait être considéré comme un obstacle non tarifaire meilleurs produits, et protéger en partie les entreprises nationales aux échanges. Les entreprises locales s’emploieront à combler de premier plan contre une concurrence propice à l’innovation. le vide, ce qui pourrait être considéré comme un avantage ou Cinquièmement, une censure généralisée décourage les débats et un transfert économique, plutôt qu’un coût. Le filtrage peut le libre échange des idées qui sont pourtant les attributs indispen- cependant empêcher les utilisateurs nationaux d’accéder à de sables d’une société innovante et productive. Sources : Équipe du RDM 2016, d’après Saleh, 2012 ; King, Pan et Roberts, 2013 ; Bao, 2013 ; Economist, 2014 ; HRW, 2015. a. Elmer-Dewitt, 1993. b. Clinton, 2000. Encadré A.7 L’internet est-il un bien public ? L’internet ne présente pas toutes les caractéristiques d’un société dont tous les membres sont mieux informés et où les bien purement public. Il arrive souvent qu’il faille payer pour y services sont fournis sous forme électronique et à des coûts plus accéder, ce qui conduit à exclure une partie de ses utilisateurs bas profite à tous les citoyens. potentiels. Cependant, la consommation des informations Le secteur privé a tout intérêt à prendre l’initiative dans accessibles sur l’internet par un utilisateur donné ne réduit pas la fourniture d’infrastructures et de services internet puisqu’il l’accessibilité de ces informations pour les autres internautes, ce devrait généralement en tirer des bénéfices. Cependant, les qui signifie que de ce point de vue, il n’y a pas de rivalité (bien investissements ou l’intervention de l’État peuvent parfois se que des contraintes de capacité risquent de ralentir l’accès justifier dans les cas où le secteur privé se montre incapable auxdites informations). On peut comparer l’internet à un « bien d’offrir un accès abordable. Le Communications Act adopté de club » dont on peut être exclu, mais qui est libre de rivalité  aux États-Unis en 1934 et qui préconisait la mise en place d’un — semblable à la télévision par câble —, ou, si la largeur de bande service universel de communication par fil et sans fil, même est limitée, à un bien privé à fortes externalités positives, où tous dans les zones rurales reculées, constitue à cet égard un pré- bénéficieront à mesure que le nombre d’utilisateurs augmente. cédent historique. Certains pays sont allés encore plus loin. Au fur et à mesure que des services essentiels et l’information La Finlande, par exemple, a fait de l’accès à l’internet haut migrent vers le web, les personnes qui n’ont pas accès à l’internet débit un droit reconnu par la loi et préconise une politique deviennent pratiquement des citoyens de seconde classe. Et une d’accès universel. Source : Équipe du RDM 2016. Encadré A.8 Les quatre catalyseurs du développement numérique Le Rapport sur le développement dans le monde 2016 examine prêts de pair à pair peuvent accroître considérablement l’accès comment l’internet augmente la productivité des entreprises, au financement pour les entreprises naissantes. Les autorités multiplie les opportunités offertes aux populations et accroît l’effi- publiques peuvent effectuer des paiements et des transferts cacité du secteur public. Quatre grands catalyseurs du développe- sociaux à moindre coût et avec un risque moins élevé de fraude ment numérique sont essentiels à ces fins. Le Rapport en examine et de fuites. Cependant, si la réglementation financière ne les avantages et les risques possibles sous quatre spotlights. s’adapte pas à l’évolution rapide de la technologie, toutes ces innovations risquent de déstabiliser le système global. Services financiers numériques. Les banques ont été parmi les premières à adopter les technologies numériques, mais nombre Médias sociaux. Les réseaux sociaux constituent un élément des innovations principales  — par exemple, services de paie- fondamental des sociétés humaines, et les technologies numé- ments en ligne, argent mobile et monnaie électronique — sont riques en ont accéléré le développement. On estime que plus venues d’institutions non bancaires, notamment les entreprises d’un cinquième de la population mondiale a aujourd’hui accès à de télécommunications et les sociétés internet. Certaines de ces une ou plusieurs plateformes de médias sociaux. Ces plateformes innovations ont d’abord pris racine dans les pays en développe- auraient contribué à faciliter les interactions économiquement ment, où elles ont permis de combler les lacunes des systèmes bénéfiques, à canaliser le comportement des utilisateurs dans un financiers traditionnels. Leurs avantages sont largement répar- sens favorable au développement, à accélérer la production et la tis. Les paiements en ligne sécurisés stimulent le commerce diffusion des informations en situation de catastrophes naturelles électronique. Les transferts électroniques réduisent les coûts ou d’urgences, et à encourager la mobilisation politique et le chan- de l’envoi de fonds par les travailleurs installés à l’étranger. Les gement social. Certains analystes estiment que les médias sociaux (voir page suivante) 28 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Encadré A.8 Les quatre catalyseurs du développement numérique (suite) ont joué un rôle capital dans certains événements récents comme complémentaires retiennent l’attention : celle des «  big data » le Printemps arabe ou le mouvement « Occupons Wall Street », (prolifération des données), et celle des «  open data  » (libre et qu’ils ont donc contribué à la diffusion des idées démocra- accès aux données). Des volumes considérables de données tiques, bien que plusieurs restent toujours sceptiques quant à leur sont aujourd’hui transmis à grande vitesse par une variété impact réel. Il reste encore beaucoup à apprendre sur le rôle que de sources  — des satellites aux capteurs et du «  nuage  » aux les médias sociaux peuvent jouer dans le développement. Bien vastes collectivités d’utilisateurs. L’analyse des « big data » sert qu’ils constituent une source d’idées innovantes, ils servent en à améliorer la gestion de la circulation routière, à estimer les même temps au colportage de ragots, de calomnies et de fausses agrégats macroéconomiques (opération aussi connue sous le informations, ainsi qu’au harcèlement, à l’intimidation et au crime. nom de « prévision immédiate » ou «  nowcasting »), à suivre la On a constaté en particulier que l’incidence des médias sociaux sur propagation des épidémies ou à améliorer les services de nota- le développement semble dépendre très étroitement du contexte, tion du crédit et le jumelage emploi-travailleur. Les open data et qu’il convient de prendre en compte le degré d’accès à la tech- sont des données librement et facilement accessibles, lisibles par nologie, le niveau d’éducation et le contexte sociopolitique global. une machine, et dont l’utilisation est explicitement exempte de Par exemple, on constate que les personnes qui vivent sous des restrictions. Les États sont — ou pourraient devenir — la source régimes plus autocratiques sont moins portées à retransmettre la plus importante d’open data. Les estimations optimistes de l’information (par exemple, faire suivre des messages twitter). la valeur économique actuelle et potentielle des « big data » et des open data varient de centaines de milliards à des milliers Identification numérique. Même si, à première vue, elle peut de milliards de dollars par an. Pourtant, les exemples d’utili- paraître élémentaire, la capacité de prouver son identité peut sations probantes et à grande échelle des «  big data  » et des être cruciale pour une personne tenue à l’écart des emplois et des open data dans les pays en développement sont toujours rela- services. Les systèmes électroniques d’identification simples, qui tivement rares. La plupart des « big data » appartiennent à des s’appuient souvent sur des caractères biométriques, sont devenus des plateformes efficaces pour assurer la sécurité des transactions intérêts privés  — grandes entreprises de télécommunications bancaires, des scrutins, de l’accès aux services sociaux, du paiement et sociétés internet — qui répugnent à les partager de crainte des factures des services d’utilité publique, et plus encore. Beaucoup de mettre en péril la vie privée de leurs clients ou leur position de pays, de Moldova au Nigéria et à Oman, ont mis en place des concurrentielle. Les organismes publics répugnent eux aussi à systèmes d’identification numérique. L’Inde est sur le point d’enre- partager leurs données, même lorsque ces dernières pourraient gistrer sa population entière à l’aide de son système d’identification bénéficier largement au public. Par exemple, sur l’ensemble des numérique Aadhaar. En Estonie et dans d’autres pays, des milliers pays examinés dans le cadre du projet Open Data Barometer, le de types de transactions publiques et privées sont contrôlés à l’aide tiers des pays à revenu élevé et 85 % des pays en développement d’un système unique d’identification électronique, y compris les faisaient état de progrès insignifiants ou nuls en matière d’ac- contrats ayant force exécutoire et les scrutins nationaux. cessibilité des données cartographiques. Les raisons invoquées pour expliquer ce retard incluaient la pénurie de compétences Révolution des données. Dans le domaine de l’exploitation techniques, le manque de ressources et la réticence à exposer les des données aux fins du développement, deux innovations données à l’examen de tiers. Figure A.20 Un cadre d’action pour améliorer la connectivité Premier kilomètre Nouvelles Politiques de Offre Kilomètre intermédiaire technologies concurrence Dernier kilomètre Partenariats Réglementation public-privé efficace Universalisation Kilomètre invisible de la connectivité Censure et filtrage des contenus Sensibilisation et investissement Cybersécurité Coopération mondiale Demande Confidentialité en ligne Approche multipartite Gouvernance de l’internet Écosystèmes de libre accès pour l’innovation, centres de haute technologie, espace créatif Source : Équipe du RDM 2016. ABRÉGÉ 29 Politiques axées sur la demande : à long terme, il faut renforcer les compléments analogiques utilisation ouverte et sûre de l’internet des investissements numériques (encadré A.9). Trois objec- Les défis auxquels sont aujourd’hui confrontés les acteurs tifs stratégiques émergent de l’analyse présentée dans le de l’internet tiennent autant à l’utilisation qui est faite des Rapport sur le développement dans le monde : réseaux (demande) qu’à la façon dont ils sont construits (offre). L’interconnectivité mondiale engendre de nouvelles • Un environnement économique dans lequel les entre- vulnérabilités dans les domaines où les mécanismes de prises peuvent tirer parti de l’internet pour accroître coordination sont défaillants, toujours en évolution ou leur compétitivité et innover, pour le plus grand béné- fondés sur des modèles non étatiques. La censure et les fice des consommateurs. menaces à la cybersécurité minent la confiance dans l’inter- • Des travailleurs, des entrepreneurs et des fonctionnaires net et augmentent les coûts de son utilisation par les entre- justifiant des compétences requises pour tirer parti des prises et les administrations publiques, ce qui entraîne des opportunités offertes par le monde numérique. pertes économiques et une hausse des dépenses liées à la • Des pouvoirs publics responsables qui utilisent l’in- sécurité. Les pays utilisent divers moyens pour protéger la ternet pour l’autonomisation de leurs citoyens et la vie privée et les données, ce qui complique la mise au point prestation des services. de services d’envergure mondiale. Pour assurer la sécurité de l’accès aux données, il faudra renforcer la collaboration Ces priorités démontrent que les éléments essentiels internationale en s’inspirant d’un modèle multipartite. du processus de développement — règles commerciales facilitant l’entrée sur le marché, systèmes d’éducation et Compléments analogiques de formation permettant de développer les compétences que les entreprises recherchent, et institutions respon- pour une économie numérique sables — prennent de plus en plus d’importance avec la L’internet présente une occasion unique de promouvoir propagation de l’internet. Les entreprises qui négligent le développement économique, mais les possibilités qu’il de faire les réformes nécessaires risquent de se faire dis- offre n’ont été jusqu’à maintenant qu’en partie exploitées. Il tancer par celles qui embrassent ces réformes, et l’inves- bouleverse les marchés établis de produits, de services et du tissement dans la technologie et dans ses compléments travail, et perturbe le secteur public — raisons principales est au cœur de la transformation numérique. de la répugnance fréquemment affichée à en élargir l’adop- L’utilisation de l’internet et la qualité des compléments tion et l’utilisation. Cependant, les avantages échoiront à varient toujours fortement d’un pays à l’autre, et les deux ceux qui adoptent les changements apportés par l’internet, ont tendance à croître avec le revenu (figure  A.21). Les et non à ceux qui y résistent. Pour tirer parti de la croissance priorités stratégiques évoluent à mesure que les pays solidaire que favorise l’internet sans subir de perturbations poursuivent leur transformation numérique (figure A.22). Encadré A.9 Technologie et compléments : les enseignements de la recherche universitaire Les travaux récents sur la croissance, les marchés du travail et la Les travailleurs qui possèdent les aptitudes requises seront en gouvernance ont porté un regard nouveau sur les interactions mesure d’utiliser la technologie pour accroître leur producti- entre la technologie et d’autres facteurs. Leurs résultats enri- vité. On peut songer par exemple à un assistant administratif chissent les échanges de vues sur les priorités stratégiques exa- moderne qui utilise les technologies numériques pour s’ac- minées dans le Rapport sur le développement dans le monde. quitter rapidement de ses tâches courantes et qui est donc en mesure de consacrer beaucoup plus de temps à entretenir ses Règles. La technologie influe sur les règles (le cadre réglemen- relations interpersonnelles, à établir des programmes complexes taire et les normes) pour engendrer de nouvelles idées  — par et à effectuer d’autres tâches que des ordinateurs ne sauraient exemple, nouvelles méthodes de production de biens et ser- réaliser facilement. vices. Si la plupart des règles sont établies localement, la tech- nologie fait l’objet d’échanges entre les marchés et à travers les Institutions. La technologie influe sur la pratique du discerne- frontières. Lorsqu’elle est confrontée à des règles mal adaptées, ment. Beaucoup de tâches peuvent également être automatisées la technologie ne donne pas les avantages attendus. Les nou- dans la fonction publique, mais d’autres exigent un haut degré de velles entreprises peuvent se doter d’outils internet pour réduire jugement. Ainsi, même si l’internet permet d’accroître l’efficacité leurs prix et accroître la commodité de leurs services au profit de nombreuses fonctions de service public, ses avantages seront des consommateurs, mais elles seront incapables d’investir le limités si les fonctionnaires et les agents ne sont pas encouragés à marché et de faire face à la concurrence si la réglementation utiliser la technologie pour le bien public. Il est facile, par exemple, locale protège les entreprises en place. de surveiller l’absentéisme des enseignants grâce aux technolo- gies numériques, mais la qualité de l’enseignement dépend de Compétences. La technologie influe sur les compétences des la formation desdits enseignants, des ressources mises à leur travailleurs. Elle permet d’automatiser les tâches répétitives. disposition, de leurs aptitudes et de leur motivation. Sources : Romer, 2010 ; Autor, 2014 ; Pritchett, Woolcock et Samji, à paraître. 30 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Figure A.21 La qualité des compléments et de la technologie augmente avec les revenus 1,0 E N TR A NSFO R MAT I O N FIN CHE SGP CAN NOR 0,9 NZL AUS DNK SWE NLD IRL BEL USA GBR EST SVN ISL LUX 0,8 DEU CYP FRA LTU LVA JPN PRT KOR MYS MLT AUT BRB ARE CZE CHL 0,7 HUN QAT ISR MUS ESP POL SVK GEO HRV ROU ITA TTO CRI BGR SYC GRC MKD URY 0,6 BWA PAN JOR SRB ARM GUY ALB RUS LKA UKR KAZ Compléments MEX ZMB SLV TUN MNG TUR KGZ THA COL GHA RWA ZAF SAU BHR 0,5 LSO BLZ PHL MAR PER BRN BEN UZB CHN SEN VNM ARG IDN DOM LBR TJK KWT SWZ GAB NIC IRN NAM KEN GTM TZA ECU BRA BGD 0,4 LAO CMR NPL IND BDI SLE GMB HND EGY MOZ PRY PAK BOL MWI DZA MRT NGA E N T R AN SI T IO N 0,3 ETH YEM ZWE MLI LBY AGO VEN KHM 0,2 HTI 0,1 ÉMERGENTS 0 0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 1,0 Technologie Revenu élevé Revenu intermédiaire, tranche inférieure Revenu intermédiaire, tranche supérieure Faible revenu Source : Équipe du RDM 2016. Voir la figure 5.3 du rapport complet pour plus de détails. Données disponibles à l’adresse suivante : http://bit.do/WDR2016-FigO_21. Note : Le progrès technologique est mesuré par l’indice d’adoption du numérique (DAI), qui est fondé sur trois sous-indices sectoriels couvrant les entreprises, les individus et les administrations. Ces sous-indices ont tous le même coefficient de pondération ; ainsi, DAI (économie) = DAI (entreprises) + DAI (individus) + DAI (administrations). Chacun d’eux représente la moyenne simple de plusieurs indicateurs normalisés qui servent à mesurer le taux d’adoption de la technologie au sein des groupes concernés. De la même manière, les « compléments » correspondent à la moyenne de trois sous-indicateurs : démarrage d’une entreprise ; nombre d’années de scolarité corrigé pour tenir compte des compétences ; qualité des institutions. Ceux où l’utilisation de l’internet est encore limitée prestataires et la participation citoyenne. Les pays parve- devraient s’employer à préparer le terrain — par exemple, nus à un stade avancé de transformation numérique ont abattre les obstacles qui bloquent l’accès à l’internet et son besoin de s’attaquer à certains des défis les plus difficiles. adoption, promouvoir le renforcement de la culture géné- Ils ont besoin de trouver les moyens de faciliter la concur- rale et de la culture numérique, et utiliser l’internet pour rence propre à la « nouvelle économie », de promouvoir la prestation de services publics élémentaires comme la la formation permanente et l’adaptation à l’évolution du diffusion de l’information. À mesure qu’ils passent à des monde du travail, et d’utiliser l’internet pour l’exécution niveaux supérieurs d’utilisation de l’internet, les pays de la plupart des fonctions de l’administration publique et ont besoin d’adopter des règles efficaces qui favorisent la pour une démocratisation accrue de la prise de décisions. concurrence — y compris des règles qui facilitent l’entrée et la sortie des entreprises —, d’accorder une attention plus grande aux aptitudes cognitives et socioémotion- Règlements favorables à la concurrence nelles avancées qui sont renforcées par la technologie, et à l’arrivée de nouveaux acteurs et de mettre en place des systèmes efficaces d’adminis- L’adoption de la technologie numérique par les entreprises tration électronique pour assurer une bonne gestion des varie d’un pays à l’autre, et plusieurs raisons peuvent ABRÉGÉ 31 Figure A.22 Priorités stratégiques des pays émergents, en transition ou en voie de transformation ÉMERGENTS EN TRANSITION TRANSFORMATION RÉGLEMENTATIONS Élaboration qui favorisent la Lever les obstacles et application de Concurrence entre concurrence et l’entrée à l’adoption règles favorisant les plateformes de nouveaux acteurs la concurrence COMPÉTENCES Compétences de Préparation pour des Promotion de base et notions pour mieux tirer carrières au lieu de la formation élémentaires en parti des technologies simples emplois permanente matière de TIC numériques Prestation de services INSTITUTIONS Services et suivi d’administration Démocratisation de fondés sur la électronique la prise de décision capables et et collaboration responsables téléphonie mobile et participation citoyenne numérique Note : TIC = Technologies de l’information et de la communication. expliquer la lenteur de ce processus. Il faut avant tout supprimé unilatéralement les droits imposés aux équipe- connaître la technologie, accéder à cette dernière et maî- ments de TIC, les ordinateurs et les téléphones intelligents triser les meilleurs moyens de l’utiliser. Cependant, la sont toujours considérés comme des produits de luxe dans pression concurrentielle est le facteur le plus important à certains pays, y compris la Turquie où la fiscalité augmente prendre en compte puisque les entreprises qui adoptent de près de moitié le prix des combinés mobiles33. Djibouti les nouvelles technologies augmentent leur productivité et impose une taxe de 26  % sur les ordinateurs. Beaucoup devancent ainsi celles qui ne le font pas. Cette différence de pays traitent leurs entreprises de télécommunication met en lumière le rôle essentiel joué dans chaque pays par comme des vaches à lait. Dans les pays où les entreprises ne le climat des affaires — c’est-à-dire par l’ensemble des lois et sont pas pleinement conscientes de la mesure dans laquelle règlements qui facilitent l’entrée et la sortie des entreprises, l’internet peut améliorer leurs résultats commerciaux, des et un système de libre échange qui expose les entreprises à exercices d’évaluation comparative et des programmes la concurrence et aux investissements venant de l’extérieur. d’information peuvent s’avérer utiles. Pour faciliter l’entrée À cela vient aussi s’ajouter une dimension d’économie poli- sur leurs marchés d’entreprises plus innovantes, les pays tique : l’influence exercée sur les organismes de régulation ont besoin d’améliorer leurs systèmes d’immatriculation par des groupes d’intérêt qui souhaitent empêcher les mar- et d’améliorer la transparence du marché pour réduire les chés de s’ouvrir à la concurrence, et qui contribuent ainsi à risques de collusion dans la fixation des prix, de partage du maintenir un contexte économique peu propice au progrès marché et de fraude dans la passation de marchés publics. technologique. Les banques qui sont soumises à des règles Les systèmes d’administration électronique — par exemple, de fonctionnement strictes et qui sont protégées contre immatriculation des entreprises et passation des marchés l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs sont moins en ligne — peuvent simplifier ces processus et favoriser poussées à investir dans des technologies susceptibles d’ac- une plus grande ouverture. croître leur efficacité, mais qui pourraient également les aider à offrir un meilleur service à leur clientèle et à attirer Promouvoir la concurrence par l’adoption de nouveaux clients. Cependant, l’élaboration et la mise en et l’application de mesures efficaces œuvre de politiques favorables à la concurrence sont des Le contrôle exercé par l’État dans les secteurs écono- opérations complexes, et beaucoup de pays à faible revenu miques, les obstacles à l’entrepreneuriat et les restric- n’ont pas la capacité requise pour le faire efficacement. tions aux échanges commerciaux et à l’investissement découragent l’utilisation des technologies numériques Réduire les obstacles à l’adoption par les entreprises dans les secteurs protégés. La plu- des technologies numériques part des pays sont dotés d’une entité de promotion de la Dans les pays où l’économie numérique n’en est encore concurrence, mais beaucoup de ces dernières n’ont été qu’aux premiers stades de son développement, la priorité mises en place que récemment, et les règles sont appli- consiste à faciliter la connectivité et à mettre en place les quées de façon variable, en particulier dans les cas où fondements propices à une réglementation efficace de la les entreprises d’État ou celles entretenant des relations concurrence. Bien que 74 pays appartenant principalement avec les milieux politiques bénéficient de restrictions aux groupes à revenu intermédiaire ou élevé aient déjà d’accès au marché. Par ailleurs, comme l’internet facilite 32 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 Encadré A.10 Ouverture de la plateforme d’argent mobile M-Pesa à la concurrence Le système d’argent mobile de Safaricom est un exemple bien justifiées au départ, compte tenu des coûts élevés de mise en connu de réussite dans le domaine. Il a connu une croissance place du système. Cependant, en 2014, l’organisme kényan de rapide parce que les organismes de régulation du secteur promotion de la concurrence a modifié les règles et ouvert bancaire au Kenya ont décidé d’entrée de jeu d’adopter une le système à d’autres opérateurs de téléphonie mobile. Les approche non interventionniste. Pendant sept ans, Safaricom coûts de transaction sont passés de 66 à 44  KSh (0,43 dol- a joui d’une position dominante grâce aux contrats d’exclusi- lar), pour des transferts pouvant atteindre jusqu’à 500  KSh vité imposés à ses agents. Ces dispositions étaient peut-être (4,91 dollars). Source : Plaza, Yousefi et Ratha, 2015, pour le RDM 2016. la prestation de services en ligne à partir de n’importe sur les marchés de la publicité et de la vente de livres en où dans le monde, la réglementation du commerce des ligne, elles ont une emprise considérable sur les marchands services prend de plus en plus d’importance. L’Éthiopie, et les libraires. Leur position est semblable à celle occupée l’Inde et le Zimbabwe sont les pays où les restrictions au par les sociétés de cartes de crédit par rapport aux commer- commerce des services sont les plus importantes, mais çants. Les travaux d’économistes comme Jean Tirole ont beaucoup d’autres pays imposent aussi des restrictions montré que la réglementation mise en place dans de tels à des services particuliers comme les services juridiques secteurs doit être soigneusement adaptée pour garantir la ou comptables. Les pays peuvent accroître la compéti- concurrence sans nuire aux intérêts des consommateurs. tivité de leurs économies et encourager le recours aux Ce sont là des problèmes très complexes et qui se posent technologies numériques en réduisant graduellement d’une manière pressante dans les pays en voie de trans- les distorsions du marché et en favorisant parallèlement formation. Les pays en développement ont l’avantage de la concurrence. Ces mesures sont valables tant pour des pouvoir apprendre de l’expérience de ces derniers avant de entreprises traditionnelles qui utilisent l’internet que choisir la solution qui leur semble la plus appropriée. pour des plateformes internet (encadré A.10). Compétences requises pour Adapter les règles de la « nouvelle une économie numérique économie » pour promouvoir la concurrence Le changement technologique signifie que beaucoup de Les entreprises internet créent de nouveaux modèles tâches ordinaires pourront bientôt être confiées à des d’affaires et changent la structure du marché, ce qui pose machines. Par rapport à ce qu’on a observé par le passé, de nouveaux défis aux organismes de régulation. Les l’internet présentera la particularité de rendre également entreprises de l’économie « à la demande » comme Uber superflues beaucoup de tâches effectuées par les «  cols et Airbnb ont transposé les pratiques traditionnelles du blancs ». Cette évolution aura pour conséquence d’accroître covoiturage et de la sous-location à l’échelle du monde. la valeur de différents types de compétences que l’auto- Cependant, les régulateurs ont du mal à décider si ces matisation ne remplace pas mais complète (figure  A.23). entreprises sont des compagnies de taxi ou des entreprises Les systèmes éducatifs ont été lents à relever ce défi. hôtelières, ou simplement des prestataires de services en De plus, le rythme des changements est rapide, et les types ligne. Leurs concurrents hors ligne leur reprochent de de compétences en demande changent rapidement. Ainsi, ne pas suivre les règles auxquelles ils sont eux-mêmes les travailleurs devront régulièrement améliorer leurs com- astreints. Dans les secteurs réglementés à outrance et les pétences tout au long de leur vie active. Cette dynamique marchés faussés, ce qui est souvent le cas dans le domaine s’observe déjà dans beaucoup de pays en transformation du taxi, cette nouvelle concurrence peut encourager une et dans certains pays en transition, mais même pour les refonte en profondeur du modèle d’affaires. Aux États- économies émergentes, il n’est pas trop tôt pour se préparer. Unis, des villes comme New York et des États comme le Massachusetts ont commencé à élaborer des règles pour ces nouvelles plateformes — par exemple, règles de sécu- Commencer tôt à acquérir rité et obligations fiscales —, tout en réduisant le fardeau les compétences fondamentales réglementaire de leurs concurrents traditionnels. Le développement des compétences commence dès la D’autres entreprises comme Amazon, Facebook et Goo- naissance et se poursuit toute la vie. L’éducation donnée gle engendrent aussi des casse-têtes réglementaires sem- par les parents et un cadre de vie stimulant préparent blables. Par exemple, Google est connu comme un moteur les enfants à l’école, où ils acquerront les bases du déve- de recherche, mais répond mieux à la définition d’une loppement cognitif et socioémotionnel. La technologie agence de publicité. Ces entreprises compliquent l’applica- peut jouer un rôle dans ce processus. Certes, les résultats tion du droit classique de la concurrence parce qu’elles ne se de programmes fondés sur la simple distribution d’or- comportent pas comme des monopoles traditionnels. Leurs dinateurs portables ou de tablettes électroniques aux services sont souvent offerts gratuitement aux consomma- élèves sont mitigés, mais on a constaté que le recours à la teurs. Cependant, compte tenu de leur position dominante vidéoconférence avec des conférenciers anglophones des ABRÉGÉ 33 Figure A.23 Types de compétences requises dans une économie moderne Cognitives Sociales et comportementales Techniques Compétences en lecture, écriture Dextérité manuelle et maîtrise et calcul, et aptitudes cognitives Aptitudes socioémotionnelles des méthodes, matériaux, d’ordre supérieur (par exemple, et traits de caractère outils et instruments raisonnement et créativité) Compétences techniques acquises Talent brut pour la résolution Ouverture à l’expérience, dans le cadre d’études supérieures, de problèmes ou connaissances conscience, extraversion, d’une formation ou en milieu requises pour le faire charme et stabilité émotionnelle de travail Expression orale, compétences en Autodiscipline, cran, tempérament, Compétences liées à des tâches calcul, aptitudes à résoudre des aptitudes à la prise de décisions particulières (par exemple, ingénieur, problèmes, mémoire et acuité mentale et sens du contact économiste, spécialiste des TI) Source : Équipe du RDM 2016, d’après Pierre, Sanchez Puerta et Valerio, 2014. Note : TI = technologies de l’information. Philippines avait amélioré l’apprentissage de l’anglais chez tâches administratives contribuent à offrir une éducation des élèves de première année du primaire en Uruguay. à faible coût. Bien qu’elles doivent encore faire l’objet d’une La Khan Academy fournit des ressources pour l’apprentis- évaluation rigoureuse, de telles approches sont suscep- sage indépendant, et son approche de l’enseignement des tibles d’améliorer le niveau d’éducation. mathématiques par l’entremise du jeu s’est avérée béné- fique pour des élèves de quatrième année du primaire à Repenser les programmes et Mumbai. Cependant, dans ces cas comme dans d’autres, la qualité de l’enseignement est le facteur qui s’est avéré les méthodes d’enseignement le plus important. Ce n’est pas un hasard si la Finlande, un Les systèmes d’enseignement modernes doivent préparer des pays du monde les plus connectés et qui enregistrent les élèves à mener une carrière, et non plus simplement à les meilleurs résultats aux tests éducatifs, utilise très peu remplir un emploi. Les marchés du travail d’aujourd’hui de technologies en classe. Cependant, il faut du temps exigent de la créativité, du travail d’équipe, l’aptitude à pour améliorer la qualité des enseignants. En revanche, résoudre des problèmes et des capacités d’analyse critique comme l’a démontré la plateforme Educopedia à Rio de adaptées à des milieux en constante évolution — des qua- Janeiro (encadré A.11), la technologie peut aussi jouer un lités que les systèmes d’éducation traditionnels peinent à rôle utile ici. Le recours à la technologie pour orienter offrir et qui sont les plus difficiles à évaluer. De nombreux étroitement le travail des enseignants est une option de pays se sont engagés à repenser leur approche. Singapour rechange valable qui peut augmenter les acquis scolaires s’emploie à transformer un modèle passablement rigide pour un coût modique dans les situations où la formation «  axé sur l’efficacité  » qui cherchait à tirer les meilleurs des enseignements ne risque pas de s’améliorer rapide- résultats possible de ses intrants (enseignants et ressources ment. C’est le modèle qu’a retenu la Bridge Academy, un financières) en un modèle « axé sur les aptitudes » qui met système à but lucratif mis en œuvre au Kenya et ailleurs, l’accent sur le travail par projets et qui réduit la fréquence où des instructions écrites et l’exécution automatisée de des évaluations. Le modèle colombien Escuela Nueva, dont Encadré A.11 Utiliser la technologie dans l’enseignement à Rio – la plateforme Educopedia Le service de l’Éducation de Rio de Janeiro a mis au point en met à la disposition de près de 700 000 élèves. Il n’a toujours 2010 la plateforme Educopedia de leçons et d’autres ressources pas fait l’objet d’une évaluation officielle, mais de concert avec en ligne afin d’améliorer l’enseignement dans les écoles d’autres plateformes, il a probablement contribué à accroître publiques. Ce système vise d’une part à fournir aux enseignants de plus de 20  % l’indice de développement de l’éducation le matériel qui leur permettra d’améliorer les leçons, et d’autre de base dans les établissements d’enseignement secondaire part à offrir aux élèves un accès aux outils d’apprentissage. Il entre 2009 et 2012. Et 80 % des élèves de Rio reconnaissent utilise des ressources pédagogiques multimédias  — vidéos, que la plateforme Educopedia les aide dans leurs efforts questionnaires interactifs et bibliothèques numériques — qu’il d’apprentissage. Source : Bruns et Luque, 2014. 34 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 bénéficient actuellement 5 millions d’élèves répartis dans les encourageront à créer les mécanismes requis pour pour- 16 pays, met lui aussi l’accent sur l’apprentissage de groupe suivre leur formation tout au long de leur vie. et la résolution de problèmes. Ces approches changent les rapports entre les enseignants et les élèves. Désormais, les Des institutions responsables devant professeurs ne sont plus simplement considérés comme les citoyens des sources d’information ; leur rôle consiste plutôt à mon- Bien que l’internet renforce la capacité de nombreuses trer aux élèves la manière de trouver l’information dont ils administrations publiques à fournir plus efficacement ont besoin et de l’appliquer dans un contexte nouveau et certains services essentiels, la technologie n’a pas permis inattendu. La formation des enseignants doit pour cela être jusqu’à ce jour d’améliorer leur éthique de responsabilité. modifiée. Les technologies numériques peuvent venir en Une double stratégie doit être mise en œuvre à cette fin : aide de plusieurs façons aux enseignants et aux élèves — adaptation, à court terme, de l’application des technolo- en favorisant le travail d’équipe grâce à la communication entre les classes par le web, en offrant des applications qui gies numériques aux environnements où l’éthique de stimulent la créativité et la recherche de solutions inno- responsabilité laisse à désirer, et renforcement des insti- vantes et en proposant des jeux éducatifs. tutions à plus long terme (tableau A.3). Développer des aptitudes technologiques Améliorer les services d’information avancées et encourager l’éducation et leur suivi Bien que l’accès à l’internet soit toujours limité dans de permanente nombreux pays émergents, les téléphones portables y À mesure que de plus en plus de secteurs de l’économie sont largement répandus et pourraient contribuer énor- s’appuient lourdement sur l’internet, la demande pour des compétences avancées dans le domaine des TIC augmen- mément à l’amélioration des services. Dans le secteur tera également. Une petite proportion seulement de la de la santé, des systèmes automatisés de messagerie population active sera engagée dans l’élaboration de logi- mobile se sont avérés efficaces au Malawi pour rappeler ciels ou dans la conception de systèmes, mais l’exposition aux patients infectés par le VIH de prendre leurs médi- des enfants aux notions élémentaires de codage et de TIC caments, et en République démocratique du Congo pour peut influer sur les choix de carrière de certains et incul- diffuser des informations en santé maternelle. Les télé- quer des connaissances de base à beaucoup d’entre eux. phones peuvent servir à la surveillance des enseignants NairoBits, une organisation de jeunes kényans, offre à des ou d’autres fonctionnaires là où l’absentéisme sévit, jeunes défavorisés vivant dans des zones d’habitat précaire même si cette surveillance ne suffit pas à elle seule pour des cours de conception de sites internet et d’apprentissage améliorer la qualité des services ou leurs résultats (enca- des TIC, tandis que le programme AkiraChix s’adresse à dré A.12). La surveillance devient aussi importante pour de jeunes filles technophiles. Les femmes ont tendance à la prestation de services par des entités non-étatiques être sous-représentées dans les domaines des TIC, et les dans un contexte caractérisé par la faiblesse des insti- programmes qui encouragent les filles à adopter de telles tutions, où des organisations à but lucratif ou sans but professions et qui incitent les entreprises de TIC à créer lucratif offrent des services souvent financés par l’État. un cadre de travail propice aux femmes contribueront à Les technologies numériques peuvent enfin améliorer la accroître les ressources humaines disponibles dans des sec- responsabilité électorale. En Afghanistan, au Kenya et au teurs où la demande de main-d’œuvre ne cesse d’augmen- Mozambique, la surveillance du scrutin à l’aide de télé- ter. À mesure que la technologie progresse et accroît son phones portables a permis de détecter les cas de fraude influence sur le monde du travail, les travailleurs ont besoin et de réduire la violence. Ce type d’outil peut servir de de réévaluer continuellement et d’améliorer leurs compé- complément — ou, dans les milieux où les capacités sont tences. Cette évolution se poursuivra en grande partie en limitées, de solution de rechange — à des approches plus dehors du système d’éducation, mais les autorités peuvent exigeantes comme l’identification biométrique (voir le fournir aux entreprises et aux travailleurs les moyens qui spotlight 4 dans le rapport complet). Tableau A.3 Politiques prioritaires pour une meilleure prestation des services Pays émergents : jeter les bases Pays en transition : construire Pays en transformation : nécessaires à des institutions des institutions capables renforcer les mécanismes plus efficaces et responsables participatifs • Améliorer les services d’information • Renforcer les systèmes publics • Améliorer la collaboration à des citoyens de prestation de services l’intérieur et à l’extérieur des administrations publiques • Améliorer la surveillance et la rémunération • Améliorer la gestion des prestataires des prestataires de services • Promouvoir la participation à la prise de décisions • Établir des registres d’état civil • Obtenir régulièrement des informations en retour sur la qualité des services • Élargir la prestation de services non publics • Accroître la transparence dans les • Renforcer la responsabilité électorale secteurs prioritaires ABRÉGÉ 35 Encadré A.12 La surveillance en continu et l’application de faibles sanctions peuvent-elles améliorer la performance des prestataires de services ? Les systèmes traditionnels de surveillance sont coûteux et com- lourdes, mais que la probabilité d’être appréhendé est grande, plexes. Les nouvelles technologies peuvent réduire ces coûts, les infractions sont plus rares. Cette tendance peut être exploitée et donc les délais d’application de sanctions ou de remise de dans la surveillance des fonctionnaires. Au Niger, un système bien récompenses. Cette idée est le fruit d’innovations apportées aux conçu de surveillance fondé sur la téléphonie mobile est devenu systèmes de justice pénale. Habituellement, les délinquants n’ont une source de motivation pour les enseignants, car il donnait à ces qu’une faible probabilité d’être appréhendés, mais lorsqu’ils le derniers le sentiment que leurs supérieurs se préoccupaient de sont, font face à de lourdes peines. Lorsque les peines sont moins leur travail et veillaient à leurs intérêts. Sources : Romer, 2013 ; Aker et Ksoll, 2015. Renforcer la prestation de services accroître l’utilisation. Le cadre estonien X-Road intègre les administratifs électroniques services de tous les segments de l’administration publique et la participation citoyenne ainsi que ceux offerts par des groupes du secteur privé et Là où les investissements en faveur de l’automatisation des de la société civile en vertu d’un ensemble de protocoles qui services publics ont marqué des progrès, les améliorations régissent l’échange de données et l’application de normes complémentaires apportées à la réglementation, la coopé- de sécurité34. Presque tous les types de transactions — qu’il ration interministérielle et la rationalisation prennent plus s’agisse de payer pour une place de stationnement ou de d’importance. Au lieu de reproduire simplement en ligne voter aux élections nationales — peuvent être effectués à des processus lourds comme ceux utilisés pour la régula- l’aide d’un téléphone intelligent. Les avantages tangibles tion des échanges commerciaux, l’automatisation offre l’oc- qu’en retirent les citoyens conduiront à l’universalisation casion de simplifier les formalités, d’obtenir des résultats de l’utilisation des services de cyberadministration et plus concrets et d’accroître la transparence. Les systèmes rendront de telles plateformes propices à une très large de passation des marchés en ligne atténuent les risques de concertation dans la prise de décisions. corruption, mais les pays investissent moins dans ceux-ci que dans des systèmes plus complexes de gestion du bud- Mesures de sauvegarde numérique get ou de la trésorerie. À mesure que l’utilisation de l’inter- Le renforcement des «  compléments analogiques  » per- net croît dans un pays, la mobilisation des citoyens à l’aide mettra d’assurer une haute rentabilité sociale et écono- de technologies numériques croît également. En revanche, mique des investissements consacrés aux technologies tant que l’accès ne sera pas universel, les segments de la numériques. Un risque persiste cependant. Un nouvel population qui ne sont pas connectés risquent d’être lais- examen du cadre du Rapport (figure  A.24) permet de sés pour compte. Cependant, des systèmes de remontée constater que la collecte à grande échelle d’informations des informations des citoyens permettent de réduire des identifiables soulève des préoccupations relatives à la problèmes tels que la petite corruption ou la piètre qualité protection de la vie privée et à la sécurité. Les change- des services dans des pays comme la République domini- ments apportés par l’automatisation remettent en cause caine, le Nigéria et le Pakistan. Comme l’expliquait un res- ponsable de la compagnie des eaux du Kenya, « En mettant Figure A.24 Mesures de sauvegarde numérique en place un système de gestion automatique des plaintes, dans le cadre du RDM nous nous sommes mis la corde au cou. Nous sommes désormais redevables de nos actions ! ». TECHNOLOGIES NUMÉRIQUES Approfondir la collaboration et la démocratisation de la prise de décisions Même dans les pays où les systèmes d’administration électronique ont atteint un stade avancé d’évolution, ces systèmes restent curieusement peu utilisés. De nombreux citoyens préfèrent les moyens traditionnels de communi- Informatisation cation avec les autorités comme le téléphone ou la poste, et Déluge Économie du et suppression des systèmes redondants sont donc maintenus en place au d’informations « tout au vainqueur » d’emplois détriment d’une gestion plus économique des ressources. Le recours à des mesures incitatives comme l’envoi plus précoce des remboursements d’impôt pour les personnes POLITIQUES DE PROTECTION POLITIQUES qui soumettent leur déclaration en ligne ou la commodité CONFIDENTIALITÉ SOCIALE ANTITRUST offerte par la simplification et l’intégration étroite des services dispensés par diverses agences contribuent à en Source : Équipe du RDM 2016. 36 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 les mesures de protection sociale existantes et mettent aux consommateurs en créant des entreprises trop domi- en lumière les insuffisances des lois du travail en vigueur. nantes ou en bloquant la voie à des concurrents innovants. Les économies d’échelle engendrent pour leur part des L’internet étant encore un phénomène passablement préoccupations relatives à la protection de la concurrence. récent dont l’incidence sur les marchés est en constante Les mesures de sauvegarde numérique qui permettent évolution, le développement des capacités nécessaires d’atténuer ces risques prennent de plus en plus d’impor- pour enquêter sur des pratiques anticoncurrentielles tance à mesure que se poursuit la révolution numérique. complexes et poursuivre leurs auteurs en justice prendra du temps. Les poursuites engagées dans les pays à revenu Élaboration de politiques de protection élevé peuvent servir de modèles à cet égard. de la vie privée La profusion des données recueillies sur l’internet pro- Une coopération internationale cure de nombreux avantages aux consommateurs et aux pour résoudre des problèmes citoyens, mais pose également un risque d’utilisation abu- sive — cybercriminalité, discrimination ou manipulation. mondiaux En 2014, quelque 107 pays s’étaient dotés de lois régissant L’internet est véritablement un réseau international dont la protection de la vie privée, mais 51 d’entre eux seule- la gestion peut être améliorée grâce à la coordination ment étaient des pays en développement. Les principes des actions des pays et qui peut contribuer grandement de base de ces lois sont bien établis. Elles doivent accorder à faciliter la coopération internationale. Trois champs aux usagers un meilleur contrôle (et peut-être la copro- d’action prioritaires sont à retenir  : veiller à la gouver- priété) de leurs données et leur permettre de se prévaloir nance de l’internet  ; créer un marché numérique mon- plus facilement d’une option de retrait au point de collecte. dial ; améliorer la fourniture de biens publics mondiaux, Même lorsque de telles lois existent, il reste difficile d’em- notamment ceux qui contribuent à réduire la pauvreté et pêcher les abus, en particulier dans les cas où les capacités à promouvoir la viabilité écologique. juridiques et le pouvoir de répression laissent à désirer. Gouvernance de l’internet Adaptation des systèmes de protection L’internet tire son origine d’un projet de recherche mené sociale à l’évolution des marchés du travail par l’administration américaine au cours des années 70. Des compétences plus poussées aideront beaucoup de tra- Cependant, à mesure qu’il se muait en un réseau mon- vailleurs à s’adapter aux conséquences de l’automatisation dial de réseaux, sa structure de gouvernance a évolué. facilitée par l’internet. Cependant, l’évolution du marché Aujourd’hui, l’internet est géré par une coalition inter- du travail nous oblige également à repenser les systèmes nationale d’États, d’industries, d’experts techniques et de protection sociale et les régimes fiscaux. L’économie d’organisations de la société civile en vertu de ce qu’on « à la demande » conduit à des conditions d’emploi plus appelle un modèle de gouvernance pluripartite. Les informelles, et au transfert du fardeau de l’assurance et Américains ne forment plus aujourd’hui qu’une petite d’autres obligations professionnelles aux travailleurs indé- minorité de l’ensemble des internautes, compte tenu de pendants. Des codes du travail stricts — courants dans les l’augmentation fulgurante du nombre d’utilisateurs dans pays en développement — et une dépendance exagérée à les pays en développement, notamment d’Asie. De nom- l’égard de la fiscalité du travail, encouragent l’automatisa- breux pays souhaitent être mieux représentés dans les tion en augmentant le coût de la main-d’œuvre. Il serait débats portant sur la gouvernance de l’internet. En outre, préférable de renforcer la protection des travailleurs indé- la crise de confiance provoquée à l’échelle mondiale par pendamment des contrats de travail en coupant les liens les révélations d’Edward Snowden, la surveillance exer- entre l’assurance sociale et l’emploi, en offrant des services cée par des entités publiques et l’aggravation des conflits d’assistance sociale indépendants, et en aidant les travail- entre les politiques et réglementations nationales et les leurs à se recycler et à trouver rapidement de nouveaux normes internationales soulèvent de nombreuses ques- emplois. Dans beaucoup de pays, toutefois, cela exige des tions au sujet de la gouvernance de l’internet. réformes majeures, et les pays qui commencent à peine Plusieurs pays plaident en faveur d’un modèle multi- à mettre en place leurs systèmes de protection sociale latéral de gouvernance, qui donnerait aux gouvernements et à renforcer leur législation du travail devraient d’ores nationaux une plus grande mainmise sur la surveillance de et déjà s’employer à les adapter au monde du travail du l’internet, et qui s’inspirerait à peu près de la gouvernance XXIe siècle, plutôt que de chercher à copier ce que les pays exercée sur l’Organisation des Nations Unies, l’Union inter- industrialisés ont créé dans un contexte très différent. nationale des télécommunications ou la Banque mondiale. Les partisans de la gouvernance pluripartite soutiennent Renforcement de la réglementation antitrust qu’un contrôle de l’internet exercé par les États ne laisserait Il faut s’attacher en priorité à mettre en œuvre des réformes pas suffisamment de place à l’éventail des intervenants qui visant à améliorer le climat des affaires. Or, même dans participent actuellement à la gouvernance de l’internet, et les pays dotés de politiques exhaustives de lutte contre les qu’il pourrait conduire à une plus grande suppression de la pratiques anticoncurrentielles, y compris de dispositions confidentialité et à des restrictions affectant l’accès à l’in- facilitant l’entrée et la sortie des marchés, il arrivera par- formation et le droit à la liberté d’expression. L’incapacité fois que les fusions, la collusion ou la discrimination dans des parties prenantes de l’internet à parvenir à un consen- la fixation des prix engendrent un climat préjudiciable sus au sujet des futurs mécanismes de gouvernance ABRÉGÉ 37 Encadré A.13 L’Union européenne : un marché fragmenté pour le commerce numérique Malgré le fait qu’elle offre un marché unique où les biens, les services En mai 2015, la Commission européenne (CE) a annoncé un et les personnes peuvent circuler librement depuis de nombreuses projet de création d’un marché numérique unique englobant décennies, l’Union européenne (UE) continue de fonctionner trois grands secteurs stratégiques. Premièrement, la CE sou- comme un marché fragmenté pour le commerce numérique. Les haite accroître l’accès des consommateurs et des entreprises consommateurs de l’UE affichent une préférence pour les fournis- aux biens et services numériques en facilitant le commerce seurs en ligne de leurs pays respectifs : 44 % des consommateurs électronique, en améliorant la livraison des colis et en abattant ont fait des achats en ligne auprès d’une entreprise intérieure en les barrières qui limitent l’accès à certains services ou contenus 2014, et 15 % seulement ont eu recours à une entreprise d’un autre en ligne à des pays particuliers. Deuxièmement, elle compte se pays de l’UE. Les entreprises ont par ailleurs beaucoup de mal à pencher sur le cadre réglementaire des télécommunications, des vendre leurs biens et services en ligne sur d’autres marchés de l’UE. médias, des plateformes en ligne et de la protection des don- Par exemple, la ville danoise de Copenhague et la ville suédoise de nées. Troisièmement, elle souhaite encourager l’investissement Malmö ne sont séparées que par un pont de 8 kilomètres, mais l’ex- et l’innovation dans les TIC en adoptant de meilleures normes, pédition d’un colis de Copenhague à Malmö coûte 27 euros, alors en favorisant l’interopérabilité et en faisant la promotion de qu’elle coûte 42 euros en sens inverse. Les entreprises qui doivent l’utilisation des « big data » et de l’informatique en nuage. dépenser des sommes importantes pour s’adapter à diverses lois Si les réformes engagées par l’UE pour créer un marché numé- nationales jugent que les coûts l’emportent sur les avantages que rique commun sont fructueuses, elles pourraient servir de pourrait leur procurer la vente en ligne. modèle pour d’autres régions du monde. Source : Commission européenne (CE, 2015). pourrait être coûteuse. Certains ont même averti que l’in- l’UE a montré que de telles règles peuvent réduire le PIB ternet pourrait se fragmenter en plusieurs réseaux locaux dans une proportion pouvant atteindre 1,7  %, les inves- ou régionaux. L’approche participative reposant sur une tissements dans une proportion allant jusqu’à 4,2  %, et large assise et associant toutes les parties prenantes est les exportations de 1,7  %35. Les restrictions imposées à la considérée par beaucoup comme la mieux à même d’assu- circulation des données risquent de devenir un nouvel rer une circulation efficace et sans entrave d’informations outil de protectionnisme  — un moyen déguisé de faire essentielles au développement économique. obstacle au commerce et à l’activité économique ou d’en- courager les secteurs intérieurs orientés sur les données. Création d’un marché numérique mondial Les pays devraient en même temps s’employer à faciliter la L’internet stimule les échanges transfrontaliers de biens et protection de la propriété intellectuelle des entreprises, en de services, permettant ainsi aux consommateurs et aux veillant cependant à ne pas accorder une protection exces- entreprises de se jouer des frontières nationales. Cepen- sive à de grandes entreprises jouissant d’appuis solides, dant, certains enjeux transfrontaliers  — par exemple, et risquer ainsi de décourager l’innovation et la créativité. obstacles à la transmission des données et manque de La procédure de demande de licences de propriété intel- coordination des régimes de droits de propriété intel- lectuelle devrait être harmonisée, rationalisée et inter- lectuelle — nuisent à la croissance des entreprises du nationalisée de manière à ce que les entreprises n’aient à web et privent les consommateurs des avantages que déposer leur brevet ou leur marque de commerce que dans pourrait leur procurer une intensification du commerce un seul pays signataire pour jouir de la protection de leur numérique. Ils poussent aussi de nombreuses start-ups de propriété dans l’ensemble des pays membres. pays plus petits dotés de marchés intérieurs relativement modestes, particulièrement en Europe (encadré A.13), à se Fourniture de biens publics mondiaux relocaliser aux États-Unis dès que leurs affaires atteignent La réduction de la pauvreté et le développement durable une certaine ampleur. Les limites imposées à l’ampleur sont au cœur des partenariats mondiaux. De nombreux des échanges par les obstacles transfrontaliers expliquent problèmes environnementaux  — changements clima- aussi peut-être en partie pourquoi les entreprises de com- tiques, appauvrissement de la couche d’ozone, pollution merce électronique sont souvent déficitaires en Afrique atmosphérique, épidémies — sont des caractéristiques alors qu’elles sont rentables en Chine et en Inde. des systèmes écologiques, économiques et sociaux Certains pays songent à adopter des règles qui exi- interdépendants à l’échelle mondiale et nécessitent une geraient la localisation des données de leurs citoyens ou coopération internationale. Quel rôle peuvent donc jouer celles les concernant sur le territoire national — tendance les organismes de développement, les organisations non connue sous le nom de «  nationalisme numérique  ». gouvernementales (ONG) et les organisations internatio- Bien que de telles exigences puissent découler de préoc- nales dans un monde où leur poids financier est si limité ? cupations légitimes concernant la confidentialité et la La révolution des données et la révolution technologique sécurité des informations de leurs citoyens, elles peuvent arrivent à point nommé pour combler l’écart entre leurs parfois s’avérer coûteuses. Une étude réalisée dans six ressources et leurs ambitions en amplifiant l’incidence pays en développement et dans les 28 États membres de de leurs actions et en mobilisant un plus grand nombre 38 RAPPORT SUR LE DÉVELOPPEMENT DANS LE MONDE 2016 d’intervenants pour la préparation et l’exécution des est loin d’être suffisant. Pourquoi ? Parce que les progrès projets requis. Mais pour accomplir ce travail, les acteurs technologiques doivent s’accompagner d’améliorations du développement doivent s’attaquer à des contraintes dans les domaines qui servent à déterminer dans quelle stratégiques d’ordre interne et externe. mesure les entreprises, les particuliers et les pouvoirs Il s’agit dans un premier temps de définir les opé- publics peuvent faire une utilisation efficace des nouveaux rations de développement (le «  comment  »). Grâce aux outils numériques. Les fondements de l’économie analo- nouvelles technologies, les organismes de développement gique ne peuvent être renforcés du jour au lendemain. Il peuvent insister sur l’inclusion et tirer parti de l’expérience faut pour cela s’attaquer à certains des plus grands enjeux des bénéficiaires pour concevoir leurs interventions. Ils de développement  : comment créer un environnement peuvent accroître leur efficacité en utilisant rapidement propice au développement des entreprises, comment créer les retours d’information pour améliorer leurs actions par des systèmes efficaces d’éducation et de formation, et com- le biais d’un processus d’apprentissage empirique. Cepen- ment rendre les prestataires de services plus sensibles aux dant, ces approches ne seront pas retenues d’emblée par besoins des citoyens. Ces enjeux sont de taille, parce que la les organisations qui mettent l’accent sur les dépenses et révolution numérique laisse dans son sillage des pays qui les produits au détriment des résultats, dont les structures ne mettent pas en œuvre les réformes nécessaires. Pour trop lourdes pour l’exercice du devoir de responsabilité, ceux qui le font, les investissements consacrés à la techno- ou qui ont du mal à apprendre de leurs erreurs. Les orga- logie engendreront d’énormes dividendes qui pourront être nismes traditionnels qui ne parviennent pas à s’adapter partagés largement par l’ensemble des parties prenantes. pourraient s’exposer à voir une partie de leur marché reprise par des nouveaux venus encombrants. Notes On s’emploie ensuite à cerner le but poursuivi (le 1. On trouvera dans la partie principale du rapport «  quoi  »). Les organismes de développement peuvent complet les références de ces données, ainsi que appuyer des services d’information dont l’objectif est celles des autres données et des citations de l’abrégé. d’aider les particuliers et les gestionnaires de systèmes à 2. L’écart entre la création d’une technologie, son adoption prendre de meilleures décisions de façon à promouvoir la et l’apprentissage de son utilisation explique le mieux réduction de la pauvreté. Ces services entraînent des coûts une partie de ce phénomène. La difficulté à mesurer le fixes liés aux logiciels et à la collecte des données, mais rôle de la technologie explique aussi en partie le hia- peuvent assurer la diffusion de l’information à un coût tus entre les cas individuels d’avantages substantiels quasi nul. Le secteur privé aura tendance à refuser d’offrir et les effets limités sur le plan macroéconomique. de tels services, où à les offrir à un prix susceptible d’exclure L’impact de la technologie se diffuse dans l’ensemble les populations pauvres qui pourraient en bénéficier. Un de l’économie, dans le monde du travail et dans de des domaines où le besoin de coopération et d’aide inter- nombreux aspects de la vie personnelle. Et, nombre de nationales est le plus criant est la collecte et la diffusion de ses avantages prennent la forme d’une qualité ou d’une données sur la météo, le climat et le débit des masses d’eau commodité accrue, autant d’avantages non monétaires transnationales, données qui sont essentielles pour lutter qui n’apparaissent pas dans les chiffres du PIB. contre le changement climatique, améliorer la gestion des 3. Même si les progrès rapides de l’intelligence artifi- ressources naturelles et soutenir l’agriculture. cielle pourraient résoudre certains de ces problèmes, Les agents de l’extérieur et les organisations inter- cela pourrait prendre des décennies (voir le spotlight 6 nationales peuvent contribuer à cette dynamique en du rapport complet). Dans l’intervalle, les décideurs accordant des financements ciblés  — par exemple, seraient mal avisés de se contenter d’attendre. pour combler les lacunes des stations météorologiques 4. Acemoglu et Robinson, 2014. africaines. Ils peuvent appuyer les investissements com- 5. Voir Comin, 2014. plémentaires destinés aux plateformes d’information. 6. Voir Graham et Foster, 2014. Ils peuvent enfin trouver des moyens d’encourager les 7. Si l’internet réduit le coût de l’information, il ne dimi- secteurs public et privé, tant dans les pays développés nue pas nécessairement l’effort que doivent déployer que dans les pays en développement, à ouvrir l’accès aux les êtres humains pour traiter cette information. données et à partager ces dernières pour le bien public. En fait, la surabondance d’informations, conjuguée aux biais comportementaux, peut créer un mimé- Des technologies numériques tisme ou amplifier des faits, voire amener à les qui profitent à tous exploiter à des fins de marketing ou de manipulation. 8. Résoudre les problèmes d’information améliore Les technologies numériques transforment le monde des aussi l’efficacité du marché, et pourrait même sti- affaires, du travail et des services. Ces progrès contribuent muler l’innovation. Pour la simplicité de l’exposé, on à rendre les moteurs de l’économie et de la société plus a simplifié le cadre présenté dans ce rapport pour productifs, même si beaucoup d’entre eux ne bénéficient se concentrer sur les résultats les plus importants toujours pas des avantages les plus fondamentaux de la obtenus au plan du développement grâce à chaque révolution numérique. Le Rapport sur le développement mécanisme rendu possible par l’internet. dans le monde soutient que pour faire en sorte que tous 9. De plus, les analyses de régression couvrant plu- puissent profiter des retombées de l’internet, il importe de sieurs pays, qui mesurent l’incidence des technolo- mettre l’accent sur l’accès à la technologie, mais que cela gies numériques sur la croissance, pourraient être ABRÉGÉ 39 entravées par d’autres difficultés liées à des pro- Aker, Jenny C., Paul Collier, and Pedro Vicente. 2013. “Is blèmes de mesure, à l’endogénéité des variables et à Information Power? Using Mobile Phones and Free des biais en lien avec la taille limitée des échantillons. Newspapers during an Election in Mozambique.” 10. Ces résultats reposent sur Tan, 2015 ; Osnago et Tan, Working Paper 328, Center for Global Development, 2015. Washington, DC. http://papers.ssrn.com/sol3/papers. 11. eBay, 2013. cfm?abstract_id=2364162. 12. Baldwin, 2011. Aker, Jenny C., and Christopher Ksoll. 2015. “Call Me 13. Brynjolfsson et McAfee, 2014. ­ Educated: Evidence from a Mobile Monitoring Exper- 14. 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Autor, David. 2014. “Polanyi’s Paradox and the Shape of 24. Acemoglu, Hasan et Tahoun, 2014. Employment Growth.” Draft prepared for the Federal 25. Bennet, Breunig et Givens, 2008. Reserve Bank of Kansas City. 26. Hollenbach et Pierskalla, 2014. Baldwin, Richard. 2011. “Trade and Industrialization after 27. Goldin et Katz, 2008. Globalization’s Second Unbundling: How Building 28. Varian 2003. and Joining a Supply Chain Are Different and Why 29. Données de la part des recettes nettes mondiales de It Matters.” NBER Working Paper 17716, National la publicité numérique pour 2014 provenant d’eMar- Bureau of Economic Research, Cambridge, MA. keter, une société d’études de marché en ligne. Bao, Beibei. 2013. “How Internet Censorship Is 30. Wood, 2011. Curbing Innovation in China.” Atlantic, April 22. 31. Eden et Gaggl, 2014. http://www.theatlantic.com/china/archive/2013/04/ 32. 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Table des matières du Rapport sur le développement dans le monde 2016 Table des matières Avant-propos Remerciements Abréviations Abrégé : Renforcer le socle analogique de la révolution numérique Spotlight 1 : Comment l’internet favorise le développement PARTIE 1 : FAITS ET ANALYSE 1 Accélérer la croissance Pleins feux sur les secteurs 1 : Agriculture Spotlight 2 : Services financiers numériques 2 Élargir les possibilités Pleins feux sur les secteurs 2 : Éducation Spotlight 3 : Médias sociaux 3 Fournir des services Pleins feux sur les secteurs 3 : Télésanté Spotlight 4 : Identité numérique PARTIE 2 : CADRES D’ACTION 4 Politiques sectorielles Pleins feux sur les secteurs 4 : Villes intelligentes Spotlight 5 : Révolution des données 5 Priorités nationales Pleins feux sur les secteurs 5 : Énergie 6 Coopération internationale Pleins feux sur les secteurs 6 : Gestion de l’environnement Spotlight 6 : Six technologies numériques à suivre ECO-AUDIT Déclaration des avantages environnementaux Le Groupe de la Banque mondiale s’est engagé à réduire son empreinte environnementale. À l’appui de cet engagement, la Division des publications exploite des moyens d’édition électronique et des outils d’impression à la demande installés dans des centres régionaux à travers le monde. Ensemble, ces initiatives permettent une réduction des tirages et des distances de transport, ce qui se traduit par une baisse de la consommation de papier, de l’utilisation de produits chimiques, des émissions de gaz à effet de serre et des déchets. La Division des publications suit les normes relatives à l’utilisation du papier recommandées par l’Initiative Green Press. La plupart de nos livres sont imprimés sur du papier certifié par le Forest Stewardship Council (FSC) et contenant entre 50 et 100 % de fibre recyclée dans la quasi-totalité des cas. Cette fibre est soit écrue, soit blanchie à travers un procédé totalement sans chlore, de traitement sans chlore ou sans chlore élémentaire amélioré. D’autres informations sur les principes environnementaux de la Banque sont disponibles sur http://crinfo.worldbank.org/wbcrinfo/node/4. LES DIVIDENDES DU NUMÉRIQUE Les technologies numériques connaissent une expansion rapide, mais leurs dividendes — avantages plus larges d’une croissance économique plus rapide, d’une multiplication des emplois et d’une amélioration des services — ne suivent pas le même rythme. Si plus de 40 % des adultes en Afrique de l’Est payent leurs factures de services d’utilité publique à partir d’un téléphone mobile, pourquoi d’autres personnes ailleurs dans le monde ne pourraient-elles pas faire de même ? Si 8 millions d’entrepreneurs chinois — dont un tiers de femmes — peuvent utiliser une plateforme de commerce électronique pour exporter leurs produits dans 120 pays, pourquoi d’autres entrepreneurs ne parviennent-ils pas à donner à leurs activités la même portée mondiale ? Si l’Inde est parvenue en cinq ans à étendre un système d’identification numérique à une population d’un milliard d’habitants, et à épargner ainsi des milliards de dollars en réduisant la corruption, pourquoi d’autres pays ne pourraient-ils pas à l’imiter ? Qu’est-ce qui empêche les pays de bénéficier des transformations profondes que les technologies numériques sont censées leur apporter ? Deux raisons principales expliquent cette situation. D’abord, près de 60 % de la population mondiale n’a toujours pas accès au web et ne dispose d’aucun moyen pratique de participer à l’économie numérique. Ensuite et surtout, si les technologies numériques présentent des avantages, elles entraînent en contrepartie un accroissement des risques. Les nouvelles entreprises ont la possibilité de bouleverser les habitudes des entreprises traditionnelles, mais elles sont impuissantes lorsque les intérêts en place et l’incertitude réglementaire freinent la concurrence et bloquent leur entrée sur le marché. Les perspectives d’emploi peuvent être plus importantes, mais pas dans un marché du travail polarisé. L’internet peut être une plateforme propice à l’autonomisation universelle, mais pas lorsqu’il devient un outil de contrôle par l’État et de mainmise par les élites. Le Rapport sur le développement dans le monde 2016 montre que si la révolution numérique a bel et bien pris son essor, ses « compléments analogiques » — les règlements qui favorisent l’entrée de nouveaux acteurs et la concurrence sur les marchés, les compétences qui permettent aux travailleurs de s’intégrer dans la nouvelle économie et d’en tirer parti, et les institutions qui rendent compte aux citoyens — n’ont pas progressé au même rythme. Or, faute de compléments analogiques aux investissements numériques, l’impact des technologies sur le développement peut être décevant. Que doivent donc faire les pays ? Ils doivent formuler des stratégies de développement numérique bien plus ambitieuses que les stratégies actuelles en matière de TIC, et instaurer un cadre juridique et institutionnel qui permet à la technologie de procurer un maximum d’avantages au plus grand nombre. Bref, ils ont besoin d’établir un socle analogique solide pour faire en sorte que tous, peu importe où ils se trouvent, profitent des dividendes du numérique. SKU 32986