94895 Pratiques mondiales en matière d’agriculture Document de synthèse 03 Contrats d’investissement dans l’agriculture : BANQUE MONDIALE Maximisation des bénéfices IBRD IDA GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE et minimisation des risques RAPPORT DU GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE N° 94895-GLB JUIN 2015 Pratiques mondiales en matière d’agriculture 03 Contrats d’investissement dans l’agriculture : Maximisation des bénéfices et minimisation des risques BANQUE MONDIALE IBRD IDA GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE © 2015 World Bank Group 1818 H Street NW Washington, DC 20433 Telephone: 202-473-1000 Internet: www.worldbank.org Email: feedback@worldbank.org All rights reserved This volume is a product of the staff of the World Bank Group. The findings, interpretations, and conclusions expressed in this volume do not necessarily reflect the views of the Executive Directors of World Bank Group or the governments they represent. 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SOMMAIRE Remerciements v Liste des abréviations vii Chapitre premier : Introduction 1 Chapitre deux : Le rôle des contrats dans la promotion d’investissements agricoles responsables  3 Chapitre trois : Les trois grandes étapes du processus contractuel 5 Chapitre quatre : Les cinq principaux résultats positifs des investissements dans les terres agricoles 7 Création d’emplois (1) 8 Intégration des agriculteurs locaux (2) 9 Extension des débouchés commerciaux (3) 11 Mise en place de programmes de développement de proximité (4) 12 Des revenus plus élevés pour une meilleure sécurité alimentaire (5) 13 Chapitre cinq : Les cinq principaux points faibles des investissements dans des terres agricoles 15 Perte de terrains et plans de réinstallation inadaptés (1) 15 Défaut d’ouverture et de consultation des populations locales (2) 17 Mauvaise évaluation de la viabilité commerciale (3) 18 Mauvaise gestion des impacts environnementaux et sociaux (4) 19 Insuffisance des mécanismes de réclamation (5) 21 Chapitre six : Conclusions 23 Références 27 ENCADRÉS Encadré 4.1 : Exemple de programmes de formation et de renforcement des compétences dans une plantation 8 de palmiers à huile Encadré 4.2 : Exemple d’intégration d’un système de plantations satellites dans le contrat d’une plantation 10 de caoutchouc Encadré 4.3 : Exemple d’accord de développement de proximité pour une plantation d’arbres en Afrique centrale 12 Encadré 5.1 : Processus consultatif d’acquisition des terres 16 Encadré 5.2 : Éléments à inclure dans l’étude de faisabilité 18 Encadré 5.3 : Éléments à inclure dans les plans de gestion environnementale et sociale 20 FIGURE Figure 3.1 : Les différentes étapes du processus contractuel et leurs principales composantes 6 TABLEAUX Tableau 6.1 : Comment maximiser les principaux bénéfices d’un investissement agricole par un processus contractuel 24 Tableau 6.2 : Comment réduire les risques associés à un investissement agricole par un processus contractuel 25 Maximisation des bénéfices et minimisation des risques iii REMERCIEMENTS Ce rapport a été rédigé par Carin Smaller et William Speller, avec la collaboration de Hafiz Mirza, Nathalie Bernasconi-Osterwalder et Grahame Dixie, sous la direction générale de James Zhan (CNUCED), Scott Vaughan (IISD) et Mark Cackler (Banque mondiale). Richard Bolwijn, Mark A. Constantine, Axèle Giroud, Jonathan Mills Lindsay, Jorge A. Munoz, Asuka Okumura et Elisabeth Tuerk ont procédé à des relectures et formulé de précieux commentaires. Le rapport s’appuie sur des recherches préliminaires effectuées par la CNUCED et la Banque mondiale, ainsi que l’IISD, recherches auxquelles ont participé nombre de collectivités, entreprises, gouvernements, représentants de la société civile, etc. qui y ont consacré un temps précieux et sans les apports desquels ces pages n’auraient pas vu le jour. La Banque mondiale, la CNUCED et l’IISD sont également redevables au Gouvernement japonais qui a financé l’activité dans laquelle s’inscrit ce rapport, ainsi qu’à la Direction du développement et de la coopération suisse. Maximisation des bénéfices et minimisation des risques v ABRÉVIATIONS CSA Comité de la sécurité alimentaire mondiale FIDA Fonds international de développement agricole CNUCED Conférence des Nations Unies sur le commerce IFC International Finance Corporation et le développement IISD Institut international du développement durable EIES Évaluation de l’impact environnemental OCDE Organisation de coopération et de développement et social économiques FAO Organisation des Nations Unies pour PRAI Principes pour un investissement agricole l’alimentation et l’agriculture responsable Maximisation des bénéfices et minimisation des risques vii CHAPITRE PREMIER Introduction Dans les pays en développement, depuis près de vingt ans l’investissement privé, tant national qu’étranger, a le vent en poupe dans l’agriculture. Le présent document porte sur des projets agricoles à grande échelle impliquant la location de terres agricoles qui ont été menés dans des pays en développement. Ce type d’entreprise a enregistré une forte hausse après la crise alimentaire de 2008. S’il est important que ces investissements soient pérennes et se poursuivent sur le long terme, il faut aussi qu’ils soient bénéficiaires à plus court terme et présentent un minimum de risques et d’effets négatifs. Les pages qui suivent décrivent une méthode qui tend à y parvenir par la conclusion avec les investisseurs de contrats soigneusement conçus. Un certain nombre de solutions concrètes sont proposées. La présente analyse s’appuie sur les corpus substantiels de deux recherches pour montrer comment promouvoir le développement durable par une bonne formulation des contrats d’investissement. Il présente les cinq principaux résultats positifs et les cinq principaux points faibles des investissements du secteur privé dans des projets agricoles à grande échelle, tels qu’ils ont été empiriquement constatés par la CNUCED et la Banque mondiale au cours de visites de projets agricoles à grande échelle (CNUCED et Banque mondiale, 2014). Nous exposerons ensuite des moyens juridiques permettant une maximisation des principaux résultats positifs et une minimisation des points faibles, par une meilleure conception des baux fonciers entre investisseurs et gouvernements1. Pour ce faire, nous nous sommes inspirés des travaux menés par l’Institut international du développement durable (IISD), qui a passé au crible près de quatre-vingts contrats et publié un guide de négociation des contrats pour les terres arables et l’eau, comprenant un contrat modèle (Smaller 2014a). Les contrats d’investissement, qui constituent un outil parmi d’autres, s’inscrivent dans un large processus de prise de décision. Le processus d’investissement lui-même comprend un certain nombre d’étapes, qui impliquent une classification et une hiérarchisation des questions, laquelle nécessite une bonne compréhension du contexte économique. Le succès de l’investissement peut dépendre de la bonne exécution de ces opérations, qui peut aussi déterminer la mesure dans laquelle le contrat contribuera 1 Dans ce contexte, le contrat est le plus souvent conclu entre un gouvernement national et un investisseur ; toutefois, selon l’organisation administrative et le système foncier du pays concerné, le contrat pourra aussi être conclu avec le gouvernement d’un État fédéré, une collectivité locale ou un détenteur de droits fonciers coutumiers. Les parties au contrat varieront, par conséquent, en fonction de la situation. Maximisation des bénéfices et minimisation des risques 1 à produire des résultats positifs et pérennes pour les Le présent rapport s’inscrit dans un corpus croissant gouvernements, les populations et les investisseurs. Pour de normes et directives internationales relatives à garantir le lien entre investissement et développement l’investissement agricole responsable dont le but est durable il faut surtout que certains principes essentiels d’aider gouvernements, investisseurs et collectivités soient strictement respectés, tels les principes énoncés à faire que l’intérêt des investisseurs serve aussi le dans le cadre pour des politiques d’investissement au développement rural et la réduction de la pauvreté. service du développement durable (IPFSD), et pour Les Principes pour un investissement agricole responsable s’assurer de ce respect, les clauses des contrats doivent (PRAI), rédigés par l’Organisation des Nations Unies être préparées avec soin (CNUCED 2012). pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et  le Fonds international de développement agricole (FIDA), la Par ailleurs, les baux fonciers, en particulier à grande CNUCED et la Banque mondiale, ont notamment échelle – même s’ils constituent souvent l’objet principal de guidé les recherches menées par la CNUCED et la l’investissement agricole – ne sont pas la seule possibilité Banque mondiale qui sont présentées dans le présent d’investissement dans ce secteur. Il existe un large éventail document ainsi que d’autres travaux de ces quatre de modèles de production agricole et d’entreprises qui institutions. Plus récemment, le Comité de la sécurité peuvent être économiquement rentables ou représenter alimentaire mondiale de l’ONU (CSA) a adopté dix des investissements agricoles plus acceptables d’un Principes pour un investissement responsable dans l’agriculture point de vue social et politique (CNUCED 2009, FIDA et les systèmes alimentaires. Le  CSA est un organisme de et TechnoServe, 2011). Ils pourront être envisagés soit l’ONU qui sert de tribune pour l’examen et le suivi des comme une solution alternative à des investissements politiques de sécurité alimentaire. Parmi les nombreuses dans des terres agricoles soit en conjonction avec autres initiatives récentes, citons les Principes directeurs ces derniers, par des gouvernements comme par des relatifs aux investissements fonciers à grande échelle en Afrique de investisseurs, en  concertation avec les populations. Les l’Union africaine, ainsi que les travaux de l’OCDE et co-entreprises, les coopératives ou les exploitations de la FAO visant à fournir au secteur privé un code de appartenant aux agriculteurs, les contrats de gestion, conduite pour une chaîne d’approvisionnement agricole l’agriculture contractuelle ou les « systèmes de plantations responsable (Responsible Business Conduct Along Agricultural satellites »2, de même que les formules de partage des Supply Chains) (Smaller 2014b). recettes sont autant de modèles susceptibles d’assurer aux agriculteurs un revenu stable tout en leur permettant de La présente analyse s’inscrit donc dans l’approche conserver la propriété des terres et des ressources en eau. programmatique adoptée par le groupe de travail interinstitutions (IAWG) qui réunit la CNUCED, la Les populations locales ont un rôle essentiel à jouer Banque mondiale, la FAO et le FIDA et s’attache à à toutes les étapes du processus d’investissement : promouvoir par des conseils pratiques un comportement avant et pendant la négociation et tout au long du responsable en matière d’investissement agricole. Le déroulement du projet. La réussite à long terme d’un groupe de travail a entamé une nouvelle phase de projet d’investissement est liée à l’acceptation des recherches sur le terrain, en association avec 12 à 16 termes de l’accord par la population locale. La réussite investisseurs au stade préliminaire d’investissement en dépend beaucoup de la négociation du contrat et de la Afrique, dans le but d’introduire dès le départ des pratiques conviction qu’aura la population de la prise en compte et des principes responsables. Il  s’agira en particulier : de ses intérêts tout au long du processus. C’est un point d’établir des bonnes pratiques pour la mise en œuvre de particulièrement important parce que les souhaits et les méthodes commerciales responsables dans le domaine de intérêts de la population ne sont pas toujours en parfaite l’agriculture ; d’induire des effets d’émulation ; de créer adéquation avec ceux du gouvernement hôte ou de des outils concrets à utiliser dès les phases préliminaires des l’investisseur. investissements futurs. 2 Les systèmes de plantations satellites reposent sur un « partenariat contractuel entre des exploitants ou détenteurs de droits fonciers et une société, pour la production de produits commerciaux » (Mead, 2001, p.5). 2 Contrats d’investissement dans l’agriculture CHAPITRE DEUX Le rôle des contrats dans la promotion d’investissements agricoles responsables Trois types de droit sont applicables à l’investissement étranger dans l’agriculture  : les lois nationales, les contrats et les traités relatifs aux investissements. La bonne application d’un socle solide de lois nationales constitue la meilleure garantie d’obtention d’effets positifs par le biais de l’investissement étranger. Lorsque, par exemple, les droits relatifs à la terre, à l’eau et aux autres ressources naturelles sont clairement définis et reconnus par le droit national, les détenteurs de droits devront donner leur avis sur la façon d’allouer ces ressources aux investisseurs. Les lois nationales régissent aussi d’autres questions qui peuvent se poser dans le cas d’un investissement : procédures douanières pour l’importation de machines et l’exportation des produits finis, impôts et taxes, autorisations d’utilisation de produits chimiques et d’engrais, emploi. Dans certains pays en développement, il est toutefois très possible qu’il n’y ait pas de lois nationales sur ces questions ou qu’elles ne soient pas suffisamment détaillées. De plus, même quand les lois existent, elles ne sont pas toujours mises en œuvre ou appliquées. Par exemple, bien que la plupart des pays disposent de lois nationales sur l’évaluation de l’impact environnemental et social (EIES), il est fréquent que ces évaluations ne soient pas réalisées ou seulement sous la forme d’un simple exercice de cases à cocher (CNUCED et Banque mondiale, 2014 ; Deininger et Byerlee, 2011). Idéalement, il faudrait que les législations nationales se développent et traitent de tous les problèmes qui peuvent se poser en relation avec l’investissement agricole. Pour le moment, néanmoins, comme beaucoup d’États continuent à négocier des contrats d’investissement pour des baux relatifs aux terres agricoles, ceux-ci restent un outil juridique de grande importance. Les contrats signés entre gouvernements et investisseurs (appelés contrats avec les gouvernements hôtes) constituent la seconde source de droit. Les contrats permettent de combler les lacunes des lois nationales en cadrant de manière plus détaillée les éléments à inclure dans les évaluations et en utilisant comme points de référence les normes et bonnes pratiques internationales. Un grand soin doit néanmoins être porté à la rédaction des contrats afin d’optimiser les bénéfices et de réduire les risques. Il convient notamment de définir clairement les droits et les obligations, les dispositifs de partage des bénéfices, un plan à suivre en cas de problème et les mesures à prendre Maximisation des bénéfices et minimisation des risques 3 si l’une des parties ne remplit pas ses engagements. Au entre les États qui confèrent aux ressortissants d’un pays moment de la rédaction d’un contrat d’investissement, investissant dans l’autre des protections spéciales en il convient en particulier de veiller à la conformité avec vertu du droit international (Bernasconi-Osterwalder, la législation nationale. Le contrat ne doit ni devenir un 2011). Il  existe actuellement plus de 3 000 traités moyen de contourner ou d’affaiblir les lois nationales, d’investissement bilatéraux et sections d’accords de libre- ni empêcher l’élaboration de lois nouvelles. Il ne faut échange portant sur les investissements (CNUCED 2014, cependant en aucun cas oublier que, quel que soit le base de données de la CNUCED sur les AII). Les droits soin apporté à la rédaction du contrat, le succès final du issus des traités se superposent à la législation nationale et dispositif dépendra de la relation entre les différentes aux stipulations des contrats. En particulier, ils prévoient parties prenantes, et en particulier du niveau de confiance une procédure d’arbitrage international par laquelle entre elles. l’investisseur peut faire respecter ses droits, procédure que les investisseurs ont déjà utilisée à l’encontre des La clause dite de « stabilisation » que l’on trouve dans États près de 600 fois (CNUCED 2014). Il est toutefois de nombreux contrats, en particulier dans les pays en conseillé de saisir les tribunaux nationaux de préférence développement, est très controversée. Il s’agit d’une à des instances arbitrales internationales pour régler les clause qui gèle la législation nationale dans son état différends sur les termes d’un contrat. Les traités relatifs à la date de la signature du contrat, ce qui signifie que aux investissements ne doivent pas devenir un moyen l’investisseur est dispensé d’appliquer les nouvelles lois ou permettant de circonvenir la législation ou les tribunaux qu’il peut demander une compensation si de nouvelles nationaux. Les traités doivent jouer un rôle aussi limité lois ont pour effet d’augmenter ses coûts ou de réduire que possible dans le processus d’investissement et servir ses bénéfices (par exemple en cas de nouvelles mesures essentiellement au règlement de violations extrêmes, par environnementales de protection contre la dispersion exemple dans le cas où les pouvoirs publics prendraient des pesticides et des engrais, de l’interdiction de produits des mesures d’expropriation de l’investisseur sans lui chimiques ou de l’augmentation du salaire minimum). verser aucune compensation. Les clauses de stabilisation risquent aussi de décourager les gouvernements de mettre en place des lois nouvelles Un contrat bien adapté, bien rédigé et bien négocié n’est de peur d’être traduits devant des instances arbitrales que le point de départ de la relation entre les pouvoirs internationales. publics, les investisseurs et les populations. Il ne vaut pas garantie que les engagements pris seront tenus par En règle générale, on considère désormais que les clauses l’investisseur et exécutés par les pouvoirs publics. Comme de stabilisation à large portée couvrant tous les domaines l’application de la législation nationale, l’exécution des de la réglementation publique sont inacceptables. Les engagements et des obligations inclus dans le contrat est clauses de stabilisation limitées à certaines questions une affaire bien plus difficile sur le long terme, notamment fiscales continuent néanmoins à jouir d’un certain soutien ; lorsque les moyens sont limités, ce qui est souvent le cas elles portent le plus souvent sur les impôts et taxes et dans les pays en développement. Les pouvoirs publics ne visent à protéger les investisseurs d’actions arbitraires ou doivent pas sous-estimer le temps et les frais induits par discriminatoires de la part du gouvernement hôte (Projet le suivi des investissements agricoles et de l’exécution des MMDA 1.0, 2011). engagements. Les collectivités et les organisations de la société civile, qui ont ici un important rôle de surveillance Les traités relatifs aux investissements constituent à jouer, devront être assistées par les gouvernements et le troisième domaine du droit applicable aux les investisseurs par le biais d’un accès à l’information et investissements agricoles. Il s’agit des accords signés de canaux de communication. 4 Contrats d’investissement dans l’agriculture CHAPITRE TROIS Les trois grandes étapes du processus contractuel Le processus contractuel comprend trois grandes étapes : 1) la préparation de la négociation du contrat ; 2) la négociation du contrat ; 3) le suivi et l’exécution. La figure 3.1 donne un aperçu des principaux points à régler à chacune de ces étapes, points qui seront détaillés dans les chapitres 4 et 5. Les préparatifs de la négociation comprendront une vérification en bonne et due forme de la qualité et de la disponibilité du terrain, de la terre et de l’eau, de la participation effective des populations vivant sur le site envisagé ou à proximité  ; la  préparation d’études de faisabilité et de plans d’activité ainsi qu’un premier tri des investisseurs potentiels par le gouvernement hôte. La négociation du contrat comprend la définition des droits et obligations de l’investisseur et des pouvoirs publics, la spécification de l’applicabilité des lois nationales, l’inclusion de clauses de cession et de résiliation en cas d’échec, la consultation des populations locales pendant la rédaction des conditions et des clauses du contrat et la détermination des informations sur l’investissement à rendre publiques. L’étape de suivi et d’exécution peut s’avérer la plus compliquée pour les gouver- nements, qui ne disposent souvent que de ressources et de moyens limités. L’étude CNUCED-Banque mondiale a montré que le suivi des gouvernements hôtes laisse souvent à désirer, en particulier lorsque l’allocation du terrain a été rapide. Les visites des fonctionnaires et les rapports qui leur sont faits se concentrent le plus souvent sur les questions de productivité aux dépens du suivi des impacts environnementaux et socioéconomiques. La définition claire, dans le contrat, des exigences en matière de rapports et d’indicateurs donne aux gouvernements et aux collectivités la possibilité de vérifier régulièrement qu’un investisseur remplit ses obligations et ses engagements envers la population locale. En réservant un pourcentage du revenu du projet aux questions de mises en œuvre, on contribuera à donner aux pouvoirs publics les moyens d’effectuer un suivi et une évaluation efficaces du projet. La transparence est un aspect essentiel du processus d’exécution et de suivi des obligations des parties au contrat. La transparence permet en outre aux populations locales et aux organisations de la société civile de contrôler le déploiement effectif de l’investissement sur le terrain et la réalisation des engagements au contrat. Maximisation des bénéfices et minimisation des risques 5 Figure 3.1 : Les différentes étapes du processus contractuel et leurs principales composantes • Décider des modèles économiques, des types d’investisseurs, des cultures, etc. à privilégier • Déterminer dans quelle mesure les investisseurs potentiels s’inscrivent dans les plans nationaux de développement agricole du pays hôte • Recenser et vérifier tous les utilisateurs des terres et de l’eau. • Consulter la population locale de manière exhaustive et transparente. • Effectuer des études de faisabilité économique et préparer un plan d’activité fondé sur les résultats de ces études. Préparation • Sélectionner les investisseurs en fonction de leurs capacités techniques et financières. de la • Réaliser une évaluation de l’impact social et environnemental et intégrer les résultats dans négociation les plans de gestion. • Veiller à la transparence du processus d’accès à la terre et de concrétisation de l’investissement. du contrat • Spécifier l’applicabilité des lois nationales sur le travail, la santé et la sécurité, l’environnement. • Définir les droits de l’investisseur en matière d’utilisation et d’accès au site, en incluant des cartes. • Inclure des engagements contraignants sur la réalisation d’études de faisabilité et de plans d’activité, d’évaluations d’impact et de plans de gestion ; en intégrer les différents jalons dans le contrat. • Inclure les objectifs/exigences en matière de création d’emplois et de formation, de systèmes de plantations satellites, de transfert de technologie, d’unités de transformation, d’achat de biens et services locaux, et de destination des produits. Rédaction • Inclure des engagements correspondant aux accords sur les programmes de développement du contrat de proximité. • Spécifier la création de mécanismes de réclamation et de règlement des différends. • Inclure des clauses de cession et de résiliation pour les cas d’échec. • Décider des informations à rendre publiques. • Contrôler le respect de la législation nationale. • Vérifier que l’usage que l’investisseur fait de la terre, de l’eau et des autres ressources est conforme à l’accord. • Prévoir des rapports et un suivi sur le respect du plan d’activité et des plans de gestion environnementale et sociale, et la nécessité d’un accord en cas de changement substantiel. • Prévoir des rapports et un suivi sur le respect des autres engagements et objectifs. • Veiller à l’établissement d’un dialogue permanent entre la population locale, l’investisseur et les Suivi et pouvoirs publics, et à la possibilité pour la population de formuler des réclamations. exécution • Prendre des sanctions en cas de non-respect des lois nationales ou de manquement substantiel aux obligations contractuelles. • Mettre en oeuvre les plans d’urgence en cas d’échec. Source : Smaller, 2014a 6 Contrats d’investissement dans l’agriculture CHAPITRE QUATRE Les CINQ principaux résultats positifs des investissements dans les terres agricoles La CNUCED et la Banque mondiale ont réalisé une enquête de terrain portant sur 39 investissements à grande échelle dans l’industrie agroalimentaire en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est (CNUCED et Banque mondiale 2014). L’étude a montré que certains de ces investissements avaient dégagé des résultats positifs pour les pays hôtes et les populations locales, notamment en termes de création d’emploi. Ces bénéfices ne sont toutefois ni automatiques ni garantis. Des répercussions négatives significatives ont été mises en lumière, notamment en matière de droits fonciers. Il apparaît que la plupart des investissements génèrent une combinaison de résultats positifs et négatifs. Cette section résume les principales constatations positives de l’étude CNUCED- Banque mondiale et montre comment les amplifier en prévoyant certaines clauses au contrat. Il s’agit de s’assurer que les promesses de l’investisseur seront tenues. Les  options juridiques proposées n’ont pas la prétention de constituer un modèle à reproduire tel quel. Il s’agit plutôt de dresser une liste des « souhaits » respectifs des gouvernements, des investisseurs et de la population, à partir de laquelle il faudra trouver un accord au moment de la négociation. Cette liste variera selon les projets, en fonction de la taille et de la nature de ceux-ci, du système juridique national, et des besoins et réalités du pays. La consultation est essentielle pour s’assurer de la prise en compte des avis de la population locale au moment de l’établissement de la liste car celle-ci doit reprendre les priorités et les besoins locaux. Maximisation des bénéfices et minimisation des risques 7 Création d’emplois (1) ENCADRÉ 4.1 :  Exemple de programmes de formation et de Résultat positif n° 1 : Création d’emplois renforcement des • La création d’emplois est le bénéfice numéro 1 qui peut s’accompagner d’autres avantages comme la fourniture compétences dans de logements, de services d’éducation et de services de une plantation de santé aux employés et à leur famille. palmiers à huile • Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour améliorer les conditions de travail, mieux intégrer les Dans le contrat d’une plantation de palmiers à huile femmes, renforcer les compétences de la main-d’œuvre étudié par l’IISD, il est demandé à l’investisseur de et accroître l’embauche de nationaux à des postes préparer des programmes détaillés de formation en cours de direction. d’emploi. Les horaires et le calendrier sont portés au Options juridiques contrat. Des programmes de formation professionnelle • Donner la préférence aux projets qui prévoient et d’alphabétisation sont proposés à tous les employés d’embaucher prioritairement des femmes au moment et aux membres de la population locale. L’investisseur de la préparation de la négociation du contrat. s’engage à consacrer au moins 20 000 dollars par an à des • Citer le droit du travail, national et international dans programmes de formation professionnelle et 40 000 dollars le contrat, notamment les conventions sur la santé et la par an au financement de bourses d’étude pour permettre sécurité et sur le recours au travail forcé ou au travail à des membres de la population locale de fréquenter un des enfants. institut technique voisin. Il s’engage à fournir une formation • Prévoir une clause relative à l’emploi spécifiant professionnelle et à enseigner de nouvelles techniques des objectifs et des exigences : emploi de locaux, aux  employés, afin de leur permettre de progresser dans recrutement d’un certain pourcentage de nationaux la hiérarchie et d’occuper des postes qualifiés au sein de aux postes d’encadrement et formation de la la société. main-d’œuvre. Source : Smaller, 2014a L’emploi est le résultat numéro 1 mis en évidence par l’étude Toutefois de tels avantages ne sont pas garantis et ne CNUCED-Banque mondiale. Les 39 projets concernés concernent pas tous les investissements étudiés. Par employaient directement quelque 39 000 personnes dans les ailleurs, il apparaît que les personnes habitant à proximité pays hôtes (auxquels s’ajoutent 150 000 emplois indirects), immédiate du lieu d’investissement ne sont pas toujours souvent dans des régions rurales où il y a peu d’autres possi- concernées par les emplois ou sont souvent cantonnées bilités d’emploi dans le secteur formel. Par exemple, dans un dans des emplois peu qualifiés ou occasionnels. Les pays d’Afrique en sortie de conflit, une entreprise de caout- postes de direction ou d’encadrement ont tendance à être chouc a créé 1 500 emplois permanents et 2 000 emplois occupés par des expatriés du pays de l’investisseur. saisonniers dans une communauté reculée. En outre, lorsque des populations locales sont employées, les relations avec C’est un point sur lequel le contrat peut jouer un rôle l’investisseur sont meilleures et il y a donc plus de chances important. Une clause d’emploi peut être incluse dans que l’opération débouche sur un succès commercial. le contrat et spécifier des objectifs en termes de nombre d’emplois à créer sur la base des résultats de l’étude de La plupart des employés interrogés étaient satisfaits, non faisabilité et du plan d’activité (voir au chapitre 5 le point seulement de leur revenu et de la possibilité de faire autre sur la Mauvaise évaluation de la viabilité commerciale) chose que de l’agriculture de subsistance mais aussi de ainsi qu’en termes d’exigence d’emplois locaux, sauf bénéficier d’avantages annexes comme de la nourriture, impossibilité. Le contrat peut aussi fixer des objectifs un  logement, l’accès à des services d’éducation et de en matière d’occupation de postes de direction par des santé. Il a été constaté que les investisseurs étrangers nationaux. Certains des contrats d’Afrique de l’Ouest avaient tendance à payer mieux et à accorder de analysés dans l’étude comprenaient des clauses d’emploi meilleures conditions de travail que les employeurs locaux. obligeant l’investisseur à recruter exclusivement des Lorsque des avantages tels que le logement, des services ressortissants du pays hôte pour les postes non qualifiés et d’éducation et de santé font partie du plan d’activité, il à leur donner la préférence pour tous les postes qualifiés convient d’en faire des obligations contractuelles spécifiant et de direction. Dans l’un des pays, les contrats énoncent des normes de construction et de prestation de services, des objectifs précis : l’investisseur s’engage à ce que, des critères d’admissibilité, un calendrier et un budget. dans un délai maximal de cinq ans, au moins 50 % des 8 Contrats d’investissement dans l’agriculture dix postes de direction les  plus élevés dans la hiérarchie internationales comme la Convention sur la sécurité soient occupés par des nationaux et que, dans un délai et la santé des travailleurs (1981), la Convention sur de dix ans, au moins 75 % des postes soient occupés par la sécurité et la santé dans l’agriculture (2001), et le des nationaux. Recueil de directives pratiques sur la sécurité et la santé dans l’agriculture de l’Organisation Internationale L’emploi de locaux s’avère parfois difficile dans les régions du Travail. L’investisseur sera aussi tenu de mettre en rurales où la main-d’œuvre n’a pas nécessairement les place et d’entretenir des systèmes efficaces de suivi et compétences requises. Dans certains cas, la préférence de rapport sur les incidents relatifs à la santé et à la a été donnée à des migrants de pays voisins ou d’autres sécurité qui devront être déclarés aux organes publics régions du pays hôte parce qu’il a été estimé que la compétents. Parmi les contrats étudiés par l’IISD, un main-d’œuvre locale ne disposait pas des qualifications seul comprenait des clauses spécifiques sur les normes ou de l’expérience nécessaires à un emploi fixe, en de travail, la santé et la sécurité. Ce contrat mettait particulier dans des zones sortant d’un conflit. Cette l’accent sur la prévention du travail forcé et du travail situation a provoqué des tensions entre population locale des enfants. et travailleurs migrants. Pour régler ce type de problème, il est possible de prévoir dans le contrat des clauses Enfin, il est important de prévoir que l’investisseur portant sur l’organisation de programmes de formation fasse un rapport annuel sur la réalisation des objectifs visant à faciliter l’intégration de la population locale dans d’emploi et la mise en œuvre des programmes de le personnel. L’encadré 4.1 donne l’exemple d’un contrat formation. Ce rapport aidera à mesurer les résultats et relatif à une plantation de palmiers à huile incluant à vérifier que les promesses sont tenues. des clauses portant sur la formation et le développement des compétences. Intégration des Un déséquilibre entre l’emploi des hommes et des agriculteurs locaux (2) femmes est apparu dans la plupart des cas étudiés. Globalement, environ 35 % des employés sont des Résultat positif n° 2 : Intégration des agriculteurs femmes. Elles occupent plus souvent des emplois locaux temporaires peu qualifiés et sont très largement absentes • Les investissements dans la terre intégrant des agricul- des plus hauts niveaux de direction. Elles sont moins bien teurs voisins (par le biais de systèmes de plantations payées. Peu d’actions ou de programmes sont prévus satellites) représentent le modèle économique le plus pour faciliter leur inclusion. Il est possible de spécifier efficace, le seul qui entraîne un transfert de technologie substantiel. dans le contrat que la préférence sera donnée à l’emploi des femmes mais aucun des contrats étudiés par l’IISD Options juridiques ne comprenait de clause en ce sens. C’est un problème • Prévoir dans le contrat une clause exigeant la mise en qui pourrait être mieux pris en compte au moment de place d’un système de plantations satellites impliquant des agriculteurs voisins des terres faisant l’objet de la sélection des investisseurs et de la préparation de la l’investissement. négociation. Le  gouvernement peut décider de donner • Concevoir un contrat séparé entre investisseurs et la priorité à des investissements dans des cultures plus petits exploitants satellites, lié au contrat principal de adaptées à l’emploi des femmes ou choisir un lieu bail foncier. d’implantation où  les qualifications des femmes et leur • Préciser qui est concerné, l’appui et l’assistance à part dans la main-d’œuvre sont plus importantes. apporter, et le mode d’établissement d’un mécanisme équitable de fixation des prix. Dans un très petit nombre des investissements étudiés, • Donner la préférence aux systèmes de plantations les salaires et les conditions de travail n’étaient pas satellites donnant la priorité aux femmes et aux suffisants pour assurer aux employés un niveau de vie agriculteurs marginalisés. acceptable. Près de la moitié des emplois créés étaient temporaires, procurant une stabilité limitée et des conditions de travail moins bonnes que des emplois Les investissements qui se sont révélés les plus rentables fixes. Pour éviter ce genre de problèmes, le contrat étaient assortis de contrats par lesquels les petits agricul- spécifiera l’applicabilité du droit national du travail et teurs voisins s’engageaient à vendre leur production à des lois nationales portant sur la santé et la sécurité au la plantation ou à l’unité de transformation. C’est ce travail. Pour obtenir des conditions encore meilleures, que l’on appelle un système de plantations satellites. Un le contrat pourra faire référence à des normes tiers des projets inclus dans l’étude CNUCED-Banque Maximisation des bénéfices et minimisation des risques 9 mondiale comprennent des systèmes de petits exploitants  xemple d’intégration ENCADRÉ 4.2 : E satellites intégrés au modèle économique des investisseurs d’un système de qui sous-traitent ainsi avec près de 150 000 agriculteurs locaux. Ces investissements sont bien perçus, la présence plantations satellites d’un acheteur fiable de la production des agriculteurs dans le contrat locaux contribuant à l’augmentation des revenus ruraux. d’une plantation Les agriculteurs sous-traitants estiment généralement de caoutchouc percevoir un meilleur prix pour leurs produits et bénéfi- cient en outre de formations et d’un appui technique de la Dans l’un des contrats étudiés par l’IISD portant sur une part de l’investisseur. plantation de caoutchouc, il est demandé à l’investisseur de mettre sur pied un système de plantations satellites Les projets comprenant des systèmes de plantations dans un délai de trois ans. Les pouvoirs publics s’engagent satellites apparaissent aussi comme le modèle économique à fournir des terres aux agriculteurs sous-traitants, à les le plus propice aux transferts de technologie et de savoir- sélectionner, à assurer le financement et à régler tous les faire (conseils techniques sur les pratiques de culture et problèmes environnementaux et sociaux qui pourraient la prévention des maladies, la préparation de la terre, se poser. L’investisseur s’engage à gérer et à exploiter la terre, à aider les pouvoirs publics à trouver des fonds, à l’installation de parcelles de démonstration, les méthodes apporter appui et assistance pour l’achat des équipements d’irrigation et les variétés de semence permettant un et des engrais, à fournir des connaissances techniques et meilleur rendement). Les systèmes satellites permettent des compétences de gestion aux agriculteurs sous-trai- aux agriculteurs locaux de garder la maîtrise de leur tants, et à acheter tous leurs produits. Les pouvoirs publics terre et sont susceptibles de créer plus d’emplois que garantissent aussi à l’investisseur que les agriculteurs ce qui serait possible sur la base du seul investissement feront partie d’une coopérative, acquitteront certaines dans la terre. Les investissements assortis de systèmes redevances, participeront à des programmes de formation satellites ont créé un emploi pour trois hectares de terre et accepteront les méthodes et normes de travail mises en place par l’investisseur. contre seulement un pour dix-neuf hectares avec des investissements ne recourant pas à ce système. Source : Smaller, 2014a Toutefois, ces systèmes ont un faible impact en termes de genre. En effet, 1,5 % des agriculteurs satellites sont toujours des risques élevés. Il n’est donc pas judicieux des agricultrices. La question se pose aussi de savoir d’intégrer des sous-traitants avant d’avoir parfaitement comment inclure les agriculteurs les plus marginalisés de testé le modèle de production et le marché. En cas d’asso- préférence à ceux qui sont déjà relativement prospères. ciation trop précoce, les plantations satellites risquent L’une des possibilités consiste à inclure les systèmes de d’être exposées à des risques financiers qu’elles seraient plantations satellites donnant la priorité aux femmes et incapables de supporter. Les grands investisseurs privés aux agriculteurs marginalisés, dans le cadre d’un Accord ont, quant à eux, les moyens et les capacités de faire face de développement de proximité (à ce propos, voir aussi aux risques liés au stade initial de l’investissement. Ils ont au chapitre 4, le point sur la Mise en place de programmes un rôle particulièrement important à jouer à ce niveau. de développement de proximité). Ceci ne signifie cependant pas qu’il ne faut pas prendre de La mise en place de systèmes de plantations satellites risques. Dans certains cas, les investissements agricoles ont requiert généralement la conclusion, entre l’investisseur un rôle pionnier et un effet catalyseur dont les bénéfices et l’agriculteur, d’un contrat séparé qui n’est pas néces- dépassent largement l’investissement en question. La sairement relié au contrat principal. Pour en garantir Commonwealth Development Corporation (CDC) a, par l’instauration, il est néanmoins nécessaire de prévoir une exemple, contribué à la création de petites exploitations clause du contrat à cet effet. L’exemple des plantations de production de thé au Kenya et d’huile de palme en de palmiers à huile en Asie Sud-Est montre que lorsque Asie de l’Est. Mais il a été particulièrement important que les pouvoirs publics insistent pour que des plantations l’investisseur supporte les risques associés à ces nouvelles satellites soient incluses dans le projet, elles le sont effecti- pratiques et cultures et établisse un modèle économique vement tandis que dans le cas contraire, il est peu probable avant l’intégration de petites exploitations satellites (Tyler que cette possibilité soit inscrite dans le plan d’activité. et Dixie, 2012). L’introduction des agriculteurs sous-traitants doit se faire Le contrat devra définir le cadre de base des règles, droits en temps voulu. Les nouveaux investissements présentent et responsabilités qui régiront le système de plantations 10 Contrats d’investissement dans l’agriculture satellites. Il est par exemple possible de spécifier dans le Options juridiques contrat que la préférence sera donnée aux agriculteurs • Donner la priorité aux investissements qui incluent la locaux et aux femmes en particulier. Le contrat peut aussi création d’unités de transformation. Le contrat peut prévoir que l’investisseur apporte appui et assistance aux spécifier les conditions de création de ces unités. agriculteurs sous-traitants sous la forme d’équipements, • Demander à l’investisseur de mettre sur pied un plan machines, semences, engrais et formations à de meilleures de développement du commerce local, de façon à méthodes de  production. Le contrat peut déterminer à promouvoir l’intégration des entreprises et prestataires locaux. Prévoir que la préférence soit prioritairement quel stade il faudra conclure un accord séparé avec des donnée aux biens et services locaux. sous-traitants de manière à protéger ceux-ci des risques • Rapport annuel sur l’exploitation de l’unité de transfor- superflus. mation et le plan de développement du commerce local. Cinq des contrats étudiés par l’IISD comprennent des clauses demandant aux investisseurs de mettre en place des systèmes de plantations satellites. Deux d’entre eux La création d’unités de transformation et la possibilité spécifient les montants que l’investisseur devra consacrer d’ajouter de la valeur à la production primaire sont à ces systèmes. L’encadré 4.2 explique comment un deux axes étroitement liés aux systèmes de plantations système d’exploitations satellites a été inscrit dans le satellites. Sur les 39 projets de l’étude CNUCED-Banque contrat d’une plantation de caoutchouc en Afrique. mondiale, 7 concernent exclusivement des unités de transformation qui ont été à l’origine de la création de L’étude CNUCED-Banque mondiale montre qu’en 2 665 emplois. Ces investissements sont mieux perçus dépit des efforts de transparence des investisseurs, les que d’autres modèles d’entreprises, surtout en raison agriculteurs sous-traitants ont du mal à comprendre de l’absence de l’effet négatif associé à l’acquisition le mode de fixation des prix et expriment des craintes de terrains. quant au mode d’évaluation quantitative et qualitative de leurs produits. Le contrat peut servir de cadre La priorité doit aller aux investissements qui ajoutent de pour la détermination d’un mécanisme équitable de la valeur à la production et incluent la création d’unités fixation des prix entre les agriculteurs sous-traitants et de transformation. Cela peut se faire au stade du tri et l’investisseur, qui soit tout à la fois approprié, inclusif de la sélection des investisseurs potentiels. Le contrat et transparent. En Indonésie, par exemple, le prix de peut comprendre une clause stipulant la création d’une l’huile de palme est fixé mensuellement par l’investisseur, unité de ce type. Sur les quatre-vingts contrats analysés les pouvoirs publics et les petits exploitants du système par l’IISD, six demandaient à l’investisseur de construire satellite. Chaque mois, au moment de la fixation du des unités de transformation (caoutchouc, huile de prix, les trois parties signent un avis officiel requérant palme, riz). Les clauses de trois de ces contrats sont peu que toutes les parties se conforment au prix fixé. Le cas contraignantes. Deux des contrats engagent seulement échéant, les formules de calcul de prix sont intéressantes l’investisseur à « explorer les possibilités » de création parce qu’elles évitent que la négociation repose sur un d’une unité de transformation. Le troisième n’engage rapport de forces. Le contrat doit aussi obliger la société l’investisseur à construire une unité de transformation à présenter un rapport annuel aux pouvoirs publics sur que s’il juge une telle entreprise commercialement viable. la  mise en œuvre du système de plantations satellites. Néanmoins, deux autres contrats prévoient que l’inves- Ce rapport facilitera le suivi des résultats et la résolution tisseur construira une unité de transformation dans un des éventuels problèmes. délai fixé, et précisent même le nombre de tonnes que cette unité devra traiter à l’heure. Le sixième contrat Extension des débouchés spécifie le montant à investir dans l’unité de transfor- mation et le nombre d’employés qu’elle devra compter. commerciaux (3) Résultat positif n° 3 : Extension des débouchés L’investissement étranger peut aussi présenter l’avantage commerciaux de retombées plus larges sur l’économie du pays. L’étude • Les investisseurs ayant créé une unité de transformation CNUCED-Banque mondiale a constaté des effets commer- sont mieux perçus. ciaux positifs pour les fournisseurs locaux de carburant, • Certains investissements ont ouvert de nouveaux d’engrais et de machines. Toutefois, de telles retombées marchés aux entreprises locales et aux fournisseurs de n’interviennent pas dans les zones où il n’existe pas déjà carburant, engrais et machines. des entreprises locales compétentes. De fait, la plupart Maximisation des bénéfices et minimisation des risques 11 des investisseurs ont importé des intrants en raison de la ENCADRÉ 4.3 :  Exemple d’accord non-disponibilité de produits locaux à un prix compétitif. de développement de proximité pour une La préparation d’un plan de développement du commerce local permet à l’investisseur de mieux intégrer les entre- plantation d’arbres prises et prestataires locaux dans son projet. Le contrat en Afrique centrale peut prévoir que l’investisseur donne la préférence aux marchandises produites dans le pays hôte et aux services Dans le cadre d’un contrat conclu en Afrique centrale et proposés par les citoyens et entreprises du pays hôte, inclus dans l’étude de l’IISD, l’accord de développement de proximité définit un échéancier sur des périodes sous  réserve d’une qualité technique acceptable et de quinquennales. L’accord spécifie le nombre de salles de disponibilité. L’investisseur peut avoir dans ses bureaux classe, de maisons, de bureaux, de toilettes et de forages une liste de fournisseurs locaux tenue à jour et les pouvoirs qui  devront être réalisés. Il précise même le nombre de publics peuvent l’aider à répertorier les prestataires et ballons de football et de volley-ball qui seront fournis chaque entrepreneurs locaux. L’investisseur présentera ensuite un année à l’école primaire. Si les principales obligations rapport annuel sur la mise en œuvre du plan de dévelop- concernent l’investisseur, la collectivité s’engage également pement du commerce local et les pouvoirs publics en à contribuer à l’entretien des infrastructures rurales comme assureront le suivi. les routes. Source : Smaller, novembre 2014a Mise en place de programmes le partage des bénéfices du projet avec la collectivité. Une de développement plantation de riz au Ghana, par exemple, verse 2,5 % de son chiffre d’affaires mensuel dans un fonds communau- de proximité (4) taire dont la collectivité peut disposer à sa discrétion pour investir dans des projets de développement. Résultat positif n° 4 : Mise en place de programmes de développement de proximité • Lorsque les investisseurs établissent des relations avec Certains investisseurs ont mis en place des programmes la population et mettent en place des programmes de  développement de proximité. Il s’agit le plus souvent de développement social et économique, ils ont de de la construction de centres médicaux, d’écoles, meilleures chances de réussite financière. de logements, de pompes à eau ou d’infrastructures Options juridiques communautaires de type mairie ou silos de stockage • On constate le besoin d’accords exécutoires à l’échelon des récoltes. En particulier, la construction de routes local, qui fassent partie intégrante du contrat. Celui-ci est considérée comme un important avantage et une peut définir les conditions d’un accord séparé entre amélioration de l’accès aux marchés. l’investisseur et la collectivité, qui sera annexé au contrat. • Si, par la suite, aucun accord n’est conclu avec les collectivités locales ou si les termes de l’accord ne sont pas On constate toutefois une grande variation dans le degré conformes aux conditions fixées, ce manquement sera de consultation des populations sur les programmes considéré comme une violation substantielle du contrat. de développement de proximité ainsi que dans la mesure dont les investisseurs acceptent de prendre des engagements contraignants. Les programmes les plus L’étude CNUCED-Banque mondiale montre que les réussis sont ceux pour lesquels les populations locales ont investisseurs qui affichent les plus grandes réussites finan- été consultées, ont eu la possibilité de donner leur avis cières et opérationnelles sont aussi ceux qui ont l’impact tant sur le choix du projet que sur la manière de dépenser le plus positif sur les économies hôtes et les popula- les  fonds, et ceux qui ont fait l’objet d’un accord écrit tions environnantes. De même, les investissements bien signé par les deux parties. Il est regrettable de constater intégrés dans le pays hôte et auprès des populations que la  dimension de genre n’a été prise en compte ni environnantes tendent à mieux réussir financièrement. dans la conception ni dans le choix de ces programmes. La  possibilité de créer un cercle vertueux est l’une des plus importantes observations du rapport. Un inves- Ces constatations mettent en lumière la nécessité de tisseur a notamment mis en œuvre un modèle écono- conclure des accords locaux exécutoires, faisant partie mique financièrement inclusif, prévoyant explicitement intégrante du contrat principal, qui garantiront de 12 Contrats d’investissement dans l’agriculture véritables résultats. Ce type d’accords, généralement Options juridiques appelés « accords de développement de proximité », est • La promotion de la sécurité alimentaire est à courant dans le secteur minier. Le contrat comprend alors privilégier dès la phase préparatoire. Les éventuelles une clause prévoyant la conclusion par l’investisseur d’un répercussions négatives (modification de l’accès aux accord de développement de proximité avec la collectivité terres, par ex.) doivent aussi être identifiées et traitées. locale. Cette clause définit le processus de conclusion et • Donner la priorité aux investisseurs qui s’inscriront les critères de l’accord (par exemple, qui sera concerné dans les stratégies nationales et contribueront à atteindre les objectifs nationaux de sécurité alimentaire. et consulté, les éléments à inclure, le mode de prise de Cette préoccupation peut notamment influer sur le décision, les sommes d’argent à mettre de côté, les choix de la culture, du modèle économique ou du mécanismes de réclamation appropriés et la nécessité lieu d’investissement envisagé. Privilégier les modèles de présenter des rapports annuels sur l’exécution de économiques qui incluent des systèmes de plantations l’accord). Des considérations de genre peuvent également satellites et développent l’emploi et les revenus locaux. être prévues à tous les niveaux afin de garantir que les femmes participeront au processus de prise de décision, que leur voix aura le même poids que celle des hommes Les investissements agricoles influent de différentes et qu’elles bénéficieront des activités. Un investisseur a, façons sur la sécurité alimentaire locale. Les effets les plus par exemple, créé un comité de liaison communautaire directs passent par la production d’aliments à destination et a insisté pour que les jeunes et les femmes y soient du marché du pays hôte. Un tiers des investisseurs représentées. Le contrat peut, en outre, comprendre étudiés entrent dans cette catégorie. Il apparaît que une clause stipulant que le défaut de conclusion d’un certains investissements ont eu un impact positif sur la accord de développement de proximité et le non-respect sécurité alimentaire locale parce que l’augmentation des termes d’un tel accord constitueront une violation des revenus ruraux liée à l’emploi direct et aux systèmes substantielle du contrat, susceptible de conduire à sa de sous-traitance satellite a amélioré le pouvoir d’achat résiliation si rien n’est fait pour y remédier. des gens. Un certain nombre des contrats étudiés par l’IISD Nombre des questions de sécurité alimentaire doivent comprennent des clauses qui mentionnent le dévelop- être traitées dès la phase préparatoire de négociation du pement de proximité mais qui restent vagues et sont, contrat. Les stratégies nationales de sécurité alimentaire pour la plupart, inexécutoires. Toutefois dans deux sont essentielles en l’occurrence. Elles aideront les pays d’Afrique, des contrats comprenaient des clauses négociateurs publics à déterminer les zones, groupes et détaillées spécifiant des listes d’activités, des indicateurs cultures qui doivent être encouragés et privilégiés pour quantifiables, un calendrier d’exécution et un budget. renforcer la sécurité alimentaire. Il est aussi essentiel de Un accord de développement de proximité était même réfléchir avant l’ouverture des négociations aux impacts annexé à un contrat dont il faisait partie intégrante. éventuels de l’investissement sur la sécurité alimentaire L’encadré 4.3  détaille l’accord de développement de locale de façon à éviter ou à réduire tout effet négatif sur proximité d’une plantation d’arbres en Afrique centrale. celle-ci. Des revenus plus élevés Des impacts négatifs sur la sécurité alimentaire ont néanmoins été constatés, surtout lorsque les pour une meilleure investissements se sont accompagnés d’une réduction sécurité alimentaire (5) de l’accès à des terres préalablement exploitées pour des cultures vivrières ou servant de pâturages. Une habitante explique par exemple qu’avec d’autres femmes Résultat positif n° 5 : Des revenus plus élevés pour du village elle récoltait des épinards sauvages et diverses une meilleure sécurité alimentaire • Certains investissements ont eu un impact positif sur la plantes comestibles sur ce terrain, ce qui n’est plus sécurité alimentaire en raison d’une élévation des revenus possible depuis que l’investisseur a installé une clôture des personnes employées dans le cadre du projet et des électrifiée. Ce type de questions doit être identifié et traité sous-traitants. au cours de la phase préparatoire des négociations, au • Toutefois, un tiers seulement des investissements contri- moment de la recherche, par l’investisseur et les pouvoirs buent à la production de cultures vivrières à destination publics, d’un terrain disponible adapté, en réalisant des du marché hôte et certaines répercussions négatives pour évaluations de l’impact et en déterminant qui vit sur les la sécurité alimentaire ont aussi été constatées. terres envisagées pour l’investissement et qui les utilise. Maximisation des bénéfices et minimisation des risques 13 CHAPITRE CINQ Les CINQ principaux points faibles des investissements dans des terres agricoles Un certain nombre de répercussions négatives sont mises en lumière par l’étude CNUCED-Banque mondiale. Certaines d’entre elles auraient pu être évitées ou réduites par une meilleure préparation du contrat en amont de la négociation, par une rédaction plus attentive des clauses contractuelles ou par des mesures supplémentaires pour en assurer le suivi et l’exécution. La présente section analyse les cinq principaux points faibles mis en évidence par l’étude CNUCED-Banque mondiale et la façon d’y remédier en intervenant dans le processus contractuel. Perte de terrains et plans de réinstallation inadaptés (1) Point faible n° 1 : Perte de terrains et plans de réinstallation inadaptés • C’est la réduction de l’accès aux terres, assortie de plans de réinstallation mal exécutés, qui apparaît comme le principal point négatif. Options juridiques • Répertorier et cartographier les droits officiels et informels sur les terres avant la signature du contrat, en s’appuyant sur les résultats de l’évaluation de l’impact social. • S’assurer en procédant à une consultation des populations qu’il ne subsiste aucun différend foncier avant de lancer les opérations. • Concevoir un plan de réinstallation en bonne et due forme, en concertation avec les personnes concernées, qui sera annexé au contrat et sera contraignant pour les parties. C’est la réduction de l’accès aux terres qui apparaît comme le principal impact négatif. La source de conflit la plus courante survient entre un investisseur auquel les pouvoirs publics ont accordé des droits fonciers officiels et la population locale qui vit et travaille sur ces terres depuis des années, sans que ses droits fonciers n’aient été ni répertoriés, ni délimités, ni officiellement enregistrés. Par ailleurs, les droits des éleveurs, rarement reconnus, sont aussi une source de conflits. Nombre d’investisseurs consacrent beaucoup de temps et de moyens au règlement de différends fonciers qui auraient pu – et auraient dû – être identifiés plus tôt dans le cadre d’un processus Maximisation des bénéfices et minimisation des risques 15 préparatoire bien mené. Les différends fonciers sont Encadré 5.1 :  Processus consultatif étroitement et directement liés à d’autres répercussions d’acquisition des terres négatives au niveau des processus de consultation de la population, des impacts sociaux et des mécanismes de Voici les étapes du processus consultatif mené par un réclamation. investisseur zambien pour acquérir des terres dans son pays. Les discussions se sont déroulées sur une période de Pour tout investissement lié à la terre, il est essentiel trois ans et ont concerné de multiples parties prenantes. d’appuyer les termes du contrat sur des régimes clairs 1. L’investisseur s’est adressé au Conseil de district d’occupation des sols. Les droits des propriétaires et (administration locale) pour trouver un terrain. des usagers locaux des terrains doivent être clairement 2. Le Conseil a orienté l’investisseur vers une région répertoriés avant la négociation du contrat. Lorsque des disposant d’un potentiel agricole que l’administration régimes fonciers détaillés établissent clairement des droits locale jugeait sous-utilisée. Il a demandé l’organisation assignés aux propriétaires et aux utilisateurs locaux, d’une réunion avec les chefs locaux. il convient de permettre à ceux-ci de donner leur avis sur 3. Ceux-ci ont consulté la population par le biais de la façon dont les terres et l’eau seront allouées à l’inves- sous-chefs et de responsables représentant les villageois. tisseur. Ils devront participer au processus contractuel, 4. Suite à l’acceptation initiale de l’allocation d’un terrain pour la création d’une plantation, un Fonds de dévelop- soit directement avec l’investisseur soit comme partie à la pement de proximité a été mis en place. Celui-ci est négociation entre l’investisseur et l’État. composé de la collectivité locale et de ses chefs. 5. Le Fonds de développement de proximité, l’inves- Lorsque les droits fonciers ne sont pas clairs, ou ne tisseur et le Conseil de district ont procédé ensemble sont pas correctement répertoriés et enregistrés, il à l’estimation de la valeur des biens et des cultures des est essentiel d’identifier, de reconnaître et d’établir la personnes qui devaient être déplacées. carte de tous les détenteurs de droits fonciers légitimes 6. L’évaluation des arbres et des cultures a été réalisée par le ministère de l’Agriculture. Les experts publics avant la signature du contrat, en étroite concertation en matière de bâtiments et de constructions ont évalué avec les populations locales. Ces dernières incluent les maisons, les huttes et les autres bâtiments. non seulement les personnes qui vivent sur les terres 7. Des accords ont été conclus entre l’investisseur et les mais aussi celles qui les utilisent comme pâturages, les citoyens individuels pour la compensation des biens et agriculteurs itinérants ou les personnes pour qui elles des cultures. servent de voie de passage pour chercher de l’eau, du 8. Un protocole d’accord a été signé entre l’investisseur, bois de chauffage ou d’autres produits forestiers. Tous les le fonds et la collectivité locale. types de droits fonciers doivent être répertoriés, officiels Source : CNUCED et Banque mondiale 2014. ou informels, officiellement enregistrés ou non. Le processus de consultation populaire permettra également de déterminer s’il existe des différends fonciers qu’il faudra résoudre avant de lancer les opérations. Une carte Les différends fonciers sont aussi liés aux problèmes répertoriant les limites géographiques, contrôlée par les que pose la réinstallation quand la consultation n’a pouvoirs publics, l’investisseur et les collectivités locales, pas été suffisante ou pas assez transparente, même devra être annexée au contrat. L’étude sur le terrain a si des exemples positifs existent également. Certains mis en évidence plusieurs exemples positifs d’investisseurs investisseurs, constatant en arrivant sur place que des qui se sont préoccupés des droits fonciers locaux et ont populations vivaient sur les terres qui leur avaient été contribué à améliorer le système d’occupation des sols allouées, ont par exemple décidé de travailler avec elles (cf. encadré 5.1). ou à leurs côtés plutôt que de les déplacer. Mais dans la plupart des cas, les personnes déplacées ont indiqué Un certain nombre d’initiatives ont été menées au plan qu’elles avaient le sentiment que leur situation avait mondial pour conseiller utilement les négociateurs qui empiré en raison de ce déplacement. Dans l’un des cas, veulent parer ces impacts négatifs. Citons deux guides en elles n’avaient pas encore touché de compensation cinq ce sens : « Directives volontaires pour une gouvernance ans après leur déplacement. responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité Les réinstallations doivent être évitées ou limitées au alimentaire nationale » et « Cadre et lignes directrices sur strict minimum. Lorsqu’il est jugé nécessaire de procéder les politiques foncières en Afrique » de l’Union africaine. à des réinstallations, des dispositions doivent être prises 16 Contrats d’investissement dans l’agriculture pour élaborer un plan tenant compte des principes Il est important d’avoir un contact effectif avec et normes reconnus au niveau international. Les la population avant et pendant le processus de personnes susceptibles d’être déplacées doivent donner négociation. Ce  type  de démarche n’est possible leur consentement et être correctement informées. Les que si l’accord et le processus qui y mène sont personnes déplacées doivent retrouver des conditions de transparents. Quand le public n’a pas accès à vie au moins équivalentes, y compris en ce qui concerne des informations relatives aux investissements, le logement et la garantie d’accès à la terre. De plus, cette absence génère la crainte, la défiance et le elles doivent percevoir une compensation d’un montant ressentiment des populations locales quant aux équitable et raisonnable. Le plan de réinstallation intentions et aux activités de l’investisseur. Ce type de doit  être annexé au contrat et être contraignant pour situation dégrade les relations entre les investisseurs les parties. et la population locale. En particulier, l’étude montre que peu d’informations sont données sur Défaut d’ouverture les conditions d’acquisition des terres et les mesures d’incitation accordées aux investisseurs étrangers. et de consultation des Au cours d’un entretien avec les parties prenantes locales, un petit exploitant a demandé aux enquêteurs populations locales (2) si l’investisseur avait l’intention de lui prendre son terrain, ce qui est caractéristique de l’absence de Point faible n° 2 : Défaut d’ouverture et de communication entre l’investisseur et la population. consultation des populations locales • Le manque de transparence des accords fonciers et L’établissement d’un accord de développement de l’insuffisance de la concertation avec les populations proximité peut contribuer à créer un cadre de dialogue locales génèrent la crainte, la défiance et le ressen- timent et créent des difficultés opérationnelles et permanent, de concertation et de discussion avec la financières pour les investisseurs. population, en particulier en cas de conflit ou de griefs. L’accord pourra aussi prévoir des évaluations régulières Options juridiques du projet et de ses conséquences pour la population et • Consulter la population avant et pendant les son environnement. négociations dans de bonnes conditions d’ouverture et de transparence. • Mettre en place un accord de développement de Certains investisseurs ont signalé qu’ils avaient du mal proximité à assurer la transparence en raison des controverses à • Prévoir une clause de communication d’informations propos de « l’accaparement des terres » et de la tendance qui fasse du contrat un document public. des médias et de la société civile à manipuler les informations. D’autres ont toutefois joué la carte d’une transparence accrue pour contrer des propos fallacieux. Dans de nombreux cas, il apparaît que la consultation Au  Liberia, un producteur de caoutchouc a décidé de et les contacts avec les collectivités locales ont été rendre publique une large part de ses opérations pour insuffisants. En particulier, il est dangereux pour les répliquer à un rapport critique qui l’accusait de violations investisseurs de supposer que le gouvernement hôte a graves des droits de l’homme. réalisé des consultations suffisantes et résolu tous les problèmes locaux avant leur arrivée. Ce type d’attitude Il est important d’inclure dans le contrat une clause a entraîné des retards, augmenté les coûts et nui aux qui prévoie que le contrat et tous les documents annexes relations avec les populations locales, ce qui a eu des (évaluation de l’impact environnemental et social et répercussions sur la viabilité opérationnelle et financière plans de gestion) soient rendus publics et puissent être de l’entreprise. Un investisseur est, par exemple, arrivé consultés dans les bureaux des services publics, ceux sur place alors qu’on lui avait dit que l’administration de l’investisseur et sur un site web, à l’exception des locale avait mené des consultations et «  préparé les informations commerciales de nature véritablement terres  » pour lui. Il s’est avéré que la population locale confidentielle. avait été forcée à déménager en l’échange de promesses d’emplois ; ensuite, elle en a voulu à l’investisseur de ne Certains pays ont pris des mesures importantes pour pas avoir fourni ces postes. assurer une plus grande ouverture. C’est notamment le Maximisation des bénéfices et minimisation des risques 17 cas du Liberia qui répertorie tous les paiements, contrats Encadré 5.2 :  Éléments à inclure dans et licences en lien avec des investisseurs sur un site l’étude de faisabilité web officiel. De son côté, le ministère de l’Agriculture éthiopien met en ligne de nombreux contrats agricoles • Une étude ou analyse de marché pour déterminer s’il sur le Portail de l’agriculture éthiopienne. Lorsque les existe une demande pour le produit. gouvernements montrent l’exemple de l’ouverture, il y a • Un volet de faisabilité technique pour déterminer moins de risques que l’investisseur agisse différemment. si les conditions environnementales, hydrologiques Toutefois, les informations publiées doivent être fiables, et climatologiques sont favorables dans le lieu choisi pour la culture choisie. exactes et à jour. • Un volet de faisabilité financière qui permettra de déterminer le capital nécessaire, les coûts et les Mauvaise évaluation de la recettes attendues, les besoins en personnel et les plans d’urgence en cas d’événements imprévus. viabilité commerciale (3) • Un volet de faisabilité sociale et environnementale qui évaluera les probabilités de différends fonciers et les risques environnementaux susceptibles de nuire Point faible n° 3 : Mauvaise évaluation de la viabilité au projet. commerciale • Un volet de faisabilité organisationnelle pour • Beaucoup de projets échouent ou végètent en raison déterminer le modèle économique le mieux adapté de facteurs qui auraient pu être identifiés par de au projet considéré. meilleures mesures de sélection avant l’investissement, Source : Smaller, 2014a d’études de faisabilité et de la diligence voulue. Options juridiques • Réaliser des études de faisabilité pour vérifier la viabilité commerciale du projet et préparer un plan d’activité sur inadaptée du sol à la culture choisie ; la population locale la base des résultats de ces études. a rapidement signalé que la terre était plus adaptée à • Veiller à ce que l’étude de faisabilité et le plan d’activité d’autres cultures, au manioc par exemple. soient contrôlés par une tierce partie indépendante et soient soumis à l’approbation des pouvoirs publics. • Prévoir des clauses de restitution des terres inutilisées, Il est apparu qu’un quart des investisseurs utilisaient moins de cession (transfert de droits) et de résiliation pour les cas de 10 % des terres qui leur étaient allouées. Dans certains d’échec ou de retards importants dans la mise en route. cas, cette situation était due à un défaut de planification débouchant sur des problèmes d’exploitation (différends fonciers ou conditions environnementales inattendues) ; Un nombre important d’investissements agricoles dans d’autres, à des moyens financiers insuffisants pour échouent, en particulier ceux qui sont nouveaux. L’étude développer l’exploitation après versement d’un prix modeste CNUCED-Banque mondiale montre qu’environ la pour le terrain. Dans les pires exemples, on peut même moitié des investissements analysés ne dégageaient pas douter qu’il y ait eu au départ une véritable intention de bénéfice et étaient en retard sur leur programme d’exploiter les terres selon les plans annoncés, celles-ci d’exploitation au moment de l’étude. Un autre travail de n’étant détenues qu’à des fins spéculatives ou utilisées à recherche mené par la Banque mondiale classe la moitié d’autres fins que celles convenues avec le gouvernement des projets étudiés dans la catégorie des échecs ou des hôte (par exemple pour exploiter le bois des forêts et non échecs relatifs du point de vue financier (Tyler et Dixie, produire des cultures). 2012). Dans la plupart de ces exemples, les motifs d’échec La plupart de ces échecs sont dus à une mauvaise auraient pu être repérés dès le début du projet dans le conception (par ex. mauvais choix du lieu d’implantation, cadre d’un meilleur processus de sélection des inves- du type de culture ou hypothèses de planification par tisseurs du côté du gouvernement hôte, ou d’un audit trop optimistes). Une plantation de café du Vanuatu a, préalable plus approfondi et d’une meilleure planification par exemple, échoué en raison de sa vulnérabilité aux du côté de l’investisseur. cyclones. Une entreprise d’exportation d’œufs de Gambie vers le Royaume-Uni a échoué faute d’avoir anticipé que Les études de faisabilité sont essentielles. En général, elles les consommateurs britanniques hésiteraient à acheter portent surtout sur la viabilité commerciale et technique des œufs gambiens. Au Cambodge, une plantation de du projet. Elles tiennent compte aussi des facteurs sociaux caoutchouc rencontrait des difficultés dues à la nature et environnementaux (risques de cyclones, qualité des sols) 18 Contrats d’investissement dans l’agriculture susceptibles de nuire à la viabilité commerciale. L’encadré Le contrat peut prévoir la possibilité d’une résiliation 5.2 présente quelques éléments clés à inclure dans l’étude si l’exploitation commerciale n’a pas commencé à la de faisabilité. Celle-ci sera menée par l’investisseur et date spécifiée, si le loyer n’est pas payé ou si la société contrôlée par un tiers indépendant avant la signature du fait faillite. Le contrat pourra aussi être résilié en cas de contrat. Les résultats serviront à l’établissement d’un plan violation substantielle des principales stipulations de d’activité. Tant l’étude de faisabilité que le plan d’activité l’accord entre les pouvoirs publics et l’investisseur. doivent être approuvés par le gouvernement avant la fin de la négociation du contrat. Le contrat d’une plantation sucrière étudié par l’IISD fait par exemple référence à Mauvaise gestion des des études de faisabilité. Il oblige l’investisseur à financer impacts environnementaux des études techniques mais sans préciser les termes de ces études, ce qui n’en facilite pas l’exécution. et sociaux (4) Point faible n° 4 : Mauvaise gestion des impacts Certaines lois et réglementations nationales posent la environnementaux et sociaux réalisation d’études de faisabilité et de plans d’activité • Les évaluations de l’impact sont considérées comme comme conditions préalables à la réalisation d’un projet. de simples exercices de cases à cocher, ne débouchent Toutefois, ces lois sont rares, et même lorsqu’elles existent, pas sur des plans de gestion et ne font pas l’objet elles sont souvent affaiblies par un manque de suivi et une d’un suivi. application déficiente. Options juridiques • Intégrer les évaluations de l’impact et les plans de L’investisseur devra soumettre régulièrement de nouveaux gestion aux contrats en y ajoutant des instructions et plans d’activité au gouvernement hôte en fonction de directives précises sur ce qui doit être évalué et pris en compte dans les plans de gestion. l’évolution des conditions du marché et d’autres circons- • Prévoir un contrôle par une partie tierce indépendante tances. Le contrat devra permettre une certaine flexi- et l’approbation des pouvoirs publics. bilité pour que l’investisseur puisse modifier rapidement • La non-réalisation d’évaluations de l’impact et de plans ses plans en cas d’évolution du marché, des prix ou des de gestion doit constituer une violation substantielle du conditions agronomiques. Toutefois, une transformation contrat pouvant entraîner sa résiliation. importante du plan d’activité devra requérir l’approbation préalable du gouvernement hôte. Ce qui est très positif c’est que 70 % des investisseurs Certains pays d’Afrique et d’Asie se trouvent confrontés ont réalisé une évaluation de l’impact environnemental à une situation difficile pour avoir cédé des terres trop et social (EIES) et que près de 50 % d’entre eux ont rapidement. Ainsi, au moins un pays d’Afrique de l’Est établi un plan de gestion environnementale. Ce qui l’est et un pays d’Asie du Sud-Est envisagent de limiter les moins c’est que dans la plupart des cas, ces évaluations surfaces qui peuvent être allouées à un investisseur par ont consisté en de simples exercices de « cases à cocher », un contrat initial. Ces deux pays envisagent de demander sont restées très symboliques et n’ont pas été intégrées au aux investisseurs de prouver qu’ils peuvent réussir sur contrat. La qualité des plans de gestion environnementale une petite parcelle avant de leur allouer une surface est restée faible et, dans la plupart des cas, ces plans n’ont plus grande. été pris en compte ni dans les plans d’activité ni dans les opérations d’exploitation. Les clauses de cession (transfert de droits d’une société à une autre) et de résiliation du contrat sont aussi De ce fait, les investisseurs ont souvent négligé des essentielles pour assurer aux pouvoirs publics et à recommandations importantes, ce qui a eu des consé- l’investisseur une stratégie de sortie en cas d’échec ou quences sur leur investissement. Dans une rizière en de difficultés financières. Le contrat peut donner à Éthiopie, par exemple, les récoltes ont été plusieurs fois l’investisseur la possibilité de transférer ses droits à une pillées par des oiseaux et il a fallu recruter en urgence filiale ou à une société tierce, sous réserve toutefois que 500 personnes pour chasser les volatiles. Une importante le nouvel investisseur reprenne toutes les obligations au population endémique d’oiseaux était pourtant signalée contrat et qu’il obtienne l’approbation préalable des dans l’évaluation d’impact mais celle-ci, réalisée par pouvoirs publics. un consultant, avait été rangée sur une étagère du siège Maximisation des bénéfices et minimisation des risques 19 d’Addis-Abeba, sans que les exploitants de la rizière n’en  léments à Encadré 5.3 : É aient eu connaissance. Une autre étude de la Banque inclure dans les mondiale indique que « la mise en œuvre des évaluations de l’impact environnemental et social laisse à désirer sous plans de gestion bien des aspects. Même lorsqu’elles sont prévues par environnementale la loi, il  arrive souvent qu’elles ne soient pas réalisées » et sociale (Deininger & Byerlee, 2011, p. 57). Le plan environnemental abordera notamment les points Des parties prenantes interrogées ont mentionné divers suivants : impacts environnementaux négatifs, le plus souvent des problèmes de pollution de l’eau par infiltration • principaux sujets de préoccupation environmentale • plans de gestion des impacts sur la diversité, les de produits chimiques et des déplacements de zones surfaces, les eaux souterraines et les sols de conservation de la nature pour laisser la place aux • plans de réduction des émissions à effet de serre et investissements agricoles. L’étude montre que dans près d’adaptation aux changements climatiques de la moitié des cas, l’utilisation de l’eau par l’investisseur • plans de manipulation et de stockage des produits n’est absolument pas réglementée. L’une des collectivités chimiques, pesticides, engrais et combustibles locales a indiqué qu’au vu des taux de prélèvement des • plan de réhabilitation de la zone après investissement investisseurs, les ressources locales en eau risquaient • description du mécanisme de suivi et d’évaluation d’être épuisées en quelques mois. Il est important Le plan social abordera notamment les points suivants : d’inclure les questions d’eau, en particulier celles du prélèvement et de la pollution par les produits chimiques, • Reconnaissance des propriétaires et des utilisateurs dans les évaluations de l’impact et les plans de gestion. des terres et de leur droit à continuer à utiliser les terres à des fins de subsistance • plan visant à éviter, autant que possible, les déplace- Au vu de ces problèmes et de la fréquence des échecs, ments et réinstallations non volontaires il apparaît nécessaire de mentionner les évaluations • plan visant à éviter, autant que possible, toute de  l’impact et les plans de gestion dans les contrats perturbation déraisonnable des conditions de vie des d’investissement. L’étude CNUCED-Banque mondiale gens qui vivent sur le site du projet ou à proximité montre que les évaluations de l’impact sont plus efficaces • plan de réinstallation prévoyant la consultation, la quand elles sont menées par l’investisseur, avec un suivi communication d’informations, les mesures à prendre par l’investisseur pour remplacer ou rétablir les moyens et un contrôle des pouvoirs publics du pays hôte et d’une de subsistance, et le versement d’une compensation partie tierce. équitable et raisonnable Source : Smaller, 2014a. Par principe, une évaluation de l’impact environnemental et social devrait toujours être effectuée avant la signature du contrat. Pour éviter des retards excessifs, elle peut comprendre plusieurs étapes. Une première sélection mais avant que l’investisseur ne lance les opérations de initiale de haut niveau permettra de déterminer s’il est construction et d’exploitation. Ce n’est pas la situation nécessaire de lancer une évaluation officielle et de définir idéale mais il faut, au minimum, veiller à ce que l’inves- les différentes questions à étudier dans une évaluation tisseur n’ait pas les autorisations nécessaires à la mise en plus rigoureuse. La négociation du contrat pourra ensuite production avant que l’EIES et les plans de gestion ne tenir compte des constatations de l’évaluation. Il ne faut soient terminés, vérifiés par une partie indépendante et d’ailleurs pas éliminer la possibilité d’abandon du projet approuvés par les pouvoirs publics, en conformité avec au vu de ces constatations. L’investisseur utilisera les les lois en vigueur. résultats de l’évaluation pour élaborer des plans de gestion, sur les questions environnementales d’une part et les Le non-respect de ces conditions doit constituer un questions sociales d’autre part. L’encadré 5.3 récapitule les manquement substantiel aux obligations contractuelles. principaux éléments à traiter dans ces deux plans. Le contrat devra aussi comprendre l’obligation de présen- tation d’un rapport annuel sur la mise en œuvre des deux Dans la pratique, il est fréquent que les évaluations de plans qui doivent être rendus publics et être consultables l’impact soient réalisées après la signature du contrat par les populations locales. 20 Contrats d’investissement dans l’agriculture Insuffisance des Les mécanismes de réclamation auprès de l’investisseur sont des outils très utiles qui permettent à celui-ci mécanismes de d’être informé des préoccupations et des griefs de la population locale sur les questions sociales et environ- réclamation (5) nementales. Ces mécanismes doivent être conçus en concertation avec la collectivité : ils doivent être faciles Point faible n° 5 : Insuffisance des mécanismes de à comprendre, accessibles, transparents et compatibles réclamation avec la culture locale. Il faut mettre en place un canal • Il a été constaté que les mécanismes permettant aux de communication permanent entre l’investisseur et populations locales de réclamer et d’obtenir réparation étaient insuffisants. la population locale, pour un règlement rapide des problèmes avant toute escalade. Quoi qu’il en soit, Options juridiques certains incidents peuvent dépasser les limites de ce qui • Inclure dans le contrat une clause prévoyant la mise peut être réglé par le biais de tels mécanismes. Il est en place de mécanismes de réclamation sur la base des donc aussi important que le mécanisme de réclamation normes de performance d’IFC. n’empêche pas les recours judiciaires ou administratifs de type médiation et arbitrage. Il est aussi important que les employés puissent s’exprimer. Il faut donc Dans la plupart des cas étudiés, les personnes qui sont prévoir un mécanisme séparé pour la gestion des récla- lésées par un investissement ne disposaient pas de moyens mations des employés. suffisants pour réclamer auprès de l’investisseur ou des pouvoirs publics et obtenir réparation. Il s’agit d’un point essentiel pour permettre l’expression de la population Les normes de performance 1, 2 et 5 de la Société locale et des autres parties prenantes. Nombre des financière internationale (IFC) donnent des lignes parties prenantes qui ont exprimé leur mécontentement directrices pour la mise en place de mécanismes de pendant les entretiens ont déclaré n’avoir aucun moyen règlement des griefs. Il convient d’intégrer ces lignes de faire valoir leurs réclamations. Certains exemples directrices au contrat et de prévoir que l’investisseur positifs existent cependant, comme le Comité de liaison présente un rapport annuel sur les réclamations communautaire d’une plantation de palmiers à huile en présentées dans l’année et la façon dont elles ont été Côte d’Ivoire. réglées. Maximisation des bénéfices et minimisation des risques 21 CHAPITRE SIX Conclusions Avec la mise en place de cadres juridiques et opérationnels adaptés, les investissements agricoles peuvent être des sources de bénéfices présentant un minimum de  risques pour les populations locales, les pays hôtes et les investisseurs eux-mêmes. Un cadre juridique bien adapté favorise les bénéfices tout en atténuant les éventuelles répercussions négatives. Les contrats d’investissement constituent l’un des outils de la large panoplie des instruments juridiques et opérationnels disponibles. Les tableaux 6.1 et 6.2 résument les conclusions de la présente analyse en montrant comment les différentes phases du processus contractuel peuvent être mises à profit pour optimiser les bénéfices et réduire les risques identifiés par les études de terrain. Il est en particulier essentiel que les décisions soient prises sur la base de faits établis et de recherches mettant en évidence ce qui marche et ce qui ne marche pas. Il faut ensuite utiliser cette base de connaissances pour élaborer des clauses contractuelles concrètes et détaillées ou prévoir d’autres cadres et mécanismes juridiques pour l’investissement. Un important travail de base est donc nécessaire avant l’ouverture des négociations. Un travail plus important encore est à accomplir une fois que la mise en œuvre a débuté pour s’assurer que les deux parties tiennent leurs engagements. Si ce travail est bien mené, il y a de bonnes chances pour que l’investissement débouche sur des résultats positifs et pérennes pour les pouvoirs publics, la population et les investisseurs. Maximisation des bénéfices et minimisation des risques 23 Tableau 6.1 :  Comment maximiser les principaux bénéfices d’un investissement agricole par un processus contractuel Préparation de la Rédaction Suivi et négociation du contrat du contrat exécution Création Donner la priorité à des modèles •   Inclure des objectifs d’emploi •   Contrôler le respect des •   d’emplois économiques qui privilégient de locaux et/ou de nationaux. lois nationales sur le travail, la création d’emplois. Spécifier l’applicabilité des lois •   la santé et la sécurité. S’interroger sur la composition •   nationales sur le travail, la santé Contrôler que les •   probable du personnel et et la sécurité. engagements en matière l’occupation des postes (locaux/ Exiger des programmes de formation •   de création d’emplois, nationaux, hommes/femmes, du personnel local. de formation et d’avantages permanents/temporaires). Veiller à inclure des engagements •   pour le personnel sont tenus. Prendre en compte les plans •   concernant les avantages à fournir Exiger des rapports annuels •   de l’investisseur en matière aux employés (logement, éducation, sur les objectifs d’emploi et de formation et d’avantages assurance maladie, etc.). les programmes de formation. pour les employés. Intégration Donner la priorité aux •   Prévoir une clause exigeant la mise •   Contrôler la mise en place •   des investisseurs qui prévoient des en place d’un système de plantations d’un système de plantations agriculteurs systèmes de plantations satellites. satellites. satellites. locaux Veiller à ce que le modèle •   Fixer des exigences en matière d’appui •   •   Demander des rapports économique soit établi avant technique et de fourniture d’intrants annuels sur la performance l’introduction des plantations aux agriculteurs sous-traitants. des systèmes de plantations satellites. Prévoir un cadre de fixation des prix •   satellites. Considérer avec prudence •   équitable et transparent. Participer aux mécanismes •   les nouveautés en matière de de fixation des prix et type de culture, de technologie, contrôler leur mise en œuvre. de modèles économiques, sans les exclure totalement. Extension Donner la priorité aux •   Prévoir un engagement de mise en •   Contrôler l’exécution •   des débouchés investisseurs qui mettront en place place d’une unité de transformation. du plan de développement commerciaux des unités de transformation Demander que l’investisseur donne •   du commerce local. locales, lorsqu’elles sont la préférence aux fournisseurs locaux, Faire le suivi de la création •   commercialement viables. quand il y en a. de l’unité de transformation. Déterminer si l’investisseur •   Demander que l’investisseur mette •   Exiger des rapports annuels •   prévoit d’importer les intrants sur pied un plan de développement sur la mise en œuvre du ou de les acheter sur place. du commerce local. plan de développement du commerce local et de l’unité de transformation. Mise en Prendre en compte les •   Exiger que les investisseurs mettent •   Contrôler le respect des accords •   place de programmes de développement en place des accords de développement de développement de proximité programmes de proximité des investisseurs. de proximité annexés aux contrats. et des modèles économiques de Donner la priorité aux modèles •   Définir les conditions et processus •   inclusifs prévoyant le partage développement économiques inclusifs. d’accords de développement des bénéfices. de proximité Veiller à ce que la population •   de proximité ou de modèles La non-mise en place d’un •   locale soit consultée, participe économiques inclusifs. accord de développement et ait accès aux informations. de proximité ou son non-respect constitue une violation du contrat. Exiger des rapports annuels sur •   la mise en œuvre de l’accord de développement de proximité. Des revenus Analyser toutes les implications •   Prévoir une clause sur les programmes •   •   Contrôler le respect des plus élevés des investissements en matière alimentaires locaux. engagements du programme pour une de sécurité alimentaire. Exiger qu’un pourcentage des cultures •   alimentaire local. meilleure Donner la priorité aux investisseurs •   alimentaires soit réservé au marché Contrôler l’impact •   sécurité dont les activités appuient les national, s’il y a lieu. de l’investissement sur la alimentaire stratégies locales et nationales en sécurité alimentaire locale. matière de sécurité alimentaire. 24 Contrats d’investissement dans l’agriculture  omment réduire les risques associés à un investissement Tableau 6.2 : C agricole par un processus contractuel Préparation de la Rédaction Suivi et négociation du contrat du contrat exécution Répertorier et dresser la carte Perte de terres •   Définir les droits d’utilisation •   Vérifier que l’investisseur se limite •   et plans de de tous les utilisateurs des terres, et d’accès au site du projet au terrain qui lui a été alloué et réinstallation disposant de droits officiels pour l’investisseur. l’utilise aux fins convenues. inadéquats ou informels. Joindre en annexe les •   Créer un mécanisme permettant •   S’assurer en consultant la •   délimitations géographiques à la population locale de présenter population qu’aucun différend et les caractéristiques à laisser des réclamations sur les questions foncier ne subsiste. en place. foncières. Prendre en compte les plans des •   Préparer un plan de •   Demander à l’investisseur •   investisseurs pour la réinstallation réinstallation, le cas échéant, de rendre des comptes sur des usagers des terres ou pour avec le consentement des les différends fonciers. une collaboration avec eux. personnes concernées. Défaut Mener des consultations •   Consulter les populations •   Rendre publics les contrats •   d’ouverture exhaustives et transparentes locales pendant les phases et autres documents connexes, et de auprès des populations avant de conception du projet et de hors informations commerciales consultation les négociations. rédaction des termes du contrat. confidentielles. des Veiller à la transparence du •   Inclure dans le contrat une •   Veiller à la réalisation des •   populations processus devant donner aux clause de publication spécifiant engagements pris pendant les locales investisseurs l’accès à la terre les documents qui devront consultations avec la population. et la possibilité d’investir. être rendus publics. Mauvaise Sélectionner les investisseur •   Spécifier les éléments à inclure •   La non-préparation d’une étude •   évaluation en fonction de leurs capacités dans l’étude de faisabilité. de faisabilité ou d’un plan d’activité de la viabilité techniques et financières. Intégrer les jalons du plan •   est une violation substantielle commerciale •   Donner la priorité aux modèles d’activité. du contrat pouvant entraîner économiques qui ont le plus de Exiger que tout changement •   sa résiliation. chances de déboucher sur une important du plan d’activité Contrôler les performances •   réussite financière et opérationnelle. soit signalé. financières et opérationnelles Effectuer des études de faisabilité •   Prévoir des clauses de cession •   du projet. économique et préparer un plan et de résiliation en cas d’échec. Signaler tout changement apporté •   d’activité fondé sur les résultats au plan d’activité. de ces études. Prévoir un plan d’urgence en cas •   Veiller à ce que les études de •   d’échec de l’investisseur, incluant faisabilité et les plans d’activité la restitution des terres non utilisées, soient approuvés par les pouvoirs le transfert des droits à une partie publics et contrôlés par une tierce tierce ou la résiliation du contrat. partie indépendante. Mauvaise Réaliser une évaluation de •   Compléter la législation nationale •   •   La non-réalisation de l’évaluation gestion des l’impact social et environnemental par des directives spécifiques de l’impact et des plans de gestion impacts et intégrer les résultats dans les portant sur les points à inclure constitue une violation substantielle environne- plans de gestion, et plus largement, dans les évaluations et les plans. du contrat pouvant entraîner sa mentaux dans le plan d’activité. Tenir compte des conclusions •   résiliation. et sociaux Veiller à ce que les évaluations •   des évaluations de l’impact Rapport annuel sur la mise •   et les plans de gestion soient et des plans de gestion. en œuvre des plans sociaux approuvés par les pouvoirs Intégrer les évaluations de •   et environnementaux. publics et contrôlés par une l’impact social et environne- Surveiller la quantité et la qualité •   tierce partie indépendante. mental en tant qu’obligations de l’eau, les sols et les changements contraignantes. de conditions climatiques. Insuffisance Prévoir des mécanismes de •   Inclure dans le contrat une •   Rapport annuel sur les réclamations •   des réclamation et de règlement clause prévoyant la mise et la façon dont elles ont été traitées. mécanismes des griefs en phase avec les en place de mécanismes de réclamation consultations menées auprès de réclamation et de règlement de la population. des griefs, sur la base des Mettre en place un canal de •   normes de performance d’IFC. communication permanent entre l’investisseur et la population. Maximisation des bénéfices et minimisation des risques 25 RÉFÉRENCES Association internationale du barreau (2011). MMDA 1.0 : Modèle de convention d’exploitation minière pour le développement. Tiré de http://www.mmdaproject.org/ wp-content/uploads/2010/04/MMDA-1_0_Francaise_Final.pdf Bernasconi-Osterwalder, N., Cosbey, A., Johnson, L. and Vis-Dunbar, D. (2011). Les traités d’investissement et leur rôle dans le développement durable : Questions et réponses. 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