100137 NOTE D’ORIENTATION SUR LE FINANCEMENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES 1 AMÉLIORER LE FINANCEMENT DES COLLECTIVITÉS LOCALES 2 L’objectif de la révision des finances locales est d’améliorer le financement et la gestion décentralisée des collectivités locales afin qu’elles puissent être plus efficaces dans le renforcement de leurs services et de leurs infrastructures de base et qu’elles puissent mieux servir les populations et les entreprises. Dans une première partie, la note d’orientation plus prospères ; le cadre de financement ne expose d’abord la forte centralisation du pays, permet pas l’utilisation efficace de ressources qui se traduit par des pouvoirs et des budgets limitées ; les investissements municipaux ont locaux limités, avant de souligner cinq des diminué au cours des dernières années ; et principaux problèmes qui caractérisent les les systèmes comptables et budgétaires sont voies de financement des collectivités locales: peu utilisés. La deuxième partie énonce des la problématique structurelle de la dette recommandations concernant l’autonomie municipale ; les procédures d’affectation des collectivités locales et la réforme du des subventions favorisent de manière système d’affection des subventions et disproportionnée les collectivités locales les d’emprunt. ÉTAT DES LIEUX DES FINANCES LOCALES POUVOIRS ET BUDGETS LOCAUX LIMITÉS Un faible niveau de décentralisation. important dans le développement urbain et La forte centralisation de la Tunisie et, par local. conséquent, les tâches limitées assignées aux collectivités locales, se traduit par des Un potentiel fiscal limité. En moyenne, budgets locaux faibles. En 2010, alors que les recettes propres des collectivités locales l’État a dépensé 2 000 dinars par habitant, les ne représentent que 3,1 % des budgets collectivités locales en ont dépensé 90. Dans municipaux. Les recettes perçues sont l’ensemble, les budgets locaux sont restés déterminées par décret et les collectivités modestes ; ils représentent seulement 3,6 % locales ne peuvent pas les aligner sur leurs du budget de l’état, contre 10 % au Maroc coûts réels. Le peu de marge de manœuvre et 20 % en Turquie. La forte centralisation au niveau des taux et des mécanismes de des pouvoirs et le faible niveau des budgets prélèvement des impôts limite la capacité des locaux, ne permettent pas aux collectivités collectivités locales à exploiter les atouts de leur locales de jouer un rôle relativement territoire et à acquérir plus d’indépendance. 1. Cette note d’orientation est basée sur et s’inspire directement des études suivantes : Banque mondiale, Examen de l’urbanisation en Tunisie, « Chapitre 4 : « Financement : Intensifier les transferts fondés sur les résultats et tirer parti des voisins », p. 118-139, 2014 ; Banque mondiale, Anne Sinet, Préparation du Programme d’appui aux collectivités territoriales : état des lieux des finances locales en Tunisie, mai 2013 ; Banque mondiale, Document d’évaluation du programme pour un crédit proposé d’un montant de 217 millions d’Euros à la Tunisie pour le Programme de développement urbain et de gouvernance locale, juin 2014. Les auteurs remercient les partenaires qui ont contribué à la rédaction des rapports dont est issue cette note de politique, en particulier les ministères et agences du Gouvernement Tunisien, les partenaires au développement et les collègues de la Banque mondiale. 2. La Tunisie compte actuellement 264 communes réparties sur 24 gouvernorats qui concentrent 65 % de la population du pays. Les 35 % restants sont administrés par des conseils ruraux et des conseils régionaux dont l’exécutif est assuré par les gouverneurs de régions. 2 NOTE D’ORIENTATION sur le financement des collectivités locales 3 FIGURE 1: Poids des finances locales par rapport au PIB et au budget de l’État, comparaison internationale 34% Finances locales en %ge du PIB , Finances locales en %ge du Budget de l Etat 20% 10% 3.6% TUNISIE MAROC TURQUIE UE SOURCE : Nodalis Conseil, à partir de sources nationales, de la Banque mondiale et de Dexia3 PROBLÈMES STRUCTURELS DES VOIES ET DES SYSTÈMES DE FINANCEMENT La problématique structurelle de la dette Les procédures d’affectation des municipale. Les collectivités locales sont subventions favorisent de manière surendettées et soumises à un système de disproportionnée les collectivités locales gestion financière nationale défavorable à les plus prospères. Étant donné que l’accès une sortie de crise. Les procédures d’accès aux subventions dépend du montant du aux subventions sont liées à des critères financement de contrepartie généré par la de financement de contrepartie et forcent municipalité, et que l’emprunt est le seul moyen les collectivités locales à emprunter à des de mobiliser des fonds supplémentaires, le niveaux qu’elles sont incapables d’honorer. système aggrave les disparités au niveau de L’étendue du problème est masquée par les l’affectation des subventions. Les collectivités rééchelonnements répétés de la dette, de locales les plus solides financièrement sont les même que par les fonds supplémentaires seules en mesure de fournir le cofinancement fournis par les subventions exceptionnelles requis et ont accès, par conséquent, à une part pour couvrir l’augmentation des coûts disproportionnée des subventions, tandis que récurrents. Les efforts menés pour sortir les les collectivités locales les moins bien dotées, collectivités locales de leur situation précaire souffrant d’importants déficits en matière de n’ont pas été totalement concluants. Plus de 30 services locaux, sont largement évincées. collectivités locales souffrent d’un endettement chronique et ne peuvent plus emprunter.uvre Le cadre de financement ne permet pas entre 1992 et 2010 démontrent de l’effort de l’utilisation efficace de ressources limitées. décentralisation entrepris progressivement Les critères d’allocation des subventions par les autorités tunisiennes pour améliorer les ne sont pas clairement définis, ne sont pas services de base au niveau local et renforcer prévisibles ni transparents, et ne sont pas les municipalités. liés aux résultats. Cette situation mène à un 3. Nodalis Conseil, Étude de diagnostic de la participation du secteur privé (PSP) aux services municipaux, version provisoire (R2), mars 2014 gaspillage des ressources, par ailleurs limitées. En outre, les collectivités locales ne parviennent pas toujours à bien gérer les ressources perçues et à tirer de leurs investissements la meilleure valeur ajoutée. Ce problème est particulièrement sensible au niveau des grandes villes, en raison du manque de coordination horizontale entre les collectivités locales qui les composent. FIGURE 2: Évolution des impayés de la CPSCL Montant des impayés (M TND) 23.6% Taux d’impayés 19.3% 86.1 16.2% 14.5% 14.9% 67.2 57.6 51.4 54.4 9.1% 32.5 4.4% 16.9 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 SOURCE : Nodalis Conseil à partir des comptes de la CPSCL Les investissements municipaux ont diminué au cours des dernières années. Sur la période 2008-2010, la structure moyenne des dépenses municipales montre que les dépenses courantes représentent 70 % des dépenses totales et que 30 % sont réservées aux dépenses en capital, dont 8 % pour le remboursement du principal de la dette. Les dépenses salariales accaparent plus de la moitié des dépenses courantes (53 %) et 19,2 % du budget municipal est réservé aux investissements. Autrement dit, les communes dépensent en moyenne 117 dinars par habitant , dont 28 dinars seulement sont consacrés à l’investissement (2012). De plus, les investissements municipaux ont baissé de 2 % entre 2002 et 2012, et ne représentent que 2,6 % de l’ensemble des investissements publics . Cette diminution peut s’expliquer par le fait que la plus grande partie des dépenses municipales est réservée aux coûts de fonctionnement et à la stabilisation du service de la dette, deux dépenses qui ont augmenté de manière significative sur la période 2002-2012. Les systèmes comptables et budgétaires sont peu utilisés. L’existence d’une nomenclature et de systèmes comptables rationnels et appropriés, dotés de règles comptables et budgétaires précises, est essentielle à la solidité financière et à la solvabilité des collectivités locales. Outre le suivi et la maîtrise des coûts, il revêt une dimension stratégique en fournissant aux responsables municipaux un outil d’aide à la décision, notamment quant à l’opportunité de l’implication du secteur privé dans certains services. Toutefois, malgré les efforts déployés dans ce sens depuis les années 90, les actions engagées en matière de formation et de renforcement des ressources humaines n’ont pas permis d’aboutir à une généralisation de la comptabilité analytique, en particulier dans les communes de moyenne et grande taille. 4 NOTE D’ORIENTATION sur le financement des collectivités locales 5 RECOMMANDATIONS POUR AMÉLIORER LA SOLVABILITÉ DES COLLECTIVITÉS LOCALES Les recommandations suivantes visent à remédier aux problèmes structurels mis en évidence précédemment. Ces réformes sont de grande envergure et, pour qu’elles aient le plus de chance d’aboutir, il est important, premièrement, d’adopter une approche progressive et réaliste, et, deuxièmement, de trouver un équilibre entre la nécessité de répondre aux besoins urgents du peuple et du gouvernement de la Tunisie et l’introduction de réformes visant à régler les problèmes systémiques qui limitent la performance des collectivités locales. ACCORDER PLUS D’AUTONOMIE AUX COLLECTIVITÉS LOCALES Restructuration du système de tutelle en Augmentation du volume financier dont faveur d’un système d’appui. Les dispositions disposent les collectivités locales. Si de la nouvelle Constitution créent le cadre l’objectif est d’améliorer les indicateurs et nécessaire à la mise en place de collectivités de donner aux collectivités locales un rôle locales entièrement habilitées et autonomes à part entière dans l’effort d’investissement dans l’exécution de leurs missions de services public, les réformes à mettre en place passent publics locaux. Il convient de réformer le nécessairement par une augmentation des système de tutelle existant pour s’orienter vers budgets locaux. Une telle augmentation peut un système où les administrations centrales être difficile à introduire mais elle peut être appuient les collectivités locales et renforcent réalisée de façon incrémentielle et d’une leurs capacités pour qu’elles soient en mesure manière plus efficace grâce à l’utilisation du de mieux s’acquitter de leurs mandats. Par système de performance. conséquent, cette restructuration exige de redéfinir le rôle des organismes centraux Adaptation de la fiscalité locale pour appelés à assurer des missions de suivi de la assurer l’autonomie financière des performance, de développer des systèmes de collectivités locales. La fiscalité locale, qui soutien en réponse à la demande, et de répondre est actuellement centralisée et inadaptée par de manière sélective lorsqu’une intervention rapport à son rôle dans le développement critique est nécessaire. Il est nécessaire de local, ne peut assurer une autonomie construire des systèmes nationaux (par exemple financière suffisante aux collectivités locales. des systèmes fiduciaires) qui fournissent un Les réformes de la fiscalité locale peuvent cadre propice à des entités du secteur public qui s’appuyer sur plusieurs recommandations : sont efficaces, redevables et bien gérées. i) attribution au profit des collectivités locales d’une part annuelle des recettes provenant de Amélioration des outils visant à la taxe sur la valeur ajoutée, de l’impôt sur le augmenter la redevabilité des collectivités revenu des personnes physiques, de la taxe de locales. Une réforme des systèmes circulation, des droits d’enregistrement et de la comptables et budgétaires pourrait améliorer taxe sur la plus-value immobilière ; ii) transfert la responsabilisation horizontale et ascendante progressif de la gestion du régime forfaitaire des collectivités locales, et pourrait être aux collectivités locales ; iii) imposition du engagée avec : i) la conception et le lancement chiffre d’affaires provenant de l’export à la taxe d’une nouvelle plateforme électronique qui sur la collectivité locale (TCL), en harmonie présentera des informations sur les budgets, avec le projet de réforme du Code d’incitations la passation des marchés et les audits pour aux investissements ; iv) fusion de la taxe sur toutes les collectivités locales pour l’accès du les immeubles bâtis (TIB) et de la subvention au public ; ii) l’expansion des audits annuels par la Fonds national d’amélioration de l’habitat dans Cour des comptes ; iii) et la mise en œuvre d’un une seule taxe appelée « taxe sur l’habitation ». programme d’évaluation des performances Il convient de procéder avec soin au choix des des collectivités locales. réformes et aux modalités de leur introduction. RÉFORMER LE SYSTÈME D’AFFECTATION DES SUBVENTIONS ET D’EMPRUNT Réforme du système d’affectation les résultats, l’État peut inciter les collectivités des subventions. Le nouveau système locales à améliorer leurs résultats dans divers d’affection des subventions doit être fondé domaines clés comme le recouvrement sur des critères objectifs et mesurables qui des recettes, la planification et l’exécution garantissent un processus transparent, et budgétaire. L’information sur la performance permettent d’anticiper les flux de ressources des collectivités locales générée par ce transférés de l’État central aux collectivités système peut aider les responsables de locales. Le nouveau système doit également l’administration centrale à suivre les progrès comprendre des critères visant à améliorer et à identifier les domaines dans lesquels les inégalités de la répartition actuelle. Cette il faut encore renforcer les capacités des réforme vise à : faire la distinction entre l’accès gouvernements locaux. aux subventions globales non affectées et l’obligation du recours à l’emprunt ; informer Cadre et réglementations des emprunts. les collectivités locales au début du cycle Les crédits locaux peuvent être efficaces de leur plan d’investissements quinquennal dans le cadre de financements municipaux du montant de l’enveloppe à laquelle elles à long terme si des réglementations pourraient potentiellement avoir accès ; accompagnent l’émission des emprunts remplacer l’approche « projet par projet » par et gèrent les risques. Les réglementations l’introduction d’un système de « subventions doivent également clairement définir les affectées », qui permette à ce dernier de traiter mécanismes institutionnels d’approbation des sur une base transparente et systématique les emprunts et de contrôle de la dette. Seul un politiques jugées prioritaires. cadre réglementaire solide peut permettre aux villes de gérer leur dette et de réduire le risque Optimisation des ressources en liant les d’insolvabilité. En outre, la réforme du système subventions aux incitations et aux résultats. actuel exige une séparation entre subventions Grâce à un système de subventions fondé sur et emprunts. SITUATION DES RÉFORMES ENGAGÉES Le Gouvernement a déjà traité plusieurs des recommandations visant à réformer le cadre institutionnel et le financement des collectivités locales. La nouvelle Constitution promulguée le 27 janvier 2014 introduit des engagements clairs en matière de décentralisation et stipule que les collectivités locales doivent pouvoir exécuter leurs missions de services publics locaux de manière entièrement autonome, selon des principes transparents de participation citoyenne et de responsabilité envers leurs administrés. Le système de subvention à l’investissement est en cours de restructuration, l’objectif étant d’améliorer l’efficacité du soutien de l’État aux investissements municipaux, d’accroître la transparence et la prévisibilité du processus d’octroi de ces subventions, de renforcer le pouvoir décisionnel des collectivités locales sur le financement de leurs investissements, et d’introduire progressivement un système de subventions basées sur la performance. 6 NOTE D’ORIENTATION sur le financement des collectivités locales 7 FUTURES PISTES DES REFORMES Même si l›environnement institutionnel n’est pas prêt pour permettre les réformes liées aux recommandations ci-dessous, ces pistes de financement méritent d’être explorées. Coordonner les investissements entre privé (BERD, 2011), la Tunisie apparaît bien collectivités locales. Une coordination au positionnée, avec un taux de conformité élevé niveau de diverses collectivités locales voisines et une note cumulée de 71,2 %. Toutefois, les sera nécessaire afin d’assurer la cohérence et problèmes opérationnels et institutionnels l’harmonisation des investissements. sont cités par les acteurs du secteur privé comme étant des obstacles à leur participation Développer les PPP pour financer les aux investissements dans les infrastructures infrastructures. Les collectivités locales publiques. ayant un accès limité au crédit, l’intervention d’investisseurs privés peut contribuer à Mieux exploiter le capital foncier. À terme, combler ce manque de ressources. S’ils sont il sera important pour Tunis et pour les autres encadrés par les mécanismes de sélection et grandes villes du pays de tirer parti de leur d’analyse des coûts-avantages appropriés, ressource la plus précieuse, à savoir leurs les partenariats public-privé (PPP) peuvent terrains. Il s’agit d’un objectif à long terme, assurer la viabilité des projets tout en qui pourra être poursuivi par le biais d’impôts apportant des sources de financement pour les fonciers et d’autres instruments tels qu’un infrastructures publiques. Selon les évaluations impôt sur les plus-values foncières et une du cadre juridique sur les partenariats public- redevance sur l’impact des aménagements.