Ouvrir les Villes Africaines au Monde Résumé 01 Ouvrir les Villes Africaines au Monde Résumé Somik Vinay Lall J. Vernon Henderson Anthony J. Venables Avec Juliana Aguilar, Ana Aguilera, Sarah Antos, Paolo Avner, Olivia D’Aoust, Chyi-Yun Huang, Patricia Jones, Nancy Lozano Gracia, and Shohei Nakamura. 1 Ouvrir les Villes Africaines au Monde Pour toute question relative aux droits et licences, veuillez vous Ouvertes sur le monde adresser à Publishing and Knowledge Division, The World Bank, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, USA; fax: 202-522-2625; adresse e-mail : pubrights@worldbank.org. © 2017 International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank, 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Surpeuplées Tél: 202-473-1000 Site Web: www.worldbank.org Certains droits réservés. Ce document a été élaboré par le personnel de la Banque mondiale Déconnectées avec l’aide de contributions externes. 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Vernon Henderson, and Anthony J. Venables. 2017. “Ouvrir les Villes Africaines au Monde.” Banque Mondiale, Washington, DC.License: Creative Commons Attribution CC BY 3.0 Résumé Ouvrir les Villes Traductions — si vous effectuez une traduction de ce document, Africaines au Monde veuillez ajouter l’avis de non-responsabilité suivant : Cette traduction n’a pas été effectuée par la Banque mondiale et ne doit pas être considérée comme une traduction officielle de la Banque La trappe de sous-développement — les économies mondiale. La Banque mondiale ne saurait être tenue responsable urbaines africaines sont cantonnées aux biens et pour tout contenu ou toute erreur figurant dans cette traduction. services non échangeables................................................... 6 Pour toute question relative aux droits et licences, veuillez vous adresser à World Bank Publications, The World Bank Group, 1818 H Surpeuplées, déconnectées et donc coûteuses, les villes Street NW, Washington, DC 20433, USA; fax: 202-522-2625; africaines sont limitées aux biens et services non adresse e-mail: pubrights@worldbank.org. échangeables de par leur forme urbaine......................... 10 Conçu par Zephyr www.wearezephyr.com Des villes fermées au commerce et hors service — l’urgence d’une nouvelle voie de développement urbain pour l’Afrique........................................................... 21 Sortir les villes de la trappe de sous-développement.... 23 Ouverture sur le monde...................................................... 27 Annexe: Les villes africaines étudiées dans le cadre de l’analyse............................................................................ 28 Bibliographie......................................................................... 30 2 Résumé Ouvrir les Villes Africaines au Monde La trappe de sous-développement — Les économies urbaines africaines sont limitées aux biens et services non échangeables Surpeuplées, déconnectées et donc coûteuses — Leur forme urbaine cantonne les villes africaines aux biens et services non échangeables Hors service et fermées au commerce: l’urgence d’une nouvelle voie de développement urbain pour l’Afrique Sortir les villes de la trappe de sous-développement Ouverture sur le monde 3 Ouvrir les Villes Africaines au Monde Les villes africaines sont surpeuplées, déconnectées et coûteuses. Les villes africaines ont habituellement trois caractéristiques communes qui freinent le développement urbain et sont source de problèmes quotidiens pour les habitants: Surpeuplement, absence de densité économique — les investissements dans les infrastructures et les structures industrielles et commerciales n’ont pas suivi le rythme de la concentration de la population, tout comme les investissements dans le logement formel abordable. La congestion et ses coûts annihilent les avantages de la concentration urbaine. Manque de connectivité — les villes se sont développées sous la forme d’un ensemble de petits quartiers fragmentés, sans moyens de transport fiables, ce qui limite les opportunités d’emploi pour les travailleurs et empêche les entreprises de tirer parti des économies d’échelle et d’agglomération. Coûts élevés pour les ménages et les entreprises — des salaires nominaux et des coûts de transaction élevés dissuadent les investisseurs et les partenaires commerciaux, en particulier dans les secteurs exportables régionaux et internationaux ; les coûts élevés des denrées alimentaires, du logement et du transport auxquels doivent faire face les travailleurs augmentent les coûts de la main-d’œuvre pour les entreprises, réduisant le rendement attendu des capitaux investis. 55 % Les ménages africains doivent faire face à des coûts plus élevés par rapport au PIB par habitant que les ménages d’autres régions. L’essentiel de leurs dépenses est consacré au logement, qui leur coûte 55 % de plus dans cette comparaison. 4 Dans huit villes africaines typiques, les routes représentent une part de l’espace urbain nettement moins importante que dans d’autres villes du monde. 20 % Les villes africaines sont caractérisées par une fragmentation supérieure de 20 % par rapport à celle des villes asiatiques et latino- américaines. À Harare, au Zimbabwe et à Maputo, au Mozambique, plus de 30 % des terrains situés dans un rayon de 5 km du quartier des affaires ne sont pas bâtis. 472 millions Les zones urbaines africaines comptent 472 millions d’habitants, une population qui doublera au cours des 25 prochaines années à mesure qu’un nombre croissant de migrants sera contraints de quitter les zones rurales pour s’installer en ville (ONU, 2014). Les plus grandes villes affichent un taux de 5 croissance rapide de 4 % par an. Ouvrir les Villes Africaines au Monde Ouvrir les Villes Africaines au Monde Les villes de l’Afrique subsaharienne connaissent une croissance rapide de leur population. En revanche, leur croissance économique est en berne. Il existe plusieurs raisons à cela, en particulier la faiblesse des investissements, liée en partie à la relative pauvreté de l’Afrique. En effet, d’autres régions ont atteint des stades d’urbanisation comparables avec un PIB par habitant plus élevé. Cependant, cette étude identifie une cause plus profonde, à savoir l’absence d’ouverture sur le monde des villes africaines. Par rapport à d’autres villes en développement, les villes africaines produisent peu de biens et de services exportables sur les marchés régionaux et internationaux (Figure 1). Pour assurer leur développement économique une forte densité économique et non pas seulement parallèlement à l’augmentation de leur taille, les villes une forte densité de population ? Comment peuvent- africaines doivent s’ouvrir sur le monde. Elles doivent elles établir des connexions efficaces ? Enfin, comment se spécialiser dans la production manufacturière et peuvent-elles attirer des entreprises et des travailleurs dans d’autres biens et services exportables sur les qualifiés dans un environnement urbain plus abordable marchés régionaux et mondiaux. En outre, les villes et plus vivable ? doivent attirer les investissements internationaux Du point de vue des politiques publiques, la réponse dans la production de biens et services exportables en consiste à traiter les problèmes structurels qui affectent accroissant les économies d’échelle, qui sont associées les villes africaines, et en premier lieu, les contraintes à un développement économique urbain réussi dans institutionnelles et réglementaires qui entraînent des d’autres régions. erreurs dans l’affectation des terrains et la répartition Des économies d’échelle sont tout à fait réalisables en du travail, une fragmentation de l’aménagement du Afrique, à condition que les responsables municipaux territoire et une limitation de la productivité. Tant que et nationaux unissent leurs efforts pour faire bénéficier les villes africaines n’ont pas mis en place des marchés les zones urbaines des effets d’agglomération. fonciers et des réglementations efficaces et procédé à Actuellement, les investisseurs et entrepreneurs des investissements précoces et coordonnés dans les urbains potentiels ont en tête l’image de villes africaines infrastructures, elles demeureront des villes locales, surpeuplées, déconnectées et coûteuses qui suscitent inaccessibles aux marchés régionaux et mondiaux, de faibles attentes en termes de volume de production tributaires de la production de biens et services urbaine et de rendement des capitaux investis. Dans échangeables uniquement à l’échelle locale et limitées ce contexte, comment ces villes peuvent-elles avoir dans leur croissance économique. La trappe de sous-développement — les économies urbaines africaines sont cantonnées aux biens et services non échangeables Comment la production de biens et services consommés augmente). À l’inverse, les marchés d’exportation sont la clé localement (ou non échangeables) condamne-t-elle du dynamisme du secteur industriel. les villes à une faible croissance économique ? En Depuis les années 80, l’essentiel de la croissance dans termes simples, la production destinée aux marchés les pays en développement dépend de la hausse des locaux limite les rendements d’échelle. La base de exportations par le biais de la production industrielle et des consommateurs d’une ville, aussi grande soit-elle, est hautes technologies. Contrairement aux biens et services toujours plus petite que celle d’un marché régional ou non échangeables, les biens et services exportables doivent mondial. La spécialisation dans les biens et services non affronter une demande mondiale élastique. Ils peuvent échangeables destinés à la consommation locale entraîne également permettre des économies d’agglomération, qui une diminution des rendements (d’une part pour des accroissent les rendements de l’emploi (Encadré 1). Les raisons technologiques et, d’autre part, du fait que les villes à croissance rapide requièrent une augmentation de prix sont fixés localement et baissent à mesure que l’offre 6 Résumé | La trappe de sous-développement — les économies urbaines africaines sont cantonnées aux biens et services non échangeables FIGURE 1 La part des sociétés dans les secteurs exportables ouverts à l’international et les secteurs non échangeables varie considérablement d’une ville à l’autre dans les pays en développement Luanda Gaborone Dar es Salaam Kampala Kigali Bamako Accra Nouakchott Afrique Nairobi Dakar Addis-Abeba Kinshasa Lagos Niger Mombasa Lusaka Harare Tunis Afrique du Orient et Moyen- Beyrouth Nord Amman Le Caire La Paz Amérique latine Asunción et Caraïbes Cordoba Medellin Bogota Buenos Aires Lima Yangon Pacifique et Asie Asie de l’Est et Bangkok Zhengzhou du Sud Dhaka Shenzhen Delhi Chittagong 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Secteur non échangeable Secteur exportable Source : Les calculs des Remarque : A partir des données d’enquêtes auprès d’entreprises datant d’après 2010 (reflétant plus de auteurs sont fondés sur 15 000 sociétés établies dans des capitales ou les villes d’au moins un million d’habitants, pour lesquelles les enquêtes menées un échantillon d’au moins 50 sociétés a été sondé). Seules les sociétés employant au moins cinq par la Banque mondiale personnes ont été interrogées. Les analyses de spécialisation sectorielle se sont appuyées sur la version auprès des entreprises. 3.1 de la Classification internationale type, par industrie, de toutes les branches d’activité économique (CITI) des Nations Unies. La production manufacturière, le commerce de gros et d’intermédiaires, ainsi que les services commerciaux (agences de voyage, sociétés de transport, intermédiaires financiers) sont des activités exportables. En revanche, la construction, les services de proximité, le commerce de détail, la santé et l’action sociale, ainsi que d’autres activités locales sont considérés comme non échangeables. 7 Ouvrir les Villes Africaines au Monde l’emploi, et les rendements liés à la création d’emplois sont cette comparaison montre que les villes africaines se plus élevés dans les secteurs exportables. bornent effectivement à produire des biens et services non échangeables destinés aux marchés locaux. En raison de l’importance que revêt le secteur Même lorsque les économies africaines atteignent un manufacturier dans l’accès aux marchés régionaux et taux d’urbanisation de 60 %, la part de leur secteur mondiaux, on peut considérer la part de ce secteur manufacturier dans le PIB stagne à 10 % environ (voire dans le PIB afin de déterminer si l’urbanisation d’une diminue), tandis que dans les économies non africaines, économie ouvre des portes sur le monde ou les ferme. elle passe de 10 % à près de 20 % pour ne reculer que Nous comparons, par exemple, les structures des lorsque l’urbanisation dépasse 60 %. économies non africaines et africaines pendant les périodes où la part de la population urbaine atteint 60 Pourquoi les villes africaines sont-elles restées des % de la population générale. En nous basant sur un économies locales ? Deux raisons apparaissent échantillon d’économies africaines et non africaines, clairement. L’une, paradoxale pour le moins, est le ENCADRÉ 1 Les atouts des villes : des économies d’agglomération et des rendements d’échelle Qu’est-ce qu’une économie d’agglomération urbaine et services de base, est moins coûteuse dans les régions comment naît-elle de la densité économique ? Prenons densément peuplées. Les entreprises situées à un cas de figure simple : la réduction des coûts du proximité les unes des autres peuvent faire appel aux transport des marchandises. Lorsque les fournisseurs mêmes fournisseurs et réduire ainsi les coûts des sont à proximité de leurs clients, les coûts d’expédition intrants. Un marché du travail dense réduit les coûts diminuent. À la fin du XIXe siècle, les 4/5e des emplois de la recherche de candidats en mettant à disposition de Chicago aux États-Unis étaient situés dans un rayon des entreprises un plus vaste bassin de travailleurs. d’environ 6,5 km des rues State et Madison, dans En outre, la proximité spatiale facilite l’échange un quartier résidentiel bien desservi (Grover et Lall, d’informations et les interactions formatrices entre les 2015). Au début des années 1900, New York et Londres travailleurs. Les études internationales montrent que la étaient de grandes puissances manufacturières en diffusion des connaissances joue un rôle fondamental raison des usines construites dans ces villes pour se dans l’accroissement de la productivité des villes rapprocher des clients et bénéficier des infrastructures prospères. de transport. De nombreux avantages associés aux Les données provenant d’Asie de l’Est (Asie, République agglomérations augmentent avec leur expansion. Ainsi, de Corée, Viet-Nam) indiquent clairement une lorsque la taille d’une ville est multipliée par deux, la corrélation étroite entre les épisodes d’urbanisation productivité augmente de 5 % et l’élasticité des revenus rapide et le développement économique. par rapport à sa population se situe entre 3 et 8 % Malheureusement, ces corrélations semblent peu (Rosenthal et Strange, 2004). présentes en Afrique subsaharienne. Les villes Les gains de productivité sont étroitement liés à africaines ne génèrent pas d’économies d’agglomération l’urbanisation, car ils sont liés à la mutation structurelle et ne récoltent pas les bénéfices de la productivité et à l’industrialisation. À mesure que les pays urbaine. Elles souffrent au contraire des coûts élevés s’urbanisent, les travailleurs quittent les zones rurales des denrées alimentaires, du logement et du transport. pour s’installer dans les zones urbaines à la recherche Ces coûts élevés, dus à une absence de coordination, d’emplois mieux rémunérés et plus productifs. De une mauvaise conception des politiques publiques, une même, les entrepreneurs implantent leur société faiblesse des droits de propriété et à d’autres facteurs dans des villes où les économies d’agglomération contribuant à la faible densité économique, confinent augmentent la productivité. La proximité spatiale les entreprises dans un modèle de production de biens comporte donc de multiples avantages. La fourniture et services non échangeables. de biens publics, tels que les infrastructures et les 8 Résumé | La trappe de sous-développement — les économies urbaines africaines sont cantonnées aux biens et services non échangeables développement des ressources naturelles. Ce type de que les villes en croissance sont confrontées à une développement peut créer une forte demande de biens grande variété de contraintes (marchés fonciers peu et services non échangeables. Alors que la croissance rentables, régimes de droits de la propriété redondants, du secteur des ressources naturelles augmente le coût règlements de zonage sous-optimaux et inopérants) des facteurs de production, ce secteur prend le pas sur qui freinent la tendance vers une concentration dense les autres, en particulier sur le secteur manufacturier des structures. Qui plus est, la dispersion des quartiers (Figure 2). Dans les pays qui dépendent fortement des qui en résulte aboutit à un manque de transports en exportations de ressources naturelles, les économies commun et d’infrastructures de connexion. Or, sans une urbaines ont tendance à être dominées par les services densité physique élevée ou faute d’infrastructures de non échangeables (« villes consommatrices »). Ce connexion adéquates, les zones urbaines n’atteignent phénomène est appelé le syndrome hollandais. pas leur plein potentiel. Elles ne peuvent pas offrir aux entreprises les avantages en termes de rentabilité Une autre raison de la concentration locale des et d’adéquation de l’offre et de la demande d’emploi économies africaines est liée à la forme urbaine, qui leur ouvrent les portes du commerce régional et à savoir le plan de construction et la configuration international. spatiale des villes. Les conclusions de ce rapport sont fondées sur l’analyse spatiale et économique de 64 Même si les symptômes du syndrome hollandais villes de petite, moyenne et grande taille réparties sont atténués par la baisse des prix des matières sur l’ensemble du continent africain. Elles montrent premières, la ville africaine type demeure soumise aux FIGURE 2 Dans les pays exportateurs de ressources, l’urbanisation est très peu liée au développement du secteur manufacturier et des services, contrairement aux pays qui n’exportent pas de ressources naturelles Exportateurs hors ressources naturelles Exportateurs de ressources naturelles 100 Part de la population urbaine en 2010 Afrique subsaharienne Autres 80 60 40 20 20 40 60 80 100 20 40 60 80 100 Part de l’industrie et des services dans le PIB en 2010 (%) Source : Gollin, Jedwab, et Vollrath 2016. 9 Ouvrir les Villes Africaines au Monde contraintes liées à sa forme. Ces contraintes physiques Parmi les autres facteurs importants figurent la dissuadent les investissements régionaux et mondiaux. réglementation commerciale, le manque d’accès aux Étant donné qu’elles demeureront probablement financements (pour les investissements résidentiels les principales contraintes pesant sur la croissance et commerciaux), la singularité de la transition économique, leur élimination est l’un des défis les plus démographique en Afrique, l’absence de gains urgents auquel l’Afrique est actuellement confrontée. Ce de productivité agricole et, plus généralement, le rapport combine les conclusions les plus récentes des contexte macro-économique. Ces facteurs aggravent études initiales, ainsi qu’une analyse visant à expliquer le risque que les villes africaines demeurent peu comment la forme des villes africaines les cantonne accueillantes pour l’investissement, c’est-à-dire que leur dans une production locale de biens non échangeables développement se poursuivra sur des voies qui excluent et à orienter les responsables vers des politiques leur entrée sur les marchés des biens exportables publiques qui permettront aux villes d’Afrique de plus productifs. Cependant, cette menace qu’est la s’échapper de la trappe dans laquelle elles sont piégées. dépendance au chemin emprunté dans le passé (path dependence) s’est avérée elle-même étroitement liée à Certes, la forme urbaine n’est pas la seule entrave à la l’évolution de la forme physique des villes. compétitivité de l’Afrique sur la scène internationale. Surpeuplées, déconnectées et donc coûteuses — les villes africaines sont limitées aux biens et services non échangeables de par leur forme urbaine De nombreuses villes d’Afrique subsaharienne ont en commun trois caractéristiques qui entravent leur développement économique et leur croissance, dont deux sont clairement apparentes dans les structures physiques et la forme spatiale : elles sont d’une part Des villes surpeuplées surpeuplées (population et habitations nombreuses) et, d’autre part, elles sont déconnectées en raison Les villes africaines sont surpeuplées au sens où leurs d’une insuffisance des transports en commun et habitants s’entassent dans les habitations rudimentaires d’autres infrastructures. Enfin, les villes sont également et précaires du centre-ville pour être proches de leur coûteuses, et cela est dû en partie à leur manque lieu de travail. Il existe plusieurs raisons à cela, la de connectivité. En effet, les villes africaines figurent première étant que l’urbanisation de la population ne parmi les plus chères au monde, à la fois pour les s’est pas accompagnée d’une urbanisation des capitaux entreprises et pour les ménages, ne fût-ce qu’en raison (Encadré 2). Le logement, les infrastructures et les de l’inefficacité de leur aménagement spatial. autres investissements font défaut. Sur l’ensemble du continent, l’investissement dans l’immobilier urbain a neuf ans de retard (Dasgupta, Lall et Lozano-Gracia, 2014). 3 À travers Dar es Salaam, 28 % des résidents vivent au moins trois à une pièce Ce chiffre s’élève à 50 % à Abidjan 10 Aperçu | Surpeuplées, déconnectées et donc coûteuses — les villes africaines sont limitées aux biens et services non échangeables de par leur forme urbaine ENCADRÉ 2 Faibles dépenses d’investissement dans les villes d’Afrique subsaharienne pendant une période de croissance urbaine rapide Les villes africaines sont surpeuplées en raison de l’absence de logements formels planifiés à proximité des emplois et des services. Sans une politique de construction de logements formels adaptée, la population ne fera qu’augmenter dans les quartiers informels au cœur des villes et donc à proximité des emplois, comme c’est le cas de Kibera, à Nairobi, et de Tandale, à Dar es Salaam. Dans cette dernière ville, 28 % des résidents vivent Les investissements dans le logement en Afrique sont à trois au moins dans une seule pièce, tandis qu’à également inférieurs à ceux d’autres pays à revenu Abidjan, ils sont 50 % à vivre dans ces conditions faible et intermédiaire. Entre 2001 et 2011, les pays (Banque mondiale 2015a, Banque mondiale 2016). À africains à faible revenu ont investi 4,9 % de leur PIB Lagos, au Nigéria, deux personnes sur trois habitent dans le logement, contre 5,5 % dans les autres pays à dans des bidonvilles (Banque mondiale, 2015a). faible revenu. Les pays africains à revenu intermédiaire ont quant à eux investi 6,5 % de leur PIB dans le L’un des facteurs de la surpopulation urbaine en logement, contre 9 % dans les autres pays à revenu Afrique est la pénurie d’investissements, qui sont intermédiaire (Dasgupta, Lall et Lozano-Gracia, 2014). restés relativement faibles dans la région au cours des quatre dernières décennies, à seulement 20 % environ Ces chiffres soulignent le fait que l’Afrique s’urbanise du PIB. À l’inverse, les pays urbanisés d’Asie de l’Est, tout en demeurant pauvre et même, chose frappante, tels que la Chine, le Japon et la République de Corée, plus pauvre que d’autres régions en développement ont augmenté leurs investissements pendant les ayant des niveaux d’urbanisation comparables. En périodes d’urbanisation rapide. Entre 1980 et 2011, les 1968, lorsque les pays du Moyen-Orient et d’Afrique dépenses d’investissement en Chine (infrastructures, du Nord ont atteint un taux d’urbanisation de 40 %, logement et immobilier de bureau) sont passées de leur PIB par habitant était de 1 800 dollars (en dollars 35 à 48 % du PIB, tandis que la population urbaine constants de 2005). Et en 1994, les pays de l’Asie augmentait de 18 à 52 % entre 1978 et 2012. Dans de l’Est et du Pacifique ont dépassé ce même seuil l’ensemble de la région est-asiatique, les dépenses d’urbanisation avec un PIB par habitant s’élevant à 3 d’investissement sont restées au-dessus de 40 % du 600 dollars. En revanche, l’Afrique a aujourd’hui un PIB PIB à la fin de cette période. par habitant de 1 000 dollars seulement, avec un taux d’urbanisation de 40 % (Encadré 2.1). ENCADRÉ 2.1 L’Afrique subsaharienne s’urbanise, mais affiche des niveaux de PIB par habitant inférieurs à ceux d’autres régions $3 617 41 % 41 % 37 % 37 % PIB par $1 860 $1 806 Taux habitant d’urbanisation (USD de 2005) $1 018 (%) Amérique latine et Moyen-Orient et Asie de l’Est et Afrique sub- Caraïbes Afrique du Nord Pacifique saharienne (1950) (1968) (1994) (2013) Source : Estimations des auteurs à partir des données Remarque : Les années entre parenthèses correspondent aux données disponibles des Nations Unies pour 2014 et des indicateurs du pour la région dont le taux d’urbanisation était proche de celui de l’Afrique développement dans le monde de la même année subsaharienne actuelle, à savoir 40 % environ. L’urbanisation en Amérique latine et pour ce qui est de la population urbaine, ainsi que sur dans les Caraïbes était de 41 % en 1950 ; le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord n’ont la base de ces mêmes indicateurs et de l’analyse de atteint ce seuil qu’en 1994. De même, l’urbanisation de l’Asie de l’Est et du Pacifique Maddison en ce qui concerne le PIB par habitant. était de 37 % en 1994 ; l’Afrique subsaharienne n’a atteint ce seuil qu’en 2013. 11 Ouvrir les Villes Africaines au Monde FIGURE 3 Liens entre les individus en fonction de la population à proximité du centre-ville : Nairobi (Kenya) est plus fragmenté et moins bien connecté que Pune (Inde) Nairobi : 4 625 000 (recensement officiel) Pune : 5 574 000 (ONU) 0–364 365–1 032 1 033–2 294 2 295–4 041 4 042–6 734 6 735–9 776 9 777–13 984 13 985–19 534 19 535–27 747 27 748–39 955 Source : Henderson et Nigmatulina 2016. Remarque : Les barres bleues montrent les densités de population les plus élevées dans la ville. Alors 39 956–53 912 que ces pics sont concentrés à Pune, ils sont séparés par des densités plus faibles à Nairobi. 53 913–71 973 12 Résumé | Surpeuplées, déconnectées et donc coûteuses — les villes africaines sont limitées aux biens et services non échangeables de par leur forme urbaine Une cause sous-jacente de cette surpopulation est Notre analyse des images provenant des satellites et des que les villes africaines ne sont pas économiquement systèmes d’information géographique (SIG) confirme denses ou suffisamment efficaces pour promouvoir le fait que dans les villes africaines, les investissements des économies d’échelle et attirer les investissements. paraissent non seulement faibles à proximité du noyau En principe, les villes devraient bénéficier aux urbain, mais déclinent aussi rapidement à l’extérieur. entreprises et aux ménages en raison de leur densité Un fort contraste apparaît donc entre la densité de économique accrue. Les entreprises regroupées en la population en centre-ville (similaire à celle d’autres zone urbaine devraient pouvoir accéder à un marché régions) et la densité économique (indiquée par des plus vaste d’intrants et d’acheteurs et réduire leurs investissements, visible sur des images satellites). coûts de production grâce aux économies d’échelle. Les La faiblesse globale des investissements urbains travailleurs devraient consommer un plus large éventail caractéristique de l’Afrique se reflète également dans de produits et services, les payer moins cher et avoir des la valeur estimée du parc immobilier. Ainsi, la valeur trajets plus faciles en raison de la proximité de leur lieu économique totale des bâtiments construits à Dar es de travail. Salaam est estimée à près de 12 milliards de dollars (Ishizawa et Gunasekera, 2016), soit un peu moins de Or, les villes africaines paraissent surpeuplées trois fois la part de la ville dans le PIB. Les estimations précisément parce qu’elles ne sont pas denses en sont encore plus basses pour Nairobi, au Kenya (9 termes d’activité économique, d’infrastructures, de milliards de dollars) et Kigali, au Rwanda (2 milliards de logements ou de structures commerciales. En l’absence dollars). Par rapport à des villes d’Amérique centrale, les de logements formels adéquats à proximité des emplois villes africaines ont une valeur de remplacement faible et de transports en commun pour transporter les pour les zones bâties et les superficies des bâtiments. personnes habitant plus loin, les Africains renoncent Ainsi, Nairobi possède la valeur de remplacement par aux services publics et aux commodités pour s’entasser kilomètre carré la plus élevée des quatre villes africaines dans des habitations exiguës à proximité de leur lieu étudiées. Pourtant, elle équivaut à tout juste 60 % de la de travail. Ces quartiers souvent informels en plein valeur de remplacement de Tegucigalpa, qui est la valeur centre-ville manquent habituellement d’infrastructures la plus faible des six villes d’Amérique centrale étudiées. appropriées et d’accès aux services de base. Il est vrai qu’en Afrique comme dans d’autres régions en Bien que la pénurie d’investissements à l’origine de la développement, la densité de la population est en surpopulation des villes africaines concerne tous les général fortement corrélée aux indicateurs d’habitabilité. types de bâtiments, le logement est le plus sévèrement Ainsi, l’accès aux services des ménages africains est touché. À Nairobi, par exemple, les structures meilleur dans les zones urbaines que dans les zones commerciales et industrielles représentent 55 % de la rurales (Gollin, Kirchberger et Lagakos, 2016). Toutefois, valeur totale du parc immobilier, bien que ces structures cet avantage relatif ne signifie pas que les villes sont n’occupent que 4 % de l’espace urbain. Les bâtiments habitables. En effet, 60 % de la population urbaine des d’habitation font cruellement défaut. pays africains s’entassent dans des bidonvilles, une proportion bien plus élevée que celle d’autres pays, où ils ne sont que 34 % dans ce cas (Nations Unies, 2015a). Un autre facteur contribuant à la prédominance des logements informels à proximité des centres-villes en Afrique est l’insuffisance relative des zones bâties. À Des villes déconnectées Harare, au Zimbabwe et à Maputo, au Mozambique, plus Si le manque de capitaux ne constitue pas en lui-même de 30 % des terrains situés dans un rayon de 5 km du un obstacle à la croissance économique, les villes quartier des affaires ne sont pas bâtis. Ces zones situées africaines sont également déconnectées en ce sens près du cœur des villes africaines ne sont pas laissées qu’elles sont caractérisées par une dispersion spatiale. non bâties à dessein, comme cela peut être le cas dans Les structures sont dispersées dans de petits quartiers. des centres-villes bien conçus comme à Paris (qui en Sans routes adéquates ni transports en commun, les réserve 14 % aux espaces verts), afin de rendre les trajets pour se rendre au travail sont longs et coûteux, quartiers à forte densité de population plus habitables. ce qui empêche les travailleurs d’accéder aux emplois Au lieu de cela, des plans d’aménagement urbain répartis dans l’ensemble de l’agglomération urbaine. Les obsolètes et mal appliqués, ainsi que des marchés travailleurs et les entreprises sont éloignés les uns des immobiliers dysfonctionnels créent des modèles autres et exclus des opportunités économiques. De plus, d’occupation des sols que personne n’a souhaités. Le la forme urbaine étant déterminée par des structures centre-ville est désorganisé, bien qu’il soit surpeuplé. durables qui façonnent la ville pendant des décennies, voire des siècles, les villes qui adoptent une forme déconnectée ont tendance à en rester prisonnières. 13 Ouvrir les Villes Africaines au Monde FIGURE 4 Le mitage du territoire sape les économies d’échelle et la concentration urbaine 60 Mitage en pourcentage des nouvelles 1990–2000 50 2000–2010 40 parcelles totales 30 20 10 0 k ey y Su is ta la a To o a do ar ou s no Lu bi ka ak ra t m i la M la Ba to o Ka al ot go kr oe Bu uj ub ay ak d pa ya ro ku u ga ak ou c g m sa ug Ka ch Ad Ab na Ac ap Ki La w m dh N ai ia ua D Co N N in W N O Source : Représentation graphique des auteurs, Remarque : Le mitage urbain est défini par des à partir des données de Baruah, 2015. zones bâties contiguës qui ne bordent pas ou ne recoupent pas les zones urbaines existantes. En raison de l’absence de connexion entre les quartiers, D’après une nouvelle étude de la population totale et les villes africaines arborent à la fois une plus faible du PIB par habitant de 265 villes situées dans 70 pays, exposition et une fragmentation plus élevée des l’exposition moyenne à proximité du centre-ville est populations vivant à proximité du centre-ville par inférieure de 37 % et la fragmentation est supérieure rapport aux villes des autres pays développés et en de 23 % dans les villes africaines par rapport aux développement. villes asiatiques et latino-américaines (Henderson et Nigmatulina, 2016). Le contraste entre Nairobi, • La faible exposition aboutit au fait que les individus au Kenya, et Pune, en Inde, illustre parfaitement ces sont déconnectés les uns des autres. À une distance différences. donnée (généralement 10 km), ils ne peuvent pas interagir avec autant de personnes que dans une ville L’une des caractéristiques expliquant la faible exposition caractérisée par une exposition plus élevée. et la fragmentation élevée des villes africaines est l’absence relative de nouvelles constructions proches • La fragmentation élevée signifie que dans une zone du centre. Les nouveaux bâtiments ne sont pas donnée, la variation de la densité de population est regroupés pour concentrer les capitaux et accroître importante : ses pics sont dispersés et non groupés la densité économique. Ils ont au contraire tendance d’une manière qui pourrait favoriser les économies à repousser les limites extérieures de la ville. Dans le d’échelle. La fragmentation accroît les coûts des jargon de l’urbanisme, ce type de développement est infrastructures tout en allongeant les temps de qualifié d’expansion ou de mitage (de l’anglais leapfrog), déplacement entre le domicile, le lieu de travail et le par opposition à l’urbanisation des dents creuses (de site de l’entreprise. l’anglais infill), qui augmente la densité des villes. 14 Résumé | Surpeuplées, déconnectées et donc coûteuses — les villes africaines sont limitées aux biens et services non échangeables de par leur forme urbaine • L’expansion élargit l’empreinte d’une ville aux marges représentent une part de l’espace urbain nettement de la zone urbaine consolidée. moins importante que dans d’autres villes du monde. • Le mitage élargit également l’empreinte, mais en La déficience des infrastructures routières urbaines est établissant des zones satellites, à savoir de nouvelles aggravée par leur concentration extrême à proximité du parcelles de terrain bâtis qui ne longent pas ou ne centre des villes africaines, entraînant une déconnexion chevauchent pas les zones bâties. des zones périphériques. Notre étude de données géographiques montre que dans les villes bien conçues • L’urbanisation des dents creuses désigne la hors d’Afrique, l’espace réservé aux routes ne décline construction sur des parcelles non bâties entourées que progressivement du centre vers la périphérique. de zones bâties. C’est le cas notamment de Paris (Figure 5). À l’inverse, De ces trois nouveaux types de développement, les voies urbaines africaines sont regroupées de l’urbanisation des dents creuses est le meilleur du manière disproportionnée autour du centre. À Addis- point de vue de l’exposition économique ou des Abeba, Dar es Salaam, Kigali et Nairobi, les routes connexions entre les individus, car il défragmente la goudronnées s’arrêtent si brusquement aux limites du ville et relie entre eux les travailleurs, les emplois et centre-ville qu’elles disparaissent quasiment (à noter les entreprises. Au contraire, l’expansion et le mitage que Dakar est une exception en Afrique). Les ménages sont moins susceptibles de promouvoir les connexions des villes africaines ont des difficultés à s’installer en économiques. Notre analyse des images satellites dehors des quartiers des affaires du centre-ville, car le de 21 villes africaines entre 2000 et 2010 montre manque de routes goudronnées rend les trajets depuis que pendant cette période, entre 46 et 77 % des la périphérie très peu pratiques (Felkner, Lall et Lee, nouveaux développements prenaient la forme d’une 2016). expansion. La part l’urbanisation des dents creuses était Globalement, les villes moyennes d’Afrique ne sont habituellement beaucoup plus faible. pas moins bâties que celles d’autres régions (à Une tendance encore plus préoccupante que l’exception de l’Asie où la densité est plus élevée ; la préférence pour l’expansion par rapport à Angel et al., 2011). En revanche, ce qui leur fait défaut l’urbanisation des dents creuses est l’accroissement est une concentration économiquement dense de du l’accroissement du mitage, qui fait désormais son capitaux et d’infrastructures qui permettraient aux apparition à l’extérieur d’un certain nombre de villes. ménages de vivre décemment dans des logements À Bamako et à Maputo, le mitage urbain a representé abordables à proximité de leur emploi. En raison de plus de 50 % de l’évolution du tissu urbain pendant cette densité économique insuffisante, les centres- la période 2000–2010. Dans de nombreuses autres villes africains restent dominés par le commerce de villes, cette part avoisine ou dépasse les 40 % (Figure 4). détail qui ne bénéficie pas des économies générées par Les parcelles étant souvent de superficie réduite, leur la spécialisation sectorielle. À Kigali et à Kampala par éloignement des autres zones bâties sape les efforts de exemple, de nombreux travailleurs urbains tiennent des la municipalité pour fournir des services de réseau qui boutiques d’alimentation et de boissons. requièrent des économies d’échelle (et garantissent la La fragmentation spatiale qui caractérise les villes productivité urbaine). africaines empêche les entreprises de tirer parti La prévalence de l’expansion, en particulier du mitage, des économies d’échelle et d’agglomération. Les n’est que l’un des éléments qui rendent les trajets économies d’échelle sont impossibles en raison de domicile-travail particulièrement complexes dans l’accès réduit des travailleurs à l’emploi, qui limite la les villes africaines. Les infrastructures de transport taille des entreprises. En effet, les entreprises établies déficientes constituent également un facteur. La en milieu urbain emploient 20 % moins de personnes congestion routière peut entraver l’économie en en moyenne que des entreprises comparables dans allongeant la durée des trajets domicile-travail. À d’autres parties du monde (Iacovone, Ramachandran Nairobi, la durée moyenne du trajet domicile-travail et Schmidt, 2014). De plus, la fragmentation spatiale est l’une des plus longues sur les 15 villes mondiales freine les économies d’agglomération en entravant étudiées (IBM, 2011). L’une des raisons tient au fait que une consolidation et une adéquation de l’offre et la marche à pied compte pour une part importante de la demande sur le marché du travail, ainsi que le du trajet : elle représente 41 % du temps à Nairobi transfert de compétences et de connaissances, ce qui (PNUE et FIA Foundation, 2013). Cependant, même si est particulièrement problématique étant donné les un plus grand nombre d’habitants des villes avaient les faibles dotations en capital humain des villes africaines. moyens de se déplacer en voiture ou en bus, la mobilité Les économies d’agglomération urbaine sont favorisées continuerait d’être entravée par les lacunes du réseau par la diffusion des connaissances qui suppose une routier. Dans huit villes africaines typiques, les routes grande diversité de compétences cognitives spécialisées sur le marché du travail. Or, les travailleurs africains 15 Ouvrir les Villes Africaines au Monde FIGURE 5 Les routes goudronnées représentent une part négligeable de l’espace urbain en Afrique, et se limitent aux centres villes Bâti Routes goudronnées Espace libre Barcelone Londres 100 100 80 80 % terrains urbains % terrains urbains 60 60 40 40 20 20 QA QA -25 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 25 -25 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 25 Paris Kigali 100 100 80 80 % terrains urbains % terrains urbains 60 60 40 40 20 20 QA QA -25 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 25 -25 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 25 Source : D’après Antos, Lall et Lozano-Gracia, 2016, et Felkner, Lall et Lee, 2016. possèdent relativement peu d’atouts en la matière rapproche employeurs et demandeurs d’emploi par le d’après les résultats de la première initiative visant à biais de connexions (Bertaud, 2014). Or, la ville africaine mesurer les compétences dans les pays à revenu faible typique ne joue pas ce rôle d’entremetteur. L’une des et intermédiaire (Étude de mesure des compétences principales raisons, encore insuffisamment reconnue, ou STEP de la Banque mondiale). Si l’on classe les est la fragmentation de l’occupation de l’espace en travailleurs par aptitude, tel que cela devrait être le milieu urbain. Les infrastructures de transport sont cas pour générer des économies d’agglomération, les inadéquates, et le développement urbain s’effectue trop villes africaines devront alors, entre autres initiatives, souvent par expansion au détriment de l’aménagement restructurer leur marché du travail de manière à attirer des dents creuses. Bien que les causes sous-jacentes et à promouvoir une main d’œuvre plus spécialisée. soient réglementaires et institutionnelles, les effets de la fragmentation spatiale sont matériels, dans la mesure En somme, la ville idéale peut être considérée au plan où ils limitent les économies urbaines. économique comme un marché du travail efficace qui 16 Résumé | Surpeuplées, déconnectées et donc coûteuses — les villes africaines sont limitées aux biens et services non échangeables de par leur forme urbaine Dar es Salaam Nairobi 100 100 80 80 % terrains urbains % terrains urbains 60 60 40 40 20 20 QA QA -25 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 25 -25 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 25 Addis-Abeba Dakar 100 100 80 80 % terrains urbains % terrains urbains 60 60 40 40 20 20 QA QA -25 -20 -15 -10 -5 0 5 10 15 20 25 -4 -2 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 Remarque : QA signifie quartier d’affaires. Les données relatives aux villes européennes sont issues de l’Atlas urbain de l’Agence européenne pour l’environnement. Les données concernant les villes africaines proviennent d’images satellite de très haute résolution (0,5 m) prises en 2013. le coût accru de la vie dans les villes africaines est dû à une faible densité spatiale et à des infrastructures insuffisantes (Figure 6). En effet, des densités spatiales supérieures semblent réduire les coûts. L’indice de Des villes coûteuses Puga montre ainsi qu’une réduction de 1 % de la La fragmentation des formes urbaines est fragmentation spatiale est associée à une réduction de inévitablement associée à un coût de la vie élevé pour 12 % des coûts urbains (calcul ajusté en fonction des les travailleurs et les ménages, ce qui entraîne des coûts niveaux de revenu et de la population urbaine). indirects et d’autres contraintes pour les entreprises. En Les coûts de la vie plus élevés en Afrique affectent les bref, les villes africaines sont coûteuses pour ceux qui y loyers, les denrées alimentaires, ainsi que les autres vivent comme pour ceux y font du commerce. D’après biens et services. Les denrées alimentaires sont environ la nouvelle étude sur laquelle est fondé ce rapport, 35 % plus chères dans les villes d’Afrique que dans 17 Ouvrir les Villes Africaines au Monde FIGURE 6 Une forme urbaine fragmentée est associée à des coûts urbains élevés 0.4 0.2 Indice des prix 0 -0.2 -0.4 -1 -0.5 0 0.5 1 Population située dans un rayon de 10 km du travailleur moyen Source : Estimations des auteurs à partir Remarque : La Figure ci-dessus montre un graphe représentant le tracé des résidus de deux des données de Nakamura et al., 2016 régressions. L’axe des X représente les résidus d’une régression de l’indice Puga 10 en échelle et Henderson et Nigmatulina, 2016. logarithmique (Henderson et Nigmatulina, 2016) sur le PIB par habitant, la population, un équivalent factice de l’Afrique subsaharienne et le pourcentage de la population urbaine. L’axe des Y représente les résidus d’une régression de l’indice des prix corrigé en échelle logarithmique (Nakamura et autres, 2016) sur les mêmes contrôles. Plus la densité de la population située dans un rayon de 10 km au plus du travailleur moyen est faible, plus l’indice des prix est élevé. celles d’autres pays à revenu faible et intermédiaire, un collectif motorisé dans la plupart des villes africaines surcoût qui se révèle plus important étant donné la part ont un faible rapport coût-efficacité. Leur faible capacité élevée de l’alimentation dans le budget des ménages (nombre de passagers) ne permet pas de réaliser des africains. Des écarts encore plus grands existent en économies d’échelle. Pour les résidents urbains les plus matière de logement urbain (55 % plus élevé dans les pauvres en particulier, le coût du transport motorisé zones urbaines des pays africains, par rapport aux dans certaines villes est prohibitif, comme le montre niveaux des revenus) et de transport (42 % plus élevé une étude datant de 2008 (Figure 8). La nécessité de se dans les villes africaines, notamment à cause du prix rendre à pied au travail limite également l’accès de ces des véhicules et des transports publics). Globalement, habitants à l’emploi. les ménages urbains paient 20 à 31 % plus pour les Le coût de la vie élevé pèse non seulement sur les biens et services dans les pays africains que dans ménages, mais également sur les entreprises qui d’autres pays en développement (Figure 7). doivent verser des salaires supérieurs dans les villes, Les travailleurs urbains en Afrique ont des trajets car le coût de la vie y est élevé. En outre, les travailleurs domicile-travail coûteux ou doivent effectuer les allers- doivent parfois être indemnisés pour leurs conditions retours à pied, car ils n’ont pas les moyens d’avoir un de vie plus médiocres dans des logements informels véhicule. Les minibus informels aux couleurs locales avec très peu de commodités. Les entreprises qui constituent souvent le principal mode de transport manufacturières établies dans les villes africaines 18 Résumé | Surpeuplées, déconnectées et donc coûteuses — les villes africaines sont limitées aux biens et services non échangeables de par leur forme urbaine FIGURE 7 En 2011, les coûts de la vie en milieu urbain dans les pays de l’Afrique subsaharienne étaient supérieurs à ceux d’autres pays, pour un PIB par habitant inférieur en Afrique 210 190 Pays d’Afrique subsaharienne Autres pays 170 Valeurs ajustées Indice des prix corrigé 150 Gabon Angola Afrique du Sud 130 Namibie Guinée République Congo équatoriale centrafricaine Maurice Botswana Swaziland RD Congo 110 Guinée- Tchad Ghana Bissau Mozambique Soudan Malawi Lesotho Zambie Libéria Togo Sénégal Nigéria Burkina Faso Bénin 90 Niger Cameroun Mali Kenya Rwanda Guinea Sierra Leone Mauritanie Burundi Ouganda 70 Gambie Madagascar Tanzanie Éthiopie 50 6 7 8 9 10 11 12 Log du PIB par habitant ($ PPA de 2011) Source : Nakamura et al., 2016, à partir de Remarque : L’indice du niveau des prix (INP) corrigé de données issues du Programme de comparaison la consommation des ménages, exclusion faite du loyer, international (PCI) de 2011 et des indicateurs est normalisé afin que l’INP des États-Unis soit égal à 100. du développement dans le monde. Les INP pour 15 pays asiatiques sont gonflés de 10 %. 19 Ouvrir les Villes Africaines au Monde versent des salaires nominaux plus élevés que les peuvent à peine se nourrir ou se loger décemment. entreprises urbaines d’autres pays ayant des niveaux Les trajets motorisés étant non seulement lents, mais de développement comparables. Ainsi, les coûts de aussi coûteux, les travailleurs ont des difficultés à main-d’œuvre unitaires sont trois fois plus élevés à accepter et à conserver des emplois correspondant Djiboutiville (Djibouti) qu’à Mumbai (Inde) et 20 % à leurs compétences. En outre, la nécessité de verser plus élevés à Dar es Salaam (Tanzanie) qu’à Dhaka des salaires plus élevés pour compenser le coût de (Bangladesh). la vie accru entraîne une perte de productivité et de compétitivité des entreprises, ce qui les exclut des Les villes africaines sont coûteuses pour les ménages, secteurs exportables. Par conséquent, les investisseurs les travailleurs et les entreprises. Les prix des denrées et les partenaires commerciaux potentiels tant alimentaires et du bâtiment étant élevés, les familles régionaux d’internationaux évitent les villes africaines. FIGURE 8 Les ménages urbains, en particulier les pauvres, consacrent une part importante de leur budget au transport (analyse de 2008) 100 % du budget des ménages consacré au transport 80 % du budget des ménages % du premier quintile du budget des ménages nécessaire pour 2 trajets/jour 60 40 20 0 s a m li n la ou bi a a ar go ga s al eb ja pa ro aa ak ha ug ou id Ki La Ab ai m l D ns Ab Sa do D N Ka s- Ki ga es di Ad ua ar O D Source : Kumar et Barrett 2008. 20 Résumé | Des villes fermées au commerce et hors service : l’urgence d’une nouvelle voie de développement urbain pour l’Afrique Des villes fermées au commerce et hors service : l’urgence d’une nouvelle voie de développement urbain pour l’Afrique Les villes africaines sont à la fois surpeuplées et exportable et produisent alors uniquement des biens déconnectées, ce qui les rend coûteuses pour les et des services non échangeables. Le secteur non entreprises comme pour leurs habitants (voir Figure échangeable inclut certains biens (la bière et le ciment 6). Les investisseurs et les partenaires commerciaux par exemple), la construction, le commerce de détail et potentiels se rendent compte très rapidement des de nombreuses activités du secteur des services, dont dysfonctionnements physiques et économiques qui l’emploi dans le secteur informel. La demande de biens restreignent la fourniture de services publics, entravent et services de ce type est issue d’une part des revenus la consolidation et l’adéquation de l’offre et de la générés au sein de la ville et de ses zones urbaines demande sur le marché du travail et empêchent les fonctionnelles, et d’autre part, des revenus externes, entreprises de tirer parti des économies d’échelle et tels que la rente des ressources naturelles, les recettes d’agglomération. Ces acteurs potentiels se tiennent fiscales et l’aide extérieure. donc à l’écart, craignant l’insuffisance du rendement des La raison pour laquelle une entreprise du secteur capitaux investis. non échangeable peut verser des salaires plus élevés, Or, il ne s’agit pas d’une simple question de sous- contrairement à une entreprise du secteur exportable, investissement conduisant à une faiblesse des tient au fait que le producteur du bien non échangeable infrastructures, mais d’un problème plus complexe peut augmenter ses prix dans l’ensemble de la ville. Il d’interdépendance de nombreuses décisions répercute ainsi la hausse de ses propres coûts sur les d’investissement. En effet, les décisions d’investissement consommateurs urbains. Toutefois, ces hausses de prix des entreprises dépendent de la présence d’autres augmentent encore davantage le coût de la vie dans une entreprises (clients et fournisseurs) et d’autres lieux ville, accroissant les coûts urbains pour les travailleurs. de travail accessibles depuis les zones résidentielles. Cela peut devenir un cercle vicieux qui maintient les Les investissements se porteront sur le logement si villes africaines à l’écart du secteur exportable et limite la demande augmente, stimulée par l’accroissement leur croissance économique. des revenus des travailleurs. Le financement des Souvent, les solutions proposées pour résoudre les infrastructures dépend des recettes publiques d’une problèmes des villes africaines sont axées simplement ville en pleine croissance. Tous ces investissements sur une augmentation des investissements structurels sont corrélés et les attentes sont cruciales dans la prise ou sur une réforme de la planification urbaine. Autant de décision. Les faibles attentes des investisseurs se de mesures certes nécessaires et urgentes, mais qui confirment en cas d’échec, réduisant le rendement en elles-mêmes ont peu de chances de sortir les villes attendu des autres investissements. Les villes sont du piège du secteur non échangeable. La raison en est alors prises dans une trappe de sous-développement. simple : le manque de coordination tend à bloquer la (Le cadre analytique qui sous-tend cette trappe est formation de nouveaux pôles d’activité économique qui présenté au Chapitre 4). sont nécessaires à la production de biens et de services exportables (voir notamment Henderson et Venables, Des villes « fermées au commerce » 2009). La décision d’une entreprise de produire des biens et des services exportables à l’international dépend des Cette dynamique est telle qu’aucune entreprise ne coûts de ses intrants. Or, parmi ces derniers figurent les souhaite être la première à se lancer dans le secteur coûts urbains, c’est-à-dire les coûts majorés supportés exportable. Pourtant, les entreprises établies se par les travailleurs qui habitent dans une ville. Les multiplieraient si elles parvenaient à coordonner leur coûts urbains incluent le loyer, les dépenses des trajets entrée. Pour permettre cette coordination, une ville domicile-travail et le prix élevé de nombreux biens. doit faire appel à un agent de coordination crédible Pour attirer des travailleurs, les entreprises doivent : soit un groupement d’entreprises visionnaires, augmenter les salaires pour compenser (entièrement ou capables d’harmoniser leurs projets et d’entreprendre partiellement) ces coûts. Cependant, même lorsque les la transition ensemble, soit un grand promoteur salaires nominaux augmentent pour refléter des coûts immobilier ou une municipalité qui saura concrétiser urbains élevés ou en hausse rapide, les salaires réels ses ambitions à travers des investissements majeurs demeurent bas (voir Chapitre 4 pour plus de détails). dans les infrastructures (Henderson et Venables, 2009). Sans cette coordination, la transition vers les biens et Si les coûts urbains exercent une trop forte pression services exportables échouera, laissant la ville « fermée à la hausse des salaires nominaux, les entreprises ne au commerce ». peuvent plus assurer leur compétitivité dans le secteur 21 Ouvrir les Villes Africaines au Monde Des villes « hors service » totaux varient entre 12 et 36 % de la valeur d’un bien immobilier (Banque mondiale, 2015a). Résultat : les En Afrique, plus de 60 % de la population urbaine vit quartiers informels se multiplient dans les villes. En dans des zones plus ou moins surpeuplées, sont mal 2000, à Ibadan, 83 % des habitations enfreignaient les logés et n’ont pas d’accès adéquat à l’eau potable et aux règles de zonage urbain (Arimah et Adeagbo, 2000). sanitaires (Nations Unies, 2015a). Pourquoi les villes de la région manquent-elles toujours autant de logements Les plans d’urbanisme sont très largement inefficaces et de services de base ? en Afrique, notamment parce qu’ils ne sont pas adaptés à la réalité. Ils ne prennent généralement pas en L’une des raisons fondamentales est que le compte l’aspect financier, la dynamique et les intérêts dysfonctionnement urbain s’autoperpétue : il réduit du marché, la diversité sociale ou les écarts de revenus. les attentes, ce qui dissuade les investisseurs de En outre, les réglementations adoptées ne prévoient financer les améliorations nécessaires. Les décisions pas de mécanismes de mise en œuvre. En conséquence, d’investissement dans le logement façonnent la les contraintes en termes de ressources humaines forme urbaine. La construction de logements dans et financières empêchent toute application efficace. le secteur formel de l’économie ne peut venir que de Plus généralement, les intentions et les résultats de la décision d’abaisser les coûts des structures ayant la mise en œuvre des plans d’urbanisme sont faussés une longue durée de vie. Or, ces décisions dépendent par la défaillance et la fragmentation institutionnelles essentiellement des attentes en termes de perspectives (dans tous les secteurs et à tous les niveaux), par d’avenir d’une ville. Ainsi, les villes qui suscitent des les interférences politiques et par le manque de attentes élevées attirent davantage les investissements considération accordée à l’économie politique de la ville. dans le secteur formel, notamment dans l’immobilier résidentiel, ce qui réduit les coûts urbains et attire Les réglementations inadaptées ou irréalistes et les encore davantage les investissements. À l’inverse, les directives opaques, en particulier sur la propriété villes qui semblent vouées à l’artisanat (fondées sur leur foncière, entravent l’accès aux biens fonciers et production de biens et services non échangeables à découragent le développement formel des centres- faible valeur ajoutée) créent peu d’attentes en matière villes. Le risque politique rend les loyers futurs encore d’augmentation des loyers fonciers à long terme. plus imprévisibles. Le rendement de l’investissement Les incitations à investir dans le secteur formel étant dans la construction comporte donc des incertitudes limitées, le manque de capitaux perpétue le manque de intolérables, faisant des villes africaines des territoires « connectivité des villes et maintient les coûts urbains à hors service ». des niveaux élevés, alimentant le cercle vicieux. Outre l’effet général des faibles rendements attendus, Dépendance au chemin emprunté et des caractéristiques spécifiques de l’environnement interdépendance économique et réglementaire des villes africaines Lorsqu’une ville apparaît comme étant « fermée créent d’autres obstacles à l’investissement. Il s’agit au commerce » et « hors service », les partenaires notamment de la législation sur la propriété et de la potentiels ne s’y aventurent pas par crainte de réglementation en matière d’occupation des sols, ainsi rendements médiocres, voire nuls. À l’heure que de la conception et de la mise en application des actuelle, ce cercle vicieux des faibles attentes semble plans d’urbanisme. être l’une des raisons de la sous-capitalisation En Afrique, les lois sur la propriété, en particulier permanente des économies urbaines africaines, la propriété foncière, sont souvent le premier et rendant le développement du continent encore plus le plus lourd fardeau réglementaire pesant sur le problématique. développement urbain. Ainsi, une majorité des terres à Aux faibles attentes à l’égard des villes s’ajoute la réalité Kampala, en Ouganda, est gérée par un régime foncier de la dépendance au chemin emprunté, identifiée complexe qui donne la primauté aux droits individuels récemment comme étant une préoccupation centrale sur les terres et l’immobilier, ce qui engendre des des décideurs. En effet, les villes à la croissance différends juridiques et bloque les investissements débridée, dépourvues de plans ou d’incitations efficaces (Muinde, 2013). Le problème se présente sous une autre pour intégrer leur forme physique, courent le risque de forme au Nigéria, où les transactions immobilières sur se retrouver piégées dans les formes déconnectées qui le territoire urbain s’effectuent à des coûts exorbitants, en découlent. Une fois bâties, les structures urbaines et où la réglementation inefficace paralyse encore sont difficilement modifiables et peuvent rester en place davantage les efforts de développement formel. À Lagos pendant plus de 150 ans (Hallegatte, 2009). En outre, et à Port Harcourt, les seules dépenses de délivrance les investissements dans les infrastructures doivent des titres de propriété peuvent atteindre 30 % des coûts être planifiés longtemps à l’avance. Si une ville en pleine de construction, tandis que les coûts de transaction croissance ne dispose pas d’un plan prospectif détaillé 22 Résumé | Sortir les villes de la trappe de sous-développement pour la fourniture des services publics (assainissement, des emplois: un service rapide par bus en site propre, électricité, eau portable et connectivité), elle sera par exemple, est plus viable dans des zones à forte contrainte de les ajouter par la suite. Cela nécessitera densité de population. Les politiques doivent tirer des aménagements après coup, donc inefficaces et parti de ces complémentarités et éviter les erreurs de nettement plus coûteux, qui ne constitueront qu’une coordination et les interventions unisectorielles qui font réponse désordonnée et fragmentée à la demande des obstacle à la densité économique. consommateurs (Collier, 2016). Les villes qui persistent sur la voie du développement Un concept tout aussi important que la dépendance inefficace ont une croissance contreproductive. Leurs au chemin emprunté est l’interdépendance entre les structures et leurs infrastructures ne pourront pas structures, les infrastructures et les services urbains. répondre à l’accroissement de la population. Alors L’essentiel de la valeur d’une structure reflète ses qu’elles continuent d’engloutir des capitaux, tout complémentarités avec d’autres structures du quartier en passant à côté d’opportunités d’investissements ou de la ville. Ce rapport documente entre autres les complémentaires qui ne se représenteront jamais, avantages apportés par les investissements dans les elles s’enfoncent toujours plus profondément dans infrastructures routières pour les investissements privés une trappe de sous-développement. Elles n’ont dans des structures résidentielles et commerciales d’ailleurs aucune garantie d’en sortir et pourraient (Chapitre 6). Tous les gains sociaux des infrastructures rester définitivement « hors service » et « fermées au publiques dépendent de la proximité des logements et commerce ». Sortir les villes de la trappe de sous-développement Nous en savons aujourd’hui davantage sur la trappe empêche les entreprises de tirer parti des économies de sous-développement dont les villes africaines se d’échelle et d’agglomération. Par conséquent, la clé retrouvent prisonnières. Elles sont surpeuplées sans pour délivrer les villes africaines de la trappe de sous- être économiquement denses. Elles sont physiquement développement est de les amener vers une densité déconnectées, ce qui les rend coûteuses. Les coûts physique et économique, de les connecter pour élevés dissuadent les investisseurs en raison des accroître leur rentabilité et de stimuler les attentes vis-à- rendements bas attendus, tandis que l’apparence vis de l’avenir. invivable de la ville corrobore de manière saisissante La première priorité est de réformer les marchés ces faibles attentes. Par conséquent, l’urbanisation des fonciers et l’aménagement du territoire afin de capitaux en Afrique connaît un retard considérable par promouvoir une utilisation optimale de l’espace urbain rapport à l’urbanisation de la population. Les migrants et de développer le territoire à grande échelle. s’entassent dans des bidonvilles simplement pour se rapprocher de leur lieu de travail. Régulariser les marchés fonciers, clarifier les Comment les responsables politiques et les décideurs africains peuvent-ils délivrer les villes de cette trappe? droits de propriété et instituer une planification Essentiellement, ils doivent tout d’abord comprendre urbaine efficace que l’origine du problème n’est pas le manque de Les marchés fonciers informels ne suffisent pas pour capitaux et l’insuffisance des structures physiques, assurer le développement des villes africaines. L’espace ni même l’inadéquation des infrastructures. Il ne fait urbain est un actif économique vital, et les transactions aucun doute que la pénurie d’investissements dans portant sur cet actif ne sont viables que lorsque les les structures limite la densité économique urbaine, acheteurs peuvent compter sur une documentation exacerbe la fragmentation spatiale et empêche les extrajudiciaire pérenne. Un marché formel offre aux économies d’agglomération. Cependant, le manque acheteurs la protection de l’État et s’avère également de capitaux résulte en réalité des faibles attentes des être dans l’intérêt général, car il permet une évaluation investisseurs qui sont dues à l’éparpillement et au immobilière fiable du fait de transactions aisément manque de connectivité au sein des villes. observables et consignées. Les investisseurs et partenaires commerciaux potentiels Des droits de propriété clairs et précis dans ne voient dans les villes africaines qu’une fragmentation l’environnement urbain constituent une condition spatiale et des connexions insuffisantes. Or, ils savent préalable à l’établissement de marchés fonciers formels. que cette fragmentation restreint la fourniture de Les villes africaines sont empêtrées dans des systèmes services publics, entrave la consolidation et l’adéquation de droits de propriété qui se chevauchent et parfois se de l’offre et de la demande sur le marché du travail, et contredisent, à savoir un système formel, un système 23 Ouvrir les Villes Africaines au Monde ENCADRÉ 3 L’espace urbain et les droits de propriété : la nécessité d’une clarification Des droits de propriété très flous limitent fortement Par conséquent, les organismes de prêt ne peuvent le redéveloppement de l’espace urbain sur l’ensemble pas utiliser les biens fonciers en guise de garanties. du continent africain, avec pour corollaire des coûts En Afrique subsaharienne, 10 % du territoire total élevés. En vertu des règles coutumières qui régissent le seulement figurent dans les registres (Byamugisha, régime foncier contrôlant l’essentiel de l’espace urbain 2013). En Afrique de l’Ouest, seuls 2 à 3 % des terrains et péri-urbain, les droits de propriété dépendent du détenus sont enregistrés auprès des autorités consentement des chefs locaux ou des anciens. C’est administratives (Toulmin, 2005). le cas notamment à Durban, en Afrique du Sud, mais La bonne nouvelle est que les pays africains prennent également au Ghana, au Lesotho, au Mozambique et des mesures pour clarifier les droits de propriété. Le en Zambie. Ces villes sont souvent empêtrées dans des Botswana a pris la décision ambitieuse de régulariser systèmes qui se recoupent et se contredisent (formel, les biens fonciers coutumiers en 2008, en partie parce coutumier et informel). que les conseils fonciers (Land Boards) avaient des Même lorsque des titres officiels ou des droits de difficultés à administrer les terres tribales (Malope et propriété clairs existent, la cartographie, les données Phirinyane, 2016). La Zambie a adopté un nouveau géographiques ou les informations sur le propriétaire projet de loi sur la planification en 2015, étendant les sont généralement inexactes ou les registres fonciers contrôles à l’ensemble des biens fonciers de l’État et sont mal tenus et sources de conflits. La demande des biens coutumiers et désignant toutes les autorités de reconnaissance officielle peut s’avérer laborieuse locales comme instances de planification (Wesseling, et coûteuse (Toulmin, 2005). Au Mozambique, on 2016). La Namibie reconnaît les chefs traditionnels peut déposer une demande de concession pour une comme faisant partie du système foncier formel. Ils parcelle de terrain auprès de la direction municipale sont désignés par le président et les informations les compétente ou des services de cadastre municipal. concernant sont publiées au journal officiel (Nations Toutefois, cette demande peut nécessiter jusqu’à Unies, 2015b). 103 démarches administratives qui peuvent prendre Certains pays et certaines villes développent des plusieurs années (ONU-Habitat, 2008). L’absence régimes hybrides afin d’améliorer la compatibilité des de système d’immatriculation adéquat empêche les systèmes de gestion foncière formel et coutumier. marchés fonciers urbains de fonctionner correctement, Ainsi, dans les régions du Nigéria dont la population ce qui crée des obstacles à la levée de fonds pour le est en majorité musulmane, les représentants de développement et l’investissement et aux prélèvements l’émir subdivisent et allouent les terres avec l’aide de fiscaux par les autorités locales. professionnels bénévoles issus de la fonction publique. Dans l’ensemble de l’Afrique, des bases de données et C’est le cas notamment de la ville de Rigasa, à l’extrême- des systèmes d’information opaques et inappropriés ouest de l’État de Kaduna (administration locale d’Igabi faussent les prix et la disponibilité des terrains. Enfin, au Nigéria). Les acteurs du réaménagement urbain les systèmes d’administration des biens fonciers futur en Afrique auraient beaucoup à apprendre des (registres et cadastres entre autres) sont incomplets réussites passées de deux approches mises en œuvre et sous-utilisés. Ils ne permettent pas de faire valoir dans plusieurs villes asiatiques, à savoir le partage et le les revendications légales ni de faire respecter les remembrement des terres. obligations fiscales des propriétaires de terrains. coutumier et un système informel (Encadré 3). Lorsque réduisent la valeur de nantissement des structures, ces systèmes font obstacle à l’accès à la propriété incitant peu les développeurs à investir dans des urbaine, ils empêchent la consolidation des parcelles résidences de grande hauteur, toutes les parties ayant et l’évolution de l’occupation des sols. Les entreprises alors tendance à conclure des accords informels (Collier, ne peuvent pas facilement acheter des terrains du 2016). centre-ville pour convertir les résidences peu denses Il importe de régulariser les marchés fonciers et de en appartements à plus haute densité ou pour créer veiller à ce qu’ils soient fonctionnels. Les contraintes de nouveaux pôles commerciaux. Les transactions pesant sur les marchés fonciers formels contribuent à foncières sont longues, coûteuses et complexes la fragmentation spatiale typique des villes africaines (Banque mondiale, 2015c). Ces contraintes du marché 24 Résumé | Sortir les villes de la trappe de sous-développement et à la relative faiblesse de l’investissement à proximité Des investissements précoces et coordonnés de leur centre. Non seulement des marchés fonciers efficaces accroîtront de manière notable l’efficacité dans les infrastructures pour une économique, ils aideront également les villes africaines interdépendance entre les sites, les structures et à tirer parti de leur potentiel d’augmentation de les services de base la valeur des biens fonciers pour financer des Les recherches menées dans le cadre de cette étude infrastructures et d’autres services publics. (Cependant, démontrent l’intérêt des investissements précoces de telles stratégies financières comportent des risques. dans les infrastructures et les services de proximité Elles supposent qu’existent déjà des droits de propriété (Chapitre 6). Cependant, la coordination entre ces stables et une application prévisible de la loi). investissements est toute aussi importante étant Si les marchés urbains doivent opérer plus donné que ceux-ci sont la fois dépendants du passé et efficacement, les villes doivent également renforcer interdépendants. Les grands projets d’infrastructures leurs plans d’urbanisme et leur réglementation en comportent des coûts irrécupérables élevés. Comme matière d’occupation des sols. Les villes africaines toute structure de grande ampleur, ils se déprécient actuelles utilisent des modèles de planification et des très lentement sur des décennies, voire des siècles codes réglementaires qui sont parfois hérités des (Philibert, 2007). En outre, les coûts de construction régimes coloniaux ou importés des pays développés de logements, d’infrastructures et d’installations sans aucun regard critique (Goodfellow, 2013). Les industrielles dépendent de leur échelonnement. documents de planification urbaine ne rendent pas Prenons par exemple la relation entre les nouveaux compte de manière crédible des impacts financiers, systèmes de transport et les zones industrielles. Si l’un de la dynamique du marché ou des effets distributifs. n’est pas coordonné avec l’autre, compte tenu de la Les directives ne sont pas suffisamment claires, réglementation sur les marchés fonciers et l’occupation détaillées ou transparentes pour soutenir un plan de des sols, ces projets peuvent entraîner les villes sur une développement urbain cohérent et applicable. Les voie de développement contreproductive. contraintes de capacités et de ressources sapent la Ces investissements majeurs, en particulier à grande mise en œuvre. Les autorités municipales et nationales échelle, requièrent des financements par le biais devront renforcer les capacités de planification urbaine de nouveaux systèmes de recettes. Les projets et faire des choix politiques difficiles, fondés sur des d’infrastructures publics induisent des coûts bien avant données et des évaluations techniques. d’apporter des bénéfices en termes de productivité Les réglementations en matière d’occupation des sols, et d’habitabilité, et les importantes dépenses en notamment les arrêtés sur le zonage et les codes de capital requises peuvent paraître décourageantes. construction, sont nécessaires pour mener à bien Les transferts de l’État central sur lesquels s’appuient les plans d’urbanisme. Bien que les planificateurs souvent les villes africaines ne seront pas suffisants. Les promeuvent la densité spatiale dans l’intérêt général, le responsables municipaux, les autorités nationales et la coût de l’investissement dans le logement et l’immobilier communauté internationale des donateurs devraient commercial est supporté par les ménages et les donc étudier diverses options de financement. L’une entreprises. (Les bénéfices de la densité économique et consiste à tirer parti de la valeur des biens fonciers de l’exposition constituent une externalité.) Les acteurs (Encadré 4). Cependant, de nombreuses villes d’Afrique privés ne préviendront pas à eux seuls les échecs du subsaharienne ne sont pas actuellement autorisées à marché dans l’allocation et l’occupation des sols. Par percevoir des recettes provenant des biens fonciers conséquent, la réglementation en la matière doit être (Banque mondiale, 2015c), sans compter que la claire et son application prévisible. faiblesse de leurs cadastres et de leurs capacités fiscales pose également problème. Les prix des biens fonciers dépendent en partie des politiques et non pas simplement de la Des marchés dérégulés auront peu de chances réglementation en matière d’occupation des sols. de résoudre les problèmes de coordination, de Les taxes, les prélèvements et les subventions dépendance au chemin emprunté et d’interdépendance. peuvent compléter la réglementation en créant des Des politiques et des planifications publiques sont incitations et des désincitations financières. Les nécessaires pour parvenir à un aménagement adéquat recettes (les taxes foncières, par exemple) peuvent du territoire urbain. Cet impératif est particulièrement également servir à financer les administrations et les difficile à mettre en œuvre en Afrique où le infrastructures. De plus, les outils de mise en œuvre développement urbain fragmenté piège probablement tels que les investissements, les budgets et les plans déjà les villes dans une spirale de coûts exorbitants. Et d’échelonnement des travaux peuvent contribuer à la vu que les faibles attentes associées aux coûts élevés planification en amont. ont tendance à devenir une réalité (les attentes influent sur les investissements qui influent à leur tour sur les 25 Ouvrir les Villes Africaines au Monde ENCADRÉ 4 Tirer parti de la valeur des biens fonciers pour financer les infrastructures urbaines africaines L’amélioration de la connexion et de la densité pas de distorsion. (Les valeurs foncières appréciées économique des villes africaines nécessitera de constituent des rentes économiques représentant vastes investissements dans les infrastructures. Les une ressource rare et non un rendement de l’activité finances publiques urbaines du continent reposent économique du propriétaire. Par conséquent, traditionnellement sur les revenus issus de transferts contrairement au secteur productif, il n’existe pas de intergouvernementaux. Les investissements à venir distorsion du comportement des propriétaires.) devront tirer parti de la valeur des actifs de la ville, Un accroissement des revenus du foncier et de principalement des biens fonciers, pour financer des l’immobilier nécessite : infrastructures et fournir des biens et des services publics. • une meilleure évaluation de la valeur des terrains et des biens, plus proche de la valeur marchande, pour Le financement des infrastructures basé sur le foncier approfondir l’assiette de l’impôt ; générera un rendement maximal dans les villes à croissance rapide. En effet, une croissance accélérée • une meilleure perception des taxes et impôts fonciers entraîne une montée en flèche des prix fonciers et crée auprès d’un plus grand nombre de propriétaires, pour une multitude d’opportunités de revenus. Néanmoins, élargir l’assiette de l’impôt ; elle amplifie aussi les besoins d’investissements • une monétisation des terrains publics sous-exploités. infrastructurels, qui requièrent des sources majeures de financement du développement. Le financement L’élaboration de systèmes d’imposition foncière et basé sur le foncier a permis un bond en avant des immobilière promouvant la densité économique n’est investissements urbains en France, au Japon et aux pas chose aisée. Des institutions fortes sont nécessaires États-Unis. pour définir clairement les droits de propriété, garantir des méthodes d’évaluation foncière normalisées et Les taxes foncières peuvent en effet financer les objectives, et soutenir et superviser la gestion, la vente investissements tout en promouvant des plans et la fiscalité foncières. Pour les seuls impôts fonciers, d’occupation des sols plus efficaces, qui incitent les les décideurs doivent savoir que les valeurs des biens propriétaires fonciers à faire un usage aussi rentable immobiliers réagissent en général plus lentement que possible de leurs terres selon la valeur marchande que les autres types de patrimoine imposable aux de leur propriété. Les terrains particulièrement prisés fluctuations annuelles de l’activité économique, tandis du centre-ville seront plus densément peuplés, attirant que les « zones de biens immobiliers » réagissent ainsi les investissements dans l’immobilier résidentiel encore plus lentement. et commercial. De plus, les taxes foncières ne créent attentes), les villes qui manquent de capitaux à long Les décisions concernant le mode de croissance terme aujourd’hui pourraient avoir encore davantage de d’une ville, fondées sur des choix d’investissement difficultés à financer leurs acquisitions dans le futur. dans les transports, influeront considérablement sur les émissions de gaz à effet de serre et la durabilité Même si les développeurs sont en mesure d’anticiper environnementale. Les chercheurs ont montré l’impact la croissance d’une ville africaine, ils ne savent pas de la forme urbaine sur les comportements de conduite, toujours prédire le lieu probable de cette croissance, les choix modaux, la consommation énergétique liée ce qui est en soi un échec de coordination. L’un des au transport et les émissions de dioxyde de carbone mécanismes permettant de surmonter ces échecs (Newman et Kenworthy, 1989). Les villes africaines est un investissement à fonds perdus par l’État ou jouissent actuellement d’une nouvelle opportunité un groupe d’investisseurs. Les investissements à d’éviter les transports urbains gros émetteurs de fonds perdus peuvent en effet avoir des effets à carbone. Faire d’emblée les bons choix (alors qu’elles long terme et envoyer un signal fort aux autres sont encore aux premiers stades de l’urbanisation) investisseurs potentiels. Certains ont fait valoir que « est crucial. Étant donné la dépendance au chemin les investissements à fonds perdus, même modestes emprunté des implantations urbaines, polluer et aujourd’hui totalement amortis, pourraient servir de maintenant et nettoyer plus tard ne constitue pas une mécanisme de coordination des investissements actuels option. » (Bleakley, 2012). 26 Résumé | Ouverture sur le monde ENCADRÉ 5 Aménagement de villes denses, connectées et efficaces : deux modèles de réussite Un modèle d’urbanisation réussie est la République urbain parallèlement à des voies de chemin de fer de Corée où les institutions de planification urbaine traditionnelles et à grande vitesse (ces trains à grande et d’aménagement du territoire ont évolué pour vitesse grâce auxquelles on peut voyager aux quatre répondre aux défis à chaque étape de l’urbanisation. coins de la Corée en une demi-journée). Tout d’abord, des programmes de développement Un autre exemple de réussite est Bangkok, où les du territoire ont été établis, suivis d’un système marchés fonciers moins restreints ont pu s’adapter de réglementation de l’occupation des sols. Une aux pressions démographiques et économiques planification urbaine complète a ensuite été mise en croissantes et à la hausse des coûts. Entre 1974 et œuvre, avec des directives pour les projets obligatoires 1988, période de croissance rapide et d’augmentation sur 20 ans, les décisions de zonage et les installations des prix du foncier et de la construction de logements, de planification. Les projets de développement des les développeurs ont réagi en accroissant la densité centres-villes ont dû systématiquement respecter des habitations à loyer modéré. Le nombre moyen des scénarios échelonnés dans le cadre de plans d’unités par hectare est ainsi passé de 35 à 56. exhaustifs. Par la suite, dans les années 1990 et 2000, Les logements collectifs ont également augmenté, la Corée a intégré des lois distinctes régissant les passant de moins de 2 % des nouvelles constructions zones urbaines et non urbaines, et en 2000, elle a en 1986 à 43 % en 1990. Ces évolutions ont permis institué la planification métropolitaine et régionale aux développeurs de tirer parti de la construction de (à savoir entre la ville et le comté ou la province). logements abordables (Dowall, 1992). De 1986 à 1990, Entre-temps, l’État a lancé des projets de construction près de la moitié de l’augmentation du parc résidentiel d’appartements à grande échelle qui ont résolu les à Bangkok était le fait de promoteurs privés, tandis problèmes de logement urbain les plus pressants de la que les logements informels représentaient à peine Corée. Divers modes de transport ont été développés. 3 % du parc total. Dans d’autres villes caractérisées Les projets d’infrastructures routières ont inclus des par des marchés fonciers fortement restreints, les autoroutes urbaines et des chaussées goudronnées, logements informels représentaient 20 % à 80 % du ainsi qu’un réseau de voies rapides. En outre, le réseau parc total (Dowall, 1998). ferroviaire du pays comprend des lignes de métro Enfin, s’agissant de la coordination entre les politiques régions du monde. La coordination entre l’aménagement d’occupation des sols et les plans d’infrastructures, il est du territoire et la gestion des ressources naturelles, important de prendre en compte les désastres naturels. notamment les ressources et l’approvisionnement en Alors que 70 % des pays à revenu élevé intègrent eau, est essentielle (Banque mondiale, 2012b). La ville de l’occupation des sols à la gestion des désastres naturels, Swakopmund, en Namibie, qui compte 42 000 habitants seuls 15 % des pays à faible revenu adoptent cette et est entourée de zones écologiquement vulnérables, approche (Banque mondiale, 2012a). Pourtant, les villes limite son développement à des communes zonées et de ces pays à faible revenu sont plus vulnérables aux protège les bassins hydrographiques en intégrant les catastrophes naturelles, notamment aux inondations qui plans environnementaux, sectoriels et d’aménagement sont aujourd’hui si dévastatrices dans de nombreuses du territoire. Ouverture sur le monde Le surpeuplement des villes africaines est manifeste Ce rapport explique les coûts élevés de la vie et à vue d’œil, comme le montrent la prolifération des des affaires dans les villes africaines en tant que quartiers informels et le trafic qui encombre les axes conséquences de leur forme urbaine inefficace. urbains. Le manque de connectivité au coeur de ces Les distorsions des marchés des facteurs et des villes est quant à lui visible par satellite comme en produits sont telles que les villes sont dépourvues de témoignent les images de l’occupation des sols. Les logements adéquats, de structures commerciales et coûts urbains élevés apparaissent dans les données sur d’infrastructures de connexion. Difficilement habitables les prix et les salaires, telles qu’elles sont interprétées et coûteuses, ces villes sont également coûteuses par l’analyse économique. pour y mener une activité en raison de la dispersion 27 Ouvrir les Villes Africaines au Monde des entreprises, de l’absence de consolidation du Annexe : marché du travail et de leur manque de spécialisation. L’économie urbaine est limitée à une activité locale, non Les villes africaines échangeable. étudiées dans le Tant que les villes africaines seront plongées dans un désordre manifeste, caractérisé par des formes cadre de l’analyse fragmentées et des marchés dysfonctionnels, elles continueront de susciter de faibles attentes et resteront prisonnières de la trappe de sous-développement. Au mieux, elles se maintiendront sur la voie inefficace d’un développement du territoire et d’investissements infrastructurels lents et inadéquats. Heureusement, la nécessité d’améliorer l’efficacité des villes est facile à voir et impossible à ignorer. La Villes africaines incluses population augmente rapidement dans les zones dans l’analyse, par urbaines africaines. Elles comptent aujourd’hui 472 taille de population millions d’habitants et en auront le double dans 25 ans. Les villes les plus peuplées affichent une Petites villes croissance rapide de 4 % par an. Des emplois productifs, (moins de 800 000 personnes) des logements abordables et un système efficient Pays Ville d’infrastructures sont nécessaires de toute urgence pour les habitants comme pour les nouveaux arrivants. Bénin Abomey-Calavi Burundi Bujumbura Or, c’est dans l’urgence que naissent les opportunités. République centrafricaine Bangui Pour les responsables, il n’est pas trop tard : ils peuvent Côte d’Ivoire Bouaké encore orienter les villes vers un développement Namibie Windhoek Nigéria Maiduguri plus rentable à condition d’agir rapidement, de savoir Nnewi résister aux projets tape-à-l’œil et de poursuivre avec Somalie Hargeysa détermination deux objectifs principaux dans l’ordre de Afrique du Sud Soshanguve priorité suivant : Soudan Nyala Zimbabwe Bulawayo • Premièrement, régulariser les marchés fonciers, clarifier les droits de propriété et instituer une planification urbaine efficace. Villes moyennes (800 000 à 2 millions de personnes) • Deuxièmement, procéder à des investissements précoces et coordonnés dans les infrastructures pour Angola Huambo Congo Pointe-Noire une interdépendance entre les sites, les structures et République Bukavu les services de base. Démocratique du Congo Kananga Kisangani Un troisième objectif serait d’améliorer les transports Érythrée Asmara urbains et autres services publics. Toutefois, celui-ci Guinée Conakry ne doit pas primer sur les deux premiers énumérés Kenya Mombasa ci-dessus, et il ne peut pas non plus être atteint si les Libéria Monrovia premières conditions ne sont pas remplies. Malawi Blantyre-Limbe Lilongwe Les modèles de réussite dans d’autres régions peuvent Mauritanie Nouakchott offrir un éclairage intéressant sur les analogies et les Mozambique Maputo Niger Niamey contrastes avec les villes africaines tout en montrant ce Nigéria Benin City que les responsables peuvent obtenir par une action Ilorin coordonnée et soutenue (Encadré 5). Naturellement, Jos l’économie politique doit être prise en compte lors de Kaduna la conception et de la mise en œuvre de ces politiques. Uyo Rwanda Kigali Les responsables doivent envisager les impacts des Sierra Leone Freetown politiques (opportunités, gagnants et perdants) et Tanzanie Mwanza anticiper les difficultés de mise en application. Togo Lomé Ouganda Kampala Zimbabwe Harare 28 Résumé | Ouverture sur le monde Espagne Turquie Tunisie Maroc Syrie Irak Algérie Libye Égypte Arabie Saoudite Sahara occidental Mauritanie Mali Niger Tchad Soudan Cap-Vert Eritrea Yémen Sénégal Gambie Burkina Guinée- Faso Djibouti Bissau Guinée Bénin Somalie Sierra Leone Côte Togo Nigéria D’Ivoire Ghana République Soudan du Sud Éthiopie Libéria Centrafricaine Cameroun Guinée Equatoriale Sao Tomé et Principe Ouganda Kenya Gabon République Grandes villes Démocratique Rwanda (plus de 2 millions de personnes) Congo du Congo Burundi Angola Luanda Seychelles Burkina Faso Ouagadougou Tanzanie Cameroun Douala Yaoundé Côte d’Ivoire Abidjan République Lubumbashi Démocratique du Congo Mbuji-Mayi Angola Comoros Éthiopie Addis-Abeba Malawi Gambie Sukuta Zambie Madagascar Ghana Accra Kumasi Kenya Nairobi Madagascar Antananarivo Zimbabwe Mali Bamako Ile Maurice Nigéria Abuja Namibie Mozambique Ibadan Kano Botswana Lagos Port Harcourt Sénégal Dakar Touba Swaziland Somalie Mogadiscio Afrique du Sud Le Cap Lesotho Durban Afrique Johannesburg du Sud Pretoria Tanzanie Dar es Salaam Zambie Lusaka 29 Ouvrir les Villes Africaines au Monde Bibliographie Angel, Shlomo, Jason Parent, Daniel L. 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