Évaluation de la Pauvreté en Tunisie 2015 Mars 2016 Unité Pauvreté dans le Monde Afrique du Nord et Moyen Orient Département Maghreb Directrice en Chef : Ana Revenga Directeur-Pays : Marie Françoise Marie-Nelly Directeur Département : Benu Bidani Chef de l’Equipe en Charge du Projet : Jose Cuesta Remerciements La Banque Mondiale a vivement apprécié de collaborer avec le gouvernement tunisien (Institut National de la Statistique) pour la préparation du présent rapport. L'équipe principale qui a travaillé à l'élaboration de ce rapport était composée de : Jose Cuesta (Economiste en chef, GPVDR), Gabriel Lara Ibarra (Economiste, GPVDR), Abdoul Barry (Consultant, GPVDR), Laura Maratou-Kolias (Consultante, GWASP) et Abdel Rahman El-Laga (Consultant externe). D’autres contributions ont permis d’enrichir la discussion et aidé à la préparation et à la révision des chapitres, notamment lors des phases antérieures de la recherche : l'équipe a recueilli des commentaires et des conseils en relation avec la note de réflexion, les ébauches de documents, les chapitres et les présentations, notamment de la part de : Ana Revenga (Directrice Prrincipale, GPVDR), Benu Bidani (Gestionnaire Spécialisé , GPVDR), Christina Malmberg-Calvo (Ancienne Gestionnaire Spécialisé, GPVDR et actuellement Gestionnaire Pays, AFMUG), Eileen Murray (Gestionnaire Pays, MNCTN), Simon Gray (Ancien Directeur Pays et actuellement Directeur, BSPGR), Jean-Luc Bernasconi (Economiste Principal, GMFDR), Nobou Yoshida (Economiste en Chef, GPVDR), Sergio Olivieri (Economiste en Chef, GPVDR), Thomas Walker (GSPDR), Michael Weber (GCJDR), Esther Loening (Spécialiste, GSUOA), Heba Elgazzar (Economiste en Chef, GSPDR), Emmanuel Skoufias (Economiste Principal, GPVDR), Laura Maratou-Kolias (Consultante, GWASP). Nous remercions tout particulièrement Daniela Marotta (Economiste en Chef, OPSPQ), ancienne TTL de cette évaluation de la pauvreté. Table des Matières Abréviations .................................................................................................................................................. 8 Résumé Analytique : Messages Clés ............................................................................................................. 9 1. La croissance en Tunisie a contribué à réduire la pauvreté en Tunisie sans réduire les inégalités. ............................................................................................................................................................ 10 2. Les profils des pauvres et des 40% les plus pauvres n’ont pas changé durant la dernière décennie malgré une croissance soutenue et des évènements sociopolitiques spectaculaires. ...................... 11 4. L’égalité des chances en Tunisie est loin d'être impeccable, avec des écarts en matière d'éducation et une géographie encore responsable de décalages injustes dans l'accès de certains citoyens à des opportunités de base. ................................................................................................. 14 5. Des réductions plus audacieuses dans les subventions énergétiques régressives actuelles combinées à des compensations mieux ciblées constitueront un grand pas vers la réduction de la pauvreté et des disparités .................................................................................................................. 15 6. Des interventions multiples intégrant des investissements en matière d’eau, d'assainissement, de services de santé et de sécurité alimentaire auront des effets positifs sur la nutrition infantiles – une manifestation clé de bien-être multidimensionnel – mais ces interventions doivent cibler des groupes et des emplacements spécifiques de la population pour être plus efficaces. ...................... 16 7. L’analyse de la pauvreté et des inégalités en Tunisie pourrait s’améliorer grâce à une meilleure intégration de et un meilleur accès à la collecte de données. ........................................................... 17 I : CONTEXTE TUNISIEN : QUE SAIT-ON DE LA CROISSANCE FAVORABLE AUX PAUVRES EN TUNISIE ? ..... 18 Chapitre 1 : Introduction......................................................................................................................... 18 1.1 Le Point de Départ : Une Révolution qui a pris le monde entier de court.................................... 18 1.2 Pas aussi surprenant que cela, après tout : mise à profit (tardive) des leçons du passé ............. 18 1.3 Le Paradoxe Tunisien : Une croissance favorable aux pauvres avec une inclusion limitée .......... 21 1.4 Le compromis difficile : bouleversement économique radical versus stabilité sociale ................ 22 Chapitre 2 : Pauvreté, Inégalités et Croissance en Tunisie ..................................................................... 29 2.1 Du côté des bonnes nouvelles : une croissance favorable aux pauvres entre 1980 et 2010 ....... 29 2.2 Au-delà de la croissance et de la réduction de la pauvreté : les inégalités entre groupes et les disparités régionales ........................................................................................................................... 32 4.1 Les Projections de la pauvreté ...................................................................................................... 38 4.2 Imputation de données d’enquête à enquête .............................................................................. 44 Chapitre 3. Qui sont les pauvres et les 40% qui représentent le bas de l’échelle ? ............................... 53 3.2. Un profil de la pauvreté plus englobant et mieux mis à jour...................................................... 55 3.3. Les profils de 2005 et de 2010 revisités ....................................................................................... 55 3.4. Profil de la pauvreté mis à jour de l’après la Révolution ............................................................. 62 3.5. Qui sont ces 40 pour cent du bas de la population : (b40) ? ....................................................... 64 Chapitre 4 : La vulnérabilité à la pauvreté a-t-elle augmenté en Tunisie ? ............................................ 69 4.1. Définir la vulnérabilité à la pauvreté : la notion simple de « robustesse » face à la pauvreté (monétaire) ......................................................................................................................................... 69 4.2 Le vulnérabilité en tant que probabilité de devenir pauvre ......................................................... 72 6.3 La vulnérabilité à la pauvreté en tant que « mobilité au niveau de la pauvreté .......................... 74 Chapitre 5 : La Tunisie est –elle une société basée sur l’égalité des opportunités ................................ 82 5.1 Dans quelle mesure la Tunisie offre-t-elle des opportunités équivalentes à ses citoyens ? ........ 82 5.2 Qu’est-ce qui est à l’origine de l’inégalité des opportunités en Tunisie ....................................... 90 5.3 Inégalités des chances et pauvreté en Tunisie ............................................................................. 92 III. POLITIQUES, PAUVRETE ET DISTRIBUTION EN TUNISIE ....................................................................... 100 Chapitre 6 : La réforme des subventions énergétiques peuvent-elles remédier à la pauvreté et aux inégalités en Tunisie ? ........................................................................................................................... 100 6.1 Les subventions énergétiques en Tunisie ................................................................................... 100 6.2 Simulation des Impacts de Distribution d'une réforme de Réduction des Subventions ............ 112 Chapitre 7 : Comment Améliorer la Pauvreté Multidimensionnelle : Le cas de la Malnutrition Infantile. .............................................................................................................................................................. 119 7.1 Lier de Multiples Interventions Publiques au Bien-être Non-Monétaire en Tunisie .................. 119 7.2 Estimation de l'impact des Interventions sur la Nutrition en Tunisie......................................... 125 7.3 Quelles synergies de politiques sont plus susceptibles d'améliorer la nutrition en Tunisie ?.... 127 Annexe 1 : Mesure de la Pauvreté en Tunisie....................................................................................... 132 Annexe 2: Modeler la Consommation en Tunisie ................................................................................. 135 Annexe 3 : T-Tests des Profils de Pauvreté ........................................................................................... 138 Annexe 4 : Profil de Pauvreté de 2009 ................................................................................................. 140 Annexe 5 : Mobilité de Consommation en Tunisie ............................................................................... 142 Annexe 6 : HOI et Incidence de la Pauvreté en Tunisie ........................................................................ 146 Annexe 7 : Consommation d'Energie en Tunisie .................................................................................. 149 Annexe 8 : Impacts de la Réforme de la Subvention Energétique........................................................ 153 Annexe 9 : Accès et Adéquation à l'Eau et aux Services d'Assainissement en Tunisie ......................... 154 Références ............................................................................................................................................ 159 Figures Figure 1. Croissance du PIB et Tendances de la Pauvreté, 1980–2010 ...................................................... 31 Figure 2. Courbes d'incidence de la croissance, 1980-2000 ....................................................................... 34 Figure 3. Courbe d’incidence de la croissance de la consommation totale des ménages par tête, 2005–10 .................................................................................................................................................................... 34 Figure 4. Représentation graphique des simulations de la pauvreté ........................................................... 41 Figure 5. Taux de pauvreté projetés d’après la Révolution ........................................................................ 43 Figure 6. Taux de pauvreté officiels et projetés : tendances de la pauvreté et de la pauvreté extrême, 2000–2012 .................................................................................................................................................. 44 Figure 7. Les phases majeures de l’imputation enquête-à-enquête............................................................. 50 Figure 8. Profils des pauvres et non pauvres, 2005 - 2010 ......................................................................... 59 Figure 9. Profils de 2012 pour pauvres et non pauvres ............................................................................... 64 Figure 10. Profil de 2012 pour les pauvres et les 40% du bas de la population.......................................... 66 Figure 11. La vulnérabilité à la pauvreté potentielle en Tunisie, 2005 et 2010 .......................................... 73 Figure 12. Les changements de l’incidence de la pauvreté, 2005 – 2010, par des cohortes d’âge et de sexe. .................................................................................................................................................................... 78 Figure 13. Les changements prédits de la pauvreté entre 2005 et 2010 par les taux initiaux de pauvreté pour les cohortes de type « pseudo-panel ». ............................................................................................... 79 Figure 14. Couverture et Indice d’opportunités humaines pour les opportunités ayant trait à l’éducation, l’eau et l’assainissement en Tunisie. ........................................................................................................... 87 Figure 14. L’inégalité des chances en Tunisie : une perspective internationale ......................................... 89 Figure 15. Contribution relative des circonstances aux inégalités des chances en Tunisie (en pourcentage sur l’inégalité totale parmi les groupes de la population.) .......................................................................... 92 Figure 16. L’incidence de la pauvreté parmi les groupes de population les plus désavantagés et les plus avantagés en Tunisie, 2005 - 12 .................................................................................................................. 94 Figure 17. Pauvreté, opportunités et occupation professionnelle en Tunisie, 2005-12 .............................. 97 Figure 18. Evolution des Subventions par Type, 2005-13 ........................................................................ 101 Figure 19. Impact des Réformes sur les Dépenses des Ménages .............................................................. 115 Encadré 12. Nutrition Infantile en Tunisie................................................................................................ 120 Figure 20. Interventions Multisectorielles Intégrées pour une Bonne Nutrition Infantile ........................ 122 Figure A2.1. Consommation Réelle et Estimée, Affectation d'Erreur Spécifique au Décile .................... 137 Figure A2.2. Consommation Réelle et Estimée, Affectation d'Erreur Aléatoire ...................................... 137 Figure A7.1. Dépenses en Energie des Ménages (DT) ............................................................................. 152 Figure A7.2. Dépenses en Energie Per Capita (DT) ................................................................................. 152 Tableaux Tableau 1. Incidence de la Pauvreté Extrême en Tunisie, 1980-2000 ........................................................ 29 Tableau 2. Incidence de la Pauvreté en Tunisie, par Strate et Région, 2000–2012 .................................... 30 Tableau 3. Contribution de la croissance et de la redistribution dans la réduction de la pauvreté en Tunisie (1980-2010).................................................................................................................................... 33 Tableau 3. Coefficients de Gini, 2000-2010 ............................................................................................... 36 Tableau 4. Inégalités inter et intra-régionales ............................................................................................. 36 Tableau 5. Consommation Agrégée par Tête et par Région, Prix 2005 en DT .......................................... 37 Tableau 6. Pauvreté en 2010 : incidence et facteurs contributifs ................ Error! Bookmark not defined. Tableau 7. Taux de pauvreté projetés, 2011–12 ......................................................................................... 43 Tableau 7- Imputation d’enquête-à-enquête des données sur la pauvreté en Tunisie basés sur la consommation ............................................................................................................................................. 52 Tableau 8. Pauvreté et les 40 pour cent du bas, 2005 - 2012 ...................................................................... 60 Tableau 9. Contrôle de robustesse pour des lignes alternatives de pauvreté, 2010 .................................... 71 Tableau 10. Les facteurs déterminants dans les changements d’incidence de la pauvreté en Tunisie........ 80 Tableau 11. Définition des opportunités et des circonstances pour une analyse de l’égalité des opportunités en Tunisie. .............................................................................................................................. 85 Tableau 12. Structure Tarifaire de l'électricité pour les Consommateurs Résidentiels de Basse Tension 104 Tableau 13. Répartition des Tranches de Consommation Mensuelle d'électricité par Quintile ............... 105 Tableau 14. Consommation et Dépenses (DT) par habitant (quantité) d'Energie Subventionnée ............ 105 Tableau 15. Composition des Subventions Énergétiques Reçues par les Consommateurs résidentiels ... 108 Tableau 16. Avantages d'une subvention énergie par habitant, en DT ..................................................... 109 Tableau 17. Bénéfices des Subventions Énergétiques en Pourcentage des Dépenses Totales des Ménages .................................................................................................................................................................. 110 Tableau 18. Impact de la Réforme sur les Dépenses Totales par Habitant (par source d'énergie et quintile de consommation, en DT), Effets Totaux ................................................................................................. 114 Tableau 19. Impacts de la Réforme Energétique sur la Pauvreté et les Inégalités .................................... 115 Tableau 20. Économies des Subventions Énergétiques issues de la Réforme (par source et quintile de consommation, en DT).............................................................................................................................. 116 Tableau 21. Impacts Simulés sur la Pauvreté et les Inégalités des Mécanismes Compensatoires après la Réforme des Subventions Énergétiques .................................................................................................... 117 Tableau 22. Définition du WASH et Autres Adéquations du Statut Nutritionnel Infantile...................... 122 Tableau 23. Effets des adéquations en Alimentation, Santé, WASH, et Soins sur la Nutrition Infantile en Tunisie, 2011-12 ....................................................................................................................................... 128 Tableau 24. Effets des adéquations en Alimentation, Santé, WASH, et Soins sur la Nutrition Infantile en Tunisie, 2011-12 ....................................................................................................................................... 130 Tableau A1.1. Seuils de la Pauvreté en Tunisie ........................................................................................ 133 Tableau A1.2. Part Estimée de la Composante Alimentaire du Seuil de Pauvreté par Strate................... 134 Tableau A1.3. Seuils de Pauvreté en Tunisie par Strate, à la Limite Inférieure et Supérieure ................. 134 Tableau A2.1. Modèle de Consommation Utilisé pour la Prévision......................................................... 135 Tableau A3.1. Tests Moyens d'Ecart Statistique, Pauvres versus Non-pauvres, 2005-12 ........................ 138 Tableau A4.1. Pauvreté et Profils des 40 pour cent Inférieurs, 2005-12 .................................................. 140 Tableau A5.1. Synthèse Statistique........................................................................................................... 142 Tableau A5.2. Estimations de la Mobilité de la Consommation en Dépendance Temporelle en Tunisie 144 Tableau A7.1. Consommation totale d'énergie résidentielle, par source et Quintiles de consommation des ménages .................................................................................................................................................... 150 Tableau A7.2. Consommation d'Energie Subventionnée Par Habitant et Par Ménage, en Quantité ........ 151 Tableau 8.1. Impact de la Réforme sur les Dépenses Totales par Habitant (par source d'énergie et quintile de consommation, en DT) ......................................................................................................................... 153 Tableau A9.1. UNICEF 2011-12 Enquête à Indicateurs Multiples .......................................................... 154 Tableau A9.2. Profils WASH : Incidence de l'Adéquation de l'Eau et des Services d'Assainissement par Groupes (%) .............................................................................................................................................. 156 Tableau A9.3. Effets des adéquations en Alimentation, Santé, WASH, et Soins sur la Nutrition Infantile en Tunisie, 2011-12 (définition d'accès WASH adéquat 3) ...................................................................... 157 Encadrés Encadré 1 : L’Insuffisance des Données Nécessaires à l’Analyse de la Pauvreté en Tunisie ............. Error! Bookmark not defined. Encadré 2 : Les dernières informations disponibles pour projeter les estimations de la pauvreté .............. 39 Encadré 3. Modélisation de la consommation utilisant des données de l’ ENBCV et l’ ENPE tunisiens 46 Encadré 4. Définir et mesurer la vulnérabilité à la pauvreté ....................................................................... 69 Encadré 5. Appréhender la mobilité au niveau de la pauvreté .................................................................... 75 Encadré 6. Construire le HOI..................................................................................................................... 83 Encadré 7. Accroître l'analyse de l'égalité des chances au travail .............................................................. 98 Encadré 8. Évolution des subventions énergétiques en Tunisie ............................................................... 101 Encadré 9. Estimation des Parts des Prix Subventionnés ......................................................................... 107 Encadré 10. Existent-ils d'autres Bénéfices Publics Pro-Riches et Régressifs en Tunisie ? ..................... 110 Encadré 11. Simulations de la Distribution des Réformes des Subventions Énergétiques ....................... 113 Abréviations ADB Banque Africaine de Développement B40 40% les plus pauvres EGC Équilibre Général Calculable CPP Cadre de Partenariat Pays IPC Indice des Prix à la Consommation EDS Enquête Démographique et de Santé ENBCV Enquête Nationale sur le Budget, la Consommation et le Niveau de Vie des Ménages ENPE Enquête Nationale sur la Population et l’Emploi EU Union Européenne FAO Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture PIB Produit Intérieur Brut CICs Courbes d'Incidence de la Croissance Ha Hectare HAZ Indice Taille pour Age (score HAZ) IOH Indice d'Opportunité Humain I/O Input/output IFPRI Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires FMI Fonds Monétaire International INS Institut National de la Statistique Kwh Kilowatt-heure GPL Gaz de Pétrole Liquéfié OMDs Objectifs du Millénaire pour le Développement MENA Afrique du Nord et Moyen Orient EGIM Enquête par Grappes à Indicateurs Multiples NP Non pauvres MCO Moindre Carré Ordinaire P Pauvres PNAFN Programme National d’Aide aux Familles Nécessiteuses Pp Points de Pourcentage PPP Parité du Pouvoir d'Achat DSC Diagnostic Systématique du Pays ET Ecart Type DT Dinar Tunisien UNICEF Fonds des Nations Unies pour l'Enfance USAID Agence des États-Unis pour le Développement International WASH Eau, Assainissement et Hygiène Résumé Analytique : Messages Clés La Tunisie émerge aujourd'hui comme la seule Success Story des révolutions du Printemps Arabe qui ont balayé le monde Arabe il y a cinq ans. Pourtant, les défis économiques, politiques, sociaux et sécuritaires de fond demeurent, empêchant une véritable matérialisation des demandes des Tunisiens en matière de croissance inclusive, de bonne gouvernance et de développement durable. Ce rapport est destiné à aider à répondre à ces demandes en fournissant au Gouvernement Tunisien et aux intervenants civils des données nouvelles et utiles sur les liens entre la pauvreté, les inégalités, les vulnérabilités, les opportunités et les alternatives politiques spécifiques. Le point de démarrage est la Révolution du Jasmin en Tunisie qui a pris le monde entier de court. Elle s'est déclenchée dans un pays qui, pendant près de 10 ans, a affiché un taux de croissance annuelle de 4,5% et qui s'est bien débrouillé pour diviser l'incidence de la pauvreté par 2, la faisant passer de 35% à 16% en une décennie. Le pays a pu atteindre de remarquables résultats en termes de développement social, allant de l'universalisation de l'accès à l'électricité et à l'enseignement primaire jusqu’à la réduction substantielle de la malnutrition, de la mortalité infantile et de la mortalité maternelle. Les observateurs locaux et internationaux s’accordent à dire que le pays a remarquablement réussi à réduire la pauvreté. Toutes ces réalisations n'ont pas empêché l'éclatement d'une Révolution et de multiples défis freinent encore les aspirations des citoyens. Loin d’essayer d’expliquer pourquoi une révolution s’est déclenchée en Tunisie (question déjà traitée ailleurs en profondeur, voir par exemple Banque Mondiale 2014a), cette Evaluation de la Pauvreté cherche à apprendre des périodes de l’avant et après révolution en vue d’éviter la reproduction des erreurs passées à l’avenir. Plus précisément, cette évaluation offrira aux Tunisiens un diagnostic plus détaillé et actualisé de la pauvreté, des disparités régionales, des tendances au fil du temps et des liens solides entre la pauvreté, les inégalités, les opportunités et la vulnérabilité. Au-delà des statistiques, ce rapport fournira également une explication sombre mais plus objective du développement socioéconomique du pays, qui nous l'espérons viendra compléter les efforts du Gouvernement Tunisien dans l’élaboration et la mise en œuvre de son plan de développement stratégique. La présente Evaluation de la Pauvreté s'intéresse à sonder dans quelle mesure la croissance a-t-elle réellement été favorable aux pauvres et de quelle façon a-t-elle contribué à réduire les inégalités et à renforcer l'inclusion sociale. Les réponses à ces questions pourraient faire toute la lumière sur les perspectives d'un avenir plus prospère pour la société tunisienne si des changements de fond sont introduits sur le modèle socioéconomique. Pour approfondir la compréhension de cette situation, cette évaluation se propose de porter un regard neuf sur la pauvreté et les inégalités qui pèsent sur le pays, en mettant l'accent sur la pauvreté et les inégalités au fil du temps, en étendant la période d’analyse actuelle au-delà de 2010, dernière année pour les statistiques officielles sur la pauvreté. En outre, l’analyse d’Evaluation de la Pauvreté englobe une analyse de l’après 2010 ; allant également au-delà de l’analyse monétaire de la pauvreté pour évoluer vers des concepts plus larges impliquant les notions de vulnérabilité et d'inégalité des chances, notamment par la consolidation des instruments classiques, en leur associant des outils plus sophistiqués de mesure de la pauvreté, tels que l’analyse des dynamiques et la simulation des retombées de quelques unes des réformes politiques engagées, et ce pour la première fois en Tunisie. Les principaux résultats de l'analyse sont structurés en un ensemble de questions spécifiques. 1. La croissance en Tunisie a contribué à réduire la pauvreté en Tunisie sans réduire les inégalités. Certes, le développement d'un secteur orienté vers l’exportation nécessitant une main-d'œuvre abondante (y compris les femmes peu qualifiées), tel que l’industrie textile et l’habillement; l'expansion de l'industrie du tourisme; le contrôle de l'inflation; l'augmentation des investissements dans l'agriculture en milieu rural; et les subventions alimentaires généreuses qui facilitent et incitent à l'augmentation de la production agricole ont tous contribué à l'augmentation du niveau de vie des Tunisiens tout en augmentant la croissance économique. D'autres interventions ont été mises en œuvre, qui visaient également, selon certaines sources, à réduire la pauvreté : l'augmentation du salaire minimum ; d'importants investissements dans le capital humain (y compris l'éducation) et les programmes de contrôle des naissances ; des programmes de développement rural qui ont élargi les infrastructures, les routes, l'approvisionnement en eau et l'assainissement ; les subventions énergétiques généreuses – bien que mal ciblées - ; et des programmes de microcrédit. Depuis le milieu des années 1980, une pléthore de programmes d'aide sociale, de fonds pour la création d'emplois, de programmes de formation, et de fonds d'investissement social ont tous été lancés au profit des pauvres. Cependant, plusieurs caractéristiques fondamentales du modèle économique tunisien ont été derrière l’incapacité de ce modèle à garantir une plus grande productivité économique et une meilleure inclusion sociale. La politique d'investissement a longtemps reposé sur un traitement distinctif, selon que l'on soit entreprise exportatrice (off-shore) ou entreprise domestique (on- shore). Cela s’est traduit par l’augmentation des importations de produits intermédiaires (exonérés et de haute qualité), la baisse de la création d’emplois, une faible demande pour les travailleurs hautement qualifiés et des salaires bas. Les incitations proposées pour attirer les investissements et favoriser la création d'emplois ont largement été concentrées dans les secteurs qui ne sont pas à forte intensité de main d'œuvre, généralement localisés dans les régions côtières, aggravant davantage les disparités régionales. Les secteurs vitaux de l'économie ont été mis en difficulté par des politiques réglementaires excessives, ce qui a ouvert la voie à l’apparition d’un système de rente. La viabilité du système financier est menacée, en raison du manque de concurrence et de la défaillance du portefeuille. En termes de politiques l'emploi, il y a lieu de noter que la Tunisie déplore l'absence d'un système de sécurité sociale solide et d'une assurance-chômage efficace. La protection des travailleurs est assurée par des contrats d'embauche aux dispositions strictes, favorisant le recrutement à durée indéterminée. Des contrats à plus grande flexibilité, introduits au début des années 2000, ont ravivé les investissements dans les activités à faible valeur ajoutée et la création d'emplois peu qualifiés et informels, par opposition aux emplois hautement qualifiés. Les politiques agricoles se sont soldées par le détournement de la production des cultures à forte intensité de main d'œuvre dans les régions intérieures vers celles des régions côtières du Nord, où le pays est moins compétitif. Enfin, plusieurs ressources initialement prévues pour améliorer le bien-être des citoyens se sont volatilisées et ont été redistribuées via les réseaux clientélistes du parti au pouvoir. Comme récemment démontré par la Banque Mondiale (2014a), nombreux ont été ceux qui voyaient en la politique sociale l’instrument de pouvoir et de contrôle dont se servait le régime pour dissuader l'émergence d'un système démocratique. Plusieurs Tunisiens ont dû accepter le manque de libertés politiques, comme prix à payer pour le développement socioéconomique et le bien-être. Les tendances des conditions de vie soulèvent, dans une certaine mesure, des questions en relation avec la nature de la croissance favorable aux pauvres et ses capacités à réduire les inégalités. Par ailleurs, les données révélées par les exercices de décomposition de la réduction de la pauvreté relient fortement ces réalisations à la croissance. Les courbes d'incidence de la croissance montrent que la consommation de la plupart des ménages tunisiens a tiré profit de la croissance économique, y compris chez les segments pauvres, dont la consommation a augmenté à un rythme plus élevé que celui des segments riches. Le coefficient de Gini qui sert à mesurer les inégalités monétaires a, lui aussi, baissé pour la plupart des périodes pour lesquelles des données sont disponibles, et entre 2000 et 2010, dans toutes les régions du pays. D’un autre côté, la réduction des inégalités entre les régions n'a été ni uniforme, ni de grande envergure. Alors que les conditions de vie d’individus appartenant à la même région étaient comparables, les conditions de vie d’individus appartenant à des régions différentes étaient complètement divergentes. Les chiffres les plus récents sur la pauvreté – basés sur des simulations et des projections - donnent à voir que les taux de pauvreté ont augmenté en 2011, tout de suite après la Révolution. Ils ont ensuite reculé, en 2012. L'impact de la Révolution de 2011 sur la pauvreté a oscillé entre 0,9 et 2,2 points de pourcentage, selon les hypothèses retenues dans la projection des taux de pauvreté d'après la Révolution. La reprise du PIB et de l'emploi, enregistrée en 2012, a permis d'atténuer l'exacerbation de la pauvreté de l'année d'avant. Grosso modo, les taux de pauvreté estimés de 2012 sont légèrement inférieurs à ceux de 2011. Les taux de pauvreté extrême projetés pour 2010 et 2012 suggèrent des tendances similaires. Dans l'ensemble, les projections ont été confirmées par la méthodologie alternative d'imputation de données manquantes entre enquêtes. L'imputation de données manquantes entre enquêtes donne à voir que les taux de pauvreté en 2012 se sont situés entre 1,1 et 2,2 points de pourcentage au-dessus des niveaux estimés pour 2010, en fonction des hypothèses retenues pour l’imputation de données entre les enquêtes (voir Figure a) Figure a : Tendances de la Pauvreté et de l’Extrême Pauvreté, 2000-2012 Source : Estimations du staff de la Banque Mondiale et INS, BAD et Banque Mondiale (2012) 2. Les profils des pauvres et des 40% les plus pauvres n’ont pas changé durant la dernière décennie malgré une croissance soutenue et des évènements sociopolitiques spectaculaires. Les profils de pauvreté les plus récents sont très similaires à ceux d'avant la Révolution. En effet, les profils de 2012 ne donnent pas à voir des changements substantiels comparativement à ceux de 2010, en termes de données démographiques, de lieux de résidence, d'emploi, d'accès aux services et de possession d'actifs. En 2012, les pauvres ont continué à vivre dans des logements surpeuplés, comparativement aux non pauvres. La part de pauvres vivant en milieu rural a dépassé de loin celle de pauvres vivant en milieu urbain. En 2012, les pauvres sont concentrés dans la région de l'Ouest du pays (60%), où ne vivent que 25% seulement des non pauvres. La proportion de pauvres au chômage était 3,5 fois plus élevée que celle des non pauvres au chômage et le secteur d’activité et la profession du chef de famille importent encore beaucoup dans l’explication du profil de pauvreté du ménage. Des écarts en matière d’accès aux services de base et à la propriété ont également été relevés entre les pauvres et les non-pauvres au cours des années analysées. Le groupe B40 se compose de tous les pauvres et d'une proportion non négligeable de non pauvres. De par la composition même de ce groupe, son profil socioéconomique se situe entre celui des pauvres et celui des non pauvres. Mais il importe de noter que le profil des B40 s'approche davantage de celui des pauvres, et ce pour de multiples raisons (voir Figure b). Dans les régions de l'Ouest, la concentration géographique des pauvres et celle des ménages appartenant au B40 sont similaires (en 2012, 60% des pauvres et 50% des B40 vivent dans ces régions) et en contraste avec la concentration des non pauvres (seulement 25%). En ce qui concerne l'emploi, la distribution des secteurs entre pauvres et B40 est presque similaire (le tiers des chefs de familles actifs, pour chaque catégorie). Tel est également le cas de toutes les catégories professionnelles dont il a été tenu compte dans cette analyse. En ce qui concerne les services de base, les chiffres décrivant l'accès à l'eau de robinet, aux services d'assainissement et la disponibilité de toilettes équipées de chasses chez les ménages B40 sont beaucoup plus similaires à ceux des pauvres plutôt qu'à ceux des non pauvres. Ce même rapprochement en pourcentage de population entre pauvres et B40 a été observé en 2005, en 2010 et en 2012. D'autres données donnent à croire que des changements substantiels sont survenus au niveau des profils des ménages B40 en 2005, en 2010 et en 2012. Il convient de noter que, de par la nature de quelques unes des caractéristiques retenues dans la composition d’un profil (données démographiques ou niveau d'instruction, par exemple), de la période de temps relativement courte (2 ans) après 2010 et des problèmes d'ordre technique survenus en relation avec la méthode d'imputation de données qui a servi à identifier les pauvres en 2012, de petites variations peuvent survenir au niveau des estimations, au fil du temps. Figure b : Profil 2012 pour les Pauvres et la Population B40 Source : Estimations du staff de la Banque Mondiale en utilisant l’ENBCV 2010 et l’ENPE 2012. 3. La vulnérabilité demeure élevée en Tunisie, ce qui implique que plusieurs non-pauvres risquent de tomber dans la pauvreté. A la lumière des imputations de données de consommation entre enquêtes, il ressort que la vulnérabilité à la pauvreté en Tunisie, telle qu'elle a été estimée pour 2005 et 2010, est la probabilité d'un ménage de devenir pauvre compte tenu de ses caractéristiques sociodémographiques, de son lieu de résidence, de la situation professionnelle de son chef, de l'accès qu'il a aux services de base et de la possession d'actifs. Les résultats de 2010 ont d'abord montré qu'un choc, de quelque nature qu'il soit, à même de réduire la consommation par tête de 5% (soit de 41 DT et de 64 DT, respectivement, que l'on soit en milieu non communal ou en ville) est susceptible d’augmenter la pauvreté de 2,3 points de pourcentage. Les chocs qui réduisent la consommation par tête de 20% sont susceptibles d’accroître les niveaux de pauvreté de près de 10 points de pourcentage. Alternativement, faisant fond sur une définition communément acceptée au niveau international, selon laquelle un ménage vulnérable est un ménage non pauvre dont la probabilité de basculer dans la pauvreté est de 10% ou plus (Lopez- Calva et Ortiz-Juarez, 2014), les résultats de la Tunisie donnent à voir que 56% de la population en 2005 et 46% en 2010 ont été considérés comme vulnérables. Par conséquent, 21% des ménages tunisiens en 2005 et 39% en 2010 pouvaient être considérés économiquement à l’abri, selon les seuils définis par Lopez-Calva et Ortiz-Juarez (2014). En outre, une analyse de cohortes - groupes de personnes du même âge et de même sexe, généralement utilisé pour comprendre les dynamiques de la pauvreté - confirme que la plupart des cohortes ont vu leur incidence de pauvreté baisser entre 2005 et 2010, y compris ceux ayant des niveaux initialement élevés de pauvreté. Ainsi, la réduction de la pauvreté a été une tendance généralisée qui a également inclus les segments les plus pauvres de la population. Mais, fait intéressant, les autres segments – cohortes – de la population ont également bénéficié de la réduction de la pauvreté. Dans l'ensemble, les conditions initiales de pauvreté et l'éducation et l'âge du chef de ménage se trouvent être les déterminants les plus importants de réduction de la pauvreté à travers les cohortes en Tunisie, alors que les conditions de travail et la richesse ne fournissent pas de contributions supplémentaires pour réduire la pauvreté au fil du temps. Cette grande vulnérabilité, la pauvreté croissante et les disparités régionales contribuent vraisemblablement à la détérioration du bien-être subjectif et de la satisfaction de la vie. Même avant la Révolution, une proportion croissante, 30%, de la population a déclaré être malheureuse, dépassant largement la proportion de personnes pauvres dans le pays. Cette mesure de bien-être subjectif a pratiquement empiré après la Révolution, atteignant des niveaux proches de 40% en 2012 et pourrait même être plus importante aujourd'hui en raison des changements dans la perception de la stabilité politique et économique, de la sécurité publique, de la qualité des services publics, de la corruption ou de la qualité des emplois disponibles dans l'économie, pour ne citer que quelques exemples. 4. L’égalité des chances en Tunisie est loin d'être impeccable, avec des écarts en matière d'éducation et une géographie encore responsable de décalages injustes dans l'accès de certains citoyens à des opportunités de base. Les conditions dans lesquelles un individu est né et dont il n'est pas directement responsable sont encore déterminantes en Tunisie, ce qui affecte injustement les chances de chaque enfant à accéder aux principaux services de base, nécessaires à une vie décente. L'inégalité des chances est caractéristique de la Tunisie d'aujourd'hui. L'ampleur de l'inégalité des chances dépend d'une opportunité à une autre. L’inégalité des chances sévit remarquablement lorsqu’il s’agit de s’inscrire à l’école (même si l’accès est universel) ou de la commencer à l’âge normal. Outre la scolarisation et l’accès à l’eau, le problème de l’inégalité des chances frappe de plus en plus l’accès aux réseaux d’assainissement. En matière d’inégalité des chances dans sa relation avec l’accès à de tels services (eau et assainissement), la Tunisie se situe loin derrière les pays les mieux performants de la Région MENA. Elle est plutôt comparable aux pays d’Amérique Latine et seulement meilleure que la plupart d’autres pays africains. Remédier à l'inégalité des chances est une composante clé de la réduction de la pauvreté. Les circonstances peuvent également exacerber la vulnérabilité des individus et les faire basculer dans la pauvreté, outre que de les priver de l’accès à certains services. Aujourd'hui, des facteurs autres que le talent et l'effort peuvent être derrière le risque qu'on devienne pauvre et qu'on le reste. Les 10 groupes de population les plus désavantagés affichent une incidence de pauvreté beaucoup plus élevée que la moyenne nationale : par exemple, les taux de pauvreté des ménages vivant dans l'Ouest du pays, dont le chef est un jeune, homme ou femme, avec un faible niveau d'instruction sont trois fois plus élevés que la moyenne nationale. Indépendamment du choix de l’opportunité analysée, le niveau d'instruction du chef de famille, le lieu de résidence (urbain/rural), la région et les ressources sont autant de facteurs pertinents, à même d'expliquer l'inégalité des chances en Tunisie. Conjugués les uns aux autres, ils comptent pour entre 75% à 90% dans le total des différences caractéristiques de l’éventail d’opportunités qui se présentent à tous les groupes de population (voir Figure c). Il y a lieu de noter que les circonstances inhérentes au travail ne semblent avoir d'impact sur l'inégalité des chances. Les changements de situation professionnelle, survenus entre 2005 et 2012 ne sont pas allés de pair avec les tendances observées de la pauvreté, et ce pour la plupart des groupes de population analysés. D'autres facteurs comme l'âge, le genre, le niveau d'instruction, l’expérience acquise, le degré de discrimination selon le sexe et les compétences, sont autant d’aspects importants du marché du travail. De ce fait, il n'est pas possible de conclure que le travail n'intervient pas dans la création et le maintien des inégalités des chances. La situation professionnelle du chef de famille, à elle seule, ne semble pas interférer considérablement dans l'inégalité des chances d'accès aux services de base, lorsque les autres aspects sont pris en compte. Figure c. Contribution Relatives des Circonstances aux Chances Inégales en Tunisie (en tant que pourcentage des inégalités totales parmi les groupes de population) 100 6.9 90 26.1 24.4 80 35.9 32.7 42.6 49.7 70 13.4 15.9 60 14.8 50 22.5 24.5 17.4 15.6 40 23.2 14.1 30 7.9 8.2 10.2 10.2 6.4 7.3 20 5.8 6.6 10 7.0 0 2.3 Attending School Started school Finish 6 yrs Water piped to Sanitation Flush toilet to on time premises piped sewer Gender Wealth Family Char Head - Education Head - Public Worker Region Rural Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale 5. Des réductions plus audacieuses dans les subventions énergétiques régressives actuelles combinées à des compensations mieux ciblées constitueront un grand pas vers la réduction de la pauvreté et des disparités Selon les sources officielles, les subventions représentent 7% du PIB, dont les deux tiers vont à l'énergie. L'actuelle structure différenciée des prix de l'électricité domestique est progressive. Les prix non différenciés de l'essence, du diesel et du GPL sont régressifs et favorables aux riches. Des estimations plus précises donnent à voir que toutes les subventions sont régressives et favorables aux riches : les subventions à l'essence et au diesel étant les plus régressives et les subventions au GPL et à l'électricité étant les plus favorables aux riches. Dans ce contexte, une hausse des prix à la consommation de l'électricité et une levée intégrale des subventions aux autres sources d'énergies pourrait, dans l'immédiat et en l'absence de toute réponse comportementale de la part des consommateurs, accroître la pauvreté de 2,5 points de pourcentage. Les mécanismes de compensation ‘’faciles’’, universels ou en référence aux structures actuelles, ne permettront de réaliser des réductions substantielles de la pauvreté que si les 817,5 millions de dinars épargnés des subventions soient entièrement réaffectés à l’éradication de la pauvreté (voir Tableau a). Des ciblages plus précis et moins coûteux pourraient diminuer l'incidence de la pauvreté de 5 points de pourcentage. Ce scénario idéal pourrait impliquer une compression des inégalités en des temps plus courts et une réduction substantielle de la pauvreté, sans pour autant l’éradiquer complètement. La Tunisie ne dispose pas encore d'un système idéal de ciblage, avec des listes exhaustives et actualisées des bénéficiaires et des coûts de transactions comprimés. Il ne faut pas s'attendre à ce que les économies budgétaires réalisées grâce à la réforme des subventions à l'énergie soient réinvesties dans la réduction de la pauvreté. Des réformes audacieuses des subventions à l'énergie doivent nécessairement être accompagnées par des améliorations tout aussi audacieuses des schémas de ciblage des dépenses publiques, si l'on veut vraiment réduire substantiellement la pauvreté et les inégalités. Tableau a. Impacts Simulés sur la Pauvreté et les Inégalités des Mécanismes Compensatoires après une Réforme des Subventions Energétiques Coût budgétaire Inégalités de Bénéfice moyen Nombre de (Gini 0–100 compensation transféré (arrondi) bénéficiaires Pauvreté (%) index) Avant Réforme 0 0 0 15.27 36.57 Référence : Réforme des 0 0 0 17.84 37.18 Subventions sans compensation Simulation 1: Transfert TD 817.51 universel après réforme des TD 75 10.9 million 14.87 36.29 million subventions Simulation 2: Ciblage actuel TD 817.51 TD 264 3.1 million 13.83 35.46 million Simulation 3: Ciblage parfait TD 817.51 TD 420 1.9 million 5.25 34.22 million Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations des subventions) 6. Des interventions multiples intégrant des investissements en matière d’eau, d'assainissement, de services de santé et de sécurité alimentaire auront des effets positifs sur la nutrition infantiles – une manifestation clé de bien-être multidimensionnel – mais ces interventions doivent cibler des groupes et des emplacements spécifiques de la population pour être plus efficaces. La malnutrition infantile est un facteur non monétaire important du bien-être qui, de tout temps, a été reconnu pour son impact sur le développement humain, sur l'accumulation de capital humain et sur les revenus futurs. Le traitement de la malnutrition infantile exige l'intégration réussie de plusieurs interventions multisectorielles pour que des déclins substantiels commencent à être observés. Même si la Tunisie a pu atteindre son OMD relatif à la lutte contre la faim et que sa performance a plutôt été favorable comparativement à d’autres pays de la Région, les progrès réalisés en termes de réduction des retards de croissance chez l'enfant n'ont pas été constants au fil du temps et des écarts socioéconomiques persistent dans le pays. Les résultats de cette évaluation donnent à voir de quelle manière l’accès approprié aux services de base intervient dans la compréhension de l'amélioration de la nutrition infantile en Tunisie. L’accès amélioré et généralisé à l'eau, aux réseaux d'assainissement et à aux toilettes individuelles est censé avoir des effets bénéfiques sur la nutrition infantile. Un accès amélioré à l'eau, à l'hygiène et aux services d'assainissement aurait vraisemblablement un plus grand un impact sur la nutrition, comparativement à d’autres interventions inhérentes à la nourriture elle-même, à la santé et aux soins. Les effets estimés ne sont pas les mêmes, selon que l'on soit pauvre, non pauvre, en milieu urbain, en milieu rural ou qu'on appartienne au quartile plus pauvre des ménages du milieu rural. D’un point de vue politique, les progrès accomplis en vue de garantir un certain niveau d’adéquation en termes d’accès à l’eau, aux services d’assainissement et à tout autre service public, à eux seuls, ne sont pas à même de produire les résultats escomptés en nutrition infantile, à moins que des progrès similaires ne soient atteints en relation avec d’autres services. Les investissements inéquitables en réseaux d’eau et d’assainissement, ou encore en nourriture et en soins de santé, pourraient ne pas se traduire par des résultats nutritionnels visibles, s’ils ne sont pas conjugués. Il n’y a pas de combinaison unique d’améliorations multisectorielles à même de produire des bénéfices uniformes en termes de nutrition infantile, auprès de tous les types de ménages. Les effets de l’amélioration de l’accès à travers des interventions sectorielles varient d’un groupe à l’autre et d’une zone à l’autre et le “plus partout” ne fait pas forcément l’affaire. Et enfin, une dernière réflexion sur l’analyse de la pauvreté et des inégalités en Tunisie. 7. L’analyse de la pauvreté et des inégalités en Tunisie pourrait s’améliorer grâce à une meilleure intégration de et un meilleur accès à la collecte de données. La Tunisie peut se vanter de disposer d'un répertoire considérable d'enquêtes et de sondages menés auprès des ménages, permettant de procéder à des analyses pertinentes sur le niveau de bien-être des ménages. Ce répertoire est composé de sept enquêtes sur les budgets des ménages (ENBCVs), menées une fois tous les cinq ans, entre 1980 et 2010, et neuf ENPEs annuelles, menées entre 2005 et 2013. La Tunisie a déjà mené trois Enquêtes par Grappes à Indicateurs Multiples (EGIMs), en 2000, en 2006 et en 2011-12 et une Enquête Démographique et de Santé (EDS) qui remonte à 1988. Le dernier recensement est récent : il remonte à 2014. D'ici 2016, la Tunisie comptera une nouvelle ENPE et une nouvelle ENBCV, avec des analyses actualisées sur la pauvreté, les inégalités et l'emploi. L'intégration des différentes enquêtes en vue d'améliorer l'analyse de la pauvreté et des inégalités est restée plutôt limitée, ce à quoi il fallait s'attendre, dans une certaine mesure, en raison des différents objectifs et champs d'action de chaque enquête. D'autres facteurs, quoiqu’évitables, ont rendu difficile la mobilisation des études pour des prises de décisions politiques. D’abord, l’INS n’a rendu disponibles que les données de quelques ENPEs : sur les neufs ENPEs qui existent, seules les ENPEs de 2009 et de 2011 et les fichiers de données sur les particuliers sont accessibles au public. Les ENPEs de 2010 et de 2013 ne sont pas disponibles en ligne. Les résultats de l’ENPE de 2010 ont été communiqués dans le cadre d’un protocole d'accord et les ENPEs restantes ne rapportent que les fichiers de données des particuliers. Les fichiers de données inhérents aux revenus, recueillis dans le cadre des NPEs, ne sont jamais rendus publics, en respect à l'anonymat. Par ailleurs, les années de collecte de données pour l’EDS et l’EGIM ne coïncident pas avec celles de l’ENBCV, rendant l’intégration plus difficile. Il existe de grandes différences en termes d'échantillonnage de représentativité et de définition, d’une enquête à une autre. La facilitation de l’accès aux enquêtes existantes, l’harmonisation des définitions entre enquêtes et l’amélioration du timing améliorera, indubitablement, les prises de décisions politiques fondées sur des référents empiriques. I : CONTEXTE TUNISIEN : QUE SAIT-ON DE LA CROISSANCE FAVORABLE AUX PAUVRES EN TUNISIE ? Chapitre 1 : Introduction 1.1 Le Point de Départ : Une Révolution qui a pris le monde entier de court ''La Tunisie est une république où le pouvoir est centralisé et concentré en la personne du Président et le pays a réussi à atteindre une certaine stabilité politique à un moment où ses voisins continuent de faire face à d'importantes crises. La Tunisie est fortement engagée envers le renforcement de son intégration internationale... Les résultats de développement positifs réalisés par le passé ont favorisé l'émergence d'une classe moyenne exigeante en termes de transparence, de redevabilité et de participation au processus de développement, et ce grâce au renforcement du rôle de la société civile et du secteur privé.'' (Banque Mondiale 2004 :9) C'est en ces termes qu'en 2004, soit quelques années avant la Révolution du Jasmin, la Banque Mondiale a décrit les perspectives qui s’offrent à la Tunisie. Prenant le monde entier par surprise, la Révolution s'est déclenchée dans un pays qui, pendant près de 10 ans, a enregistré un taux de croissance annuelle de 4,5% et s'est bien débrouillé pour diviser l'incidence de la pauvreté par 2, la faisant passer de35% à 16% en une décennie. Le pays a pu atteindre de remarquables résultats en termes de développement social, allant de l’universalisation de l'accès à l'électricité et à l'enseignement primaire et jusqu'à la réduction substantielle de la malnutrition, de la mortalité infantile et de la mortalité maternelle. La Tunisie dispose d'un système d'administration publique bien ancré qui remonte aux années 60, d'une infrastructure relativement acceptable, d'une proximité stratégique avec le marché européen et d'une main d'œuvre qualifiée. Le principe du dialogue tripartite est bien implanté entre le gouvernement, le syndicat et l'organisation patronale (Banque Mondiale 2014a). En somme, rien qui pouvait annoncer une révolution. Mais au-delà des statistiques et des indicateurs, la réalité économique et sociale a été moins optimiste en Tunisie, et ce depuis des décennies. L’examen rétroactif du passé politique et socioéconomique du pays rend plus compréhensible une triste vérité souvent oubliée, tant sur le plan national qu’international. 1.2 Pas aussi surprenant que cela, après tout : mise à profit (tardive) des leçons du passé Depuis son indépendance en 1956, la Tunisie a amorcé bon nombre de réformes sociales progressistes, tout en concentrant les pouvoirs politiques et la prise de décisions économiques. Un modèle où l'Eta domine a émergé durant les années 60, au moment où le pays a commencé à bâtir son infrastructure et jeter les fondements de ses institutions financières et administratives. Des banques et des entreprises publiques ont été crées dans les secteurs les plus vitaux de l'économie, aux dépens -de l'avis de plusieurs spécialistes- de l'émergence d'un secteur privé dynamique (Banque Mondiale, 2014a). Dans les années 70, la Tunisie a changé de cap et opté pour un programme de libéralisation économique, en réponse à la crise mondiale (mettant en difficulté les socialistes appelant à la collectivisation de terres, Ayadi et al. 2005). Certaines entreprises publiques ont été privatisées et un code d'investissement a été promulgué, visant délibérément à promouvoir la croissance orientée vers l'exportation. La croissance et la création d'emplois ont prospéré. Le processus de libéralisation n'a pas pu empêcher le recours à des pratiques de contrôle des prix et des segments très lucratifs de l'économie ont été fortement protégés contre la concurrence extérieure (Banque Mondiale, 2015a). Les entreprises exportatrices les plus prospères étaient concentrées dans un petit nombre de régions, ce qui a accéléré l'urbanisation des régions du Nord Est et a davantage accentué les disparités régionales que le pays continue à déplorer, à ce jour. La grogne sociale a abouti à une grève générale en 1978. L'instabilité socioéconomique a continué à fermenter au cours des années qui ont suivi, conjuguée au retour massif des travailleurs tunisiens expatriés en Libye et à l'émergence des mouvements islamistes. Compte tenu de l’imp asse dans laquelle elle se trouvait, la Tunisie s'est engagée dans un Programme d'Ajustement Structurel, appuyée par le Fonds Monétaire International (FMI). Outre la préservation d'une certaine stabilité macroéconomique, le programme visait également à mieux intégrer l'économie tunisienne dans l'économie mondiale, avec l'espoir que cela réduirait la pauvreté et les disparités économiques. Les résultats du Plan d'Ajustement Structurel ont été estimés favorables, dans l'ensemble. Les déficits intérieur et extérieur ont été réduits, à un coût ''relativement modéré'', sur le court terme, en termes de croissance, de pauvreté et d'inégalités (même s'il a été plus élevé en termes de chômage [Ayadi et al. 2005, 8]). Suite à un coup d'État constitutionnel, Ben Ali s'est emparé du pouvoir en 1987. La forte croissance économique et les politiques macroéconomiques prudentes étaient à la tête des priorités. Une grande stabilité politique a pu être instaurée, notamment de par la répression et l'annihilation des aspirations islamistes, allant jusqu'à empêcher les partisans d'Ennahdha à regagner le siège de leur parti, au lendemain de leur performance électorale de 1989 (Tamimi 2013). Ben Ali a engagé beaucoup d'autres tentatives en vue d'intégrer la Tunisie à l'économie mondiale et à revitaliser sa compétitivité. C'est ainsi que la Tunisie a rejoint l'Organisation Mondiale du Commerce en 1995, mis en place de nombreux accords de libre-échange avec ses principaux partenaires et sollicité un accord d'association avec l'Union Européenne (entré en vigueur en 2008). En parallèle, une panoplie de programmes et d'interventions a visé la consolidation des réformes de la législation financière et budgétaire, la déréglementation des investissements, des échanges et des prix, le rééquilibrage des rôles des secteurs public et privé, la modernisation de la gestion des systèmes bancaire et financier et l'amélioration de l'infrastructure (Banque Mondiale, 2014a). A défaut de démocratie, Ben Ali a usé des politiques sociales et s’en est servi pour donner une certaine légitimité à son régime. Le niveau des dépenses publiques allouées aux politiques sociales est resté remarquablement élevé : près de 19%, entre 1987 et 2005, soit le double des dépenses réservées à l'éducation et à la santé (Ben Romdhane, 2007). La politique des salaires minimaux a servi à compenser la réduction des subventions aux produits alimentaires et, vers la fin du régime, des subventions généreuses ont été déployées pour apaiser les tensions sociales. Plusieurs programmes ont été lancés dans le but de venir en aide aux pauvres : le Programme National d'Aide aux Familles Nécessiteuses (1986), le Fonds de Solidarité Nationale, plus connu sous l'appellation 26-26 (1992) et le Fonds National pour l'Emploi, également désigné par 21-21 (2000) pour améliorer l'infrastructure de base dans les zones défavorisées et promouvoir les opportunités d'emploi. Le développement considérable du réseau des routes rurales a profité aux pauvres, en cela que cela a amélioré l'habileté des pauvres résidant dans les zones rurales à accéder aux marchés urbains pour la vente de leurs produits agricoles et animaliers (Ayadi et al. 2005). Paradoxalement, le choix de politiques sociales généreuses a payé son tribut en répression des libertés politiques et civiques. Plusieurs ressources initialement prévues pour améliorer le bien- être des citoyens se sont volatilisées et ont été redistribuées via les réseaux clientélistes du parti au pouvoir (Kallander 2011). Le parti approuvait lui-même la liste des familles qui devaient bénéficier de l'aide sociale. Le régime a annihilé les aspirations islamistes et a empêché la mouvance de gagner du terrain dans les zones les plus pauvres (Harrigan et El-Said 2009). La politique sociale a servi à décourager l'émergence d'un ordre démocratique dans la mesure où beaucoup de Tunisiens ont accepté de composer avec la répression des libertés politiques contre le développement socioéconomique et le bien-être (Ben Romdhane, 2007). Toutefois, le présent rapport réitère que la stratégie du ''développement avant la démocratie'' est pernicieuse et de courte vue. En témoigne le cas de la Tunisie. Si elle réussit, elle devra se traduire par l’éclosion d’aspirations démocratiques tenaces, exprimées par une société devenue plus prospère, à l’instar de ce qui se passe en Chine et chez d’autres dragons asiatiques. Si elle échoue, elle renforcera à la fois les exigences démocratiques et les besoins de développement et les tensions sociales et politiques ne feraient que s’aggraver, de pair avec la pauvreté et les inégalités. La Tunisie aurait pu éviter de recourir à la stratégie du ‘’développement avant démocratie’’. La célèbre théorie de la modernisation (Lipset 1959, Rostow 1960, Jackman 1973, Acemoglu et Robinson 2001, 2005, Boix et Stokes 2003, Inglehart et Welzel 2005, Robinson 2006)1 estime qu'il est possible de rehausser le degré de démocratisation d'un pays tout en renforçant sa prospérité. Indépendamment de sa fonction légitimatrice et de sa contribution à améliorer le bien-être des Tunisiens, beaucoup estiment que la politique sociale est, avant tout, un instrument de pouvoir et de contrôle entre les mains du régime (Hibou 2006, Ben Romdhane 2007, Paciello 1 La croissance économique et l'amélioration des revenus encouragent les citoyens (autres que l'élite politique) à réclamer davantage de démocratie. Elles haussent également le coût des concessions accordées (par l’élite politique) pour le maintien de ses politiques autoritaires et celui de la répression de l'opposition pro-démocratique et favorise le changement de l'économie et de ses institutions (d'agraire à industrielle puis à postindustrielle), lequel changement alimente, à son tour, les aspirations démocratiques, en dépit du manque de libertés (Robinson, 2006). Robinson (2006) soutient que la croissance économique, indépendamment du fait qu’elle augmente ou quelle diminue les inégalités, est essentielle aux aspirations démocratiques. A de faibles niveaux, l’exacerbation des inégalités peut favoriser la démocratie. Si les inégalités atteignent des niveaux élevés, la démocratie devient peu probable, du fait du recours des élites politiques à la répression. Toutefois, les données historiques et empiriques ne sont pas concluantes quant au rôle explicite que jouent les inégalités dans le processus de démocratisation (Wucherpfennig et Deutsch 2009). 2011)2. La répression des libertés au nom de la croissance économique, et tel que développé plus loin, conjuguée à une inclusion limitée, est une stratégie qui n’est pas vouée à être viable, sur le long terme. 1.3 Le Paradoxe Tunisien : Une croissance favorable aux pauvres avec une inclusion limitée L'économie tunisienne a progressé à un taux annuel de 4,3% entre 1980 et 2010 et de 4,5% depuis l'année 2000. Certes, elle est restée en proie à des emplois peu productifs et faiblement rémunérés, à un modèle dominé par l’Etat qui gèle la concurrence et alimente le clientélisme, ainsi qu’à des disparités régionales (régions côtières versus régions intérieures), notamment en l’absence d’une plus grande inclusion sociale. Ces vulnérabilités économiques ont longtemps entravé l'essor de l'économie tunisienne. L'économie tunisienne déplore une faiblesse de sa productivité, ce qui a donné donne lieu à un chômage élevé et n'a pas permis de créer suffisamment d'emplois et de rehausser la qualité de ceux qui ont pu être créés. Selon la Banque Mondiale (2014a, 42), près de 95% de la croissance observée entre 1990 et 2010 s'explique par l'accumulation des facteurs. Seulement 5% est attribuable à la productivité totale de ces facteurs. 3 Le chômage n'est jamais passé sous la barre des 10%, depuis que l'on a commencé à le calculer. Les inégalités, mesurées par le coefficient de Gini, ont atteint des niveaux relativement élevés dans les années 2000 (35 sur une échelle de 100 points), et ce en dépit d'une forte croissance économique et d'une pauvreté réduite. De par plusieurs de ses caractéristiques fondamentales, le modèle économique tunisien n'a pas réussi à assurer plus de productivité économique et une meilleure inclusion sociale (Banque Mondiale, 2014a). La politique d'investissement a longtemps reposé sur un traitement distinctif, selon que l'on soit entreprise exportatrice (off-shore) ou entreprise domestique (on-shore). Le secteur domestique est fortement protégé (près de 50% de l'économie) et essentiellement composé d’entreprises à faible productivité, qui ne survivent que grâce aux avantages et mesures de protection imposées par les barrières à l'entrée. L’autre moitié de l’économie, ouverte à la concurrence, n’est pas consommatrice des biens et de services intermédiaires que propose le secteur domestique, en raison de leur qualité défaillante, de leurs prix élevés et des obstacles bureaucratiques inhérents à la réglementation nationale.4 Cela s’est donc traduit par la hausse des importations de produits intermédiaires (exonérés et de haute qualité), un nombre moins importants d'emplois créés, une faible demande pour les travailleurs hautement qualifiés et des salaires bas. Les incitations proposées pour attirer les investissements et favoriser la création d'emplois ont largement été concentrées dans les secteurs qui ne sont pas à forte intensité de main d'œuvre, généralement localisés dans les régions côtières. Ce qui a davantage aggravé les disparités régionales (Banque Mondiale, 2014a). Les secteurs vitaux de l'économie ont été entravés par des politiques réglementaires excessives. La réglementation excessive s’est traduite par des situations de monopoles légaux et plus de 2 Certains seraient en désaccord. Ayadi et al. (2005) soulignent la nécessité d'une forte volonté politique pour la mise en œuvre d'une politique de dépenses publiques destinée à améliorer les conditions de vie, notamment celles des citoyens les plus désavantagés, et créer des opportunités d'emploi. 3 La maigre contribution de 5% à la croissance économique par facteur de productivité passe à 33% si le total de l’accumulation des facteurs s’ajoute à celui de l’accumulation du capital humain (Ayadi et al. 2005). 4 La Tunisie exporte des produits finis de haute technologie, tels que les machines à coudre, les télévisions et les instruments médicaux. Mais cela ne s’entend pas au sens de la production mais uniquement à celui de l’assemblage (Banque Mondiale, 2014a). restrictions dans sur plusieurs secteurs clés de l'économie, tels que l'eau, l'électricité, les télécommunications, les routes, le transport aérien, le tourisme, la santé et l'éducation, entre autres (Banque Mondiale, 2014a). Selon les chiffres de la Banque Mondiale (2014b), 13% du chiffre d'affaires annuel des entreprises vont à des dépenses imposées par la réglementation. La charge de ces taxes altère la compétitivité des entreprises et pousse les petites d'entre elles à rester dans l’informel. La viabilité du système financier est menacée, en raison du manque de concurrence et de la défaillance du portefeuille. Les trois plus grandes banques publiques accaparent, à elles seules, 40% du secteur. L’accès très réglementé au marché a alimenté un système de rentes. Selon la Banque Mondiale (2014a), les entreprises appartenant à des membres du clan Ben Ali réalisent près de 21% du total des bénéfices de toutes les entreprises privées en Tunisie (soit près de 0,5% du PIB). En outre, soucieux de ne pas attirer l’attention des autorités et de risquer l’expropriation, plusieurs chefs d’entreprises ont préféré, par prudence, rester petits. Une attitude très préjudiciable à la création d’emplois et à la croissance de la productivité (Banque Mondiale, 2014a). Aux côtés de ces mesures de dissuasion, la politique d’emploi déplore de nombreuses lacunes. Il y a lieu de noter que la Tunisie déplore l'absence d'un système de sécurité sociale solide et d'une assurance-chômage efficace. La protection des travailleurs est assurée par des contrats d'embauche aux dispositions strictes, favorisant le recrutement à durée indéterminée. Au début des années 2000, les contrats à durée déterminée ont été introduits afin d'offrir plus de flexibilité aux entreprises. Ils ont ainsi contribué à multiplier les investissements dans les activités à faible valeur ajoutée, par la création d'emplois peu qualifiés et informels, par opposition aux emplois hautement qualifiés. Les politiques agricoles se sont soldées par le détournement de la production des cultures à forte intensité de main d'œuvre dans les régions intérieures vers les activités bovines, céréalières et laitières des régions côtières du Nord, où le pays est moins compétitif. Outre les disparités régionales, certains pensent que les subventions (de près de 0,8% du PIB) sont également responsables de l'augmentation des inégalités, vu que les producteurs côtiers travaillant à l'exportation sont de plus grands propriétaires terriens, comparativement aux propriétaires de l'intérieur du pays. Ces erreurs de politiques économiques ont entravé l'expansion de l'inclusion sociale en Tunisie. Tous les emplois qui auraient pu être créés et qui ne l'ont pas été sont autant d'occasions manquées d'intégration d'individus au chômage dans l'économie. En général, ce sont les consommateurs qui paient le prix fort induit par les secteurs monopolistiques et fortement réglementés. Peu de personnes avaient accès à des relations leur permettant de saisir les bonnes opportunités. De ce fait, la majorité des Tunisiens est restée en marge des opportunités économiques, ce qui a renforcé le sentiment d'injustice sociale, vite transformé en frustration. Le caractère mitigé de la prospérité et le sentiment de plus en plus prononcé d'injustice sociale causé par le modèle économique ont conduit la stratégie du ''développement avant la démocratie'' à sa perte. 1.4 Le compromis difficile : bouleversement économique radical versus stabilité sociale Les contraintes qui pèsent sur l'économie et l'accentuation du sentiment d'injustice sociale n'ont pas fait qu'accélérer la chute du régime de Ben Ali. Elles ont également alourdi les difficultés, au lendemain de la Révolution. Des réformes mitigées, appliquées à un modèle figé depuis des décennies dans des activités à faible productivité, régionalement biaisé, enlisé dans le clientélisme et l’exclusion ne pourront jamais être efficaces. L’inévitable bouleversement économique nécessaire à une prospérité inclusive de plus grand calibre, implique des changements en profondeur de la stratégie de développement régional, des incitations à l’investissement et des subventions à la consommation, pour ne citer que cela. Ces changements -notamment ceux en rapport avec les subventions à la consommation- représentent une menace à la stabilité sociale, ce qui rend difficile leur mise en œuvre. Cette situation sans issue s'est récemment davantage détériorée, avec les derniers attentats terroristes commis par des Islamistes (au Musée du Bardo et au Port El Kantaoui), rendant la Tunisie encore plus vulnérable aux tensions sociales. Lors de la période de transition (2011-14), le pays a dû faire face à des tensions sociales et sécuritaires, à un ralentissement de la croissance et aux conséquences des conflits régionaux, tels que la guerre en Libye. Aux côtés de sa transition politique, la Tunisie s'est également embarquée dans des réformes économiques, visant une plus grande stabilisation macroéconomique sur le court terme et jetant les bases nécessaires à plus de croissance inclusive, sur le long terme. Parmi les principales interventions nécessaires à la croissance inclusive, on cite la recapitalisation des banques publiques et une stratégie décisive de protection des segments vulnérables (Banque Mondiale 2015b, FMI 2014a). Les avancements réalisés en relation avec la mise en œuvre de ce plan de réformes structurelles ont été plutôt mitigés (FMI, 2014a). De ce fait, les équilibres extérieur et budgétaire, le chômage et les fragilités bancaires de plus en plus accentuées continuent d’être à la tête des difficultés. De même, des efforts sont déployés en vue d’améliorer le ciblage du filet de sécurité sociale, sur fond de système de retraite à réformer en urgence pour sauver sa viabilité financière (Ibid.). En dépit de toutes ces difficultés et à plusieurs égards, la Tunisie est quand même parvenue à parachever sa transition politique par la tenue d'élections législatives et présidentielles libres et transparentes. Des progrès incontestables ont été réalisés envers l'établissement d'un consensus durant la période de transition. Lequel consensus, consacré par le Pacte Social, a préparé le terrain à la rédaction d'une nouvelle Constitution (Banque Mondiale, 2015a). La portée du pacte s'étend aux relations sectorielles et à la protection sociale, à la politique d'emploi et à la formation professionnelle et souligne l'importance du dialogue social et son rôle de pivot dans la transition vers une plus grande justice sociale. Il a été reconnu, à l'unanimité, que la Constitution résulte d’un compromis entre les différents courants politiques5 et a permis de créer, pour la première fois en Tunisie, un espace de ''débat public'' (Banque Mondiale, 2015a). Le nouveau gouvernement a établi une liste de priorités qui met particulièrement l'accent sur les régions défavorisées et le rétablissement de la confiance entre les citoyens et l'État. Il a ainsi lancé un programme de politiques actives visant à favoriser le développement économique dans les régions désavantagées, impliquant la société civile et les médias, en leur qualité d’acteurs concernés par le processus. Le nouveau gouvernement admet clairement que la stabilité sociale 5 La coalition politique se compose d'Ennahdha, qui a décroché 85 sièges sur 217 à l'Assemblée Nationale Constituante et, d'autres partis plutôt séculiers. De longues délibérations ont été menées, notamment sur les sujets relatifs à l’identité du pays, à la place de l’Islam, à la définition des droits et des libertés et à l’égalité entre homes e t femmes. Il a fallu plus de deux ans pour achever tous les articles de la Constitution. La société civile (y compris le syndicat et le patronat) a été très vigilante et influente lors du processus de rédaction. Plus de 6.000 citoyens, de 300 organisations de la société civile et de 320 des représentants des universités ont contribué aux débats sur la Constitution. Le texte a finalement été approuvé par 200 des 216 membres de l'Assemblée Nationale Constituante. dépend, en grande partie, de l'habileté des autorités à écouter et à communiquer avec les citoyens, de sorte que chaque action prise en relation avec les priorités identifiées soit reconnue par la population comme étant une étape de franchie vers un modèle de développement plus inclusif (Banque Mondiale, 2015a). En fait, la Tunisie a connu une détérioration du bien-être subjectif et de la satisfaction de la vie, qui ont commencé avant même la Révolution, alors que la pauvreté monétaire a chuté rapidement à 15,5 pour cent après des décennies de réduction soutenue. Même dans ce contexte, une proportion beaucoup plus élevée et de plus en plus croissante, 30%, de la population déclare être malheureuse. Cette mesure de bien-être subjectif a pratiquement empiré après la Révolution, atteignant des niveaux proches de 40% en 2012 (Dang et Ianchovichina 2015). Elle pourrait même être plus importante aujourd'hui en raison d’une pauvreté croissante, de l'élargissement des disparités régionales et des changements potentiels dans les perceptions de la stabilité politique et économique, de la sécurité publique, de la qualité des services publics, de la corruption ou de la qualité des emplois disponibles dans l'économie, pour ne citer que quelques exemples (Banque mondiale 2016 ). La réussite des changements déjà amorcés et l'habileté du pays à atteindre ses objectifs (économiques, sociaux et politiques), sur le court et sur le long terme restent encore à déterminer, dans un moment où les réformes structurelles pressent, où l’instabilité causée par le terrorisme continue de menacer et où l’insatisfaction des citoyens augmente. La présente évaluation de la pauvreté ne se propose pas de mesurer les probabilités de réussite du pays ou sa capacité à proposer une réponse aux perspectives économiques, politiques et sociales sur le court et sur le long terme. Elle ne prétend pas, non plus, proposer l’équilibre idéal entre profondeur et rythme des réformes, d’une part et stabilité durable, d’autre part. Au lieu de cela, elle se propose de générer de nouvelles données empiriques plus originales sur l’ampleur de la pauvreté et des inégalités auxquelles les Tunisiens, les groupes de population et les régions sont confrontés. Pour ce faire, elle analyse les disparités régionales et les tendances et les causes de la pauvreté dans la Tunisie postrévolutionnaire, une période pour laquelle peu de données existent. L’analyse propose également des données additionnelles portant sur les questions de vulnérabilité et d’inégalité des chances et sur la capacité distributive des politiques publiques de remédier à de tels écarts. 1.5. La nécessité de porter un regard neuf sur la pauvreté et le partage de la prospérité en Tunisie A la lumière de ces tendances combien complexes, le présent rapport se propose de poser un regard neuf sur les questions de pauvreté, d'inégalités et de partage de la prospérité en Tunisie. L'analyse met l'accent sur de nouvelles approches pour aborder des questions jamais soulevées par d'antérieures études. Le rapport s'intéresse essentiellement aux tendances de la pauvreté au lendemain de la Révolution, c'est-à-dire au-delà de 2010. Pour ce faire, il combine des techniques de projection à des méthodes d’imputation de données manquantes entre enquêtes, en fusionnant les modèles de consommation de deux enquêtes —l’Enquête Nationale sur le Budget, la Consommation et le Niveau de Vie des Ménages (ENBCV) et l’Enquête Nationale sur la Population et l’Emploi (ENPE)—au fil du temps, soit l’ENBCV de 2010 et l’ENPE de 2012. Le Chapitre 2 passe en revue ces techniques, dans le détail, et propose des chiffres actualisés sur la pauvreté. Deuxièmement, le présent rapport propose une vision plus exhaustive du profil de pauvreté en Tunisie, aussi bien avant qu'après la Révolution. Tirant profit des connaissances actuelles (récapitulées dans ce chapitre), le profil de pauvreté proposé approfondit les dimensions précédemment analysées en 2010 (et antérieurement) et étend la portée temporelle de l’analyse jusqu’en 2012. L’analyse est également appliquée aux 40% les plus pauvres de la population, en écho à de nouvelles approches qui s’intéressent à un concept plus large et plus inclusif appelé ''prospérité partagée''. Le Chapitre 3 récapitule les résultats de ce profilage, dans sa version améliorée. Troisièmement, cette évaluation de la pauvreté explore les causes de la pauvreté, en injectant du sang neuf aux travaux engagés à ce jour. Le Chapitre 6 triangule les données sur la pauvreté, la vulnérabilité et la mobilité, en recourant à un cadre commun de causes, dans une tentative de connecter ces concepts, à la fois inter-reliés et différents, du bien-être. L’analyse tente d’étendre la notion classique de vulnérabilité, définie comme étant une ‘’proximité’’ au seuil de pauvreté. Au lieu de cela, elle propose de considérer la vulnérabilité eu égard aux opportunités ou, de manière plus spécifique, à l’inégalité des chances, quand il s’agit des principaux services de base. L'analyse de la vulnérabilité, proposée aux Chapitres 5 et 6, se penche sur la mesure dans laquelle le facteur travail est responsable des inégalités des chances en Tunisie. Dans cette optique, les causes sont groupées en caractéristiques sociodémographiques, en lieux de résidence, en statuts professionnels, en accès aux principaux services de base et en possession d’actifs (et de biens durables). Cette analyse des facteurs est ensuite formalisée en analyse économique pour aider à comprendre le rôle que joue chaque facteur dans l’amorcement de changements au niveau de la pauvreté, compte tenu des conditions initiales. Quatrièmement, le rôle des politiques est minutieusement analysé. L’évaluation explore la pauvreté et les implications distributionnelles de l’intervention du filet sécuritaire le plus important, du moins en termes d’ampleur, en Tunisie, à savoir les subventions à l’énergie. Elle analyse l'impact que les récents changements survenus après la Révolution ont eu sur la pauvreté, les inégalités et les équilibres budgétaires. Elle démontre combien il est pertinent d’associer les réformes aux subventions à l’énergie à d’autres mécanismes de sécurité, concrètement, à des transferts monétaires mieux ciblés. L'intégralité de cette analyse a été menée au moyen de simulations de scénarios de réformes politiques, en suppléant, entre elles, les propositions de réformes actuellement débattues. Enfin, le rapport étudie les problèmes d'efficacité et de synergie des interventions publiques en Tunisie. Plus particulièrement, l’accent est mis sur les interventions multidimensionnelles, intégrées et synergiques dans les domaines de la malnutrition infantile, tirant parti du cadre global de sécurité alimentaire développé par le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF). En Tunisie, la malnutrition infantile a reculé au cours de la dernière décennie, même si les avancées n’ont pas été soutenues et que des différences socioéconomiques continuent de sévir. Le cadre de sécurité alimentaire de l’UNICEF, qui souligne l’importance de la démultiplication des interventions pour une plus grande réduction de la malnutrition, n’a jamais été appliqué à des études empiriques, auparavant. La Tunisie est l'un des premiers pays où ce cadre a été mis en œuvre. Cette évaluation (développée dans le chapitre 8) suggère que des investissements dans un seul secteur ne sont susceptibles de produire des améliorations que s’ils sont renforcés par d'autres efforts, déployés dans d'autres secteurs. Mais on ne devrait pas s’attendre à ce qu’une seule combinaison d’interventions puisse générer les synergies escomptées en matière de réduction de la malnutrition infantile en Tunisie. Ce regard qui se veut neuf sur la pauvreté et les inégalités en Tunisie poursuit l'objectif de combler les lacunes qui frappent l’état actuel des connaissances sur les tendances de la pauvreté et des inégalités en Tunisie. Les domaines retenus par l'analyse répondent à trois objectifs intermédiaires : (i) Mettre plus en lumière l’incidence de la pauvreté après la Révolution, même si la dernière ENBCV disponible qui devrait permettre de calculer des taux de pauvreté remonte à 2010 et que la nouvelle ENBCV (à mener en 2015) ne pourra pas être disponible avant 2016 (ii) Recourir à une combinaison d’instruments classique, et d’autres plus sophistiqués, pour mesurer la pauvreté, analyser ses dynamiques et simuler les effets de certaines réformes politiques (iii) Consolider la compréhension des liens entre pauvreté, disparités, vulnérabilités et égalité des chances, en Tunisie. Compte tenu de ces objectifs, cette évaluation de la pauvreté se propose d'apporter des éléments de réponse aux questions suivantes : Q1 La pauvreté s'est-elle exacerbée en Tunisie au lendemain de la Révolution ? Q2 Qui sont les pauvres et les 40% les plus pauvres d'après la Révolution ? Q3 Quels sont les facteurs qui ont permis de réduire la pauvreté au cours de la dernière décennie ? Q4 La vulnérabilité des pauvres s'est-elle accentuée dans la période post-révolution ? Q5 Dans quelle mesure la Tunisie est-elle une société où règne l'égalité des chances pour tous ? Que se cache-t-il derrière les inégalités des chances en Tunisie ? Q6 La réforme des subventions à l'énergie peut-elle améliorer la pauvreté et réduire les inégalités en Tunisie ? Q7 De quelle manière les politiques publiques peuvent-elles améliorer efficacement les conditions de vie des ménages tunisiens ? Il va sans dire que l’état actuel des connaissances sur la pauvreté et les inégalités en Tunisie, tel que récapitulé aux chapitres 2 et 3, ne découle pas de modèles analytiques sophistiqués ou de modèles d’équilibre, partiel ou général. Récemment, les analystes ont recouru à de modèles calculables d’équilibre général (MEG) pour tenter de comprendre les répercussions, en termes de coûts, des Objectifs de Développement du Millénaire (ODMs, Chemingui et Sanchez 2011), ainsi qu’à des techniques de simulation pour estimer les implications distributives des subventions (Banque Mondiale, 2013b). Il importe de noter que les modèle d’EGC existants n’ont pas encore procédé à l’analyse des implications de certaines politiques publiques et des chocs extérieurs sur la pauvreté et ont retenu l’année 2005 comme année de référence. A cet égard, l’évaluation tente d’aller au-delà de certaines de ces limites en enrichissant le répertoire et en y introduisant de nouvelles techniques. Il s’agit, notamment, de l’application de l’imputation de données manquantes entre enquêtes pour approcher l’incidence de la pauvreté en 2012. Il en est de même quant à l’Indice d’Opportunité Humaine, développé par la Banque Mondiale, qui servira à analyser les liens entre pauvreté, opportunités et marchés du travail. Les subventions seront analysées au moyen d’un modèle de simulation récemment développé, baptisé SUBSIM (Araa et Verme 2012) et appliqué pour la première fois dans un pays de la Région MENA. L’analyse des synergies entre interventions politiques se fera à l’aide d’une nouvelle application économétrique du cadre de sécurité alimentaire de l’UNICEF, lancé pour la première fois par Skoufias et al. (bientôt disponible). Ces techniques devraient ajouter de la valeur aux profils classiques de la pauvreté, ainsi qu’à l’analyse de ses dynamiques et de sa mobilité. Il convient également de noter que les questions proposées dans cette évaluation de la pauvreté ne prétendent pas s’atteler à toutes les problématiques inhérentes à la pauvreté et aux disparités, ni proposer des réponses arrêtées aux questions posées. Par exemple, l’incidence de la pauvreté d’après la Révolution ne va pas au-delà de 2012, en dépit du recours aux techniques d’imputation entre enquêtes. Les profils de pauvreté d’après la Révolution se réfèrent à la distribution imputée de la consommation plutôt qu’à celle de la consommation observée. Dans la mesure où les distributions de la consommation imputée dérivent d’un modèle qui suppose un comportement identique au fil du temps, les profils résultants peuvent être considérés comme un diagnostic de première ligne de la pauvreté au lendemain de la Révolution. Par conséquent, la comparaison des profils d’avant et d’après la Révolution est illustrative et expérimentale, plutôt que conclusive. L’autre exemple porte sur l’analyse des causes sous-jacentes de la pauvreté. Les résultats des analyses économétriques, ne peuvent et ne doivent pas être automatiquement interprétés comme étant des effets de causalité, en présence d’une causalité inverse plus que probable entre pauvreté, d’une part et décisions professionnelles, possession d’actifs et accès aux services publics, d’autre part. L’analyse des causes ne tient explicitement pas compte des avantages sociaux, lesquels avantages seront analyses séparément. L’analyse distincte des interventions sociales s'est limitée aux interventions portant sur les subventions à l'énergie et la malnutrition. Même si elle est exhaustive, cette analyse reste incomplète. D’abord et avant tout, l’évaluation n’est pas en mesure de produire des analyses de la pauvreté postérieure à 2012, incluant des dimensions telles que la santé, les subventions alimentaires ou encore les transferts monétaires, et ce en raison des limites relatives à l’accès aux données et à leur qualité. L'Encadré 1 revient en détail sur ces limites et leurs implications. Deuxièmement, même les techniques de pointe les plus sophistiquées admettent des limites intrinsèques, comme stipulé à chacun des chapitres. Enfin, l’analyse plus approfondie des interventions politiques suppose des analyses sectorielles plus exhaustives. Ces analyses dépassent la portée de la présente évaluation de la pauvreté. Elles ont été ou sont actuellement, à divers degrés, abordées par des initiatives plus globales, à l'instar du Diagnostic Systématique du Pays (DSP), du Cadre de Partenariat Pays (CPP), développé par la Banque Mondiale (2015a, 2015d), du dernier rapport de politique de développement (Banque Mondiale, 2014b), du prêt à la politique de développement (Banque Mondiale, 2015b), des diagnostics régionaux sur l'emploi (Banque Mondiale, 2013a), du rapport sur l'emploi en Tunisie (Banque Mondiale, 2015e), ainsi que des notes sectorielles sur l'emploi et la protection sociale (Banque Mondiale, 2015f). Enfin, cette évaluation de la pauvreté se veut être un plus qui contribue à apporter une valeur ajoutée, sans se substituer aux connaissances qui existent déjà ou les réitérer. Encadré 1 : L’Insuffisance des Données Nécessaires à l’Analyse de la Pauvreté en Tunisie La Tunisie dispose d'un répertoire considérable d'enquêtes et de sondage menés auprès des ménages. Ce répertoire est composé de sept enquêtes sur les budgets des ménages (ENBCVs), qui ont été menées tous les cinq ans entre 1980 et 2010 et de neuf ENPEs annuelles, menées entre 2005 et 2013. La Tunisie a déjà mené trois Enquêtes par Grappes à Indicateurs Multiples (EGIMs), en 2000, en 2006 et en 2011-12 et une Enquête Démographique et de Santé(EDS) qui remonte à 1988. En 2012, la Banque Mondiale a également mené une enquête dédiée à l’emploi des jeunes. Le dernier recensement a été mené en 2014 et est venu actualiser celui de 2004. Cette gamme variée d’enquêtes permet d’analyser plusieurs tendances en relation avec la pauvreté et les inégalités, dans le temps et dans l’espace. L'intégration des différentes enquêtes en vue d'améliorer l'analyse de la pauvreté et des inégalités est restée plutôt limitée. Ce à quoi il fallait s'attendre, dans une certaine mesure, en raison des différents objectifs et champs d'action de chaque type d'enquête. D'autres facteurs, pourtant évitables, ont entravé la mobilisation des études à des fins de prises de décisions politiques. A l’époque, peu d’enquêtes sur l’emploi (ENPEs, menées par l’Institut National de la Statistiques [INS]) étaient mises à disposition du public. Sur les neufs ENPEs qui existent, seules les ENPEs de 2009 et de 2012 et les fichiers de données des particuliers sont accessibles au public . L'ENPE de 2010 n’a pas été mise en ligne mais la Banque Mondiale a pu y accéder via un protocole d'accord. Les ENPEs restantes ne rapportent que les fichiers de données sur les particuliers. Les fichiers de données inhérents aux revenus, recueillis dans le cadre des ENPEs, ne sont jamais rendus publics, en respect à l'anonymat. Par ailleurs, les années de collecte de données pour l’EDS et l’EGIM ne coïncident pas avec celles de l’ENBCV, rendant l’intégration plus difficile. Il existe de grandes différences en termes d'échantillonnage de représentativité et de définition, d’une enquête à une autre. Par exemple, l’ENBCV, est la seule enquête qui use de mesures monétaires pour estimer la pauvreté, à savoir les dépenses des ménages. Il n'existe pas d'autres enquêtes sur les dépenses ou les revenus. Les EGIMs sont représentatives des populations des femmes et enfants et ne le sont pas pour la totalité de la population. La définition donnée aux zones urbaines a changé au fil du temps et les ENBCVs n’ont commencé à distinguer entre villes et petites et moyennes communes que récemment. Les ENPEs ne tiennent pas compte de cette distinction. Les variations dans les énonciations des questions relatives au niveau d’instruction rendent difficile la comparaison entre les niveaux de scolarité prévus par les ENBCVs et ceux des ENPEs. Les rubriques accès aux services de base et possession d’actifs et de biens durables, estimés par l’ENBCV et l’ENPE ne sont pas identiques. Généralement, les ENBCVs apportent plus d’informations sur les biens et services que les ENPEs, mais ne comportent pas de considérations qualitatives des services de bases, comme le font les EGIMs. En dépit de ces difficultés, cette évaluation de la pauvreté élargit l’intégration des données entre enquêtes en imputant les modèles de consommation de l’ENBC aux ENPEs (Chapitre 4) et en incorporant les variables de la qualité d’accès aux services de base des EGIMs à l’analyse des synergies entre politiques (Chapitre 9). Un meilleur accès aux enquêtes et des améliorations ponctuelles visant à harmoniser les définitions retenues par les différentes enquêtes ne pourra qu’élargir les possibilités d’intégration entre enquêtes en Tunisie. Source : Personnel de la Banque Mondiale Chapitre 2 : Pauvreté, Inégalités et Croissance en Tunisie 2.1 Du côté des bonnes nouvelles : une croissance favorable aux pauvres entre 1980 et 2010 La réduction de la pauvreté en Tunisie a toujours été présentée comme un modèle de réussite, comparativement à d'autres pays en développement (Banque Mondiale, 1995a). Ayadi et al. (2005, 41) concluent ‘’qu’avec peu de moyens et des ressources naturelles limitées, il est possible de réaliser à la fois une réduction significative de la pauvreté et une bonne croissance, sur une courte période de temps.” En novembre 2009, soit avant la Révolution du Jasmin, la Banque Mondiale (2009) a souligné les réalisations substantielles du pays en termes de réduction de la pauvreté, de croissance équitable et de progrès social [comme le souligne l'auteur]. Toutefois, l’évaluation des réalisations en termes de réduction de la pauvreté n’a pas toujours été simple. Jusqu'en 2012, on a dénombré différentes méthodologies de mesure de l'incidence de la pauvreté. La même année, une révision méthodologique conjointement menée par l’Institut National de la Statistique (INS), la Banque Africaine de Développement et la Banque Mondiale (2012) a permis d'aligner les estimations officielles de la pauvreté pour les années 2000, 2005 et 2010. Avant cet effort de convergence méthodologique, l'INS et la Banque Mondiale recouraient à des méthodologies différentes (Annexe 1), ce qui a donné lieu à d'énormes écarts (Tableau 1). En dépit de cet écart et indépendamment de la méthodologie utilisée, celle de l'INS ou celle de la Banque Mondiale, l'incidence de la pauvreté totale entre 1980 et 2000 a diminué (Tableau 1). La réduction de la pauvreté a été observée aussi bien dans les zones urbaines que rurales. Il n'apparaît pas clairement de quelle manière la pauvreté urbaine et la pauvreté rurale ont contribué, chacune à part, au déclin de la pauvreté totale. Selon les chiffres de la Banque Mondiale, l'incidence initiale de la pauvreté, mesurée en 1980, a été quatre fois plus élevée dans les zones urbaines que rurales. Pendant ces deux décennies, la réduction de la pauvreté urbaine a été plus prononcée que la réduction de la pauvreté rurale. De ce fait, la réduction remarquable de la pauvreté totale, sur la période allant de 1980 à 2000, a essentiellement été soutenue par la réduction de la pauvreté urbaine. A l'inverse, en 1980 et selon l'INS, l'incidence de la pauvreté rurale était plus proche de celle de la pauvreté urbaine que ne le laissait suggérer les chiffres de la Banque Mondiale. Les chiffres de l'INS donnent à croire que la réduction générale de la pauvreté entre 1980 et 2000 résulte de la réduction équilibrée des taux de pauvreté urbains et ruraux. Tableau 1. Incidence de la Pauvreté Extrême en Tunisie, 1980-2000 Total M. Rural M. Urbain Banque Banque Banque Banque Année INS Mondiale INS Mondiale Mondiale Mondiale 1980 12,9 20,1 11,8 7,7 14,1 30,1 1985 7,7 9,6 8,4 4,0 7,0 17,2 1990 6,7 6,7 7,3 3,0 5,7 12,7 1995 6,2 8,1 7,1 3,2 4,9 15,8 2000 4,2 4,1 4,9 1,7 3,9 8,3 Source : Ayadi et al. (2005), Banque Mondiale (2004), en référence aux ENBCVs de 1980, 1985, 1990, 1995 et 2000. La méthodologie commune adoptée en 2012 a ré-estimé les seuils de pauvreté pour l'année 2000 et révisé l'incidence de la pauvreté, à compter de cette date. Elle propose un ensemble unifié et cohérent d’estimations de la pauvreté modérée et de la pauvreté extrême pour les années 2000, 2005 et 2010. Selon le Tableau 2, les nouveaux chiffres illustrent, sans ambigüité, la chute des incidences de la pauvreté modérée et de la pauvreté extrême, enregistrées en Tunisie entre 2000 et 2010, une tendance observée uniformément dans les villes, les petites et moyennes communes et les zones non communales (rurales). Cette tendance à la baisse a également été observée dans toutes les régions de la Tunisie. La deuxième conclusion tirée de ces résultats est que la croissance a été favorable aux pauvres durant cette période. Selon cette analyse, la croissance favorable aux pauvres est entendue au sens de la définition de Ravallion et Che (2003) et de Kraay (2003), comme étant une croissance capable de réduire la pauvreté en termes absolus, indépendamment de ses conséquences distributionnelles, c'est-à-dire quels que soient les effets sur le bien-être qu’elle induit sur les segments non pauvres de la société.6 En effet, en Tunisie, la croissance du PIB s’est située, en moyenne, entre 4,3% entre 1980 et 2000 et à 4,5% entre 2000 et 2010, en sus des réductions substantielles de l’incidence de la pauvreté (Figure 1). Tableau 2. Incidence de la Pauvreté en Tunisie, par Strate et Région, 2000–2012 Seuil de pauvreté Seuil de pauvreté extrême 2000 2005 2010 2000 2005 2010 32,4 23,3 15,5 12,0 7,6 4,6 (0.8) (0.7) (0.6) (0.5) (0.4) (0.3) Par strate Villes 21,5 15,4 9,0 4,3 2,2 1,3 (1.4) (1.1) (1.0) (0.6) (0.4) (0.3) Petites et 32,5 22,1 14,0 10,5 6,5 2,9 moyennes (1.3) (1.1) (0.9) (0.8) 0.6) (0.4) communes Zones non 40,4 31,5 22,6 19,1 13,4 9,2 communales (1.3) (2.6) (0.6) (1.0) (0.9) (0.8) Par région Grand Tunis 21,0 14,6 9,1 4,3 2,3 1,1 (1.7) (1.2) (0.6) (0.7) (0.4) (0.3) Nord Est 32,1 21,6 10,3 10,5 5,4 1,8 (2.1) (1.6) (0.6) (1.2) (0.8) (0.5) Nord Ouest 35,3 26,9 25,7 12,1 8,9 8,8 (1.9) (1.9) (0.6) (1.2) (1.1) (1.2) Centre Est 21,4 12,6 8,0 6,4 2,6 1,6 (1.4) (1.1) (0.6) (0.9) (0.4) (0.4) Centre Ouest 49,3 46,5 32,3 25,5 23,2 14,3 (2.0) (2.1) (0.6) (1.9) (1.7) (1.5) Sud Est 44,3 29,0 17,9 17,5 9,6 4,9 (2.4) (2.2) (0.6) (1.9) (1.7) (1.5) Sud Ouest 47,8 33,2 21,5 21,7 12,1 6,4 (2.5) (2.6) (0.6) (2.1) (1.6) (1.3) Source : INS, BAD et Banque Mondiale (2012). 6 Une autre définition plus stricte de la croissance favorable aux pauvres veut que le revenu (ou la consommation) des pauvres croisse plus rapidement que celui du reste de la population, générant ainsi une réduction des inégalités. En d'autres termes, la réduction de la pauvreté va au-delà du niveau qui aurait été atteint suite à une augmentation uniforme du revenu ou de la consommation de tous les groupes d'une société (Klasen 2001, Kakwani et Pernia 2000, McCulloch et Baulch 1999). Au-delà des chiffres, plusieurs analystes ont conclu que les choix de la composition de la croissance économique et les stratégies de développement poursuivent, délibérément, un objectif de réduction de la pauvreté. Ayadi et al. (2005), Bibi (2005), Chemingui et Bchir (2008), Chemingui et Sánchez (2011), Banque Mondiale (1995a, 2004, 2009) ont, tous, avancé cet argument. Tout en reconnaissant les limites du modèle tunisien de développement (présenté au Chapitre 1), ces analystes soulignent le parti pris en faveur des pauvres de toutes les stratégies économiques qui se sont succédé, ce qui rejoint le principe d’engagement envers une croissance capable de réduire la pauvreté. Selon leurs arguments, c’est cet engagement ex plicite envers la réduction de la pauvreté qui explique les tendances soutenues de la réduction de la pauvreté en Tunisie au fil des décennies et des différentes périodes de croissance : du ralentissement économique (1980–85) à la stabilisation macroéconomique et les années d’ajustement (1985–90) et jusqu’à l’accélération de la croissance économique post-ajustement (1990–2010) (Ayadi et al. 2005). Figure 1. Croissance du PIB et Tendances de la Pauvreté, 1980–2010* Source : Calculs du personnel de la Banque Mondiale, en référence aux indicateurs du développement dans le monde, Ayadi et al. (2005), Banque Mondiale (2004), INS, BAD et Banque Mondiale (2012). Remarques : Les taux de pauvreté sur l'axe de droite. *GPD growth = croissance du PIB ; Extreme Poverty Rate = Taux de Pauvreté Extrême ; Poverty Rate = Taux de Pauvreté Ces stratégies de croissance favorable aux pauvres ont reposé sur le développement de secteurs à forte intensité de main-d'œuvre, essentiellement orientés vers l'exportation (inclusifs pour la main d'œuvre féminine peu qualifiée), tels que le textile et l'habillement, sur l'expansion de l'industrie touristique, sur le contrôle de l'inflation, sur la multiplication des investissements dans l'agriculture rurale, ainsi que sur la générosité des subventions aux produits alimentaires ayant facilité et amorcé l'augmentation de la production agricole. D'autres interventions ont également été introduites dans le but de réduire la pauvreté : l’augmentation des salaires minimaux, les investissements en capital humain (notamment par le biais de l'enseignement), les programmes de planning familial, les programmes de développement rural, avec extension de l'infrastructure et des routes, l'approvisionnement en eau et l'assainissement, les subventions généreuses à l'énergie – en dépit de leur mauvais ciblage - et les programmes de microcrédit, tels que la Banque de Solidarité (nonobstant la portée limité des crédits alloués et des emplois créés, Ayadi et al. 2005). Les programmes sociaux lancés depuis 1985 ont, tous, bénéficié aux pauvres. On en cite : le Programme National d'Aide aux Familles Nécessiteuse, qui cible les personnes pauvres et âgées, les veuves et les handicapés, la création de plusieurs fonds pour l'emploi, les programmes de formation et de renforcement des capacités, les fonds d'investissement sociaux, tels que le Fonds de Solidarité Nationale visant à développer l'infrastructure (routes, logements, branchements aux réseaux d'électricité et d'eau potable, écoles). En gros, les dépenses sociales des dernières années -en enseignement, subventions à la consommation, santé, transferts monétaires directs, aide en nature et politiques actives du marché du travail- ont compté pour près de 40% du total des dépenses publiques, soit 25% du PIB de la Tunisie (Banque Mondiale 2015a). 2.2 Au-delà de la croissance et de la réduction de la pauvreté : les inégalités entre groupes et les disparités régionales A contre pied de la thèse de l’engagement clair envers la croissance et la réduction de la pauvreté en Tunisie, la Banque Mondiale (2014a, 2015a, se référer aux arguments du Chapitre 1) a fait remarquer que lorsqu'on n'arrive pas à augmenter simultanément la productivité et la croissance économique, cela peut donner lieu à une réduction de la pauvreté, certes, mais également à une exacerbation des disparités régionales entre groupes et au renforcement du sentiment d'injustice sociale. La stratégie du ''développement avant démocratie'', débattue au Chapitre 1, a manqué de vision à long terme en supposant que la croissance et la réduction de la pauvreté allaient atténuer les aspirations de liberté, en l'absence de réalisations en termes d'amélioration de l'inclusion et de lutte contre les disparités. Ces deux visions soulèvent une question évidente : dans quelle mesure la croissance économique en Tunisie a-elle été capable de réduire les disparités ? Un premier élément de réponse montre clairement que la croissance a été le principal facteur contribuant à la réduction de la pauvreté, alors que la contribution de la redistribution a été plus modeste. En se référant à la méthode de décomposition de la pauvreté de Datt et Ravallion (1992), Ayadi et al. (2005) ont rapporté que la croissance de la consommation des ménages explique, à hauteur de 82%, la réduction de la pauvreté totale observée entre 1980 et 2000. La redistribution, qui consiste à introduire des changements au niveau de la distribution de la consommation des ménages, n'intervient qu'à hauteur de 11% dans la réduction de la pauvreté, durant la même période. 7 Pour la période la plus récente pour laquelle il existe des données (2005 à 2010), l'exercice de décomposition de Datt et Ravallion appliqué à cette évaluation de la pauvreté a également confirmé le grand impact de la composante croissance de la consommation sur la redistribution, 77% et 27% respectivement (Tableau 3). 7 Les 7% restants de la réduction de l'incidence de la pauvreté s'expliquent par les facteurs d'interaction dans la méthodologie de Datt et Ravallion (1992). Ces résultats valent aussi bien pour l'ensemble du pays que pour les populations urbaines et rurales.8 Tableau 3. Contribution de la croissance et de la redistribution dans la réduction de la pauvreté en Tunisie (1980-2010) Changement réel de l'incidence de la pauvreté (en points Croissance (%) Redistribution (%) de pourcentage) 1980–2000 M. Urbain 87 1 -6,1 M. Rural 77 23 -19,6 Total 82 11 -15,4 2005-10 M. Urbain 87 2 -6,4 M. Rural 73 40 -8,6 Total 77 27 -7,8 Source : Ayadi et al. (2005) pour 1980-2000, calculs du personnel de la Banque Mondiale pour 2005-10, selon la méthodologie de Datt et Ravallion (1992). Remarque : pp = points de pourcentage Un deuxième élément probant suggère qu'en dépit du fait que la redistribution ne joue qu’un rôle limité dans l'explication des tendances de la pauvreté, les réductions des inégalités de consommation se sont produites avant la Révolution. Les Courbes d'Incidence de la Croissance (CICs)9 pour 1980–2000 (estimations de Ayadi et al. (2005)) montrent que la croissance de la consommation des segments les plus pauvres de la distribution (1er au 15ème centiles de la distribution de la consommation des ménages) a été supérieure à la croissance observée chez les autres centiles (Figure 2). Jusqu'au au 75ème centile, la croissance de la consommation des ménages a été positive. La croissance de la consommation des segments riches a oscillé autour du taux de consommation moyenne. Ce résultat est valable aussi bien pour les distributions rurales qu’urbaines, même si les différences de croissance parmi les centiles sont plus modestes pour les ménages urbains. Cela confirme l’idée selon laquelle la réduction des inégalités a été plus importante auprès des ménages ruraux qu’auprès des ménages urbains.10 L’analyse des CICs montre que quelques unes des réductions des inégalités se sont produites en même temps que la réduction de la pauvreté, soit de 1980 à 2000. 8 Les résultats confirment que la redistribution joue un rôle plus substantiel dans l’explication de la réduction de la pauvreté dans les zones rurales que dans les zones urbaines —une contribution qui a augmenté durant la deuxième moitié de la décennie. Au fait, il existe de nettes différences dans la contribution de la croissance et de la redistribution avant 2000 (non abordées par ce document) et la redistribution a joué un rôle plus important que celui de la croissance, entre 1985–90. C’est durant ce quinquennat, 1985-90, lorsque la croissance économique était lente, que la stabilisation macroéconomique et le programme d’ajustement structurel ont été mis en œuvre et que l’aide sociale s’est renforcée, par l’introduction de nouveaux programmes (Ayadi et al. 2005). 9 La courbe d’incidence de la croissance est un outil conceptuel très utile qui permet d’analyser l’impact de la croissance économique agrégée sur un éventail de distribution, illustrant le taux de croissance du revenue ou de la consommation, à deux moments distincts, de chaque centile de la distribution (Banque Mondiale 2015c). 10 On peut en déduire qu’entre 1980 et 2000, la croissance en Tunisie a été favorable aux pauvr es, selon la définition stricte de Kakwani et Pernia’s (2000), selon laquelle la réduction de la pauvreté découle de la croissance disproportionnée des pauvres, comparativement à celle des non pauvres. Figure 2. Courbes d'incidence de la croissance, 1980-2000* Echelle Nationale M. Urbain M. Rural Source : Ayadi et al. (2005), utilisant la méthodologie de la Banque Mondiale pour estimer la pauvreté (Annexe 1). *Percentile Growth = Croissance Percentile ; Growth in mean = Croissance Moyenne L’analyse actualisée des CICs pour la période 2005–10 donne à voir une croissance favorable aux pauvres bénéficiant à tous les ménages tunisiens, même si l’importance de la réduction de la pauvreté semble être très limitée qu’elle ne l’a été entre 1980–2000 (Figure 3). Après correction pour l’inflation entre années et au vu des différences spatiales des prix, les taux de croissance de la consommation sont, pour la plupart, uniformes eu égard à la distribution des ménages. Les 10% les plus pauvres de la distribution affichent des taux de consommation en-deçà de la moyenne. Ce qui procure à la croissance son caractère favorable aux pauvres, c’est que les premiers 20% de la distribution des taux de croissance de la consommation sont en-deçà de la moyenne et que les 2 à 3% des plus riches connaissent des taux de croissances négatifs sur cette même période. Figure 3. Courbe d’incidence de la croissance de la consommation totale des ménages par tête, 2005–10* Source : Estimations du personnel de la Banque Mondiale Remarques : Pour calculer les CICs, la consommation est ajustée pour tenir compte des différences régionales et inter-temporelles des prix. *Annual Growth Rate = Taux de Croissance Annuelle ; Percentile of Consumption = Percentile de Consommation Les estimations de la mesure la plus communément utilisée pour calculer les inégalités, le coefficient de Gini, montrent que les inégalités en termes de consommation ont baissé entre 2000 et 2010, même si cette baisse n’a été que très modeste. Le long de cette décennie, cette légère baisse du coefficient de Gini, qui est passé de 32.7 à 34.4, a été attribuée à l’amélioration de la distribution entre 2005 et 2010, laquelle amélioration a contrecarré la hausse du coefficient de Gini observée entre 2000 et 2005— une période où les taux de croissance ont connu un ralentissement, comparativement à la deuxième moitié de la décennie. Il n’est pas surprenant de constater que la baisse générale des inégalités entre 2000 et 2010 est égale à la moitié des 5 points en pourcentage enregistrés entre 1980–2000.11 Par conséquent, et alors que les inégalités de la consommation individuelle sur les deux périodes, 1980–2000 et 2000–2010, ont baissé, leurs ampleurs respectives, elles, ont été très différentes.12 Les inégalités entre régions ont également baissé, même si cette baisse n’a été ni très importante, ni uniforme. Le Nord Est est la seule exception, la région ayant atteint des niveaux d'inégalité en- deçà de 0,3 en 2010, après une réduction de 21% de son coefficient de Gini depuis 2000 (Tableau 3). Le Centre Ouest, le Sud Ouest et le Sud Est ont enregistré des déclins beaucoup plus modestes de leur niveau d’inégalités en 2000, alors que le Grand Tunis a affiché, en 2010, le même niveau d’inégalité mesuré en 2000, ce qui peut être expliqué par une augmentation des inégalités lors des cinq premières années de la décennie et une réduction des inégalités, de la même ampleur, sur la deuxième moitié de cette même décennie. A l’intérieur des strates, de modestes réductions du coefficient de Gini ont également été observées entre 2005 et 2010. Le coefficient de Gini des grandes villes est passé de 35 en 2005 à 33 en 2010. Les petites et moyennes communes sont passées d’un coefficient de Gini égal à 33% en 2005 à 30% en 2010. Les zones rurales ont également vu leur coefficient de Gini baisser, passant de 33% à 32%. 11 Coefficients de Gini 1980-2000, tels qu'ils ont été rapportés par Ayadi et al. (2005). 1980 1985 1990 1995 2000 Total 0.455 0.453 0.401 0.417 0.409 M. Urbain 0.418 0.432 0.374 0.389 0.391 M. Rural 0.412 0.379 0.354 0.353 0.358 12 L’INS, la BAD et la Banque Mondiale (2012) ont conclu que bien qu’ils soient statistiquement significatifs, ces changements de distribution observés entre 2000 et 2010 ne sont pas économiquement significatifs. Entre 2000 et 2005, les changements des coefficients de Gini sont minimes et ne renseignent sur aucun changement significatif, de nature statistique ou économique. Tableau 3. Coefficients de Gini, 2000-2010 Changement Part de Part de 2000-2010 changement changement Gini 2000 Gini 2005 Gini 2010 (pp) 2000-2005 (%) 2005-10 (%) Total 34,4 34,8 32,7 -1,7 -24 124 (0.060) (0.050) (0.040) Grand Tunis 35,4 37,1 35,4 0 -100 +100 (0.012) (0.012) (0.009) Nord Est 33,6 33,4 27,7 -5,9 +3 +97 (0.015) (0.009) (0.008) Nord Ouest 33,5 32,9 33,1 -0,4 +150 -50 (0.009) (0.010) (0.009) Centre Est 35,1 32,4 31,9 -3,2 +84 +16 (0.014) (0.008) (0.008) Centre Ouest 36,8 38,2 34,9 -1,9 -74 +174 (0.008) (0.011) (0.009) Sud Est 33,8 37,8 33,1 -0,7 -571 +651 (0.013) (0.013) (0.009) Sud Ouest 34,7 35,6 32,6 -2,1 -43 +143 (0.017) (0.014) (0.017) Source : INS, BAD et Banque Mondiale (2012). Remarques : Coefficients de Gini, en référence à la consommation (total des dépenses moins dépenses en biens d’équipements). La consommation des ménages pour calculer le coefficient de Gini au niveau national est ajustée pour tenir compte des différences de prix au niveau de la strate, en se référant au seuil maximal de la pauvreté comme indice de prix. Les coefficients de Gini sont multipliés par 100. Ils varient donc entre 0 et 100. En relation avec la réduction limitée des inégalités entre régions, l’INS, la BAD et la Banque Mondiale (2012) démontrent que c’est la diminution des inégalités intra-régionales qui explique la modeste augmentation des inégalités générales dans le pays, entre 2000 et 2010. Alors que les coefficients de Gini ont chuté de 23 en 2000 à 20,1 en 2010, les inégalités inter-régionales sont passées de 11,4 en 2000 à 12,6 en 2010 (Tableau 5). En combinant les inégalités intra et inter- régionales en un indice de polarisation (Gini intra-régional ou Gini inter-régional) construit par l’INS, la BAD et la Banque Mondiale (2012), cette mesure de la polarisation a augmenté, passant de 49.9% en 2000 à 62.5% en 2010. Comme précédemment cité en ce qui concerne la pauvreté et les inégalités, cette exacerbation de la polarisation n'a pas été uniforme. Le principal de la variation a eu lieu entre 2000 et 2005. Après, il y a eu stagnation. Tableau 4. Inégalités inter et intra-régionales Coefficient de Gini 2000 2005 2010 Inégalités générales 34,4 34,8 32,7 (0.48) (0.45) (0.34) Inégalités inter-régionales 11,4 13,3 12,6 (0.32) (0.29) (0.23) Inégalités intra-régionales 23,0 21,5 20,1 (0.32) (0.29) (0.23) Polarisation 49,9 61,9 62,5 (1.44) (1.51) (1.27) Variation de la polarisation 12,0 0,6 (2.11) (1.97) Source : INS, BAD et Banque Mondiale (2012). Les sources officielles (INS, BAD et Banque Mondiale 2012, 24) ont considéré que ces résultats sont la confirmation de l’idée selon laquelle ''les problèmes d'identification et d'aliénation ressentis par les citoyens des gouvernorats défavorisés'' se sont accentués entre 2000 et 2010. L’association (ou non) de ces tendances à l’identification et à l’aliénation doit faire l’objet d’autres analyses. Mais cela suggère que les conditions de vie des personnes résidantes dans une même région convergent, sur une même période, alors que les conditions de vie de personnes résidantes dans des régions différentes divergent. Concrètement, l’estimation de la moyenne de la croissance annuelle par tête, entre 2000 et 2010—prix réels 2005— pour les régions les plus pauvres du Centre Ouest et du Nord-Ouest (2.3% et 1.5%, respectivement) a été la plus basse de toutes les régions (Tableau 5). Ces niveaux de consommation étaient bien loin derrière la consommation des régions où les niveaux de pauvreté sont bas, soit le Grand Tunis et le Nord Est, où la croissance a été de 2.8% et de 2.7%, soit plus rapide que le niveau de consommation des régions les plus pauvres. L’écart dans la consommation agrégée par tête (prix 2005) entre le Grand Tunis et le Centre Ouest est de 2,624 DT, comparativement à 1,212 DT (2000 DT en 2000 versus 0,968 DT en 2000). Tableau 5. Consommation Agrégée par Tête et par Région, Prix 2005 en DT Moyenne de la croissance 2000 2005 2010 annuelle (%) Toutes zones 1 441 1 696 1 919 2,9 confondues Grand Tunis 2 000 2 331 2 624 2,8 Nord Est 1 320 1 547 1 718 2,7 Nord Ouest 1 127 1 292 1 311 1,5 Centre Est 1 707 1 902 2 189 2,5 Centre Ouest 968 1 034 1 212 2,3 Sud Est 1 126 1 574 1 787 4,7 Sud Ouest 1 068 1 338 1 507 3,5 Source : INS, BAD et Banque Mondiale (2012). Au cours des dernières décennies, l’écart grandissant dans les disparités en termes de niveau de vie est allé de pair avec l’augmentation brutale des disparités régionales de la pauvreté, es régions côtières et les zones urbaines étant les moins affectées par la pauvreté. En 2010 et tel qu’illustré au Tableau 2, l’incidence de la pauvreté a continué à être pratiquement deux fois plus élevée dans les zones non communales de la Tunisie que dans les zones urbaines. En ce qui concerne la pauvreté extrême, l'écart est beaucoup plus accentué et s'est davantage exacerbé pendant les 10 dernières années : la pauvreté extrême dans les zones communales a été quatre fois plus élevée en 2000 et sept fois plus élevée en 2010, comparativement aux villes. En ce qui concerne les régions, il y a lieu de noter que le déclin général de la pauvreté n'a pas profité aux régions du Centre Ouest et du sud Ouest, où l'écart avec le reste du pays s'est creusé pendant cette même période. En 2010, les taux de pauvreté ont oscillé entre de faibles taux, de l'ordre de 8-9% au Centre Est et sur le Grand Tunis, et d'autres plus élevés, allant de 26% à 32% dans les régions du Nord Est et du Centre Ouest, respectivement. Ainsi, le ratio forte incidence de la pauvreté régionale sur faible incidence de la pauvreté régionale est passé de 3 à 1 en 2010, alors qu’il était autour de 2 à 1 en 2000. Les régions où les incidences de la pauvreté sont les plus élevées, à l'instar du Centre Ouest, du Nord Ouest, du Sud Ouest et du Sud Est, comptent pour près de 60% de la population pauvre et de 40% de la population totale. A l’inverse, les régions où les incidences sont faibles comptent pour près de 40% de la population pauvre et de 60% de la population totale du pays. La pauvreté extrême est désormais plus concentrée qu'avant : les régions les plus pauvres du pays, notamment les régions du Nord Ouest, du centre Ouest et du Sud Ouest abritent plus de 70% de la pauvreté extrême et 55% de l'ensemble des pauvres. 3.3. Récente Evolution de la Pauvreté 4.1 Les Projections de la pauvreté Il n'existe pas de chiffres officiels sur la pauvreté en Tunisie au-delà de 2010. La dernière ENBCV pour lesquelles des données ont été collectées, traitées et officiellement communiquées est antérieure à 2010 et il est attendu que la nouvelle ENBCV de 2015 soit clôturée en 2015 (Encadré 2). Ses résultats ne seraient pas communiqués avant la moitié de 2016. En l'absence de données actualisées, on peut supposer que la pauvreté a augmenté immédiatement après janvier 2011, à mesure que l'économie est entrée en récession avec un taux de croissance de -1,9% (Banque Mondiale, 2015a). Il a été difficile, après, de prédire les tendances de la pauvreté, avec une reprise économique de 2012, à un taux de croissance de 3,6% et un nouveau ralentissement en 2013, avec une chute du taux de croissance à 2,6%.13 Selon les chiffres officiels de l'INS, le chômage s'est accru en 2011 pour atteindre 18%, après s'être situé à 13% en 2010. Depuis, il s'est comprimé à 16,9%, à 15,8% et à 15,1%,14 respectivement en 2012, 2013 et 2014, mais est resté au dessus des niveaux d'avant la Révolution. L'Indice des Prix à la Consommation (IPC) s'est progressivement renforcé, passant de 3,5%, à 5,1%, à 5,8% puis à 4,9% entre 2011 et 2014. Le coût de satisfaction des besoins de base s’est considérablement alourdi (Banque Centrale de Tunisie, 2015). Ces développements, et d’autres, ont affecté, comme on pouvait s’y attendre, l’incidence de la pauvreté d’après la Révolution. Aucune ENBCV n'ayant été menée après la Révolution, la présente analyse propose une méthodologie qui projette les taux de pauvreté d'après la Révolution, et ce pour la première fois en Tunisie. La technique proposée tient compte de l’évolution de la croissance du PIB, de la composition sectorielle et de l’IPC, comme intrants d’un modèle d’équilibre partiel. D’autres déterminants sont susceptibles d’affecter la pauvreté, mais peuvent ne pas être facilement tracés par une enquête auprès des ménages, ne pas changer considérablement sur le court terme ou être difficiles à mesurer. Par exemple, il est peu probable que de grands changements surviennent en relation avec l’accumulation de capital humain, en 13 Les chiffres officiels de l'INS sur la croissance du PIB entre 2011 et 2014 sont : -1,0%, 4,5%, 2,8% et 2,7%, respectivement (INS, 2015b). 14 Chiffres mis en ligne l'INS, consultés le 28 juillet 2015 sur le lien : http://www.ins.tn/indexfr.php. Les chiffres de 2014 ne concernent que trois trimestres. Ceux du deuxième semestre n'ont pas été rapportés. l’espace d’une année ou deux. Ce pour quoi les changements dans les compétences ne seront pas considérés par l’analyse. D’autres facteurs, comme les facteurs sociaux ou les subventions, ne peuvent pas tracés avec précision par les enquêtes auprès des ménages (Se référer au Chapitre 8), pour espérer qu’ils puissent améliorer la précision des projections. En ce qui concerne les changements considérés par l’exercice, à savoir le PIB, le chômage et l’IPC, l’analyse proposée impute les changements observés au niveau de ces variables en 2011 et 2012 dans la distribution initiale de la consommation des ménages obtenue de l’ENCBV de 2010. Ainsi, les distributions de la consommation pour 2011 et 2012 dérivent de la ‘’stimulation’’ de la distribution de la consommation en 2010, en leur injectant des changements survenus au niveau du PIB, du chômage et de l’IPC, observés en 2011 et en 2012. Les distributions résultantes de la consommation d’après la Révolution sont alors utilisées pour estimer la proportion de ménages qui sont en deçà des seuils de pauvreté actualisés compte tenu de l’IPC pour les années 2011 et 2012. Cette simple méthodologie permet de projeter les taux de pauvreté, année après année. Encadré 2 : Les dernières informations disponibles pour projeter les estimations de la pauvreté L'exercice de projection proposé ne peut être mis en application qu’en cas de disponibilité d’informations actualisées. Au minimum, l’analyse devra composer avec une combinaison de micro- et de macro- informations sur la consommation des ménages, le PIB, la valeur ajoutée du secteur, l’inflation et le chômage. Les macro- informations les plus récentes remontent à 2010, année référence à partir de laquelle les projections sont estimées pour les années d’après. Le nouvelle ENBCV est prévue pour 2015 et il est prévu que le travail de terrain prenne fin vers mai 2016. L’INS devrait rendre publics ses premiers résultats de l’enquête vers fin 2016 (une fois que les résultats définitifs du recensement de 2014 soient rendus publics, en décembre 2015 ou début 2016). Toutefois, on ne sait pas à quel moment les fichiers de données des enquêtes seront mis à disposition du public pour des analyses indépendantes. En ce qui concerne les macro-données, les derniers chiffres disponibles de la croissance du PIB, rapportés par l’INS, portent sur le premier trimestre de 2015. Les taux de chômage agrégés, quant à eux, portent sur 2014, mais leur décomposition par groupes socioéconomiques n’est disponible que pour 2012. On dispose d’informations désagrégées sur l’éducation, plus actualisées que celles de 2012 (remontant à fin 2014 et au premier trimestre de 2015), mais elles ne portent que sur les diplômés du supérieur. Cela implique que l’année la plus récente pour laquelle on peut procéder à une désagrégation du chômage en référence au capital humain est 2012. La désagrégation du chômage par groupes d’âge et par genre est disponible (jusqu’en 2014), mais ces désagrégations sont indépendantes les unes des autres et il n’est pas possible de croiser ces deux dimensions. C’est pour dire qu’une désagrégation multidimensionnelle et simultanée du chômage par niveau d’instruction, âge et genre n’est pas possible avec les informations disponibles après 2010. Pour l’exercice d’imputation entre enquêtes dont il a été question à la Section 4.2, la méthodologie proposée qui consiste à imputer la distribution de la consommation de l’ENBCV et de l’ENPE ne peut être actualisée qu’en cas de disponibilité des ENPEs. Comme déjà expliqué, la dernière ENBCV disponible remonte à 2010 et les ENBCVs sont menées tous les cinq ans. Les ENPEs, elles, sont annuelles et la dernière remonte à 2013. Ses fichiers de données n'ont pas été mis à disposition du public pour des analyses indépendantes. La dernière année pour laquelle des données sur les particuliers et les ménages sont disponibles est 2012. Aux fins des analyses indépendantes, il importe de noter qu’entre 2005 et 2013, l’INS a rendu publics les fichiers de données des particuliers et ménages de 2009 et de 2012 (INS 2015). Enfin, la Banque Mondiale travaille actuellement au développement et à l’amélioration d’une nouvelle méthode de projection destinée aux pays qui désirent procéder à des projections macroéconomiques et de la pauvreté, chaque année. Ces projections peuvent être réalisées au moyen de plusieurs méthodes, y compris les élasticités historiques entre PIB et tendances de la pauvreté, pouvant être neutres ou sensibles, en termes de distribution. Dans la version la plus simple de l’exercice de projection, c’est-à-dire la simulation 1 (PIB seulement), les croissances du PIB observées en 2009, en 2011 et en 2012 sont, tour à tour, imputées à chaque ménage de l’ENBCV de 2010. La Figure 4 illustre les étapes nécessaires à la construction de ce scénario de simulation. Dans le cadre de la simulation 1, la consommation par travailleur de chaque ménage est ajustée selon la croissance officielle du PIB pour les années projetées. L’hypothèse sous-jacente suppose l’existence d’une parfaite transmission entre le revenu et la croissance de la consommation, chaque année. Le seuil de pauvreté est corrigé selon l’IPC de chaque année, telle qu’il est rapporté par l’INS. La nouvelle distribution de la consommation qui en résulte est comparée au seuil de pauvreté corrigé et les ménages au-deçà de ce nouveau seuil seront considérés comme étant pauvres. Figure 4. Représentation graphique des simulations de la pauvreté Source : Personnel de la Banque Mondiale a. Ces étapes ont été réitérées 100 fois pour le processus d’affectation aléatoire de la situation professionnelle. Alternativement, le deuxième scénario de projection tient compte de la croissance du PIB du secteur. Dans le cadre de la simulation 2 (PIB sectoriel), les mêmes mécanismes que la simulation 1 sont appliqués à la différence, qu’ici, les travailleurs des trois plus grands secteurs de l’économie (agriculture, manufacture et services) se voient imputer les taux de croissance de leurs secteurs. La principale hypothèse sous-jacente à cette simulation suppose que les taux de croissance spécifiques à ces trois secteurs sont une assez bonne approximation pour décrire la croissance réalisée au niveau de toutes les activités inhérentes à ces secteurs de l’économie, établissant ainsi la moyenne des hétérogénéités des activités de chaque secteur. La simulation 3 (PIB sectoriel, chômage et IPC), plus sophistiquée, tient explicitement compte des taux de chômage observés en 2011 et en 2012. En Tunisie, les données officielles sur les taux de chômage sont désagrégées selon le niveau d’instruction ( analphabètes, niveau primaire, niveau secondaire et niveau supérieur). Malencontreusement, L’INS dispose des taux de chômage désagrégés de 2011 et de 2012 et pas de ceux de 2013 et de 2014, ce qui explique pourquoi les projections dans le scénario (et le reste de la comparaison) sont limitées à 2011 et à 2012 (Encadré 3, plus haut). Par ailleurs, les taux de chômage selon le niveau d’instruction ne pourraient pas être davantage désagrégés par âge et par genre, ce qui aurait permis d’obtenir une simulation à ‘’haute résolution’’. Les changements annuels survenus au niveau du chômage, tel qu’ils sont observés chaque année, sont imputés aléatoirement à la distribution des ménages de l’ENBCV de 2010. Les individus auxquels a été attribué un statut de chômeur dans la simulation ne se verront pas imputer la consommation par tête du travail. Enfin, les seuils de pauvreté annuels sont corrigés pour l’inflation, au moyen de l’IPC national, pour refléter l’augmentation du coût de la vie. Cette procédure de simulation est répliquée 100 fois et un taux de pauvreté projeté est obtenu à partir de la moyenne des taux de pauvreté de toutes les répétitions. Une dernière projection, la simulation 4 (PIB sectoriel, chômage, sans ajustement selon l’IPC) permet de mieux comprendre les effets que les ajustements du seuil de pauvreté peuvent avoir sur les estimations de la pauvreté projetée. Cette simulation réplique la simulation 3, en excluant l’ajustement des seuils de pauvreté selon l’IPC. Au lieu de cela, le seuil de pauvreté initial de 2010 – sans ajustement supplémentaire selon l’IPC – est retenu pour déterminer si un ménage est considéré pauvre ou non, en 2011et en 2012, après imputation de la croissance du secteur et des taux de chômage. Une fois de plus, l’imputation des taux de croissance sectorielle et des taux de chômage aux ménages de l’ENCBV de 2010 est répliquée 100 fois et la moyenne des taux de pauvreté est calculée pour refléter la projection définitive de la pauvreté, selon ce scénario. Le Tableau 7 et la Figure 5 présentent les estimations ponctuelles moyennes de l’incidence de la pauvreté selon les quatre scénarios. Les estimations montrent que les taux de pauvreté ont d'abord diminué en 2011 avant d'augmenter en 2012. Selon ces résultats, il semblerait de l'impact de la Révolution sur la pauvreté a oscillé entre 0,9 et 2,2 points de pourcentage, en fonction de la simulation retenue. Lorsqu’il a été tenu compte des effets du PIB sectoriel et du chômage (simulation 3), l’impact a été de 2.2 points de pourcentage plus grand. Lorsqu’on n’a tenu compte que du PIB sectoriel (simulation 1), l’effet a été moindre, avec une augmentation de seulement 0,9 point de pourcentage de l’incidence de la pauvreté. La relance enregistrée en 2012 a suffi à inverser l’exacerbation de la pauvreté observée en 2011. N'eût été l’augmentation des prix (tel que supposé à la simulation 4), la relance économique de cette année-là aurait maintenu les niveaux de pauvreté en-deçà de ceux enregistrés en 2010. C’est justement la hausse du coût des besoins de base qui a contrecarré, dans une certaine mesure, l’impact positif de la croissance du PIB (sectoriel) et de la réduction du chômage observées en 2012 sur la pauvreté. Tout bien considéré : croissance sectorielle, chômage et IPC, les taux de pauvreté en 2012 ont été similaires à ceux observes avant la Révolution. Figure 5. Taux de pauvreté projetés d’après la Révolution * Source : Calculs du personnel de la Banque Mondiale, en référence aux ENCBVs de 2005 et de 2010 et aux données officielles de l'INS sur la croissance, le chômage et l'IPC. *GDP only = PIB seulement ; Sector GDP = PIB Sectoriel ; Sector GDP & Unemployment = PIB Sectoriel et Chômage ; Sector GDP, unemployment, no CPI adjustment = PIB Sectoriel, chômage, pas d’ajustement IPC Tableau 7. Taux de pauvreté projetés, 2011–12 Official (P. Simulation 1 : Simulation 2 : Simulation 3 : PIB Simulation 4 : PIB de PIB PIB Sectoriel sectoriel et sectoriel et chômage, sans Référence, seulement (%) chômage (%) ajustement selon l'IPC (%) %) (%) 2005 23,4 17,1 19,1 16,9 16,6 2009 (0.16) (0.16) 2010 15,5 15,5 15,5 15,5 15,5 17,5 15,8 16,4 15,2 2011 (0.37) (0.37) 15,2 12,1 15,4 13,9 2012 (0.26) (0.25) Source : Calculs des auteurs, en référence aux ENCBVs de 2005 et de 2010 et aux données officielles de l'INS sur la croissance, le chômage et l'IPC. La Figure 6 propose d’autres chiffres sur la pauvreté extrême et les compare aux taux officiels et projetés de la pauvreté, avant et après la Révolution. Les estimations de la pauvreté proposées par la Figure 6 font référence aux projections du scénario qui tient compte du PIB, du chômage et des changements de l’IPC, au fil du temps. Les tendances projetées de l'extrême pauvreté sont similaires à celles de la pauvreté : une augmentation considérable en 2011 et une diminution remarquable en 2012. Toutefois, et à l’inverse des tendances de la pauvreté, la réduction de la pauvreté extrême en 2012 n’a pas été suffisante pour absorber intégralement les augmentations de 2011. Cela est dû au grand impact que le chômage a eu, en 2011, sur la pauvreté extrême, comparativement à celui qu’il a eu sur la pauvreté (et à l’impact encore plus limité de la reprise de l’emploi en 2012 sur un grand nombre d’individus dans la pauvreté extrême en 2011). Il y a lieu de noter que ces taux projetés tendent à surestimer la véritable variation de la pauvreté qui a sévi pendant ces années-là. Cela est dû au fait que les effets des subventions à la consommation, des transferts sociaux, des transferts privés et de fonds et des stratégies d’adaptation de l’emploi (accroissement de l’offre de travail, changements des statuts professionnels, par exemple) n’ont pas été pris en compte dans ces projections. Si des stratégies d’adaptation sont adoptées par les ménages et/ou que des interventions compensatoires sont déployées par les autorités et que les estimations ne parviennent pas à en tenir compte, cela pourrait conduire à une surestimation des impacts de la pauvreté. Figure 6. Taux de pauvreté officiels et projetés : tendances de la pauvreté et de la pauvreté extrême, 2000–2012 Source : Calculs du personnel de la Banque Mondiale, en référence à l'ENCBV et aux estimations officielles de l'INS en relation avec la croissance, le chômage et l’IPC (simulation 3). Remarque : Les zones ombrées correspondent aux taux calculés par la Banque. Les zones non ombrées correspondent aux chiffres officiels. 4.2 Imputation de données d’enquête à enquête De nouvelles techniques d’imputation de données d’enquête-à-enquête, récemment développées, peuvent aider à surmonter le défaut d'enquêtes budgétaires fréquentes à partir desquelles on aurait pu calculer directement l'incidence de la pauvreté. En un mot, les techniques d’imputation d’enquête-à-enquête consistent à développer un modèle de consommation (ou bien de revenu), à partir des enquêtes sur les dépenses des ménages (ou de revenu), modèle qui peut être utilisé pour introduire une répartition de la consommation (ou bien du revenu) des ménages dans une autre enquête – sur la force de travail, par exemple –, soit pour la même année, soit pour une autre. Les premiers fondements de ce type de technique proviennent de l’approche « mappage de la pauvreté » (Poverty-mapping), mise au point par Elbers, Lanjouw et Lanjouw (2003), qui a prédit les données de consommation dans le recensement, à partir d'un modèle de consommation calculé lors d’une enquête précédente auprès des ménages. Des applications plus récentes de cette technique ont permis d’affecter des données sur la consommation entre les enquêtes auprès des ménages et celles de Santé et démocratie - comme dans Stifel et Christiaensen (2007), Ferreira et al. (2011), Christiaensen et al. (2012), et Mathiassen (2013)15. Plus proche du cas tunisien, Mathiassen (2009) au Mozambique, Douidich et al. (2013) au Maroc, et Newhouse et al. (2014), au Sri Lanka, ont introduit des données sur la consommation, obtenues lors d'une enquête sur les dépenses des ménages dans une ENPE plus récente et par la suite ont pu donner des estimations des taux de pauvreté. En Tunisie, comme ailleurs, l'imputation d’enquête-à-enquête met au point un modèle de consommation dans une première enquête (appelons-là « enquête A »), puis en utilise les paramètres pour affecter les données sur la consommation dans une autre, (appelons-là "enquête B"). L’encadré 3 décrit le modèle de consommation, utilisé en Tunisie pour cette application d’imputation d’enquête transversale. Impérativement, toutes les variables incluses dans le modèle estimé dans l'enquête « A » doivent également être disponibles dans l'enquête « B », pour s’assurer que les taux de pauvreté observés et ceux imputés sont comparables. Cela signifie que les variables, qui potentiellement pourraient être pertinentes pour expliquer la consommation dans l'enquête « A », mais qui ne sont pas présentes dans le sondage B, ne seront pas incluses dans le modèle de consommation. En outre, les différences dans la définition de la même variable dans les deux enquêtes (par exemple, dans le cas de la Tunisie, la définition des zones urbaines) peuvent avoir des conséquences sur la reproductibilité du modèle. Enfin, les différences dans la conception des échantillonnages des enquêtes impliquées dans l'imputation peuvent également avoir des conséquences sur la qualité des estimations (Newhouse et al. 2014). Les modèles de consommation, utilisés dans l’imputation d’enquête transversale, présentent certaines limites au niveau de leur capacité de prédiction, donc ils sont incapables de rendre compte de manière complète du comportement du consommateur. La stratégie élaborée, pour tenir compte des comportements de consommation, non relevée directement dans le modèle de consommation, consiste à affecter les « résidus » estimés du modèle de consommation de l'enquête A16, dans l'enquête B (voir, par exemple, Ferreira et al. [2011] et Douidich et al. [2013]). Ces analyses affectent la «moyenne résiduelle" des ménages, relative à chaque dixième de la distribution de la richesse dans l'enquête A, dans les ménages concernant les dixièmes de patrimoine respectifs, définis par le même ensemble d'actifs dans l'enquête B17. Cette stratégie est censée être plus précise qu'une insertion au hasard de résidus, car elle minimise le risque que les résidus obtenus dans des ménages à faible statut socio-économique, dans une enquête donnée, puissent être finalement alloués à un ménage d'une extraction socio-économique très différente dans l’enquête B. Dang, Lanjouw et Serajuddin (2014) offrent une alternative aux affectations de résidus basées sur les dixièmes. Leur approche estime un modèle de consommation à effets aléatoires groupés, en utilisant l’information donnée par l'enquête A. Ensuite, ils appliquent les coefficients estimés de la régression de l'enquête A, à des individus dans l'enquête B, pour obtenir une consommation prédite. Enfin, ils attribuent au hasard, aussi bien les effets aléatoires groupés que les termes d'erreur de la régression dans l’enquête A, à chaque individu dans l'enquête B. Ce processus est soumis à la méthode « bootstrap » et le taux de pauvreté projeté est obtenu à partir de la moyenne de toutes les répétitions. En séparant les termes de deux sources d'erreur, celui lié à des limitations spécifiques à l’imputation et celui des limites de conception - leurs estimations peuvent potentiellement mieux contrôler les données de l'enquête et les limites de la conception, évaluant ainsi avec plus de précision les erreurs caractéristiques des estimations de consommation imputées. Encadré 3. Modélisation de la consommation utilisant des données de l’ ENBCV et l’ ENPE tunisiens L’analyse d’imputation d’enquête - à - enquête est basée sur les données de l’ENBCV, session de 2010. L'information obtenue au niveau des ménages et des particuliers a été utilisée pour concevoir un modèle de consommation des ménages de type « cadre ordinaire minimal » (OLS= ordinary least square) de la consommation des ménages. En l’occurrence, les variables utilisées dans le modèle comme variables exp licatives sont les suivantes : • Les variables sociodémographiques : La taille du ménage et son cadre ; taux de dépendance ; caractéristiques du chef de famille, tels que l'âge, sous forme de logarithme et son cadre , le sexe et la situation matrimoniale ; le niveau d’instruction (primaire, secondaire ou universitaire comme plus haut niveau atteint) et le niveau d’instruction es autres membres du ménage autres que le chef de famille. • Caractéristiques en rapport à la situation professionnelle : le statut par rapport à l'emploi (chômeur ou autre) ; secteur d’activité (agriculture ou autre) du chef de famille et des autres membres ; • L'accès aux services de base : comme l'eau courante et l'électricité ; • Propriété d’actifs / de biens durables : voiture, moto, et / ou vélo ; télévision et / ou radio ; lave-linge, réfrigérateur, congélateur, lave-vaisselle, four; et • Les variables concernant la zone d’habitation : Les zones rurales et les contrôles régionaux. La variable dépendante du modèle est le logarithme de la consommation annuelle des ménages par habitant. La consommation des ménages comprend les dépenses monétaires pour la consommation de produits alimentaires et non alimentaires (vêtements, hygiène et soins, loisirs) ; les dépenses d'investissement en logement ; les dépenses de transport ; consommation personnelle de nourriture ; dons et avantages en nature reçus ; loyer affecté des ménages propriétaires ou bien des ménages qui bénéficient d’un logement gratuit. La consommation ne comprend pa s les dépenses en immobilisations, des dépenses de biens durables, ou des dépenses exceptionnelles de cérémonie (INS et al, 2012). La consommation des ménages a été divisée par le nombre des membres de la famille pour obtenir un taux par habitant sans aucune considération pour l’âge ou le sexe. Des informations supplémentaires sur le type d'emploi (travailleur autonome, travailleur salarié, emploi privé ou public) étaient disponibles dans la session de l’ENBCV de 2010, mais absent pour celle de 2009 de l'En quête sur la population active ; elles ont donc été écartées des estimations finales. En revanche, celles concernant la propriété des actifs et les caractéristiques du logement sont largement disponibles dans l’ENBCV de 2010. Ces informations ne sont pas intégrées dans le modèle, mais utilisées pour calculer un indice de richesse pour l'imputation des erreurs, conformément à l’approche de Ferreira et al. (2011) concernant l’imputation. Avant d'appliquer l’imputation d’enquête transversale, il a été confirmé que les variables communes aux deux enquêtes ENBCV et ENPE étaient cohérentes quant à leurs définitions. La conception de l'échantillon était également comparable et compatible avec le recensement de 2004. L’ENBCV de 2010 contient des informations concernant 11, 281 ménages dans sept régions et la base de sondage a été classée selon les gouvernorats où vivaient les interrogés (les grandes villes, les villes moyennes et petites et les zones non communales). Les enquêtes utilisées ont soit un an, soit deux ans d'intervalle, affectant les données sur la consommation de l’ENBCV de 2010 dans l’ENPE de 2009 et l’ENPE de 2012. Il était sous-entendu dans l’application d’imputation, que le modèle de consommation en 2010 était supposé approprié pour expliquer la consommation en 2012. La courte période de temps - deux ans - entre les affectations appuyait cette hypothèse ; cependant, le fait que la Révolution a eu lieu entre les deux années, pourrait en remettre en question la validité. En fait, les changements brusques dans les rendements de déterminants de la pauvreté ne seront pas captés par l'imputation d’enquête transversale. Bien que ce soit une cause de préoccupation, on croit que les changements dans les rendements auraient pu constituer un défi plus grand pour l'imputation de 2011 que pour celle de 2012. Il en est ainsi parce que les plus grands changements économiques après la révolution - en termes de PIB et de taux de chômage - ont eu lieu en 2011, alors qu'ils sont revenus aux niveaux d’avant la révolution en 2012. Par conséquent, la comparabilité des rendements entre 2010 et 2012 devrait sans doute être meilleure que pour ceux entre 2010 et 2011. Source : Equipe de la Banque mondiale. a. Cette liste finale est le résultat d'un processus itératif où des variables supplémentaires (par exemple, se référant à la propriété durable et à l'accès aux services de base) et d'autres spécifications des variables (par exemple, concernant les différents groupes de niveau de scolarité) ont été essayées à la recherche d'un modèle robuste maximalisant la performance statistique (qui est la représentativité statistique des variables et la capacité explicative). Le corps empirique naissant du travail d’imputation d’enquête transversale n'a pas encore démontré laquelle des méthodes alternatives est supérieure et dans quelles circonstances. Des questions telles que la simplicité de l'approche, la comparabilité des enquêtes, le traitement des résidus, la modélisation de la consommation et la qualité des données et de l'accessibilité, entre autres, devraient tous jouer un rôle dans le choix de la méthodologie la plus appropriée d'imputation. Plutôt que de choisir une approche unique d’imputation d’enquête transversale parmi les solutions présentées, l'analyse actuelle produit de multiples ensembles de résultats en utilisant toutes les approches décrites. Tout d'abord, les résidus de l'enquête A sont affectés au hasard dans l'enquête B, quelles que soient les caractéristiques et la localisation des ménages dans chacune des enquêtes. Les résultats obtenus sous cette méthode sont signalés dans le scénario appelé « imputation des résidus aléatoires ". En second lieu, suivant la méthode de Ferreira, Gignoux et Aran (2011), les résidus de l'enquête A sont plus précisément affectés dans l'enquête B, par attribution aléatoire des résidus, au sein des groupes prédéfinis, dans les deux enquêtes. Comme indiqué ci-dessus, Ferreira, Gignoux et Aran (2011) utilisent les dixièmes d'un indice de richesse produite par la possession de biens durables, les caractéristiques du logement et l'accès aux services publics, pour allouer les résidus entre les enquêtes18. Il n’est possible de procéder à cette répartition des résidus entre les enquêtes que lorsque les mêmes actifs peuvent être identifiés dans les deux enquêtes. Cette méthode produit des estimations de la pauvreté dans le cadre du scénario appelé "imputation des dixièmes d’indice de richesse »." Une extension de cette méthodologie est également tentée, en répartissant les dixièmes basés sur les actifs entre populations urbaines et rurales et en séparant de manière efficace les dixièmes de la richesse entre les ménages urbains et ruraux. Cela est saisi dans le scénario des " dixièmes d’indice de richesse et imputation urbaine- rurale." Une dernière méthode prend appui sur celle d’imputation d’enquête-à-enquête de le Dang, Lanjouw et Serajuddin (2014) décrite ci-dessus, consistant à affecter des effets aléatoires et des erreurs, groupés entre les enquêtes. Les résultats sont présentés dans le scénario décrit comme " imputation DLS." La disponibilité des données détermine l'application réelle de ces méthodes alternatives, au contexte tunisien. Dans le cas de la Tunisie, l’ENBCV 2010 constitue « l’enquête A », qui constitue le plus récent sondage à partir duquel l'incidence officielle de la pauvreté est inférée, des données relatives à la consommation des ménages. Les ENPE constituent « l’enquête B. Les données en ont été recueillies chaque année depuis 2005. Toutefois, l'INS a seulement mis à notre disposition les ENPE de 2009, 2010, et 2012. Donc, en vue de cette application, les différentes méthodes d'imputation sont appliquées à ces enquêtes. Les définitions de toutes les variables du modèle de consommation sont réputées comparables. Ce se révèle être le cas pour les ENPE de 2010 et de 2012, mais pas pour l’ENPE de 2009. Pour cette année-là, l'ENPE ne comprenait pas l'occupation professionnelle des individus. Cela signifie que le modèle de consommation entier estimé dans l’ENBCV 2010 ne peut pas peut être reproduit en 2009. Deux options s’offrent à nous pour surmonter ce problème. La première consiste à conserver le modèle préféré pour 2010, le « modèle complet », et de l’appliquer uniquement à l’ENPE de 2012. La seconde est de trouver un modèle qui soit vraiment comparable pour toutes les années, ce qui implique de simplifier le modèle en en excluant le nombre des enfants dans le ménage et l’occupation professionnelle du chef de famille et des autres membres du ménage. Ce modèle, "le modèle comparatif," est appliqué à la fois à l’ENPE de 2009 et à celle de 2012. Le tableau 6 décrit, étape par étape, les mécanismes particuliers de simulation pour chacun des scénarios. L'utilisation de ce riche éventail de méthodes - quatre techniques d'imputation résiduelle et deux modèles, complet et comparatif, de consommation - fournit une large gamme d'estimations de la pauvreté, basées sur l’imputation enquête-à-enquête et qui prennent en ligne de compte les meilleures pratiques internationales tout en personnalisant leur application aux circonstances spécifiques de la Tunisie. En même temps, ces ensembles de résultats soulignent également les limites des estimations imputées de la pauvreté, qui sont proportionnelles à la capacité du modèle de consommation à reproduire les estimations observées de la pauvreté. Dans le cas de la Tunisie, le tableau 8 montre que le modèle de consommation estimé fournit une approximation raisonnable des taux de pauvreté observés en 2010 (voir également l'annexe 2). En regardant la première colonne, "ENBCV 2010 a prédit," le modèle de consommation estimé dans l’ENBCV 2010, donne une estimation nationale du taux de pauvreté de 16,8 pour cent, et ce en utilisant la méthode des résidus aléatoires - le taux officiel déclaré de la pauvreté étant de 15,5 pour cent. Les estimations de la pauvreté utilisant les dixièmes de patrimoine pour affecter les résidus, prévoient un taux de 17,8 pour cent, et seulement une estimation de la pauvreté légèrement inférieure, 17,6 pour cent, lorsque les populations urbaines et rurales sont séparées. L’utilisation de modèles comparatifs pour toutes les années confirme les résultats obtenus à partir du modèle complet. Les estimations dans le cadre du modèle comparatif suggèrent que la méthode d’imputation de Dang, Lanjouw et Serajuddin (2014), avec un taux prévu de 16,1 pour cent, fournit une estimation de la pauvreté plus proche du taux officiel de 2010. Lorsque les modèles de consommation de l'ENBCV de 2010 sont affectés dans l’ENPE de 2010 (tableau 8, colonne "ENPE 2010 a prédit"), les résultats des différentes méthodes montrent toutes des taux de pauvreté plus faibles que ceux officiels. L’incidence de la pauvreté imputée varie de 14,3 pour cent à 14,6 pour cent de la population nationale. En d'autres termes, le taux de pauvreté prédit - à partir de modèles de consommation- dans l’ENBCV de 2010, surestime le taux de pauvreté vrai ou observé de 15,5 pour cent, tandis que le taux de pauvreté prédit dans l’ENPE de 2010, sous-estime le taux de pauvreté vrai de cette année. Figure 7. Les phases majeures de l’imputation enquête-à-enquête Source : Equipe de la Banque Mondiale a- Cette étape (avec les étapes suivantes) est typiquement soumise au principe de « bootstrap ». Le modèle DLS se réfère au modèle des effets aléatoires regroupés de Dang, Lanjouw, and Serajuddin (2014) qui inclut la possession d’actifs et les caractéristiques de logement. Avec ces résultats à l'esprit, les estimations de la pauvreté pour 2012, résultant de l’imp utation enquête-à-enquête dans l’ENPE de l’année (tableau 8, colonne "ENPE 2,012 a prédit") se révèlent nettement plus faibles que les estimations d'incidence de la pauvreté pour 2010 . Ce résultat est énergique grâce à la méthode utilisée - plein ou comparatif - et à la façon dont les résidus sont alloués – de façon aléatoire, par dixième, et en fonction de l’emplacement urbain / rural. Fait intéressant, la baisse des taux de la pauvreté à travers des méthodes suggère une fourchette comprise entre 1,1 et 2,2 points de pourcentage, lorsque l'on compare les répartitions de l’ENPE 2010 et ceux de l’ENPE 2012, proches – et cela est rassurant - de ceux rapportés pour 2012, suivant la méthodologie de projection présentée dans la section précédente : une réduction de la pauvreté allant entre 1 et 2,3 points de pourcentage. Les résultats suggèrent également que la plupart des modifications concernant la pauvreté entre 2010 et 2012 provenaient généralement de réductions de son taux pour les ménages urbains, avec des baisses plus modestes de la pauvreté dans les zones rurales. La comparaison des taux de pauvreté prédits dans l’ENPE 2010 et l’ENPE 2012 suggèrent que la méthode de répartition aléatoire des résidus donne les réductions les plus importantes de la pauvreté, tant dans les zones urbaines que rurales. Les autres méthodes, l'allocation de résidus basée sur la propriété des actifs, sur l’emplacement urbain / rural et sur le DLS, montre des diminutions beaucoup plus modestes de la pauvreté que l'attribution aléatoire. Un simple exercice de décomposition – qui n’est pas inséré ici - indique que la contribution des changements au niveau de la pauvreté dans les zones urbaines, à la réduction du taux national de pauvreté, entre 2010 et 2012 - comparant les prédictions de l’ENPE 2010 et de l’ENPE 2012, varie entre 65 pour cent et 90 pour cent de la variation totale, selon la méthode de simulation utilisée. Tableau 7- Imputation d’enquête-à-enquête des données sur la pauvreté en Tunisie basés sur la consommation ENBCV Méthode 2010 ( a ENPE 2009 ( a prédit) ENPE 2010 ( a prédit) ENPE 2012 ( a prédit) Modèle de enquête-à- prédit) consommation enquête National National Urbain Rural National Urbain Rural National Urbain Rural 16.8 14.5 12.2 18.8 12.3 10.1 16.9 Résidus aléatoires (0.34) (0.10) (0.13) (0.17) (0.11) (0.13) (0.2) Model complet : Dixièmes 17.8 14.6 9.9 23.3 13.1 8.7 22.4 Comparable à de l’ENPE de patrimoine (0.34) (0.09) (0.12) (0.18) (0.09) (0.12) (0.22) 2010 et de 2012 Dixièmes 17.6 14.5 12.1 18.9 12.9 10.3 18.5 de patrimoine (0.33) (0.1) (0.12) (0.17) (0.09) (0.12) (0.17) u/r 16.8 15.0 11.9 21.0 14.5 12.2 18.7 12.7 10.4 17.7 Résidus Model aléatoires (0.34) (0.09) (0.12) (0.16) (0.11) (0.13) (0.2) (0.09) (0.11) (0.18) comparable : Dixièmes 17.7 15.5 9.7 26.8 14.5 9.5 23.6 13.4 8.6 23.5 Comparable à de l’ ENPE de patrimoine (0.36) (0.09) (0.1) (0.17) (0.1) (0.12) (0.21) (0.09) (0.12) (0.22) 2009, 2010 et 2012 16.1 15.4 12.1 21.8 14.3 11.7 19.2 12.5 9.8 18.2 Résidus DLS (0.41) (0.01) (0.01) (0.02) (0.01) (0.01) (0.02) (0.01) (0.01) (0.02) Source : Calculs de l’équipe de la BM, utilisant les données de l’ENBCV et de l’ENPE Notes : Le taux officiel de pauvreté pour 2010 était de 15.5. Les estimations ponctuelles sont obtenues par la moyenne des estimations de 100 simulations de type « bootstrap ». Les déviations standard correspondantes sont placées entre parenthèses. Chapitre 3. Qui sont les pauvres et les 40% qui représentent le bas de l’échelle ? 3.1. Profils de Pauvreté L'analyse de la pauvreté et des inégalités s'est longtemps concentrée sur les individus, les ménages et les régions. Une autre dimension qui exige d’être examinée : les groupes de population, généralement étudiés en recourant à des profils de pauvreté, par l’examen des niveaux et des différentiels de l’incidence de la pauvreté entre groupes de population, tels qu’ils sont définis par certaines caractéristiques ou attributs (niveau d’instruction, composition du ménage, profession du chef de famille, lieu de résidence, pour ne citer que ceux-là). Dans cet ordre d'idées, toutes les analyses de la pauvreté précédemment menées - Banque Mondiale (1995a, 2000, 2004), Ayadi et al. (2005), Bechir (2011) – ont souligné qu'aussi bien dans les zones rurales qu'urbaines, les familles pauvres tendent à être plus nombreuses, avec un plus grand nombre d'enfants, un taux de dépendance élevé et menées par un adulte. Un nombre disproportionné de pauvres appartiennent à des ménages dont le chef n'a jamais été à l’école. Les taux d'inscription scolaire sont moins élevés chez les pauvres. Dans les zones rurales, beaucoup de chefs de familles pauvres dont le niveau d'instruction est faible sont salarié. Beaucoup d'entre eux possèdent des terres et du bétail.19 Les ménages ruraux pauvres engagés dans des activités de production ont accès à la propriété terrienne mais ne possèdent que de petits lopins (de l'ordre de 2 hectares), rarement irrigués et dont la productivité est souvent modeste (notamment dans les zones irriguées). L’incidence de la pauvreté rurale est plus élevée chez les ménages dont les chefs travaillent dans la construction. Elle est suivie par celle des ménages dont les chefs travaillent dans les services et l’agriculture. Dans les zones urbaines, plus de 60% des pauvres sont des salariés engagés dans activités peu qualifiées. Leur succèdent les indépendants travaillant dans des activités non agricoles. Leurs perspectives d’emploi sont très limitées, les chances étant du côté des emplois hautement qualifiés. En raison du décrochage scolaire depuis le primaire, le nombre de la population non qualifiée et en âge de travailler a augmenté. Selon la profession du chef de famille, la plus forte incidence de pauvreté urbaine a été enregistrée dans le groupe construction. Une proportion relativement élevée d’individus est restée groupée au-dessus, mais pas loin, du seuil de pauvreté. 14% de la population rurale et 15% des résidents urbains affichent des niveaux de consommation inférieurs au double du seuil de pauvreté. Il s’agit d’une proportion considérable de la population, dans un pays en proie à divers risques (par exemple, la sécheresse) et à des chocs externes (inhérents au tourisme, à l’exportation et plus récemment, au terrorisme). Il est intéressant de remarquer que deux autres aspects de la situation de la pauvreté en 2000 ont été source de préoccupation en Tunisie (Banque Mondiale, 2004). Le premier se rapporte à l’apparition de la pauvreté dans les zones périurbaines et à l’incapacité de beaucoup de jeunes diplômés à décrocher un emploi. Le deuxième concerne l’exacerbation de la vulnérabilité, telle qu’elle est mesurée par le nombre d’individus dont les dépenses sont inférieures à 30% du seuil 19 Les pauvres qui vivent en milieu rural tirent leurs principaux revenus des activités agricoles (activités indépendantes ou travaux agricoles rémunérés), mais parfois aussi d'autres revenus gagnés en dehors du secteur agricole. La nécessité de diversifier leurs sources de revenue résulte , d’un part, de l’incapacité des petites fermes à offrir du travail à plein temps et d’autre part, de la va riabilité de la production agricole en fonction de la pluviométrie. de pauvreté. Ceci étant dit, la part d'individus vulnérables dans la population totale est passée de 14% en 1990 à 17% en 19995 (soit de 1,1 million à 1,5 million de personnes). 20 D'autres analyses plus récentes, menées entre 2000 et 2010 (INS, BAD, Banque Mondiale 2012) ont mis l'accent, outre que sur le lieu de résidence du ménage, sur la situation professionnelle du chef de famille et son niveau d'instruction. Comme l'indique le Tableau 6, le chômage est la principale cause de la pauvreté. Parmi toutes les catégories professionnelles, les chômeurs sont les premiers contributeurs à la pauvreté. Les ménages les plus touchés sont ceux dont le chef est ouvrier agricole, suivis par ceux dont le chef est travailleur non agricole ou exploitant agricole. Les professions libérales et les travailleurs indépendants semblent être à l'abri de la pauvreté. Plus le niveau d'instruction augmente, plus la probabilité de basculer dans la pauvreté diminue. Près de 90% de l’ensemble des pauvres sont concentrés dans des ménages dont le chef est dépourvu d’instruction ou n’ayant suivi que des études primaires, au maximum (Tableau 6). Tableau 6. Pauvreté en 2010 : incidence et facteurs contributifs Proportion de Contribution Incidence de la la population relative à la pauvreté dans ce groupe pauvreté (%) (%) (%) Niveau d'instruction Sans instruction 23,4 28,8 45,3 (1.1) (0.6) (1.6) Primaire 18,1 38,0 44,4 (0.9) (0.6) (1.5) Secondaire 7,2 25,5 11,9 (0.6) (0.6) (0.9) Supérieur 0,4 7,7 0,2 (0.2) (0.4) (0.1) Contribution totale (catégories académiques) 15,5 100 100 Profession Cadres supérieurs et profession libérale 0,7 5,1 0,2 (0.3) (0.3) (0.1) Cadres moyens et profession libérale 3,6 4,4 1,0 (1.0) (0.2) (0.3) Autres employés 8,4 8,5 4,6 (1.2) (0.3) (0.6) Gérants de petits commerces dans l'industrie, le 7,4 8,2 3,9 commerce et les services (1.1) (0.3) (0.6) Artisans et travailleurs indépendants dans 10,8 2,9 2,0 l'industrie, le commerce et les services (1.9) (0.2) (0.4) Travailleurs non agricoles 24,2 29,4 45,9 (1.1) (0.6) (1.6) Exploitants agricoles 20,0 9,5 12,3 (1.7) (0.4) (1.1) Travailleurs agricoles 28,9 1,9 3,5 (4.3) (0.2) (0.6) Sans emploi 40,3 2,0 5,1 (4.2) (0.2) (0.7) Retraités 5,8 15,7 5,9 (0.7) (0.5) (0.7) Autres personnes non actives 15,2 8,8 8,7 20 Le chapitre 5 s'attèle, plus en détails, à la vulnérabilité en Tunisie. (1.3) (0.3) (0.8) Du soutien aux ménages 28,9 3,7 6,9 (3.0) (0.3) (0.9) Contribution totale (catégories professionnelles) 15,5 100 100 Source : INS, BAD et Banque Mondiale (2012). Remarque : Ce tableau fait référence aux seuils supérieurs. 3.2. Un profil de la pauvreté plus englobant et mieux mis à jour Les profils officiels de pauvreté en Tunisie ont généralement été axés sur un petit nombre de caractéristiques. Ceci est le cas encore pour le dernier profil réalisé par l’INS, la BAD et la Banque Mondiale (2012), qui établit un lien entre l'incidence de la pauvreté et la situation géographique, les niveaux d'instruction (du chef de famille), et les métiers (des chefs de famille). La section 2.4 résume les principaux résultats de ce récent profil officiel. Cette étude fait valoir que son centre d’intérêt a été étroit et qu’il demeure beaucoup de terrain à explorer concernant le profilage de la pauvreté en Tunisie. En l’occurrence, il est possible de : (i) fournir un profilage plus global et systématique de la pauvreté pour 2005 et 2010, un profilage qui comprend des données sociodémographiques supplémentaires, la propriété des actifs et l'accès aux services de base ; (ii) étendre cette analyse à 2012 ; et (iii) Inclure les 40 pour cent qui forment la partie « inférieure » de la population. Ce chapitre présente les principales conclusions de l'élargissement du profil officiel. Il donne une image des caractéristiques des pauvres (P), des 40 pour cent qui forment la partie « inférieure » de la population (B40), et les non-pauvres (NP) en Tunisie, puis, compare les profils pour 2005, 2010 et 2012. Les caractéristiques profilées comprennent les éléments sociodémographiques, la localisation, les conditions de travail, la propriété des actifs et l'accès aux services de base. Des tests se basant sur des instruments statistiques sont effectués pour évaluer les différences au niveau des caractéristiques observées dans les profils, lors de la même année et entre les années. Malgré ces améliorations même et après ces élargissements, plusieurs lacunes demeurent. Ceci est le résultat du manque de certaines données (par exemple, absence des données concernant les dépenses des ménages et d’ENPE après 2013), un accès limité aux données existantes (par exemple, l'accès aux données de l'ENPE données 2012 est limité et incomplet), et des limites méthodologiques (qui empêchent, par exemple, une comparaison complète des niveaux de scolarité dans toutes les enquêtes, en raison de divergences au niveau des définitions). Ces questions sont toutes discutées ci-dessous. 3.3. Les profils de 2005 et de 2010 revisités Les profils de pauvreté d’après la Révolution en Tunisie montrent quelques surprises par rapport à leurs corrélatifs. En regardant les profils de 2005 et 2010, obtenus à partir de les ENCBV on se rend compte que les profils concernant les pauvres et ceux concernant les non- pauvres convergent seulement pour quelques aspects, pour les deux années comparées 21. Les deux groupes de population vivent pour la plupart dans des ménages dirigés par les hommes (près de 90 pour cent dans les pour les deux années comparées), âgés pour la plupart de 40-64 ans (deux tiers pour les pauvres et les non pauvres). Les taux de dépendance sont faibles, tant pour les pauvres et les non pauvres, 0,43 et 0,33, respectivement, en 2010, avec des taux semblables à ceux observés en 2005. Au-delà de ces similitudes, les pauvres vivent dans les ménages les plus surpeuplées : ils ont plus d'un membre supplémentaire et environ 50 pour cent moins de pièces par habitant que les ménages non pauvres. Les pauvres sont concentrés dans les régions de l'ouest (environ 55 pour cent des pauvres vivent dans ces régions, bien que représentant seulement 30 pour cent de la population totale) ; les membres les moins instruits se trouvent plutôt dans les ménages pauvres que parmi les ménages non pauvres (figure 7). En ajoutant la région sud-est aux régions de l'Ouest, on se rend compte qu’environ 65 pour cent des pauvres vivent dans ces régions de l'intérieur (60 pour cent en 2005). Parmi les non-pauvres, la situation s’inverse : 65 pour cent vivent dans les régions côtières de Grand Tunis, au Nord et au Centre-Est, tandis que le reste des 35 pour cent vivent dans les régions intérieures. Les ménages pauvres sont également répartis entre les régions urbaines et celles rurales, 50 pour cent des ménages pauvres dans chacune des deux zones en 2010. En 2005, quelque 53 pour cent des pauvres vivaient dans des ménages urbains. Parmi les ménages non pauvres, la situation est différente : 69 pour cent vivent dans les zones urbaines et 31 pour cent dans les zones rurales (à la fois pour 2005 et 2010). D’autres différences marquées entre les pauvres et les non pauvres existent au niveau du niveau d’instruction (figure 7). Quarante-trois pour cent des ménages pauvres en 2010 étaient dirigées par des personnes sans éducation, alors que ce taux est de seulement 26 pour cent chez les ménages non pauvres (43 pour cent et 31 pour cent, respectivement en 2005). Moins de 12 pour cent des ménages pauvres sont dirigés par quelqu'un qui a un niveau d’instruction secondaire ou supérieur en 2010, 37 pour cent dans les ménages non pauvres. Non illustré dans le tableau 8, un écart important existe aussi quand on s’intéresse au niveau d’instruction des membres de la famille autres que le chef. Seulement 10 pour cent environ des ménages pauvres ont au moins un membre qui a atteint l'enseignement supérieur ; alors que 30 pour cent des ménages non pauvres ont au moins un membre instruit en 2010. Certes, voir des niveaux d’instruction supérieurs ne permet pas à un ménage d’échapper à la pauvreté, mais il est clairement corrélé avec l’appartenance à un ménage non-pauvre. Ce lien, cependant, a varié au fil du temps : en 2005, seulement 8 pour cent des ménages pauvres avaient un membre ayant terminé l'enseignement secondaire et ayant eu au moins une formation supérieure, ce taux est de 24 pour cent des ménages non pauvres. Les ménages pauvres sont moins susceptibles d'être dirigés par quelqu'un faisant partie de la population active que les ménages non-pauvres (24 pour cent et 31 pour cent, respectivement, en 2010) ; ils sont plus susceptibles d'être au chômage (5 pour cent) (1,5 pour cent) pour les non- pauvres. Les chefs de ménage non pauvres sont deux fois plus susceptibles d'avoir un emploi salarié dans le secteur public que les chefs de ménages pauvres. Pourtant, leurs parts relatives sont plutôt faibles : seulement 15 pour cent des chefs de ménages non pauvres ont ce type convoité, comparativement à 7 pour cent parmi les pauvres en 2010 (19 pour cent et 9 pour cent, respectivement, en 2005). Cet état de fait implique qu’avoir un emploi salarié dans le secteur public ne garantit pas d’échapper à la pauvreté, ni non plus le fait d'avoir un emploi salarié dans le secteur privé. En fait, environ 40 pour cent des chefs de ménages pauvres ont des emplois de ce genre, contre 27 pour cent des chefs de ménages non pauvres (avec des proportions similaires en 2005). En revanche, les différences ne sont pas grandes relativement à l'auto-emploi parmi les pauvres et les non pauvres (23 et 24 pour cent, respectivement, en 2010, et 26 pour cent chacun en 2005). Bien que ce ne soit pas tout à fait surprenant, étant donné que l'auto-emploi comprend un large éventail de professions hétérogènes, de celles impliquant des compétences professionnelles hautement qualifiés à celles des vendeurs ambulants peu qualifiés. Fait intéressant, les chefs de ménage non pauvres sont quatre fois plus susceptibles de travailler comme salariés ou dans des professions intermédiaires que les chefs de familles pauvres (seulement deux fois plus, dans le cas des employés de bureau), aussi bien en 2005 qu’en 2010. Par secteur, les pauvres travaillent à des taux similaires (un tiers), dans l'agriculture, l'industrie et les services (à la fois en 2005 et 2010), tandis que plus de la moitié des non-pauvres (53 pour cent) travaillent dans les services, puis vient l'industrie (28 pour cent) et l’agriculture (20 pour cent en 2010). Ces profils indiquent que le travail est un corrélat pertinent de la pauvreté en Tunisie, mais en aucun cas un facteur décisif. En effet, les ménages dirigés par une personne ayant un emploi dans le secteur public ne sont pas garantis contre la pauvreté. Le fait d'avoir un emploi dans le secteur privé ne garantit pas davantage de ce fléau, qu’on soit travailleur indépendant, ou exerçant dans le secteur des services. Ce qui contribue à cette situation est le fait que les ménages à la fois pauvres et non pauvres ont une distribution similaire des professions parmi les membres autres que le chef de famille. Pour cette raison, en moyenne, les occupations des autres membres du ménage ne semblent pas contribuer à ce que certains ménages puissent échapper à la pauvreté. Des lacunes notoires au niveau de l'accès aux services de base sont également observées entre les ménages pauvres et non pauvres. En 2010, environ 66 pour cent des ménages pauvres avaient accès à l'eau de robinet, ce taux est de 87 pour cent chez les non-pauvres. De plus profonds écarts sont observés concernant l'accès aux services d'assainissement, comme, par exemple, une toilette à chasse dans la maison ; seulement 14 pour cent des ménages pauvres y ont accès, alors que ce taux est de 49 pour cent pour les ménages non pauvres. Le taux de connexion aux services d'assainissement pour les ménages pauvres était, en 2010, de 35 pour cent et de 61 pour cent pour les ménages non pauvres. Les différences sont toutefois presque nulles concernant l'accès à l'électricité, qui est presque universelle en Tunisie. En ce qui concerne l'accès à l'éducation, aussi bien les enfants pauvres que ceux non pauvres commencent à temps leur cycle d’étude : plus de 95 pour cent dans les deux cas. Toutefois, quand on s’intéresse à ceux qui achèvent leurs études, on constate un écart socio-économique évident : un gouffre de 20 points de pourcentage figure entre les enfants issus de ménages pauvres (57 pour cent) et les enfants des ménages non pauvres (77 pour cent) qui atteignent la sixième. Donc, même si l'état de pauvreté ne semble pas avoir d'incidence au début de la scolarité, il finit par en avoir en termes de performances. Et ces lacunes semblent avoir augmenté entre 2005 et 2010. Le niveau de pauvreté est également important pour la propriété des actifs (voir tableau 8). Les biens durables tels que les téléviseurs, les réfrigérateurs et les téléphones cellulaires sont les actifs que les ménages tunisiens possèdent le plus fréquemment et pour lesquels les différences entre pauvres et non pauvres sont les plus faibles. Près de 98 pour cent des ménages non pauvres possèdent un téléviseur, 97 pour cent, un réfrigérateur et 85 pour cent, un téléphone cellulaire. Parmi les pauvres, le taux de propriété est respectivement de 92 pour cent, 83 pour cent et 73 pour cent. Les différences sont également minimes pour d’autres actifs, plus rarement acquis par les tunisiens, tels que les congélateurs et les vélos (moins de 5 pour cent des ménages, indépendamment du statut socio-économique). Par contre, les différences sont plus frappantes quand on touche à d’autres actifs tels que les voitures ou les motos (quelque 30 pour cent des ménages non pauvres possèdent une voiture ou une moto ; 8 pour cent seulement chez les pauvres), les téléphones et les radios. Ces résultats de 2010 s’appliquent étroitement à l’année 200522. En conclusion, on peut dire qu’alors que les profils officiels antérieure soulignent avec raison la pertinence de la région, du niveau d’instruction et de la situation professionnelle comme étant des corrélats clés de la pauvreté, un profilage plus complet montre qu'il y a un nombre limité de caractéristiques socio-démographiques que pauvres et non pauvres partagent. En outre, ni le niveau d’instruction du chef de famille, ni celui des autres membres ne sont essentiels pour déterminer qui pourra échapper ou non à la pauvreté. Les catégories professionnelles, non plus, ne sont pas pertinentes à ce propos, ni la profession, ni le secteur d’activité. L'accès à certains services de base (mais pas tous) et la propriété des actifs varie entre les pauvres et les non pauvres. En d'autres termes, il n’existe une corrélation dominante à la pauvreté, mais un ensemble de différences marquées entre les différentes dimensions du capital humain, l'accès physique, le travail et les caractéristiques démographiques. Figure 8. Profils des pauvres et non pauvres, 2005 - 2010 * 2010 2005 2010 2005 2010 2005 2010 2005 Source : Estimations de la Banque Mondiale utilisant l’ENBCV de 2005 et de 2010 *Education Household head = Niveau d’instruction du chef du ménage ; Tertiary = Universitaire ; Secondary = Secondaire ; Primary = Primaire ; No Education = Sans instruction | Employment Household Head = Emploi du chef de ménage ; Salaried, public = Salarié du secteur public ; Salaried, private = Salarié du secteur privé ; Self employed = Travailleur indépendant ; Unemployed = Chômeur ; Out of labor force = en dehors de la population active | Access to services = Accès aux services ; Connected to sewerage network = connecté à un réseau d’assainissement ; Sanitation = Assainissement ; Flush toilet to sewer = Toilettes à chasse d’eau reliées à un égoût ; Tap Water = eau du robinet | Regional Distribution = Répartition régionale , South West = Sud Ouest ; South East = Sud Est ; Center West = Centre Ouest ; Center East = Centre Est ; North West = Nord Ouest ; North East = Nord Est | Non poor = Non pauvre ; Poor = Pauvre Tableau 8. Pauvreté et les 40 pour cent du bas, 2005 - 2012 40% du 2005 2010 40% du 2012 2005 bas non 2010 40% du bas non 2012 bas non pauvres 2005 pauvres Pauvres 2010 pauvres pauvres 2012 pauvres I. Socio-démographiques 1. taille du ménage 6.43 6.19 5.06 6.15 5.79 4.90 5.78 5.30 4.51 2. Nbre de chambres par personne 0.42 0.46 0.74 0.45 0.52 0.77 0.47 0.57 0.79 3. Niveau d’instruction du che f de famille (% des ménages ayant des chefs de famille ayant achevé): Aucune scolarisation 43.66 43.94 31.43 43.53 39.03 26.24 41.64 36.49 21.68 Primaire 43.16 41.52 32.72 44.38 44.88 36.67 46.16 45.84 36.95 Secondaire 12.59 13.69 27.34 11.87 15.38 28.01 11.70 16.50 30.33 supérieur 0.59 0.85 8.51 0.22 0.72 9.09 0.50 1.17 11.04 4. Age des chefs de famille (% des ménages avec des chefs de famille âgés de): 15–24 0.08 0.14 0.26 0.20 0.14 0.11 0.34 0.37 0.73 25–39 18.43 18.04 15.54 16.09 14.85 13.29 22.00 19.87 18.38 40–64 65.83 63.87 63.06 65.68 65.01 66.10 60.89 61.24 63.62 65+ 15.66 17.95 21.13 18.03 20.00 20.50 16.78 18.53 17.27 Age en nombre d’’années 50.12 50.85 52.67 51.59 52.60 53.72 49.94 51.02 51.36 5. Sexe du chef de famille Mâle 89.15 88.83 87.19 87.35 89.08 89.64 88.83 88.41 88.20 Femelle 10.85 11.17 12.81 12.65 10.92 10.36 11.17 11.59 11.80 6. Emplacement Urbain 53.01 43.84 68.95 49.79 44.63 68.53 43.56 42.54 71.53 Rural 46.99 56.16 31.05 50.21 55.37 31.47 56.44 57.46 28.47 7. Région Grand Tunis 14.23 12.27 25.37 13.56 13.06 24.97 9.66 11.41 26.09 Nord Est 12.90 14.44 14.25 9.27 13.49 14.79 11.53 14.91 14.32 Nord-Ouest 13.94 16.39 11.54 19.10 17.98 10.11 21.72 18.82 9.53 Centre Est 12.26 14.52 25.87 12.09 15.87 25.40 10.08 15.42 25.71 Centre Ouest 27.14 24.08 9.46 27.68 22.19 10.65 32.40 23.49 9.66 Sud Est 11.46 10.49 8.57 10.53 9.73 8.88 7.50 8.78 9.29 Sud-Ouest 8.07 7.81 4.94 7.77 7.68 5.21 7.12 7.18 5.40 II. Emploi 8. Situation professionnelle du chef de famille (% des ménages dont les chefs ont une 40% du 2005 2010 40% du 2012 2005 bas non 2010 40% du bas non 2012 bas non pauvres 2005 pauvres Pauvres 2010 pauvres pauvres 2012 pauvres situation professionnelle de : En dehors de la population 20.89 21.29 28.80 24.55 25.53 31.63 27.29 29.70 32.23 active Chômeur 5.54 4.22 1.41 5.18 3.62 1.49 5.34 3.37 1.56 autonome 25.94 29.21 26.38 22.56 25.46 24.24 n.a.d n.ad n.a.d Salarié du sect. privé 38.40 34.81 23.92 40.50 36.57 27.20 n.a.d n.ad n.a.d Salarié du sect. public 9.09 10.36 19.38 7.21 8.80 15.43 n.a.d n.ad n.a.d 9. Nombre des membres du ménage autres que le chef dont la situation professionnelle est : En dehors de la population 2.10 2.00 1.69 2.07 1.99 1.71 1.79 1.72 1.52 active Chômeur 0.26 0.25 0.20 0.37 0.36 0.27 0.32 0.30 0.25 autonome 0.29 0.34 0.30 0.18 0.21 0.19 n.a.d n.a.d n.a.d Salarié du sect. privé 0.37 0.40 0.46 0.39 0.46 0.47 n.a.d n.a.d n.a.d Salarié du sect. public 0.04 0.04 0.14 0.04 0.05 0.14 n.a.d n.a.d n.a.d 10. Secteur dont lequel est employé le chef de famille (% des chefs de famille employés dans les secteurs de ): Agriculture 32.78 35.11 20.92 30.03 32.18 19.26 33.64 30.39 15.80 Industrie 34.33 30.41 24.65 39.10 32.96 27.66 32.56 32.62 30.81 Services 31.89 33.55 53.84 30.36 34.39 52.61 33.52 36.69 53.04 11. Profession des chefs de famille (pour ceux qui travaillent) Professionnel 5.11 6.17 19.98 4.99 6.49 19.61 3.41 4.84 16.90 Professionnels de moyen 1.85 2.21 7.53 1.34 1.92 7.38 1.56 2.41 6.40 niveau Employés de bureau 6.94 7.08 13.54 6.18 7.99 12.98 12.76 14.33 19.06 Autres 85.83 84.20 58.67 87.49 83.60 60.00 82.24 78.39 57.56 12. Employé du secteur public (Taux des ménages avec un membre travaillant dans le secteur public): Membres du ménage (autres 0.13 0.15 0.34 0.12 0.15 0.30 n.a.e n.a.e n.a.e que le chef) e e Le chef de famille 12.79 14.30 28.38 11.22 13.05 23.71 n.a. n.a. n.a.e 13. Taux de dépendance 0.45 0.44 0.35 0.43 0.39 0.33 0.44 0.40 0.33 III. Accès aux services de base 14. Taux des ménages ayant accès au service de base (%): Eau de robinet 70.13 69.13 87.25 65.80 70.05 87.24 62.61 70.56 89.06 Toilette avec chasse d’eau 15.26 16.96 41.92 13.75 25.19 49.34 n.a.f n.a.f n.a.f Electricité 96.66 97.24 99.34 97.92 98.88 99.72 98.53 99.03 99.62 Services d’assainissement b 35.33 31.13 56.37 34.91 35.12 60.79 n.a.f n.a.f n.a.f Enfants commençant l’école à 92.17 91.88 96.01 95.31 96.26 96.98 n.a.f n.a.f n.a.f temps : f f Enfants fréquentant une école 92.86 92.98 96.64 88.89 92.21 96.41 n.a. n.a. n.a.f Enfants atteignant la sixième 57.50 59.19 72.97 57.09 64.72 77.69 n.a.f n.a.f n.a.f IV. Propriété des actifs 15. Taux des ménages possédant (%): Une radio 41.30 42.56 52.19 32.10 37.36 48.84 43.33 51.29 69.28 Un poste de télévision 85.38 88.26 96.47 91.95 94.36 97.56 93.16 95.50 98.32 Un réfrigérateur 71.11 76.12 92.92 82.59 89.01 96.71 85.17 90.25 96.22 Une voiture ou bien une moto 7.98 11.23 30.73 7.66 11.96 29.42 14.86 19.57 34.81 Un ordinateur 0.97 1.14 13.07 2.34 4.49 25.17 n.a.g n.a.g n.a.g Un téléphone 16.41 17.92 43.45 6.82 8.82 28.41 n.a.g n.a.g n.a.g Un téléphone cellulaire 39.79 45.93 66.27 72.76 76.51 85.13 n.a.g n.a.g n.a.g Un congélateur 1.83 1.42 4.11 1.21 1.82 5.95 1.79 1.67 2.64 Un vélo 5.71 5.28 6.44 3.60 4.17 4.62 3.49 3.90 4.64 V. Consommation 16.Consommation mensuelle du 72.52 88.20 239.10 73.76 104.51 256.40 n.a.h n.a.h n.a.h ménage par personne 17. Taux des dépenses réservées à 47.24 46.70 39.06 40.24 38.79 32.46 n.a.h n.a.h n.a.h la nourriture Source : Estimations de l’équipe de la Banque mondiale, à partir de l’ENBCV de 2005 et de 2010, et de l’ENPE de 2012. a- Catégorie primaire incomplète non signalée ici : par conséquent, les catégories rapportées dans le tableau ne correspondent pas à 100%. b. Assainissement renvoie aux familles reliées au réseau d'assainissement. c. ENPE 2009 et 2012 ne signalent pas la consommation ou bien rapportent des renseignements sur les revenus accessibles au public. d. ENPE 2012 ne signale pas l'auto-emploi et le statut salarié du travailleur. e. ENPE 2012 ne signale pas public pour le caractère public de l'entreprise ou de l'activité de travailleur. F. ENPE 2012 ne signale pas l’accès à l’eau et aux services d'assainissement et pas suffisamment d'informations pour l'accès des enfants à l'école. g. ENPE 2012 ne signale pas la propriété d'actifs tels que l'ordinateur, le téléphone et téléphone portable (qui sont, par contre, fournis par ENBCV 2005 et 2010). h. ENPE 2012 ne signale pas la consommation et ne reproduit pas l'information sur les revenus du travail accessibles au public. 3.4. Profil de la pauvreté mis à jour de l’après la Révolution Les corrélatifs post-révolution de la pauvreté sont très similaires à ceux observés en 2012. En effet, la taille du ménage, le nombre de chambres par personne, l'âge et les caractéristiques de genre des chefs de famille, les caractéristiques du travail concernant les taux de chômage, les secteurs économiques et les professions des chefs de ménage et les taux de dépendance au sein du ménage sont tous assez similaires entre les pauvres en 2010 et 2012 et aussi pour les non- pauvres durant les deux (tableau 9). Et il en est de même pour leur répartition entre les régions urbaines et rurales et pour les taux des ménages pauvres dans toutes les régions, durant les deux années. L'accès des pauvres aux services de base de l'eau du robinet et de l'électricité 23 et leurs taux de propriété, parmi plusieurs types d’actifs considérés24, sont également similaires entre 2010 et 2012. Ceci est également le cas chez les ménages non pauvres durant les deux années (l’annexe 3 rapporte les tests usant de moyens statistiques de différence pour l'ensemble de ces caractéristiques à travers les années et les groupes socio-économiques). Fait intéressant, il y a un certain nombre de catégories qui ne peuvent être comparées en dehors de toute référence temporelle entre l’ENPE et l’ENBCV, parce que la première ne signale pas d'informations sur un certain nombre de variables, ou bien parce que les catégories présentées ne sont pas strictement comparables avec celles des ENBCV. Le manque d'information dans l’ENPE porte par exemple, sur les catégories de situation professionnelle (c’est à dire, le travail indépendant et salarié -le chômage est rapporté dans la catégorie « en dehors du marché du travail » dans les deux enquêtes) et sur les emplois du secteur public et privé. En termes d'accès aux services, il est impossible de déterminer l'accès aux toilettes à chasse, à l'assainissement et le début, la fréquentation et l'achèvement des services d’instruction par les enfants du ménage, à partir d'enquêtes de l’ENPE. Les enquêtes de l’ENPE omettent également de fournir des informations sur la possession d’ordinateur, de téléphones, de téléphones cellulaires, et de congélateurs. En outre, les enquêtes ENPE ne fournissent pas d'informations ni sur la consommation, ni sur la part des dépenses des ménages réservée à la nourriture. Enfin, concernant les variables d'éducation pris en compte dans le profil, qui concernent le niveau d'instruction des chefs de ménage et des autres membres, les différences entre les catégories observées à la fois dans l’ ENPE et l’ENBCV donne des résultats troublants25. 25 Au cours de 2012, après la Révolution, les pauvres ont continué à vivre dans des ménages plus surpeuplés que les non-pauvres (respectivement, environ 6 membres pour 4,5, tableau 9). Le taux de concentration des pauvres dans les zones rurales dépasse celui en milieu urbain (56 pour cent contre 44 pour cent, respectivement), alors que c’est l'inverse qui se produit chez les non-pauvres : 72 pour cent vivent dans les zones urbaines et seulement 28 pour cent dans les régions rurales (figure 9). Les pauvres post-Révolution sont également concentrés dans les régions de l'Ouest (60 pour cent), tandis que seulement 25 pour cent des non-pauvres vivaient dans ces régions en 2012. Les taux des chefs de ménage qui sont « hors de la population active » et sans emploi, en 2012, sont très semblables à ceux observés avant la Révolution, en 2010 : près d'un tiers des non- pauvres sont sur le marché du travail par rapport à environ 27 pour cent des pauvres. La proportion de chômeurs pauvres est 3,5 fois plus importante que celle des non-pauvres (5,5 contre 1,5, respectivement) chez les chefs de famille, et moins de 2 pour cent parmi les autres membres. Le chef de famille pauvre d’après la Révolution continue à travailler dans l'agriculture, l'industrie et les services, à parts égales, environ 33 pour cent pour chacun des secteurs (figure 9). Dans le cas des non-pauvres, 53 pour cent des chefs de ménage travaillaient dans les services, 31 pour cent dans l'industrie, et 16 pour cent dans l'agriculture en 2012. Environ 24 pour cent des chefs de ménages non pauvres sont des professionnels contre seulement 5 pour cent parmi les pauvres. Le taux de dépendance a à peine varié entre 2010 et 2012, atteignant 0,44 chez les ménages pauvres et 0,33 parmi les non pauvres. L’accès à l'eau du robinet en 2012 présentent les mêmes différences importantes entre les pauvres et les non pauvres (63 pour cent contre 89 pour cent, respectivement) que celles observées au cours des années précédentes, alors que pour l'électricité, de telles différences n’existent pas, avec un accès presque universel (plus de 99 pour cent aussi bien pour les pauvres que pour les non pauvres). Parmi les actifs, les téléviseurs et les réfrigérateurs continuent d'être signalés comme les plus présents chez les Tunisiens, avec des différences minimes entre les pauvres et les non pauvres. Ainsi, 93 pour cent des ménages pauvres et 99 pour cent de ceux non-pauvres ont un poste de télévision ; tandis que 85 pour cent des pauvres et 96 pour cent des non-pauvres disposent d'un réfrigérateur. Environ un tiers des ménages non pauvres possèdent une voiture ou une moto, tandis que seulement 15 pour cent des ménages pauvres sont dans ce cas. Les radios sont davantage susceptibles d’être possédés par les non-pauvres (69 pour cent) que par les pauvres (43 pour cent), tandis que les congélateurs et les bicyclettes sont une propriété pour très peu de Tunisiens, sans différences notoires entre les pauvres et les non pauvres (moins de 5 pour cent dans les deux cas)26. La comparaison des profils n’offre pas la possibilité de déterminer les causes des changements inter-temporels ou bien de leur absence. Cependant, il est raisonnable de penser que la plupart des dimensions essentielles considérées, comme la démographie, l'emplacement, la propriété des actifs et l'accès aux services de base, sont peu susceptibles de subir des changements – au moins en termes et grandeurs absolus – au cours d’une période de deux ans. Pour les variables plus sensibles à des changements rapides, par exemple, les conditions de travail, il est également raisonnable de penser que les changements qui sont intervenus en 2012, auraient éventuellement compensé les changements qui ont eu lieu en 2011, la Révolution ayant entraîné des taux plus sévères de chômage. En d'autres termes, en regardant à 2012 plutôt qu’à 2011, les changements par rapport à la période pré-révolutionnaire de 2010, qui pourrait avoir eu lieu en 2011, pourrait bien avoir été partiellement inversés. Enfin, l'imputation même de la consommation en 2012 et, finalement, l'identification résultant des catégories pauvres et non pauvres parmi les ménages en 2012, sont basées sur la consommation observée en 2010 sans les changements structurels intervenus en 2012 (c’est à dire, en maintenant constante leur structure de consommation ou, en d'autres termes, en imposant des retours à des facteurs qui devront être constants dans le temps). Tous ces facteurs sont cohérents avec les similitudes signalées trouvés grosso modo entre les profils de pauvreté de 2010 et 2012. Figure 9. Profils de 2012 pour pauvres et non pauvres* Source : Estimations de l’équipe de la Banque Mondiale utilisant l’ENBCV 2010 et l’ENPE 2012. *Secondary = Secondaire ; No education = Sans instruction ; Unemployed = Sans emploi ; Out of Labor Force = En dehors de la population active ; Electricity = Electricité ; Tap water = Eau de Robinet ; South West = Sud Ouest ; Center West = Centre Ouest ; North West = Nord Ouest ; Non poor = Non pauvre ; Poor = Pauvre 3.5. Qui sont ces 40 pour cent du bas de la population : (b40) ? Le profil de la population de b40 tunisienne rapporté dans le tableau 9 suggère que celle-ci vit dans des ménages surpeuplés : en 2012, la taille moyenne d'un ménage de b40 était de 5,3. Le B40 sont concentrés dans les régions de l'Ouest (50 pour cent de la population totale b40 en 2012, figure 10). Environ 81 pour cent des chefs de famille de b40 ont un niveau d’instruction primaire ou moindre. Plus de 60 pour cent des individus B40 vivent dans des ménages dont le chef figure dans le groupe d'âge des 40-64 ans, et près de 90 pour cent ont pour chef de famille un homme. Seulement 9 pour cent des chefs de ménage B40 ont un emploi salarié dans le secteur public ; 37 pour cent un emploi salarié dans le secteur privé, et 25 pour cent sont des travailleurs autonomes27. Leur composition sectorielle est équilibrée entre l'agriculture, l'industrie et les services, 33 pour cent pour chacun. Presque tous les ménages B40 ont accès à l'électricité ; quelque 70 pour cent ont accès à l'eau du robinet, et seulement 17 pour cent ont accès aux toilettes avec chasse d’eau. En termes d'éducation, 96 pour cent des enfants des B40 commencent leurs études à temps, 92 pour cent fréquentent l'école et 64 pour cent finissent leur sixième année d’études primaires. La plupart des ménages B40 disposent d'un poste de télévision (94 pour cent), de réfrigérateurs (89 pour cent) et dans une moindre mesure, de téléphones cellulaires (76 pour cent). Environ un tiers possèdent une radio, environ 12 pour cent, une voiture ou une moto, 9 pour cent un téléphone et moins de 5 pour cent ont un ordinateur, un vélo ou un congélateur. En termes de modes de consommation, ils dépensent 39 pour cent pour l’achat des produits alimentaires28. Compte tenu des niveaux de pauvreté en Tunisie - 23 pour cent en 2005, 15 pour cent en 2010, et environ 13 pour cent en 2012 - la population de b40 comprend tous les pauvres et une part conséquente des non-pauvres. Conformément à cela, le profil socio-économique et démographique des b40, décrit ci-dessus systématiquement, se situe entre les pauvres et les non pauvres (tableau 9). En effet, la taille des ménages B40 se situe à la moyenne de celle des ménages pauvres et de ceux non-pauvres. Il en est de même pour le nombre de pièces par personne, pour la répartition des niveaux de scolarité des chefs de famille, pour la répartition entre les régions urbaines et rurales et toute occupation, le secteur, et pour toutes les répartitions entre les catégories professionnelles et les secteurs économiques. Cela est également vrai pour les taux d'accès aux services de base concernés par l'analyse et pour la propriété des actifs et des biens de consommation durables. En termes de consommation par habitant et de part de l'alimentation dans les dépenses totales par personne, les moyennes des B40 tombent une fois de plus entre les catégories pauvres et non pauvres. Ceci est le résultat attendu de la composition même du groupe socio-économique b40 et est systématiquement observé en 2005, 2010, et 2012. Ce qui est, peut-être, plus important est que le profil des « 40 pour cent du bas » semble plus étroitement alignée sur celui des pauvres que sur celui des non-pauvres, et ce, pour plusieurs variables considérées pour chaque année. Lorsque l'on regarde l'ampleur des principales variables analysées (tableau 9), un alignement étroit des profils entre les pauvres et les b 40 est évident pour la répartition zone urbaine / zone rurale des deux groupes : ainsi, 44 pour cent des ménages pauvres et 43 pour cent des ménages de b40 vivent dans des zones urbaines ; ce taux est de 72 pour cent chez les non-pauvres en 2012. Pour les années qui offrent des informations fiables, 2005 et 2010, nous constatons qu’entre 75 et 80 pour cent des chefs de ménages pauvres et de ceux des B40 enregistrent comme plafond d’instruction des études primaires incomplètes ou moins ; ce taux est de 53 pour cent pour les non-pauvres. Nous 65 enregistrons une concentration géographique semblable des ménages pauvres et des ménages B40 dans les régions de l'Ouest (60 pour cent des pauvres vivent dans ces régions en 2012 ; 50 pour cent des b40) ; la concentration de non-pauvres dans ces régions est de 25 pour cent. Concernant les caractéristiques ayant trait à l’emploi, la répartition des secteurs parmi les pauvres et les B40 est étroitement comparable (chacun des trois secteurs employant environ un tiers des chefs de famille) ; c’est le cas aussi pour les catégories professionnelles considérées dans cette analyse. En ce qui concerne les services de base, l'accès à l'eau du robinet, aux toilettes avec chasse d’eau et aux services d'assainissement, les ménages des B40 sont plus proches des taux des pauvres que de ceux des non-pauvres. Par contre, pour les services caractérisés par un accès quasi universel (comme l'électricité et l’entame des études pour les enfants), il n'y a pas de différences de fond entre les ménages pauvres, b40, et non pauvres. Pour la propriété des actifs, la possession de postes de radio, de voiture ou moto, d’ordinateur, de téléphone, de téléphone cellulaire chez les B40 est étroitement en ligne avec le profil des pauvres. Enfin, en termes de consommation par personne des ménages, la consommation moyenne d'un ménage pauvre en 2010 est beaucoup plus proche de celle d'un ménage B40 que d’un ménage non-pauvre. En effet, un US $ 104 2005 PPP (parité pouvoir d'achat), la consommation mensuelle par habitant des ménages B40 est de 40 pour cent supérieure à la consommation des pauvres (74 US $ PPA 2005), mais constitue moins de la moitié de la consommation moyenne d’un ménage non-pauvre (US $ 256 PPA 2005 ; le tableau 9). Malgré la proximité entre les profils pauvres et B40 pour plusieurs catégories, il y a aussi plusieurs autres pour lesquels les profils B40 s’écartent de ceux des pauvres. Ceci est le cas pour la taille du ménage et pour le nombre de chambres par personne, la structure d'âge des chefs de ménage, le statut par rapport à l'emploi et à la profession du chef de ménage, la fréquentation scolaire des enfants et le taux des enfants atteignant la sixième année primaire et la possession de biens durables tels que les téléviseurs, les réfrigérateurs, congélateurs. Parmi les variables de consommation, la part des dépenses alimentaires dans les dépenses totales du ménage suggère également que les b40 se situent environ à mi-parcours entre les pauvres et non pauvres. Figure 10. Profil de 2012 pour les pauvres et les 40% du bas de la population* Niv d'instr. du chef de famill 0 0 0 0 #REF! #REF! 0 0,5 1 66 Source: Estimations de l’équipe de la Banque Mondiale utilisant l’ENBCV 2010 et l’ENPE 2012. *Secondary = Secondaire ; No education = Sans instruction ; Unemployed = Sans emploi ; Out of Labor Force = En dehors de la population active ; Electricity = Electricité ; Tap water = Eau de Robinet ; South West = Sud Ouest ; Center West = Centre Ouest ; North West = Nord Ouest ; Bottom 40 = 40 pour cent inférieurs ; Poor = Pauvre Comme pour les profils des pauvres et des non pauvres, la population des b40 n'a pas beaucoup changé après la révolution. En termes généraux, la structure du niveau d'instruction des chefs de ménage n’a guère varié entre 2010 et 2005. N’ont pas non plus varié ni la structure d'âge ni le taux de ménages dirigés par des hommes, ni encore celui des ménages résidant dans les zones rurales ou urbaines entre 2005 et 2012 (tableau 9). La répartition des ménages B40 entre les régions est également assez homogène pour toutes les années considérées. En termes de travail, les taux des chefs de ménage inactifs et chômeurs ne montrent pas de grands écarts entre 2005, 2010 et 2012. Les secteurs d'activité et le regroupement professionnel sont également similaires pour toutes les années considérées, et il en est de même pour le taux de dépendance des ménages B40. Les taux d'accès à l'eau du robinet et à l'électricité sont très proches en 2005 et 2012 et il en est de même pour l'assainissement et la fréquentation scolaire des enfants 29. Concernant la propriété des actifs, les taux de possession des téléviseurs, réfrigérateurs, congélateurs et vélos sont restés plutôt stables à travers le temps. La consommation moyenne par personne des ménages B40 en 2010 est comparable à celle de 2005, une fois l'inflation prise en compte. Il n'y a donc pas de variation substantielle du pouvoir d'achat entre les deux années pour les ménages B4030. En revanche, les changements dans le temps pour les profils B40 sont observés en ce qui concerne la taille du ménage, avec des baisses au fil du temps, l’accroissement de l'accès aux toilettes avec chasse, l’entame des études à temps pour les enfants et l’achèvement de la sixième primaire31. La possession de téléphone cellulaire a augmenté entre 2005 et 2010, au détriment des téléphones fixes, tandis que celle des postes de télévision et de radio s’est accrue amélioré notoirement. La possession d’ordinateurs a également augmenté, bien que leur nombre soit resté 67 relativement faible au sein de ce groupe de population. Enfin, la part des dépenses alimentaires a baissé sensiblement entre les deux années. En conclusion, le groupe B40 en Tunisie comprend tous les pauvres et une part substantielle des non-pauvres, plus proche du seuil de la pauvreté que le restant du groupe b60. Donc, de par la composition même de ce groupe, son profil socio-économique tombe entre celui des pauvres et celui des non-pauvres, tout en s’alignant alignant plutôt sur celui des pauvres pour de multiples dimensions. Il en est ainsi pour 2005, 2010 et 2012. Les éléments de preuve suggèrent qu'il n'y a pas eu de changements de fond dans le profil de ces ménages appartenant au groupe de b40 en 2005 et 2010, et des certaines caractéristiques comparables, cela a été également le cas entre 2010 et 2012. Comme indiqué précédemment, la nature des principaux éléments profilés, la période de temps relativement courte - deux ans - après la révolution, et les questions techniques dans l'identification des pauvres basée sur l'imputation d’enquête transversale, tous ces éléments peuvent avoir contribué au caractère modeste des changements au fil du temps. Il est intéressant de conclure que la technique d'imputation d’enquête transversale a pour la première fois rendu possible la construction exercice d’une application riche et étendu de profilage de pauvreté en Tunisie. Un profil de 2009 qui ne figure pas dans ce chapitre, mais qui est présenté en annexe 4a a également été construit, suivant cette méthodologie. Le profil de la pauvreté de 2009 confirme les principaux résultats trouvés entre 2005 et 2010. Mais l'analyse actuelle montre aussi les limites de l’application d’un profil amélioré en Tunisie. Tout d'abord, il est impossible d'étendre l'analyse au-delà de 2012, car il n'y a pas d’ENPE complets disponibles, après cette année (et l’ENBCV 2015 est actuellement est actuellement en cours de réalisation). Ensuite, même si le profil post-révolutionnaire a été comparé à celui de 2010 et 2005, pour toutes les dimensions socio-économiques, géographiques et ceux concernant la propriété, le travail, d’accès aux services et de possession des actifs, il y a quelques fonctionnalités notoires qui manquent – dans les ENPE – et qui empêchant de mener une analyse inter-temporelle plus approfondie. Ceci est le cas pour les éléments qui concernent l'occupation, plusieurs services de base et un certain nombre d'actifs des ménages. Des travaux plus substantiels, permettant d’améliorer la disponibilité des sources de données existantes, de collecter régulièrement des données mises à jour et d’éliminer les disparités au niveau des définitions entre les sources, sont nécessaires pour mieux comprendre les profils de pauvreté et les disparités au fil du temps. 68 Chapitre 4 : La vulnérabilité à la pauvreté a-t-elle augmenté en Tunisie ? 4.1. Définir la vulnérabilité à la pauvreté : la notion simple de « robustesse » face à la pauvreté (monétaire) L’INS, la BAD et la Banque Mondiale (2012) reconnaissent que, malgré la réduction durable de la pauvreté, la consommation de nombreux ménages en Tunisie est juste au-dessus du seuil de pauvreté. En conséquence, les ménages restent vulnérables aux chocs - perte d'emploi, la hausse des prix - ou bien d'autres types d’aléas -maladie, événements catastrophiques - qui les replongeraient dans la pauvreté, en particulier dans les zones rurales. Calculées à partir du nombre de personnes ayant des dépenses d'environ 30 pour cent au-dessus du seuil de pauvreté, les anciennes estimations de la Banque mondiale (2004) suggèrent que la part des personnes vulnérables au sein de la population totale en Tunisie a augmenté de 14 pour cent en 1990 à 17 pour cent en 1995. Malheureusement, il n'y a pas eu d'efforts officiels ou alternatifs récents pour appréhender le degré de vulnérabilité des ménages tunisiens en termes plus systématiques et quantitatifs. L’encadré 4 présente une description succincte des définitions et des mesures de vulnérabilité à la pauvreté utilisées ailleurs, fournissant la base de l'analyse effectuée dans cette section. Cette analyse présente un ensemble d'alternatives basées sur deux approches l’une monétaire et l’autre non-monétaire à la vulnérabilité à la pauvreté. Ces approches - appliquées progressivement à la Tunisie, de la plus simple à la plus sophistiquée - partagent toutes la notion de base que vulnérabilité à la pauvreté saisit la perspective ou bien la probabilité de pauvreté dans l'avenir. Encadré 4. Définir et mesurer la vulnérabilité à la pauvreté Dans sa forme la plus simple, la vulnérabilité à la pauvreté est une notion ex ante qui reflète « les perspectives d'avenir » de la pauvreté en présence de risques (Chaudhuri, 2003). Cette définition va au-delà d'un simple concept de capacité de l’individu, du ménage ou de la communauté de régulariser la consommation en présence de chocs ; ou bien d'exposition des ménages, qui en l'état actuel ne sont pas en état de pauvreté, aux chocs défavorables. (Chaudhuri 2003). La vulnérabilité à la pauvreté cherche à appréhender la pauvreté potentielle au moment de l’enquête, en tenant compte de l'exposition d'un ménage aux chocs, qui constituent les risques, sa capacité à les prévenir / les atténuer ou à y faire face et sa capacité à générer des revenus à long terme. Idéalement, la notion de vulnérabilité à la pauvreté en tant que pauvreté potentielle serait estimée comme étant la proportion de la population avec un niveau de consommation au dessus du seuil actuel de pauvreté Z0 dans le temps 0, qui va tomber 69 en dessous du seuil de pauvreté Z1 dans le temps 1, avec une certaine probabilité (Dang et Lanjouw 2014). Sur cette ligne, Pritchett, Suryahadi et Sumarto. (2000) définissent un seuil de vulnérabilité pour l'Indonésie, vu que le niveau de revenu en dessous duquel un ménage court un plus grand risque que d’habitude de connaître un épisode de pauvreté dans un proche avenir. Cependant, leur seuil de probabilité de 50 pour cent est arbitraire et classe comme "vulnérables" même les ménages qui sont actuellement pauvres. Dang et Lanjouw (2014) définissent, par contre, une population qui clairement n’est pas pauvre, mais qui fait face à un risque réel de tomber en pauvreté. Ils appliquent cette définition à l'Inde, aux Etats-Unis et au Vietnam en excluant ceux qui sont actuellement pauvres, des mesures de la vulnérabilité. Lopez- Calva et Ortiz-Juarez (2014) définissent vulnérabilité à la pauvreté comme l’opposé de la sécurité économique - ils assimilent définissent celle-ci comme l'appartenance à une classe moyenne caractérisée par un état de la sécurité alimentaire. En utilisant des « données panel » pour le Mexique, le Chili et le Pérou, ils définissent comme vulnérables les ménages non pauvres avec 10 pour cent ou plus de probabilité de devenir pauvres lors des cinq années ultérieures. D'autres analyses ont utilisé des mesures ad hoc plus fournies. La Banque mondiale (1995b) a défini plusieurs lignes de pauvreté en Équateur et a simplement désigné la plus élevée de ces lignes comme une "seuil de vulnérabilité." Pour l'Inde, NCEUS (2007) a simplement défini la vulnérabilité comme survenant dans un niveau fixe de revenus, entre 1,25 et 2 fois le seuil national de pauvreté, et la Banque mondiale (2004, 2012) a défini cette seuil de vulnérabilité comme se situant au niveau de 30 pour cent au-dessus du seuil de pauvreté pour la Tunisie et le Vietnam. De même, un certain nombre d'études portant sur l'identification de la classe moyenne ont défini une chute de revenus tombant dans un intervalle défini, en valeurs absolues (Banerjee et Duflo 2008 ; Ravallion 2010), par rapport à la distribution totale des revenus (Pressman, 2007) ou bien par une combinaison des deux (Birdsall 2010). Une fois que la classe moyenne est définie, les ménages vulnérables sont ceux situés entre les pauvres et la classe moyenne. L’un des exemples connus de cette pratique est celui défini par Banerjee et Duflo (2008), qui définissent les ménages des pays en développement comme appartenant à la classe moyenne, si leurs dépenses quotidiennes sont entre US $ 2 et US $ 10 PPP. En Amérique latine, Ferreira et al. (2013) suivent une approche similaire, définissent les ménages vulnérables comme ceux dont les revenus se situent entre 4 $ US et 10 $ US PPA. Source : Chaudhuri (2003) ; Ferreira et al. (2013) ; Dang et Lanjouw (2014). Une première approche pour évaluer la vulnérabilité à la pauvreté recalcule simplement les nouveaux taux de pauvreté après que les seuils la référence de pauvreté ont été modifiés. Plus qu’une analyse de la vulnérabilité, cet exercice est une évaluation de la robustesse de l'incidence de la pauvreté à travers les seuils alternatifs de pauvreté et montre le taux de la population non- pauvre qui pourrait devenir pauvre après des changements dans leur consommation équivalents à un certain changement dans le seuil de pauvreté de référence. Utilisant des données de 2010, cet exercice de robustesse appliqué à la Tunisie montre que 2,3 points de pourcentage 70 supplémentaires de la population (environ 250 000 Tunisiens) seraient tombés en pauvreté, si les seuils de pauvreté avaient été quelque 5 pour cent de plus que le seuil officiel, qui est, entre 41 DT et 64 DT par habitant et par an (respectivement, pour les zones non-communales et les villes). En d'autres termes, des chocs de toute nature, qui auraient réduit la consommation des ménages tunisiens de 41 TD et de 64 TD par personne et par an auraient conduit à une augmentation de la pauvreté de 2,3 points de pourcentage (tableau 10). Si les seuils de pauvreté ont augmenté de 20 pour cent en 2010, l'incidence de la pauvreté aurait augmenté de 60 pour cent par rapport au niveau observé en 2010, soit près de 10 points de pourcentage. De même, la baisse du seuil de pauvreté de 5 pour cent aurait réduit la pauvreté de 2 points de pourcentage. Si la diminution du seuil de pauvreté avait été de 20 pour cent, la réduction de la pauvreté aurait été d'environ 7 points de pourcentage. Cela confirme qu'il y a une part substantielle de la population - 17 pour cent – dont les dépenses figurent entre de 80 pour cent et 120 pour cent de la valeur du seuil officiel de la pauvreté, et, par conséquent, susceptible de changer de statut par rapport à la pauvreté, suite à des changements d'environ 20 pour cent dans leur consommation. Cela est particulièrement grave dans un contexte comme celui de la révolution tunisienne : croissance relativement volatile du PIB, inflation croissante, fluctuation des taux de chômage et réforme des subventions à l'ordre du jour ; tout cela peut conduire à des variations importantes de la consommation à court terme. Vu à travers l’opposition zone urbaine / zone rurale, les villes sont les zones les plus susceptibles de voir leurs seuils de pauvreté connaître des changements. Une augmentation de 5 pour cent du seuil de la pauvreté urbaine y mènerait à un bond de 21 pour cent du taux de pauvreté, soit moins de 2 points de pourcentage. Les zones rurales ou non-communales sont celles qui présentent les impacts les plus bas de l'augmentation de leurs seuils de pauvreté (en termes relatifs, environ la moitié des taux dans les villes). Tableau 9. Contrôle de robustesse pour des lignes alternatives de pauvreté, 2010 Villages de Régions non- Au niveau national taille villes communales moyenne Incidence de la Différence par Différence par Différence Différence par pauvreté (pp) rapport à rapport à l’actuel par rapport à rapport à l’actuel (%) (%) l’actuel (%) l’actuel (%) Actuel 15.5 0.0 0.0 0.0 0.0 augmentation 5% 17.8 15.2 11.1 18.0 21.6 augmentation 10% 20.1 29.9 22.3 34.2 43.8 augmentation 20% 24.9 60.5 43.4 74.7 83.2 Diminution 5% 13.4 -13.6 -11.5 -16.1 -14.9 71 Diminution 10% 11.5 -25.9 -22.8 -28.4 -30.4 Diminution 20% 8.4 -45.5 -41.3 -48.8 -51.5 Source : Estimations de l’équipe de la Banque Mondiale, utilisant ADEPT. Note : pp représente les points de pourcentage. Les lignes actuelles de pauvreté pour 2010 : 1,227, DT, 1,158 DT et 820 DT respectivement pour les grandes villes, les villes de taille moyenne et les zones non-communales. Le taux de pauvreté en 2010 pour les villes était de 9 PP, 14 pp pour les villages de taille moyenne et de 22,6 pp pour les zones non-communales. 4.2 Le vulnérabilité en tant que probabilité de devenir pauvre Cependant, la notion de vulnérabilité comme «la robustesse face à la pauvreté" est assez simpliste et dit peu de choses sur l'identité des personnes vulnérables ou bien sur les facteurs qui les mettent à risque. Plus important encore, la vulnérabilité à la pauvreté monétaire définie en termes de sensibilité à l'évolution du seuil de pauvreté ignore complètement que certaines caractéristiques et conditions individuelles et d’autres liées aux ménages rendent ceux -ci plus (ou moins) exposés au risque de tomber dans la pauvreté et moins armés pour faire face aux risques aux chocs qui les y poussent. Si tel est le cas, on aimerait savoir la mesure dans laquelle plusieurs caractéristiques et décisions des individus et des ménages (également des communautés si les risques systémiques sont considérés) de déterminer la vulnérabilité des ménages face au risque de pauvreté. En reliant les analyses dans les chapitres 4 et 5 avec la notion actuelle de vulnérabilité à la pauvreté, les quatre dimensions principales utilisées dans le profilage de la pauvreté – facteurs socio-démographiques, emploi ; accès aux services et propriété des actifs – sont également pris en compte, pour évaluer les éléments déterminants dans la vulnérabilité à la pauvreté. Basé sur le modèle de la consommation estimée dans le chapitre 4 (et annexe 2), le Figure 11 montre la vulnérabilité à la pauvreté en Tunisie pour 2005 et 2010, comme une probabilité conditionnée par certaines caractéristiques des ménages. Plus précisément, la figure 11 montre la probabilité moyenne prédite d'être pauvre à travers chaque centile de la distribution de la consommation des ménages par habitant. Les probabilités sont d'abord prédites selon un modèle simplifié, le « modèle standard », qui ne contient que des caractéristiques sociodémographiques et celles liées à l’emploi. Pour ce modèle, quelques actifs sélectionnés 32 sont ajoutés, conduisant à des estimations de probabilité étiquetées comme «actifs individuels." Ensuite, une nouvelle série d'estimations est produite en utilisant un « indice d’actifs », qui inclut tous les actifs pour lesquels l'information est disponible. Un modèle final est estimé après ajout de l'accès aux services de base pour les caractéristiques socio-démographiques et celles concernant l’emploi, déjà incluses. Les résultats sont présentés sous l'étiquette "l'accès aux services". 32 . 72 Le graphique 11 confirme que la probabilité prédite d'être pauvre baisse autant que la consommation augmente. Cela était tout à fait attendu car cela reflète simplement qu’en présence de niveaux plus élevés de sécurité économique – appréhendés à travers des niveaux de consommation plus élevés – la probabilité d'être pauvres diminue. Dans le cas de la Tunisie, ce résultat est robuste vu le choix des déterminants utilisés dans l'exercice de modélisation. Ce qui reste un mystère empirique ce sont les probabilités exactes d'être pauvre à travers les niveaux de consommation. Et cette analyse pour la Tunisie montre que, en dépit de la réduction globale observée dans les taux de pauvreté entre 2005 et 2010, la probabilité de tomber dans la pauvreté pour un ménage en 2010 reste considérablement élevée. Par exemple, les ménages figurant dans le 40e percentile de la distribution, qui est celui qui sépare les B40 et les non pauvres, avaient en moyenne une probabilité de 34 pour cent d’être pauvre en 2005. Cette même probabilité était de 24 pour cent en 2010. Figure 11. La vulnérabilité à la pauvreté potentielle en Tunisie, 2005 et 2010* 2005 2010 .5 .4 .3 .2 .1 0 0 50 100 0 50 100 Centiles of Cons pc, 2005 PPP Standard model Asset index Individual assets Acces to services Graphs by year Source : Estimations de l’Equipe de la Banque Mondiale à partir l’ENBC 2005 et de l’ENBC 2010. *Standard model = Modèle standard ; Individual assets = Actifs individuels ; Asset index = Indice d’actifs ; Access to services = Accès aux services ; Graphs by year = Graphiques par année Notes : « Modèle standard » se réfère à un modèle qui prédit le fait de devenir pauvre potentiellement en fonction des caractéristiques socio-économiques et démographiques, sans considérer les actifs ou bien l'accès aux services. "Actifs individuels », ajoute la propriété d’actifs spécifiques au modèle standard. « Indice d’actifs » comprend un indice d'actifs obtenu à partir de l'application d’une analyse en composantes principales à la répartition des actifs déclarés par les ménages. « Accès aux services », ajoute la couverture des ménages en services de base (eau, électricité et assainissement) au modèle standard. Se basant sur la définition de Lopez-Calva et Ortiz-Juarez (2014) des ménages vulnérables à la pauvreté comme les ménages non pauvres avec une probabilité de 10 pour cent ou plus de devenir pauvre, le graphique 11 suggère que 56 pour cent de la population en 2005 et encore 46 73 pour cent en 2010 seraient considérés comme vulnérables33. En conséquence, 21 pour cent des ménages tunisiens en 2005 et 39 pour cent des Tunisiens en 2010 seraient considérés comme économiquement sécurisés, et ce, en utilisant le définition Lopez-Calva et Ortiz-Juarez de (2014). 6.3 La vulnérabilité à la pauvreté en tant que « mobilité au niveau de la pauvreté Jusqu'à présent, l'analyse de la vulnérabilité à la pauvreté a été analysée d'un point de vue statique, qui c’est à dire portant sur une année donnée. Mais vulnérabilité à la pauvreté a un sens dynamique intrinsèque puisqu’il s’agit appréhender les attentes d'aujourd'hui en matière de pauvreté pour pouvoir faire face aux risques dans l’avenir. Ce sens dynamique implique intrinsèquement une notion de mobilité qui consiste en ce que les ménages non pauvres peuvent tomber dans la pauvreté au fil du temps ; de l'autre côté de la médaille, les ménages pauvres, quant à eux, sont susceptibles d’échapper à la pauvreté. Fait intéressant, en regardant tout type de mobilité à travers le statut par rapport à la pauvreté - et non seulement la mobilité hors des zones de la pauvreté - une analyse de la mobilité évalue le rôle que certains déterminants ont dans l'évolution de la pauvreté. Par exemple, comment un facteur comme l'éducation peut affecter les chances d'un ménage de sortir de la pauvreté, mais aussi de s’ y retrouver34. Basé sur la notion de Fields de la dépendance de temps (2005), une société est réputée mobile en termes de pauvreté au fil du temps si la position initiale de quelqu’un n’a pas de pertinence dans la détermination de son futur statut de la pauvreté dans la société35. L'encadré 5 décrit en détail la méthodologie utilisée pour appréhender la mobilité de la pauvreté en Tunisie. Les données pour cette analyse proviennent des sessions de l’ENBCV de 2005 et de 201036. En utilisant les données démographiques et économiques disponibles, des cohortes d’individus définis par l'âge et le sexe sont créés et suivis entre 2005 et 2010. Quelque 23 groupes d'âge ont été d'abord créés dans l’ENBCV de 2005, avec des écarts d’âge de trois ans commençant par les personnes âgées de 15 et 17 ans, suivis de ceux âgés de 18-20 ans, avec un groupe final constitué de ceux âgés de 81 ans et plus. Ces groupes sont ensuite ventilés par sexe, obtenant ainsi un ensemble final de 46 cohortes en 2005, qui seront aussi suivis en 2010. 74 Chaque cohorte a ses propres caractéristiques en termes de données sociodémographiques, les conditions de travail, et un indice de richesse (qui combine maintenant des actifs de propriété et les caractéristiques du logement, comme étant connecté au réseau électrique public et ayant l'eau du robinet disponible à l'intérieur). Ainsi, par exemple, chaque cohorte a un âge moyen de la tête de la maison à laquelle chaque membre de la cohorte appartient ; un pourcentage de membres résidant dans les zones urbaines ; et une part de membres travaillant dans l'agriculture, pour en nommer quelques-uns. Moyennes et pourcentages de tous ces déterminants sont obtenus pour chaque cohorte et l'année en utilisant les poids d'échantillonnage signalés de chaque enquête 37. Pour estimer les équations (4) et (5) dans la case 5 que la mobilité de la pauvreté de capture, la consommation par habitant variable est converti en PPA 2005 pour tenir compte des changements dans les prix qui peuvent influer sur le niveau observé de la consommation. Encadré 5. Appréhender la mobilité au niveau de la pauvreté Le point de départ de l'analyse de la mobilité de la pauvreté est la mesure de la mobilité du revenu ou bien de la consommation, point défini par Lillard et Willis (1978), pour qui la relation entre le niveau de revenu / consommation passés et actuels a été établi comme suit : (1) où constitue les revenu / consommation totaux pour le ménage I au temps t, est un terme de perturbation, et le paramètre , qui est le coefficient de la pente dans une régression du revenu sur sa valeur retardée, constitue la mesure de la mobilité. Une valeur de égale à 1, représente une situation où le revenu / consommation précédents (ou initiaux) / déterminent complètement revenu / consommation actuel, et ou le revenu actuel prédit parfaitement le revenu prévu pour l'avenir. Ceci est une situation où il n'y a pas de mobilité de revenu. Le cas extrême serait celui où = 0 ; alors, la mobilité serait totale (car il n'y aurait pas de lien entre les revenus passés et actuels). L'estimateur de mobilité obtenu à partir de (1) est appelé « inconditionnel », dans le sens où il ne prend pas en ligne de compte la présence de variables (autres que le revenu passé) qui pourraient expliquer le revenu actuel. Lorsque l'estimation est réalisée avec des contrôles supplémentaires, nous avons l’estimation, conditionnelle dépendante du temps, de la mobilité : (2) où X est un vecteur de « covariables » et vise à mesurer l'impact de ces variables sur le 75 revenu. Cependant, la mise en œuvre de (2) exige la capacité de suivre les individus (ou ménages) au fil du temps, avec l'implication d’un besoin de données longitudinales. Malheureusement, dans le cas de la Tunisie, de telles « données de panel » (ou données longitudinales) ne sont pas disponibles. Pour enquêter sur la mobilité, l'analyse doit se fonder sur des techniques de pseudo-panel (Deaton, 1995) et créer des observations synthétiques (appelés cohortes) obtenues en calculant la moyenne d’observations réelles possédant des caractéristiques similaires, en une séquence d'ensembles de données transversales répétées. Autrement dit, les individus sont regroupés en fonction de certaines caractéristiques (âge et sexe) qui les définissent dans le temps, puis la moyenne des caractéristiques au sein de chaque groupe, est utilisée. Puisque la répartition en groupes est fondée sur les caractéristiques qui peuvent être suivies, les unités synthétiques d'observations peuvent être "suivies" au fil du temps. L'équation d'estimation peut être alors modifiée : (3) où l'indice individuel, I, a été remplacé par un indice de cohorte c (t), qui est dépendant du temps. De manière analogue à l'équation (1), la pente est le paramètre d'intérêt. Cette analyse est complétée par l'examen non seulement la mobilité de la consommation, l’estimateur , mais aussi des changements dans l'incidence de la pauvreté pour les observations de pseudo-panel. A cet effet, pour chaque cohorte, le pourcentage de personnes dont le revenu est inférieur à un seuil de pauvreté, est calculé, puis, indiquant le pourcentage par p, la mesure dans laquelle ce changement est lié aux niveaux initiaux de la pauvreté peut être estimé. C'est : (4) Comme avec la version inconditionnelle et conditionnelle de l'équation de la mobilité, cette équation peut être étendue (4) pour tenir compte des autres déterminants possibles de l'évolution de la pauvreté, comme le montrent d’autres études. Ainsi, l'estimation : (5) résultant de cette équation informera comment certaines variables dans un temps passé déterminent la probabilité d'un individu et ménage donné à rester, tomber ou sortir de la pauvreté dans une période ultérieure. Source : Cuesta, Nopo, et Pizzolito (2011). 76 Toutes les cohortes ont connu une diminution de la pauvreté entre les années 2005 et 2010 , avec une seule exception, la cohorte des femmes âgées de 63-65 en 2005 (tableau 12). Les différentes cohortes ont connu une baisse de l'incidence de la pauvreté qui va de près de 16 points de pourcentage jusqu’à un simple 0,1 point de pourcentage, avec une grande variation entre les cohortes. Pourtant, plus de la moitié des cohortes ont enregistré une baisse d'au moins 5 points de pourcentage entre les deux années. Cela confirme que la réduction observée de la pauvreté entre 2005 et 2010 - 8 points de pourcentage - est le résultat d'une amélioration généralisée des conditions de pauvreté dans la population, dont une grande part a bénéficié d'importantes réductions (moyennes). Qu’y a-t-il derrière ces réductions de la pauvreté à travers les cohortes ? Pour répondre à cette question, l'analyse porte sur l'indicateur qui reflète les variations de l'incidence de la pauvreté au sein de cohortes au fil du temps. Les taux de pauvreté sont définis en fonction du seuil de pauvreté pertinents pour la strate à laquelle appartient le ménage (grandes villes, villes moyennes et zones non-communales). Les moyennes des taux de pauvreté dans les cohortes sont calculées à l'aide de « poids d'échantillonnage ». Ainsi, pour chaque observation synthétique de chaque année, est calculé le pourcentage de personnes qui ont une consommation moyenne par personne en dessous du seuil de pauvreté. En se basant sur cette estimation de la pauvreté au sein d'une cohorte, les changements affectant la pauvreté au fil du temps sont calculés en soustrayant le taux de pauvreté de chaque cohorte en 2005 à partir du taux de pauvreté de la cohorte en 2010 38. Les variations de la pauvreté de ces cohortes sont ensuite régressées sur les principaux déterminants de la mobilité décrits dans l’encadré 5. Le tableau 11 présente les résultats de l'estimation de l'équation (4) dans la colonne 1 – mobilité inconditionnelle de la pauvreté – et de plusieurs spécifications de l'équation (5) dans les colonnes 2-5, appréhendant la mobilité de la pauvreté conditionnelle à plusieurs déterminants. La colonne 2 inclut des contrôles pour les dimensions socio-démographiques, la richesse et l'accès aux services, tandis que les colonnes 3-6 ajoutent des contrôles pour les caractéristiques du marché du travail. 77 Figure 12. Les changements de l’incidence de la pauvreté, 2005 – 2010, par des cohortes d’âge et de sexe. Source : Calculs de l’équipe de la Banque Mondiale utilisant l’ENBCV 2005 et 2010. Notes : Les cohortes masculines et féminines sont étiquetées «M» et «F» respectivement. L'âge indiqué correspond à leur âge en 2010. Par exemple, "M 20-22» se réfère à la cohorte des hommes qui sont nés entre 1990 et 1992 et qui donc avaient de 20 ans à 22 en 2010. Le niveau initial de la pauvreté d'une cohorte est un facteur important dans le changement attendu de la pauvreté au fil du temps. Les cohortes avec des taux de pauvreté plus élevés en 2005 ont connu des baisses plus importantes de la pauvreté entre 2005 et 2010 que les cohortes avec des niveaux de pauvreté plus faibles. Ce résultat est en ligne avec les résultats antérieurs suggérant que les plus pauvres de la population ont connu de plus grandes améliorations de bien-être (voir chapitre 2) - bien que de grandes différences subsistent. Le Figure 12 illustre cette constatation : le changement prévu dans la pauvreté entre 2005 et 2010 pour chacun des 46 cohortes augmente avec les niveaux initiaux de la pauvreté en 2005. Ce résultat tient à plusieurs spécifications qui modèlent la mobilité de la pauvreté (tableau 12). La première colonne du le tableau (12) - mobilité inconditionnelle de la pauvreté – tend à démontrer un effet statistiquement significatif de la pauvreté initiale en 2005, pour expliquer la réduction de la pauvreté entre cette année et 2010. Les colonnes 2-6 confirment également de manière systématique cet effet, au fur et à mesure que d'autres déterminants sont progressivement contrôlés à cette fin. Fait intéressant, le coefficient estimé pour la pauvreté initiale varie relativement peu à travers les spécifications (-0,531 à -0,649), et seulement deux autres déterminants sont trouvés significatifs, une fois que la pauvreté initiale est contrôlé pour : l'âge moyen de la tête de ménages et le pourcentage des personnes dont chef de ménage avait eu des études primaires. 78 Figure 13. Les changements prédits de la pauvreté entre 2005 et 2010 par les taux initiaux de pauvreté pour les cohortes de type « pseudo-panel ». Source : Calculs de l’équipe de la Banque Mondiale utilisant l’ENBCV 2005 et 2010. Note : chaque observation représente une cohorte sexe/âge. Les taux initiaux de pauvreté renvoient à 2005. Le changement prédit de la pauvreté est obtenu à partir de résultats régressifs du tableau 10 colonne 3. Les cohortes d'individus vivant dans des ménages dont les chefs sont âgés ont connu, en moyenne, des baisses importantes de leurs taux de pauvreté entre 2005 et 2010. L'éducation semble avoir un impact également, mais seulement à des niveaux d’instruction relativement faibles : les cohortes avec une concentration plus élevée de personnes dont le chef de famille a suivi des études primaires ont aussi connu, en moyenne, les plus grandes baisses des taux de pauvreté. Cela semble cohérent avec le modèle de croissance économique du pays basé sur de faibles compétences, comme nous l’avons vu dans le chapitre 1. Après la démographie et la pauvreté initiale, d'autres caractéristiques telles que l'emplacement géographique, la richesse, et le marché du travail ne se sont pas avérés déterminants statistiquement pour la mobilité de la pauvreté. Cela ne signifie pas que ces facteurs ne sont pas pertinents pour expliquer les niveaux de pauvreté en Tunisie. En fait, lorsque les cohortes ont des taux moyens de pauvreté et des caractéristiques démographiques similaires, les différences de statut du marché du travail ou de la richesse ne créent pas par elles-mêmes des différences significatives quant à réduire la pauvreté au fil du temps. Cependant, d'autres variables du travail, non considérés ici, – en raison du manque de données - telles que l'évolution des salaires, de la rémunération, de la qualité de l'emploi et de la productivité peuvent avoir leur importance quant à la réduction de la pauvreté dans le temps pour ces cohortes. En outre, les actifs productifs, plus que les actifs de consommation, peuvent avoir plus d'impact pour expliquer les tendances de réduction de la pauvreté, ce qui peut expliquer l'absence relevée d'effets significatifs de ces équations de la mobilité de la pauvreté . 79 Tableau 10. Les facteurs déterminants dans les changements d’incidence de la pauvreté en Tunisie Variable dépendante : Changement au niveau du taux de pauvreté Contrôles (1) (2) (3) (4) (5) (6) Taux de pauvreté -0.611*** -0.618*** -0.621*** -0.531*** -0.649*** -0.618*** (0.078) (0.128) (0.143) (0.134) (0.136) (0.138) Pourcentage de ceux vivant dans les zones rurales 0.157 0.101 0.226 0.079 -0.008 (0.146) (0.155) (0.148) (0.158) (0.159) Pourcentage de ceux vivant dans les zones côtières 0.197 0.203 0.184 0.245 0.262* (0.155) (0.153) (0.154) (0.160) (0.152) Moyenne d’âge des chefs de famille -0.024*** -0.027*** -0.016* -0.022*** -0.018** (0.008) (0.008) (0.009) (0.008) (0.008) Moyenne d’âge des chefs de famille au carré 0.000*** 0.000*** 0.000 0.000** 0.000* (0.000) (0.000) (0.000) (0.000) (0.000) Pourcentage de ceux ayant suivi seulement des études primaires -0.264*** -0.263*** -0.233* -0.262*** -0.072 (0.088) (0.088) (0.130) (0.090) (0.136) 0.055 0.063 0.030 0.078 0.178 Pourcentage de ceux ayant suivi des études secondaires et davantage (0.071) (0.075) (0.147) (0.076) (0.159) Score de l’indice de beauté -0.025 -0.022 -0.007 -0.057 -0.073 (0.037) (0.041) (0.038) (0.043) (0.046) -0.034 -0.045 0.026 0.012 0.085 Pourcentage des ménages ayant à leur tête un homme (0.043) (0.052) (0.052) (0.053) (0.072) 0.007 0.141* Pourcentage des individus travaillant dans l’agriculture (0.040) (0.070) Pourcentage des individus travaillant dans l’industrie 0.051 0.176*** (0.035) (0.062) Pourcentage des chefs de famille autonomes -0.356* -0.349* (0.187) (0.197) 80 Pourcentage des ménages dont les chefs sont salariés -0.004 -0.092 (0.104) (0.106) -0.041 0.054 Pourcentage des individus travaillant dans u bureau (0.048) (0.068) 0.109 0.236** Pourcentage des individus ayant un emploi de niveau moyen (0.075) (0.091) -0.084 0.050 Pourcentage des individus qui ont un emploi professionnel (0.068) (0.079) Constant 0.053*** 0.718** 0.795*** 0.494 0.616* 0.331 (0.015) (0.289) (0.288) (0.304) (0.309) (0.300) Observations 46 46 46 46 46 46 R- au carré 0.583 0.868 0.878 0.881 0.878 0.914 Source : calculs des auteurs utilisant l’ENBCV 2005 et 2010. Notes : Les erreurs-types entre parenthèses. Le score de l'indice de richesse est obtenu à partir de la composante principale d'une analyse en composantes principales des actifs des ménages et des caractéristiques du logement. Toutes les variables explicatives sont calculées en utilisant les données de 2005. a. Les pourcentages calculés chez les personnes qui travaillaient au moment de l'enquête. *** P <0,01, ** p <0,05, * p <0,1 L'analyse de la mobilité de la consommation (rapportée à l'annexe 5) confirme en gros les principales conclusions de la mobilité de la pauvreté en termes d'ampleur de la mobilité et de ses facteurs importants. En conclusion, on peut affirmer que la vulnérabilité à la pauvreté, d'un point de vue dynamique, a diminué en Tunisie, conformément aux éléments de preuve examinés plus tôt. La plupart des cohortes ont vu le déclin de l’incidence de la pauvreté entre 2005 et 2010, y compris ceux dont les niveaux de pauvreté étaient initialement élevés. Ainsi la réduction de la pauvreté a été une tendance généralisée qui n'a pas exclu les cohortes les plus pauvres de la population. Les conditions initiales de pauvreté et la formation et de l'âge du chef de ménage se trouvent être les facteurs les plus importants de réduction de la pauvreté en Tunisie, tandis que les conditions de travail et de la richesse ne fournissent pas de contributions supplémentaires pour réduire la pauvreté, si on excepte leur effet sur le niveau de départ de celle-ci. 81 Chapitre 5 : La Tunisie est –elle une société basée sur l’égalité des opportunités 5.1 Dans quelle mesure la Tunisie offre-t-elle des opportunités équivalentes à ses citoyens ? L'analyse de la vulnérabilité a été jusqu’à maintenant ancrée dans la notion de pauvreté monétaire : il s’agissait de savoir comment et pourquoi les ménages sont vulnérables à la pauvreté monétaire, y demeurent ou bien changent d’état, de ce point de vue. Pourtant, ces approches ne vont pas au-delà de mesures monétaires de la pauvreté et pour cela ne prennent pas en compte les dimensions non monétaires du bien-être. Comment les concepts de vulnérabilité et de pauvreté peuvent-ils être liés dans une perspective multidimensionnelle ? L'égalité des chances constitue une extension prometteuse pour l’accent traditionnellement mis sur la pauvreté monétaire (Roemer 1998 ; Molinas et al 2010, Cuesta 2014). Le cadre repose sur deux concepts de base : opportunités et circonstances. Les opportunités sont les biens et services qu'une société considère comme essentiels pour une vie décente et l’émancipation individuelle. Par conséquent, un accès pour tous à ces opportunités est un objectif souhaité qui est communément admis. L'enseignement primaire, l'accès adéquat à l'eau et à l'assainissement, les soins de santé abordables en temps opportun en sont les exemples les plus communs. Les circonstances, quant à elles, sont les caractéristiques de l'environnement d'un individu (environnement social, génétique ou biologique), au sein desquels il est né. Ces caractéristiques sont considérées comme indépendantes de la volonté de l'individu et la société ne l’en pas comme responsable. Ces circonstances comprennent généralement le sexe, l'âge, les antécédents des parents et l'origine ethnique. L'égalité des chances prévaut lorsque l'opportunité peut être concrétisée avec le même niveau d'effort, indépendamment de la situation d'un individu. En d’autres termes, sous un régime d'égalité des chances, les circonstances ne portent pas atteinte à l'accès aux biens et services essentiels qui sont nécessaires pour mener une vie décente. L'Indice d’Opportunité Humaine (HOI= Human Opportunity Index ; Paes de Barros et al 2008) constitue l'un des outils d'analyse les plus couramment utilisés pour mesurer l'égalité des chances. Le HOI synthétise en un seul indicateur le degré de proximité d'une société par rapport à la couverture universelle d'une opportunité donnée et si la couverture de cette possibilité est répartie équitablement. Autrement dit, le HOI est une mesure de la couverture d'un bien ou d’un service qui prend en compte le degré d’inégalité d'accès entre les citoyens. Le HOI "pénalise" la distance séparant les différents groupes de circonstance – c’est à dire, les groupes de population définis par certaines circonstances – au niveau des taux de couverture pour une opportunité donnée. Lorsque les taux de couverture entre plusieurs groupes de circonstance sont égaux, la pénalité est nulle et le HOI est égal à un taux de couverture universel de l’opportunité. Quand au contraire les taux de couverture diffèrent entre les groupes de circonstance, la pénalité augmente et la HOI diminue. Une plus grande inégalité des taux de couverture entraîne une baisse du HOI. L’encadré 6 fournit une représentation plus technique de la construction du HOI, tandis que le tableau 11 présente les opportunités et les circonstances utilisées dans l'analyse du cas tunisien. 82 Encadré 6. Construire le HOI Selon Molinas et al. (2010), Paes de Barros et al. (2008) et Narayan et Hoyos (2012), à qui on doit le présent encadré, la construction de la HOI nécessite d'estimer les probabilités conditionnelles d'accès aux opportunités pour chaque enfant en fonction des circonstances qui le caractérisent. Une façon simple de le faire est d'adapter un modèle logistique, linéaire dans les paramètres β, où l'événement I correspond à l’accès à l'opportunité (par exemple, l'accès à l'eau potable), et x l'ensemble des circonstances (par exemple, le sexe de l’enfant, le niveau d’instruction, le sexe du chef de ménage, etc.) dans les données de l'enquête des ménages. On peut adapter à la régression logistique en utilisant les données de l'enquête : où xk désigne le vecteur ligne de variables représentant la dimension k de circonstances, donc, x = (x1, ..., xm) et β’= (b1, ..., bm), un vecteur de la colonne correspondante de paramètres. De l'estimation de cette régression logistique des données à partir d'une enquête auprès des ménages, on obtient des estimations des paramètres {βk}, désignés par "^" tandis que n désigne la taille de l'échantillon. Compte tenu des coefficients estimés, on peut obtenir pour chaque individu dans l'échantillon sa probabilité prédite d'accès à une opportunité donnée comme : Enfin, à partir de ces estimations, le taux de couverture globale, C, peut être calculé, ainsi que l’indice-D (D-index), la pénalité, P, et l'HOI, en utilisant la probabilité p ^ prédite et les poids d'échantillonnage, w, des données de l'enquête sur les ménages, utilisées comme : 83 D, ou l'indice de dissemblance, est généralement interprété comme une part du nombre total d'opportunités qui doit être réaffecté parmi tous les groupes de la population dans différentes circonstances pour assurer l'égalité des chances, qui est, un taux de couverture égal pour tous les groupes. D est communément appelé l'inégalité de l'indice d'opportunité. Lorsque cet indice de similitude est combiné avec une couverture, le chiffre obtenu indique la pénalité qui devrait être imposée au taux de couverture observé, pour l'inégalité entre les groupes de population. Le HOI est le taux ajusté de couverture après que cette pénalité basée sur inégalité est soustraite. Les méthodes de décomposition peuvent être utilisées pour déterminer la contribution à chaque circonstance, x, à l'inégalité totale intergroupe, qui est l’indice D (le D-Index). Une des méthodes les plus récemment utilisées de décomposition est celle due à Shorrocks (2013). Cette méthodologie développe une décomposition basée sur le travail de Shapley concernant la théorie originale de jeu. La décomposition proposée nous permet de quantifier le rôle de chaque circonstance comme étant sa contribution marginale au D-Index. Pour un ensemble donné de circonstances, la "contribution" d'une circonstance supplémentaire à l'indice peut être interprétée comme le changement marginal de la valeur de l’indice après l'ajout de la «nouvelle» circonstance. Les circonstances qui ajoutent le plus au D-Index sont alors considérées comme contribuant à (ou expliquant) une plus grande part de l'inégalité entre les groupes ; la contribution d'une circonstance au D-Index est définie comme l'addition moyenne à la valeur du D - Index de cette circonstance, au cours de toutes les permutations possibles dans lesquelles toutes les circonstances considérées peuvent être combinées. Source : Molinas et al. (2010) ; Paes de Barros et al. (2008) ; Narayan et Hoyos (2012). a. Banque mondiale (2015) fournit une discussion plus technique de cette méthodologie. 84 Tableau 11. Définition des opportunités et des circonstances pour une analyse de l’égalité des opportunités en Tunisie. EN ENB BC Opportunités Description CV V 2005 201 0 Education Suivre des études (âge 10–14) Enfant âgé de 10–14 suit actuellement des études. √ √ Etudes initiées à temps (6–7) Enfant suivant des études à l’âge de 6 – 7 ans √ √ Ayant accompli six années d’études Individu ayant achevé six ans d’études ( entre 12 et 16 ans √ √ (12–16) ) logement (eau courante et assainissement) Accès à l’eau (eau amenée jusqu’aux Individu âgé de 0 à 16 ans appartenant à un ménage qui √ √ locaux) (0–16) dispose d’eau courante à domicile Accès à des toilettes avec chasse d’eau Individu âgé de 0 à 16 ans appartenant à un ménage qui √ √ (0–16) dispose de toilettes intérieures avec chasse d’eau Locaux avec toilettes munies de chasse Individu âgé de 0 à 16 ans appartenant à un ménage qui d’eau reliée aux canalisations √ √ dispose de toilettes reliées au système d’évacuation d’évacuation Individu âgé de 0 à 16 ans appartenant à un ménage qui est Accès à l’assainissement (0–16) √ √ relié au réseau d’assainissement EN ENB BC Circonstances Description CV20 V 05 201 0 cinquièmes basés sur la consommation par personne des ménages ; la mesure de la consommation comprend les cinquièmes de la consommation aliments, le coût du logement, l'habillement, l'hygiène, le √ √ transport, l'éducation, la communication, les loisirs, les impôts, investissements, biens durables, et plus. sexe Sexe de l’enfant ; male (=1); femelle (=0) √ √ Age du chef de ménage ; présence et le nombre de Caractéristiques de la famille membres 0-15 ans ; présence le nombre de membres âgés √ √ dans le ménage 85 Niveau d’instruction du chef de Le plus haut niveau d’instruction que le chef de ménage √ √ famille ait atteint (aucun, primaire, secondaire, supérieur) Secteur économique du chef du Le chef de famille est employé dans le secteur public (=1) √ √ ménage ou bien ailleurs (=0) Il n'y a pas conjoint dans le ménage (= 1) ou le conjoint du Le chef de famille est « single » √ √ chef de ménage est présent (= 0) Le chef du ménage vit dans une zone rurale (=1) ou bien Type de village √ √ urbaine (=0). localisation régionale du ménage : Grand-Tunis, au nord- Région est, nord-ouest, au centre est, centre-ouest, sud-est, sud- √ √ ouest Source. Equipe de la Banque Mondiale Le Figure 14 présente à la fois le taux de couverture observé et le HOI estimé pour les opportunités relatives à l’éducation et à l’accès à l’eau et à l'assainissement, parmi les enfants tunisiens. En 2010, les opportunités d’instruction telles que la fréquentation d’une école et le fait de commencer les études à temps sont presque universelles en Tunisie. Les taux d'accès chez les enfants en âge spécifique dépassent 90 pour cent. Ces possibilités, par conséquent, n’occasionnent pas de pénalités de répartition ; le taux de couverture et l'HOI sont très similaires. Cependant, l’accomplissement de six années d'études et l’accès à l'eau de robinet présentent une couverture plus faible que les précédentes opportunités, le taux couverture se situe entre 70 et 80 pour cent, respectivement. Sans surprise, l'accès à ces opportunités n’est pas uniformément réparti entre les différents groupes de la population, définis par les circonstances prises en compte dans le tableau 13. En conséquence, leur HOI est inférieur à la protection observée. En fait, dans le cas de l'accès à l'eau de robinet, l'écart entre la couverture et le HOI est d'environ 10 points de pourcentage. Cet écart constitue la pénalité à la couverture observée de l’accès à l'eau, en raison de l'inégalité d'accès des groupes de population. Enfin, les deux dernières opportunités envisagées, l'accès à l'assainissement et la présence d'une chasse d'eau dans la maison, présentent la plus faible couverture et la plus grande inégalité d'accès à travers les groupes de population. En d'autres termes, non seulement moins d'enfants tunisiens ont accès à ces services, mais il y a de grandes inégalités dans la couverture entre les différents groupes de la population. Environ 53 pour cent des ménages ont accès à l'assainissement et 41 pour cent à des toilettes à chasse d’eau reliées au système d’assainissement. Comme les sanctions pour les inégalités entre groupes de population sont considérées dans la mesure de HOI, les taux de celle-ci baissent à 36 et à 26 pour cent, respectivement. En regardant les changements au fil du temps (figure 14), il est clair que la plupart des opportunités ont connu une amélioration entre 2005 et 2010. La part des enfants ayant achevé six années d'études à temps est passé de 68 à 74 pour cent ; l’accès à l'assainissement est passé de 47 à 54 pour cent et la proportion d'enfants vivant dans des logements avec une toilette à chasse, reliée au système d’assainissement a augmenté de 10 points de pourcentage, pour atteindre 42 pour cent en 2010. Malheureusement, l'équité entre les enfants ayant accès à ces possibilités 86 s’est-elle, améliorée en proportion beaucoup plus modeste. Le HOI pour l’achèvement des études primaires à temps a augmenté de seulement 6 points de pourcentage ; pour l'assainissement l’augmentation a été de 5%, tandis que l'accès à une toilette à chasse s’est amélioré de 7 points de pourcentage. D'autres opportunités telles que la fréquentation d’une école, le commencement des études à temps ou bien le fait d'avoir l'eau courante aux locaux ont gardé pratiquement les mêmes taux entre 2005 et 2010, étant donné qu'ils constituaient presque des services universels déjà en 2005. Figure 14. Couverture et Indice d’opportunités humaines pour les opportunités ayant trait à l’éducation, l’eau et l’assainissement en Tunisie.* 2010 2005 Source : Estimations de l’équipe de la Banque mondiale à partir de l’ENBCV 2005 et 2010. *Attending School = Scolarisés ; Started school on time = ont commencé l’école à l’âge normal ; Finish 6 yrs = ont fini les 6 années ; Water piped to premises = Raccordés à l’eau courante ; Sanitation = Assainissement ; Flush toilet to piped sewer = Toilettes à chasse d’eau raccordées à des canalisations ; HOI = indice d’Opportunité humaine ; Coverage = Couverture Note : Les circonstances comprennent le sexe de l’enfant ; l'âge, l'éducation et la situation professionnelle du chef de ménage ; le nombre des membres de la famille, la présence du conjoint dans le ménage, la consommation des ménages, le type de village et la région de résidence. Les poids relatifs sont calculés à partir la méthodologie de décomposition de Shapley. Cette méthodologie 87 mesure la contribution de chaque variable à l'inégalité totale de l'intergroupe, de la couverture d'une opportunité donnée. « yrs » signifie « years » (ans). Ces résultats permettent de conclure que les circonstances comptent encore en Tunisie et affectent les chances des enfants d'accéder aux principaux services de base. L'inégalité des chances est observée en Tunisie, même si c’est à des degrés divers, selon l’opportunité considérée. Alors que l'inégalité des chances est à peine présente concernant la fréquentation d’une école ou bien le fait de commencer l'école à temps, elle est sensiblement présente pour le niveau de scolarité et l'accès à l'eau et devient notoire pour l'assainissement et l’accès aux toilettes. Le rapport de la Banque mondiale (2015) - non montré ici - confirme cette conclusion : les écarts entre HOI et les taux observés persistent pendant les opportunités liées à l'éducation qui appréhendent les aspects qualitatifs, au-delà du simple accès, tels que les compétences des enfants en mathématiques et en lecture, révélées par les résultats des tests PISA. Le bilan de la Tunisie au niveau de l'égalité des chances avant la révolution (2010) est semblable à ses voisins les plus proches dans la région. En termes de fréquentation scolaire, sa couverture et son HOI sont comparables à ceux de la République arabe d'Egypte (2012) et de la Palestine (2010), et supérieurs à ceux de la Jordanie (2010), du Maroc (2007) et d'Irak (2012) – trois pays avec des taux de couverture inférieurs et de plus grandes pénalités liées aux inégalités que la Tunisie (figure 14). S’agissant de l'eau, l'inégalité des chances au niveau l'accès pour la Tunisie est plus grave que pour l'Egypte et la Palestine et offre une situation meilleure seulement par rapport à la Jordanie et au Maroc. En outre, avec le Maroc, la Tunisie a la plus grande pénalité dans la région en rapport avec l’inégalité de l ‘accès à l'eau. Ce record négatif est également observé pour l’assainissement ; en effet son taux de couverture est loin d'être le meilleur dans la région (Egypte et Palestine), et l'écart entre la couverture observée et le HOI est le plus grand dans la région, avec le Maroc. En conclusion, le bilan de la Tunisie concernant l'inégalité des chances est en retard sur les meilleures performances au Moyen-Orient et Afrique du Nord pour les principaux services de base qui sont loin d'être universellement distribués. Il est intéressant, par rapport à d'autres régions dans le monde, de regarder au record de la Tunisie, qui est comparable avec les meilleures performances en Amérique latine et en Afrique, et qui concerne la fréquentation scolaire (dont l'accès est proche de l’universalité). En outre, la performance de la Tunisie est systématiquement meilleure que la plupart des pays africains et comparable à la moyenne des performances des pays de l’Amérique latine, à la fois en termes d'accès à l'eau et à l'assainissement (figure 14). Ainsi, des améliorations significatives dans l'égalité des chances pour l’accès à l'eau et l'assainissement sont nécessaires pour que le bilan de la Tunisie au niveau de l'égalité des chances et de l'accès deviennent atteignent les performances des meilleurs pays en développement. 88 Figure 14. L’inégalité des opportunités en Tunisie : une perspective internationale Fréquentation scolaire Accès à l’eau Accès à l’assainissement 89 Source : Banque Mondiale (2015) Note : la fréquentation scolaire est restreinte aux enfants âgés de 10 -14 ans, l’accès à l’eau renvoie aux enfants âgés de 0 à 16 ans vivant dans une résidence où existe l’eau courante, l’accès à l’assainissement renvoie aux habitations reliées au réseau public d’assainissement. Pour améliorer la comparabilité, les circonstances incluses dans cette analyse sont : le sexe, la localisation, le nombre d’enfants âgés de à 16 ans dans le ménage, le niveau d’instruction du chef de famille et le cas des parents « single ». 5.2 Qu’est-ce qui est à l’origine de l’inégalité des opportunités en Tunisie Si les Tunisiens jouissaient de l’égalité des chances, les circonstances spécifiques - telles que le sexe, le milieu socio-économique, ou le lieu de résidence – ne seraient pas pertinents pour expliquer les lacunes au niveau de l'accès aux services de base tels que l'éducation, l'eau et l'assainissement. Mais, comme indiqué ci-dessus, de telles circonstances comptent encore pour beaucoup en Tunisie. Il est intéressant de constater que l'approche HOI est capable d'identifier les circonstances les plus pertinentes expliquant les disparités au niveau de l’accès et de quantifier leur contribution à cette inégalité (encadré 6). Cette section présente à la fois le taux de couverture observé et le HOI estimé pour l’éducation, l'eau et les opportunités liées à l'assainissement parmi les enfants tunisiens. En 2010, les opportunités liées à l'éducation telles que la fréquentation scolaire et le fait de commencer les études à temps sont presque universelles, en Tunisie. Leurs taux d'accès chez les enfants en âge spécifique dépassent 90 pour cent. Ces possibilités, par conséquent, ne génèrent pas de pénalité de répartition et le taux de couverture et l'HOI sont très similaires. Cependant, quand on passe à d’autres critères tels que l’achèvement de six années d'études et l’accès à l'eau de robinet, il s’avère que la couverture est plus faible que pour les opportunités les précédentes, entre 70 et 80 pour cent des taux de couverture, respectivement. Sans surprise, l'accès à ces possibilités n’est pas uniformément réparti entre les différents groupes de population définis par les circonstances prises en compte dans le tableau 13. En conséquence, leur HOI est inférieur à la couverture observée. En fait, dans le cas de l'accès à l'eau de robinet, l'écart entre la couverture et le HOI est d'environ 10 points de pourcentage. Cet écart constitue « une pénalité » à la couverture observée au niveau de l’accès à l'eau en raison de l'inégalité d'accès entre les divers groupes de la population. Enfin, concernant les deux dernières opportunités envisagées : l'accès à l'assainissement et la présence d'une chasse d'eau à la maison, on observe une plus faible couverture encore et une plus grande inégalité 90 d'accès à travers les groupes de population. En d'autres termes, non seulement moins d'enfants tunisiens ont accès à ces services, mais il y a de grandes inégalités de couverture entre les différents groupes de la population. Environ 53 pour cent des ménages ont accès à l'assainissement et 41 pour cent à des toilettes à chasse reliées au réseau d’évacuation. Comme les pénalités pour les inégalités entre groupes de population sont considérées dans la mesure du HOI, les taux de celui-ci baissent à 36 et 26 pour cent, respectivement. En examinant les changements survenus au fil du temps (figure 14), on constate clairement que la plupart des opportunités ont connu une amélioration entre 2005 et 2010. Le taux des enfants qui achèvent six années d'études (cycle primaire) dans les temps est passé de 68 à 74 pour cent ; l’accès à l'assainissement est passé de 47 à 54 pour cent et la proportion d'enfants vivant dans des logements disposant d’une toilette à chasse reliée au réseau d’évacuation a augmenté de 10 points de pourcentage pour atteindre 42 pour cent en 2010. Malheureusement, l’égalité d’accès parmi les enfants s’est améliorée à des taux beaucoup plus bas. Le HOI pour l’achèvement de l'école primaire à temps a augmenté de seulement 6 points de pourcentage ; pour l'assainissement l’évolution a été de 5 %, tandis que l'accès à une toilette à chasse s’est amélioré de 7 points de pourcentage. D'autres opportunités telles que la fréquentation scolaire, l’entrée à l’école à temps, ou bien le fait d'avoir l'eau courante à domicile, le niveau de couverture est resté pratiquement le même entre 2005 et 2010, étant donné qu'ils constituaient déjà des services presque universels en 2005. Le Figure 15 présente le poids relatif de toutes les circonstances envisagées dans l'analyse des opportunités en Tunisie. Le poids relatif appréhendant la contribution de chaque circonstance à l'inégalité intergroupe est calculé en utilisant la méthodologie de décomposition de Shapley pour chaque opportunité analysée. Les résultats confirment cela, robustes au choix des opportunités analysées, le niveau d’instruction du chef de ménage, l'emplacement urbain / rural et régional de la résidence et la richesse sont systématiquement les circonstances les plus pertinentes pour expliquer l'inégalité des chances en Tunisie. Ensemble, ils représentent entre 75 et 90 pour cent du total des écarts dans la couverture de multiples opportunités à travers les groupes de population. 91 Figure 15. Contribution relative des circonstances aux inégalités des chances en Tunisie (en pourcentage sur l’inégalité totale parmi les groupes de la population.)* 100 6.9 90 26.1 24.4 80 35.9 32.7 42.6 49.7 70 13.4 15.9 60 14.8 50 22.5 24.5 17.4 15.6 40 23.2 14.1 30 7.9 8.2 10.2 10.2 6.4 7.3 20 5.8 6.6 10 7.0 0 2.3 Attending School Started school Finish 6 yrs Water piped to Sanitation Flush toilet to on time premises piped sewer Gender Wealth Family Char Head - Education Head - Public Worker Region Rural Source : Estimations de l’équipe de la Banque Mondiale à partir de l’ENBCV de 2010. *Attending School = Scolarisés ; Started school on time = ont commencé l’école à l’âge normal ; Finish 6 yrs = ont fini les 6 années ; Water piped to premises = Raccordés à l’eau courante ; Sanitation = Assainissement ; Flush toilet to piped sewer = Toilettes à chasse d’eau raccordées à des canalisations ; Gender = Genre ; Wealth = richesse ; Family Char = Caractéristiques de la famille ; Head Education = Niveau d’instruction du Chef de ménage ; Head-Public Worker = Chef de ménage salarié du secteur public ; Region = région, Rural = milieu rural. Note : Les circonstances comprennent le sexe de l’enfant ; l'âge, l'éducation et la situation professionnelle du chef de ménage ; le nombre des membres de la famille, la présence du conjoint dans le ménage, la consommation des ménages, le type de village et la région de résidence. Les poids relatifs sont calculés à partir la méthodologie de décomposition de Shapley. Cette méthodologie mesure la contribution de chaque variable à l'inégalité totale de l'intergroupe, de la couverture d'une opportunité donnée. « yrs » signifie « years » = (ans). 5.3 Inégalités des chances et pauvreté en Tunisie Utilisant les informations sur les circonstances les plus saillantes pour expliquer les écarts d'accès entre les Tunisiens (pour toutes les opportunités considérées), l'ensemble de la population est divisé en groupes de circonstances qui peuvent être suivis dans le temps. Ces groupes sont utilisés comme un pseudo-panel pour analyser comment les opportunités, la pauvreté, et de 92 l'emploi ont évolué entre 2005, 2010 et 2012. Notez qu'il n’est pas gérable d’utiliser les 10 circonstances pour générer des groupes de population qui, même avec une utilisation prudente des catégories au sein de chaque circonstance, donneront plus de 26. 000 groupes de population, résultant de la combinaison de toutes les catégories possibles de chaque circonstance39. En outre, la richesse des ménages a été omise dans le choix initial des circonstances importantes qui permettront de définir les groupes de cette analyse de la population. En effet, les décisions des adultes ont une incidence directe sur les niveaux de richesse, ainsi les individus peuvent être tenus pour responsables dans une certaine mesure pour le niveau de richesse les concernant. Au lieu de cela, la situation économique du ménage est définie approximativement par le niveau d'instruction du chef de ménage. Les circonstances sont également fondées sur le sexe et l'âge du chef de ménage, l'emplacement urbain / rural et la région de résidence. En combinant les différentes catégories de chaque circonstance sélectionnée (pour les catégories homme/femme pour le sexe, le Grand Tunis, l’ouest et l l'est de la Tunisie pour les régions), quelque 108 groupes de circonstance sont générés. C’est sur ces 108 groupes que l'analyse conjointe des opportunités et de la pauvreté, puis de la pauvreté, des opportunités et de l’emploi, est menée. L'incidence de la pauvreté est estimée pour chacun des 108 groupes pour 2005, 2010, et 2012 en tant que taux de personnes dans chaque groupe qui sont définis comme pauvres au sein de chaque année analysée. L’annexe 6 rapporte les taux de pauvreté pour chacun des 108 groupes de population générés et les classe en conséquence. Le Figure 16, cependant, limite l'analyse aux 10 premiers groupes les plus désavantagés de la population et aux 10 groupes les plus avantagés. Ces derniers sont les 10 groupes de population ayant un ensemble de circonstances qui les rendent le plus sujets à la pauvreté, parmi les 108 groupes de population construits en Tunisie. Par exemple, le groupe le plus défavorable est composé de personnes de sexe féminin, âgés de moins de 18 ans, qui appartiennent à des ménages des zones rurales, situées dans les régions de l'ouest et où le chef de ménage a au moins un niveau d’instruction primaire. Les personnes de ce groupe ont, en 2005, une incidence de la pauvreté moyenne de 57 pour cent. Le groupe le plus avantagé, en revanche, se réfère aux hommes de plus de 60 ans, avec au moins un niveau d’instruction secondaire et résidant au Grand Tunis. Leur incidence de pauvreté observée est juste au-dessus de 3 pour cent. Une évaluation sommaire indique que la plupart des groupes désavantagés se trouvent chez les jeunes individus résidant dans les régions ouest. En revanche, les groupes les plus avantagés se trouvent généralement dans les ménages où le chef de ménage a un niveau d’instruction secondaire ou supérieur et réside au Grand Tunis. Cette preuve suggère que la lutte contre l'inégalité des chances est un élément principal dans la réduction de la pauvreté parce que l'inégalité des chances et la pauvreté sont étroitement liées en Tunisie. Les 10 groupes plus défavorisés de population, en Tunisie, ont une incidence de la pauvreté beaucoup plus élevée que la moyenne du pays. Par exemple, les ménages dans les régions ouest, dirigées par un jeune individu (homme ou femme) avec faible niveau d'instruction (moins de six ans de scolarité) sont en même temps les ménages les moins susceptibles d'accéder aux services de base et les plus susceptibles d'être pauvres. Ils ont eu une incidence de la pauvreté de plus de 60 pour cent en 2005, près de trois fois plus élevée que l'incidence moyenne de la pauvreté au niveau du pays. Mais même les groupes de population les plus défavorisés 93 ont bénéficié de la baisse globale de la pauvreté observée entre 2005 et 2012. L’incidence de la pauvreté parmi les 10 groupes les plus défavorisés a diminué entre 2005 et 2012 (Figure 16, tableau supérieur), la seule exception étant les ménages urbains dirigés par un mineur inculte (avec moins de 18 ans d’âge) dans les régions de l’Est. Pour ce groupe, il y a une augmentation de l'incidence de la pauvreté observée entre 2010 et 2012. Une indication analogue ressort de la même comparaison entre les groupes de population les plus avantagée. L'incidence de la pauvreté pour chacun de ces groupes a diminué, ayant déjà des taux très bas, bien en dessous des taux nationaux de pauvreté en 2005. Les exceptions sont les ménages urbains dans les régions orientales, dirigées par des femmes de plus de 60 ans, ayant un niveau d’instruction secondaire ou supérieur (Figure 16, tableau inférieur). Ce résultat est cohérent avec les conclusions des précédentes analyses - courbes d'incidence de la croissance, cohortes et mobilité de la pauvreté dans les chapitres 2 et 6 – allant dans le sens d'une réduction généralisée de la pauvreté en Tunisie dont ont bénéficié la plupart des groupes et des cohortes démographiques, y compris les plus pauvres dans le pays. Figure 16. L’incidence de la pauvreté parmi les groupes de population les plus désavantagés et les plus avantagés en Tunisie, 2005 – 12* 94 Source : Estimations de l’équipe de la Banque Mondiale utilisant l’ENBCV 2005 et 2010, ainsi que l’ENPE 2012. *Head educational attainment = Niveau d’instruction du chef de ménage ; No education = Sans instruction ; Primary = Primaire ; Secondaire or higher = Secondaire ou plus ; Region = Région, Location = Emplacement ; Gender = Genre ; Age groupe = Groupe d’âge ; Year = Année ; Urban = Urbain ; Rural = Rural ; Male = Homme ; Female = Femme ; Under 18 = moins de 18 ans ; Over 60 = Plus de 60 ans ; Least Vulnerable = Moins vulnérables ; Poverty Incidence = Incidence de pauvreté Cependant, même si l’incidence de pauvreté des groupes les plus défavorisés a été généralement réduite entre 2005 et 2012, ceux-ci restent encore loin des groupes les plus avantagés de la population. En fait, cette réduction n'a pas été uniforme pour tous les groupes de population. Par exemple, entre 2010 et 2012, l'incidence de la pauvreté a augmenté pour l'un des groupes de population les plus défavorisés en 2005 – le groupe de la population urbaine dont le chef de famille est une jeune femmes sans instruction et qui réside dans les régions de l’est du pays40. D'autres groupes défavorisés, tels que les ménages ruraux dans les régions ouest, dirigés par des personnes ayant un niveau d’instruction primaire, ont connu seulement de petites baisses de leur taux de pauvreté entre 2010 et 2012, bien au-dessous de la réduction rapide de la pauvreté pour les autres groupes qui a caractérisé cette période. 5.4. Le travail est-il un facteur décisif expliquant l’inégalité des chances en Tunisie ? La Tunisie affiche des différences marquées entre les principales variables socio-économiques du travail tels que le statut d'occupation, l’opposition privé / public, et le secteur économique 95 générant l’emploi (chapitre 5). Par exemple, aussi bien en 2005, qu’en 2010 et 2012, le taux du chômage parmi les pauvres est trois fois plus élevé que parmi les non-pauvres. En revanche, l'accès des pauvres à un emploi public salarié est de moitié moins important que celui des non- pauvres. Les travailleurs non pauvres sont environ cinq fois plus nombreux pour à avoir des emplois professionnels et de niveau intermédiaire que les travailleurs pauvres ; ils sont de moitié moins nombreux à travailler dans l'agriculture que les travailleurs pauvres. Sans ambiguïté, pauvreté et travail sont étroitement liés en Tunisie - comme est le cas avec d'autres facteurs - mais le statut par rapport à l’emploi affecte-t-il gravement l’égalité des opportunités dans le pays ? Des preuves découlant de l’analyse de l'impact que les circonstances ont sur l'accès inégal aux opportunités, plaide au départ, en faveur d’un impact limité. La section 7.2 a conclu que l'éducation, le sexe, l'âge, et l'emplacement géographique sont les facteurs les plus importants de l'inégalité des chances en Tunisie. En revanche, la variable de l'occupation du chef de ménage n’est pas jugée significative lorsque d'autres circonstances sont prises en considération. Il est à noter que les circonstances de l’âge, sexe et éducation prennent en compte également l'expérience, l'étendue de la discrimination entre les sexes et les compétences, qui sont tous des aspects importants des marchés du travail. Cependant, une fois ces dimensions contrôlées, le statut par rapport à l’occupation n'a pas en lui-même d’autre d'impact supplémentaire sur l'inégalité des chances. Ce constat d'un impact limité des circonstances liées au travail sur les opportunités est confirmé par le fait que les changements dans le statut par rapport à l’emploi ne sont pas bien alignés avec les tendances de la pauvreté parmi certains groupes de population entre 2005 et 2012. Lorsqu’on se concentre d’abord sur les groupes de population les plus défavorisés, la Figure 17, panneau a, compare l’évolution de la pauvreté et des conditions de travail clés à travers des groupes de vulnérabilité. On se rend compte que les changements affectant l'incidence de la pauvreté observée entre ces groupes, ne correspondent pas étroitement avec les changements dans leur composition professionnelle : ainsi, comme l'incidence de la pauvreté baisse pour les groupes défavorisés, il n'y a pas des réductions marquées de leur taux de chômage ou des augmentations substantielles dans leur accès aux emplois salariés du public ou bien du privé. Après la baisse de leur incidence de la pauvreté, ils continuent à avoir le plus grand taux d’exclusion de la force de travail et la qualité des emplois salariés dans le secteur public ou privé la plus basse parmi toutes les catégories considérées. D'autres groupes de population montrent une tendance similaire de réduction de la pauvreté avec de petites améliorations dans les conditions de travail. Par exemple, la qualité des emplois chez les femmes ne change pas beaucoup entre 2005 et 2012 - puisque la part des emplois salariés du secteur public a augmenté et que ceux du privé ont diminué - tandis que le chômage et l’exclusion de la force de travail semblent augmenter entre ces années. Pourtant, les taux de pauvreté chez les femmes diminuent entre les deux années (Figure 17, partie B). Les jeunes et, au sein de ceux-ci, les jeunes qualifiés, ont vu leur taux de pauvreté augmenter légèrement entre 2010 et 2012. Cette augmentation de la pauvreté a eu lieu sans aucune modification de fond au niveau de l’occupation : ni leur part des emplois de qualité, ni le chômage et l’exclusion de la force de travail n’ont sensiblement changé entre 2010 et 2012 (figure 17, partie c). Par zone géographique, la réduction de la pauvreté parmi les ménages urbains et ruraux intervient 96 également sans grands changements au niveau du statut professionnel dans de chaque région (figure 17, partie D)41. Figure 17. Pauvreté, opportunités et occupation professionnelle en Tunisie, 2005-12* 97 Source : Estimations de l’équipe de la Banque Mondiale, utilisant l’ENBCV de 2005 et de 2010 et l’ENPE de 2012 *Incidence Poverty = Incidence de pauvreté ; Distribution of Labor Force = répartition de la population active ; Most Disadvantageous = Le plus Désavantageux ; Female = Femmes ; Location = Emplacement ; Rural = Rural ; Urban = Urbain ; Youth = Jeunesse ; Skilled = Qualifiés ; Unskilled = Non qualifiés ; Wage-Public = Salarié secteur public ; Wage-Private = Salarié secteur privé ; Self-employed = Travailleur indépendant ; Unemployed = Sans emploi ; Out of labor force = En dehors de la population active ; Skilled Youth = Jeunes qualifiés En conclusion, le travail – ou du moins, le statut professionnel ne peut pas être considéré comme étant pertinent pour expliquer les tendances à l’inégalité des chances observée en Tunisie. Cela confirme les résultats antérieurs qui accordaient en cela une plus grande pertinence à l'éducation, au sexe et à l'emplacement géographique en tant que facteurs déterminants de l'inégalité d'accès aux services de base. Cependant, des aspects de la condition de travail, autres que l'emploi – disons-le, la rémunération - et les facteurs autres que les circonstances - les politiques, par exemple - pourraient aussi contribuer à expliquer les mutations ayant généré l'inégalité des chances. Malheureusement, l'analyse du HOI ne fournit pas une approche appropriée pour une analyse plus complète (encadré 7). Élargir l'analyse actuelle afin d'inclure le rôle des décisions de dépenses publiques et de politiques essentielles, telles que les subventions et le ciblage permettront de mieux comprendre pauvreté et la vulnérabilité Encadré 7. Accroître l'analyse de l'égalité des chances au travail Il est largement reconnu que la notion d’opportunités d'emploi est moins simple que celle des opportunités liées aux services de base tels que l'éducation, la santé, l’eau l’assainissement (Banque mondiale 2015b). Tout d'abord, les opportunités d'emploi doivent être évaluées chez les personnes en âge de travailler, soit les personnes qui prennent des décisions, font des choix et décident de leurs efforts en matière de résultats du travail. Dans une large mesure, ces personnes sont responsables des résultats observés dans le domaine professionnel. Deuxièmement, il est pas si évident de dire quelles opportunités d'emploi constituent un bien universel souhaitable : par exemple, être employé ne peut pas être considéré comme une occasion souhaitable après tout, si la personne a un emploi précaire et dangereux. En outre, un individu peut préférer un emploi informel à un emploi classique, en raison d'une préférence personnelle pour des conditions de travail flexibles. Troisièmement, certains soutiennent que ce ne sont pas les résultats du travail qui constituent une vraie opportunité de travail, mais l’employabilité ; voilà un concept assez difficile à cerner et à quantifier. Quatrièmement, dans la pratique, il est difficile de séparer le rôle que les circonstances peuvent avoir dans les opportunités de travail d'aujourd'hui en ce qui concerne leur effet sur l'accumulation de capital humain plus 98 tôt, qui détermine de façon critique les résultats du travail d'aujourd'hui. Pour cette raison, séparer les effets directs et ceux indirects des circonstances devient un exercice très complexe. Pour ces raisons, l'analyse de l'égalité des chances au niveau professionnel est encore en cours d'élaboration. Les analyses actuelles en vue de mesurer un HOI lié au travail (Abras et al 2012 ; World Bank 2015f) reconnaissent ces difficultés et fournissent une première série de résultats qu'ils caractérisent comme provisoires et préliminaires. Dans le cas de la Tunisie, la Banque mondiale (2015d) utilise une enquête sur l'emploi des jeunes de 2012, conçue et réalisée par la Banque Mondiale, pour analyser le rôle d’un côté, du sexe, du niveau d’instruction du père et de la mère, la région de naissance (considérés comme des circonstances), et l'âge et l'éducation des individus (considérés comme caractéristiques visant à saisir l'expérience et les compétences des individus) pour expliquer l'inégalité d'accès à plusieurs possibilités de travail : être employé, employé à temps plein, employé au moins 20 heures par semaine , avoir un emploi contractuel et avoir un emploi dans le secteur public. Les résultats collectés par la Banque Mondiale (2015f) montrent qu'aucune de ces opportunités de travail n’est également répartie entre les groupes de population en Tunisie. Comme l'opportunité dans ce cas, renvoie se réfère à des emplois plus recherchés : emploi à plein temps, contractuel, dans le secteur public - la couverture diminue comme on s’y attend. Fait intéressant, la pénalité, cependant, reste assez similaire à celles regardant les autres opportunités en Tunisie (Figure A) et ne semble pas se creuser avec une plus grande qualité des emplois. Lors de la comptabilisation les effets individuels que ces circonstances et de ces caractéristiques ont sur cette inégalité estimée à accéder à des opportunités de travail, les circonstances expliquent conjointement la plus grande part (entre 55 et 90 pour cent) de toutes les inégalités d'accès, en fonction de l’opportunité analysée. Mais pour les emplois deviennent plus recherchés, le rôle de l'éducation et le gain d'âge prennent plus d’importance (Figure B). Figure A. Couverture et HOI pour les opportunités professionnelles, 2012* Source : Banque Mondiale (2015), utilisant l’Enquête sur le Chômage des Jeunes de 2012 *Coverage = Couverture ; Opportunity = Opportunité ; Employed = avec emploi ; Employed at least 20h = employé pendant au moins 20 heures ; Employed full time = employé à temps plein ; Has contract = Dispose d’ un contrat ; Has public sector job = Employé du secteur public 99 Figure B. les contributions aux inégalités parmi les opportunités professionnelles* *Opportunity = Opportunité ; Employed = avec emploi ; Employed at least 20h = employé pendant au moins 20 heures ; Employed full time = employé à temps plein ; Has contract = Dispose d’un contrat ; Has public sector job = Employé du secteur public ; Circumstances = Circonstances ; Education = Niveau d’instruction Source : Banque Mondiale (2015), utilisant l’Enquête sur le Chômage des Jeunes de 2012 III. POLITIQUES, PAUVRETE ET DISTRIBUTION EN TUNISIE Chapitre 6 : La réforme des subventions énergétiques peuvent-elles remédier à la pauvreté et aux inégalités en Tunisie ? 6.1 Les subventions énergétiques en Tunisie 6.1.1 Rôle des Subventions Énergétiques dans la Stratégie de Développement Les subventions représentaient 7 pour cent du PIB tunisien en 2013, selon la dernière estimation disponible (figure 18). Les dépenses publiques en matière de subventions sont supérieures à celles de l'aide sociale, l'emploi, la santé, l'éducation et les programmes individuels pour les jeunes, les enfants ou les femmes (Banque Mondiale 2013b). Le montant total de dépenses en subventions a augmenté au cours de la révolution, et a récemment atteint un cinquième du total des dépenses publiques. Dans le cas des subventions énergétiques, les dépenses ont également augmenté sensiblement après la révolution, totalisant deux-tiers du total des subventions en 2013, contre un tiers en 2010. Ces données confirment que les subventions de prix généralisées constituent une pierre angulaire délibérée de la protection sociale en Tunisie, une stratégie initiée dans les années 1970 et qui est restée en place depuis (encadré 8). Les partisans de cette stratégie justifient les subventions universelles et générales en raison de : la grande taille du secteur informel - dont la compétitivité et la survie sont de facto protégées par les subventions en lui fournissant des sources d'énergie bon marché ; les niveaux élevés de pauvreté dans le passé ; et le manque de systèmes d'information et de registres pour identifier et cibler les pauvres. En outre, le manque de légitimité politique de l'ancien régime autoritaire et les implications sensibles sur le bien-être de toute réforme en matière de subventions - qui génère inévitablement des gagnants et 100 des perdants - ont empêché pendant des décennies une refonte décisive des subventions en Tunisie. Figure 18. Evolution des Subventions par Type, 2005-13* Source : Banque mondiale (2013b) en utilisant les données du Ministère des Finances. *Transportation = Transports ; Basic Products = Produits de base ; Energy = Energie Note : Les produits de base se réfèrent à des produits alimentaires tels que les céréales, le pain, le sucre et l'huile végétale ; * = Prévisions. Il a été largement reconnu- y compris par le gouvernement transitoire (Gouvernement Tunisien 2014) - que les subventions actuelles ne parviennent pas à protéger les pauvres. On estime que les 40 pour cent inférieurs de la distribution bénéficient seulement de 29 pour cent et 34 pour cent des subventions énergétiques et alimentaires, respectivement (Banque Mondiale 2014b). Les tentatives passées pour réformer les subventions énergétiques ont également contribué à des tensions sociales (encadré 8) et ont suscité des inquiétudes en termes de gouvernance et de transparence. Par exemple, la Tunisie manque d'estimations précises quant au total des subventions pour le pétrole et le gaz naturel générés par la compagnie pétrolière nationale vendant du pétrole brut et du gaz naturel importés à une fraction des prix internationaux à des entreprises étatiques (FMI, 2014a). En outre, les subventions introduisent généralement toute une série de distorsions économiques dont les distorsions des prix relatifs ; la surconsommation et le sous-investissement dans les secteurs subventionnés ; des effets néfastes sur la santé et l'environnement ; l'éviction d'investissements plus productifs ; retards enregistrés en matière de diversification économique ; comptes courants faibles ; et l'augmentation des déficits budgétaires (FMI 2014b ; Cuesta et al. 2015). Ces préoccupations liées à la fiscalité, à l'équité, à la transparence et aux questions sociales ont incité le gouvernement tunisien à envisager des changements dans sa politique de subventions, en particulier en matière d'énergie. Cependant, une telle réforme constitue un équilibre difficile entre une refonte décisive des subventions énergétiques qui réduit les distorsions et une intervention qui n'accroît pas les inégalités et les tensions sociales. Encadré 8. Évolution des subventions énergétiques en Tunisie 101 La Tunisie a une longue tradition de subventions énergétiques et alimentaires généreuses. Les subventions sont délibérément devenues la colonne vertébrale des nouvelles stratégies de protection sociale des années 1970. Cependant, au début des années 1980, la Tunisie a connu une expérience douloureuse en matière de réforme des subventions alimentaires. En 1983, les subventions alimentaires ont atteint 3 pour cent du PIB, mais incluaient des fuites importantes aux non-pauvres. Du jour au lendemain, le gouvernement avait annoncé le doublement des prix des céréales et de leurs produits dérivés, y compris le pain, la semoule, les pâtes et le couscous et (FMI 2014b). La décision hâtive a pris le public par surprise, et après un mois de protestations, la réforme a été abandonnée. Plus tard, pendant le régime Ben Ali, le gouvernement n'a pas tenté de réformer en profondeur les systèmes de subventions en place, trouvant plutôt le moyen de maintenir le système généreux tout au long des moments difficiles et prospères. Toutefois, au cours de 1991-1993, le gouvernement a lancé une réforme progressive des subventions alimentaires, en favorisant les aliments largement consommés par les pauvres - comme le pain de qualité inférieure - et en supprimant les subventions sur les aliments consommés par les riches. Une campagne de sensibilisation lancée au bon moment couplée d'augmentations du salaire minimum et de renforcement d'autres programmes de protection sociale ont contribué à améliorer simultanément le ciblage et la charge budgétaire des subventions alimentaires. Pendant les dernières années du régime Ben Ali et la période post-révolution récente, les dépenses et la composition des subventions de la Tunisie ont changé de manière significative. Au cours des 10 dernières années, les dépenses combinées en matière de subventions énergétiques, alimentaires et des transports ont plus que triplé, passant de 2 pour cent du PIB en 2005 à 7 pour cent en 2013. Les subventions énergétiques, en particulier, ont quadruplé au cours de cette période. Les subventions énergétiques ont atteint 4,7 pour cent du PIB en 2013, avec des augmentations soutenues depuis 2010, reflétant le dépassement partiel (plutôt que total) des prix internationaux du pétrole sur les prix domestiques fixés par le gouvernement (ibid.). Après la révolution, les prix de l'essence, du diesel et de l'électricité ont augmenté de 7 pour cent en septembre 2012, suivis par des augmentations similaires en mars 2013. Les subventions énergétiques au profit des cimenteries ont été réduites de moitié en janvier 2014 et seront entièrement éliminées en juin 2014. Les tarifs de l'électricité pour les consommateurs de faible et moyenne tension ont été augmentés à travers un processus en deux étapes, de 10 pour cent en janvier 2014 et un autre 10 pour cent en mai 2014. Le gouvernement a introduit un tarif social d'électricité pour les ménages consommant moins de 50 kilowattheures (kWh) par mois en 2014. Toujours en janvier 2014, le gouvernement a établi une nouvelle formule automatique de tarification de l'essence afin d'aligner la convergence du prix domestique aux prix internationaux au fil du temps, mais sans mécanisme de lissage ni calendrier clair. En parallèle, le gouvernement a lancé un nouveau programme de logements sociaux, a augmenté les déductions de l'impôt sur le revenu pour les ménages les plus pauvres, et s'est engagé à créer un registre unifié des bénéficiaires des programmes sociaux et à améliorer le ciblage des dépenses sociales (à achever en 2015). En outre, des plans sont également en cours pour étendre le programme actuel de transfert d'argent (PNAFN) à 250.000 bénéficiaires et de réduire ses erreurs d'exclusion. Source : FMI (2014b) ; Cuesta et al. (2015). 102 6.1.2 Consommation et Dépenses Énergétiques Résidentielles en Tunisie Cette analyse porte sur les subventions énergétiques résidentielles ; qui couvrent les subventions sur l'électricité, l'essence, le gaz de pétrole liquéfié (GPL), et le diesel. Ils constituent la part du lion des subventions totales de consommation financées par le gouvernement et environ 45 pour cent de la consommation totale d'énergie des ménages tunisiens 42. La structure actuelle a été introduite en mai 2014 et continue de s'appliquer à la rédaction de ces lignes. Les évaluations communiquées sont issues de la distribution de la consommation et des dépenses rapportées dans le ENBCV 2010, la plus récente enquête détaillant les dépenses des ménages. Les structures de la consommation et des dépenses de 2010 sont ainsi mises à jour pour mai 2014 en utilisant les taux de croissance, la croissance de la population, et les taux d'IPC officiels. C'est sur la base des distributions mises à jour que les simulations des impacts d'une réforme hypothétique en 2014 sont menées. Par conséquent, l'analyse suppose que les modes de consommation et leurs vecteurs, tels que les préférences, en 2010 constituent un bon indicateur des modèles de consommation de 2014. Enfin, le profil de pauvreté est défini dans cet exercice autour des seuils de pauvreté officielles établies par l'INS, la BAD et la Banque Mondiale (2012) ainsi que le coût monétisé d'un panier alimentaire qui assure les besoins caloriques minimum, ajusté en outre par les besoins non alimentaires, et mis à jour annuellement en fonction des tendances observées de l'IPC. Un logiciel de simulation, SUSBIM, développé par Araar et Verme (2012) génère les tendances de consommation et des dépenses et analyse les scénarios de prix alternatifs. La structure actuelle des prix de la consommation résidentielle d'électricité est progressive, mais à peine en faveur des pauvres. Les tarifs suivent un système à deux paliers (tableau 12)43 qui différencie les ménages consommant moins de 200 kWh par mois par rapport à ceux qui ont des volumes de consommation plus élevés. Pour les consommateurs à faible volume, un tarif de volume différencié est appliqué à trois blocs de consommation. En revanche, les ménages consommant plus de 200 kWh par mois sont soumis à un tarif croissant par blocs qui comprend plusieurs prix à travers différents blocs de consommation (tableau 12). Cette structure tarifaire est progressive dans le sens où ceux qui consomment plus payent des coûts marginaux plus élevés par kilowattheure consommé. En effet, les petits consommateurs au même titre que les gros consommateurs font l'objet d'un coût marginal croissant à partir de l'usage. En outre, les gros consommateurs paient plus que les utilisateurs à faible volume pour les 200 premiers kWh 42 Plus précisément, les biocombustibles solides constituent la principale source de dépense d'énergie chez les ménages (42 pour cent), suivis par le GPL (18 pour cent), l'électricité (15 pour cent), et le gaz naturel (10 pour cent). Le diesel et l'essence constituent de très faibles sources de dépenses d'énergie, selon la Banque Mondiale (2013b). 43 Trois prix s'appliquent aux consommateurs à faible utilisation : 0,075 DT par kWh, si la consommation est comprise entre 1-50 kWh ; 0,108 DT par kWh (appliqué à tous les kWh consommés) si la consommation est comprise entre 51-100 kWh ; et 0,140 DT par kWh si la consommation est comprise entre 101-200 kWh (également à partir des premiers kWh consommés). Pour les gros consommateurs, 0,151 DT par kWh est facturé pour chacun des 200 premiers kWh consommés ; 0,158 DT pour chacun des kWh suivants dans le bloc 201 et 300 kWh ; 0,301 DT pour le prochain bloc de 200 kWh ; et, enfin, 0,501 DT par kWh pour chaque kWh au-delà de 500 kWh par mois. Une autre structure - dont l'analyse n'est pas couverte par ce chapitre - est appliquée pour les utilisateurs non résidentiels (qui différencie également entre l'utilisation à basse et haute tension). 103 et font face à des frais de plus en plus élevés à mesure que leur consommation augmente44. Cependant, le système tarifaire ne profite pas assez à la population pauvre. La concentration des consommateurs pauvres sur le bloc social (lifeline) - petits consommateurs dans le palier 1- 50 kWh - est de seulement 48 pour cent (tableau 13), bien que le palier ait été délibérément conçu pour viser les consommateurs les plus défavorisés. Comme on pouvait s'y attendre, les ménages du quintile le plus pauvre ne représentent qu'une minime proportion des consommateurs du palier de volume supérieur (entre 3 et 6 pour cent des consommateurs du palier 2). Les prix des sources d'énergie autres que l'électricité ne sont pas soumis à des segments de prix différenciés et ils ne sont ni progressifs ni pro-pauvres. Les prix de l'essence, du GPL, et du diesel ne varient pas en fonction des niveaux de consommation. Le prix de l'essence sur le marché est de 1,67 DT par litre ; le prix du diesel 0.2 (contenant 0,2 pour cent de soufre) est de 1,25 DT par litre ; et un cylindre de 13 kg de GPL coûte 7.4 DT (ou 0,57 DT par kg). La structure des prix de ces sources n'est pas progressive parce que les prix n'augmentent pas lorsque la consommation augmente. Par ailleurs, en termes absolus, les gros consommateurs bénéficient d'une subvention publique plus élevée, ce qui rend ces subventions non pro-pauvres. Tableau 12. Structure Tarifaire de l'électricité pour les Consommateurs Résidentiels de Basse Tension Prix de l'énergie par tranche mensuelle de consommation (millimes / kWh) Tension (millimes / Prix kVa / mois) 1- 201- 301- 50 51-100 101-200 300 500 501+ 75 Économique (1 et 2 kVa et consommation de 500 108 moins de 200 kWh) 140 280 350 Économique (1 et 2 kVa et consommation de 500 151 184 plus de 200 kWh) ; normale (> 2kVa) 250 295 44 Cependant, le rythme auquel les tarifs marginaux augmentent n'est pas linéaire, ce qui implique que le degré de progressivité diminue à mesure qu'augmente la consommation chez les ménages non pauvres. Lorsque l'on regarde les incréments de 50 kWh dans la consommation, passant d'un niveau de 50 kWh à 100 kWh de consommation, le prix des deuxièmes 50 kWh est de 44 pour cent plus élevé que la première tranche (de 75 à 108 millimes DT) pour les petits consommateurs. Pour les consommateurs se déplaçant à travers le plus haut bloc du deuxième palier, passant de 301-500 kWh au bloc de plus de 501 kWh, la hausse du tarif résidentiel est de 25 pour cent ou 70 millimes de DT. En bref, les caractéristiques non linéaires (en termes de prix marginaux par consommation supplémentaire) sont combinées à travers les différents segments du système à deux paliers, ce qui rend le système loin d'être progressif dans son intégralité. 104 Source : Société Tunisienne d’Électricité et du Gaz (2014). Note : Valide depuis le 1er Mai 2014. Les prix sont en millimes DT et hors taxes. Kwh = kilowatt-heure ; kVa = kilovolt-ampères ou 1000 volts ampères. Tableau 13. Répartition des Tranches de Consommation Mensuelle d'électricité par Quintile Consommation Consommation mensuelle entre 1-50 Consommation mensuelle entre 51- Consommation mensuelle entre 101- <200 kWh par kWh 100 kWh 200 kWh mois Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 Pourcentage par 48,1 19,2 12,9 11,6 8,2 32 25,5 20,1 13,7 8,7 15,9 20,5 23,2 22,6 17,9 quintile Consommation Consommation mensuelle entre 1- Consommation mensuelle entre >200 kWh par Consommation mensuelle 501+ kWh 300 kWh 301-500 kWh mois Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 Q1 Q2 Q3 Q4 Q5 Pourcentage par 6,7 15,2 17,8 25,9 34,4 4,4 12,1 15,2 22,1 46,2 2,8 9,1 9,3 19,4 59,4 quintile Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations de subventions) La structure des prix et des modes de consommation à travers les groupes socioéconomiques examinés ci-dessus conduisent tous deux à des inégalités de consommation et de dépenses par habitant sur l'énergie des ménages tunisiens (voir annexe 7). En effet, le consommateur moyen des quintiles supérieurs de consommation, qui constituent les quintiles les plus riches, consomme beaucoup plus d'énergie que les quintiles les plus pauvres. Les différences de consommation les plus importantes sont observées pour l'essence, suivi par le diesel (tableau 14, panel a). En moyenne, un individu du quintile 5 consomme 200 fois plus d'essence qu'un individu du quintile le plus pauvre ! Ce ratio est encore plus énorme (38 à 1) dans le cas du diesel. Des différences beaucoup plus étroites sont observées pour l'électricité et le GPL : une personne plus riche consomme 4,5 fois plus d'électricité et 1,4 fois plus de GPL qu'un individu des ménages les plus pauvres. De grandes différences sont également devenues évidentes lorsque les dépenses sont comparées à travers les quintiles de la distribution de la consommation. Les ménages du quintile le plus riche dépensent plus de six fois le montant dépensé pour l'énergie résidentielle par le ménage moyen du quintile le plus pauvre (par habitant, tableau 14, panel b). Pour l'essence et le diesel, les différences socioéconomiques en termes de dépenses par habitant sont frappantes. Pour le GPL et l'électricité, les différences sont moins aigues. Tableau 14. Consommation et Dépenses (DT) par habitant (quantité) d'Energie Subventionnée a. Consommation par individu 105 Essence GPL Gas-oil Électricité Quintile (litre) (kg) (litre) (kWh) 1 (le plus pauvre) 0.46 36.50 0.45 37.41 2 2.30 45.35 1.95 49.59 3 8.45 49.08 3.70 61.23 4 25.02 55.99 5.58 86.58 5 (le plus riche) 97.74 52.39 17.07 167.20 Total 26.79 47.86 5.75 80.40 Source : Calculs de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM. b. Dépenses par individu (DT) Quintile Essence GPL Gas-oil Électricité Total 1 (le plus 0.77 20.81 0.56 36.70 58.83 pauvre) 2 3.83 25.85 2.44 56.36 88.48 3 14.11 27.98 4.62 67.63 114.33 4 41.78 31.91 6.97 88.35 169.01 5 (le plus 163.22 29.86 21.34 150.53 364.95 riche) Total 44.73 27.28 7.19 79.91 159.11 Source : Calculs de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM. L'annexe 7 rapporte que la dépense d'énergie représente entre 5 et 6 pour cent du total des dépenses des ménages, quel que soit le statut socioéconomique du ménage. En d'autres termes, les dépenses d'énergie en tant que part des dépenses totales des ménages est similaire à travers les groupes socioéconomiques, sans différences marquées entre les quintiles. 6.1.3 Quantifier les Subventions Énergétiques en Tunisie Comme indiqué ci-dessus, les subventions énergétiques représentent une part substantielle du budget national et de l'ensemble de l'économie tunisienne45. Cependant, les estimations officielles sur les subventions ne concernent que les coûts budgétaires réels dépensés publiquement sur les subventions énergétiques ; les sources de subventions implicites ne sont pas comptabilisées. Ceci est le cas, par exemple, de la pratique généralisée de la compagnie pétrolière nationale vendant du pétrole brut importé et de gaz naturel à une fraction des prix internationaux à des entreprises étatiques. En l'absence d'estimations officielles, la Banque Mondiale (2013a) suggère que ces pratiques peuvent avoir dépassé 2 points de pourcentage du PIB en 2012. Pour tenir compte des subventions explicites et implicites, l'analyse actuelle recalcule les subventions énergétiques en fonction des prix---de marché---finaux observés, les 45 La plupart des sources d'énergie sont subventionnés publiquement en Tunisie, mais à des degrés différents. Les exonérations constituent d'autres formes d'énergie couramment utilisés par les ménages, tels que le charbon, le gaz naturel ou les biocombustibles solides, qui ne sont pas subventionnés. 106 structures de prix, les prix internationaux (des sources importées) et les coûts de production locaux. L'encadré 9 résume la méthodologie utilisée pour recalculer les parts des prix subventionnés. D'après ces estimations, il est possible d'estimer la répartition des bénéfices monétaires découlant des subventions à travers les quintiles de ménages (tableau 17). Encadré 9. Estimation des Parts des Prix Subventionnés Pour les produits énergétiques consommés par les ménages, à savoir l'électricité, le GPL, l'essence et le diesel, un niveau de subvention S pour chaque produit est estimé en utilisant l'approche d'écart de prix. Selon cette approche, un premier prix est calculé en ajoutant au prix international de référence, IP, toutes les taxes locales et les coûts de distribution domestiques. Le prix obtenu est supposé refléter le coût d'approvisionnement efficient du marché, compte tenu des conditions et des réglementations d'un pays donné et des prix internationaux. Ce prix est appelé le "prix non subventionné" (NP). Les subventions (S) sont calculées comme étant la différence entre le NP estimé et le prix de vente domestique observé, ou le prix du marché (DP): Si = NPi —DPi, où i désigne chaque source d'énergie pour la consommation résidentielle. Le taux de subvention SRi pour la source i est le rapport de Si à NPi. Dans le cas de la Tunisie, les prix domestiques utilisés dans cette analyse proviennent du Ministère des Finances, et les IPs ont été obtenus à partir du Ministère de l'Industrie (Direction Générale de l'Énergie) pour l'électricité, le GPL, l'essence et le diesel. Le tableau A présente le taux des prix de l'énergie subventionnée par rapport aux prix du marché observés depuis mai 2014. Le taux des prix du GPL subventionné est estimé à 68 pour cent du prix non subventionné. En d'autres termes, pour chaque litre de GPL consommé à un prix final de 0,570 DT, quelques 1.220 DT ont été subventionnés à partir du prix estimé de 1.790 DT (reflétant les prix de référence internationaux). De même, un calcul similaire montre des parts des prix subventionnés de 10 pour cent pour l'essence et de 21 pour cent pour le diesel. Dans le cas de l'électricité, les taux subventionnés pour chaque bloc diminuent avec la consommation. Ceci est le cas pour les paliers en deux volumes. En fait, les deux blocs supérieurs de consommation du palier supérieur - consommateurs de plus de 300 kWh par mois - reçoivent des subventions négatives. Autrement dit, ils sont contributeurs nets aux subventions des consommateurs à faible consommation. Les consommateurs des deux niveaux de plus forte consommation finissent par payer un prix plus élevé que le prix de référence international plus les taxes et les coûts de distribution. Tableau A. Taux de Subvention Estimés pour les Sources d'énergie en Tunisie (valide en mai 2014) 107 En termes fiscaux, les subventions de GPL estimées se sont élevées à 749 millions DT, soit 15 pour cent de toutes les subventions énergétiques transférées publiquement et 1 pour cent du PIB en 2013. Les diesels bénéficient de subventions comprises entre 16 et 26 pour cent du prix final (selon le type de diesel), ce qui représente 1,5 pour cent du PIB, 23 pour cent des subventions énergétiques, et 1146 millions DT en 2013. La source d'énergie la plus fortement subventionnée en termes de dépenses publiques était l'électricité, avec 3,4 pour cent du PIB, 51 pour cent de toutes les subventions énergétiques, et plus de 2,5 milliards DT par an (en 2013). Sa part de prix subventionnée a oscillé entre 27 et 50 pour cent. Les 12 pour cent restants des subventions énergétiques ont été répartis entre l'essence, le kérosène et le fuel lourd. Source : Cuesta et al. (2015); Araar et Verme (2012) ; Banque Mondiale (2013b). Les subventions énergétiques revenant aux ménages sont principalement orientées au GPL et à l'électricité. Ensemble, elles représentent plus de 93 pour cent du total des subventions énergétiques résidentielles : 53,3 pour cent et 40,4 pour cent du total des subventions à travers tous les ménages tunisiens sont constitués, respectivement, des subventions de GPL et de l'électricité. Pour le quintile le plus pauvre des ménages, ces actions augmentent légèrement à 54,5 pour cent et 42,2 pour cent, respectivement (tableau 13, colonne a). Pour le reste des quintiles, du deuxième au cinquième, les subventions de GPL et d'électricité se taillent également la part du lion des bénéfices de la subvention énergétique totale à travers chaque quintile. Lorsque toutes les subventions énergétiques sont considérées ensemble, les preuves suggèrent qu'elles favorisent les riches au détriment des quintiles les plus pauvres. En fait, le quintile le plus pauvre a obtenu la part la plus faible de tous les bénéfices associés aux subventions énergétiques, soit 14,9 pour cent, alors que le quintile le plus riche a bénéficié de 25 pour cent (tableau 15, colonne b). Les subventions énergétiques ne sont clairement pas en faveur des pauvres en Tunisie. Tableau 15. Composition des Subventions Énergétiques Reçues par les Consommateurs résidentiels b. Répartition a. Répartition à travers chaque quintile (pour cent) totale sur tous les quintiles Quintile Essence Gas-oil GPL Électricité Total (% ) 108 1 (le plus pauvre) 0.1 0.2 54.5 42.2 100 14.9 2 0.4 0.7 56.6 42.3 100 17.9 3 1.4 1.1 55.1 42.4 100 19.9 4 3.8 1.5 55.7 39.0 100 22.4 5 (le plus riche) 13.3 4.2 46.8 35.8 100 25.0 Total 4.5 1.8 53.3 40.4 100 100 Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations de subventions) Note : DT = Dinar Tunisien. Lorsque les bénéfices sont analysés en termes pécuniaires, toutes les subventions énergétiques sont jugées régressives. Le montant absolu des bénéfices de la subvention (par habitant) augmente à mesure que les individus et les ménages deviennent plus riches (tableau 16). Cette régressivité est plus marquée pour les subventions de l'essence et du diesel, où la prestation moyenne d'un individu dans le quintile le plus riche dépasse de 202 et 38 fois le bénéfice monétisé des subventions de l'essence et du diesel, respectivement. Le GPL et l'électricité présentent également des bénéfices régressifs à partir de leurs subventions, mais pas aussi nettement. Les inégalités dans la répartition des bénéfices découlant des subventions reflètent les inégalités dans la consommation des sources d'énergie à travers les quintiles et ne semblent pas s'accumuler en fonction de la nature des subventions "universelle" vs "ciblée". Même si les subventions de l'essence, du diesel et du GPL sont toutes universelles, leurs modèles de distribution varient. En revanche, les subventions de l'électricité, avec leur interaction complexe entre éléments progressifs et régressifs, ne fonctionnent pas différemment de la subvention de GPL universelle. Tableau 16. Avantages d'une subvention énergie par habitant, en DT Quintile Essence Gas-oil GPL Électricité Total 1 (le plus pauvre) 0.09 0.15 44.53 36.99 81.76 2 0.43 0.65 55.33 41.42 97.82 3 1.57 1.24 59.88 46.06 108.74 4 4.65 1.86 68.30 47.85 122.67 5 (le plus riche) 18.18 5.70 63.91 48.89 136.69 Total 4.98 1.92 58.39 44.24 109.53 Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations de subventions) Note : DT = Dinar Tunisien. Les bénéfices des subventions énergétiques représentent une part importante des dépenses totales des ménages, allant de 8,8 pour cent du total des dépenses des ménages pour le quintile le plus pauvre à 2,4 pour cent pour les dépenses des ménages du quintile le plus riche (tableau 17). Conformément aux résultats précédents, les subventions de GPL et d'électricité constituent la plus grande part des dépenses des ménages, tandis que l'essence et le diesel ne représentent pas 109 une part substantielle du total des dépenses. Pour tous les ménages, ces deux sources de subventions représentent environ 0,3 pour cent des dépenses totales des ménages, une petite part des 3,9 pour cent des dépenses totales des ménages transférées à partir des subventions énergétiques. Tableau 17. Bénéfices des Subventions Énergétiques en Pourcentage des Dépenses Totales des Ménages Quintile Essence GPL Gas-oil Électricité Total 1 (le plus pauvre) 0.0 4.8 0.0 4.0 8.8 2 0.0 3.4 0.0 2.6 6.0 3 0.1 2.7 0.1 2.1 5.0 4 0.1 2.2 0.1 1.5 3.9 5 (le plus riche) 0.3 1.1 0.1 0.8 2.4 Total 0.2 2.1 0.1 1.6 3.9 Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations de subventions) Dans l'ensemble, la structure du prix de l'énergie entraîne un système de transfert régressif et pro-riches qui produit une lourde facture budgétaire. Les modèles de distribution à travers les sources d'énergie sont hétérogènes, où le GPL et l'électricité fournissent la plus grande part et les montants les plus importants des subventions parmi les consommateurs pauvres (et parmi les non-pauvres). Ceci ne diffère pas des autres subventions en Tunisie (encadré 10) et est lié à la structure des prix et des subventions, d'une part, et aux différences dans les modes de consommation à travers les groupes socioéconomiques, d'autre part. Que la subvention soit universelle ou ciblée n'a pas une grande incidence sur la répartition dans le contexte tunisien actuel. Encadré 10. Existent-ils d'autres Bénéfices Publics Pro-Riches et Régressifs en Tunisie ? La Banque Mondiale (2013a) détaille les bénéfices moyens de la subvention alimentaire à travers les groupes socioéconomiques en Tunisie. La figure A montre que ces subventions sont régressives étant donné que la subvention moyenne augmente dans les ménages ayant des niveaux de consommation plus élevés. Une analyse spécifique aux subventions alimentaires suggère que les subventions aux céréales déterminent principalement la régressivité des subventions alimentaires globales, parce que les subventions du sucre et de l'huile végétale suivent un modèle uniforme. Ne figurent pas ici, mais sont rapportés par la Banque Mondiale (2013b, 12), les subventions alimentaires qui ne sont pas pro-pauvres soit : le quintile de consommation la plus pauvre bénéficie de 15 pour cent des subventions totales de produits alimentaires, tandis que 25 pour cent de ces bénéfices de subvention vont au quintile le plus 110 riche. Figure A. Bénéfices issus des Subventions Alimentaires par Quintile de Consommation 2010 Les conclusions changent lorsque la répartition des bénéfices implicites aux ménages avec enfants qui fréquentent l'enseignement public est ajoutée à l'analyse. Le bénéfice implicite est obtenu par tout enfant fréquentant l'école primaire pour un service offert gratuitement. Ce bénéfice est ensuite déduit des frais engagés par le ménage afin d'envoyer l'enfant à l'école (frais, transport, fournitures, uniformes). En soustrayant les coûts rapportés directement par les ménages sur l'éducation au coût moyen estimé de l'allocation à l'État afin de fournir un enseignement préscolaire, primaire et secondaire par gouvernorat, les figures B et C montrent que ces bénéfices implicites sont progressifs. En effet, le bénéfice moyen fourni par l'État diminue avec le niveau socioéconomique du ménage auquel appartient l'enfant (bénéfice brut dans les figures B et C). En outre, le coût moyen de chaque famille afin d'envoyer leurs enfants à l'école augmente avec le niveau socioéconomique du ménage (dépenses des ménages dans les figures B et C). En conséquence, le bénéfice net diminue au même rythme que les niveaux socioéconomiques, ce qui rend les dépenses publiques sur l'éducation progressives. 111 Figure B. Bénéfices Unitaires Annuels Figure C. Bénéfices Unitaires Annuels par par élève en âge préscolaire / primaire élève de l'enseignement secondaire par par Quintile de Consommation Quintile de Consommation Source : Calculs des auteurs en utilisant ENBCV, 2010 et données du Ministère de l'Education. Notes : GB = bénéfice unitaire brut ; HE = ménages par dépenses d'élève ; et NB = bénéfice net unitaire. Tous les chiffres datent de 2010, en DT. 6.2 Simulation des Impacts de Distribution d'une réforme de Réduction des Subventions 6.2.1 Méthodologie de Simulation Bien que les autorités tunisiennes aient récemment annoncé leur intention de réformer les subventions énergétiques, la politique est encore à l'étape de planification et les derniers détails restent inconnus à la rédaction de ces lignes. Cependant, l'information existante limitée indique une élimination complète des subventions pour le GPL, le diesel, et l'essence ; une augmentation uniforme de 10 pour cent dans le prix de l'électricité ; et l'introduction de mécanismes de compensation pour les consommateurs résidentiels (Jomaa 2014). La présente analyse simule d'abord l'impact de la hausse des prix de l'énergie qui suivrait une réforme des subventions énergétiques en fonctions des lignes générales décrites à l'instant (l'encadré 11 détaille la méthodologie utilisée pour cette simulation). Dans un deuxième temps, l'analyse construit plusieurs scénarios qui simulent les effets supplémentaires sur la pauvreté et l'inégalité de mécanismes de ciblage de plus en plus efficaces accompagnant la réforme de la subvention. Ces mécanismes de ciblage utilisent la totalité des économies budgétaires issues de la réforme des subventions énergétiques afin de compenser les consommateurs. En d'autres termes, les simulations analysées des initiatives compensatoires post-réforme sont toutes fiscalement neutre. Elles sont audacieuses et ambitieuses car elles supposent que toutes les économies budgétaires issues de la réforme énergétique seraient entièrement destinées à la réduction de la pauvreté. Les scénarios sont également idéaux dans la mesure où ils ne supposent pas de coûts administratifs 112 supplémentaires. Pourtant, ils sont utiles pour évaluer les limites de distribution que les mesures de compensation auront une fois les subventions énergétiques réformées. 6.2.2 Impacts sur la Consommation, les Dépenses, et la Pauvreté des Réformes des Subventions Énergétiques non Compensées Le tableau 18 présente l'impact monétaire des augmentations de prix résultant de la suppression des subventions pour l'essence, le GPL et le diesel, et la réduction partielle des subventions à l'électricité. Les résultats définitifs de cette simulation sont ventilés entre les effets directs et indirects dans l'annexe 8. L'impact total moyen de cet ensemble d'interventions consiste en une réduction du bénéfice transféré à partir de subventions équivalentes à 109 DT par habitant et par an. Le plus grand effet sur la consommation provient de la suppression des subventions du GPL, suivi par le diesel, l'électricité et l'essence. En effet, environ 62 pour cent de toute la réduction de la consommation provient de l'élimination des subventions de GPL. Par type d'effets, les effets directs représentent les deux tiers de l'effet agrégé total, et les effets indirects couvrent le tiers restant. Cependant, le poids relatif des effets directs et indirects ne sont pas uniformes à travers les sources d'énergie46. Encadré 11. Simulations de la Distribution des Réformes des Subventions Énergétiques Compte tenu du stade préliminaire de la discussion de la politique, les simulations tiennent compte de deux grands effets. Le premier est l'effet direct de la hausse des prix suite à la suppression partielle ou totale des subventions. Les effets directs ont des impacts non équivoques sur les budgets des individus et des ménages proportionnels à la hausse des prix des sources d'énergie. Aucun changement immédiat dans la consommation n'est supposé, ce qui est cohérent avec la substituabilité limitée entre les sources d'énergie à court terme (à la fois pour des raisons techniques et financières et, vraisemblablement, en raison des préférences individuelles). Ainsi, immédiatement après l'introduction de la réforme, chacun consommera pareil, mais à des prix plus élevés. Ce résultat implique que les individus et les ménages aient moins de ressources pour l'achat d'autres biens et services. Les variations de prix sont équivalentes à une augmentation proportionnelle du seuil de pauvreté auquel font face les ménages (pondérée par sa composition relative dans le panier de consommation de base). Le second effet est l'impact indirect, et il se rapporte aux changements des prix des biens et services qui résultent des changements des prix de l'énergie. L'effet indirect définit le changement des prix relatifs pour le reste de l'économie et, par conséquent, des prix des autres composantes du panier de consommation. Les changements de prix dans tous les secteurs sont estimés en appliquant les variations des prix de l'énergie aux produits finaux qui utilisent l'énergie comme input intermédiaire. En utilisant le tableau d'input/output (I/O) de la Tunisie pour 2010 élaboré par l'INS, un simple rapprochement de 46 Parmi les effets directs (annexe 6, panel b), c'est l'effet du GPL qui a une fois de plus le plus grand impact sur la consommation des ménages (les quatre cinquièmes de tous les effets directs), suivi par l'électricité, l'essence et le diesel. En revanche, c'est la suppression des subventions du diesel qui a le plus grand effet indirect sur la consommation (43 pour cent du total des effets indirects), suivi par le GPL, l'électricité et l'essence (annexe 8, panel C). 113 chacun de ces changements économiques suite aux subventions aux prix de l'énergie peut être calculé. L'analyse puise dans la répartition de la consommation et des dépenses rapporté dans l'ENBCV de 2010 - l'enquête la plus récente. Les structures de la consommation et des dépenses de 2010 sont alors mises à jour pour janvier 2014 en utilisant les taux de croissance, la croissance de la population, et les taux d'IPC officiels. Le profil de pauvreté est défini dans cet exercice autour des seuils de pauvreté officiels établis par l'INS, la BAD et la Banque Mondiale (2012) ainsi que le coût monétisé d'un panier alimentaire qui assure les besoins caloriques minimum, ajusté en outre par les besoins non alimentaires. Source : Cuesta et al. (2015); Araar et Verme (2012). Parmi les quintiles, l'impact total de la réforme augmente au sein des ménages les plus riches. Ainsi les ménages les plus riches cesseraient de recevoir d'importants bénéfices de la subvention énergétique suite à leur réforme. Par conséquent, en termes absolus, la réforme est progressive. Les plus grandes différences de bénéfices perdus entre les quintiles sont observées pour l'essence. Les différences sont moins marquées pour le diesel et l'électricité et relativement proches pour le GPL. L'impact croissant sur la consommation parmi les quintiles les plus riches est également observé pour les deux effets directs et indirects. Tableau 18. Impact de la Réforme sur les Dépenses Totales par Habitant (par source d'énergie et quintile de consommation, en DT), Effets Totaux Quintile Gasoline LPG Diesel Electricity All Quintile 1 -1.9 -47.3 -5.9 -5.5 -60.5 Quintile 2 -3.7 -60.7 -10.3 -8.7 -83.5 Quintile 3 -6.3 -67.7 -14.7 -11.1 -99.7 Quintile 4 -11.1 -79.6 -19.8 -15.0 -125.5 Quintile 5 -28.1 -85.8 -36.2 -27.0 -177.1 Total -10.2 -68.2 -17.4 -13.5 -109.3 Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations de subventions) En termes relatifs, l'impact des réformes avoisine 4,7 pour cent des dépenses des ménages (figure 19). La magnitude de l'impact diminue avec les niveaux des dépenses des ménages, donc en termes relatifs la réforme est régressive. Elle décline de manière régressive de 6,7 pour cent des dépenses des ménages les plus pauvres à 3,1 pour cent des dépenses des ménages les plus 114 riches. Comme dans le cas en termes absolus (exprimé en DT), c'est la réforme des subventions de GPL qui apporte le plus grand impact relatif sur les dépenses des ménages : quelques 3,2 pour cent des dépenses de tous les ménages (et plus de 5 pour cent des dépenses des ménages du quintile le plus pauvre). Figure 19. Impact des Réformes sur les Dépenses des Ménages* Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations de subventions) *Gasoline = Essence ; Diesel = diesel ; LPG = GPL ; Electricity = Electricité ; Percent of total household = Pourcentage du total des ménages ; Average = Moyenne La réduction des bénéfices que les ménages reçoivent après la réforme conduirait à une augmentation de 2,69 points de pourcentage de l'incidence de la pauvreté en Tunisie, ce qui représente une augmentation de 17 pour cent par rapport à l'incidence de la pauvreté de référence à la pré-réforme (tableau 19). Le tableau 19 montre également une augmentation du coefficient de Gini de 0,61 points de pourcentage, soit une augmentation de 1,7 pour cent dans les niveaux d'inégalité avant la réforme. Une grande partie de ces changements au niveau de la pauvreté entraîne des effets directs, à la fois en matière de pauvreté et d'inégalité, et le GPL est le plus grand contributeur à la détérioration de la pauvreté et de l'inégalité. Tableau 19. Impacts de la Réforme Energétique sur la Pauvreté et les Inégalités Changement Changement Points de en pp w/pré- Points de en pp w/pré- pourcentage réforme pourcentage réforme Pauvreté pré- réforme 14.93 --- Gini pré-réforme 35.81 --- Essence 15.02 0.09 Essence 35.75 -0.06 115 GPL 16.84 1.91 GPL 36.43 0.62 Gas-oil 15.12 0.19 Gas-oil 35.82 0.01 Électricité 15.13 0.2 Électricité 35.83 0.02 Pauvreté post- Gini post- réforme 17.61 2.68 réforme 36.42 0.61 Divers effet direct 1.95 Divers effet direct 0.58 Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations de subventions) Note : La raison pour laquelle les taux de pauvreté et d'inégalité avant la réforme ne coïncident pas avec les taux officiels de 2010 est que les prix ont tous été mis à jour pour cet exercice spécifique pour correspondre aux prix de 2013 en utilisant les taux de croissance et les taux de croissance de la population. Le seuil de pauvreté a également été mis à jour en utilisant les tendances de l'IPC. Par conséquent, le point de départ de cet exercice consiste en un taux de pauvreté de 14,9 en 2013 plutôt que l'estimation officielle de 15,4 pour cent obtenue dans l'enquête budgétaire initiale des ménages de 2010. Cet ajustement permet des comparaisons avec d'autres pays. Cependant, le reste de l'exercice de simulation sera effectué en utilisant l'enquête budgétaire des ménages de 2010. Un sous-échantillon de l'enquête de 2010 est utilisée, et non l'échantillon complet de l'enquête initiale. En effet, il s'agit d'un sous-échantillon de l'échantillon initial qui est utilisé pour délimiter les bénéficiaires de la carte de soins de santé universelle subventionnée. Même après la repondération du sous-échantillon, le chiffre exact officiel de 15,4 pour cent relatif à la pauvreté ne pourrait pas être entièrement reproduit, mais seulement une faible marge (15,3 pour cent). De même, le coefficient de Gini de pré-réforme estimé à 36,5 pour cent diffère légèrement de l'officiel qui est de 35,8 pour cent pour l'échantillon complet. 6.2.3 Réformes des Subventions avec Transfert de Compensation La réduction des subventions énergétiques devrait générer des 817,5 millions DT d'économies budgétaires (tableau 20). Les économies budgétaires profitent de manière disproportionnée de la suppression des subventions du GPL (77 pour cent du total des économies budgétaires) et de l'électricité (13 pour cent). En outre, les économies provenant de la suppression des subventions affectant le quintile le plus pauvre représentent quelques 13 pour cent de toutes les économies budgétaires, une part qui augmente à travers les quintiles. Ainsi, les économies provenant des bénéfices retirés à partir du groupe le plus riche représentent 28 pour cent du total des économies. Ces actions sont très similaires aux proportions de bénéfices issus des subventions dont chaque groupe socioéconomique bénéficié avant la réforme (tableau 15). Ceci est surprenant puisque ces simulations ne prennent pas en compte les effets comportementaux (seuls les effets directs et indirects sont autorisés). En conséquence, les économies budgétaires issues de l'élimination des subventions reflètent pour la plupart la répartition socioéconomique initiale des subventions. Tableau 20. Économies des Subventions Énergétiques issues de la Réforme (par source et quintile de consommation, en DT) Quintile Essence GPL Gas-oil Électricité Total 1 (le plus pauvre) -186,020 -97,003,152 -325,901 -11,624,507 -109,139,584 2 -929,258 -120,432,824 -1,418,063 -16,163,867 -138,944,016 3 -3,420,753 -130,381,216 -2,689,996 -19,003,020 -155,494,992 4 -10,129,942 -148,695,856 -4,054,068 -23,481,422 -186,361,280 5 (le plus riche) -39,575,064 -139,133,344 -12,414,583 -36,451,727 -227,574,720 116 Total -54,241,036 -635,646,400 -20,902,610 -106,724,543 -817,514,560 Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations de subventions) Une dernière étape de l'exercice de simulation comprend l'évaluation de la pauvreté et des effets distributifs du décaissement des économies totales de la réforme des subventions énergétiques à des fins de lutte contre la pauvreté. Une fois de plus, il n'y a aucune indication claire du gouvernement tunisien sur la façon dont ces programmes de compensation seront mis en œuvre. Pour cette raison, cette analyse considère trois scénarios hypothétiques. La Simulation 1 utilise le total des économies pour fournir un transfert universel à chaque Tunisien. Ce scénario est appelé "transfert universel" car il inclut un transfert à chaque Tunisien sans discrimination. La Simulation 2, ou "ciblage actuel", utilise le programme d'aide sociale actuel, les cartes de soins de santé subventionnés, comme mécanisme de ciblage. Ce label ne vise pas à juger la capacité actuelle des cartes subventionnées à atteindre les plus pauvres. Il indique plutôt simplement qu'aucun effort de ciblage supplémentaire n'a lieu et que les autorités utilisent les structures existantes pour canaliser toutes les économies découlant de la réforme des subventions énergétiques. Enfin, dans la Simulation 3, "ciblage parfait", toutes les économies sont exactement distribuées à ceux qui sont pauvres après la réforme. Il s'agit d'un scénario idéaliste qui décrit une situation dans laquelle tous les pauvres après la réforme sont parfaitement identifiés et compensés sur une base par habitant. Il suppose également un ciblage parfait et sans coût ; en d'autres termes, aucune ressource supplémentaire n'est nécessaire pour identifier les pauvres et leur distribuer les bénéfices en espèces. Bien que ces trois scénarios varient en termes de faisabilité de la mise en œuvre, ils restent utiles dans un contexte où aucun plan détaillé n'est connu. En effet, ces résultats fournissent des informations sur les limites des effets distributifs de la réforme, d'un contexte sans compensation suite à la réforme à une utilisation complète des économies budgétaires de la réforme des subventions énergétiques afin de réduire la pauvreté sous un ciblage parfait. Le véritable impact de la réforme et des politiques de compensation possibles se situera quelque part entre les deux. Le tableau 23 résume les résultats des simulations. Tableau 21. Impacts Simulés sur la Pauvreté et les Inégalités des Mécanismes Compensatoires après la Réforme des Subventions Énergétiques Coût budgétaire Inégalité de Bénéfice moyen Nombre de (Index de compensation transféré (arrondi) bénéficiaires Pauvreté (%) Gini 0-100) Pré-réforme 0 0 0 15.27 36.57 Référence : Réforme de 0 0 0 17.84 37.18 Subvention sans compensation Simulation 1 : Transfert 817.51 universel après la réforme des TD 75 10.9 millions 14.87 36.29 millions DT subventions Simulation 2 : Ciblage actuel 817.51 TD 264 3.1 millions 13.83 35.46 millions DT Simulation 3 : Ciblage parfait 817.51 TD 420 1.9 millions 5.25 34.22 millions DT Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations de subventions) 117 Ces simulations suggèrent que l'utilisation complète des économies budgétaires de la réforme énergétique ne réduira pas les niveaux de pauvreté post-réforme de manière significative avec le mécanisme actuel de ciblage ou via un transfert universel à l'ensemble de la population (simulations 2 et 1 dans le tableau 21, respectivement). Les économies budgétaires découlant de la réforme de transfert universel (simulation 2) feraient baisser les niveaux de pauvreté post-réforme de 2,5 points de pourcentage - ou de quelques 272 000 personnes. L'utilisation du mécanisme de ciblage actuel de cartes de soins de santé (simulation 1) réduirait la pauvreté post-réforme d'un point de pourcentage supplémentaire, soit à 13,83 pour cent de la population. Un ciblage parfait et sans coût des économies budgétaires (simulation 3) conduirait à une réduction de l'incidence de la pauvreté post-réforme de 12,5 points de pourcentage, soit jusqu'à 5,25 pour cent de la population. En dépit de la réduction significative de l'incidence de la pauvreté, les ressources budgétaires libérées à partir du niveau actuel des subventions énergétiques ne seraient pas suffisantes pour éradiquer complètement la pauvreté en Tunisie. Elles ne seraient pas non plus suffisantes pour avoir un effet notable sur les inégalités de consommation telle que mesurées par le coefficient de Gini. Les trois initiatives de compensation inverseraient complètement la hausse initiale des inégalités après les réformes des subventions, mais la réduction des inégalités ne serait en aucun cas considérable. Les meilleurs résultats, provenant du scénario de ciblage parfait, indiquent des gains de 3 points de pourcentage du coefficient de Gini, par rapport au coefficient de Gini post-réforme. En termes relatifs, les mécanismes de compensation simulés après la réforme permettraient d'améliorer les inégalités de moins de 10 pour cent. En conclusion, les résultats des simulations soulignent deux résultats essentiels. Tout d'abord, l'augmentation des prix de l'électricité pour les consommateurs et la suppression des subventions relatives à d'autres sources d'énergie augmenteraient immédiatement - sans prendre en considérations les réponses comportementales des utilisateurs - la pauvreté de 2,5 points de pourcentage. Deuxièmement, les mécanismes de compensation "faciles" - soit universel ou en utilisant les structures actuelles - n'apportera pas d'importantes réductions de la pauvreté, même si le gouvernement oriente l'ensemble des 817,5 millions DT qui seraient épargnés grâce à la réforme des subventions vers la réduction de la pauvreté. Un ciblage parfait et sans coût réduirait l'incidence de la pauvreté à 5 points de pourcentage ; pourtant, même si ce scénario idéal impliquerait une réduction substantielle de la pauvreté, il serait encore en deçà d'éradiquer la pauvreté complètement, et les inégalités seraient réduites dans des proportions encore plus modestes. La Tunisie est encore loin de disposer d'un tel système de ciblage idéal avec des listes complètes et actualisées des bénéficiaires et des coûts de transaction minimes. En outre, il ne faut pas s'attendre à ce que l'ensemble des économies budgétaires de la subvention énergétique soient réinvesties dans la réduction de la pauvreté. Ce qui ressort clairement de ces simulations proposées est que des réformes audacieuses des subventions énergétiques doivent être accompagnées par des améliorations tout aussi audacieuses des programmes de ciblage des dépenses publiques pour que la pauvreté et les disparités soient substantiellement réduites. 118 Chapitre 7 : Comment Améliorer la Pauvreté Multidimensionnelle : Le cas de la Malnutrition Infantile. 7.1 Lier de Multiples Interventions Publiques au Bien-être Non-Monétaire en Tunisie L'analyse de la réforme des subventions énergétiques dans le chapitre précédent suggère que la Tunisie a encore une marge considérable pour une meilleure intégration de ses politiques publiques visant à réduire la pauvreté, les disparités et les vulnérabilités. Une refonte des subventions énergétiques en Tunisie aura des effets significatifs sur la pauvreté et la distribution à moins que des améliorations substantielles en matière de protection sociale soient synchronisées à la réforme des subventions. Mais cette analyse sur les subventions énergétiques se concentre sur le rôle des interventions des politiques publiques sur la pauvreté et les disparités monétaires et ne lie pas l'élaboration des politiques aux dimensions non monétaires du bien-être. Pour combler cette lacune, cette section analyse explicitement les interventions publiques dans le cadre d'une perspective de bien-être non monétaire, tout en soulignant la nécessité d'une plus grande intégration entre les interventions multisectorielles. En fin de compte, cette analyse aborde la question fondamentale qui est de savoir comment les interventions publiques peuvent être mieux intégrées afin de réduire la pauvreté et la vulnérabilité en Tunisie. Pour cette analyse, la malnutrition infantile a été choisie comme dimension non monétaire de bien-être (encadré 12). Il s'agit d'une dimension intéressante à analyser pour plusieurs raisons. La Tunisie a déjà atteint son OMD lié à la faim et a obtenu de bons résultats en termes de nutrition infantile comparée à ses voisins dans la région. Pourtant, le progrès n'a pas été régulier au fil du temps, et les écarts socioéconomiques persistent dans le pays (encadré 12). Plus généralement - ceci n'est pas spécifique à la Tunisie - la malnutrition infantile a des conséquences sur le bien- être à long terme en termes de capacité cognitive altérée et de performances scolaires et professionnelles réduites (Haas et al. 1996 ; Glewwe, Jacoby, et King, 2001 ; Hoddinot et Kinsey, 2001 ; Maccini et Yang 2009). Il est connu depuis longtemps que les déterminants de la nutrition sont multisectoriels et que, par conséquent, la solution à la malnutrition exige des approches multisectorielles (UNICEF, 1990). De fortes synergies entre plusieurs déterminants doivent se produire pour que de réels progrès du profil nutritionnel aient lieu, en particulier pour les premiers 1.000 jours, critiques, dans la vie d'un enfant. En d'autres termes, des améliorations concrètes en matière de malnutrition sont généralement le résultat de politiques intégrées qui incluent des interventions en malnutrition - telles que l'enrichissement des aliments, la promotion de l'allaitement maternel, le traitement des enfants souffrant de malnutrition avec des aliments thérapeutiques - ainsi que des interventions au niveau d'autres secteurs, tels que les programmes de garde d'enfants pour les mères actives, les améliorations de la productivité de l'agriculture ; et le renforcement des filets de sécurité et plus encore (SUN 2012). 119 Encadré 12. Nutrition Infantile en Tunisie Avec des niveaux de prévalence d'environ 1 pour cent, la Tunisie a longtemps atteint l'OMD Cible 1C visant à réduire de moitié, entre 1990-92 et 2015, la proportion de personnes souffrant de sous-alimentation - qui consiste en l'incapacité de répondre à un niveau minimum de consommation énergétique alimentaire - ou à réduire cette proportion à un niveau inférieur à 5 pour cent (FAO 2015). La plupart des statistiques récentes spécifiques au statut nutritionnel des enfants rapportent une incidence de 7 pour cent d'insuffisance pondérale à la naissance ; 2 pour cent d'insuffisance pondérale modérée et sévère ; 10 pour cent de retard de croissance modéré et grave ; et 3 pour cent d'émaciation modérée ou sévère pour 2008-12 (UNICEF 2014).a Ces chiffres suggèrent que le statut nutritionnel des enfants tunisiens est mieux que la moyenne de la région Afrique du Nord et Moyen-Orient (MENA) et, qui est en moyenne de 7 pour cent, 18 pour cent et 8 pour cent, respectivement, pour une insuffisance pondérale, un retard de croissance, et une émaciation modérés et sévères. Le bilan de la Tunisie pour ces trois indicateurs est comparable avec ceux du Maroc, de la Jordanie, de l'Algérie, et de la Palestine pour 2008-12, et nettement plus favorable que les pays les moins performants de la région, à savoir Djibouti et la République du Yémen. Toutes les pratiques, incluant l'introduction de l'allaitement maternel et d'aliments semi-solides et mous ainsi que la consommation de sel iodé, placent la Tunisie parmi les meilleurs acteurs de la région MENA - pour les pays pour lesquels l'information est disponible. Cependant, d'autres indicateurs nutritionnels, comme le surpoids modéré et sévère ou la prévalence de l'anémie chez les femmes en âge de procréer ne sont pas si favorables et restent en deçà des objectifs internationaux (les objectifs de l'Assemblée Mondiale de la Santé, comme indiqué dans l'IFPRI 2014). En outre, d'importants déterminants de nutrition infantile tels que l'eau et l'assainissement supposent des niveaux élevés d'accès. Toutefois, lorsque les aspects qualitatifs sont pris en considération, comme les toilettes non partagées et l'élimination saine des selles de l'enfant, très peu de ménages tunisiens ont un accès adéquat à l'eau et à l'assainissement (moins de 2 pour cent, voir annexe 9). Ce manque d'accès adéquat devrait affecter le statut nutritionnel des Tunisiens d'une manière ou d'une autre. Plus important encore, l'amélioration du retard de croissance chez les enfants tunisiens n'est pas stable et durable dans le temps, comme indiqué dans la figure A. En outre, les différences socioéconomiques se reflètent sur le statut nutritionnel des enfants, tel que clairement suggéré par les résultats taille-pour-âge par statut socioéconomique (tableau A). Par conséquent, en dépit de ses réalisations, la Tunisie n'a toujours pas œuvré davantage pour éradiquer la malnutrition infantile. Figure A. prévalence du Retard de Croissance des Moins de 5 ans en Tunisie (pour cent) 120 Source : UNICEF/WHO/WB 2014. Tableau A. Différences Socioéconomiques en matière de Retard de croissance chez les Enfants Tunisiens Moyenne nationale Source : UNICEF/WHO/WB 2014. Source : FAO (2015), UNICEF, OMS et la Banque Mondiale (2014) a. Un faible poids à la naissance est défini comme le pourcentage de nourrissons pesant moins de 2500 grammes à la naissance. L'insuffisance pondérale modérée et sévère est le pourcentage d'enfants âgés entre 0-59 mois qui sont en dessous d'une déviation standard de -2 (SD) et en dessous de -3 SD par rapport au poids médian pour leur âge fixé par les Standards de Croissance Infantile de l'Organisation Mondiale de la Santé (ONS). Le retard de croissance modéré et sévère couvre le pourcentage d'enfants de 0-59 mois qui sont en dessous de -2 SD du poids moyen pour leur âge fixé par les Standards de Croissance Infantile de l'Organisation Mondiale de la Santé (ONS). L'émaciation modérée et sévère est le pourcentage d'enfants de 0-59 mois qui sont en dessous de -2 SD de poids-pour-taille médiane fixé par les Standards de Croissance Infantile de l'Organisation Mondiale de la Santé (ONS). Conceptuellement, le cadre d'analyse dans cette section suit l'approche intégrée de l'UNICEF en matière de sécurité alimentaire et de nutrition. Le cadre de l'UNICEF - et une extension récente établie par Skoufias et al. (à paraître) - met en exergue le rôle que les pratiques en matière de sécurité alimentaire, de santé environnementale, d'eau et d'assainissement, et de garde d'enfants, jouent dans l'insécurité alimentaire - par approximation dans cette étude, les taux de retard de croissance chez les enfants des pays en développement (figure 20)47. Ce cadre suppose que l'augmentation de l'accès à un seul de ces facteurs ne peut se substituer à des niveaux insuffisants des autres facteurs. Ainsi, par exemple, les politiques visant à renforcer la sécurité alimentaire seule ne peuvent pas résoudre le problème de la malnutrition si la communauté ne dispose pas des niveaux appropriés d'eau potable et d'accès à l'assainissement ou aux services de santé prénatale. 47 La sécurité alimentaire mesure la disponibilité et la consommation de divers aliments. La santé environnementale mesure la sensibilité de l'enfant aux maladies dues au manque d'infrastructure améliorée (tels que l'assainissement et l'eau potable) ou le manque de mesures de santé préventives. Les soins mesurent la qualité des soins prodigués par la personne en charge de l'enfant sur la base des pratiques d'alimentation et d'hygiène adoptées et par la disponibilité de la personne en charge de l'enfant. En outre, cette mesure comprend la façon dont les personnes en charge de l'enfant sont soutenues dans leurs efforts d'éducation des enfants. 121 Figure 20. Interventions Multisectorielles Intégrées pour une Bonne Nutrition Infantile Source : Adapté de Skoufias et al. (à paraître) et UNICEF (1990). Une autre contribution importante du cadre de l'UNICEF est la notion d'accès adéquat aux services de base qui introduit une dimension qualitative qui va au-delà du simple accès à un service. Par exemple, l'adéquation alimentaire implique plus que l'accès à une nourriture suffisante pour couvrir les besoins caloriques minimum, mais exige également l'accès à une alimentation équilibrée, diversifiée, et abordable. De même, l'accès adéquat à l'eau va au-delà de l'accès à une source d'eau saine - il implique un approvisionnement continu, prévisible et abordable en eau. Cependant, dans la pratique, il existe un écart entre les définitions idéales ou souhaitées de l'adéquation et les définitions pratiques de l'adéquation réalisables à partir des données disponibles. Le tableau 22 compare les définitions idéales de l'adéquation pour toutes les dimensions considérées dans le cadre de l'UNICEF avec les informations disponibles dans le MISC tunisien 2011-12. Tableau 22. Définition du WASH et Autres Adéquations du Statut Nutritionnel Infantile Soins adéquats idéaux Disponibles dans MICS 2011-12 ? Disponible, mais pas de consensus international sur les seuils Éducation maternelle, connaissances et croyances appropriés Charge de travail et disponibilité de la personne en charge de X l'enfant 122 Soutien social pour la personne en charge de l'enfant X Prise en charge psychosociale √ √ Comportements bienveillants : Allaitement maternel Le MICS détaille si l'allaitement maternel était exclusif pendant les six premiers mois ; dans un délai d'une heure à compter de la naissance ; allaitement continu X Comportements bienveillants : Recours aux soins Disponible, mais pas de consensus international sur les seuils appropriés Comportements bienveillants : Alimentation complémentaire √ X Comportements bienveillants : Hygiène Le savon a été rapporté comme disponible pour le lavage des mains, mais très peu d'observations Comportements bienveillants : Indice d'alimentation infantile X Nourriture adéquate idéal (dimension de sécurité alimentaire) Score de diversité alimentaire des ménages X √ Score de diversité alimentaire infantile (CDDS) Avec différenciation suffisante des groupes alimentaires et de la fréquence des repas pour calculer le CDDS Score de diversité alimentaire des femmes X √ Régime alimentaire minimum acceptable (pour les enfants âgés de 6-24 mois) Une combinaison de l'allaitement maternel, l'apport de nourriture diversifiée, et la fréquence des repas Echelle d'Expérience d'Insécurité Alimentaire X Echelle de Faim des Ménages X Indice de Stratégie d'Adaptation X 123 Pourcentage de ménages qui ne peuvent pas se permettre une X alimentation équilibrée Prix relatifs des différents groupes d'aliments X Pourcentage de calories provenant des amidons X Pourcentage de personnes manquant d'accès aux calories X Eau et assainissement adéquats idéaux Accès à l'eau potable √ Accès à un assainissement amélioré √ Assainissement au niveau communautaire √ Toilettes non partagées √ Élimination sûre des selles de l'enfant √ X L'hygiène du lavage des mains Nombre limité d'observations Santé environnementale adéquate idéale Utilisation des services prénatals √ Statut d'immunisation approprié âge √ (âgés de 18-29 mois seulement) Statut en suppléments de vitamine A X Utilisation de solutions de réhydratation orale dans le X traitement de la diarrhée Traitement antibiotique pour une pneumonie X Source : Staff de la Banque Mondiale. Cette comparaison met en évidence les limites sérieuses des données empêchant une définition exhaustive de l'adéquation des dimensions de la sécurité alimentaire en Tunisie. Pourtant, il demeure possible de fixer l'adéquation avec les informations disponibles dans une mesure ou une autre. En fait, la mesure dans laquelle la définition de l'adéquation saisit tous les aspects idéaux 124 de chaque dimension de politique différente par dimension. Ainsi, une définition relativement restrictive de l'accès adéquat aux soins et à la santé environnementale contraste avec des définitions plus inclusives de la nourriture, l'eau et l'assainissement. Par exemple, dans le cas de l'assainissement, la définition de l'adéquation peut être ajustée pour tenir compte de plusieurs critères, suite à la recommandation du Programme de Surveillance Commun OMS/UNICEF pour inclure des sources améliorées d'eau et d'assainissement, des installations sanitaires non partagées, et l'élimination sûre des selles des enfants. Une autre variable intéressante, les pratiques de lavage hygiénique des mains, est fixée dans MICS, mais son incidence est très faible (moins de 70 observations). Cela décourage son utilisation dans l'analyse empirique. 7.2 Estimation de l'impact des Interventions sur la Nutrition en Tunisie Diverses organisations internationales, telles que l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), l'Agence des États-Unis pour le Développement International (USAID) et le Programme Alimentaire Mondial (WFP), ont adopté le cadre de l'UNICEF comme fond conceptuel commun pour analyser la nutrition. Récemment, la Banque mondiale a étendu l'approche conceptuelle afin de fournir des indications empiriques fondées sur des preuves sur les rendements nutritionnels des interventions politiques lorsque les ressources financières limitées ou la capacité sur le terrain ne permettent pas des améliorations simultanées sur tous les fronts. Concrètement, Skoufias et al. (à paraître) estiment à la fois les effets individuels de plusieurs adéquations (taux d'accès adéquat aux services de base) et les effets de leurs interactions combinées sur le statut nutritionnel des enfants recueillis en fonction de l'Indice Taille pour Age (scores HAZ) pour les enfants âgés de 0-2 ans et 0-5 ans. Ils estiment une spécification économétrique corrélant les scores HAZ avec les quatre mesures d'adéquation et leurs interactions (encadré 13) et évaluent lesquelles de ces interactions sont importantes dans la réduction du retard de croissance chez les enfants dans plusieurs pays en développement. Ces interactions sont interprétées comme des gains ou des pertes additionnelles au statut nutritionnel des enfants provenant de l'accès adéquat simultané aux services de base. Encadré 13. Application Econométrique du Cadre de l'UNICEF Skoufias et al. (à paraître) estiment une seule équation qui relie les adéquations aux services de base (As) avec le statut nutritionnel des enfants, ou le retard de croissance, fixé à travers le score HAZ. Plus précisément, l'équation est la suivante : (1) où HAZi est le score HAZ pour l'enfant i, et où i, j, k = 1 ... 4 désignent chacune des quatre dimensions considérées, qui sont, la nourriture, l'eau et l'assainissement, la santé environnementale, et les soins. Ainsi, Ai représente l'accès à chacune des quatre adéquations pour chaque enfant i. A savoir, A1 est de 1 lorsque le ménage a une nourriture suffisante (F) et est de 0 sinon ; A2 est de 1 lorsque le ménage est adéquat en santé environnementale (H) et est de 0 sinon ; A3 est de 1 lorsque le ménage est adéquat en eau et assainissement (W) ; et A4 est de 1 pour les 125 ménages avec des soins adéquats (0 sinon). Ces mesures sont indépendantes du fait que l'enfant ait accès à chacune des trois autres adéquations considérées. Dans cette spécification, le terme constant fournit une estimation de la valeur moyenne des scores HAZ pour les enfants sans accès à une sécurité alimentaire adéquate (= 0), santé environnementale (= 0), l'eau et l'assainissement (A3), et les soins (A4 = 0 ). Autrement dit, le terme constant fixe E (HAZ | X = x) ou la valeur attendue (ou moyenne) de la taille pour âge, subordonnée à une variable de contrôle X lorsque aucune des adéquations n'est remplie (et en supposant également que E (i | A1, A2, A3, A4) = 0): E (HAZi | A1=0, A2=0, A3=0, A4=0)= α (2) Le coefficient β1 en (1) rapporte une estimation de l'augmentation du score moyen HAZ pour les enfants qui ont accès seulement à une sécurité alimentaire adéquate (A1 = 1), mais n'ont pas accès à une santé environnementale adéquate (A2 = 0), des eau et l'assainissement adéquates (A3 = 0), et pas d'accès à des soins adéquats (A4 = 0). Le groupe de référence est le groupe d'enfants ne satisfaisant aucune adéquation, qui correspond au score HAZ moyen pour le groupe de référence résumé par le terme constant. Les coefficients ß2, β3 et β4 ont des interprétations analogues pour la santé environnementale, l'eau et l'assainissement, et les soins, respectivement. Les γs des coefficients donnent des estimations des synergies ou complémentarités d'accès à plus d'un déterminant de la nutrition. Plus précisément, le score HAZ moyen pour les enfants ayant accès à une sécurité alimentaire adéquate (= 1) et une santé environnementale adéquate (= 1) est résumée par l'expression : E (HAZi | A1=1, A2=1, A3=0, A4=0)= α + β1 + β2 + γ12 (3) Ainsi, la valeur moyenne des scores de HAZ pour les enfants dans les ménages ayant accès à une sécurité alimentaire adéquate et une santé environnementale adéquate peut être considérée comme consistant en la somme des trois composantes : la première composante est l'augmentation des scores HAZ associés aux enfants dans les ménages avec une sécurité alimentaire adéquate seulement (à savoir, ); la deuxième composante (à savoir, ) est l'augmentation des scores HAZ associés aux enfants dans les ménages avec une santé environnementale adéquate seulement ; et la troisième composante (à savoir, ) est l'augmentation des scores HAZ associés aux enfants dans les ménages qui ont accès à la fois à une sécurité alimentaire adéquate et une santé environnementale adéquate. Ainsi, le coefficient fournit des informations sur l'existence de gains supplémentaires (extra) (ou pertes) dans les scores HAZ tirés de l'accès commun à une nourriture et une santé adéquates par rapport à un accès exclusif à une alimentation adéquate et un accès exclusif à une santé adéquate. Une valeur positive et significative du coefficient implique des synergies de l'accès simultané à une sécurité alimentaire adéquate et une santé environnementale adéquate dans la production de la nutrition infantile. Dans le cas de la Tunisie, l'équation (1) est estimée en utilisant des données sur les enfants âgés de 0 à 24 mois à partir de MICS 11-12. Les résultats sont présentés pour l'ensemble du pays ainsi que ventilés pour les échantillons pauvres et non pauvres, et pour les ménages urbains et ruraux. Un échantillon final combine le quartile rural et le quartile le plus pauvre de la répartition des ménages (sur la base de leurs actifs) dans une tentative de délimiter les groupes particulièrement 126 défavorisés. Cela permet une meilleure compréhension des différences que les politiques pourraient rencontrer à travers les ensembles différenciés des ménages. Source : Skoufias et al. (à paraître). Malheureusement, le modèle ne permet pas d'inférence causale sur les effets des diverses composantes d'adéquation sur la nutrition. Par contre, cette spécification l'exploration de la corrélation entre les différentes mesures d'adéquation et les résultats nutritionnels tels que mesurés par les scores de HAZ. Un deuxième inconvénient est que l'estimation du modèle est affectée par les observations peu nombreuses de certaines des synergies considérées. De même, dans la mesure où ces adéquations sont plus strictement définies (tableau 24), les observations satisfaisant chaque adéquation peuvent être très peu nombreuses, ce qui compromet ainsi la qualité et la précision de l'estimation économétrique. 7.3 Quelles synergies de politiques sont plus susceptibles d'améliorer la nutrition en Tunisie ? Cette section utilise le retard de croissance, mesuré par le score de HAZ, comme variable dépendante fixant la malnutrition infantile. L'échantillon analysé comprend des observations d'enfants âgés de 0-24 mois. Le tableau 23 présente les effets des interventions relatives à la nourriture, la santé, les WASH et les soins sur le retard de croissance chez les enfants. Comme indiqué ci-dessus, chacune de ces dimensions a des effets individuels et combinés - ou interactions - qui sont présentés séparément. Ainsi, par exemple, le coefficient "adéquat en WASH seulement" délimite l'effet - corrélation - chez les enfants tunisiens lorsqu'ils passent d'aucune adéquation en accès WASH à la réalisation d'un accès adéquat à ces services. Autrement dit, cet effet quantifie les bénéfices nutritionnels issus d'un accès adéquat à WASH chez tous les ménages tunisiens qui en manquent actuellement. Le même effet est estimé pour chacune des autres dimensions considérées. Au-delà de ces effets individuels, d'autres variables délimitent les effets de réalisation - disons - d'adéquation WASH lorsque les ménages bénéficient d'un, de deux, ou de trois autres adéquations. Tel est le cas, par exemple, d'un accès WASH adéquat et d'accès adéquat à la nourriture. Ces estimations comprennent les effets des adéquations satisfaites spécifiques ainsi que l'interaction ou la synergie des effets ayant atteint ces deux adéquations. Les résultats spécifiques aux adéquations WASH (tableau 23) sont ensuite comparés aux corrélations estimées pour les autres dimensions qui ne comprennent pas WASH (à savoir, les adéquations de nourriture, de santé environnementale, et de soins ; tableau 23). Les résultats présentés dans le tableau 23 confirment que l'adéquation de toute dimension unique ne suffit pas à réaliser un impact (statistiquement) significatif sur le statut nutritionnel. Ceci est vrai non seulement pour WASH, mais aussi pour la nourriture, la santé environnementale, et les soins. Les résultats tiennent dans des échantillons de ménages pauvres, non pauvres, urbains et ruraux. Seuls plusieurs adéquations sont corrélées avec des améliorations - statistiquement - significatives du statut nutritionnel des enfants. Les résultats montrent également que toute combinaison d'adéquations ne conduira pas forcément à des améliorations significatives sur le retard de croissance infantile. En fait, des ensembles significatifs d'interventions intégrées varient selon les types de ménages (pauvres versus non-pauvres, ruraux ou urbains) et, pour certains 127 ménages, tels que les ménages urbains, aucune des combinaisons de ces interventions intégrées ne semblent conduire à des améliorations significatives dans le retard de croissance infantile. 6 Surtout, de l'eau et un assainissement adéquats combinés à une alimentation adéquate et un accès adéquat à la santé ont des corrélations positives avec l'amélioration du statut nutritionnel chez les enfants pour l'échantillon complet (tableau 23). Dans les zones rurales, un WASH adéquat et un accès adéquat à la santé sont en corrélation avec des améliorations significatives du score HAZ infantile. Pour les ménages non pauvres, un WASH adéquat et un accès adéquat aux aliments ont des effets positifs et significatifs. Pour le quartile le plus pauvre des ménages ruraux, des améliorations positives et significatives en matière de nutrition ne sont observées que lorsqu’un accès adéquat à la nourriture, à la santé, aux WASH et aux soins sont tous présents (tableau 23). Fait intéressant, la grande majorité des coefficients rapportés pour WASH ont un signe positif, même s'ils ne sont pas significatifs. Cela indique que WASH et d'autres effets d'interaction peuvent encore être en corrélation positive avec la nutrition, même si la magnitude de ces effets n'est pas suffisamment importante pour entraîner des effets significatifs. Les adéquations autres que WASH (voir panel inférieur dans le tableau 23) montrent des résultats similaires ; tandis que leurs effets de synergie sont positivement corrélés avec l'amélioration de la nutrition infantile, ces effets ne sont pas statistiquement significatifs. Cela est vrai pour tous les échantillons considérés. C'est seulement lorsqu'ils sont combinés à un accès adéquat aux services WASH que certains effets spécifiques d'autres dimensions deviennent significatifs. Tableau 23. Effets des adéquations en Alimentation, Santé, WASH, et Soins sur la Nutrition Infantile en Tunisie, 2011-12 Adéquations Complet Urbain Rural Pauvre Non Quart1 pauvre Rural Adéquat en : WASH Seulement 0.166 0.285 -0.291 0.009 0.088 -0.455 [0.330] [0.568] [0.433] [0.459] [0.481] [0.485] Adéquat en : WASH et Soins seulement 0.343 -0.078 0.668 0.429 0.124 0.283 [0.551] [0.833] [0.768] [1.028] [0.696] [0.990] Adéquat en : WASH et Nourriture 1.892** 1.626 2.147 1.642* seulement [0.800] [0.990] [1.704] [0.876] Adéquat en : WASH et Santé seulement 0.558* 0.270 0.818** 0.242 0.382 0.089 [0.284] [0.524] [0.350] [0.398] [0.431] [0.421] Adéquat en : WASH, Soins et Nourriture 0.262 0.827 -0.168 0.504 -0.030 -0.495 Seulement [0.793] [1.297] [0.998] [1.079] [1.128] [1.604] Adéquat en : WASH, Soins et Santé 0.089 -0.381 0.613 0.055 -0.121 0.135 seulement [0.353] [0.588] [0.486] [0.647] [0.490] [0.703] Adéquat en : WASH, Nourriture et Santé 0.278 0.140 0.167 0.993 -0.059 0.504 seulement [0.383] [0.609] [0.576] [0.748] [0.516] [0.901] Adéquat en : WASH, Soins, Santé et 0.447 0.628 -0.166 -0.140 0.334 -1.621 Nourriture seulement [0.450] [0.686] [0.663] [0.937] [0.579] [1.056] Adéquat en : Nourriture seulement 0.071 0.161 0.265 0.119 [0.933] [0.936] [0.911] [0.880] 128 Adéquat en : Santé seulement 0.346 0.314 0.346 0.248 0.378 0.131 [0.332] [0.615] [0.391] [0.428] [0.501] [0.440] Adéquat en : Soins seulement -1.029 -0.938 -0.905 0.317 -1.051 [0.714] [0.724] [0.724] [3.298] [0.703] Adéquat en : Soins et Nourriture seulement 1.306 1.397 1.501 1.355 [2.288] [2.263] [2.174] [2.082] Adéquat en : Soins et Santé seulement -0.331 -0.188 -0.283 -0.210 -0.325 -0.357 [0.423] [1.137] [0.464] [0.488] [0.813] [0.495] Adéquat en : Nourriture et Santé seulement 0.823 0.913 1.017 0.871 [0.976] [0.978] [0.950] [0.917] Adéquat en : Soins, Nourriture et Santé 0.313 -1.059 0.690 0.898 -0.755 0.752 Seulement [0.831] [1.841] [0.922] [0.965] [1.470] [0.931] Constante -0.436 -0.211 -0.527 -0.631* -0.187 -0.485 [0.274] [0.517] [0.320] [0.346] [0.423] [0.353] Observations 988 548 440 306 682 254 R-carré 0.025 0.018 0.062 0.029 0.017 0.046 Source : Estimations des auteurs sur la base de MICS 2011-12 Note : En utilisant la définition d'accès adéquat à WASH 1. Lorsque vous utilisez une définition plus stricte de WASH adéquat qui comprend l'élimination sûre des selles de l'enfant une eau et un assainissement amélioré, un accès adéquat apporte encore des corrélations significatives et positives à l'amélioration de la nutrition infantile (tableau 24). Mais comme cette adéquation en WASH devient plus difficile à atteindre, les effets ne deviennent significatifs que lorsque l'adéquation de la santé environnementale est également atteinte. En fait, aucune autre synergie n'apparaît significative. Et cette corrélation positive apparaît forte, même lorsqu'elle se manifeste parmi les groupes les plus défavorisés, qui correspondent au quartile pauvre, rural et le plus pauvre des ménages ruraux. Dans ce cas, les adéquations de nourriture et de santé ont un effet statistiquement positif sur la nutrition infantile (tableau 24), avec des différences observées entre les zones urbaines et rurales, pauvres et non pauvres, et les quartiles les plus pauvres de la distribution. Des soins appropriés ne semblent pas avoir un effet significatif sur l'amélioration de la nutrition, sauf quand leur adéquation complète celle de la santé environnementale dans l'échantillon urbain. Ceci se révèle être la seule synergie qui réduit le retard de croissance chez les ménages tunisiens. L'Annexe 9 montre les implications de l'utilisation de définitions encore plus exigeantes d'adéquation. En conclusion, un accès adéquat aux services de base compte dans la compréhension de l'amélioration de la nutrition infantile en Tunisie. WASH a un lien positif (statistiquement significatif) avec l'amélioration de la nutrition infantile : plus et mieux d'accès (amélioré) à l'eau et l'assainissement et à des toilettes non partagées est susceptible d'avoir des effets bénéfiques importants sur la nutrition infantile. En fait, cette adéquation est la plus susceptible d'avoir un impact significatif sur la nutrition par rapport à l'accès adéquat à la nourriture, la santé, et les soins. En outre, les effets estimés varient entre les échantillons de quartiles pauvres, non pauvres, urbains et ruraux, et les plus pauvres des ménages ruraux. Enfin, comme la définition de l'adéquation devient plus stricte, sa signification statistique chute parce que moins de ménages remplissent de telles conditions, impactant ainsi la qualité et la précision des estimations. 129 À des fins d'élaboration de politiques, deux messages clés ressortent. En Tunisie, le progrès vers la satisfaction d'un niveau très strict d'adéquation au niveau de quelconque dimension unique de services publics ne peut pas apporter les bénéfices escomptés en nutrition infantile, sauf si des gains similaires dans d'autres services sont également atteints. Des investissements asymétriques en WASH - ou d'ailleurs, en matière de nourriture, de soins ou de santé - pourraient ne pas apporter de bénéfices visibles et substantifs en matière de nutrition. Pourtant, il n'existe pas un seul package d'améliorations WASH combinées à une seule autre intervention qui apportera des bénéfices uniformes à travers différents types de ménages. Les effets d'un accès amélioré varient selon le groupe et région : sans surprise "plus partout" peut ne pas être la meilleure option politique en présence de ressources limitées pour assurer une meilleure nutrition pour les personnes les plus dans le besoin, en particulier les enfants tunisiens. Enfin, ces résultats profitent de corrélations plutôt que d'effets de causalité sans ambiguïté. Une analyse plus approfondie est nécessaire sur les synergies entre les conducteurs de la nutrition non inclus à ce jour dans les services considérés - car non considérés par MICS - ou d'autres interventions telles que les campagnes de sensibilisation du public, l'amélioration de l'éducation chez les futurs parents, et ainsi de suite. Plus d'effort est également nécessaire pour dénouer les relations endogènes ; après tout, les investissements devraient être ciblés vers les personnes les plus dans le besoin, qui consistent en les groupes et régions les plus en retard en matière d'accès adéquat. Un autre domaine nécessitant des efforts supplémentaires est l'estimation des corrélations de services adéquats à d'autres dimensions de santé, par exemple, le poids-pour-âge ou l'incidence de la diarrhée infantile. Donc, même si l'analyse de cette section est clairement incomplète, elle suggère que des interventions sectorielles simples ne sont pas suffisantes pour résoudre les défis complexes, interdépendants et multidimensionnels. Ni les politiques universelles qui ne séparent pas les besoins spécifiques des différents types de ménages, des lieux, et des vulnérabilités. Tableau 24. Effets des adéquations en Alimentation, Santé, WASH, et Soins sur la Nutrition Infantile en Tunisie, 2011-12 Adéquations Complet Urbain Rural Pauvre Non Quart1 pauvre Rural Adéquat en : WASH Seulement -1.182 -0.985 -1.023 -1.097 0.430 -0.998 [1.059] [2.036] [1.237] [1.054] [3.450] [1.128] Adéquat en : WASH et Santé 0.897* 0.273 1.945** 1.852** 0.501 2.220** seulement [0.492] [0.602] [0.879] [0.912] [0.585] [0.941] Adéquat en : WASH et Soins 0.873 0.374 1.654 0.697 seulement [1.147] [1.368] [2.133] [1.176] Adéquat en : WASH, Nourriture et 1.503 1.861 1.780 1.885 Santé seulement [1.509] [1.504] [1.420] [1.369] Adéquat en : WASH, Soins, -1.563 -1.896 -1.740 Nourriture et [3.061] [3.088] [3.125] Adéquat en : Nourriture seulement 0.997* 1.380 0.718 0.208 1.576** 0.313 [0.595] [0.871] [0.813] [0.864] [0.792] [0.837] 130 Adéquat en : Santé seulement 0.378** 0.020 0.787*** 0.135 0.312 0.230 [0.169] [0.232] [0.251] [0.278] [0.216] [0.302] Adéquat en : Soins seulement -0.269 -0.324 -0.066 -0.560 0.063 -0.454 [0.417] [0.688] [0.526] [0.574] [0.580] [0.562] Adéquat en : Soins et Nourriture 0.224 0.580 0.195 0.631 -0.096 0.379 seulement [0.724] [1.208] [0.903] [0.941] [1.064] [1.260] Adéquat en : Soins et Santé seulement -0.215 -0.655* 0.235 -0.192 -0.248 -0.042 [0.241] [0.350] [0.333] [0.369] [0.311] [0.387] Adéquat en : Nourriture et Santé 0.140 -0.107 0.326 0.808 -0.126 0.641 seulement [0.303] [0.388] [0.497] [0.611] [0.357] [0.699] Adéquat en : Nourriture et Santé 0.305 0.323 0.227 0.304 0.217 -0.069 seulement [0.361] [0.491] [0.532] [0.661] [0.432] [0.692] Constante -0.297* 0.036 -0.654*** -0.573** -0.120 -0.679*** [0.154] [0.216] [0.220] [0.230] [0.201] [0.246] Observations 988 548 440 306 682 254 R-carré 0.021 0.019 0.044 0.038 0.018 0.044 Source : Estimations des auteurs sur la base de MICS 2011-12 Note : En utilisant la définition d'accès adéquat à WASH 2. 131 Annexe 1 : Mesure de la Pauvreté en Tunisie L'INS a défini des seuils de pauvreté pour la première fois en 1980 sur la base des besoins caloriques nutritionnels de base standards. Une valeur unitaire par apport calorique a été calculée pour chaque ménage dans un groupe de référence (le quintile le plus pauvre) en fonction de son apport calorique approximative et la valeur monétaire de la consommation alimentaire des ménages. En multipliant la médiane de la valeur unitaire par calorie et le total moyen des calories consommées par les ménages dans le quintile le plus pauvre, un seuil de pauvreté alimentaire a été défini. Puis le seuil de pauvreté total a été estimé en divisant le seuil de pauvreté alimentaire par la part de l'alimentation dans les dépenses totales du groupe de référence. L'approche a été appliquée séparément pour les zones urbaines et rurales, résultant en un seuil de pauvreté urbain qui était de 63 pour cent plus élevé que le seuil rural. En maintenant ce ratio constant dans le temps, les deux seuils de pauvreté de 1980 ont été ajustés par le même IPC (sans aucun ajustement géographique supplémentaire). Les analystes (Ayadi et al. [2005] et les références y afférentes) ont fait valoir que la valeur estimée de la nourriture du groupe de référence s'est avérée être beaucoup plus élevée dans les ménages urbains que dans les ménages ruraux, et que la part de la consommation de produits non alimentaires était également plus élevée chez les citadins que chez les ménages ruraux dans le groupe de référence. D'une manière générale, ceci a abouti à une surestimation du seuil de pauvreté urbaine dans la méthode de l'INS et à une incidence plus faible de la pauvreté chez les ménages urbains. Par conséquent, le choix du groupe de référence et même le choix de l'année 1980, une année avec des niveaux de pauvreté historiquement élevés, constituaient tous deux des décisions ayant des conséquences méthodologiques graves. L'approche de la Banque Mondiale ajuste le groupe de référence utilisé par l'INS et utilise les pauvres de 1990 (tel que défini par la méthode de l'INS) à la place du premier quintile de la population de 1980 comme référence. Les valeurs unitaires caloriques et les seuils de pauvreté alimentaire sont estimés suivant la même procédure utilisée par l'INS pour les zones urbaines et rurales. Cependant, l'écart entraîné entre les seuils de pauvreté alimentaire urbains et ruraux se réduit à 18 pour cent (au lieu des 63 pour cent obtenus par l'approche de l'INS). Une deuxième différence par rapport à la méthode de l'INS est que la part de l'alimentation dans la consommation totale est désormais estimée économétriquement - moindres carrés ordinaires - en utilisant une équation d'Engel pour chaque zone. Dans l'équation Engel, la part des aliments est régressée sur le ratio des dépenses totales au seuil de pauvreté alimentaire (en log), ce même ratio au carré et sur la différence de taille entre chaque ménage et le ménage moyen du groupe de référence. Cette équation est estimée séparément pour les deux zones. La constante estimée du modèle (α) représente la part de l'alimentation du ménage ayant un revenu juste égal au seuil de pauvreté alimentaire. Une fois que cette part d'alimentation du seuil de pauvreté total est estimée, le seuil de pauvreté total s'ajoute simplement à la composante alimentaire de la composante non alimentaire résultante. Empiriquement, cette méthodologie entraîne une part non alimentaire plus faible dans les zones urbaines et une part plus importante dans les zones rurales que celles produites par la méthode de l'INS sur la base de la part d'alimentation observée dans les dépenses totales par ménage (tableau A1.1). 132 Tableau A1.1. Seuils de la Pauvreté en Tunisie Valeur unitaire Seuil de pauvreté Part alimentaire Seuil de pauvreté (rural=100) alimentaire (en (en TND) (rural = 100) TND) INS BM INS BM INS BM INS BMa INS BM Moyens de 163 118 150 160 0.54 0.55 278 218 200 118 Subsistance Rural 100 100 89 134 0.64 0.61 139 185 100 100 a. En 1990, le taux de change était de 0,878 DT pour un dollar américain. Cela implique un seuil de pauvreté de la Banque Mondiale de 248 $ pour les zones urbaines et de 210 $ US pour les zones rurales. Avec l'ajustement à l'IPC jusqu'en 2000, ces seuils sont estimés à 341 DT et 294 DT, respectivement, pour les deux zones. En termes de PPP en dollars américains, ces montants correspondent respectivement à environ 2$ US et 1.8$ US par habitant et par jour. Les seuils de pauvreté supérieurs sont respectivement de 2,9 $ US et de 2,3 $ US pour l'exercice 2000 (PPP, 1993). La méthodologie commune, produite en 2012 par l'INS, la Banque Africaine de Développement et la Banque Mondiale (2012), suit en gros la méthodologie de la Banque Mondiale expliquée ci- dessus. Elle définit le coût d'une calorie pour le groupe de référence, une fois de plus le quintile inférieur de la population. Elle estime ensuite le seuil de pauvreté alimentaire pour chaque strate définie non plus comme urbaine et rurale, mais en tant que grandes villes ; petites et moyennes villes ; et communes. Elle le fait en multipliant le coût unitaire médiane du groupe de référence par sa consommation d'énergie moyenne. Ce seuil de pauvreté alimentaire pour chaque strate est utilisé pour estimer la part de la consommation alimentaire par rapport à la consommation totale de ces ménages dont la consommation totale est égale au seuil de pauvreté alimentaire. Cette part est estimée à travers une régression quantile de l'équation d'Engel. Cette part détermine la composante alimentaire du seuil de pauvreté total, tandis que la part restante détermine la composante non alimentaire (tableau A1.2). Le seuil de pauvreté total résultant est considéré comme un seuil de pauvreté "à la limite inférieure" car il est évalué à un niveau de consommation (consommation totale égale au seuil de pauvreté alimentaire) considéré comme un niveau de survie. Lorsque la même analyse est répétée pour les ménages dont la consommation alimentaire (plutôt que la consommation totale) est située autour du seuil de pauvreté alimentaire, le seuil de pauvreté totale qui en résulte est considéré comme un seuil de pauvreté "à la limite supérieure" (tableau A1.3). Une autre différence entre les méthodes réside dans la définition même de la consommation. La méthodologie commune exclut de la consommation globale ces dépenses liées aux achats de logements (qui ont été incluses dans les méthodes précédentes) et de voitures, aux grosses réparations, aux actifs clés et aux cérémonies occasionnelles. Le loyer imputé est estimé selon un modèle régressif, au lieu de la moyenne de la strate rapportée chez les locataires comme c'est le cas dans les méthodes précédentes. 133 Tableau A1.2. Part Estimée de la Composante Alimentaire du Seuil de Pauvreté par Strate Part de la Part budgétaire des ménages dont les dépenses composante alimentaires sont exactement égales aux seuils de alimentaire (α) pauvreté 2005 2010 2005 2010 Grandes villes 0.433 0.415 0.389 0.374 Petites et moyennes villes 0.475 0.426 0.429 0.401 Non-communal 0.528 0.468 0.491 0.454 Source : INS, BAD et Banque Mondiale (2012). Tableau A1.3. Seuils de Pauvreté en Tunisie par Strate, à la Limite Inférieure et Supérieure Seuil de pauvreté Seuil de pauvreté supérieur 2000 2005 2010 2000 2005 2010 Grandes villes 534 615 757 902 1038 1277 Petites et moyennes villes 518 596 733 818 941 1158 Non-communal 405 466 571 581 669 820 Source : INS, BAD et Banque Mondiale (2012). 134 Annexe 2: Modeler la Consommation en Tunisie Les projections qui utilisent des méthodes d'imputation enquête-à-enquête étaient basées sur la définition et l'estimation d'un modèle de prédiction pour la consommation des ménages. Sur la base des données de l'ENBCV 2010, une régression des moindres carrés ordinaires (MCO) a été estimée, utilisant le logarithme de la consommation annuelle par habitant (en millimes) comme variable dépendante. Les variables explicatives comprenaient une série de variables démographiques, spatiales, professionnelles, d'accès aux services, et de propriété d'actifs pouvant être retrouvée de façon uniforme dans l'enquête "source" (ENBCV 2010), enquête A, et les enquêtes "de destination", enquête B (ENPEs de 2009 et 2012). Les résultats de la régression MCO sont présentés dans le tableau A1.1. Les résultats du modèle de consommation offrent des prédictions fiables et ajustées de la consommation des ménages lorsqu’associé à un processus qui attribue au hasard un terme d'erreur à la prédiction de la consommation des ménages. Les Figures A1.1 et A1.2 montrent la superposition de la consommation effective des ménages trouvée dans l'ENBCV 2010 et les prédictions basées sur le modèle de consommation et les deux méthodes pour l'assignation au hasard des termes d'erreur pour compléter la prédiction : une assignation aléatoire spécifique au décile et une assignation entièrement aléatoire. Le premier processus attribue un terme d'erreur à la prédiction de consommation des ménages obtenu de manière aléatoire à partir du même décile de richesse auquel appartient le ménage. Les déciles de richesse reposent sur un indice basé sur l'actif obtenu à partir d'une analyse des composantes principales. Tableau A2.1. Modèle de Consommation Utilisé pour la Prévision Variable dépendante : Log (consommation annuelle par habitant, en millimes) Contrôles Taille du ménage -0.324*** (0.010) Taille du ménage au carré 0.014*** (0.001) Log de l'âge du chef de ménage 0.327 (0.558) Log âge du chef de ménage au carré -0.010 (0.071) Indicateur : le chef de ménage est un homme 0.018 (0.024) Indicateur : le chef de ménage est marié 0.049** (0.022) Indicateur : le chef de ménage est au chômage -0.262*** (0.033) Taux de dépendance -0.188*** (0.024) 135 Indicateur : niveau d'éducation du chef de ménage primaire 0.120*** (0.014) Indicateur : niveau d'éducation du chef de ménage secondaire 0.326*** (0.017) Indicateur : niveau d'éducation du chef de ménage universitaire 0.655*** (0.022) Indicateur : le chef de ménage travaille dans l'agriculture -0.014 (0.016) Indicateur région : Nord-Est -0.153*** (0.025) Indicateur région : Nord-Est -0.349*** (0.028) Indicateur région : Centre-Est 0.041* (0.024) Indicateur région : Centre-Est -0.345*** (0.033) Indicateur région : Sud-Est -0.085*** (0.031) Indicateur région : Sud-Est -0.249*** (0.031) Nombre de membres du ménage qui sont au chômage+ -0.079*** (0.008) Nombre de membres du ménage de niveau primaire+ 0.061*** (0.006) Nombre de membres du ménage de niveau secondaire+ 0.125*** (0.007) Nombre de membres du ménage de niveau universitaire+ 0.189*** (0.010) Indicateur : Zone rurale -0.201*** (0.021) Constante 14.347*** (1.095) Observations 11,280 R-carré 0.513 Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant ENBCV, 2010. Notes : Erreurs-types entre parenthèses. + Inclut tous les membres du ménage sauf le chef du ménage. Les indicateurs font référence à une variable binaire prenant la valeur 1 lorsque le critère est rempli et 0 sinon. *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1. 136 Figure A2.1. Consommation Réelle et Estimée, Affectation d'Erreur Spécifique au Décile* Kernel density estimate .6 .4 Density .2 0 12 14 16 18 Log(Consumption per capita) Estimate (from model) Actual (from data) Notes: Kernel = epanechnikov, bandwidth = 0.0984; Decile specific random errors Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant ENBCV, 2010. *Kernel density estimate = Estimation par noyau ; Density = Densité ; Log (Consumption per capita) = Log (Consommation par habitant ) ; Estimate (from model ) = Estimation (à partir du modèle) ; Actual (from data) = Réel (à partir des données) Figure A2.2. Consommation Réelle et Estimée, Affectation d'Erreur Aléatoire* Kernel density estimate .6 .4 Density .2 0 12 14 16 18 Log(Consumption per capita) Estimate (from model) Actual (from data) Notes: Kernel = epanechnikov, bandwidth = 0.0898; Randomly assigned errors 137 Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant ENBCV, 2010. *Kernel density estimate = Estimation par noyau ; Density = Densité ; Log (Consumption per capita) = Log (Consommation par habitant ) ; Estimate (from model ) = Estimation (à partir du modèle) ; Actual (from data) = Réel (à partir des données) Annexe 3 : T-Tests des Profils de Pauvreté Tableau A3.1. Tests Moyens d'Ecart Statistique, Pauvres versus Non-pauvres, 2005-12 T-test T-test #4 T-test #5 T-test T-test #3 2010 2012 P T-test #6 #1 2010 #2 2010 P NP vs vs 2010 2012 NP 2005 2005 2005 Pauvr 2010 2010 P vs 2005 2005 2012 2012 P vs 2010 Pauvre NP P vs NP e NP vs NP P NP Pauvre NP NP I. Sociodémographiques 1.Taille du ménage 6.43 5.06 -66.02 6.15 4.90 -52.35 9.65 11.53 5.78 4.51 -172.90 -479.83 2. N. de chambres par 0.42 habitant 0.74 92.76 0.45 0.77 70.03 -8.74 -6.87 0.47 0.79 85.66 85.82 3a. Éducation du chef de ménage (% de ménages dont le chef suit une formation : Aucune 43.66 31.43 -24.77 43.53 26.24 -28.63 0.19 15.65 41.64 21.68 -33.24 -226.90 primaire 43.16 32.72 -20.95 44.38 36.67 -12.42 -1.71 -11.01 46.16 36.95 31.01 12.34 Secondaire 12.59 27.34 39.00 11.87 28.01 36.09 1.52 -1.94 11.70 30.33 -4.45 108.38 Tertiaire 0.59 8.51 45.17 0.22 9.09 49.26 4.25 -2.44 0.50 11.04 40.87 137.94 4. Âge du chef de ménage (% de ménages dont le chef est âgé de : 15-24 0.08 0.26 5.07 0.20 0.11 -1.61 -1.96 4.91 0.34 0.73 23.21 205.22 25-39 18.43 15.54 -7.39 16.09 13.29 -6.19 4.37 8.50 22.00 18.38 131.82 296.19 40-64 65.83 63.06 -5.69 65.68 66.10 0.71 0.22 -8.43 60.89 63.62 -86.67 -110.30 65+ 15.66 21.13 14.35 18.03 20.50 5.07 -4.40 2.07 16.78 17.27 -28.72 -175.30 Âge, en années 50.12 52.67 19.17 51.59 53.72 12.85 -7.83 -10.48 49.94 51.36 -109.68 -387.04 5. Sexe du chef du ménage Homme 89.15 87.19 -6.06 87.35 89.64 5.61 3.90 -10.19 88.83 88.20 39.60 -96.96 Femme 10.85 12.81 6.06 12.65 10.36 -5.61 -3.90 10.19 11.17 11.80 -39.60 96.96 6. Emplacement Urbain 53.01 68.95 32.44 49.79 68.53 30.46 4.53 1.26 43.56 71.53 -108.74 139.11 Rural 46.99 31.05 -32.44 50.21 31.47 -30.46 -4.53 -1.26 56.44 28.47 108.74 -139.11 7. Région Grand Tunis 14.23 25.37 27.23 13.56 24.97 22.55 1.23 1.15 9.66 26.09 -105.55 54.44 Nord-Est 12.90 14.25 3.83 9.27 14.79 14.08 8.07 -1.94 11.53 14.32 64.72 -28.34 Nord-Ouest 13.94 11.54 -7.07 19.10 10.11 -19.60 -9.75 6.65 21.72 9.53 56.77 -41.49 Centre-Est 12.26 25.87 35.19 12.09 25.40 28.28 0.34 1.39 10.08 25.71 -55.71 15.28 Centre-Ouest 27.14 9.46 -43.88 27.68 10.65 -33.90 -0.89 -5.98 32.40 9.66 89.74 -69.52 Sud-Est 11.46 8.57 -9.40 10.53 8.88 -4.49 2.13 -1.55 7.50 9.29 -91.66 30.58 Sud-Ouest 8.07 4.94 -14.47 7.77 5.21 -9.08 0.91 -2.10 7.12 5.40 -21.78 18.46 II. Travail 8. Statut de travail du chef de ménage (% des ménages dont le statut professionnel du chef est : Inactif 20.89 28.80 18.38 24.55 31.63 12.93 -6.08 -8.13 27.29 32.23 54.53 27.19 Chômeur 5.54 1.41 -19.53 5.18 1.49 -14.07 1.10 -0.82 5.34 1.56 5.96 12.93 Travailleur indépendant 25.94 26.38 1.00 22.56 24.24 3.21 5.62 6.62 n.a.4 n.a.4 Salarié, privé 38.40 23.92 -29.99 40.50 27.20 -21.83 -2.98 -9.87 n.a.4 n.a.4 Salarié, public 9.09 19.38 31.33 7.21 15.43 24.35 5.02 13.75 n.a.4 n.a.4 9. Nombre de membres du ménage autre que le chef dont le statut professionnel est : Inactif 2.10 1.69 -28.73 2.07 1.71 -20.33 1.20 -2.57 1.79 1.52 -177.06 -331.30 Chômeur 0.26 0.20 -10.39 0.37 0.27 -10.36 -9.81 -16.84 0.32 0.25 -55.92 -71.00 Travailleur indépendant 0.29 0.30 1.32 0.18 0.19 1.72 11.85 23.18 n.a.4 n.a.4 n.a.4 n.a.4 Salarié, privé 0.37 0.46 11.70 0.39 0.47 8.83 -1.78 -2.33 n.a.4 n.a.4 n.a.4 n.a.4 Salarié, public 0.04 0.14 35.30 0.04 0.14 27.36 -0.79 -0.46 n.a.4 n.a.4 n.a.4 n.a.4 138 T-test T-test #4 T-test #5 T-test T-test #3 2010 2012 P T-test #6 #1 2010 #2 2010 P NP vs vs 2010 2012 NP 2005 2005 2005 Pauvr 2010 2010 P vs 2005 2005 2012 2012 P vs 2010 Pauvre NP P vs NP e NP vs NP P NP Pauvre NP NP 10. Secteur professionnel du chef du ménage (% des chefs de ménage actifs qui travaillent dans : Agriculture 32.73 20.92 -22.46 30.03 19.26 -16.38 3.58 4.80 33.64 15.80 55.92 -157.60 Industrie 34.27 24.65 -17.30 39.10 27.66 -15.74 -5.80 -7.42 32.56 30.81 -98.41 120.03 Services 31.84 53.84 38.47 30.36 52.61 31.59 1.95 2.70 33.52 53.04 48.87 14.95 11. Profession du chef de ménage (pour ceux actifs) Professionnel 5.11 19.98 42.89 4.99 19.61 36.08 0.33 0.95 3.41 16.90 -56.27 -121.57 Professionnel de niveau 1.85 7.53 26.32 1.34 7.38 24.98 2.34 0.65 1.56 6.40 intermédiaire 12.83 -66.93 Agent en bureau 6.94 13.54 19.05 6.18 12.98 16.95 1.78 1.76 12.76 19.06 165.68 287.81 Autre 85.83 58.67 -56.70 87.49 60.00 -49.01 -2.86 -2.93 82.24 57.56 -106.59 -85.82 12. Travaille dans le secteur public (Part des ménages avec... travaillant dans le secteur public: Membres du ménage 0.13 0.34 44.86 0.12 0.30 33.90 2.06 8.48 n.a.e n.a.e (autres que le chef) Chef du ménage 12.79 28.38 34.90 11.22 23.72 25.27 2.95 11.61 n.a.e n.a.e 13. Taux de dépendance 0.45 0.35 -46.34 0.43 0.33 -35.35 6.89 12.79 0.44 0.33 22.90 2.43 III. Accès aux services de base 14. Parts des ménages ayant accès aux services de base (%): a. L'eau du robinet 70.13 87.25 40.28 65.80 87.24 38.43 6.55 0.04 62.61 89.06 -57.94 119.82 b. Toilettes avec chasse n.a.f n.a.f d'eau 13.95 41.92 67.84 13.75 49.34 74.05 0.39 -19.60 c. Electricité 96.66 99.34 17.39 97.92 99.72 11.61 -5.91 -8.37 98.53 99.62 39.81 -35.23 d. Assainissement b 35.33 56.37 42.28 34.91 60.79 42.78 0.61 -12.10 n.a.f n.a.f e. Enfants ayant rejoint 92.17 96.01 2.98 95.31 96.98 1.27 -1.92 -1.15 n.a.f n.a.f l'école à temps : f. Enfants inscrits à l'école 92.86 96.64 5.98 88.89 96.41 7.21 3.51 0.49 n.a.f n.a.f g. Enfants ayant fini leur 57.50 72.97 11.60 57.09 77.69 11.44 0.21 -4.48 n.a.f n.a.f sixième année IV. Actifs détenus 15. Part des ménages propriétaires de (%) : a. Radio 41.30 52.19 21.62 32.10 48.84 28.14 13.49 8.87 43.33 69.28 203.29 901.81 b. Télévision 85.38 96.47 35.09 91.95 97.56 18.23 -15.51 -8.93 93.16 98.32 39.82 112.80 c. Réfrigérateur 71.11 92.92 53.27 82.59 96.71 33.22 -20.16 -24.48 85.17 96.22 60.84 -56.29 d. Voiture ou moto 8.02 30.73 66.38 7.66 29.42 55.20 0.94 3.70 14.86 34.81 201.79 245.08 e. Ordinateur 0.97 13.07 59.12 2.34 25.17 76.06 -7.27 -38.98 n.a.g n.a.g f. Téléphone 16.41 43.45 65.15 6.82 28.41 56.20 22.19 41.21 n.a.g n.a.g g. Téléphone portable 39.79 66.27 53.65 72.76 85.13 22.92 -49.88 -60.11 n.a.g n.a.g h. Congélateur 1.83 4.11 14.38 1.21 5.95 26.06 3.86 -10.25 1.79 2.64 42.00 -348.53 i. Vélo 6.05 6.44 1.55 3.60 4.62 4.32 8.17 10.54 3.49 4.64 -5.11 1.83 V. Consommation 16. Consommation 72.52 239.10 160.99 73.76 256.4 162.16 -3.63 -11.61 n.a.h n.a.h mensuelle des ménages par habitant 17. Part des dépenses en 47.24 39.06 -64.20 40.24 32.46 -55.71 42.03 73.80 n.a.h n.a.h nourriture Source : Estimations du staff de la Banque Mondiale à partir de l'ENBCV de 2005 et de 2010, et l'ENPE de 2012. a. Catégorie primaire incomplète non rapportée ici, donc les catégories rapportées dans le tableau ne correspondent pas à 100%. b. L'assainissement se réfère aux ménages connectés au réseau d'assainissement. c. Les ENPE 2009 et 2012 ne rapportent pas la consommation ni ne mettent à disposition du public les informations relatives aux revenus professionnels. d. L'ENPE 2012 ne rapporte pas les statuts de travailleur indépendant et de salarié de la personne professionnellement active. e. L'ENPE 2012 ne rapporte pas le caractère public versus non public de l'entreprise ou de l'activité de la personne professionnellement active. 139 F. L'ENPE 2012 ne rapporte pas l'accès à l'eau et aux services d'assainissement et ni ne fournit suffisamment d'informations concernant l'accès des enfants à l'école. g. L'ENPE 2012 ne rapporte pas la possession d'actifs tels que les ordinateurs, téléphones et téléphones portables (qui sont fournis par les ENBCV de 2005 et de 2010). h. L'ENPE de 2012 ne rapporte pas la consommation ni ne met à disposition du public les informations relatives aux revenus professionnels. Annexe 4 : Profil de Pauvreté de 2009 Tableau A4.1. Pauvreté et Profils des 40 pour cent Inférieurs, 2005-12 2005 2005 2005 2009 2009 2009 2010 2010 2010 2012 Pauvre B40 NP Pauvre B403 NP Pauvre B40 NP Pauvre B403 NP I. Sociodémographiques 1.Taille du ménage 6.43 6.19 5.06 6.07 5.63 4.76 6.15 5.79 4.90 5.78 5.30 4.51 2. N. de chambres par 0.42 0.46 0.47 0.54 0.75 0.57 habitant 0.74 0.45 0.52 0.77 0.47 0.79 3a. Éducation du chef de ménage (% de ménages dont le chef a suivi une formation : Aucune 43.66 43.94 31.43 48.24 41.43 22.85 43.53 39.03 26.24 41.64 36.49 21.68 Primaire 43.16 41.52 32.72 42.91 44.71 37.06 44.38 44.88 36.67 46.16 45.84 36.95 Secondaire 12.59 13.69 27.34 8.56 13.12 29.30 11.87 15.38 28.01 11.70 16.50 30.33 Tertiaire 0.59 0.85 8.51 0.28 0.74 10.80 0.22 0.72 9.09 0.50 1.17 11.04 4. Âge du chef de ménage (% de ménages dont le chef est âgé de : 15-24 0.08 0.14 0.26 0.52 0.49 0.82 0.20 0.14 0.11 0.34 0.37 0.73 25-39 18.43 18.04 15.54 19.75 18.25 17.96 16.09 14.85 13.29 22.00 19.87 18.38 40-64 65.83 63.87 63.06 63.88 63.75 65.48 65.68 65.01 66.10 60.89 61.24 63.62 65+ 15.66 17.95 21.13 15.85 17.52 15.74 18.03 20.00 20.50 16.78 18.53 17.27 Âge, en années 50.12 50.85 52.67 49.85 50.78 50.78 51.59 52.60 53.72 49.94 51.02 51.36 5. Sexe du chef du ménage Homme 89.15 88.83 87.19 88.55 88.78 89.53 87.35 89.08 89.64 88.83 88.41 88.20 Femme 10.85 11.17 12.81 11.45 11.22 10.47 12.65 10.92 10.36 11.17 11.59 11.80 6. Emplacement Urbain 53.01 43.84 68.95 41.24 39.65 70.51 49.79 44.63 68.53 43.56 42.54 71.53 Rural 46.99 56.16 31.05 58.76 60.35 29.49 50.21 55.37 31.47 56.44 57.46 28.47 7. Région Grand Tunis 14.23 12.27 25.37 8.42 9.96 25.84 13.56 13.06 24.97 9.66 11.41 26.09 Nord-Est 12.90 14.44 14.25 10.96 14.69 14.65 9.27 13.49 14.79 11.53 14.91 14.32 Nord-Ouest 13.94 16.39 11.54 22.83 19.82 9.58 19.10 17.98 10.11 21.72 18.82 9.53 Centre-Est 12.26 14.52 25.87 9.93 14.94 25.64 12.09 15.87 25.40 10.08 15.42 25.71 Centre-Ouest 27.14 24.08 9.46 34.07 25.16 9.53 27.68 22.19 10.65 32.40 23.49 9.66 Sud-Est 11.46 10.49 8.57 6.51 8.26 9.51 10.53 9.73 8.88 7.50 8.78 9.29 Sud-Ouest 8.07 7.81 4.94 7.28 7.16 5.25 7.77 7.68 5.21 7.12 7.18 5.40 II. Travail 8. Statut de travail du chef de ménage (% des ménages dont le statut professionnel du chef est : Inactif 20.89 21.29 28.80 23.80 25.84 28.13 24.55 25.53 31.63 27.29 29.70 32.23 Chômeur 5.54 4.22 1.41 4.46 2.95 1.27 5.18 3.62 1.49 5.34 3.37 1.56 Travailleur indépendant 25.94 29.21 26.38 n.a.4 n.a. n.a.4 22.56 25.46 24.24 n.a.4 n.a.4 n.a.4 Salarié, privé 38.40 34.81 23.92 n.a.4 n.a. n.a.4 40.50 36.57 27.20 n.a.4 n.a.4 n.a.4 Salarié, public 9.09 10.36 19.38 n.a.4 n.a. n.a.4 7.21 8.80 15.43 n.a.4 n.a.4 n.a.4 9. Nombre de membres du ménage autre que le chef dont le statut professionnel est : Inactif 2.10 2.00 1.69 1.85 1.80 1.64 2.07 1.99 1.71 1.79 1.72 1.52 Chômeur 0.26 0.25 0.20 0.31 0.28 0.22 0.37 0.36 0.27 0.32 0.30 0.25 Travailleur indépendant 0.29 0.34 0.30 n.a.4 n.a. n.a.4 0.18 0.21 0.19 n.a.4 n.a.4 n.a.4 Salarié, privé 0.37 0.40 0.46 n.a.4 n.a. n.a.4 0.39 0.46 0.47 n.a.4 n.a.4 n.a.4 Salarié, public 0.04 0.04 0.14 n.a.4 n.a. n.a.4 0.04 0.05 0.14 n.a.4 n.a.4 n.a.4 10. Secteur professionnel du chef du ménage (% des chefs de ménage 140 2005 2005 2005 2009 2009 2009 2010 2010 2010 2012 Pauvre B40 NP Pauvre B403 NP Pauvre B40 NP Pauvre B403 NP actifs qui travaillent dans : Agriculture 32.78 35.11 20.92 37.02 33.98 16.14 30.03 32.18 19.26 33.64 30.39 15.80 Industrie 34.33 30.41 24.65 32.48 31.87 30.12 39.10 32.96 27.66 32.56 32.62 30.81 Services 31.89 33.55 53.84 29.93 33.64 53.34 30.36 34.39 52.61 33.52 36.69 53.04 11. Profession du chef de ménage (pour ceux actifs) Professionnel 5.11 6.17 19.98 5.62 7.05 18.75 4.99 6.49 19.61 3.41 4.84 16.90 Professionnel de niveau 1.85 2.21 7.53 1.56 2.23 6.98 1.34 1.92 7.38 1.56 2.41 6.40 intermédiaire Agent en bureau 6.94 7.08 13.54 10.10 11.82 18.54 6.18 7.99 12.98 12.76 14.33 19.06 Autre 85.83 84.20 58.67 81.37 77.74 55.01 87.49 83.60 60.00 82.24 78.39 57.56 12. Travaille dans le secteur public (Part des ménages avec... travaillant dans le secteur public: Membres du ménage 0.13 0.15 0.34 n.a.5 n.a. n.a.5 0.12 0.15 0.30 n.a.5 n.a.5 n.a.5 (autres que le chef) Chef du ménage 12.79 14.30 28.38 n.a.5 n.a. n.a.5 11.22 13.05 23.71 n.a.5 n.a.5 n.a.5 13. Taux de dépendance 0.45 0.44 0.35 0.43 0.39 0.32 0.43 0.39 0.33 0.44 0.40 0.33 III. Accès aux services de base 14. Parts des ménages ayant accès aux services de base (%): a. L'eau du robinet 70.13 69.13 87.25 63.96 70.76 89.52 65.80 70.05 87.24 62.61 70.56 89.06 b. Toilettes avec chasse 15.26 16.96 41.92 n.a.6 n.a. n.a.6 13.75 25.19 49.34 n.a.6 n.a.6 n.a.6 d'eau c. Électricité 96.66 97.24 99.34 97.99 98.61 99.55 97.92 98.88 99.72 98.53 99.03 99.62 d. Assainissement b 35.33 31.13 56.37 n.a.6 n.a. n.a.6 34.91 35.12 60.79 n.a.6 n.a.6 n.a.6 e. Enfants ayant rejoint 92.17 91.88 96.01 n.a.6 n.a. n.a.6 95.31 96.26 96.98 n.a.6 n.a.6 n.a.6 l'école à temps : f. Enfants inscrits à l'école 92.86 92.98 96.64 n.a.6 n.a. n.a.6 88.89 92.21 96.41 n.a.6 n.a.6 n.a.6 g. Enfants ayant fini leur 57.50 59.19 72.97 n.a.6 n.a. n.a.6 57.09 64.72 77.69 n.a.6 n.a.6 n.a.6 sixième année IV. Actifs détenus 15. Part des ménages propriétaires de (%) : a. Radio 41.30 42.56 52.19 61.97 69.17 84.35 32.10 37.36 48.84 43.33 51.29 69.28 b. Télévision 85.38 88.26 96.47 92.18 94.62 97.97 91.95 94.36 97.56 93.16 95.50 98.32 c. Réfrigérateur 71.11 76.12 92.92 80.64 87.21 95.64 82.59 89.01 96.71 85.17 90.25 96.22 d. Voiture ou moto 7.98 11.23 30.73 16.55 21.24 37.33 7.66 11.96 29.42 14.86 19.57 34.81 e. Ordinateur 0.97 1.14 13.07 n.a.7 n.a. n.a.7 2.34 4.49 25.17 n.a.7 n.a.7 n.a.7 f. Téléphone 16.41 17.92 43.45 n.a.7 n.a. n.a.7 6.82 8.82 28.41 n.a.7 n.a7 n.a.7 g. Téléphone portable 39.79 45.93 66.27 n.a.7 n.a. n.a.7 72.76 76.51 85.13 n.a.7 n.a7 n.a.7 h. Congélateur 1.83 1.42 4.11 1.45 1.47 2.827 1.21 1.82 5.95 1.79 1.67 2.64 i. Vélo 5.71 5.28 6.44 5.75 6.55 7.967 3.60 4.17 4.62 3.49 3.90 4.64 V. Consommation 16. Consommation 72.52 88.20 239.10 n.a.8 n.a. n.a.8 73.76 104.51 256.40 n.a.8 n.a.8 n.a.8 mensuelle des ménages par habitant 17. Part des dépenses en 47.24 46.70 39.06 n.a.8 n.a. n.a.8 40.24 38.79 32.46 n.a.8 n.a.8 n.a.8 nourriture Source : Estimations du staff de la Banque Mondiale à partir de l'ENBCV de 2005 et de 2010, et l'ENPE de 2012. a. Catégorie primaire incomplète non rapportée ici, donc les catégories rapportées dans le tableau ne correspondent pas à 100%. b. L'assainissement se réfère aux ménages connectés au réseau d'assainissement. c. Les ENPE 2009 et 2012 ne rapportent pas la consommation ni ne mettent à disposition du public les informations relatives aux revenus professionnels. d. L'ENPE 2012 ne rapporte pas les statuts de travailleur indépendant et de salarié de la personne professionnellement active. e. L'ENPE 2012 ne rapporte pas le caractère public versus non public de l'entreprise ou de l'activité de la personne professionnellement active. F. L'ENPE 2012 ne rapporte pas l'accès à l'eau et aux services d'assainissement et ni ne fournit suffisamment d'informations concernant l'accès des enfants à l'école. g. L'ENPE 2012 ne rapporte pas la possession d'actifs tels que les ordinateurs, téléphones et téléphones portables (qui sont fournis par les ENBCV de 2005 et de 2010). 141 h. L'ENPE de 2012 ne rapporte pas la consommation ni ne met à disposition du public les informations relatives aux revenus professionnels. Annexe 5 : Mobilité de Consommation en Tunisie Le Tableau A5.1 présente les statistiques descriptives de base du pseudo-panel utilisé pour analyser la pauvreté et la mobilité de la consommation en Tunisie, qui consistent en les caractéristiques socioéconomiques et géographiques de chefs des ménages synthétiques des cohortes construites. La consommation moyenne par habitant dans le pseudo-panel est d'environ 222 $ US par mois, avec une déviation standard (SD) de 28,5 $ en 2005 en termes de PPP. Environ 86 pour cent des personnes vivent dans un ménage dont le chef est un homme, tandis que l'âge moyen des chefs de ménage est d'environ 58 ans. Environ un tiers des cohortes synthétiques vivent dans des zones rurales, et 60 pour cent vivent dans les régions côtières (Grand Tunis, Nord-Est, et Centre Est). En moyenne, 30 pour cent de chaque cohorte ont un chef de ménage ayant seulement suivi des études primaires, et 26 pour cent ont un chef de ménage ayant suivi des études secondaires ou supérieures. L'agriculture est le secteur le plus important de l'emploi dans toutes les cohortes, employant une moyenne de 40 pour cent des individus, alors que le secteur des services arrive en deuxième position avec 37 pour cent. La variable appelée "indice de richesse" délimite la qualité des conditions de vie des ménages. La variable est calculée en utilisant des informations sur les actifs détenus par les ménages, y compris les climatiseurs, radios, télévisions, vaisselles, réfrigérateurs, congélateurs, lave-linges, fours, voitures ou motos, et vélos. L'indice comprend également les caractéristiques des logements tels que l'accès à l'électricité et à l'eau du robinet. Cette variable est conçue comme une composante principale qui explique la plupart de la variance des caractéristiques mentionnées ci-dessus. Alors que les valeurs réelles de l'indice ne sont pas trop informatives, des valeurs inférieures (supérieures) de l'indice permettent de discriminer entre les ménages avec une richesse ou des conditions de vie moins élevées (plus élevées). Tableau A5.1. Synthèse Statistique Déviation Variable Observations Moyenne standard Caractéristiques démographiques Pourcentage d'individus de sexe masculin 46 0.50 0.51 Âge moyen des individus 46 49.14 20.41 Pourcentage vivant dans des zones rurales 46 0.33 0.04 Pourcentage vivant dans des zones côtières 46 0.60 0.04 Pourcentage de ménages avec un chef de sexe masculin 46 0.86 0.12 Moyenne d'âge des chefs de ménage 46 57.78 8.48 142 Pourcentage de ménages dont les chefs n'ont suivi que des études primaires 46 0.30 0.09 Pourcentage de ménages dont les chefs ont suivi des études secondaires et au-delà 46 0.26 0.10 Caractéristiques économiques Pourcentage d'individus travaillant dans 0.40 0.22 l'agriculture a 46 Pourcentage d'individus travaillant dans l'industriea 0.22 0.15 46 Pourcentage d'individus travaillant dans les 0.37 0.15 servicesa 46 Pourcentage de ménages dont les chefs sont des 0.24 0.04 travailleurs indépendants 46 Pourcentage dont les chefs sont des salariés 0.34 0.18 46 Pourcentage d'individus qui travaillent dans un 0.12 0.07 bureau 46 Pourcentage d'individus dont la fonction est 0.11 0.07 professionnelle 46 Pourcentage d'individus dont la fonction est de 0.05 0.05 niveau intermédiaire 46 Score de l'indice de richesse 46 -0.22 0.28 Bien-être Consommation moyenne par habitant 46 7.42 0.95 Taux de pauvreté 46 0.19 0.05 Variation du taux de pauvreté 2005-2010 46 -0.06 0.04 Source : Calculs de auteurs en utilisant l'ENBC 2005 et 2010. Notes : La consommation par habitant et par jour en termes PPP de 2005. Le score de l'indice de richesse est obtenu à partir de la première composante d'une analyse des composantes principales des actifs des ménages (climatiseur, radio, télévision, vaisselle, réfrigérateur, congélateur, machine à laver, four, voiture ou moto, et vélo) et des caractéristiques des logements (électricité et eau du robinet). Les observations portent sur l'âge/genre des cohortes créées dans les données. Les études primaires se réfèrent au niveau d'éducation tunisien "enseignement de base." Les études secondaires comprennent les écoles secondaires, "école Métiers", "C.A.P", "B.T.P.", "apprentissage", "autre formation professionnelle" et "formation continue". a. Seules les personnes professionnellement actives sont incluses dans le calcul. Toutes les variables se réfèrent à des données de 2005, à l'exception de la «variation du taux de pauvreté." En termes de mobilité de la consommation, qui consiste en, dans quelle mesure les niveaux de consommation en 2005 ont affecté les niveaux en 2010, le tableau A5.2 rapporte une faible estimation inconditionnelle de la mobilité des revenus de 0,71 (soit, la relation entre la consommation passée et actuelle sans tenir compte de quelconque contrôle ; voir colonne 1). 143 Pour placer cette estimation dans son contexte, Cuesta, Nopo, et Pizzolito (2011) jugent élevée une estimation de la mobilité inconditionnelle à un niveau de 0,966 pour l'Amérique Latine en utilisant des données à partir des années 1992-2002. La mobilité estimée varie sensiblement lorsque des contrôles sont introduits. La Colonne 2 introduit des contrôles pour l'emplacement, les caractéristiques démographiques et les conditions de vie des ménages (via l'indice de richesse). En incluant ces contrôles, l'estimation résultante de la mobilité des revenus (qui est conditionnelle) est de 0,555. Les estimations montrent que le niveau d'instruction moyen est statistiquement corrélé à la consommation future et que plus le niveau d'éducation des chefs de ménage est élevé, plus la consommation future attendue l'est aussi. Les cohortes avec les chefs de ménage les plus âgés sont également susceptibles de connaître des niveaux plus élevés de consommation. Enfin, l'emplacement ne semble pas être lié à la consommation future. De même pour l'indice de richesse des individus dans les cohortes. Les colonnes 3, 4 et 5 comprennent des contrôles pour le secteur de l'emploi, la situation professionnelle et le type d'occupation, respectivement. Dans tous les cas, il apparaît que les situations professionnelles des individus ne sont pas corrélées au niveau de consommation future, une fois que l'emplacement et les caractéristiques démographiques ont été comptabilisés. Ce qui veut dire qu'en maintenant les autres caractéristiques constantes, la composition relative au marché du travail des cohortes n'est pas statistiquement liée à la consommation prévue future de la cohorte. La colonne 6 présente les résultats d'un modèle qui comprend toutes les variables simultanément, confirmant les résultats des estimations antérieures en ce qui concerne le rôle de la consommation initiale, l'éducation, le travail, l'emplacement, l'accès aux services, et les conditions d'actifs. Tableau A5.2. Estimations de la Mobilité de la Consommation en Dépendance Temporelle en Tunisie Variable dépendante : Consommation moyenne par habitant en 2010 Contrôles (1) (2) (3) (4) (5) (6) Consommation moyenne par habitant 0.710*** 0.555** 0.418* 0.544** 0.643** 0.519** (0.108) (0.216) (0.213) (0.221) (0.241) (0.235) Pourcentage vivant dans des zones rurales 5.899 7.248* 4.999 3.883 5.213 (4.024) (3.980) (4.138) (4.344) (4.484) Pourcentage vivant dans des zones côtières 6.730 8.584** 7.331 7.509* 7.360 (4.188) (4.069) (4.446) (4.372) (4.508) Moyenne d'âge des chefs de ménage 0.658*** 0.808*** 0.534** 0.697*** 0.720*** (0.217) (0.215) (0.242) (0.232) (0.248) Age moyen du chef de ménage au carré -0.004** -0.006*** -0.003 -0.005** -0.005** (0.002) (0.002) (0.002) (0.002) (0.002) Pourcentage dont les chefs n'ont suivi que des études primaires 7.012** 5.478** 7.312* 6.896** 6.201 (2.674) (2.615) (3.995) (2.793) (4.162) Pourcentage dont les chefs ont suivi des études 6.958*** 7.635*** 9.232** 8.093*** 11.905** secondaires et au-delà (2.088) (2.117) (4.383) (2.311) (4.940) Score de l'indice de richesse 0.483 0.411 0.227 -0.385 -0.358 (1.161) (1.122) (1.201) (1.353) (1.401) Pourcentage de ménages avec un chef de sexe -1.457 -0.425 -2.590 -0.163 -0.283 144 masculin (1.314) (1.374) (1.628) (1.676) (2.198) Pourcentage d'individus travaillant dans 1.292 -0.740 l'agriculturea (0.994) (2.075) Pourcentage d'individus travaillant dans -0.975 -2.875 l'industriea (0.961) (1.896) Pourcentage de ménages dont les chefs sont des 5.475 2.959 travailleurs indépendants (5.266) (6.095) Pourcentage dont les chefs sont des salariés -1.416 -2.446 (3.136) (3.342) Pourcentage d'individus qui travaillent dans un -1.249 -2.091 bureaua (1.404) (2.104) Pourcentage d'individus dont la fonction est de 1.645 -0.645 niveau intermédiairea (2.235) (2.833) Pourcentage d'individus dont la fonction est -2.551 -4.688* professionnellea (2.084) (2.545) Constante 3.060*** -27.835*** -32.605*** -25.043*** -30.445*** -28.734*** (0.804) (7.690) (7.592) (8.059) (8.339) (8.820) Observations 46 46 46 46 46 46 R-carré 0.498 0.807 0.836 0.816 0.818 0.858 Source : Calculs de auteurs en utilisant l'ENBCV 2005 et 2010. Notes : Erreurs-types entre parenthèses. La consommation par habitant est exprimée en termes de PPP 2005. Les zones côtières comprennent le Grand Tunis, le Nord-Est, le Centre-Est. Le score de l'indice de richesse est obtenu à partir de la première composante d'une analyse des composantes principales des actifs des ménages et des caractéristiques des logements. Toutes les variables explicatives sont calculées en utilisant les données de 2005. a. Pourcentages calculés chez les personnes professionnellement actives au moment de l'enquête. *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1. 145 Annexe 6 : HOI et Incidence de la Pauvreté en Tunisie 146 147 148 Annexe 7 : Consommation d'Energie en Tunisie L'analyse simule les effets fiscaux et de distribution causés par des changements dans la structure actuelle des prix de l'énergie et des subventions. Cette analyse fait suite à une étude antérieure de la répartition des subventions énergétiques en Tunisie en utilisant SUBSIM, une méthodologie de simulation de la réforme des subventions développée par Araar et Verme (2012). Cependant, la présente analyse apporte deux contributions à l'analyse antérieure. Tout d'abord, elle met à jour les estimations existantes (rapportées par la Banque Mondiale en 2013b) en incluant la structure la plus récente des prix de l'énergie et la proposition la plus récente de changements des subventions envisagés par le gouvernement tunisien. Deuxièmement, cette analyse comprend une simulation détaillée des effets redistributifs des régimes compensatoires alternatifs de transfert en espèces financés par les économies budgétaires découlant de la réforme de la subvention. L'analyse utilise les modes de consommation de 2010. La dernière matrice input-output (I/O) pour la Tunisie date aussi de 2010. Cette matrice I / O permet d'estimer les effets indirects des réformes ; qui sont les effets sur la consommation des ménages et sur les dépenses provenant de l'impact que les prix de l'énergie ont sur les autres secteurs productifs de l'économie. Les dépenses des ménages en énergie et autres produits sont ensuite mises à jour en utilisant les taux successifs de l'indice annuel des prix à la consommation (IPC), le PIB, et la croissance de la population pour construire une répartition des dépenses en énergie pour janvier 2014. Les structures tarifaires actuelles de l'énergie sont appliquées à cette répartition des dépenses des ménages en matière d'énergie pour obtenir une distribution de la consommation des ménages par rapport aux sources d'énergie. C'est sur ces distributions de dépenses et de consommation construites en 2014 que la réforme des subventions est simulée et ses effets distributifs et budgétaires estimés. La première étape avant de commencer l'analyse de simulation est d'observer un aperçu détaillé du système actuel des subventions énergétiques. Pour mieux comprendre les implications des réformes, cette annexe rapporte l'information la plus actualisée sur les modèles socioéconomiques des subventions énergétiques, soit comment la consommation, les dépenses et les bénéfices des subventions de l'énergie résidentielle varient entre les différents groupes socioéconomiques. Les panels A et B du tableau A7.1 montrent que la consommation totale d'énergie dans tous les quintiles varie selon les sources d'énergie. Les quintiles les plus riches consomment plus d'énergie, avec des différences significativement plus importantes pour l'essence et le diesel entre ces quintiles et les autres. La consommation des deux premiers quintiles représente 80 pour cent et 90 pour cent de la consommation de diesel et d'essence, respectivement. Les 40 pour cent inférieurs consomment 2 pour cent et 8 pour cent de la consommation totale de ces deux sources, respectivement. Pour les autres sources d'énergie, la répartition de la consommation entre les quintiles n'est pas tellement asymétrique : la part des deux quintiles supérieurs (les 40 pour cent inférieurs) de la consommation de GPL et d'électricité représente 45 pour cent et 52 pour cent (28-34 pour cent). 149 Tableau A7.1. Consommation totale d'énergie résidentielle, par source et Quintiles de consommation des ménages a. Termes absolus GPL Essence (milliers Diesel (millions de (millions Électricité Quintile de litres) tonnes) de litres) (GWh) 1 (le plus pauvre) 1 80 1 587 2 5 99 4 761 3 18 107 8 881 4 54 122 12 1033 5 (le plus riche 213 114 37 1440 Total 292 521 63 4702 b. Termes relatifs (en pourcentage) Quintile Essence GPL Diesel Électricité 1 (les plus pauvres) 0.3 15.3 1.6 12.5 2 1.7 18.9 6.8 16.2 3 6.3 20.5 12.9 18.7 4 18.7 23.4 19.4 22.0 5 (les plus riches) 73.0 21.9 59.4 30.6 Total 100 100 100 100 Source : Calculs de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations de subventions) De même, en ce qui concerne la consommation d'énergie par habitant, les données du tableau A7.2 confirment sans équivoque que les quintiles supérieurs de consommation, les quintiles les plus riches, consomment beaucoup plus que les quintiles les plus pauvres. Les différences de consommation les plus importantes sont observées pour l'essence, suivi par le diesel (panel a). En moyenne, un individu du quintile 5 consomme 200 fois plus d'essence qu'un individu du quintile le plus pauvre. Ce ratio est encore plus énorme (38 à 1) dans le cas du diesel. Des différences beaucoup plus étroites sont observées pour l'électricité et le GPL. Une personne plus riche consomme 4,5 fois plus d'électricité et 1,4 fois plus de GPL qu'un individu des ménages les plus pauvres. Les individus du quatrième quintile consomment plus de GPL en moyenne que n'importe qui d'autre dans la distribution. Lorsque l'analyse est effectuée à l'échelle des ménages 150 (panel b) - plutôt qu'à une échelle individuelle - des ratios et des distributions très similaires sont observés, ce qui confirme les résultats à l'échelle individuelle. Tableau A7.2. Consommation d'Energie Subventionnée Par Habitant et Par Ménage, en Quantité a. Consommation par individu Essence GPL Diesel Électricité Quintile (litre) (kg) (litre) (kWh) 1 (le plus 0.46 36.50 0.45 pauvre) 37.41 2 2.30 45.35 1.95 49.59 3 8.45 49.08 3.70 61.23 4 25.02 55.99 5.58 86.58 5 (le plus 97.74 52.39 17.07 riche) 167.20 Total 26.79 47.86 5.75 80.40 b. Consommation par ménage Essence GPL Diesel Électricité Quintile (litre) (kg) (litre) (kWh) 1 (le plus pauvre) 2.53 200.75 2.47 205.75 2 11.5 226.75 9.75 247.95 3 38.02 220.86 16.65 275.53 4 100.08 223.96 22.32 346.32 5 (le plus riche) 342.09 183.36 59.74 585.2 Total 107.16 191.44 23 321.6 Source : Calculs de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM. En termes de dépenses, la figure A7.1 montre que la dépense d'énergie représente entre 5 et 6 pour cent du total des dépenses des ménages. En d'autres termes, les dépenses d'énergie en tant que part des dépenses totales des ménages est similaire à travers les groupes socioéconomiques, sans différences marquées entre les quintiles. Malgré leur petite taille, ces différences sont toujours intéressantes. En fait, ce sont les ménages des quintiles les plus pauvres et les plus riches qui consacrent une proportion plus élevée de leur budget à l'énergie (un peu plus de 6 pour cent de leurs dépenses totales). Mais alors que les plus pauvres dépensent une plus grande part pour couvrir l'électricité, les plus riches dépensent une plus grande part pour l'essence. De grandes différences sont également devenues évidentes lorsque les dépenses absolues sont comparées à travers les quintiles de la distribution de la consommation. La Figure A7.2 montre qu'un individu plus riche dépense plus de 200 fois par habitant qu'un individu pauvre. Des disparités socioéconomiques en matière de dépenses pour le diesel existent aussi, mais sont considérablement réduites pour l'électricité et le GPL. En fait, les dépenses pour le GPL sont plus 151 uniformes à travers tous les groupes socioéconomiques, entre 20 DT et 29 DT, et c'est le quatrième quintile qui dépense le plus. Figure A7.1. Dépenses en Energie des Ménages (DT)* Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations de subventions) *Gasoline = Essence ; Diesel = Diesel ; LPG = GPL ; Electricity = Electricité Figure A7.2. Dépenses en Energie Per Capita (DT) Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations de subventions) *Gasoline = Essence ; Diesel = Diesel ; LPG = GPL ; Electricity = Electricité 152 Annexe 8 : Impacts de la Réforme de la Subvention Energétique Tableau 8.1. Impact de la Réforme sur les Dépenses Totales par Habitant (par source d'énergie et quintile de consommation, en DT) a. Effets Totaux Quintile Gasoline LPG Diesel Electricity All Quintile 1 -1.9 -47.3 -5.9 -5.5 -60.5 Quintile 2 -3.7 -60.7 -10.3 -8.7 -83.5 Quintile 3 -6.3 -67.7 -14.7 -11.1 -99.7 Quintile 4 -11.1 -79.6 -19.8 -15.0 -125.5 Quintile 5 -28.1 -85.8 -36.2 -27.0 -177.1 Total -10.2 -68.2 -17.4 -13.5 -109.3 b. Effets directs Quintile Gasoline LPG Diesel Electricity All Quintile 1 -0.1 -44.5 -0.1 -3.7 -48.4 Quintile 2 -0.4 -55.3 -0.7 -5.6 -62.0 Quintile 3 -1.6 -59.9 -1.2 -6.8 -69.5 Quintile 4 -4.7 -68.3 -1.9 -8.8 -83.7 Quintile 5 -18.2 -63.9 -5.7 -15.1 -102.9 Total -5.0 -58.4 -1.9 -8.0 -73.3 b. Effets indirects Quintile Gasoline LPG Diesel Electricity All Quintile 1 -1.8 -2.8 -5.7 -1.8 -12.1 Quintile 2 -3.3 -5.4 -9.7 -3.1 -21.5 Quintile 3 -4.7 -7.8 -13.4 -4.4 -30.3 Quintile 4 -6.4 -11.3 -18.0 -6.2 -41.9 Quintile 5 -9.9 -21.9 -30.5 -12.0 -74.3 Total -5.2 -9.8 -15.5 -5.5 -36.0 Source : Calculs du staff de la Banque Mondiale en utilisant SUBSIM (simulations de subventions) 153 Annexe 9 : Accès et Adéquation à l'Eau et aux Services d'Assainissement en Tunisie Pour analyser les services WASH, le diagnostic de la Tunisie s'est basé sur des catégories issues du questionnaire MICS, qui propose des questions et des options cohérentes en termes d'accès et niveaux de services, en les regroupant en moins d'ensembles pour faciliter l'analyse. Ces catégories sont compatibles avec les définitions standards du Programme de Surveillance Commun OMS/UNICEF sur l'Approvisionnement en Eau et en Assainissement (tableau A9.1). Ainsi, les sources d'eau potable améliorée renvoient à une source d'eau potable ou un point d'approvisionnement d'eau qui par la nature de sa construction ou à travers une intervention active sont protégés de la contamination extérieure, en particulier de la contamination par des matières fécales. Elles comprennent : l'approvisionnement en eau potable courante dans les installations ; robinets publics / bornes-fontaines ; puits tubés / trou de forage ; puits creusé protégé ; source protégée ; et eau de pluie. Les installations sanitaires améliorées renvoient à celles qui séparent hygiéniquement les excréments humains de tout contact humain. Elles comprennent les types d'installations suivantes : toilettes à chasse d'eau ou à chasse manuelle reliées au réseau de canalisation, fosse septique, ou fosse ; latrine à fosse améliorée ventilée ; latrine à fosse avec dalle ; et toilette à compostage. Tableau A9.1. UNICEF 2011-12 Enquête à Indicateurs Multiples Eau MICS 2011/12 Groupements comparables Courante à domicile Courante aux installations Courante à la cour / parcelle de terrain Eau en bouteille Eau en bouteille Courante à partir du voisinage Courante au voisinage / public Robinet public / fontaine Puits tubé ou forage Puits tubé/forage Bien protégée à la cour Bien protégée / source Source protégée Eau de pluie Eau de pluie Puits non protégé à la cour Puits / sources non protégés Source non protégée Camion-citerne Camion-citerne / Charrette Charrette avec petit réservoir Autre Autre Rivière / barrage / lac / étangs / flux / canal / canal Eaux de surface d'irrigation 154 Assainissement MICS 2011/12 Groupements comparables Chasse vers canalisation d'égout Chasse vers canalisation d'égout Chasse vers fosse septique Chasse vers trou, fosse septique ou inconnu Chasse vers latrine à fosse Chasse on ne sait où Latrine à fosse améliorée ventilée Chasse manuelle, toilettes à compostage ou autre amélioré Latrine à fosse avec dalle Chasse vers un autre endroit Toilette à chasse / Latrine à fosse non améliorée Latrine à fosse sans dalle / fosse ouverte Seau hygiénique Seau hygiénique / WC suspendu Toilette / latrine suspendues Sans Autre Pas d'installation/buisson/champ Défécation en plein air La richesse des données recueillies dans l'enquête MICS permet une analyse très détaillée des services en eau et d'assainissement en Tunisie. En particulier, en combinant plusieurs questions, il est possible d'obtenir une meilleure image de l'adéquation des services d'eau et d'assainissement du pays. Ces taux d'adéquation peuvent mieux mesurer à quel point sont protégés les membres d'un ménage contre l'insécurité alimentaire due à de pauvres services WASH. Par exemple, l'accès à une source d'eau améliorée, sans accès à des services d'assainissement améliorés peut être aussi préjudiciable à la santé que de n'avoir à disposition qu'une source d'eau non améliorée. Le tableau A9.2 montre les taux de couverture pour plusieurs services WASH pris séparément, ainsi que les taux d'adéquation qui combinent les taux de couverture entre les services. Un ménage n'est considéré comme ayant des services WASH adéquats que lorsqu'il est couvert par un ensemble de services pertinents. Les groupes de la population exposés sont basés sur l'emplacement (urbain / rural), le statut de pauvreté (pauvres, non-pauvres), et la position relative dans la répartition des richesses (quartiles). Les premières lignes montrent des modèles avec des niveaux élevés d'eau améliorée et d'assainissement amélioré quand le pays est observé dans son ensemble, et parmi la population urbaine. Le profil de pauvreté plutôt que l'emplacement est un facteur prédictif de l'accès limité à des services améliorés d'eau ou d'assainissement. L'expérience montre que les populations urbaines pauvres ont tendance à avoir des taux d'accès beaucoup plus élevés que les populations rurales pauvres, et plus élevés que ceux vécus par la population rurale dans son ensemble. Un comportement crucial lié aux WASH observé dans le MICS est de savoir si les selles des enfants sont éliminées en toute sécurité. Ce comportement est de loin le moins fréquent parmi tous les 155 groupes de ménages analysés. Bien que l'échantillon complet montre un taux de 1,9 pour cent, les pauvres des zones urbaines semblent avoir le plus haut taux qui est de 5,6 pour cent, et le deuxième quartile a le plus faible taux avec 0,9 pour cent. Les trois dernières lignes du tableau A9.2 montrent différentes définitions de ce qui pourrait être considéré comme des services WASH adéquats. L'adéquation en vertu de la définition 1 comprend seulement l'accès à une eau améliorée, à des services d'assainissement améliorés, et un logement disposant de toilettes privées. La deuxième définition exige également l'élimination sécuritaire des selles des enfants. La troisième définition caractérise davantage un accès adéquat pour inclure une eau courante et un accès adéquat à l'assainissement comme étant relié à des canalisations et des fosses septiques. Sous la définition 1, seulement 76,5 pour cent des ménages tunisiens sont considérés comme ayant des services WASH adéquats, et la plupart des ménages avec des services inadéquats sont pauvres (46,5 pour cent d'adéquation) ou ruraux (54,5 pour cent d'adéquation). Il est à remarquer que, lorsque le comportement WASH est pris en compte, les taux d'adéquation chutent à près de zéro dans tous les groupes de ménages. Le groupe des pauvres en milieu urbain a le taux le plus élevé d'adéquation qui se situe à 3,8 pour cent, et le troisième quartile arrive en deuxième position avec 2,5 pour cent. Parmi toutes les autres catégories analysées, les taux d'adéquation sont à ou au-dessous de 2 pour cent. Tableau A9.2. Profils WASH : Incidence de l'Adéquation de l'Eau et des Services d'Assainissement par Groupes (%) Échantillon complet Urbain Rural Pauvre NP Pauvre Rural Pauvre Urbain Quartile 2 Quartile 3 Quartile 4 Toute eau améliorée 93.8 99.6 86.3 *** 84.7 97.8 *** 81.9 98.1 *** 94.2 *** 99.6 *** 99.6 Tout assainissement amélioré 93.2 99.6 84.9 *** 78.1 99.9 *** 74.2 96.2 *** 100.0 *** 100.0 99.6 Eau courante améliorée 54.9 62.7 44.7 *** 35.5 63.3 *** 29.0 66.0 *** 69.3 *** 73.6 46.2 *** Assainissement d'eaux usées et fausses 76.5 94.1 53.7 *** 43.5 91.0 *** 38.7 66.0 *** 81.3 *** 92.9 *** 98.7 *** septiques Toilettes non partagées 87.2 96.2 75.6 *** 64.1 97.4 *** 60.1 83.0 *** 94.7 *** 98.3 *** 99.1 Selles d'enfant éliminées en toute 1.9 1.8 2.1 *** 3.0 1.5 2.4 5.6 0.9 * 2.5 0.9 sécurité DEF 1 : Toute eau améliorée, tout assainissement amélioré, toilettes non 76.5 93.5 54.4 *** 46.5 89.7 *** 39.5 79.2 *** 79.1 *** 92.5 *** 97.3 *** partagées, pas de selles d'enfants considérées DEF 2 : Toute eau améliorée, tout assainissement amélioré, toilettes non 1.5 1.6 1.4 2.0 1.3 1.6 3.8 0.5* 2.5 * 0.9 partagées, et selles d'enfants éliminées en toute sécurité DEF # : Fausses septiques, eau courant améliorée, pas de toilettes partagées, et 1.0 1.6 2.3 *** 0.7 1.2 0.0 3.8 0.4 2.1 0.9 selles d'enfants éliminées en toute sécurité 156 Source : Estimations des auteurs sur la base de MICS 2011-12 Notes : Les quartiles sont basés sur la distribution d'un indice de richesse créé avec des informations portant sur possession d'actif. ***, ** et * renvoient à des niveaux de signification statistique de 1, 5, et 10 pour cent, respectivement, sur un test de moyens. Comme la définition d'un accès adéquat aux WASH devient encore plus restrictif et difficile à atteindre (par rapport à celle utilisée dans les tableaux 25 et 26 de l'analyse) - désormais, un accès adéquat aux WASH ne considère que les catégories d'eau courante, d'égouts et fosses septiques appropriés - un ménage répond rarement à un niveau d'accès adéquat. Ceci est particulièrement le cas chez les ménages ruraux. Cela implique que la réalisation de ce niveau d'adéquation n'a pas un effet statistiquement significatif sur l'amélioration de la nutrition chez les ménages analysés, car il est extrêmement rare qu'un tel état soit observé. Des synergies importantes sont également rares, et presque aucune corrélation significative n'émerge. Par contre, la satisfaction des adéquations autres que WASH devient statistiquement plus significative entre les différents échantillons considérés. Encore une fois, les adéquations alimentaires et de santé environnementales présentent des corrélations significatives sur l'amélioration de la nutrition, et suivent un modèle très similaire à celui rapporté dans le tableau A9.3. Tableau A9.3. Effets des adéquations en Alimentation, Santé, WASH, et Soins sur la Nutrition Infantile en Tunisie, 2011-12 (définition d'accès WASH adéquat 3) Non Quart1 Adéquations Complet Urbain Rural Pauvre pauvre Rural Adéquat en : WASH Seulement -0.631 -0.985 -1.024 0.430 [2.017] [2.036] [2.356] [3.450] Adéquat en : WASH et Santé seulement 0.763 0.273 3.817 2.039 0.467 3.856* [0.566] [0.602] [2.468] [1.707] [0.616] [2.245] Adéquat en : WASH et Soins et Santé seulement 0.895 0.374 1.687 0.697 [1.147] [1.368] [2.132] [1.176] Adéquat en : WASH et Soins et Alimentation et Santé seulement -1.542 -1.896 -1.740 [3.064] [3.088] [3.125] Adéquat en : Nourriture seulement 1.018* 1.380 0.751 0.251 1.576** 0.361 [0.595] [0.871] [0.812] [0.867] [0.792] [0.838] Adéquat en : Santé seulement 0.405** 0.020 0.835*** 0.214 0.313 0.328 [0.168] [0.232] [0.248] [0.275] [0.216] [0.296] Adéquat en : Soins seulement -0.248 -0.324 -0.033 -0.517 0.063 -0.407 [0.416] [0.688] [0.525] [0.575] [0.580] [0.561] Adéquat en : Soins et Nourriture seulement 0.245 0.580 0.228 0.674 -0.096 0.427 [0.724] [1.208] [0.902] [0.945] [1.064] [1.263] Adéquat en : Soins et Santé seulement -0.193 -0.655* 0.267 -0.149 -0.248 0.006 [0.241] [0.350] [0.331] [0.368] [0.311] [0.385] Adéquat en : Nourriture et Santé 0.201 -0.107 0.485 0.987* -0.126 0.926 157 seulement [0.299] [0.388] [0.479] [0.574] [0.357] [0.637] Adéquat en : Soins, Nourriture et Santé seulement 0.327 0.323 0.259 0.347 0.217 -0.022 [0.361] [0.491] [0.530] [0.662] [0.432] [0.692] Constante -0.318** 0.036 -0.687*** -0.616*** -0.120 -0.726*** [0.153] [0.216] [0.216] [0.227] [0.201] [0.241] Observations 988 548 440 306 682 254 R-carré 0.018 0.019 0.039 0.025 0.017 0.030 Source : Estimations des auteurs sur la base de MICS 2011-12 158 Références Abras, Ana, Alejandro Hoyos, Ambar Narayan, et Sailesh Tiwari. 2012. “Inequality of Opportunities in the Labor Market: Evidence from Life in Transition Surveys in Europe and Central Asia.” Mimeograph. 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