République Tunisienne Note de stratégie sectorielle relative au secteur des transports urbains République Tunisienne Note de stratégie sectorielle relative au secteur des transports urbains 12 février 2019 GTI05 MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD © 2017 The World Bank 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Téléphone: 202-473-1000; Internet: www.worldbank.org Droits réservés Le présent document est le produit du travail d’agents de la Banque mondiale. Les constatations, interprétations, et conclusions contenues dans le présent rapport n’engagent que ses auteurs et ne reflètent pas nécessairement les vues de Directeurs exécutifs de la Banque Mondiale ou des gouvernements qu’ils représentent. La Banque Mondiale ne garantit pas l’exactitude des données contenues dans ce rapport. Les frontières, couleurs, dénominations et toute autre dénomination figurant sur les cartes du présent rapport n’implique de la part de la Banque mondiale aucun jugement s’agissant du statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifie nullement que celle-ci reconnait ou accepte ces frontières. Droits et autorisations Le contenu de ce rapport fait l’objet d’un dépôt Legal. La Banque mondiale encourageant la diffusion de ses travaux, le présent rapport peut être reproduit en totalité ou en partie, à des fins non commerciales, pour autant qu’il soit fait mention de ses références complètes. Attribution—Le rapport doit être cité ainsi : “Banque Mondiale 2019. République Tunisienne, Note de stratégie sectorielle relative au secteur des transports urbains. © Banque mondiale.” Toute question sur les droits et licences, y compris les droits subsidiaires, doit être envoyée à l’adresse suivante : World Bank Publications, The World Bank Group, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, USA; fax: 202-522-2625; e-mail: pubrights@worldbank.org. Préface de son Excellence Monsieur Hichem BEN AHMED, Ministre du Transport Je tiens à remercier les responsables de la Banque Mondiale pour la préparation de cette note de stratégie sectorielle sur la politique des transports urbains. La présente note est d’ailleurs bien plus qu’une note stratégique sur le transport urbain, elle traite également I’impact du transport urbain sur le développement économique, social et écologique des villes. En raison de I’urbanisation rapide, le bon fonctionnement des transports urbains s’avère un élément indispensable au bien-être des citoyens et au développement urbain des villes qui s’insère dans un écosystème plus large. Les citoyens sont au cœur de tout système de transport urbain, qui doit être bâti à partir de leurs besoins quotidiens de déplacements. Ce document propose un train de mesures visant à améliorer la mobilité des citoyens et réduire le coût économique de la congestion, qui peut varier entre 2 et 3 % du PIB d’un pays. Les projets dans le secteur du transport, nécessitent certes un grand financement, mais sont d’importance nationale et offrent de nombreux avantages sur les trois axes du développement durable ; I’économique, le social et I’environnemental. Les prévisions en termes d’émissions de gaz à effets de serre (GES) sont particulièrement préoccupantes, d’où I’importance des politiques de transports pour la promotion du développement durable. Dans ce sens, la présente note examine la possibilité d’apporter des améliorations significatives en agissant sur les infrastructures, le matériel et les dispositifs en place. Cette note sectorielle a été préparée afin de promouvoir une approche à long terme de la mobilité urbaine qui doit s’étendre sur plusieurs domaines et conduire à des politiques englobant I’aménagement du territoire, I’urbanisme, les comportements et les modes de vie. Les autorités chargées du transport, de la planification territoriale et urbaine, de I’environnement et du développement économique et social doivent dès lors collaborer pour élaborer une approche globale de la mobilité urbaine. Pour ce faire, la présente note identifie les orientations suivantes : • Optimiser I’utilisation des réseaux et d’équipements de transport, • Revoir I’organisation des transports en privilégiant systématiquement le développement durable, • Utiliser le potentiel des nouvelles technologies et favoriser I’utilisation des modes doux, • Développer la multi-modalité offrant un transport plus durable, • Mettre en place un financement pérenne des transports publics urbains. Pour atteindre ces objectifs, le Ministère du transport vient d’engager une démarche pour I’élaboration d’une politique nationale de la mobilité. Tous les niveaux de gouvernance (local, régional et national) ont été impliqués dans cette démarche. L’accès à la mobilité pour tous devrait être I’un des principes fondamentaux à prendre en compte. Hichem BEN AHMED, Ministre du Transport Préface de Monsieur Tony Verheijen, Représentant résident de la Banque mondiale en Tunisie Elaborée en étroite concertation avec le Ministère du Transport, cette note de stratégie sectorielle sur le secteur des transports urbains fait un diagnostic du secteur, présente une vision pour les transports urbains fondée sur trois piliers (placer les citoyens au cœur du système de transport afin d’optimiser leur accès à l’emploi, l’éducation et la santé ; favoriser la croissance économique ; promouvoir des transports durables) et propose des mesures pour améliorer la situation. Cette note sectorielle a été rédigée par des experts de la Banque mondiale et a été rendue publique lors d’un atelier qui s’est tenu à Tunis le 12 février 2019. Pour sa préparation, une approche globale a été adoptée en essayant d’associer tous les acteurs intéressés au bon fonctionnement de la ville. En effet, le bon fonctionnement des transports urbains conditionne l’efficacité économique de la ville et la réussite des grandes politiques publiques que sont notamment la santé et l’éducation. A cet effet, tous les ministères et organismes concernés ont été associés ainsi que les professionnels du secteur et la société civile. Compte tenu de l’importance des villes que sont Tunis, Sfax et Sousse, le développement économique et social de la Tunisie nécessite un système de transport urbain performant et efficace. Un des messages clés de cette note est que parallèlement à la construction de nouvelles infrastructures, il importe d’optimiser l’utilisation des infrastructures, matériels et ressources existants. La note insiste également sur le fait qu’il est essentiel de placer les citoyens au cœur du système de transport urbain afin de penser les réalisations et améliorations à travers leurs besoins quotidiens. En outre, elle souligne le coût de l’inaction et l’urgence à agir car selon des études récentes, la congestion peut représenter chaque année de 3 à 5% du PIB d’un pays. La présente note s’inscrit dans le cadre des travaux menés entre l’État Tunisien et la Banque mondiale et notamment les priorités affichées dans l’accord de prêt sur l’investissement, la compétitivité et l’inclusion signé le 25 mai 2018, qui prévoit notamment d’accorder une plus grande place au secteur privé, de réduire les subventions sur les produits énergétiques, dont les carburants, et de réduire les barrières à l’importation. Tony Verheijen, Représentant résident de la Banque mondiale en Tunisie Remerciements La note de stratégie sectorielle sur le secteur des transports urbains a été préparée conjointement par le Ministère du transport de la République tunisienne et la Banque mondiale. L’équipe de la Banque Mondiale était composée de Mr. Thierry Desclos (Spécialiste senior en transport urbain), Mme. Kristine Panier (Économiste), Mme Clotilde Minster (Jeune Professionnelle), et Mme Elke- Esmeralda Dikoume (Consultante). Les auteurs voudraient exprimer leur gratitude aux représentants du Ministère du transport sous la direction de Son Excellence Mr. Hichem Ben Ahmed (Ministre), et Mr. Sassi Hammami (Secrétaire général), et notamment Mr. Frej Ali (Directeur général des transports terrestres) et Mr. Madani Mouldi (Directeur des études et du développement). Les auteurs tiennent également à remercier les personnes suivantes qui ont contribué à la revue de la note sectorielle : Mr. Jean-Charles Crochet (Consultant), Mr. Ziad Nakat (Spécialiste senior en transport), Mr. Benjamin Fouchard (Spécialiste senior en transport urbain), Mr. Franck Taillandier (Spécialiste senior en transport urbain), Mr. Moez Cherif (Économiste principale en énergie), Mr. Abdoulaye Sy (Economiste senior), Mr. Nabil Samir (Spécialiste en transport), Mr. Olivier Le Ber (Practice Manager), et Mr. Jafaar Sadok Friaa (Chargé du programme infrastructures et développement durable). Sommaire Sommaire vii Résumé ix Acronymes et abréviations xv Liste des graphiques xvi Liste des tableaux xvi Liste des encadrés xvi Avant propos et messages principaux xix Introduction 1 A.  Contexte et diagnostic du secteur 3 1.  Contexte général 3 1A.  Une croissance urbaine soutenue 3 1B.  Une congestion et une pollution croissantes 3 1C.  Une insécurité routière préoccupante 5 2.  Un cadre institutionnel et une organisation à adapter 6 2A.  Un cadre juridique à finaliser 6 2B.  Une organisation institutionnelle qui pourrait être rationalisée 8 2C.  Une coordination insuffisante des opérateurs de transports publics 11 2D.  Un financement des transports urbains à analyser et pérenniser 11 3.  Une utilisation sous-optimale des infrastructures 11 3A.  Un réseau de voirie et une gestion de la circulation et des parkings à améliorer 11 3B.  Une absence de plans de déplacements urbains préjudiciable 12 4.  Situation par modes de transport 12 4A.  Les modes de déplacement principaux 12 4B.  L’insuffisante offre de transports publics 13 I. Une offre de transport par bus insuffisante 13 II. Le transport scolaire et le transport à titre privé 15 III. Le transport par voie ferrée 16 IV.  Un transport artisanal qui se développe de façon insuffisamment coordonnée 16 4C.  Des déplacements non-motorisés difficiles 17 5. Des dépenses de déplacement représentant une part importante dans le budget des ménages 17 B.  La vision pour le secteur des transports urbains et la mobilité 18 1. Placer les citoyens au cœur du système de transport afin d’optimiser leur accès à l’emploi, l’éducation et la santé 18 2.  Favoriser la croissance économique 18 3.  Promouvoir des transports durables 19 vii C. Stratégie générale pour le secteur des déplacements urbains et principales mesures à mettre en œuvre 20   1.  Restructurer et développer l’offre de transport public 20   2.  Améliorer la coordination entre les acteurs institutionnels 22   3.  Placer les citoyens au cœur du dispositif de mobilité urbaine 25   4.  Optimiser la gestion du réseau de voirie, la circulation et le stationnement 27   5.  Clarifier la gouvernance des entreprises publiques 29   6.  Mettre en place un financement pérenne des transports urbains 29   7.  Favoriser l’accés des femmes aux services de transport 33   8.  Rendre les transports publics durables 33   9.  Déclarer la sécurité routière priorité nationale 33 10.  Favoriser le développement des modes doux et tirer le meilleur parti des nouvelles formes de mobilité 34 11.  Mettre en place des actions de formation sur les transports urbains et la mobilité 35 D.  Déclinaison et mise en œuvre de la stratégie 36 E. Annexes 37 1.  Liste de personnes rencontrées 37 2.  Résumé du rapport en anglais 39 viii République tunisienne Résumé La tunisie connaît un processus d’urbanisation, une augmentation rapide de la demande de mobilité, une augmentation de la motorisation et est confrontée à une congestion automobile croissante. Comme les villes sont les moteurs de la croissance économique, leur bon fonctionnement est un sujet majeur. Une étude récente de la Banque mondiale menée au Caire a mis en évidence que la congestion coûtait chaque année environ 3% du PIB du pays. Outre ces coûts de congestion, les coûts de la pollution et des accidents de la route seraient à ajouter à ce pourcentage. La Tunisie cherche à améliorer l’efficacité économique et sociale de ses villes en améliorant les conditions de transport des citoyens et des biens et pour atteindre cet objectif cherche à trouver le juste équilibre entre la construction de nouvelles infrastructures et l’optimisation de l’utilisation de celles qui existent. Le Ministère du Transport et la Banque mondiale ont convenu de préparer conjointement la présente note de politique sur les transports urbains afin d’identifier les problèmes, les besoins d’amélioration et les mesures d’amélioration à mettre en œuvre. Cette note se focalise sur les trois principales villes, Tunis, Sousse et Sfax pour lesquelles la question des transports urbains se pose en priorité. Cette note stratégique s’inscrit dans le cadre des priorités définies dans l’accord de prêt signé le 25 mai 2018 entre l’État tunisien et la Banque mondiale sur l’investissement, la compétitivité et l’inclusion, qui prévoit d’accroitre le recours au secteur privé, de réduire les subventions sur les produits énergétiques, dont les carburants et de réduire les obstacles à l’importation, notamment dans le secteur des transports. Contexte et diagnostic du secteur La Tunisie a connu une croissance démographique significative ces dernières années avec une augmentation de la population de 9 millions d’habitants en 2004 à près de 12 millions en 2018. Selon le recensement de 2014, la population urbaine s’élevait alors à 7,437 millions d’habitants, soit 67% de la population totale. D’ici 2044, les projections indiquent que la population urbaine tunisienne pourrait atteindre 14 millions. À mesure que l’urbanisation et l’étalement urbain s’intensifient, les besoins de mobilité des citoyens augmentent ainsi que la demande de transports publics efficaces. L’étalement spatial des villes et l’offre limitée des services de transport publics conduisent à l’utilisation fréquente des voitures particulières ce qui contribue à la croissance de la congestion. Ce phénomène est particulièrement significatif à Tunis et à Sfax. Le nombre de déplacements quotidiens des citoyens a cru fortement dans les villes tunisiennes, ainsi à Sfax, il a augmenté de 13% entre 2012 et 2015. Le parc de voitures est passé de 76 voitures pour mille habitant en 2008 à environ 91 pour mille en 2011 et le nombre de ménages possédant une voiture ou plus est passé de 21% à 27,2% entre 2004 et 2014. Bien qu’aucune donnée récente sur le coût de la congestion en Tunisie ne soit disponible, on peut l’estimer, à partir d’une étude sur la fiscalité menée en Tunisie en 1999, à environ 2% du PIB, pourcentage cohérent avec les comparaisons internationales. S’agissant de la pollution, le carburant diesel utilisé principalement en Tunisie contient 0,2% de soufre, ce qui est supérieur à la norme standard européenne de 0,1%. Le gouvernement tunisien a lancé un programme global de République tunisienne ix réforme des subventions visant, entre autres, à réduire les subventions sur le diesel afin de lutter contre la pollution. En réduisant la congestion et en améliorant les conditions de transport, les citoyens disposeront d’un meilleur accès à l’emploi, à l’éducation et aux services sociaux, ce qui permettra une réduction de la pauvreté et des inégalités sociales. Avec environ 1400 morts sur les routes chaque année, pour une population de 11,5 millions d’habitants, la Tunisie apparaît dans une situation très préoccupante au regard des comparaisons internationales, d’autant que ce chiffre n’a pas baissé depuis 10 ans. Le cadre juridique des transports urbains est posé par la loi n ° 2004-33 portant organisation des transports terrestres. Cette loi privilégie les transports en commun et encadre la création des Autorités Régionales Organisatrices des Transports Terrestres (AROTT). Leurs principales missions sont de coordonner les différents acteurs des transports urbains, organiser le transport urbain et régional des usagers, et de développer et suivre la mise en œuvre des plans directeurs régionaux des transports terrestres. Aucune AROTT n’a été mise en place à ce jour, mais des comités de préfiguration ont été créés à Sfax (2015) et à Tunis (2018). Au regard de l’organisation des transports urbains antérieure, la création des AROTT entraînerait un certain degré de décentralisation. Certaines fonctions resteraient cependant centralisées au niveau national, telles que la fixation des tarifs, la conclusion des contrats de concession et le financement. Au niveau national, l’organisation institutionnelle est largement fragmentée puisque six Ministères (Transport ; Equipement, Habitat et de l’Aménagement du territoire ; Affaires Locales et Environnement ; Finances ; Intérieur ; et Développement, de l’Investissement et de la Coopération Internationale) sont impliqués dans le domaine des transports urbains et la coordination entre eux apparaît parfois insuffisante. En outre, l’expertise nationale disponible dans les transports urbains semble limitée puisque seulement 10 personnes au Ministère du Transport travaillent sur les transports urbains. Cette fragmentation se retrouve au niveau métropolitain tant que les AROTT n’auront pas été mises en place, puisque aucune institution n’est responsable de la définition et du suivi de la mise en œuvre des stratégies des déplacements ni de la gestion des transports urbains. La mise en place des AROTT offre une opportunité d’accroître l’efficacité organisationnelle en clarifiant la responsabilité de chaque partie prenante. Les services des transports publics ne semblent pas être organisés de manière optimale et ne fournissent pas aux usagers une offre satisfaisante tant en quantité qu’en qualité. Divers opérateurs des transports, publics et privés sont en concurrence sur les axes les plus rentables au lieu de fonctionner en réseau, et les lignes de bus n’ont généralement pas été revues en fonction de l’évolution de la demande, qui est d’ailleurs mal connue. La plupart des opérateurs ont du mal à équilibrer leurs comptes en raison notamment de l’organisation non optimale des réseaux de transport et de leurs difficultés pour faire évoluer leurs tarifs. Les opérateurs privés, qui obtiennent plus facilement l’augmentation de leurs tarifs que le secteur public sont réticents a les augmenter car l’élasticité prix de la demande est à son maximum et aller plus loin pourrait inciter leurs passagers à se tourner vers les taxis, souvent informels, qui assurent du fait de leurs prix peu élevés, un rôle de quasi transport public. Le gouvernement est fortement impliqué dans le financement des infrastructures et le renouvellement des équipements. S’agissant du fonctionnement, outre le financement des x République tunisienne transports scolaires (435 millions de dinars en 2017), qui représentent des montants significatifs, le gouvernement ne subventionne pas les transports urbains. Une comptabilité analytique précise serait nécessaire pour connaître précisément les montants que le gouvernement doit compenser aux opérateurs. Le réseau de voirie urbaine n’est pas adapté aux besoins de transport en termes de capacité, de structure et de gestion des intersections. Les voies principales ont une capacité insuffisante, ce qui favorise la congestion aux heures de pointe. Le réseau routier dans les principales villes n’est pas suffisamment hiérarchisé et peu d’aménagements en faveur des modes de transport autre que la voiture existent. La manière dont l’espace public est partagé est défavorable aux piétons et aux modes non-motorisés et aucune politique globale en matière de stationnement n’existe tant pour optimiser l’utilisation des espaces publics que promouvoir l’utilisation des transports en commun. A Tunis et Sfax, cela se traduit par une saturation très visible du stationnement sur rue. Les données sur les déplacements et la demande de transport sont rares et la préparation ou l’actualisation de PDU permettrait de combler cette lacune. À Sfax, plus d’un tiers des déplacements motorisés se font en voiture ou en taxi. Des données précises ne sont pas disponibles pour Tunis et Sousse, mais on peut estimer que les parts modales sont assez similaires. Les transports publics représentent aujourd’hui environ 30% de la part modale des Transports motorisés à Tunis et les véhicules privés 70%. Au milieu des années 1970, ces pourcentages étaient inverses. L’offre de bus est insuffisante dans la plupart des grandes villes et ne répond ainsi pas aux besoins de la population, tant en quantité qu’en qualité. Le ratio habitants/bus a diminué depuis 2014 à Tunis et à Sousse et le transport par bus ne remplit par conséquent pas le rôle clé qu’il remplit habituellement dans les pays en développement. La plupart des opérateurs de transport urbain en Tunisie sont des entreprises publiques, telles que la Société des transports de Tunis (TRANSTU). Quelques opérateurs privés ont été autorisés à opérer dans le cadre d’une délégation de service public (concession) avec une offre de service voulue par les pouvoirs publics différente (place assise obligatoire). Les services de transport scolaire sont assurés uniquement par des opérateurs publics et les passagers n’acquittent qu’une faible part du prix du billet, les pouvoirs publics compensant les opérateurs. De nombreux opérateurs publics sont en sureffectif, ce qui contribue à leur difficulté d’équilibrer leurs comptes. Jusqu’en 2009, les opérateurs privés équilibraient leurs comptes mais ils ont depuis atteint la limite d’élasticité-prix par rapport aux tarifs des taxis. Le transport ferroviaire urbain, disponible uniquement à Tunis et au Sahel (Sousse, Monastir, et Mahdia) est assuré par la Société nationale des chemins de fer tunisiens (SNCFT), et a transporté 45 millions de passagers en 2017. À Tunis, le projet de réseau ferroviaire rapide (RFR), qui prévoit la création de 5 lignes desservant les zones urbaines, a pris un retard significatif. Pour répondre à la demande de transport, un nouveau mode, le “taxi collectif”, pouvant transporter jusqu’à 9 personnes, a été introduit en 1989 à Tunis, et au 31 décembre 2017, environ 2000 licences avaient été accordées. Depuis 2011, les taxis collectifs illégaux se sont développés et représentent à peu près le même nombre de véhicules que ceux dûment autorisés. Les modes de déplacements non-motorisés tels que la marche et le vélo, sont difficiles dans les villes tunisiennes en raison d’infrastructures souvent inadéquates, de comportements inciviques (trottoirs utilisés comme parking) et des embouteillages qui rendent les rues difficiles à traverser. République tunisienne xi Les dépenses de transport représentent une part assez importante des dépenses des ménages (10%), même si ce montant est inférieur à ce qui peut être constaté dans d’autres pays, mais il doit être considéré en fonction de la qualité du service offert. La vision pour le secteur des transports urbains La vision du transport urbain est (i) de placer le citoyen au cœur du système de transport en créant et en organisant les services en fonction de ses besoins, (ii) de rendre les villes plus vivables et (iii) économiquement efficaces. Le système de transport doit s’articuler autour de ces trois piliers : 1. Placer les citoyens au cœur du système de transport afin d’optimiser leur accès à l’emploi, l’éducation et la santé. L’objectif est de mettre en place un système de transport public intégré, fiable et abordable, basé sur les besoins des citoyens, en accordant une attention particulière aux populations ayant des besoins spécifiques tels que les femmes, les enfants, les personnes handicapées, . . . 2. Favoriser la croissance économique. Les villes étant les moteurs de la croissance économique, l’amélioration des conditions de transport est essentielle pour accroître leur efficacité économique. 3. Promouvoir des transports durables. L’objectif est de privilégier les transports publics collectifs et de mettre en place un système de transport respectueux de l’environnement. Stratégie générale pour le secteur des déplacements urbains et principales mesures à mettre en œuvre 1. Restructurer et développer l’offre de transport public. Dans les villes tunisiennes exami- nées, l’offre de services de transport public, qu’il s’agisse de bus ou de train, ne répond pas aux besoins et n’a pas évolué avec la demande. Les réseaux devraient être restructurés et adaptés aux besoins des citoyens pour faciliter les déplacements, lutter contre la congestion et offrir des conditions de transport de qualité. Les rôles respectifs des bus et des taxis devraient être réé- valués et l’intégration tarifaire et physique encouragée. Les projets tels que le Réseau ferroviaire rapide (RFR) et le Tram de Sfax de Tunis devraient être réalisés dans les meilleurs délais. 2. Améliorer la coordination entre les acteurs institutionnels. La coordination entre les acteurs devrait être améliorée tant au niveau national que local. Au niveau national, le Comité national des grands projets (CNGP) pourrait jouer ce rôle et devrait se réunir deux fois par an pour décider des grands projets d’infrastructure. Pour éclairer les décisions, un Observatoire national des transports terrestres pourrait être mis en place. Au niveau local, des Autorités organisatrices des transports devraient être mises en place dans les principales villes afin de disposer d’un centre de décision unique. Afin de les rendre légitimes et crédibles rapidement, elles devraient peu après leur création mettre en œuvre un projet tel qu’un réseau de bus rapide et présenter des résultats tangibles à la population. Un responsable des Autorités organisatrices pourrait être placé auprès du Chef du gouvernement pour coordonner leur mise en œuvre. Pour mieux planifier, organiser et coordonner les différents modes de transport urbain, des PDU devraient être disponibles dans les principales villes. 3. Placer les citoyens au cœur du système de transport afin d’optimiser leur accès à l’emploi, l’éducation et la santé. L’objectif central devrait être de mettre en place un système de transport durable permettant aux citoyens, quelle que soit leur catégorie sociale, de répondre à leurs besoins xii République tunisienne de transport de manière respectueuse de l’environnement et économiquement efficace. Les citoyens pourraient être davantage associés aux décisions d’investissement et à l’évaluation des services fournis. 4. Optimiser la gestion du réseau de voirie, la circulation et le stationnement. L’optimisation de l’utilisation du réseau routier existant constitue une première étape dans le bon fonctionnement des transports publics et un moyen peu couteux d’améliorer la congestion. A cette fin, des plans de circulation et de stationnement devraient être disponibles pour chacune des principales villes. Les plans de circulation définiraient la hiérarchie des voies et celles réservées au transport en commun. Un centre de gestion du trafic performant devrait exister à Tunis. Le stationnement payant devrait être conçu afin d’encourager les citoyens à utiliser les transports en commun et générer des revenus pour le secteur des transports. 5. Clarifier la gouvernance des entreprises publiques. Les relations entre l’État et les entreprises publiques de transport devraient être clarifiées pour faire face aux déficits qui s’accumulent et améliorer la performance globale. Redimensionner les entreprises publiques pour adapter leur taille à la mission qui leur est confiée apparait urgent. Des contrats objectifs résultats (COR) pourraient être établis pour les doter d’une feuille de route sur les objectifs, les résultats et la qualité de service attendus. L’État devrait également permettre aux entreprises publiques de gérer leurs tarifs de façon plus autonome, ou a tout le moins leur assurer une indexation de ceux-ci sur l’inflation, et les compenser intégralement s’agissant des tarifs scolaires. Un programme de restructuration des opérateurs et de mise à niveau du parc doit être envisage. Cette mise à niveau pourrait passer par un fonds de restructuration. 6. Mettre en place des mécanismes de financement durables pour les transports urbains. Optimiser la situation existante. Préalablement à la recherche de nouvelles sources (i)  de financement, déterminer si les infrastructures et matériels existant sont utilisés de manière optimale constitue une première étape. Les Ministères du Transport et des Finances pourraient également examiner si l’achat ou l’utilisation de véhicules privés ne bénéficient pas d’incitations qui pourraient être réaffectées au financement des transports publics. Centraliser les ressources financières des transports urbains. La création d’un Fonds (ii)  national du transport urbain (FNTU) pourrait être étudiée afin d’affecter certaines ressources au financement des transports. La participation du FNTU au financement de projets locaux pourrait être conditionnée par l’existence dans la ville d’un PDU ou par la création d’une autorité de transports. Considérer de nouvelles sources de financement. Afin que les bénéficiaires indirects (iii)  des infrastructures de transport publics contribuent au financement, certaines taxes existantes pourraient éventuellement être augmentées (taxes sur les carburants, taxes d’immatriculation, vignettes, . . . ) Une étude pourrait être conduite afin de recenser les ressources qui pourraient être mobilisées. (iv)  Optimiser la participation de l’État. Le gouvernement pourrait réaliser une étude pour analyser si les subventions versées aux opérateurs pour compenser le transport scolaire peuvent être optimisées. République tunisienne xiii Accroître la participation du secteur privé au développement de l’offre. Le recours aux (v)  partenariats public-privé (PPP) pourrait être développé en complément du financement public. Des contrats de délégation de service public (DSP) encadreraient la relation entre le gouvernement et les opérateurs. Favoriser l’accès des femmes aux services de transport. Les opérateurs de bus et de (vi)  train pourraient être incités à recruter des femmes dans le domaine de l’exploitation ou leur nombre est faible. Par ailleurs, l’amélioration du confort et de la sécurité dans les bus et les trains devrait être une priorité, tout comme la présence de contrôleurs et l’installation de caméras de sécurité afin d’inciter les femmes à utiliser les transports publics. 7. Afin de rendre les transports publics plus durables, la flotte de bus devrait être conforme à la norme Euro 4 ou à des normes supérieures, dans un délai de 3 ans. Le développement de véhicules électriques et hybrides pourrait être favorisé par des incitations fiscales, en particulier en ce qui concerne les transports publics. 8. Compte tenu du nombre élevé de décès sur la route, la sécurité routière devrait être déclarée priorité nationale et, pour souligner ce fait, le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) placé auprès du Chef du gouvernement et se réunir au moins deux fois par an. Un Délégué interministériel à la sécurité routière (DISR) serait nommé et placé auprès du Chef du gouvernement pour coordonner les actions. 9. Promouvoir le développement de modes de transports non-motorisés et tirer le meilleur parti des nouvelles formes de mobilité. En autorisant de nouvelles formes de mobilité, telles que l’autopartage, les nouvelles technologies peuvent contribuer à réduire les problèmes de congestion. Les Ministères du Transport et de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire pourraient, à l’instar d’autorités de transport européennes, et en attente de la mise en place d’autorités de transport en Tunisie, suivre cet exemple. Les modes non-motorisés, tels que la marche et le vélo, pourraient être encouragés par la création d’infrastructures dédiées. Une attention particulière devrait être accordée à l’amélioration des services pour les personnes à mobilité réduite. 10. Organiser des formations sur les transports urbains. Un besoin important de formation en transport urbain existe en Tunisie. Des sessions du programme de formation de la Banque mondiale « Leaders in Urban Transport Planning » (LUTP) pourraient être organisées. xiv République tunisienne Acronymes et abréviations AO Autorité de Transport AROTT Autorité Régionale Organisatrice des Transports Terrestres ATTT Agence Technique des Transports Terrestres BHNS Bus à Haut Niveau de Service BRT Bus Rapid Transit (Système de bus rapide à grande capacité en site propre) DISR Délégué Interministériel à la Sécurité Routière DSP Délégation de Service Public DGTT Direction Générale des Transports Terrestres ISTL Institut Supérieur du Transport et de la Logistique de Sousse FNTU Fonds National du Transport Urbain GES Gaz à Effet de Serre ONSR Observatoire National de la Sécurité Routière PDU Plan de Déplacements Urbains PIB Produit Intérieur Brut PPP Partenariat Public-Privé RFR Société du Réseau Ferroviaire Rapide de Tunis RGPH Recensement Général de la Population et de l’Habitat SDAU Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme SNCFT Société Nationale des Chemins de Fer Tunisiens SNTRI Sociéte˝ Nationale de Transports Interurbains SORETRAS Société Régionale de Transport du Gouvernorat de Sfax STC Société de Transports Collectifs TCSP Transport en Commun en Site Propre TCV Transport en Commun de Voyageurs TRANSTU Société des Transports de Tunis (STT) TUS Société de Transport Urbain et Suburbain TUT Société des Transports Urbains de Tunisie TVA Taxe sur la Valeur Ajoutée VT Versement Transport République tunisienne xv Liste des graphiques Répartition des émissions de GES imputables à l’énergie utilisée par Graphique 1.  secteur émetteur (2014) 4 Graphique 2. Nombre de morts par accidents de la route pour 100 000 habitants (2016) 6 Graphique 3. Répartition par mode – Ensemble des déplacements à Sfax (2012) 13 Graphique 4. Erosion de la part de marché des transport publics dans le Grand Tunis 15 Graphique 5. Montants relatifs des tarifs étudiants par rapport au plein tarif (2018) 15 Graphique 6. Evolution des postes de dépenses dans le budget des ménages entre 1990 et 2015, en % 17 Liste des tableaux Population en 2014 et projections pour 2016 et 2021 Tableau 1.  3 Tableau 2. Prix des carburants en 2014 et 2018 5 Tableau 3. Evolution du nombre d’accidents routiers (2009–2017) 5 Tableau 4. Evolution du nombre d’accidents par secteur (2012–2017) 6 Tableau 5. Répartition des responsabilités entre les différents intervenants 9 Tableau 6. Bénéficiaires de tarifs réduits ou de la gratuité des transports 16 Liste des encadrés La réforme du transport urbain à Séoul Encadré 1.  21 Encadré 2. La mise en place des autorités de transports dans le monde 23 Encadré 3. Scénario de mise en place de l’AO de Tunis 24 Encadré 4. La communication lors de la préparation du projet de BRT à Ahmedabad 26 Encadré 5. Au niveau international, un recours croissant aux opérateurs de bus privés 30 Encadré 6. L’organisation institutionnelle de la sécurité routière en France 34 xvi République tunisienne Source : Banque mondiale République tunisienne xvii Avant propos et messages principaux Les villes sont le moteur de la croissance économique et la mobilité urbaine en est la courroie de transmission. L’enjeu du bon fonctionnement des transports dans les villes s’avère par conséquent de taille pour les États car il conditionne la réalisation de leurs politiques stratégiques en matière sociale d’accès à l’emploi, l’éducation, à la santé, à la culture, aux loisirs . . . Il conditionne également la mise en œuvre de certaines de leurs politiques internationales comme la lutte contre le changement climatique. Pour les institutions internationales telles que la Banque mondiale, le bon fonctionnement des transports urbains est un rouage essentiel pour mener à bien ses objectifs de réduction de la pauvreté et de prospérité partagée. Il est également un vecteur majeur pour faire progresser la situation des femmes au regard de l’emploi et de l’intégration sociale, mais également pour avancer sur l’agenda climat. Pour toutes ces raisons, outre les Ministères chargés des transports et des Infrastructures, plusieurs autres Ministères (Finances, Santé, Education, . . . ) sont concernés et intéressés par le bon fonctionnement des transports urbains puisqu’ils représentent un outil essentiel permettant la mise en œuvre de leurs politiques. Il importe donc de les associer et d’intégrer leurs problématiques lors de la prise de décision. Le coût de l’inaction en la matière peut s’avérer particulièrement élevé. Une étude récente de la Banque mondiale menée au Caire a mis en évidence que la congestion coûtait chaque année environ 3% du PIB du pays. En Tunisie, on peut estimer, en extrapolant à partir d’une étude sur la fiscalité menée en 1999, ce chiffre à environ 2% du PIB. Outre ces coûts de congestion, les coûts de la pollution et des accidents de la route seraient à ajouter à ce pourcentage. La congestion a également pour effet d’augmenter les coûts de fonctionnement des services de transport en allongeant notamment les temps de trajet et du coup la consommation de carburant des véhicules. Un message central de cette note de stratégie sectorielle est qu’il convient de mettre le citoyen au cœur du système de transport et de penser les modifications et améliorations à y apporter à partir de ses besoins quotidiens. Il convient à cet effet de maximiser l’impact positif pour les citoyens des ressources allouées et des infrastructures disponibles. Les messages principaux de la note de politique sectorielle 1. Optimiser l’utilisation des infrastructures, des matériels et des ressources existantes L’optimisation de l’utilisation des moyens et ressources existantes constitue une première étape dans le bon fonctionnement des transports urbains et un moyen modérément coûteux d’améliorer la situation. L’optimisation de la coordination au niveau national et local (mise en place d’autorités de transports, meilleure coordination entre les ministères s’agissant de la planification des infrastructures sur la base de plans multimodaux intégrés acceptés par tous les acteurs), ainsi que l’optimisation de l’utilisation des infrastructures (mise en place de plans de circulation et de stationnement) peut permettre d’améliorer significativement la situation existante. Il importe de disposer d’une comptabilité analytique afin d’analyser les subventions versées aux opérateurs pour compenser le transport scolaire. Il est également essentiel de République tunisienne xix disposer de mécanismes de participation de la société civile pour mieux l’associer à la conception des stratégies et des projets ainsi qu’à l’évaluation des résultats. Dans le même esprit la gouvernance des entreprises publiques doit être clarifiée et optimisée (mise en place de contrats objectif résultat) afin d’optimiser les ressources disponibles. Restructurer et développer l’offre de transport L’offre de services de transport public, qu’il s’agisse de bus ou de train, n’est pas dimensionnée pour répondre aux besoins des citoyens et n’a pas évolué avec la demande. Or, les citoyens ont besoin d’une offre de transport fiable et accessible financièrement. Le développement de l’offre implique au préalable de réexaminer les lignes et services existants afin de voir s’ils correspondent aux besoins. Les réseaux doivent être restructurés et adaptés aux besoins des citoyens pour faciliter les déplacements, lutter contre la congestion et offrir des conditions de transport de qualité. Les rôles respectifs des bus et des taxis devraient être réévalués et l’intégration tarifaire et physique encouragée. Les projets tels que le réseau ferroviaire rapide (RFR) à Tunis ou le tram de Sfax doivent être réalisés sans tarder et la mise en place d’un système de bus rapides sur voie dédiée (BRT/BHNS) envisagée. L’expérience internationale montre qu’afin de donner rapidement une crédibilité aux Autorités de transport (AO), il est souhaitable que les usagers puissent visualiser rapidement une réalisation améliorant la situation en matière de transports urbains suite à leur création. 2. Mettre en place un financement pérenne des transports urbains Une étude pourrait être conduite afin de recenser les ressources qui pourraient être mobili- sées pour le transport urbain. Afin que les bénéficiaires directs des infrastructures de transport contribuent au financement des transports publics, certaines taxes existantes pourraient éven- tuellement être augmentées (taxes sur les carburants, taxes d’immatriculation, vignettes, . . . ). Les Ministères du Transport et des Finances pourraient également examiner si l’achat ou l’utili- sation de véhicules privés ne bénéficient pas actuellement d’incitations à l’achat ou l’utilisation de véhicules individuels qui pourraient être réaffectées au financement des transports publics. Le recours au secteur privé via le PPP est à encourager. 3. Utiliser tout le potentiel des nouvelles technologies et favoriser l’utilisation des modes doux Les nouvelles technologies offrent des possibilités de mobilité optimisées, voire permettent d’éviter des déplacements, qui peuvent contribuer à régler, au moins partiellement, les problèmes rencontrés actuellement. A ce titre elles doivent être encouragées par les pouvoirs publics. Il en va de même de l’utilisation des modes doux tels que la marche ou le vélo. 4. Rendre les transports publics plus durables Afin de rendre les transports publics plus durable, l’ensemble du parc de bus devrait être amené à respecter la norme Euro 4 ou des normes supérieures, à l’horizon de 3 ans et le développement de véhicules électriques et hybrides favorisé. xx République tunisienne Introduction La tunisie est confrontée à des mutations profondes liées notamment à l’urbanisation. Ces changements se traduisent par une croissance rapide de la demande de déplacements et de la motorisation et ont un impact direct sur l’organisation et le développement des villes. Parallèlement, les vicissitudes récentes de son histoire ont pu être préjudiciable à la bonne organisation de ses services publics, dont ses services de transports. Dans les pays en développement, comme dans les pays développés, les villes, où les habitants sont confrontés à une congestion croissante, sont le moteur de la croissance économique. Une étude de la Banque mondiale réalisée en Egypte pour la ville du Caire, indique que la congestion au Caire peut représenter 3 à 4% du PIB du pays. Par ailleurs, des études indiquent que dans l’Union européenne, le coût en serait d’environ 2% du PIB. L’enjeu s’avère de taille et le « coût de l’inaction » particulièrement élevé. La congestion a également pour effet d’augmenter les coûts de fonctionnement des services de transport en allongeant notamment les temps de trajet. Une publication de la Banque mondiale évoque des surcoûts de 10% pour Rio de Janeiro et 16% pour Sao Paulo.1 Outre les coûts induits par la congestion, d’autres coûts liés aux transports sont à prendre en compte. Le coût de la pollution atmosphérique a été estimé comme pouvant atteindre 2% du PIB dans de nombreux pays, voire 10% du PIB dans certaines villes. S’agissant du coût économique des accidents de la route, il peut représenter de 1 à 2% du PIB de certains pays en développement et les zones urbaines en représentent souvent plus de la moitié. L’enjeu du bon fonctionnement des transports dans les villes, et des villes grâce aux transports, s’avère par conséquent de taille pour les citoyens car il conditionne leur accès à l’emploi, l’éducation, la santé, aux loisirs . . . Pour les institutions internationales telles que la Banque mondiale, le bon fonctionnement des transports est un rouage essentiel pour mener à bien les objectifs de réduction de la pauvreté et de prospérité partagée. La Tunisie vise à accroître l’efficacité économique et sociale de ses villes en améliorant les conditions de transport des personnes et des biens et en réduisant la congestion. Afin d’atteindre cet objectif, elle s’efforce de trouver le bon équilibre entre la construction de nouvelles infrastructures et l’optimisation de celles qui existent par l’amélioration des services de mobilité et d’aspects « immatériels » tel que la coordination entre les différents acteurs des transports urbains (service de l’État, municipalités, opérateurs de transports, . . . ). L’objectif poursuivi à travers l’amélioration du système de transport consiste à réduire la pauvreté et les inégalités sociales en facilitant l’accès aux opportunités des populations les plus défavorisées. Dans ce contexte, le Ministère du Transport et la Banque mondiale ont convenu que la Banque mondiale prépare la présente note de stratégie sur la politique des transports urbains. La présente note a pâti dans sa préparation de l’absence de statistiques récentes dans le domaine des transports et de ce fait s’est focalisée sur les trois villes principales de Tunis, Sousse et Sfax qui ont pu faire objet d’une mission et pour lesquelles certaines données, bien 1 Gwilliam, K. M. Cities on the Move: A World Bank Urban Transport Strategy Review. Washington, DC: Banque mondiale, 2002. Consulté le 16 novembre, 2018. https://elibrary.worldbank.org/doi/abs/10.1596/0-8213-5148-6. République tunisienne 1 qu’incomplètes, existent. En outre, la question du transport urbain se pose principalement dans ces trois villes. Le parti a été pris de ne pas spécifiquement traiter du transport de marchandises qui bien qu’il représente une part importante du trafic en ville obéit à des règles et un système de régulation différents des transports urbains. La note de stratégie s’inscrit dans le cadre des priorités affichées dans l’accord de prêt signé entre l’État Tunisien et la Banque mondiale sur l’investissement, la compétitivité et l’inclusion, le 25 mai 2018, qui prévoit notamment d’accorder une plus grande place au secteur privé, de réduire les subventions sur les produits énergétiques, dont les carburants, et de réduire les barrières à l’importation. 2 République tunisienne A. Contexte et diagnostic du secteur 1. Contexte général 1A. Une croissance urbaine soutenue La Tunisie a connu une croissance de la population urbaine assez forte dans les années récentes avec un taux d’accroissement estimé à 4% de 1996 à 2004, avec un infléchissement à 1,46% de 2000 à 2004. Elle est ainsi passée de 9 millions d’habitants en 2004 à 11 582 075 en 2018. Selon le recensement de 2014, la population urbaine s’élevait à 7,437 millions d’habitants, soit 66,7% de la population totale. Les projections de croissance urbaine indiquent qu’en 2044, la population urbaine pourrait atteindre 14 millions d’habitants. Le taux de croissance démographique est actuellement de 1,2% et les prévisions d’augmentation de la population dans les trois plus grandes villes tunisiennes s’établissent ainsi. Tableau 1.  Population en 2014 et projections pour 2016 et 2021 Variation (%) entre Ville 2014 2016 2021 2014 et 2021 Grand Tunis 2 649 610 2 754 101 3 002 093 +13.30% Sousse 676 481 708 050 786 929 +16.33% Sfax 957 559 983 874 1 047 538  +9.40% Total 4 283 650 4 446 025 4 836 560 +12.91% Source : Statistiques Tunisie (Juillet 2015) 2 1B. Une congestion et une pollution croissantes L’étalement spatial des villes et l’offre limitée des services de transports publics conduisent à l’utilisation fréquente des voitures particulières, ce qui contribue à la croissance de la congestion et de la pollution. Les villes de Sfax et Tunis apparaissent à cet égard les plus concernées par ces deux externalités. Par ailleurs, les taux de mobilité des habitants ont crû fortement dans les villes tunisiennes. Ainsi à Sfax, on compte 2,3 déplacements moyen par jour et par habitant, soit une augmentation de 0,8% par an depuis 1984. Dans cette même ville, le nombre de déplacements motorisés a crû de 13% de 2012 à 2015. Le parc de voitures particulières a augmenté, passant de 76 voitures pour mille habitants en 2008 à 91 voitures pour mille en 2011. La tendance à l’équipement des ménages en véhicules de transport se poursuit, le nombre de ménages possédant une voiture est ainsi passé de 21% à 27,2% entre 2004 et 2014. Cette évolution, si elle se prolonge, s’avère préoccupante s’agissant de l’évolution de la congestion. 2 Statistiques Tunisie. Les Projections De La Population 2014–2044. Rapport. Statistiques Tunisie, 2015. République tunisienne 3 S’agissant du coût de la congestion, il n’existe pas de statistiques récentes sur le sujet. Une extrapolation à partir d’une étude sur la fiscalité réalisée en 1999, aboutirait pour la Tunisie à un chiffre de l’ordre de 2% du PIB, ce qui est cohérent avec les exemples internationaux. Pour ce qui concerne la pollution, les données disponibles indiquent que la part du secteur des transports dans les émissions de GES, est significative (figure 1) et par voie de conséquence, les coûts en matière de santé publique, bien que non chiffrés, sont certains. Graphique 1.  Répartition des émissions de GES imputables à l’énergie utilisée par secteur émetteur (2014) Industries Manufacturères et Consruction 18% Transport 26% Industries Autre secteurs énergétiques 14% 33% Emission Fugitives 9% Source : Convention cadre des nations unies sur les changements climatiques (2014)3 Deux types de gasoil sont utilisés en Tunisie, le gasoil HTS (Diesel 50) (2000 ppm) contenant 0,2% de soufre, qui n’est plus utilisé en Europe, qui représente 85% de la consommation et le gasoil TBTS (Diesel) (10 ppm) contenant 0,001% de soufre, qui répond à la norme Euro 5/V et est disponible depuis avril 2017. Il représente 15% de la consommation. Le gasoil utilisé principalement en Tunisie a une teneur en soufre et en plomb, supérieur aux normes européennes de 0,10ppm (directive 98/70/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 concernant la qualité de l’essence et des carburants diesels). En outre, ce carburant est moins cher à la pompe car davantage subventionné, comme le fait apparaitre le tableau 2 ci-après. Le parc d’autobus circulant en Tunisie répond à la norme Euro 3, alors que dans l’Union européenne, les bus utilisés respectent des normes plus élevées (de 4 à 6). Le gouvernement tunisien a lancé un programme global de réforme des subventions qui vise notamment à réduire les subventions sur le carburant et l’électricité. Le tableau 2 fait apparaitre, sur la période 2014–2018, une réduction globale du montant des subventions. Il convient toutefois de noter que depuis 2016, celle-ci résulte en grande partie de la baisse du prix du pétrole brut au niveau international. Un renversement de tendance pourrait avoir des conséquences significatives sur les finances publiques. 3 Convention cadre des nations unies sur les changements climatiques. Premier Rapport Biennal De La Tunisie. Rapport. 2014. 25. Consulté le 16 novembre, 2018. https://unfccc.int/resource/docs/natc/tunbur1_fre.pdf. 4 République tunisienne Tableau 2.  Prix des carburants en 2014 et 2018 2014 2018 Prix Prix Coûts réglementé Prix Subvention Coûts réglementé Prix Subvention récupérés (millimes) (millimes) (millimes) récupérés (%) (millimes) (millimes) (millimes) (%) Pétrole 1 670 2 064 394 80.9 1 750 1 949 199 89.8 Diesel 50 1 500 1 830 330 82 1 510 1 740 230 86.8 Diesel 1 250 1 749 499 71.5 1 230 1 462 232 84.1 GPL (en 569 1 900 1 331 30.0 569 1 593 1 024 35.7 bouteille) GPL 1 317 2 036 719 64.7 1 317 1 810 493 72.8 (en vrac) Kérosène 810 1 738 928 46.6 810 1 429 619 56.7 Pétrole 510 1 138 628 44.8 510 994 484 51.3 lourd Source : Banque mondiale4 1C. Une insécurité routière préoccupante Avec environ 1500 décès sur les routes chaque année pour une population de 11.5 millions d’habitants, la situation de la Tunisie apparait très préoccupante au regard des comparaisons internationales. Tableau 3.  Evolution du nombre d’accidents routiers (2009–2017) Année Nombre d’accidents Nombre de décès Nombre de blessés 2009 9 281 1 380 13 050 2010 8 924 1 208 12 495 2011 8 466 1 485 12 595 2012 9 351 1 623 14 144 2013 8 878 1 505 13 539 2014 7 971 1 565 12 354 2015 7 225 1 407 10 882 2016 7227 1443 11 035 2017 6972 1369 10 415 Source : EGIS-International et IDEACONSULT. (2017)5 La série statistique ci-dessus indique clairement que la situation ne s’améliore pas s’agissant du nombre de décès, ce qui laisse à penser que le dispositif législatif et réglementaire existant devrait sans doute être révisé. 4 Banque mondiale. Tunisia Public Expenditure Review - Social Safety Nets, Draft Chapter Summary. PPT. Banque mondiale, May 2018. 5 EGIS-International and IDEACONSULT. PDNT Tunisie à l’Horizon 2040 : Phase A - Diagnostic de la situation actuelle – Sécurité du transport routier et ferroviaire. Report. April 2017, p. 9 République tunisienne 5 Tableau 4.  Evolution du nombre d’accidents par secteur (2012–2017) Milieu 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Urbain 6137 66% 5737  65% 4945  62% 4598  64% 4771  66% 4576  66% Rural 3214 34% 3141  35% 3026  38% 2627  36% 2456  34% 2396  34% Total 9351 100% 8878 100% 7971 100% 7225 100% 7227 100% 6972 100% Source : Statistiques Tunisie (2018)6 En 2016, les accidents en milieu urbain représentaient 66% du total des accidents de la route. Ce pourcentage est stable dans le temps. Ainsi en 2017, le nombre de décès à Tunis s’est élevé à 134 et à Sfax à 128. Comme indique dans le graphique 2 ci-dessous, si la Tunisie a des résultats assez similaires à ses voisins tels que l’Algérie et le Maroc, qui sont eux aussi à améliorer, elle est très loin de la situation de pays européens tels que l’Italie, la France voire le Danemark. Graphique 2.  Nombre de morts par accidents de la route pour 100 000 habitants (2016) 30 25.87 24.16 25 23.22 20 15 11.11 10 6.8 5.05 5 0 Danemark France Italie Algerie Tunisie Maroc Source : Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME) (2017) 7 2. Un cadre institutionnel et une organisation à adapter 2A. Un cadre juridique à finaliser Le cadre juridique s’agissant des transports urbains est posé par la loi n° 2004-33 portant organisation des transports terrestres, qui s’est substituée à la loi de 1985, ainsi que par le décret n° 2004–2767 du 31 décembre 2004, relatif aux règles et mécanismes de coordination entre les Autorités Régionales Organisatrices des Transports Terrestres (AROTT). La loi sur l’Energie de 2005 régit pour sa part la mise en place des Plans de Déplacement Urbains (PDU). 6 Statistiques Tunisie. Evolution Du nombre d’accidents par milieu. 12 mars, 2018. Consulté le 14 novembre 2018. http://www. ins.tn/fr/themes/transport#sub-173|horizontalTab1. 7 Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME). « GBD Compare Data Visualization. » Consulté le 14 novembre, 2018. https://vizhub.healthdata.org/gbd-compare/. 6 République tunisienne La loi 2008-23 du 1er avril 2008, relative au régime des concessions, est pour sa part l’élément central de la relation entre l’État et les opérateurs privés de transport public. Le texte stipule entre autres dans son article 4 que l’État ainsi que les partenaires privés sont garants de l’équilibre financier du contrat, que le concessionnaire peut bénéficier d’incitations et d’avantages et que l’État prend toutes les mesures nécessaires à la bonne exécution du contrat. La loi n°2015-49 du 27 novembre 2015, relative aux contrats de partenariat public-privé, régit les relations entre les pouvoirs publics et les opérateurs privés. La loi organique 29-2018 du 9 mai 2018, relative au code des collectivités locales, qui attribue notamment aux communes certaines compétences en matière de transports urbains et scolaires et contient des dispositions sur la coopération intercommunale. La loi n° 2004-33 a introduit les innovations suivantes : elle affirme la priorité des transports publics (article 4), pose le cadre de la création des Autorités Régionales Organisatrices des Transports Terrestres (AROTT), et ainsi du partage des responsabilités avec l’État, dispose que les services de transport collectifs publics sont financés par les usagers et le cas échéant par l’État, établit que l’État délègue la mission de service public de transport en commun régulier de personnes tant à des entreprises publiques par contrat d’exploitation qu’à des opérateurs privés par contrat de concession, et pose le principe de la compensation aux opérateurs privés du manque à gagner suite aux tarifs réduits et gratuités qui leur sont imposés. S’agissant des AROTT, les missions principales qui leurs sont confiées par la loi n° 2004-33 (article 7), sont de : • « Coordonner entre les différents intervenants dans le domaine du transport urbain et régional ; • Organiser le transport urbain et régional de personnes ; • Elaborer et suivre l’exécution des plans directeurs régionaux des transports terrestres. Les programmes d’exécution des plans directeurs comportent, notamment, les dossiers relatifs au transport public collectif, • Définir et classer les services de transport et proposer les modes de leur exploitation . . . » L’apport de la loi 2004 par rapport au dispositif législatif antérieur a été de prévoir une certaine décentralisation des compétences via la mise en place des AROTT. Pour autant, cette décentralisation s’avère inachevée. Les décrets d’application n’ont été pris que partiellement et aucune AROTT n’a été mise en place. Un Comité de préfiguration a toutefois été mis en place à Sfax en 2015 et un autre créé à Tunis début 2018. Dans ce schéma d’organisation, un certain nombre de prérogatives restent centralisés au niveau de l’État tel que la fixation des tarifs, la conclusion des contrats de concessions et la fixation des règles de financement du transport public. Certaines compétences semblent partagées de façon imprécise. Ainsi, l’article 9 de la loi de 2004, dispose : « le gouverneur exerce, dans les limites de ses compétences, les missions attribuées à l’autorité régionale organisatrice des transports terrestres. ». Le dispositif actuel apparaît donc à finaliser afin de mettre en place les dispositions de la loi, en tenant compte notamment des modifications apportées par le nouveau code des collectivités locales. République tunisienne 7 2B. Une organisation institutionnelle qui pourrait être rationalisée L’organisation institutionnelle se caractérise par une grande fragmentation, puisque pas moins de 6 Ministères, les Ministères chargés du Transport, de l’Équipement et de l’Habitat, de l’Énergie, des Finances, des Collectivités Locales, de l’Investissement et de la Coopération Internationale sont concernés à des titres divers par les transports urbains. Le Ministère du Transport dispose des compétences principales. Il est responsable de la politique tarifaire, des relations financières avec les différentes parties prenantes, de la coordination entre les opérateurs, et de l’élaboration et du suivi des contrats-programmes. Il assure en outre la tutelle de l’Agence Technique des Transports Terrestres (ATTT) qui délivre les documents d’agrément et de contrôle technique des véhicules et des opérateurs publics, de la Sociéte ˝ Nationale des Chemins de Fer Tunisiens (SNCFT), de la sociéte ˝ du Réseau Ferroviaire Rapide (RFR), de la Sociéte ˝ des Transports de Tunis (STT) et de la Sociéte ˝ Nationale de Transports Interurbains (SNTRI) et de 13 sociétés régionales de transport de voyageurs. Sont également concernés, le Ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, qui est responsable de la planification et de la programmation des infrastructures, qui participe à l’élaboration des schémas d’urbanisme, le Ministère des Affaires Locales et de l’Environnement en charge des plans de déplacements urbains, le Ministère des Finances qui décide du montant de la compensation aux opérateurs publics de bus relative aux transports scolaires, le Ministère chargé des Collectivités Locales, qui intervient à travers les communes, et le Ministère de l’Investissement du Développement et de la Coopération Internationale, chargé des financement des grands projets urbains. Au niveau national, la coordination entre les Ministères s’agissant des projets de transport apparaît parfois insuffisante, ce que favorise la fragmentation des compétences en matière de transports urbains comme l’illustre le tableau 5. L’expertise nationale disponible en matière de déplacements urbains apparait limitée. S’agissant du Ministère du Transport, 10 personnes seulement se consacrent pour partie aux transports urbains. Les gouvernorats et les municipalités pour leurs parts disposent de peu d’agents affectés à cette question. Au niveau local, la Tunisie compte 350 communes et 24 gouvernorats, qui sont concernés à des titres divers, de même que les Régions. Le Grand Tunis compte pour sa part 4 gouvernorats. Les gouvernorats délivrent notamment les autorisations d’exploitation des taxis collectifs en concertation avec le Ministère du Transport. S’agissant des collectivités locales, elles élaborent les plans de circulations. Cette fragmentation institutionnelle complexifie la bonne coordination au niveau métropolitain car l’organisation actuelle a pour conséquence qu’aucune institution, tant que des Autorités de Transport (AO) n’auront pas été mises en place, n’est chargée de définir et suivre la mise en œuvre de la stratégie des déplacements urbains au niveau des agglomérations ainsi que de gérer et d’organiser les transports urbains dans leur ensemble. De plus, il semble que l’élaboration des Schémas Directeurs d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) et les grandes décisions d’urbanisme se décident sans qu’une coordination poussée avec le Ministère du Transport n’intervienne nécessairement. 8 République tunisienne Tableau 5.  Répartition des responsabilités entre les différents intervenants L’État Ministère de Ministère du Autorités l’Equipement, de Développement, régionales l’Habitat et de de l’Investissement organisatrices Ministère du l’Aménagement Ministère de et de la Coopération Ministère des Transport Missions Transport du territoire l’Intérieur Internationale des Finances Terrestres ** Développement du X X X X X X système de transport Elaboration de la X X X réglementation des transports Contrôle du bon X fonctionnement de la règlementation Elaboration et mise en X œuvre d’une politique de transport Réalisation des études X générales et des plans directeurs des transports Elaboration des X Schémas Directeurs d’Aménagement Coordination entre X X la planification des infrastructures des transports et l’aménagement urbain et l’aménagement du territoire Réalisation des plans X d’aménagements urbains Préparation et suivi du X X X plan de développement du secteur du transport Gestion et planification X X X des infrastructures de transport Financement des X investissements d’infrastructures et d’études dans le domaine du transport collectif public urbain et régional Coordination entre X X les programmes d’exécution des plans directeurs régionaux des transports (continue en page 10) République tunisienne 9 Tableau 5.  Répartition des responsabilités entre les différents intervenants (Continued ) L’État Ministère de Ministère du Autorités l’Equipement, de Développement, régionales l’Habitat et de de l’Investissement organisatrices Ministère du l’Aménagement Ministère de et de la Coopération Ministère des Transport Missions Transport du territoire l’Intérieur Internationale des Finances Terrestres ** Fixation des tarifs X et des règles de financement du transport public de personnes Conclusion des X contrats d’exploitation et de concession et approbation des contrats de sous- traitance dans le domaine du transport public collectif Organisation du X transport urbain et régional de personnes et contrôle de son bon fonctionnement Coordination entre les X X différents intervenants dans le domaine du transport urbain Elaboration des plans X directeurs régionaux des transports terrestres et suivi de leur exécution Définition et X classification des services de transport et proposition de leurs modes d’exploitation Réglementation et X X gestion de la voirie communale (plans de circulation, de stationnement et de jalonnement) Source : Chabbi, Morched (Urbaconsult) et Abid, Hassen (ETIC) (2008)8 ** Toutes les attributions du Ministère du Transport au niveau régional sauf la réglementation et les tarifs 8 Chabbi, Morched (Urbaconsult), et Hassen (ETIC) Abid. La Mobilité Urbaine Dans Le Grand Tunis - Evolutions Et Perspectives. Rapport. Plan Bleu, 2008. Consulté le 16 novembre, 2018. http://planbleu.org/en/publications/la-mobilite-urbaine- dans-le-grand-tunis-evolutions-et-perspectives. 10 République tunisienne 2C. Une coordination insuffisante des opérateurs de transports publics Les transports publics n’apparaissent pas organisés de façon optimum et n’offrent pas aux usagers une qualité de service satisfaisante. Les différents opérateurs de transports, publics ou privés, se concurrencent parfois sur les axes les plus rentables et les lignes de bus n’ont la plupart du temps pas été revues pour faire face à l’évolution de la demande, qui est le plus souvent d’ailleurs mal connue. L’organisation non optimum des réseaux et des modes de transport combinée à la politique tarifaire pratiquée ne permettent pas aux opérateurs d’équilibrer leurs comptes. L’État décide des tarifs pratiqués par les opérateurs publics et ne les a pas fait évoluer s’agissant de la TRANSTU et toutes les entreprises publiques depuis 2010. La situation est similaire à Sfax et à Sousse. Les opérateurs privés, qui peuvent eux opérer des ajustements tarifaires, se trouvent contraints dans leurs marges d’augmentation car l’élasticité prix de la demande a atteint son maximum en comparaison au transport par taxi. Au final, l’usager même s’il bénéficie de tarifs peu élevés en paye le prix par une qualité de service et de confort dégradée, voire une absence d’offre. 2D. Un financement des transports urbains à analyser et pérenniser L’État intervient fortement pour le financement des infrastructures et le renouvellement des équipements. S’agissant du fonctionnement, hormis le financement des transports scolaires, qui représentent des montants significatifs, l’État ne subventionne pas le fonctionnement des transports urbains. L’État a versé en 2016, 435 millions de Dinars au titre de la compensation scolaire, dont 126 pour la TRANSTU. Ce chiffre apparaît élevé et difficile à analyser pour le Ministère des Finances qui en assure la compensation. Dans un premier temps, il conviendrait de mettre en place une comptabilité analytique afin de connaitre précisément les montants que l’État doit compenser aux opérateurs. Dans un second temps, afin d’améliorer durablement l’offre de transports urbains et permettre aux opérateurs de fournir une offre de qualité, des mécanismes de financement pérennes pourraient être envisagés. 3. Une utilisation sous-optimale des infrastructures 3A. Un réseau de voirie et une gestion de la circulation et des parkings à améliorer Le réseau de voirie urbaine présente de nombreuses insuffisances s’agissant de sa capacité, sa structuration et la gestion des intersections. Les voiries structurantes disposent de capacités insuffisantes. En général, les conditions de déplacement en zones urbaines sont difficiles aux heures de pointe sur le réseau structurant des grandes villes tunisiennes et d’importants phénomènes de congestion sont constatés à certains carrefours majeurs notamment le carrefour Beb Saadoun, le carrefour Beb El Fella et la place Pasteur. L’accroissement du taux de motorisation en Tunisie laisse présager une dégradation continue des conditions de circulation. Le réseau routier des grandes agglomérations se caractérise par une insuffisance de hiérarchisation des voies qui se traduit par un report de trafic sur des voiries secondaires. Une planification adaptée du réseau devrait permettre de définir les axes susceptibles de concentrer les flux de trafic majeurs avec efficacité, et les voiries secondaires qui assurent une fonction de distribution et d’accessibilité locale. République tunisienne 11 Le réseau de voirie urbaine présente peu d’aménagement en faveur des autres modes que la voiture, tels que des sites propres pour les bus, des pistes ou bandes cyclables, ou des aménagements destinés aux piétons. Par ailleurs, les axes du réseau de voirie sont parfois encombrés (stationnement illicite, livraisons, etc.), diminuant d’autant la capacité offerte et augmentant l’insécurité routière. Le partage de l’espace public se fait ainsi au détriment des piétons et des modes doux, qui constituent les principales victimes des accidents de la circulation en agglomération. Lorsque des trottoirs existent, ils sont souvent plantés d’arbres qui ne facilitent pas le cheminement des piétons. De manière générale, la politique actuelle de développement urbain donne largement priorité aux déplacements automobiles et ne tient pas assez compte des modes doux qui, pourtant, représentent une part significative des déplacements totaux. Ainsi à Sfax, l’enquête ménage réalisée en 2012 montre que les modes doux représentaient 36,4% de l’ensemble de déplacements. Par ailleurs, il n’existe pas de politique globale de stationnement visant à optimiser l’espace et à réguler la demande, les parkings n’étant payants que dans certaines zones. Le stationnement n’est pas utilisé comme un levier pour la gestion de la circulation permettant d’agir sur la demande en définissant et en gérant l’offre de places, et en adoptant une tarification adaptée par zone (places à durée limitée ou illimitée, payantes ou gratuites, tarification progressive ou linéaire, etc.). Dans des villes comme Tunis et Sfax, cela se traduit par une saturation très visible du stationnement sur voirie. 3B. Une absence de plans de déplacements urbains préjudiciable Hormis la ville de Sfax, aucune autre agglomération ne dispose d’un Plan de Déplacement Ur- bain (PDU) récent. Celui de Tunis date de 1998 et celui de Sousse de 2000. La mise à jour de ces plans est d’autant plus nécessaire que les villes tunisiennes ont fortement évolué ces 20 dernières années, transformant largement les enjeux de mobilité. Cette situation ne permet pas de faire un usage optimum des infrastructures de voirie et de transport existantes. La connaissance des déplacements et des besoins apparait en outre lacunaire, aucune enquête ménage déplacement n’ayant été réalisée dans les années récentes. Les agglomérations ont ainsi peu de connaissances sur les déplacements de leurs habitants et ne disposent pas de base de données sur ce sujet. La préparation ou l’actualisation des Plans de Déplacement Urbains permettrait de combler certaines lacunes en matière de connaissance (absence de statistiques, . . . ). 4. Situation par modes de transport 4A. Les modes de déplacement principaux Selon l’enquête ménage réalisée en 2012 à l’occasion de l’étude de faisabilité d’un système de Transport en Commun en Site Propre (TCSP) dans l’agglomération de Sfax, les modes de déplace- ments principaux pour cette ville sont les suivants : la marche à pied représente 35,6% de l’ensem- ble des déplacements, les véhicules particuliers 28%, les bus 12,6%, les 2 roues à moteur 9%, et les taxis collectifs 8,6%. Ainsi à Sfax, plus d’un tiers des déplacements motorisés sont effectués en voiture particulière ou en taxi. Le réseau de transport urbain de l’agglomération de Sfax qui satisfait 21% des 12 République tunisienne Graphique 3.  Répartition par mode – Ensemble des déplacements à Sfax (2012) Taxi individuel 4% 9% Taxi collectif 35% 9% Vehicule 19% particulier/camionnette 13% 1% Véhicule 9% 1% particulier/camionnette avec conducteur Source : EGIS-International et IDEACONSULT9 déplacements motorisés ne répond plus aux besoins de la population et est aujourd’hui en quête d’une plus grande efficacité. Des statistiques précises ne sont pas disponibles pour les villes de Tunis et Sousse, mais on peut penser que les parts modales sont assez similaires, à l’exception des 2 roues à moteur, particulièrement présents à Sfax. 4B. L’insuffisante offre de transports publics La part modale des transports publics a fortement baissé depuis le milieu des années 1970, elle représente actuellement à Tunis environ 30% de la part modale des modes motorisés contre 70% pour les véhicules particuliers. Ces pourcentages étaient inverses au milieu des années 1970. A Sfax, la part modale des transports en commun est en forte régression, 13% des déplacements tous modes actuellement contre 29 % en 1984. L’insuffisance de bus dans les villes de Tunis, Sfax et Sousse est manifeste et l’offre n’apparaît ainsi aujourd’hui pas dimensionnée et attractive pour capter plus de passagers et pour répondre aux besoins de la population, tant en quantité qu’en qualité. L’offre de transports ferroviaires en milieu urbain n’est présente à ce jour qu’à Tunis. I. Une offre de transport par bus insuffisante A. Les opérateurs A Tunis, le transport collectif urbain est assuré par 6 sociétés : • La Société des Transports de Tunis (TRANSTU (STT)), société publique qui exploite environ 240 lignes de bus ainsi que six lignes de Métro Léger et la ligne ferroviaire Tunis- Goulette-La Marsa. Elle transporte environ 1 million de passagers par jour. • La Société Nationale des Chemins de Fers Tunisiens (SNCFT) 9 EGIS-International et IDEACONSULT. PDNT Tunisie à l’Horizon 2040 : Phase A - Diagnostic de la situation actuelle – Sécurité du transport routier et ferroviaire. Rapport. Avril 2017, p.29 République tunisienne 13 • Quatre sociétés privées de bus : –  La Société de Transport Urbain et Suburbain (TUS) –  La Société du Transport Urbain de Tunisie (TUT) –  La Société des Transports Collectifs (STC) –  L’Entreprise du Transport en Commun de Voyageurs (TCV) Les quatre sociétés privées de bus ont été autorisées à exploiter environ 10% des lignes (ce qui en représente 32 au total), par suite d’appels d’offres lancés entre 1989 et 2005. Elles disposent de 150 bus et ont transporté 23 millions de voyageurs en 2017 contre 35 millions en 2010. A Sfax, les bus sont gérés par la Société Régionale de Transport du Gouvernorat de Sfax (SORETRAS), et à Sousse par la Société du Sahel. La TRANSTU disposait en 2017 d’un parc de 1 247 bus dont seulement environ 650 sont aujourd’hui opérationnels. Au dire de certains experts rencontrés, la ville de Tunis nécessiterait 400 lignes de bus et la TRANSTU aurait besoin d’environ 800 bus supplémentaires pour pouvoir opérer dans de bonnes conditions. Ses effectifs avoisinent les 8000 agents, ce qui constitue un chiffre très élevé et résulte pour partie du fait qu’il lui a été demandé par le passé de recruter pour des motifs d’ordre social. La TRANSTU dispose également de 6 dépôts, ce qui semble un chiffre élevé compte tenu du nombre de bus opérationnels. La TRANSTU est loin d’équilibrer ses comptes et n’y parvient qu’en n’acquittant pas le coût du carburant ni les cotisations sociales de ses personnels. Ceci s’explique notamment par les charges de personnel sus mentionnées, qui représentent 110% du chiffre d’affaires, de tarifs qui n’ont pas fait l’objet d’augmentation depuis 2010, de tarifs étudiants et scolaires bas qui ne seraient pas intégralement compensés bien que représentant une large part de sa clientèle et du transport de certaines catégories de population à titre gratuit. La TRANSTU dispose d’un contrat de programme avec le Ministère du Transport, qui semble être tombé en désuétude. Les opérateurs privés ont été autorisés à exercer suivant une Délégation de Service Public (concession) et sur la base d’un cahier des charges stipulant qu’ils doivent fournir aux voyageurs un niveau de service amélioré spécifique (places assises), diffèrent de l’offre de la TRANSTU. Jusqu’en 2010, les opérateurs privés ont amené une amélioration sensible de la qualité du transport collectif et introduit de nouvelles technologies en matière de gestion de l’exploitation et en matière d’information et d’orientation des usagers (système d’information des voyageurs temps réel et vidéo embarquée pour la sécurité). Depuis lors, ces systèmes sont largement tombés en obsolescence faute d’investissement, de maintenance et de mise à jour. La durée des concessions de certains opérateurs privés est de 10 ans renouvelable une fois. Celles-ci ayant débuté en 2005, les opérateurs souhaiteraient disposer rapidement de visibilité sur leur renouvèlement éventuel afin de pouvoir planifier les investissements. Jusqu’en 2009, les opérateurs privés parvenaient à équilibrer leurs comptes. Ils ont été autorisés à ajuster leurs tarifs par le Ministère du Transport mais semblent arrivés en limite d’élasticité-prix par rapport aux tarifs pratiqués par les taxis et par la TRANSTU. B. L’offre de transport L’offre de transport par bus apparait insuffisante dans la plupart des grandes villes tunisiennes et cette tendance s’inscrit dans le long terme. 14 République tunisienne Graphique 4.  Erosion de la part de marché des transport publics dans le Grand Tunis 60% 50% 50% 40% 30% 40% 36% 35% 20% 10% 0% 1997 2002 2007 2009 Source : Banque mondiale (2016)10 De ce fait, les transports publics urbains par bus ne remplissent pas le rôle important qui est traditionnellement le leur dans les pays émergents, d’offrir des solutions de mobilité aux groupes de population les plus pauvres. II. Le transport scolaire et le transport à titre privé Le transport scolaire urbain est assuré uniquement par des opérateurs publics, et à Tunis, la TRANSTU et la SNCFT. Les voyageurs acquittent environ 10% du coût du billet et l’État verse une compensation aux opérateurs (435 millions de Dinars en 2016). Le graphique ci-après indique que les montants acquittés par les étudiants par rapport au tarif plein étaient faibles en 2018, en comparaison avec d’autres pays. Graphique 5.  Montants relatifs des tarifs étudiants par rapport au plein tarif (2018) 100% 80% 72% 59% 60% 51% 42% 42% 40% 20% 10% 0% Tunis Francfort Paris Turin Lyon Barcelone Source : Sites des autorités de transports des pays respectifs (2018) 10 Banque mondiale. Livre blanc relatif au secteur des transports et de la logistique. Report no. ACS18045. Transport - Moyen-Orient Et Afrique Du Nord (GTI05). 18 mai, 2016. Consulté le 16 novembre, 2018. http://documents. banquemondiale.org/curated/fr/339961488471609720/pdf/ACS18045-REVISED-PUBLIC.pdf. République tunisienne 15 Tableau 6.  Bénéficiaires de tarifs réduits ou de la gratuité des transports Bénéficiaire Critère d’attribution de la réduction Niveau de réduction Scolaire ou étudiant Justification de la qualité d’étudiant  90% ou d’élève Handicapés Carte d’handicapé délivrée par le 100% Ministère des Affaires Sociales Journalistes Carte professionnelle  50% Enfants de moins de 3 ans A vue 100% Enfants âgés de 3 à 7 ans A vue  50% Personnel actif (et membre de Carte de circulation gratuite 100% leur famille) ou retraité de la STT Blessés de la révolution Carte de gratuité 100% Source : Banque mondiale (2007) 11 Le tableau ci-après donne une indication des catégories bénéficiant de réductions ou de la gratuité s’agissant des transports en commun. III. Le transport par voie ferrée S’agissant des transports ferroviaires urbains, ils sont assurés par la SNCFT qui a transporté en 2017, 45 millions de voyageurs de banlieue. Hormis Tunis, la SNCFT exploite également le « Métro du Sahel » (Sousse-Monastir). Des projets de nouvelles infrastructures existent, comme à Sfax, qui prévoient la mise en place de 2 lignes de Tramway (et 3 lignes de BHNS) entre 2022 et 2030. A Tunis, le projet de Réseau Ferroviaire Rapide (RFR) qui prévoit la création de 5 lignes de transport ferroviaire desservant les zones urbains a pris un retard significatif. La Société du Réseau Ferroviaire Rapide de Tunis assure le pilotage du projet. La première ligne du RFR, la ligne E, devrait être opérationnelle en 2019. IV. Un transport artisanal qui se développe de façon insuffisamment coordonnée Pour répondre à la forte demande de transport, le choix a été fait de créer, en 1989, un nouveau mode de transport, le « taxi collectif » (1800 licences actuellement), ces taxis pouvant transporter jusqu’à 9 personnes. Ceux-ci fonctionnent sur la base d’une autorisation délivrée par chacun des gouvernorats. Depuis 2011, le phénomène des taxis collectifs s’est amplifié par l’apparition de clandestins dont le nombre est devenu aussi important que les taxis collectifs dûment autorisés. On estime que le nombre de taxis collectifs est deux à trois fois supérieur au nombre de bus en circulation. Ainsi à Tunis, les taxis collectifs représentent aujourd’hui une forte part de l’ensemble des déplacements motorisés et pour certaines lignes, une concurrence forte pour les opérateurs publics et privés de bus mais aussi pour les taxis individuels. Si les taxis collectifs sont devenus aujourd’hui un mode de transport public à part entière, ils sont souvent les seuls à desservir les zones nouvellement urbanisées, et offrent des conditions de transport le plus souvent de Banque mondiale. Rapport sur les possibilités d’amélioration des mécanismes de financement des Transports Collectifs 11 Urbains en Tunisie. Rapport. Département du Développement Durable de la Région Moyen Orient et d’Afrique Du Nord. 2007. 7. 16 République tunisienne très mauvaise qualité, inférieure à celle des bus pour des tarifs proches voire égaux. Les coûts économiques pour la collectivité de leur développement sont importants, en raison des externalités négatives qu’ils engendrent : saturation du réseau, utilisation de l’espace, insécurité et pollution. 4C. Des déplacements non-motorisés difficiles Les déplacements non-motorisés comme la marche à pied sont difficiles dans les villes tunisiennes en raison d’infrastructures souvent déficientes ou inappropriées, de comportements inciviques et non-sanctionnés (trottoirs utilisés comme parkings par les automobilistes) et de l’encombrement des voies publiques de circulation qui les rendent difficiles à traverser par les piétons. La congestion des voies publiques rend de fait l’utilisation du vélo quasi-impossible, et par conséquent des aménagements cyclables spécifiques souhaitables. 5. Des dépenses de déplacement représentant une part importante dans le budget des ménages Dans les pays en développement, entre 8% et 16% des dépenses des ménages sont généralement consacrées aux transports, ce pourcentage pouvant atteindre 25% pour les ménages les plus modestes des grandes villes. La part des dépenses de transport dans le budget de ménage avoisine les 10% en Tunisie. Graphique 6.  Evolution des postes de dépenses dans le budget des ménages entre 1990 et 2015, en % Autres dépenses 0,5 3,7 4,4 7,7 culture et loisir 10,7 9,3 8,7 9,4 Enseignement 10,3 10,2 7,6 Télécom 8,8 22,0 Transport 22,8 30,3 Hygiène et soins Habillement 40,0 34,8 Habitation 31,5 Alimentation 1990 2005 2015 Source : EGIS-International et IDEACONSULT12 Dans les pays industrialisés tel que la France, ce pourcentage avoisine les 15%.13 Les comparaisons internationales doivent cependant être considérées à la lumière de la qualité de service offerte. 12 EGIS-International et IDEACONSULT. PDNT Tunisie à l’Horizon 2040 : Phase A - Diagnostic de la situation actuelle – Sécurité du transport routier et ferroviaire. Rapport. 2017, p.29 13 Gwilliam, K. M. Cities on the Move: A World Bank Urban Transport Strategy Review. Washington, DC: Banque mondiale, 2002. Consulté le 16 novembre, 2018. https://elibrary.worldbank.org/doi/abs/10.1596/0-8213-5148-6. République tunisienne 17 B. La vision pour le secteur des transports urbains et la mobilité La vision s’agissant des transports urbains et de la mobilité est de placer les citoyens au cœur du système en définissant les projets et en organisant les services autour de leurs besoins, de rendre les villes plus agréables à vivre et plus efficaces économiquement. Afin de parvenir à cet objectif, le système de transport urbain mis en place, repose sur trois axes. 1. placer les citoyens au cœur du système de transport afin d’optimiser leur accès à l’emploi, l’éducation et la santé L’objectif est de mettre en place un système de transport public fondé sur les besoins des citoyens, en prêtant une attention particulière à certaines populations ayant des besoins spécifiques tels que : les femmes, les enfants, les personnes handicapées, . . . L’objectif est de permettre l’accès de tous à l’emploi, l’éducation, la santé, et aux loisirs dans de bonnes conditions en considérant les trajets de dans leur intégralité, « de porte à porte ». L’objectif est d’offrir aux utilisateurs des transports urbains un service fiable, efficace, sûr et à un prix abordable. Les différents modes de transport seraient intégrés afin que les voyageurs puissent passer de l’un à l’autre en utilisant un seul et même billet. L’intégration serait à la fois physique (mise en place de pôle d’échange), opérationnelle et tarifaire. L’expérience internationale indique qu’en matière de transports urbains, les principaux éléments de la qualité de service plébiscités par les voyageurs sont, outre son existence même et sa densité, la fiabilité du système, la rapidité des déplacements, la ponctualité, la propreté des véhicules, leur confort, la disponibilité de l’information, et l’intégration des modes de transports afin de pouvoir passer de l’un à l’autre avec un seul titre de transport (passe Navigo à Paris, Oyster Card à Londres). Ces éléments de qualité de service pourraient à terme faire l’objet d’indicateur précis dans les contrats de délégation (DSP) de service public entre autorités organisatrices et opérateurs. L’atteinte des objectifs pourrait donner lieu à bonus financier ou pénalité, et ce dispositif pourrait être inscrit dans le contrat de programme/ concession. La politique de transport urbain et de mobilité conditionne ainsi la réussite des autres grandes politiques publiques. 2. Favoriser la croissance économique Les villes, moteur de la croissance économique, sont confrontées à une congestion croissante. L’objectif consiste à accroître l’efficacité économique de ces villes en améliorant les conditions de transport et de mobilité des personnes et des biens tout en réduisant la congestion. Afin d’atteindre cet objectif, il convient d’atteindre un bon équilibre entre la construction de nouvelles infrastructures et l’amélioration des aspects « immatériels » tel que la coordination entre 18 République tunisienne les différents acteurs des transports urbains (service de l’État, municipalités, opérateurs de transports, . . . ), ainsi qui le renforcement des capacités de régulation et de mise en œuvre. 3. Promouvoir des transports durables L’objectif est de donner la priorité aux transports publics et de mettre en place un système de transport respectueux de l’environnement. Les embouteillages dans les villes ont un impact négatif sur la qualité de l’air et les conditions de vie, ainsi qu’un coût budgétaire certain. Des mesures systématiques pour réduire les émissions toxiques générées par le secteur des transports sont à encourager pour améliorer le bien-être de la population, la santé et contribuer aux efforts s’agissant du changement climatique pour réduire l’empreinte carbone. A cet effet, tirer le meilleur parti des nouvelles technologies constitue un impératif. République tunisienne 19 C. stratégie générale pour le secteur des déplacements urbains et principales mesures à mettre en œuvre 1. Restructurer et développer l’offre de transport public Dans l’ensemble des villes tunisiennes, et tout particulièrement à Tunis, l’offre de transports publics, tant par bus que ferrée apparait insuffisante par rapport aux besoins de la population et il n’est pas certain que l’offre existante soit adaptée et ait évolué en fonction de la demande. Il apparait par conséquent urgent de la restructurer et de la développer afin de permettre aux citoyens de se déplacer aisément, lutter contre la congestion et également offrir aux usagers des conditions de transport de qualité. Il serait souhaitable que chaque agglomération élabore une stratégie de développement et d’amélioration des transports publics et de la mobilité, afin d’offrir aux voyageurs une offre de transport intégrée tant physique que tarifaire pour qu’ils puissent effectuer leurs trajets sans rupture. A cet effet, une intégration tarifaire et billettique doit être poursuivie. Le développement de l’offre implique au préalable de réexaminer les lignes et services existants afin de voir s’ils correspondent aux besoins. La répartition des rôles entre les bus et les taxis collectifs devrait être organisée car ces deux entités offrent des services différents, souvent complémentaires. Les taxis collectifs offrent l’avantage de permettre la desserte de zone de faible densité loin des centres-villes et ainsi pourraient jouer un rôle de rabattement vers le réseau de transport public. A cet effet, des lignes bien définies devraient leur être attribuées. À défaut de respect de ce principe, l’implication du secteur privé dans les transports urbains sera plus difficile et ne pourra sans doute être viable. La mise en place d’une complémentarité entre le secteur des taxis collectifs et les transports publics passe également par une révision de l’offre et par un contrôle de la qualité des services offerts. Le secteur des taxis collectifs devrait être formalisé et des formules de compensation étudiées pour faciliter éventuellement la reconversion des chauffeurs et propriétaires de taxis vers d’autres activités. Dans le cadre de la priorité accordée aux transports publics, une attention particulière serait donnée aux différents profils d’usagers (femmes, personnes âgées, handicapés . . . ). A cet effet, une consultation devrait être conduite auprès d’associations ou de groupes d’usagers représentatifs afin de déterminer les besoins spécifiques de ces populations à prendre en compte dans le cadre du développement de l’offre. L’offre de transport pourrait être développée par la mise en place de projets prévus de longue date : RFR à Tunis, Métro léger à Sfax, BRT/BHNS à Sousse et Tunis. Afin de développer l’offre de transport, le recours aux opérateurs privés serait accentué et prendrait la forme de délégation de service public avec une définition des règles d’entrée sur le marché et d’exercice de l’activité et une élaboration d’un cahier des charges précisant les droits et les obligations de l’opérateur. Cette délégation pourrait concerner tant l’exploitation de lignes régulières urbaines que le transport scolaire en zone urbaine. 20 République tunisienne ENCADRÉ 1. LA RÉFORME DU TRANSPORT URBAIN À SÉOUL En 2004, la municipalité de Séoul a réformé son réseau de transport urbain, notamment en restructurant complètement le réseau de bus, en modifiant son mode d’exploitation et de financement, en améliorant la coordination et l’intégration des services de bus et de métro et en mettant en place un système billettique et des tarifs intégrés. Cette réforme avait été rendue nécessaire par la congestion routière, l’augmentation de l’utilisation de la voiture, des niveaux dangereusement élevés de pollution de l’air, des accidents de la route ainsi que l’utilisation excessive de terrains pour construire les routes et les parkings. Le système de transport public de Séoul se caractérisait alors par des coûts d’exploitation élevés, une faible satisfaction de la clientèle et était devenu financièrement insoutenable (subvention d’exploitation du métro d’environ 700 millions de dollars par an et subvention d’exploitation de plus de 125 millions par an pour les bus au début des années 2000). La part de marché du transport par autobus était passée de plus de 65% en 1980 à moins de 30% en 2004, principalement en raison d’un déclin de la performance et de la qualité en raison de la croissance du réseau de métro. Introduire la réforme n’a pas été chose aisée. De nombreux acteurs percevaient que leurs intérêts étaient menacés et de nombreuses manifestations furent organisées, dont beaucoup initiées par des propriétaires et des travailleurs du système d’autobus défaillant. Un leadership fort et un vaste programme de communication ont été nécessaires pour résoudre les conflits. À partir de janvier 2004, le maire, les responsables politiques et les fonctionnaires du gouvernement métropolitain de Séoul ont mené une intense campagne de relations publiques pour expliquer aux médias la nécessité des réformes proposées et les avantages qui en résulteraient. Ils ont également annoncé que le 1er juillet 2004 serait la date du début de leur mise en œuvre. Plus de 4 200 réunions et groupes de discussion ont été organisés avec un grand nombre d’intervenants sur une période de trois ans, notamment : • les utilisateurs, les opérateurs et les salariés des entreprises • les agences de la ville, • les citoyens (organisés par l’intermédiaire du YMCA et d’autres ONG), et • les experts techniques et universitaires Des moyens de communication de toutes sortes ont été utilisés. Bien que dans les premiers mois de mise en œuvre, certaines imperfections aient dû être réglées, la réforme fut un grand succès, reconnu comme tel au niveau international. Source : Agarwal, Om Prakash, Zimmerman, Samuel, and Kumar, Ajay. (2018)14 14 Agarwal, O.P, Ajay Kumar, and Samuel Zimmerman. “Public Transit: From Compulsion to Choice.” dans Emerging Paradigms in Urban Mobility: Planning, Financing and Management, 77–100. San Diego, CA: Elsevier, 2018. Consulté le 16 novembre, 2018. https://ebookcentral-proquest-com.libproxy-wb.imf.org/lib/jointlib-ebooks/detail.action?docID=5504717#. République tunisienne 21 Pour mettre à niveau la qualité de service rapidement un programme de restructuration des opérateurs et la mise à niveau du parc doit être envisagé. Cette remise à niveau pourrait passer par un fonds de restructuration et un contrat de programme Pour autant, la révision des lignes de transport urbain existantes et leur adéquation par rapport aux besoins et à la demande constitue un préalable au développement de l’offre. 2. Améliorer la coordination entre les acteurs institutionnels La coordination des acteurs du transport urbain doit être améliorée tant au niveau national qu’au niveau local. Ceci pourrait nécessiter la clarification juridique des compétences de certains d’entre eux. Au niveau national, la prise en compte pour chacun des projets des préoccupations des différents Ministères requiert, comme dans d’autres pays, une coordination au plus haut niveau (Chef de gouvernement). Le Comité National des Grands Projets (CNGP) a par nature vocation à jouer ce rôle. Il devrait se réunir deux fois par an pour décider des grandes infrastructures à mettre en place, afin d’assurer une cohérence d’ensemble. Par ailleurs, chaque projet d’infrastructure devrait faire l’objet d’une étude d’impact transport. Afin d’éclairer les décisions du CNGP, un Observatoire National des Transports Terrestres pourrait être créé avec vocation de collecter les données essentielles s’agissant des transports urbains et régionaux. Il serait placé auprès du Ministre du Transport. Au niveau local, l’amélioration de la coordination passe par la mise en place d’Autorités Organisatrices des Transports Urbains (AO) dans les principales villes. Par souci de cohérence et d’efficacité, il importe en effet qu’au niveau des agglomérations il existe un décideur unique qui incite tous les acteurs de la ville à travailler ensemble. Le dispositif juridique prévu des AROTT devrait être réexaminé voire adapté par souci de cohérence avec les dispositions du nouveau code des collectivités locales. Ce travail pourrait être mené dans le cadre des comités de préfiguration de Tunis et Sfax, car dans le domaine de la gouvernance, il importe de passer sans tarder à la mise en place de concrètes des AO. L’expérience internationale atteste qu’une des clés du succès de la création d’une autorité de transport réside dans une bonne définition de ses compétences, dont elle devrait disposer en propre, et de l’existence d’un fort soutien politique à son endroit. Ceci implique souvent de lui transférer des compétences déjà exercées par d’autres entités afin d’éviter les doublons et favoriser la cohérence de l’action. Par souci d’efficacité, une autorité de transport ne peut être une simple entité de coordination mais doit être en capacité de décider pour l’ensemble d’une agglomération. Dans ce cadre, il est souhaitable qu’elle soit notamment compétente s’agissant de la passation des contrats avec les opérateurs de transport et de la fixation des tarifs des services de transport. Des moyens financiers appropriés pour agir ainsi que des ressources humaines compétentes lui sont nécessaires à terme. L’expérience internationale indique également qu’afin de donner rapidement une crédibilité aux AO, il est souhaitable que les usagers puissent visualiser sans retard une réalisation améliorant la situation en matière de transports urbains. A cet effet, la mise en place d’un système de bus rapide sur voie dédiée (BRT/BHNS) serait une façon appropriée de le faire. La réalisation d’un tel projet a permis d’asseoir la crédibilité de l’Autorité (LAMATA) de Lagos au Nigeria. 22 République tunisienne ENCADRÉ 2. LA MISE EN PLACE DES AUTORITÉS DE TRANSPORTS DANS LE MONDE L’expérience internationale indique que la mise en place des autorités organisatrices de transports dans le monde peut s’opérer sous diverses formes, la décision pouvant être prise par l’État ou par les municipalités. En règle générale, la capitale du pays fait l’objet d’un traitement et de textes spécifiques, exorbitant du droit commun. En France, s’agissant de Paris, l’État a décidé de la création d’une autorité de transports au niveau régional et l’a institué par décret en 1959. Le Conseil d’Administration du Syndicat Des Transports d’Ile-De-France (STIF, renommé Ile-de-France Mobilité en 2016) a été présidé par un représentant de l’État (le Préfet de la région Île-de-France) jusqu’à 2005, date à laquelle la Présidence fut confiée au Président élu du Conseil Régional. S’agissant de la province, la loi d’organisation des transports intérieurs de 1982 a donné la possibilité aux municipalités, par délibérations de leur conseil municipal de créer des Autorités Organisatrices des Transports. À ce jour, environ 280 autorités existent en France. Au Royaume-Uni, le « Transport Act » de 1968 a créé des autorités de transports dans les 5 principales agglomérations du pays (Birmingham, Liverpool, Manchester, Newcastle, Glasgow). Les « Integrated Transport Authorities (ITA) » sont dirigés par les représentants des collectivités locales qui ont font partie. S’agissant de Londres, le « Greater London Authority Act » de 1999 a créé « Transport for London » qui a pris la suite d’autorités successives de transport qui ont vu le jour, comme à Paris, au début des années 30. En Espagne, le « Consorcio Regional des Transportes de Madrid » a été créé par une loi régionale, la loi du 16 juin 1985. Il est présidé par le Ministre Régional du Transport. Au Maroc, l’État a décidé de la mise en place d’Etablissements de Coopération Intercommunale (ECI) pour les principales agglomérations du pays. Des ECI ont été créé à Rabat, Casablanca et Agadir. Elles s’appuient sur la mise en place de sociétés de patrimoine de transport urbain. Les ECI sont présidées par le Président d’une des collectivités locales qui en sont membres. L’expérience internationale indique également que toutes les autorités organisatrices ont évolué dans leurs champs géographiques et dans leurs compétences au fil du temps. Ainsi, les autorités organisatrices de transport françaises sont-elles devenues des autorités de la mobilité durable. Au Royaume-Uni, les autorités se sont vues confier des responsabilités en matière de développement économique. Compte tenu de la situation institutionnelle en Tunisie et par souci de cohérence, un responsable interministériel aux AO pourrait être institué auprès du Chef du gouvernement. Il aurait pour tâche de coordonner les Ministères et acteurs intéressés et de participer aux Comités de préfigurations des AO pour les trois villes principales, Tunis, Sfax et Sousse. Il aurait également pour mission, en lien avec les comités de préfigurations, de déterminer quelles sont les compétences qui devraient être transférées aux AO. Lorsque ces dernières auront été mises en place, elles seraient dans un République tunisienne 23 premier temps présidées par un Gouverneur qui aurait autorité, s’agissant des transports urbains, sur tous les gouvernorats dans le ressort de l’AO. Le financement des AO pourrait être assuré par un Fonds National des Transports Urbains (FNTU) créé à cet effet. Ultérieurement, lorsqu’elles auraient acquis une certaine maturité, elles pourraient disposer de ressources propres sur la base d’une fiscalité transférée. La Banque mondiale peut apporter une assistance technique à la mise en place des AO tant au niveau juridique qu’opérationnel. L’amélioration de la coordination au niveau local, outre la meilleure coordination des ministères, et de la compatibilité des documents d’urbanisme et de planification (dont la valeur juridique devrait être précisée), passe également par la mise en place de Plans de Déplacements Urbains (PDU). La nécessité de mieux organiser, planifier, et intégrer l’ensemble des modes de ENCADRÉ 3. SCÉNARIO DE MISE EN PLACE DE L’AO DE TUNIS Le périmètre de compétence de l’AO porterait sur les 4 gouvernorats composant le Grand Tunis. La mise en place serait pilotée par un responsable interministériel aux AO qui présiderait les réunions du Comité de Pilotage. Le Comité de Pilotage serait chargé de préparer les décrets d’application de la loi 2004-33 s’agissant des compétences des AO et notamment de celles qui pourraient leur être transférées depuis certains Ministères. Il préparerait également les textes sur le fonctionnement et l’organisation de l’AO. Le Comité de Pilotage comprendrait des représentants de tous les Ministères concernés par le bon fonctionnement de la ville (Ministère du Transport, Ministère de la Santé, Ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, Ministère de l’Intérieur, Ministère des Finances, Ministère de l’Éducation, . . . ), des gouvernorats, de la Municipalité de Tunis, de l’Agence d’Urbanisme du Grand Tunis, et des représentants des associations des usagers. Lorsqu’elle aura été mise en place, l’AO serait présidée par un représentant de l’État nommé en Conseil des Ministres qui aura autorité s’agissant des transports urbains sur l’ensemble des 4 gouvernorats. La composition de son Conseil d’Administration serait très largement calquée sur celle du Comité de Pilotage l’ayant mise en place. Le financement de l’AO serait assuré par des dotations du Fond National des Transports Urbains (FNTU). Lorsque la structure sera parvenue à une maturité suffisante, elle se verrait attribuer des ressources fiscales propres. Afin d’accompagner la mise en place de l’AO, la région Île-de-France, qui dispose d’un accord de coopération avec le Grand Tunis et possède une expertise avérée en matière d’organisation de transport urbain pourrait être sollicitée dans le cadre d’un jumelage pour accompagner la création de l’AO et ses premiers mois de fonctionnement. La Banque mondiale apporterait une assistance juridique et technique dans la mise en place de l’AO de Tunis et participerait à son Comité de Pilotage en tant que de besoin. 24 République tunisienne déplacements urbains à moyen et long terme est une nécessité majeure et il serait souhaitable que chacune des villes principales tunisiennes disposent d’un PDU récent. Ce PDU devrait avoir un horizon d’au moins dix ans, et traiter de tous les modes de transports tant publics que privés, y compris les transports non-motorisés, le stationnement des véhicules, et les transports de marchandises. Il serait utile qu’il comporte également un volet sur la sécurité routière en milieu urbain et prévoie dans ses annexes une programmation chiffrée s’agissant des principaux projets à mettre en œuvre. Il est recommandé que les PDU traitent des questions suivantes : • Analyse et projection de la demande de transport pour les passagers et les marchandises ; • Analyse des conditions de transport dans l’agglomération et de l’efficacité du système de transport ; • Définition de l’évolution du réseau de transport publics à 10 ans (infrastructures et services) • Identification de stratégies financièrement réalistes d’amélioration et de développement du système de transports urbains ; • Description de la stratégie adoptée, par suite d’un processus de consultations avec le public et toutes les parties intéressées ; et • Préparation du programme d’investissement (voirie, travaux publics, . . . ) La préparation des PDU permettrait de combler certaines lacunes existantes s’agissant de la connaissance des besoins de mobilité des citoyens. Elle permettrait d’identifier et élaborer les mesures qui vont de pair avec cette priorité (hiérarchisation et coordination des modes de transport public, investissements, meilleur partage de l’espace public, politique tarifaire, restrictions à l’usage de l’automobile, stationnement, . . . ). La mise en place d’un Plan de Déplacements Urbain pour les principales agglomérations du pays pourrait être un préalable pour pouvoir bénéficier, tant pour les infrastructures que le fonctionnement, du financement du Fonds National des Transports Urbains. Ceci se justifierait dans la mesure où l’utilisation optimisée des infrastructures implique une planification à long terme. 3. Placer les citoyens au cœur du dispositif de mobilité urbaine Les transports urbains tels qu’ils sont pensés et organisés aujourd’hui n’apparaissent pas toujours centrés sur les besoins des citoyens, mais d’avantage sur les aspects techniques et sur les préoccupations des principaux acteurs (opérateurs, institutions, . . . ), les usagers n’étant d’ailleurs souvent représentés par aucune organisation propre dans les instances de décision. L’objectif ultime des pouvoirs publics devrait être d’établir un système de transports urbains (collectifs et individuels) qui est durable d’un point de vue environnemental et qui permet aux habitants des agglomérations, quels que sont leur catégorie sociale et leurs besoins de mobilité, de satisfaire leur demande de déplacements dans des conditions raisonnables de qualité, dans le respect de l’environnement, à des prix en rapport avec leurs moyens financiers, et d’une façon économiquement efficace. République tunisienne 25 Cet objectif implique de porter une attention particulière aux catégories qui ont des demandes de mobilité spécifiques : femmes, personnes âgées, handicapés, . . . Il passe également par l’intégration des infrastructures et services de transport afin que les voyageurs puissent effectuer leurs trajets avec un seul billet, en utilisant le cas échéant plusieurs modes de transport différents, allant si nécessaire au-delà des limites d’une seule municipalité. Ceci passe également par l’association d’utilisateurs et de la société civile à la prise de décision, tant s’agissant des investissements que du fonctionnement. S’agissant des décisions d’investissement, les citoyens seraient associés par le biais d’enquêtes et consultations publiques. S’agissant du fonctionnement, outre les enquêtes de satisfaction, il serait demandé aux opérateurs de prendre contractuellement des engagements de qualité de service qui seraient rendus publics et dont le respect donnerait lieu à bonus ou pénalité. Par ailleurs, il serait demandé à chacune des sociétés de transport, dans le cadre de leur contrat, de constituer un panel de voyageurs qui serait consulté pour avis sur le niveau et la qualité des services offerts. Par ailleurs, des représentants des associations des usagers pourraient être membres des Conseils d’Administration des AO. ENCADRÉ 4. LA COMMUNICATION LORS DE LA PRÉPARATION DU PROJET DE BRT À AHMEDABAD À Ahmedabad, en Inde, les promoteurs du projet de BRT ont mené de fréquentes consultations pour sensibiliser le public et recueillir les avis d’une multitude d’intervenants. Ils ont ainsi pu ainsi créer une image de marque forte du projet et dissiper les craintes et incompréhensions avant le lancement du BRT. L’information du public lors des phases initiales a donné de bons résultats et facilité la mise en œuvre du projet. Les actions entreprises pour informer et consulter le public au cours de la phase de planification du BRT d’Ahmedabad comprenaient : Activités de sensibilisation - consultations, réunions, ateliers et séminaires des parties prenantes. Une série de consultations ont été organisées par la municipalité et les autorités lors des phases initiales de la préparation du projet pour les résidents, les personnes directement concernées, les exploitants d’autobus, et les établissements universitaires afin de les sensibiliser et obtenir leur avis. Approche ouverte - adoptée par les autorités de la ville pour recevoir les suggestions et les commentaires du public de manière ouverte et transparente et répondre aux préoccupations spécifiques ; Partage des connaissances - des visites internationales ont été organisées pour les conseillers et fonctionnaires municipaux, les techniciens des cellules de planification et de conceptions, dans des villes comme Bogota, Londres, Pékin, Guangzhou, Jakarta, Singapour et Séoul qui ont un BRT opérationnel et un système de transport public efficace, afin de partager conseils et expérience. 26 République tunisienne ENCADRÉ 4. LA COMMUNICATION LORS DE LA PRÉPARATION DU PROJET DE BRT À AHMEDABAD (Continued) Modalité de présentation - développement et présentation de prototypes et réalisation d’essais. Le projet a été présenté dans de grands événements publics - comme le « Real Estate Mega Show » organisé par l’Institut du Gujarat des Promoteurs Immobiliers (GIHED) en février 2008 et à « Vibrant Gujarat » en janvier 2009, événement majeur organisé par le Gouvernement du Gujarat chaque année pour attirer des investissements étrangers et nationaux dans l’État. Créer une identité de marque et la promouvoir. Le projet a été nommé « Janmarg » (le Chemin du peuple) pour toucher les citoyens et les aider à s’approprier le projet. L’adoption de ce logo dans les publicités, les panneaux d’affichage, le long de l’infrastructure du corridor, le matériel roulant, sur l’uniforme du personnel, etc. . . . a contribué à l’image du projet et à son acceptation par les intervenants. Les responsables du projet ont également produit beaucoup de documents imprimés (brochures, bulletins d’information, . . . ) destinés aux parties prenantes, aux passagers et aux visiteurs. Réactivité par rapport aux médias et aux questions des citoyens. Le traitement des médias par les autorités du projet d’Ahmedabad a été stratégique et efficace. Les préoccupations des médias ont été régulièrement traitées de manière adéquate et ils ont été tenus au courant de tous les développements. Les médias ont du coup joué un rôle constructif dans la promotion du projet et son appropriation par la communauté d’Ahmedabad. Source : Agarwal, Om Prakash, Zimmerman, Samuel, et Kumar, Ajay. (2018)15 4. Optimiser la gestion du réseau de voirie, la circulation et le stationnement L’optimisation de la gestion du réseau de voirie existant constitue la première étape du bon fonctionnement des transports et des transports publics en particulier. L’expérience internatio- nale montre qu’agir sur l’ensemble du réseau existant a souvent un impact plus important que la création de nouvelles infrastructures. Ceci doit donc représenter un préalable à tout nouveaux projets. Cette optimisation qui représente un coût modéré, pourrait permettre des gains significa- tifs s’agissant de la congestion. À cet effet, un plan de circulation devrait être élaboré, ou actualisé lorsqu’il existe, pour chacune des villes principales de Tunisie. Ces plans de circulation prévoiraient une hiérarchisation des voies et des voies réservés pour les transports en commun ainsi que des priorités aux feux de circulation. Par ailleurs, la mise en place d’un centre de gestion du trafic serait étudiée pour Sfax et Sousse et celui de Tunis rénové. 15 Agarwal, O.P, Ajay Kumar, and Samuel Zimmerman. “Public Transit: From Compulsion to Choice.” dans Emerging Paradigms in Urban Mobility: Planning, Financing and Management, 77–100. San Diego, CA: Elsevier, 2018. Consulté le 16 novembre, 2018. https://ebookcentral-proquest-com.libproxy-wb.imf.org/lib/jointlib-ebooks/detail.action?docID=5504717#. République tunisienne 27 ENCADRÉ 5. LE SYSTÈME GERTRUDE, UN EXEMPLE PARMI D’AUTRES DE SYSTÈME DE GESTION DU TRAFIC La société d’économie mixte Gertrude a été créée en 1981 par la communauté urbaine de Bordeaux. Son objectif initial était de réduire la congestion des axes routiers. Le système qu’elle a commercialisé équipe aujourd’hui de nombreuses villes en France et dans le monde : Dunkerque, Reims, Troyes, Metz, Montpellier, Alger, Monterrey, Porto, Lisbonne, Wroclaw et Pékin. Le dispositif Le système Gertrude (gestion électronique de régulation en temps réel pour l’urbanisme, les déplacements et l’environnement) permet une gestion en temps réel des feux de circulation. À partir d’un réseau de capteurs mesurant le trafic, il calcule chaque seconde le réglage optimal des différents carrefours à feux et le transmet aux contrôleurs. La gestion La mesure du trafic s’appuie sur un réseau dense de capteurs dédiés aux débits et aux taux d’occupation de la voie ainsi que sur la détection des véhicules de transport en commun. Afin de réduire les coûts liés à la pose de capteurs, de nombreuses villes adoptent aujourd’hui les solutions de capteurs sans fil. Le paramétrage du système permet de : • Favoriser la circulation sur un axe ; • Réduire la vitesse sur un axe ; • Favoriser la traversée des piétons ; • Faciliter la circulation des véhicules de transport en commun et des véhicules de secours Le système dispose également d’une fonction de supervision qui permet de gérer les incidents et divers événements. Source : Ministère de la Transition écologique et solidaire et le Ministère chargé des Transports de la République Française16 La gestion du stationnement, outre qu’elle puisse générer des recettes pour les systèmes de transport public, peut permettre d’inciter les usagers à emprunter les transports publics, pour autant qu’une offre de qualité soit disponible. À ce jour, la gestion du stationnement n’est organisée que partiellement dans les principales villes. Des plans de gestion du stationnement pourraient être élaborés pour les agglomérations de Tunis, Sfax, et Sousse. 16 Ministère De La Transition écologique et solidaire de la République Française, et le Ministère Chargé Des Transports. “Le Système Gertrude.” dans Gestion Du Trafic En Milieu Urbain : L’expertise Française, 7. Ministère De La Transition écologique Et Solidaire De La République Française. 12 juillet, 2017. Consulté le 16 novembre, 2018. https://www.ecologique-solidaire. gouv.fr/sites/default/files/17089_Gestion-trafic-milieu-urbain_Web_planches_FR.pdf. 28 République tunisienne Par ailleurs, le Ministère du transport pourrait étudier, en lien avec le Ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, la mise en place de zones sans voiture, voire de péages urbains. Il devrait également favoriser la mise en place de dispositif de co-voiturage et d’auto partage. S’agissant du co-voiturage, il pourrait, dans le cadre d’une expérience pilote à Tunis, mettre en place un site en lien avec les opérateurs de bus publics et privés, intéressés au premier chef par la diminution de la circulation. La mise en place de plans de déplacement professionnel à l’intention du personnel des entreprises et des organismes publics pourrait être encouragée afin de réduire le recours aux voitures particulières. 5. Clarifier la gouvernance des entreprises publiques Les relations entre l’État et les entreprises publiques devraient être clarifiées afin de faire face aux déficits qui s’accumulent avec le temps et améliorer la performance de ces dernières. Dans un premier temps, il importerait de redimensionner les entreprises publiques afin d’adapter leur taille à la mission qui leur est confiée. Ainsi, tant la TRANSTU que la SNCFT apparaissent dotées d’effectifs surdimensionnés. Des Contrats Objectifs Résultat (COR) pourraient être mise en place afin de doter d’une feuille de route claire les entreprises et leur indiquer les résultats attendus d’elles, notamment en matière de qualité de service. Ces contrats, d’une durée de 5 ans contiendraient des objectifs à atteindre chiffrés et mesurables et seraient également un outil de dialogue avec les autorités de tutelle. Dans le cadre de ces contrats, l’optimisation de la valorisation des actifs existants serait recherchée : rationalisation du nombre des bâtiments, recours à la publicité pour en accroitre la valorisation, . . . Les revenus ainsi générés contribueraient à l’assainissement des passifs et l’investissement dans le renouvellement et l’accroissement de la flotte de véhicules. Les futures AO étant appelées à jouer le rôle de régulateur des transports collectifs seraient à terme les interlocuteurs des entreprises pour la passation, la gestion, et le suivi de ces contrats. La clarification des relations entre l’État et les entreprises publiques passe aussi par la possibilité pour les entreprises d’augmenter leurs tarifs de manière plus régulière, à tout le moins du montant de l’inflation, et de se voir compenser complétement les gratuités ou réductions de tarifs qu’elles doivent accorder à certaines catégories de voyageurs (scolaires, étudiants, handicapés, militaires . . . ). Les Ministères concernés (Ministère de l’Intérieur, Ministère des Finances, Ministère de la Défense, Ministère des Affaires Sociales) devraient être associes la recherche d’un mécanisme pour ce faire. 6. Mettre en place un financement pérenne des transports urbains Plusieurs actions peuvent être envisagées en la matière : Analyser la situation existante. Préalablement à la recherche de nouvelles sources de financement, il importe de déterminer si les infrastructures et matériels existants sont utilisés de façon optimum ou si des améliorations peuvent être apportées, mais également d’identifier République tunisienne 29 ENCADRÉ 5. AU NIVEAU INTERNATIONAL, UN RECOURS CROISSANT AUX OPÉRATEURS DE BUS PRIVÉS L’expérience internationale montre que dans les pays les plus développés, les autorités de transports affichent une tendance croissante à recourir à des opérateurs privés sur la base de contrat, généralement d’une durée de 5 ans. En France, historiquement, les services de transport étaient opérés en régie par des sociétés publiques. Actuellement, hormis Paris intra-muros, dont les opérateurs de transport (SNCF et RATP) sont publics, dans le reste du pays, la plupart d’entre eux sont privés (hormis Toulouse et Marseille dont les services de transport sont opérés en régie). La situation à Paris va évoluer rapidement puisque par suite de la directive européenne du 24 octobre 2007, relatif aux services publics de transport de voyageurs, les services de bus, seront ouvert à la concurrence le 1er janvier 2024. Par ailleurs, les bus opérant en banlieue Parisienne, appartiennent tous à des compagnies privées qui ont passé un contrat avec l’autorité de transport, Île-de-France Mobilité. Au Royaume-Uni, les opérateurs de bus sont généralement privés, tant à Londres que dans les autres agglomérations principales du pays. A Londres, ils fonctionnent sur la base d’un contrat service avec TfL, et ce modèle est en voie de généralisation dans les grandes métropoles. En Espagne, s’agissant de Madrid, l’opérateur de bus est une entité publique (EMTA). Aux États-Unis, les opérateurs municipaux sont généralement publics, à quelques exceptions près. A Bogota, le système de bus rapides (BRT), connu sous le nom de Transmilenio, est assuré par un opérateur privé. A Seoul et Singapour, les opérateurs sont des sociétés privées, à Dubaï, les services de transports de bus sont assurés par des opérateurs privés et publics. La question essentielle en la matière est celle du niveau de qualité de service offerte aux voyageurs, le choix entre opérateurs publics ou opérateurs privés n’étant qu’un moyen d’y parvenir. Ceci suppose que dans le contrat entre l’opérateur et l’autorité de transport, des objectifs clairs et mesurables soient fixés, ainsi qu’un mode de mesure de ceux-ci. si l’État n’incite pas à l’achat et l’utilisation de véhicules individuels (par des prêts bonifiés pour l’acquisition des véhicules individuels, des subventions sur les carburants, . . . ) ayant pour effet d’augmenter les difficultés existantes telles que la congestion et la pollution. Il importe en effet, de s’assurer que l’État ne subventionne pas indirectement la congestion et la dégradation de la qualité de l’air. De ce fait, dans une première étape, il serait souhaitable que le Ministère des Finances procède à une analyse de la situation existante afin de déterminer si l’utilisation de véhicules individuels ne bénéficient pas de dispositifs incitatifs qui pourraient être supprimés ou redirigés en faveur des transports publics. Par ailleurs, une étude pourrait être conduite sur le coût de la congestion afin de déterminer quel est le coût de l’inaction en la matière, non seulement par souci de transparence mais également afin de permettre une juste-appréciation du coût des actions à mener en matière de transport au regard des économies qu’elles peuvent engendrer. 30 République tunisienne Centraliser les ressources du transport urbain. Une étude sur la mise en place d’un Fonds National des Transport Urbain (FNTU) pourrait être réalisée afin de centraliser des recettes dédiées aux transports urbains. Les recettes du Fonds pourraient comprendre, outre les fonds issus du budget de l’État, le produit des diverses taxes additionnelles : taxes sur les véhicules (possession et utilisation), sur l’essence,. . . . Une étude de faisabilité de ce fonds pourrait être menée sous l’égide de la Banque mondiale, qui ferait également une revue des sources de financement envisageables. La participation du Fonds au financement de projets locaux de transport urbain pourrait être conditionnée au respect par les agglomérations et municipalités de conditions préalables précises : disposer d’un plan de déplacement urbain (PDU), avoir mis en place une autorité organisatrice des transports urbains (AO) . . . Dégager de nouvelles ressources. Dans un second temps, et afin de dégager des ressources, des augmentations de taxes existantes pourraient être considérées afin de faire contribuer d’avantage les bénéficiaires directs ou indirects des infrastructures de transport et du transport public (taxes sur les carburants, taxes d’enregistrement des vehicules, vignette automobile, . . . ) afin de taxer les usagers de la voirie qui, comme le montre l’expérience internationale, restent sous-taxés en comparaison des coûts et externalités qu’ils font supporter à la collectivité. À cet égard, les taxes sur l’essence présentent l’avantage par rapport aux autres taxes sur les véhicules (vignettes, droits d’enregistrement, . . . ) de varier en fonction de l’utilisation qui est faite du véhicule. Comme indiqué supra, une étude spécifique sur la situation actuelle et les possibilités éventuelles de création de taxes additionnelles serait conduite. D’autre types de taxes pourraient être envisagés à l’instar du Versement Transport (VT) en France qui s’appliquent à toutes entreprises de plus de 11 salariés situés dans un périmètre de déplacement urbain bien définit, qui permettent de faire contribuer les bénéficiaires indirects des systèmes de transports en commun que sont les entreprises. Si la situation juridique et institutionnelle de la Tunisie, notamment en matière de décentralisation ne permet pas aujourd’hui d’envisager la création d’un tel impôt à court terme (les municipalités ne sont pas compétentes en matière de transport urbain), à tout le moins, le cadre juridique du VT pourrait être posé au niveau national afin de donner à l’avenir aux municipalités la possibilité de le mettre en œuvre. S’agissant des recettes voyageurs, il conviendrait de donner aux entreprises de transport la possibilité de les faire évoluer progressivement à la hausse afin de procéder à un rattrapage par rapport aux non-augmentations passées et ainsi d’acquérir les matériels roulants nécessaires et offrir un service de qualité aux voyageurs. Compte tenu de la sensibilité politique des décisions s’agissant des hausses de tarifs, il conviendrait de mettre en place un mécanisme d’ajustement automatique par rapport à l’inflation. La fraude dans les réseaux de bus, tant en interne s’agissant de la perception des recettes, que de la part des voyageurs, est un sujet universel. Afin de s’en prémunir, il conviendrait de disposer en interne d’un système de traçabilité des billets. S’agissant des voyageurs, il conviendrait de mettre en place des systèmes de billets et d’abonnement sans contact afin de limiter les paiements en espèce, de renforcer les contrôles et la présence de caméras embarquées. En tout état de cause le développement de l’offre de bus, et par voie de conséquence des bus moins surchargés permettrait de procéder à des contrôles plus efficaces. République tunisienne 31 Accroître la participation de l’État. De nombreux pays développés et émergents à travers le monde, compte tenu de l’importance économique, sociale et environnementale des transports urbains, ont adoptés des politiques nationales promouvant une large participation financière de l’État. En effet, l’expérience internationale montre que les recettes voyageurs ne peuvent le plus souvent suffire à financer les transports urbains et que ceux-ci doivent le plus souvent disposer des subventions afin de remplir leurs diverses missions, notamment sociales et environnementales. Ceci est d’autant plus légitime que les externalités liées aux transports représentent un coût non négligeable pour la collectivité. L’État pourrait engager une étude afin d’analyser et optimiser les subventions qu’il verse aux opérateurs au titre des tarifs sociaux et à la compensation des transports scolaires et celles qui sont nécessaires afin de disposer d’une offre de service de qualité. Accroître la participation du secteur privé au développement de l’offre. Afin d’accroitre les financements disponibles, mais également de disposer de benchmarks, le recours au Partenariat Public-Privé (PPP) pourrait être développé même si ceci ne peut, par définition, et ne devrait pas se substituer totalement aux financements de l’État. Cette recommandation s’inscrit dans le cadre des priorités affichées par la Tunisie dans le cadre de l’accord de prêt signe avec la Banque mondiale le 25 mai 2018. La Tunisie ne dispose pas d’une expérience très ancienne en matière de PPP, elle a cependant eu recours au PPP sous forme de délégation de service public (DSP) lorsque des lignes de bus ont été concédées à des opérateurs privés à Tunis au début des années 1990 (fonctionnement du service, construction de dépôts et achat des bus). S’agissant des infrastructures, la Tunisie a eu recours récemment au PPP pour construire trois parkings à étage à Tunis et des gares routières, à chaque fois par le biais de sociétés tunisiennes. Le PPP peut s’avérer un instrument très efficace mais requiert pour cela un contexte institutionnel approprié et de réelles compétences, tant au sein des services de l’État que des entreprises concernées, compte tenu de sa complexité. La Banque mondiale, par son expérience, peut apporter un soutien à la Tunisie dans la préparation de PPP. Ses institutions que sont l’IFC ou MIGA pourraient être utilement mises à contribution, notamment s’agissant de l’atténuation des risques. Malgré une part de marché concédée faible (13%), il semble que l’expérience du transport privé sur le Grand Tunis ait permis d’atteindre des résultats intéressants, tant en matière de volume que de qualité de l’offre de service, de création d’emplois, de niveau de sécurité (nombre d’accidents avec dégâts corporels extrêmement faible). Cette expérience mérite du coup sans doute d’être développée dans l’intérêt des voyageurs. L’expérience internationale montre que la participation du secteur privé permet le plus souvent d’offrir aux voyageurs une meilleure qualité de service, ainsi qu’une offre augmentée, de réduire les coûts d’exploitation, de substituer du capital privé aux ressources publiques pour financer les investissements et de stimuler la gestion des entreprises publiques. Le recours aux opérateurs privés se ferait via des contrats de Délégation de Service Public (DSP) après mise en concurrence. À cet effet, chaque municipalité ou AO pourrait prévoir un pourcentage de lignes qu’elle ouvrira à la concurrence. Compte tenu de l’état de l’offre de transport public actuelle, il est probablement souhaitable que ce pourcentage soit significatif. Dans un souci d’amélioration rapide de l’offre et de la qualité du service et de maitrise des coûts d’investissements, il conviendrait de permettre aux opérateurs de transport publics délégataires 32 République tunisienne de service public de recourir à des appels d’offres internationaux pour leurs équipements en matériel roulant, au cas où les appels d’offre nationaux seraient infructueux. 7. Favoriser l’accés des femmes aux services de transport L’accès des femmes aux services de transport recouvre deux aspects : (i) leur présence dans les entreprises de transport ; et (ii) leur utilisation des services en tant que passagères. S’agissant de leur présence dans les entreprises de Transport, une étude récente (i)  de la CODATU montre que tant à la TRANSTU qu’à la SNCFT, elle reste faible : 7,75% de l’effectif à la TRANSTU, dont la majorité appartient au personnel administratif (61%). Si plus de 30% des postes à responsabilité sont occupés par des femmes, elles demeurent sous représentées au sein du personnel d’exploitation (0,87%). Les opéra- teurs de bus pourraient être sollicites afin d’accroitre le nombre de femmes dans leurs services d’exploitation. S’agissant des opérateurs ferroviaires, dans la mesure où les cabines de conduite sont individualisées, des conductrices peuvent probablement y être plus facilement recrutées que dans les sociétés de bus. Afin d’inciter les femmes à utiliser les transports en commun dans de bonnes conditions (ii)  de confort et de sécurité, l’amélioration du confort dans les bus et les trains doit être une priorité de même que la sécurisation à travers le renforcement de la présence des con- trôleurs et la mise en place de caméras embarquées. Le développement de l’offre et par voie de conséquence des bus et trains moins bondés doit permettre également d’amélior- er la sécurité. 8. Rendre les transports publics durables Afin de rendre les transports publics plus durable, l’ensemble du parc de bus devrait être amené respecter la norme Euro 4 ou des normes supérieures, à un horizon de 3 ans. Le développement de véhicules électriques et hybrides pourrait être favorisé par le biais d’incitations fiscales, notamment s’agissant des transports collectifs. La politique de réduction des subventions sur les carburants, notamment les plus polluants d’entre eux, engagée depuis plusieurs années et figurant parmi les priorités affichées dans le cadre de l’accord de prêt signé entre l’État tunisien et la Banque mondiale, sur l’investissement, la compétitivité et l’inclusion, le 25 mai 2018, va dans le sens de la durabilité des transports publics. 9. Déclarer la sécurité routière priorité nationale Compte tenu du nombre élevé de décès sur les routes, la sécurité routière devrait être déclarée priorité nationale. Par ailleurs, dans la mesure où il s’agit d’un domaine qui intéresse différents Ministères et entités et, afin de donner un signal fort, le Conseil National de la Sécurité Routière devrait être placé auprès du Chef du gouvernement et se réunir au moins deux fois par an. Par ailleurs, afin de donner un visage à la sécurité routière, un Délégué Interministériel à la Sécurité Routière (DISR) pourrait être nommé auprès du Chef du gouvernement afin de République tunisienne 33 ENCADRÉ 6. L’ORGANISATION INSTITUTIONNELLE DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE EN FRANCE Au niveau national 1972 • Création d’un Comité interministériel à la Sécurité routière (CNSR), présidé par le Premier Ministre. Le Comité définit la politique française de sécurité routière. • Instauration d’un Délégué à la sécurité routière, rattaché au Premier Ministre. Il coordonne la mise en œuvre de la politique de sécurité routière. 1993 • Création d’un Observatoire National Interministériel à la Sécurité Routière (ONISR), placé auprès du Premier Ministre. Au niveau local Le Préfet de département est chargé de coordonner la mise en œuvre de la politique de sécurité routière et s’appuie sur le chef de projet « sécurité routière ». coordonner l’action dans ce domaine. Il conviendrait également de renforcer les actions de sensibilisation à l’égard des intervenants et des citoyens. 10. Favoriser le développement des modes doux et tirer le meilleur parti des nouvelles formes de mobilité Les nouvelles technologies offrent des possibilités de mobilité, voire de déplacements évités, qui pourraient contribuer à régler, au moins partiellement, les problèmes rencontrés actuellement. Ainsi, le développement du co-voiturage pourrait permettre de réduire les problèmes de congestion. En Europe, certaines autorités de transport sont ainsi en train de mettre en place des plateformes pour développer ce mode de transport. En l’absence d’autorités de transport en Tunisie, les principaux intéressés à la diminution de la congestion, pourraient initier la création de telles plateformes. Ainsi, le Ministère du Transport et celui de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, ainsi que les municipalités, pourraient initier la création d’une telle plateforme en leur sein. Par ailleurs, l’État pourrait inciter par le biais de la normalisation des technologies le développement et l’utilisation de véhicules moins polluants et plus respectueux de l’environnement (voitures hybrides, voitures et bus électriques, . . . ). Le cas échéant des incitations financières pourrait être étudiées. L’usage du vélo comme mode de déplacement quotidien reste quasi-absent dans les grandes villes tunisiennes (0,8% de la part modale à Sfax, moins de 1% à Tunis). Ceci pourrait s’expliquer notamment par l’absence de mention de ce type de mobilité dans les textes de loi et par voie de conséquence de prise considération par les administrations responsables. Un plan 34 République tunisienne de développement du vélo et des aménagements nécessaires devrait être développé par les principales agglomérations. De la même façon, les conditions de déplacements pour les piétons devraient être améliorées par l’aménagement de trottoirs et les automobilistes sanctionnés s’ils s’y garent. Une attention particulière devrait également être portée aux aménagements destinés aux personnes à mobilité réduite. En effet, l’expérience internationale montre que dans la plupart des pays, 10% de la population souffre d’une forme ou une autre de handicap physique.17 11. Mettre en place des actions de formation sur les transports urbains et la mobilité A l’instar de nombreux pays, les besoins de formation en matière de transports urbains sont très importants en Tunisie. Si des formations techniques sont dispensées par l’Institut Supérieur du Transport et de la Logistique de Sousse (ISTL), une formation générale à destination des décideurs afin de leur donner une vision d’ensemble du secteur serait souhaitable. A cet effet, une session du programme de formation « Leaders in Urban Transport Planning » (LUTP) crée par la Banque mondiale, en lien avec l’université de Harvard, a été organisée en octobre 2018 à destination des fonctionnaires des Ministères et des collectivités locales mais également des opérateurs et autres parties prenantes du secteur des transports urbains. Une seconde pourrait l’être en 2020 qui accorderait une attention particulière aux questions de gouvernance et de financement des transports urbains afin d’accompagner la Tunisie dans la mise en place des AO et d’un système de financement pérenne. Un atelier sur la gouvernance et le financement des transports urbains, auquel participeraient des représentants d’autorités de transports existantes pourrait être organisé afin de faciliter la mise en place des AO et la recherche de nouvelles sources de financement. Cet atelier aborderait toutes les questions relatives au fonctionnement d’une autorité de transport (compétences, gouvernance, financement, personnel, . . . ) et envisagerait les ressources qui pourraient potentiellement lui être attribuées. Dans ce cadre, une session spécifique serait réservée à la question des parkings. Gwilliam, K. M. Cities on the Move: A World Bank Urban Transport Strategy Review. Washington, DC: Banque mondiale, 17 2002. Consulté le 16 novembre, 2018. https://elibrary.worldbank.org/doi/abs/10.1596/0-8213-5148-6. République tunisienne 35 D. Déclinaison et mise en œuvre de la stratégie Principales propositions 1.    Restructurer et développer l’offre de transport public • Réviser les lignes de transport urbain existantes et leur adéquation par rapport à la demande • Développer l’offre de transport urbain • Développer le recours aux opérateurs privés sous forme d’une délégation de service public • Réaliser sans délais les projets structurants (RFR, tramway de SFAX) 2.    Améliorer la coordination entre les acteurs institutionnels • Opérationnaliser le Comité National des Grands Projets/CIAT •  Instituer auprès du Chef du gouvernement un responsable interministériel aux AO et mettre en place des AO à Tunis, Sfax et Sousse • Actualiser les PDU dans les principales agglomérations • Réaliser pour chaque projet d’infrastructure publique une étude d’impact transports 3.    Placer les citoyens au cœur du dispositif de mobilité urbaine • A  ssocier les citoyens aux projets de transport (infrastructures et services) par le biais d’enquêtes publiques, d’enquêtes de satisfaction, de panels d’usagers, d’applications informatiques . . . 4.    Optimiser la gestion du réseau de voirie, la circulation et le stationnement • Elaborer/actualiser un plan de circulation et un plan de stationnement à Tunis, Sfax et Sousse • Rénover le centre de gestion du trafic à Tunis 5.    Clarifier la gouvernance des entreprises publiques • Mettre en place des Contrats Objectifs Résultat (COR) de 5 ans, prévoyant notamment la valorisation des actifs 6.    Mettre en place un financement pérenne des transports urbains • Procéder une analyse de la situation existante et conduire une étude sur le coût de la congestion •  Etudier les possibilités de création de taxes additionnelles aux taxes existantes sur les carburants, les droits d’enregistrement, la vignette automobile, . . . • Opérer un réajustement tarifaire cohérent avec le coût réel du service à mettre en œuvre progressivement sur 3 ans • Adopter une politique tarifaire cohérente entre bus privés, publics et taxis 7.    Favoriser l’accès des femmes aux services de transports • Promouvoir leur recrutement dans les entreprises de transports • Améliorer la qualité de service et renforcer les contrôles 8.    Rendre les transports publics durables • Porter le parc de bus à la norme Euro 4 ou des normes supérieures, à un horizon de 3 ans • Favoriser l’achat des véhicules électriques et hybrides 9.    Déclarer la sécurité routière priorité nationale • Déclarer la sécurité routière « priorité nationale » • Positionner le Conseil National de la Sécurité Routière auprès du Chef de gouvernement • Nommer un Délégué Interministériel à la Sécurité Routière (DISR) auprès du Chef de gouvernement Favoriser le développement des modes doux et tirer parti des nouvelles mobilités et des technologies de 10.  l’information et de la communication • Optimiser et développer l’utilisation des TIC • Améliorer les conditions de déplacement des piétons et cyclistes par la mise en place d’aménagements dédies Mettre en place des actions de formation sur les Transports Urbains et la mobilité 11.  36 République tunisienne E. Annexes 1. Liste de personnes rencontrées Ministère du Transport Sassi Hammami, Secrétaire Général Frej Ali, Directeur général des Transports terrestres Madani Mouldi, Directeur des études et du développement Moiz Zerei, Sous-directeur des transports régulier de personne Bouazizi Tarek, Sous-directeur des études Mohamed Mehdi Ftiti, Sous-directeur des études Belhassen Miniaoui, Chef de service coopération internationale Joumana Elghalia Hermassi, Chef de service Ministère des Affaires Locales et de l’Environnement (ANPE) Fourti Mohamed Cherif, Ingénieur Général Ministère de l’Equipement, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire Kamel Doukh, Directeur Général Ministère des Finances Hatem Souli, Inspecteur Central, Direction du budget Akkari Bilel, Chef de service Instance Générale de Partenariat Public/Privé Atef Majdoub, President Sonia Attia Ep Jrad, Conseilleur des Services publics Mairie de Tunis Souad Ben Abderrahim, Maire Hafidha Mdimegh, Secrétaire Générale Hatem Ben Kedim, Chef de Cabinet Adnene Saidane, Directeur informatique Sami Loussaief, Chef du bureau du suivi et de la coordination Nasr Khelifi, Directeur de la circulation et du stationnement Agence d’Urbanisme du Grand Tunis Ghalawshi Jihme, Directeur Général Fatma Jomni, Directrice des études et des recherches Kouba Yousr, Sous-directeur Moslem Karray, Chef de service Aissa Adel, Administrateur en chef République tunisienne 37 Gouvernorat de Tunis Hadheni Benharreth, Secrétaire Générale Olfa Ballouchi, Sous-directeur chargé des affaires Economique Observatoire National de Sécurité Routière (ONSR) Hichem Khiari, Sous-directeur Société TRANSTU Salah Belaid, Président Directeur General Chamekh Fethi, Chef de la division contrôle de gestion Sociétés STC, TUS, TUT, TCV Adnen Ben Salah, Directeur General Mohsen Fradi, Directeur General Balzarini Jean-Marc, Président Chniti Mochtar SNCFT Yahia Zribi, Directeur du département planification et contrôle de gestion Soulef Sadik, Chef de la division planification Karim Bechikh, Chef de la division budget Institut Supérieur du Transport et de la Logistique de Sousse Khlifa Selimi, Directeur Bureau d’étude Abdelhak Salhi, consultant Agence française de développement Basma Farhoud, chargée de mission Société du métro léger de SFAX Mohamed Afes, Directeur CODATU Mathieu Martin, chargé de mission Banque mondiale Tony Verheijen, Directeur pays Abdoulaye Sy, économiste pays Moez Cherif, économiste principal en énergie Tu Chi N’Guyen, économiste énergie Jaafar Sadok Friaa, program leader 38 République tunisienne 2. Résumé du rapport en anglais Tunisia is undergoing an urbanization process, experiencing a rapid increase in the demand for mobility and motorization, and is facing increasing automobile congestion. Cities are the engines of economic growth and their efficiency is a central topic. A recent World Bank study conducted in Cairo showed that congestion could cost about 3% of the country’s GDP. In addi- tion to congestion costs, the cost of pollution and road accidents should be added to this per- centage. Tunisia seeks to improve the economic and social efficiency of its cities by improving the transport conditions of citizens and goods and reducing congestion. To meet this objective, it seeks to strike the right balance between building new infrastructure and optimizing the use of existing ones. For this reason, the Ministry of Transport and the World Bank agreed to jointly prepare this policy note on urban transport to identify the problems, the needs of improvement, and possible measures that could be taken. This note focuses on the three main cities, Tunis, Sousse and Sfax which are the ones mainly facing urban transport problems. This strategic note is part of the priorities outlined in the framework of the loan agreement signed between the Tunisian State and the World Bank on investment, competitiveness and inclusion, on May 25, 2018, aims to involve more the private sector, reducing subsidies on energy products (including fuel), and reducing import barriers. Context and diagnostic of the urban sector Tunisia has experienced strong population growth in recent years with an increase in popula- tion size from 9 million inhabitants in 2004 to nearly 12 million in 2018. According to the 2014 census, the urban population was 7.437 million, or 67% of the total population. By 2044, urban growth projections indicate that the Tunisian population could reach 14 million. As urbanization and urban sprawl increase, the more the demand for effective public transport and greater mobility increases. The urban sprawl and the limited supply of public transport services lead to the frequent use of private cars which contributes to the increase in congestion, which is most apparent in Tunis and Sfax. The rate of mobility of citizens has grown significantly in Tunisian cities. In Sfax, it increased by 13% from 2012 to 2015. The car fleet increased from 76 cars per thousand inhabitants in 2008 to approximately 91 cars in 2011. The positive trend towards household ownership of private vehicles continues, with the number of households owning one car or more having increased from 21% to 27.2% between 2004 and 2014. Although no recent data on the cost of congestion is available, it could be estimated, from a fiscal study conducted in Tunisia in 1999, at around 2% of the GDP. With respect to pollution, the diesel fuel that is most commonly used in Tunisia contains 0.2% of sulfur, which is higher than the accepted European standard norm of 0.1%. The Tunisian government has launched a comprehensive subsidy reform program that aims, among other things, to reduce subsidies on diesel fuel to help curb pollution. By reducing congestion and improving transport conditions, citizens will have better access to jobs, education and social services which in turn will lead to reductions in poverty and social inequality. With approximately 1400 deaths on the roads each year for the last 10 years, for a population of 11.5 million, the situation in Tunisia appears very serious by international standards. République tunisienne 39 The legal framework for urban transport is set by the law n°2004-33 on the organization of land transport and the law 2018-29 on local authorities (code des collectivites locales). The law of 2004 asserts public transport as a priority and lays the framework for the creation of regional urban transport authorities (Autorités Régionales Organisatrices des Transports Terrestres or AROTTs). Their main missions are: (i) to coordinate between the various stakeholders in the field of urban transport, (ii) to organize urban and regional transport for passengers, (iii) to develop and monitor the implementation of regional land transport master plans. No AROTTs have been set up so far, however, projects committees have been set up in Sfax (2015) and Tunis (2018). The law of 2018 has recently attributed certain competences on urban transport and school transportation to municipalities and this will have to be taken into account when creating transport authorities. AROTTs would bring about a certain degree of decentralization, if compared to the previous organization of urban transport. Certain functions however would remain centralized at the national level such as fare setting, concession contracts and financing. At the national level, the institutional organization is largely fragmented, since six ministries, (those in charge of Transport, Infrastructure; Local Affairs and Environment, Finances, the Interior, and Development, Investment and International Cooperation) are involved in the field of urban transport and the coordination between sometimes appears insufficient. In addition to this, the national expertise available in urban transport seems limited as only 10 people at the Ministry of Transport work on urban transport. National fragmentation is mirrored at the metropolitan level as no institution is responsible for defining and monitoring the implementation of urban transport strategies and the management and organization of urban transport as a whole. The establishment of AO could be an opportunity to increase organizational efficiency by clarifying each stakeholder’s responsibility. Public transport services do not appear to be optimally organized and do not provide users with a satisfactory quality of service. Various public and private transport operators compete on the most profitable routes, instead of cooperating on a network basis, and bus lines have mostly not been re-designed according to the evolution of the demand, which is not very well known in itself. Most transport operators struggle to balance their accounts due to the non- optimal organization of transport networks and not being able to increase their fares, among other things. Private operators, who can manage their fares more freely than public operators, are reluctant to go too far to avoid their passengers turning to taxis, which because of their low prices, play a quasi-public transport role. The government is heavily involved in financing infrastructure and renewing equipment. Regarding operations, apart from financing school transportation (435 million dinars in 2017), which are significant amounts, the government does not intervene in the financing of urban transport. A relevant cost accounting would be necessary to precisely know the amount that the government must compensate operators. The urban road network is not adapted to transport needs in terms of its capacity, structure and management of intersections. The main roadways have insufficient capacity which favors congestion at peak times. Road networks in the main cities are insufficiently prioritized and little facilities exist in favor of other modes of transports than cars. The way public space is shared is detrimental to pedestrians and soft modes are not sufficiently considered. No global policy regarding parking exists to optimize public space and favor the use of public transport. In cities such as Tunis and Sfax, this translates into a very visible saturation of on-street parking. 40 République tunisienne Apart from Sfax and Tunis, no other city has an Urban Mobility Plan, and the one on Tunis dates from 1998. Data on travels and travel demands are scarce and the preparation of Urban Mobility Plans would help fill this void. In Sfax, more than one-third of motorized trips are made by private car or taxi. Accurate data is not available for Tunis and Sousse, but it may be inferred that modal shares are somewhat similar. Today, public transport accounts for about 30% of the modal share of motorized trips in Tunis, and private vehicles make up 70%. In the mid-1970s, these percentages were the reverse. The supply of buses is insufficient in most major Tunisian cities and does not meet the needs of the population, neither in quantity nor quality, and thus bus transport does not fulfill the key role that they usually fulfill in developing countries. Most operators of urban transport in Tunisia are public enterprises, such as TRANSTU. A few private operators have been authorized to operate under a public service delegation (concession) so long as they provide each passenger with a seat which is not a specification required of public operators. School transportation services is provided only by public operators. Passengers pay about 10% of the cost of the ticket and the government compensates operators. Many public operators are overstaffed which contributes to their difficulty to balance their accounts. Until 2009, private operators managed to balance theirs but reached the price- elasticity limit with respects to taxi fares. Currently, urban rail transport only operates in Tunis and the Sahel (Sousse, Monastir, and Sahline) and is provided by the Tunisian National Railway Company, which transported 45 million passengers in 2017. In Tunis, the Rapid Rail Network (RFR) project, which envisions the creation of 5 railway lines serving urban areas, has fallen significantly behind schedule. To meet the strong demand for transport, a new mode of transportation, the “shared taxi”, which can carry up to 9 people, was introduced in 1989. In Tunis, 1800 licenses have been granted since then. Since 2011, illegal shared taxis have developed and represent roughly the same number of vehicles as those duly authorized. It is estimated that the number of shared taxis is two to three times higher than the number of buses in operation. Non-motorized forms of transportation, such as walking and biking, are difficult in Tunisian cities because of often inadequate infrastructure, uncivil behavior (sidewalks used as parking by motorists) and congestion on public roads that make them difficult to cross. Transport expenditure represents a significant part of household expenditure (10%), even though this amount is inferior to what can be witnessed in other countries, but it must be assessed considering the level quality of service offered. The vision for the urban transport sector the vision for urban transport is: (i) to put the citizen at the core of the transport system in defining projects and organizing the services around its needs, (ii) to make cities more livable, and (iii) economically efficient. To meet these goals, the urban transport system should have three pillars: 1. Put the citizen at the core of the transport system to optimize access to jobs, education, and healthcare. The objective is to set up an integrated, reliable and affordable public République tunisienne 41 transport system based on the needs of citizens with close attention to populations with specific needs such as women, children, disabled people, etc. Transports are a prerequisite for citizens to access jobs, education and health services. 2. Favor economic growth. As cities are the engines of economic growth, improving transport conditions is central to increasing their economic efficiency. 3. Promote sustainable transport. The aim is to give priority to public transport and to set up an environmentally-friendly transport system. General strategy for the urban transport sector and main measures to implement  1. Restructure and develop the public transport offer. In the reviewed Tunisian cities, the public transport service on offer, be it buses or trains, do not meet the needs and has not evolved with demand. Public transport should be restructured and adapted to citizens’ needs to improve commutes, fight congestion and offer quality transport conditions. The respective roles of buses and taxis should be reassessed, while fares and physical integration should be promoted. Long delayed projects such as the Tunis Rapid Rail Network (RFR) should be implemented rapidly.   2. Improve coordination between institutional actors. Coordination between actors should be improved at the national and local levels. At the central level, the National Committee for Major Projects could play this role and meet twice a year to decide on major infrastructural projects. To improve decisions, a National Observatory on Land Transport to collect relevant data could be set up. At the local level, AOs should be put into place in the main cities in order to have a unique decision center. To give them credibility, they should be in the position to rapidly implement a project such as a Bus Rapid Transit system (BRT) and present tangible results to the population. An AO representative position could be created in the Head of Government’s team to coordinate implementation. To better plan, organize and coordinate the different urban transportation modes, Urban Mobility Plans should be updated or drafted in the main cities.   3. Place citizens at the core of the transport system to optimize access to jobs, education, and healthcare. The central objective of government action in the sector must be to set up a sustainable transport system that enables citizens, irrespective of their social category, to meet their transport needs in good condition in an economically efficient and environmentally respectful manner. It will also seek to involve citizens in investment decisions and in assessing the services provided.   4. Optimize the use of the road network, traffic and parking management. Optimizing the use of the existing road network is a first step in the proper functioning of public transport. This represents a moderate cost and can improve congestion significantly. To this end, traffic and parking plans should be developed for each of the main cities of Tunisia. Traffic plans would define the hierarchy of lanes and those reserved for public transit as well. The renovation of the traffic management center in Tunis should be considered. Parking should also be managed to encourage citizens to use public transport and generate revenues for the sector.  5. Clarify the governance of public enterprises. Relations between the state and public enterprises need to be clarified to cope with the deficits that accumulate over time and 42 République tunisienne improve their overall performance. To start with, it is important to resize public enterprises to adapt their size to the mission entrusted to them. Objective Result Contracts could be set up to provide companies with clear roadmaps regarding results and the quality of service expected from them. The state should also allow public enterprises to manage their fares and compensate them fully with regards to social fares.   6. Set up sustainable financing mechanisms for urban transport. Several actions could be considered: (i)  Optimize the existing situation. Prior to finding new sources of funding, identifying whether existing infrastructure and rolling stock are being used optimally is a first step. The Ministry of Finance could also review if the use of private vehicles does not benefit from incentives that in the long run foster congestion and could be redirected to public transport. Centralize urban transport financial resources. Setting up a National Urban (ii)  Transport Fund (NUTF) could be studied to help redirect certain resources towards the financing of transports. The participation of the NUTF in project financing could be conditioned by the existence in the city of a PDU or having set up an AO. Consider new financing sources. In order to have indirect beneficiaries of transport (iii)  infrastructure and public transport contribute to financing, some existing taxes could perhaps be increased (fuel taxes, registration taxes, car stickers, etc.). A study could be conducted to review the additional resources that could be mobilized. (iv) Optimize Government involvement. The government could undertake a study to analyze if subsidies paid to operators to compensate school transport could be optimized. (v) Increase private sector participation. The use of Public-Private Partnerships (PPP) could be developed to complement public funding. Public service delegation “Delegation de Service Public” contracts would structure the relationship between the government and operators. (vi) Facilitate women’s use of transport services. Bus and train operators should be incentivized to recruit more women to operate the transport systems, as they are underrepresented in this field. Additionally, improving comfort and safety in buses and trains should be a priority as well ensuring the presence of public transport controllers and the installation of security cameras to encourage more women to use public transportation.  7. Make public transport more sustainable, the bus fleet should comply with the Euro 4 standard or higher standards, within a horizon of 3 years. The development of electric and hybrid vehicles could be promoted through tax incentives, particularly for public transport.   8. Given the high number of road deaths, road safety should be declared a national priority and to emphasize this, the National Road Safety Council should be placed within the office of the Head of Government and meet at least twice a year. An Inter-Ministerial Delegate for Road Safety should be appointed and placed similarly, to coordinate action on road safety.  9. Promote the development of soft modes of transportation and make the best of new forms of mobility. By allowing new forms of mobility, such as carsharing, innovative République tunisienne 43 technologies could help reduce congestion problems. Nowadays, some transport authorities in Europe set up platforms to help develop new forms of mobility. In Tunisia, the Ministry of Transport and Infrastructure could follow this example. Soft modes, such as walking and biking could be promoted through the creation of dedicated infrastructure. 10. Organize training sessions on urban transport. A high need for training in urban transport exists in Tunisia. Sessions of the World Bank training program “Leaders in Urban Transport Planning” (LUTP) training program could be organized. 44 République tunisienne