84031 v2 Déclaration de Nouakchott sur le pastoralisme Mobilisons ensemble un effort ambitieux pour un pastoralisme sans frontières 29 octobre 2013 NOUS, les chefs d’Etats et de gouvernements des six pays sahélo-sahariens (Burkina Faso, Mali Mauritanie, Niger, Sénégal, Tchad), sommes réunis à Nouakchott, à l’invitation du Gouvernement de la République Islamique de Mauritanie, du Comité permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS) et de la Banque mondiale, aux côtés des Commissions de l’Union Africaine, de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), et en présence de représentants des organisations internationales, des organisations régionales, de la recherche scientifique, des organisations de la société civile, des organisations de producteurs, du secteur privé et des partenaires techniques et financiers, dans l’objectif de renforcer la résilience des sociétés pastorales sahélo-sahariennes. CONSIDÉRANT QUE :  La pratique pastorale intègre la valorisation des ressources naturelles des zones marginales, la durabilité de leur gestion, la conservation des sols, la préservation de la biodiversité et l’adaptation à la variabilité climatique.  Le pastoralisme est vecteur de croissance, de sécurité, de paix, de stabilité et de création d’emploi, et qu’il contribue à faire reculer l’insécurité alimentaire, la malnutrition et la pauvreté dans les territoires qu’il anime et qu’il structure.  Les populations pastorales ont jusqu’ici faiblement bénéficié des politiques nationales et régionales de développement, alors que leurs besoins en infrastructures, en services agricoles (appui conseil, services vétérinaires, crédit, intrants zootechniques), en services de base (santé humaine, éducation, eau potable) et en sécurité sont très loin d’être couverts.  Les politiques publiques, y compris celles de décentralisation, ont rarement pris en compte les spécificités de ces populations, de sorte que leur inclusion politique demeure en grande partie à réaliser.  Les espaces pastoraux ont connu, au cours des 50 dernières années, des situations très défavorables, résultant notamment de la réduction du couvert végétal, de l’érosion des sols et de l’extension régulière du front agricole sur les parcours naturels. RAPPELANT LES DYNAMIQUES INSTITUTIONNELLES ET LES COALITIONS DÉJÀ EXISTANTES, À SAVOIR :  Le Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture Africaine (PDDAA/NEPAD), sous lequel les six pays ont développé des politiques et des stratégies sectorielles, traduites dans leurs Programmes Nationaux d’Investissement Agricoles (PNIAs) et dans le Programme Régional d’Investissement Agricole (PRIA) qui définit des options stratégiques et des activités régionales pour le développement du pastoralisme.  Le cadre stratégique de l’Union Africaine pour le pastoralisme en Afrique (2011) , en tant que première initiative politique continentale visant à assurer, protéger et améliorer la vie, la subsistance et les droits des éleveurs pastoraux africains.  L’Alliance Globale pour la Résilience au Sahel et en Afrique de l’Ouest (AGIR) place le pastoralisme parmi ses grandes priorités, de même que les stratégies nationales, régionales et internationales visant la stabilisation et le développement à long terme des espaces sahélo- sahariens.  La déclaration de N’Djamena adoptée en mai 2013 constitue une référence majeure, qui fait la synthèse des cadres existants et définit les axes prioritaires d’une politique régionale d’appui au pastoralisme associant étroitement les enjeux de développement et de sécurité. 1 UNANIMEMENT, NOUS AFFIRMONS :  Que le contexte est favorable à l’action. Il existe aujourd’hui un large consensus, national, régional et international sur le diagnostic, comme sur la nécessité de l’action en faveur des sociétés pastorales sahélo-sahariennes.  Que les visions ont évolué, reconnaissant le pastoralisme comme une pratique efficace et un mode de vie adapté aux conditions sahélo-sahariennes. De fait, les stratégies d’intervention des différents acteurs ont été profondément redéfinies depuis dix-huit mois, ouvrant des opportunités nouvelles.  Que le développement de la demande en produits animaux est une opportunité économique majeure pour les communautés pastorales sahéliennes, dans un contexte d’intégration économique régionale croissante.  Que face aux défis, il faut œuvrer pour une meilleure résilience. La succession des crises (climatiques, alimentaires, sanitaires, politiques, économiques et sécuritaires…) qui frappent les populations sahélo-sahariennes nous incite à considérer cette récurrence comme un nouveau contexte d’action.  Que beaucoup d’expériences et de connaissances pertinentes ont été accumulées au cours des trente dernières années et ont apporté des solutions qu’il convient de mettre en œuvre de manière urgente.  Que, conséquemment, le pastoralisme doit être placé au cœur des priorités des stratégies et politiques de stabilisation, de développement durable et de développement de l’agriculture aux niveaux national et régional, en intégrant les questions de gestion durable et de partage équitable des ressources, d’inclusion politique, de sécurité, de connexion aux marchés, de santé, d’éducation et de genre.  Qu’il faut agir différemment, en changeant d’échelle, en s’engageant à traiter collectivement des questions difficiles et en inscrivant les actions dans le long terme pour inverser la tendance en vue de renforcer durablement la résilience des sociétés pastorales. FIXONS L’OBJECTIF DE : sécuriser les modes d’existence et les moyens de production des populations pastorales et d’accroître le produit brut des activités d’élevage d’au moins 30 pour cent dans les 6 pays concernés au cours des cinq prochaines années, en vue d’a ugmenter significativement les revenus des pasteurs sous un horizon de 5 à 10 ans. LANÇONS UN APPEL POUR UN ENGAGEMENT AMBITIEUX DE L’ENSEMBLE DES PARTIES PRENANTES :  A nos propres pays : à développer des programmes nationaux en faveur du pastoralisme, incluant des réformes politiques, des investissements stratégiques et des actions visant au renforcement des capacités de leurs institutions et acteurs, en accroissant aussi la part du budget national alloué au soutien des activités pastorales.  Aux organisations régionales d’intégration économique et technique (CEDEAO, UEMOA, CILSS) : (i) à accélérer la mise en place des politiques et instruments permettant de favoriser les échanges de biens et de services ; (ii) à faciliter la coordination des stratégies et des politiques nationales ; et (iii) à accompagner la réalisation des investissements à caractère régional générant les biens publics indispensables au développement du pastoralisme et facilitant la transhumance transfrontalière (infrastructures, télécommunications, santé animale, commerce, ouvrages hydrauliques et équipements) ;  A la société civile, y compris les associations de producteurs agricoles, de pasteurs et d’éleveurs : à s’organiser afin de renforcer leur représentativité pour une meilleure prise en compte de leurs besoins au sein des instances décisionnelles ;  Au secteur privé : à contribuer à l’effort d’investissement dans l’optique de développer des filières solides, afin de tirer pleinement profit des opportunités commerciales ;  Aux Partenaires Techniques et Financiers : de répondre à nos demandes de mobilisation de leurs ressources, au niveau approprié et dans la durée nécessaire, en faveur du pastoralisme sahélien et, plus généralement, de l’élevage dans la sous-région ; 2  Enfin, nous appelons toutes les parties concernées à prendre acte de l’ampleur des défis et des opportunités pour donner un nouvel élan au pastoralisme dans leurs actions respectives, en participant aux programmes de manière responsable, dans le respect des engagements pris. ENSEMBLE DÉCLARONS NOTRE ENGAGEMENT À :  Progresser vers un cadre d’action programmatique à moyen terme, englobant des appuis institutionnels, des réformes politiques et des investissements, piloté par le CILSS pour les six pays, sous le leadership politique de l’UEMOA / CEDEAO (plus la Mauritanie et le Tchad).  Bâtir une alliance solide autour du pastoralisme, en fédérant les compétences et les ressources de chacun (partenaires techniques et financiers bilatéraux et multilatéraux, Etats, secteur privé, société civile pastorale). Les appuis seront complémentaires et alignés sur les priorités des pays définies de façon participative et inclusive, en tenant compte de la dimension régionale des actions prioritaires à entreprendre, dans le respect du principe de subsidiarité.  Valoriser les cadres de concertation existants et constituer une plate-forme multi-acteurs permettant d’agir durablement pour le pastoralisme.  Accélérer la formulation, le financement et la mise en œuvre de programmes nationaux, multi-pays et transfrontaliers, afin de répondre à l’objectif de progresser rapidement vers la sécurisation des activités pastorales, d’accroître le poids économique de l’élevage et d’augmenter durablement les revenus des communautés pastorales et agro-pastorales sahélo-sahariennes. Dans le sillage de la Déclaration de N’Djamena sur le pastoralisme, en conformité avec les PNIAs des pays, avec le PRIA et avec la feuille de route d’AGIR, ces initiatives viseront à instaurer un environnement propice au développement durable du pastoralisme et à tirer le meilleur parti des opportunités économiques offertes par l’élargissement des marchés agricoles et alimentaires en Afrique de l’Ouest. Les grands piliers et champs d’actions de ces programmes pourront inclure : 1- Le renforcement des services à la production: ceci comprend l’accélération des réformes vers une meilleure gouvernance des services essentiels aux producteurs (amélioration du recouvrement des coûts, renforcement du rôle du secteur privé). Les organisations productrices de services seront renforcées dans leurs capacités à répondre à la demande des producteurs, en qualité comme en quantité. En particulier, le programme pourra améliorer : (i) les services de santé animale en : (a) renforçant les services vétérinaires publics (notamment organisation et opérationnalisation des services transfrontaliers) et privés (aide à l’investissement, formation, structuration) ; (b) favorisant la coopération sous régionale en matière de santé animale et de bien-être des animaux ; (c) mettant progressivement les services vétérinaires nationaux aux normes de l’OIE ; (d) renforçant les mandats et moyens des Comités vétérinaires permanents de l’UEMOA, de la CEDEAO (plus le Tchad et la Mauritanie). L’OIE et le Centre régional de la santé animale de Bamako seront partenaires de ces actions. (ii) l’appui-conseil et la recherche-action, qui doivent reposer sur les structures publiques existantes, tout en tirant meilleur parti du potentiel des structures privées. La vulgarisation permettra de diffuser des conseils en matière de gestion durable des ressources pastorales, de pratiques d’élevage améliorées (génétique animale, alimentation, conduite), de renforcer la complémentarité entre les systèmes pastoraux et les systèmes de finissage. La recherche portera sur la mise au point d’itinéraires techniques, notamment en matière de gestion innovante des parcours. (iii) l’accès au crédit, par le renforcement des structures coopératives décentralisées (telles que les institutions de micro-finance, les banques rurales) et l’aide à l’investissement économique productif local (tente améliorée pour les éleveurs transhumants, par exemple). (iv) l’accès à l’eau, par des investissements importants en faveur de l’hydraulique pastorale, sur la base de plans négociés localement, tout en veillant à renforcer la gestion et la prise en charge des coûts d’entretien des installations. 3 2- L’amélioration de la compétitivité des filières animales et l’accès aux marchés : afin de tirer plein profit de la demande accrue en produits animaux, le programme saisira les gains de productivité et encouragera le juste partage de la valeur ajoutée le long des filières animales. Il s’agira en particulier de : (i) Renforcer tous les acteurs des filières (organisations paysannes et leurs faîtières, associations de commerçants, gestionnaires des marchés, associations de bouchers et tanneurs, etc.), ainsi que la coordination entre acteurs, notamment par la mise en place ou le renforcement d’organismes interprofessionnels dans l’objectif commun d’accroître l’efficience de chaque acteur et d’améliorer la qualité des produits finaux. (ii) Aider à la réalisation d’investissements structurants (infrastructures) tout au long des filières, notamment pour ce qui est du transport des animaux et de leurs produits, de la mise aux normes sanitaires, des procédés de transformation (abattage, découpe, chaîne du froid). L’engagement du secteur privé (co-financement, mise en gestion) sera systématiquement recherché, dans le même objectif commun d’accroître les marges et d’améliorer la qualité des produits. (iii) Développer la coopération régionale pour une facilitation du commerce des animaux et de leurs produits, le suivi des mouvements transfrontaliers, la délivrance de certificats sanitaires, la mise en place effective d’une fiscalité adaptée et régionalement harmonisée, la facilitation des échanges de biens et de services (droit à la mobilité), et le respect des textes communautaires par les Etats. (iv) Relancer les dynamiques d’innovation technique et organisationnelle dans la collecte, la transformation et la conservation des produits animaux, par une aide à l’investissement privé, notamment dans l’objectif de création d’emplois en aval de la filière. (v) Faciliter l’accès à de nouveaux marchés rémunérateurs, en favorisant la connaissance de ces marchés (recherche, suivi des flux, observatoire des prix, systèmes d’information, incitation des opérateurs de téléphonie mobile à couvrir l’ensemble du territoire pastoral) et en appuyant la formation des acteurs pour atteindre de nouveaux marchés d’exportation (connaissance des normes et procédures d’échange de produits animaux, etc.). 3- Le renforcement de la sécurité des biens, droits et moyens d’existence des peuples pasteurs, l’accès aux services de base, l’inclusion politique : le programme articulera des actions visant à : (i) Opérationnaliser des systèmes d’alerte et d’intervention rapide : (i) améliorer les systèmes d’information et d’alerte précoce existants ; (ii) bâtir des indicateurs spécifiques au pastoralisme ; (iii) préparer des plans d’intervention en cas d’alerte (réserves monétaires et stock alimentaires). (ii) Promouvoir la diversification des sources de revenus des populations pastorales, notamment en mettant en place des mesures spécifiques en faveur des femmes et des jeunes : formations, micro-investissements, accès au crédit. (iii) Renforcer la gestion (prévention, résolution) des conflits liés à l’accès aux ressources (pâturages, eau, foncier), non seulement par la reconnaissance des autorités traditionnelles et la négociation locale, mais aussi en accélérant le développement et l’application de cadres légaux (codes pastoraux, réforme du droit foncier). (iv) Promouvoir des approches basées sur les droits, en particulier pour l’accès au foncier, la gestion des parcours, la mobilité, mais aussi les services sociaux, afin de garantir la mobilité pastorale et l’exploitation durable des ressources naturelles aux fins de pastoralisme. (v) Accélérer l’inclusion politique des communautés pastorales à travers : (i) la prise en compte systématique du pastoralisme dans les politiques, plans et programmes de développement ; (ii) la reconnaissance de la légitimité des institutions pastorales traditionnelles ; (iii) l’inclusion des pasteurs dans les processus de participation, de concertation et de décision mis en place par les collectivités décentralisées. (vi) Renforcer l’accès des populations pastorales aux services sociaux de base (santé humaine, éducation, eau potable), par un ambitieux programme de mise en place de dispositifs adaptés à la mobilité des populations (services mobiles, notamment), en veillant à prendre en compte les besoins des communautés pastorales, notamment les femmes et les enfants. (vii) Promouvoir le patrimoine culturel des pasteurs. 4