Rapport no . 75145 République de Djibouti Transport et logistique à Djibouti : contribution à la création d’emplois et à la diversification économique Note de stratégie sectorielle Version finale janvier 2013 Région Moyen Orient et Afrique du Nord Groupe transport Document de la Banque mondiale Standard Disclaimer: . This volume is a product of the staff of the International Bank for Reconstruction and Development/ the World Bank. The findings, interpretations, and conclusions expressed in this paper do not necessarily reflect the views of the Executive Directors of the World Bank or the governments they represent. The World Bank does not guarantee the accuracy of the data included in this work. The boundaries, colors, denominations, and other information shown on any map in this work do not imply any judgment on the part of the World Bank concerning the legal status of any territory or the endorsement or acceptance of such boundaries. . Copyright Statement: . 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Ils remercient leurs collègues de la Banque mondiale et de la Société financière internationale pour leurs commentaires. 5 Introduction Malgré une accélération de la croissance pendant ces dix dernières années, Djibouti enregistre l’un des taux de chômage les plus élevés au monde : plus de la moitié de sa population est sans emploi et davantage encore chez les jeunes. Privés d’emploi, la majorité des Djiboutiens vivent dans une grande précarité. Les perspectives d’emploi à moyen et long terme sont inquiétantes. En effet, la pression démographique est amenée à s’accroître dans les prochaines années à cause du nombre croissant de jeunes de plus en plus diplômés qui rejoignent le marché du travail. C’est la stabilité sociale qui est en jeu, comme le démontrent les évènements du « printemps arabe ». En effet, début 2011, des manifestations similaires à celles de la place Tahrir au Caire ont éclaté dans les rues de Djibouti. Djibouti a donc besoin d’un nouveau modèle de croissance économique qui soit plus durable et inclusif. Bien conscient de l’urgence de cette situation, le gouvernement de Djibouti a sollicité l’assistance de la Banque mondiale pour revoir le modèle de croissance du pays et forger une nouvelle vision de son avenir. La Banque a donc lancé une vaste étude sous le titre « Un nouveau modèle de croissance pour Djibouti », pour examiner en particulier le développement potentiel des quelques secteurs économiques pour lesquels Djibouti possède un avantage comparatif. Parmi ces secteurs se trouve le secteur du transport et de la logistique. Les autres secteurs explorés dans cette étude sont le tourisme, la pêche, et les télécommunications. La présente note se concentre sur le transport et la logistique et apporte une contribution essentielle à l’étude plus large « Un nouveau modèle de croissance pour Djibouti». Elle se fonde sur les résultats d’une mission de la Banque mondiale menée à Djibouti en janvier 2012 pour collecter des informations sur le secteur et effectuer des entretiens avec différents représentants des secteurs publics et privés, ainsi que sur une étude documentaire. Les objectifs principaux de cette note étaient initialement, au stade de la conception, les suivants: (i) évaluer la situation actuelle du secteur du transport et de la logistique à Djibouti, en particulier en ce qui concerne l’emploi ; (ii) examiner le potentiel de création d’emplois et de génération de nouvelles activités ; et (iii) analyser les contraintes du secteur et faire des recommandations pour y remédier. Lors de sa mission d’étude en janvier 2012, l’équipe de la Banque a toutefois réalisé qu’il n’existe pas de base statistique permettant une analyse détaillée de l’emploi et que des questions stratégiques portant sur le développement économique et la création d’emplois dans le secteur n’étaient évoquées ni par les autorités ni par d’autres acteurs concernés. L’équipe a donc adopté une approche quelque peu différente axée sur une analyse stratégique et systémique plus globale. Elle s’est concentrée en particulier sur les politiques prioritaires nécessaires au déblocage de la croissance future du transport et de la logistique. La note conclut que le transport et la logistique ne possèdent qu’un potentiel relativement limité pour la réduction du chômage. En effet, les activités portuaires sont caractérisées par une forte intensité capitalistique, l’industrie du camionnage desservant le corridor vers l’Ethiopie est totalement dominée par les Ethiopiens et les améliorations en cours dans l’efficacité de la chaîne logistique ont pour effet de réduire les besoins de main d’œuvre pour un volume commercial donné. Le futur économique de Djibouti dans ce secteur consiste à desservir efficacement les corridors commerciaux vers la Corne de l’Afrique et à maintenir son rôle de première porte d’entrée vers l’Ethiopie. Cela demandera : (i) une stratégie cohérente basée sur la rationalisation de l’investissement et sur des études de faisabilité ; (ii) un changement d’attitude en faveur d’une gouvernance plus ouverte ; (iii) la mise en place de mécanismes institutionnels pour rassembler les acteurs privés et publics de Djibouti et de ses 6 voisins enclavés ; (iv) la facilitation du transit et des procédures commerciales ; et (v) le développement de formations pour l’acquisition de compétences spécialisées. Après un résumé exécutif, cette note est divisée en trois chapitres : un bilan du transport et de la logistique à Djibouti, les opportunités et stratégies prioritaires pour l’avenir, et la suggestion d’un plan d’action. En fin de note, après les annexes, se trouvent deux cartes, l’une de Djibouti (le pays) et une autre de l’arrière-pays du port de Djibouti, principalement l’Ethiopie et dans une moindre mesure, le Sud-Soudan. La deuxième carte indique aussi les ports avec lesquels Djibouti est en concurrence au Soudan, en Erythrée, en Somalie, et au Kenya. 7 Résumé 1. Situation actuelle du secteur Djibouti dispose d’un remarquable complexe portuaire en eau profonde, situé sur une des voies maritimes les plus empruntées au monde. En 2011, quelque 17 800 navires ont traversé le canal de Suez, soit une moyenne de cinquante navires par jour, transportant un total de 700 millions de tonnes de marchandises. Parmi ces navires, entre 1 500 et 2 000 ont fait escale dans le port de Djibouti. Djibouti possède un autre avantage économique majeur : sa situation géographique et ses équipements lui permettent de servir de port maritime à l’Ethiopie (90 millions d’habitants), dont l’économie croît à un taux de 10 % par an qui devrait se maintenir pendant au moins les cinq prochaines années. Le port historique de Djibouti PAID (Port autonome international de Djibouti) possède depuis 1985 un terminal à conteneurs bien équipé ainsi qu’une douzaine de postes d’amarrage pour les cargaisons en vrac et les marchandises diverses. Au cours de la décennie 2000-2010, Djibouti a bénéficié d’une amélioration substantielle de ses installations portuaires grâce à des investissements considérables. A Doraleh, à proximité de la ville de Djibouti, un nouveau terminal pétrolier disposant d’un accès en eau profonde a été mis en service en 2006, et en 2009 un terminal à conteneurs ultra-moderne DCT (Doraleh container terminal) a vu le jour pour un investissement de 397 millions de dollars. Parallèlement, une zone franche adjacente au port historique a été inaugurée en 2004 avec l’objectif de simplifier les investissements étrangers, incluant ceux destinés au port lui-même. Pendant cette période, la route nationale qui traverse Djibouti jusqu’à la frontière éthiopienne a été modernisée de telle sorte que, pour la première fois sur toute sa longueur, elle est revêtue et répond à des normes modernes. L’Emirat de Dubaï a joué un rôle majeur en finançant le développement du port et en aidant Djibouti à mettre en place de meilleures pratiques de gestion portuaire. Le partenariat publique-privé avec Dubaï Port World (DPW), l’un des principaux opérateurs portuaires du monde, fut primordial au développement des terminaux pétrolier et à conteneurs de Doraleh qui sont à la pointe de l’efficacité tant dans leur conception que dans leur mode opératoire. La relation privilégiée dont bénéficiait Djibouti avec Dubaï depuis 2000 s’est quelque peu refroidie depuis juillet 2011 lorsque le gouvernement de Djibouti a mis un terme, après seulement dix années d’exploitation, aux contrats d’une durée initiale de vingt ans qui octroyaient à DPW la gestion du port historique et celle de l’aéroport ; cependant DPW est encore présent à Djibouti, en particulier au terminal à conteneurs de Doraleh : celui-ci a été construit et est désormais exploité par une joint-venture contrôlée par le PAID (67 %) et DPW (33 %) dans le cadre d’un contrat de concession signé en 2006 pour une durée de trente ans. Djibouti est actuellement le port principal de l’Ethiopie enclavée. Depuis la guerre entre l’Ethiopie et l’Erythrée en 1997-2000, l’Ethiopie n’a utilisé aucun des ports érythréens bien qu’Assab se trouve géographiquement un peu plus proche d’Addis que Djibouti. L’Ethiopie dépend fortement du port de Djibouti qui traite aujourd’hui environ 93 % des imports et exports éthiopiens, alors que le port de Berbera (nord-ouest de la Somalie) n’en traite que 3 % et Port Soudan (nord-est du Soudan) seulement 2 %. Réciproquement, Djibouti dépend fortement de l’Ethiopie : le fret éthiopien en transit représente 85 % du tonnage total traité par le port de Djibouti. Les importations éthiopiennes incluent une grande partie de ses apports d’essence, de diesel et de kérosène. Elles incluent aussi de larges quantités de blé en vrac (0,4-0,8 million de tonnes par an) ainsi que d’autres denrées délivrées à l’Ethiopie à travers le Programme alimentaire mondial. 8 Les récentes améliorations du port et de la route nationale ont fait de Djibouti le point de passage le plus attrayant pour les commerçants éthiopiens en comparaison de Berbera et Port Soudan. En 2011, le trafic routier journalier en provenance de Djibouti vers l’Ethiopie avoisinait les 1 200 camions chargés. Parmi ces camions, 200 transportaient des produits pétroliers, entre 20 et 30 % étaient chargés de conteneurs et de voitures, tandis que la part restante transportait des produits importés en vrac (tel que le charbon) ou du fret dépoté de conteneurs dans une zone de retenue en dehors du port de Djibouti (connue sous l’appellation PK12). La modernisation des procédures douanières dans les deux pays combinée à une augmentation des frais de stockage dans ou à proximité du port encourage de plus en plus d’importateurs éthiopiens à transporter les conteneurs directement (i.e. sans les dépoter à Djibouti) jusqu’à Addis ou jusqu’au port sec de Mojo, situé à 60 km d’Addis et lieu de dédouanement des importations. Les sociétés éthiopiennes de transport routier dominent complètement le marché du transport de fret sur le corridor Djibouti-Addis. Elles facturent des tarifs équivalents approximativement à 3 cents de dollar par tonne et par kilomètre, ce qui est exceptionnellement bas au regard des normes internationales, malgré le fait que la majeure partie des camions doit rentrer à vide à cause de l’important déséquilibre entre imports et exports. Ces tarifs bas, combinés à plusieurs autres facteurs présentés dans l’annexe 1, excluent les sociétés djiboutiennes du marché du transport routier sur le corridor. En 2010, le chemin de fer reliant Djibouti et l’Ethiopie (CDE), en opération depuis 1917 et qui constituait la principale liaison entre les deux pays, a finalement interrompu ses opérations de transport de fret et de passagers. Dans les dernières décennies, il a souffert d’un manque de financement pour la maintenance et le renouvellement des équipements. Tandis que le transport routier devenait moins cher et plus rapide, la demande pour le transport ferroviaire a chuté et les déficits se sont accumulés. Une tentative fut amorcée en 2005-2009 pour concéder le chemin de fer à des opérateurs privés avant d’être avortée. Un projet de réhabilitation du chemin de fer financé par l'Union européenne a été lancé avec des résultats mitigés. Le transbordement des conteneurs à DCT a d’abord contribué à l’augmentation des revenus avant de décliner. Le terminal bénéficie d’un avantage en matière de position géographique pour fournir des services de transbordement aux plus grandes compagnies mondiales de transport de conteneurs, augmentant ainsi les revenus portuaires. Cependant, la croissance rapide du trafic portuaire local (pour Djibouti) et en transit (pour l’hinterland) a fini par provoquer l’encombrement de l’aire de stockage des conteneurs, réduisant ainsi l’espace disponible pour le transbordement, dont le volume a chuté et s’est réduit en trois ans à moins de 10 % du trafic traité. Le port de Djibouti contribue de manière substantielle à l’économie nationale . Les revenus directs générés par le port sont estimés entre 65 et 90 millions de dollars par an, ce qui équivaut à 20-25 % des recettes de l’Etat. Aujourd’hui, le transport et la logistique contribuent à environ 6 500 emplois directs à Djibouti (voir tableau 4 dans le corps du texte pour plus de détails). Cela représente entre 20 et 25 % de la totalité des emplois formels d’un secteur privé qui compte 30 000 emplois. En appliquant les coefficients multiplicateurs observés dans d’autres ports majeurs, il est raisonnable de s’attendre à ce que les biens et services achetés par le port génèrent entre 50 à 80 % d’emplois supplémentaires, et que les dépenses des employés du transport eux-mêmes contribuent à générer entre 70 et 100 % d’emplois supplémentaires, soit un effet multiplicateur total de 2,5 à 3. Ainsi, le transport et la logistique génèrent environ 15 000 emplois directs et indirects, soit 10 % du total des emplois formels et informels de Djibouti. 2. Contraintes pesant sur le secteur 9 La communauté internationale des affaires exprime son mécontentement face à la gestion commerciale et logistique de Djibouti. Malgré les initiatives mentionnées ci-dessus visant à l’amélioration des procédures douanières et à la modernisation des infrastructures de transport sur le corridor Djibouti-Addis, la communauté internationale des affaires est déçue par la performance de Djibouti à en juger par l’indice de performance logistique LPI (Logistics Performance Index) de la Banque mondiale et par le rapport Doing Business publié par la Société financière internationale (SFI). Le LPI de 2010 a placé Djibouti à la 126ème place sur 155 pays, tandis que le rapport Doing Business de 2013 l’a placé 171ème sur 185 pays. Parmi les différentes dimensions de la logistique évaluées par le LPI, celui-ci donne un meilleur classement aux « infrastructures » et aux « douanes » de Djibouti (respectivement 91ème et 100ème place, soit plus haut que 126ème, le classement global), alors qu’en matière de « compétence logistique » (133ème) et de « respect des délais » (143ème), Djibouti est bien moins classé. Les « expéditions internationales » (116ème) ainsi que le « suivi et traçage » (123ème) obtiennent des notes dans la moyenne de la note globale obtenue par le pays. Doing Business a classé Djibouti bien plus haut pour le « commerce transfrontalier » (41ème) que son classement général (171ème comme indiqué plus haut). Ces résultats (bien qu’issus d’un échantillon limité) soulignent à quel point il est important que le Gouvernement, en tant que régulateur des services et fournisseur des infrastructures, consulte la communauté des affaires et entende son opinion. Aujourd’hui, cette communauté semble avoir une perception négative de la logistique et la facilité de faire du commerce à Djibouti, à l’exception de la dimension « commerce transfrontalier ». Le gouvernement de Djibouti manque d’une stratégie cohérente pour le développement des services de transport et de logistique. Le ministère de l’Equipement et des Transports a produit en 2008 un document stratégique consacré au transport1 mais la mission de la Banque de janvier 2012 n’a observé qu’une très faible connaissance de ce rapport au sein du ministère et aucune en dehors. L’équipe de la Banque n’a pas pu consulter les études de faisabilité se rapportant aux grands projets d’infrastructure actuellement en préparation, à savoir la reconstruction de la ligne de chemin de fer Djibouti-Addis, la construction d’une nouvelle ligne de chemin de fer pour l’export de la potasse éthiopienne via un nouveau port dont la construction est prévue à Tadjoura, ainsi que le nouveau port de Tadjoura lui-même. Il a aussi été fait mention d’un projet d’expansion de l’aéroport, voire de la construction d’un nouvel aéroport, mais, de nouveau, l’équipe de la Banque n’a pas pu avoir accès aux études de faisabilité. Il semble que les autorités ne disposent pas de la capacité de préparation et de supervision de telles études, ni de celle nécessaire à la collecte et à la publication de statistiques de base sur le système actuel de transport. Il semble aussi que les études existantes soient très peu diffusées. La main-d’œuvre de Djibouti manque de compétences techniques et ne maîtrise pas suffisamment l’anglais. Le Gouvernement n’offre que des programmes de formation limités pour acquérir les aptitudes techniques de base nécessaires dans le secteur du transport et de la logistique, que ce soit dans la gestion et l’exploitation de services dans chaque mode de transport (terrestre, ferroviaire, maritime et portuaire, et aérien) ou dans la planification de nouvelles infrastructures. Selon le secteur privé, Djibouti souffre d’un manque de techniciens spécialisés (par exemple, mécaniciens et logisticiens), qui pourraient combler le vide qui existe aujourd’hui entre la main-d’œuvre non qualifiée et les diplômés de l’Université. De plus, la logistique moderne au-delà des frontières de Djibouti nécessite des compétences en anglais—langue de travail du transport maritime et aérien international, et aussi langue utilisée pour traiter avec les commerçants éthiopiens et les structures étatiques impliquées dans le commerce international—mais seule une minorité de Djiboutiens tout au plus le maîtrise. 1 « La Chaîne de transport dans l’économie nationale », ministère de l’Equipement et des Transports, 2008 10 Le secteur du transport et de la logistique n’offre pas de potentiel d’expansion de l’emploi à grande échelle, certainement pas autant que d’autres secteurs. Le transport et la logistique sont par essence des secteurs à forte intensité capitalistique, et l’efficacité des services du secteur se traduit généralement par une moindre dépendance à la main-d'œuvre peu qualifiée. L’intensité capitalistique élevée du secteur, comparé à d’autres secteurs de l’économie, a été illustrée dans deux études récentes de la Banque. Une étude portant sur les infrastructures et l’emploi dans la région Moyen Orient et Afrique du Nord 2 a estimé que la création d’un emploi direct dans les transports ou la communication à Djibouti coûte environ 17 000 dollars d’investissement, contre seulement entre un dixième et la moitié de cette somme pour un emploi direct dans la construction (selon l’ouvrage en question : bâtiments, routes, ponts, réseaux d'eau et d'égouts, etc.) et 12 000 dollars pour un emploi dans le secteur de l’électricité. Une autre étude sur les corridors commerciaux reliant la Namibie et ses voisins enclavés3 a montré que la création d’un emploi dans le transport et la logistique en Namibie coûte environ 31 000 dollars contre seulement un tiers de cette somme pour créer un emploi dans le tourisme ou la construction. A Djibouti même, DCT peut sans doute être considéré comme un cas extrême, il illustre tout de même ce principe. Le terminal à conteneurs a coûté environ 400 millions de dollars, équivalent au tiers d’une année du PIB de Djibouti. Même si de nombreux emplois ont été créés pendant la construction de DCT, lors de son inauguration en janvier 2009, le transfert du trafic depuis l’ancien terminal à conteneurs au PAID n’a créé qu’une centaine de nouveaux emplois nets (qualifiés), selon les autorités portuaires. En ce qui concerne le trafic en transit, les gouvernements éthiopien et djiboutien ont commencé à mettre en place le plan conclu pour s’appuyer bien plus qu’auparavant sur le transport multimodal sous connaissement direct. Ce plan entraînera une baisse substantielle de la demande pour le dépotage de conteneurs après qu’ils soient déchargés au port de Djibouti, réduisant par conséquent la demande de main-d’œuvre peu qualifiée dans le secteur à Djibouti. De plus, la zone franche, qui illustre une volonté de politique favorable aux affaires, a déçu depuis sa création en 2004 les attentes en ce qui concerne la création d’emplois. La zone est en effet confrontée à trois problèmes transversaux majeurs qui affectent le reste de l’économie : des coûts de main-d’œuvre élevés, un approvisionnement en électricité onéreux et peu fiable, ainsi que des coûts élevés et une mauvaise qualité des services de télécommunication. Jusqu'à présent, la plupart des sociétés qui occupent la zone ne l’utilisent que pour le stockage et l’entreposage, dont l’entreposage frigorifique ; seul un occupant empaquète des denrées alimentaires, tandis qu’aucune entreprise d’assemblage ou d’industrie légère (i.e. à forte intensité de main-d’œuvre) n’est présente. Finalement, comme cela a déjà été mentionné, les entreprises éthiopiennes de camionnage dominent le trafic sur le corridor Djibouti-Addis. Leur part de marché est estimée à près de 97 % du trafic total : l’Ethiopie dispose d’entre 6 000 et 8 000 camions utilisés pour le commerce international sur le corridor alors que Djibouti n’en possède qu’entre 200 et 250. Plusieurs raisons sont avancées dans l’annexe 1. Facteur important, le gouvernement éthiopien semble subventionner sa flotte de camions en n’imposant aucune récupération des coûts de dépréciation et de financement dans le calcul des tarifs de fret, qui ne couvrent que le carburant, la main-d’œuvre, et la maintenance. La plupart des emplois de chauffeurs routiers et de mécaniciens reviennent donc aux Ethiopiens. 2 Elena Ianchovichina et al., « Infrastructure and employment creation in MENA », Banque mondiale, 2012 3 Gael Raballand et al., « Policy note on trade logistics in Namibia », Banque mondiale, c. 2011 11 D’autres ports de la région font une certaine concurrence à Djibouti, ou bien pourraient le faire dans un futur proche si leurs standards ainsi que ceux des routes qui les relient à l’Ethiopie sont améliorés. A titre d’exemple, en 2011, la Société pétrolière éthiopienne cherchait à importer de larges quantités de charbon sud-africain comme combustible pour ses douze usines de ciment et a lancé un appel d’offre auprès des ports de Djibouti et de Berbera, tous deux à quasi équidistance d’Addis. Djibouti parvint à gagner l’appel d’offre parce que son port pouvait accueillir de plus grands navires. Grâce à cette décision d’achat, 4 ,8 millions de dollars seront investis dans l’amélioration des installations de manutention du charbon dans le port de Djibouti. Une partie de la route nationale reliant Djibouti à la frontière éthiopienne nécessite un entretien urgent pour préserver la qualité du service du coté djiboutien du corridor. Les autorités ont récemment financé avec l'appui de l'Union européenne la rénovation de 40 km du corridor routier jusqu'à la frontière éthiopienne à Galafi ; 10 km supplémentaires devraient être rénovés en 2013. Cependant, des portions du corridor n’ont pas été rénovées depuis bientôt une décennie et commencent à se détériorer à cause du trafic élevé de camions. L’entretien routier périodique et régulier nécessite un budget national d’au moins 8 millions de dollars par an alors que les budgets récents n’ont pas excédé 5 millions de dollars. (Des discussions sont engagées avec la partie éthiopienne, dans le cadre de la Commission Mixte, pour un relèvement de la redevance routière imposée aux camions qui circulent sur le corridor.) Il existe un sérieux risque de détérioration accélérée dans l’avenir lorsque le revêtement commencera à se désagréger. Il est prouvé que la réhabilitation d’une route après que le revêtement soit endommagé peut coûter entre trois et cinq fois plus cher que l’application d’un nouveau revêtement en temps opportun. Ce problème requiert une attention urgente. En plus d’avoir un rendement économique élevé, l’entretien routier, notamment l’entretien régulier, pourrait créer plusieurs centaines d’emplois pour des personnes faiblement qualifiées (voir annexe 2), ce qui serait significatif étant donné la petite taille du marché du travail à Djibouti. 3. Opportunités et principes préconisés pour le développement à long terme La croissance économique de l’hinterland de Djibouti devrait être soutenue dans le futur. Au niveau régional, le marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) a été établi en 1993 pour promouvoir le commerce et le transport entre les pays membres à travers une union douanière, la simplification et l’harmonisation des procédures et de la documentation, ainsi qu’un dispositif d’assurance pour les véhicules motorisés. Le COMESA possède des organismes de coopération et d’élaboration de politiques à plusieurs niveaux, ainsi qu’un comité de consultation pour la communauté des affaires. Tout cela contribue à aider l’Ethiopie et ses voisins à atteindre progressivement une plus grande intégration régionale. De plus, le boom économique éthiopien semble devoir se poursuivre. Son gouvernement planifie d’étendre et de multiplier les activités de ses principaux secteurs industriels au cours des cinq à dix prochaines années. Par ailleurs, l’indépendance du Sud- Soudan introduit un nouvel acteur dans la région de la Corne de l’Afrique qui po urrait se tourner vers Djibouti et l’Ethiopie (via Addis) en quête d’un corridor commercial majeur, qui pourrait inclure notamment un oléoduc pour l’exportation de son pétrole brut. L’Ethiopie restera néanmoins le partenaire privilégié de Djibouti de par sa situation géographique et par la taille de son économie. Djibouti est désormais connu en tant que plateforme de transport multimodal régional. Djibouti est en passe de maintenir son rôle privilégié de carrefour central pour le transport multimodal dans la Corne de l’Afrique grâce à sa situation géographique avantageuse et à son 12 économie stable et ouverte, à condition que celle-ci soit renforcée par une bonne gouvernance et un meilleur dialogue avec le secteur privé. Le succès total ou partiel de Djibouti dépend de plusieurs facteurs dont certains sont entre les mains du Gouvernement. Depuis sa mise en place, le Gouvernement espère que la zone franche complèterait le cercle vertueux d’une plateforme multimodale régionale comparable à la zone franche de Jebel Ali de Dubaï (qui lui a servi de modèle) ou de la zone marocaine de Tanger Med. Cela semble néanmoins peu probable si Djibouti ne parvient pas à attirer des activités d’assemblage ou d’industrie légère, comme le textile ou l’électronique. Ce but ne pourra cependant être atteint si des progrès significatifs ne sont pas accomplis dans trois domaines clefs : un meilleur alignement des salaires sur ceux de pays à un stade comparable de développement, un approvisionnement énergétique moins onéreux, et des services de télécommunications mieux adaptés. (Voir l’étude plus vaste « Un nouveau modèle de croissance pour Djibouti » pour des recommandations sur les moyens de remédier à ces problèmes transversaux.) Bien que le transport et la logistique ne puissent créer le nombre d’emplois dont Djibouti a besoin, une opportunité de croissance substantielle existe grâce à l’augmentation rapide du trafic de transit éthiopien et du potentiel de captage du transit sud- soudanais. Pour que Djibouti puisse saisir ces occasions d’étendre son trafic, le pays doit maintenir et même renforcer la compétitivité de sa chaîne logistique. Djibouti doit ancrer sa position de port principal et privilégié de l’Ethiopie. La vision proposée par cette note au Gouvernement n’est donc pas une rupture avec le passé. Au contraire, Djibouti devrait viser à faire mieux ce qu’il fait déjà relativement bien. Le précepte principal est d’utiliser le transport et la logistique comme source de revenu fiscal pour l’Etat, sans oublier que le potentiel de création d’emplois est limité en comparaison des besoins du pays. Ces revenus pourraient servir à réduire les contraintes à la création d’emplois dans d’autres secteurs de l’économie, comme dans le tourisme par exemple qui constitue un secteur prometteur pour l’emploi. (Voir l’étude « Un nouveau modèle de croissance pour Djibouti» pour une évaluation complète du secteur touristique). Dans cette perspective, Djibouti devrait s’appuyer sur les principes stratégiques suivants en vue de bénéficier au maximum de ses atouts dans le domaine du transport et de la logistique:  En raison des ressources limitées de Djibouti, renforcer la capacité de planification du ministère de l’Equipement et des Transports qui devrait systématiquement appuyer sa réflexion sur des analyses de la demande, des études de faisabilité, et des études d’impact environnemental, avant de décider quels sont les investissements majeurs à réaliser dans les infrastructures de transport  Instaurer des mesures pour établir un climat de confiance avec le gouvernement éthiopien et cimenter une relation amicale qui soit mutuellement favorable pour les deux pays (notamment à travers la Commission Mixte et le Comité de Suivi déjà en existence).  Utiliser des mécanismes transparents, nouer des relations contractuelles entre l’Etat et le secteur privé pour la supervision des réformes du commerce et du transit.  Former la jeunesse de Djibouti dans le domaine de la mécanique (automobile et équipement lourd) et dans des domaines relatifs aux compétences techniques du secteur du transport autant que dans l’apprentissage de l’anglais. Former davantage de transitaires, d’agents maritimes, et de commissionnaires en douane djiboutiens pour gérer le trafic de transit éthiopien en rapide progression.  Faciliter davantage les procédures de commerce et de transit, particulièrement en ce qui concerne la réforme et la simplification des procédures douanières (en consultation avec les interlocuteurs éthiopiens) pour que le dépotage de conteneurs 13 dans la ville de Djibouti ne soit plus l’option privilégiée—ce qui raccourcirait le délai de livraison de plusieurs semaines et réduirait les coûts de transit. 4. Plan d’action Actions à court terme Action 1 - Evaluer avec soin les risques financiers associés à la reconstruction du chemin de fer Djibouti-Addis. Pourquoi ? Le risque est important qu’il n’y ait pas suffisamment de trafic qui se rabatte sur le rail, ce qui entraînerait un faible retour financier et économique pour Djibouti. L’Ethiopie devrait supporter la plus grande part de risque puisque la majeure partie du trafic sera en transit vers l’Ethiopie. Action 2 - Solliciter le conseil d’une tierce partie indépendante pour l’évaluation de contrats importants et complexes. Pourquoi ? Les expériences passées montrent que Djibouti pourrait bénéficier de telles consultations d’autant plus que Djibouti est sur le point de s’engager dans des projets d’infrastructure majeurs et complexes comportant de grands risques (par exemple, la reconstruction du chemin de fer Djibouti-Ethiopie, le nouveau port de Tadjoura, et le nouveau chemin de fer desservant le nord-est éthiopien). Action 3 - Etablir un centre de formation pour « former des formateurs » et développer des options détaillées de formation. Pendant ce temps, renforcer la coopération sud-sud pour former les Djiboutiens en dehors du pays. Pourquoi ? Le manque de compétences spécialisées à Djibouti constitue un obstacle au développement de transport et de logistique modernes (par exemple, mécaniciens et logisticiens). Il y a un besoin urgent de formations professionnelles. Action 4 - Etablir un comité permanent qui inclut le secteur privé pour la gestion du corridor Djibouti-Addis. Pourquoi ? Le corridor Djibouti-Addis pourrait bénéficier d’interactions plus transparentes et efficaces entre les autorités publiques et les opérateurs et usagers privés. Action 5 - Encourager la transition des Douanes de Djibouti vers le système Sydonia et considérer la mise en place d’un service de dédouanement accéléré pour les opérateurs de transport autorisés. Pourquoi ? Djibouti devrait maintenir et renforcer la compétitivité de sa chaîne logistique pour ancrer sa position de port principal et privilégié de l’Ethiopie. Actions à moyen terme Action 6 - Développer une stratégie pour le secteur des transports ainsi que des plans directeurs pour chaque sous-secteur (terrestre, ferroviaire, portuaire, aérien). Pourquoi ? Plusieurs projets d’infrastructure onéreux sont envisagés en l’absence de stratégie, ce qui fait courir au Gouvernement le risque de prendre des décisions opportunistes et opaques. Il existe une large gamme de projets envisageables avec des 14 taux de rendement économique très différents, d’où la nécessité d’établir une stratégie pour maximiser les bénéfices et tirer le meilleur parti des ressources limitées de Djibouti. Action 7 - Mobiliser des revenus fiscaux pour le Fonds d’entretien routier et encourager les firmes créées par les ex-agents du Fonds à pouvoir entrer en compétition pour l’exécution de contrats d’entretien routier. Pourquoi ? La bonne condition du corridor routier doit être maintenue en vue de rivaliser au mieux avec d’autres corridors potentiels (par exemple, le corridor Berbera-Addis). 15 TRANSPORT ET LOGISTIQUE À DJIBOUTI : CONTRIBUTION À LA CREATION D’EMPLOIS ET À LA DIVERSIFICATION ECONOMIQUE Chapitre I - Diagnostic Grâce à sa situation géographique avantageuse, le port de Djibouti est le pilier du secteur du transport et de la logistique à Djibouti. 1. Djibouti dispose d’un remarquable complexe portuaire en eau profonde, situé sur une des routes maritimes les plus empruntées du monde. En 2011, quelque 17 800 navires ont traversé le canal de Suez, soit une moyenne de cinquante navires par jour, transportant un total de 700 millions de tonnes de marchandises. Parmi ces navires, entre 1 500 et 2 000 ont fait escale dans le port de Djibouti. Djibouti possède un autre avantage économique majeur : sa situation géographique et ses équipements lui permettent de servir de port maritime aux 90 millions d’habitants que compte l’Ethiopie, dont l’économie croît à un taux de 10 % par an qui devrait se maintenir pendant au moins les cinq prochaines années 2. Le port historique de Djibouti PAID (Port autonome international de Djibouti) possède depuis 1985 un terminal à conteneurs bien équipé ainsi qu’une douzaine de postes d’amarrage pour les cargaisons en vrac et les marchandises diverses. Au cours de la décennie 2000-2010, Djibouti a bénéficié d’une amélioration substantielle de ses installations portuaires grâce à des investissements considérables. A Doraleh, à proximité de la ville de Djibouti, un nouveau terminal pétrolier disposant d’un accès en eau profonde a été mis en service en 2006, puis en 2009, un terminal à conteneurs ultra-moderne DCT (Doraleh container terminal) a vu le jour pour un investissement de 397 millions de dollars. Parallèlement, une zone franche adjacente au port historique a été inaugurée en 2004 avec l’objectif de simplifier les investissements étrangers, y compris ceux destinés au port lui- même. Pendant cette période, la route nationale qui traverse Djibouti jusqu’à la frontière éthiopienne a été modernisée de telle sorte que, pour la première fois sur toute sa longueur, elle est revêtue et répond à des normes modernes (voir annexe 2). 3. L’Emirat de Dubaï a joué un rôle majeur en finançant le développement du port et en aidant Djibouti à mettre en place de meilleures pratiques de gestion portuaire . Le partenariat public-privé avec Dubaï Port World (DPW), l’un des principaux opérateurs portuaires du monde, fut primordial pour le développement des terminaux pétrolier et à conteneurs de Doraleh, qui sont à la pointe de l’efficacité tant dans leur conception que dans leur mode opératoire. La relation privilégiée dont bénéficiait Djibouti avec Dubaï depuis 2000 s’est quelque peu refroidie depuis juillet 2011, date à laquelle le gouvernement de Djibouti a mis un terme, après seulement dix années d’exploitation, aux contrats d’une durée initiale de vingt ans qui octroyaient à DPW la gestion du port historique et celle de l’aéroport ; cependant DPW est encore présent à Djibouti, en particulier au terminal à conteneurs de Doraleh : celui-ci a été construit et est désormais exploité par une joint-venture contrôlée par le PAID (67 %) et DPW (33 %) dans le cadre d’un contrat de concession signé en 2006 pour une durée de trente ans. 4. Djibouti constitue le port principal de l’Ethiopie enclavée. Depuis la guerre entre l’Ethiopie et l’Erythrée en 1997-2000, l’Ethiopie n’a utilisé aucun des ports érythréens bien qu’Assab soit légèrement plus proche d’Addis que Djibouti. L’Ethiopie dépend fortement du port de Djibouti qui traite aujourd’hui environ 93 % des imports et exports éthiopiens, alors que le port de Berbera (nord-ouest de la Somalie) n’en traite que 3 % et Port Soudan (nord-est 16 du Soudan) seulement 2 %.4 Réciproquement, Djibouti dépend fortement de l’Ethiopie : le fret éthiopien en transit représente 85 % du tonnage total traité par le port de Djibouti (voir tableau 1). Les importations éthiopiennes incluent une grande partie de ses apports d’essence, de diesel et de kérosène. Elles incluent aussi de larges quantités de blé en vrac (0,4-0,8 million de tonnes par an) ainsi que d’autres denrées délivrées à l’Ethiopie à travers le Programme alimentaire mondial (voir tableau 2). Tableau 1 - Trafic du port de Djibouti, 2002-2010, par destination et volume Tonnage par an (en million) 2002 2008 2009 2010 Part en 2010 Imports éthiopiens 2,72 6,20 8,32 4,89 81,5% Exports éthiopiens 0,38 0,61 0,51 0,21 3,5% Imports djiboutiens 0,52 1,48 1,52 0,84 14% Exports djiboutiens 0 0,22 0,47 0,06 1% Total (sauf transbordement) 3,62 8,54 10,83 6,00 100% Transbordement 0,79 0,79 0,68 0,05 1% Source : ministère des Finances de Djibouti, bulletin d‘information économique, 2002-2010 Tableau 2 - Trafic du port de Djibouti, 2009-2010, par catégorie de fret Taux de Catégorie de fret 2009 2010 Croissance (% du tonnage total) 2001-10 (%/an) Conteneurisé 45 44 13% Vrac liquide (pétrole) 20 25 5% Vrac sec : céréales, engrais 17 19 9% Vrac divers et autre vrac sec (dont clinker, ciment et charbon) 19 13 5% Total 100 100 9% Source : Etude sur la régulation des opérateurs privés au port de Djibouti, Banque mondiale, juin 2012 Note : les céréales et les engrais sont traités ensemble dans un terminal spécial (SDTV). 5. Les récentes améliorations du port et de la route nationale ont fait de Djibouti le point de passage le plus attrayant pour les commerçants éthiopiens en comparaison de Berbera et Port Soudan. En 2011, le trafic routier journalier en provenance de Djibouti vers l’Ethiopie avoisinait les 1 200 camions chargés. Parmi ces camions, 200 transportaient des produits pétroliers, entre 20 et 30 % étaient chargés de conteneurs et de voitures, tandis que la part restante transportait des produits importés en vrac (tel que le charbon) ou du fret dépoté de conteneurs dans une zone de retenue en dehors du port de Djibouti (connue sous l’appellation PK12). La modernisation des procédures douanières dans les deux pays, combinée à une augmentation des frais de stockage au sein ou à proximité du port, encourage de plus en plus d’importateurs éthiopiens à transporter les conteneurs directement (i.e. sans les dépoter à Djibouti) jusqu’à Addis ou jusqu’au port sec de Mojo, situé à 60 km d’Addis et lieu de dédouanement des importations. Les tarifs facturés par les entreprises éthiopiennes publiques de transport routier se situent entre 48 et 55 dollars par tonne pour les importations. 5 A cause de l’important déséquilibre entre importations et exportations, la 4 Source : projet de rapport final sur la planification et les prévisions ferroviaires de la Société des chemins de fer éthiopiens (Ethiopian Railways Corporation), septembre 2010. 5 Source : entretiens réalisés par l’équipe de la Banque en janvier 2012 avec des expéditeurs de fret djiboutiens et internationaux 17 majeure partie des camions doit rentrer à vide ; ce sont donc les importations qui doivent supporter à elles seules le coût total de l’aller-retour. Cela fixe le tarif de camionnage pour les importations approximativement à 3 cents de dollar par tonne et par kilomètre, ce qui est exceptionnellement bas au regard des normes internationales. La flotte de camions est relativement moderne et en bonne condition : en effet, le gouvernement éthiopien a récemment acheté 3 000 semi-remorques auprès de la compagnie chinoise Sinotruck. 6. En 2010, le chemin de fer reliant Djibouti et l’Ethiopie (CDE), opérationnel depuis 1917 et constituant la principale liaison entre les deux pays, a finalement interrompu ses activités de transport de fret et de passagers. Les derniers trains ont fonctionné jusqu’en 2010, seulement entre Djibouti et Dire Dawa, car le tronçon Dire Dawa- Addis avait fermé dès 2008. Dans les dernières décennies, le chemin de fer a souffert d’un manque de financements pour la maintenance et le renouvellement des équipements. Tandis que le transport routier devenait moins cher et plus rapide, la demande pour le transport ferroviaire a chuté et les déficits se sont accumulés. La tentative amorcée en 2005-2009 de concéder le chemin de fer à des opérateurs privés a avorté. Un projet de réhabilitation du chemin de fer financé par l'Union européenne a été lancé avec des résultats mitigés. 7. L’économie éthiopienne a connu une croissance rapide et régulière, aussi bien dans ses importations que dans ses exportations. Ces dernières années, le trafic du port de Djibouti a rapidement augmenté, même si le transbordement de conteneurs a été très volatile. Les importations, les exportations, et le trafic de transit (c'est-à-dire trafic de transbordement non compris) ont augmenté de manière continue, de 5 à 10 % par an jusqu’à 2010. Cette croissance s’est aussi vue dans l’augmentation rapide du trafic routier sur la nationale qui mène à la frontière éthiopienne à Galafi. En 2010, le trafic a baissé, reflétant le ralentissement économique mondial (voir tableau 1). La plus grande part des exportations éthiopiennes (café, légumineuses, cuir et peaux, graines de sésame) est transportée par conteneur ; toutefois, les exportations ne représentent que 5 % du volume commercial total. 8. Depuis les années 1970 jusqu'à la fin des années 1990, l’Ethiopie dépendait principalement du port d’Assab. Assab faisait partie du territoire éthiopien jusqu’à ce que l’Erythrée gagne son indépendance en 1993. L’Ethiopie a cependant continué à utiliser le port jusqu’au conflit frontalier qui a opposé les deux pays en 1997-2000. Depuis, les relations entre les deux pays sont restées tendues et l’Ethiopie n’a plus eu recours à Assab. La route reliant le port au réseau routier éthiopien s’est délabrée. Selon des documents de planification du gouvernement éthiopien, à moyen terme le port de Djibouti devrait conserver la part du lion du commerce éthiopien – mais dans des proportions moindres qu’aujourd’hui –, avec de faibles parts passant par Berbera et Port Soudan (voir tableau 3). Tableau 3 - Répartition des imports/exports éthiopiens par port Berbera Port Soudan Source Année Djibouti (Somalie) (Soudan) Société des chemins de 2010 (réel) 93% 5% 2% fer éthiopiens Société des chemins de 2015 (prévision) 75% 15% 10% fer éthiopiens Ministère éthiopien des 2015 (prévision) 60% 30% 10% Finances Sources : (a) Société des chemins de fer éthiopiens, Projet de rapport final sur la planification et les prévisions ferroviaires, Septembre 2010 ; (b) Ministère éthiopien des Finances et du Développement Economique, Plan de croissance et de transformation 2011-2015 Le secteur du transport et de la logistique contribue de manière substantielle à l’économie nationale mais ne nécessite pas de main d’œuvre abondante 18 9. Le secteur du transport et de la logistique emploie à peu près l’équivalent du quart de la main-d’œuvre du secteur privé formel. On dénombre aujourd’hui environ 6 500 emplois directs (publics et privés) dans le transport et la logistique à Djibouti (voir tableau 4). Cela représente 20 à 25 % du total des emplois du secteur privé formel, soit 30 000 emplois. En appliquant les coefficients multiplicateurs observés dans d’autres ports majeurs, on peut raisonnablement s’attendre à ce que les biens et services achetés par le port génèrent entre 50 à 80 % d’emplois supplémentaires, et que les dépenses des employés du secteur eux- mêmes contribuent à générer entre 70 et 100 % d’emplois supplémentaires, soit un effet multiplicateur total de 2,5 à 3. Ainsi, le transport et la logistique génèrent environ 15 000 emplois directs et indirects, soit 10 % du total des emplois formels et informels de Djibouti. Tableau 4 - Emplois directs dans le transport et la logistique (secteur formel) Entité Emplois Commentaires Doraleh container 750 - 600 personnes à plein temps (dont 6 ou 7 expatriés) terminal (DCT) - 300 personnes à temps partiel travaillant 60-70 % du temps Port autonome 800 En 2007, le PAID comptait 1 300 employés à plein temps, dont international de 300 traitant les conteneurs qui ont été transférés à DCT en 2009. Djibouti (PAID) Transitaires 1 500 Environ 25 sociétés bien structurées qui comptent chacune 50 à 100 personnes. Agents maritimes 400-500 Dockers 1 000 3 800 dockers journaliers sont affiliés au BMOD (Bureau de la main-d’œuvre des dockers), ce qui correspond à peu près à 1 000 emplois à plein temps. Aéroport 370 International de Djibouti Chemin de fer 260 Employés non rémunérés depuis 10 mois (en janvier 2012), Djibouti-Ethiopie depuis la cessation des opérations. Direction de 300 Inclus la soixantaine d’employés du Fonds d’entretien routier l’Equipement et des (FER) Transports Autorité des ports et 1 200 Ces emplois, qui sont ceux des sociétés légalement enregistrées des zones franches sous le régime de la zone franche, se répartissent géographiquement comme suit : - 327 dans la zone franche de Djibouti : sociétés de négoce et de logistique telles que BMMI, Seven Seas, etc. - 134 à Doraleh : sociétés HDTL (terminal pétrolier) et SGS (vérification douanière) - 15 au port de pêche - 700 au PAID : sociétés Port Secure (gardiennage), SDTV (opérateur terminal vraquier), et DCS (nettoyage des conteneurs) - 10 à l’aéroport : Djibouti Free Shop et Djibouti Catering Total ~ 6 500 Source : estimations des auteurs (sur la base de différents rapports) Note : le total de 6 500 est étayé par les données disponibles auprès de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale qui indiquent qu’un peu moins de 7 000 personnes sont employées dans les transports, les communications et le tourisme. 10. Les revenus directs générés par le port représentent entre 20 et 25 % des recettes de l’Etat. L’Etat contrôle 100 % de PAID, 67 % de DCT, et 10 % du terminal pétrolier de Doraleh. Le PAID publie ses résultats financiers et son budget prévisionnel. Le 19 terminal pétrolier et le terminal à conteneurs de Doraleh, pour leur part, sont contrôlés par un partenariat d’investisseurs publics et privés qui ne fournit pas d’informations financières en dehors des coûts d’investissements. Le partenaire djiboutien est le PAID, contrôlé à 100 % par l’Etat. Les informations publiques sur les revenus ne portent donc que sur une partie du port de Djibouti, dans sa définition la plus large. 11. En outre, les informations publiques varient beaucoup selon les sources. Un document de planification publié par le ministère de l’Equipement et des Transports estime le revenu net total du port en 2007 à 113 millions de dollars, soit un doublement sur les cinq années précédentes. Un point de presse du COMESA, publié dans le cadre d’une conférence entre ministres de l’Equipement (octobre 2009), l’estime quant à lui à 142 millions de dollars en 2008. (En 2007 et 2008, le terminal pétrolier de Doraleh était déjà opérationnel mais pas le terminal à conteneurs de Doraleh). En revanche, le budget du PAID indique un revenu brut de 54 millions de dollars seulement pour l’année 2010 – ce montant est bien inférieur à ceux des années précédents, probablement parce que toutes les opérations de traitement des conteneurs avaient alors été transférées à Doraleh – et un revenu net après impôt de 7 millions de dollars. Les projections de revenu brut pour 2012 ne sont que de 64 millions de dollars, avec un bénéfice après impôt d’environ 10 millions de dollars. 12. En considérant l’investissement fait pour le terminal à conteneurs et le terminal pétrolier de Doraleh, qui totalise environ 530 millions de dollars (397 millions de dollars pour DCT, 30 millions de dollars pour la partie maritime du terminal pétrolier, et 99 millions de dollars pour les réservoirs de stockage du pétrole), on peut raisonnablement s’attendre à un retour sur investissement de 10 à 15 %, ce qui porterait le revenu net dégagé par les deux nouveaux terminaux à 55-80 millions de dollars par an.6 En ajoutant le revenu net apporté par le PAID, le total atteint 65-90 millions de dollars – soit 5 à 7 % du PIB de Djibouti qui s'élevait à 1,25 milliard de dollars en 2011, et 20 à 25 % des recettes de l’Etat. 13. Cela placerait les revenus générés par le port historique et les deux terminaux de Doraleh (pris ensemble) à un niveau comparable à la somme globale d’environ 80 millions de dollars versée chaque année par la France, les Etats-Unis, et le Japon en échange de leur présence militaire à Djibouti (30 à 39 millions de dollars par an pour la France, 31 millions de dollars pour les Etats-Unis, et environ 10 millions de dollars pour le Japon). 14. Le secteur du transport et de la logistique n’offre pas de potentiel d’expansion de l’emploi à grande échelle, moins en tout cas que d’autres secteurs. Le transport et la logistique sont par essence des secteurs à forte intensité capitalistique, et l’efficacité des services du secteur se traduit généralement par une moindre dépendance à de la main-d'œuvre peu qualifiée. 15. L’intensité capitalistique élevée du secteur, comparé à d’autres secteurs de l’économie, a été illustrée dans deux études récentes de la Banque mondiale. Une étude portant sur les infrastructures et l’emploi dans la région Moyen Orient et Afrique du Nord7 a estimé que la création d’un emploi direct dans les transports ou la communication à Djibouti représente un investissement d'environ 17 000 dollars, contre un dixième à la moitié de cette somme pour un emploi direct dans la construction (selon l’ouvrage en question : bâtiments, routes, ponts, réseaux d'eau et d'égouts, etc.) et 12 000 dollars pour un emploi dans le secteur de l’électricité. Une autre étude sur les corridors commerciaux de la Namibie avec ses voisins 6 Les revenus bruts pourraient être deux à trois fois supérieurs, entre 160 et 200 millions de dollars, ce qui serait une extrapolation raisonnable des revenus bruts affichés par le PAID avant que les conteneurs soient transférés à DCT. 7 Elena Ianchovichina et al., « Infrastructure and employment creation in MENA », Banque mondiale, 2012 20 enclavés8 a montré que la création d’un emploi dans le transport et la logistique en Namibie coûte environ 31 000 dollars, contre seulement un tiers de cette somme pour un emploi dans le tourisme ou la construction. 16. A Djibouti même, DCT peut sans doute être considéré comme un cas extrême, il illustre tout de même ce principe. Le terminal à conteneurs a coûté environ 400 millions de dollars, soit l’équivalent du tiers d’une année du PIB de Djibouti. Même si de nombreux emplois ont été créés pendant la construction de DCT, lors de son inauguration en janvier 2009, le transfert du trafic depuis l’ancien terminal à conteneurs au PAID n’a créé qu’une centaine de nouveaux emplois nets (qualifiés) selon les autorités portuaires. 17. Par ailleurs, les sociétés installées dans la zone franche qui fournissent la plus grande part des services de logistique et de négoce n’emploient que 350 personnes (2012). Au PAID, les installations dédiées aux marchandises diverses (break-bulk, véhicules, animaux vivants) continuent d’employer de nombreux dockers, mais elles constituent une exception et le trafic qu’elles traitent représente moins d’un cinquième de la totalité du trafic portuaire à Djibouti. Les transitaires et agents maritimes constituent deux autres métiers qui dépassent le millier d’emplois. On peut cependant s’attendre à ce que le trafic de marchandises diverses et la demande pour les services de transitaires baissent dans les prochaines années. En effet, les gouvernements éthiopien et djiboutien sont en train de mettre en place leur plan de modernisation et d’informatisation des procédures douanières et des échanges d’information, afin d’étendre le transport multimodal sous connaissement direct et la transmission électronique des documents commerciaux. Toutes ces mesures devraient réduire de manière substantielle la demande pour le dépotage des conteneurs après qu’ils soient déchargés au port de Djibouti. A la place, les conteneurs seront transférés directement (i.e. sans avoir été ouverts et dépotés à Djibouti) et sans délai sur des camions qui les transporteront vers les ports secs en Ethiopie. Le transbordement de conteneurs varie considérablement d’année en année. 18. Au cours des dernières années, un volume très variable de conteneurs a été transbordé à Djibouti de navires opérant sur des routes intercontinentales longue-distance vers d’autres navires. Il s’agit par exemple de conteneurs transportés de Chine sur un navire à destination de Rotterdam qui sont transbordés sur un navire en provenance d’Inde à destination de New York, ou sur un navire d’emport à destination des ports régionaux trop petits pour accueillir les « méga porte-conteneurs ». Ces opérations de transbordement sont décidées principalement par les compagnies maritimes, qui cherchent ainsi à optimiser l’usage des capacités de chargement des différents navires de leurs flottes. Le choix du port est secondaire, à condition qu’il ne soit pas trop éloigné des routes maritimes principales, qu’il permette un chargement et déchargement rapide, et que ses tarifs soient raisonnables. Le trafic de transbordement est donc, par nature, très volatile (voir tableau 5). A titre d’illustration, la chute du transbordement observée à Djibouti en 2010 provient en partie du transfert des activités d’une grande compagnie maritime internationale vers d’autres ports de la Péninsule arabique. Tableau 5 - Transbordement de conteneurs au port de Djibouti 1997 2005 2008* 2009 2010 2011 milliers d’EVP par an 108 1 60 176 70 398 * dernière année d’opération du terminal à conteneurs du PAID avant l’inauguration de DCT 19. Du point de vue du port, les conteneurs transbordés ont l’avantage de rester entreposés moins longtemps que les conteneurs importés et peuvent générer des revenus 8 Gael Raballand et al., « Policy note on trade logistics in Namibia », Banque mondiale, c. 2011 21 additionnels lorsque le trafic « local » n’accapare pas toute la capacité disponible de manutention. Les incréments de trafic qui couvrent les coûts variables et contribuent à amortir les coûts fixes valent mieux qu’un trafic nul, à condition que ceux-ci ne supplantent pas le trafic local sujet à des tarifs douaniers plus élevés. Les marges bénéficiaires peuvent être faibles car plusieurs ports internationaux situés le long des mêmes voies maritimes font concurrence à Djibouti pour le trafic de transbordement : Salalah (Oman), Aden (Yémen), Jeddah (Arabie Saoudite) ainsi que Sokhna et Port Saïd (Egypte). L’encadré ci-dessous décrit de façon plus globale le transbordement dans la région MENA. Les tarifs de transbordement facturés par le terminal à conteneurs de Djibouti au PAID sont moins élevés que ceux facturés pour les conteneurs en transit vers l’Ethiopie9 (voir tableau 6). Tableau 6 - Tarifs de transbordement au PAID (2011) 6 000-80 000 EVP/an >80 000-200 000 Type de conteneur <6 000 EVP/an EVP/an 20ft (6m) plein $141 NA $83 40ft (12m) plein $201 NA $116 20ft (6m) vide $112 NA $67 40ft (12m) vide $137 NA $80 Source : Etude sur la régulation des opérateurs privés au port de Djibouti, Banque mondiale, juin 2012 NA = Non disponible Encadré 1 – L’économie du transbordement de conteneurs dans la région MENA Plusieurs des voies maritimes les plus fréquentées du monde traversent la région MENA. La connectivité est donc rarement un problème. Les liaisons maritimes régulières pour le transport de 10 conteneurs sont fréquentes, en provenance de l’océan Indien en passant par la mer Rouge et le canal de Suez, puis vers l’ouest à travers le détroit de Gibraltar. La fréquence des services (ex. un navire par semaine vers une destination donnée) est un paramètre clef de la connectivité. Un autre paramètre fondamental est le coût du transport de port à port, qui est déterminé principalement par la taille du navire, celle-ci étant limitée par la profondeur d’eau disponible pour l’accostage (jusqu’à 17 mètres) et la longueur du navire (jusqu’à 220 mètres). Il est possible de bénéficier de tarifs de transport moins élevés en utilisant les navires qui voyagent en partie vide, dans la direction opposée au flux principal - il en va de même pour les conteneurs vides. La direction du flux principal sur la route maritime reliant l’Asie du Sud Est et la région MENA est d’est en ouest (i.e. en provenance de Chine et des pays d’Extrême Orient) ; on peut donc en principe bénéficier de remises substantielles pour le trafic en sens opposé, d’ouest en est. Quant aux routes maritimes vers les Etats-Unis et l’Europe, la direction la moins chargée est celle d’est en ouest. Autrement dit, les exportations en provenance de la région MENA bénéficient généralement de rabais car elles utilisent les directions les moins chargées. La combinaison de ces paramètres (fréquence des services, économies d’échelle liés à la taille des navires et du port, et tarifs préférentiels dans la direction la moins chargée) devrait permettre aux parties prenantes de déterminer si le volume de trafic est suffisant pour justifier un service maritime direct de l’origine à la destination sans transbordement, celui-ci augmentant le coût et la durée du transport. Du point de vue des ports, la taille du marché du transbordement dans la mer Rouge est estimée à environ 6 millions d’EVP par an. Toutefois, le transbordement est une activité qui génère peu d’emploi. La communauté internationale des affaires exprime son mécontentement face à la gestion commerciale et logistique de Djibouti. 20. Malgré les initiatives évoquées plus haut visant à l’amélioration des procédures douanières et à la modernisation des infrastructures de transport sur le corridor Djibouti- 9 Les données comparables à DCT ne sont pas rendues publiques. 10 Plus de 70 % du commerce maritime de matières sèches est désormais transporté par conteneurs. 22 Addis, la communauté internationale des affaires est déçue par la performance de Djibouti à en juger par l’indice de performance logistique LPI (Logistics Performance Index) de la Banque mondiale et par le rapport Doing Business publié par la Société financière internationale (SFI). Le LPI de 2010 a placé Djibouti à la 126ème place sur 155 pays, tandis que le rapport Doing Business de 2013 l’a placé 171ème sur 185 pays. Parmi les différentes dimensions de la logistique évaluées par le LPI, celui-ci donne un meilleur classement aux « infrastructures » et aux « douanes » de Djibouti (respectivement 91ème et 100ème place, soit plus haut que 126ème, le classement global), alors qu’en matière de « compétence logistique » (133ème) et de « respect des délais » (143ème), Djibouti est bien moins classé. Les « expéditions internationales » (116ème) ainsi que le « suivi et traçage » (123ème) donnent lieu à des classements comparables au classement général obtenu par le pays. Doing Business a classé Djibouti bien plus haut pour le « commerce transfrontalier » (41ème) que son classement général (171ème comme indiqué plus haut). Ces résultats (bien qu’issus d’un échantillon limité) soulignent à quel point il est important que le Gouvernement, en tant que régulateur des services et fournisseur des infrastructures, consulte la communauté des affaires et entende son opinion. Aujourd’hui, cette communauté semble avoir une perception négative de la logistique et la facilité de faire du commerce à Djibouti, à l’exception de la dimension « commerce transfrontalier ». 21. La communauté internationale des affaires a aussi placé l’Ethiopie très bas dans le classement LPI de 2010 (123ème) et dans le rapport Doing Business de 2013 (127ème). En fonction des différents aspects pris en compte par le LPI, le classement diffère. En matière de « suivi et traçage », il est relativement favorable (67ème sur 155 pays), les « expéditions internationales » obtiennent des notes dans la moyenne (89ème) alors que les « infrastructures » (145ème) et le « respect des délais » (144ème) sont mal classés. Djibouti dépend fortement de l’Ethiopie et cette situation n’est pas prête de changer. 22. L’Ethiopie domine le trafic de transit passant par Djibouti. Comme vu plus haut, une large part (85 %) du trafic portuaire de Djibouti est en provenance ou à destination de l’Ethiopie. Le commerce de Djibouti avec le Somaliland et l’Erythrée, ses autres voisins, est très limité. Le PIB éthiopien s’élève à 24,9 milliards de dollars, soit vingt fois plus que celui de Djibouti qui ne représente donc que 5 % du PIB éthiopien. La population éthiopienne est, par sa taille, la deuxième population d’Afrique, la population nigériane étant la plus nombreuse. Il y a plus d’habitants en Ethiopie qu’en Allemagne, pays le plus peuplé d’Europe. A l’inverse, Djibouti, avec moins d’un million d’habitants, est un des plus petits pays d’Afrique, comparable aux petites îles telles que l’Ile Maurice et le Cap Vert. Quant au PIB, seules la Gambie et de la Guinée Bissau se trouvent en-dessous de Djibouti parmi les pays africains (voir tableau 7). Tableau 7 - Population et PIB de Djibouti, de l’Ethiopie, et de leurs voisins de l’hinterland Population PIB PIB par habitant Pays (million, 2009) ($ milliards, 2010) ($PPP, 2009) Ethiopie 82.8 29.7 930 Congo – Kinshasa 66.0 10.6* 320 Kenya 39.8 31.4 1,570 Ouganda 32.7 17.0 1,220 Yémen 23.6 26.4* 2,470 Sud Soudan 8.3 13.2 1,550 Somalie 9.1 2.0* 210 Erythrée 5.1 1.9* 580 Djibouti 0.9 1.25 2,320 Source : Banque mondiale, Economist Pocket World in Figures (2012) - * valeur pour 2009 23 Les sociétés djiboutiennes de transport routier ne détiennent qu’une faible part du marché sur le corridor Djibouti-Ethiopie. 23. Dans le cas de Djibouti, le trafic de transit du port vers l’Ethiopie représente de loin le plus grand marché de transport routier de fret. Cependant, les sociétés de transport djiboutiennes ne se partagent qu’une très faible part de ce marché, moins de 10 %. Les 200 à 250 camions djiboutiens peinent à concurrencer les quelque 6 000 à 8 000 camions éthiopiens. Plusieurs facteurs expliquent cette situation ; ils sont résumés ci-dessus et détaillés dans l’annexe 1. Il n’existe pas de solution simple pour remédier à cette situation, même si certains obstacles pourraient se prêter à des négociations avec le gouvernement éthiopien. (1) Les chauffeurs djiboutiens touchent sur le marché domestique des salaires deux fois supérieurs à ceux des chauffeurs éthiopiens sur le corridor. (2) Les chauffeurs et mécaniciens éthiopiens sont plus qualifiés. (3) La devise éthiopienne (le birr) n’étant pas convertible, les sociétés de transport djiboutiennes ont du mal à rapatrier à Djibouti les paiements reçus dans cette monnaie. (4) Les dévaluations fréquentes du birr découragent encore davantage les transporteurs djiboutiens. (5) Les transporteurs djiboutiens ne trouvent pas de fret à charger au retour d’Ethiopie. (6) Les sociétés djiboutiennes de transport ne peuvent pas soumettre de factures écrites à leurs clients finaux en Ethiopie car elles ne disposent pas d’un numéro d’identification fiscale, requis par les autorités éthiopiennes. (7) Le diesel était jusqu’à récemment bien moins cher en Ethiopie qu’à Djibouti. (8) Les djiboutiens achètent leurs camions en dollars sans aucune aide publique. Au contraire, l’Etat éthiopien soutiendrait ses sociétés de camionnage en imposant, dit- on, à ses banques de proposer des prêts à taux préférentiel pour l’achat de grandes flottes de camions. (9) Les tarifs de camionnage facturés par les sociétés éthiopiennes semblent être subventionnés, au moins en ce qui concerne les sociétés d’Etat dans la mesure où celui-ci n’exigerait pas que les tarifs incorporent le recouvrement du coût d’investissement dans les véhicules. 24. En vue d’assurer une plus grande part de marché aux transporteurs djiboutiens, des représentants du gouvernement de Djibouti ont proposé des quotas pour le transport transfrontalier entre Djibouti et l’Ethiopie. Lors de la dernière réunion du Comité de Suivi, un accord de principe a en effet été atteint pour examiner la possibilité d’un système de quotas. Néanmoins, de l’avis de la Banque mondiale, il est peu probable qu’un tel système résolve le problème des chauffeurs routiers djiboutiens. L’expérience internationale suggère que l’instauration de quotas n’est pas souhaitable pour plusieurs raisons. Les quotas de transport ont été abolis dans l’Union européenne depuis 1993, bien qu’ils soient toujours en vigueur dans les accords qui régissent le transport entre les états européens et les pays à l’est, notamment la Russie. Cette approche est sous-optimale du point de vue des exportateurs ou des importateurs puisque, vers la fin de l’année, si le quota de transport par les sociétés les moins chères est atteint, les propriétaires du fret sont alors forcés de se tourner vers des transporteurs dont les tarifs sont plus élevés que ceux des sociétés habituelles auxquelles ils font confiance. Cela nuit à une relation commerciale normale et saine. D’un point de vue administratif, cela exige des mécanismes de négociation et d’attribution des quotas, de suivi de leur utilisation tout au long de l’année, et de sanction si les quotas ne sont pas respectés. Au final, tous ces mécanismes forment un lourd fardeau administratif qui interfère avec le fonctionnement du marché. Enfin, l’application transparente des quotas peut être difficile et engendrer corruption et retards. D’autres ports de la région offrent une certaine concurrence. 24 25. La concurrence pour le passage des importations éthiopiennes se limite essentiellement à Berbera et à Port Soudan. L’Ethiopie n'a pas recours à Assab en Erythrée pour des raisons politiques. Un document de planification récemment préparé par le Ministère éthiopien des Finances (« Plan de croissance et de transformation 2010/11–2014/15 ») vise un partage à 60/30/10 % entre Djibouti, Berbera, et Port Soudan respectivement. Or la part de Djibouti dépasse aujourd’hui 90 % (voir tableau 3) et devrait bénéficier dans un futur proche de procédures douanières plus efficaces, comme expliqué plus loin dans cette note. Le port de Berbera est utilisé presque exclusivement pour l’export de bétail. Pour une utilisation plus large de ce port des travaux de réhabilitation de la route qui mène à la frontière éthiopienne sont nécessaires—ces travaux ont cependant peu de chance d’être menés à bien tant que la situation politique en Somalie n’est pas stabilisée. Port Soudan souffre quant à lui de son grand éloignement par voie terrestre (1 900 km jusqu’à Addis), sauf si la provenance ou la destination des marchandises transportées se trouve au nord de l’Ethiopie. En ce qui concerne le Sud-Soudan, le pays est jusqu’à présent desservi principalement par le port de Mombasa (Kenya) et un corridor routier de transit à travers l’Ouganda. 2 600 km séparent Mombasa et Juba, alors que Djibouti n’est qu’à 1 900 km de la capitale sud-soudanaise. Le port de Mombasa est souvent saturé mais le Kenya développe actuellement un nouveau port à Lamu pour le décongestionner. Les liens ethniques et linguistiques de l’Ouganda avec le Sud- Soudan lui donnent l’avantage pour le transit. En particulier, l’anglais est la langue du commerce dans les trois pays du corridor (Kenya, Ouganda, Sud-Soudan). Ce corridor opère de manière satisfaisante sans obstacle imprévu, alors que le corridor allant de Djibouti à Juba via Addis est « truffé d’obstacles » selon un transitaire international basé à Djibouti. Une partie de la route nationale reliant Djibouti à la frontière éthiopienne nécessite un entretien urgent pour préserver la qualité du service du côté djiboutien du corridor. 26. Les autorités ont récemment financé avec l'appui de l'Union européenne la rénovation de 40 km du corridor routier jusqu'à la frontière éthiopienne à Galafi ; 10 km supplémentaires devraient être rénovés en 2013. Cependant, des portions du corridor n’ont pas été rénovées depuis bientôt une décennie et commencent à se détériorer à cause du trafic élevé de camions. L’entretien routier périodique et régulier nécessite un budget national d’au moins 8 millions de dollars par an alors que les budgets récents n’ont pas excédé 5 millions de dollars. (Des discussions sont engagées avec la partie éthiopienne dans le cadre de la Commission Mixte pour un relèvement de la redevance routière imposée aux camions qui circulent sur le corridor.) Il existe un sérieux risque de détérioration accélérée dans l’avenir lorsque le revêtement commencera à se désagréger. Il est prouvé que la réhabilitation d’une route après que le revêtement soit endommagé peut coûter entre trois et cinq fois plus cher que l’application d’un nouveau revêtement en temps opportun. Ce problème requiert une attention urgente. En plus d’avoir un rendement économique élevé, l’entretien routier, notamment l’entretien régulier, pourrait créer plusieurs centaines d’emploi pour des personnes faiblement qualifiées (voir annexe 2), ce qui serait significatif étant donné la petite taille du marché du travail à Djibouti. 27. Le prochain chapitre examine les opportunités et priorités stratégiques recommandées pour un développement à long terme du secteur des transports et de la logistique. 25 Chapitre II – Opportunités et priorités stratégiques pour l’avenir Le COMESA encourage l’intégration économique des pays de la Corne de l’Afrique. 28. La région est dynamique. Elle connaît une phase de changement et d’intégration internationale grâce au COMESA (Marché commun pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique Australe), dans laquelle Djibouti peut jouer un rôle majeur en tant que porte d’entrée et pôle de stabilité. Les pays membres du COMESA sont en train de baisser et d’harmoniser leurs tarifs douaniers de façon à rendre le commerce intra-régional plus attrayant. Des exportateurs égyptiens (l’Egypte appartient aussi au COMESA) sont intéressés par l’ouverture économique des pays d’Afrique de l’Est, vers lesquels Djibouti pourrait être une route d’accès adaptée, surtout si la viabilité des services de fret aérien entre Djibouti et les pays membres enclavés était démontrée. L’Ethiopie offre des perspectives de croissance économique rapide et durable. 29. Le gouvernement éthiopien nourrit de grands espoirs quant au développement rapide de son économie, dont la croissance moyenne pourrait avoisiner les 10 % par an pendant les prochaines années. Il s’attend à voir les exportations de viande et de café augmenter particulièrement rapidement, de même que celles de textiles et de vêtements. Il prévoit aussi de décupler la production de sucre et de ciment dont une partie sera destinée à l’exportation (voir tableau 8). L’industrie éthiopienne du ciment compte aussi importer du charbon qui lui servira de combustible principal, ce qui augmentera le volume du trafic portuaire entrant par Djibouti. En vue d’attirer du capital d’investissement, le gouvernement éthiopien vend des terres arables à certains pays arabes et à des grands pays en voie de développement (Inde, Chine) où ces terres viennent à manquer. Tableau 8 - Prévisions de croissance des exportations éthiopiennes d’ici 2014 Référence Prévision Produits exportés Unités Augmentation 2009/10 2014/5 Exportations de café milliers de tonnes 320 601 88 % Exportations de viande milliers de tonnes 10 111 x 11 Production de sucre milliers de tonnes 17 712 42 516 140 % Production de ciment milliers de tonnes 2 700 27 000 x 10 Exportation de textiles et millions de $ 1,7 4,5 x 2,7 vêtements Source : Plan de croissance et de transformation, 2010-1014 (projet), ministère éthiopien des Finances et du Développement La création du Sud Soudan a donné lieu à de fortes attentes. 30. L'indépendance du Sud-Soudan introduit un nouvel acteur dans la région de la Corne de l’Afrique qui pourrait se tourner vers Djibouti et l’Ethiopie (via Addis) en quête d’un grand corridor commercial. Le Sud-Soudan suscite beaucoup d’intérêt, principalement du fait de ses larges réserves de pétrole. En effet, on parle d’un oléoduc pour l’exportation du pétrole brut tiré des gisements sud-soudanais vers Djibouti qui pourrait être opérationnel dans un délai de trois ans. L’essor de l’industrie pétrolière pourrait justifier un service régulier de fret air-mer entre Djibouti et Juba, même si à l’heure actuelle le volume de demande pour ce service est impossible à évaluer. En dehors du pétrole, le volume de commerce extérieur du Sud-Soudan est susceptible d’être faible par rapport à celui de l’Ethiopie. Le PIB éthiopien est de 30 milliards de dollars alors que celui du Sud-Soudan est estimé à 13 milliards de dollars (voir tableau 7), dont 71 % proviennent du pétrole. En d’autres termes, l’économie 26 non-pétrolière du Sud-Soudan s’élève seulement à 4 milliards de dollars, c'est-à-dire un huitième de l’économie éthiopienne. 31. Une vision à long terme du développement du secteur des transports et de la logistique devrait se fonder sur les priorités stratégiques suivantes. PR1 – Fixer une stratégie cohérente (planification, hiérarchisation, études de faisabilité, consultation, capacité de mise en œuvre et de suivi) 32. Les représentants du gouvernement de Djibouti ont mentionné à l’équipe de la Banque mondiale plusieurs projets futurs dans le domaine des transports, mais sans qu’une vision réaliste et cohérente à long terme ne se dégage clairement. Il ne semble pas y avoir de priorités établies. Il s'agit là d'un problème fondamental. Le ministère de l’Equipement et des Transports a certes produit en 2008 un document stratégique consacré au transport 11 mais l’équipe de la Banque n’a trouvé en janvier 2012 qu’une très faible connaissance de ce document au sein du ministère et aucune en dehors. L’équipe de la Banque n’a pu consulter aucune des études de faisabilité relatives aux grands projets d’infrastructure actuellement en préparation, à savoir la reconstruction de la ligne de chemin de fer Djibouti-Addis, la construction d’une nouvelle ligne de chemin de fer pour l’export de potasse éthiopienne via un nouveau port dont la construction est prévue à Tadjoura, ainsi que le nouveau port de Tadjoura lui-même. Il a aussi été fait mention d’un projet d’expansion de l’aéroport, voire de la construction d’un nouvel aéroport mais, encore une fois, aucune étude de faisabilité n’a pu être consultée. (Voir l’annexe 3 pour une liste des principaux projets financés par les donateurs internationaux). 33. L’Etat devrait explorer les différentes alternatives et s’en tenir à l’évaluation objective de l’intérêt du marché pour de nouveaux services avant de prendre des décisions d’investissement de façon transparente, i.e. des décisions rendues publiques et ouvertes au débat public afin d’en estimer les avantages et les inconvénients. Le mode actuel de prise de décision ne semble malheureusement pas suivre ce modèle. Le gouvernement éthiopien apparaît plus attentif à cet égard : il mène des études de faisabilité appropriées pour ses investissements majeurs dans le secteur du transport, tels que les deux projets de chemins de fer cités plus haut qui sont actuellement au stade de la planification et du financement. Ces projets traversent la frontière avec Djibouti (notamment les projets de chemin de fer mais aussi le projet potentiel de modernisation du corridor routier sud) et vont évidemment imposer leur discipline aux planificateurs de Djibouti. PS2 – Gérer la relation avec l’Ethiopie comme un partenariat mutuellement avantageux (gagnant-gagnant) afin de rester le port privilégié 34. Le plus grand défi du gouvernement de Djibouti est de gérer sa relation avec l’Ethiopie comme un partenariat mutuellement avantageux (gagnant-gagnant) malgré les grandes disparités entre les deux pays, tant en matière de population qu’en matière de PIB. L’Ethiopie a besoin d’un corridor commercial performant, rapide, fiable, et à un coût abordable pour ses importations qui incluent des produits pétroliers, des intrants industriels, une large palette de produits manufacturés, et des denrées alimentaires qu’elle ne peut produire sur son sol. De plus, sa production agricole est en plein essor et nécessite, pour partie (notamment le café) un corridor d’exportation performant. Si la totalité du corridor entre le port de Djibouti et Addis tombait sous le contrôle d’un seul pays, le gouvernement concerné pourrait aisément prendre des décisions rationnelles d’investissement hiérarchisées sur la base d’estimations des coûts et des bénéfices. Il pourrait rechercher le meilleur compromis entre de grandes dépenses initiales d’investissement dans les infrastructures (essentiellement financées 11 « La Chaîne de transport dans l’économie nationale », ministère de l’Equipement et des Transports, 2008 27 par l’Etat) d’un côté, et de l’autre, le maintien de prix bas sur ses importations (ce qui bénéficierait à la fois au secteur public et au secteur privé), l’ouverture de nouveaux marchés à ses exportations, et la création d’emplois bien rémunérés dans le secteur du transport et de la logistique sur le corridor. L’Etat peut s’attendre à récupérer sa mise initiale dans les entreprises de transport, en particulier les chemins de fer, directement au travers des profits faits par ces entreprises ; tandis qu’il pourra récupérer son investissement dans les routes par le biais des taxes sur les carburants et les véhicules, et par le biais de péages le cas échéant. 35. Dans le cas de Djibouti, la majeure partie du corridor se trouve dans un autre pays. Comment surmonter le fait que le pays ne peut pas récupérer aisément ce qu’il investit dans l’amélioration ou l’entretien du corridor routier au travers de taxes indirectes sur les véhicules et le carburant éthiopiens ou au travers de taxes directes sur les sociétés de camionnage ? (Les camions éthiopiens représentent 95 % de la flotte totale en question). Les péages routiers sont la seule source viable de revenus provenant d’usagers étrangers. Si les deux parties acceptent le principe d’un recouvrement par l’Etat des investissements faits dans les infrastructures, alors l’Ethiopie doit accepter des péages plus élevés qu’aujourd’hui ou elle doit participer aux dépenses d’investissements qui seraient autrement à la charge entière de Djibouti. Si les deux nouveaux chemins de fer proposés sont construits, les deux gouvernements devraient en principe contribuer à l’investissement à hauteur des prévisions de leurs profits respectifs. 36. La relation entre Djibouti et l’Ethiopie est complexe, non seulement de par la grande différence de taille, mais également à cause d’une différence en matière de philosophie et de politique de développement économique. L’Ethiopie poursuit une politique interventionniste : les actifs majeurs sont propriété de l’Etat et la plupart des activités économiques sont contrôlées par l’Etat. A l’inverse, Djibouti adopte une approche radicale de laissez- faire, fondée sur le marché : l’Etat limite son rôle à la fourniture de services sociaux essentiels (dont les infrastructures) et laisse au secteur privé la plupart des autres activités économiques. L’Ethiopie planifie son développement à travers un mandat administratif et une vision centralisée avec, a priori, peu d’égard pour les prix et les autres signaux du marché. A l’opposé, Djibouti semble compter sur les signaux du marché pour fournir les incitations indispensables à l’investissement et à la création d’emplois, et son gouvernement ne semble disposer que d’une capacité limitée de planification visionnaire à long (ou même à moyen) terme. 37. Il ne va donc pas de soi que le gouvernement éthiopien veuille un retour sur ses investissements dans les actifs publics. Au contraire, les tarifs exceptionnellement bas facturés par les sociétés de camionnage éthiopiennes (dont la plupart sont des sociétés publiques) suggèrent que le gouvernement ne s’attend pas à récupérer ses investissements dans les nouvelles flottes de camions, encore dans les infrastructures – ce qui revient à subventionner massivement toutes les transactions liées au transport routier. 38. La première préoccupation du gouvernement de Djibouti devrait être de satisfaire les clients éthiopiens qui utilisent le port car la position de monopole de ce dernier n’est pas garantie indéfiniment. Aujourd’hui, les ports concurrents sont handicapés par une capacité limitée de manutention du fret ainsi que par la mauvaise qualité des routes d’accès et des complications d’ordre politique. Mais avec le temps cela pourrait évoluer, surtout en fonction des relations entretenues par l’Ethiopie avec ces ports. Il est temps pour Djibouti d’anticiper l’avenir et de se positionner pour profiter au maximum de la structure changeante des importations et exportations éthiopiennes. Comme le montre le tableau 7, les exportations se diversifient, passant de cultures et produits principalement agricoles à des matières premières industrielles, des produits semi-finis, et des produits manufacturés dérivés de ces derniers. 39. L’étude éthiopienne « Plan de croissance et de transformation » fournit des informations sur les corridors de commerce en concurrence. Il reste toutefois à évaluer comment les changements futurs dans ces corridors – tel qu’un glissement massif, possible 28 mais pas du tout assuré, du trafic de la route vers le rail sur le nouveau chemin de fer entre Addis et Djibouti – pourraient altérer significativement l’équilibre actuel. Le nouveau chemin de fer devrait en principe consolider l’avantage de Djibouti sur Berbera et Port Soudan. Port Soudan semble incapable d’attirer le commerce éthiopien, mis à part pour les villes du nord puisqu’il se trouve à 1 900 km d’Addis (1 000 km de plus que Djibouti). Berbera et Djibouti sont à peu près à la même distance d’Addis (937 km contre 910 km), mais les équipements du port somalien sont bien inférieurs (profondeur d’eau, équipements de manutention) et la route qui mène de ce port à la frontière éthiopienne est non revêtue et en mauvais état. Le port d’Assab est légèrement plus proche d’Addis (882 km) mais la route qui le relie à l’axe principal Djibouti-Galafi-Addis est non revêtue ou délabrée. Dans tous les cas, la situation politique actuelle donne à Djibouti un net avantage sur ses concurrents. Cette situation devrait perdurer, au moins dans un futur proche, assez longtemps pour que Djibouti consolide sa position actuelle par les mesures développées ci-après. 40. La compétitivité d’un port se mesure non seulement en coût et en temps de traitement, mais aussi en fonction de sa fiabilité et d’autres caractéristiques. Le port de Djibouti offre l’essentiel des caractéristiques recherchées par les commerçants et les compagnies maritimes , comme montré dans l’annexe 4. Les coûts de manutention des conteneurs y sont sans doute assez élevés. En revanche, les tarifs de fret maritime y sont probablement plus bas que dans les ports concurrents, étant donné que Djibouti se situe directement sur la grande route maritime reliant l’Asie à l’Europe via le canal de Suez : les porte-conteneurs peuvent donc rapidement y décharger et faire demi-tour. Les domaines à améliorer sont du côté des prestataires de services (transitaires et agents maritimes) : maîtrise de l’anglais et compétences techniques telles que mécanique et gestion des stocks. PS3 – Etablir un cadre institutionnel public-privé pour gérer le corridor avec l’Ethiopie 41. Jusqu’à présent, le cadre institutionnel de gestion du corridor Djibouti-Addis n’inclut que le secteur public. Cela prend la forme d’une « Commission mixte » qui se réunit deux fois par an (fin janvier 2012 pour la dernière fois) et d’un « Comité de suivi » (les questions de transport évoquées lors de la réunion du Comité de suivi de novembre 2011 sont résumées dans l’annexe 5). Il est regrettable que la Chambre de commerce de Djibouti et ses homologues éthiopiens soient exclus de ce cadre puisqu’ils ont un rôle important à jouer dans l’optimisation des services offerts par le secteur privé (prix et qualité des services), dans l’adaptation aux changements des procédures douanières et de la documentation pour le trafic en transit (décrits ailleurs dans cette note), dans la recherche de solutions qui faciliteraient le commerce, ainsi que dans le lobbying pour l’élimination des obstacles au commerce. 42. Les corridors commerciaux qui relient les villes des pays enclavés aux ports qui les desservent ont fait l’objet d’une étude récente de la Banque mondiale.12 Elle a observé que les corridors les plus performants doivent une grande part de leur succès à l’existence d’un cadre institutionnel qui regroupe les quatre principales parties prenantes : les gouvernements du pays enclavé et du pays de transit, mais aussi le secteur privé de chaque pays qui représente les intérêts des prestataires de services de transport et de logistique. Des institutions binationales associant les secteurs public et privé (comités, commissions, entités de coordination) supervisent le développement de ces corridors et arbitrent les désaccords ayant trait non seulement aux infrastructures, mais aussi aux procédures douanières, à l’immigration, aux contrôles de police, et à d’autres services « immatériels ». Le secteur privé joue un rôle clef dans ces institutions car il est plus sensible aux doléances des utilisateurs du corridor. Il est aussi en mesure de verser des salaires appropriés aux dirigeants de l’institution (en général le directeur plus un ou deux autres membres) de sorte que ceux-là soient professionnels, compétents et motivés. Ces institutions favorisent l’échange d’informations et instaurent la 12 Arvis, Carruthers, Smith & Willoughby, “Connecting landlocked developing countries to markets�, World Bank, 2011 29 confiance entre les parties prenantes. Elles créent ainsi un environnement où sont privilégiées les solutions mutuellement avantageuses et où est dissuadée la mentalité d’un jeu à somme nulle – cette mentalité tend à perpétuer inefficacité et corruption. 43. Parmi les bons exemples de corridors commerciaux en Afrique, on pourra retenir : le corridor de Maputo entre l’Afrique du Sud et le Mozambique, le corridor nord qui relie le port kenyan de Mombasa et les pays de la région des Grands Lacs, et le groupe de corridors de Walvis Bay en Namibie. Les corridors de Maputo et de Walvis Bay sont des partenariats public-privé. Leur mission consiste typiquement à : promouvoir le commerce entre les deux pays pour leur bénéfice mutuel ; informer les utilisateurs du corridor (réels et potentiels) des services offerts et des conditions opérationnelles ; et résoudre les problèmes de manière efficace. 44. La création d’une institution public-privé de gestion du corridor Djibouti-Addis permettrait sans doute d’améliorer sensiblement la performance de la chaîne logistique à long terme. Ils existent deux autres opportunités majeures : (a) réformer et restructurer le régime de transit qui régit le passage des importations éthiopiennes à travers le territoire de Djibouti, et (b) construire une ou deux lignes de chemin de fer pour desservir le corridor de transit. Ces deux opportunités sont développées ci-dessous. PS4 – Opérer une transition majeure vers un traitement plus efficace des importations éthiopiennes en transit13 45. Les administrations des douanes éthiopiennes et djiboutiennes ont récemment conclu un accord pour moderniser et de réformer le traitement des importations éthiopiennes, en passant du système éthiopien sui generis et très lourd à un système reposant sur une garantie de transit en accord avec les meilleures pratiques internationales. Pour être complètement fonctionnel, il requiert des douanes de Djibouti le remplacement de leur système informatique Mirsal (importé de Dubaï) par un système compatible avec Sydonia World (conçu par la CNUCED), dont l’utilisation est aujourd’hui très répandue parmi les pays en voie de développement, notamment en Ethiopie (version Sydonia ++). Le troisième pilier de l’accord consiste à adopter le principe de transport multimodal sous connaissement direct (through bill of lading en anglais). Cela implique que l’émetteur du connaissement direct reste responsable de la cargaison jusqu’à sa destination sur terre -- susceptible dans la plupart des cas d’être le port sec de Mojo près d’Addis, ou un des autres ports secs développés actuellement ailleurs en Ethiopie. 46. L’accord de principe initial a été conclu en 2006 sous l’égide du COMESA. Il a ensuite fallu deux ans, jusqu’en 2008, pour développer et trouver un accord sur l’approche du connaissement direct. Le passage du système informatique Mirsal à Sydonia a quant à lui débuté par une phase de test financée sur fonds propres. La CNUCED fournit son assistance pour le lancement du nouveau système dans deux sites pilotes et pour la formation de transitaires et des agents maritimes. 47. Cette réforme bilatérale va réduire de manière substantielle la manutention du fret et les retards à Djibouti puisque les procédures douanières effectuées à Djibouti seront simplifiées et l’échange d’informations avec les douanes éthiopiennes se fera électroniquement plutôt que sur papier. Le temps d’immobilisation du fret dans le port de Djibouti ou au PK12 (zone de retenue à la sortie de la ville) devrait se réduire d’une moyenne actuelle de 23 jours à 8 jours environ. (DCT a été conçu dans l’hypothèse d’un temps d’immobilisation de 7 jours, mais jusqu’à récemment le fret en transit vers l’Ethiopie bénéficiait d’un stockage gratuit pendant les 30 premiers jours, ce dont beaucoup 13 Source : Michel Zarnowiecki, expert des douanes et consultant auprès de la Banque mondiale, rapport de mission à Djibouti et en Ethiopie, septembre 2011. 30 d’importateurs ont profité pleinement. La période de grâce vient d’être réduite à 8 jours.) De plus, l’introduction d’une garantie de transit et du transfert électronique des informations élimine le besoin de plusieurs postes de contrôle douanier en Ethiopie entre Galafi et Addis : cela raccourcit encore d’une demi-journée la durée de transit. 48. Les sociétés qui possèdent les conteneurs, en général les compagnies maritimes, facturent des pénalités lorsque les conteneurs transportant les importations à l’intérieur des terres ne sont pas retournés au port en moins de 25-30 jours. Une fois que le temps d’immobilisation à Djibouti et les délais de transit seront réduits, la fréquence de ces pénalités va baisser. Il n’y aura plus alors de justification économique au dépotage de s conteneurs à Djibouti. L’Ethiopie réalisera alors de grandes économies. En effet, les transitaires qui traitent aujourd’hui 3 à 4 millions de tonnes d’importations par an vont économiser environ 150 dollars par EVP (avec un contenu de 20 tonnes) en évitant de dépoter les conteneurs et de recharger leurs contenus sur des camions. Ils économiseront aussi environ 100 dollars par EVP de frais de stockage pendant le traitement douanier, qui sera entièrement transféré dans les ports secs éthiopiens. Au total, l’économie sera donc de 250 dollars par EVP.14 Des frais de stockage seront encourus dans les ports secs éthiopiens ou à destination, mais les économies nettes resteront considérables. 49. Revers de la médaille : la perte de revenus des sociétés de manutention à Djibouti pourrait s'élever à 35-40 millions de dollars par an, soit 3 % du PIB actuel de Djibouti. L’adoption des réformes peut prendre du temps, mais la logique économique les justifie fortement pour l’Ethiopie. Le gouvernement de Djibouti a accepté de prendre les mesures nécessaires de son côté : le changement de système informatique des Douanes et le passage à l’échange électronique des informations. 50. Le gouvernement éthiopien espère appliquer les nouvelles procédures d’importation au plus vite, puisqu’il prévoit qu’en 2014-15 80 % de ses importations utiliseront le système multimodal sous connaissement direct et les ports secs (avec moins de postes de contrôle douanier domestiques). 90 % des exportations devraient aussi utiliser le nouveau système amélioré. Le temps de transit des importations sera réduit de 30 jours en moyenne en 2009-10 à 19 jours en 2014-15, soit une économie de 20 jours. C’est une prévision raisonnable. Cela permettra aux camions de faire en moyenne quatre aller-retour par mois contre trois aujourd’hui, abaissant ainsi le coût du transport routier grâce à une utilisation plus efficace des véhicules et des chauffeurs. PS5 – Consolider le transit entre Djibouti et l’Ethiopie : construction de deux chemins de fer binationaux 51. La présence de l’équipe de la Banque à Djibouti en janvier 2012 a coïncidé avec la visite d’une délégation chinoise. Celle-ci venait négocier le financement et les travaux nécessaires à la reconstruction du chemin de fer qui dessert le corridor sud entre Djibouti et Addis. La nouvelle voie devrait suivre le tracé de la voie historique à écartement métrique qui passe par Dewele (passage frontalier entre Djibouti et l’Ethiopie) et Dire -Dawa, la deuxième ville éthiopienne. La longueur totale de la nouvelle ligne sera similaire à l’ancienne ligne, soit environ 780 km – c’est 130 km de moins que le corridor routier via Galafi. La nouvelle voie aura un écartement normal (1 435 mm) lui permettant de transporter bien plus de trafic que la voie historique à des coûts opérationnels inférieurs. Le coût total de reconstruction atteindrait 2,6 milliards de dollars. 15 La section éthiopienne (environ 680 km) coûterait l’équivalent 14 Ces données proviennent de l’étude éthiopienne NFTLP (National freight transport & logistics program). 15 Source : communiqué de presse qui indique que le segment entre Mieso et Dewele coûtera en moyenne 3,5 millions de dollars par kilomètre -- hypothèse raisonnable pour la construction par une 31 d’environ 6 % du PIB de l’Ethiopie, alors que le coût des 100 km de voie djiboutienne équivaudrait à 15 % du PIB de Djibouti. Échelonner la reconstruction en plusieurs phases réduirait le fardeau financier en laissant le temps à chaque pays de faire croître son économie. Mais cet échelonnement n’est pas réaliste car l’essentiel du trafic attendu sur la ligne s’écoulera d’une extrémité à l’autre : du port de Djibouti à Addis. La banque chinoise Exim Bank est censée fournir le financement au gouvernement éthiopien pour la portion entre Dewele et Mieso, la première à être construite. Et une société de construction chinoise a signé un accord avec l’Ethiopie pour entamer les travaux de reconstruction. Le gouvernement de Djibouti est aussi en train de négocier le financement de sa portion de la voie.16 52. Pendant ce temps, des négociations auraient été menées entre un importateur indien d’engrais et une société minière canadienne qui se prépare à ouvrir une mine de potasse à Danakil, près de Mekele dans le nord-est de l’Ethiopie. Une fois extraite, la potasse serait transportée par un nouveau chemin de fer jusqu’à Djibouti, d’où elle serait ensuite exportée depuis un nouveau port spécialisé prévu à Tadjoura. La longueur de cette nouvelle voie ferrée serait de 600 à 700 km, dont 110 km en territoire djiboutien. Une branche serait construite pour connecter la voie à la ville de Djibouti et aux terminaux de Doraleh. Côté éthiopien, le Gouvernement se chargerait sans doute de construire la voie puisqu’il a l’ambition de développer un nouveau réseau ferroviaire d’environ 2 400 km. Il compte aussi construire des usines de sucre et de ciment à Mekele et aux alentours : la nouvelle voie servirait aussi à acheminer, depuis le port de Djibouti, le charbon nécessaire à ces usines. Côté djiboutien, la situation est moins claire. Mais là aussi le Gouvernement semble prêt à construire la nouvelle voie (plutôt qu’une société privée). Le Fonds saoudien et le Fonds arabe pour le développement économique et social prêteraient 60 millions de dollars pour la construction du port de Tadjoura. Le plan quinquennal de l’Autorité des ports et des zones franches de Djibouti prévoit que la première tranche du port de Tadjoura et la route de 110 km reliant le port à la frontière éthiopienne (près de Balho) vont coûter 132 millions de dollars. 4 millions de tonnes de potasse pourraient être traitées chaque année. La préqualification des sociétés de construction a été lancée pour le port. Une deuxième tranche coûterait 20 millions de dollars supplémentaires et doublerait la capacité du port à 8 millions de tonnes par an. La potasse serait exportée par conteneurs. De tels volumes justifient probablement le transport par le rail. 53. Les deux lignes ferroviaires en projet sont conçues pour transporter différentes marchandises vers différentes régions. La ligne Mekele-Tadjoura serait une ligne industrielle utilisée par un grand exportateur privé. Cependant, la possibilité de transporter d’autres marchandises en vrac est aussi envisagée, ce qui contribuerait à équilibrer le trafic, et donc les revenus, dans les deux sens. En revanche, la ligne du corridor sud Djibouti-Addis pourrait être utilisée pour tous les types de marchandises en transit, avec un fort biais vers les importations. Comme sur la plupart des lignes de fret, le marché encouragerait sans doute une spécialisation vers les matières premières en vrac, notamment le pétrole et le vrac sec tel le charbon ou le clinker, mais aussi vers le trafic conteneurisé acheminé par train entier, essentiellement d’une provenance unique (le port de Djibouti) vers une destination unique (le port sec de Mojo près d’Addis). 54. La première inconnue commerciale qui persiste au sujet de la ligne Djibouti-Addis est la part de marché qu’elle pourra prendre au transport routier – qui devrait, selon toute attente, résister vigoureusement. Dans beaucoup de pays, une distance de transport de 800 km est bien supérieure à la distance de seuil de rentabilité, à partir de laquelle les coûts du transport ferroviaire deviennent inférieurs à ceux du transport routier. Ce calcul dépend cependant entreprise chinoise d’une nouvelle voie en terrain vallonné. La section de la ligne côté djiboutien devrait toutefois coûter moins, car le terrain y est plat en majeure partie et le tracé de l’ancienne voie devrait être largement réutilisé. 16 Le commerce entre Djibouti et la Chine a atteint 445 millions de dollars en 2010, en hausse de 51 % par rapport à 2009. 32 fortement du volume annuel de trafic, de sa stabilité (i.e. distribution égale tout au long de l’année), et de sa prévisibilité (le trafic est-t-il régi par des contrats à long terme ?). L’expérience internationale suggère que le volume minimal de rentabilité serait d’environ 5 millions de tonnes par an. 55. Cependant, très peu de chemins de fer en Afrique ont réussi à concurrencer le camionnage sur des corridors parallèles. Les chemins de fer souffrent en général de rigidités administratives et de faibles incitations à une gestion commerciale. A l’inverse, le camionnage opère dans une économie de marché ouverte aux petites comme aux grandes sociétés, qui ont toutes fortement intérêt à être rentable—ou alors elles se retirent du marché. Comme déjà souligné, l’industrie éthiopienne du camionnage est développée, bien organisée, apparemment largement subventionnée par le gouvernement, et agressive dans son expansion. Il n’est donc pas sûr du tout que le corridor ferroviaire sud Djibouti-Addis pourrait être viable commercialement. PS6 – Améliorer la formation de la main d’œuvre locale (compétences techniques et langues étrangères) 56. Le secteur privé déplore un manque de techniciens spécialisés dans les métiers au cœur du transport et de la logistique : il y a notamment une pénurie de mécaniciens, de soudeurs, d’électriciens, et de logisticiens (gestion de stock). Qui plus est, la connaissance de l’anglais est essentielle dans le commerce international, spécialement pour les Djiboutiens, puisque c’est la langue de travail avec l’Ethiopie. Certains prestataires de services travaillant au port de Djibouti ne disposent pas de ces compétences. 57. La section suivante se fonde sur les priorités stratégiques décrites ci-dessus pour recommander au gouvernement de Djibouti un plan d’action pour le court et moyen terme. 33 Chapitre III – Plan d’action Actions à court terme Action 1 - Evaluer avec soin les risques financiers associés à la reconstruction du chemin de fer Djibouti-Addis. 58. Dans l’immédiat, la reconstruction du chemin de fer Djibouti-Addis pose une question pressante : quel est le partage équitable du coût de l’opération entre l’Ethiopie et Djibouti, sachant que le premier utilisateur et bénéficiaire de la ligne sera l’Ethiopie ? Puisque l’essentiel du trafic attendu sera en transit vers l’Ethiopie, le seul bénéfice retiré par Djibouti sera sa part des bénéfices d’exploitation de la ligne. L’industrie éthiopienne du transport routier, qui est très développée, réagira sûrement avec vigueur pour protéger ses parts de marché : elle cherchera à empêcher le nouveau chemin de fer d’attirer suffisamment de trafic pour couvrir ses coûts fixes. Selon les estimations, le seuil de rentabilité de la ligne se situe à peu près à un volume de trafic de 5 millions de tonnes par an. Au vu de ce qui s’est passé sur d’autres corridors commerciaux en Afrique, il serait exceptionnel que la ligne capte ne serait- ce qu’un quart du marché total de fret. Or le volume total de fret transporté aujourd’hui sur le corridor Djibouti-Addis est d’environ 9 millions de tonnes. Il est donc recommandé au gouvernement de Djibouti de minimiser son investissement dans la reconstruction de la ligne. En tant que bénéficiaire quasi-exclusif, c’est l’Ethiopie qui devrait en assumer le risque financier. Action 2 - Solliciter le conseil d’une tierce partie indépendante pour l’évaluation de contrats importants et complexes. 59. Djibouti devrait minutieusement planifier et mettre en œuvre ses grands projets d’infrastructure si le pays souhaite attirer les financements de bailleurs internationaux et d’investisseurs privés, et s’il souhaite encourager la concurrence entre les entrepreneurs et opérateurs privés. En particulier, les aspects techniques, économiques, financiers et légaux devraient méritent d’être étudiés en profondeur. Il est donc recommandé à Djibouti de solliciter l’avis de spécialistes indépendants pour garantir une évaluation solide et transparente de ces aspects. Davantage de détails sont fournis sous l’action 6 en ce qui concerne l’élaboration d’une stratégie et de plans directeurs pour le secteur des transports. 60. Des mesures devraient aussi être prises pour améliorer la transparence des transactions entre l’Etat et les intérêts privés. La transparence devrait notamment être un critère lors des passations de marché, aussi bien au stade de l’appel d’offre que du contrat avec le soumissionnaire gagnant. Dans un pays de taille réduite comme Djibouti, la formation de monopoles est inévitable dans certains cas. Toutefois, les cadres contractuel et réglementaire devraient être conçus de sorte que les investisseurs ne puissent pas abuser de leur position de monopole ; autrement dit, les bénéfices tirés de l’investissement et du monopole devraient être partagés entre les investisseurs et le public en général. Le recours à des conseils indépendants est recommandé lors de la conception de ces cadres. Les bailleurs internationaux peuvent fournir ses conseils sous forme d’assistance technique. Action 3 - Etablir un centre de formation pour « former des formateurs » et développer des options détaillées de formation. Pendant ce temps, renforcer la coopération sud-sud pour former les Djiboutiens en dehors du pays. 61. Cela requiert l’identification (i) des compétences demandées faisant défaut, (ii) des populations cibles, (iii) des sources d’expertise en formation (formation des formateurs), (iv) des financements, et (v) des agences d’exécution. 34 62. Les investisseurs internationaux potentiels sont dissuadés par la pénurie de compétences techniques sur le marché du travail à Djibouti. Mais étant donné le taux élevé de chômage du pays, il est peu probable que le gouvernement de Djibouti permette l’importation de main d’œuvre étrangère comme l’a fait Dubaï pour sa zone franche. A la place, la seule solution politiquement viable est de lancer un vaste programme de formation qui inclurait un centre de formation pour la « formation de formateurs » et d’attirer des sponsors (bailleurs ou sociétés internationales qui ont besoin de ces compétences) désireux de le financer. 63. Djibouti devrait créer des programmes de formations techniques dans les carrières du transport et de la logistique, afin de combler le vide entre les diplômés de l’Université et le nombre important de travailleurs non qualifiés. Djibouti a vu le nombre de ses étudiants doubler depuis 2000, chez les hommes comme chez les femmes. Cependant, ces étudiants recherchent des qualifications académiques et administratives, surtout dans les sciences sociales, plutôt que des compétences dans les domaines techniques. Ces dernières sont délivrées par le Lycée Industriel et Commercial qui est insuffisamment financé et ne dispose pas de personnel adéquat pour dispenser la formation à l’échelle souhaitée. La Banque mondiale, en collaboration avec l’Agence française de développement et la Banque islamique de développement, envisage d’apporter son soutien à des centres de formation professionnelle dans le secteur public. 64. D’autres mesures pourraient aussi être prises pour renforcer la compétitivité des chauffeurs routiers djiboutiens vis-à-vis de leurs concurrents éthiopiens. Les obstacles exposés dans l’annexe 1 forment une longue série de barrières non-tarifaires à la compétition. Néanmoins, les camionneurs djiboutiens pourraient bénéficier de formations en mécaniques automobiles, qu’ils opèrent sur le marché intérieur ou sur le corridor international. Un effort pourrait être fait dans ce sens en attirant des constructeurs de poids-lourds à Djibouti : ils soutiendraient les formations en mécanique automobile et dans d’autres domaines nécessaires à l’opération de flotte de véhicules lourds. 65. Si Djibouti veut jouer tout son rôle dans la planification et les opérations des chemins de fer en projet, il faudra sans doute former des responsables et du personnel technique en partant de zéro. Un vaste programme de formation devra être mené avant le début des opérations. Les chemins de fer indiens (Indian Railways) et leur ex-filiale de conseil (RITES) ont déjà été impliqués auprès du Chemin de Fer Djibouto-Ethiopien (CDE), la compagnie ferroviaire binationale aujourd’hui défunte. Des programmes similaires pourraient être lancés. 66. Le personnel technique du port de Djibouti a bénéficié de formations dispensées par l’armateur international P&O avant qu’il soit absorbé par DP World en 2006. Plus récemment, le ministère de l’Emploi a envoyé 40 stagiaires en Inde pour une formation en gestion dans les métiers maritimes. Quatre ou cinq employés du PAID ont assisté à des cours donnés par l’Académie arabe des sciences, de la technologie et des transports maritimes à Alexandrie (Egypte). D’autres employés ont assisté aux cours de la CNUCED sur la gestion portuaire. Djibouti est encouragé à renforcer la coopération Sud-Sud dans le court terme pour former sa main d’œuvre en dehors du pays, en attendant que les formations locales soient opérationnelles. 67. Le gouvernement de Djibouti est aussi incité à approcher les bailleurs internationaux pour développer des domaines où des compétences techniques spécifiques sont requises. Les bailleurs sont généralement enthousiastes à l’idée de financer des formations et de l’assistance technique, à condition qu’un interlocuteur valable ait été identifié. Action 4 - Etablir un comité permanent qui inclut le secteur privé pour la gestion du corridor Djibouti-Addis. 35 68. Lorsque l’économie d’un pays est beaucoup plus petite que celle de son partenaire – comme c’est le cas de Djibouti vis-à-vis de l’Ethiopie – il peut vouloir privilégier des alternatives de gestion moins formelles, qui présentent moins de risques de perte de souveraineté. Même dans ce cas, la participation de représentants du secteur privé peut présenter des avantages, dans la mesure où ils sont mieux au fait des pénalités subies (temps et argent) quand des véhicules sont immobilisés à la frontière et à des contrôles routiers informels dans chaque pays. Ces représentants feront donc la promotion énergique de procédures transfrontalières plus efficaces et d’une meilleure gouvernance des contrôles et « taxes » informels. Au final, la situation s’améliorerait pour les expéditeurs et les opérateurs des deux pays. Le comité proposé pour la gestion du corridor doit contribuer à forger une vision et une stratégie pour l’avenir. Il est souhaitable que les acteurs suivants du secteur privé y participent : chambre de commerce, opérateurs portuaires, armateurs, expéditeurs et affréteurs principaux, transitaires. Djibouti pourrait recourir à l’assistance de bailleurs internationaux pour mettre en place cette institution. 69. Si la relation actuelle avec l’Ethiopie rend impossible la formation d’une telle institution binationale, Djibouti pourrait unilatéralement mettre en place un comité public- privé chargé de suivre des indicateurs de performance et de compter le trafic de camions sur le corridor. Cette initiative fournirait une base de données fiable dans le cadre des négociations avec l’Ethiopie. 70. Le corridor de Maputo, décrit dans l’encadré 2 ci-dessous, fournit un exemple réussi d’institution publique-privée. Encadré 2 – Etude de cas : le corridor de Maputo, une institution tri-nationale publique-privée très performante L’initiative logistique du corridor de Maputo (Maputo Corridor Logistics Initiative – MCLI) en Afrique du Sud est un exemple des meilleures pratiques en matière d‘institution tri-nationale (et bilingue) pour la promotion des améliorations dans le corridor commercial entre le port maritime et l’hinterland international. Elle répond aux besoins du corridor routier et ferroviaire qui relie le port de Maputo (Mozambique) à Pretoria, capitale de l’Afrique du Sud , et les régions environnantes dont le Swaziland enclavé. L’Afrique du Sud n’est pas enclavée mais Maputo est le port en eau profonde le plus proche de cette région industrielle majeure. MCLI est une institution à but non lucratif basée légalement en Afrique du Sud qui incluent des membres du Mozambique et du Swaziland, du secteur privé comme du secteur public. Son objectif est (i) de promouvoir l’amélioration des procédures transfrontalières, (ii) de rehausser l’étendue et la compétitivité des services de transport dans le corridor à des tarifs plus compétitifs, (iii) de procurer des services d’information aux utilisateurs du corridor, et (iv) d’encourager l’investissement dans les zones désignées, dont le port. Elle e été lancée en 1994-1996. De 2004 à 2009 le trafic de transit a augmenté de 22% par an ( il a ainsi plus que doublé pendant cette période). Les retards encourus aux postes frontières ont aussi été réduits radicalement. Elle a attiré 5$ milliards d’investissement pour l’amélioration des routes, du réseau ferroviaire, des postes frontière et des infrastructures et services portuaires. Source: site internet MCLI - www.mcli.co.za Action 5 - Encourager la transition des Douanes de Djibouti vers le système Sydonia et considérer la mise en place d’un service de dédouanement accéléré pour les opérateurs de transport autorisés. 71. La transition est déjà en cours dans deux sites pilotes (financement sur fonds propres) mais nécessitera sans doute un soutien continu tant technique que financier. Le remplacement complet du système informatique va permettre aux Douanes djiboutiennes et éthiopiennes d’utiliser des logiciels compatibles : cela simplifiera énormément l’échange électronique de documents et favorisera l’initiative des Douanes éthiopiennes visant à réformer en profondeur les procédures de dédouanement (voir détails dans le chapitre précèdent). 36 72. Les Douanes de Djibouti revoient leurs procédures et lancent un nouveau logiciel : il est important qu’elles communiquent bien auprès des entreprises internationales qui travaillent avec Djibouti sur les implications de ces changements – elles sont globalement positives mais doivent être transparentes. Les négociants doivent avoir confiance dans la probité des Douanes et dans la prévisibilité de leurs actions à l’avenir. Un guichet unique d’information (site internet) est prévu à cet effet. 73. Le concept de transporteurs « autorisés » (ou « agréés ») a du mérite. Ces transporteurs répondent à des critères de qualité de service et de situation financière. Ils bénéficient dès lors d’un traitement douanier accéléré aux frontières, en empruntant un « canal vert » – accessible aussi aux camions vides. (Les véhicules seulement sujets à un contrôle documentaire devraient passer par un « canal jaune », tandis que les véhicules sujets à une inspection physique devraient utiliser un « canal rouge ».) Un tel système incite les transporteurs à être plus performants et dignes de confiance. Les flux de trafic aux frontières s’en trouvent améliorés. L’Union européenne dispose d’un système de la sorte, connu sous le nom d’« opérateurs de transport autorisés ». Il a été élargi pour inclure toute société engagée dans des activités commerciales qui peut remplir et garantir les normes professionnelles de conduite et de fiabilité définies par la règlementation). 74. Ce concept pourrait être appliqué à travers des accords bilatéraux qui définiraient les critères et procédés de contrôle pour les sociétés souhaitant opérer sur le marché international du camionnage, et remplir des critères de qualité en matière de (a) la solidité de la société (actifs et assurance), (b) l’état des véhicules (Le chargement est-t-il sécurisé ? Le véhicule respecte-t-il les limitations de taille, de poids, ainsi que les standards de performance physique ?) et (c) la compétence des chauffeurs (antécédents en matière d’accident de la route). Actions à moyen terme Action 6 - Développer une stratégie pour le secteur du transport ainsi que des plans directeurs pour chaque sous-secteur (terrestre, ferroviaire, portuaire, aérien). 75. Djibouti a besoin d’une vision et stratégie claires pour le développement de son secteur des transports. Cela devrait conduire à l’élaboration, dans l’ordre, de plans directeurs, de programmes, et de projets. Il est particulièrement recommandé de :  Définir et réaliser des plans directeurs pour les sous-secteurs portuaire, routier, ferroviaire, et aéroportuaire ; analyser des sujets spécifiques, la demande du marché pour de nouvelles infrastructures. Cela va demander une consultation et une coopération étroite avec les partie prenantes du secteur privé qui sont les mieux informées sur les besoins du marché et sont les investisseurs potentiels pour le développement de nouveaux services.  Evaluer les perspectives de concurrence entre le transport routier et le transport ferroviaire dans la prochaine décennie.  Evaluer l’opportunité de lancer des services de fret air/mer vers le Sud Soudan and la région des Grands Lacs (Ouganda, Rwanda, Burundi, République Démocratique du Congo). Voir annexe 6 pour une brève analyse de ce sujet. 76. Les plans directeurs doivent avoir les caractéristiques suivantes. Sur un horizon de 20 à 25 ans, ils identifient les potentiels de développement de l'économie nationale et d’intégration économique avec les pays voisins. Ils estiment la quantité et la distribution géographique futures de déplacements de personnes et de transport des marchandises, sur la base de prévisions de population, de revenu par habitant, et des grandes activités économiques structurantes. Ils analysent la demande de transport en fonction de différents 37 scénarios de développement, en identifiant les liens de causalité qui existent entre, d’un côté, les évolutions particulières de certains secteurs de l’économie, et de l’autre, les services et infrastructures de transport/logistique dont ces secteurs auront besoin pour se développer – il s’agit souvent du problème « de l’œuf et de la poule », ce qui souligne l’importance d’une coordination entre les différentes industries. 77. Après les plans directeurs, il convient d’établir des programmes sur une période de 5 à 10 ans ayant les caractéristiques suivantes. Ils doivent être cohérents avec les prévisions faites à long terme et évaluer les dépenses publiques nécessaires à leur réalisation (par rapport au PIB et au budget estimé dont le gouvernement disposera pour les investissements). Ils visent à sélectionner les grands projets d'infrastructure susceptibles de transformer l'économie. Ils estiment le coût probable de chaque projet, ainsi que le volume de trafic attendu (dans le cas d’un chemin de fer, d’un port, et d’un aéroport), les recettes et la rentabilité espérée. Cette méthode doit déterminer le seuil de trafic au-delà duquel chaque projet devient économiquement viable. Elle vise aussi à identifier les caractéristiques critiques de conception de chaque projet. 78. En tant que pierres d’assise, le ministère de l’Equipement et des Transports souhaite entamer les actions prioritaires suivantes : 1) la préparation d’un plan directeur multimodal 2) une assistance technique pour le développement d’une vision à long terme des partenariats régionaux (COMESA et IGAD) 3) une étude prévisionnelle de la demande et du trafic pour le secteur des transports 4) une étude sur le camionnage djiboutien pour développer cette activité dans le corridor grâce à des mécanismes appropriés. 5) une formation de mécaniciens 6) une étude sur la délégation de l’entretien routier au secteur privé : une option serait de soutenir la création d’entreprise par des agents du Fonds d’entretien routier de sorte qu’ils gèrent leurs propres sociétés. 79. La mission de la Banque en janvier 2012 a noté un intérêt pour chacun de ses sujets au sein d’une ou plusieurs agences gouvernementales. Toutefois, une approche cohérente et structurée n’a pas été décelée. Ci-dessous est précisé où le gouvernement de Djibouti pourrait entamer sa réflexion stratégique. 80. Le plan de croissance et de transformation éthiopien (Growth and Transformation Plan for 2010/11-2014/15), commandé par le ministère des Finances et du Développement Economique, définit un programme stratégique que Djibouti ferait bien d’étudier car il pourrait bénéficier de l’ampleur et la profondeur croissantes de l’économie éthiopienne. En rapport avec ce plan, l’étude intitulée « Programme National de Logistique et de Transport de Fret » (National Freight Transport and Logistics Program) de mai 2010 (projet de rapport) contient des informations détaillées sur les opérations de transport sur le corridor Djibouti- Addis, analysées du point de vue éthiopien. Ces documents peuvent être utiles, bien qu’ils soient loin d‘être définitifs, pour identifier la demande future des services de transport et de logistique. Au bout du compte, chaque investissement important envisagé dans les infrastructures de transport doit être évalué à la lumière d’analyses rigoureuses de la demande du marché et de prix réalistes. 81. Djibouti compte devenir une plateforme régionale pour le transport et la logistique : telle est la vision actuelle. Toutefois, le Gouvernement n’a pas défini de stratégie pour y parvenir. Son modèle s’inspire principalement de Dubaï. Il serait donc judicieux d’étudier plus en détails la réussite de Dubaï. Celle-ci se caractérise par : une proximité avec des consommateurs qui disposent de niveaux de revenus élevés ; des télécoms compétitifs ; un excellente connectivité aérienne bâtie sur une position géographique entre la Méditerranée et le sous-continent indien ; une énergie abondante à faible coût ; une source abondante de 38 travailleurs migrants relativement qualifiés qui viennent des pays de la région, de la Palestine au Pakistan et à l’Inde, et même des Philippines. Djibouti, au contraire, ne bénéficie quasiment pas de ces avantages. 82. A Djibouti, il existe sans doute un fort potentiel pour le développement du tourisme. C’est ce qu’a identifié l’étude plus vaste de la Banque mondiale intitulé « Un nouveau modèle de croissance pour Djibouti » préparée parallèlement à cette note. L’annexe 7 examine brièvement comment les infrastructures et services de transport pourraient participer à la réalisation de ce potentiel. 83. En ce qui concerne la reconstruction du chemin de fer Djibouti-Addis, en plus d’évaluer soigneusement les risques financiers (comme suggéré plus haut), Djibouti devrait identifier les enjeux critiques en matière de conception technique, telle que la capacité de la nouvelle voie. Dans cet exemple, il faudrait tenir compte de la réaction probable des transporteurs routiers éthiopiens face à la nouvelle concurrence du rail, et de la possibilité qu’un futur oléoduc puisse capter une part significative du trafic aujourd’hui transporté par la route et demain par le rail. 84. Une attention singulière doit être donnée aux infrastructures destinées au transport de larges quantités de matières premières en vrac. La planification de ce type d’infrastructures doit être mise en regard des plans d’investissement des sociétés (publiques ou privées) qui prévoient de les utiliser, par exemple pour exploiter des mines ou des carrières, ou pour construire de grandes usines. Autant que possible, ces sociétés doivent être obligées de couvrir tout ou partie du coût de l’infrastructure dont elles dépendront pour leur activité. Le projet de chemin de fer destiné au transport de la potasse du nord de l’Ethiopie jusqu’au nouveau port de Tadjoura est un cas d’étude. Recommandations spécifiques pour la zone franche 85. Le gouvernement de Djibouti a des attentes élevées quant à la capacité de la zone franche d’attirer des investisseurs étrangers – succès limité jusqu’à présent – et de créer des emplois – ce qui n’est pas encore arrivé. Les sociétés étrangères qui pourraient s’établir dans la zone franche pour leurs activités d’industrie légère ont été explicites sur le fait qu’elles ne le feront pas tant que les niveaux de salaire restent deux à trois fois supérieurs à ceux en vigueur dans d’autres pays concurrents et que l’énergie reste onéreuse et peu fiable. Résoudre ces problèmes ne sera pas aisé. Toutefois, le Gouvernement pourrait prendre certaines mesures intermédiaires pour se diriger dans la bonne direction. 86. Le gouvernement de Djibouti devrait effectuer une analyse coûts/bénéfices de la zone franche et comparer les résultats aux prévisions lors de son lancement, en vue de modifier le cadre règlementaire. 87. En ce qui concerne les points positifs, Djibouti dispose aujourd’hui d’une certaine notoriété auprès des négociants internationaux et des sociétés globalisées, principalement grâce à son association avec Dubaï et le succès enregistré par Dubaï Free Zone. De nombreux négociants internationaux ainsi que quelques producteurs opérant à l’échelle mondiale sont venus prospecter à Djibouti. La « publicité » fournie par son terminal à conteneurs ultra- moderne lui procure une image positive. Les investisseurs de Dubaï pourraient percevoir une « relation privilégiée » et poursuivre le financement de développements supplémentaires – bien que la rupture du contrat de gestion de DP World sur le PAID et l’aéroport en juillet 2011 ait pu refroidir leur enthousiasme. 88. En matière de coûts, Djibouti a renoncé aux revenus des droits de douane sur les produits entrants, notamment sur les biens déclarés en transit ver s l’Ethiopie mais qui en fait finissent dans l’économie locale. De même, le ministère des Finances a renoncé aux revenus 39 issus de l’impôt sur le revenu des sociétés opérant dans la zone franche, qui auraient sinon été soumises à une réglementation fiscale conventionnelle. 89. À un moindre degré, le contentieux légal sur les droits de propriété des bâtiments érigés dans la zone franche doit être clarifié. Cela contribuerait à diffuser une image de prévisibilité du Gouvernement auprès des investisseurs prospectifs. Action 7 - Mobiliser des revenus fiscaux pour le Fonds d’Entretien Routier et encourager les firmes créées par les ex-agents du Fonds à pouvoir entrer en compétition pour l’exécution de contrats d’entretien routier. 90. L’entretien des routes devrait être financé à un niveau suffisant pour maintenir la qualité du réseau routier, surtout sur le corridor international vers l’Ethiopie. La meilleure option est probablement de négocier avec l’Ethiopie des redevances routières plus élevée s. Des études ont été réalisées par les autorités et des discussions ont été entamées avec les autorités éthiopiennes à travers la Commission Mixte pour un relèvement de la redevance routière ainsi que pour un mécanisme de taxation des surcharges à l'essieu. 91. Le Fonds d’entretien rRoutier (FER) est chargée de la collecte de revenus au moyen d’une redevance imposée aux utilisateurs de la route selon le principe de « l’utilisateur- payeur ». Il utilise ces revenus pour financer l’entretien du réseau routier national (1 200 km). Lancée en 1999, cette redevance a jusqu’à présent été imposée seulement aux utilisateurs du corridor international entre Djibouti et le poste frontière de Galafi à la frontière éthiopienne. Entre 2000 et 2005 cette redevance s’élevait à 11 dollars par camion chargé. Depuis 2005, la redevance de base pour la plupart des camions sur cette route est de 20 dollars, collectée à PK12 à la sortie de la ville de Djibouti. Le niveau de la redevance respecte les dispositions de l’accord établissant le COMESA. Celui-ci précise qu’une redevance peut être appliquée pour l’usage de la route sur la base de 10 dollars par camion de plus de trois essieux, plus 5 dollars par 100 km parcourus. Puisque la distance entre la ville de Djibouti est Galafi est tout juste supérieure à 200 km, cela équivaut à une redevance de 20 dollars par camion. La redevance est aussi imposée aux camions opérants des trajets domestiques, mais ne s’applique ni aux bus ni aux camions d’un poids inférieur à 12 tonnes. 92. Le revenu généré par la redevance est loin de couvrir les coûts d’entretien. Le budget annuel disponible pour l’entretien routier atteint 4,5-5 millions de dollars (800-850 millions de francs djiboutiens) alors que les besoins ont été estimés à 6-8 millions de dollars par an.17 Des négociations sont menées pour augmenter la redevance à 28 dollars, mais il est estimé qu’elle devrait atteindre 40 dollars. Une partie du problème réside dans le fait que 10 à 15 % du budget du FER est destiné à payer son propre personnel (65 personnes), alors qu‘une autre part de 25 à 30 % couvre les frais de personnel de la Direction des Travaux Publics (215 personnes). Seul 60 % du budget du FER est utilisé pour des travaux d’entretien, attribués par contrat. 93. Le FER est en train de tester des contrats d’entretien à obligation de résultats pour l’entretien régulier. Il a octroyé ce type de contrat pour une section de la route Djibouti-Galafi à la société française Colas en octobre 2010 pour une durée de trois ans. Le montant annuel est de 2 millions de dollars, ce qui équivaut à 10 000 dollars par km. Une attention particulière est requise pour les ouvrages de drainage qui ne subissent aucune pluie pendant la plus grande partie de l’année mais doivent supporter des pluies torrentielles deux à trois fois par an – ces pluies peuvent causer des dommages substantiels. 17 Source : Jean-Charles Crochet et al., “Republic of Djibouti : Transport Sector Review�, World Bank, 2005 – ajusté sur la base d’une inflation de 4-5% par an de 2005 à 2012. 40 94. Une alternative consisterait à déléguer l’entretien routier au secteur privé à une société autonome de gestion des routes. L’expérience internationale suggère que le financement de l’entretien routier basé sur une obligation de résultats par des sociétés privées peut avoir un bien meilleur rapport coût-efficacité, car il favorise l’alignement des incitations tout en maintenant l’autonomie de l’acheteur des services d’entretien par rapport au prestataire de ces services. Un décret réformant le ministère de l’Equipements et des Transports, approuvé en 2010, a créé (entre autres) l’Agence des Routes de Djibouti pour gérer le réseau routier – cette agence reste cependant purement étatique. L’annexe 8 réitère les recommandations institutionnelles faites par la Banque mondiale (en 2005 dans son rapport sur les transports de Djibouti) sur la meilleure façon de gérer l’entretien du corridor à travers une agence des routes semi-indépendante du gouvernement. 41 Annexe 1 - Facteurs favorisant les sociétés éthiopiennes de camionnage sur le corridor Djibouti-Addis 1. Les salaires des chauffeurs routiers de Djibouti sont deux fois supérieurs à ceux des chauffeurs routiers éthiopiens. On peut se demander si ce sont les salaires djiboutiens (60 000-100 000 francs djiboutiens, soit l’équivalent de 300-500 dollars mensuels) qui sont artificiellement élevés, ou les salaires éthiopiens qui sont maintenus artificiellement bas. Puisque le camionnage à Djibouti est un marché ouvert et que les emplois y sont rares, il ne semble pas y avoir de raison pour que les chauffeurs routiers surévaluent leurs salaires. Cependant, un salaire de réserve élevé est une pratique courante dans d’autres secteurs du marché du travail de Djibouti. La cause réside entre autres dans l’inclination à rester dépendent d’une famille élargie dont certains membres sont employés dans le service public. Par contraste, la plupart des chauffeurs routiers éthiopiens travaillent pour des grandes sociétés contrôlées par l’Etat qui peut maintenir des salaires bas, à condition qu’il puisse aussi contrôler les salaires dans les secteurs vers lesquels les chauffeurs pourraient se tourner à la recherche d’une meilleure rémunération. 2. Les chauffeurs et mécaniciens éthiopiens sont plus qualifiés. Cela fait l’objet d’un consensus, même auprès des Djiboutiens. 3. La devise éthiopienne (le birr) n’est pas convertible. Les sociétés djiboutiennes de camionnage ont donc du mal à transférer les paiements à Djibouti. Le gouvernement éthiopien n’a montré aucun signe qui pourrait suggérer un futur changement de cette politique. 4. Les fréquentes dévaluations du birr peuvent rendre le transport djiboutien plus cher du jour au lendemain. Le FMI a encouragé l’Ethiopie à dévaluer sa devise pour stimuler les exportations. A l’opposé, le gouvernement de Djibouti a arrimé le franc djiboutien au dollar américain depuis une décennie, en vue d’attirer d’éventuels investisseurs étrangers. 5. Les chauffeurs routiers djiboutiens peinent à trouver du fret au retour d’Ethiopie. Bien qu’il n’y ait pas d’interdiction officielle, les transporteurs djiboutiens affirment que les cargaisons ne sont jamais disponibles. Les exportations éthiopiennes sont de facto réservées aux transporteurs éthiopiens. Le choix des négociants éthiopiens peut relever d’une loyauté nationale, de la qualité du service, ou des tarifs. De ces trois facteurs, il semblerait que le prix soit le plus déterminant (voir ci-dessous). 6. Une société djiboutienne de camionnage ne peut soumettre de facture écrite au client final en Ethiopie car cela nécessite un numéro d’identification fiscale dont la société ne peut disposer. Elle se voit donc obligée, en pratique, de passer par un agent éthiopien ce qui présente plusieurs désavantages : la transaction supplémentaire a un coût, cela manque de transparence, et cela complique et dissuade l’intensification des activités. 42 Il est légitime pour le gouvernement éthiopien d’imposer aux sociétés locales le paiement des taxes, mais il est plus contestable qu’il puisse aussi l’imposer aux transporteurs étrangers dont les obligations fiscales sont auprès de leur propre gouvernement et non du gouvernement éthiopien. Il est recommandé de mettre en place un processus d’amélioration de la qualité du service de camionnage pour le commerce international. Une fois mise en place, la certification « d’opérateurs de transport autorisés » rendrait inutiles les mesures de contrôle de conformité fiscale pour chaque voyage. 7. Le coût du diesel a jusqu’à récemment été moins cher en Ethiopie qu’à Djibouti. En janvier 2012, le diesel coûtait 1 dollar par litre en Ethiopie contre 1,13 dollar à Djibouti. Vers la fin 2008, le prix en Ethiopie a baissé à 89 cents de dollar par litre.18 Avant 2008, le prix était inférieur au seuil de référence des Etats-Unis, impliquant un degré de subvention de la part de l’Etat. Il a été rehaussé au-dessus de ce seuil pour la première fois en 2008. Le prix actuel à Djibouti correspond à peu près au seuil des Etats-Unis, n’indiquant pas de subvention et éventuellement une faible taxe. 8. Les Djiboutiens achètent leurs camions en dollars sans aucune aide publique, ce qui contraste avec l’attitude du gouvernement éthiopien qui soutient ses sociétés de camionnage en imposant aux banques de proposer des prêts à taux préférentiel pour l’achat de larges flottes de camions. Il est plausible que le gouvernement éthiopien subventionne le camionnage pour réduire le coût de ses importations et exportations, partie intégrante de son développement national. Le récent achat par le gouvernement éthiopien de 3 000 camions à semi-remorque auprès du fabricant chinois Sinotruck était probablement peu onéreux (entre 60 000 et 65 000 dollars par camion selon les ouï-dire), un tarif très bas comparé à celui appliqué par les fabricants occidentaux ou ceux des pays à revenu moyen (Brésil, Turquie) qui ont des partenaires occidentaux (tarif qui se rapprocherait davantage de 130 000 à 150 000 dollars). En principe, une société djiboutienne pourrait faire la même chose, mais ne peut bénéficier de remises quantitatives (volume trop faible), et ne se verrait pas proposer des facilités de financement (ou du financement par subvention) de la part de l’Etat. 9. Les tarifs de camionnage éthiopien semblent être subventionnés dans le secteur public. Dans la situation actuelle du marché, le coût du transport routier dans le corridor est de 80-85 birr par 100 kg pour le transport d’importations de Djibouti à Addis, ce qui représente 48-50 dollars par tonne pour une distance de 920 km ; soit l’équivalent de 5,3 cents de dollar par tonne et par km pour un aller-retour. Puisque les exportations en provenance d’Ethiopie sont très limitées (5 % de son volume commercial), la majorité des camions reviennent à vide, ce qui place le prix réel du camionnage dans le corridor à 3 cents de dollar par tonne et par km en moyenne pour un aller-retour. 19 C’est un des tarifs les plus faibles du monde pour le transport routier ; à la connaissance de l’équipe de la Banque, les tarifs les plus bas observés ailleurs dans le monde se trouvent en Chine et au Brésil et sont de l’ordre de 5 cents de dollar. A partir du peu d’informations disponibles, il semble que les sociétés éthiopiennes publiques de camionnage ne sont pas contraintes de couvrir les coûts d’achat de leurs véhicules à partir de leurs revenus. Un rapport publié en Ethiopie en 2010 (connu sous le nom de NFTLP 18 Source : Die Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ), une agence de développement du gouvernement allemand et une source faisant autorité. 19 Le PAID utilise 4 cents de dollar par tonne et par km dans une petite analyse pour justifier l’investissement mineur pour l’amélioration de l’accès routier vers DCT. Source : PFZA, “Plan quinquennal 2011-2016 de développement portuaire et de zone franche�, septembre 2011 43 report 20 ) détaille les coûts opérationnels en énumérant ses différentes composantes qui incluent : le salaire du chauffeur, le coût du carburant, le coût des pneus, et « autres » qui couvrent a priori les coûts d’entretien et d’assurance. Ce détail omet la dépréciation du prix d’achat du camion, ainsi que le taux d’intérêt. Il prend comme référence un prix d’achat typique de camion pour une valeur de 2 millions de birr (ce qui représente pour l’époque l’équivalent de 155 000 dollars). L’amortissement linéaire et l’intérêt pour une durée de vie d’un million de kilomètres correspondrait à 1-2 cents de dollar par tonne et par km de cargaison transportée (en supposant une charge pleine standard de 35-38 tonnes dans la direction des importations, et généralement vide dans la direction inverse). En ajoutant le coût tarifaire moyen actuel de 3 cents de dollar qu’appliquent les sociétés éthiopiennes, la valeur se rapprocherait de 5 cents de dollar--l’asymptote des meilleures pratiques internationales même si la distance annuelle moyenne parcourue par les camions éthiopiens (65 000 km) est inférieure à celles-ci (100 000 km).21 Il est intéressant de noter que le Programme alimentaire mondial lancent des appels d’offre pour le transport routier et paie en général 7-10 cents de dollar par tonne-km en Ethiopie, et jusqu’à 30 cents à Djibouti. Tous ces éléments contribuent à placer les chauffeurs routiers djiboutiens dans un cercle vicieux : alors qu’ils travaillent de moins en moins dans le corridor international, ils se retrouvent de plus en plus relégués sur le marché local, ce qui a pour conséquence de faire chuter les prix et les marges à Djibouti, mettant ainsi l’industrie en péril. Tant que les neuf obstacles listés ci-dessus persistent, il est peu probable que les chauffeurs routiers djiboutiens puissent gagner une part significative du trafic de transit vers l’Ethiopie. 20 Afro Consult & Trading Plc,� Ethiopia’s National Freight Transport and Logistics Program�, projet de rapport (May 2010) 21 La surcharge n’est pas considérée ici comme un problème. La plupart des camions remorques éthiopiens de grande taille ont six essieux, la limite légale de tonnage par essieu étant de 10 tonnes en Ethiopie, alors qu’elle se situe à 13 tonnes par essieu à Djibouti (tout comme en France). Une nouvelle station de pesage a été installée juste à la sortie de la ville de Djibouti, au PK12, et était censée être utilisée à partir de février 2012. 44 Annexe 2 – Route nationale/corridor international Djibouti-Galafi Les corridors qui relient le port de Djibouti à l’Ethiopie sont centraux dans le rôle de Djibouti dans la région (voir les cartes à la fin de cette note). Les plaines qui séparent la ville de Djibouti de la frontière éthiopienne sont en majorité de vastes déserts arides. La population continentale dans cette partie australe de Djibouti est très faible. Le corridor historique vers Addis Abeba traverse Ali Sabieh, puis coupe au sud vers l’Ethiopie au niveau de Dewele. C’est le tracé emprunté par le chemin de fer construit au début du XXème siècle, aujourd’hui à l’arrêt. La route nationale, parallèle à la voie de chemin de fer, n’est que très peu empruntée car environ 200 km de cette route immédiatement au sud de la frontière éthiopienne ne sont pas revêtus. La route principale vers Addis bifurque prés d’Ali Sabieh pour rejoindre ensuite le poste frontière de Galafi en direction de l’ouest-nord-ouest, à 217 km de la ville de Djibouti. A partir de là, la route poursuit son tracé en territoire éthiopien et rejoint la route nord-sud qui relie le port érythréen d’Assab à Addis. Depuis approximativement l’an 2000, la totalité de la route entre la ville de Djibouti et Galafi – plate sur une grande portion- a été revêtue, ce qui explique pourquoi elle est devenue le corridor emprunté par la vaste majorité du trafic, même si cette route fait 65 km de plus que les corridors du sud, parallèles au chemin de fer à partir d’Ali Sabieh : 910 km via Galafi contre 844 km via Dewele. La condition actuelle des routes sur le territoire de Djibouti varie énormément (voir tableau ci-dessous). Grâce aux financements de l’Union européenne, la portion reconstruite le plus récemment, de PK20 à Grand Bara, est en excellente condition, malgré des accotements inadéquats si l’on considère le nombre important de poids-lourds qui l’empruntent. La poursuite de la croissance d’un trafic important va accélérer la détérioration de la route. Une règle approximative utile indique que chaque dollar dépensé en entretien évite 3 à 4 dollars de coûts de réhabilitation. A l’autre extrême, les quelque 70 km entre Dikhil et Galafi ont déjà grandement besoin de renforcement. L’augmentation de la redevance du FER pourrait aider Djibouti à rassembler les fonds nécessaires, mais cette option se heurte de façon compréhensible aux intérêts éthiopiens. En matière de création d’emplois, il est estimé que l’entretien routier régulier pourrait créer des emplois pour plusieurs centaines de travailleurs peu qualifiés, selon les hypothèses suivantes. Le salaire d’un travailleur peu qualifié à Djibouti est de l’ordre de 50 000 francs djiboutiens par mois (soit l’équivalent de 250 dollars), ce qui représente 12,50 dollars par jour. En travaillant 20 jours par mois, ce salaire atteint 3 000 dollars par an. Pour chaque million de dollar dépensé dans l’entretien de routine, 35 % sera dépensé pour la main d’œuvre, c’est-à- dire 350 000 dollars qui couvriront 120 personnes-années de travail. Chaque million de dollars dépensé dans l’entretien périodique (où la main d’œuvre ne représente que 10 % du coût total) couvrira 33 personnes-années de travail. Si l’équilibre des opérations d’entretien est un tiers pour l’entretien régulier, et deux tiers pour l’entretien périodique, chaque million de dollars pourra couvrir le coût de 60 personnes-années de travail. Si le budget routier annuel de Djibouti est de 8 millions de dollars (requis mais non atteint), et que l’équilibre des opérations d’entretien est le même, ce budget représente une main d’œuvre de 500 personnes. En incluant les effets indirects, cela pourrait créer 1 000 emplois. Le budget actuel pour l’entretien routier représente un peu plus de la moitié des besoins (4,5 millions de dollars par an) : l’augmentation ne sera alors que de 500 emplois. En raison de la petite taille de l’économie de Djibouti, 500 travailleurs peu qualifiés n’est pas insignifiant : cela représente un dixième du total de 6 500 estimé ailleurs dans cette note pour l’emploi direct dans le secteur des transports et de la logistique. 45 En ce qui concerne la construction dans les conditions actuelles, le corridor peut être divisé en 6 sections : PK Début et Fin Etat de la chaussée Date Financé par 1-12 Ville de Djibouti et ses Moyen : 7 m d’asphalte, ? Ville de Djibouti banlieues, lieu de accotements larges, niveau stockage au PK12 12- Barrières de péage et Bon: 7 m d’asphalte, dénivelés ? 33 poste de pesée au vers accotements en graviers Poste de PK20, jusqu’à la pesée 2011 jonction d’Arta 33- Arta-Grand Bara Bon: 7 m d’asphalte + 2006-11 EU, €36 mn 73 accotements en dur 1,5 m, 73- Grand Bara-Triangle Sera pareil à l’état actuel, très Sept 2012- EU, €6-7 mn 83 d’Ali Sabieh mauvais, extrêmement détérioré mi 2013 AC 83- Triangle de Ali Sabieh- Mauvais: 7 m d’asphalte, 1986-90 119 Dikhil détérioré, extrémités usées à 1.5 m accotements de gravier 119- Dikhil-Galafi border Moyen: 7 m d’asphalte, 2 m 2000-04 IDA 216 d’accotements de gravier, passages à gué vulnérables aux inondations Source: Sites visités par l’équipe de la Banque le 19 janvier 2012 Une question importante demeure au sujet de l’intérêt que pourrait avoir l’Ethiopie à revêtir la route nationale du corridor sud entre Dewele et Dire Dawa, qui n’est aujourd’hui qu’une piste de terre qui traverse une région désertique sur 198 km. Pour le trafic entre Djibouti et Addis, le corridor sud est plus court de 65 km par rapport à la route de Galafi. Dans le même temps, le gouvernement éthiopien semble déjà décidé à construire une nouvelle voie de chemin de fer sur ce corridor, et pourrait donc ne pas voir d’intérêt à rénover la route nationale parallèle. 46 Annexe 3 – Infrastructures de transport financées par des bailleurs Cout Agence Financement total du chargée du bailleur Bailleur Projet projet de la ($ million) mise en œuvre A Djibouti même Banque Africaine de Terminal de céréales et d’engrais à $10 $30 SDTV Développement PAID Fonds Arabe pour le Développement Port de Tadjoura (pour les exports de $36 $200 MET Economique et la potasse d’Ethiopie) Social Fonds Saoudien (idem) $24 “ MET rénovation de la route nationale Fonds Koweitien $64 MET Tadjoura-Balho (120 km) Union Européenne PK20 au Triangle d’Ali Sabieh €10 MET Part éthiopienne du projet bilatéral Reconstruction de la voie de chemin China Exim Bank NA $2 500 de fer Djibouti-Addis Abeba Chemin de fer pour le transport de la Gouvernement potasse dans la province de Tigray $300 indien (Ethiopie) jusqu’au port de Tadjoura Joint Djibouti & Ethiopie Corridor international desservant le COMESA Sud Soudan Source: équipe de la Banque d’après les conclusions de la mission de janvier 2012 47 Annexe 4 – Attributs que les négociants et compagnies maritimes recherchent dans un port Attributs du Port Djibouti Favorable 1. Efficacité opérationnelle du terminal Terminaux de Doraleh : élevée, portuaire ++ PAID : modérée (ex. temps de rotation des navires) 2. Frais de manutention des cargaisons PAID: c$16/tonne, $180 par EVP - dans le port Au dessus de la moyenne nationale (?) 3. Fiabilité Bonne + (y compris pas de conflits sociaux) 4. Réceptivité du port aux préférences des transporteurs et des armateurs Discutable ? (incl. utilisation de l’anglais) 5. Profondeur des voies de navigation 12m pour la plupart des postes (économies d’échelle dans la taille des d’accostage, accès jusqu’à18m – Très ++ navires) favorable 6. Adaptabilité au changement dans Bonne(?) – Concurrence pour les + l’environnement de marché conteneurs entre DCT et PAID Excellent pour Doraleh, qui se trouve en 7. Accès terrestre ++ dehors de la ville; bon pour PAID 8. Différentiation des services Bonne (?) + Source des attributs : J. Tongzon (2004), ‘Determinants of Competitiveness in Logistics: Implications for the [Southeast Asia] Region’, Singapore Source pour l’évaluation du Port de Djibouti : équipe de la Banque 48 Annexe 5 - Comité de Suivi Djibouti-Ethiopie de novembre 2011 : points principaux du compte-rendu de réunion 1. Accord pour l’échange de propositions concernant la redevance routière, à payer par tous les camions sur le corridor Djibouti-Ethiopie dans un délai de deux mois (participants pour Djibouti: MET, TT, FER) 2. Système de transport multimodal (i.e. régime de garantie de transit) : l’Ethiopie va considérer l’éventualité d’un système de quota pour laisser une part du marché aux transporteurs djiboutiens. 3. Assurance véhicule COMESA (« carte jaune »): discussion sur la façon de gérer la pollution causée par les accidents de camion. 4. Mise en place d’une cour spéciale pour gérer les contentieux maritimes. 5. Service de bus transfrontalier : l’Ethiopie va rédiger un projet d’accord à être considéré par Djibouti. 6. L’Ethiopie inclut la route Dire-Dawa - Dewele dans son plan quinquennal, avec rénovation après 5 ans. Puisque qu’une nouvelle voie ferrée va être construite entre Mieso et Dire-Dawa, il sera nécessaire de rénover la route parallèle sur cette portion. 7. Pollution du port de Djibouti. 8. Des postes d’accostage réservés à la Société Maritime Ethiopienne (ESL) dans le port historique de Djibouti (PAID) 49 Annexe 6 – Le potentiel incertain des services de transport « mer-air » Un marché de niche potentiellement fructueux pourrait se développer pour les services de transport « air-mer » avec le Sud-Soudan et les pays enclavés de Afrique centrale et orientale. Ce marché a été identifié par le gouvernement de Djibouti comme une justification éventuelle d’un investissement substantiel pour l’amélioration de l’aéroport de Djibouti, ou son remplacement éventuel par un nouvel aéroport à Chabelley, à 5 km. Le fait est qu’un corridor « air-mer » ne desservirait qu’un très petit marché – si tant est qu’il existe. L’économie géographique et logistique doit être étudiée avec soin. Les marchandises transportées doivent avoir un important ratio valeur-poids, d’une valeur moyenne de 2 000-3 000 dollars par tonne, et doivent pouvoir supporter les longues durées de voyage qu’implique nt les portions maritimes du voyage. Si la valeur est trop importante, ou les contraintes de temps trop courtes (comme pour les fleurs fraîches coupées), les acheteurs vont préférer le fret aérien sur toute la distance, de l’origine à la destination. Ethiopian Airlines dessert déjà un grand nombre de destinations du Golfe et d’Europe, et assure aussi des vols directs avec des avions de grande capacité vers la côte est des Etats-Unis, l’Inde et la Chine. Le pouvoir d’achat des marchés de destination doit être pris en compte, ainsi que la concurrence potentielle d’autres sources. Le concept de cargo « air-mer » a initialement été inventé à Dubaï, qui a eu une relation de travail étroite avec le port et l’aéroport de Djibouti. Les leçons provenant de l’expérience de Dubaï doivent être analysées même s’il est tout aussi important de tenir compte des grandes différences qui existent entre les marchés de la péninsule arabe et ceux des pays enclavés de l’Afrique centrale et orientale. 50 Annexe 7 – Soutien au tourisme à travers les services et les infrastructures de transport Note : voir l’étude plus vaste « Un nouveau modèle de croissance pour Djibouti » pour une évaluation complète du potentiel du secteur touristique. 1. Djibouti a le potentiel de développer considérablement son secteur touristique, au point où le pays pourrait rentrer en concurrence avec – ou du moins s’inspirer de – Sharm-El- Sheikh (Egypte) et attirer le marché des croisières de la mer Rouge. 2. La priorité est tout d’abord d’agrandir le terminal aérien et de prendre de mesures pour accélérer le traitement des passagers, notamment la délivrance de visa à l’arrivée. Le développement d’un nouvel aéroport à Chabelley a été suggéré. Toutefois, il est peu probable qu’il soit économiquement viable car les coûts de construction d’un aéroport neuf sont prohibitifs (200-400 millions de dollars), et loin d’être en phase avec le volume de trafic potentiel qui pourrait se matérialiser dans le futur. Il est donc recommandé au Gouvernement de se concentrer plutôt sur le développement d’un nouveau terminal, a djacent à la piste existante. Il serait souhaitable de considérer la possibilité de convertir le terminal VIP qui est un luxe que Djibouti peut difficilement se permettre. Les aéroports soviétiques disposaient souvent de bâtiments spéciaux destinés aux visiteurs étrangers et aux VIP, mais la plupart d’entre eux ont été convertis en terminaux d’affaires et de passagers première classe après 1992, produisant un effet commercial bénéfique. 3. La région de Tadjoura est réputée pour ses plages de sable blanc et ses eaux claires. Cet atout pourrait venir à disparaître, menacé par la construction d’un grand port de chargement de potasse à Tadjoura. La Plage des Sables Blancs est située à plusieurs kilomètres à l’est de la ville de Tadjoura alors que le site portuaire est prévu à un kilomètre à l’ouest de la ville. Mais quelle est la direction des vents et des courants marins dominants : d’est en ouest ou d’ouest en est ? Il vaudrait mieux que les plages soient sous le vent. Il est important pour le futur du tourisme dans la région de Tadjoura que les sponsors du port entreprennent des études rigoureuses d’impact environnemental pour répondre aux normes élevées justifiées dans ce cas. 4. Il reste à déterminer quelles demandes en infrastructures de transport vont être crées par le développement du tourisme. La route qui mène de Djibouti à Tadjoura est longue et sinueuse, d’une longueur d’environ 170 km qui forme des boucles autour du Golfe de Goubeh, dont le trajet peut prendre une demi-journée selon le volume du trafic de camions. La route est revêtue sur toute sa longueur mais ses coûts d’entretien pourraient se révéler élevés, d’autant plus que la route est vulnérable partout où elle traverse les nombreux lits de rivières à sec (les pluies occasionnelles peuvent y causer énormément de dégâts). La durée du trajet pourrait être divisée par deux si un pont était construit pour la traversée du Golfe de Goubeh au niveau le plus étroit de son embouchure, mais le coût serait élevé par rapport au maigre trafic. Il pourrait être suffisant de mettre en place un service de « bateaux-taxis» à grande vitesse pour relier les deux villes en moins d’une heure – ils existent déjà mais leur capacité et fréquence doivent être améliorées. La construction ou l’amélioration d’aéroports locaux pourrait être justifiée sur la rive nord (comme à Obock) pour donner accès aux stations balnéaires autonomes isolées. La plage d’Arta pourrait bénéficier de la construction d’un accès routier revêtu qui – à l’échelle réduite de Djibouti – n’est pas un coût trivial – peut-être 5 millions de dollars. 5. Les sites exotiques et reculés comme le Lac Assal et Abourma (site des anciens hiéroglyphes du nord-ouest), partagent des attraits avec le marché du safari du sud et de l’est 51 africain : un tourisme d’aventure qui attire une clientèle aisée acceptant de payer plusieurs centaines de dollars par nuitée, même dans des logements basiques, et ayant aussi les moyens de payer l’accès par petit avion. 6. En ce qui concerne les plongeurs, par analogie à Belize par exemple, pendant les premières années, la solution la plus pratique en raison du manque de logements est un bateau de plongée autonome qui a aussi la fonction d’un mini bateau de croisière, ce qui évite le besoin de construire des logements fixes à terre dans des endroits reculés. Les bateaux vont cependant nécessiter des postes d’accostage adéquats ainsi que des structures d’appui dans le port de Djibouti pour accueillir et déposer les clients, pour se réapprovisionner et se débarrasser des déchets de façon écologique. Source : équipe de la Banque mondiale 52 Annexe 8 - Rôle, responsabilités, et mise en place d’une société autonome de gestion des routes Par le passé, les activités menées en interne par la Régie se sont avérées contreproductives en raison du peu de ressources consacrées aux travaux. En conséquence, cette situation doit prendre fin. L’abandon de la Régie devrait cependant être accompagné d’un programme de reclassement pour aider les agents licenciés à se mettre à leur propre compte. L’arrêt des activités de production de travaux au niveau du MET permettrait au Gouvernement de se concentrer sur la définition des politiques générales et la réglementation du secteur routier, et d’adopter une approche davantage commerciale en matière de gestion des routes. Etant donné la taille restreinte du réseau routier national et l’expérience acquise dans de nombreux pays africains au cours des dix dernières années en matière de réforme du secteur routier, la création d’une Société de Gestion des Routes (SGR) est recommandée. Cette société serait autonome et supervisée par un conseil d’administration comprenant des membres du monde des affaires et des usagers de la route. Des garde-fous appropriés devront être mis en place au niveau du conseil d’administration afin de s’assurer qu’il ne passe sous tutelle d’une seule entité, qu’elle soit publique ou privée. La SGR préparerait des programmes de dépenses annuels et pluriannuels, qu’elle exécuterait après approbation par le conseil d’administration. Un contrat annuel de performance serait signé entre la SGR et le MET afin de responsabiliser la société. Ce contrat définirait les objectifs fixés par le Gouvernement à la société, les stratégies pour y arriver, ainsi que les procédures opérationnelles, de suivi, et de supervision. Au sein de la SGR, une approche transparente serait adoptée pour la planification et la programmation des travaux routiers, basée à la fois sur les objectifs stratégiques arrêtés par le MET pour le secteur routier et sur des critères socioéconomiques et les fonds disponibles. Tous les travaux de construction ou d’entretien lancés par la société sur le réseau routier seraient sous-traités à des entreprises privées, sans exception. Tout l'équipement aujourd’hui en possession de la Régie devrait être vendu aux enchères. En effet, il serait contreproductif de le conserver car cela impliquerait le maintien d’un département technique au sein de la Régie pour en assurer la maintenance. Un audit indépendant de la SGR serait réalisé chaque année. Source : « Analyse du secteur des transports de Djibouti », Banque mondiale, 2005 53 Annexe 9 - Bibliographie --, “Djibouti: Integrated Framework Diagnostic Study of Integration through Trade�, UNDP, March 2004 --, “Doing Business: Trading Across Borders – Background Notes on Djibouti Fisc�, IFC, 2010 (?) --, “Growth and Transformation Plan 2010/11-2014/15�, Ethiopian Ministry of Finance and Economic Development, September 2010 --, “Loi no. 114/AN/01/4ème L portant création de l’Agence Nationale pour la Promotion des Investissements (A.N.P.I.), January 2001 --, “Note portant avenues(voies) de réflexion pour la mise en place de projets d’investissement en République de Djibouti�, Djibouti Ports & Free Zones Authority, January 2012 --, “Pre-qualification, Notice for Tadjoura Port Construction Works�, Republic of Djibouti – PAID, January 2012 [?] --, “Présentation de la Chaine de Transport de la République de Djibouti�, Ministère de l’Équipement et des Transports, 2008 --, “Procès Verbal de la 11ème Réunion du Comité de Suivi, 1-2 novembre 2011, Addis Abeba, Ethiopie� --, “Protocole d’Accord sur le transit douanier entre la République de Djibouti et la République Fédérale et Démocratique d’Ethiopie�, 2011[?] --, Accord entre la République Fédérale et Démocratique d’Éthiopie et la République de Djibouti sur la Mise en Oeuvre du Connaissement Direct --, Budget prévisionnel 2012, Port of Djibouti --, “One Stop Shop: Administrative Procedures for Free Zone Companies�, Djibouti Ports & Free Zones Authority, January 2010 --, Plan Quinquennal 2011-2016 de développement portuaire et de zone franche, Djibouti Ports and Free Zones Authority, September 2011 --, Special Economic Zones: Performance, Lessons Learned, and Implications for Zone Development, FIAS, April 2008 “Agreement Signed for the Construction of Mieso-Dire Dawa-Dewele Railway Project�, December 2011 [Amar Rachedi],“République de Djibouti: Étude sur la regulation des opérateurs privés du port de Djibouti�, World Bank, January 2012 [Christiane Kraus et al], “Trade and Transport Facilitation in Ethiopia�, World Bank, 2003 [Jean-Charles Crochet], “Republic of Djibouti: Transport Sector Review�, World Bank, June 2005 Aéroport International de Djibouti, “Plan de Développement 2012-2016�, January 2012 (powerpoint) Aéroport International de Djibouti, Statistiques commerciales, 2011 Aéroport International de Djibouti, "Présentation du projet de création d’une Zone Franche Aéroportuaire ou Djibouti Cargo Freight Village�, November 2011 Afro Consult & Trading Plc, “Ethiopia, National Freight Transport and Logistics Program�, draft, May 2010 54 Anyango, Gordon J, “Comparative Costs of Transport: The Northern Tier Countries of the Greater Horn of Africa�, Executive Summary, USAID Office of Sustainable Development, Bureau for Africa, Technical Paper No. 61, July 1997 C. 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