BANQUE MONDIALE RÉGION MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD BULLETIN TRIMESTRIEL D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA RECONSTRUIRE LA SYRIE DANS UNE PERSPECTIVE DE PAIX Avril 2016 GROUPE DE LA BANQUE MONDIALE BANQUE MONDIALE RÉGION MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD BULLETIN TRIMESTRIEL D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA RECONSTRUIRE LA SYRIE DANS UNE PERSPECTIVE DE PAIX BANQUE MONDIALE RÉGION MOYEN-ORIENT ET AFRIQUE DU NORD BULLETIN TRIMESTRIEL D’INFORMATION ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA RECONSTRUIRE LA SYRIE DANS UNE PERSPECTIVE DE PAIX REMERCIEMENTS Ce bulletin est produit par le bureau de l’économiste en chef de la Banque mondiale pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Il a été établi par une équipe dirigée par Shanta Devarajan et composée de Lili Mottaghi, Quy-Toan Do, Mohamed Abdel Jelil, Ola Hisou, Radwan Shaban, Isabelle Chaal-Dabi et Nathalie Lenoble. Les notes de pays se fondent sur les rapports établis par les économistes-pays suivants, sous la direction d’Auguste Tano Kouame : Ibrahim Al-Ghelaiqah, Dalia Al-Kadi, Jose Lopez Calix, Jean-Pierre Chauffour, Khalid El-Massnaoui, Eric Le Borgne, Lea Hakim, Wissam Hirake, Ahmed Kouchouk, Sibel Kulaksiz, Andrew Burns, Eric Le Borgne, Raj Nallari, Nur Nasser Eddin, Sahar Sajjad Hussain, Tehmina Khan, Harun Onder, July Saty Lohi, Wilfried Engelke, Sara Al Nashar, Thomas Laursen et Abdoulaye Sy. Nous remercions Hideki Matsunaga, Aakanksha Pande, Mehmet Balcilar et Kartika Bhatia de leurs précieuses observations sur la version préliminaire du rapport. Table des matières Évolution économique récente et perspectives 1 Perspectives de l’économie mondiale 1 Pays MENA 3 Reconstruire la Syrie dans une perspective de paix 20 Introduction 20 Les réfugiés et la guerre 21 La Syrie : un pays en ruines 24 La dégradation de la situation des Syriens restés au pays 26 L’urgence d’agir 32 Promouvoir les chances de paix 33 Après la paix 34 Conclusion 38 Références 39 Figures Figure 1.1 L’économie mondiale 1 Figure 1.2 Orientation du marché pétrolier 3 Figure 1.3 Perspectives économiques à court terme et actes de terrorisme dans la région MENA 4 Figure 1.4 Envois de fonds vers la région MENA 5 Figure 1.5 Finances des pays du CCG 7 Figure 1.6 Indice Gallup de satisfaction de la vie 8 Figure 2.1 Démographie des réfugiés syriens 21 Figure 2.2 Motifs de départ 23 Figure 2.3 Ce que les réfugiés ont perdu 24 Figure 2.4 Pertes en vies humaines en Syrie 26 Figure 2.5 Personnes déplacées à l’intérieur du pays 27 Figure 2.6 Population isolée 28 Figure 2.7 Eau salubre à Damas et dans les 14 gouvernorats 30 Figure 2.8 Taux de fréquentation des enfants d’âge scolaire par gouvernorat 31 Figure 2.9 Pauvreté et isolement 36 Figure 2.10 Le secteur sanitaire avant la crise 37 Encadré Encadré 1.1 Réforme des subventions énergétiques dans les pays du CCG et les pays importateurs de pétrole 12 Tableaux Tableau 1.1 Perspectives macroéconomiques 13 Tableau 1.2a Finances des pays exportateurs de pétrole en 2016 en l’absence de réforme budgétaire (à 30 dollars le baril) 9 Tableau 1.2b Finances des pays exportateurs de pétrole en 2016 en l’absence de réforme budgétaire (à 20 dollars le baril) 9 Tableau 1.3 Réforme des dépenses publiques dans la région MENA 11 Tableaux de l’annexe Tableau A1 Viabilité des finances publiques dans les pays MENA exportateurs de pétrole 18 Tableau A2 Finances des pays du CCG en 2016 avec des réformes budgétaires 18 Abréviations AFAD Direction pour la gestion des situations de crise et d’urgence de la République de Turquie CBSSYR Bureau central de statistique syrien CCG Conseil de coopération du Golfe CESAO Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale EAU Émirats arabes unis EIA Agence américaine pour l’information sur l’énergie EX Exercice HCR Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés kWh kilowattheure MENA Moyen-Orient et Afrique du Nord MMBTU Million d’unités thermiques britanniques OCHA Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies OMS Organisation mondiale de la Santé ONG Organisation non gouvernementale ONU Organisation des Nations Unies PIB Produit intérieur brut PNUD Programme des Nations Unies pour le développement SCPR Centre syrien de recherche politique TVA Taxe sur la valeur ajoutée UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’enfance ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE RÉCENTE ET PERSPECTIVES Perspectives de l’économie mondiale En janvier 2016, la Banque mondiale a estimé que la croissance économique mondiale se situerait autour de 2,9 % cette année, soit légèrement plus que les 2,4 % enregistrés en 2015. Cette hausse est essentiellement due à l’accélération de la croissance prévue dans les pays à revenu élevé, alimentée par la hausse de la demande et l’amélioration des conditions de crédit. Il semblerait aujourd’hui que la croissance mondiale sera en 2016 inférieure d’un demi-point aux prévisions, car les récentes données trimestrielles indiquent un ralentissement de l’activité m ondiale au cours du quatrième trimestre de 2015, estimée à 1,4 % (annualisée par trimestre), soit le niveau le plus bas depuis la crise de la zone euro en 2012 (figure 1.1, graphique de gauche). Ce fléchissement est dû à une médiocre croissance aux États-Unis et dans la zone euro, à une contraction au Japon (malgré les incitations), à la poursuite du ralentissement en Chine et à une récession chronique au Brésil et en Russie. De plus, l’indice des directeurs d’achat du secteur manufacturier s’est contracté sur les principaux marchés émergents en janvier et a légèrement baissé dans les économies avancées en janvier et en février 20161. Les indices des marchés des valeurs mondiaux ont également poursuivi leur tendance à la baisse en janvier 2016, notamment les sous-indices concernant le secteur bancaire et le secteur pétrolier et gazier (figure 1.1, graphique de droite). Figure 1.1 L’économie mondiale Variation en % (annualisée par trimestre) Global stock market Bourse mondiale Index des valeurs = 100 Indice in January en janvier2014 = 100 2014 3 120 2.5 110 2 100 1.5 90 1 80 0.5 70 0 60 Global real Croissance GDP totale growth du PIB réel Industrial Productionproduction industrielle Jan-14 Jul-14 Jan-15 Jul-15 Jan-16 2015Q1 2015Q2 2015Q3 2015Q4 Average 2011-16 Moyenne 2011-16 All Tous Oil&Gas Pétrole et gaz Banks Banques Sources : Banque mondiale ; Haver Analytics, Bloomberg, indice obligataire mondial JP Morgan et Banque fédérale de réserve d’Atlanta. Note : La croissance trimestrielle du PIB mondial a été calculée en utilisant les 16 plus grands pays avancés et émergents à économie de marché. Le quatrième trimestre 2015 a été estimé à partir des données nationales disponibles. 1 Les indices des directeurs d’achat sont ceux fournis par Markit. RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 1 Ces facteurs, ainsi que les récents effondrements des marchés, en Chine notamment, devraient augmenter les risques liés aux projections de la croissance mondiale en 2016. Pour ce qui est de l’avenir, la Banque mondiale est d’avis que la médiocre croissance mondiale prévue pour 2016 se poursuivra l’année suivante et a donc révisé à la baisse la croissance anticipée pour 2017 et 2018 (3,1 %). Malgré un léger redressement des prix ces deux derniers mois, le marché pétrolier reste tributaire de l’offre. Plusieurs facteurs expliquent le redressement des prix du pétrole. Premièrement, l’Irak, la Turquie, le Nigéria et la Région du Kurdistan irakien ont été victimes de violentes attaques visant leurs pipelines, qui ont perturbé l’offre. Deuxièmement, la Russie et l’Arabie saoudite ont décidé de geler leur production, bien que cet accord n’ait pas été appuyé par l’Iran, qui essaie de ramener ses exportations de brut aux niveaux observés avant les sanctions. Troisièmement, la production des États-Unis (schistes bitumineux essentiellement) a montré des signes de fléchissement en février, le nombre total de plateformes étant de 76 % inférieur à son niveau record d’octobre 2014. Bien qu’importants, ces facteurs devraient être temporaires et les prix du pétrole resteront vraisemblablement bas pendant le reste de cette année et de la suivante. La Banque mondiale prévoit que le prix du baril de Brent s’élèvera en moyenne à environ 37 et 48 dollars en 2016 et 2017 respectivement ; les options sur contrats à terme et les contrats indiquent également la même tendance (figure 1.2, graphique de gauche). D’aucuns émettent l’hypothèse que les prix poursuivront leur redressement au-delà de 2016, les producteurs pétroliers des États-Unis réduisant davantage encore leur production et leur nombre de plateformes tandis que les producteurs pétroliers de la région MENA resteraient sur le marché du fait de leur faible coût de production (figure 1.2, graphique de droite). À l’inverse, l’augmentation des prix entraînerait la réouverture rapide de plateformes par les producteurs de schistes bitumineux. Les contrats à terme devraient connaître une remontée des prix du pétrole jusqu’à 50 dollars, mais pas avant décembre 2019. RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 2 Figure 1.2. Orientation du marché pétrolier 120 116 112 Coût de production par baril ($) États-Unis (schistes bitumineux) U.S. Shale 100 Brésil Brazil Canada Canada Norvège 80 Norway Mexique Mexico 64 Contrats Russie Russia 60 à terme Algérie Algeria 42.9 46.4 Libye LibyaEAU 40 48 UAE Iran Iran Arabie saoudite Baril de Brent/$ Saudi Arabia Iraq 20 $36.19 Iraq Koweït 12:23 PM ET 03/17/2016 Kuwait 0 0 20 40 60 80 Dec-12 Dec-13 Dec-14 Dec-15 Dec-16 Dec-17 Source : Agence américaine pour l’information sur l’énergie (EIA), Banque mondiale, ICE Futures et UCube par Rystad Energy, publié par CNN. Pays MENA Les perspectives économiques à court terme pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) n’ont pas fondamentalement changé et restent « prudemment pessimistes », comme indiqué dans le Bulletin trimestriel d’information économique de la région MENA de janvier 2016. La croissance moyenne de la région devrait rester autour de 3 % en 2016 sous l’effet conjugué des guerres civiles, des flux de réfugiés, des attaques terroristes, des faibles prix du pétrole et du lent relèvement de l’économie mondiale. Depuis 2013, la région n’a pas été en mesure d’accélérer sa faible croissance pour plusieurs raisons, dont les situations de guerre et de conflit (figure 1.3, graphique de droite). Ces facteurs devraient freiner l’activité économique à court terme dans la région, à moins de progrès dans les pourparlers de paix. Si la récente trêve en Syrie et les pourparlers de paix au Yémen et en Libye se matérialisent, réduisant ainsi la propagation de l’insécurité et des conflits dans le reste de la région, la croissance économique pourrait s’améliorer au cours de la période de prévision (2017 et 2018). Mais l’estimation de référence est que le PIB réel de la région MENA augmentera de près de 4 % en 2017 et 2018, ce qui reste faible par rapport aux niveaux antérieurs (tableau 1.1 et figure 1.3, graphique de gauche). RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 3 Figure 1.3. Perspectives économiques à court terme et actes de terrorisme dans la région MENA Croissance du PIB réel (%) Nombre Number d’actes of war de guerre incidents et pertes in and casualties en vies humaines dans la région MENA MENA 7.0 8000 50000 6.0 ---------- Taux de croissance de 5.0 la région MENA en 2012 40000 6000 4.0 30000 3.0 4000 20000 2.0 2000 1.0 10000 0.0 0 0 MENA Région MENA GCC Pays du Developing Developing Importateurs Exportateurs de pétrole en 2009 2010 2011 2012 2013 2014 -1.0 countries Oil Exporters de pétrole en Oil Importers CCG développement développement Incidents Actes de guerre Casualties Pertes (RHS) (échelle de droite) en vies humaines -2.0 2013 2014 2015e 2016p 2017p 2018p Source : Banque mondiale et base de données sur le terrorisme mondial. Malgré les faibles prix du pétrole, la croissance du groupe des importateurs de pétrole ralentira de 0,9 % par rapport à son niveau de 2015 pour atteindre 2,5 % en 2016, avant de remonter jusqu’à 3,5 et 3,8 % en 2017 et 2018 respectivement. Les problèmes de sécurité chroniques et la faible activité du tourisme et des envois de fonds ne sont que quelques facteurs expliquant la lenteur de la croissance dans ce groupe de pays. Le secteur touristique a été durement frappé par les suites des attaques terroristes en Tunisie et en Égypte. Le nombre de réservations dans ces pays a diminué de 40 % en 2015. En Égypte, les recettes du tourisme devraient tomber de 13 milliards de dollars en 2010 à 8 milliards en 2016. Les pénuries de devises devraient peser sur la balance extérieure du pays et ralentir la faible reprise économique (tableau 1.1). Les déficits budgétaires restent élevés dans ce groupe de pays. La dette publique du Liban, qui atteint le niveau élevé de 138 % du PIB, devrait augmenter de 7 % en 2016. Les envois de fonds des pays du CCG au reste de la région ont ralenti. La Banque mondiale estime qu’ils ont diminué de 0,4 % en 2015 alors qu’une augmentation de 1,6 % était prévue en octobre 2015. Les gouvernements des pays du CCG qui résistent à l’impact de la chute des prix du pétrole ont réduit leurs dépenses et envisagent de prélever des taxes sur les envois de fonds et d’augmenter leur dette. Les envois de fonds, l’aide et les subventions au reste de la région ont diminué, en particulier vers les pays qui en dépendent fortement (figure 1.4). L’Égypte, le Liban, la Jordanie, la Tunisie et, dans une moindre mesure, le Maroc reçoivent d’importants envois de fonds en provenance des pays du CCG. Ce ralentissement devrait peser sur leur balance des paiements, au-delà des effets positifs de la baisse des prix du pétrole. RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 4 Figure 1.4. Envois de fonds vers la région MENA 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 Cisjordanie West Bank Liban Lebanon Jordanie Jordan Yémen Yemen Égypte Egypt Maroc Morocco Tunisie Tunisia et Gaza and Gaza Remittance Envois inflows de fonds asdu en % of GDP, % PIB, 2014 2014 Remittance Envois inflows de fonds asdu en % % PIB, of GDP, 2015 2015 Source : Banque mondiale, Groupe sur les perspectives de développement. Les fluctuations des taux de change ont par ailleurs influencé les décisions d’envoyer des fonds au pays. Au Maroc, la valeur en dollars des envois de fonds a reculé de 11 % au cours des trois premiers trimestres de 2015 par rapport à l’année précédente. Les envois de fonds vers l’Égypte ont également souffert de la surévaluation apparente de la livre égyptienne2. En revanche, les envois de fonds vers le Liban et la Jordanie (dont les devises sont indexées sur le dollar) ne devraient pas évoluer. La Banque mondiale estime que les envois de fonds dans la région MENA augmenteront à peine en 2016 et en 2017, et nettement moins que dans toutes les autres régions. La croissance des pays exportateurs de pétrole, y compris les six membres du CCG, sera fragilisée par la faiblesse continue des prix du pétrole. Dans les pays du CCG, elle devrait être ramenée à 2,2 % en 2016 alors qu’elle était de 3,1 % en 2015. Elle devrait toutefois légèrement augmenter au cours de la période de prévision (tableau 1.1). La croissance dans ce groupe de pays a toutefois diminué de moitié depuis 2014 (figure 1.1, graphique de gauche et tableau 1.1), suggérant ainsi que les pays du CCG ont « progressé et régressé avec le pétrole ». Parmi les autres pays exportateurs de pétrole, la Libye et l’Irak devraient connaître d’importants déficits budgétaires en 2016, à hauteur de 59,9 et 20 % de leurs PIB respectifs, difficilement supportables sans réformer les dépenses. L’Iran devrait par contre bénéficier de la levée des sanctions en 2016 et au-delà (Devarajan et Mottaghi, 2016). Le pays a réussi à augmenter ses exportations pétrolières 2 La livre égyptienne a été dévaluée de 14 % le 14 mars. RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 5 aux niveaux d’avant les sanctions, soit environ 2,4 millions de barils par jour (b/j). Cette situation devrait stimuler la croissance au-delà de 4 % en 2016 et 2017, même si elle reste alimentée par les revenus pétroliers. La Banque mondiale estime que la croissance du groupe de pays exportateurs de pétrole devrait légèrement augmenter en 2016 et 2017 en raison de la reprise de la production en Libye, en Irak et en Iran (tableau 1.1). Les soldes budgétaires de ces pays sont en baisse et menacent ainsi la viabilité des finances publiques (tableau A1). Aux prix du pétrole actuels, les déficits budgétaires devraient rester irréductiblement élevés dans les pays exportateurs de pétrole (tableau 1.1) et dépasser 15 % du PIB dans la majorité des pays du CCG en 2016, pour la deuxième année consécutive, avant de baisser en 2017 et 2018 (figure 1.5, graphique de gauche). Les déficits les plus élevés seront observés en Arabie saoudite et à Bahreïn où ils atteindront 16,3 et 16,9 % de leurs PIB respectifs. En Arabie saoudite, le déficit devrait se chiffrer à 118 milliards de dollars en 2016 et 97 milliards de dollars en 20173. Le Qatar devrait connaître son premier déficit budgétaire en 2016, après des années d’excédents à deux chiffres (tableau 1.1). Le déficit budgétaire des pays du CCG, estimé à 145 milliards de dollars en 2015 et 150 milliards en 2016, a obligé ces pays à recourir à leurs banques locales et à puiser dans leurs réserves en devises. L’Arabie saoudite, qui en a déjà utilisé 20 %, pourra s’appuyer sur ses réserves pendant encore cinq ans (figure 1.5, graphique de droite). L’administration a également contracté d’importants emprunts, dont 26 milliards de dollars l’année dernière. Les estimations de Standard and Poor (S & P) indiquent que la dette publique totale des pays du CCG devrait dépasser 60 % de leur PIB en 2016. Elle devrait notamment atteindre 20 % du PIB en Arabie saoudite et 83,7 % à Bahreïn en 2016. 3 Le déficit accumulé lors des précédentes chutes des prix du pétrole était de 23 milliards de dollars en 2009 et 13 milliards de dollars en 1998. RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 6 Figure 1.5 Finances des pays du CCG Fiscal Déficit deficit, % budgétaire of en %GDP du PIB 1.2 12 Arabie du PIB 1.0 saoudite % GDP 8 (5 ans) % of 0.8 4 devises reserves asen 0 0.6 Oman en -4 (7 ans) 0.4 Foreign Réserves Koweït -8 0.2 Bahreïn -12 EAU (10 ans) (34 ans) 0.0 -16 -30 -20 -10 0 10 2013 2014 2015e 2016p 2017p 2018p Fiscal Solde en% balance as budgétaire %of duGDP PIB Source : Banque mondiale. Comment les populations de la région MENA évaluent-elles leurs perspectives économiques ? Les indicateurs macroéconomiques, tels que la croissance du PIB et l’inflation, sont des indicateurs indirects, quoiqu’importants, du bien-être actuel et futur des populations. Il est donc utile de les comparer au bien-être évalué par la population. Les indicateurs de bien-être subjectif, tels que l’indice Gallup de satisfaction de la vie, mesurent la qualité de la vie perçue par les citoyens. Concrètement, ils répondent à la question suivante : « Imaginez une échelle, avec des barreaux allant de 0 en bas à 10 en haut. Le haut de l’échelle représente pour vous la meilleure vie possible et le bas de l’échelle la pire vie possible. Sur quel barreau de l’échelle pensez -vous vous trouver actuellement ? » Selon l’indice Gallup de satisfaction de la vie, un nombre croissant de personnes, en particulier dans les pays du CCG et ceux ravagés par la guerre tels que le Yémen et la Syrie, sont de plus en plus insatisfaits de la qualité de leur vie (figure 1.6). À Bahreïn et au Koweït, par exemple, le niveau moyen de satisfaction de la vie est passé de 6,5 en 2013 à moins de 6 en 2015. Des sentiments d’insatisfaction étaient également évidents en Égypte, en Tunisie, au Yémen et en Syrie avant 2011, bien que la satisfaction de la vie ait connu une légère amélioration en Tunisie et en Égypte depuis 2013-14, à la suite de l’augmentation des prix du pétrole observée en 2014, accompagnée de signes présageant une période de stabilité politique (figure 1.6). RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 7 Figure 1.6 Indice Gallup de satisfaction de la vie 6.5 6 7.5 5.5 5.5 7 5 4.5 6.5 4.5 3.5 6 4 5.5 2.5 3.5 2011 2012 2013 2014 2015 2011 2012 2013 2014 2015 2011 2012 2013 2014 2015 Algérie Egypt Égypte Jordan Jordanie Bahreïn Bahrain Koweït Kuwait Algeria Iran Iraq Syria Syrie Lebanon Liban Morocco Maroc Saudi Arabia Arabie saoudite UAE EAU Yémen Yemen Palestine Tunisia Tunisie Source : Sondage mondial Gallup. Et si les prix du pétrole continuent de baisser ? S’ils baissent jusqu’à atteindre une moyenne de 30 dollars le baril en 2016, la Banque mondiale estime que le groupe des pays exportateurs perdra au total 151 milliards de recettes pétrolières en 2016 (alors que le prix moyen du baril était de 51 dollars en 2015, tableau 1.2a). En l’absence de réformes, leur déficit budgétaire atteindra 21 % du PIB cumulé de ces pays. Si le prix du baril continue de baisser jusqu’à atteindre une moyenne de 20 dollars en 2016, ces pays perdront environ 199 milliards de dollars de recettes pétrolières au cours de la même année et leurs déficits budgétaires s’élèveront à 24 % de leur PIB cumulé (tableau 1,2 b). On estime notamment que le déficit budgétaire de l’Arabie saoudite s’établira à 28 et 32 % de son PIB selon ces deux scénarios respectifs. Les déficits budgétaires seront réduits si les pays mettent en œuvre des réformes (tableau A1). En plus des pays ravagés par la guerre comme la Syrie, la Libye et l’Irak, la situation économique et humanitaire se détériore au Yémen (Devarajan et Mottaghi, 2016). Les données publiées par le ministère de la Planification du Yémen indiquent que son PIB réel devrait baisser d’environ 34 % en 2015. Le déficit budgétaire de l’État se creuse malgré la suppression des subventions des carburants. Les recettes pétrolières et gazières ont diminué de 77 % en 2015 en raison du sabotage des champs pétroliers et gaziers et du déclin de l’aide étrangère. Le Yémen, qui produisait environ 102 millions de barils de pétrole en 2010, en a extrait moins de 30 millions en 2015. Les dépenses publiques du pays ont chuté de 25 % à la suite de la suppression des RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 8 subventions des carburants (elles s’élèvent aujourd’hui à 1,1 % du PIB, contre 26,7 % en 2010) et à la suspension totale des transferts monétaires4. Tableau 1.2a Finances des pays exportateurs de pétrole en 2016 en l’absence de réforme budgétaire (à 30 dollars le baril) Évolution du solde Solde budgétaire Évolution des recettes budgétaire en % du anticipé en % du PIB pétrolières en PIB milliards de dollars Iran -4,4 -6,0 -18,1 Irak -10,7 -28,4 -18,9 Yémen -4,9 -14,1 -1,3 EAU -5,3 -9,3 -18,9 Libye -9,3 -72,7 -3,0 Koweït -12,3 -12,3 -15,9 Arabie saoudite -8,9 -28,3 -57,2 Oman -10,6 -30,6 -6,4 Algérie -3,3 -14,6 -6,0 Qatar -2,4 -3,9 -4,5 Bahreïn -2,1 -16,1 -0,7 Source : Estimation des services de la Banque mondiale chargés de la région MENA. Tableau 1.2b Finances des pays exportateurs de pétrole en 2016 en l’absence de réforme budgétaire (à 20 dollars le baril) Évolution du solde Solde budgétaire Évolution des budgétaire en % du anticipé en % du PIB recettes pétrolières PIB en milliards de dollars Iran -6,5 -8,1 -26,9 Irak -15,9 -33,6 -28,0 Yémen -7,3 -16,5 -2,0 EAU -0,8 -4,8 -2,8 Libye -13,8 -77,3 -4,5 4 Les populations pauvres et vulnérables ont été directement touchées par la suspension, en 2015, de l’aide financière accordée aux bénéficiaires du fonds de protection sociale, car plus de 39 % d’entre eux sont constitués de handicapés, d’orphelins et de femmes ne recevant aucun soutien (divorcées ou veuves). RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 9 Koweït -18,3 -18,2 -23,5 Arabie saoudite -13,2 -32,6 -84,8 Oman -15,7 -35,7 -9,5 Algérie -4,9 -16,2 -9,0 Qatar -3,5 -5,0 -6,7 Bahreïn -3,1 -17,1 -1,0 Source : Estimation des services de la Banque mondiale chargés de la région MENA. Les dépenses d’équipement ont été suspendues et celles consacrées à l’éducation, la santé, l’eau et l’électricité ont fortement baissé. Le déficit budgétaire a été entièrement financé par des emprunts directs auprès de la banque centrale, ce qui a eu pour effet de porter l’inflation, déjà élevée, au-delà de 30 % en 2015. Aucune donnée n’existe sur la pauvreté, mais la situation entrave l’accès des Yéménites aux services essentiels et contribue à l’accroissement de la pauvreté, actuellement chiffrée à 80 %. On estime par ailleurs que la dette intérieure a triplé, passant de 22,8 % du PIB en 2010 à 69,3 % en 2015. Les pays MENA peuvent-ils tirer parti des faibles prix du pétrole ? La faiblesse des prix et les importants déficits budgétaires ont obligé les pays exportateurs de pétrole à restructurer leur économie. La majorité d’entre eux compriment leurs dépenses de fonctionnement, ou prévoient de le faire, tandis que les dépenses d’équipement ont été suspendues. Tous les États du CCG ont réduit leurs subventions (encadré 1.1) et interrompu leurs projets d’investissement et prévoient d’instaurer de nouvelles taxes, dont la taxe à la valeur ajoutée (TVA), pour mieux aligner leurs dépenses sur leurs recettes (tableau 1.3). L’entrée en vigueur de la TVA est prévue pour janvier 2018. Ces États sont également soucieux d’améliorer l’utilisation rationnelle de l’eau et de l’énergie. En Arabie saoudite, par exemple, la société de dessalement de l’eau (Saline Water Conversion Corporation, SWCC) prévoit de doubler son rendement énergétique, actuellement estimé à 26-27 %, pour atteindre 54-55 %. Le recrutement de fonctionnaires est en suspens en Algérie tandis que l’État irakien a réduit ses dépenses dans son budget de 2016. Les pays importateurs de pétrole, en particulier l’Égypte, la Tunisie, la Jordanie et le Maroc, ont déjà entamé la réforme de leurs dépenses budgétaires et se concentrent actuellement sur l’utilisation rationnelle de l’énergie. En supposant qu’ils surmontent le choc pétrolier, comment les pays MENA pourront-ils alléger le fardeau des guerres, de la violence et des conflits qui pèse si lourdement sur leurs économies et leurs populations ? Alors que les conflits se poursuivent, les perspectives à court terme des pays MENA restent sombres au vu de la détérioration continue de la situation humanitaire et RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 10 économique des pays ravagés par la guerre. La section suivante examine comment une stratégie de reconstruction de la Syrie, le pays de la région le plus fortement touché par la guerre, pourrait contribuer à une paix durable. Tableau 1.3. Réforme des dépenses publiques dans la région MENA Instauration Tarif minimal Autres mesures de la TVA pour l’électricité Bahreïn √ √ Baisse des dépenses d’équipement Koweït √ √ Baisse des dépenses d’équipement et prélèvement d’un impôt uniforme de 10 % sur les bénéfices des entreprises Oman √ √ Baisse des dépenses d’équipement Qatar √ √ Baisse des dépenses d’équipement Arabie √ √ Réduction de la masse salariale à moins de 15 % du saoudite PIB dans le budget de 2016 grâce à la diminution des augmentations des traitements de la fonction publique, à la renégociation à la baisse (-5 %) de tous les contrats et à la diminution des dépenses d’équipement EAU √ √ Baisse des dépenses d’équipement Égypte Impôt foncier instauré en 2015 Algérie Gel du recrutement dans le secteur public, qui représente 60 % des emplois Irak Réduction des dépenses de 900 millions de dollars dans le budget de 2016 Source : Médias sociaux et autorités nationales. RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 11 Encadré 1.1 Réforme des subventions énergétiques dans les pays du CCG et les pays importateurs de pétrole Les lourds déficits budgétaires observés dans les pays du CCG, hormis le Koweït, et ailleurs, dus à la chute des prix du pétrole et aux importantes dépenses publiques, ont forcé plusieurs administrations à réformer leurs subventions à l’énergie. Les Émirats arabes unis (EAU) ont adopté en juillet 2015 un ajustement mensuel des prix des carburants de transport pour les aligner sur les niveaux internationaux. Les prix de l’essence et du gazole ont baissé pendant cinq mois consécutifs et la majorité des automobilistes payent actuellement (janvier 2016) moins que lorsque les carburants étaient subventionnés. L’écart entre le prix de l’essence et du gazole se réduit également, le gazole étant appelé à être moins cher que l’essence (comme dans de nombreux pays européens). Les prix de l’électricité ont également été ajustés bien que cela s’applique essentiellement aux expatriés. De nouvelles augmentations ont été annoncées en janvier 2016, le tarif appliqué aux expatriés à Abu Dhabi augmentant de 50 % pour l’électricité et 6,6 % pour l’eau. Elles s’ajoutent aux majorations de 40 % pour l’électricité et 170 % pour l’eau intervenues en janvier 2015. Le prix du gaz naturel, qui représente la majorité des subventions aux EAU, reste bien en deçà des niveaux internationaux. L’Arabie saoudite a annoncé, fin décembre 2015, un plan quinquennal visant à augmenter les prix des carburants, y compris le gaz naturel, l’essence et le gazole, ainsi que ceux de l’électricité et de l’eau. Les plus fortes majorations de p rix s’élèvent à 133 % pour l’éthane, 79 % pour le gazole de transport et 67 % pour le gaz naturel et l’essence à faible indice d’octane. Les prix de l’électricité et de l’eau ont également augmenté jusqu’à hauteur de 60 %, pour les niveaux de consommation des ménages les plus élevés, et dans des mesures diverses pour les usagers commerciaux et industriels. Bahreïn a annoncé à la fin de décembre 2015 des augmentations de 60 % pour l’essence à faible indice d’octane et de 20 % pour le gazole de transport, en accordant des dérogations aux secteurs de la pêche et de la boulangerie ; en ce qui concerne l’eau et l’électricité, les majorations ne concernent que les niveaux de consommation les plus élevés et les usagers commerciaux et industriels. En avril 2015, le pays avait relevé d’environ 10 % le prix du gaz facturé aux usagers industriels, avec des augmentations échelonnées qui porteront le prix du gaz à 4 $/MMBTU en 2022. Oman a majoré d’un tiers le prix de l’essence à faible indice d’octane à compter du 13 janvier 2 016 et de 10 % le prix du gazole dans le but de réduire de plus de 60 % les subventions aux produits pétroliers, à l’électricité et aux autres produits. En janvier 2015, le pays avait doublé le tarif du gaz applicable aux producteurs industriels et au sect eur de l’énergie. Le Qatar est le dernier pays du CCG à avoir relevé le prix de l’essence à faible indice d’octane, le 15 janvier 2016, jusqu’à hauteur de 35 % (première augmentation depuis 2011), après avoir majoré de 50 % le prix du gazole, en mai 2014, et augmenté le prix de l’électricité et de l’eau, facturé en fonction de la consommation, en octobre 2015. Le Koweït continue d’avoir du mal à réduire d’environ 35 % le coût de ses subventions, qui s’élevaient à 19 milliards de dollars en 2015. Les augmentations prévues ont été annulées un mois après leur annonce, en février 2015, et de nouvelles réformes n’ont toujours pas été annoncées. En ce qui concerne l’électricité, le Koweït a réduit son tarif de 27 à 2 fils/kWh en 1966 et il n’a pas été modifié depuis. Pour les grandes maisons ou villas, le prix de l’électricité est toutefois passé à 10 fils/kWh (3,5 dollars). L’Égypte a supprimé les subventions aux carburants en juillet 2014, en majorant les prix jusqu’à hauteur de 78 %. Le coût des subventions pour l’exercice 2016 est inférieur de 30 % à celui du budget précédent, du fait de la baisse des prix du pétrole et de la réduction des subventions. La Jordanie et le Maroc ont diminué les subventions aux carburants avant le choc pétrolier de 2014. Source : Note de synthèse et fiches-pays du CCG, Banque mondiale, février 2016. RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 12 Tableau 1.1 Perspectives macroéconomiques Croissance du PIB réel, en % 2013 2014 2015e 2016p 2017p 2018p MENA 2,0 2,4 2,3 3,2 4,2 3,9 Pays MENA en 0,5 1,0 1,2 4,4 6,0 4,6 développement Pays exportateurs de 1,9 2,3 2,0 3,3 4,2 3,8 pétrole Pays du CCG 3,3 3,4 3,1 2,2 2,5 3,1 Bahreïn 5,4 4,5 3,2 2,2 2,0 1,9 Koweït 1,1 -1,6 -1,3 1,3 1,6 2,4 Oman 3,9 2,9 3,3 1,6 1,9 2,6 Qatar 4,6 4,0 3,7 3,3 3,5 4,0 Arabie saoudite 2,7 3,6 3,5 2,2 2,6 3,1 EAU 4,3 4,6 3,4 2,0 2,4 3,0 Pays exportateurs de -0,8 0,3 -0,2 5,5 7,5 5,1 pétrole en développement Libye -13,6 -24,0 -10,2 22,2 46,2 14,6 Yémen, Rép. du 4,8 -0,2 -28,1 … … … Algérie 2,8 4,1 2,9 3,4 3,1 2,7 Iran, Rép. islamique d’ -1,9 3,0 0,5 4,2 4,6 4,7 Irak 6,6 -2,1 2,4 7,2 4,7 5,2 République arabe syrienne -20,6 -18,0 -15,8 … … … Pays importateurs de 2,8 2,2 3,4 2,5 3,5 3,8 pétrole en développement Égypte, République arabe d’ 2,1 2,2 4,2 3,3 4,2 4,6 Tunisie 2,3 2,3 0,8 1,8 2,5 3,0 Djibouti 5,0 6,0 6,5 6,5 7,0 7,0 Jordanie 2,8 3,1 2,4 3,0 3,3 3,6 Liban 0,9 1,8 1,5 1,8 2,3 2,5 Maroc 4,7 2,4 4,4 1,7 3,4 3,6 RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 13 Cisjordanie et Gaza 2,2 -0,2 3,3 3,3 3,5 3,6 Tableau 1.1 Perspectives macroéconomiques (suite) Solde budgétaire, en % du PIB 2013 2014 2015e 2016p 2017p 2018p MENA 2,2 -2,1 -10,2 -9,9 -7,1 -4,2 Pays MENA en -5,5 -7,1 -9,5 -9,5 -6,7 -3,8 développement Pays exportateurs de pétrole 5,7 -0,2 -11,3 -11,1 -7,3 -4,3 Pays du CCG 10,9 3,5 -10,9 -10,4 -7,5 -4,5 Bahreïn -2,9 -3,3 -12,5 -16,9 -15,3 -13,5 Koweït 35,4 18,7 -3,6 0,5 4,0 8,0 Oman 4,3 -3,4 -17,7 -16,8 -11,0 -9,7 Qatar 14,2 17,1 0,4 -5,0 -1,9 0,7 Arabie saoudite 5,8 -3,6 -18,9 -16,3 -13,8 -11,3 EAU 10,4 5,0 -4,3 -5,2 -2,1 2,0 Pays exportateurs de pétrole -3,2 -6,4 -11,8 -12,3 -6,9 0,0 en développement Libye -4,0 -43,3 -75,3 -59,9 -10,1 2,0 Yémen, Rép. du -7,8 -8,0 -11,4 … … … Algérie -1,4 -7,7 -15,9 -15,7 -12,6 -10,4 Iran, Rép. islamique d’ -0,9 -1,2 -2,7 -1,8 -1,0 -0,7 Irak -5,7 -5,6 -14,5 -20,0 -14,2 -6,3 République arabe syrienne -18,5 -22,3 -21,8 … … … Pays importateurs de pétrole -8,0 -7,9 -7,3 -7,1 -6,5 0,0 en développement Égypte, République arabe d’ -13,0 -12,2 -11,5 -11,3 -9,8 -8,8 Tunisie -4,5 -5,0 -4,6 -4,4 -4,2 -3,7 Djibouti -6,9 -12,7 -17,0 -11,9 -1,6 -3,4 Jordanie* -14,2 -14,0 -6,7 -5,5 -4,0 -2,4 Liban -9,5 -6,6 -7,3 -7,4 -8,7 -8,6 RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 14 Maroc -5,2 -4,9 -4,3 -3,6 -3,0 -2,7 Cisjordanie et Gaza -12,6 -12,5 -11,6 -10,9 -10,1 -9,2 *Hors dons Tableau 1.1 Perspectives macroéconomiques (suite) Solde des opérations courantes, en % du PIB 2013 2014 2015e 2016p 2017p 2018p MENA 8,8 4,7 -5,1 -6,1 -3,0 -1,1 Pays MENA en -2,4 -4,6 -7,5 -8,7 -5,9 -4,3 développement Pays exportateurs de 14,2 8,6 -4,3 -5,9 -1,5 0,0 pétrole Pays du CCG 21,3 15,1 -2,2 -3,1 0,7 1,6 Bahreïn 7,3 4,5 -3,2 -8,2 -7,2 -6,3 Koweït 40,4 36,9 9,6 3,3 11,3 10,9 Oman 6,7 5,0 -13,1 -14,1 -6,7 -3,6 Qatar 29,9 23,6 -0,8 -6,9 -3,5 -0,5 Arabie saoudite 18,2 10,0 -5,2 -2,8 1,4 2,1 EAU 18,4 13,7 0,2 -1,7 -0,4 -0,2 Pays exportateurs de 2,2 -2,5 -8,0 -11,1 -5,2 0,0 pétrole en développement Libye 0,0 -54,8 -75,6 -69,0 -14,7 -1,9 Yémen, Rép. du -2,9 -1,7 -5,6 … … … Algérie 0,4 -4,6 -15,2 -16,2 -14,4 -13,4 Iran, Rép. islamique d’ 6,0 3,8 0,6 -0,4 1,2 2,0 Irak 1,3 -0,7 -6,6 -15,3 -9,0 -3,9 République arabe syrienne -14,7 -17,8 -12,7 … … … Pays importateurs de -7,5 -6,8 -7,0 -6,6 -6,6 0,0 pétrole en développement Égypte, République arabe d’ -2,2 -0,9 -3,7 -4,6 -4,6 -3,4 Tunisie -8,6 -8,9 -8,7 -8,0 -7,8 -7,5 Djibouti -23,3 -25,6 -31,0 -25,8 -14,8 -14,5 RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 15 Jordanie -10,0 -7,1 -9,1 -6,6 -6,0 -5,5 Liban -26,6 -26,7 -23,2 -21,3 -22,5 -23,1 Maroc -7,3 -5,8 -2,3 -1,4 -1,7 -2,4 Cisjordanie et Gaza -13,7 -8,9 -6,9 -7,9 -9,4 -11,0 Source : Banque mondiale, Macro Poverty Outlook 2016. RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 16 RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 17 Tableaux de l’annexe Tableau A1. Viabilité des finances publiques dans les pays MENA exportateurs de pétrole Secteur des Exportations Dette Prix du Actifs du Réserves, Prix hydrocarbures, d’hydrocarbures, publique, T3 pétrole fonds 2015 4/ d’équilibre 2014 2014 1/ 2015 2/ présumé souverain, budgétaire dans le 2015 3/ pour 2015 budget de ($) 2016 2/ (% du PIB) (% des (% du PIB) ($ le baril) (% du PIB) exportations de marchandises) Bahreïn 24 59 52 50 36 5 106,3 Iran 29 70 16 40 16 18 87,1 Irak 47 94 62 45* … 8 81 Koweït 59 95 4 25 480 7 67 Oman 39 84 5 45 19 5 94,6 Qatar 35 88 32 48 133 8 55,5 Arabie 46 87 11 Proche de 95 30 105,6 saoudite 40$ Émirats 24 30 16 … 358 3 72,5 arabes unis Sources : Perspectives de l’économie mondiale, octobre 2015 ; Sovereign Wealth Fund Institute; Indicateurs du développement dans le monde ; rapports des services du FMI au titre de l’Article IV ; Haver Analytics ; équipes de pays de la Banque mondiale. *Devrait être ramené à 30 $ le baril. 1/ Part des produits pétroliers et gaziers dans les exportations de marchandises en 2014. 2/ Dette publique pour le T3 2015 ou le dernier en date. Bahreïn en pourcentage du PIB de 2015. Dernières estimations du gouvernement, du FMI ou de la Banque mondiale pour l’Algérie, l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Irak, le Koweït, Oman, le Qatar et les Émirats arabes unis. 3/ Dernières données disponibles sur les actifs du fonds souverain en pourcentage du PIB de 2015. 4/ Comprend les actifs du fonds souverain contrôlé par les autorités monétaires, tels que déclarés à la rubrique change de la base de données SFI du FMI, pendant les mois d’importations de biens et services. Statistiques financières internationales Tableau A2. Finances des pays du CCG en 2016 avec des réformes budgétaires Solde budgétaire Solde du compte courant % du PIB % du PIB 2016 2016 Arabie saoudite -24.1/-30,9 -33.1/-41,6 Koweït -10.3/-19,1 -5.7/-14,5 Bahreïn -23.4/-25,7 1.9/-2,1 Oman -14.4/-15,3 -21.4/-22,9 Qatar -5.7/-7,8 -17.9/-27,4 EAU -5.0/-6,2 -18/-22,6 Source : Banque mondiale, Gestion macroéconomique et budgétaire. Note : Avec un prix moyen du pétrole de 30/20 dollars le baril en 2016 (voir encadré 1.1 et tableau 1.3). RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 18 RECONSTRUIRE LA SYRIE DANS UNE PERSPECTIVE DE PAIX Introduction Alors que les responsables politiques européens doivent faire face à l’afflux de réfugiés en provenance de Syrie et d’ailleurs, il est facile d’oublier que chaque réfugié a sa propre histoire. La gestion de la « crise des réfugiés » nécessite donc de comprendre les causes immédiates les ayant conduits à entreprendre un périlleux voyage jusqu’en Europe. Le présent rapport examine le sort des réfugiés syriens et de la population syrienne en général. Ceux qui arrivent en Europe représentent la partie visible de l’iceberg, soit à peine 10 % des réfugiés recensés. La majorité se trouvent dans les pays voisins, à savoir en Turquie, au Liban, en Jordanie et en Irak. Qui plus est, parmi ceux qui sont restés à l’intérieur des frontières syriennes, 7,6 millions sont désormais considérés comme des personnes déplacées dans leur propre pays. Cinq ans après avoir éclaté, la guerre civile syrienne a tué entre 132 000 et 470 000 personnes et entraîné le déplacement forcé de près de la moitié de ses 22 millions d’habitants5. Selon une évaluation préliminaire et partielle réalisée mi-2014, les dommages infligés au patrimoine national atteindraient entre 70 et 80 milliards de dollars. Compte tenu de la dégradation constante de la situation à l’intérieur du pays, avec les incidences humanitaires catastrophiques que l’on connaît, le présent rapport affirme que l’impact de la guerre civile sur la société syrienne sera chronique et que les institutions de développement peuvent d’ores et déjà prendre des mesures pour préserver les acquis en matière de développement et promouvoir la paix. Les défis auxquels le pays doit faire face doivent être affrontés sans tarder. Le présent rapport fait dans un premier temps le point sur les pertes humaines et les dommages subis, tels que rapportés par les réfugiés installés dans les pays voisins. Il examine ensuite la violence et les ravages à l’intérieur du pays. La dernière section montre qu’un programme d’action plus ambitieux en faveur du développement peut contribuer à atténuer et apaiser la situation à court terme et promouvoir la stabilité à plus long terme. Bien qu’une véritable reconstruction devra sans doute attendre l’instauration de la paix avant de pouvoir commencer, une stratégie crédible de reconstruction peut promouvoir le retour à la paix. Ce rapport appelle donc la communauté internationale à se porter garante d’une stratégie de reconstruction solidaire contribuant à une paix durable demain, mais préparée dès aujourd’hui, car la paix et la reconstruction constituent les deux faces d’une même pièce. 5 L’estimation la plus basse est celle du Violations Documentation Center (VDC), qui reconnaît qu’il ne peut rigoureusement comptabiliser les pertes subies par les opposants au régime, tandis que l’estimation la plus haute est celle du Centre syrien de recherche politique (SCPR), qui comptabilise les pertes directes et indirectes associées au conflit. RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 20 Les réfugiés et la guerre Les vagues de réfugiés arrivant sur les rives européennes, et les réactions passionnées qu’elles ont suscitées, ont placé la crise des réfugiés syriens au cœur des préoccupations gouvernementales en Europe. Alors que la communauté internationale s’attache à contenir le flux de demandeurs d’asile traversant la Méditerranée et que les pourparlers de paix engagés sous l’égide de l’ONU achoppent, il est important de se rappeler que les premières victimes de cette guerre se trouvent pour la plus grande part en Syrie ou dans les pays voisins. Les dernières statistiques du HCR indiquent que la moitié de la population syrienne a été déplacée de force, et estime à 7,6 millions le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays et à 4,8 millions le nombre de réfugiés recensés (HCR, 2016). Selon ces mêmes statistiques, les Syriens qui sollicitent une protection internationale à leur arrivée en Europe ne représentent que 10 % des réfugiés, alors que la majorité de ceux qui tentent d’échapper au conflit s’installent dans les pays voisins : on estime à 2 et 2,7 millions le nombre de réfugiés installés dans les pays arabes et en Turquie respectivement (HCR, 2016). Figure 2.1 Démographie des réfugiés syriens 60+ 18-59 12-17 5-11 0-4 30 20 10 0 10 20 30 Male Hommes Female Femmes Source : HCR Comme l’indique la figure 2.1, les réfugiés sont relativement jeunes et comptent 49,3 % d’hommes et 50,7 % de femmes. Une récente étude sur le bien-être des réfugiés syriens installés en Jordanie et au Liban, réalisée par la Banque mondiale et le HCR, indique que la composition de la population de réfugiés arrivés dans ces pays avant décembre 2014 se distingue à de nombreux égards de celle des Syriens arrivés avant la crise (Verme et al. 2015). Les réfugiés ont RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 21 tendance à être plus jeunes : 81 % d’entre eux ont moins de 35 ans, contre 73 % avant la crise. La part des enfants de quatre ans ou moins est plus élevée et proche de 20 % contre 11 % auparavant. Les personnes déplacées dans les pays voisins ont également tendance à avoir de plus grandes familles et plus d’enfants. Ils sont également davantage susceptibles d’être des agriculteurs et leurs niveaux d’instruction sont légèrement moins élevés : 83,6 et 86,7 % des Syriens de plus de cinq ans installés en Jordanie et au Liban respectivement ont reçu un enseignement primaire ou élémentaire, contre 83 % avant la crise (Verme et al. 2015). Selon un récent rapport de l’UNICEF, un tiers des enfants syriens sont nés pendant le conflit, et 300 000 de ces 3,7 millions d’enfants sont nés en tant que réfugiés (UNICEF 2016). Cette évolution démographique suscite des inquiétudes quant aux perspectives d’une nouvelle génération de Syriens grandissant en situation de conflit et de déplacement. Des milliers de jeunes Syriens ont été déplacés pendant presque toute leur vie. Les expériences passées de la guerre civile et des déplacements montrent qu’il est probable que ces jeunes connaîtront des problèmes d’identité et manqueront d’assurance (Abdi, 2005 ; Schmidt, Kravic, & Ehlert, 2008). La crise des réfugiés n’est qu’une des conséquences d’un conflit violent, mais les expériences des exilés donnent un aperçu des effets dévastateurs de la guerre en cours. La Direction pour la gestion des situations de crise et d’urgence de la Turquie (AFAD) a réalisé une enquête en trois phases, en 2013, 2014 et 2015, qui donne une idée des pertes subies à ce jour (Balcilar 2016). La Turquie accueille le plus grand nombre de réfugiés syriens, les premiers arrivants datant d’avril 2011. L’afflux de réfugiés a atteint son paroxysme fin 2012 début 2013, alors que l’intensité des affrontements était au plus haut en Syrie. Les trois principales raisons motivant l’exode des populations sont indiquées ci-dessous (figure 2.2) : comme on pouvait s’y attendre, plus de 90 % des ménages interrogés déclarent avoir quitté leur pays pour des raisons de sécurité. Les opinions politiques et les raisons économiques motivent également leur départ, notamment en 2014 lorsque le conflit a perturbé les activités économiques et que les pénuries se sont particulièrement fait sentir. Malgré l’intensité du conflit, les réfugiés restent en contact avec leur communauté en Syrie. Ils gardent des liens étroits avec leur pays et ressentent le poids du traumatisme dont il est victime6. En 2014, 44 % des réfugiés interrogés ont indiqué qu’ils traversaient fréquemment la frontière. Ces allers-retours avaient pour but de rendre visite aux membres de leur famille (53,7 %) et de veiller sur leurs biens (22,6 %). Le commerce motive une proportion plus faible des réfugiés syriens, dont 3 % seulement traversent la frontière pour raisons d’affaires (Balcilar 2016)7. Les pertes en vies humaines attribuables au conflit ont fait l’objet de nombreux rapports, l’ONU estimant que plus de 250 000 personnes avaient été tuées à l’été 2015 (Taylor 2016). La 6 Certains réfugiés rentrent même au pays, en raison des épreuves vécues en exil (Robinson, 2016). 7 Le sud de la Turquie a assisté à l’essor d’entreprises syriennes et à une augmentation des exportations vers la Syrie (Dogan 2015). RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 22 population en fuite est également touchée : plus d’un tiers des réfugiés interrogés en Turquie indiquent avoir perdu au moins un membre de leur famille en raison du conflit. La proportion des ménages conscients de la destruction de leur domicile semble avoir augmenté avec le temps, et dépassait 50 % en 2015. Près de la moitié des ménages interrogés estiment qu’un membre de leur famille devrait recevoir un soutien psychologique. Cette opinion a également été exprimée dans de récents rapports sur la forte augmentation des traumatismes psychologiques subis par la population syrienne (Dunmore, 2016). Figure 2.2 Motifs de départ 1.44 EconomicÉconomie reasons 1.32 5.25 Politique Political opinions 3.37 Sécurité 91.29 Security reasons 93.87 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 2014 2013 Source : résultats des enquêtes de l’AFAD Le sort des réfugiés illustre la fracture provoquée par la guerre civile dans la société syrienne. Il est vraisemblable que ces cicatrices deviendront de plus en plus profondes alors que le conflit s’éternise (figure 2.3). Les maladies mentales sont par exemple un problème persistant sans corrélation évidente avec les autres indicateurs classiques tels que la pauvreté, la consommation ou les revenus (Das et al. 2007, 2009). Do et Iyer (2009) affirment que le rétablissement de la santé mentale ne suit pas nécessairement le même cheminement que celui de l’activité économique ou de la situation politique, tandis que Friedman et Thomas (2008) estiment que les problèmes de santé mentale ont perduré, même lorsque les revenus ont retrouvé leurs niveaux d’avant la crise, au sortir de la crise qui a secoué l’Asie de l’Est en 1997-98. Au-delà des stigmates personnels associés à une exposition à des niveaux de violence extrême, la société syrienne pourrait bien être traumatisée à tout jamais. Bien que les problèmes sociaux et institutionnels hérités des conflits restent difficiles à cerner (Blattman et Miguel 2010), une étude sur l’effet de RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 23 la violence sur les comportements montre que l’exposition à la violence est associée à de faibles niveaux de confiance et d’équité au sein des collectivités locales du Tadjikistan victimes de conflits (Cassar et al. 2013). Plus un conflit dure et plus il est difficile de rétablir la cohésion au sein de la société. Figure 2.3 Ce que les réfugiés ont perdu État des habitations en Syrie Détruites Sérieusement ou partiellement Besoin de soutien psychologique Perte d’un membre de la famille endommagées Source : résultats des enquêtes de l’AFAD La Syrie : un pays en ruines Mort et violence La majorité des personnes déplacées ont fui après la destruction de leur domicile ou après avoir directement subi une menace ou un acte de violence (OCHA, 2015). On observe une forte corrélation entre les tendances en matière de déplacement et la répartition géographique de la violence. En 2012, la guerre civile syrienne faisait l’objet d’affrontements d’une forte intensité et était devenue la principale cause de décès en Syrie (OMS 2016). Les pertes en vies humaines liées aux conflits comprennent toutes celles dues aux mauvaises conditions d’hygiène et aux graves perturbations du système de santé syrien, ainsi que celles directement dues à la violence (Guha- Sapir et al. 2015). Le Centre syrien de statistiques et de recherche, le Réseau syrien pour les droits de l’homme, l’Observatoire syrien des droits de l’homme et le Violations Documentation Center en Syrie (VDC) ont fourni des dossiers sur les morts violentes intervenues dans le cadre du conflit syrien. Le VDC reste cependant la seule source ventilant les pertes en vies humaines par zone RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 24 géographique, spécifiant le type d’arme utilisée et faisant la distinction entre les civils et les combattants (Guha-Sapir et al. 2015, Abdel Jelil et Do 2015). La figure 2.4 indique le nombre total de pertes en vies humaines par mois ainsi que l’évolution du conflit entre mars 2011 et juin 2015. De mars à juin 2011, le conflit, alors concentré dans le gouvernorat de Daraa, consistait en des manifestations pacifiques ressemblant à celles organisées en Tunisie et en Égypte. À partir de juillet 2011, l’opposition, confrontée à un régime inflexible, commença à s’organiser et à unir ses forces. Vers la fin de 2011, les affrontements s’intensifièrent. En 2012, le conflit avait atteint Alep et Damas : le pays était bel et bien en guerre civile (Al-Salah and White 2013). La comptabilisation des pertes en vies humaines montre que le conflit a essentiellement été concentré dans les gouvernorats d’Alep, de Damas campagne, Hama, Homs, Idleb et Daraa (figure 2.5), qui sont également les principaux gouvernorats d’origine des personnes déplacées (OCHA, 2015). Ces populations sont originaires de l’ouest du pays, représentent des groupes ethniques et religieux divers et forment la majorité de la population et des classes moyennes du pays. Bien que les forces combattantes aient déclaré qu’elles ne cibleraient que les combattants, les civils représentent 71 % de l’ensemble des victimes et 92 % des victimes de bombardements. Les femmes et les enfants comptent pour 11 et 17 % respectivement des victimes civiles, et leur répartition spatiale est semblable à celle de l’ensemble de la populat ion. Les femmes et les enfants sont toutefois davantage susceptibles de succomber à des explosifs et des armes chimiques (Guha-Sapir et al. 2015 ; Abdel Jelil et Do 2015). RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 25 Figure 2.4 Pertes en vies humaines en Syrie 8 Intensité des combats par gouvernorat Pertes en vies humaines dans le temps Pertes en vies humaines Intensité des combats Voir la liste des abréviations à l’annexe 1 Mars 2011 – Mois 1 Source : Abdel Jelil et Do (2015) D’importants efforts ont été menés pour évaluer si le nombre de pertes en vies humaines dans une région donnée est surestimé en raison d’erreurs ou de comptabilisation double, par exemple, alors que peu de travaux ont été réalisés pour évaluer si ce nombre a été sous-estimé (Price et al. 2014). Les conséquences de la sous-estimation des pertes en Irak et les « graines de haine » qu’elle pourrait avoir semées sont encore mal comprises (Leigh 2010). L’analyse des données mensuelles du Service de la lutte antimines des Nations Unies (UNMAS) et la cartographie locale des pertes laissent penser que les zones d’affrontements intenses ont tendance à être mieux couvertes et que la technologie peut influencer la portée et la fiabilité de la comptabilisation de ces pertes (Abdel Jelil et Do 2015). La dégradation de la situation des Syriens restés au pays La population restant dans les zones contestées est confrontée à une crise humanitaire de plus en plus grave. Les disparités au sein du pays sur le plan de l’accès aux services ont été accentuées par l’évolution des affrontements, les déplacements internes et l’isolement. On estime que 35 % de la population urbaine actuelle est déplacée et est en grande partie confrontée à des problèmes de logement. Quelque 1,7 million de personnes vivent dans plus de 3000 camps et installations en Syrie (OCHA, 2015). Les personnes déplacées en zone urbaine vivent souvent dans des conditions précaires. Dans certaines villes, la majorité de la population déplacée a besoin d’aide humanitaire. Les ménages ayant à leur tête des enfants, des personnes âgées et 8 L’intensité des combats correspond au rapport entre le nombre de morts déclarées et la population des gouvernorats en 2010. RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 26 des femmes sont généralement installés dans des camps et sont particulièrement vulnérables (OCHA, 2015). Un plus grand nombre de déplacements a été observé dans les gouvernorats du nord du fait de l’instabilité croissante et de l’évolution continue des lignes de front. Le patrimoine immobilier a été particulièrement touché à Alep et à Homs. Fin 2013, 302 000 logements, soit 52 % du patrimoine immobilier recensé en 2011, avaient été partiellement ou totalement endommagés à Alep (ONU-Habitat 2014). Au cours de la même période, près de la moitié des personnes déplacées se sont installées dans le gouvernorat alors que des camps non officiels ont commencé à voir le jour dans certains sous-districts. Alep a été divisée en zones de contrôle et une récente enquête a indiqué que plus de la moitié de la population de l’est de la ville est composée de personnes déplacées (REACH 2016), tandis que la partie ouest est en état de siège intermittent. L’évaluation des dégâts et des besoins réalisée par la Banque mondiale a indiqué que 33 % seulement des hôpitaux publics fonctionnaient partiellement à la fin de 2014. Concernant les dégâts, près d’un tiers des hôpitaux, des centres médicaux et des ph armacies ont été touchés, entraînant ainsi une pénurie de lits et de médicaments pour soigner les patients. La situation semble s’être détériorée depuis, en raison d’un isolement accru et de la médiocrité des services fournis. L’ONU estime que 42 % de la population n’a pas accès à des services de santé de base (OCHA, 2015). De plus, quelque 4,5 millions de personnes se trouvent dans des zones difficiles d’accès, dont 400 000 Syriens en état de siège, avec un accès extrêmement limité aux services médicaux et humanitaires. La majorité des demandes soumises par l’OMS pour pouvoir livrer des médicaments et des fournitures restent sans suite. Figure 2.5 Personnes déplacées à l’intérieur du pays 1,400,000 1,200,000 1,000,000 800,000 600,000 400,000 200,000 0 Male Hommes Female Femmes Residents and collective Résidents et centres collectifs centers Total Total Source : Aperçu des besoins humanitaires 2016 RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 27 La situation des femmes et des enfants dans le pays est particulièrement préoccupante (figure 2.6). L’OCHA estime que 3 millions d’enfants de moins de cinq ans et de femmes enceintes sont menacés de malnutrition et ont grand besoin de services nutritionnels préventifs et curatifs. Les maladies comme la poliomyélite, que l’on pensait éradiquées depuis longtemps, sont réapparues et se propagent dans le pays en raison de l’absence d’eau de boisson salubre, de services d’assainissement de base et de campagnes de vaccination systématique (Sharara et Kanj 2014). Le réseau d’approvisionnement en eau fonctionne à un tiers de son rendement d’avant la crise. Des flambées d’hépatite A ont été observées en Syrie, le nombre total de cas se chiffrant en fin d’année à 49 300. Plus de 50 000 cas de leishmaniose cutanée, près de 2400 cas de coqueluche et 1617 cas suspectés de rougeole ont été déclarés en 2015. Ces trois maladies sont évitables grâce à des mesures appropriées d’assainissement et de vaccination (OMS 2015). Figure 2.6 Population isolée Population des zones reculées Population assiégée Source : ONU Le risque élevé de pertes de vies parmi les professionnels du secteur sanitaire est un autre facteur contribuant au déclin de la qualité des services. Le Réseau syrien pour les droits de l’homme a dénombré 27 frappes sur des centres médicaux et 10 membres du personnel médical ont été tués en mai 2015. Selon l’ONG Médecins pour les droits de l’homme, 697 agents de santé ont été tués en Syrie depuis le début du soulèvement (Amnesty International 2016). Les docteurs sont aujourd’hui concentrés dans les gouvernorats les plus sûrs, alors qu’un manque de ressources humaines est documenté dans le nord et le nord-est du pays. En février 2014, 15 000 docteurs avaient quitté la Syrie (Baker 2014) et on estime que seuls 62 des 6000 docteurs d’Alep y étaient toujours en activité en mai 2015. L’exode des agents de santé peut être difficile à compenser, car une partie des Syriens ayant un niveau d’instruction élevé ne resteront pas dans la région. Une récente enquête préliminaire menée auprès des réfugiés installés en Grèce semble indiquer que les Syriens les mieux qualifiés, dont les docteurs et les pharmaciens, se dirigent vers l’Europe RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 28 (HCR 2015)9. L’absence de soins médicaux est aujourd’hui la deuxième cause de décès (Baker 2014). Selon un récent rapport, l’espérance de vie est tombée à 55 ans en 2015, et 70 000 décès étaient liés à l’absence de services de santé et de médicaments appropriés, en particulier pour soigner les maladies chroniques (SCPR 2016). Des ONG comme Save the Children estiment que le nombre de décès liés aux maladies chroniques a augmenté du fait de la pénurie de médicaments. Les pénuries touchent également l’accès à l’eau et aux services d’assainissement. La première évaluation des dégâts et des besoins a indiqué que les infrastructures hydrauliques ont été peu ou pas endommagées (Banque mondiale, 2015). Les grandes infrastructures hydrauliques, telles que les barrages, les stations de pompage et les retenues qui alimentent les réseaux d’irrigation, ont pour la plupart été épargnées, car elles se trouvent loin des agglomérations où sont concentrés les conflits. Cela dit, de récents rapports indiquent l’existence de graves pénuries potentiellement mortelles qui pourraient être délibérées dans certaines zones dont celles d’Alep, de Damas, de Damas campagne, de Daraa et de Hama (UNICEF 2016). L’ONU estime que 12,1 millions de Syriens n’ont pas accès à de l’eau propre et que 69 % de la population obtient de l’eau de sources présentant un risque intermédiaire à élevé (figure 2.7). Les populations les plus vulnérables se trouvent dans les zones fortement contestées à Alep, Homs et Hama. Il s’agit généralement de familles pauvres et déplacées, vivant dans des établissements humains précaires ou isolés, où les services d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène sont souvent minimaux (OCHA, 2015). La production d’électricité baisse depuis 2013. Elle a souffert des dégâts causés aux infrastructures dans les villes d’Alep, de Hama et de Daraa (Banque mondiale, 2015). Les centrales électriques de ces villes contestées fonctionnent à une fraction de leur capacité et les ménages qui ont toujours accès au réseau sont alimentés à intervalles irréguliers10. Une enquête réalisée par le Forum économique Syrien sur les usines des gouvernorats du nord-ouest a indiqué que la production est limitée par l’accès à l’énergie : alors que 95,7 % des usines dépendent essentiellement de l’électricité pour leur production, 56,5 % d’entre elles sont alimentées en électricité moins de trois heures par jour (Forum économique syrien 2014). Un quart des entreprises interrogées déclarent utiliser des groupes électrogènes privés, ce qui a pour effet d’augmenter les coûts marginaux ainsi que les fluctuations de la production, en raison de l’accès intermittent aux carburants. L’irrégularité des horaires et des salaires des travailleurs entraîne quant à elle la réduction des revenus de ceux qui veulent conserver leur emploi, alors que les prix augmentent. 9 Cette enquête n’est pas représentative, car l’échantillonnage n’était pas aléatoire, mais elle s’appuie sur le plus vaste échantillon de réfugiés syriens interrogés lors de leur arrivée en Europe. 10 Dans les zones contestées, l’électricité n’est disponible que deux à trois heures par jour, voire pas du tout (BBC 2016). RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 29 Figure 2.7 Eau salubre à Damas et dans les 14 gouvernorats Population sans People not accès à de accessing l’eau safe salubre water 3,000,000 2,500,000 2,000,000 1,500,000 1,000,000 500,000 0 Source : Aperçu des besoins humanitaires 2016 Le conflit a sérieusement mis à mal le système éducatif et réduit à néant des années d’acquis scolaires dans le pays (Devarajan et Mottaghi, 2016). Bien que les estimations de l’évaluation des dégâts et des besoins réalisées en 2014 n’aient comptabilisé que quelques centaines de locaux endommagés dans six principales villes, dont la majorité se trouvent à Alep et à Daraa, l’OCHA a récemment indiqué que le système tombait en ruines, avec des milliers d’écoles détruites ou converties en abris pour les familles déplacées, et plus de 2 millions d’enfants non scolarisés en Syrie aujourd’hui (OCHA, 2015). Il semble donc que la situation ait considérablement empiré au cours de l’année écoulée. Le même rapport indique que 50 000 enseignants et personnels du secteur éducatif ne travaillent plus et qu’un grand nombre d’enseignants ne sont p lus rémunérés. Les inscriptions totales dans les cycles préélémentaire, primaire et secondaire ont baissé de 44 % par rapport à l’avant-guerre (figure 2.8). D’importantes différences existent entre les zones rebelles contestées et celles contrôlées par Daech, d’une part, et les districts contrôlés par le régime, d’autre part, où les services semblent avoir été maintenus (Banque mondiale, 2015). RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 30 Figure 2.8 Taux de fréquentation des enfants d’âge scolaire par gouvernorat Source : Rapport du SCPR sur l’impact de la crise syrienne 2015 Les enfants des zones contestées doivent surmonter plusieurs obstacles pour se rendre à l’école, y compris le risque d’être la cible d’attaques. Les organismes des Nations Unies et les ONG ont dénombré au moins 32 attaques perpétrées sur des écoles en Syrie en 2015, ainsi que la mort de 160 écoliers en 2014 (Save the Children, 2015). La forte baisse des revenus et la perte des soutiens de famille contribuent également à la déscolarisation des enfants, car les ménages font face à la situation en les faisant travailler : les jeunes garçons se trouvent ainsi forcés de travailler pour des groupes armés, qui sont les principaux employeurs dans certaines zones. L’exposition continue à la violence dans les gouvernorats contestés et le déclin des services essentiels auront des effets à long terme sur une génération de Syriens. Les écrits sur la violence et le développement humain soulignent l’importance des expériences du début de la vie dans le bien-être futur des individus. L’issue des accouchements varie en fonction du développement cognitif, du statut socio-économique et de la santé à long terme. Une exposition précoce à des conflits violents a une influence négative sur l’issue des accouchements. En utilisant une exposition aléatoire aux explosions des champs de mines, Camacho (2008) montre que le stress dû aux attaques terroristes réduit le poids de naissance des enfants, tandis que Akresh et al. (2011) examinent les dimensions géographiques et temporelles du conflit Érythrée-Éthiopie pour montrer que les enfants exposés à la guerre dans les deux pays sont plus petits pour leur âge. Qui plus est, les difficultés prolongées auxquelles les familles doivent faire face, et l’augmentation résultante du travail des enfants en tant que mécanisme de survie, auront des effets à long RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 31 terme. Les possibilités offertes aux enfants concernés seront sans doute plus limitées. La perspective d’une génération perdue en Syrie et le nombre croissant de décès dus à l’absen ce de services essentiels rendent d’autant plus pressant le besoin de fournir des solutions immédiates à la crise humanitaire et de mener campagne pour un règlement pacifique et durable du conflit. L’urgence d’agir La fourniture de biens et de services pendant le conflit Alors que le niveau de violence en Syrie ne semble pas diminuer et que la situation humanitaire se détériore, le besoin de mener davantage de projets d’atténuation et de résilience dans le pays devient de plus en plus pressant. Les risques associés à l’accroissement des flux de réfugiés et la menace d’une jeunesse radicalisée appellent à des actions de développement plus novatrices. Les organismes des Nations Unies et les acteurs non étatiques participent déjà à de tels efforts dans la majorité des gouvernorats syriens, en se concentrant sur les personnes déplacées, la jeunesse et les ménages dirigés par des femmes. Le PNUD a lancé un programme sur la participation communautaire et des activités de création accélérée d’emplois, axés sur la reconstruction à forte intensité de main-d’œuvre des équipements collectifs de base et la restauration des modes de subsistance perturbés (PNUD 2015)11. Les interventions à court terme peuvent contribuer à la protection du capital humain et réduire les effets à long terme de la guerre. Des processus de création d’emplois et d’émancipation économique mis en œuvre dès maintenant peuvent avoir des retombées positives considérables, en particulier sur les ménages dirigés par des femmes. Alors qu’il a été documenté que les conflits violents sont associés à l’augmentation du taux d’activité des femmes (Justino 2012), la part des ménages dirigés par des femmes a augmenté en Syrie. L’aide apportée à ces femmes grâce à l’emploi peut améliorer les résultats nutritionnels et scolaires des enfants syriens et accélérer le redressement des ménages après la phase de reconstruction. Au demeurant, Justino et al. (2012) affirment que la résilience des femmes pendant le conflit peut contribuer au redressement économique des ménages une fois la paix installée12. Un effort plus audacieux visant le secteur de la santé pourrait réduire le coût à long terme de la guerre pour la société syrienne. Le rétablissement des services passe, à court terme, par la formation des agents de santé pour combler le déficit dû à l’exode du personnel qualifié et, à 11 À ce jour, 1000 ménages dirigés par des femmes ont reçu un soutien concernant leurs modes de subsistance, qui bénéficie directement à 3399 personnes (PNUD 2015). 12 L’expérience montre toutefois que les femmes perdent généralement leur emploi à l’issue du conflit, sous l’effet des pressions sociales notamment (Justino et al. 2012). RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 32 long terme, par l’encouragement du retour en Syrie des professionnels de santé les plus talentueux. Des améliorations dans la prestation des services d’urgence et l’accès aux médicaments peuvent réduire les pertes en vies humaines, alors que des milliers d’entre elles auraient pu être évitées (Yourish et al. 2015). Ces initiatives devraient notamment porter sur la réduction des pénuries d’ambulances, de personnel médical spécialisé, de matériel et de fournitures (Banque mondiale 2015). L’amélioration de l’accès aux services de santé pourrait également stimuler les résultats économiques à court terme. Selon le Forum économique syrien, l’accès à ces services est l’une des principales raisons de la baisse de la productivit é des usines à Alep (Forum économique syrien, 2015), après la sécurité et l’accès à l’énergie. Des initiatives novatrices, fondées sur les connaissances locales et la participation communautaire, sont déjà en cours. Des ONG ont par exemple fourni des financements pour couvrir le matériel et les salaires nécessaires pour répondre aux besoins sanitaires des communautés syriennes, en appliquant un processus favorisant la prise en charge locale (Devi 2016). Le besoin de participer plus activement à tous les secteurs de la société syrienne peut être satisfait en menant des partenariats avec des acteurs non étatiques neutres et bien établis. En obtenant des subventions et une assistance technique, les organisations internationales peuvent fournir les secours nécessaires dans le pays tout en participant à un processus de production de connaissances. Ces initiatives devraient permettre à la communauté internationale d’accroître progressivement son aide une fois la paix installée. L’expérience du Soudan du Sud, où les tensions entre les autorités locales et les experts étrangers ont été citées comme l’une des raisons de la lenteur du plan de reconstruction, devrait inciter à une action précoce dans les pays touchés par des conflits comme la Syrie (Badiey 2014). Qui plus est, des travaux analytiques sur les principaux obstacles rencontrés sur le terrain peuvent être opportuns et contribuer à la prise de conscience et à la compréhension des problèmes pouvant survenir dans le cadre du processus de reconstruction. Promouvoir les chances de paix Les gains de toute intervention à court terme ne peuvent pas s’inscrire dans la durée sans un ferme accord de cessez-le-feu. Bien que les négociations politiques entre tous les acteurs concernés, aussi bien locaux qu’étrangers, attirent naturellement beaucoup d’attention, le rôle de la reconstruction dans le processus de paix semble être négligé. Le processus de paix aura d’importantes conséquences pour la population syrienne, aussi bien dans le pays qu’en dehors : une analyse de la dernière enquête réalisée en Turquie montre que plus de 70 % des réfugiés interrogés en 2015 désirent rentrer au pays lorsque les affrontements prendront fin (Balcilar 2016). Les ravages de la crise humanitaire et la propagation de l’insécurité dans la région soulignent à quel point il est essentiel que les parties aux négociations parviennent RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 33 à un règlement pacifique le plus tôt possible. Peu de progrès ont toutefois été observés à l’issue de plusieurs cycles de négociations (Guardian, 2014). La suspension temporaire des pourparlers de paix, en février 2016, illustre la complexité du problème dans un environnement où de multiples acteurs ont un droit de veto et où la méfiance est grande13. En l’occurrence, le faible nombre d’accords généralement acceptables, l’asymétrie de l’information et les alliances mouvantes contribuent à la longueur du processus (Cunningham 2006). La répartition du pouvoir et des ressources dans la Syrie de l’après-guerre et, surtout, la crédibilité des parties concernant le futur respect de cette répartition, sont au cœur même du processus de négociation (Cunningham, Reed, & Sawyer, 2016 ; Arkhipov & Meyer, 2015). Alors que les belligérants ne parviennent toujours pas à un accord après de multiples pourparlers, les succès remportés sur le champ de bataille deviennent de plus en plus importants car ils déterminent le pouvoir de négociation des parties (Powell 2006 ; Blattman et Miguel 2010). L’intensification des combats en Syrie avant un cycle de négociations peut être considérée comme une conséquence de cet échec. Chaque camp essaie d’accroître son pouvoir de négociation en déplaçant les lignes de front. Walter (1997) soutient que la communauté internationale peut remplacer des institutions locales déficientes et contribuer à la prise d’engagements crédibles. La reconstruction future devient ainsi un levier dans les négociations de paix, le rôle des institutions multilatérales étant de fournir un moyen de faire respecter les clauses d’inclusion et les règles de partage des ressources dans les futurs plans de reconstruction. Le rôle de la Banque mondiale dans cette capacité n’est pas nouveau : James Wolfensohn, qui l’a dirigée de 1995 à 2005, affirme dans sa biographie que l’intervention de la Banque, alors que le conflit bosniaque battait so n plein, a contribué aux accords de Dayton qui mirent fin à trois années et demie de guerre civile (Wolfensohn 2010). Une stratégie de reconstruction crédible peut donc être utilisée pour rapprocher les belligérants d’un accord de paix dans un premier temps. La reconstruction et la paix sont les deux faces d’une même pièce. Après la paix L’évaluation des dégâts et des besoins, réalisée par la Banque mondiale, et le Programme national pour l’avenir de la Syrie, élaboré par la CESAO, s’accordent à dire que la communauté internationale doit être prête à l’après-guerre (Cambanis 2015). Car une ambitieuse stratégie de reconstruction est nécessaire pour rapidement remettre le pays sur les rails de la croissance et de la prospérité. 13 Les négociations ont été suspendues deux jours après avoir commencé en février 2016, en raison de l’escalade de la violence. Elles ont repris mi-mars, après un fragile cessez-le-feu (Black & Wintour, 2016). RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 34 Après cinq années d’un conflit extrêmement violent, toute tentative de reconstruction devra s’attaquer aux facteurs responsables du conflit et de sa longévité. Comme dans la majorité de la région MENA, le modèle économique étatique adopté par les régimes syriens a généralement contribué à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration de l’équité (Devarajan et Mottaghi, 2015). Mais la croissance économique continue d’avant la crise n’a pas bénéficié uniformément à toutes les régions du pays et ne s’est pas traduite par l’augmentation de la satisfaction de la population14. Une analyse des enquêtes en grappes à indicateurs multiples (UNICEF MICS) souligne les importantes disparités existant entre les gouvernorats syriens. L’échantillon comprenait 20 000 ménages du pays ; l’ensemble de données fournit des informations sur les biens de chaque ménage. Ces biens influencent plusieurs aspects de la vie des ménages, tels que les tâches ménagères, les transports, la communication et les services essentiels. L’indice sur les biens donne une indication des revenus disponibles des ménages ainsi que de leur accès aux services publics, tels que l’approvisionnement en eau et en électricité ou l’infrastructure de télécommunication. La figure 2.9 indique, pour chaque gouvernorat, le pourcentage de la population appartenant au quintile le plus pauvre du pays. Les groupes les plus pauvres étaient concentrés dans les gouvernorats du nord (Hassaké et Raqqa) alors que les Syriens résidant dans ceux de Lattaquié et Sweida appartenaient essentiellement aux quintiles supérieurs. Cette répartition confirme la contribution croissante présumée des inégalités géographiques aux inégalités économiques en Syrie (Hassine 2015). Malgré l’augmentation globale des revenus moyens, les gouvernorats du nord de la Syrie restent à la traîne. Le système sanitaire syrien d’avant la guerre était caractérisé par d’importantes variations de l’état sanitaire et une répartition inégale des ressources (figure 2.10). Il était également caractérisé par l’asymétrie des résultats sanitaires, une protection financière limitée et un déficit d’infrastructures (Banque mondiale, 2015). En 2010, la Syrie avait nettement amélioré l’état sanitaire de sa population. Mais les variations régionales persistaient, les gouvernorats de Daraa et Hama obtenant les moins bons résultats sanitaires, et la couverture vaccinale variait par exemple entre 60 % à Alep et 90 % à Lattaquié (PAPFAM 2009). D’importantes variations existaient également entre les gouvernorats sur le plan de l’infrastructure sanitaire, de la densité de médecins et du nombre de lits (CBSSYR 2011). 14 À la veille du printemps arabe, la satisfaction moyenne de la vie était particulièrement faible en Syrie (Ianchovichina et al. 2015). RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 35 Figure 2.9 Pauvreté et isolement 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Source : Analyse de l’auteur des enquêtes en grappes à indicateurs multiples de l’UNICEF de 2006 Le rôle des doléances en tant que source de conflits est bien connu (Collier & Hoeffler, 2004), et la remontée du mécontentement ayant provoqué la guerre peut avoir des effets catastrophiques. On estime ainsi qu’en Irak l’absence de système judiciaire, de sécurité, de soins de santé et de services essentiels a suscité l’hostilité d’une grande partie de la population, malgré les importantes ressources financières consacrées à la reconstruction du pays (Smith, 2013 ; Strasser, 2016). L’échec des grands projets de reconstruction, malgré les 60 milliards de dollars dépensés (Londono, 2013), a engendré un climat de méfiance. Les abus et la mauvaise gestion de la passation des marchés portant sur des projets coûteux, associés à une faible prise en charge locale, ont créé un foyer de corruption et exacerbé les tensions régionales. L’absence de gouvernance inclusive et l’exclusion apparente des sunnites ont été invoquées com me responsables de la forte intensification du sectarisme et du soutien accru aux groupes armés (Strasser, 2016 ; Healy & Gordon, 2011). RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 36 Figure 2.10 Le secteur sanitaire avant la crise Services État de santé Pourcentage des lits d’hôpital (par rapport au nombre total de lits en Syrie) (2/1) Mortalité des enfants de moins de 5 ans Immunisation totale (%) (pour 1 000 naissances vivantes) Médecins par 10 000 habitants (3/1) Maladie chronique (%) Durée moyenne de séjour (jours) Pour résumer, la reconstruction de la Syrie ne peut uniquement reposer sur des projets d’infrastructure : elle doit établir les institutions inclusives nécessaires au rétablissement de la confiance et à l’apaisement des tensions sociales. Whitt (2010) estime ainsi que des liens étroits existent entre la confiance interethnique et la confiance dans les institutions, suggérant qu’ils sont essentiels à la promotion de la réconciliation. La reconstruction d’une Syrie stable passe également par la compréhension des causes profondes de la guerre civile. La violence et la longévité du conflit doivent être prises en compte dans la reconstruction d’après-guerre. Abdel Jelil et Do (2015) montrent que le régime disposait de bastions dans les régions qu’il favorisait, telles que Tartous et Lattaquié, alors qu’il ignorait les zones plus isolées comme Deir Ezzor, Raqqa et des parties de Hassaké, qui sont rapidement tombées aux mains des rebelles et de Daech. Ces zones isolées, qui correspondent aux régions productrices de pétrole de la Syrie, ont été laissées pour compte alors qu’elles contribuaient au budget de l’administration centrale. Des situations semblables, telles que le récent conflit dans le delta du Niger ou le cas du Soudan du Sud, ont alimenté l’instabilité politique. L’inclusion dans la Syrie de l’après-guerre ne doit donc pas uniquement être ethnique ou religieuse, mais aussi géographique. RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 37 Conclusion Alors que le pays entre dans sa sixième année de guerre civile, le conflit qui a tué entre 132 000 et 470 000 personnes, déplacé la moitié de la population syrienne et détruit entre 70 et 80 milliards du patrimoine national à la mi-2014 doit prendre fin. Les organisations d’aide au développement ont un rôle à jouer pour apaiser les souffrances de la population syrienne, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières. Elles ont l’envergure requise pour militer en faveur d’un plan de reconstruction exhaustif et inclusif, qui promouvra la paix aujourd’hui et la maintiendra demain. RAPPORT DE SUIVI ÉCONOMIQUE DE LA RÉGION MENA AVRIL 2016 38 Références Abdel Jelil, M., & Do, Q.-T. (2015). The Middle Class and the Syrian Civil War. Working paper. Abdi, A. M. (2005). In Limbo: Dependency, Insecurity, and Identity amongst Somali Refugees in Dadaab Camps. Refuge: Canada's Journal on Refugees. 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