Mobiliser la diaspora de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord pour promouvoir l'intégration économique et l'entrepreneuriat Mariem Mezghenni Malouche, économiste senior, Banque mondiale Sonia Plaza, économiste senior, Banque mondiale Fanny Salsac, Consultante « Les diasporas font partie du monde depuis des millénaires. Aujourd'hui, deux changements les rendent beaucoup plus importantes. Premièrement, elles sont beaucoup plus grandes que par le passé… Si les migrants formaient un pays, ce pays serait le cinquième plus grand du monde, avec une population légèrement supérieure à celle du Brésil, et légèrement inférieure à celle de l'Indonésie. Deuxièmement, grâce aux transports aériens bon marché et aux communications, les membres de la diaspora peuvent rester plus facilement en contact avec leurs pays d'origine. Les réseaux de la diaspora présentent trois vertus lucratives. Premièrement, ils accélèrent les flux d’informations transfrontaliers... Deuxièmement, ils favorisent l’émergence d’un climat de confiance… Troisièmement, et surtout, ils créent des liens qui aident les gens qui ont de bonnes idées à collaborer tant avec leurs propres compatriotes qu'avec les étrangers. » The Economist, 19 novembre 2011 Pourquoi les pouvoirs publics et les partenaires de développement devraient-ils mobiliser la diaspora de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) ? La diaspora de la région MENA peut devenir un outil et un partenaire important des pouvoirs publics et des institutions d’aide au développement dans la promotion de la coopération, du développement, de la mondialisation, de l'intégration régionale et de l'entrepreneuriat dans cette région. Ses membres, en particulier les professionnels et les travailleurs qualifiés, représentent un capital humain essentiel pour leurs pays d'origine et pour l'ensemble de la région. Selon les données officielles des Nations Unies, environ 20 millions de ressortissants de la région MENA résident à l’étranger, ce qui représente 5 % de la population totale de la région — une proportion beaucoup plus grande que la moyenne mondiale (voir en annexe la définition de la diaspora). La mobilisation de un pour cent seulement de la diaspora de la région MENA permettrait de tirer profit de l'expérience et du réseau de 200 000 professionnels, ce qui est non négligeable. Les actions de quelques-uns pourraient faire une différence. La région MENA est l'une des régions les moins intégrées du monde, caractérisée par la faiblesse des investissements du secteur privé et de l'entrepreneuriat, et par un taux de chômage élevé (même chez les jeunes diplômés). Les échanges entre les pays de la région sont en outre très peu développés, et la région attire moins d'investissements directs étrangers (IDE) que les autres. Peu de pays de la région MENA envisagent la possibilité de mobiliser leur diaspora de professionnels et de travailleurs qualifiés, et peu de mécanismes sont en place pour faciliter le rôle de vaste portée que peut jouer cette diaspora. Ce rapport a pour objet d'attirer l'attention sur cette richesse potentielle et de promouvoir le renforcement des liens avec la diaspora des pays de la région MENA. Il ne traite pas des questions liées aux avantages du retour des membres de la diaspora dans leurs pays ni des mesures mises en œuvre pour les inciter à rentrer dans leur pays d’origine, à y investir, à créer des emplois ou à travailler dans la fonction publique. Ce rapport vise plutôt à examiner les moyens de tirer parti des professionnels et des travailleurs qualifiés expatriés qui peuvent venir en aide à leurs pays d'origine autrement que par le transfert de fonds. La diaspora de la région MENA peut transférer des fonds et leurs connaissances, stimuler les échanges, promouvoir l'investissement et créer des opportunités d’affaires, améliorer le contrat social, et contribuer à atténuer la crise des réfugiés. Traditionnellement, les pouvoir publics ont considéré l'émigration comme une ressource positive pour l'économie nationale pour trois raisons : 1) elle réduit les pressions exercées sur le marché du travail local en périodes de chômage élevé ; 2) elle réduit la pauvreté grâce aux transferts de fonds qui contribuent, dans certains pays, au financement des infrastructures, hôpitaux et autres établissements du même type ; 3) elle favorise le transfert des connaissances et du savoir-faire des autre pays. Par ailleurs, des données empiriques et des exemples historiques indiquent l'importance des membres de la diaspora dans la promotion de l’entrepreneuriat et le développement des exportations de leurs pays d'origine (Ghatak et al., 2009 ; Felbermayr et Toubal, 2008 ; Morgenroth et O’Brien, 2008 ; Dolman, 2008 ; Tadesse et White, 2011). Les membres de la diaspora sont en outre plus susceptibles que les étrangers d'investir dans leurs pays d’origine, même lorsque ces derniers se caractérisent par un climat des affaires déficient et une gouvernance problématique, puisqu'ils tendent à avoir une connaissance plus profonde du contexte économique et des pratiques locales. Dans les pays où l'État de droit est fragile — c'est-à-dire dans la plupart des marchés émergents — la conduite des affaires avec des étrangers risque de poser plus de difficultés. Les liens personnels facilitent ce processus. Les membres de la diaspora peuvent contribuer à jeter des ponts afin de faciliter l'accès aux marchés étrangers et y établir des contacts professionnels. Le savoir se répand au rythme des migrations. Au-delà des flux financiers évidents dont font état les médias, la pertinence économique des diasporas s'appuie sur l'échange de connaissances. La diaspora constitue une importante source de transfert de connaissances. Ricardo Hausmann élabore sur cette idée du cerveau humain assimilé à un réservoir de savoir-faire, et conseille aux pays en développement de mettre l'accent sur les moyens de les attirer, au lieu de dresser des barrières contre l'immigration des travailleurs qualifiés (Hausmann, 2015). La rapidité de l'industrialisation de l'Asie de l'Est est attribuable en grande partie à l'activité économique de la communauté chinoise à l’étranger. Le même phénomène s'observe en Inde, où la croissance fulgurante de l'industrie de la haute technologie est attribuable aux liens durables entretenus avec les migrants indiens et même aux membres de la diaspora qui sont rentrés au pays. La diaspora peut en outre représenter un puissant moteur de changement et de promotion d'un nouveau contrat social puisqu'elle se montre souvent favorable à l'ouverture, à la concurrence et à une démocratie de meilleure qualité. Les personnes qui vivent dans des pays démocratiques où règne l'État de droit ont tendance à appliquer des normes plus rigoureuses et à afficher des aspirations plus ambitieuses que leurs compatriotes et les membres de leur famille restés au pays. Sous les dictatures, les diasporas, comme beaucoup d'autres groupes de la société civile, sont tenues à l’écart afin d'éviter toute ingérence. Beaucoup de membres de la diaspora tournent aussi le dos à leur pays d'origine, plusieurs aspirant à une vie plus libre et ne se montrant pas particulièrement disposés à maintenir des liens étroits avec leur pays. Cependant, le vent de liberté qui souffle sur les pays de la région MENA depuis 2011 a encouragé plusieurs membres de la diaspora à jouer un rôle actif dans le processus de changement engagé. La transition en cours dans la région offre l'occasion aux pouvoirs publics et aux partenaires de développement de s'engager avec les membres de la diaspora dans la mise en œuvre du programme de développement économique de leurs pays d'origine. Les membres de la diaspora interrogés dans le cadre de l’enquête ont exprimé un degré relativement élevé de défiance à l’égard des institutions de leur pays d’origine et appelé de leurs vœux un nouveau contrat social entre les autorités et les ressortissants vivant à l’étranger. Enfin, la diaspora de la région MENA constitue une mine d'or puisqu'elle peut également jouer un rôle de catalyseur important pour atténuer la crise des réfugiés qui s'est récemment intensifiée dans la région. Dans son discours prononcé à l'occasion de la Semaine mondiale des diasporas, le secrétaire d'État américain John Kerry a mentionné quelques exemples où la diaspora avait joué un rôle essentiel dans la lutte contre des crises humanitaires urgentes. C’est le cas notamment des médecins syro-américains de la Société médicale américano-syrienne qui consacrent leur temps et mettent à disposition leurs compétences à l’appui du travail des cliniques dans le camp Za’atari de Jordanie, et fournissent des conseils et des services sociaux aux femmes et aux enfants chaque fois que c'est possible en Syrie. Lors de l'épidémie de fièvre Ébola, la diaspora de la Sierra Leone, du Libéria et de la Guinée a réagi rapidement en envoyant d'urgence des fournitures médicales, des aliments et de l'argent, et, souvent, en multipliant les contacts personnels pour favoriser l'instauration de pratiques optimales et éviter la propagation de la maladie (Département d’État américain, 9 octobre 2015). Le présent rapport insiste sur la nécessité de mobiliser les professionnels et les travailleurs qualifiés de la diaspora de la région MENA. Il examine les conclusions d'une initiative singulière de consultation de la diaspora et propose un ensemble de recommandations concrètes. Il insiste dans un premier temps sur les liens qui existent entre la diaspora et le commerce, les investissements et le transfert de connaissances en s'appuyant sur la documentation spécialisée et sur des exemples concrets. Il décrit ensuite les efforts de consultation déployés et le profil des membres de la diaspora interrogés. Il présente enfin les principales conclusions de l'enquête menée auprès de la diaspora de la région MENA portant sur quatre grands volets : i) action générale, ii) intérêt pour l'investissement, iii) commerce, et iv) rôle des institutions. Le rapport présente, en guise de conclusion, un ensemble de recommandations. I. Diaspora, commerce, investissement et transfert de connaissances La région MENA peut tirer parti d'un vaste bassin de ressortissants résidant à l’étranger. Le groupe le plus nombreux de ces émigrants, en valeur absolue, dépassait de loin un million de personnes en 2014 ; il se compose de Palestiniens, d'Égyptiens, de Marocains et d'Algériens (figure 1A). Dans certains pays, ces émigrants représentent une part importante de la population (par exemple, au Liban et en Palestine). Une définition plus large de la diaspora incluant les membres de la deuxième et de la troisième génération augmenterait ce nombre, en particulier dans des pays comme le Liban, qui fait état d'une diaspora de 5 millions de personnes. L'examen des effets de la diaspora a surtout porté sur les transferts de fonds, qui ont atteint au total 436 milliards de dollars en 2014. Les fonds transférés par la diaspora de la région MENA pendant la même année ont atteint quelque 53 milliards de dollars. Dans des pays comme le Liban et la Jordanie, ces fonds représentaient plus de 10 % du PIB national (figure 1B), soit bien plus que ce que ces pays consacrent à l'éducation, à la santé et à la défense. La diaspora est une source importante de devises dans les pays en développement et assure la subsistance de dizaines de millions de familles pauvres. Figure 1A : Plus de 18 millions de membres de la diaspora de la région MENA dans le monde Source : Base de données de la Division de la population de l’Organisation des Nations Unies Figure 1B : Les pays de la région MENA dépendent des envois de fonds des travailleurs émigrés Globalement, on s’attendait à ce que les transferts de fonds vers la région MENA depuis l'étranger augmentent au cours des trois prochaines années, quoiqu'à un rythme moins soutenu (Banque mondiale, 2015), mais selon les estimations, ils ont accusé une baisse de 0,9 % en 2015. Cette révision à la baisse est principalement due à un ralentissement de la croissance des transferts de fonds vers l’Égypte, le plus important bénéficiaire d’envois de fonds de la région, alors que ceux destinés à l'Arabie saoudite ont continué d'afficher une croissance de 7 % jusqu'au troisième trimestre de 2015. La hausse estimée des envois de fonds au Liban est peut-être attribuable en partie aux fonds acheminés aux réfugiés Syriens qui se trouvent dans ce pays, ainsi qu'à l'amélioration de la situation économique de pays d'accueil comme les États-Unis. Les envois de fonds des travailleurs émigrés représentaient au moins 5 % du PIB des pays de la région MENA importateurs de pétrole et du Yémen en 2013. En 2016 et en 2017, les envois de fonds dans la région MENA devraient afficher une croissance limitée et sensiblement plus lente que dans toutes les autres régions. L’évolution de l’économie dans la zone euro et la dépréciation de l'euro par rapport au dollar continueront à court terme à freiner la croissance des envois de fonds dans les pays du Maghreb. La baisse des prix du pétrole et les politiques de nationalisation mises en œuvre en Arabie saoudite engendrent des risques de ralentissement à moyen et à long terme des afflux de fonds à destination des pays du Mashreq (Yémen, Égypte, Jordanie) qui reçoivent des envois substantiels de fonds des pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) (Note d’information sur les migrations et le développement n° 26). Malgré l'importance qu'ils revêtent, les transferts de fonds constituent un prisme très étroit pour appréhender tous les effets de la diaspora sur le développement et l’atténuation de la pauvreté dans les pays d'origine des migrants. L'attention s'est donc récemment déplacée de l'analyse de l'effet des migrations de travailleurs qualifiés sur le marché du travail des pays d'origine pour couvrir un cadre plus large qui prend aussi en considération les voies par lesquelles les diasporas favorisent les échanges, l'investissement, l'innovation et les progrès technologiques. Beaucoup de pays développés ou en développement s'emploient à renforcer leurs liens avec leur diaspora pour tirer parti de ces transferts. Contrairement aux pays qui ne peuvent compter que sur une diaspora limitée et éparse, ceux qui entretiennent des liens étroits avec une vaste diaspora ont intérêt non seulement à compter sur l'aide de leur diaspora lorsqu'ils traversent une période difficile (les envois de fonds tendent par exemple à constituer une source stable de devises), mais également à tirer parti de l'effet multiplicateur sur la croissance des échanges et le resserrement des liens d'investissement lorsque leurs réformes sont fructueuses ou que les conditions sont favorables. La documentation récente et croissante sur la diaspora fournit de très nombreuses preuves du rôle important qu'elle joue dans l'intégration internationale et la promotion de l’entrepreneuriat (Ghatak et al., 2009 ; Felbermayr et Toubal, 2008 ; Morgenroth et O’Brien, 2008 ; Dolman, 2008 ; Tadesse et White, 2011). Les membres de la diaspora sont plus susceptibles que les étrangers d'investir dans leurs pays d’origine, même lorsque ces derniers se caractérisent par un climat des affaires déficient et une gouvernance problématique, puisqu'ils tendent à avoir une connaissance plus intime du contexte économique et des pratiques locales. Une étude a conclu à l'existence d'un lien non négligeable entre une vaste diaspora et une plus forte intensité des échanges bilatéraux entre les pays d'origine et de destination (figure 1C), et montré que cet effet est beaucoup plus prononcé lorsque les échanges visent des produits hétérogènes et différenciés que lorsqu'ils concernent des produits homogènes comme les produits primaires (Rauch et Trindade, 2002). Ces résultats donnent à penser que les liens entretenus avec la diaspora peuvent aider à atténuer l’effet des asymétries d’information et à surmonter les barrières non tarifaires qui entravent le commerce. Dans le même ordre d'idées, on a constaté que les membres de la diaspora sont plus étroitement associés à l'augmentation de l'intensité des flux d’investissement internationaux — plus particulièrement les flux d'IDE bilatéraux — qu'aux investissements de portefeuille (plus homogènes et moins tributaires de l'information) (Leblang, 2010). Enfin, de nombreuses études ont mené à conclure qu'une vaste diaspora est le facteur qui influe le plus sur les flux bilatéraux de migration (Cuaresma et al., 2013), soulignant ainsi l’importance des réseaux dans les migrations ainsi que leur effet cumulatif. Figure 1C : Les migrations et le commerce vont de pair Source : Ratha et al (2011), et Hirschman et al (2009) Plusieurs faits anecdotiques illustrant l'importance que joue la diaspora dans l'aide au développement des exportations viennent étayer les résultats des études empiriques systématiques. Les exemples les plus évidents des effets de la diaspora sur le commerce international s'observent en Chine, pays caractérisé par ses vastes collectivités d'expatriés à travers l’Asie de l’Est, aux États-Unis et, de plus en plus, en Afrique et dans une grande partie du monde en développement (Rauch et Trindade, 2002). La revue The Economist fait état d'un certain nombre d'exemples similaires (The Economist, 2011, 2013, 2015). Les expatriés nigériens achètent beaucoup de produits venant de leur pays d'origine. Par exemple, ils apprécient les films produits à Nollywood et des aliments préemballés familiers comme les cubes d'assaisonnement Maggi. Ceux fabriqués au Nigéria contiennent du soja fermenté, qui leur rappelle la cuisine Hausa du nord du pays, et sont vendus dans les supermarchés britanniques (The Economist, 2015). Les membres de la diaspora servent aussi d'intermédiaires pour les étrangers qui souhaitent faire des affaires dans certains pays. Une étude de William Kerr et Fritz Foley (2012) a montré que les entreprises américaines qui emploient de nombreux citoyens d'origine chinoise peuvent s'établir beaucoup plus facilement en Chine sans avoir à collaborer avec des entreprises locales. Hong Kong et Singapour, avec leurs fortes concentrations de Chinois d'outre-mer, sont les sources les plus importantes d'IDE en Chine. Bien que la plupart de ces liens se soient tissés spontanément, les autorités chinoises et les entreprises publiques ont joué un rôle de plus en plus actif au cours des récentes années dans l'établissement de liens avec des pays riches en ressources naturelles importantes pour la Chine. Il n'est pas certain que la diaspora chinoise joue un rôle important dans l'établissement de ces nouveaux liens, mais il est probable que la création de nouvelles concentrations d'expatriés chinois dans les pays du monde en développement favorisera les échanges et l'IDE réciproques. Il existe des exemples probants du rôle joué par les diasporas dans le développement d'industries particulières dans leurs pays d'origine, avec ou sans l'aide de l'État. L'exemple le plus souvent mentionné est celui du développement de l'industrie indienne des technologies de l'information (IT), qui emploie aujourd'hui quelque 3,5 millions de personnes et représente une large portion des exportations indiennes, lesquelles ont abondamment tiré parti des échanges réciproques de talents, de flux financiers, d'idées et de contacts entre Bangalore et la diaspora indienne de la Silicon Valley et d'autres couloirs technologiques des États-Unis. L'industrie indienne des technologies de l'information et ses liens avec la diaspora se caractérisent en particulier par l'absence de toute intervention importante des pouvoirs publics, exception faite du financement public d'établissements d'enseignement de haut niveau comme l'Institut indien de technologie. À Taïwan, Morris Chang, un directeur d'entreprise expatrié revenu des États-Unis, est largement reconnu pour son rôle dans la mise en place de l'industrie taïwanaise des semi- conducteurs avec l'aide systématique de l'État. D'autres exemples de secteurs où l'État a joué un rôle actif comprennent notamment l'industrie coréenne de la perruque, qui doit en grande partie son essor aux liens qu'elle a forgés avec des Coréens expatriés aux États-Unis et à l'aide publique dont elle a bénéficié. Noland et Pack (2007) ont analysé dans quelle mesure les communautés arabes d'Amérique du Nord et d'Europe peuvent jouer un rôle semblable à celui des diasporas asiatiques dans la revitalisation du Moyen-Orient. Ils concluent qu'il sera difficile pour les pays arabes de concurrencer l'Inde, les Philippines ou la Chine sur le plan de l'accès à des travailleurs hautement qualifiés maîtrisant la langue anglaise. En effet, la communauté arabe d'Amérique du Nord est relativement petite et constituée principalement d'Égyptiens et de Libanais. Ceux qui vivent en Europe occidentale jouissent de l'avantage de la proximité de leur pays d'origine, mais ils ont tendance à être moins qualifiés. La diaspora de la région MENA peut malgré tout contribuer en créant des débouchés, en instaurant une collaboration entre les entreprises américaines et celles du Moyen-Orient et du monde arabe, en créant des occasions de mentorat, en offrant une aide à la gestion stratégique et en fournissant des informations sur les normes, la technologie et la qualité qui aideront les entreprises à soutenir la concurrence mondiale (Plaza, 2011). Certains exemples observés dans la région MENA méritent d'être pris pour modèles. Un important investissement réalisé récemment par la société canadienne Bombardier pour la construction de pièces d'aéronefs au Maroc, facilité et encouragé par l'État marocain, serait semble-t-il largement redevable aux contacts qu'un expatrié marocain occupant un poste de haut niveau au sein de la société Boeing avait établis (Wall Street Journal, 2012). Les liens personnels peuvent faciliter le commerce mondial (encadré 1a). Encadré 1a : Les liens personnels peuvent faciliter le commerce mondial Chike Obidigbo dirige à Enugu (Nigéria) une usine qui fabrique du savon et d'autres produits ménagers. Il a besoin de machines pour le malaxage de l'huile de palme et des substances chimiques, le moulage des pains de savon et leur emballage sous pellicule de plastique. Il a opté pour de l'équipement chinois dont la qualité est selon lui inférieure à celle des machines européennes, mais qui est beaucoup moins cher. Cependant, il est difficile pour une entreprise nigérienne de faire des affaires en Chine. M. Obidigbo ne parle pas chinois, et il n'a pas les moyens de se rendre de l'autre côté du monde chaque fois qu'il a besoin d'acheter une nouvelle machine. Pire encore, si quelque chose vient à faire défaut, il y a fort à parier que ni les autorités chinoises, ni les autorités nigériennes ne pourront lui être d'un grand secours. Malgré tout, l'entreprise de M. Obidigbo, Hardis and Dromedas, se débrouille passablement bien grâce à l'aide d'intervenants de la diaspora africaine. Lorsqu'il souhaite inspecter une machine vue sur l'Internet, il demande à un agent de sa tribu, les Igbos, qui vit en Chine, de s'en charger. Il a rencontré plusieurs personnes de ce genre lors de foires commerciales. « Lorsqu'on entend des gens parler la langue Igbo à l'extérieur du Nigéria, il faut prendre la peine de les saluer », conseille-t-il en riant. Il fait confiance à ces intermédiaires en partie parce qu'ils partagent la même ethnie, mais surtout parce qu'un « ambassadeur » Igbo au Guangdong se doit de soigner sa réputation. Si un intermédiaire triche un Igbo, tous les autres qui achètent de la machinerie au Guangdong seront rapidement mis au courant ; les nouvelles vont vite avec le bouche à oreille de la diaspora. Grâce en partie aux contacts qu'entretient M. Obidigbo avec la diaspora, Hardis and Dromedas prospère. Elle emploie 300 travailleurs et maintient un chiffre d'affaires annuel d'environ 300 millions de naira (2 millions de dollars). Par ailleurs, elle est loin d'être la seule entreprise africaine dont les migrants sont les yeux et les oreilles en terres étrangères. Le nombre d'Africains vivant en Chine est passé d'à peine une poignée, il y a deux décennies, à des dizaines de milliers aujourd'hui. Une zone de Guangzhou accueille aujourd'hui une telle concentration de commerçants africains qu'elle est connue des Chinois sous le sobriquet de « Qiao-ke-li Cheng » (ville-chocolat). Source : The Economist, 2011 La diaspora est une source précieuse de transfert de connaissances. Ricardo Hausmann élabore sur cette idée du cerveau humain assimilé à un réservoir de savoir-faire et conseille aux pays en développement de mettre l'accent sur les moyens de les attirer, au lieu de dresser des barrières contre l'immigration des travailleurs qualifiés. Le savoir se répand au rythme des migrations (Hausmann, 2015). La rapidité de l'industrialisation de l'Asie de l'Est est attribuable en grande partie à l'activité économique des collectivités chinoises d'outre-mer. Le même phénomène s'observe en Inde, où la croissance fulgurante de l'industrie de la haute technologie est attribuable aux liens durables entretenus avec les migrants indiens, et même aux membres de la diaspora qui sont rentrés au pays. Les membres de la diaspora peuvent même fournir aux entreprises de leur pays d'origine un accès à la technologie et aux nouvelles compétences par le biais des associations professionnelles, des collaborations temporaires d'expatriés qualifiés dans leurs pays d'origine, de l'apprentissage à distance et de migrants revenant au pays armés de nouvelles compétences. Par ailleurs, l'émigration rehausse le niveau de compétences nationales puisque l'espoir de décrocher un emploi bien rémunéré et assorti de bonnes conditions de travail à l'étranger encourage les habitants à s'inscrire dans les écoles professionnelles. Il est aussi possible de mesurer la « matière grise » de la diaspora à l'aide d'un indicateur qui compare le nombre de brevets scientifiques et techniques déposés par les émigrants et les résidants. Selon cette mesure, la Grande-Bretagne, le Canada, la Chine, l'Allemagne et l'Inde peuvent compter sur les diasporas les plus talentueuses, même si les migrants de pays africains comme le Ghana et le Nigéria sont les plus accomplis par rapport aux populations de leurs pays d'origine. Entre 2007 et 2012, les expatriés ont enregistré plus de 90 % des brevets déposés par des personnes natives de ces pays. Dans la région MENA, les émigrants sont responsables de la plupart des brevets déposés par des ressortissants de cette région. Par exemple, au Maroc, la diaspora est à l'origine des trois quarts environ des 844 brevets enregistrés entre 2001 et 2010 ; ce rapport s'établit à 80 % en Tunisie (sur un total de 743 brevets) et à 77 % en Roumanie (sur un total de 3 360 brevets) (figure 1D). Les ressortissants turcs résidant au pays ont été à l'origine des deux tiers des brevets enregistrés pendant la même période, démontrant ainsi l'existence d'une plus grande capacité au sein même du pays. Les pays de la région MENA riches en pétrole attirent beaucoup d'immigrants. Une partie d'entre eux sont peu qualifiés, mais d'autres sont très instruits et sont responsables d'une forte proportion des brevets enregistrés dans ces pays. Figure 1D : Proportion des brevets enregistrés par des émigrants, des immigrants et des résidants Source : auteurs utilisant les données de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) Les liens tissés avec la diaspora favorisent la collaboration des entreprises et des scientifiques. Une analyse des données sur les demandes de brevets d'entreprises américaines réalisée par Foley et Kerr (2012) laisse constater l'existence d'un lien entre la hausse de la proportion des innovations des inventeurs appartenant à un groupe ethnique particulier et l'intensité des activités menées par les entreprises dans les pays où se trouvent ces groupes. De plus, les innovateurs issus de groupes ethniques étrangers permettent aux entreprises américaines de créer de nouvelles filiales à l'étranger sans l'aide de coentreprises locales. Par ailleurs, une étude de la Royal Society (2011) montre que la collaboration scientifique internationale est de plus en plus fréquente, qu'elle dépend dans une large mesure de chercheurs entretenant des liens avec la diaspora, et qu'elle semble conduire à de plus grandes avancées scientifiques (lorsqu'on utilise en guise de mesure approximative la fréquence des citations des articles scientifiques par les pairs). Un article chinois écrit en collaboration avec un chercheur installé aux États- Unis est cité trois fois plus souvent qu'un article écrit en Chine sans collaboration de l'extérieur. II. Enquête auprès de la diaspora de la région MENA La présente analyse s'appuie principalement sur des informations et des données recueillies à partir de 827 réponses valides (sur un total d'environ 1 000) fournies à l'occasion d'une enquête en ligne et de groupes de réflexion organisés avec certains segments particuliers de la diaspora (voir l'annexe pour plus de détails sur la méthodologie). Cette enquête est la plus vaste à avoir jamais été réalisée auprès de la diaspora de la région MENA. Elle est restée accessible en ligne pendant neuf mois, de mai 2014 à mars 2015. Elle avait pour objectif d’atteindre un groupe diversifié de membres de la diaspora (géographie, âge, sexe, profession, revenu). L'analyse était étayée par des rencontres de groupes plus structurées en face-à-face organisées avec plus de 150 membres de la diaspora et par des entrevues individuelles menées auprès de 40 dirigeants d'entreprises ou leaders d'opinion de pays de la région MENA vivant surtout aux États-Unis et en France. L'enquête en ligne a été largement diffusée par le biais de réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et LinkedIn, et de comptes professionnels (par exemple, comptes de la Banque mondiale ou du Centre pour l'intégration en Méditerranée) ou personnels (membres d'équipe, collègues, amis et parents), et visait les listes de diffusion de bulletins d’information ou d'associations de la diaspora ainsi que diverses institutions telles que les ambassades et les partenaires de développement intéressés aux enjeux relatifs à la diaspora. L'équipe d'analyse a par exemple contacté les ambassades du Liban et de la Tunisie aux États-Unis, l'Organisation internationale pour les migrations à Rabat, au Caire et à Tunis, certaines universités (par exemple, la Lebanese American University de New York) et des associations telles que l'Association internationale de la diaspora algérienne. L'expérience a conduit à conclure que les deux approches les plus efficaces étaient celle fondée sur les contacts personnels (les gens sont plus disposés à répondre à des questionnaires lorsqu'ils entretiennent déjà un lien quelconque avec l'auteur de ce questionnaire ou la personne qui le transmet), et celle fondée sur la communication avec des consulats, par l'intermédiaire des administrations centrales. La présente étude se distingue par ailleurs des autres études du même genre par sa portée. La plupart des études portant sur la diaspora mettent l'accent sur les retours d'information des membres de la diaspora sur des questions particulières — par exemple, un instrument d'investissement particulier — tandis que la présente analyse a été plutôt conçue pour examiner la nature de l'engagement économique de la diaspora de la région MENA. Elle a par conséquent adopté une perspective plus large et a mis l'accent sur l'intérêt manifesté par les membres de la diaspora à contribuer à l'intégration économique de leur pays d'origine par trois moyens principaux : l'investissement, le commerce et le transfert des compétences. Elle a enfin recueilli des informations sur la façon dont les participants percevaient les principaux obstacles de l'environnement commercial, les accords de libre-échange et le rôle joué par les pouvoirs publics et les institutions de développement auprès de la diaspora. Les résultats de cette vaste consultation ont mis en lumière l'engagement de la diaspora de la région MENA à un moment crucial, au lendemain du Printemps arabe, marqué dans beaucoup de pays de la région par un bouleversement du contexte sociopolitique. La transition de certains pays d'un régime dictatorial à la démocratie a ouvert un espace plus propice à la participation de divers intervenants, y compris les membres de la diaspora. En conséquence, notre étude a permis de saisir comment les membres de la diaspora perçoivent la situation économique de leurs pays d'origine et de définir le rôle qu'ils peuvent jouer dans ce contexte. Avant de proposer une interprétation des résultats recueillis, il convient de formuler un certain nombre de mises en garde. La nature technique des questions risque d'avoir posé des difficultés pour les personnes interrogées qui ne possédaient pas les connaissances nécessaires pour comprendre clairement les instruments de développement économique ou d'investissement, et empêché certains d'entre eux de participer à l'enquête. La longueur de l'enquête risque aussi d'avoir découragé certains participants potentiels. Enfin, les personnes qui ont accepté de participer étaient vraisemblablement déjà engagées et intéressés au développement économique de leur pays d'origine, ce qui risque d'avoir induit une surestimation du degré d'engagement et des comportements favorables au commerce et aux investissements. En même temps, les personnes interviewées sont au cœur même du développement de la diaspora. Elles peuvent nous aider à comprendre comment tirer parti de leurs ressources, de leur temps et de leurs aptitudes. S'agissant de la question portant sur l'engagement, qui souligne l'importance pour les membres de la diaspora d'être disposés à consacrer argent, temps et connaissances à leurs rapports avec leur pays d'origine, il est difficile de déterminer dans quelle mesure certains d'entre eux risquent d'avoir exagéré lorsqu'ils ont fait état de leur souhait d'investir, décrit leur désir de donner en retour à leur pays, et ainsi de suite, par souci de conformité aux normes sociales (biais d'acceptabilité sociale). Profil des répondants à l'enquête menée auprès des membres de la diaspora de la région MENA Soixante-dix pour cent des personnes ayant répondu à l'enquête étaient originaires du Maghreb, et une grande proportion de ces dernières étaient des Tunisiens résidant à l’étranger (figure 2A). Les autres étaient pour la plupart originaires du Liban ou d'Égypte. Seuls quelques-unes étaient originaires de pays du CCG et du Yémen. Les Tunisiens étaient particulièrement désireux de participer aux groupes de réflexion. Cet empressement pourrait être attribuable à la transition démocratique qu'a connue la Tunisie, et de la plus grande liberté d'expression qui en a découlé — un des gains importants du Printemps arabe dans ce pays. Sous le régime du Président Ben Ali, certains membres de la diaspora préféraient demeurer discrets pour éviter d'être associés au régime, ou d'en subir l'ire. Ces craintes ont été expressément mentionnées lors des discussions de groupe où la plupart des participants ont exprimé leur désir de contribuer activement à la transition sociale, économique et politique de la Tunisie. Les personnes sondées résidaient pour la plupart en France ou aux États-Unis (un tiers du total dans chaque pays). Quinze pour cent résidaient dans la région MENA, mais à l'extérieur de leur pays d'origine, et 3% vivaient dans le Maghreb (figure 2b). Elles étaient pour la plupart tunisiennes (41 %) et marocaines (17 %). L'échantillon était d'une manière générale constitué de jeunes professionnels (63 % de personnes âgées de 25 à 44 ans), la « diaspora de nouvelle génération » (25 à 34 ans) représentant le tiers des personnes interviewées (figure 2C). L'échantillon était composé aux deux tiers de personnes de sexe masculin (figure 2D) alors que les femmes sont surreprésentées dans la plupart des enquêtes et ont tendance à répondre plus volontiers aux questions que les hommes. La plupart des personnes questionnées étaient instruites, 72 % d'entre elles étant titulaires d'une maîtrise ou d'un diplôme équivalent (figure 2E). Elles travaillaient en majorité dans le secteur privé (32 %) ou au sein d'institutions internationales de développement (29 %) (figure 2F). Les résultats obtenus étaient semblables à ceux de l'enquête DiaMed (DiaMed, 2014) dont l'échantillon était composé dans une proportion de plus de 66 % de personnes hautement qualifiées (titulaires au minimum d'une maîtrise). Figure 2A : Les personnes ayant répondu à l’enquête sur la région MENA étaient principalement originaires du Maghreb Figure 2B : Les personnes ayant répondu à l’enquête sur la région MENA résidaient pour la plupart en France ou aux États-Unis Figures 2C et D : Profil de la diaspora de la région MENA, âge et sexe Figures 2E et F : Profil de la diaspora de la région MENA : degré d'instruction et emploi III. Engagement de la diaspora de la région MENA L'enquête a essentiellement conduit à conclure que les membres de la diaspora de la région MENA souhaitent se rendre utiles et restent engagés auprès de leurs pays d'origine, et en particulier de leur ville natale. Quatre-vingt-cinq pour cent des personnes interviewées se sont déclarées disposées à donner en retour à leur pays d'origine ce qu’il leur a apporté (« Giving back to my country of origin is important to me ») (figure 3A). Les participants aux réunions de groupes de réflexion ont exprimé le même sentiment et affiché à ce propos beaucoup d'enthousiasme et de détermination. La question n'était pas de savoir si les sujets souhaitaient s'engager, mais plutôt de déterminer comment ils comptaient s'y prendre. Les hommes avaient tendance à se montrer plus engagés, intégrés et désireux de contribuer, tandis que les femmes se montraient plus étroitement liées à leur pays d'origine. Pendant les discussions de groupe, les liens entretenus avec la ville natale sont apparus clairement. Le désir de contribuer et d'aider tenait plus au désir de venir en aide aux parents et amis, dans leur ville d'origine, qu'à la volonté d'aider le pays d'origine, une notion plus abstraite qui reflète en outre un sentiment patriotique. La diaspora appelle de ses vœux une décentralisation des politiques ; les autorités locales devraient concentrer leur attention sur les membres de la diaspora originaires de leurs villes respectives. Les membres de la diaspora de la région MENA se montrent surtout prêts à investir du temps pour partager leur savoir, à favoriser un renforcement des compétences personnelles dans leurs pays d'origine et à envoyer des fonds. Ils ont le sentiment qu'il existe un écart important en matière d'éthique et de culture entrepreneuriale entre la diaspora et les professionnels et entrepreneurs locaux. Ils ont aussi du mal à s'adapter aux pratiques commerciales et aux normes culturelles en vigueur dans leur pays d’origine, bien que ce sentiment se traduise par un désir plus grand d'engagement et de partage de leurs connaissances et de leur expérience avec leurs compatriotes pour les aider à renforcer leurs compétences personnelles, à accroître leur confiance en soi et à promouvoir le travail d'équipe. Lorsqu'on leur demande de classer par ordre d'importance leurs trois façons de s'engager, les membres de la diaspora de la région MENA mentionnent le mentorat individuel (34 %), l'action bénévole (26 %) et l'envoi de fonds à des œuvres charitables (34 %). Les options d'investissement se classent beaucoup plus loin dans leurs priorités, peu importe qu'elles visent la propriété ou l'entreprise. Figure 3A : Les membres de la diaspora de la région MENA sont très attachés à leur pays d'origine Ces aspirations ne se traduisent pas toutes en gestes concrets. Le tiers seulement des personnes questionnées ont déclaré participer à une activité de transfert des compétences (figure 3B). De ce nombre, 61 % ont fait du mentorat, 57 % ont participé à des recherches conjointes, et 30 % ont fait de la formation. Outre le désir de se conformer aux normes sociales ou de faire bonne impression (biais d'acceptabilité sociale), d'autres obstacles peuvent servir à expliquer cette réticence à l'engagement. Le manque de temps est la raison la plus souvent invoquée (45 %), alors que 27 % des personnes questionnées mentionnent les autres choix présentés dans le questionnaire (manque d’informations, obligations réglementaires). Figure 3B : Activités de transfert de compétences Le désir d'engagement est puissant malgré les préoccupations suscitées par la faiblesse du cadre juridique, l'instabilité politique et macroéconomique, et la défiance à l'égard des pouvoirs publics et des institutions des pays de la région MENA (figure 3C). Les membres de la diaspora ont souvent choisi de s'expatrier pour échapper à la mauvaise gouvernance, à l’absence de perspectives économiques et aux régimes autocratiques et pour rechercher la liberté d'entreprise et la transparence. Ils ont tendance à se montrer critiques des autorités politiques de leurs pays d'origine, même s'ils sentent qu'ils ont un rôle à jouer pour atténuer les conséquences des échecs des États. Ils ont la responsabilité d'inspirer et de proposer de nouvelles idées et des opportunités à leurs compatriotes restés au pays. La défiance à l'égard des institutions influera sur la nature de leur engagement. Figure 3C : Défiance à l'égard des politiques et institutions gouvernementales Le facteur qui incite plus que tout autre les membres de la diaspora à s'engager est le sentiment d'appartenance au pays d'origine. Lorsqu'on leur a demandé de nommer la réforme qui les pousserait à accroître leur engagement envers leur pays d'origine, les participants des groupes de réflexion ont été presque unanimes à souhaiter que les pouvoirs publics de leurs pays respectifs les accueillent comme des partenaires et des intervenants capables de contribuer au développement de l'économie nationale autrement que par l'envoi de fonds. L'exemple le plus frappant de ce sentiment vient de certains membres de la diaspora libanaise qui ont fait savoir qu'une réforme donnant aux mères libanaises mariées à des étrangers le droit de transmettre la citoyenneté libanaise à leurs enfants ferait une différence. D'autres ont mentionné que le droit de vote serait un moyen important de promouvoir l'engagement de la diaspora. Effets du Printemps arabe Le quart seulement des personnes questionnées sont convenues que les événements du Printemps arabe avaient engendré chez elles l'envie de contribuer davantage au développement de leur pays d’origine. Elles estimaient que les régimes autocratiques n'avaient laissé qu'un espace limité pour la société civile, ce qui faisait notamment obstacle au rôle de la diaspora dans la société. Par ailleurs, beaucoup de membres de la diaspora ont cherché à s'épanouir professionnellement à l'étranger et ont maintenu des liens limités avec leur pays d'origine pour éviter d'être exposés à la corruption et à la bureaucratie ou pour échapper à la capture. Une majorité des personnes questionnées ont déclaré que le Printemps arabe n'avait eu aucun effet sur leur intérêt, et 15 % ont fait état d'une baisse d'intérêt. La moitié seulement des personnes sondées ont songé à retourner dans leur pays d'origine pour tirer parti d'une occasion d'affaire dans la foulée des événements du Printemps arabe (figure 3D). En général, le démarrage d'une activité commerciale ou l'investissement direct (218 et 148 cas parmi les quatre choix proposés) étaient les principaux buts poursuivis, par opposition à la recherche d'un emploi, ce qui va de soit compte tenu des taux de chômage élevés qui caractérisent la plupart des pays de la région MENA (figure 3E). Figures 3D et e : Effets des événements du Printemps arabe sur l'envie des expatriés de revenir dans leur pays d'origine 3D : La moitié sont disposés à retourner dans leur 3E : Le démarrage d'une activité commerciale est pays après les événements du Printemps arabe la possibilité la plus susceptible d'être envisagée Les événements du printemps arabe ont eu une incidence plus grande sur la diaspora tunisienne que sur les autres, même si la plupart des personnes interrogées ont déclaré que ces événements avaient entraîné chez elles une baisse d'intérêt pour leur pays. Ces résultats contredisent les sentiments exprimés par les membres de la diaspora tunisienne pendant les réunions de groupe de réflexion, ainsi que l'empressement qu'ils avaient manifesté à l'origine de participer à ces réunions (figure 3F). Par exemple, les résultats ne reflètent pas le nombre de nouvelles initiatives liées à la diaspora qui ont été lancées depuis 2011. Les membres de la diaspora tunisienne ont aussi déclaré qu'ils avaient augmenté sensiblement leurs envois de fonds après les événements du Printemps arabe. Par ailleurs, les grandes sociétés nationales et multinationales basées en Tunisie sont très désireuses d'attirer les expatriés tunisiens qualifiés et ont lancé dans ce but des initiatives particulières. Un certain nombre de membres de la diaspora sont revenus au pays et sont à la tête de grandes entreprises comme Ooredoo, IBM, Cisco, Orange et ST. Figure 3F : Effet paradoxal des événements du Printemps arabe sur les Tunisiens Rôle des associations de la diaspora Vingt-huit pour cent seulement des personnes sondées ont indiqué appartenir à une association de la diaspora. Le désir d'engagement de la diaspora de la région MENA ne se traduit pas par une volonté d'association à cause du climat de défiance qui règne. Ce résultat contraste nettement avec celui obtenu dans le cas de la diaspora antillaise, dont 61 % des membres déclarent participer activement à des organisations communautaires. En revanche, une proportion importante des personnes interrogées (79 %) ont déclaré se tenir informées de l'actualité dans leurs pays, principalement par le biais de l'Internet (60 %). La confiance manifesté pour ces réseaux est faible ; les personnes interviewées leurs reprochent souvent d'être politiquement corrompus. Un grand nombre d'associations de la diaspora ont cependant pour but de promouvoir les liens avec les expatriés et de venir en aide collectivement à leurs pays d'origine. Certaines de ces associations collaborent étroitement avec les pouvoirs publics, mais plusieurs préfèrent plutôt travailler directement avec les collectivités locales, les écoles ou les hôpitaux. Par exemple, une organisation basée aux États- Unis et réunissant quelque 380 Libanais oeuvrant dans le secteur de la haute technologie s'emploie à transférer au Liban les connaissances acquises dans la Silicon Valley, à promouvoir la création de nouvelles entreprises et à faciliter la migration circulaire des experts en haute technologie entre le Liban et les États- Unis. Une association de Tunisiens basée aux États-Unis, la Tunisian American Young Professionals, mise sur pied après 2011, s'est employée à venir en aide au pays pendant sa transition visant à promouvoir le tourisme en Tunisie et l'exportation de ses objets artisanaux. Elle bénéficie du soutien d'un programme de l'ambassade américaine et collabore avec les autorités tunisiennes. Bien que ces organisations aient fait la preuve de la bonne volonté et de l'intérêt manifesté par les membres de la diaspora pour leurs pays d'origine, et qu'elles puissent à terme créer les conditions propices à une percée majeure en matière d'investissements, une coopération plus systématique avec les pouvoirs publics et une mobilisation plus intense des organismes d’aide et d'institutions internationales comme l'Organisation internationale pour les migrations ou la Banque mondiale pourraient en accroître sensiblement les effets. Les pays du Maghreb central (Algérie, Maroc et Tunisie) possèdent un réseau d'environ 100 associations totalisant plus de 200 000 membres1, parmi lesquelles on compte des associations nationales et régionales2. Plus de la moitié des réseaux de professionnels de la diaspora sont des réseaux d'entreprises où sont formés d'étudiants, d'anciens étudiants et de diplômés issus d'écoles prestigieuses. Contrairement aux réseaux marocains et tunisiens, les réseaux de professionnels de la diaspora algérienne paraissent moins bien organisés parce que la diaspora algérienne est plus fragmentée. Par ailleurs, les Algériens de France sont plus étroitement intégrés à leur pays d'accueil ; ils sont moins susceptibles de s'identifier à la diaspora et risquent davantage de se considérer comme des binationaux. En conséquence, leurs associations ne sont pas nécessairement fondées sur la nationalité. Il existe en outre 33 réseaux sociaux virtuels (par exemple, LinkedIn, Facebook) qui servent à tisser des liens interpersonnels et qui, aux dires des personnes interviewées, sont efficaces pour établir des contacts professionnels avec le pays d'origine. Ces réseaux comptent quelque 167 000 membres. Dix réseaux maghrégbins mettant l'accent sur une approche transfrontalière nord-africaine ont en outre été recensés. La plupart d'entre eux sont basés en Europe, et ils sont composés en majorité de chefs d'entreprises ou de cadres supérieurs de la finance (par exemple, la London Maghreb Network Society). Ces associations régionales sont moins nombreuses en raison du climat de rivalité palpable qui s'observe au Maghreb. Certaines associations s'emploient à promouvoir le transfert des connaissances et l'entrepreneuriat dans les pays d'origine. Les expatriés tunisiens ont mis sur pied ou dirigent plusieurs projets liés à l'entrepreneuriat en Tunisie — par exemple, l'initiative « Impact ». En Algérie, un réseau de chercheurs et de dirigeants de haut niveau du secteur de la santé (y compris Elias Zerhouni, ancien directeur des U.S. National Institutes of Health) a mis sur pied aux États-Unis l'Algerian American Foundation pour assurer des services de formation et d’assistance technique aux nouveaux centres de recherche médicale en Algérie. Au Maroc, des réseaux comme le Centre national pour la recherche scientifique et technique, le Forum international des Compétences marocaines à l’étranger, le Réseau Maroc Incubation et Essaimage, et R&D Maroc s'emploient à mobiliser les chercheurs et ingénieurs expatriés. Le transfert des connaissances acquises par les ressortissants qui reviennent au pays est aussi important. Les 1 On a plus précisément dénombré 94 réseaux de professionnels de la diaspora répartis comme suit : 28 en Algérie, 26 au Maroc, 30 en Tunisie et 10 couvrant la région du Maghreb tout entière. 2 Au niveau national, des réseaux viables, actifs et de grande ampleur ont été recensés en France — par exemple, l'Association des Marocains aux Grandes Écoles et l'Association Maroc Entrepreneurs (Maroc), ATLAS et AIDA (Algérie), l'Association des Tunisiens des Grandes Écoles — ainsi qu'en Amérique du Nord — par exemple, l'American Moroccan Competencies Network, l'Association of Moroccan Professionals in America, FMRC (Moroccans in Canada), la Fondation Club Avenir (Algériens au Canada) et la Tunisian American Young Professionals. Des réseaux allemands comme le Moroccan German Business Club et le German-Moroccan Competency Network sont aussi très actifs. La nouvelle Fédération internationale de la diaspora algérienne, dont les membres fondateurs vivent en France, au Canada, au Royaume-Uni et en Suisse, a été fondée en janvier 2015. professionnels de la diaspora revenus d'Europe ou des États-Unis ont lancé plusieurs initiatives récentes au Maroc — par exemple, la Fondation marocaine de Science avancée, Innovation Recherche, et l'Université internationale. En Tunisie, les associations d'entreprises tendent la main aux membres de la diaspora tunisienne. La plus importante d'entre elles, l'Union tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat, a mis en place un service de conseils d'affaires en collaboration avec des membres de la diaspora. La nouvelle Confédération des Entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT) a organisé plusieurs séminaires de promotion des liens avec la diaspora en Tunisie et ailleurs depuis 2011, et aide les investisseurs potentiels à trouver des intermédiaires appropriés en puisant dans un bassin de membres de la diaspora appartenant à des organisations comme CONECT France. Les associations professionnelles libanaises sont jeunes et s'intéressent davantage aux émigrants libanais qu'à l'aide au Liban. Les associations importantes comme LebNet et l'association LIFE (Lebanese International Finance Executives) concentrent surtout leurs efforts à la consolidation de leur réseau à l'étranger et au financement de leurs activités, et se tournent ensuite vers leur pays d'origine pour la réalisation de projets concrets. L'un de ces projets est Instabeat, une entreprise fondée par Hind Hobeika avec l'aide de LebNet. Bien que les membres de la diaspora affirment que l'aide en retour à leur pays d'origine est gratifiante et constitue pour eux une source de plaisir et de fierté, cette question ne retient leur attention que plus tard au cours de leur carrière, lorsqu'ils sont devenus prospères. IV. La diaspora de la région MENA et l'investissement Contexte général La diaspora peut accroître le volume des investissements entre les pays d’origine et les pays de destination. Leurs membres peuvent tirer parti de leur connaissance de leur pays d'origine pour y investir directement. Ils possèdent des informations importantes qui peuvent les aider à reconnaître les opportunités d’investissement et à se conformer plus facilement aux obligations réglementaires. Le partage d’une même langue ou d’antécédents culturels similaires peut contribuer considérablement à la rentabilité de leurs investissements. Les investissements des sociétés transnationales prennent en compte les liens ethniques qu'elles entretiennent (Aykut et Ratha, 2003). Par exemple, certaines entreprises appartenant à des personnes d'origine coréenne investissent au Kazakhstan, et certaines entreprises appartenant à des personnes d'origine chinoise investissent en Asie de l'Est et en Océanie. Les membres d'une diaspora se montreront peut-être plus disposés que d'autres investisseurs à prendre des risques dans leur pays d'origine puisqu'ils sont plus aptes à évaluer les possibilités d’investissement et qu'ils peuvent compter sur leurs contacts pour faciliter les choses (Lucas, 2001). Selon Nielsen et Riddle (2007), l'émotion, le sens du devoir, les réseaux sociaux, la force des organisations de la diaspora et les visites dans le pays d'origine sont des facteurs déterminants importants des investissements de la diaspora. Les membres de la diaspora encouragent l'investissement par des étrangers dans leurs pays d'origine. L'incertitude et le manque d'informations sur le marché constituent pour une entreprise multinationale ou étrangère des obstacles importants à l'implantation d'une installation de production. Les investisseurs étrangers peuvent accroître la rentabilité de leurs investissements en profitant de l'expérience des membres de la diaspora. Certains des intervenants clés dans de tels cas sont les membres de la diaspora qui sont devenus de hauts dirigeants ou des directeurs de sociétés multinationales (encadré 4a). Ces expatriés peuvent sensibiliser leurs collègues de travail en partageant des informations sur les lois, la règlementation, les institutions et les pratiques de conduite des affaires dans leurs pays d'origine, et y faciliter ainsi l’investissement étranger direct. On observe un lien entre l'immigration de travailleurs qualifiés et les entrées d’IDE dans leur pays de destination. Encadré 4a : Les directeurs d'entreprises multinationales appartenant à la diaspora stimulent les échanges avec leurs pays d'origine : l'exemple de l'industrie marocaine de l'aéronautique On peut citer plusieurs exemples de l'influence des membres de la diaspora dans la promotion de certains secteurs ou de certaines entreprises dans leurs pays d'origine. Les directeurs d'entreprises multinationales peuvent influer sur le choix de l'emplacement de leurs installations à l'étranger dans une chaîne d'approvisionnement de plus en plus fragmentée. Au Maroc, la naissance du secteur aéronautique est liée au rôle positif joué par un membre de la diaspora qui occupait un poste de vice-président chez Boeing, à Seattle. Seddik Belyamani, originaire du Maroc, était le meilleurs vendeur de la société Boeing et a joué un rôle de premier plan en convaincant la direction de la société, qui se montrait réticente au départ, à porter attention au Maroc et à y devenir le premier investisseur. En 2001, Boeing et la société française de câblage électrique Labinal SA ont fondé une petite installation de fabrication de câbles pour le Boeing 737 appelée Matis. Le matériel produit par Matis au Maroc était exporté aux usines de Boeing aux États-Unis pour l'installation dans les aéronefs. Aujourd'hui, l'entreprise emploie près de 10 000 Marocains dont le salaire est supérieur de quelque 15 % au salaire moyen mensuel du pays (environ 320 dollars). Source : Wall Street Journal, 2012 http://www.wsj.com/articles/SB10001424052970204059804577226763868263758 Beaucoup de migrants internationaux arrivent à épargner une part substantielle de leurs revenus dans leurs pays d'accueil et peuvent souscrire à des obligations. Des estimations récentes donnent à penser que les économies annuelles des diasporas (approximation fondée sur les données concernant les migrants internationaux) des pays en développement atteignaient 497 milliards de dollars en 2013 (tableau 3a). Celles de la diaspora de la région MENA sont estimées à 55 milliards de dollars. Une grande part de ces économies est conservée sous forme de dépôts bancaires. Une obligation de la diaspora — un titre dont la valeur nominale est fixée par exemple à 1 000 dollars, assorti d'un taux d'intérêt de 3 à 4 % et d'une échéance de cinq ans — émise par un pays d'origine pourrait être attrayante pour les travailleurs migrants qui ne touchent à l'heure actuelle presque aucun intérêt sur les dépôts détenus dans les banques de leur pays hôte. Les obligations de la diaspora pourraient servir à mobiliser une fraction — par exemple, un dixième — des économies annuelles de la diaspora, soit plus de 50 milliards de dollars, pour le financement de projets de développement (The Economist, 2015). Tableau 3a : Revenus et économies estimés de la diaspora dans les régions en développement, 2013 Importance de la Revenus de la Épargnes de la diaspora (millions de diaspora (milliards diaspora (milliards personnes) de dollars) de dollars) Asie de l’Est et Pacifique 31 579 116 Europe Asie centrale 32 402 80 Amérique latine et Caraïbes 34 645 129 Moyen-Orient et Afrique du Nord 24 275 55 Asie du Sud 38 402 80 Afrique subsaharienne 23 181 36 Ensemble des pays en développement 182 2 484 497 Sources : Calculs des services de la Banque mondiale fondés sur la plus récente matrice des migrations bilatérales, données sur le niveau de compétences tirées de la base de données sur l'immigration dans les pays de l'OCDE (DIOC) et Indicateurs du développement dans le monde (base de données) Les pays qui peuvent compter sur une grande diaspora dans les pays d'accueil plus riches ont plus de chance de réussir leur émission d'obligations de la diaspora. En revanche, les chances de succès des pays dotés de faibles structures de gouvernance seront peut-être moins grandes. Les chances sont meilleures lorsque le pays émetteur est doté d'un solide programme économique et d'un portefeuille de projets attrayants à financer. La confiance de la diaspora dans les pouvoirs publics est essentielle au succès de l'émission d'obligations de la diaspora. L'Inde et Israël ont recueilli plus de 40 milliards de dollars, souvent pendant des crises de liquidités, en mobilisant les ressources de leur diaspora pour répondre à leurs besoins de balance des paiements et (dans le cas d'Israël) pour financer des projets d'infrastructures, de construction de logements, de santé et d'éducation. Plusieurs autres pays — y compris les Philippines, le Sri Lanka, le Kenya, le Ghana, le Népal et l'Éthiopie — ont émis des obligations de la diaspora avec des résultats variables (Banque mondiale, 2015). Comme les envois de fonds sont plus importants et plus stables que beaucoup d'autres types de flux de capitaux, ils peuvent améliorer grandement la notation du crédit souverain du pays bénéficiaire, abaisser le coût de ses emprunts et allonger l'échéance de sa dette. Les agences de notation ont récemment commencé à prendre en compte ces envois de fonds pour l'établissement de la notation du crédit des pays, mais étant donné les difficultés que présente la collecte des données, il y a encore place à l'amélioration. Les envois de fonds sont essentiels pour les pays en développement ; ils dépassent le montant de l'aide publique au développement, et même l'IDE (Chine exclue). Ils se sont avérés plus stables que la dette privée et les apports d'investissement de portefeuille. Une analyse récente citée dans les Perspectives de l'économie mondiale 2015 de la Banque mondiale montre en outre que les envois de fonds sont moins instables que les apports d’aide publique. La valeur annuelle des envois de fonds est également supérieure ou égale aux réserves de change dans beaucoup de petits pays. Même dans les grands marchés émergents comme celui de l'Inde, les envois de fonds équivalent à au moins 25 % du total des réserves de change. Résultats de l’enquête La diaspora de la région MENA n'a qu'une envie limitée d'investir dans les instruments financiers. L'investissement direct et l'immobilier sont ses instruments d'investissement de prédilection (figure 4A). Ce choix reflète le souhait des membres de la diaspora de tirer parti de leurs contacts dans leurs pays d'origine. L'investissement de portefeuille — par exemple, obligations d'État ou de sociétés, ou même les obligations de la diaspora — et le marché boursier sont les options les moins plébiscitées. Les migrants font une distinction claire entre l’aide financière qu’ils peuvent adresser à des amis et parents ou à leur communauté locale et l’investissement. S’agissant de ce dernier, ils recherchent un taux de rentabilité élevé et proche de celui qu’ils essaieraient d’obtenir de tout autre investissement. Les personnes interviewées avaient en général du mal à imaginer que le secteur privé local se montrerait disposé et capable d'investir avec elles. Elles disaient en outre souhaiter bénéficier du même traitement préférentiel dont jouissent les investisseurs étrangers, mais se faisaient peu d'illusions quant à la volonté ou à la capacité des autorités publiques de les aider à investir. Figure 4A : Instruments d'investissement par ordre de préférence Un tiers des personnes ayant répondu à l'enquête ont indiqué avoir les moyens d'investir, et un autre tiers avaient déjà investi dans leurs pays d'origine. La moitié environ des personnes interrogées seraient en mesure d'investir plus de 10 000 dollars, et plus de 8 % pourraient investir plus de 250 000 dollars (figure 4B). Vingt-quatre pour cent des personnes interrogées ont indiqué qu'elles seraient en mesure d'investir de 10 000 à 50 000 dollars. La moitié environ des personnes qui se sont montrées disposées à investir plus de 100 000 dollars étaient tunisiennes ; 20 % étaient libanaises, et 13 % étaient marocaines (figure 4C). Les membres de la diaspora plus âgés étaient les plus à même d'investir, tandis que les personnes âgées de 25 à 34 ne disposaient pas des mêmes moyens financiers et se sont dits moins capables d'investir, toutes choses étant égales par ailleurs. Sur les 16 secteurs proposés par l'enquête, 32 % des personnes interrogées ont indiqué une préférence pour l'investissement dans les services d'éducation, 24 % ont préféré l'agriculture et la foresterie, et 21 % ont choisi la construction. Figures 4B et C : La moitié des personnes ayant répondu à l'enquête pourraient investir plus de 10 000 dollars 4B : Taille de l'investissement projeté 4C : Origine des investisseurs En termes de taille de l'investissement, les personnes interrogées ont manifesté une préférence pour les entreprises petites à moyennes (figure 4D). Certaines se montrent disposées à investir des sommes considérables — par exemple, les 114 travailleurs émigrés qui investissent plus de 100 000 dollars par année. Figure 4D : Intérêt à investir en fonction de la taille de l'entreprise Les membres de la diaspora de la région MENA ne sont pas intéressés à devenir des investisseurs providentiels, en dépit de leur capacité à investir (figure 4E). Seules 87 des personnes interrogées, soit environ 10 %, ont indiqué faire partie de cette catégorie d'investisseurs, dont 61 % de Tunisiens, 13 % de Libanais et 12 % d'Algériens. Ce résultat reflète la structure démographique de notre échantillon où la représentation de l'Algérie est supérieure à la moyenne, ce qui reflète probablement l'absence d'occasions d'affaires dans ce pays et les choix plus lucratifs offerts dans le pays d'accueil ou sur le marché mondial. Figure 4e : Moins de 10 % des personnes ayant participé à l'enquête étaient des investisseurs providentiels ; ils venaient pour la plupart de Tunisie Obstacles aux investissements Les membres de la diaspora de la région MENA ont exprimé de profondes inquiétudes à l’égard de la qualité du climat d’investissement dans leur pays d’origine, lequel souffre vraisemblablement des troubles et de l’instabilité politique actuels. Pour les personnes ayant répondu à l’enquête, les trois principaux obstacles aux investissements sont la fragilité du contexte économique, l’instabilité politique et l’absence d’informations sur les créneaux commerciaux (figure 4F). Le manque d’informations générales a aussi été souvent mentionné (par 33 % concernant les créneaux commerciaux et par 29 % concernant la réglementation). Le manque de ressources humaines, le régime fiscal ou le niveau élevé du coût de la vie n’ont été évoqués que par moins de 10 % des personnes sondées. Le système parallèle (marché noir, non-respect de la fiscalité), la corruption et les privilèges sont également mentionnés comme des obstacles à la confiance dans les structures locales – et donc dans l’investissement. La plupart des personnes interrogées ont indiqué qu’elles manquaient de contacts personnels, lesquels sont essentiels pour avoir accès aux marchés. Il leur est également difficile de s’informer sur les pratiques commerciales et les normes culturelles en vigueur dans leur pays d’origine. On observe un décalage entre les attentes des professionnels de la diaspora et la réalité dans leur pays d’origine. La Loi 51/49 est par exemple le premier obstacle à l’investissement mentionné par les professionnels de la diaspora algérienne. Cette loi réglemente l’investissement étranger et place cette diaspora sur le même plan que les étrangers. Les membres de la diaspora algérienne ne peuvent détenir la totalité du capital d’une entreprise à responsabilité limitée (LLC) et doivent s’associer avec un Algérien résidant en Algérie pour créer une entreprise. Figure 4F : Obstacles à l’investissement Lorsqu’ils envisagent des investissements dans leur pays d’origine, les membres de la diaspora examinent la rentabilité, comme pour toute autre décision d’investissement, mais également les effets sur le développement. Les membres de la diaspora disposent souvent de différentes options d’investissement parmi lesquelles choisir, en particulier s’ils résident dans des économies développées. Bien que désireux d’envisager des investissements dans leur pays d’origine, ils examinent le coût d’opportunité de leur décision. Certains seront prêts à renoncer à une rentabilité potentielle plus élevée s’ils veulent promouvoir des effets sur le développement. Même si l’investissement se situe dans le pays d’origine de l’investisseur, il résulte d’une décision rationnelle qui exclut tout aspect affectif. La motivation vis-à-vis d’opportunités de développement dans le pays d’origine n’est pas suffisante en soi pour engager des flux financiers dans un investissement, l’opportunité commerciale devant être rentable. De même, il est peu probable que les émigrants remplacent les transferts de fonds par des investissements, car les objectifs à atteindre sont différents. Les envois de fonds servent à soutenir financièrement des membres de la famille. Environ un tiers des personnes qui transfèrent des fonds ayant répondu à l’enquête envoient moins de 500 dollars par an, soit un montant très inférieur à celui qu’ils investissent (figure 4G). Les hommes ont tendance à envoyer davantage de fonds que les femmes, ce qui reflète très vraisemblablement les structures patriarcales de la famille dans la région MENA (figure 4H), même si les migrants font une distinction claire entre l’aide financière qu’ils peuvent adresser à des amis et parents ou à leur communauté locale et l’investissement. S’agissant de ce dernier, ils recherchent un taux de rentabilité élevé et proche de celui qu’ils essaieraient d’obtenir de tout autre investissement. Figures 4G et 4H : Profil des membres de la diaspora des pays de la MENA envoyant des fonds 4G : Montant annuel transféré par les 4H : Envois de fonds, par genre 39 % qui envoient des fonds En octobre 2011, les délégués du neuvième Forum pour le développement de l’Afrique de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique ont discuté de la manière de transformer des flux d’envois de fonds à court terme en des investissements à long terme. Le postulat est que bien que les envois de fonds soient privés par nature, ils devraient être canalisés vers des investissements rentables. Des circuits et des cadres financiers appropriés sont essentiels pour promouvoir l’investissement. Certains pays ne disposent pas de cadres adéquats pour canaliser ces flux financiers. Les individus désireux de réaliser de petits investissements sont confrontés à des procédures bancaires complexes. Pour les investissements plus conséquents, les infrastructures (de transport, juridiques) peuvent s’avérer problématiques. Le Forum émet plusieurs recommandations, notamment un assouplissement des procédures bancaires pour les particuliers, un renforcement des infrastructures productives et une amélioration de la visibilité des créneaux commerciaux. En étudiant les envois de fonds dans la région méditerranéenne, les travaux de Torres Ruiz & Lorca Corrons observent que les investissements en Tunisie n’ont représenté que 2,7 % du montant total des envois de fonds adressés au pays entre 1993 et 1999, ce qui indique qu’il existe un potentiel considérable pour les investisseurs migrants, pour autant que des structures appropriées soient en place pour canaliser ces capitaux. V. Diaspora de la région MENA et intégration commerciale Contexte La diaspora de la région MENA peut aider à promouvoir l’intégration commerciale entre leur pays d’origine et leur pays de résidence. Les migrants privilégient les biens et services de leur pays d’origine, soutenant ainsi un « commerce nostalgique » de produits ethniques. Les réseaux ethniques jouent un rôle pour pallier l’inadéquation des informations relatives aux opportunités commerciales internationales, ce qui permet de réduire les coûts commerciaux3. Les travaux de Gould (1994) et de Rauch et Casella (1998) ont découvert que les réseaux ethniques promeuvent des échanges bilatéraux en fournissant des informations de marché et des services de mise en relation et d’aiguillage. Le plus important est que les migrants facilitent les échanges bilatéraux et les flux d’investissement entre leur pays de résidence et leur pays d’origine. Ils mettent en relation des producteurs de biens de consommation d’un pays avec des distributeurs appropriés d’un autre pays et des assembleurs avec des fournisseurs de composants appropriés. Le partage d’une même langue ou d’antécédents culturels similaires facilite la communication et la connaissance des documents de transport, des procédures et des réglementations. Des études empiriques menées en Australie, au Canada, en Espagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis et dans les pays de l’OCDE révèlent généralement que l’immigration accroît les flux commerciaux bilatéraux. Historiquement, un part importante des échanges mondiaux transite via des réseaux étroitement liés de communautés ethniques que l’on appelle aujourd’hui des diasporas. C’est la thèse développée par Phillip Curtain dans Cross-Cultural Trade in World History (1984)4. Les exemples les plus connus sont ceux des commerçants phéniciens, grecs et transsahariens, de la Ligue hanséatique, des Juifs, des Arméniens, des Chinois de l’étranger, ainsi que des Compagnies hollandaise et britannique des Indes occidentales (Hausmann 2015). Avner Greif a documenté la pertinence économique de ces communautés à ces époques. Il fait valoir que les réseaux ethniques qu’elles ont créés renforçaient la confiance mutuelle et les garanties réciproques contre des défauts de paiement de clients peu scrupuleux. De ce fait, la réputation et la confiance se sont propagées bien au-delà des pays, contribuant à la constitution d’un réseau commercial mondial. D’un point de vue historique, la diaspora a donc toujours été au cœur du commerce, canalisant les échanges et générant d’importantes sources de profit. 3 Pour un examen des réseaux commerciaux, voir Rauch (2001). 4 Des villes commerciales phéniciennes, comme Tyr et Sidon, incarnaient la pertinence du rôle essentiel de la diaspora. La thèse de Philip D. Curtain suggère qu’il y avait des colonies de diaspora qui avaient de solides liens affectifs avec leur pays d’origine ou leurs « cités-mères ». Il en est de même pour les marchands grecs qui ont transformé des colonies commerciales en états-cités indépendants. Selon un certain nombre de modèles empiriques, commerce et migration sont complémentaires. Foad (2008) a découvert que le lien entre migration et commerce est plus fort concernant l’émigrati on vers l’Europe que vers l’Amérique du Nord, et que les effets sont plus significatifs pour les importations et les biens différenciés. Il étudie comment les différentes destinations d’un même groupe de migrants affectent le lien entre migration et commerce en utilisant des données relatives aux migrants de la région MENA à destination des États-Unis et d’Europe. Les travaux de Ghatak et al. (2009) ont analysé des échanges entre le Royaume-Uni et l’Europe orientale et centrale, et découvert que la migration est corrélée de façon positive aux exportations à destination du Royaume-Uni, mais que les effets ne sont pas aussi marqués pour les importations. Felbermayr et Toubal (2008) ont utilisé un échantillon transversal de pays de l’OCDE de 2000 et montré que l’accroissement de la demande de biens des pays d’origine des migrants a globalement dynamisé les effets promoteurs d’échanges. Ils ont par ailleurs découvert que les effets des circuits de financement sur les coûts des échanges sont plus significatifs pour les biens différenciés et lorsque des migrants très qualifiés participent aux échanges. Morgenroth et O’Brien (2008) ont utilisé un modèle non-linéaire entre commerce et migration. Les résultats de leur étude confortent l’idée d’une complémentarité entre flux migratoires et commerciaux. Dolman (2008) s’est intéressé aux liens entre migration, commerce et IED dans 28 pays de l’OCDE, et a découvert une corrélation positive similaire. Tadesse et White (2011) ont étudié le lien entre migration et commerce du point de vue des pays d’origine et de destination. Les auteurs ont identifié des effets promoteurs d’exportations liés à l’émigration dans 100 des 131 pays d’origine de leur étude et des effets promoteurs d’importations dans 96 pays d’origine. Le rôle de la diaspora pourrait être essentiel pour promouvoir le commerce des pays de la région MENA. La part de la région dans le total des exportations mondiales de produits non-pétroliers est restée stable, à environ 2 à 3 %, pendant plus de 30 ans. Malgré un doublement de ses exportations de services, la part de la région MENA dans les échanges totaux de services a stagné à environ 2,8 % de 1990 à 2006. En outre, les échanges interrégionaux n’ont pas augmenté dans la région MENA. Pour de nombreux pays arabes, les échanges régionaux représentent moins de 10 % des échanges totaux. Avec une part inférieure à 5 % des échanges interrégionaux de marchandises non-pétrolières, les pays du Maghreb enregistrent le pourcentage le plus faible et celui-ci n’a que très peu augmenté depuis 2000. La région MENA n’a pas saisi l’opportunité de s’intégrer dans l’économie mondiale, de développer sa croissance et de créer de nouveaux emplois productifs. Bien que ces résultats révèlent de graves problèmes de compétitivité dans les pays d’origine, la diaspora peut contribuer à renforcer davantage les capacités et à faciliter l’accès au marché dans les pays de destination. Au niveau des politiques, certaines agences gouvernementales et entreprises privées de pays africains sollicitent leur diaspora pour obtenir des informations de marché concernant les pays dans lesquels les émigrants résident actuellement. Les activités concernent notamment la création de « conseils du commerce » de la diaspora et la participation à des missions commerciales et des réseaux d’entreprises. Plusieurs ambassades soutiennent des forums d’entreprises et commerciaux afin d’attirer des investisseurs de la diaspora et de mettre en relation des fournisseurs et des exportateurs. Résultats de l’enquête La diaspora de la région MENA soutient l’intégration des échanges. Une grande majorité des membres de la diaspora de la région MENA soutient les accords de libre-échange avec l’Union européenne et les États-Unis, ainsi que l’intégration régionale. Les personnes ayant répondu à l’enquête partagent pour la plupart l’idée que ces accords auront un effet positif sur les entreprises locales et l’emploi dans leur pays d’origine, et développeront les opportunités commerciales dans ce pays (figures 5A et 5B). Les membres de la diaspora de la région MENA espèrent aussi fortement que leur pays d’origine s’intégrera dans les chaînes de valeur mondiales (92 %) et promouvront des flux nécessaires plus importants de biens, de services, de capitaux et de personnes dans la région MENA (90 %). Pour les membres de la diaspora interrogés, l’intégration de la région MENA est une priorité. Figure 5A : La diaspora est favorable aux accords commerciaux Figure 5B : La diaspora est favorable aux accords commerciaux Les membres de la diaspora qui commercent avec leur pays d’origine sont peu nombreux (8 %), même si la moitié des personnes ayant répondu à l’enquête déclarent être très désireuses de le faire à l’avenir. La lourdeur des procédures transfrontalières, l’absence d’informations et le niveau élevé des droits de douane à l’importation dans leur pays d’origine sont mentionné comme étant les trois principales raisons expliquant pourquoi les membres de la diaspora de la région MENA ne commercent pas davantage avec leur pays d’origine (figure 5C), le problème n’étant pas vraiment le manque d’intérêt des entrepreneurs et l’intégration régionale. Figure 5C : Obstacles au développement des échanges dans les pays de la région MENA Note : La question posée dans le cadre de l’enquête était de savoir si les personnes interrogées faisaient du commerce. (Dans les réponses aux questions précédentes, 63 personnes ont indiqué qu’elles faisaient du commerce avec leur pays d’origine. Dans les réponses à une autre question, 458 personnes ont indiqué que cette activité les intéressait.) VI. Institutions Attentes de la diaspora de la région MENA Les pouvoirs publics et les institutions internationales peuvent jouer un rôle majeur pour mobiliser la diaspora. Les pouvoirs publics peuvent reconnaître l’importance de la diaspora à différents niveaux et de différentes manières. Leurs actions varient d’une simple reconnaissance dans des discours publics à la mise en œuvre de programmes et, parfois, à la création d’institutions destinées à maintenir et renforcer le lien identitaire avec le pays d’origine, attirer ses investissements ou réduire le coût des envois de fonds. Plusieurs études ont enquêté sur la manière dont les ambassades peuvent inciter les diasporas à jouer un rôle économique dans leur pays (Ionescu 2006), même si, comme pour d’autres politiques et institutions publiques, ces programmes souffrent fréquemment d’une absence de vision, de coordination entre les services, d’informations précises sur la diaspora, d’effectifs inadéquats et de capacités insuffisantes qui ont besoin d’être renforcées. Parallèlement, bon nombre d’États ne considèrent pas encore les émigrants comme des partenaires de développement au-delà de leur rôle de pourvoyeurs de fonds. En outre, un certain nombre d’institutions internationales de développement ont mis en œuvre des programmes destinés à collaborer avec les diasporas et à aider les pouvoirs publics à élaborer leurs politiques. Les pouvoirs publics respectifs demandent aux diasporas de la région MENA d’assumer leur rôle. La plupart des personnes interrogées et ayant répondu à l’enquête avaient peu confiance dans les institutions publiques de leur pays d’origine et peu d’attentes vis-à-vis de ce que les pouvoirs publics pouvaient ou souhaitaient faire pour collaborer avec eux, en particulier concernant les investissements dans le pays d’origine. Elles déploraient que l’administration ne les considère pas comme des « investisseurs étrangers » lorsqu’ils manifestent un intérêt pour investir dans le pays d’origine. Elles ne se sentent pas bienvenues en tant qu’investisseurs étrangers dans leur ambassade respective ou bien accueillies par les institutions spécialisées en matière d’IED de leur pays d’origine. La moitié seulement des personnes interrogées pour l’enquête ont répondu à la demande faite d’indiquer les trois premiers rôles que les pouvoirs publics devraient selon eux exercer, ce qui reflète probablement ce faible niveau de confiance et d’attentes. En dépit de leur manque de confiance dans les pouvoirs publics, les membres de la diaspora de la région MENA saluent les institutions publiques spécialisées. Ce paradoxe est également visible dans les discussions avec les membres de la diaspora. Ils ont indiqué qu’ils verraient les initiatives publiques d’un œil sceptique de peur de l’inefficacité, de la mainmise et de la corruption, certains indiquant qu’ils n’auraient pas participé à des groupes de réflexion si les invitations étaient venues des pouvoirs publics de leur pays d’origine. Ils pensent néanmoins que les pouvoirs publics ont un rôle à jouer. Ils demandent en réalité un signe fort de reconnaissance de leur propre rôle. Cette demande d’institutions spécialisées pourrait en fait être interprétée comme une demande de reconnaissance, par les pouvoirs publics, de l’importance de la diaspora dans leurs plans de développement. Comme nous le verrons dans la prochaine section, un petit nombre seulement de pays de la MENA sont dotés d’un ministère consacré à leur diaspora, même si la tendance en faveur d’un développement de telles institutions ou services se renforce dans le monde (encadré 6a). Encadré 6a : Tendance en faveur du développement d’institutions spécialisées dans le monde Au début des années 1980, une douzaine à peine de pays avaient un ministère, un service gouvernemental ou une autre institution officielle consacrée à leur diaspora. Quelques pays, notamment les États-Unis, ignorent ceux qui sont expatriés – sauf, peut-être, pour leur adresser des avis fiscaux – mais il s’agit d’une minorité décroissante. L’an dernier, l’Irlande a nommé son premier ministre en charge de la diaspora irlandaise. Au printemps de cette année, le pays a divulgué une stratégie pour sa diaspora : « Ireland Reaching Out ». Les pouvoirs publics soutiennent également des centaines de groupes qui fournissent des services aux émigrants irlandais dans le besoin ou cherchent à attirer ceux qui ont réussi dans leur vie. L’un d’entre eux, ConnectIreland, utilise la diaspora pour encourager les investissements extérieurs dans le pays, en achetant des services de conseil afin d’inciter les entreprises étrangères à créer des emplois dans le pays. Bon nombre de pays sont arrivés à la conclusion que leur diaspora peut promouvoir leurs intérêts géopolitiques. Les pouvoirs publics turcs comptent sur leur diaspora en Europe, en particulier en Allemagne, pour promouvoir un resserrement des relations avec l’Union européenne. Par ailleurs, les pouvoirs publics mexicains savent que les Mexicano -Américains feront campagne contre les tentatives de répression à l’encontre des immigrants illégaux. En échange de leur soutien, et pour les assujettir aux politiques de leur pays d’origine, un nombre croissant de pays offrent aux membres de la diaspora des visas de longue durée (comme l’Inde), la double nationalité ou certains droits de vote. En 2010, le parlement français a créé 11 nouvelles circonscriptions pour les Français de l’étranger. Quelques mois après sa victoire aux élections indiennes de l’an dernier, Narendra Modi s’est adressé à une foule enthousiaste de quelque 20 000 Indo-Américains au Madison Square Garden de New York. Selon le nouveau Premier ministre, c’est grâce à eux que l’Inde n’est plus considérée comme un pays de charmeurs de serpents, mais comme une puissance technologique mondiale. Il s’agissait d’une flatterie, mais fondée sur une intention sérieuse. L’ Inde considère sa diaspora (forte de 25 millions de personnes selon les pouvoirs publics) comme un moyen pour diffuser une « puissance douce » et redorer l’image du pays. « Aucun pays ne connaît une fuite des cerveaux aussi importante et n’en est aussi fier » a déclaré Devesh Kapur de l’Université de Pennsylvanie. Les diasporas sont de plus en plus considérées comme des viviers de talents où puiser. Lorsque son économie s’est effondrée en 2009, l’Irlande a invité certains de ses ressortissants qui avaient le mieux réussi à l’étranger à participer à un forum économique qui continue de se réunir tous les deux ans. Le Mexique voit essentiellement sa diaspora aux États-Unis comme des pourvoyeurs de fonds de la classe ouvrière. Le pays encourage désormais ses jeunes ressortissants à étudier dans les universités américaines et à rapatrier leurs compétences au pays. Le Ghana, dont la diaspora est particulièrement talentueuse, a créé une unité de soutien pour la promouvoir. Aucun pays n’est plus avide en la matière que la Chine. En imitant Taïwan, qui a créé une industrie technologique avec l’aide des diplômés taïwanais de Stanford, elle tente de courtiser ses ressortissants les plus talentueux formés à l’étranger. Les villes de province proposent des allègements fiscaux aux entrepreneurs revenant au pays et créent pour eux des zones industrielles. Dans le cadre du programme « Mille talents » (programme encore plus ambitieux qu’il n’en a l’air), des universitaires qui se sont construit des carrières à l’étranger se voient proposer des rémunérations très supérieures à celles habituellement versées aux enseignants chinois. Le processus d’att raction est vaste et constant ; un universitaire sino-britannique contacté pour cet article avait été approché le matin même. Les conditions complexes que les expatriés attendent généralement de leurs pouvoirs publics – une représentation, un climat propice pour les affaires, une rentabilité décente des investissements – sont le type de conditions que les pouvoirs publics devaient essayer de fournir dans tous les cas. L’Inde a réformé sa réglementation obsolète du capital -risque sous l’impulsion des Indo-Américains de la Silicon Valley. Selon Wang Huiyao du groupe de réflexion « Centre for China and Globalisation » de Beijing, la Chine allège désormais les formalités administratives nécessaires pour créer un entreprise, en partie sous la pression des rapatriés, et n’essaye plus seulement de faire revenir sa diaspora, elle veut aussi attirer des talents occidentaux. Source : The Economist, 27 juin 2015 (édition papier) De façon plus spécifique, la diaspora de la région MENA saluerait un renforcement des services de diffusion d’informations sur les créneaux commerciaux. Parmi les personnes ayant répondu aux questions sur le rôle souhaité des pouvoirs publics, les trois premières interventions des autorités les plus plébiscitées ont été : mettre à disposition une institution consacrée aux questions relatives à la diaspora, mettre en relation les investisseurs, les négociants et les entrepreneurs avec la diaspora, et multiplier les services promouvant les échanges et l’investissement dans les consulats (figure 6A). Les incitations fiscales sont moins bien classées dans la liste, tout comme le besoin de subventions de contrepartie ou un cadre pour les « investisseurs providentiels ». Ces résultats corroborent des constatations antérieures concernant le manque d’informations sur les opportunités d’investissement et le potentiel commercial. Les membres de la diaspora ont déclaré que, pour connaître les opportunités d’investissement, leurs principales sources d’information étaient les amis et les familles, alors qu’une petite partie seulement de la diaspora avait connaissance des services spécifiques officiels qui lui sont consacrés. Les membres de la diaspora souhaiteraient que les ambassades, en particulier, jouent un rôle plus important dans la mise en relation des entrepreneurs et des professionnels dans le pays d’origine, en développant les opportunités de constitution de réseaux (figure 6B). Il conviendrait que ces événements soient bien organisés et préparés à l’avance afin d’optimiser les avantages et la mise en œuvre des projets et des opérations commerciales. Les informations relatives aux exigences réglementaires et la création d’un annuaire des entreprises figuraient également parmi les trois premiers choix concernant le rôle des ambassades. Figure 6A : Attentes de la diaspora de la région MENA vis-à-vis des pouvoirs publics Figure 6B : Services attendus des ambassades pour faciliter les échanges Les personnes ayant répondu à l’enquête partagent pour la plupart l’idée que le Groupe de la Banque mondiale peut jouer un rôle essentiel dans le soutien de la diaspora de la région MENA (84 %). Les trois premières actions souhaitées des institutions internationales de développement sont l’établissement de programmes de subventions de contrepartie, une assistance technique pour les programmes pilotes et un renforcement des capacités des associations, des membres de la diaspora et de constitution de réseaux (figure 6c). Dans ce domaine également, les membres de la diaspora ne voient pas la nécessité d’une aide sous forme d’emprunts de la diaspora, ce qui confirme des résultats antérieurs selon lesquels la diaspora de la région MENA n’est pas disposée à investir dans la région, en particulier au moyen d’instruments plutôt sophistiqués. Le pouvoir fédérateur de la Banque mondiale et le partage des connaissances mondiales ont été particulièrement appréciés. Les participants du groupe de réflexion ont unanimement salué l’initiative de sensibilisation de la diaspora du Groupe de la Banque mondiale. Les membres de la diaspora de la région MENA considèrent que le Groupe de la Banque mondiale peut essentiellement combler le fossé entre les diasporas et les pouvoirs publics de leur pays d’origine respectif. Figure 6C : Services attendus des institutions, comme la Banque mondiale Politiques des gouvernements de la région MENA axées sur leur diaspora Certains pays de la région MENA s’efforcent systématiquement de faire collaborer leur diaspora. Au Maroc, un ministère est par exemple consacré aux Marocains de l’étranger, une fondation royale œuvre au renforcement de la collaboration avec la diaspora et des traités bilatéraux ont été signés avec la France et d’autres pays de destination portant sur la migration circulaire, y compris les contrôles aux frontières (encadré 6b). Le site Internet « Marocains du Monde » ou Bladi (http://www.bladi.net/) est conçu comme un guichet unique destiné à cultiver les relations avec les membres de la diaspora. Des agences spécialisées visent à promouvoir le transfert des connaissances et de la technologie ainsi que les investissements par les Marocains de l’étranger. Le ministère des Affaires sociales de Tunisie est doté d’un Secrétariat d’État consacré à la collaboration avec la diaspora. Les deux pays offrent la double nationalité et des droits de vote aux expatriés. Encadré 6b. Principales initiatives du Maroc Le ministère chargé de la Communauté marocaine résidant à l’étranger a été créé en 1990 dans l’objectif de maintenir et de renforcer des liens entre la diaspora marocaine et le Maroc. Le ministère chargé de la Communauté marocaine résidant à l’étranger et le ministère des Affaires de la migration ont identif ié 11 domaines stratégiques d’investissement pour la diaspora : délocalisation, automobile, aéronautique, électronique, textiles, transformation alimentaire, tourisme, technologies de l’information et de la communication, franchisage, environnement et énergie. Le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger a été créé en 2007. Cette organisation soutient les pouvoirs publics dans leur réflexion sur les questions relatives à la diaspora et promeut la consultation des membres de la diaspora à l’étranger. Pour faciliter la diffusion de l’information, le ministère a mis en place une plateforme Internet – Marocains du monde (maghribcom.gov.ma) – qui cible les professionnels marocains compétents. Au niveau régional, le Centre régional d’investissement œuvre pour attirer l’attention de leaders de projet de la diaspora. L a Maison des Marocains résidant à l’étranger, programme destiné à fournir des informations pour le rapatriement de membres de la diaspora, a été testée en 2015 dans la région de Beni Mellal. Des outils financiers, comme le fonds spécialisé « MDM Invest » lancé conjointement par la Caisse Centrale de Garantie et les banques Attijariwafa et Banque Populaire, ont été créés au Maroc. MDM propose des instruments financiers spécifiques aux investisseurs de la diaspora (subventions, prêts). En 2006, pour promouvoir le transfert de compétences dans l’éducation, la recherche et le soutien à l’innovation, le ministère chargé de la Communauté marocaine résidant à l’étranger a établi, en partenariat avec le ministère de l’Enseignement supérieur et R&D Maroc, le Forum international des Compétences marocaines résidant à l’étranger qui est géré par le Centre national pour la recherche scientifique et technique. En Algérie, le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication sont en charge des relations avec la diaspora. En 2013, les pouvoirs publics algériens ont mis en place un portail électronique consacré aux compétences nationales à l’étranger lancé par le ministère de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication et le Secrétariat d’État chargé de la Communauté nationale à l’étranger (algeriecompetences.dz). Ce portail propose un large éventail de projets auxquels collaborent des professionnels de la diaspora et fournit à l’ensemble de ses utilisateurs un lieu d’échange, de partage de l’information et une série d’outils pour faciliter la collaboration. Il n’a malheureusement pas été actualisé depuis sa création. En 2014, les pouvoirs publics algériens ont pris 14 engagements en vue de fournir des services à la communauté algérienne à l’étranger. Les principales composantes du programme incluaient la constitution d’une Agence nationale de soutien à l’emploi des jeunes destinée à fournir une aide financière aux jeunes émigrants ayant des liens professionnels avec l’Algérie, l’ouverture de succursales de banques publiques algériennes dans des pays accueillant d’importantes communautés d’Algériens, comme la France, et la simplification de l’accès aux marchés publics en Algérie (en favorisant les transferts de savoir-faire et financiers). Lorsque comparés aux programmes plus ambitieux et efficaces d’autres régions du monde, ces efforts semblent maigres et superficiels. Les Philippines se distinguent notamment grâce à l’adoption d’une approche systématique de leurs émigrants et à l’allocation de ressources significatives à cette fin, alors que la plupart des pays de la région MENA engagent des efforts relativement limités et que ceux-ci apparaissent souvent dénués de vision et de visibilité (encadré 6c). Les communications avec la diaspora sont par exemple fréquemment axées sur des demandes d’aide en faveur de la diaspora plutôt que sur les besoins de celle-ci et sur des possibilités plus larges de coopération. Encadré 6c : Approche de la diaspora des pouvoirs publics des Philippines Le meilleur moyen d’illustrer ce que les pouvoirs publics peuvent faire est peut -être d’examiner le cas des Philippines qui disposent de ce qui est probablement l’approche des relations avec la diaspora la plus élaborée et sophistiquée qui soit dans un pays. Une condition préalable à une bonne « gestion de la diaspora » est de savoir où ses membres se situent et qui ils sont – ce qui est en soi un défi majeur. Sur une population d’environ 98 millions d’habitants, les pouvoirs publics philippins estiment qu’un peu plus de 10 millions de Philippins résident à l’étranger, dont environ 1,1 million en tant qu’émigrants en situation irrégulière. Sur les migrants en situation régulière, quelque 4,8 millions résident à l’étranger de façon permanente alors que 4,2 millions y vivent temporairement pour travailler. Ces migrants envoient 28 milliards de dollars par an aux Philippines (troisième rang derrière la Chine et l’Inde), ce qui représente environ 10 % du PIB du pays. La position actuelle du gouvernement vis-à-vis de la diaspora philippine est définie au Point 10 de son programme électoral : « …un gouvernement qui crée des emplois dans son pays de sorte que travailler à l’étranger résultera plus d’un choix que d’une nécessité et qui, lorsque ses ressortissants déci dent [d’émigrer], considère leur bien-être et leur protection comme une priorité ». Ce message – qui indique que les résidents et les travailleurs à l’étranger des Philippines sont reconnus et considérés comme une composante de la nation, comme contribuant à son développement et comme ses ambassadeurs – est un socle significatif sur lequel une collaboration peut être fondée. Les Philippines gèrent leurs relations avec la diaspora par l’intermédiaire d’un Secrétariat d’État au niveau du cabinet ministériel et la collaboration est systématique. Elle concerne 10 domaines que l’on peut globalement scinder en deux grands groupes : les domaines dans lesquels les Philippines « reçoivent » principalement de la diaspora et ceux dans lesquels le pays « donne » à la diaspora. Le premier groupe inclut la philanthropie (ce qui intègre les envois entre personnes et le développement des communautés locales), les initiatives dans le tourisme, les cercles d’investissement et de conseil aux entreprises de la diaspora, le part age de technologie et le « recrutement de cerveaux » (incitation au retour des migrants les plus hautement qualifiés ou échanges avec eux). Le deuxième groupe, le plus intéressant pour les migrants, inclut le retour et la réintégration, l’aide juridique mo ndiale, les missions médicales et la coordination, et les échanges culturels. Dans ces domaines généraux de collaboration, de nombreux instruments différents sont déployés, depuis des sommets mondiaux de la diaspora destinés à promouvoir des liens culturels et des initiatives de développement jusqu’aux programmes communautaires locaux dans des provinces spécifiques conçus pour préparer les travailleurs à la migration (enseignement et formation compris) et garantir la pérennité des liens avec les communautés locales. Les Philippines autorisent la double nationalité et prévoient des dispositions pour le vote des expatriés. Le plus important est sans doute de promouvoir la migration circulaire de ses ressortissants, de garantir leur sécurité et un traitement éq uitable à l’étranger, et de facilité la transférabilité des pensions. Les Philippines ont conclu des accords de mobilité des travailleurs avec quelque 80 pays. Source : Dadush 2015 S’agissant des politiques, la question pressante est de savoir pourquoi les pouvoirs publics n’en font pas davantage pour collaborer avec la diaspora, compte tenu des avantages considérables que l’on peut tirer de cette collaboration. Un certain nombre d’obstacles semblent empêcher une collaboration plus systématique. Dans la plupart des pays de la région MENA, la voix ou la représentation de la diaspora est faible, ce qui traduit la nature du régime politique, l’absence d’organisation ou les deux. Selon la nature du régime, les pouvoirs publics peuvent craindre l’influence de la diaspora et sa relative liberté d’expression. Des ressources limitées et un manque de coordination entre les nombreuses composantes du gouvernement (ex : ministère des Finances, banque centrale, ministère des Affaires étrangères, ministère des Affaires sociales, ministère de l’Intérieur, ministère du Développement régional) sont également des éléments importants du problème. Il conviendrait qu’un organe spécifique soit clairement chargé des questions relatives à la migration et à la diaspora. Au sein de la diaspora, on observe également une grande défiance à l’égard des pouvoirs publics et de leur capacité et volonté à apporter leur aide. Toute initiative visant à encourager, canaliser ou fiscaliser les envois est en particulier considérée avec suspicion. Compte tenu de la sensibilité politique de l’immigration dans les pays de destination, les pouvoirs publics du pays d’origine doivent suivre une ligne diplomatique étroite pour aider leur diaspora à l’étranger. Enfin, on observe un grave manque d’informations sur la diaspora et d’importants problèmes pour identifier les membres de la diaspora, où ils se situent, ce qu’ils font et comment les atteindre au mieux. Dans ce domaine, le point de départ essentiel est de recenser la diaspora5. Certains obstacles à une collaboration plus systématique sont structurels et difficiles à surmonter. Par exemple, un petit pays comme le Liban dispose de moins de ressources et d’influence sur les pays de destination de ses émigrants que les Philippines ou l’Égypte. En outre, un régime autoritaire et répressif redoutant l’indépendance de sa diaspora est moins susceptible de l’atteindre qu’un régime perçu par ses ressortissants comme tout à fait légitime. Néanmoins, la majeure partie des obstacles à une collaboration plus active avec la diaspora ne sont pas de nature structurelle, mais organisationnelle ou managériale, et peuvent être surmontés. Une conscience bien plus importante du rôle majeur de la diaspora dans le développement et de ses besoins est donc nécessaire, sans oublier la volonté politique d’établir des liens. Dans le présent document, et de façon plus générale dans le débat public, une attention limitée a été accordée au rôle que les pouvoirs publics des pays de destination peuvent jouer pour renforcer les liens entre la diaspora et son pays d’origine. Pourtant, le rôle du pays de destination est également essentiel pour assurer, par exemple, le respect des droits des immigrants et faciliter la migration circulaire en attribuant (par exemple) la double nationalité, en autorisant la transférabilité des pensions et en adoptant des régimes de permis de travail et fiscaux appropriés. Dans la mesure où un resserrement des liens entre la diaspora et le pays d’origine peut améliorer le développement de celui-ci, le pays de destination profite de la croissance et de la stabilité, et peut éviter – en encourageant le retour dans le pays d’origine et la migration circulaire – certaines complications et tensions politiques associées à une immigration permanente importante. Dans ce contexte aussi, il existe de toute évidence des opportunités gagnantes pour les pouvoirs publics des pays tant d’origine que de destination et pour que la diaspora collabore à des solutions de coopération (Dadush 2015). 5 Si votre nom de famille est McNamara et que vous vivez hors d’Irlande, vous pouvez vous attendre à recevoir un courrier. L’organisation à but non lucratif Ireland Reaching Out (essentiellement financée par les pouvoirs publics irlandais) a été la première à s’engager dans ce qu’elle appelle la « généalogie inversée ». Plutôt que d’attendre que les individus recherchent leurs ancêtres irlandais, elle établit des arbres généalogiques depuis la racine jusqu’aux branches, suivant les descendants de ceu x qui ont émigré en Amérique et dans d’autres pays. Les bénévoles invitent ensuite ces individus à visiter leur pays d’origine. Il s’agit d’un travail titanesque : Mike Feerick, fondateur du système, ambitionne d’établir une base de données sur la diaspora irlandaise comprenant de 30 à 40 millions de noms (The Economist 2015). VII. Conclusion et recommandations L’analyse exposée dans le présent rapport révèle qu’il est nécessaire que les ressortissants de la région MENA résidant à l’étranger contribuent à la promotion des échanges, de l’investissement et du transfert de technologie dans la région MENA. Il n’est pas nécessaire que les membres de la diaspora rentrent dans leur pays d’origine pour aider, bon nombre d’entre eux peuvent fournir un précieux soutien tout en résidant à l’étranger. Principales conclusions : (1) La diaspora de la région MENA est généralement motivée, engagée dans le soutien du développement économique de son pays d’origine et désireuse de donner en retour à ce pays. Cette situation se vérifie quel que soit le pays de résidence, le nombre d’années passées à l’étranger, le niveau de revenu ou la génération de la diaspora. Les membres de la diaspora sont plus attachés à leur ville d’origine, où les familles et les amis résident, qu’à leur pays d’origine. (2) De façon générale, les pouvoirs publics des pays de la région MENA ne reconnaissent pas formellement la contribution d’ensemble de leurs ressortissants vivant à l’étranger au- delà des transferts de fonds. Cela étant, les ressortissants résidant à l’étranger peuvent attirer des investissements étrangers, promouvoir les échanges et l’entrepreneuriat, et faciliter les transferts de connaissances et de technologie. L’effet peut être particulièrement important lorsque les activités de sensibilisation et les politiques sont décentralisées et promues au niveau local. (3) Les membres de la diaspora de la région MENA expriment un degré élevé de défiance à l’égard des institutions de leur pays d’origine, et demandent un nouveau contrat social entre les autorités et les ressortissants vivant à l’étranger. Les membres de la diaspora, et en particulier ceux qui résident dans des pays où la gouvernance est de meilleure qualité et où les institutions sont plus solides, ont tendance à être exigeants et conscients du manque de qualité et des meilleurs services rendus par les pouvoirs publics. Ainsi, la diaspora peut représenter une source de changement et offrir une voie pour introduire de nouvelles et meilleures pratiques. (4) Actuellement, les membres de la diaspora de la région MENA privilégient surtout le transfert de technologie, le mentorat et le renforcement des capacités. Bien qu’un certain nombre de membres de la diaspora aient investi dans leur pays d’origine, ou essayé de le faire, ils considèrent qu’il conviendrait en priorité d’aider les jeunes professionnels et entrepreneurs à se structurer davantage, à mieux définir leurs idées et leurs projets, et à mieux commercialiser leurs produits et services, et de leur faciliter l’accès aux marchés. Ils pensent que la situation économique et le manque de maturité des marchés locaux ne sont pas propices aux investissements dans le pays d’origine et que ceux-ci interviendront à un stade plus tardif. (5) Lorsqu’ils envisagent d’investir, les membres de la diaspora privilégient l’investissement direct dans le pays d’origine car les instruments financiers alternatifs, comme les obligations publiques ou de la diaspora, ne semblent pas attractifs compte tenu de l’absence généralisée de transparence et de responsabilité dans la mise en œuvre des projets. En outre, la diaspora manque d’informations crédibles sur les créneaux commerciaux, en particulier au niveau local, dans les villes ou les régions d’où ses membres sont originaires. (6) Les institutions de développement peuvent jouer un rôle majeur pour réunir les membres de la diaspora de différents pays afin de partager les expériences, de faciliter leur dialogue avec les pouvoirs publics, et de générer des connaissances sur les pratiques internationales. Cette fonction est particulièrement importante lorsque le degré de défiance reste élevé et il est donc nécessaire de mettre en place des mécanismes afin de renforcer la confiance. Recommandations (1) Il conviendrait que les pouvoirs publics des pays de la région MENA reconnaissent formellement l’importante contribution que leurs professionnels et experts résidant à l’étranger – qui représentent un capital humain significatif – pourraient apporter en termes d’échanges commerciaux, de développement économique, de coopération régionale et mondiale, et de transfert des connaissances et des compétences. Il conviendrait de différencier les besoins et les politiques en fonction du type de pays. La collaboration et les programmes du pays avec la diaspora devraient être différenciés en fonction de la situation et des besoins des économies de la région MENA et des membres de la diaspora. L’approche sera différente en fonction des groupes de pays de la région MENA : (i) les économies relativement stables comme celles des pays du Maghreb, de l’Égypte et de la Jordanie, (ii) les pays en crise ou en reconstruction comme l’Iraq, la Libye, la Syrie et le Yémen, et (iii) les pays du CCG qui sont des pays d’origine de nombreux membres de la diaspora de la région MENA. (2) Les pouvoirs publics peuvent atteindre cet objectif de différentes façons. a. Il est essentiel que les pouvoirs publics s’efforcent de recenser les membres de la diaspora. Cet exercice aidera à élaborer des programmes de sensibilisation spécifiques et des programmes ciblant différents types de membres de la diaspora dotés de compétences et animés d’intérêts différents. En outre, il permettra aux pouvoirs publics de mobiliser plus rapidement la diaspora. La sensibilisation et les cibles peuvent être différenciées selon que les pouvoirs publics ont besoin de mobiliser leur diaspora pour souscrire à des obligations publiques ou de la diaspora, pour aider des réfugiés dans le pays où les membres de la diaspora résident ou pour solliciter leurs réseaux d’expertise et de professionnels. Il conviendrait également que les pouvoirs publics envisagent de décentraliser les activités de sensibilisation et de mobilisation des membres de la diaspora qui ont tendance à conserver des liens solides avec leur ville et région d’origine. b. L’élite de la diaspora est particulièrement sensible à une reconnaissance formelle des pouvoirs publics du pays d’origine. Ces pouvoirs publics pourraient collaborer de façon stratégique avec un petit groupe de membres qui ont particulièrement bien réussi dans le cadre d’un programme d’élite afin d’en faire profiter le pays. Global Scot et Chile Global qui comptent quelque 600 et 100 membres, respectivement, offrent des exemples de ce type de réseaux. Dans la région MENA, la Tunisie a récemment mis en place un programme intitulé « Ambassadeur » ciblant les professionnels de la diaspora occupant des postes de direction dans le secteur des technologies de l’information afin de promouvoir Smart Tunisia à l’étranger6. L’intervention d’un petit nombre à l’appui de programmes spécifiques pourrait faire la différence. c. Les pouvoirs publics peuvent adopter une politique volontariste pour faciliter les contacts entre la diaspora et les entrepreneurs basés localement, en améliorant le flux d’informations sur les créneaux commerciaux et sur la répartition de la diaspora dans le monde. Des plateformes en ligne spécifiques au pays mettant en relation des professionnels de la diaspora et des projets concrets seraient utiles et nécessiteraient un recensement des projets dans les pays d’origine. Les partenaires de développement soutenant les entrepreneurs locaux pourraient contribuer à alimenter ces plateformes car leurs projets sont examinés et approuvés à l’issue d’un processus minutieux de sélection. d. Les pouvoirs publics peuvent aussi inciter la diaspora à contribuer à des activités compétitives de recherche et à l’innovation dans son pays d’origine. Les membres de la diaspora peuvent aider à renforcer l’écosystème local d’innovation et de recherche. Les concours d’excellence en matière de recherche, dont les premiers ont été organisés en Croatie en 2008, au Mexique en 2009 et en Russie en 2010, constituent d’excellents exemples à cet égard. Ils ont permis de fournir des fonds de contrepartie à des organisations basées dans le pays d’origine qui établissent un projet conjoint avec les membres de la diaspora (Kapil et al. 2013). e. Avec le soutien des partenaires de développement bilatéraux et mondiaux, les pouvoirs publics peuvent aussi établir des réseaux d’échange des connaissances de sorte à pouvoir solliciter facilement les compétences des membres de la diaspora. Certaines initiatives incluent des programmes financés par des mentors dans certains secteurs ou industries, des projets conjoints de recherche, des mécanismes d’examen par les pairs, des retours virtuels (par le biais de l’apprentissage à distance et en ligne) ainsi que des visites et des affectations de courte durée. Pour renforcer les effets bénéfiques de ces activités, il conviendrait que les pays enquêtent sur les ressources humaines disponibles dans leur diaspora, constituent des réseaux actifs et élaborent des activités et programmes spécifiques. 6 Smart Tunisia est une initiative d’investissement des pouvoirs publics dont l’objectif est de faciliter l’emploi de jeunes diplômés et de développer des services informatiques et basés sur l’informatique. Elle a pour but de faire de la Tunisie un « centre numérique » réputé, en particulier pour attirer des investisseurs étrangers. f. Il conviendrait que les initiatives d’entrepreneuriat conduites par les pouvoirs publics et le secteur privé fassent systématiquement appel aux professionnels de la diaspora et à des investisseurs providentiels pour fournir des financements d’amorçage et un mentorat pour les chefs d’entreprises à forte croissance, en particulier au début des opérations d’amorçage. Un projet de financement de capitaux propres de départ et d’amorçage de 50 millions de dollars – visant à mobiliser des fonds propres privés et à accroître l’offre de capital risque pour des PME dont le potentiel de croissance est important – prévoit la participation de la diaspora marocaine à tous les stades du processus. (3) Les partenaires de développement peuvent aussi jouer un rôle significatif à différents niveaux. a. Ils peuvent en particulier œuvrer pour fédérer les membres de la diaspora et les décideurs ainsi que les membres de la diaspora au niveau national, régional et mondial. Il conviendrait que les partenaires de développement organisent des conférences récurrentes pour réunir les principaux acteurs, favoriser les échanges, suivre les progrès ainsi que les projets et les engagements. Ces partenaires pourraient inclure la Banque mondiale (notamment par l’intermédiaire du fonds fiduciaire multidonateurs de l’Alliance mondiale pour le savoir sur les migrations et le développement – KNOMAD), le Centre international pour le développement des politiques de migration, l’Organisation internationale pour les migrations, le Centre du commerce international, la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale ainsi que l’Union européenne et l’Agence des États-Unis pour le développement international qui sont actives dans ce domaine. b. Il conviendrait que les partenaires de développement continuent également de plaider en faveur d’une simplification des flux migratoires, en particulier pour les professionnels et les experts, afin d’encourager le transfert de connaissances et de compétences entre la diaspora et le pays d’origine. Les membres de la diaspora pourraient alors envisager de revenir temporairement dans leur pays d’origine et d’exploiter leurs compétences au profit de l’économie de ce pays, avec l’assurance de pouvoir émigrer facilement à nouveau. c. La réduction du coût des transferts de fonds, qui peut s’élever à plusieurs points de pourcentage du montant transféré pour les envois les moins importants, est une autre action que les pouvoirs publics peuvent facilement mettre en œuvre. En renforçant la concurrence au niveau des transferts de fonds et en soutenant l’adoption de nouvelles technologies de transferts de fonds – comme les téléphones mobiles, les cartes de crédit et les systèmes basés sur l’Internet, les pouvoirs publics peuvent rendre les envois de fonds plus faciles et commodes, et accroître directement leurs flux. Références Aykut, Dilek et Dilip Ratha. 2003/2004. « South-South FDI Flows: How Big Are They? » Transnational Corporations 13 (1): 149–76. 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Les pouvoirs publics irlandais considèrent que tout individu descendant d’Irlandais, soit peut-être 60 ou 70 millions de personnes, fait partie de la diaspora irlandaise. Israël considère que tous les Juifs sont membres de la diaspora. La typologie standard de la diaspora se présente comme suit : - Diaspora vécue – individus nés dans le pays d’origine qui résident désormais de façon permanente ou temporaire dans un pays d’accueil. - Diaspora ancestrale – individus ayant des liens ancestraux avec le pays d’origine (ex : membres de la diaspora de deuxième et troisième génération). Les nouvelles générations s’engagent davantage que leurs parents ou grands-parents vis-à-vis du pays de leurs ancêtres. - Diaspora de nouvelle génération – plus jeunes membres de la diaspora, habituellement âgés de moins de 35 ans, qui jouent un rôle fondamental pour assurer la pérennité des stratégies actuelles de la diaspora. La notion de diaspora repose sur deux critères : premièrement, avoir émigré et, deuxièmement, maintenir un lien avec le pays d’origine. L’Organisation internationale pour les migrations définit la diaspora au sens large comme des « membres de communautés ethniques et nationales qui ont quitté leur pays d’origine mais conservent des liens avec celui-ci ». Par conséquent, l’évaluation de la taille de la diaspora et la définition des critères d’appartenance peuvent être des exercices difficiles. Ionesco (2006) rappelle que la notion de diaspora englobe différents critères qui peuvent inclure le lieu de naissance, le moment de l’émigration, la nationalité et même l’identité. Aux fins de la présente analyse, l’équipe a adopté une définition qui ne s’appuie pas uniquement sur la nationalité, mais se fonde également sur l’appartenance revendiquée à la diaspora. Cette approche rejoint une approche similaire adoptée dans le rapport « Diaspora investing in the Caribbean » publié par Infodev et la Banque mondiale. Collecte de données Le projet a utilisé une approche en deux volets pour collecter des données sur la diaspora de la région MENA. Une enquête en ligne auprès des membres de la diaspora de la région MENA résidant à l’étranger : Le but de l’enquête était de fournir une description d’ensemble des caractéristiques et attitudes des membres de la diaspora de la région MENA, y compris en termes d’échanges, d’investissement et d’intégration dans la région. De ce fait, le questionnaire devait couvrir un large éventail de sujets, mais être suffisamment court pour que les personnes interrogées veuillent bien y répondre. L’enquête a été conçue en combinant des questions préalablement éprouvées dans des enquêtes similaires. Au début, nous avons contacté un petit échantillon de convenance à étudier. Le questionnaire a été testé auprès de la diaspora tunisienne. Il a ensuite fait l’objet d’aménagements en fonction des résultats de ce test préalable. Le questionnaire a alors été distribué en anglais et en français. L’essentiel des réponses provient de Tunisie, du Maroc, d’Algérie, d’Égypte, du Liban et de Jordanie. L’équipe a également organisé des groupes de réflexion pour approfondir les connaissances et atteindre davantage de membres et de réseaux de la diaspora. Le même ensemble de questions a été présenté dans des réunions des groupes animées par un modérateur professionnel. Les groupes de réflexion et l’enquête ont chacun présenté leurs propres avantages et inconvénients, mais l’amélioration des liens entre ces différentes sources de données et les données disponibles nous a permis d’acquérir un premier ensemble de connaissances des attitudes des membres de la diaspora concernant l’intégration et la coopération économiques. L’enquête en ligne a posé plusieurs problèmes fondamentaux.  Représentativité : Les membres de la diaspora étant peu nombreux, il est très difficile de les localiser. En outre, il s’agit de populations mobiles.  Notre enquête a ciblé un sous-ensemble de la population totale et ce sous-ensemble ne constituait qu’une petite partie de cette population globale.  Absence de cadre d’échantillonnage : L’enquête n’était pas nationalement représentative des pays où elle a été réalisée.  Coût élevé de réalisation d’une enquête nationalement représentative.  Biais d’étude lié aux absences de réponse et au manque d’identification.  L’équipe a dû trouver un compromis entre la rigueur scientifique et la faisabilité. Nous avons associé des méthodes quantitative et qualitative pour évaluer la diaspora de la région MENA. Les groupes de réflexion ont fourni des informations sur un sous-ensemble de la diaspora.