BILAN ÉCONOMIQUE AFCW3 RÉDUIRE les INÉGALITÉS DE GENRE au MALI, TCHAD, NIGER & GUINÉE AUTOMNE 2018 TABLE des MATIÈRES REMERCIEMENTS........................................................................................................................................................ 3 AVANT-PROPOS...................................... ..................................................................................................................... 4 SUJET SPÉCIAL Réduire les inégalités de genre au Mali, Tchad, Niger et en Guinée Mariages des enfants, grossesses précoces et faible niveau d’instruction des filles......................................................... 7 DOSSIER SPÉCIAL Gérer les vulnérabilités de la dette au Mali, Tchad, Niger et en Guinée................................ 39 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS Aperçu des indicateurs macroéconomiques des pays AFCW3, 2014-2018............................................................................................................................................................................ 51 GUINÉE............................................................................................................................................................................ 52 MALI ................................................................................................................................................................................ 56 NIGER............................................................................................................................................................................... 59 TCHAD............................................................................................................................................................................. 62 2 \\  REMERCIEMENTS Ce rapport est le fruit d’un travail collectif réalisé sous la direction de José López-Calix, Christopher Lemiere et Lars C. Moller, avec les contributions écrites d’une équipe interdisciplinaire de la Banque mondiale composée de Quentin Wodon, Doerte Doemeland, Sebastian M. Essl Yele Maweki Batana, Luc Razafimandimby, Aly Sanoh, Olivier Béguy, Markus Kitzmuller, Ernest John Sergenti, Boulel Touré, Marcel Nshimiyimana, Olanrewaju Malik Kassim, Andre-Marie Taptué et Irum Touqeer. Soukeyna Kane, Michel Rogy, Andrew L. Dabalen, François Nankobogo, Siaka Bakayoko, Rachidi B. Radji, Michael Hamaide et Boubacar Sidiki Walbani ont, quant à eux, prodigué des encouragements à l’équipe, fourni des orientations, des informations et des commentaires utiles. L’analyse de l’éducation des filles et des mariages d’enfants a été préparée dans le cadre d’un programme de travail mondial sur ces questions, qui a bénéficié d’un soutien du Children’s Investment Fund Foundation et du Partenariat mondial pour l’éducation, en développant une analyse plus limitée déjà réalisée sur le Niger en partenariat avec le Centre international de recherche sur les femmes. Nous adressons nos vifs remerciements à Meskerem Mulatu et Luis Benveniste, de la Banque mondiale, Jane Elizabeth Davies du Partenariat mondial pour l’éducation, et Erin McCarthy et Linda Weisert du Children’s Investment Fund Foundation. Une analyse plus détaillée des pays est disponible sur demande auprès de l’équipe. La compilation du rapport n’aurait pas été possible sans l’aide rédactionnelle de Maude Jean-Baptiste; le soutien médiatique d’Anne Senges, Lydie Sankara, Amelody Lee, Mamadou Bah et Edmond Bagde Dingamhoudou; et l’aide administrative d’Hawa Maiga, Micky Ananth, Fatimata K. Sy, Mariama Diabate-Jabbie et Aissata Diop Diallo. Un précieux travail d’édition a été réalisé en temps opportun par Valérie Bennett et ses collègues traducteurs et éditeurs chez JPD Systems. REMERCIEMENTS // 3 AVANT-PROPOS Le mariage des enfants est une pratique largement répandue dans certains pays d’Afrique subsaharienne. Au Niger, plus de trois filles sur quatre sont mariées durant l’enfance. Au Tchad, cette proportion est de plus de deux sur trois. En Guinée et au Mali, plus de la moitié. Ainsi, tout au plus, une fille sur dix achève ses études secondaires et les taux élevés de grossesses précoces sont courants dans ces pays. Le principal article de ce volume est consacré aux défis pressants du mariage des enfants, des grossesses précoces et du faible niveau d’instruction des filles dans les quatre pays susmentionnés. Outre ces statistiques alarmantes, et de loin supérieures à la moyenne africaine (le taux de mariage des enfants s’élève à environ 35 % en Afrique subsaharienne), cela signifie en pratique que la plupart des filles originaires de ces quatre pays sont mariées juste après l’âge de la puberté. Une fois mariées, il leur est très difficile de poursuivre leur scolarité. Le mariage étant le principal facteur de grossesse précoce, le maintien des filles à l’école est donc probablement le meilleur moyen de réduire le nombre de mariages d’enfants et, indirectement, le nombre de grossesses précoces. Par ailleurs, le maintien des filles à l’école est un facteur déterminant, peut-être même le plus important, pour limiter la croissance démographique et favoriser le développement socio-économique. Quoi qu’il en soit, ce défi est de taille. Les progrès dans le niveau d’instruction des filles et la baisse des mariages d’enfants sont inégaux dans les quatre pays étudiés. La Guinée a obtenu les meilleurs résultats au cours des dernières décennies, mais les progrès au Tchad, au Mali et au Niger ont été lents, voire négligeables. Le mariage des enfants, les grossesses précoces et le faible niveau d’instruction entravent l’autonomisation des filles et ont une incidence négative sur leurs enfants (en termes de taux de mortalité et de retard de croissance des enfants de moins de 5 ans et d’enregistrement des naissances) et leurs familles (par exemple, en termes de revenus et de pauvreté). Les coûts économiques et en matière de santé découlant des taux élevés de fécondité et de croissance démographique sont importants. Le mariage des enfants et les grossesses précoces signifient des revenus plus faibles pour les femmes, ce qui peut affecter la santé des jeunes mères et de leurs enfants. Conformément aux meilleures pratiques dans le monde, la gestion de ces questions intimement liées nécessite une approche multiple et intégrée. Premièrement, l’adoption de lois et de stratégies appropriées constitue une première étape nécessaire pour améliorer la vie des adolescentes, mais cela ne suffit pas. Des infrastructures de base doivent également être mises en place, en particulier dans les systèmes éducatifs. Par exemple, il est nécessaire de construire des écoles secondaires à proximité du lieu d’habitation des filles et/ou de fournir des moyens de transport vers ces écoles. L’accès à l’eau, à l’assainissement et à des installations sanitaires pour les filles est également essentiel. L’éducation secondaire doit devenir abordable pour les filles. En outre, il est également essentiel de proposer des opportunités d’emploi aux filles dès la fin de leur scolarité. Une 4 \\ AVANT-PROPOS solution consiste à fournir des interventions ciblées pour atténuer les contraintes économiques pesant sur l’éducation des filles, comme les transferts monétaires conditionnels, qui ont tendance à se révéler les plus fiables. D’autres interventions peuvent également comprendre la fourniture de formations aux adolescentes qui ont abandonné l’école. Enfin, ces problèmes indissociables qui touchent les filles subsahariennes trouvent leurs racines dans les normes sociales perpétuant les inégalités de genre. Afin de relever ce défi, des interventions communautaires regroupant les hommes, les femmes et les dirigeants communautaires se sont révélées positives. Les gouvernements sont déjà très impliqués dans l’expérimentation ou la mise en œuvre de plusieurs approches. J’espère que ce rapport fournira de nouvelles informations susceptibles de les aider à réduire les disparités entre les hommes et les femmes. Le deuxième thème spécial – autre sujet de préoccupation majeur pour les gouvernements de ces quatre pays – examine les vulnérabilités et les risques de la dette publique. Il est tout à fait pertinent, car après avoir suivi pendant plusieurs années les exigences en matière d’allègement de la dette dans le cadre de l’Initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE), les vulnérabilités de la dette en Afrique subsaharienne ont augmenté, voire atteint un niveau alarmant. Cependant, la Guinée, le Mali et le Niger appartiennent toujours au groupe de pays à risque modéré en termes d’endettement extérieur, malgré un environnement extérieur moins favorable, de précédents chocs intérieurs et des dérapages budgétaires. La gestion inefficace de la dette a également contribué à une accumulation des arriérés. En conséquence, des efforts continus doivent être fournis pour mettre en œuvre des politiques budgétaires saines, apurer les arriérés et renforcer la gestion de la dette en vue de réduire les vulnérabilités de la dette. En termes de perspectives économiques, je suis particulièrement heureuse de signaler que tous les pay devraient avoir des taux de croissance positifs en 2018, soit 5,9 % en Guinée, 5,2 % au Niger et 5,1 % au Mali, le Tchad s’approchant des 3,1 % pour la première fois depuis deux années de grave récession économique. Le retour de la croissance au Tchad vient également après la restructuration réussie de sa dette envers Glencore. La stabilité macroéconomique, avec de faibles taux d’inflation, est également préservée dans un contexte de hausse des prix du pétrole et de performance mitigée : si le Mali et le Tchad doivent, selon les projections, maintenir des taux à 2,1 %, le Niger et la Guinée devraient quant à eux accroître leur taux de 2017 de 3,9 % et 9,6 %, respectivement. La croissance positive et la stabilité des prix méritent d’être soulignées, non seulement parce que la résilience de la croissance doit être renforcée, mais aussi parce que pour la première fois depuis des années, tous les pays qui s’efforçaient de stabiliser leurs économies à court terme réorientent désormais leurs efforts vers la poursuite de la croissance à long terme. La reprise de la croissance est stimulée par les recettes tirées des exportations de matières premières combinées aux réformes de diversification économique dans les secteurs réels. Des réformes sont mises en œuvre principalement dans l’agriculture et les infrastructures (en particulier l’énergie, le transport et les technologies de l’information et de la communication). Les risques à la baisse dans le contexte d’une perspective largement positive, provenant des chocs externes, des conflits internes ou des revirements politiques, demeurent importants. Cela permet d’expliquer pourquoi les programmes de tous les gouvernements qui mettent en œuvre des politiques de consolidation budgétaire soutenues par le Fonds monétaire international (FMI) sont actuellement sur la bonne voie. Pour finir, je tiens à rappeler à nos lecteurs qu’il s’agit de la sixième édition d’une série de rapports traitant des principaux problèmes de développement au Tchad, en Guinée, au Mali et au Niger. AVANT-PROPOS // 5 Cette série intitulée « Bilan économique AFCW3 » vise à susciter un débat public sur des évolutions macroéconomiques et structurelles importantes pour soutenir la réduction de la pauvreté. Plus précisément, la série encourage l’échange d’idées sur certaines des questions les plus cruciales pour les pays d’Afrique subsaharienne. Elle fournit une vaste analyse sur des thèmes spéciaux, même si ses résultats sont préliminaires et loin d’être aboutis. De ce fait, elle fournit également un aperçu des tendances macroéconomiques dans la région. En bref, cette série est un instrument innovant de partage des connaissances pour la Banque mondiale et notre sous-région AFCW3. En effet, elle peut être utilisée pour approcher les médias, la société civile, les universités et le grand public pour débattre des réformes politiques prioritaires introduites ou débattues dans ces pays 1. Pour conclure, je souhaite exprimer une fois de plus ma gratitude envers nos partenaires gouvernementaux, techniques et financiers pour leur coopération et leurs multiples contributions conjointes au cours de ces derniers mois. Leurs encouragements, leurs apports et conseils techniques ont permis de créer un environnement particulièrement propice à un échange riche et régulier de points de vue sur les politiques de développement. J’espère que cette série pourra permettre d’approfondir plus encore ces échanges et de les faire circuler dans l’espace public pour informer les citoyens et recueillir leurs opinions. Soukeyna Kane Directrice des opérations de la Banque mondiale Guinée, Mali, Niger et Tchad (Sous-région AFCW3) 1 Il convient de noter que les constatations, interprétations et conclusions exprimées dans ce rapport sont exclusivement celles du personnel de la Banque mondiale et ne reflètent pas nécessairement les opinions du Groupe de la Banque mondiale et de ses organisations affiliées ni celles des Directeurs exécutifs de la Banque mondiale ou des gouvernements qu’ils représentent. 6 \\ AVANT-PROPOS SUJET SPÉCIAL RÉDUIRE les INÉGALITÉS de GENRE au MALI, TCHAD, NIGER et en GUINÉE MARIAGES DES ENFANTS, GROSSESSES PRÉCOCES ET FAIBLE NIVEAU D’INSTRUCTION DES FILLES2 RÉSUMÉ Le Mali, le Tchad, le Niger et la Guinée affichent des taux d’achèvement des études secondaires parmi les plus faibles au monde pour les filles. Ces pays enregistrent également des taux parmi les plus élevés de mariages d’enfants et de grossesses précoces. Alors que d’autres pays d’Afrique de l’Ouest et centrale accomplissent des progrès rapides dans le niveau d’instruction des filles et enregistrent une baisse des mariages d’enfants, les progrès constatés sont inégaux au sein des quatre pays ciblés par ce rapport. Parmi ces derniers, la Guinée a obtenu les meilleurs résultats au cours des dernières décennies, mais le Tchad, le Mali et le Niger ont progressé lentement, voire pas du tout dans certains cas. Les mariages d’enfants, les grossesses précoces et le faible niveau d’instruction nuisent à l’autonomisation des filles. Ce document met en lumière les tendances dans ces domaines au fil du temps et leur impact sur d’autres indicateurs de développement et les coûts économiques associés à ces impacts. Enfin, les politiques et programmes susceptibles d’améliorer les résultats pour les adolescentes seront abordés en dernière partie. TENDANCES AU FIL DU TEMPS  u Niger, plus de trois filles sur quatre sont mariées au cours de leur enfance. Au Tchad, la proportion est de • A plus de deux tiers. Au Mali et en Guinée, elle est de plus de la moitié. Dans ces pays, une fille sur dix, tout au plus, achève ses études secondaires, et les taux élevés de grossesses précoces sont prédominants.  ar rapport à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest et centrale, les quatre pays étudiés accusent un retard sérieux, • P l’amélioration des indicateurs ayant été en moyenne beaucoup plus lente.  n pratique, après la puberté, les filles doivent choisir entre le mariage et l’école et, une fois mariées, elles • E peuvent difficilement poursuivre leur scolarité. Le maintien des filles à l’école constitue probablement le meilleur moyen de réduire le nombre de mariages d’enfants et, indirectement, de grossesses précoces, puisque le mariage précoce constitue le facteur majeur de ces dernières. 2 Cette note a été rédigée par Quentin Wodon, Chata Male et Adenike Onagoruwa. Elle s’appuie en partie sur les résultats d’études globales réalisées par la Banque mondiale, notamment : 1) une étude de l’impact économique du mariage des enfants (conjointement avec le Centre international de recherches sur les femmes) ; 2) une étude sur le coût de l’absence d’instruction des filles ; et 3) une étude sur le coût des inégalités de genre. Le Children’s Investment Fund Foundation et le Partenariat mondial pour l’éducation ont apporté leur soutien à la réalisation de ce travail. Les auteurs expriment leur reconnaissance à Christophe Lemière, Jose López-Calix et Marcel Nshimiyimana, entre autres, pour les commentaires apportés. SUJET SPÉCIAL // 7 IMPACTS ET COÛTS  es mariages d’enfants, les grossesses précoces et le faible niveau d’instruction des filles ont un impact négatif • L sur le développement, non seulement au niveau de l’autonomisation des filles (par exemple, en termes de violences conjugales et capacité de prise de décision), mais également de leurs enfants (par exemple, en termes de taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans, retard de croissance et enregistrement des naissances) et leurs familles (par exemple, en termes de revenus et pauvreté).  es coûts les plus importants concernent les taux de fécondité et de croissance démographique, les revenus • L des femmes et la santé des enfants nés de mères jeunes.  insi, à titre d’exemple et sachant que cela ne peut être réalisé à moyen terme, la réduction des mariages • A d’enfants au Mali et au Niger en 2015 aurait pu générer jusqu’à 1,6 milliard USD et 1,7 milliard pour chaque pays en avantages annuels d’ici 2030 (en parité de pouvoir d’achat – PPA), simplement grâce à la baisse des taux de fécondité et de croissance démographique.  n outre, la perte de revenus chez les femmes due à la faiblesse de leur niveau d’instruction consécutive à un • E mariage précoce est estimée aujourd’hui à plus de 350 millions USD (en parité de pouvoir d’achat) pour le Mali et le Niger. a baisse du taux de croissance démographique offre d’autres avantages, y compris des économies • L budgétaires, notamment dans la prestation de services de base. SOLUTIONS  ’adoption de lois et de stratégies appropriées constitue une première étape nécessaire pour améliorer les • L opportunités pour les adolescentes, mais cela ne suffit pas. Des conditions de base doivent être remplies dans les systèmes d’éducation et des interventions ciblées sont requises.  our les conditions de base, il est nécessaire de construire des écoles secondaires à proximité du lieu d’habitation • P des filles, ou de fournir des moyens de transport vers les écoles. L’accès à l’eau et à l’assainissement et l’installation de sanitaires pour les filles sont également essentiels, tout comme la nécessité de réduire le risque de violence ou de harcèlement sexuel à l’école et sur le trajet vers l’école. L’éducation secondaire doit être abordable, la qualité de l’apprentissage dans les écoles améliorée et des offres d’emploi doivent être proposées à la fin de la scolarité des filles, pour inciter efficacement à leur maintien à l’école.  oncernant les interventions ciblées, celles qui atténuent les contraintes économiques sur l’éducation des • C filles, comme les transferts monétaires conditionnels, ont tendance à être les plus efficaces. Les interventions visant à augmenter les opportunités économiques des adolescentes qui ont abandonné l’école et ne sont pas susceptibles d’y retourner ont également un rôle à jouer. La transmission d’aptitudes à la vie quotidienne et de connaissances sur la santé reproductive est également prometteuse, que les filles soient scolarisées ou non. Les clubs d’espace sécurisé se sont révélés efficaces dans ce domaine. Enfin, les mariages d’enfants, les grossesses précoces et le faible niveau d’instruction des filles trouvent leurs •  racines dans les normes sociales perpétuant les inégalités de genre. Afin de relever ce défi, des interventions communautaires avec les hommes, les femmes et les dirigeants communautaires peuvent être bénéfiques. INTRODUCTION Malgré des progrès notables au cours des deux dernières décennies, dans de nombreux pays, le niveau d’éducation secondaire des filles est toujours plus bas que celui des garçons. Cela résulte en partie du fait que de nombreuses filles sont mariées ou ont des enfants avant l’âge de 18 ans, souvent bien avant d’être physiquement et psychologiquement prêtes à devenir des femmes et des mères. L’instruction, l’élimination du mariage des enfants et la prévention des grossesses précoces sont nécessaires pour autonomiser les filles, non seulement en tant que futures épouses et mères, mais également en dehors de ces rôles. Cela est également essentiel si les pays veulent atteindre leur plein potentiel de développement. 8 \\ SUJET SPÉCIAL Le niveau d’instruction des filles, le mariage des enfants et les grossesses précoces sont étroitement liés. L’élimination du mariage des enfants et des grossesses précoces pourrait améliorer le niveau d’instruction des filles. Inversement, l’augmentation de leur niveau d’instruction permettrait de réduire ces deux phénomènes. En outre, le faible niveau d’instruction, le mariage des enfants et les grossesses précoces affectent les trajectoires de vie des filles de bien d’autres façons. Les filles qui se marient ou qui abandonnent l’école trop tôt sont plus susceptibles de souffrir de problèmes de santé, d’avoir plus d’enfants et de gagner moins à l’âge adulte. Par conséquent, leurs foyers sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté. Les violences conjugales et l’absence de capacité de prise de décision des filles dans le ménage constituent d’autres risques. Fondamentalement, les filles qui se marient, ont des enfants ou abandonnent l’école trop tôt, perdent leur autonomie et ne pourront de ce fait jouir de leurs droits fondamentaux. Cette situation affecte à son tour leurs enfants. Par exemple, les enfants de mères jeunes ont plus de risques de mourir avant l’âge de cinq ans, de souffrir de malnutrition et d’éprouver des difficultés à l’école. Les coûts économiques et sociaux des mariages d’enfants, des grossesses précoces et du faible niveau d’instruction des filles sont importants. Le fait que ces coûts soient conséquents, et que l’investissement en faveur des adolescentes soit une décision économique intelligente – y compris en éliminant les mariages d’enfants et les grossesses précoces et en offrant de meilleures opportunités éducatives – n’est pas nouveau. Cela a été confirmé par le Rapport sur le développement dans le monde « Égalité des genres et développement » de la Banque mondiale (Banque mondiale, 2012) et de nombreuses études réalisées auparavant (voir, par exemple Banque mondiale 2001). La contribution de la présente note vise à documenter les effets négatifs du manque d’investissement en faveur des filles de manière plus systématique, sur la base de données d’enquêtes plus récentes pour le Mali, le Tchad, le Niger et la Guinée. L’analyse s’appuie sur les précédents travaux de la Banque mondiale sur le coût global du manque d’investissement au profit des filles (Wodon et coll., 2018)) et sur une Encadré 1 : NOTE SUR LES DONNÉES POUR LE MALI ET LE NIGER Les données sur le Mali utilisées pour cette étude sont moins fiables que pour les autres pays, la dernière enquête démographique et de santé (EDS) ayant été réalisée en 2012-2013 sans couvrir le nord du pays en raison du conflit qui a éclaté début 2012. Ainsi, les indicateurs de l’enquête 2012-2013 utilisés dans cette étude pour le Mali ont tendance à être plus positifs que si l’ensemble du pays avait été couvert, car le Nord accuse du retard sur ces indicateurs. Certaines tendances au fil du temps doivent être également interprétées avec prudence en raison de l’absence de représentativité nationale des données. Le Mali travaille à la mise en œuvre d’une nouvelle enquête démographique et de santé pour 2018 et des résultats sont attendus prochainement. Pour le Niger, l’analyse est fondée sur l’EDS de 2011. Une nouvelle enquête pour 2017 a été achevée, mais ses résultats n’ont pas encore été rendus publics. Cependant, les résultats préliminaires indiquent une baisse du taux de fécondité, en particulier chez les jeunes femmes de 15 à 19 ans. Si ces résultats sont confirmés, ils résultent probablement en partie de l’augmentation du taux de scolarisation des filles et de la diminution correspondante des mariages d’enfants. Les indicateurs relatifs à la santé des enfants, y compris la mortalité des moins de cinq ans et le retard de croissance, ont également connu une amélioration. Les politiques telles que les services de soins gratuits aux femmes enceintes et aux enfants de moins de cinq ans, les efforts consentis pour la prévention de la malaria (première cause de mortalité des enfants) à travers la distribution de moustiquaires longue durée et de campagnes de sensibilisation sur la propreté, peuvent avoir favorisé ces résultats positifs. Cependant, ces progrès ne sont pas pris en compte dans cette étude, car les résultats de l’EDS de 2017 n’ont pas encore été publiés officiellement et les données au niveau de l’unité de l’enquête sur les ménages ne sont pas disponibles pour analyse. SUJET SPÉCIAL // 9 étude mondiale sur les impacts économiques des mariages d’enfants, réalisée par la Banque mondiale en partenariat avec le Centre international de recherche sur les femmes (Wodon et coll., 2017a). Le cadre conceptuel de l’analyse figure en annexe de la présente note. Il faut espérer que cette analyse favorise une mobilisation politique encore plus importante afin d’améliorer les opportunités éducatives pour les filles et d’éliminer les mariages d’enfants dans les quatre pays étudiés. TENDANCES EN MATIÈRE D’ÉDUCATION DES FILLES ET DE MARIAGE DES ENFANTS Le Tableau 1 montre les tendances dans le niveau d’instruction et les mariages d’enfants pour les filles dans les quatre pays étudiés et dans les pays d’Afrique de l’Ouest et centrale en général. Ces tendances sont fondées sur des estimations pour 21 pays de la région, pondérés de façon égale (sans tenir compte des différences de taille de population entre les pays). Pour rester cohérent avec le reste de l’analyse menée dans cette note, les tendances sont fondées sur les dernières enquêtes démographiques et de santé (EDS) pour chacun des quatre pays cibles. Cela signifie que les données remontent à quelques années (enquêtes réalisées en 2011 au Niger, en 2012 en Guinée, en 2012-2013 au Mali et en 2015 au Tchad). Néanmoins, si des progrès ont été réalisés dans les différents pays depuis ces enquêtes, les grandes tendances n’ont probablement pas changé de manière radicale. Trois mesures sont prises en compte pour le niveau d’instruction, à savoir la proportion de filles d’âges différents achevant le cycle d’études primaires, et les premier et deuxième cycles du secondaire. Les tranches d’âge ge sont définies pour permettre aux filles d’un âge un peu plus avancé que la moyenne de compléter un niveau d’étude (pour prendre en compte la possibilité d’entrée tardive ou de redoublement). Grâce, en partie, à l’initiative « Éducation pour tous », d’importants progrès ont été accomplis au niveau des études primaires. Au Tchad par exemple, la dernière enquête révèle que seuls 6,4 % des femmes âgées de 41 à 49 ans ont achevé leurs études primaires, mais que le pourcentage s’élève à 30 % pour les femmes âgées de 15 à 18 ans. Cela représente un gain de 23,6 points au cours des trois dernières décennies. Pour la Guinée, le Mali et le Niger, les progrès ont été également importants. Toutefois, dans les quatre pays, les taux d’achèvement restent bien inférieurs à la moyenne des pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. En outre, l’amplitude moyenne des progrès en points de pourcentage dans l’achèvement des études primaires pour le Tchad, la Guinée, le Mali et le Niger est également plus faible que la moyenne d’Afrique de l’Ouest et centrale sur la même période. En moyenne, les taux d’achèvement des études primaires ont augmenté de 22,4 % dans les quatre pays au cours des trois dernières décennies. Pour les premier et second cycles du secondaire, les progrès moyens pour les groupes les plus âgés et les plus jeunes sont de 10,1 points et 4,5 points, respectivement. Cependant, ces progrès sont en dessous des valeurs observées en Afrique de l’Ouest et centrale. Les gains au niveau du secondaire ont tendance à être plus faibles en termes absolus qu’au niveau du primaire, en partie à cause des mariages d’enfants. Des résultats similaires ont été obtenus pour les taux d’achèvement du premier cycle (3 ans) et du second cycle du secondaire. En moyenne, les quatre pays ont enregistré des progrès en points de pourcentage plus faibles que la région, et les taux d’achèvement sont aussi plus faibles que dans la région dans son ensemble. Par exemple, pour l’achèvement du second cycle du secondaire, les quatre pays se situent sous la moyenne régionale, et la hausse moyenne pour les quatre pays (4,5 points de pourcentage) est plus faible que la hausse moyenne pour 21 pays de la région (8,3 points de pourcentage). Comme nous l’aborderons plus en détail ci-dessous, ces résultats résultent en partie de la persistance de taux très élevés de mariages d’enfants, variant de 51,1 % en Guinée à 76,8 % au Niger au sein d’une population de filles de 18 à 22 ans. 10 \\ SUJET SPÉCIAL Tableau 1 : TAUX D’ACHÈVEMENT DE LA SCOLARITÉ ET MARIAGE DES ENFANTS, PAR TRANCHES D’ÂGE, DERNIÈRE EDS(%) Achèvement du premier cycle Achèvement du primaire du secondaire (3 ans) 15-18 19-22 23-30 31-40 41-49 18-20 21-24 25-30 31-40 41-49 Afrique de l’Ouest et centrale 53.3 51.6 40.4 33.3 29.3 29.7 32.7 23.8 19.1 15.9 Tchad 30.0 29.7 17.5 10.8 6.4 14.3 16.2 7.3 5.2 2.9 Guinée 33.8 35.0 21.1 10.4 9.3 20.6 26.5 13.7 6.2 4.1 Mali 34.7 25.8 13.1 8.8 9.9 13.1 13.7 6.1 4.3 4.6 Niger 22.3 13.7 7.2 7.1 5.8 7.1 7.9 3.3 4.1 3.2 Achèvement du second cycle du secondaire Mariage d’enfants 21-24 25-30 31-40 41-49 18-22 23-30 31-40 41-49 Afrique de l’Ouest et centrale 13.9 11.6 8.0 5.6 38.6 42.7 43.8 46.6 Tchad 5.9 3.0 2.4 1.0 64.1 69.7 68.5 68.8 Guinée 11.0 7.4 3.0 1.4 51.1 56.5 60.1 60.1 Mali 4.6 2.6 1.8 1.5 59.9 56.3 46.9 42.8 Niger 1.4 1.0 1.0 1.0 76.8 76.1 76.6 80.1 Source : Male et Wodon (2018). Remarque : La moyenne régionale n’est pas pondérée en fonction de la taille de la population de chaque pays. En moyenne, au sein des 21 pays de la région, la prévalence des mariages d’enfants a baissé de 8 points de pourcentage seulement sur deux décennies et demie. Cela représente la différence dans les taux de prévalence entre les groupes de femmes âgées de 18 à 22 ans et de 41 à 49 ans. Pour la Guinée, la réduction a été plus importante, soit 9 points de pourcentage, mais pour le Tchad et le Niger, la diminution moyenne des mariages d’enfants a été plus faible, soit respectivement de 4,7 points et 3,3 points. Le Mali affiche une augmentation de la prévalence des mariages d’enfants au fil du temps, résultant sans doute de la situation difficile du pays. Si ce contexte peut avoir influencé les taux de mariage précoce, il a également eu un effet sur la collecte de données, comme indiqué dans l’Encadré 1. Parmi les 21 pays, le seul autre pays dans lequel ces taux ont également augmenté est la République centrafricaine, sans doute en raison des conflits et de la fragilité. En moyenne, au sein des 21 pays, la prévalence des mariages d’enfants pour les filles a baissé de 8 points de pourcentage en Afrique de l’Ouest et centrale au cours des 25 dernières années. La Guinée a réalisé des progrès notables dans la réduction des mariages d’enfants, mais les résultats ont été moins probants au Tchad et au Niger. Au Mali, le nombre de mariages d’enfants a augmenté. Dans l’ensemble, la situation des adolescentes au Tchad, au Mali et au Niger est beaucoup moins bonne que dans le reste de l’Afrique de l’Ouest et centrale. Le Niger, en particulier, affiche des taux de mariages d’enfants deux fois supérieurs au niveau observé dans la région, et des taux d’achèvement des études primaires, secondaires et supérieures bien inférieurs à la moitié des taux d’achèvement observés dans la région. D’importants investissements sont nécessaires afin d’offrir de meilleures opportunités aux filles au Niger, mais également dans les trois autres pays. Les tendances dans les taux d’achèvement par niveau scolaire et les mariages d’enfants sont représentées dans les figures 1 à 4. Pour l’éducation, les taux d’achèvement pour les femmes de 41 à 49 ans figurent sur l’axe horizontal, tandis que ceux du groupe le plus jeune figurent sur l’axe vertical. Idem pour le mariage des SUJET SPÉCIAL // 11 Figure 1 : TENDANCES DANS LES TAUX D’ACHÈVEMENT DES ÉTUDES PRIMAIRES POUR LES FILLES, ET PAR ÂGE (%) (21 pays d’Afrique de l’Ouest et centrale) Source : Male et Wodon (2018). Figure 2 : TENDANCES DANS LES TAUX D’ACHÈVEMENT DU PREMIER CYCLE DU SECONDAIRE POUR LES FILLES, ET PAR ÂGE (%) (21 pays d’Afrique de l’Ouest et centrale) Source : Male et Wodon (2018). 12 \\ SUJET SPÉCIAL Figure 3 : TENDANCES DANS LES TAUX D’ACHÈVEMENT DU SECOND CYCLE DU SECONDAIRE, POUR LES FILLES, ET PAR ÂGE (%) (21 pays d’Afrique de l’Ouest et centrale) Source : Male et Wodon (2018). Figure 4 : TENDANCES DE LA PRÉVALENCE DES MARIAGES D’ENFANTS PAR ÂGE (%) (21 pays d’Afrique de l’Ouest et centrale) Source : Male et Wodon (2018). SUJET SPÉCIAL // 13 enfants dans la figure 4, avec le groupe le plus âgé sur l’axe horizontal et le plus jeune sur l’axe vertical. S’agissant du niveau d’instruction, le fait que tous les pays se situent au-dessus de la diagonale indique des progrès, et la distance verticale par rapport à la diagonale est la mesure de ces progrès en points de pourcentage absolus. Pour les mariages d’enfants, comme mentionné précédemment, les taux de prévalence ont augmenté dans deux pays, y compris au Mali. Comme évoqué plus haut dans les figures 1 à 4, le Tchad, la Guinée, le Mali et le Niger obtiennent de mauvais résultats par rapport à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. Dans les quatre figures, le Tchad, la Guinée, le Mali et le Niger sont placés dans les groupes de pays au sein des cercles rouges, parfois avec le Burkina Faso, la Guinée-Bissau et la République centrafricaine. L’âge n’est pas un critère pour le mariage des filles. Aucune tradition ne dit qu’une fille doit se marier à un âge précis. Nous jugeons qu’une fille est prête lorsque sa mère remarque qu’elle a eu ses premières règles et que ses seins se sont développés. » Perlman et coll. (2018a, b) CORRÉLATION ENTRE LE MARIAGE DES ENFANTS, LES GROSSESSES PRÉCOCES ET L’INSTRUCTION DES FILLES La corrélation entre le niveau d’instruction et le mariage des enfants est forte. Les taux d’achèvement du premier cycle du secondaire expliquent près de 60 % de la variance de la prévalence des mariages d’enfants selon les pays en Afrique de l’Ouest et centrale. Perlman et coll. (2018a, b). Les questions du mariage des enfants, des grossesses précoces et du faible niveau d’instruction des filles sont étroitement liées. Elles s’influencent toutes mutuellement. Un rapide coup d’œil sur les données indique que la corrélation est forte. Dans la figure 5, le taux d’achèvement du premier cycle du secondaire apparaît sur l’axe horizontal, et le taux de prévalence du mariage des enfants sur l’axe vertical. La courbe de tendance reliant le nuage de points représente près de 60 % de la variance de la prévalence des mariages d’enfants selon les pays. Figure 5 : CORRÉLATION ENTRE LE NIVEAU D’INSTRUCTION ET LE MARIAGE DES ENFANTS (EN %) Source : Male et Wodon (2018). 14 \\ SUJET SPÉCIAL La figure met en évidence le rôle important de la scolarisation dans le secondaire dans l’élimination du mariage des enfants, comme en témoigne la documentation sur le sujet. La figure suggère également que plus les taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire augmentent, moins l’impact marginal sur le mariage d’enfants peut être important. Cela pourrait être dû au fait qu’il est souvent plus difficile d’atteindre le « dernier kilomètre » (éliminer plutôt que réduire seulement les mariages d’enfants) dans ce domaine comme dans bien d’autres. Avec la République centrafricaine, le Tchad, la Guinée, le Mali et le Niger, situés à l’angle supérieur gauche de la figure, obtiennent encore des résultats médiocres. La relation étroite entre le mariage des enfants et l’éducation des filles peut également être illustrée par une simple typologie des adolescentes en fonction de leur statut matrimonial et scolaire. Le Tableau 2 fournit des mesures de la proportion de jeunes filles dans différentes catégories. Les résultats indiquent qu’après un certain âge, les filles doivent souvent choisir entre le mariage et les études. En outre, une fois qu’une fille est mariée, il lui est très difficile de rester à l’école. Dit simplement, le fait que de nombreuses adolescentes des quatre pays doivent choisir entre poursuivre leur scolarité ou se marier, mais pas les deux à la fois, implique que le lien de causalité entre le mariage et la scolarité opère dans les deux sens. Le mariage d’enfants réduit les perspectives d’éducation pour les filles, et à l’inverse, de meilleures opportunités d’éducation et d’emploi pour les filles réduisent la probabilité d’un mariage précoce. En outre, le mariage des enfants est la cause probable de plus des deux tiers de tous les cas de grossesses précoces (une fille ayant son premier enfant avant l’âge de 18 ans) et de maternité précoce (naissance d’un enfant d’une mère de moins de 18 ans). En se fondant sur les dates du mariage et de la grossesse, le tableau 2 montre également la proportion de grossesses et maternités précoces attribuées au mariage des enfants. Bien que cette méthode ne soit pas parfaite pour identifier le lien de causalité, les données indiquent que la grossesse précoce est liée dans la plupart des cas au mariage d’enfants. Parfois, la grossesse précoce peut entraîner le mariage des enfants, mais c’est moins probable dans nos quatre pays étudiés. Tableau 2 : RELATIONS ENTRE LE MARIAGE DES ENFANTS, LA GROSSESSE PRÉCOCE ET L’ÉDUCATION DES FILLES (EN %) TCHAD GUINÉE MALI NIGER Proportion de filles de 15 à 19 ans selon leur statut scolaire et matrimonial (en %) Scolarisées, non mariées, 15-16 ans 16,6 17,1 13,2 7,9 Scolarisées, non mariées, 17-19 ans 12,2 16,9 13,3 6,6 Non scolarisées, non mariées, 15-16 ans 18,2 15,1 15,1 13,9 Mariées, non scolarisées, tous les âges 38,4 31,7 40,4 61,7 Non scolarisées, non mariées, 17-19 ans 11,9 16,8 15,1 9,2 Mariées et scolarisées, tous les âges 2,7 2,4 2,8 0,7 Total 100,0 100,0 100,0 100,0 Proportion de grossesses précoces vraisemblablement dues au mariage des enfants (en %) Mères ayant un enfant avant 18 ans 84,9 75,3 59,8 69,6 Enfants nés de mères de moins de 18 ans 76,0 77,3 73,3 75,7 Source : Estimation des auteurs. Lorsque des parents sont questionnés dans des enquêtes sur les raisons qui ont poussé leurs filles à abandonner l’école, ils mentionnent souvent le mariage des enfants et les grossesses (voir l’encadré 2 pour un éventail plus vaste de facteurs entraînant l’abandon de la scolarité chez les filles). Des travaux économétriques supplémentaires fondés sur des analyses de régression pour le Mali et le Niger indiquent également que le lien de causalité entre le mariage des enfants et la grossesse précoce d’une part, et le niveau d’instruction des filles d’autre part, opère dans les deux sens, et qu’il est fort (sur l’impact du mariage des enfants sur l’éducation, voir SUJET SPÉCIAL // 15 par exemple Field et Ambrus, 2008 ; Nguyen et Wodon, 2014 ; Wodon et coll., 2016). Enfin, d’une génération à l’autre, en réduisant le niveau d’instruction des filles, le mariage d’enfants et la grossesse précoce ont des impacts sur les opportunités offertes aux enfants nés de jeunes mères. En résumé, le mariage d’enfants et les grossesses précoces ont un effet négatif sur le niveau d’instruction. À l’inverse, le maintien des filles à l’école réduit considérablement les risques de mariage d’enfants et de maternité précoce. Un résumé des estimations sur les diverses relations en jeu est fourni au tableau 3. Dans l’analyse de la présente note, lorsque nous traitons des avantages tirés de l’élimination du mariage des enfants ou des grossesses précoces et de l’instauration d’un enseignement universel des filles, nous reconnaissons que ces objectifs sont inachevables. Néanmoins, en démontrant les avantages qui découlent de la réalisation hypothétique de ces objectifs, nous pouvons inciter à l’action et se rapprocher de ces aspirations. Tableau 3 : RELATIONS ENTRE LE MARIAGE DES ENFANTS, LA GROSSESSE PRÉCOCE ET LE NIVEAU D’INSTRUCTION DES FILLES (Tchad, Guinée, Mali, Niger) Relation entre le mariage d’enfants et la grossesse précoce Le mariage des enfants est la cause probable de plus des deux tiers des cas de filles ayant des enfants avant l’âge de 18 ans Le mariage des enfants est la cause probable de plus des trois quarts des naissances d’enfants de mères de moins de 18 ans  La réduction du mariage des enfants pourrait réduire considérablement les grossesses précoces des filles et les naissances précoces pour les enfants Impacts du mariage d’enfants et de la grossesse précoce sur le niveau d’instruction des filles D’après les parents, les grossesses et mariages précoces sont parmi les principales raisons pour lesquelles les filles abandonnent l’école Chaque année de mariage précoce accroît le risque de ne pas terminer l’école secondaire d’au moins cinq points de pourcentage Une fois qu’une fille est mariée, les données statistiques indiquent qu’il lui est très difficile de rester à l’école, quel que soit son âge Le mariage d’enfants affecte l’éducation des enfants des filles qui se marient tôt, au moins indirectement Impacts du niveau d’instruction des filles sur le mariage des enfants et les grossesses précoces Chaque année d’études secondaires réduit le risque de mariage dans l’enfance d’au moins cinq points de pourcentage Chaque année d’études secondaires réduit le risque de grossesse précoce d’au moins sept points de pourcentage Source : Estimation des auteurs. Ces relations mutuelles expliquent pourquoi les mesures incitatives pour maintenir les filles à l’école ou leur permettre de reprendre leurs études si elles les ont abandonnées semblent compter parmi les interventions les plus efficaces pour retarder l’âge du premier mariage et éviter les grossesses précoces. Il convient de noter que l’instauration d’un enseignement secondaire universel pour les filles pourrait réduire considérablement la prévalence du mariage d’enfants et des maternités précoces. En revanche, si l’élimination des mariages d’enfants et des grossesses précoces peut contribuer à améliorer le niveau d’instruction des filles, cela ne suffirait pas en soi à assurer l’instauration d’un enseignement secondaire universel. IMPACTS SUR D’AUTRES RÉSULTATS DE DÉVELOPPEMENT Fécondité et croissance démographique Le mariage des enfants, les grossesses précoces et l’éducation des filles ont des impacts considérables sur le nombre d’enfants que les femmes mettent au monde au cours de leur vie, et donc sur la croissance démographique (voir l’encadré 3 sur ce que l’on entend par impacts et coûts économiques associés). Les femmes qui se sont mariées jeunes sont susceptibles de commencer à avoir des enfants plus tôt et d’enfanter plus souvent au cours de leur vie (ces effets sont estimés en utilisant un modèle adapté d’Onagoruwa et Wodon, 2018). C’est le cas pour les trois pays dans lesquels l’analyse a été menée (Guinée, Mali et Niger), ainsi 16 \\ SUJET SPÉCIAL Encadré 2 : POURQUOI LES FILLES ABANDONNENT-ELLES L’ÉCOLE ? CONCLUSIONS DE TRAVAUX ETHNOGRAPHIQUES MENÉS AU NIGER Cette note n’inclut pas une analyse détaillée sur les raisons pour lesquelles les filles quittent l’école prématurément, même si le mariage des enfants est l’une de ces raisons. Cependant, il convient de noter que ces raisons sont complexes. Lorsque des parents sont questionnés au cours d’enquêtes sur les raisons pour lesquelles leurs filles ont abandonné l’école, les réponses données portent souvent sur le coût de la scolarité (incluant aussi bien les dépenses effectives que les coûts d’opportunité), les mariages et les grossesses précoces, le manque de résultats d’apprentissage à l’école et le manque d’intérêt pour la poursuite de la scolarité. Dans certains pays, certains facteurs jouent un rôle plus important, et dans d’autres, d’autres facteurs peuvent être plus prépondérants. Mais dans de nombreux pays, même si cela peut ne pas apparaître explicitement dans les réponses des parents, les normes sociales et les rôles attribués à chaque genre affectent également les possibilités pour les filles de poursuivre leur scolarité. Cela ressort clairement des travaux qualitatifs. Dans le cas du Niger, par exemple, les travaux ethnographiques de Perlman et coll. (2018a, b) indiquent que six principaux obstacles empêchent la plupart des filles de poursuivre leur scolarité après l’école primaire : 1. Médiocres résultats d’apprentissage et coûts. Les écoles publiques rurales sont tellement pauvres en ressources et d’une qualité si médiocre que beaucoup d’enfants terminent leurs études primaires sans savoir lire. Ces écoles ne sont pas payantes, mais les parents se plaignent que les coûts liés aux uniformes, à d’autres frais, au transport, aux déjeuners et que les coûts d’opportunité correspondant à la perte de main-d’œuvre de leurs filles ne valent guère la peine au vu des médiocres résultats d’apprentissage qu’ils observent. 2. Échec aux examens. Les élèves ne peuvent passer que deux fois l’examen de fin d’études primaires. S’ils échouent, ils ne peuvent pas poursuivre leur scolarité dans l’enseignement public. Lorsque les filles échouent aux examens, les parents déclarent qu’ils n’ont guère d’autre choix que de commencer à chercher un prétendant approprié pour épouser leur fille. 3. Manque d’écoles secondaires à proximité. Dans les zones rurales en particulier, peu de communautés ont leur propre école secondaire, et il existe peu d’internats publics. Les parents doivent envoyer leurs enfants dans des villes voisines et couvrir les coûts de transport, de logement et de repas. Les étudiants peuvent vivre chez des proches ou des relations, mais les parents sont réticents à laisser leurs enfants, et notamment leurs filles, sans ce qu’ils considèrent comme une surveillance appropriée. En outre, dans le cas des adolescentes, lorsqu’elles doivent parcourir de longues distances pour se rendre à l’école, certains parents craignent que leurs filles soient harcelées ou agressées sexuellement sur le chemin, et dans certains cas, même à l’école. 4. Retrait forcé des adolescentes mariées de l’école. Une fois qu’une fille est mariée, il est probable qu’elle soit renvoyée de l’école. Les maris montrent peu d’intérêt à poursuivre la scolarité de leur épouse adolescente, surtout si elle doit s’inscrire dans une école privée. Il s’agit d’une dépense qu’ils ne peuvent pas se permettre. À l’inverse, certains parents expriment la crainte de ne pas être autorisés à retirer leurs filles de l’école pour le mariage. 5. Pas d’inscription à l’école ou inscription trop tardive. Certaines familles n’inscrivent jamais les filles à l’école, peut-être en partie parce que les parents n’ont pas eu eux-mêmes la possibilité de s’instruire. Dans certains cas, les enseignants peuvent refuser d’inscrire des enfants jugés trop âgés pour commencer l’école primaire. 6. Influence de membres de la famille et exigences pesant sur les filles aînées. Les membres de la famille élargie peuvent influencer la perception des parents sur la valeur de l’éducation des filles, pas toujours avec des résultats positifs. Les décisions relatives à la scolarité peuvent également dépendre de la composition du ménage et des activités des autres enfants. Le fait d’être une fille aînée réduit ses chances d’aller à l’école, car elle est censée aider sa mère à la maison pendant la journée. Si la recherche de solutions pour maintenir les filles à l’école et leur permettre d’y faire des apprentissages réels dépend nécessairement du contexte, la littérature suggère que différents types d’interventions et de politiques peuvent être efficaces. Certaines interventions sont brièvement discutées dans une section ultérieure de la présente note. SUJET SPÉCIAL // 17 que pour une douzaine d’autres (tableau 4). Selon l’âge du mariage et le pays en question, le mariage des enfants accroît de 13 % à 35 % le nombre d’enfants que les femmes ont au cours de leur vie (fécondité totale). L’élimination du mariage des enfants pourrait réduire la fécondité totale de 13 % au niveau national en Guinée, tandis qu’au Mali et au Niger, les réductions potentielles des taux de fécondité sont estimées à 9 % et 14 %, respectivement. L’achèvement des études secondaires ou la poursuite des études dans l’enseignement supérieur entraîne des réductions encore plus importantes de la fécondité totale, même si les impacts de l’achèvement des études primaires et du premier cycle du secondaire ne sont souvent pas statistiquement significatifs. Si l’élimination du mariage des enfants peut accroître l’utilisation de contraceptifs modernes d’environ un dixième par rapport à la base (cependant faible) dans trois des quatre pays pour lesquels des estimations ont été obtenues, l’amélioration du niveau d’instruction pour les filles a tendance à ne pas avoir d’impact statistiquement significatif. « Lorsqu’une fille a mûri physiquement, nous supposons qu’elle est prête à se marier pour ne pas la laisser à la merci des garçons les plus rebelles de la communauté. » Perlman et coll. (2018a, b). Encadré 3 : QUE FAUT-IL ENTENDRE PAR « IMPACTS » ET COÛTS ÉCONOMIQUES ASSOCIÉS ? Il est essentiel d’estimer les impacts du mariage des enfants sur une vaste gamme de résultats de développement et les coûts économiques associés à certains de ces impacts. Le terme « impact » est utilisé par souci de simplicité, mais il serait prudent ne pas en déduire qu’un lien de causalité est nécessairement établi. Les estimations des impacts dans cette étude sont généralement obtenues au moyen d’analyses de régression visant à isoler l’impact potentiel du mariage des enfants ou de la grossesse précoce sur différents résultats, en neutralisant d’autres facteurs qui ont une influence sur ces résultats. Dans la littérature, cette approche est connue sous le nom d’« études d’association ». Ce qui est mesuré est l’association statistique entre le mariage des enfants ou la grossesse précoce et différents résultats. Il ne s’agit pas nécessairement d’un impact comme celui que l’on pourrait observer au moyen d’une analyse aléatoire avec contrôle. En se fondant sur des mesures des impacts probables, les coûts associés à certains de ces impacts sont calculés. Ces coûts sont fondés sur un nombre d’hypothèses qui pourraient être discutées, y compris les taux d’actualisation. Par conséquent, les estimations de coûts ne représentent qu’un ordre de grandeur des coûts potentiels, et ne sont pas des estimations précises. « La mortalité maternelle est élevée. Deux jeunes femmes sont mortes en couches pendant la première semaine de notre séjour dans la communauté. La première s’était mariée à quatorze ans et avait trois enfants. Elle a souffert de complications pendant ses précédents accouchements, et elle est décédée d’une hémorragie post-partum quelques heures après avoir été transportée d’urgence au centre de santé. La deuxième avait douze ans au moment de son mariage. Elle a perdu son premier enfant à quatorze ans et on lui avait conseillé d’attendre plusieurs années avant d’essayer à nouveau. Durant sa dernière grossesse, elle a eu une série de complications qui lui ont finalement été fatales une semaine après l’accouchement. » Perlman et coll. (2018a, b). 18 \\ SUJET SPÉCIAL Tableau 4 : IMPACTS HYPOTHÉTIQUES SUR LA FÉCONDITÉ ET LA CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE (Guinée, Mali, Niger) Impacts du mariage des enfants et des grossesses Impacts du niveau d’instruction des filles précoces En fonction de l’âge au mariage, le mariage des L’achèvement des études secondaires ou supérieures enfants accroît la fécondité totale des femmes pourrait entraîner de très fortes baisses de la de 13 % à 35 % fécondité L’élimination du mariage des enfants pourrait réduire L’instauration d’un enseignement secondaire universel la fécondité totale de 9 % à 14 % au niveau national, pourrait entraîner une baisse de la fécondité totale de selon le pays près de 40 % Le mariage pendant l’enfance n’a pas d’impact Quelques années d’études secondaires et supérieures statistiquement significatif sur l’utilisation de entraînent des augmentations de l’utilisation de contraceptifs modernes contraceptifs de 6 et 15 points de pourcentage, respectivement La réduction du mariage des enfants pourrait L’instauration de l’enseignement secondaire accroître l’utilisation de contraceptifs modernes d’un universel a tendance à ne pas affecter sensiblement dixième par rapport à la base actuelle l’utilisation de contraceptifs modernes La réduction du mariage des enfants et des L’impact de l’instauration d’un enseignement grossesses précoces pourrait réduire la croissance secondaire universel sur la croissance démographique démographique de 0,39 point de pourcentage au n’a pas été estimé, mais il serait probablement plus Niger, et un peu moins dans d’autres pays important que les estimations sur l’élimination du mariage des enfants Source : Estimation des auteurs. Santé, nutrition et violence La grossesse précoce peut avoir un impact sur la santé des jeunes filles et de leurs enfants. En ce qui concerne les jeunes filles, l’immaturité physique peut accroître les risques de complications au cours de la grossesse ou de l’accouchement, ce qui entraîne des taux plus élevés de mortalité et de morbidité maternelles, bien que ces risques n’aient pas été mesurés dans la présente étude (pour des estimations de la mortalité maternelle, voir par exemple Nove et coll., 2014). Chaque grossesse peut également affecter la santé des jeunes enfants à un moment critique de leur développement (Black et coll., 2017). Par exemple, le retard de croissance est associé à des pertes de revenus et de consommation au niveau de l’individu et du ménage (Hoddinott et coll., 2013) et à des pertes en termes de PIB au niveau national (Horton et Steckel, 2013). Dans les trois pays sur lesquels l’analyse a été menée (Guinée, Mali et Niger), les enfants nés de mères âgées de moins de 18 ans courent un risque sensiblement plus élevé de mourir avant l’âge de cinq ans et de souffrir de retard de croissance. La réduction de la mortalité des moins de cinq ans et du retard de croissance pouvant résulter de la prévention des grossesses précoces est moindre, parce que seule une proportion relativement réduite des enfants sont nés de mères âgées de moins de 18 ans au moment de la naissance. Cependant, de nombreux enfants seraient affectés. Si, séparément, l’impact du mariage des enfants sur la violence domestique est faible ou non statistiquement significatif dans les deux pays pour lesquels l’analyse a été réalisée (Mali et Niger), certains effets d’un niveau d’instruction supérieur sont observés non seulement dans les quatre pays focaux, mais aussi dans d’autres pays (Savadogo et Wodon, 2018a). Le tableau 5 résume les principales conclusions. SUJET SPÉCIAL // 19 Tableau 5 : IMPACTS HYPOTHÉTIQUES SUR LA SANTÉ, LA NUTRITION ET LA VIOLENCE (Guinée, Mali, Niger) Impacts du mariage des enfants et des grossesses précoces Impacts du niveau d’instruction des filles Être né d’une mère âgée de moins de 18 ans augmente Souvent, le niveau d’instruction de la mère n’affecte de 3 à 7 points de pourcentage le risque de mourir pas de manière statistiquement significative le risque avant l’âge de cinq ans de mourir avant l’âge de cinq ans La réduction des grossesses précoces réduirait de 0,2 À l’exception de la Guinée, l’enseignement secondaire à 0,6 point de pourcentage la mortalité des moins de universel pourrait ne pas entraîner une baisse du cinq ans au niveau national niveau national de la mortalité des enfants de moins de cinq ans Être né d’une mère jeune accroît le risque de retard Le niveau d’instruction de la mère a une forte de croissance des enfants de moins de cinq ans dans incidence sur le retard de croissance des enfants de deux des trois pays examinés moins de cinq ans au Mali et au Niger La réduction des grossesses précoces réduirait le L’éducation secondaire universelle pourrait entraîner retard de croissance des enfants de moins de cinq ans une forte réduction à l’échelle nationale du retard jusqu’à 0,7 point de pourcentage au niveau national de croissance des enfants de moins de cinq ans au Mali et au Niger Le mariage des enfants a un impact limité sur les Le niveau d’instruction des femmes peut réduire violences domestiques au Mali, et aucun impact n’a le risque de violence domestique, mais pas été observé au Niger nécessairement de façon substantielle Source : Estimation des auteurs. Emploi, revenus et pauvreté La réduction du mariage des enfants pourrait accroître considérablement les revenus des femmes. Tout progrès dans la réalisation de cet objectif pourrait en principe affecter la participation à la population active via son impact sur le niveau d’instruction des filles et la fécondité ; cependant, les impacts probables sur la participation au marché du travail sont faibles, comme observé au Mali et au Niger. En revanche, les analyses de ces deux pays indiquent que l’impact de la réduction du mariage des enfants sur les revenus des femmes à l’âge adulte peut être considérable. Les femmes qui se sont mariées tôt auraient pu bénéficier d’une augmentation de leurs revenus si elles s’étaient mariées plus tard, essentiellement en raison de l’impact du mariage des enfants sur le niveau d’instruction. Au niveau national, cela pourrait entraîner une augmentation allant jusqu’à 1 % des revenus globaux de la population au Mali, et jusqu’à 1,6 % au Niger. Par son impact sur la fécondité totale et le niveau d’instruction des filles, la réduction du mariage des enfants et des grossesses précoces aurait également des effets positifs sur le bien-être et la pauvreté. Enfin, les impacts de l’enseignement primaire ou secondaire universel sur les revenus, et par conséquent sur la pauvreté, pourraient être encore plus importants. Le tableau 6 résume les impacts estimés. Capacité d’agir et autres impacts La capacité de choisir d’une femme dépend de sa capacité d’agir en fonction de son environnement. Cela comprend ses possibilités d’accéder à des ressources et son niveau de confiance en soi (en fonction par exemple de ses réalisations passées). Le mariage des enfants a clairement un impact sur les ressources d’une femme en réduisant (entre autres) ses revenus à cause de son faible niveau d’instruction et en limitant sa confiance en soi, par exemple si elle n’a pas eu accès à certains types d’emploi, affectant ainsi sa capacité d’agir. La capacité d’agir peut être mesurée de façon complète ou limitée, mais un indicateur fiable consiste à savoir si les femmes ont la capacité de prendre des décisions dans le ménage, y compris la capacité à bénéficier des soins de santé. D’autres facteurs pouvant affecter la capacité d’agir ou découler d’un manque de capacité d’agir comprennent la probabilité de posséder des terres, 20 \\ SUJET SPÉCIAL les connaissances sur le VIH/SIDA et le fait que les mères enregistrent ou non leurs enfants après la naissance. Bien que ces indicateurs soient partiels, ils sont disponibles dans les enquêtes existantes. Les impacts directs du mariage des enfants sur ces différents indicateurs associés à la capacité d’agir des femmes sont habituellement modestes et ne sont souvent pas significatifs statistiquement. Cependant, dans la mesure où le mariage des enfants ainsi que les grossesses précoces réduisent le niveau d’instruction des filles, ils pourraient avoir des impacts négatifs sur la capacité d’agir par le biais du manque d’éducation. En effet, pour la plupart des indicateurs, l’impact du niveau d’instruction des filles est statistiquement significatif, notamment pour la prise de décision en Guinée. Le tableau 7 résume ces impacts estimés. Tableau 6 : IMPACTS HYPOTHÉTIQUES SUR L’EMPLOI, LES REVENUS ET LA PAUVRETÉ (Mali, Niger) Impacts du mariage des enfants et des grossesses précoces Impacts du niveau d’instruction des filles L’élimination du mariage des enfants pourrait ne pas Dans la plupart des pays, des niveaux d’instruction entraîner de changements majeurs au niveau de la plus élevés sont associés à une participation à la participation à la population active, même si certaines population active légèrement plus élevée incidences pourraient être constatées à travers l’éducation L’élimination du mariage des enfants pourrait accroître Un niveau d’instruction plus élevé pour les filles est associé à jusqu’à 10 % les revenus à l’âge adulte des femmes mariées des augmentations importantes des revenus à l’âge adulte tôt L’élimination du mariage des enfants pourrait augmenter L’impact de l’enseignement secondaire universel pour les jusqu’à 1,6 % les revenus et la productivité au niveau filles sur les revenus nationaux pourrait être très important national L’élimination du mariage des enfants pourrait avoir des L’enseignement primaire ou secondaire universel pourrait effets positifs majeurs sur le bien-être et réduire la pauvreté avoir des effets positifs majeurs sur le bien-être et réduire la pauvreté Source : Estimation des auteurs. Tableau 7 : IMPACTS HYPOTHÉTIQUES SUR LA PRISE DE DÉCISION, LA CAPACITÉ D’AGIR ET D’AUTRES DOMAINES (Guinée, Mali, Niger) Impacts du mariage des enfants et des grossesses précoces Impacts du niveau d’instruction des filles Le mariage des enfants n’affecte souvent pas directement la L’enseignement secondaire universel pourrait renforcer prise de décision, mais il importe indirectement par le biais de considérablement la capacité de prise de décision des l’éducation femmes Le mariage des enfants n’affecte pas la capacité des femmes à L’impact de l’éducation sur la capacité des femmes rechercher des soins directement, mais il importe par le biais à rechercher des soins n’est pas observé, sauf pour de l’éducation l’éducation supérieure Le mariage des enfants est associé à une probabilité légèrement L’augmentation du niveau d’instruction des femmes est plus forte de posséder des terres pour les femmes associée à une plus forte probabilité de posséder des terres pour les femmes Le mariage des enfants n’est pas associé à une réduction des L’enseignement secondaire universel pourrait accroître connaissances des femmes sur le VIH/SIDA à l’âge adulte les connaissances des femmes sur le VIH/SIDA jusqu’à un cinquième Les grossesses précoces sont associées à une réduction des taux L’amélioration du niveau d’instruction des femmes est d’enregistrement des naissances pour les jeunes enfants associée à une augmentation des taux d’enregistrement des naissances dans un pays Source : Estimation des auteurs. SUJET SPÉCIAL // 21 Résumé des impacts Pour tous les indicateurs à l’exception de l’enregistrement des naissances, le mariage des enfants et la grossesse précoce ou l’achèvement de l’enseignement secondaire ont un impact statistiquement significatif dans certains des pays au moins. Cela montre à quel point les impacts du manque d’opportunités pour les filles sont omniprésents et généralisés. Dans l’ensemble, les impacts négatifs du mariage des enfants, des grossesses précoces et du faible niveau d’instruction des filles sont considérables. Le tableau 8 résume les estimations d’un point de vue qualitatif, en tenant compte non seulement des preuves fournies pour le Tchad, la Guinée, le Mali et le Niger dans cette étude, mais aussi des enseignements tirés dans pas moins de 16 pays sur lesquels l’analyse a été menée. Le terme « Toujours » est utilisé lorsque les impacts sont observés systématiquement ou presque. Le terme « Souvent » indique qu’un impact est observé fréquemment, mais pas systématiquement, et le terme « Parfois » suggère qu’un impact est observé dans certains cas, mais pas dans d’autres. Enfin, le terme « Rarement » indique que des impacts sont peu observés. Lorsqu’on examine les impacts combinés du mariage des enfants et du faible niveau d’instruction des filles, l’évaluation la plus élevée des deux est fournie. Deux conclusions se dégagent. Premièrement, les relations mutuelles entre le mariage des enfants, les grossesses précoces et le faible niveau d’instruction des filles sont forts. Deuxièmement, ces trois questions ont toutes tendance, à leur tour, à avoir des impacts négatifs individuellement ou collectivement sur une vaste gamme d’autres résultats. Pour tous les résultats, dans au moins un des quatre pays, le mariage des enfants et les grossesses précoces ou le faible niveau d’instruction des filles ont des effets négatifs. En outre, dans bon nombre de cas, comme discuté ci-dessus, les effets sont importants, en plus d’être statistiquement significatifs. Veuillez noter qu’au-delà des incidences identifiées dans le tableau 8, le faible niveau d’instruction des filles a d’autres effets négatifs qui ne sont pas discutés dans cette étude, mais qui ont été documentés séparément (voir encadré 4). Encadré 4 : AUTRES IMPACTS DU FAIBLE NIVEAU D’INSTRUCTION DES FILLES La Banque mondiale a récemment publié une étude sur le coût du manque d’instruction des filles (Wodon et coll., 2018). Outre l’impact du niveau d’instruction sur les résultats de développement envisagés dans ce rapport, l’étude examine une série d’autres résultats. Par exemple, les femmes ayant suivi des études secondaires peuvent espérer gagner près de deux fois plus que celles qui n’ont reçu aucune instruction, et les femmes ayant suivi des études supérieures, près de trois fois plus. Les femmes qui ont suivi un enseignement secondaire ou supérieur font état de meilleures conditions de vie que celles ayant suivi un enseignement primaire ou moins. Par exemple, elles sont moins susceptibles de déclarer qu’elles n’ont pas assez d’argent pour acheter de la nourriture. Le bien-être psychologique des femmes peut également s’améliorer avec un meilleur niveau d’instruction. Les femmes ayant une éducation secondaire déclarent des taux de satisfaction sur les services de base inférieurs à ceux des femmes qui n’ont aucune instruction, ce qui peut refléter une évaluation plus réaliste de leur qualité. L’instauration d’un enseignement secondaire universel peut également permettre à davantage de femmes d’avoir des comportements altruistes tels que le bénévolat, de donner à des organismes de bienfaisance et d’aider des inconnus. L’éducation secondaire est également associée à une plus forte probabilité que les femmes déclarent pouvoir compter sur des amis lorsqu’elles en ont besoin. 22 \\ SUJET SPÉCIAL Tableau 8 : RÉSUMÉ DES IMPACTS ESTIMÉS STATISTIQUEMENT SIGNIFICATIFS PAR DOMAINE DANS LES QUATRE PAYS Domaines et indicateurs Mariage d’enfants Achèvement des L’un ou grossesse précoce études secondaires ou l’autre Relations mutuelles Mariage d’enfants/grossesse précoce – Toujours Toujours Niveau d’instruction Toujours – – Fécondité et croissance démographique Fécondité Toujours Toujours Toujours Croissance démographique Toujours Toujours Toujours Utilisation de contraceptifs modernes Parfois Souvent Souvent Santé et nutrition Mortalité des enfants de moins de cinq ans Souvent Souvent Souvent Retard de croissance des enfants de moins Souvent Souvent Souvent de cinq ans Participation à la population active Parfois Souvent Souvent Demande de soins de santé Rarement Souvent Souvent Emploi et productivité Violences conjugales Parfois Souvent Souvent Revenus des femmes Rarement Toujours Toujours Bien-être du ménage Toujours Toujours Toujours Capacité d’agir des femmes Capacité de prise de décision Parfois Toujours Toujours Propriété de terres Souvent, mais positif Souvent Souvent Connaissance du VIH/SIDA Parfois Souvent Souvent Enregistrement des naissances Rarement Souvent Souvent Source : Estimation des auteurs. COÛTS ET AVANTAGES ÉCONOMIQUES : LE CAS DU MARIAGE DES ENFANTS AU MALI ET AU NIGER La réduction des mariages d’enfants entraîne des avantages économiques importants, notamment des gains de bien-être découlant de la réduction de la croissance démographique. Au Mali et au Niger, cet avantage pourrait atteindre jusqu’à 1,6 milliard à 1,7 milliard USD (PPA) pour chaque pays d’ici 2030. Bien qu’il soit impossible de fournir une évaluation monétaire de tous les coûts associés au mariage des enfants, aux grossesses précoces et au faible niveau d’instruction des filles, il est possible d’évaluer les coûts de certains des impacts les plus importants. Pour les besoins de cette note, l’accent est mis sur les coûts du mariage des enfants ou, de manière équivalente, sur les avantages de l’élimination de cette pratique dans deux des quatre pays étudiés : le Mali et le Niger. L’accent sera mis ici sur les avantages liés à la réduction du taux de croissance démographique, aux gains en matière de niveau d’instruction et, par conséquent, en matière de revenus, ainsi qu’à la réduction de la mortalité et du retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans. Dans la plupart des cas, nous estimons les gains immédiats et à long terme, en examinant les avantages qui en résulteraient d’ici 2030. Les estimations peuvent donc tenir compte du caractère cumulatif de certains avantages tirés de l’élimination du mariage des enfants, en particulier en matière de croissance démographique. Cela permet également d’ajuster les évaluations aux augmentations du niveau de vie (PIB par habitant) au fil du SUJET SPÉCIAL // 23 temps. Pour le Niger, des détails complémentaires sur l’analyse des coûts économiques sont fournis dans Wodon et coll. (2018b, 2018c) et des informations similaires sont disponibles auprès des auteurs pour le Mali. Les estimations des coûts économiques ne doivent pas être considérées comme précises, car elles dépendent de plusieurs facteurs. Ce sont : (1) des estimations économétriques des impacts, qui présentent elles-mêmes des écarts types, et (2) une série d’hypothèses pour l’établissement des coûts qui pourraient faire l’objet d’un débat (voir l’encadré 5 sur certaines de ces hypothèses). Cependant, elles fournissent un ordre de grandeur des coûts potentiels du mariage des enfants. Les estimations des coûts présentées dans cette note sont fondées sur les pertes annuelles de PIB par habitant ou leurs composantes, comme les revenus du travail. Il convient de mentionner que si les pertes de durée de vie étaient calculées, par exemple sur la base d’estimations de l’évolution de la richesse des pays (Lange et coll., 2018), les estimations des coûts seraient sensiblement plus importantes que celles présentées ici (pour des exemples, voir par exemple Wodon et de la Brière, 2018 et Wodon et coll., 2018). Pour illustrer notre propos, des estimations des coûts annuels sont fournies dans le tableau 9. Les avantages en termes de bien-être découlant d’une baisse de la croissance démographique due à l’élimination du mariage des enfants et des grossesses précoces sont considérables. Si le mariage des enfants et les grossesses précoces avaient été éliminés en 2015, l’avantage annuel immédiat aurait pu être équivalent au Mali à 67 millions USD (en PPA), ce qui conduirait à un chiffre de 1,6 milliard USD d’ici 2030. Au Niger, les avantages correspondants sont estimés à 58 millions USD en 2015 et à 1,7 milliard USD d’ici 2030. En outre, avec le temps, des économies budgétaires seraient réalisées grâce à la réduction de la demande de services publics liée à une plus faible croissance démographique. Selon une analyse utilisant un modèle de Wils (2015), la réduction du mariage des enfants et des maternités précoces pourrait permettre au gouvernement d’économiser jusqu’à 305 millions USD (au taux actuel du dollar américain) au Mali et 327 millions USD au Niger d’ici 2030 si les deux pays étaient en mesure d’instaurer un enseignement secondaire universel d’ici 2030 (pour plus de détails sur l’analyse pour le Niger, voir Wodon, 2018b). Cependant, ces estimations des économies budgétaires dans le secteur de l’éducation représentent une limite supérieure, les économies effectives risquant d’être moins importantes, car il est peu probable que les pays atteignent un objectif de zéro mariage d’enfants. S’agissant des avantages d’une réduction de la mortalité et du retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans, ceux-ci pourraient être évalués à 42 millions USD (en PPA) d’ici 2030 au Niger. Ces estimations n’ont pas été obtenues pour le Mali, mais les coûts pourraient être plus importants qu’au Niger, car les impacts marginaux des grossesses précoces sur la mortalité chez les moins de 5 ans et le retard de croissance des enfants de moins de 5 ans sont plus importants au Mali qu’au Niger. Encadré 5 : PRISE EN COMPTE DES EFFETS D’ÉQUILIBRE GÉNÉRAL POTENTIELS LORS DE L’ESTIMATION DES COÛTS L’estimation des coûts du mariage des enfants par la perte de revenus suppose implicitement que les marchés du travail pourront absorber un afflux plus important de femmes mieux instruites. Plus précisément, l’hypothèse est que les gains découlant de l’instruction des femmes dus à l’élimination du mariage des enfants ne conduiront pas à une diminution du rendement de l’éducation une fois que les femmes seront plus instruites. Si l’élimination du mariage des enfants entraînait une forte augmentation de la proportion de femmes mieux instruites, l’hypothèse pourrait être problématique, en particulier dans des pays tels que la Guinée, le Mali, le Niger et le Tchad, où de nombreuses femmes ont un faible niveau d’instruction. L’estimation ne tient pas non plus compte des effets potentiels de la hausse du niveau d’instruction des femmes sur les hommes. Les revenus des hommes peuvent diminuer si davantage de femmes acquièrent une meilleure instruction et ont accès aux mêmes possibilités d’emploi. Cela se traduirait par une réduction de la ségrégation professionnelle selon le sexe, qui a traditionnellement conduit à des revenus plus élevés pour les hommes. 24 \\ SUJET SPÉCIAL Certains éléments dans d’autres pays tendent à prouver qu’au fil du temps, les primes salariales sur le marché du travail associées à des niveaux d’instruction plus élevés peuvent être réduites une fois qu’un plus grand nombre de travailleurs atteignent ces niveaux. Angrist (1995) a montré que le développement de l’accès à l’éducation dans les territoires palestiniens entraînait une réduction de la prime à la qualification. Acemoglu et coll. (2004) soulignent que pendant la Seconde Guerre mondiale, la participation accrue des femmes à la population active a fait baisser les salaires des travailleurs peu qualifiés. Duflo (2004) suggère des effets similaires en Indonésie suite à un programme de construction de grandes écoles. Ce ne sont que quelques exemples d’études qui documentent les effets d’équilibre général, qui, comme l’a noté Acemoglu (2010), peuvent être importants. Dans l’étude de la Banque mondiale sur le coût du manque d’instruction des filles à l’échelle mondiale (Wodon et coll., 2018), cet aspect a été envisagé en fournissant des estimations avec et sans effets d’équilibre général. Cela semble moins nécessaire ici, dans la mesure où une partie seulement des femmes qui se marient tôt sont censées terminer leurs études secondaires en l’absence de mariage précoce, compte tenu des autres contraintes liées à l’enseignement secondaire, telles que le coût ou la distance par rapport aux écoles. L’évolution des revenus due à l’élimination du mariage des enfants reste limitée, généralement à environ 1,0 % en moyenne de la masse salariale à travers les différents pays pour lesquels les analyses ont été réalisées. Cela peut ne pas conduire à de grands effets d’équilibre général. Toutefois, si les effets d’équilibre général sont à l’œuvre, les estimations fournies peuvent surestimer le coût du mariage des enfants en termes de pertes de revenus. Dans le même temps, d’autres facteurs pourraient entraîner des coûts plus importants que ceux rapportés. Premièrement, l’estimation ne tient pas compte de l’effet potentiel de l’élimination du mariage des enfants sur la participation au marché du travail ou les heures travaillées. En outre, grâce aux effets multiplicateurs, l’augmentation des revenus des femmes grâce à de meilleures possibilités d’instruction pourrait générer des gains plus importants pour les hommes et les femmes que ceux indiqués ici. Enfin, les avantages intergénérationnels résultant de revenus plus élevés pour les femmes grâce à une meilleure éducation pour leurs enfants ne sont pas pris en compte. À long terme, les gains découlant de l’élimination du mariage des enfants pourraient donc être plus importants que ne le suggèrent les calculs de régression sur les gains, qui ne tiennent compte que des conditions actuelles. Tableau 9 : ORDRE DE GRANDEUR DE CERTAINS AVANTAGES TIRÉS DE L’ÉLIMINATION DU MARIAGE DES ENFANTS (en USD PPA, sauf mention contraire) BÉNÉFICE ANNUEL EN 2015 BÉNÉFICE ANNUEL EN 2030 Mali (1) Avantage en matière de bien-être découlant 67 millions USD 1,6 milliard USD d’une baisse de la croissance démographique (2) Avantage découlant de la réduction de la Non estimé, Non estimé mortalité des enfants de moins de cinq ans mais probablement importants (3) Avantage découlant de la réduction du retard Non estimé, Non estimé de croissance chez les enfants de moins de cinq ans mais probablement importants (4) Économies budgétaires pour l’éducation Aucune Jusqu’à 305 millions USD (en USD courants) Niger (1) Avantage en matière de bien-être découlant d’une 58 millions USD 1,7 milliard USD baisse de la croissance démographique (2) Avantage découlant de la réduction de la mortalité 19 millions USD 34 millions USD des enfants de moins de cinq ans (3) Avantage découlant de la réduction du retard 4 millions USD 8 millions USD de croissance chez les enfants de moins de cinq ans (4) Économies budgétaires pour l’éducation Aucune Jusqu’à 327 millions USD (en USD courants) Source : Estimation des auteurs. Pour plus de détails sur la façon dont ces estimations ont été obtenues, voir Wodon (2018a). Remarque : Les estimations relatives aux économies budgétaires dans le domaine de l’éducation constituent une limite supérieure, et les économies réelles seront probablement moins importantes. SUJET SPÉCIAL // 25 Autre avantage économique important lié à la réduction du mariage des enfants : la hausse des revenus des femmes à l’âge adulte, estimée à 175 millions USD (PPA) maximum pour le Mali et à 188 millions USD maximum pour le Niger en 2015. L’impact du mariage des enfants sur le niveau d’instruction a également des conséquences sur le revenu potentiel des jeunes épouses à mesure qu’elles vieillissent. Cela se traduit par des gains en revenus qui auraient été observés aujourd’hui si les filles avaient pu se marier plus tard. Il existe de très nombreuses études sur l’impact potentiel du niveau d’instruction sur les revenus, tant pour les garçons que pour les filles (pour une étude récente, voir Psacharopoulos et Patrinos, à paraître). En poussant les filles à abandonner l’école prématurément, le mariage des enfants entraîne des pertes de revenus à l’âge adulte (Savadogo et Wodon, 2018b). Au Mali, la valeur des revenus supplémentaires que les femmes auraient pu gagner en 2015 si elles ne s’étaient pas mariées tôt est estimée à 175 millions USD (en PPA). Au Niger, l’estimation correspondante est de 188 millions USD. Du fait des contraintes de délais et de données, la présente étude ne fournit pas de mesure de l’impact potentiel du faible niveau d’instruction et du mariage des enfants sur la pauvreté monétaire dans les quatre pays cibles. Cependant, ces effets potentiels seront probablement importants, comme l’a suggéré l’UNESCO (2017) dans le cas de l’impact du niveau d’instruction sur la pauvreté dans le monde. Pour illustrer l’ampleur des avantages potentiels de l’élimination du mariage des enfants, des comparaisons avec l’aide publique au développement peuvent être utiles. À des fins de comparaison, il peut être utile de comparer certaines des estimations ci-dessus avec l’aide publique au développement (APD) nette, constituée des décaissements de prêts consentis à des conditions avantageuses (déduction faite du remboursement du principal) et des dons des organismes officiels. Les organismes inclus sont les membres du Comité d’aide au développement (CAD), les institutions multilatérales et les pays non membres du CAD. L’APD nette comprend les prêts, dont au moins un quart sont des éléments de don. Au Mali, l’APD nette a représenté 8 à 13 % du revenu national brut au cours des 15 dernières années. Au Niger, la proportion correspondante a été de 9 à 18 %. Cela suggère que, d’ici 2030, l’élimination du mariage des enfants et des maternités précoces en 2015 pourrait générer des avantages équivalant à au moins un tiers de l’APD nette perçue par les deux pays, simplement grâce aux effets sur le bien-être découlant de la réduction de la croissance démographique. En ajoutant tous les avantages de l’élimination du mariage des enfants, les gains seraient plus importants et continueraient à augmenter avec le temps, en particulier pour les effets liés à la croissance démographique. OPTIONS POLITIQUES VISANT À AMÉLIORER LES OPPORTUNITÉS POUR LES ADOLESCENTES Investir pour réduire le mariage des enfants et améliorer les possibilités d’éducation des filles pourrait générer des avantages économiques substantiels pour le Tchad, la Guinée, le Mali et le Niger. Trois raisons expliquent pourquoi il est souvent très rentable d’investir dans l’instruction des jeunes adolescentes. Premièrement, les investissements précoces ont tendance à porter leurs fruits plus longtemps, car ils peuvent avoir des effets persistants tout au long de la vie d’une femme après l’intervention. Si une fille termine ses études secondaires ou évite un mariage précoce, cela génère par la suite des avantages pendant de nombreuses années. Deuxièmement, le coût des interventions à l’adolescence et, dans certains cas, plus tôt, tend à être inférieur au coût des interventions mises en œuvre plus tard dans la vie. Troisièmement, à un âge formateur, les interventions peuvent avoir plus d’influence sur les valeurs et les comportements des filles, mais aussi des communautés et des sociétés. Plus tard dans la vie, il peut être plus difficile pour les filles et les femmes de tirer pleinement parti de nouvelles possibilités. Cela ne signifie pas que de nouvelles opportunités ne devraient pas être offertes à l’âge adulte, mais l’adolescence est une période cruciale au cours de laquelle il faut investir dans l’instruction des filles. 26 \\ SUJET SPÉCIAL Encadré 6 : POURQUOI CERTAINS IMPACTS ET COÛTS SONT-ILS ÉLEVÉS ET D’AUTRES PLUS LIMITÉS ? LE CAS DU MARIAGE DES ENFANTS Sur le plan économique, le fait que le mariage des enfants ou les grossesses précoces ne puissent entraîner que des réductions relativement limitées dans les indicateurs nationaux pour certains résultats ne signifie pas que les coûts économiques associés à ces impacts sont limités. Par exemple, dans de nombreux pays, le mariage des enfants tend à réduire les revenus de la population d’environ 1,0 % en moyenne au niveau national. Si 1,0 % peut ne pas sembler être une proportion très importante, le coût économique associé est très élevé et, pour les femmes concernées, les pertes de revenus sont encore plus conséquentes. Certains des impacts les plus importants du mariage des enfants en termes de coûts économiques ont tendance à être liés à la fécondité et à la croissance démographique, à l’éducation et aux revenus, ainsi qu’à la santé des enfants nés de jeunes mères. Ces impacts sont étroitement liés. En particulier, lorsque le recours à la contraception moderne est faible, le mariage des enfants entraîne des maternités précoces, ce qui augmente les risques pour la santé des mères et des enfants nés de jeunes mères, tout en conduisant à des taux de fécondité plus élevés. L’âge auquel interviennent les mariages des enfants et les maternités précoces est également incompatible avec la capacité des filles à poursuivre leurs études, ce qui réduit les revenus à l’âge adulte. Tous ces effets sont à l’œuvre au moment du mariage (par le décrochage scolaire) ou peu après (par la grossesse). En revanche, les impacts dans d’autres domaines – de la violence conjugale à la participation au marché du travail et à la prise de décision – sont analysés dans ce rapport tout au long de la vie d’une femme, et peuvent dépendre de nombreux autres facteurs, au-delà de la question de savoir si et à quel âge les jeunes filles se marient. Par exemple, les violences conjugales et l’absence de capacité de prise de décision sont le résultat, au moins en partie, de l’inégalité généralisée entre les sexes. Bien que le mariage précoce contribue à perpétuer l’inégalité de genre, le fait de reporter de quelques années le mariage sans autres gains peut ne pas suffire à changer fondamentalement les rôles et les normes sociales. C’est probablement la raison pour laquelle, même si l’élimination du mariage des enfants peut aider, les impacts ont tendance à être moins importants, et souvent inférieurs à ceux d’un niveau d’instruction plus élevé pour les filles. Source : Unterhalter et al. (2014). Pour réduire le mariage des enfants et les grossesses précoces et permettre à toutes les filles d’achever leurs études secondaires, certaines conditions générales doivent être remplies. De plus, des interventions spécifiques peuvent également aider. Les deux aspects sont analysés ci-dessous. CONDITIONS ESSENTIELLES La présente étude n’a pas pour objet de fournir une analyse complète de ce qui doit être fait dans les quatre pays cibles. Cependant, le meilleur moyen de réduire le mariage des enfants et les grossesses précoces consiste à trouver des moyens de maintenir les adolescentes à l’école, ce qui, bien sûr, renforce également le niveau d’instruction des filles. Pour que cela fonctionne, des programmes spécifiques peuvent être utiles (voir l’encadré 7 sur les résultats de l’expérience internationale), mais des conditions générales pour les systèmes éducatifs doivent également être en place. Ces conditions générales ne sont pas remplies dans les pays à faible revenu tels que le Tchad, la Guinée, le Mali et le Niger.  remièrement, il faut des infrastructures scolaires supplémentaires. Dans les quatre pays, l’accès au premier • P cycle de l’enseignement secondaire reste extrêmement faible, en partie parce qu’il n’y a tout simplement SUJET SPÉCIAL // 27 pas assez d’établissements secondaires, en particulier dans les zones rurales. Les écoles doivent également fournir un accès à l’eau, à des latrines et à des installations sanitaires, qui sont importantes pour les adolescentes. Dans les cas où des écoles ne peuvent pas être construites à proximité, une possibilité consiste à fournir des modes de transport pour permettre aux filles de se rendre à l’école. Enfin, des interventions sont nécessaires pour veiller à ce que les filles ne soient pas harcelées sur le chemin de l’école ou à l’école même (sur la violence sexiste et la manière de la réduire, voir, par exemple, Abramsky et coll., 2014).  euxièmement, le système éducatif doit garantir des apprentissages. Dans de nombreux pays africains • D (Bashir et coll., 2018) et plus généralement dans les pays en développement (Banque mondiale, 2018), les résultats des élèves sont faibles, comme en témoignent les évaluations des étudiants au niveau national et international. La tendance pourrait être inversée grâce à des investissements dans le système scolaire, non seulement pour en faciliter l’accès, mais aussi pour en améliorer la qualité Troisièmement, pour atteindre toutes les filles, la scolarité doit être abordable pour les parents. Pourtant, les •  coûts directs et les coûts d’opportunité de l’enseignement secondaire restent élevés dans de nombreux pays de la région. Des changements politiques ainsi que des interventions ciblées sont nécessaires pour réduire ces coûts. Encadré 7 : AMÉLIORER LE NIVEAU D’INSTRUCTION ET LES RÉSULTATS D’APPRENTISSAGE DES FILLES Sachant que de multiples facteurs peuvent contribuer aux écarts entre les sexes en matière de niveau d’instruction et d’apprentissage, les types d’interventions susceptibles d’être mises en œuvre pour réduire ces écarts sont multiples. La distance par rapport aux écoles devrait-elle être réduite, que ce soit en construisant de nouvelles écoles dans des zones isolées ou en réduisant le temps de trajet grâce à différents modes de transport ? Faut-il offrir des bourses aux filles ? Faut-il embaucher plus d’enseignantes ? La priorité devrait-elle être de créer des blocs sanitaires séparés pour les garçons et les filles ? Devrait-on mettre davantage l’accent sur la compréhension et l’évolution des pratiques culturelles ? Faut-il mettre en œuvre des interventions pédagogiques spécifiques aux filles ? Le bon choix entre les interventions potentielles dépend du contexte d’un pays ou d’une communauté. Cependant, des examens des faits probants peuvent être utiles, et ces examens deviennent disponibles grâce à une forte augmentation du nombre d’études d’impact rigoureuses menées au cours des dernières années. Un examen de ce type a été réalisé par Unterhalter et coll. (2014) pour évaluer les informations sur l’impact des interventions sur l’éducation des filles, en mettant l’accent sur les interventions qui (i) fournissent des ressources (notamment les transferts) et des infrastructures, ii) changent les institutions, et (iii) changent les normes et associent les plus marginalisés à la prise de décision. Cet examen a résumé l’impact de différents types d’intervention sur trois résultats : la participation, l’apprentissage et l’autonomisation. Pour chaque type d’intervention et catégorie de résultat, les analyses de synthèse sur la probabilité d’impact ont été classées comme fortes, prometteuses, limitées ou nécessaires (c.-à-d. faibles). En ce qui concerne la participation, l’impact des transferts monétaires conditionnels, des informations sur le rendement potentiel de l’éducation sur l’emploi et de la création d’écoles supplémentaires dans les zones mal desservies ou dangereuses, a été clairement démontré. C’est également le cas des études portant sur certaines interventions liées à la formation des enseignants, à l’apprentissage en groupe et aux mesures visant à promouvoir les écoles adaptées aux filles et à étudier en dehors de la classe, par exemple grâce au tutorat. Plusieurs de ces interventions (apprentissage en groupe, programmes d’apprentissage en dehors de la classe, et bourses liées aux résultats des élèves) ont également eu des incidences sur l’apprentissage. Les études de l’impact des interventions sur l’autonomisation étaient généralement plus faibles. Source : Unterhalter et coll. (2014). 28 \\ SUJET SPÉCIAL Outre les politiques liées à l’éducation, des efforts supplémentaires doivent être fournis pour modifier les normes sociales qui perpétuent l’inégalité de genre d’une génération à l’autre. Bien que cela n’ait pas été analysé en détail ici pour limiter la longueur de ce document, les problèmes du mariage des enfants, des grossesses précoces et du faible niveau d’instruction des filles font partie des modèles profondément ancrés d’inégalité de genre (Klugman, coll., 2014). Des réformes plus vastes sont nécessaires dans ce domaine pour modifier les normes sociales et d’autres contraintes qui limitent les opportunités pour les filles (voir l’encadré 8 pour des exemples d’efforts de ce type au Niger). L’adoption de lois est un pas important dans la bonne direction, mais ce n’est pas suffisant. La Convention relative aux droits de l’enfant insiste sur la nécessité d’un consentement éclairé et complet pour le mariage et note que les enfants n’ont pas la capacité de fournir un tel consentement. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’âge minimum de 18 ans est recommandé pour le mariage. Pourtant, dans plusieurs pays de la région, le Code civil fixe l’âge minimum légal du mariage en dessous de 18 ans pour les filles. En outre, même lorsque l’âge minimum du mariage est fixé à 18 ans, la loi prévoit souvent des exceptions permettant aux filles de se marier plus tôt avec l’accord des parents ou le consentement des tribunaux. Enfin, au-delà de la législation, des interventions spécifiques sont nécessaires, car le mariage des enfants continue à prévaloir même dans les pays qui ont adopté des lois interdisant cette pratique. En fait, comme l’indiquent Wodon et coll. (2017), la plupart des mariages d’enfants ont lieu en dessous de l’âge minimum légal du mariage adopté dans certains pays, ce qui démontre que l’adoption de lois ne suffit pas. INTERVENTIONS SPÉCIFIQUES Comme condition préalable, les pays doivent promulguer des lois appropriées, en particulier pour le mariage des enfants. Cependant, les lois et plus généralement les stratégies d’autonomisation des filles sont insuffisantes. Par exemple, les campagnes d’information et de mobilisation contre les inégalités de genre ont peu de chance d’être suffisantes en soi. De ce fait, des interventions ciblées et spécifiques sont nécessaires dans ce domaine pour s’assurer que les filles disposent de compétences essentielles et de connaissances sur la santé reproductive. Des incitations économiques sont également nécessaires pour qu’elles puissent poursuivre leur scolarisation, réintégrer l’école si elles ont décroché, ou élargir leurs moyens de subsistance si elles ne peuvent pas retourner à l’école. Afin de suggérer des options de programmes ciblés, cette section résume les éléments d‘analyse d’expériences internationales sur trois types d’interventions visant les adolescentes. Ce sont : (1) des programmes offrant des compétences essentielles et des connaissances sur la santé reproductive ; (2) des programmes élargissant les possibilités économiques ; et (3) des programmes pour maintenir les filles à l’école ou leur permettre d’y retourner. L’accent mis sur ces trois types d’interventions découle d’un ensemble d’indices probants montrant qu’ils peuvent avoir des impacts positifs. Les trois types de programmes sont supposés avoir le potentiel de retarder le mariage et la maternité et d’augmenter le niveau d’instruction de diverses façons. Ils se basent sur diverses théories du changement (voir encadré 9). Les constations générales fournies ci-après sont basées sur près de 40 interventions examinées par Botea et coll. (2017). Pour être intégrées dans l’examen, les interventions devaient remplir les critères suivants : (1) cibler des filles âgées de 10 à 19 ans, soit de façon exclusive, soit dans le cadre d’un groupe cible plus large ; (2) fournir des compétences essentielles ou des connaissances sur la santé sexuelle et reproductive (SSR), des opportunités économiques, ou des possibilités éducatives ; (3) démontrer des résultats en termes d’amélioration de la santé des jeunes femmes, en particulier pour la SSR, ou de report des mariages ou des grossesses ; et (4) avoir été testées dans un pays en développement, généralement en Afrique subsaharienne, mais aussi dans d’autres pays à faible revenu comme le Bangladesh ou certaines régions de l’Inde (pour un autre examen des éléments de preuve internationaux, voir également Kalamar et coll., 2016). SUJET SPÉCIAL // 29 Encadré 8 : EFFORTS VISANT À RÉDUIRE LES INÉGALITÉS DE GENRE ET À AUTONOMISER LES FEMMES : LE CAS DU NIGER L’adoption de lois et la ratification des conventions internationales sont un pas important pour autonomiser les femmes, mais ce n’est pas suffisant. Prenons le cas du Niger. Le pays a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et le protocole facultatif de 2004 sur la violence à l’égard des femmes. L’article 22 de la Constitution du Niger stipule que « (i) l’État doit garantir l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes, des filles et des personnes handicapées ; (ii) les politiques publiques dans tous les domaines doivent garantir la pleine participation des femmes au développement national ; [et] iii) l’État doit également prendre des mesures pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et des enfants ». En mai 2011, le pays a adopté une charte nationale pour l’amélioration de l’image des femmes dans les médias. L’Article 5 de la loi n°2012-45 de 2012 interdit aux employeurs toute discrimination fondée sur le sexe, l’âge, la race, la religion, le handicap ou le statut VIH/SIDA. Le pays a également adopté des lois instituant un système de quotas de femmes pour les postes d’élus et d’autres postes dans la fonction publique. En 2017, un décret a été adopté pour maintenir les filles à l’école plus longtemps afin de retarder les mariages et les grossesses. Une campagne pour sa mise en œuvre est en cours. Enfin, le pays est membre de l’Union africaine, de la CEDEAO et de l’UEMOA, qui ont toutes adopté des documents et des protocoles mettant l’accent sur la responsabilité de l’État en matière de protection des droits des femmes. Malgré ces efforts, la prévalence du mariage des enfants reste élevée au Niger. Des réformes supplémentaires sont donc nécessaires, notamment la fixation de l’âge minimum légal du mariage pour les filles à 18 ans au lieu de 15 ans. Au-delà des lois, des interventions ciblées sont également requises. Un exemple prometteur est le Projet régional pour l’autonomisation des femmes et le dividende démographique dans le Sahel (SWEDD), qui couvre, outre le Niger, le Burkina Faso, le Tchad, la Côte d’Ivoire, le Mali et la Mauritanie. Le projet offre un modèle sur la manière d’aborder les contraintes de l’offre et de la demande en matière de planification familiale et de santé sexuelle et reproductive. Dans le cadre du projet relatif à l’autonomisation des femmes et des filles, les sous-projets ciblent les adolescentes à haut risque de mariage précoce et de maternité précoce et les soutiennent en fournissant des interventions appropriées à leur âge, et qui ont fait leurs preuves. Au Niger, le gouvernement met en place des espaces communautaires sécurisés pour les filles âgées de 10 à 19 ans, ainsi que des initiatives visant à encourager les hommes et les garçons à favoriser l’autonomisation des femmes et des filles par le biais d’ « écoles des maris » et de clubs de garçons. Le projet prévoit également des incitations à l’éducation telles que des allocations pour les ménages vulnérables visant à ce que les adolescentes restent à l’école secondaire. Au niveau institutionnel, des mesures ont également été prises pour autonomiser les filles et les femmes. Une Direction de l’autonomisation économique des femmes a récemment été créée au sein du ministère du Genre du Niger. En 2015, un décret portant création de l’Observatoire national pour la promotion du genre (ONPG) a été adopté. L’Observatoire est rattaché au cabinet du Premier ministre et chargé (entre autres) de surveiller la mise en œuvre des engagements nationaux, régionaux et internationaux en matière de genre. Au niveau des programmes, le Programme de renaissance Acte 2 du président met l’accent sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles et leur participation pleine et effective à tous les niveaux de la prise de décisions politiques et économiques. La question de l’équité entre les hommes et les femmes occupe une place importante dans la Stratégie de développement durable et de croissance inclusive (SDDCI – Niger 2035) et dans le Plan de développement économique et social (PDES 2017-2021). Enfin, le Niger a adopté une Politique nationale de genre (PNG) actualisée en 2017. Parmi les autres mesures au niveau opérationnel, on peut citer la stratégie pour le genre et l’islam, la stratégie de formation des maris (« écoles des maris »), l’initiative pour les adolescentes et l’adoption et la mise en œuvre de programmes de sensibilisation pour le changement comportemental. 30 \\ SUJET SPÉCIAL Sans interventions supplémentaires, les programmes d’espace sécurisé ne sont peut-être pas suffisants pour retarder le mariage et la grossesse ou améliorer la scolarisation. Cependant, ils parviennent à atteindre des résultats intermédiaires importants, liés (entre autres) aux aspirations et à l’estime de soi, à la confiance et à la connaissance de la SSR. L’autonomisation des filles La première catégorie de programmes met l’accent sur l’autonomisation des filles en leur fournissant des compétences essentielles et des connaissances sur la santé reproductive. L’intervention la plus courante est le « club d’espace sécurisé » pour les adolescentes. Ces clubs constituent des plates-formes de diffusion qui rassemblent des filles et un mentor adulte de confiance, à un moment et un endroit précis. L’approche a été lancée par le comité pour le progrès rural au Bangladesh (Building Resources Across Communities – BRAC) en Asie du Sud et par le Conseil de la population (Population Council) en Afrique et en Amérique latine. Ces clubs ont démontré leur efficacité lorsqu’ils ont été mis en œuvre correctement. En combinant des activités sociales, des divertissements et un accès à des mentors, ces clubs deviennent attractifs pour les filles. À partir de là, d’autres services sont offerts. Les clubs peuvent se tenir dans divers endroits, notamment des écoles ou des centres communautaires. Les filles se rencontrent régulièrement, et avec l’aide des mentors, elles sont capables de discuter d’un large éventail de questions, y compris celles liées à la SSR. Elles apprennent des compétences essentielles, notamment des compétences « comportementales » ou socioaffectives comme la pensée critique et la résolution de problèmes, la communication et la capacité de négociation (par exemple au sein de leur ménage). L’un des objectifs est souvent de renforcer la conscience de soi et l’estime de soi des filles, afin qu’elles puissent explorer et réaliser leurs aspirations. Dans de nombreux cas, les clubs d’espace sécurisé sont aussi utilisés pour enseigner des compétences techniques comme la littératie et la numératie ou des compétences de base en affaires. Ces programmes ont contribué à l’amélioration des connaissances et des comportements en matière de SSR. Cela comprend l’augmentation du nombre de filles bénéficiant de conseils ou de tests sur le VIH, un accroissement de l’utilisation d’une contraception moderne ou d’autres méthodes de planification familiale, une diminution de la volonté de pratiquer la mutilation génitale féminine dans les pays où cette pratique est répandue, une réduction des violences conjugales lorsque le programme atteint également les hommes, un renforcement de l’estime de soi, et des gains de compétences particulières enseignées pendant les sessions d’espace sécurisé, notamment dans des domaines tels que l’alphabétisation financière ou l’alphabétisation et la capacité de calcul de base. Dans le même temps, sans interventions additionnelles liées à la scolarisation ou au travail et aux moyens de subsistance, il n’est pas certain que les espaces sécurisés suffisent à retarder le mariage ou la maternité (même si cela n’a peut-être pas été un des principaux objectifs de ces projets). Par conséquent, il est important d’envisager des programmes dans lesquels les espaces sécurisés ont été combinés avec des opportunités de moyens de subsistance et des incitations à rester à l’école, qui ont généralement de plus grandes répercutions sur l’âge du mariage et de la maternité. Les interventions qui accordent une attention particulière à l’autonomisation des filles, souvent par le biais de clubs d’espace sécurisé, combinées à des opportunités de moyens de subsistance, peuvent améliorer les résultats en matière de santé reproductive et retarder le mariage et la maternité précoces. Cela a été le cas, par exemple, en Ouganda, mais pas de façon systématique dans d’autres pays. Puisqu’elles sont souvent l’unique option disponible pour les filles non scolarisées, des recherches additionnelles sont nécessaires pour déterminer ce qui fonctionne ou ne fonctionne pas. SUJET SPÉCIAL // 31 Encadré 9 : THÉORIES DU CHANGEMENT POUR LES INTERVENTIONS CIBLANT LES ADOLESCENTES Compétences essentielles et connaissances en matière de santé sexuelle et reproductive (SSR) : En augmentant les connaissances et la prise de conscience, les compétences essentielles peuvent aider les jeunes femmes à mieux percevoir les risques de grossesse précoce et le désir de les éviter (par le biais de la planification familiale). À travers ces canaux, les compétences essentielles peuvent mener à de meilleurs résultats en matière de santé pour les filles et leurs enfants. En augmentant la confiance des filles et leur estime de soi, les compétences essentielles peuvent aussi accroître leurs aspirations. En ayant de plus grandes aspirations, les filles peuvent avoir davantage envie de retarder le mariage et la maternité. Enfin, les compétences essentielles peuvent accroître les compétences des jeunes femmes en matière de prise de décision et de communication, menant à une meilleure capacité de négocier un mariage et une maternité retardés. Dans le même temps, alors que les compétences essentielles et la connaissance de la SSR peuvent donner aux filles la capacité de s’émanciper, elles peuvent ne pas suffire à retarder le mariage ou la maternité si des normes sociales restreignant la capacité d’agir des filles ne sont pas également abordées en même temps. Compétences essentielles associées aux opportunités économiques : Des programmes améliorant le potentiel de revenus des jeunes femmes peuvent accroître leur capacité à planifier les décisions relatives au mariage et à la maternité de trois façons. D’abord, la capacité d’apporter une contribution économique élargit le rôle des femmes au-delà des rapports sexuels et de la reproduction. Cela peut accroître leur désir de limiter ou d’espacer les grossesses. En cessant d’être un fardeau et en devenant une ressource économique aux yeux de leurs sociétés et de leurs familles, elles peuvent subir moins de pressions extérieures pour se marier ou avoir des enfants très tôt. Deuxièmement, la perte de revenus associée à l’éducation des enfants est un coût d’opportunité qui peut accroître le désir des femmes de limiter ou d’espacer les naissances et d’exercer un contrôle sur leur fécondité. Troisièmement, l’augmentation des gains d’une jeune femme peut améliorer son pouvoir de négociation au sein du ménage, et lui permettre d’exercer véritablement un contrôle sur sa fécondité en négociant le report de son initiation sexuelle ou de son mariage, tout en discutant les conditions des relations sexuelles, y compris l’utilisation de contraceptifs. La création d’opportunités génératrices de revenus pour les femmes peut donc contribuer à leur autonomisation au-delà de la sphère économique en élargissant leurs choix personnels et leur contrôle sur les résultats en matière de SSR. Incitations à la scolarisation ou au report du mariage : Dans de nombreuses communautés, l’environnement économique, social et culturel ne fournit aucune alternative viable au mariage des adolescentes. Une fois que les filles abandonnent l’école, vraisemblablement à cause de la mauvaise qualité de l’enseignement ou de coûts élevés, il peut s’avérer difficile pour les parents de s’abstenir de les marier. Dans ces communautés, la fourniture d’un enseignement primaire et secondaire de qualité et abordable peut être une des meilleures options pour retarder le mariage et la maternité, les parents considérant souvent la scolarisation comme une alternative viable au mariage de leurs filles. Des programmes et mesures incitatives visant à maintenir les filles à l’école peuvent également conduire à des tournants dans les communautés et permettre qu’un nombre de plus en plus important de filles restent scolarisées et puissent retarder le mariage. Quelques interventions ont également eu pour objectif de retarder le mariage par le biais d’incitations financières subordonnées au fait de ne pas se marier tôt, la scolarisation prolongée étant souvent un avantage supplémentaire. Source : Botea et coll. (2017). 32 \\ SUJET SPÉCIAL Offrir des opportunités d’emploi La deuxième catégorie de programmes associe un accent sur l’autonomisation des filles, souvent pas le biais d’espaces sécurisés, en accordant une attention supplémentaire aux opportunités de contribuer aux moyens de subsistance. Ces programmes sont appropriés pour les filles qui ne fréquentent pas l’école. Pour ces dernières, le renforcement des compétences en matière de génération de revenus peut offrir une alternative au mariage et à la grossesse précoces. On distingue deux groupes d’intervention : les interventions sur les moyens de subsistance, et l’alphabétisation financière et l’accès aux services financiers. Les effets sur l’âge du mariage et de la maternité précoce ont tendance à être plus importants qu’avec les compétences essentielles et les connaissances de SSR seules, mais pas dans tous les cas. Considérant la place qu’ils accordent aux opportunités économiques, ces programmes ont souvent réussi à faire augmenter les revenus, l’emploi et l’épargne. Plusieurs programmes réussissent également à renforcer l’usage des contraceptifs modernes et à améliorer les connaissances en matière de SSR, ce qui peut contribuer à retarder la maternité. Dans certains cas, les programmes réussissent également à retarder l’âge du mariage et à réduire les grossesses chez les adolescentes. Par exemple, le programme d’autonomisation et de subsistance pour adolescentes (Empowerment and Livelihoods for Adolescent Girls) du BRAC en Ouganda a accru de 32 % la probabilité des filles de s’engager dans des activités génératrices de revenus ; augmenté de 50 % l’utilisation régulière autodéclarée de préservatifs chez les filles sexuellement actives ; réduit de 26 % les taux de fécondité, et réduit le signalement de rapports sexuels non désirés de 76 %. On a également constaté une réduction des grossesses chez les adolescentes et des mariages d’enfants, ainsi qu’un changement dans la dynamique des rapports entre les sexes au sein de la communauté (Bandiera et coll., 2014 ; Buehren et coll., 2015). Il ressort de l’examen que l’adjonction d’un élément sur les moyens de subsistance dans les programmes de compétences essentielles et de SSR peut aider à retarder les mariages et maternités précoces, mais pas dans tous les cas. L’attention accordée aux opportunités économiques peut également permettre de garantir une participation régulière des filles aux programmes. Fournir des incitations au maintien des filles à l’école La troisième série de programmes met l’accent sur le maintien des filles à l’école, la possibilité d’y retourner si elles ont décroché, ou directement sur le report du mariage. La documentation suggère que plusieurs options d’intervention sont disponibles pour maintenir les filles à l’école et retarder le mariage (Kalamar et coll., 2016). Dans quelques cas, les évaluations montrent également que les programmes offrant des incitations à la scolarisation réussissent assez souvent à maintenir les filles à l’école, et à retarder parfois le mariage et la maternité. Certains de ces programmes permettent à des filles ayant abandonné l’école d’y retourner. Des trois catégories d’intervention examinées dans cette étude, celles qui promeuvent l’éducation, y compris en réduisant les dépenses et les coûts d’opportunité de la scolarisation, sont les plus susceptibles de contribuer à retarder les mariages et les grossesses précoces. Les transferts monétaires conditionnels (TMC) visant à favoriser l’éducation des filles, promouvoir la santé et soutenir les familles pendant les périodes de crise peuvent être efficaces pour encourager la performance. Ils sont souvent liés à la fréquentation scolaire ou aux visites de médecine préventive. De très nombreux travaux de recherche montrent que les TMC sont efficaces pour améliorer les résultats scolaires des enfants dans les pays en développement ; et de telles initiatives ont maintenant été introduites dans plus de 29 pays à faible revenu dans le monde. Les TMC et programmes de soutien au revenu ont également des résultats positifs, comme une réduction du travail des enfants, une augmentation de la scolarisation, et une nutrition améliorée pendant l’enfance (pour le Malawi, consulter Bastagli et coll., 2016). Si tous les programmes n’ont pas fonctionné dans toutes les régions, les résultats sont suffisamment convaincants pour permettre d’affirmer que par rapport aux deux autres types de programmes examinés ci-dessus, ceux qui mettent l’accent sur la scolarisation des filles, ou dans certains cas le report du mariage, par des incitations financières peuvent le mieux réussir à retarder le mariage et la maternité. SUJET SPÉCIAL // 33 Résumé : interventions ciblées Les trois catégories d’interventions mentionnées ci-dessus ne sont pas mutuellement exclusives. Par exemple, pour améliorer le niveau d’instruction des filles, des interventions supplémentaires sont nécessaires. Les trois types d’interventions énumérés ci-dessus ont été sélectionnés parce que leur évaluation a porté sur les changements dans les connaissances sur la SSR, le mariage des enfants et la maternité précoce. Les divers programmes et interventions ne s’excluent pas mutuellement, mais peuvent être complémentaires. Bien que certains programmes réussissent mieux que d’autres à retarder le mariage et la maternité précoces, et à améliorer le niveau d’instruction des filles, les trois catégories de programmes présentent toutes des avantages. En ciblant différents groupes de filles, par exemple celles qui sont scolarisées, ou qui peuvent potentiellement retourner à l’école, et celles qui ont décroché et ne pourront peut-être pas y retourner, les trois catégories de programmes devraient être envisagées lorsqu’une stratégie est mise en œuvre dans le but d’améliorer les opportunités des adolescentes. Il peut être aussi utile d’associer les transferts monétaires à des mesures d’accompagnement visant à stimuler la capacité d’agir, comme le développement de capacités comportementales et la promotion de connaissances en nutrition et santé reproductive si elles se révèlent efficaces (Banque mondiale, 2012). REMARQUES FINALES Si les investissements visant à réduire le mariage des enfants, à prévenir les grossesses précoces et à favoriser l’éducation des filles ne doivent pas être basés uniquement sur des considérations économiques, cette note démontre que le Mali, te Tchad, le Niger et la Guinée bénéficieraient grandement de ces investissements. Les risques et souffrances considérables encourus par les adolescentes et leurs enfants justifient la réduction du mariage des enfants, la prévention des grossesses précoces et la promotion de l’éducation des filles. L‘analyse des impacts négatifs de ces phénomènes sur un large éventail de résultats de développement est claire. De plus, ces phénomènes ont également des coûts économiques importants. La démonstration de l’ampleur de ces coûts fournit une justification supplémentaire pour investir en faveur des adolescentes dans ces quatre pays. Si des efforts supplémentaires doivent être fournis pour identifier les meilleures options politiques pour investir dans des adolescentes dans chacun de ces quatre pays, des enseignements utiles peuvent être tirés de l’expérience internationale, y compris des programmes mis en œuvre dans les quatre pays cibles. ANNEXE : CADRE D’ANALYSE DES IMPACTS ET DES COÛTS OU AVANTAGES Un des objectifs de cette étude est de documenter les impacts de l’éducation, du mariage et de la maternité précoces chez les filles sur un large éventail de résultats de développement. Certains coûts économiques associés à ces impacts sont ensuite estimés. Un cadre simple guide l’analyse. Comme le montre la figure A1, nous reconnaissons tout d’abord que l’éducation des filles, le mariage des enfants et les grossesses précoces sont étroitement liés. La documentation et les estimations de cette note suggèrent que le maintien des filles à l’école est l’un des meilleurs moyens de retarder le mariage et la maternité. En revanche, le mariage précoce et la grossesse mènent les filles à abandonner l’école. De plus, le mariage des enfants est l’un des principaux facteurs de maternité précoce. Ces relations sont mises en évidence dans la partie supérieure de la figure. 34 \\ SUJET SPÉCIAL Figure A1 : CADRE CONCEPTUEL Original Objectifs Objectiv Éliminer le Educatio Éduquer les filles mariage des Ending c enfants Impact f Househo Impact sur les filles, leurs enfants et leur Fertility ménage Health Work Fécondité Santé Agency Aggrega Travail Capacité d’agir Income Welfare Budget Others b Lower p nation a Coûts et avantages totaux Gains de Économies Autres Gains de avantages bien-être budgétaires revenus Réduction de la pauvreté et de l’inégalité Augmentation de la richesse de la nation et viabilité Réciproquement, le niveau d’instruction des filles, ainsi que le mariage des enfants et la maternité précoce comptent pour d’autres résultats de développement. Quatre principaux résultats sont pris en compte : la fécondité, la santé (y compris la nutrition et le risque d’exposition à la violence conjugale), le travail (y compris la participation au marché du travail et la rémunération) et la capacité d’agir (y compris la prise de décision et d’autres impacts). Alors que certains de ces impacts sont estimés pour les filles qui se marient ou abandonnent très jeunes l’école, d’autres sont estimés pour leurs enfants. Certains coûts économiques ou avantages associés à l’impact de l’éducation des filles, du mariage des enfants et de la grossesse précoce sont estimés après. Des exemples d’avantages liés à la scolarisation des filles, à l’élimination du mariage des enfants et des grossesses précoces incluent : (1) un taux de croissance du PIB par habitant plus élevé grâce à une baisse de la croissance démographique ; (2) des revenus du travail plus élevés pour les femmes à l’âge adulte ; (3) des revenus du travail plus élevés pour les enfants à l’âge adulte grâce à une moindre prévalence des retards de croissance ; (4) une appréciation des avantages associés aux vies des enfants sauvées ; et (5) la réduction des besoins budgétaires grâce à une plus faible croissance démographique. Bien que cette liste d’avantages ne soit en aucun cas exhaustive, elle comprend certains des plus grands avantages économiques qui puissent être attendus. Enfin, nous remarquons que les avantages liés à l’éducation des filles et à la réduction du mariage des enfants, au niveau des individus et au niveau des ménages, ont des implications plus larges à l’échelon national, voire mondial. En améliorant les conditions de vie (par le biais d’un PIB par habitant plus élevé suite à une croissance démographique inférieure et des revenus plus élevés pour les femmes), l’éducation des filles et la réduction du mariage des enfants diminueront la pauvreté ainsi que les inégalités. SUJET SPÉCIAL // 35 Références Abramsky, T., K. Devries, L. Kiss, J. Nakuti, N. Kyegombe, E. Starmann, B. Cundill, L. Francisco, D. Kaye, T. Musuya, L. Michau et C. Watts. 2014. Findings from the SASA Study: A Cluster Randomized Controlled Trial to Assess the Impact of a Community Mobilization Intervention to Prevent Violence against Women and Reduce HIV Risk in Kampala, Uganda, BMC Medicine 12:122. Acemoglu, D. 2010. Theory, General Equilibrium et Political Economy. 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Pour améliorer les perspectives de soutenabilité de la dette de ces pays, il convient donc de poursuivre l’apurement des arriérés, la mise en œuvre de politiques budgétaires saines et l’amélioration de la gestion de la dette. I. INTRODUCTION Le nombre de pays d’Afrique subsaharienne (ASS) présentant un risque élevé de surendettement dans le Cadre de viabilité de la dette (CVD) établi conjointement par la Banque mondiale et le FMI pour les pays à faible revenu (PFR) a doublé depuis 2013. Cette détérioration de la soutenabilité de la dette résulte de l’augmentation du niveau de la dette et de l’évolution de la composition des sources de financement de la dette publique, plus onéreuses et plus risquées. La part de la dette multilatérale a, en moyenne, progressivement diminué, tandis que la part de l’endettement de marché et des nouveaux créanciers bilatéraux a augmenté. Le Tchad était fortement menacé de surendettement en août 2018, tandis que la Guinée, le Mali et le Niger présentaient un risque modéré. Ces quatre pays sont dépendants des matières premières et ont bénéficié d’un allégement de leur dette dans le cadre du plan en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et de l’Initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM). Le Tchad et le Mali font partie du groupe des États fragiles et en situation de conflit (EFC)4. Le Tchad, le Mali et le Niger font partie d’unions monétaires : le Tchad appartient à 3 Cette note a été rédigée par Doerte Doemeland et Sebastian Essl. Des orientations et des commentaires ont été fournis par Lars C. Moller et l’équipe de direction AFCW3 – Luc Razafimandinby, Markus Kitzmüller, Olivier Béguy, Marcel Nshimiyimana, Boulel Touré, Ernest Sergenti et Olanrewaju M. Kasim. 4 Conformément au document sur les perspectives économiques mondiales de la Banque mondiale, les pays sont définis comme dépendants des matières premières lorsque, en moyenne et sur la période 2012-2014, les exportations de matières premières représentaient 30 % ou plus du total des exportations ou 20 % ou plus du total des exportations de marchandises. Le Tchad, la Guinée, le Mali et le Niger sont tous classés dans la catégorie des pays dépendants des matières premières, comme environ 75 % des pays d’Afrique subsaharienne. De plus, le Tchad et le Mali sont également classés dans la catégorie des États fragiles et en situation de conflit (EFC). Les pays EFC-IDA ont : (a) soit obtenu une note moyenne harmonisée EPIN égale ou inférieure à 3,2 ; (b) soit enregistré la présence au cours des trois dernières années d’une mission de maintien de la paix ou de consolidation de la paix de l’ONU ou d’une force régionale. Les pays de la BIRD ne sont qualifiés que si une mission de maintien de la paix, politique ou de consolidation de la paix est présente sur leur sol. Une liste des EFC est disponible à l’adresse suivante : http://pubdocs.worldbank.org/en/892921532529834051/FCSList-FY19-Final.pdf DOSSIER SPÉCIAL // 39 la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEMAC), et le Mali et le Niger font partie de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Le niveau de la dette publique du Tchad et du Niger a fortement augmenté depuis 2013, nettement au-dessus du niveau médian des pays ASS et du niveau médian des pays dépendants des matières premières, tandis que le niveau de la dette publique de la Guinée et du Mali a été inférieur à ces médianes (figure 1). Figure 1 : Dette publique 2013-2017 (en % du PIB) 60 2013 2017 52 50 44 40 37 36 31 31 30 26 26 20 10 PPTE/IADM PC : 2015 PPTE/IADM PC : 2012 PPTE/IADM PC : 2006 PPTE/IADM PC : 2006 0 Tchad Guinée Mali Niger Source : Base de données du FMI sur les perspectives économiques mondiales, avril 2018 ; calculs du personnel de la Banque mondiale. Ce rapport compare les principales tendances de la dette publique du Tchad, de la Guinée, du Mali et du Niger à celles de pays homologues, et conclut en mettant l’accent sur les principaux problèmes spécifiques de la dette dans chacun de ces pays. Dans cette analyse, la dette publique correspond à la dette brute de l’administration publique. Lorsqu’elles sont analysées, la dette extérieure désigne la dette publique extérieure et garantie par l’État (PPG), alors que la dette intérieure désigne la dette libellée en monnaie nationale.5 II. LARGE VARIATION DE LA DETTE PUBLIQUE DANS LA RÉGION AFCW3 Le niveau médian de la dette publique des pays d’Afrique subsaharienne a baissé après 2004, puis fortement augmenté depuis 2013. La dette publique a fortement baissé à partir de 2004, principalement en raison d’une réduction de la dette fournie dans le cadre des initiatives PPTE et IADM, puis son niveau est resté stable de 2008 à 2013. Entre 2013 et 2017, le niveau médian de la dette publique6 des pays ASS a augmenté de 20 %, passant de 35 % à 55 % du PIB. L’accumulation de la dette publique des pays d’Afrique subsaharienne a été depuis 2013 plus prononcée dans les EFC. Partant d’un niveau de référence supérieur en 2013, la dette publique médiane des EFC atteignait 66 % du PIB à fin 2017, contre 43 % du PIB en 2013, soit environ 10 points de pourcentage de plus que la médiane régionale. 5 Le Tchad, la Guinée, le Mali et le Niger sont exclus des groupes de pays comparables (Afrique subsaharienne, PPTE, pays dépendants des matières premières et EFC) afin de pouvoir utiliser les groupes de pays comparables comme groupes de référence dans l’analyse de la dette publique. Les groupes de pays comparables ne comprennent que les pays d’Afrique subsaharienne. Les Seychelles ont été exclues du groupe des pays d’Afrique subsaharienne en raison de leur revenu élevé. 6 Les chiffres globaux sont présentés sous forme de valeurs médianes et en excluant les valeurs aberrantes afin de mieux représenter un pays « typique ». Cependant, l’analyse et les conclusions restent les mêmes si d’autres méthodes d’agrégation sont utilisées. 40 \\ DOSSIER SPÉCIAL Figure 2 : Niveaux de la dette publique en Afrique subsaharienne (en % du PIB) 160 Tchad Guinée Mali Niger Médiane EFC 140 120 100 80 60 40 20 0 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 Source : Base de données du FMI sur les perspectives économiques mondiales, avril 2018 ; calculs du personnel de la Banque mondiale. Figure 3 : Dette publique des pays étudiés par rapport aux groupes de référence (en % du PIB) 100 2007 2013 2017 80 80 66 61 60 55 55 55 52 44 44 43 39 40 37 36 36 35 35 34 31 31 26 26 24 22 20 19 0 Tchad Guinée Mali Niger Médiane ASS Médiane PPTE Médiane pays dép. Médiane EFC des mat. premières Source : Base de données du FMI sur les perspectives économiques mondiales, avril 2018 ; calculs du personnel de la Banque mondiale. LA TENDANCE ET LE NIVEAU DE LA DETTE PUBLIQUE VARIENT DANS LES QUATRE PAYS.  e Tchad a connu l’une des plus fortes augmentations de la dette publique en Afrique subsaharienne, avec une • L hausse de 22 % entre 2013 et 2017 (figure 3). Située à un niveau relativement bas en 2013, la dette publique reste légèrement inférieure à la médiane régionale, et significativement inférieure à la médiane des autres EFC.  a dette publique du Niger a augmenté depuis 2013 au même rythme que dans les autres pays dépendants • L des matières premières d’Afrique subsaharienne, pour atteindre 44 % du PIB en 2017 DOSSIER SPÉCIAL // 41  a dette publique de la Guinée et du Mali était à fin 2017 nettement inférieure à la moyenne de l’Afrique • L subsaharienne, respectivement à 37 % et 36 % du PIB. La dette publique du Mali est l’une des plus faibles des EFC, se situant fin 2017 à 30 points en dessous de la médiane des EFC de la région. Encadré 1: MALI L’allégement de la dette au titre des initiatives PPTE et IADM a ramené la dette publique du Mali de 80 % du PIB en 2000 à 19 % en 2006. En 2017, la dette extérieure publique et garantie par l’État s’élevait à 2 231 milliards FCFA (25,1 % du PIB), due en grande partie à des créanciers multilatéraux et à des conditions concessionnelles. Toutefois, la dette intérieure du pays a considérablement augmenté ces dernières années, passant de 5 % du PIB en 2013 à 11 % en 2017. Bien que les émissions sur le marché régional représentent une part croissante de la dette intérieure, le Mali a également eu recours à des instruments plus coûteux que le marché régional, comme le sukuk en monnaie nationale (obligations islamiques) et les obligations syndiquées. III. FACTEURS DE LA DETTE PUBLIQUE La faiblesse des politiques macro-budgétaires, l’accès à de nouvelles sources de financement et les chocs subis ont entraîné une hausse de la dette publique en Afrique subsaharienne. L’augmentation du déficit public a joué un rôle important dans l’accumulation de la dette publique, en particulier dans les pays dépendants des matières premières. L’incapacité à créer des réserves budgétaires lors de la flambée du prix des matières premières a laissé de nombreux pays sans marge de manœuvre budgétaire et le recours à l’emprunt s’est par la suite fortement généralisé lorsque le prix des matières premières a chuté. Dans certains pays, la dépréciation du taux de change a également entraîné une augmentation de la dette. Dans plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, les dettes cachées, les fraudes et d’autres abus de gouvernance y ont également contribué. Plusieurs facteurs ont contribué depuis 2010 à l’évolution de la dette publique dans les quatre pays étudiés, un phénomène lié aux politiques nationales et à l’environnement international (figures 4a-4d). La ventilation de l’évolution de la dette publique repose sur une équation classique de la dynamique de la dette, qui prend en compte l’effet des principaux facteurs que sont le solde primaire et le taux de change sur le ratio dette publique/PIB. La ventilation des facteurs d’endettement comprend également un résidu lié à l’évolution des ratios de la dette publique due à une couverture insuffisante des données et d’autres questions similaires. Au Tchad, l’incapacité à créer des réserves budgétaires lors de la hausse du prix des matières premières, le grave choc pétrolier suivi d’une profonde et longue récession de 2016 et 2017, et l’augmentation des emprunts commerciaux ont entraîné une augmentation de la dette publique. Malgré les efforts d’assainissement budgétaire entrepris, le Tchad a enregistré au cours de ces dernières années des déficits primaires durables, augmentant ainsi ses besoins de financement et par la suite la dette publique. En 2016 et 2017, l’économie s’est contractée respectivement de 6,3 % et 3 %, aggravant encore la dynamique de la dette. Au Niger, les importants déficits primaires consécutifs à la chute des prix du pétrole ont accentué la pression sur la dette publique. En l’absence de réserves budgétaires suffisantes, le déficit primaire du Niger a représenté en moyenne au cours des quatre dernières années plus de 5 % du PIB, et ce déficit a considérablement augmenté les besoins d’emprunt et l’accumulation de dette publique. De plus, le Niger a enregistré d’importants déficits du compte courant, supérieurs à 15 % en moyenne depuis 2010, accroissant encore ses besoins de financement extérieur. En Guinée, l’accroissement de la dette publique est principalement dû à des dérapages budgétaires persistants et à des fluctuations défavorables des taux de change. Dans les années qui ont suivi la fin de l’initiative PPTE (2012), les déficits budgétaires ont augmenté pour atteindre en 2015 près de 7 % du PIB, en raison de la baisse des recettes minières due à la chute du prix des matières premières et à l’augmentation des dépenses, en particulier 42 \\ DOSSIER SPÉCIAL Figure 4c : Mali– Facteurs de la dette publique (en % du PIB) Figure 4d : Niger – Facteurs de la dette publique (en % du PIB) Déficit primaire Croissance du PIB réel Taux de chang e réel Déficit primaire Croissance du PIB réel 15 Taux d’intérêt réel Autres Résidu Taux de change réel Taux d’intérêt réel Autres Résidu Variation de la dette du secteur public 10 Variation de la dette du secteur public 5 15 0 10 -5 5 -1 0 0 -1 5 -5 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 -1 0 -1 5 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Source : Banque mondiale/FMI base de données PFR/DSA. Encadré 2 : GUINÉE La Guinée est l’un des dix pays d’Afrique subsaharienne à avoir vu sa dette publique augmenter de moins de 8 % du PIB entre 2013 et 2017, soit une hausse de 6 %, malgré les deux chocs majeurs survenus au cours de la période considérée (la pandémie d’Ebola de 2014-2015 et la forte baisse du prix des matières premières entre 2014 et 2016, en particulier pour la bauxite, le minerai de fer et l’or). La dette publique a rapidement augmenté entre 2013 et 2015 (de 13 points de pourcentage), avant de diminuer de 7 points de pourcentage à partir de 2016 en raison de la forte croissance économique atteignant 8,2 %. De plus, les autorités ont eu largement recours à des prêts concessionnels multilatéraux pour financer d’importants projets d’infrastructure, et notamment le barrage hydroélectrique de Kaleta. La dette intérieure a augmenté de 3 % entre 2013 et 2017, une hausse nettement inférieure à celle des autres pays d’Afrique subsaharienne. Le gouvernement a remboursé en 2017 la dette due à la Banque centrale, entraînant une diminution d’un point de pourcentage du ratio dette intérieure/PIB. Mais la dette publique devrait considérablement augmenter au cours des trois prochaines années en raison des importants investissements d’infrastructure. Le renforcement des politiques budgétaires associé à une sélection, une mise en œuvre et un financement prudents des projets sera indispensable pour le maintien à un niveau viable de la dette publique. pour lutter contre la pandémie d’Ebola de 2014-2015. La forte croissance économique de 2016-2017, alimentée par d’importants afflux d’IDE, un meilleur recouvrement des taxes sur le commerce international et des mesures fiscales supplémentaires, a compensé la pression à la hausse sur la dette résultant des mouvements défavorables des taux de change, et a entraîné une diminution de la dette publique. La Guinée est l’un des neuf pays d’Afrique subsaharienne qui a réussi à réduire son niveau de dette publique de plus d’un point de pourcentage du PIB entre 2015 et 2017. Au Mali, un déficit primaire grandissant et des dettes surprises (et cachées) appréhendées par le résidu sont les principaux facteurs de la dette publique ces dernières années. L’accumulation de la dette au Mali a été plus contenue qu’au Tchad ou au Niger. La plus forte augmentation de la dette publique a eu lieu en 2016, sous l’effet des déficits budgétaires et des comptes courants. Une forte croissance économique de plus de 5 % par an depuis 2014, combinée à d’importants investissements, a contribué à limiter l’accumulation de la dette publique et a permis de maintenir en 2017 le niveau de la dette publique par rapport au PIB. DOSSIER SPÉCIAL // 43 IV. COMPOSITION DE LA DETTE PUBLIQUE La composition de la dette en Afrique subsaharienne a beaucoup évolué ces dernières années, les parts de la dette intérieure et de la dette concessionnelle extérieure ayant augmenté (Figures 5 et 6).7 La part de la dette libellée en devises étrangères a connu une hausse de 21 % en 2013 à 29 % en 2017, et représente toujours la majeure partie de la dette publique dans les pays d’Afrique subsaharienne. Dans le même temps, la dette médiane en monnaie nationale a augmenté, passant de 15 % en 2013 à 23 % du PIB en 2017. Dans les pays dépendants des matières premières et les États fragiles et en situation de conflit (EFC), la dette intérieure s’est creusée plus rapidement que la médiane de l’Afrique subsaharienne et des PPTE. Concernant la dette extérieure, ce sont les pays dépendants des matières premières qui ont accumulé le plus de dettes. Ces dernières années, plusieurs gouvernements d’Afrique subsaharienne ont eu recours aux marchés obligataires nationaux pour répondre à leurs besoins de financement. Ces marchés sont devenus une alternative intéressante dans un contexte de disponibilité limitée des financements extérieurs à des conditions préférentielles, notamment pour le soutien budgétaire, le financement des banques et les efforts de réduction des risques de change. Dans le même temps, les pays ont tenté d’approfondir leurs marchés financiers. Si le développement de marchés obligataires nationaux offre de réelles opportunités, les pays ont besoin de cadres de politique macroéconomique stables et crédibles, de cadres de gestion de la dette solides, d’institutions et infrastructures saines, de systèmes financiers robustes, d’une politique financière souple, et d’une base d’investisseurs diversifiée pour développer des marchés obligataires nationaux durables. Le Tchad a affiché le plus haut ratio de dette en monnaie nationale sur le PIB à la fin 2017. La dette intérieure du Tchad a augmenté de 16 points de pourcentage depuis 2013, un rythme nettement supérieur à celui de pays comparables. Sur une période de quatre ans, la dette intérieure est passée de 9 % à 15 % du PIB à la fin de 2017, tandis que la dette extérieure est passée de 21 % à 26 % du PIB. Au Mali et au Niger, la dette publique intérieure a augmenté de 9 points de pourcentage depuis 2017, à un rythme plus élevé que dans le reste de l’Afrique subsaharienne. Néanmoins, le niveau de la dette libellée en monnaie nationale au Mali est resté nettement inférieur à la médiane de l’Afrique subsaharienne en 2017, tandis qu’en Guinée, la hausse de la dette intérieure a été limitée à 3 points de pourcentage depuis 2013. La composition de la dette extérieure publique et garantie par l’État (PPG) au Tchad et au Niger a évolué : la part de la dette multilatérale a diminué tandis que la part de l’endettement de marché et des nouveaux créanciers bilatéraux a augmenté, accroissant le coût et le risque de la dette publique. Ces dix dernières années, au Tchad, la part de la dette multilatérale a chuté d’environ 90 % de la dette extérieure à moins de 50 % en 2016 (Figure 7a), tandis que la part de la dette de créanciers hors Club de Paris et des créanciers commerciaux a augmenté. Le Niger a connu une évolution similaire, avec une augmentation des créanciers non membres du Club de Paris (Figure 7d). Pour le Tchad et le Niger, la dette envers les créanciers du Club de Paris a été limitée au cours de la dernière décennie. En revanche, la part de la dette multilatérale a augmenté en Guinée et au Niger, alors que la part de la dette envers le Club de Paris a diminué (Figures 7b et 7c). Au Tchad, la part de la dette à taux variable dans la dette extérieure totale PPG est élevée, et nettement supérieure à la médiane subsaharienne, ce qui accroît l’exposition au risque des taux d’intérêt (Figure 8). La part de la dette à taux variable par rapport à la dette à taux fixe a augmenté en Afrique subsaharienne depuis 2013, mais elle a connu une tendance à la baisse au Tchad, en Guinée, au Mali et au Niger. Néanmoins, au Tchad, la part de dette à taux variable de la dette extérieure PPG était sensiblement supérieure à celle des pays comparables, ce qui rend le Tchad vulnérable à un risque d’accroissement des taux d’intérêt. 7 Les groupes de contrôle présentés dans les Figures 6 et 7 couvrent un sous-ensemble de pays pour lesquels nous disposons de données détaillées sur la composition en devises de la dette publique. 44 \\  DOSSIER SPÉCIAL Figure 5 : Dette publique en monnaie nationale (% du PIB) Figure 6 : Dette publique libellée en devises étrangères (% du PIB) 60 2007 2013 2017 60 2007 2013 2017 50 50 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 Tchad Guinée Mali Niger Médiane Médiane Médiane Médiane Tchad Guinée Mali Niger Médiane Médiane Médiane Médiane ASS PPTE pays dép. EFC ASS PPTE pays dép. EFC des mat. des mat. Premières Premières Source : Banque mondiale/FMI base de données PFR/DSA ; Base de données du FMI sur les perspectives économiques mondiales, avril 2018 ; Calculs du personnel de la Banque mondiale. Figure 7a : Guinée – Composition de la dette extérieure PPG (en pourcentage) Dette bilatérale hors Club de Paris Créanciers bilatéraux du Club de Paris Multilatéral Obligations Créanciers commerciaux et autres privés 100 3 3 2 2 2 5 4 3 2 2 2 80 61 61 63 62 63 64 61 63 66 68 70 60 40 24 25 24 24 23 22 13 13 11 10 9 20 11 11 11 11 20 20 19 19 19 10 11 0 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Source : Statistiques de la Banque mondiale sur la dette internationale ; calculs du personnel de la Banque mondiale. Figure 8 : Part de dette extérieure à taux variable (% de la dette extérieure PPG) 25 200 7 201 3 201 6 20 15 10 5 0 Tchad Guinée Mali Niger Médiane Médiane Médiane Médiane ASS PPTE EFC pays dép. des mat. premières Source : Banque mondiale/FMI base de données PFR/DSA. DOSSIER SPÉCIAL // 45 Encadré 3 : NIGER La dette intérieure a été un facteur clé de l’endettement public au Niger. Sur une période de quatre ans, la dette en monnaie nationale a augmenté de près de 10 points de pourcentage, principalement en raison d’émissions de titres sur le marché régional, mais aussi à cause de la dette de la Banque centrale. Malgré les effets d’une demande plus forte sur le marché régional sur les modalités et conditions de la dette intérieure, les échéances ont tendance à se raccourcir et les taux d’intérêt sont plus élevés par rapport à la dette multilatérale extérieure. Cela affecte à son tour les indicateurs de coûts et de risques associés à la dette publique, y compris, par exemple, une durée d’arrivée à échéance plus basse en moyenne, et une proportion plus élevée de la dette publique arrivant à échéance à court terme. Il est donc essentiel de mettre en place de bonnes pratiques de gestion de la dette, y compris des stratégies de gestion de la dette et des plans d’emprunt. Au Niger, la gestion de la dette reste toujours minée par de faibles capacités, bien que des efforts soient déployés pour améliorer le cadre de gestion. La Direction de la dette effectue des analyses de soutenabilité de la dette intérieure et extérieure deux fois par an. Le service de la dette est entièrement intégré au budget, et un comité interministériel de gestion de la dette, présidé par le Premier ministre, supervise l’appui budgétaire global. Le cadre juridique régissant la dette et le Comité interministériel de la dette sont en ligne avec le cadre régional établi par l’UEMOA. Le Comité de la dette, présidé par le Premier ministre et soutenu par un Comité technique, émet un avis sur la stratégie de gestion de la dette et le plan annuel d’emprunt, et évalue les termes et conditions des prêteurs traditionnels et non traditionnels ainsi que les accords de prêts de projets, y compris l’exposition budgétaire du gouvernement aux PPP. Le Comité est secondé par un Secrétaire permanent, qui assure la coordination de la gestion de la dette dans l’ensemble des ministères, et s’assure que les dettes contractées soient conformes aux exigences de soutenabilité financière et de la dette. En outre, un rapport trimestriel sur la gestion de la dette est régulièrement publié, ainsi que le plan d’emprunt triennal qui définit la stratégie de la dette et identifie des projets d’investissement et les sources de financement. Pour gérer efficacement les risques découlant de l’augmentation de la dette publique intérieure, il convient de fournir des efforts supplémentaires pour augmenter la capacité de gestion de dette, et assurer un contrôle et une gestion efficaces des coûts et des risques. En raison de la dette contractée aux conditions de marché, le service de la dette PPG au Tchad a connu un pic nettement au-dessus de la médiane subsaharienne en 2016, mais il est en baisse depuis lors (Figure 9).8 Bien que le virage vers des emprunts extérieurs fondés sur le marché ait donné lieu à des coûts de service de la dette non viables au Tchad, une restructuration réussie de la dette envers Glencore devrait réduire les coûts de la dette à moyen terme. En revanche, le service de la dette PPG au Niger devrait augmenter légèrement pour dépasser la médiane d’Afrique subsaharienne sur la période 2018-2019. En Guinée et au Mali, les coûts de service de la dette devraient augmenter légèrement dans les années à venir, mais ils restent toutefois faibles par rapport aux autres pays à faible revenu d’Afrique subsaharienne 8 Les chiffres médians pour l’Afrique subsaharienne indiqués à la Figure 9 sont fondés sur un sous-ensemble de pays à faible revenu, pour lesquels nous disposons de DSA récentes (2017 ou 2018). 46 \\  DOSSIER SPÉCIAL Figure 9 : Service de la dette extérieure PPG (% des revenus) 50 201 3 201 4 201 5 201 6 201 7 201 8 201 9 202 0 40 30 20 10 0 Tchad Guinée Mali Niger Médiane ASS Source : Banque mondiale/FMI base de données PFR/DSA. Encadré 4 : TCHAD La dette en monnaie nationale, dont une partie est détenue par des non-résidents, a considérablement augmenté ces dernières années. La majeure partie de cette augmentation est due à l’émission de bons d’État, la dépendance vis-à-vis des financements de la Banque centrale ayant diminué. Dans le même temps, le Tchad a contracté de fortes dettes auprès des créanciers non membres du Club de Paris ainsi que Glencore, à des conditions de marché pour ce dernier. En conséquence, les pressions de liquidités se sont accrues en 2016 et 2017, conduisant à l’accumulation d’arriérés externes vis-à-vis des créanciers multilatéraux, bilatéraux et des créanciers commerciaux. Cela place le Tchad en situation de surendettement dans le Cadre de viabilité de la dette conjoint de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Fin 2017, les arriérés extérieurs représentaient environ 102 millions USD (1 % du PIB), dus principalement aux créanciers bilatéraux. Depuis, les autorités ont réduit ce montant à 55 millions USD d’arriérés dus à la Banque islamique de développement, et ont conclu un accord de rééchelonnement avec la Libye. Début 2018, alors que des arriérés temporaires s’étaient accumulés, une partie a pu être remboursée après des délais relativement courts. Pour rétablir des liquidités, le Tchad a entamé des négociations pour restructurer sa dette auprès de Glencore, parvenant à un accord en 2018. Cette restructuration d’une coûteuse dette envers Glencore a couvert 1,3 milliard USD et inclus une prorogation des échéances, une réduction des frais de restructuration et une réduction du montant des intérêts. L’accord avec Glencore comprend également un mécanisme de cash-sweep (règlement de la dette par l’autofinancement), créant un lien direct entre les paiements de service de la dette et les recettes pétrolières. DOSSIER SPÉCIAL // 47 V. PERSPECTIVES ET RISQUES PAR PAYS Tchad La dette extérieure du Tchad est actuellement considérée comme présentant un risque élevé de surendettement, et la vulnérabilité de la dette publique a augmenté. Suite à la restructuration de la dette commerciale envers Glencore achevée en juin 2018, et aux progrès réalisés dans l’apurement d’arriérés externes, la dette est devenue moins vulnérable. La hausse récente des prix du pétrole et la poursuite de la rationalisation des dépenses soutiennent la soutenabilité des finances publiques et de la dette. Il convient toutefois de poursuivre les efforts pour solder les arriérés, et conserver une gestion budgétaire et de la dette prudente. La dette publique devrait progressivement diminuer dans l’hypothèse où les cours du pétrole restent stables et l’assainissement budgétaire constant. La valeur actuelle (VA) de la dette publique totale en proportion du PIB s’élevait à la fin 2017 à 50,3 %, c’est-à-dire environ 12,1 points de pourcentage au-dessus du niveau de référence indiquant une vulnérabilité accrue de la dette publique pour les pays aux politiques faibles, comme mesuré par le rapport d’Évaluation de la politique et des institutions nationales (CPIA) de la Banque mondiale.9 En supposant la mise en œuvre d’une politique budgétaire prudente, des progrès dans les réformes structurelles favorisant la croissance, des hausses modérées de la croissance des taux d’intérêt (LIBOR), des recettes pétrolières en hausse constante et un apurement des arriérés extérieurs en 2018, la VA de la dette par rapport au PIB devrait constamment diminuer sur le long terme. Elle devrait tomber sous le seuil de référence d’ici à 2020 et finir par se stabiliser à environ 17 % sur le long terme. Par ailleurs, il est essentiel de mettre en œuvre des politiques visant à stabiliser la situation financière et soutenir une reprise durable dans l’activité hors secteur pétrolier. Ce scénario postule en outre un apurement des arriérés extérieurs en 2018. Cette perspective reste cependant soumise à plusieurs risques, en grande partie négatifs. La dette publique pourrait se creuser si l’on venait à découvrir des dettes et arriérés cachés, ou si les emprunts non concessionnels augmentaient, sans oublier les dépassements de l’enveloppe totale des salaires de la fonction publique. En outre, une nouvelle détérioration de la trésorerie des banques peut poser un risque, car cela pourrait compromettre le refinancement de la dette publique intérieure. Enfin, l’évolution du marché international du pétrole est un facteur pouvant s’avérer négatif ou positif, bien que les provisions intégrées à l’accord de restructuration de la dette Glencore amortissent l’impact des fluctuations des prix du pétrole sur la situation budgétaire. Les diverses analyses de scénarios et de difficultés montrent globalement une vulnérabilité permanente face aux chocs de croissance économique ou de solde primaire, ce qui souligne la nécessité de mener des politiques budgétaires prudentes. Guinée La dette extérieure et PPG totale de la Guinée devrait augmenter considérablement au cours des deux prochaines années. La Guinée projette d’emprunter plus de 1,85 milliard USD, soit 16 % du PIB 2017, sur la période 2018-2021 pour financer de grands projets d’infrastructure. En plus de l’emprunt pour financer la construction du barrage de Souapiti (1,2 milliard USD, soit 11 % du PIB 2017), qui sera signé en 2018, la Guinée est également censée emprunter 650 millions USD supplémentaires sous forme de prêts non concessionnels de la banque chinoise Eximbank, à décaisser entre 2018 et 2021. En conséquence, les nouveaux emprunts extérieurs devraient atteindre 9 % du PIB en 2018, contre 1 % en 2017. Sur la période 2019-2021, les nouveaux emprunts devraient représenter en moyenne 4,9 % du PIB, avant de s’établir sur le long terme à environ 2 % du PIB en moyenne. Selon les estimations, la dette extérieure de la Guinée présente actuellement un risque modéré de surendettement. La VA de la dette publique par rapport au PIB devrait culminer en 2019 à 32 % du PIB 9 L’Évaluation de la politique et des institutions nationales (CPIA) de la Banque mondiale mesure la qualité des politiques et des institutions d’un pays, et a servi à déterminer les seuils, dans les DSA, pour les PFR et les indicateurs de solvabilité et de liquidité de la dette. 48 \\  DOSSIER SPÉCIAL puis diminuer progressivement, à long terme, dans l’hypothèse de la poursuite de l’assainissement budgétaire, d’une croissance solide et d’un financement intérieur net négatif. Si, en accroissant ses investissements critiques dans l’énergie et les infrastructures de transport, la Guinée devait contracter une dette plus importante et plus chère que ce qui est projeté, les perspectives pourraient se détériorer considérablement. Les dynamiques de la dette publique totale pourraient être plombées par des retards de remboursement des arriérés intérieurs ou des créances de la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG), ou encore des révisions de données après de nouvelles vérifications de la dette intérieure et des arriérés. Selon les projections, le financement intérieur net devrait être négatif tout au long de 2018-2027, car le gouvernement devrait rembourser progressivement d’anciens emprunts à la Banque centrale, des arriérés intérieurs accumulés au cours de 2017, et des arriérés dus au secteur privé, conformément à la stratégie d’apurement approuvée en décembre 2017. Pour permettre ces remboursements, la Guinée mobilisera les recettes et restreindra les dépenses non prioritaires. L’emprunt intérieur net devrait redevenir positif et augmenter progressivement à partir de 2028. Mali Selon la récente analyse de soutenabilité de la dette (DSA) (mai 2018), le risque de surendettement de la dette extérieure du Mali reste modéré. La DSA prévoit une hausse modérée de la VA de la dette PPG par rapport au PIB, de 26,8 % à 36,1 % sur l’ensemble de la période des estimations, en supposant que le Mali continue de mener des politiques budgétaires et d’endettement prudentes, fondées en grande partie sur des financements concessionnels et des dons. En supposant que la trajectoire d’assainissement budgétaire reste inchangée par rapport à l’ancienne DSA, le profil de la dette pourrait se détériorer en fonction de l’ampleur et de la durée de la substitution du financement externe par le financement intérieur. Comme dans la DSA précédente, dans le cas d’un choc extrême, les « tests de résistance » mettent en évidence un dépassement continu du seuil de la VA de la dette extérieure PPG par rapport aux exportations. La VA de du ratio dette sur exportations indique que ce seuil serait dépassé de 2030 à 2038, conformément à la DSA précédente, dans l’hypothèse de conditions de financement plus strictes pour la dette publique (« choc des conditions »). Le gouvernement malien continue de mener une politique d’endettement compatible avec le maintien de la soutenabilité de la dette. Il s’engage à couvrir ses besoins de financement externes par le biais de dons et de prêts en devises étrangères, et la part des dons s’élèverait au moins à 35 % de ceux-ci. Cependant, le gouvernement prévoit également d’emprunter 276 milliards de FCFA en nouveaux prêts extérieurs en 2018, dont 119 milliards d’emprunts non concessionnels. Cela représente l’équivalent de 158 milliards de FCFA en valeur actualisée. Sur cette base, le plafond cumulatif des emprunts extérieurs pour la période 2015-2018 reste conforme au programme du FMI, s’élevant à 557 milliards de FCFA en valeur actualisée. La soutenabilité de la dette du Mali reste très sensible à un resserrement des conditions de financement ainsi qu’à une combinaison de chocs. Outre un choc de financement (par exemple, des conditions moins favorables pour les financements externes), la soutenabilité de la dette du Mali est aussi vulnérable à une diminution des transferts et des IDE, ainsi qu’à un choc des exportations en raison de l’importance de l’or dans ses exportations. Il demeure essentiel que le Mali poursuive des politiques macroéconomiques prudentes, renforce l’efficacité de la gestion de la dette publique et continue de répondre à ses besoins de financement extérieurs par des dons et des prêts concessionnels, dans la mesure du possible. En outre, le pays devrait s’assurer que les projets sous-jacents génèrent un retour sur investissement élevé, tout en continuant à mettre en œuvre des réformes structurelles visant à améliorer le climat d’investissement et la diversification des exportations dans un contexte de baisse attendue de la performance des exportations d’or à moyen terme. DOSSIER SPÉCIAL // 49 Niger La dette publique extérieure du Niger présente actuellement un risque modéré de surendettement, selon les dernières évaluations de la DSA en 2018, tandis que sa vulnérabilité s’est estompée. Dans l’hypothèse d’un assainissement budgétaire soutenu par des recettes stables des exportations de pétrole et d’uranium et un renforcement de la croissance, la VA de la dette PPG par rapport au PIB devrait rester largement inchangée sur l’horizon de l’analyse, et atteindre un pic de 45,4 % du PIB en 2020, soit 33,8 % du PIB en valeur actualisée. La dette intérieure devrait baisser et passer de 13,6 % du PIB en 2019 à 10,5 % en 2033. Toutefois, si le déficit primaire devait rester constant aux niveaux estimés de 2018 (4,7 % du PIB) au cours de la période de projection, la dette publique du Niger cesserait d’être soutenable. Cela met en évidence la sensibilité du Niger aux fluctuations des prix des matières premières (notamment le pétrole et l’uranium). À l’avenir, le Niger reste vulnérable aux menaces sécuritaires, à une reprise tardive de l’économie, et à des chocs défavorables des prix des matières premières. Si le Niger se révélait incapable de générer davantage de recettes fiscales sur le moyen terme de façon politiquement durable, cela compromettrait la soutenabilité de la dette et des finances publiques. En outre, des retards de mise en œuvre des projets de donateurs pourraient affecter la croissance économique à moyen terme. V. PERSPECTIVES Alors que le Tchad présente un risque élevé de surendettement extérieur, la Guinée, le Mali et le Niger appartiennent au groupe des pays à risque modéré (Tableau 1). Suite à la restructuration de la dette commerciale de Glencore achevée en juin 2018, et aux progrès réalisés dans l’apurement des arriérés externes, le Tchad est passé d’un état de « surendettement » à un « risque élevé de surendettement ». Cependant, pour améliorer nettement les perspectives de soutenabilité de la dette tchadienne, il faudra poursuivre les efforts visant à apurer les arriérés, mettre en place des politiques budgétaires saines et gérer prudemment la dette. Tableau 1 : ÉVOLUTION DU RISQUE DE SURENDETTEMENT Source : Banque mondiale/FMI PFR/DSA. Pour limiter les risques que représente une augmentation du niveau de la dette publique et les changements dans sa composition, ces pays devront absolument mettre en place des politiques budgétaires solides et crédibles, et des réformes structurelles favorisant la croissance, sans oublier une gestion prudente de la dette publique. Malgré le risque modéré de surendettement en Guinée, au Mali et Niger, les risques affectant la soutenabilité de la dette ont augmenté. Ces quatre pays devront renforcer leurs cadres de gestion budgétaire et de la dette pour répondre à leurs besoins de développement de manière durable. Au Niger, la forte hausse de la dette publique et l’évolution de sa composition sont des motifs de préoccupation. En Guinée et au Mali, il est essentiel d’accroître les capacités pour gérer prudemment et efficacement la dette publique. 50 \\  DOSSIER SPÉCIAL ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS APERÇU DES INDICATEURS MACROÉCONOMIQUES DES PAYS AFCW3, 2014-2018 La croissance restera forte en 2018, le Tchad émergeant d’une grave récession ...et de taux d’inflation inférieurs à 3 %, hormis de légères augmentations de deux ans... au Niger et en Guinée. Tchad Mali Guinée Niger 15 Tchad Mali Guinée Niger Taux de croissance du PIB Moyenne annuelle 15 10 10 5 (en %) 5 0 0 -5 -5 2014 2015 2016 2017 2018 p -10 201 4 201 5 201 6 201 7 201 8 p À l’exception du Tchad, une augmentation des déficits du compte courant est ... en partie en raison de la détérioration des termes de l’échange, sauf pour prévue en 2018 dans tous les pays... les prix au Tchad (pétrole) et en Guinée (bauxite). Variation du pourcentage annuel 2014 2015 2016 2017 2018 p 2014 2015 2016 2017 2018 p 60 -40 40 % du PIB -30 20 0 -20 -20 -10 -40 0 -60 Tchad Mali Guinée Niger Tchad Mali Guinée Niger À l’exception du Tchad, les déficits budgétaires augmenteront légèrement en ...et malgré d’importants efforts en matière de revenus dans les quatre pays. 2018, principalement au Niger et au Mali, touchés par des conflits... Y compris dons, base caisse, % du 2014 2015 2016 2017 2018 p Tchad Mali Guinée Niger 0 20 Hors dons, % du PIB -2 15 PIB -4 10 -6 5 -8 0 2015 2016 2017 2018 p -10 Tchad Mali Guinée Niger Source : Estimations du personnel du FMI et de la Banque mondiale. Remarque : Les données de 2018 sont des prévisions. Les déficits budgétaires comprennent les dons et sont basés sur une comptabilité de caisse (sauf pour le Niger, où ils sont basés sur les engagements). Ils peuvent être légèrement différents de ceux figurant dans le texte, qui sont basés sur les engagements. ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS // 51 GUINÉE La croissance devrait rester forte – proche de 5,9 % en 2018 – après un taux exceptionnel de 8,2 % en 2017, alimenté par l’essor de l’activité minière et des exportations. L’année dernière, le déficit du compte courant est tombé à 7 % du PIB, tandis que le déficit budgétaire a augmenté à 2,1 % du PIB. Les perspectives de croissance à moyen terme sont bonnes, car les IDE dans le secteur minier restent importants et les investissements accrus dans les infrastructures stimulent les secteurs de la construction et de l’agriculture. Parmi les risques à la baisse pesant sur les perspectives figurent les tensions sociopolitiques, le dérapage des réformes à l’approche des élections législatives prévues au premier semestre 2019 et la baisse des prix des matières premières. Le taux d’extrême pauvreté devrait tomber de 31 % en 2016 à 24 % en 2020. ÉVOLUTIONS RÉCENTES L’économie a maintenu sa forte croissance à 8,2 % en 2017, après 10,5 % en 2016, grâce à l’augmentation de la production minière, à la reprise des activités de construction, aux bons résultats agricoles et à l’amélioration de l’approvisionnement en électricité. Le secteur secondaire, qui comprend le secteur minier, a contribué pour plus de 80 % à la croissance en 2017, la Guinée ayant bénéficié d’une poussée des investissements directs étrangers (IDE) à la suite de la pandémie d’Ebola et des chocs des prix des matières premières. Les exportations ont également continué de croître fortement en 2017, avec une croissance de 67 %, les exportations minières ayant augmenté de 79 % en dollars. Les importations ont diminué de 7 %, après une hausse de plus de 100 % en 2016, les importations intermédiaires demeurant élevées. En conséquence, le déficit du compte courant est tombé de 31 % du PIB en 2016 à 7 % en 2017. L’IDE est resté la principale source de financement extérieur, représentant 13 % du PIB en 2017, soit un peu moins que les 18 % du PIB reçus en 2016. Les réserves internationales ont augmenté de plus de 100 millions USD en 2017 pour atteindre la barre des 686 millions, soit l’équivalent de 2,4 mois d’importations. Toutefois, étant donné que les réserves sont inférieures aux niveaux adéquats, l’économie reste vulnérable aux chocs des prix des matières premières. La Guinée a enregistré un déficit budgétaire de 2,1 % du PIB en 2017, contre 0,1 % en 2016. Ce dérapage budgétaire s’explique par des revenus plus faibles que prévu et des dépenses électorales plus élevées que prévu au cours des deux derniers mois de 2017. Les dépenses d’investissement et les transferts ont été supérieurs de 1,1 et 0,5 point de pourcentage du PIB en 2017 par rapport à 2016, les subventions aux services publics atteignant 1,3 % du PIB en 2017 (contre 0,5 % en 2016). Pour financer le déficit, l’État a emprunté à la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG) ainsi qu’aux banques commerciales et a accumulé des arriérés intérieurs de 1,0 % du PIB. Il est encourageant de constater que la situation budgétaire s’est nettement améliorée au cours du premier trimestre 2018, la Guinée enregistrant un excédent budgétaire global de 1,0 % du PIB. L’État a également remboursé une partie de la dette de la Banque centrale, limité les emprunts auprès des banques privées et réduit les arriérés de 0,5 % du PIB. Si les exportations se sont envolées et le franc guinéen (GNF) s’est apprécié par rapport au dollar au premier semestre 2017 (soit 3,5 % pour l’ensemble de 2017), il n’en demeure pas moins qu’il est resté à peu près constant pendant le reste de 2017 et pendant les cinq premiers mois de 2018. En conséquence, les prix des produits importés n’ont augmenté que de 5 % sur une base cumulative depuis le début de 2016. La croissance 52 \\  GUINÉE négative du crédit au secteur privé (-1,3 %) a également représenté une rupture avec l’inflation en 2017, car la Banque centrale a maintenu un taux de réserves obligatoires élevé (16 %) et a maintenu son taux de refinancement à 12,5 %. Néanmoins, l’inflation globale moyenne est passée de 8,2 % en 2016 à 8,9 % en 2017 et à 9,5 % en glissement annuel au premier semestre 2018, sous l’effet d’une hausse soutenue des prix alimentaires, notamment du poisson et des légumes frais. Toutefois, l’inflation de base, qui exclut les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, est demeurée modérée à 3,4 % en 2017. Le financement par la Banque centrale du déficit budgétaire de 2017 a également contribué aux pressions inflationnistes, le stock de monnaie de réserve augmentant de 10 % en 2017. La dette extérieure représentait 19,6 % du PIB en 2017, contre 21,6 % en 2016. La Guinée continue de recourir à l’emprunt extérieur pour financer ses investissements dans les infrastructures énergétiques et de transport, la priorité étant accordée aux prêts concessionnels. Afin de préserver la soutenabilité de la dette dans le cadre d’une facilité élargie de crédit (FEC) du FMI approuvée en décembre 2017 pour 170 millions USD, la Guinée a accepté de limiter les emprunts non concessionnels supplémentaires à 650 millions USD en 2018-2020. Le risque de surendettement de la Guinée reste modéré. La pandémie d’Ebola de 2014-2015 et la baisse des prix des matières premières ont entraîné une détérioration du niveau de vie et une augmentation de la pauvreté. Les simulations basées sur le recensement de 2014 indiquent une augmentation du taux de pauvreté (en utilisant le seuil national de pauvreté), qui est passé d’environ 55 % à près de 58 % entre 2002 et 2012, les zones urbaines et rurales connaissant toutes deux une augmentation de la pauvreté. En raison de l’incidence élevée de la pauvreté et de la croissance rapide de la population (environ 3 % par an), la population vivant dans la pauvreté devrait avoir augmenté pour atteindre environ six millions, soit une augmentation nette d’un demi-million par rapport à 2002. Cela dit, le taux d’extrême pauvreté (en utilisant le seuil international de pauvreté de 1,90 USD par jour exprimé en parité de pouvoir d’achat – PPA) a diminué à 31 % en 2016, contre environ 35 % en 2012. PERSPECTIVES À mesure que la production minière se stabilisera, la croissance devrait rester forte, aux alentours de 6 %, entre 2018 et 2020. Les investissements dans l’infrastructure minière et les infrastructures connexes continueront de stimuler la croissance, financée par un important afflux d’IDE au cours de la période de prévision. La construction et l’agriculture devraient également connaître une forte croissance, avec des investissements publics et privés dans les infrastructures énergétiques et de transport et une amélioration de la productivité agricole. Les exportations devraient enregistrer de bonnes performances et croître quelque peu au cours de la période 2018-2020, sous l’impulsion du secteur minier. Néanmoins, le déficit de la balance courante restera entre 16 et 21 % du PIB entre 2018 et 2020, la Guinée continuant à dépendre des importations intermédiaires d’intrants et d’équipements pour la mise en œuvre de grands projets d’infrastructure publics et privés. Les entrées d’IDE couvriront 60 à 80 % des besoins de financement sur la période 2018-2020, les prêts à long terme couvrant le solde. Les réserves internationales devraient augmenter progressivement et atteindre 3,8 mois d’importations d’ici 2020. La Guinée devrait maintenir des soldes budgétaires positifs de l’ordre de 1,5 % du PIB sur la période 2018-2020. Les recettes fiscales totales devraient passer de 13,5 % du PIB en 2018 à 15,6 % en 2020 grâce aux efforts déployés pour mobiliser davantage de recettes fiscales. Les dépenses publiques totales devraient passer de 18,0 % en 2018 à 18,9 % en 2020. Les dépenses d’investissement devraient augmenter de près de 2 % du PIB entre 2019 et 2020 par rapport à leur niveau de 2017 pour financer les augmentations des dépenses en faveur de la croissance et des infrastructures en faveur des pauvres. Les dépenses courantes devraient être contenues à environ 11,5 % du PIB entre 2018 et 2020. L’inflation devrait se maintenir entre 8 et 10 % à moyen terme, la Banque centrale s’étant engagée à contenir l’inflation et à limiter le financement public. Le ratio de la dette publique au PIB devrait atteindre 43,0 % en 2019, avant de diminuer légèrement à 42,4 % en 2020. GUINÉE // 53 PRINCIPAUX INDICATEURS MACROÉCONOMIQUES ET FINANCIERS (2015-2020) 2015 2016 2017 2018(e) 2019(p) 2020(p) (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) Comptes et prix nationaux PIB à prix constants 3,8 10,5 8,2 5,9 5,9 6,0 PIB aux prix courants 6,8 18,3 19,6 14,4 14,5 14,4 Déflateur du PIB 2,8 7,1 10,5 8,1 8,1 7,9 Prix à la consommation Moyenne annuelle 8,2 8,2 8,9 9,6 9,2 8,0 Fin de période 7,3 8,7 9,5 9,8 8,5 7,9 Secteur extérieur Exportations (en USD) -6,8 35,6 67,1 0,8 10,2 12,3 Importations (en USD) -6,7 102,1 -7.3 24,8 -5,3 15,9 Masse monétaire et crédit Actifs étrangers nets -11,0 7,3 9,6 5,7 6,4 6,7 Actifs nationaux nets 31,2 2,7 6,2 4,8 7,2 7,3 Créances nettes sur l’État 2,4 0,9 0,9 5,2 7,7 7,7 Crédit au secteur non gouvernemental 10,8 2,4 0,9 5,2 7,7 7,7 Masse monétaire 9,9 15,8 15,8 10,4 14,4 15,8 Réserves monétaires 2,6 15,5 10,3 14,3 9,6 11,0 Financement du gouvernement central (en % du PIB) Total recettes et dons 14,8 15,8 15,4 15,8 16,6 17,4 Recettes 13,7 14,6 13,8 14,5 15,4 16,2 Dons 1,2 1,2 1,5 1,3 1,3 1,3 Total dépenses et prêts nets 21,7 16,0 17,5 18,0 18,8 18,9 Dépenses courantes 14,1 11,2 11,6 11,5 11,3 11,6 Dépenses en capital 7,6 4,7 5,8 6,5 7,5 7,3 Solde budgétaire global (base caisse) Hors dons -8,0 -1,3 -3,6 -3,5 -3,4 -2,7 Avec dons -6,9 -0,1 -2,1 -2,2 -2,2 -1,5 Solde du compte courant (en % du PIB) Avec transferts officiels -12,5 -31,1 -6,9 -21,0 -15,9 -17,1 Hors transferts officiels -12,7 -32,1 -7,4 -21,4 -16,4 -17,6 Balance des paiements globale -4,0 0,8 0,7 1,6 1,3 1,4 Réserves brutes officielles (en mois d’importations) 1,5 2,4 2,4 3,2 3,5 3,8 Dette publique extérieure 21,6 21,6 19,6 26,9 31,7 33,0 Dette publique totale 39,3 39,8 37,2 40.3 43,0 42,4 PIB nominal (milliards GNF) 65 829 77 899 93 160 106 561 122 055 139 623 Source : Estimations et prévisions des autorités guinéennes et des personnels du FMI et de la Banque mondiale. 54 \\  GUINÉE Grâce à une forte croissance économique au cours des trois prochaines années, en particulier dans le secteur agricole, le taux d’extrême pauvreté devrait encore diminuer pour atteindre environ 24 % en 2020. RISQUES ET DÉFIS Les perspectives économiques reposent sur la capacité des autorités à gérer les tensions sociopolitiques et à mettre en œuvre des réformes, principalement par la politique budgétaire. Les élections législatives étant prévues pour début 2019, les dépenses électorales risquent d’affaiblir la discipline budgétaire et de nécessiter des mesures correctives. La faiblesse des prix des matières premières, en particulier de l’aluminium et de l’or, demeure un risque à la baisse. L’augmentation prévue des investissements dans l’exploitation minière et les infrastructures pourrait être retardée, ce qui comporte des risques supplémentaires. La faible mise en œuvre des réformes structurelles et la faible croissance du secteur agricole pourraient également ralentir la croissance et la réduction de la pauvreté. Enfin, la préservation de la soutenabilité de la dette exigera un suivi étroit au cours de la période de prévision, à mesure que la Guinée accroîtra ses investissements dans les infrastructures énergétiques et de transport essentielles. GUINÉE  // 55 MALI La croissance du PIB réel devrait rester élevée, aux alentours de 5,1 % en 2018 contre 5,4 % en 2017, grâce à la reprise de l’investissement privé, et malgré une insécurité croissante. L’année dernière, le déficit budgétaire et la position extérieure se sont améliorés grâce à l’assainissement budgétaire. La pauvreté a reculé grâce à une augmentation substantielle de la production agricole. Les perspectives économiques sont positives, mais sujettes à des risques à la baisse liés à la sécurité, aux conditions météorologiques défavorables et aux chocs sur les prix des matières premières. Pour aller de l’avant, le Mali doit rétablir la sécurité et diversifier davantage son économie. ÉVOLUTIONS RÉCENTES Malgré la propagation des menaces sécuritaires, la croissance du PIB réel est restée forte et proche de son potentiel, à un taux estimé à 5,4 % en 2017 (2,3 % par habitant) contre 5,8 % en 2016. La croissance a été principalement tirée par la vigueur des investissements. L’investissement total a fortement augmenté de 8,3 % grâce à un rebond de l’investissement du secteur privé et aux efforts déployés par l’État pour réduire les déficits d’infrastructure. Bien que le secteur agricole ait contribué modestement à la croissance globale en 2017 en raison des aléas climatiques, l’expansion de l’investissement privé a eu des retombées positives sur les secteurs manufacturiers et des services, qui ont augmenté de 6,8 % et 4,9 %, respectivement. L’inflation s’est accélérée, passant de -1,8 % en 2016 à 1,8 % en 2017, sous l’effet de conditions météorologiques défavorables et de la hausse des prix du carburant. Le déficit du compte courant extérieur (dons compris) est passé de 7,2 à 5,8 % du PIB en 2017, reflétant l’amélioration de la balance commerciale et des services. La balance commerciale s’est améliorée de 1,2 point de pourcentage pour atteindre un déficit de 15,7 % du PIB, traduisant une augmentation des exportations de coton et une diminution des importations alimentaires. Le déficit a été financé principalement par les investissements directs étrangers (IDE) et les emprunts publics. Le taux de change effectif réel (TCER) du Mali s’est déprécié d’environ 5 % depuis 2014, principalement en raison de l’appréciation du dollar américain. Le déficit budgétaire global est passé de 3,9 % du PIB en 2016 à 2,9 % en 2017. Bien que la crise sécuritaire persistante ait exercé une pression sur les dépenses publiques, les autorités ont réussi à contenir le déficit budgétaire. Les efforts visant à élargir l’assiette fiscale et à rationaliser les exonérations fiscales ont conduit à une augmentation des recettes totales de 1,7 point de pourcentage du PIB. En raison de dépenses récurrentes non budgétaires , les dépenses publiques ont légèrement augmenté, passant de 22,3 % du PIB en 2016 à 22,9 % malgré les tentatives de contrôle des dépenses. Le déficit budgétaire a été financé principalement par l’émission d’obligations au marché régional et l’appui budgétaire des donateurs. Pour compenser la baisse temporaire du financement extérieur, la dette intérieure a augmenté rapidement ces dernières années, atteignant 11,0 % du PIB à fin 2017. Toutefois, la dette publique totale est restée stable à environ 36 % du PIB en 2017, et le risque de surendettement extérieur est modéré. La politique monétaire et de change du Mali est gérée au niveau régional par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), qui maintient une parité fixe entre le franc CFA et l’euro. Les réserves internationales sont revenues à quatre mois d’importations à la fin de 2017, après avoir atteint un pic temporaire, suite à l’émission d’euro-obligations de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et de la Banque ouest-africaine 56 \\  MALI de développement. La poursuite de l’assainissement budgétaire entre les pays membres est nécessaire pour soutenir les réserves régionales. Le taux d’extrême pauvreté est passé de 47,8 % en 2011 à 50,4 % en 2013, à la suite de la crise sécuritaire et politique de 2012. Toutefois, la production agricole exceptionnelle depuis 2014, conjuguée à l’expansion du secteur tertiaire, a entraîné une forte croissance et une baisse du taux d’extrême pauvreté, estimé à 46,3 % en 2015 et 42,7 % en 2017. La forte production de coton a probablement conduit à une augmentation de la consommation des ménages ruraux et à une nouvelle baisse de la pauvreté. PERSPECTIVES La croissance du PIB réel devrait rester robuste à environ 5 % à moyen terme, ce qui correspond au taux de croissance potentiel. La croissance agricole devrait être soutenue par des conditions climatiques favorables et des réformes des subventions aux intrants. La croissance des services devrait demeurer forte, reflétant l’intensification de l’activité dans les secteurs des télécommunications, des transports et du commerce. Du côté de la demande, les investissements devraient rester élevés, soutenus par l’entrée en vigueur de la loi sur les PPP et la création du Fonds de développement durable, qui vise à financer la reconstruction des zones touchées par le conflit. L’inflation devrait rester modérée, car une bonne production agricole contribuerait à stabiliser les prix des denrées alimentaires grâce à une politique monétaire régionale prudente. Les mesures d’assainissement budgétaire prévues visant à réduire les dépenses courantes et à accroître les recettes fiscales devraient ramener le solde budgétaire global de -3,3 % du PIB en 2018 à environ -3,0 % en 2019-2020, conformément au critère de convergence de l’UEMOA. La dette publique devrait connaître une légère hausse pour se situer à 38 % PIB d’ici 2020. La hausse des prix du pétrole, la baisse des exportations d’or et l’augmentation des importations liées à l’investissement vont élargir le déficit du compte courant extérieur de 6,9 % du PIB en 2018 à 7,4 % en 2020. La balance commerciale devrait augmenter à moyen terme à mesure que les termes de l’échange se détériorent. Le déficit devrait être financé à la fois par les IDE et les emprunts publics. Le taux de pauvreté devrait diminuer régulièrement à condition que l’expansion robuste de l’économie malienne se poursuive sur la période 2018-2019 et que la menace sécuritaire ne se propage pas plus au Sud. Selon ces hypothèses, le PIB par habitant augmenterait, avec une réduction concomitante du taux de pauvreté à environ 40,2 % en 2019. Toutefois, en raison des faibles pluies dans certaines régions, la pauvreté peut s’aggraver localement, car les ménages pastoraux et agricoles devraient connaître une situation de sécurité alimentaire difficile pendant la période de soudure. RISQUES ET DÉFIS La menace sécuritaire et une éventuelle crise postélectorale liée aux prochaines élections législatives et locales constituent un risque majeur de détérioration de la situation. La propagation d’attaques violentes dans des régions économiquement importantes pourrait ralentir considérablement la croissance. Un choc climatique négatif pourrait réduire la croissance agricole, aggraver l’insécurité alimentaire, créer des pressions inflationnistes et augmenter les besoins en dépenses sociales. Compte tenu des réserves budgétaires limitées du Mali, ces risques pourraient affecter l’exécution du budget, en particulier les investissements publics financés par l’État, ce qui pourrait générer une accumulation d’arriérés. MALI // 57 PRINCIPAUX INDICATEURS MACROÉCONOMIQUES ET FINANCIERS (2014-2020) 2014 2015 2016 2017 2018(e) 2019(p) 2020(p) Économie réelle variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) ( PIB (nominal, en milliards FCFA) 7 114 7 748 8 322 8 932 9 540 10 222 10 950 PIB réel 7,0 6,0 5,8 5,4 5,1 4,8 4,8 Déflateur du PIB 1,6 2,8 1,5 1,8 1,6 2,2 2,2 Inflation des prix à la consommation 0,9 1,4 -1,8 1,8 2,1 2,5 2,5 (moyenne) Comptes budgétaires (pourcentage du PIB, sauf indication contraire) Dépenses totales 20 20,9 22,2 23,0 23,6 23,0 23,2 Recettes totales 14,9 16,4 16,7 18,4 19,0 18,3 18,6 Dons 2,2 2,7 1,6 1,6 1,3 1,7 1,7 Solde public général -2,9 -1,8 -3,9 -2,9 -3,3 -3,0 -3,0 Dette publique 27,3 30,6 35,9 36,0 37,2 37,7 38,2 Dette intérieure 6,3 8,0 11,0 11,0 12,5 13,2 14,1 Comptes monétaires sélectionnés (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) Crédit au secteur gouvernemental 0,8 1,6 10,4 3,9 14,5 2,9 — Crédit à l’économie 12,4 14,6 13,7 6,3 9,7 11,7 — Masse monétaire (M2) 7,1 13,2 7,3 7,9 13,2 5,1 — Balance des paiements (pourcentage du PIB, sauf indication contraire) Solde du compte courant -4.7 -8.3 -7.2 -5.8 -6.9 -7.4 -7.4 Importations 38,0 39,6 40,3 38,8 38,8 38,3 37,0 Exportations 22,6 24,0 23,5 23,1 23,3 21,9 20,7 Investissements directs étrangers 1,0 0,9 0,9 0,9 0,9 0,8 0,9 Dette extérieure 21,0 22,6 24,9 25,0 24,7 24,5 24,1 Termes de l’échange 5,5 18,6 15,5 -0,9 -3,4 -1,6 0,5 Postes budgétaires pour mémoire PIB nominal en milliards USD 14,4 13,1 14,0 15,3 16,4 17,5 18,8 Sources : Estimations (2014-2017) et projections (2018-2020) des personnels du ministère des Finances, du FMI et de la Banque mondiale. Une détérioration imprévue des termes de l’échange pourrait aggraver les déséquilibres budgétaires et extérieurs et ralentir la croissance. Le Mali reste tributaire des ressources naturelles et la poursuite de la diversification des exportations est essentielle pour réduire l’instabilité de la production et parvenir à une plus grande stabilité macroéconomique. 58 \\  MALI NIGER La croissance de l’économie nigérienne a atteint 4,9 % en 2017 soutenue par la bonne campagne agricole et une demande extérieure en hausse. Elle est projetée à 5,2 % en 2018. L’année 2017 a connu également une réduction des déficits budgétaires et du compte courant extérieur. À moyen terme, l’accélération de la croissance va être tirée par les réformes structurelles visant à améliorer la productivité. La pauvreté devrait diminuer progressivement à moyen terme. Les risques à la baisse comprennent des menaces accrues pour la sécurité et des chocs climatiques, la baisse des prix du pétrole et des retards dans la mise en œuvre des réformes structurelles. ÉVOLUTIONS RÉCENTES Malgré des chocs prolongés, la croissance a atteint 4,9 % (1,0 % par habitant) en 2017, soit un taux supérieur au taux potentiel de 4,7 %. La forte croissance de l’agriculture et l’augmentation de la production pétrolière (+10,8 %) sont les principaux moteurs. Une bonne campagne agricole, des prix favorables du pétrole et des réformes de libéralisation dans le secteur pétrolier ont soutenu cette amélioration. Du côté de la demande, la croissance a été tirée par la demande extérieure, les exportations ayant augmenté de 14,3 %, principalement les exportations de pétrole. L’inflation s’est accélérée, atteignant 2,4 % fin 2017 et 5,0 % en juillet 2018, sous l’effet des hausses des coûts administratifs et de la fiscalité. Le déficit du compte courant extérieur (y compris les dons) s’est réduit à 13,8 % du PIB en 2017, contre 15,7 % en 2016. Cette amélioration est principalement attribuable au secteur pétrolier, à l’achèvement de plusieurs projets d’investissement à forte intensité d’importations et à l’augmentation des dons. La balance des paiements globale est devenue positive en 2017, permettant au Niger de contribuer à l’accumulation des réserves mises en commun à la BCEAO. Le déficit du compte courant a été financé par des dons en capital, des prêts-projets et des investissements directs étrangers (IDE). La politique monétaire et de change du Niger est gérée au niveau régional par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), qui maintient une parité fixe entre le franc CFA et l’euro. Les réserves internationales sont revenues à quatre mois d’importations à la fin de 2017 après avoir atteint un pic temporaire à la suite des émissions d’euro-obligations par la Côte d’Ivoire, le Sénégal et la Banque ouest-africaine de développement. La poursuite de l’assainissement budgétaire entre les pays membres est nécessaire pour soutenir les réserves régionales. L’État a poursuivi l’assainissement budgétaire en 2017 en réduisant le déficit de 6,1 % du PIB en 2016 à 5,0 % en 2017. Cette amélioration résulte en grande partie d’une augmentation des recettes totales et des dons (+0,9 % du PIB). L’État a limité les dépenses courantes, en particulier les traitements et salaires. Le déficit budgétaire a été financé par des emprunts concessionnels extérieurs et l’émission de titres sur le marché régional ainsi que par l’émission d’obligations intérieures. L’assainissement budgétaire a permis de ramener la dette publique du Niger de 46,7 % du PIB en 2016 à 43,9 % en 2017. Le risque de surendettement reste modéré. Le Niger a accompli des progrès significatifs dans la réduction de la pauvreté. Entre 2005 et 2014, la pauvreté a chuté d’environ 50,3 % à 45,7 % (en utilisant le seuil de pauvreté international de 1,90 USD par jour). Néanmoins, il semble que l’extrême pauvreté se soit aggravée au cours de la période, à tel point que les 10 % NIGER // 59 de la population les plus pauvres ont connu une croissance négative de la consommation. Le coefficient de Gini est passé de 28,6 % en 2005 à 33,6 % en 2014. PERSPECTIVES Les perspectives économiques du Niger restent globalement positives. L’économie devrait continuer de progresser au-delà de son potentiel, avec une croissance moyenne de 5,4 % entre 2018 et 2020. La croissance devrait être tirée principalement par le secteur agricole, l’intensification des activités dans les secteurs de l’électricité, des télécommunications, du bâtiment et des travaux publics. Malgré l’assainissement budgétaire à moyen terme, la croissance restera forte grâce au dynamisme du secteur privé. L’inflation devrait augmenter à 4,0 % en 2018 en raison notamment des comportements opportunistes de certains agents économiques suite à l’introduction de nouvelles taxes dans la Loi de finances de 2018 et à des hausses des coûts administratifs. L’inflation devrait converger graduellement vers le critère de 3 % d’ici 2019, à mesure que les facteurs transitoires diminueront. La balance courante devrait se détériorer au cours de la période 2018-2020 grâce à l’augmentation des importations de capitaux et à la construction d’un oléoduc. Le déficit budgétaire global devrait se creuser en 2018, principalement grâce aux investissements liés au début de la mise en œuvre du Plan de développement économique et social (PDES), soutenu par les engagements des donateurs en décembre 2017. Le déficit budgétaire devrait commencer à diminuer dans les années suivantes et atteindre 3,0 % en 2021, soit deux ans de plus que les délais initialement prévus. En utilisant le seuil international de pauvreté de 1,90 USD par jour (PPA), la pauvreté devrait diminuer de 2,5 points de pourcentage au cours de la période 2018-2020. DÉFIS ET RISQUES Des facteurs tant externes qu’internes font peser des risques à la baisse sur les perspectives économiques à moyen terme du Niger. L’économie reste vulnérable aux chocs externes liés à la volatilité de la demande et des prix mondiaux du pétrole. Parmi les risques internes figurent les chocs climatiques et le ralentissement de la mise en œuvre des réformes structurelles et institutionnelles. L’intensification des activités terroristes pourrait également avoir des répercussions négatives sur la production, l’investissement et les exportations. D’autres retards dans l’achèvement de grands projets dans le secteur des ressources naturelles constituent également un important facteur de risque. Pour assurer la soutenabilité des finances publiques et de la dette, il faudra poursuivre avec succès les réformes en cours et prévues pour accroître les recettes, contenir les dépenses et accroître l’efficience de l’investissement public. Au Niger, la plupart des ménages pauvres continuent d’être en position de faiblesse sur les fortes inégalités structurelles en matière de propriété foncière et d’élevage qui nuisent à la productivité à long terme.   60 \\  NIGER PRINCIPAUX INDICATEURS MACROÉCONOMIQUES ET FINANCIERS (2014–2020) 2014 2015 2016 2017 2018(e) 2019(p) 2020(p) Économie réelle (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) PIB réel 7,5 4,0 4,9 4,9 5,2 5,3 5,7 PIB hors ressources 8,2 4,5 4,9 4,5 5,3 5,4 6,0 Volume des exportations 11,1 -4,5 -2,7 14,3 6,5 10,8 11 PIB par habitant réel 3,9 0,1 1,0 1,0 1,3 1,4 1,6 Volume des importations 5,5 7,3 -14,1 3,5 13,9 11 10,2 Déflateur du PIB -0,5 0,5 -0,3 2,0 3,8 1,9 1,9 Inflation des prix à la consommation -0,9 1,0 0,2 2,4 3,9 2,0 2,0 (moyenne annuelle) CPI End-of-period -0,6 2,2 -2,2 4,8 2,4 2,0 2,0 Comptes budgétaires (pourcentage du PIB, sauf indication contraire) Total recettes et dons 23,0 23,4 20,5 21,4 22,7 23,9 24,6 Total dépenses et prêts nets 31,0 32,5 26,6 26,5 28,6 28,4 28,3 Dépenses courantes 14,6 15,5 14,1 13,9 14,0 13,8 13,7 Dépenses en capital 16,4 17,0 12,5 12,6 14,5 14,6 14,6 Solde global (base d’engagements, -8,0 -9,1 -6,1 -5,0 -5,9 -4,5 -3,7 avec dons) Comptes monétaires sélectionnés (variation annuelle, en pourcentage de la masse monétaire de début de période) Masse monétaire 25,7 4,6 8,7 6,1 9,5 7,9 8,3 Crédit aux entités non gouvernementales 6,1 6,3 4,3 3,5 5,3 4,9 4,6 Créances bancaires nettes au Trésor public 1,1 9,1 6,3 3,3 2,1 0,2 -0,3 Balance des paiements (pourcentage du PIB, sauf indication contraire) Solde du compte courant extérieur -15,4 -20,5 -15,7 -13,8 -16,7 -17,9 -19,5 (avec dons) Importations 26,2 27,4 22,8 22,8 24,3 25,7 26,9 Exportations 17,6 15,1 13,7 14,1 14,1 14,6 14,9 Investissements directs étrangers 8,9 6,9 5,7 4,2 6,1 6,4 7,7 Réserves officielles brutes centralisées 4,9 5,1 4 4,2 4,2 4,3 4,4 (en mois d’importations de biens et services pour l’année prochaine) Total dette publique et dette garantie 33,8 41,6 46,7 43,9 44,7 46,1 46,5 par l’État Dette publique et dette extérieure 25,1 30,3 33 30,8 30,1 31,7 33,9 garantie par l’État Dette publique intérieure 8,7 11,4 13,7 13,8 14,6 14,4 12,7 Termes de l’échange (variation en -19.4 -7.5 -3.8 -6.9 -2.3 -1.9 -3.1 pourcentage) Poste pour mémoire PIB (nominal – en milliards de FCFA) 4 069 4 269 4 464 4 777 5 217 5 601 6 032 Source : Estimations des autorités nigériennes et des personnels du FMI et de la Banque mondiale (août 2018). NIGER // 61 TCHAD La situation économique s’est améliorée, mais reste fragile. La croissance est remontée à près de 3 % en 2018 grâce à la hausse des prix du pétrole et à la bonne performance de l’agriculture et des services. L’amélioration du recouvrement des recettes et la baisse de la masse salariale devraient réduire davantage le déficit budgétaire. À moyen terme, les exportations pétrolières devraient soutenir une croissance supérieure à 6 %, et renforcer l’équilibre budgétaire tout en stabilisant le déficit du compte courant. Toutefois, les fluctuations des prix du pétrole, l’insécurité et la vulnérabilité du secteur bancaire font peser des risques à la baisse sur les perspectives. ÉVOLUTIONS RÉCENTES L’économie s’est redressée en 2018, après deux années de profonde récession. La croissance devrait revenir à environ 3,1 % (soit 0,02 % par habitant) grâce à la hausse des prix du pétrole, de la production pétrolière et de la production agricole. L’écart de production négatif s’est creusé depuis la chute des prix du pétrole en 2014, mais il commence à se réduire, le PIB croissant plus vite que son potentiel. Ce resserrement de l’écart concorde avec une accélération de l’inflation mesurée par l’IPC, atteignant 2,1 % en 2018, contre -0,7 % en 2017. Le secteur primaire (principalement les sous-secteurs de l’agriculture et du pétrole) a contribué environ 2 points de pourcentage à la croissance globale en 2018. En revanche, les contributions des secteurs secondaire et tertiaire se sont élevées à 0,1 et 1,0 point de pourcentage, contre respectivement -0,2 et -3,9 en 2017. L’amélioration du secteur industriel indique une lente augmentation des investissements en capital, tandis que les services ont bénéficié de la vigueur de l’activité du secteur primaire et de l’apurement de certains arriérés intérieurs. Le déficit du compte courant extérieur a chuté de 5,1 % en 2017 à 4,2 % en 2018, en raison de la hausse des prix du pétrole et des résultats à l’exportation de pétrole. Après une contraction en 2017, les importations ont augmenté de 1,4 % sous l’effet de la reprise de la consommation privée et des investissements en capital. Le compte financier s’est également amélioré grâce à la baisse du service de la dette de Glencore, le principal créancier privé du Tchad. L’État poursuit ses efforts d’assainissement budgétaire en mobilisant les recettes et en limitant les dépenses récurrentes. Les recettes totales sont passées de 13,4 % du PIB en 2017 à 15,4 % en 2018 grâce à l’augmentation des recettes pétrolières. En outre, le recouvrement des recettes non pétrolières a augmenté, les impôts devant être payés par l’intermédiaire des banques commerciales. Les dépenses totales sont restées aux alentours de 14,6 % du PIB en 2018, soutenues par une baisse significative de la masse salariale de 6,5 % du PIB en 2017 à 5,6 % en 2018. Les arriérés extérieurs devraient être apurés d’ici fin 2018, tandis que les arriérés intérieurs font actuellement l’objet d’un audit. Le déficit budgétaire global devrait passer de 1,4 % du PIB en 2017 à un excédent de 0,8 % en 2018. En juin 2018, le Tchad a finalisé la restructuration de son prêt garanti par des titres pétroliers avec Glencore. L’accord comprend une échéance beaucoup plus longue, un taux d’intérêt plus bas et un mécanisme de transfert de trésorerie assorti de paiements d’intérêts et d’amortissements proportionnels aux revenus pétroliers disponibles. Par conséquent, la dette publique a retrouvé une trajectoire viable caractérisée par un ratio nettement inférieur du service de la dette par rapport aux recettes. Néanmoins, le risque de surendettement extérieur reste élevé. 62 \\  TCHAD En tant que membre de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), le Tchad a une politique monétaire conduite par la Banque régionale des États de l’Afrique centrale (BEAC). Après la baisse rapide de la couverture des réserves de change, passée de 5,8 mois d’importations fin 2014 à 2,7 mois fin 2017, la BEAC a mis en œuvre des politiques monétaires plus strictes pour reconstituer les réserves de change régionales et assurer la stabilité du secteur financier. La BEAC a également éliminé les avances statutaires et augmenté son taux directeur de 2,45 % à 2,95 % en mars 2017. La pauvreté et la vulnérabilité sont omniprésentes au Tchad. Selon la dernière enquête nationale auprès des ménages (2011), 29 % de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté alimentaire, 47 % en dessous du seuil de pauvreté total (également national) et 68 % sont jugés vulnérables. La répartition de la consommation indique qu’il existe une inégalité des revenus plus grande dans les zones urbaines que dans les zones rurales. La différence de consommation quotidienne par habitant entre les 10e et 90e percentiles est de 4,44 USD (PPA 2011) dans les zones urbaines, tandis que la différence équivalente dans les zones rurales est de 2,78 USD (PPA 2011). PERSPECTIVES Les exportations de pétrole resteront un moteur essentiel de la croissance du PIB réel à moyen terme. En outre, la privatisation de l’entreprise publique cotonnière devrait améliorer sensiblement la contribution du secteur agricole à la croissance du PIB (hors pétrole). Les retards dans la mise en œuvre des nouvelles technologies d’extraction entraîneront une accélération marginale de la croissance en 2019. Toutefois, l’augmentation attendue de la production pétrolière stimulera l’investissement et les exportations en 2020, ce qui se traduira par une croissance du PIB réel d’environ 6 %. La croissance des importations s’accélérera pour atteindre 4,1 % d’ici à 2020, stimulée par des investissements bruts en capital fixe et la consommation privée, mais compensée par une forte croissance des exportations. En conséquence, le déficit du compte courant se stabilisera à environ 4,5 % du PIB en 2020. Les réserves régionales de la CEMAC devraient atteindre environ 4,2 mois d’importations d’ici 2020, la BEAC resserrant sa politique monétaire et son financement exceptionnel. L’État devrait rationaliser davantage les dépenses courantes tout en améliorant ses efforts de mobilisation des recettes pétrolières et non pétrolières. Ainsi, le solde budgétaire devrait rester excédentaire et pourrait atteindre environ 1,2 % du PIB en 2020. L’accord avec Glencore et l’apurement prévu des arriérés réduiront le ratio de la dette publique au PIB de 52,5 % en 2017 à 40,8 % en 2020. Avec un PIB réel positif prévu pour la période 2018-2020, la pauvreté (en utilisant le seuil de pauvreté international de 1,90 USD par jour exprimé en PPA) devrait baisser de 0,5 point de pourcentage par an. Avec une croissance démographique de 3,3 % par an, il en résultera encore un quart de million de pauvres supplémentaires d’ici 2020, ce qui portera le nombre absolu à environ 6,3 millions, contre 4,7 millions en 2011. RISQUES ET DÉFIS La reprise économique du Tchad reste fragile et soumise à des risques importants. La volatilité des prix du pétrole fait peser des risques à la hausse et à la baisse sur l’économie, même si le mécanisme d’affectation des flux monétaires excédentaires avec Glencore atténue l’incidence budgétaire de cette volatilité. Les conflits régionaux peuvent étirer les finances publiques tout en perturbant les exportations non pétrolières. Une nouvelle baisse de la liquidité bancaire et la possibilité d’arriérés intérieurs supplémentaires accroissent la vulnérabilité du secteur financier et pourraient compromettre le refinancement de la dette publique intérieure. Enfin, une hausse potentielle de la masse salariale et de l’encours total de la dette pourrait réduire l’espace budgétaire et créer un déficit budgétaire à moyen terme. Pour atténuer ces risques, le Tchad doit investir ses recettes exceptionnelles dans des secteurs clés tels que les infrastructures, l’éducation et la santé. En outre, la diversification économique sera nécessaire pour favoriser la résilience et une croissance durable. TCHAD // 63 PRINCIPAUX INDICATEURS MACROÉCONOMIQUES ET FINANCIERS (2014-2020) 2014 2015 2016 2017 2018(e) 2019(p) 2020(p) Économie réelle (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) PIB réel 6,9 2,8 -6,3 -3,0 3,1 3,3 6,2 PIB pétrolier 5,7 32,1 -11,2 -16,2 15,7 4,4 22,6 PIB non pétrolier 7,1 -2,9 -6,7 -0,5 0,5 2,7 2,5 PIB par habitant (USD) 967,1 962,7 874,8 821,8 820,4 820,2 845,8 Déflateur du PIB 1,1 -8,0 -1,2 1,1 1,2 1,3 1,3 Inflation des prix à la consommation (moyenne) 1,7 3,7 -1,1 -0,7 2,1 2,6 3,1 Prix du pétrole Perspectives énergétiques mondiales 96,2 50,8 42,8 54,4 64,7 60,7 58,0 (WEO) (USD/baril) Prix tchadien (USD/baril) 94,0 39,9 36,2 49,4 60,7 56,7 54,0 Production pétrolière (millions de barils) 47,5 44,4 35,9 39,1 41,1 52,1 Comptes budgétaires (pourcentage du PIB non pétrolier, sauf indication contraire) Dépenses (total) 29,4 22,9 18,0 18,0 18,3 18,3 18,4 Recettes et dons (total) 23,2 17,1 14,9 17,1 19,4 18,5 20,0 Solde public général -6,2 -5,8 -3,0 -1,0 1,0 0,2 1,6 (avec dons, base engagements) Solde global -4,4 -4,5 -5,2 -2,5 -0,6 -0,4 0,9 (avec dons, base caisse) Solde primaire non pétrolier -16,2 -9,7 -4,4 -3,8 -4,4 -4,1 -3,7 (base engagements, hors dons) Comptes monétaires sélectionnés (variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) Base monétaire 26,5 -4,7 -7,7 5,8 — — — Crédit au secteur privé 17,8 1,1 -2,7 0,7 — — — Intérêt (taux directeur BEAC) 2,95 2,45 2,45 2,95 2,95 2,95 2,95 Secteur extérieur Exportations de biens et services 9,4 -33,3 -23,1 25,0 15,6 7,6 11,7 (GNFS, USD) Importations de biens et services (GNFS 16,8 -24,7 -12,0 4,1 2,9 5,0 5,7 (GNFS, USD) Termes de l’échange -4,8 -38,3 -19,3 17,0 8,2 0,1 0,1 percentage of GDP, unless otherwise specified) ( Solde du compte courant (avec transferts) -9,0 -11,3 -13,0 -5,1 -4,2 -5,5 -4,4 Réserves brutes (milliards USD, fin de période) 1,2 0,4 -0,3 0,0 0,1 0,3 0,5 Réserves brutes 2,1 1,0 -1,0 -0,1 0,4 0,8 1,3 (imputées, en mois des importations de l’année suivante) Dette extérieure 29,1 25,0 27,2 27,3 26,2 24,9 22,2 Taux de change (moyenne de la période) 493,6 591,2 592,7 592,7 — — — Postes pour mémoire PIB nominal non pétrolier (milliards FCFA) 5 184 4 838 4 829 5 005 5 264 5 604 5 996 PIB nominal (milliards FCFA) 6 912 6 474 5 984 5 747 6 077 6 403 7 041 Sources : MFMOD Banque mondiale, FMI et autorités tchadiennes. 1 Le prix du pétrole tchadien correspond au prix du Brent moins une remise au titre de la qualité. 64 \\ TCHAD  // 65 BILAN ÉCONOMIQUE AFCW3 RÉDUIRE les INÉGALITÉS DE GENRE au MALI, TCHAD, NIGER & GUINÉE