BILAN ÉCONOMIQUE AFCW3 PROMOUVOIR LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : quel rôle pour les réformes ? DOSSIER SPÉCIAL MALI PRINTEMPS 2017   REMERCIEMENTS........................................................................................................................................3 PRÉFACE........................................................................................................................................................4 ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS............................................................................................................6 THÈMES SPÉCIAUX.....................................................................................................................................8 Relever les défis du développement des TIC en Afrique subsaharienne................................................8 Mali : Comment réaliser le plein potentiel de l’agriculture dans la zone aride.................................... 32 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS.................................................................................................... 45 Aperçu des économies AFCW3................................................................................................................. 45 RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE............................................................................................................... 47 TCHAD.......................................................................................................................................................... 51 GUINÉE......................................................................................................................................................... 55 MALI.............................................................................................................................................................. 59 NIGER........................................................................................................................................................... 63 2   REMERCIEMENTS Ce rapport a été préparé par José López-Calix et Michel Rogy, avec les contributions d’une équipe interdisciplinaire de la Banque composée de Xavier Decoster, Arthur Foch, Boutheina Guermazi, Charles Hurpy, Marc Lixi, Joanne Gaskell, Mansur Ahmed, Madhur Gautam, Johannes Hoogeveen, Christopher L. Delgado, Krista Isaacs, Michael Morris, et Renganaden Soopramanien, Olivier Béguy, Arsène Kaho, Luc Razafimandimby, Ali Zafar, Markus Kitzmuller, Abdoul Ganou Mijiyawa, Irum Touqeer, Lars Christian Moller, Paola Ridolfi, Anne Laure Senges, Johannes Hoogeveeen, Vandana Chandra, Tim Kelly et Christophe Lemière. Paul Noumba, Jean Christophe Carret, Adama Coulibaly, Boubacar Sidiki Walbani, Siaka Bakayoko et Rachidi B. Radji ont également fourni des conseils, des informations et des suggestions utiles. La compilation du rapport n’aurait pas été possible sans l’aide de Silvia Gulino, Maude Jean-Baptiste, Fatimata K. Sy, Salimata Bessin Dera, Carine Belinda Bianda, Toubarot Mossane, Micheline Faucompre, Paulette Zoua, Teresa Bampoue et Béatrice Toubarot Mossane. La traduction a été revue dans son intégralité par Soule Sow. Un précieux travail d’édition et de composition a été réalisé en temps opportun par Valérie Bennett, Maria Deverna et leurs collègues traducteurs et éditeurs chez JPD Systems. REMERCIEMENTS 3   P R É FA C E J’ai le plaisir de présenter ici le troisième volet d’une série de rapports visant à analyser l’évolution macroéconomique de la République centrafricaine, du Tchad, de la Guinée, du Mali et du Niger. Cet ensemble de rapports a pour but de déclencher un débat public autour des options clés de politiques macroéconomiques et fiscales destinées à soutenir la réduction de la pauvreté. Il présente les conclusions de travaux en cours pour encourager l’échange d’idées sur des questions de développement. Ces rapports ont notamment pour objectif d’évaluer rapidement les analyses et les tendances régionales, bien que les présentations soient loin d’être abouties. En bref, cette nouvelle série de rapports est un moyen novateur pour la Banque mondiale d’aborder des réformes prioritaires qui ne sont pas encore engagées ni même débattues dans ces pays. Les constatations, interprétations et conclusions exprimées ici émanent dans leur totalité de l’équipe de la Banque mondiale, et ne représentent pas nécessairement les opinions du Groupe de la Banque mondiale ou de ses organisations affiliées, de ses administrateurs ou des gouvernements qu’ils représentent. Les cinq pays analysés dans ce rapport partagent un certain nombre de caractéristiques et sont confrontés à des défis similaires qui justifient un suivi commun. Tout d’abord, ils se heurtent à des problèmes démographiques importants. Ces problèmes nécessitent des actions immédiates pour réaliser des « dividendes démographiques » et ne pas subir un « fardeau démographique » susceptible de provoquer des conflits politiques et sociaux interminables dans le futur. Deuxièmement, à l’exception de la Guinée, ce sont des économies sahéliennes enclavées à faible revenu, fortement tributaires du secteur agricole — leur principale source de revenu et de moyens de subsistance —, qui possèdent un important sous-secteur de l’élevage, fondé en partie sur le pastoralisme nomade traditionnel. Troisièmement, ces pays ne sont pas économiquement diversifiés. Ils dépendent d’industries d’exploitation des ressources naturelles — l’or pour le Mali, l’uranium et le pétrole pour le Niger, la bauxite pour la Guinée, les diamants pour la République 4 PRÉFACE centrafricaine et le pétrole pour le Tchad —, qui représentent une partie essentielle de leur production, de leurs recettes d’exportation et de leurs recettes publiques. Cette dépendance vis-à-vis du secteur primaire rend ces économies fortement vulnérables aux chocs climatiques et à la volatilité des prix des matières premières. Quatrièmement, chacun de ces pays lutte pour surmonter un legs de violence et d’instabilité politique, exacerbé par des conditions sociopolitiques fragiles et de graves enjeux sécuritaires régionaux. Enfin, quatre pays sur cinq sont membres d’une union monétaire qui utilise une monnaie régionale rattachée à l’euro et exerce une influence notable sur les politiques macroéconomiques de ses États membres. Pour ce qui concerne la conjoncture économique, mon plaisir est cette fois-ci d’autant plus grand que les nouvelles sont prometteuses. Tous les pays, à l’exception du Tchad, envisagent des taux de croissance positifs autour de 4-6 % en 2017, et à l’exception de la République centrafricaine et de la Guinée, des taux d’inflation à la baisse proches de la cible de 3 % retenue par les institutions régionales. Cette performance mérite d’être soulignée, car malgré leurs caractéristiques communes, tous ces pays subissent toujours des contraintes structurelles uniques en termes de développement et d’opportunités d’accélération de la croissance économique, de réduction de la pauvreté et de prospérité partagée. Parce que la diversification économique est lente et les processus électoraux actuels complexes, des efforts conjoints sont en cours en vue de bâtir de nouvelles stratégies de développement. À cet égard, ce rapport analyse l’état de la « révolution numérique », c’est-à-dire la pénétration rapide des services liés aux technologies de l’information et de la communication (TIC) dans ces pays. Ces services pèsent lourdement sur les perspectives de croissance et de réduction de la pauvreté. Cependant, la réglementation complexe et la lourde fiscalité des normes internationales dressent des obstacles majeurs au développement des TIC et à la compétitivité de l’industrie dans ces pays. Ces obstacles doivent être levés. Enfin, dans notre « Dossier spécial » consacré au Mali, nous abordons un problème régional commun à ces économies fondées sur l’agriculture : la faible productivité agricole. De nombreux enseignements sont tirés des déterminants majeurs de cette problématique, et plusieurs politiques sont proposées pour l’améliorer. En conclusion, je souhaite ici exprimer ma gratitude envers nos partenaires gouvernementaux, techniques et financiers pour leur coopération et leurs multiples contributions conjointes au cours de ces derniers mois. Leurs encouragements, apports et conseils techniques ont permis de créer un environnement particulièrement propice à un échange riche et régulier de points de vue sur les politiques de développement. J’espère que cette série pourra permettre d’approfondir plus encore ces échanges et de les faire circuler dans l’espace public pour informer les citoyens et recueillir leurs opinions. Paola Ridolfi Directrice des opérations par intérim République centrafricaine, Tchad, Guinée, Mali, et Niger 5 A C R O N Y M E S E T A B R É V I AT I O N S ACFPE Agence centrafricaine pour la formation professionnelle et l’emploi AFCW Afrique centrale et occidentale AFI Alliance pour l’inclusion financière (Alliance for Financial Inclusion) ANR Agence nationale de radioprotection ARPT Autorité de régulation des postes et télécommunications ART Autorité de régulation des télécommunications ASS Afrique subsaharienne BCEAO Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest BM Banque mondiale CEDEAO Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest CEMAC Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale CFU Contribution foncière unique CNSS Caisse nationale de sécurité sociale CS Cotisations sociales DPO Opération de politique de développement (Development Policy Operation) EME Établissement de monnaie électronique FNE Fonds national de l’environnement FSU Fonds de service universel Gbit/s Gigabit par seconde GICA Groupement interprofessionnel de Centrafrique GNF Franc guinéen GSM Réseau mondial de téléphonie mobile (Global System for Mobiles) GSMA Groupe spécial mobile (Global System for Mobile Communication) IHH Indice de Herfindahl-Hirschman IP Protocole Internet Kbit/s Kilobit par seconde LAAICO Libyan Arab African Investment Company (société arabe libyenne des investissements africains) M2M Machine-to-Machine (communication machine à machine) MAG Midway Alfa Group Mbit/s Mégabit par seconde MEDD Ministère de l’Environnement et du Développement durable MPTNT Ministère des Postes, des Télécommunications et des Nouvelles Technologies MTN Mobile Telephone Network NPF Nation la plus favorisée 6 ACRONYMES ET ABRÉVIATIONS ODD Objectif de développement durable OGP Office guinéen de la publicité OMC Organisation mondiale du commerce OTT Service par contournement (Over-the-Top) PIB Produit intérieur brut PNB Produit national brut PPA Parité des pouvoirs d’achat R&D Recherche et développement RCA République centrafricaine RDM Rapport sur le développement dans le monde RFS Retenue fiscale à la source RNB Revenu national brut SH Système harmonisé SIM Module d’identité d’abonné (Subscriber Identity Module) SMS Service de messages courts (Short Message Service) SOGEM Société de gestion de l’énergie de Manantali TARTEL Taxe sur l’accès au réseau des télécommunications TATTIE Taxe sur la terminaison du trafic international entrant TCT Impôt sur les télécommunications (Telecommunication Tax) TdR Termes de référence TIC Technologies de l’information et de la communication TTPO Terminal à très petite ouverture d’antenne TURTEL Taxe d’utilisation des réseaux de télécommunication TVA Taxe sur la valeur ajoutée UEMOA Union économique et monétaire ouest-africaine UIT Union internationale des télécommunications USD Dollar des États-Unis VoIP Voix sur IP XAF Franc CFA d’Afrique centrale XOF Franc CFA ZTE Zhongxing Telecommunication 7 THÈMES SPÉCIAUX Relever les défis du développement des TIC en Afrique subsaharienne Retards dans le programme de réformes pour un accès universel abordable Xavier Decoster, Arthur Foch, Boutheina Guermazi, Charles Hurpy, Marc Lixi et Michel Rogy1 POURQUOI LES TIC COMPTENT POUR LE DÉVELOPPEMENT Les évolutions numériques dans les technologies de l’information et de la communication (TIC) nécessitent un accès universel abordable, qui va au-delà des messages vocaux ou SMS (service de messages courts) transmis via des téléphones mobiles, comme le paiement mobile et l’Internet haut débit. Selon le Rapport 2016 sur le développement dans le monde consacré aux dividendes du numérique,2 les politiques de l’offre de première génération dans le secteur des TIC ont été très efficaces pour les services vocaux et les services de paiement mobile utilisant la même plateforme 2G que les services vocaux.3 Avec la croissance du secteur des TIC et le développement d’applications nécessitant le haut débit, les politiques se détournent progressivement de l’offre (comme les mesures permettant d’assurer un accès 1 Cet article fait suite à une note technique intitulée « Les défis du développement des TIC en Afrique subsaharienne », rédigée par les mêmes auteurs. Ces derniers remercient Tim Kelly et Vanadra Chandra pour leurs précieux commentaires. 2 Banque mondiale. 2016. Rapport sur le développement dans le monde de 2016 : Les dividendes du numérique. Washington, DC : Banque mondiale. doi:10.1596/978-1-4648-0671-1. Licence : Creative Commons Attribution CC BY 3.0 IGO. Disponible à l’adresse : http://www.world- bank.org/en/publication/wdr2016 3 WDR 2016, p. 200. 8 THÈMES SPÉCIAUX universel abordable aux réseaux) pour tenter de résoudre les problèmes liés à la demande (comme les moyens à mettre en œuvre pour des réseaux ouverts et sûrs). Cela doit permettre aux populations, aux gouvernements et aux entreprises de tirer le meilleur profit de la révolution numérique et d’en récolter les dividendes. L’accès amélioré aux services de téléphonie mobile (vocaux, SMS, services bancaires et de paiement mobiles, Internet) procure de multiples avantages aux ménages, et notamment aux pauvres. Les TIC peuvent faciliter l’accès à l’information et son utilisation, réduisant ainsi les coûts de la recherche en améliorant la coordination entre les acteurs et en renforçant l’efficacité du marché. C’est le premier avantage de la téléphonie mobile. En réduisant les coûts de communication, les entreprises de téléphonie mobile permettent aux individus et aux entreprises d’envoyer des informations rapidement et à moindre coût. De nombreux travaux de recherche démontrent que la baisse du prix des communications sur téléphone mobile a des retombées économiques tangibles, en améliorant notamment l’efficacité de l’agriculture et du marché de l’emploi, ainsi que le bien-être du producteur et du consommateur.4;5 La téléphonie mobile contribue aussi à renforcer la productivité en permettant aux entreprises et aux prestataires de services de mieux gérer leurs chaînes d’approvisionnement et leurs prestations de services. Par exemple, en se renseignant au préalable sur les prix pratiqués sur les différents marchés, les pêcheurs peuvent choisir de vendre leurs poissons au plus offrant. La téléphonie mobile favorise directement ou indirectement les services, notamment ceux de motos-taxis, auxquels les habitants des zones les plus reculées peuvent accéder en envoyant un simple signal aux chauffeurs. Ces services peuvent sauver des vies en facilitant le transport urgent de malades dans des établissements de soins. Les TIC facilitent également les communications sur les réseaux sociaux et entre zones géographiques lorsque des chocs se produisent. Par exemple, en améliorant le flux d’informations et les paiements électroniques à destination des équipes d’intervention d’urgence et au public, des plateformes de TIC ont permis de renforcer l’efficacité des établissements de soins et des centres de coordination des secours dans les pays contaminés par le virus Ebola. Au Sierra Leone, l’équipe de protection sociale de la Banque mondiale a utilisé le paiement mobile pour verser 450 000 USD de salaires à 6 000 travailleurs communautaires. Toutefois, les pays AFCW36 ne bénéficient toujours pas d’un accès universel abordable aux réseaux alors que près de 69 millions de personnes y sont toujours confrontés aux défis de la fragilité, du conflit et de la violence (RCA, Tchad, Guinée, Mali, Niger) ou ne se sont toujours pas remis de l’épidémie d’Ebola (Guinée, Mali)7. Le taux de pénétration des réseaux mobiles s’y élève à 38  % seulement, contre 43  % en Afrique subsaharienne. La couverture de la population dans ces mêmes pays est de 84  %, contre 90 % en Afrique subsaharienne. Enfin, les pays AFCW3 comptent seulement 5 % d’utilisateurs Internet, contre 22 % en Afrique subsaharienne (Figure 1). La promotion de l’accès aux réseaux et aux services des TIC est par conséquent indispensable pour stimuler une croissance inclusive et soutenir des transferts décentralisés et une protection sociale favorables aux pauvres. 4 Robert T. Jensen. (2007). The Digital Provide: Information (Technology), Market Performance, and Welfare in the South Indian Fisheries Sector. Quarterly Journal of Economics, 122(3): 879-924. 5 Jenny C. Aker. (2010). Information from Markets Near and Far : Mobile Phones and Agricultural Markets in Niger. American Economic Journal: Applied Economics, 2(3): 46-59. 6 Les pays AFCW3 sont la RCA, le Tchad, la Guinée, le Mali et le Niger. 7 L’épidémie d’Ebola a officiellement pris fin le 18 janvier 2015 au Mali et le 29 décembre 2015 en Guinée. 9 Cet article examine la performance du secteur dans les pays AFCW3. Il souligne les retards qui ont entravé la mise en œuvre du programme de réforme, et les risques d’émergence d’une structure de marché oligopolistique. Il aborde également les problèmes des opérateurs publics en difficulté, la mise en œuvre inefficace de programmes et de politiques d’accès universel, et enfin la surimposition du secteur. Il recommande que les gouvernements s’attaquent aux programmes de réforme inachevés afin que le secteur produise de meilleurs résultats de développement en termes de croissance, de création d’emplois et D’amélioration des services. Figure 1 : Accès aux TIC dans le monde, en Afrique subsaharienne et dans les pays AFCW3 (données datant de 2016 ou plus récentes) Monde Afrique subsaharienne Pays AFCW3 Pop. ~7,4 milliards Pop. ~1 milliard Pop. ~69 millions Couverture de téléphonie 95% (7,0 Mia) mobile 90% (0,9Mia) 66% (4,8 Mia) 84% (58m) Abonnés uniques 43% (434m) Utilisateurs Internet 44% (3,2 Mia) 38% (26m) 22% (224m) 45% (911m) 5% (3,5m) Haut débit fixe (% HH) 3% (6m) 1% (~100,000) Source : Pratiques de la Banque mondiale pour les TIC en tenant compte des indicateurs de développement dans le monde, de l’Union internationale des télécommunications, GSMA Intelligence, Telegeography et des autorités de régulation nationales. Remarque : (i) Par « couverture de téléphonie mobile », on entend la population couverte par un signal mobile ; (ii) Les « abonnés uniques » représentent le nombre total d’utilisateurs ayant souscrit à des services mobiles, à l’exclusion des options « machine à machine » (M2M). Le nombre d’abonnés ne correspond pas automatiquement au nombre de connexions, car un utilisateur unique peut avoir plusieurs connexions ; (iii) Par haut débit fixe (broadband), on entend le nombre total de lignes fixes à haut débit ainsi que la pénétration en tant que pourcentage de ménages connectés. LES PAYS AFCW3 ACCUSENT UN RETARD EN MATIÈRE D’ACCÈS UNIVERSEL ABORDABLE AUX RÉSEAUX MOBILES La révolution des TIC connaît déjà sa troisième vague dans le monde8. Toutefois, elle n’a pas encore atteint la plupart des habitants des pays AFCW3, où seulement 64  % de la population possèdent une connexion mobile active, contre 71 % en Afrique subsaharienne et 95 % dans le monde (Tableau 1). Dans de nombreux pays à faible revenu, la trajectoire de croissance globale est en partie imputable à l’expansion rapide des services de téléphonie mobile. Cependant, le succès ne se mesure pas à la seule utilisation des téléphones mobiles. Il faut aussi que les utilisateurs puissent bénéficier d’opportunités productives grâce à leur accès aux télécommunications. C’est la première vague de l’expansion des TIC. La deuxième vague se caractérise par l’accès à des services financiers à travers l’argent mobile. Ce qui est en jeu, ce ne sont pas seulement les services de communications traditionnels, mais d’autres services à valeur ajoutée. Aujourd’hui, nous sommes au milieu de la troisième vague d’expansion des TIC, l’Internet à haut débit constituant une véritable révolution numérique. Malheureusement, cette révolution n’a pas encore atteint 56  % de la population mondiale, 78 % de la population d’Afrique subsaharienne et 95 % de la population des pays AFCW3, qui sont toujours déconnectés par manque de connexions haut débit, et sont exclus de l’économie numérique. 8 Groupe de la Banque mondiale, magazine Handshake, numéro sur la connectivité d’octobre 2014. 10 THÈMES SPÉCIAUX Tableau 1 : Accès aux TIC dans les pays AFCW3 (données datant de 2016 ou plus récentes) Données Unité Monde ASS AFCW3 CAR Tchad Guinée Mali Niger Population m 7,346.6 1,001.0 69.0 4.9 14.0 12.6 17.6 19.9 PIB/Hab. $/Hab. 10,058 1,587 566 323 776 531 724 359 Couverture de téléphonie mobile 2G % pop. 95% 90% 82% 59% 86% 85% 85% 80% Population non couverte 2G m ICT Table 1: 367 in AFCW3 access 100 countries 12.5 (2016 or most recent 2.0 2.0 data) 1.9 2.6 4.0 Connexions actives (totalité) % pop. 95% 71% 64% 36% 51% 85% 100% 36% Connexions actives (totalité) m 6,953 707 44.5 1.8 7.1 10.7 17.6 7.2 % pop. Abonnés uniques aux services mobiles (totalité) 66% 43% 38% 22% 28% 46% 60% 25% m Abonnés uniques aux services mobiles (totalité) 4,832 434 26.4 1.1 4.0 5.8 10.6 4.9 Comptes d'argent mobile % pop. 15+ 2% 12% 6% 0% 6% 1% 12% 4% Comptes d'argent mobile m 109 66 2.0 - 0.4 0.1 1.1 0.4 Utilisateurs Internet % pop. 44% 22% 5% 5% 3% 5% 10% 2% Utilisateurs Internet m 3,232 224 3.5 0.2 0.4 0.6 1.8 0.4 Couverture de téléphonie mobile 3G % pop. 83% 57% 28% 40% 22% 36% 36% 18% Population non couverte 3G m 1,285 432 49.4 3.0 10.9 8.0 11.2 16.2 Cx haut débit mobile (3G) % pop. 31% 11% 7% 1% 3% 10% 17% 1% Cx haut débit mobile (3G) m 2,305 111 4.9 0.1 0.5 1.2 2.9 0.2 Haut débit fixe %MM 45% 3% 1% 0.1% 0.1% 0.3% 2.7% 0.5% Haut débit fixe m 911 6 0.10 0.00 0.00 0.01 0.08 0.01 Source : Pratiques de la Banque mondiale pour les TIC en tenant compte des indicateurs de développement dans le monde de la Banque mondiale, de l’indice d’inclusion financière de la Banque mondiale (2014), l’Union internationale des télécommunications, GSMA Intelligence, Telegeography, Enquête sur les infrastructures d’Afrobarometer et l’autorité de régulation nationale. Remarque : La couverture de téléphonie mobile 2G des pays ASS est déduite des données de l’UIT. Moyenne pondérée par population pour le groupe AFCW3. Comptes d’argent mobile = répondants âgés de 15 ans+ utilisant personnellement un téléphone mobile pour payer des factures ou recevoir des fonds au cours des 12 derniers mois ; Haut débit fixe = pénétration du haut débit fixe, mesuré par le taux de pénétration dans les ménages (%). Services vocaux et SMS Si les services vocaux et les SMS sont des services standard, seuls 38 % de la population des pays AFCW3 y ont accès, contre 43 % en ASS et 66 % dans le monde. Contrairement au Mali (60 %) et en Guinée (46 %), les taux de pénétration du marché (exprimés en termes d’abonnés uniques avec une connexion permettant de profiter des avantages de plusieurs cartes SIM9) sont bien inférieurs aux moyennes sous-régionales en République centrafricaine (22 %), au Tchad (28 %) et au Niger (25 %) (Tableau 1). Selon leur PIB par habitant, ces trois pays devraient atteindre un taux de pénétration de 45 % au minimum (Figure 3). Pour le Niger, un taux de pénétration de 25 % signifie qu’en pratique, un seul Nigérien sur 4  âgé de 15 ans+ accède à un réseau mobile. Les dernières recherches effectuées dans le cadre du programme Women Connected de GSMA suggèrent que les femmes au Niger sont 45  % moins susceptibles de posséder un téléphone mobile que les hommes. Cette faiblesse du taux d’accès universel ne s’explique pas par le manque de couverture géographique des réseaux mobiles, qui est plutôt bonne au Tchad (86  %) et en Guinée (85 %),10 au Mali (85 %) et au Niger (80 %) (Tableau 1). Parallèlement, la couverture est la plus faible en République centrafricaine, où elle est estimée à 59 %.11 Cependant, la couverture totale de la population reste un objectif politique essentiel afin que le manque de services de télécommunications n’affecte pas les ménages les plus vulnérables, les plus pauvres et les plus isolés. 9 Une carte SIM est une carte intelligente qui affecte au téléphone mobile un numéro de téléphone unique et permet d’identifier le client. Dans la plupart des pays africains, les abonnées ont tendance à posséder plusieurs cartes SIM, car les appels intra-réseaux (« on-net ») sont moins chers que les appels entre réseaux (« off-net »). 10 Figure tirée de l’enquête sur les infrastructures d’Afrobarometer (2016). Selon l’UIT, la couverture de la population atteint 99 %. L’autorité de régulation nationale ne fournit pas d’informations sur la couverture de la population. Toutefois, dans son rapport annuel 2015, cette autorité indique que les préfectures et les sous-préfectures de Guinée sont couvertes par au moins un opérateur de téléphonie mobile. 11 2015. Source : Régulateur du secteur 11 Figure 3 : Taux de pénétration du marché par rapport au Figure 2 : Taux de pénétration des connexions mobiles PIB/habitant dans les pays de la CEDEAO et de la CEMAC dans les pays AFCW3 (abonnés uniques, fin 2016) en 2015 (abonnés uniques, fin 2015) Pénétration du marché 2015, abonnés uniques MOYENNE CEDEAO Guinée MOYENNE CEMAC TCHAD CAR Tchad RCA PIB par habitant 2015 (milliers USD) Source des données : GSMA Intelligence Source des données : GSMA Intelligence et Telegeography Le manque d’accès universel s’explique principalement par les prix inabordables de la téléphonie mobile. La part moyenne des coûts des services mobiles dans le revenu national brut (RNB) mensuel varie de 50 % dans les pays de la CEMAC à 30 % dans les pays de la CEDEAO (Figure 3). Toutefois, si les tarifs de téléphonie mobile semblent raisonnables dans l’absolu par rapport aux autres pays de la sous-région (Figure 4), ils restent relativement élevés par rapport au pouvoir d’achat des ménages les plus pauvres, notamment en République centrafricaine et au Niger. Pour un consommateur centrafricain moyen, un panier de services mobiles standard représente plus de 90 % du RNB par habitant, et près de 50 % au Niger (Figure 5). Vu le faible pouvoir d’achat des clients, les prix n’ont pas suffisamment diminué pour permettre une expansion à grande échelle des services vocaux et SMS, limitant encore davantage la création d’opportunités productives liées à l’utilisation des paiements mobiles. Ce problème est plus évident encore lorsque l’on compare le revenu moyen par utilisateur, estimé à 24 898 GNF (TVA incluse ; 3,30 USD/mois) en 201512 pour une pénétration du marché de 45 % en Guinée, et à seulement 1 200 FCFA (TVA comprise ; 2,30 USD/mois) en 201513 pour une pénétration du marché de 22 % en République centrafricaine. Figure 4 : Coût d’un appel mobile dans les pays ACFW3 Figure 5 : Coût mensuel d’un service de téléphonie mobile (prix d’une minute « off-net », heure de pointe, USD et PPA) par rapport au RNB mensuel par habitant (2014) $0,70 RCA $0,60 $0,50 $0,40 Niger $0,30 $0,20 Moyenne CEMAC $0,10 $0,00 Moyenne CEDEAO Tchad Mali USD USD PPA (parité des pouvoirs d’achat) Guinée Remarque : (*) Les données USD PPA ne sont pas disponibles Remarque : Simples moyennes pour les pays de la CEDEAO et de la pour la RCA CEMAC limitées aux pays disposant des données. Source des données : UIT, Mesure de la société de l’information, 2016. Source des données : GSMA, Deloitte, Inclusion numérique et fiscalité dans le secteur de la téléphonie mobile au Niger, janvier 2017. 12 2015. Source : Régulateur du secteur 13 2015. Source : Régulateur du secteur 12 THÈMES SPÉCIAUX Argent mobile Les services d’argent mobile servant à transférer des fonds et à effectuer des paiements à des individus qui ne possèdent pas de compte bancaire ont été intégrés par tous les groupes panafricains14. Ils sont par conséquent disponibles dans tous les pays AFCW3 (1 service en RCA ;15 2 en Guinée, au Mali et au Tchad ; 3 au Niger). Pour le Mali et le Niger, deux modèles ont été mis en place16 conformément aux instructions 201517 de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA)18  : (i) le modèle bancaire, où l’émission de monnaie électronique relève de la responsabilité d’un établissement de crédit ou d’une institution de microfinance, en partenariat ou non avec un opérateur technique  ; et (ii) le modèle non bancaire, mis en œuvre dans le cadre d’une institution non bancaire appelée établissement de monnaie électronique (EME), qui a reçu l’autorisation d’émettre de la monnaie électronique. Pour la RCA et le Tchad, la réglementation de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC)19 stipule qu’un opérateur de téléphonie mobile peut offrir un service d’argent mobile uniquement en partenariat avec une banque, laquelle ne peut avoir plus d’un partenariat avec un opérateur mobile. En Guinée, les opérateurs mobiles offrent des services bancaires en partenariat avec une ou plusieurs banques locales ou internationales installées dans le pays. Les services d’argent mobile sont loin de progresser uniformément dans les pays AFCW3, en particulier dans les zones rurales. Ces services sont en plein essor au Tchad et au Mali, mais encore rares au Niger et en Guinée (Figures 6 et 7). Au Mali, Orange Mali et Malitel, les deux opérateurs actifs, offrent un éventail de services, dont des virements nationaux, des virements sous-régionaux et internationaux, des paiements de factures et des commerçants, des recharges de temps d’antenne, etc. L’adoption particulièrement rapide des paiements mobiles au Mali (avec 2,7 millions d’utilisateurs fin 2015) suggère un fort potentiel de croissance, similaire à celui des pays plus avancés d’Afrique de l’Est, dont le Kenya ou la Tanzanie, à condition toutefois que le potentiel des services d’argent mobile dans les services publics puisse être exploité. Selon le rapport GSMA 2015 sur l’argent mobile20, le Mali et le Niger sont des pays où l’argent mobile a réussi à pénétrer les zones rurales, grâce notamment aux profils particuliers des agents exploitant les points de dépôt et retrait d’argent mobile (les agents ruraux ont tendance à être plus âgés, avec des entreprises mieux établies et un portefeuille de produits plus large), et grâce à la présence d’agents offrant des services de paiement mobiles pour tous les opérateurs mobiles. 14 Groupe Orange, Groupe Maroc Télécom, Groupe Airtel, Groupe MTN. 15 En République centrafricaine, Orange a lancé son service d’argent mobile au premier semestre 2016, en commençant par la région de Bangui, qui abrite 16 % de la population. La Banque centrale a refusé d’entériner le partenariat de Telecel avec une autre banque commerciale active en République centrafricaine, forçant Telecel à trouver une autre banque commerciale acceptable pour la Banque centrale. 16 Alliance pour l’inclusion financière (AFI), Overview of Digital Financial Services in the West African Economic and Monetary Union, 2016. 17 BCEAO, Instruction No. 008-05-2015 régissant les conditions et modalités d’exercice des activités des émetteurs de monnaie électronique dans les États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). 18 Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo. 19 Gabon, Cameroun, République centrafricaine, Tchad, République du Congo et Guinée équatoriale. 20 GSMA, State of the Industry Report – Mobile Money, février 2016. 13 Figure 6 : Accès à l’argent mobile Figure 7 : Comptes d’argent mobile actifs exprimés et transactions (2014)21 en pourcentage d’abonnés uniques (2014) Virements nationaux envoyés via un téléphone Tchad mobile (% d’expéditeurs âgés de 15 ans +) TCHAD Mali Niger Moyenne pays CEDEAO MOYENNE Moyenne pays CEMAC MOYENNE PAYS CEMAC Sénégal Guinée GUINÉE RCA Rép. du Congo Source : Calcul basé sur GSMA Intelligence, l’indice d’in- clusion financière et les indicateurs de développement dans Compte mobile 2014 (% de personnes âgées de 15 ans +) le monde de la Banque mondiale. Source : Banque mondiale, Indice d’inclusion financière, 2015. Remarque : moyenne pondérée par population pour les pays de la CEDEAO et de la CEMAC. Internet haut débit mobile L’Internet à haut débit mobile n’en est qu’à ses débuts dans les pays AFCW3, avec un taux de pénétration pour les cartes SIM22 3G largement en dessous de la moyenne régionale, en dépit de l’essor de la 3G en Guinée côtière, et dans les pays enclavés du Mali et du Tchad (Figure 8). Étant donné que les réseaux 3G n’assurent qu’une couverture réduite de la population (18 % au Niger, 22 % en RCA, 36 % en Guinée et au Mali, 40 % au Tchad) (Tableau 1), l’accès aux services haut débit est limité aux zones urbaines. Le haut débit international moyen par utilisateur est très faible (moins de 1 kbit/s au Tchad et en RCA et inférieur à 5 Kbit/s en Guinée, au Mali et au Niger), reflétant des goulets d’étranglement dans l’accès à une connexion internationale haut débit bon marché, une composante clé des tarifs au détail de l’Internet haut débit mobile. Le développement rapide de l’Internet haut débit mobile en Guinée a été possible grâce à un projet financé par une banque permettant un accès direct à la capacité internationale du câble sous-marin reliant la côte africaine à l’Europe. Il en a résulté une augmentation considérable de la capacité internationale jusqu’à 9,5 Mbit/s. De ce fait, la capacité Internet par utilisateur est passée de 5 Kbit/s en 2010 à une moyenne de 86 Kbit/s en 2016, malgré une hausse significative du nombre d’utilisateurs. La République centrafricaine ne dispose pas de la fibre optique (les opérateurs ont recours aux liaisons satellites et hyperfréquences pour accéder au réseau Internet international). Entre-temps, la capacité internationale est sévèrement contrôlée dans les autres pays AFCW3 en raison du duopole des opérateurs mobiles du Mali et du monopole créé de facto par les opérateurs publics du Niger et du Tchad. Sans des réductions supplémentaires importantes des tarifs au détail, l’Internet haut débit connaîtra très probablement une expansion réduite dans les pays AFCW3, qui limitera encore davantage les opportunités productives liées à l’utilisation des TIC. 21 Virement nationaux envoyés via un téléphone mobile : indique, parmi les répondants ayant signalé avoir reçu ou envoyé personnellement de l’argent pendant les 12 derniers mois à un parent ou un ami habitant une autre région du pays, le pourcentage de personnes l’ayant envoyé via un téléphone mobile en se servant de leur propre compte ou de celui d’une autre personne. Comptes mobiles : répondants ayant utilisé personnellement un téléphone mobile pour payer des factures, envoyer ou recevoir de l’argent au cours des 12 derniers mois. 22 À l’heure actuelle, seul le Tchad bénéficie de la 4G. Le lancement a eu lieu fin 2014. 14 THÈMES SPÉCIAUX Figure 8 : Cartes SIM 3G par habitant (actives Figure 9 : Pénétration d’Internet (2007-2016 et inactives, hormis M2M, 2011-2016) Région Afrique Afrique de l’Ouest subsaharienne Mali Mali Guinée Guinée Région Afrique République centrale centrafricaine Tchad Tchad République centrafricaine Niger Niger Source : GSMA Intelligence ; indicateurs de développement Source : GSMA Intelligence ; indicateurs de développement dans le monde de la Banque mondiale dans le monde de la Banque mondiale Figure 10 : Moyenne haut débit Internet Figure 11 : Prix par Mbit/s en USD PPA / international par utilisateur, Afrique (2015) mois pour un service haut débit fixe (2014) <2 Kbit/s/utilisateur 2-6 Kbit/s/utilisateur 6-10 Kbit/s/utilisateur >10 Kbit/s/utilisateur Remarque : Kbit/s/utilisateur = kilobits par seconde par util- Remarque : Mbit/s = mégabits par seconde ; PPA = parité des isateur Internet pouvoirs d’achat ; (a) = indique un pays en-clavé ; le gradient indique un coût plus élevé. Source : UIT, Mesurer la société de l’information, 2016 ; carte basée sur une visualisation par tableur Google Source : Banque mondiale, Rapport sur le développe-ment dans le monde 2016. 15 L E S PAY S A F C W 3 D O I V E N T S ’ AT TA Q U E R D ’ U R G E N C E AU PROGRAMME DE RÉFORME DES TIC Tous les pays AFCW3 ont lancé une première vague de réformes des politiques de l’offre très attendues dans le secteur des TIC. Au cours de la première phase de réforme, des régulateurs indépendants ont été mis en place afin de séparer la fonction politique (toujours entre les mains du ministre chargé des TIC) de la fonction d’exploitation (transférée au secteur privé, l’État demeurant un investisseur stratégique pour les opérateurs en place après la privatisation), et la fonction réglementaire (transférée à l’autorité de régulation du secteur). Les autorités de régulation du secteur doivent principalement défendre le consommateur en apportant des solutions aux défaillances du marché, en favorisant une concurrence efficace, en protégeant les intérêts des consommateurs et en améliorant l’accès aux technologies et aux services.23 Tous les pays AFCW3 ont entrepris une refonte de leurs systèmes juridiques et réglementaires en matière de télécommunications entre 2011 et 2015 afin de les actualiser et les aligner sur les développements technologiques, notamment l’Internet haut débit, sur les opérateurs mobiles virtuels, sur les prestataires d’OTT (services par contournement ou « over-the-top »),24 et sur les meilleures pratiques réglementaires (neutralité technologique). Des lois sur les TIC 2G couvrant la protection des données, le commerce électronique et la cybersécurité ont également été introduites (Tableau 2). Tableau 2 : État des premières réformes des TIC dans les pays AFCW3 - cadre juridique et réglementaire GUINÉE MALI NIGER TCHAD RCA Régulateur 2005 2000 1999 1998 1996 indépendant établi (en vigueur fin 2008) (date) Dernière modification 2015 2011 (Décrets de 2015 2014 2016 (en cours des lois sur les modernisation de discussion télécommunications du cadre à l’Assemblée réglementaire) nationale) Existence de lois sur OUI OUI OUI OUI OUI les TIC 2G Source : Pratiques de la Banque mondiale pour les TIC Cependant, la faible performance du secteur sur l’accès universel abordable aux réseaux mobiles s’explique largement par un retard important dans les réformes (et les priorités des réformes restantes) en matière de concurrence du marché, de participation privée, de mise en œuvre effective de l’accès universel et des politiques et programmes relatifs aux services, et d’imposition adéquate du secteur des TIC. 23 Blackman, Colin et Lara Srivastava. 2011. Manuel sur la réglementation des télécommunications : Édition du Xe anniversaire. Washington, DC : Banque mondiale. 24 L’OTT se définit par la distribution de documents audio, vidéos et autres sur Internet sans intervention d’un opérateur multi-système pour contrôler et diffuser le contenu. En ce qui concerne la téléphonie, les services VoIP (Voix sur IP) tels que Skype ou Viber remplacent les appels vocaux payés par des appels gratuits effectués sur Internet. En ce qui concerne les messageries texte, très rentables pour les opérateurs mobiles, les services de messagerie instantanée comme WhatsApp ou WeChat les remplacent avantageusement et pour un prix dérisoire. 16 THÈMES SPÉCIAUX Inversion de la baisse de la concurrence du marché Les réseaux mobiles ont besoin d’un spectre pour transmettre la voix, le texte et les paiements mobiles à l’utilisateur final. La fibre optique semble être la meilleure réponse à la hausse du trafic résultant du développement des services à haut débit et elle s’affirme comme une technologie de choix sur plusieurs points de la chaîne de valeur de la connectivité Internet. Ce constat s’applique à la connectivité internationale, c’est-à-dire le point d’entrée ou de sortie du trafic d’un pays (le premier « mille ») et la connectivité nationale, c’est-à-dire le passage du trafic à travers le pays (le « mille intermédiaire »). Toutefois, la communication mobile sans fil demeure la technologie dominante, sans oublier les nouvelles technologies 3G et 4G permettant d’atteindre l’utilisateur final (le « dernier mille »). Les fréquences étant une ressource rare, la concurrence se pratique sur un autre terrain. Depuis plus de dix ans, elle se fait par l’intermédiaire d’appel d’offres pour l’obtention de licences mobiles à l’échelle du pays. La limite des fréquences s’applique également au nombre d’opérateurs mobiles actifs, allant de 2 au Mali à 4 en RCA (Tableau 3). En outre, si l’on tient compte de l’indice de Herfindahl-Hirschman (IHH), les opérateurs mobiles de RCA, de Guinée et du Niger sont relativement plus concurrentiels qu’au Tchad et au Mali (Figures 12 à 16). Toutefois, les structures de marché dans tous les pays AFCW3 deviennent plus oligopolistiques de fait, avec un duopole privé au Mali et au Tchad, un opérateur privé dominant avec une concurrence limitée25 en Guinée et au Niger, et un duopole privé avec une concurrence limitée en République centrafricaine. Tableau 3 : État des réformes TIC de première génération dans les pays AFCW3 - concurrence du marché (2016) GUINÉE MALI NIGER TCHAD RCA Nombre d’opérateurs 4 226 4 3 4 mobiles actifs (dont les filiales de grands groupes (2) (2) (3) (2) (2) panafricains)* Indice de Herfind- 3,890 5,450 3,927 4,964 3,332 ahl-Hirschman (IHH) applicable au marché du mobile Source : Telegeography, rapports pays, 2017. Remarque : L’IHH est la somme des carrés des parts de marché de toutes les entreprises dans un marché donné. Une note de 0 indique une concurrence parfaite, tandis qu’une note de 10 000 indique l’existence d’un monopole total. Pour obtenir des renseignements supplémentaires sur l’IHH, consultez le rapport de la Commission européenne, 200427. * = Groupe Orange, Groupe Maroc Télécom, Groupe Airtel, Groupe MTN. 25 La concurrence limitée se rapporte à un groupe de petits concurrents rivalisant avec l’entreprise dominante sur un marché donné. 26 Un détenteur de licence ou autorisation de télécommunications ne possède pas encore de réseau opérationnel, abandonnant de fait le terrain à un duopole entre Sotelma/Malitel et Orange Mali. 27 Commission européenne, Lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, 2004/C 31/03 17 Figure 12 : Guinée - parts du marché des services Figure 13 : Mali - parts du marché des services sans fil en volume (2011-2016) sans fil en volume (2011-2016) Source des données : Telegeography, 2016 Source des données : Telegeography, 2016 Figure 14 : Niger - parts du marché des services Figure 15 : Tchad - parts du marché des services sans fil en volume (2011-2016) sans fil en volume (2011-2016) F F Source des données : Telegeography, 2016 Source des données : Telegeography, 2016 18 THÈMES SPÉCIAUX Figure 16 : RCA - parts du marché des services sans fil en volume (2011-2016) Data Source : Telegeography, 2016 Encourager la participation du secteur privé L’accès aux TIC à travers le monde nous enseigne que la gestion et la concurrence avec de gros opérateurs internationaux très compétitifs sans épuiser le trésor public restent difficiles, raison pour laquelle il vaut mieux laisser le secteur privé s’en occuper. Parmi les pays AFCW3, le Mali est le seul pays à avoir privatisé avec succès l’opérateur historique Sotelma en 2009, en vendant 51 % des actions de la société à Maroc Télécom pour un montant de 185 milliards francs CFA. Cette mesure a fourni à Sotelma des ressources techniques et financières supplémentaires pour concurrencer Orange Mali, qui s’est implanté sur le marché en 2003 avec des plans agressifs et performants de marketing et d’expansion. À la suite de la privatisation, Malitel a intensifié considérablement ses investissements dans la couverture et les services pour finir par combler l’écart avec Orange, bien que son avantage compétitif se soit détérioré depuis 2015. Comme la plupart des opérateurs historiques publics en Afrique, ceux des pays AFCW3 n’ont pas réussi à pénétrer le marché du mobile et à soutenir le degré de concurrence imposé par les opérateurs mobiles privés. Ils sont en grave difficulté et freinent donc le développement du secteur des TIC. • Guinée. En octobre 2014, le gouvernement a annoncé son intention de relancer Sotelgui. Toutefois, rien n’a été fait à ce jour. En janvier 2017, le ministre guinéen des Télécommunications a annoncé de nouvelles mesures de relance de l’opérateur historique, ce qui posera de nombreux problèmes en raison de la compétitivité élevée du marché mobile, qui comprend déjà 4 opérateurs privés et une entité publique (SOGEB) détenant un monopole sur le segment du marché de gros et la gestion de l’infrastructure nationale toujours en cours de construction. La capacité internationale est gérée par un partenariat public-privé sous forme d’une entité (GUILAB). 19 • Niger. En décembre 2011, la Libyan Arab African Investment Company (LAAICO) et ZTE, un fournisseur d’équipement chinois, ont créé un joint venture (Dataport) pour acquérir une participation de 51 % dans Sonitel et SahelCom, sa filiale spécialisée dans les services sans fil. Cependant, en 2009, le gouvernement a renationalisé Sonitel en raison de la mauvaise gestion présumée de Dataport et de son incapacité à respecter les conditions de l’accord de privatisation. En 2012, l’Assemblée nationale a décidé que Sonitel resterait pleinement sous contrôle public. Pour le moment, SahelCom est incapable de faire face à la concurrence internationale. Dans son rapport annuel de 2014, l’Autorité de régulation des postes et télécommunications (ARPT) indiquait que SahelCom était au bord de la faillite et n’avait pas réussi à régler ses dettes et autres obligations. À la fin de 2016, le gouvernement a finalisé la fusion de Sonitel et SahelCom dans une démarche visant à homogénéiser les ressources techniques et financières des deux entreprises afin de rendre l’entité plus attrayante pour les investisseurs potentiels.28 • Tchad. Depuis sept ans, l’accès universel abordable aux services mobiles et à Internet en est au point mort en l’absence de vision claire et d’engagement politique du gouvernement. La privatisation de Sotel Tchad a entraîné le lancement de son service mobile Salam en 2009 et de son service haut débit fixe TawaLi en 2010, mais sans beaucoup de succès. En 2014, Sotel a rebaptisé ces services et les a regroupés au sein du Groupe Sotel Tchad parallèlement à son activité de téléphonie fixe traditionnelle. En 2010, le gouvernement a vendu une participation de 60 % dans Sotel à une société de portefeuille libyenne (GreenN) pour 90 millions USD. Toutefois, en raison de complications liées à la guerre civile, le gouvernement a renationalisé Sotel. En 2014, le gouvernement a de nouveau annoncé son intention de reprivatiser Sotel, mais le plan a échoué en raison d’une résistance politique et sociale liée à la gestion du personnel et d’une profonde méfiance à l’égard des intentions du gouvernement. En juin 2014, un accord a été finalement conclu entre Sotel, le ministère des Télécommunications et Midway Alfa Group (MAG), une entreprise roumaine, pour céder le contrôle de la gestion administrative, technique et financière de Sotel et l’octroi d’une quote-part des bénéfices nets de l’entreprise pendant cinq ans en échange d’un investissement de 50 millions USD dans l’entreprise. Toutefois, les protestations des employés depuis la fin de 2015 ont entravé les progrès. • République centrafricaine. Socatel a lancé en 1995 Centrafrique Télécom Plus, une filiale de services mobiles qui a fermé ses portes en 2005, en raison du faible nombre d’abonnés et de son incapacité à renouveler sa licence d’opérateur mobile. Le pays ne compte que 1 000 abonnés à la téléphonie fixe, pour la plupart des entreprises, et environ le même nombre d’abonnés à des services haut débit. Les services de téléphonie et de haut débit atteignaient environ 0,1 % des ménages centrafricains en 2015, un chiffre nettement inférieur à la moyenne de 2,2 % pour l’ensemble de l’Afrique subsaharienne.29 Socatel est dans un délabrement total, et la société enregistre un énorme déficit financier. De plus, l’insuffisance grave de son infrastructure ne lui permet pas d’exploiter les éléments restants de son réseau fixe. La restructuration de l’entreprise, qui comprend plus de 190 employés et détient une dette sociale nette de 5,3 milliards de francs CFA environ, constituera un défi. Le plan social proposé coûterait 2 milliards USD environ. 28 Telegeography, Niger, 2017. 29 Telegeography, 2016. 20 THÈMES SPÉCIAUX Les pressions politiques et les intérêts personnels des employés syndiqués ont amené les opérateurs publics à freiner les réformes et deviennent des obstacles majeurs à la croissance du secteur des TIC. L’impact global négatif de ces décisions sur l’ensemble du secteur est significatif (Tableau 4). Selon certains gouvernements, la première mission des opérateurs historiques ayant été de fournir une infrastructure de téléphonie fixe, ils sont autorisés à fournir l’infrastructure à fibre optique requise pour développer l’Internet mobile haut débit. Au Tchad et en RCA, les opérateurs historiques possèdent des droits exclusifs sur la téléphonie fixe. Au Niger, un monopole de fait exploite l’infrastructure à fibre optique des dorsales internationale et nationale financées par le gouvernement. En Guinée, une entreprise publique (SOGEM) a été créée pour bâtir et exploiter la dorsale à fibre optique financée par le gouvernement. Toutefois, on ignore si et comment une participation privée pourrait être envisagée et. Au Tchad, Sotel exploite la liaison à fibre optique N’Djamena-Moundou qui connecte le pays au Cameroun. Une nouvelle liaison de 1 500 km entre N’Djamena et Abré a été financée par le gouvernement et son exploitation devrait être confiée à un partenariat public-privé. Les gouvernements se sont également lancés dans des revirements politiques pour alléger la charge financière des opérateurs historiques. Au Niger, l’opérateur historique s’est vu attribuer les droits exclusifs d’exploitation de la passerelle internationale. Tableau 4 : État des premières réformes des TIC dans les pays AFCW3 - participation privée GUINÉE MALI NIGER TCHAD RCA Privatisation de NO YES NON NON NON l’opérateur historique Y a-t-il eu une tentative OUI NON OUI OUI NON infructueuse de privatisation ? Opérateur de NON OUI OUI OUI NON téléphonie fixe aussi actif sur le marché de la téléphonie mobile Opérateur historique NON NON Passerelles Téléphonie fixe Téléphonie possédant des droits internationales fixe exclusifs (dorsales à fibre optique de facto) État actuel En faillite Relativement Non compétitif : Dysfunctional État de de l’opérateur compétitif : part de marché de délabrement historique part de marché 6 % en téléphonie avancé de 35 % en mobile, moins de téléphonie 13 000 abonnés au mobile haut débit fixe (décembre (septembre 2016)31 201630 Nombre d’employés 0 (plan social n/d 1 200 environ32 450 environ 190 environ pleinement appliqué) Source : Pratiques de la Banque mondiale pour les TIC 30 TeleGeography 31 TeleGeography 32 Discussions avec les autorités nigérianes tenues en septembre 2016. 21 Mise en œuvre effective des politiques et des programmes d’accès universel Dans les pays AFCW3, près de 12,5 millions de personnes, c’est-à-dire 18 % de la population totale,33 n’ont pas accès aux réseaux de téléphonie mobile. La situation est encore plus préoccupante pour le haut débit mobile, le signal 3G étant hors de portée pour 72 % de la population (49,4 millions de personnes).34 Bien que les services destinés à ces populations soient techniquement viables, les entreprises peuvent manquer d’incitation commerciale, vu les coûts d’accès élevés pour ces populations vivant essentiellement dans des zones rurales à faible densité de population ou dans des régions isolées. Cependant, les coûts sociaux sont aussi élevés et croissants pour les personnes non desservies. Il est donc nécessaire de mettre en place des politiques et des programmes d’accès universel visant à étendre la couverture et à renforcer la pénétration des réseaux mobiles. Grâce aux économies d’échelle dans les réseaux et les services mobiles, les coûts marginaux dans les centres urbains densément peuplés sont nettement inférieurs à ceux des zones rurales isolées. De plus, les zones rurales isolées manquent souvent d’infrastructures complémentaires essentielles, notamment une alimentation électrique fiable, ce qui augmente encore le coût d’approvisionnement. Du côté de la demande, les ménages urbains, généralement plus riches que leurs homologues ruraux, sont souvent plus attractifs. Par exemple, 16 % de la population de RCA occupent seulement 0,1 % du territoire (la capitale, Bangui) et près de 60 % résident sur moins de 20 % du territoire. Les services mobiles se concentrent donc à Bangui et dans quelques villes du centre et de l’ouest du pays. En fin 2014, le nombre de sites de chaque opérateur mobile variait de 44 (Azur) à 105 (Telecel), un nombre très faible au regard des normes internationales pour l’étendue du territoire. De plus, des sites mobiles ont été désactivés dans quatre régions en 2014 à cause de problèmes techniques et sécuritaires. En République centrafricaine, 100 sites environ couvrent à peu près 59 % de la population, alors que les normes internationales fixent un objectif de 400 sites au moins pour 60 % de la population, avec une qualité de service acceptable. Au moins 1 500 sites seraient nécessaires pour couvrir plus de 90 % de la population. Pour étendre l’accès universel, plus de 70 pays ont créé des Fonds de service universel (FSU) afin de canaliser les paiements des opérateurs et de financer des infrastructures dans les zones rurales ou faciliter l’accès à des bibliothèques, des écoles et des hôpitaux. Certains FSU ont obtenu des résultats satisfaisants, notamment ceux basés sur des mécanismes concurrentiels (subventions à moindre coût au Pakistan ou enchères inversées dans les zones rurales du Chili). Bien gérés et transparents, les FSU peuvent être des outils efficaces pour fournir des TIC aux communautés mal desservies.35 Cependant, ces fonds ne sont opérationnels dans aucun pays AFCW3. Même si des frais ont été perçus auprès des opérateurs, les FSU non dépensés dans les pays AFCW3 s’élèvent à plus de 100 millions USD (Tableau 5). 33 1,9 m en Guinée, 2,6 m au Mali, 4,0 m au Niger, 2,0 m au Tchad et 2,0 m en République centrafricaine. 34 8,0 m en Guinée, 11,2 m au Mali, 16,2 m au Niger, 10,9 m au Tchad et 3,0 m en République centrafricaine 35 A4AI, Rapport 2017 sur l’accessibilité, 2017. 22 THÈMES SPÉCIAUX Tableau 5 : État d’avancement des réformes TIC de première génération dans les pays AFCW3 – réglementation indépendante : mise en place de fonds de service universel GUINÉE MALI NIGER TCHAD RCA Mise en œuvre effective NON NON NON NON NON de politiques de service universel Montants non décaissés 30 millions USD 36,9 millions USD 35 millions USD Inconnu37 Aucun frais des fonds de service universel (décembre (décembre 2014) (septembre perçu38 2016) 201636 Source : Pratiques de la Banque mondiale pour les TIC Fiscalité appropriée du secteur des TIC Le Rapport sur le développement dans le monde 2016 (RDM) sur les dividendes du numérique39 recommande de considérer l’économie numérique comme une source de croissance et d’emplois et non comme une simple source de revenus. Cependant, les revenus provenant des télécoms – droits de douane sur le matériel informatique, mise aux enchères et gestion du spectre et taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou taxes de vente sur les services – ont connu une croissance très rapide dans les pays en développement. Si les redevances couvrent généralement la valeur des fréquences rares (un bien public) et sont versées au Trésor public, les taxes et redevances sectorielles sont incluses dans la licence pour : (i) couvrir les coûts de la fonction réglementaire, tels que les frais administratifs liés à la numérotation ; et (ii) contribuer au FSU (voir ci-dessus). Tous les pays AFCW3 tiennent compte de ces taxes et redevances sectorielles standard dans leurs cadres juridiques et réglementaires et dans les obligations afférentes à la licence des opérateurs mobiles. De plus, les taxes et redevances sectorielles ont proliféré ces dernières années dans les pays AFCW3, particulièrement sous forme d’accises et de taxes de vente (Tableau 5). Il est donc urgent d’adopter une approche cohérente et raisonnée pour les taxes et redevances supplémentaires applicables au secteur des TIC. Les taxes d’accise sont des taxes unitaires qui ont un coût précis pour une unité de service TIC spécifique achetée40. Les pays AFCW3 ont introduit un grand nombre de taxes d’accise : sur les services vocaux et de messagerie nationaux (Guinée), sur les marchés de détail de l’Internet (Guinée) ou les recettes nationales (Niger), le marché de gros des appels vocaux entrants internationaux (Guinée, Niger, République centrafricaine) et des cartes SIM (Niger). En 2015, la Guinée a également introduit TARTEL, un ensemble de taxes de vente s’élevant à 3 % des recettes des opérateurs mobiles. De plus, tous les pays AFCW3 perçoivent une taxe d’importation de 10 % sur les ordinateurs et les téléphones portables. Dans les pays à faible taux de pénétration, des droits de douane élevés sur des téléphones d’entrée de gamme peuvent limiter la capacité des plus pauvres à accéder à des réseaux mobiles. En République centrafricaine, les téléphones portables d’entrée de gamme coûtent environ 36 Une discussion a eu lieu avec les autorités nigérianes en février 2017. Ce montant est actuellement disponible. Ce fonds dispose d’un montant supplémentaires de 52 millions USD sur des comptes clients. 37 Une redevance introduite en 2014 représente 2,5 % du total des ventes des opérateurs de téléphonie mobile. Cependant, aucune information n’est disponible sur les montants réels perçus ou disponibles. 38 Le FSU est mentionné dans la Loi sur les télécommunications de la République centrafricaine, mais son décret d’application n’a toujours pas été publié. 39 Rapport sur le développement dans le monde 2016, p. 255. 40 Les taxes sur l’essence, l’alcool ou le tabac sont des exemples types de taxes d’accise qui contribuent à la protection de la sécurité et de la santé publiques, ou à la protection de l’environnement (par conséquent, les fonds collectés sont souvent affectés aux campagnes anti-tabac du gouvernement). 23 6 900 XAF (près de 10 USD), ce qui représente 3,7 % du PIB par habitant. Au Niger, ils coûtent environ 7 000 XOF (près de 10 USD), soit plus de 20 jours de salaire pour la tranche inférieure de 20 % de la population41. Le seuil d’accessibilité financière pour un téléphone portable d’entrée de gamme dans des pays tels que la République centrafricaine et le Niger ne dépasse pas 5 000 XOF-XAF (près de 8 USD). Tableau 6 : État d’avancement des réformes TIC de première génération dans les pays AFCW3 – réglementation indépendante : taxation des TIC GUINÉE MALI NIGER TCHAD RCA Recettes des 397 millions 720 millions 348 millions USD 297 millions USD 46,9 millions USD opérateurs mobiles USD en 2016 USD en en 2015 en 2015 en 2014 (pourcentage du PIB) (5,9 %) 2014 (5 %) (2,8 %) (11 %) Taxation pour 62%42 Pas 40% 48% (2,7 %) l’ensemble du secteur disponible en % des recettes des opérateurs mobiles Taxes d’accise OUI OUI OUI NON Depuis 2011, la sectorielles sur surtaxe totale l’accès aux services Cartes SIM sur les services de détail nationaux de téléphonie mobile Taxes d’accise OUI OUI OUI NON plafonne à 3,5 % sectorielles sur pour une période l’utilisation de Services Recettes nationales de 5 ans43 services de détail vocaux et de (accès et utilisation) messagerie nationaux Réseau Inter- net national Taxes d’accise OUI NO OUI OUI OUI sectorielles sur les services Appels Appels Appels Appels de gros internation- internationaux internationaux internationaux aux entrants entrants entrants entrants 0,12 USD/ 0,11 USD/min. 0,08 USD/min. 0,06 USD/min. min (67,5 XOF/min (50 XAF/min) (40 XAF/min.) Taxes de vente OUI NON OUI OUI OUI sectorielles sur les services TIC (3% of 7 % des recettes (2 % des recettes) revenues) (3,5 % pour les frais administratifs et réglementaires, 2,5 % pour les services universels, 1 % pour la R&D publique Pourcentage de 10% 10% 10% 10% 10% droits de douane sur les téléphones portables d’entrée de gamme44 Source : Pratiques de la Banque mondiale pour les TIC basé sur un audit commandé par le gouvernement (Guinée), informations fournies par les intervenants locaux (République centrafricaine) et étude de Deloitte pour la GSMA (Niger) 41 GSMA, Inclusion numérique et fiscalité dans le secteur de la téléphonie mobile au Niger, janvier 2017. 42 Ideaconsult, octobre 2016. 43 Il existe une incertitude juridique concernant les évènements de 2017. 44 Les données les plus récentes de la Fonction de téléchargement des données tarifaires de l’OMC concernant les tarifs de la nation la plus favorisée (NPF) pour les téléphones portables (Système Harmonisé SH, code à six chiffres : 851712). THÈMES SPÉCIAUX 24 • Guinée. Le taux global d’imposition des TIC est passé de 21 % en 2014 à 70 % des recettes brutes déclarées en 2016.45 Une taxe d’accise sur le trafic international entrant a été mise en place en septembre 2009. De nouvelles taxes sectorielles sur les TIC ont été introduites en 2015 : la taxe TARTEL de 3 % sur les recettes de l’opérateur mobile ; et une taxe sur les services de détail de téléphonie mobile (Tableau 7).46 En 2016, une nouvelle taxe sectorielle de 5 % de la valeur des forfaits Internet a été introduite. En 2005, l’ARPT a collecté environ 3,95 % des recettes des opérateurs mobiles pour couvrir ses frais en tant que régulateur sectoriel, et ce chiffre devait passer à 7,72 % en 2016.47 De plus, des taxes sont perçues aussi par d’autres acteurs tels que le ministère de l’Économie et des Finances, le régulateur sectoriel et les autorités locales (« droits de passage »). L’Office guinéen de publicité (OGP) créé en 2015 a introduit des frais de commercialisation qui s’appliquent aux SMS groupés envoyés par les opérateurs mobiles à leur clientèle. Tableau 7 : Présentation de la taxation des TIC en Guinée (2016) Nom de la taxe Taux Base imposable Valeur % recettes d’imposition ou valeur fiscale Total des ventes 3410 100% TVA 18% / 20% Ventes brutes 664 19,47% TCT GNF 1/s. Trafic 642 15,40% TCT SMS GNF 10/SMS Trafic 30,85 0,90% TARTEL 3% Ventes 107,4 3,17% Recherche 1,5% Ventes nettes 25,7 0,75% et formation Contribution 3% Ventes nettes 38,5 1,13% foncière unique (CFU) Faisceaux hertziens Échelle Réseau 115,52 3,39% USF 2,5% Réseau 63,68 1,87% GSM VSAT Échelle Réseau 20,85 0,61% OGP - - 8 0,23% Total des - - 1716,54 46,69% principales taxes Impôt sur 35% BÉNÉFICE NET 491,8 14,42% les bénéfices Total des droits - - 2143,15 62,85% et taxes Redevance - - 255,07 7,48% au régulateur Source : Ideaconsult, octobre 2016 45 Une taxe d’accise sur le trafic international entrant a été introduite en septembre 2009, dans un premier temps pour 0,28 USD/ min, dont 0,035 USD était récolté par l’ARPT, 0,07 USD/min pour payer le fournisseur privé du système de surveillance du trafic et 0,015 USD/min pour contribuer au financement des futures infrastructures haut débit (câble sous-marin, dorsale à fibre optique). 46 TCT : 1 GNF par seconde d’appel et 10 GNF par SMS. 47 Ideaconsult, octobre 2016. 25 • Niger. Les services mobiles ont rapporté 348 millions USD de recettes en 2015, soit 5 % du PIB du Niger. Une consolidation préalable de la taxation du secteur réalisée par Deloitte48, qui doit être confirmée par une étude commandée par le gouvernement, indique qu’en 2015 le taux global d’imposition était estimé à 42 % des recettes des opérateurs mobiles. L’ARPT a perçu environ 6,5 % des recettes pour couvrir ses droits en tant que régulateur sectoriel (droits de licence, FSU, fonds R&D, numérotation). Une taxe spécifique (part fixe de TURTEL) a été perçue sur les cartes SIM. Parmi les pays AFCW3, seul le Niger perçoit une taxe de 250 XOF (0,40 USD) pour chaque nouvelle carte SIM valant 1 000 XOF, ce qui augmente le coût d’accès aux réseaux mobiles pour les nouveaux clients. Dans la mesure où la majeure partie de la population accédant aux TIC est plus fortunée et habite dans les zones urbaines, la part fixe de la taxe TURTEL est une barrière supplémentaire pour les pauvres. En réalité, 0,40 USD est une somme légèrement inférieure au revenu quotidien de la tranche inférieure de 20 % de la population (ou 0,50 USD). La part variable de TURTEL s’élève à 3 % des recettes nationales des opérateurs mobiles. La taxe de 20 % (TATTIE) sur les recettes des opérateurs mobiles a entraîné une chute de 37 % du trafic vocal international entrant (Tableau 8). Si cette taxe d’accise n’avait pas été introduite, la stabilité du volume du trafic et la hausse des prix du trafic entrant dans la sous-région (en raison de la hausse de la part des opérateurs africains des recettes du trafic international entrant) auraient permis au gouvernement d’obtenir les mêmes recettes. Tableau 8 : Impact de la taxe d’accise sur le trafic international entrant au Niger (2013–2015) Source : Pratiques de la Banque mondiale pour les TIC 48 GSMA, Deloitte, inclusion numérique et taxation du secteur de la téléphonie mobile au Niger, janvier 2017. 26 THÈMES SPÉCIAUX • République centrafricaine. Les services mobiles ont rapporté 46,9 millions USD de recettes en 2014 tandis que le haut débit fixe a généré seulement 3 millions USD49, ce qui représente 2,7 % du PIB de la République centrafricaine. Une consolidation préalable de la taxation du secteur réalisée par le Groupement interprofessionnel de Centrafrique (GICA), qui doit être confirmée par l’étude en cours commandée par le gouvernement, indique que le taux global d’imposition est estimé à 37,41 % des recettes des opérateurs mobiles en 2016 (Tableau 9). Les montants très élevés des recettes perçus par l’Autorité de régulation des télécommunications (ART), dus à l’introduction d’une taxe d’accise sur le trafic vocal entrant et au grand nombre d’intervenants qui augmente les taxes pour les opérateurs mobiles, sont particulièrement préoccupants. L’ART perçoit actuellement des taxes très élevées dans l’exercice de ses fonctions (17,64 % de recettes)50. Selon un décret ministériel de décembre 2016, cette taxe est passée à 260 XAF/min (0,43 USD), ce qui ne manquera pas d’impacter le niveau de taxation en 2017. L’ART a annulé son contrat avec le fournisseur privé du système de surveillance du trafic et recherche actuellement un nouveau fournisseur privé. Les taxes de la République centrafricaine sont également perçues par des agences autres que les intervenants traditionnels (le ministère de l’Économie et des Finances, le régulateur sectoriel et les autorités locales) afin de surveiller les supposées émissions radioactives des réseaux mobiles ou l’impact environnemental des ondes électromagnétiques utilisées par les opérateurs mobiles pour transmettre les communications. Enfin, la loi de finances 2017 a introduit une nouvelle taxe de vente qui s’élève à 2 % des recettes des opérateurs mobiles. Tableau 9 : Présentation du prélèvement fiscal et parafiscal des TIC en République centrafricaine (2015) Nature du prélèvement % recettes Destinataire Parafiscalité 22,12 Utilisation du domaine public Redevance ART 3,5 ART Attribution utilisation 3G 3,06 ART (50%) / MPTNT (50%) Licence (amortissement) 1,94 Trésor public Trafic international 12,64 ART Autres Taxes environnementales 0,07 FNE (60%)/MEDD (40%) Taxes de radioactivité 0,55 ANR Taxes municipales 0,36 Municipalité Fiscalité 14,52 Impôts directs 4,24 Trésor public Taxes indirectes 10,28 Trésor public Cotisations sociales 0.77 ACFPE/CNSS Total 37.41 Source : Groupement Interprofessionnel de Centrafrique (GICA), 2017 49 ART, 2014. 50 Selon une convention signée en 2007, un plafond de 3,5 % des recettes a été fixé pour la perception de ces droits de douane, y compris la numérotation et les adresses IP (art. 43, loi 07.020), la contribution au fonds de service universel (art. 47, loi 07.020) et les fréquences (art. 45, décret ministériel 488/MPTNT). 27 S ’ AT TA Q U E R A U X R É F O R M E S P R I O R I TA I R E S : T R O I S A X E S P O U R U N E A C T I O N I M M É D I AT E L’offre de services mobiles est conditionnée par des règles concurrentielles en fonction des rôles respectifs des secteurs public et privé, et elle dépend de la mesure dans laquelle la réglementation du secteur est indépendante du gouvernement et des opérateurs. Les pays AFCW3 doivent s’attaquer en urgence aux premières réformes inachevées du secteur des TIC destinées à favoriser un accès abordable et universel aux services vocaux et de messagerie, car c’est un élément clé du développement efficace des services bancaires par téléphonie mobile et des services Internet haut débit. La priorité doit porter sur : (i) l’amélioration de la concurrence face à l’essor des marchés Internet haut débit ; (ii) l’utilisation des ressources du FSU pour fournir des services aux personnes non couvertes ; et (iii) la mise en œuvre d’un régime fiscal transparent et efficace visant à générer une part équitable de recettes pour les autorités publiques dans le cadre d’un programme de promotion de la croissance. Ces réformes seront plus efficaces avec les instruments de l’Opération de politique de développement et les activités d’assistance technique associées pour accompagner les gouvernements dans leurs réformes. Améliorer la concurrence face à l’essor des marchés du haut débit L’expérience de cette dernière décennie a démontré que la concurrence joue un rôle moteur dans le développement accéléré et durable du marché des télécommunications. Malgré les politiques mises en œuvre pour favoriser la concurrence entre infrastructures et éviter les monopoles des opérateurs historiques de téléphonie fixe, les marchés des services mobiles dans les pays AFCW3 deviennent de plus en plus oligopolistiques par nature, avec un duopole privé au Mali et au Tchad, un opérateur privé dominant en Guinée et au Niger et un duopole privé en République centrafricaine. De plus, dans tous les pays AFCW3 hormis le Mali, l’opérateur historique de téléphonie fixe est confronté à des difficultés. Pour remédier à la pénétration limitée des services Internet haut débit, les gouvernements devraient redynamiser la concurrence face à l’essor de la troisième vague d’expansion des TIC en prenant les mesures clés suivantes : • Promouvoir l’entrée sur le marché lorsque l’indice de Herfindahl-Hirschman (IHH) est élevé en octroyant des licences 4G aux nouveaux arrivants ; • Maintenir ou créer une concurrence équitable en : (i) imposant des obligations proportionnées aux opérateurs historiques pour les offres de services haut débit de gros et le partage des équipements par le biais de réglementations ou de dispositions dans leurs termes de référence 4G ; et (ii) une surveillance réglementaire efficace de ces obligations ; • Accroître la capacité excédentaire de la fibre optique en utilisant les réseaux électriques, oléoducs/ gazoducs et routes afin de fournir des concurrents aux opérateurs historiques de téléphonie mobile ayant un accès alternatif à l’Internet mondial ; 28 THÈMES SPÉCIAUX • Encourager les partenariats public-privé dans le haut débit afin de déployer des infrastructures que le secteur privé ne peut mettre en place tout seul dans un futur proche, soit de façon autonome, soit en s’engageant volontairement à partager des infrastructures pour réduire les coûts d’investissement (par ex. par le biais de partenariats public-privé pour une connexion internationale à la fibre optique sous forme d’une station d’atterrissage des câbles sous-marins). En Guinée, un partenariat public-privé pour la connectivité nationale par fibre optique dans toutes les capitales et frontières provinciales aide à créer une dorsale nationale destinée à soutenir le trafic haut débit dans l’ensemble du territoire ; et • Traiter avec des opérateurs historiques de téléphonie fixe en difficulté et gérer attentivement la dimension sociale du processus en transférant l’infrastructure publique aux partenariats public- privé pour le haut débit (capacité internationale de la fibre optique, capacité nationale haut débit de la fibre optique, boucle locale optique, conduits et sites techniques) et en vendant la clientèle à d’autres opérateurs actifs sur le marché de détail. Utiliser des ressources du FSU pour les personnes non couvertes Quand le secteur privé n’investit pas assez, les marchés échouent car le rendement privé est inférieur au rendement social. Dans les pays AFCW3, le marché ne fournit pas un accès abordable aux pauvres résidant dans des régions éloignées ou rurales ou qui ont un pouvoir d’achat très faible. Comme les coûts sociaux pour les personnes non connectées sont élevés et croissants, le gouvernement doit prendre des mesures correctives afin de compenser ces déficiences du marché. Les FSU constitués dans les pays AFCW3 sont sous-utilisés, non dépensés ou utilisés à d’autres fins. La réforme des fonds de service universel existants pour les réseaux et les services mobiles doit se concentrer sur les mesures clés suivantes : • Créer et mettre en œuvre une structure de gouvernance transparente et responsable pour les FSU ; • Garantir des décaissements rapides des FSU afin d’étendre la couverture des réseaux mobiles dans les régions éloignées ou rurales, à l’aide de mécanismes concurrentiels pour distribuer des fonds ; et • Redéfinir les FSU afin de se concentrer sur l’accélération du taux de pénétration des services haut débit. Mettre en œuvre un régime fiscal transparent et efficace pour générer une part équitable de recettes pour les autorités publiques dans le cadre d’un programme de promotion de la croissance Face à la prolifération des taxes, l’estimation des prélèvements fiscaux et parafiscaux des opérateurs mobiles devient de plus en plus ardue pour les gouvernements. Des pays AFCW3 tels que la Guinée, le Niger et la République centrafricaine ont donc commissionné des audits fiscaux indépendants et des études en vue de générer des recettes budgétaires plus équitables pour favoriser la croissance des TIC. Comme la plupart des opérateurs mobiles locaux sont des filiales de grands groupes panafricains avec 51 Entre 2011 et 2016, un certain nombre d’études effectuées par Deloitte/GSMA ont analysé en profondeur la taxation de la téléphonie mobile ainsi que les impacts des réformes potentielles sur des variables macroéconomiques et sectorielles. 29 une capitalisation restreinte, les prix de transfert peuvent réduire les profits locaux ainsi que l’assiette de l’impôt sur le revenu. Des études récentes menées par la GSMA, le groupe de pression du secteur de la téléphonie mobile51, indiquent que : (a) sur les marchés émergents, les opérateurs mobiles sont souvent les plus grands pourvoyeurs de recettes fiscales ; (b) les opérateurs mobiles et les consommateurs sont souvent assujettis à des taxes et des redevances sectorielles supérieures aux impôts généraux ; (c) les taxes et les redevances sur les services de téléphonie mobile ne sont pas conformes aux bonnes pratiques fiscales ; et (d) la modélisation économique suggère que les réductions d’impôts sur les téléphones mobiles peuvent favoriser la connectivité et la viabilité budgétaire à moyen terme. Le RDM 201652 recommande d’éviter les taxes d’importation et les taxes d’accise excessives dans des économies numériques émergentes comme les pays AFCW3. Les réformes des régimes parafiscaux et fiscaux existants pour les réseaux et services mobiles doivent porter sur les points suivants : • Veiller à ce que la réglementation sectorielle indépendante permette un recouvrement des coûts en fonction des tâches à accomplir par le régulateur sectoriel et sur la base d’un audit et d’une analyse comparative des coûts sous-jacents, et qu’elle soit incorporée dans un instrument législatif. Les tâches à accomplir comprennent la vérification des données du trafic, et donc des recettes générées par les opérateurs mobiles. Un système de surveillance du trafic solide et hautement nécessaire doit être acquis selon des processus d’appels d’offres internationaux transparents, et son financement ne doit pas être entravé par un prélèvement continu sur le trafic international entrant ; • Réduire la prolifération des prélèvements fiscaux et parafiscaux par de nombreux intervenants, et garantir la transparence sur le montant total en consolidant toutes les taxes dans un seul instrument législatif ; • Remplacer toutes les taxes d’accise prélevées sur l’accès individuel et l’utilisation de services mobiles (vocal, messagerie, argent mobile, Internet haut débit) par des taxes de vente spécifiques non liées au service, collectées par le Trésor afin d’éviter les distorsions des prix du marché et l’impact sur les préférences des clients ; et • Diminuer les droits d’importation sur les téléphones mobiles dans les pays à faible pénétration mobile afin de favoriser l’accès aux plus pauvres. Pour la région, les résultats indiquant que la téléphonie mobile favorise le développement inclusif démontrent que les gouvernements d’Afrique subsaharienne doivent placer la téléphonie mobile au cœur de leurs politiques en matière de réduction de la pauvreté, d’autonomisation des femmes et de réduction de l’écart entre les pauvres ruraux et les riches urbains.53 Cependant, les réformes dans un secteur des TIC qui est en pleine expansion et transformation ne sont pas toujours faciles, et une analyse approfondie des questions politiques et économiques est nécessaire pour concevoir des réformes capables d’engendrer des résultats tangibles, significatifs et durables en matière d’accès abordable et universel aux services de voix, de messagerie et de paiement mobiles. 52 RDM 2016, p. 210. 53 Asongu et coll., Mobile Phone Innovation and Inclusive Human Development: Evidence from Sub-Saharan Africa, MPRA Paper No. 75046, mars 2016. 30 THÈMES SPÉCIAUX Si les pays AFCW3 doivent rester concentrés sur l’achèvement des réformes de première génération, ils doivent aussi commencer à envisager d’autres réformes nécessaires pour poursuivre le développement numérique tout en visant un accès abordable et universel à une connexion haut débit fiable. Les derniers objectifs de développement durable (ODD) soulignent la nécessité d’assurer un accès abordable et universel à l’Internet dans les pays à faibles revenus d’ici 2020. Par conséquent, les pays AFCW3 devront se lancer dans un long parcours d’apprentissage et d’évolution pour instaurer des technologies numériques, dont l’identité numérique et les services bancaires par téléphonie mobile, et des synergies intersectorielles avec les TIC, y compris l’e-agriculture, l’e-éducation, l’e-santé et l’e-gouvernement. 31 Mali : Comment réaliser le plein potentiel de l’agriculture dans la zone aride Par Joanne Gaskell, Mansur Ahmed et Madhur Gautam54 CONTEXTE La stratégie de développement du Mali axée sur l’agriculture offre des enseignements précieux pour des pays africains cherchant à diversifier leurs économies face à la chute des cours des matières premières. Au Mali, la stratégie de croissance basée sur l’agriculture semble avoir porté ses fruits. Entre 1994 et 2009, la croissance du PIB agricole aurait dépassé 10 % par an. L’accélération de la croissance de la productivité agricole reste cruciale pour stimuler la demande rurale, la création d’emplois, l’adaptation au changement climatique et l’élimination de la pauvreté au Mali. 54 Cet article découle du Rapport N° P156684 de la Banque mondiale. Les auteurs remercient pour leurs précieux commentaires l’équipe d’évaluation par les pairs composée de Vandana Chandra, Johannes Hoogeveen, Christopher L. Delgado, Krista Isaacs, Michael Morris et Renganaden Soopramanien. THÈMES SPÉCIAUX 32 Le secteur agricole au Mali a été un puissant moteur de croissance économique et de réduction de la pauvreté. Cependant, des tendances récentes suggèrent que le secteur pourrait être en perte de vitesse. Entre 1994 et 2009, le taux de pauvreté au Mali a baissé de 85 % à 49 %, tandis que le taux de croissance de la productivité totale des facteurs (PTF) dans le secteur agricole55 a été de 2,2 % par an. La forte hausse de la croissance de la productivité agricole au Mali reste relativement élevée par rapport aux pays voisins du Sahel, et est similaire à celle de l’Inde. Cependant, depuis 2010, la croissance des intrants agricoles dépasse la croissance de la production, entraînant un ralentissement de la croissance de la productivité. Cet article affirme qu’il est possible d’inverser cette tendance en réaffectant plus efficacement les intrants agricoles et en promouvant l’utilisation de technologies améliorées. Les stratégies de relance de la croissance de la productivité agricole au Mali doivent tenir compte des différences de moyens de subsistance dans les zones géographiques et cibler des zones à forte concentration de pauvreté. Un tiers des pauvres au Mali vit dans la zone aride, qui s’étend d’ouest en est, de Kayes, à la frontière avec le Niger, en passant par Mopti, au sud de Gao, et Koulikoro au sud (Figure 1). Les précipitations y sont faibles, en moyenne de 300 à 800 mm par an selon la sous-région. La zone est un corridor commercial, où transitent les céréales du sud vers les zones du nord souffrant d’un déficit alimentaire, et le bétail du nord vers le sud. Les précipitations étant trop faibles pour vivre uniquement des récoltes agricoles, les habitants de la zone aride s’appuient sur des revenus tirés de l’élevage de bétail transhumant,56 sur des envois de fonds et l’agriculture. Les chocs climatiques, notamment les sécheresses, sont courants dans la zone aride et devraient devenir plus fréquents et plus graves sous l’effet du changement climatique. Les données historiques montrent une tendance à la hausse des températures et une tendance à la baisse des précipitations au Mali. Ces tendances devraient s’intensifier avec les effets à long terme du changement climatique (Figure 2). La zone aride du Mali connaît à la fois les précipitations les plus faibles de toutes les régions productrices et la plus forte volatilité des précipitations à l’échelle nationale. Pour garantir la production agricole et la sécurité alimentaire dans les zones arides, des interventions sont requises en urgence pour aider les agriculteurs à s’adapter au changement climatique. En l’absence de données microéconomiques permettant de mesurer l’incidence des politiques gouvernementales sur les processus de prise de décision des agriculteurs, l’identification de politiques et d’investissements capables de stimuler la performance agricole constitue un défi majeur. Les conclusions présentées ici sont tirées de l’Étude sur la mesure des niveaux de vie – Enquêtes intégrées sur l’agriculture (LSMS-ISA – Living Standards Measurement Study – Integrated Surveys on Agriculture) de 2014 du Mali, une étude représentative à l’échelle nationale qui met l’accent sur l’agriculture.57 Pour mesurer les moteurs de la productivité et de l’efficacité de l’exploitation agricole, cette étude suit une approche de frontière de production stochastique (SPF – Stochastic Production Frontier). Cette approche évalue la sensibilité de la production à différents intrants et à d’autres facteurs, tout en identifiant simultanément les moteurs de l’efficience de la production. Le caractère détaillé des données permet de réaliser des estimations rigoureuses pour les différentes zones agro-écologiques et cultures. Cette étude a analysé les tendances de la productivité, l’utilisation des intrants et l’efficacité des exploitations dans la zone aride dans le but d’identifier les politiques et investissements susceptibles de stimuler les performances agricoles du Mali. 55 La PTF se compose de la valeur résiduelle de la croissance de la production dépassant la croissance totale des intrants. 56 L’élevage de bétail transhumant fait référence aux déplacements saisonniers de personnes avec leur bétail entre les zones humides du sud et les terres arides du nord. 57 La LSMS-ISA de 2014 a été réalisée par l’Institut national de statistique du Mali avec l’assistance technique de la Banque mondiale. 33 Constatations Selon les premières constatations de l’analyse LSMS-ISA, la zone aride du Mali connaîtrait une stagnation de la croissance des rendements et des écarts de rendements considérables, contrairement à d’autres zones agro-écologiques. Le portefeuille de cultures dans la zone aride est biaisé en faveur du millet et du sorgho, qui ont relativement moins contribué à la croissance du PIB agricole du Mali (1 et 2 points de pourcentage respectivement, contre 6 points de pourcentage, respectivement, pour le riz et le maïs). Une ventilation de la croissance de la production par culture montre que la valeur de la production des cultures de la zone aride a augmenté en raison des variations de prix et non de l’augmentation des rendements (Figure 3). Dans le même temps, le développement et l’adoption des technologies agricoles ont été inégaux d’une culture à l’autre. Au sein de la zone aride, les rendements varient considérablement d’un producteur à l’autre. Selon les cultures, les agriculteurs situés dans le quart supérieur de la distribution des rendements sont en moyenne 10 fois plus productifs que ceux du quart inférieur (Figure 4). Dans une certaine mesure, la forte variabilité des rendements entre agriculteurs reflète des variations agro-écologiques, mais elle indique aussi que la connaissance des méthodes de culture est inégale et que de grands gains potentiels peuvent être tirés de la vulgarisation et de l’adoption de technologies. L’analyse de la productivité basée sur les données au niveau des parcelles met en lumière quatre pratiques et technologies agricoles susceptibles de stimuler les revenus monétaires si elles étaient plus largement adoptées. La première est l’utilisation d’engrais organiques. Plus de la moitié des ménages agricoles dans la zone aride utilise des engrais organiques. Après contrôle des autres facteurs, les conclusions du modèle SPF montrent que les engrais organiques ont un effet positif important sur la productivité de l’ensemble des cultures dans la zone aride. En particulier, là où la matière organique manque et où le risque de sécheresse est élevé, l’accumulation de carbone dans les sols contribue à accroître la résilience des cultures à la sécheresse en améliorant la rétention d’eau et la fertilité des sols. Les avantages de l’engrais organique en termes de productivité indiquent qu’il existe une opportunité de « triples bénéfices » intelligents face au climat pour l’agriculture malienne. Une stratégie visant à accroître la teneur en carbone du sol pourrait inclure la réintégration du bétail aux systèmes de culture, le boisement ou l’agriculture sans labour. Deuxièmement, le modèle SPF montre que les technologies liées aux semences et aux cultivars améliorés sont sous-utilisées. Les agriculteurs dans l’ensemble du Mali dépensent trop peu pour ces technologies, avec un taux d’adoption des cultivars améliorés de seulement 6 % pour les agriculteurs des zones arides. Ces pratiques agricoles peuvent être une réaction aux risques climatiques ou refléter un manque de connaissances techniques des agriculteurs. Elles peuvent aussi indiquer que les systèmes semenciers publics et privés n’atteignent pas les agriculteurs. Outre l’augmentation de la quantité de semences disponibles pour les agriculteurs, la productivité pourrait être stimulée en promouvant l’accès à des variétés de semences améliorées. L’adoption de semences améliorées est relativement élevée chez les producteurs de riz irrigué. Des efforts sont nécessaires pour rendre plus accessibles les variétés améliorées de maïs, de sorgho et de millet. Troisièmement, le modèle SPF montre que l’utilisation de pesticides a une incidence positive considérable sur la productivité agricole dans les zones arides et la région sud, avec un effet plus fort dans la zone aride. THÈMES SPÉCIAUX 34 Les agriculteurs du sud utilisent généralement plus de pesticides que les ménages agricoles de la zone aride. Les pesticides semblent être plus efficaces pour certaines cultures de région aride, comme le maïs et l’arachide. L’utilisation de pesticides dans la zone aride est la plus élevée pour la culture du riz. D’autres cultures, telles que le maïs, utilisent moins de pesticides et représentent une opportunité pour améliorer la productivité grâce à l’application de pesticides. Enfin, le modèle SPF indique que l’irrigation accroît la productivité des parcelles dans la zone aride. Toutefois, en raison de la petite taille des échantillons de la LSMS-ISA (seuls 4 % des parcelles sont irriguées), ces résultats doivent être interprétés avec prudence. Les niveaux d’irrigation sont faibles en raison du manque de potentiel d’irrigation hors de la zone irriguée. Cervigni et Morris (2016)58 estiment que seulement 10 % des terres arides africaines ou moins ont un potentiel d’irrigation, sans même tenir compte de la multiplication des pénuries d’eau dues au changement climatique. Malgré les avantages de l’irrigation pour la productivité agricole et la résilience, il semble donc que la grande majorité des paysans des régions arides doivent continuer à dépendre de l’agriculture pluviale. Notamment, l’utilisation d’engrais non organiques ne montre aucun impact appréciable sur la productivité, un résultat qui se confirme autant dans la région sud que dans la zone aride. De même, aucun impact productif n’a été constaté pour l’utilisation d’engrais chimiques sur les différentes cultures dans la zone aride. La valeur marginale des engrais chimiques est généralement inférieure, même au prix de marché subventionné, et les agriculteurs qui utilisent des engrais chimiques semblent en abuser (Figure 5). Les engrais sans urée sont plus efficaces que ceux à base d’urée, à la marge. Cependant, le message essentiel est que la rentabilité actuelle de l’utilisation d’engrais ne justifie pas les dépenses importantes engagées pour les subventionner. Les rendements négatifs de l’utilisation d’engrais chimiques peuvent être dus à la qualité des engrais, aux retards de livraison et de distribution affectant le calendrier des applications, aux connaissances insuffisantes des agriculteurs sur les pratiques d’application et les contraintes en termes de nutriments spécifiques à la parcelle ou au manque d’intrants complémentaires, comme les semences améliorées et l’irrigation. Les faibles liens entre l’utilisation d’engrais chimiques et la productivité agricole laissent à penser que des gains de productivité et des avantages budgétaires peuvent être tirés de la réforme du système national de subvention des intrants du Mali. Il serait possible de réduire les subventions sans affecter les niveaux de production des bénéficiaires qui maîtrisent la technologie et utilisent des quantités d’engrais adéquates. Il convient aussi de souligner que les subventions massives des engrais semblent promouvoir leur utilisation excessive, étant donné qu’aux niveaux actuels d’utilisation, les rendements marginaux sont inférieurs au coût marginal (prix) de l’engrais (Figure 6). En outre, les données de la LSMS-ISA démontrent également l’existence de détournements. Environ 6 % des agriculteurs recevant la subvention nationale des engrais n’utilisent pas d’engrais sur leurs parcelles. La valeur non subventionnée de ces engrais est de 5 millions USD, ce qui implique une mauvaise répartition (et des économies potentielles) de 2,5 millions USD de subventions.59 En plus d’examiner la relation entre les intrants et la productivité agricole, l’analyse identifie les facteurs expliquant l’inefficacité des exploitations, c’est-à-dire les caractéristiques des agriculteurs qui leur permettent d’obtenir de meilleurs résultats avec un ensemble d’intrants donné. Les niveaux d’efficience technique sont largement dispersés et plus élevés dans la région sud que dans la zone aride, même en 58 https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/23576/9781464808173.pdf?sequence=4 59 Ce calcul suppose que ces agriculteurs sont de taille moyenne (les plus gros producteurs reçoivent une subvention plus élevée), que les agriculteurs subventionnés utilisent la totalité de la quantité d’engrais subventionnée, et que le coût total de la subvention est de 24 milliards FCFA. 35 contrôlant les différences agro-écologiques. Dans la zone aride, l’efficience technique des producteurs de maïs est supérieure à celle des agriculteurs de sorgho, de millet et d’arachide (Figure 7). La grande dispersion des niveaux d’efficience technique pour les cultures primaires de la région aride suggère qu’il existe une importante marge d’amélioration de l’efficience de la production. L’efficience technique médiane dans la zone des terres arides est de 50 %, c’est-à-dire que la productivité de l’agriculteur moyen dans cette zone ne correspond qu’à la moitié de celle du meilleur producteur. Cette grande différence laisse supposer qu’un accès amélioré à la technologie et aux services de conseil technique peut réellement aider les agriculteurs retardataires à obtenir de meilleurs résultats avec les intrants dont ils disposent, le potentiel d’accroissement de la productivité pouvant aller jusqu’à 50 %. Outre la localisation géographique et le choix des cultures, les autres facteurs de l’efficience des exploitations comprennent la taille de celles-ci, le genre, le niveau d’éducation, la santé et l’accès aux transports motorisés de l’agriculteur. Les petites exploitations sont nettement plus efficaces que les grandes. Cet effet se vérifie dans l’ensemble des zones agro-écologiques et des cultures dans la zone aride. Il convient de noter que, dans la mesure où les spécifications du SPF tiennent compte de la qualité de la terre et des sols ainsi que des conditions agro-écologiques par zone, ce résultat se confirme par le fait que la relation inverse entre l’efficience et la taille de l’exploitation peut être due à la qualité variable des terres. Les écarts entre les genres réduisent la productivité agricole, en particulier dans la zone aride. Les effets négatifs de l’inégalité des genres sur la production agricole sont importants dans tout le pays. Les ménages dirigés par une femme sont moins efficaces que ceux dirigés par un homme dans la zone aride, mais pas dans la région sud. Cette différence s’explique peut-être par des facteurs culturels. La disparité, telle que mesurée dans cette étude, n’est pas liée à l’accès aux intrants en lui-même, mais à l’utilisation efficace de ces intrants. Les ménages qui comprennent des travailleurs ayant reçu une éducation formelle sont moins efficaces en matière de production agricole. Cet effet est significatif pour tous les ménages ruraux et les ménages dans la zone aride, mais pas pour ceux de la région sud. Les travailleurs ayant bénéficié d’une éducation formelle peuvent avoir plus d’opportunités d’emplois non agricoles que les travailleurs non scolarisés, et le résultat peut représenter une perte de compétences due au travail non agricole, ce qui constitue peut- être un coût d’opportunité de l’éducation pour la production agricole des ménages. Le transport constitue un goulet d’étranglement pour les agriculteurs dans la zone aride. L’amélioration de l’accès aux marchés par un transport motorisé accroît donc l’efficience de la production pour ces agriculteurs. Cependant, cette règle ne s’applique pas à la zone sud, où les temps de trajet ont tendance à être plus courts. Les paysans des régions arides producteurs d’arachides et de maïs sont plus fortement touchés par les problèmes de transport que les producteurs de sorgho et de millet, sans doute parce que les premiers dépendent des expéditeurs et des négociants, alors que les seconds sont plus susceptibles d’être consommés au sein du ménage ou du village. Des investissements dans la santé des agriculteurs pourraient stimuler la productivité agricole. Les agriculteurs qui ont eu des problèmes de santé au cours de l’année précédente sont beaucoup moins productifs. Les chocs liés à la santé, généralement dus au paludisme, ont l’effet le plus grave dans la zone sud, où les rendements du travail agricole ont tendance à être plus élevés. Dans la zone aride, les risques sanitaires ne sont que l’un des nombreux risques menaçant les moyens de subsistance. THÈMES SPÉCIAUX 36 Enfin, le rôle des services de vulgarisation et de conseil semble aussi important. Ni l’éloignement d’un centre d’orientation agricole, ni le mode de transport vers ce centre n’ont été identifiés comme des facteurs qui augmentent l’efficacité des exploitations. Ce résultat est important parce qu’il suggère un manque de services de conseil efficaces, malgré une marge d’amélioration considérable de l’efficacité technique des agriculteurs et de leur utilisation d’engrais fortement subventionnés. On peut en déduire qu’un examen et un renforcement des services de conseils agricoles pourraient permettre d’obtenir un gain potentiellement important. Conclusion et leçons tirées Si cette analyse a mis l’accent sur l’optimisation de la productivité, une stratégie efficace de réduction de la pauvreté dans les zones arides repose également sur la stabilisation des rendements et la réduction des risques. Une priorité essentielle dans les zones sans potentiel d’irrigation sera de réduire le risque de mauvaises récoltes pendant les années de sécheresse grâce à un aménagement des terres et une collecte d’eau améliorés, associés à la multiplication des variétés de millet et de sorgho de goût agréable à maturation précoces, et résistantes à la sécheresse. Des filets de protection sociale et un soutien aux agriculteurs souhaitant quitter le secteur constituent des stratégies de résilience supplémentaires qui peuvent être jugées nécessaires. Les écarts de productivité dans la zone aride constituent des opportunités politiques. En mettant en œuvre des investissements et des politiques appropriés, fondés sur des données probantes, le Mali a l’opportunité de renforcer la résilience de son secteur agricole, et de le rendre plus inclusif et plus performant. Les taux de rendement des principales cultures dans la zone aride (millet et sorgho) ont quasiment stagné pendant trois décennies alors que, selon nos constatations, des gains potentiels peuvent être tirés d’interventions visant à promouvoir l’amélioration des sols (engrais organique), les semences améliorées, les conseils de vulgarisation, les pesticides et l’accès au marché. L’analyse des stratégies conçues pour accroître la productivité des cultures et le rôle du programme de subvention des intrants du Mali montre comment des investissements relativement modestes dans la collecte de données et la recherche peuvent se traduire par des millions de dollars d’économies dans les dépenses publiques. Le Mali possède une économie agricole solide et un important programme de dépenses publiques agricoles. Des investissements continus dans l’apprentissage, l’innovation, la disponibilité de nouvelles technologies agricoles et les infrastructures agricoles seront nécessaires si le Mali veut maintenir sa position de leader dans la région et étendre les avantages de la croissance de la productivité agricole à toutes les régions du pays. Les enseignements politiques clés sont les suivants : • Il existe de grandes opportunités de « triples bénéfices » pour des stratégies agricoles « intelligentes face au climat ». Tout d’abord, une aide aux agriculteurs pour augmenter l’utilisation d’engrais organiques rendrait les exploitations plus productives et plus résilientes (grâce à l’amélioration de la capacité de rétention d’eau des sols), tout en contribuant à l’atténuation du changement climatique grâce à la séquestration de carbone dans les sols. Deuxièmement, des données probantes démontrent que les producteurs de maïs et de riz subventionnés abusent des engrais azotés chimiques, et le renversement de cette tendance pourrait améliorer la durabilité environnementale et la viabilité budgétaire. Troisièmement, les technologies de mécanisation ne semblent pas procurer des gains de productivité importants, une conclusion similaire à l’expérience de pays comme le Brésil. 37 • Les agriculteurs font une utilisation abusive des engrais chimiques, ce qui implique un gaspillage économique d’engrais subventionnés. Bien que l’utilisation des engrais sans urée soit plus efficace que celle des engrais à base d’urée à la marge, les rendements actuels ne justifient pas les dépenses importantes engagées pour les subventionner. • Un accès amélioré à la vulgarisation et à la technologie peut doubler la productivité dans la zone aride. La productivité de l’agriculteur moyen dans cette zone est deux fois moins importante que celle du meilleur agriculteur, suggérant qu’un accès amélioré à l’information et à la technologie peut aider les agriculteurs retardataires à obtenir de meilleurs résultats avec les intrants dont ils disposent. • Les agriculteurs peuvent espérer de meilleurs rendements économiques grâce à une densité de plantation plus élevée, à l’augmentation de la quantité de semences mises à leur disposition et à l’amélioration de l’accès à des variétés de semences améliorées. • L’amélioration de l’accès aux marchés au moyen d’un transport motorisé permet d’accroître l’efficacité de la production pour les agriculteurs dans la zone aride. Les paysans des régions arides qui produisent des arachides et du maïs sont plus fortement touchés par les problèmes de transport que les producteurs de sorgho et de millet, qui ne dépendent pas d’expéditeurs et de négociants pour les commercialiser. Le transport constitue un des principaux goulets d’étranglement pour les agriculteurs dans la zone aride, mais pas dans la région sud. • Des investissements dans la santé peuvent stimuler la productivité agricole. Les chocs liés à la santé ont l’effet le plus grave dans la zone sud, où les rendements du travail agricole tendent à être plus élevés. Dans la zone aride, les risques sanitaires ne sont que l’un des nombreux risques menaçant les moyens de subsistance. • La réduction des disparités entre les genres peut améliorer la production agricole, en particulier dans la zone aride. Les ménages dirigés par une femme sont moins productifs que ceux dirigés par un homme dans la zone aride, mais pas dans la région sud, probablement pour des raisons culturelles. • La subvention nationale des engrais semble être en partie allouée à des agriculteurs qui n’utilisent pas d’engrais sur leurs parcelles. La valeur des engrais subventionnés qui ne sont pas appliqués (par leur destinataire prévu) est d’environ 5 millions USD, ce qui correspond à 6 % des ménages subventionnés. • Des investissements continus dans l’apprentissage et l’innovation sont nécessaires pour que le Mali conserve sa position de leader agricole dans la région. L’accès insuffisant à l’information et à la technologie est une contrainte pour les exploitations, et même des investissements modestes dans la collecte de données et la recherche agricoles peuvent entraîner des économies de millions de dollars en dépenses publiques. THÈMES SPÉCIAUX 38 FIGURES 1. Nombre de pauvres par zone de moyens de subsistance Agglomérations Moyens de subsistance Zone aride Zone d’irrigation Zone nord Zone sud Source : Auteurs, à partir de la classification des zones de moyens d’existence du FEWS NET 39 2. Tendances observées dans l’augmentation des températures et la baisse des précipitations au Mali (USGS) +0,8 degré Celsius Température-sud-ouest Température-sud-est Écarts-types Précipitations-sud-ouest -12 % de Précipitations-sud-est précipitations Source : Institut de surveillance géologique des États-Unis (USGS - United States Geological Survey) 3. Décomposition de la croissance de la production par culture, 2004–2013 0.3 0.25 0.2 0.15 0.1 0.05 0 Maize Groundnuts Rice, paddy Sorghum Millet Cowpeas Maïs Arachide Riz, paddy Sorgho Millet Niébé Cotton Coton -0.05 Zone Rendement Area Yield Prix Price THÈMES SPÉCIAUX 40 4. Écarts de rendement entre la zone aride et la zone sud Potentiels de rendement : relation entre le 75e centile et le 25e centile 1 2.0 1 0.1 1 0.0 8.3 8.0 6.9 6.2 6.0 5.2 3.9 3.9 4.0 3.6 3.5 2.8 2.9 2.5 2.0 0.0 Zone Zone Zone Zone Zone Zone Zone Zone Zone Zone Zone Zone Southern sud aride Southern Dryland sud aride Southern Dryland sud Dryland aride Southern sud aride Southern Dryland sud aride Southern Dryland sud Dryland aride zone zone zone zone zone zone zone zone zone zone zone zone Millet Sorghum Rice Maize Cow Peas Peanuts 12.0 Ratio de rendement (agriculteurs dans le 10.1 75e centile / agriculteurs dans le 25e 10.0 8.3 8.0 6.9 6.2 centile) 6.0 5.2 3.9 3.9 3.6 4.0 3.5 2.8 2.9 2.5 2.0 0.0 Zone Zone Zone Zone Zone Zone Zone Zone Zone Zone Zone Zone HP Zone sud Dry HP Zone aride sud Dry HP Zone aride sud Dry HP Zone aride sud Dry HP Zone aride sud Dry HP Zone aride sud Dry aride Zone Zone Zone Zone Zone Zone Millet Sorgho Riz Maïs Niébé Millet Sorghum Rice Maize Cow Peas Arachides Peanut Remarque : Cette figure montre la relation entre les rendements des agriculteurs du 75e percentile et ceux du 25e percentile pour l’ensemble des cultures et des zones. La grande dispersion des rendements chez les paysans de la zone aride indique des possibilités d’amélioration. Source : Auteurs, d’après la LSMS-ISA 41 5. Relation non paramétrique entre les rendements marginaux de l’engrais chimique (en FCFA/kg) et la quantité d’engrais chimique appliquée (en kg/ha), par type d’engrais 2000 2000 LOWESS (valeur marginale de l’utilisation d’engrais) LOWESS (valeur marginale de l’utilisation d’engrais) 1500 1500 LOWESS (Marginal Value on Fertilizer Use) LOWESS (Marginal Value on Fertilizer Use) Zone sud Zone aride Southern zone Dryland zone 1000 1000 Prix du marché = 500 (FCFA/kg) Prix du Market Price= 500 (CFA/KG) Market Price= march 500 (CFA/KG) é = 500 (FCFA/kg) 500 500 Non-Urea Sans urée Sans u rée Non-Urea Subsidized Price=200 (CFA/KG) Subsidized Price= 200 (CFA/KG) À base d’urée À base d’urée Urea Urea 0 0 0 100 200 300 400 0 100 200 300 400 Urea or Non-Urea Use (KG/Ha) Urea or Non-Urea Use (KG/Ha) Utilisation d’engrais à base d’urée ou sans urée (en kg/ha) Utilisation d’engrais à base d’urée ou sans urée (en kg/ha) THÈMES SPÉCIAUX 42 6. Impact des subventions sur l’utilisation d’engrais Impact des subventions sur Impact des subventions sur l’utilisation l’utilisation d’engrais à base d’urée d’engrais synthétique sans urée Utilisation moyenne d’engrais à synthétiques sans urée (en kg/ha) d’engrais qui les reçoivent... Pourcentage d’utilisateurs Utilisation moyenne d’engrais base d’urée (en kg/ha) Zone Zone Zone Zone aride sud aride sud Zone Zone aride sud Sans Avec Sans Avec subvention subvention subvention subvention Impact des subventions sur Impact des subventions sur l’utilisation Pourcentage d’utilisateurs d’engrais l’utilisation d’engrais à base d’urée d’engrais synthétique sans urée synthétiques sans urée (en kg/ha) Utilisation moyenne d’engrais Utilisation moyenne d’engrais qui reçoivent des engrais... à base d’urée (en kg/ha) Zone Zone Zone Zone aride sud aride sud Zone Zone aride sud Sans Avec Sans Avec subvention subvention subvention subvention Source : Auteurs, d’après la LSMS-ISA 43 7. Niveaux d’efficience technique par zone et entre cultures dans la zone aride Distribution de la densité du noyau des niveaux d’efficience techniques Densité du noyau Densité du noyau Kernel Density Distribution of Technical Efficiencies 3 Toutes les cultures All Crops Kernel Density 2 1 0 0 .2 .4 .6 .8 1 Niveaux d’efficience Technical efficiencies technique Rurale Zone sud Rural Southern zone Zone aride Dryland zone 10 By Crops in Dryland zone) Par cultures dans la zone aride 8 Kernel Density 6 4 2 0 0 .2 .4 .6 .8 1 Niveaux d’efficience Technical Efficiencies technique Millet Sorgho Millet Sorghum Maïs Arachide Maize Peanut Source : Auteurs, d’après la LSMS-ISA THÈMES SPÉCIAUX 44 AN ALYSE É C O N O M I Q U E D E S PAY S Aperçu des économies AFCW3 45 A P E R Ç U D E S I N D I C AT E U R S M A C R O É C O N O M I Q U E S D E S PAY S A F C W 3 , 2 0 1 2 - 2 0 1 7 La croissance rapide s’est encore accélérée en 2016, mais ... et le taux d'inflation est resté bas, sauf au Guinee le Tchad a plongé dans une récession profonde... et en RCA où les taux sont en hausse RCA Tchad Mali Guinée Niger CAR Chad Mali Guinea Niger RCA Tchad Mali Guinée Niger CAR Chad Mali Guinea Niger 20 Taux de croissance du PIB (%) 20 10 15 Annuel, moyenne 0 10 -10 5 -20 0 -30 -40 -5 2012 2013 2014 2015 2016 p 2017 f 2012 2013 2014 2015 2016 p 2017 f Les déficits du compte courant sont restés élevés ... malgré des termes de l'échange positifs, en 2016, à deux chiffres en Guinée et au Niger... le Tchad faisant exception à la règle 2012 2013 2014 2015 2016 p 2017 f 2012 2013 2014 2015 2016 p 2017 f 40 -30 30 Variation annuelle en % 20 -25 10 % du PIB -20 0 -10 -15 -20 -10 -30 -40 -5 -50 -60 0 CAR Chad Mali Guinea Niger RCA Tchad Mali Guinée Niger CAR Chad Mali Guinea Niger RCA Tchad Mali Guinée Niger En 2016, les déficits budgétaires ont diminué ou connu ... en partie grâce à l'augmentation des revenus, sauf une légère hausse, comme au Tchad et au Mali... au Tchad et au Niger, où les dépenses ont baissé 2012 2013 2014 2015 2016 p 2017 f RCA Tchad Mali Guinée Niger CAR Chad Mali Guinea Niger Y compris dons, liquidités, % du PIB 4 35 2 30 Hors dons, % du PIB 0 25 -2 20 -4 15 -6 10 -8 5 -10 0 RCA Tchad Mali Guinée Niger CAR Chad Mali Guinea Niger 2012 2013 2014 2015 2016 p 2017 f Source : Estimations du personnel du FMI et de la Banque mondiale ; FMI (AIV), plusieurs années. Remarque : les données 2016 sont des projections révisées et celles de 2017 sont des prévisions. Les déficits budgétaires comprennent les dons et sont sur une base de comptabilité de caisse. Ils peuvent légèrement différer de ceux figurant dans le texte, qui sont basés sur les engagements. 46 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Tableau 1 2016 Population (en millions) 5,0 PIB, en milliards USD actuels 1,8 PIB par habitant, USD actuels 352 Taux de pauvreté (1,9 USD/jour, PPA 2011 a 66,3 Taux de pauvreté (3,1 USD/jour, PPA 2011) a 82,3 Coefficient de Ginia a 56,2 Espérance de vie à la naissance, en années b 49,9     Sources : WDI de la Banque mondiale et Macro Poverty Outlook. Outlook: Notes: (a) Valeur la plus récente (2008)   (b) Valeur WDI la plus récente (2014) Les élections démocratiques de février 2016 ont mis fin à des années d’instabilité politique et atténué les violences en République centrafricaine. Après son effondrement en 2013, le PIB réel se redresse progressivement. Lors de la Conférence de Bruxelles de novembre 2016, les bailleurs de fonds se sont engagés à fournir plus de 2 milliards USD pour appuyer la nouvelle stratégie nationale de relèvement et de consolidation de la paix. Les perspectives à court terme restent toutefois vulnérables à une détérioration temporaire du climat sécuritaire qui, conjuguée au retard dans les investissements publics, s’est traduite par un ralentissement de la croissance en 2016. Avec le soutien du programme du FMI, le gouvernement continue d’avancer dans sa lutte contre les déséquilibres des comptes extérieurs et budgétaires, mais la très grande faiblesse de la position extérieure de la CEMAC risque d’accentuer les pressions pour la consolidation et les réformes structurelles. Évolutions récentes Le redressement économique en RCA est plus lent que prévu, la croissance du PIB réel pour 2016 étant dorénavant estimée à 4,5 %. Le ralentissement de l’économie par rapport à 2015 est en grande partie imputable aux récents épisodes d’insécurité et au retard dans les investissements publics. La consommation privée reste le principal contributeur au PIB, tandis que la formation brute de capital fixe reste entravée par la faiblesse du climat des investissements privés et des investissements publics. Modérée en 2015, la croissance des exportations semble avoir été plus prononcée en 2016 grâce à des hausses solides de la production de biens d’exportation importants tels que l’or, le bois, le café et le coton. Cette croissance se manifeste aussi du côté de l’offre, où le secteur primaire a récemment bénéficié de résultats plus soutenus dans les sous-secteurs de la sylviculture, du café et du coton, alors que le secteur industriel continue de peiner. Les services, notamment les transports, ont souffert de la volatilité du climat sécuritaire, quoiqu’ils commencent à se redresser depuis peu. 47 Dans le même temps, les perturbations dans les transports ont entraîné un recul provisoire de la fourniture de produits de première nécessité qui, avec la demande accrue en provenance des rapatriés, ont exercé une pression à la hausse sur les prix à la consommation. En conséquence, l’inflation annuelle moyenne pour 2016 devrait se maintenir à 4,6 %, c’est-à-dire nettement au-dessus de l’objectif de 3 % fixé par la CEMAC. Dans ce contexte, la position relativement souple de la banque centrale régionale (BEAC) en matière de politique monétaire – destinée à soutenir les exportateurs de pétrole subissant les effets de la chute des cours pétroliers – n’a pas permis de contenir davantage l’inflation en RCA. Des résultats à l’exportation relativement plus soutenus conjugués à un fléchissement de la croissance des importations – induite par les retards d’investissement et un redressement plus lent que prévu – ont entraîné une légère diminution des pressions exercées sur le compte courant. Il n’en reste pas moins que le déficit estimé du compte courant demeure élevé, à 9 % du PIB en 2016. Le déficit commercial est en grande partie financé par des dons officiels dans le compte courant et des investissements directs du côté des comptes financiers et de capital de la balance des paiements. La RCA se retrouve ainsi avec une couverture de réserves de change d’environ 4 mois d’importations pour 2016. En matière budgétaire, les statistiques gouvernementales provisoires pour 2016 indiquent des revenus totaux de 14 % du PIB (dont 40 % environ sous forme de dons), qui dépassent le total des dépenses de 12,5 % du PIB. Un excédent budgétaire d’environ 1,7 % du PIB a donc été enregistré en 2016, qui correspond à un déficit de 4,3 % hors dons. Cependant, sur des dépenses en capital d’un montant relativement faible de 25 milliards FCFA en 2016, seule une part minuscule de 2,9 milliards FCFA a été financée par des ressources propres. Cela démontre l’immense faiblesse des investissements publics et la nécessité de fournir des efforts pour des politiques structurelles pérennes. Le ratio de la dette publique par rapport au PIB pour 2016 est estimé à 42,6 %, en baisse par rapport à 48,5 % en 2015. Très répandue, la pauvreté se maintient à un niveau élevé. Selon des projections basées sur la croissance du PIB par habitant, près de 75 % de la population vivraient avec moins de 1,90 USD par jour (PPA 2011) en 2016, en hausse par rapport à 66 % (1,90 USD par jour, PPA 2011) en 2008, année de la dernière enquête sur la pauvreté. L’agriculture constitue la source principale de subsistance des populations pauvres. Leur fragilité persistante a freiné l’amélioration de leur bien-être, car de nombreux agriculteurs n’ont pas repris la culture régulière de leurs champs. On estime également que 10 à 15 % de la population continuent d’être déplacés à l’intérieur du pays, ne possédant que peu d’actifs, voire aucun, pour reconstruire leurs moyens d’existence. Perspectives Bien que les perspectives de croissance à court et moyen terme restent modérément positives, elles se caractérisent par une forte incertitude. La croissance du PIB réel devrait s’accélérer progressivement pour atteindre 4,75 % en 2017, et 5 % en 2018. Et la pauvreté devrait reculer légèrement à 74 %. Ce scénario dépend de l’amélioration régulière des conditions sécuritaires, de l’efficacité de la mise en œuvre du plan d’investissement (développement) du gouvernement et de la consolidation des résultats du secteur primaire et des exportations associées. Le déficit du compte courant devrait continuer de se creuser pour dépasser 10 % du PIB en 2017, reflétant une reprise de la demande d’importations. Les IDE devraient se redresser progressivement, passant d’un niveau estimé de 2,6 % du PIB en 2016 à un niveau projeté de 3,5 % en 2017. 48 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS Suite au premier examen de fin 2016, le programme du FMI semble être globalement en bonne voie. Les comptes budgétaires devraient dégager un excédent de 0,9 % du PIB en 2017 et un déficit de 2,4 % en 2018. Toutefois, la décision des membres de la CEMAC de maintenir la parité de la monnaie commune malgré le choc persistant des termes de l’échange dû à la baisse des cours pétroliers pourrait se traduire par d’éventuels ajustements du programme. Bien que la RCA soit un importateur net de pétrole, l’appartenance à une union monétaire et économique comme la CEMAC, composée en majorité d’exportateurs pétroliers, peut poser de sérieuses difficultés. D’une part, le taux de change nominal est rattaché à l’Euro60 et le TCEN et le TCER ont tous deux été récemment appréciés, aggravant la faiblesse structurelle de la compétitivité des exportations. Destiné à pallier les turbulences extérieures, l’assouplissement de la politique monétaire de la BEAC s’est révélé trop accommodant, faisant apparaître des perspectives de resserrement important qui n’épargnent pas la RCA. D’autre part, le deuxième pilier complémentaire de la stabilité macroéconomique régionale – le cadre de convergence budgétaire établissant les règles pour l’épargne publique, le déficit budgétaire et les plafonds de la dette, l’inflation et les arriérés – est lui aussi en butte à de grosses difficultés. L’inexistence de tampons budgétaires, la nécessité d’apurer les arriérés à court terme et les contraintes de capacité de prêt des banques nationales obligeront la RCA à recourir à des dons internationaux pour combler son déficit de financement. Risques et défis à relever Les risques pour les perspectives de la RCA restent clairement orientés à la baisse. Le maintien et le renforcement de la sécurité constituent une condition essentielle à la poursuite du redressement économique et du recul de la pauvreté. Le gouvernement de la RCA va devoir fournir des efforts considérables pour gérer sa consolidation budgétaire dans un contexte de resserrement de la politique monétaire et d’attentes d’un programme de croissance structurelle. Deux risques pour la croissance et les perspectives macroéconomiques méritent d’être soulignés : premièrement, les projections d’exportations clés, celles du diamant, dépendent de l’adoption rapide du Processus de certification de Kimberley. Néanmoins, les attentes varient considérablement et restent très incertaines. Les revenus des diamants demeurent nettement en deçà des niveaux escomptés. Les prévisions annonçaient un total de 350 millions FCFA en 2016, or les revenus n’ont pas dépassé 27 millions FCFA. Deuxièmement, les asymétries entre les pays de la CEMAC dans l’adaptation à la situation et les ajustements budgétaires macroéconomiques pourraient pousser certains États à faire cavalier seul, ce qui serait préjudiciable à l’optimisation des réponses politiques régionales et menacerait la stabilité de l’union monétaire et économique. Passer d’une politique de stabilisation budgétaire à une politique structurelle de croissance constituera le principal défi à relever à moyen terme. Pour progresser vers une économie diversifiée capable d’offrir une croissance inclusive et des emplois, la RCA devra impérativement renforcer la productivité agricole et les investissements publics afin de mobiliser des investissements privés tout en mettant en œuvre un volet solide de politique sociale dans le cadre du Plan de redressement et de consolidation de la paix. 60 Et garanti par le Trésor français. 49 P R I N C I PA U X I N D I C AT E U R S É C O N O M I Q U E S , DONT PROJECTIONS POUR 2016-2019   2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Revenu et prix nationaux Variations annuelles en %, sauf indication contraire PIB réel 4,1 -36,7 1,0 4,8 4,5 4,7 5,0 5,2 Déflateur du PIB 2,7 7,0 11,1 6,2 6,9 6,2 5,7 5,2 IPC (fin de période) 5,9 6,6 11,6 4,5 5,1 4,5 3,9 3,5 Secteur extérieur Importations 12,2 -27,6 57,3 9,1 -2,4 10,2 4,0 8,4 Exportations 7,4 -27,9 -8,8 0,5 7,6 12,8 3,6 11,9 Termes de l’échange (détérioration) - -0,7 10,9 3,5 14,2 7,0 -7,7 1,9 -0,3 Comptes budgétaires En pourcentage du PIB, sauf indication contraire Dépenses 16,4 14,9 12,7 14,9 11,9 16,1 16,0 16,3 Recettes et dons 16,4 8,4 15,7 14,3 13,5 13,1 13,6 14,2 Solde du gouvernement central (dons 0 -6,5 3 -0,6 1,7 0,9 -2,4 -2,0 inclus) Comptes monétaires sélectionnés Variations annuelles en %, sauf indication contraire Volume des liquidités 1,6 5,6 14,6 5,3 12,2 13,0 11,0 10,9 Crédit à l’économie 30,2 -16,3 4 -0,5 7,5 11,3 11,0 10,6 Balance des paiements En pourcentage du PIB, sauf indication contraire Solde du compte courant -4,6 -3 -5,6 -9,1 -9,0 -11 -10,0 -9,7 Importations 23,9 25,0 37,6 34,8 31,5 31,4 30,7 30,7 Exportations 12,5 14,5 13,1 12,7 12,8 11,3 12,7 13,0 Investissements directs étrangers 3,2 0,1 0,1 0,3 1,6 3,5 3,3 2,8 Réserves brutes (en millions USD, FdP) 172,1 199,4 279,1 199,1 206 232 263 276 En mois d’importations Année + 1 5,6 3,7 5,1 4,2 3,9 4,2 4,3 4,3 En % de la dette extérieure à court terme 30,8 17,5 12,6 7,4 Dette publique Total gouvernement (fin de période) 23,5 38,5 51,1 48,5 42,6 31,2 26,6 22,6 dont dette extérieure 9,7 14,6 14,9 14,5 16,8 14,9 13,3 12,2 Pour mémoire PIB nominal (en milliards FCFA) 1108 750 842 937 1046 1164 1292 1430 Source : FMI (mars 2017), prévisions des autorités et du personnel de la Banque (simulations MFMod, février 2017). 50 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS TCHAD La crise macroéconomique déclenchée par la faiblesse persistante des cours pétroliers a engendré une profonde récession ainsi qu’une sérieuse détérioration des positions budgétaires et externes. Le gouvernement tchadien a fermement réagi par un ajustement budgétaire important, mais les déficits extérieurs et budgétaires restent élevés. Cette situation indique une augmentation du taux de pauvreté. Les perspectives à moyen terme restent problématiques, avec une stagnation de la croissance réelle du PIB en 2017 et une reprise progressive qui dépend de l’évolution des prix pétroliers. Des réformes ambitieuses dans les domaines de la viabilité budgétaire et de la diversification économique sont nécessaires pour faire face à cette crise. Évolutions récentes L’économie tchadienne subit sa pire récession depuis ses premières exportations pétrolières en 2003 en raison de chocs exogènes émanant du secteur pétrolier et de la détérioration de la situation sécuritaire. La croissance économique a chuté de 6,9 % en 2014 à 1,8 % en 2015, et l’économie se serait contractée de 7,0 % en 2016. Le PIB pétrolier a régressé de 11,5 % en 2016 suite à une réduction de plus de 80 % des investissements liés au pétrole et au déclin de la production. La chute de 6 % du PIB non pétrolier en 2016 est due principalement à la réduction importante des dépenses publiques, principal vecteur des secteurs non pétroliers. Les problèmes sécuritaires ont eu un impact négatif sur l’économie, notamment sur le bétail, le commerce, la communication et le commerce transfrontalier. Suite aux problèmes sécuritaires et à la dépréciation du Naira, les activités commerciales à la frontière nigériane ont considérablement ralenti dans les secteurs de l’agriculture et de l’élevage. Du côté de l’offre, malgré une augmentation de 12 % de la production agricole due à de bonnes précipitations, le secteur primaire s’est contracté de 6 % en raison du déclin du secteur pétrolier. Le secteur de l’industrie et le secteur tertiaire ont été sévèrement affectés par les problèmes sécuritaires croissants, la réduction des dépenses publiques et la baisse des liquidités dans le secteur public. En raison du malaise économique et de la bonne récolte, les prix ont baissé de 1,1 % en 2016, contre 3,7 % en 2015. Malgré un ajustement budgétaire important, les déficits budgétaires et extérieurs restent élevés.  Les recettes fiscales liées au pétrole ont baissé de 11,7 % à 3,8 % du PIB hors pétrole entre 2014 et 2016. Le gouvernement a réagi en réduisant drastiquement les dépenses publiques, de 11,4  % du PIB non pétrolier pendant la même période. Par conséquent, le solde budgétaire (sur la base des engagements) est passé de 4,6 % du PIB en 2015 à 2,3 %. Sur la base de la comptabilité de trésorerie, toutefois, le déficit budgétaire global a légèrement augmenté à cause des arriérés, passant de 4,4 % du PIB non pétrolier en 2014 à 4,6 % en 2016. Le déficit a été financé par l’émission de bons du Trésor sur le marché de la dette régionale et l’appui budgétaire des partenaires au développement. L’augmentation récente de la dette intérieure entraîne un risque élevé de surendettement pour la dette publique. Le rationnement des devises suite aux pénuries et à l’important assainissement budgétaire a contribué à la réduction du déficit des comptes courants, passé de 12,4 % en 2015 à 8,8 % du PIB en 2016. La détérioration des comptes financiers et de capitaux est due à une baisse drastique des investissements directs étrangers liés au secteur pétrolier et de la construction et à des mauvaises conditions sécuritaires. 51 En tant que membre de l’union monétaire de la CEMAC, la politique monétaire et de change du Tchad est déterminée par la banque centrale régionale, la BEAC. Les réserves internationales du Tchad continuent de diminuer, représentant à peine 0,3 mois d’importations à la fin de 2016. Néanmoins, la couverture de la réserve régionale de 2 mois est bien inférieure à ce qui est jugé adéquat (cinq mois) pour une union monétaire riche en ressources avec un taux de change fixe. La croissance de la masse monétaire s’est contractée de 6,3 % en raison des retombées du secteur financier, peu profond et fortement tributaire du gouvernement central. La dernière enquête auprès des ménages réalisée en 2011 a montré que la pauvreté avait baissé à 47 %, contre 55 % en 2003, la mesure se basant sur le seuil de pauvreté national. Si l’on utilise le seuil de pauvreté international de 1,90 USD par jour PPA, l’extrême pauvreté au Tchad a chuté de 62,9 % à 38,4 % sur la même période. Néanmoins, le coefficient de Gini a augmenté entre 2003 et 2011, indiquant une inégalité croissante. Il serait donc nécessaire d’actualiser les mesures de la pauvreté pour évaluer l’impact des chocs décrits ci-dessus, et une nouvelle enquête est en préparation pour 2017/2018. Perspectives La croissance du PIB réel du Tchad devrait stagner à 0,2 % en 2017, et s’accélérer progressivement en 2018 et en 2019 grâce à une reprise attendue des prix et de la production du pétrole. En 2017, la croissance du secteur pétrolier devrait se contracter de 0,6 %, tandis que le secteur non pétrolier devrait progresser légèrement (0,3 %), l’impact de l’ajustement budgétaire sur les secteurs secondaire et tertiaire devant être plus modéré avec les réformes prévues et une croissance plus forte de l’agriculture. Le secteur pétrolier devrait augmenter de 8,0 % en 2018-2019 avec l’exploitation de nouveaux gisements pétroliers, ce qui amènera la croissance du PIB non pétrolier à reculer légèrement de 2,2 % en moyenne. La reprise attendue devrait soutenir une croissance positive des prix, amenant ainsi l’inflation à plus de 2 %. Le déficit budgétaire global devrait diminuer à 1,4 % du PIB en 2017, et diminuer davantage les années suivantes avec le redressement des recettes pétrolières. Sur le front externe, le rationnement des devises fortes devrait rabaisser le déficit du compte courant à environ 4 % du PIB, financé par l’appui budgétaire des bailleurs de fonds, l’accroissement de l’IDE prévu et l’évolution des réserves. La masse monétaire (M2) devrait augmenter de manière significative à partir de 2017, après la reprise prévue. L’augmentation des niveaux de pauvreté et la croissance démographique généreront plus de 1,5 million de nouveaux pauvres d’ici à 2019. Depuis la dernière enquête sur la consommation des ménages de 2011, les niveaux de pauvreté sont calculés sur la base du PIB et des données démographiques. En utilisant le seuil international de pauvreté de 1,90 USD par jour, les niveaux de pauvreté  devraient augmenter légèrement et passer de 34,8 % en 2014 à 38,7 % en 2016. Dans le scénario de croissance actuel, le taux de pauvreté devrait augmenter encore jusqu’à 39,8 % d‘ici 2019. Ces évolutions reflètent l’impact continu des réductions des services publics résultant de l’austérité et la perte de revenus due aux perturbations du commerce transfrontalier de bétail. Ces tendances ont été partiellement compensées par de modestes hausses dans l’agriculture. Le secteur primaire emploie près des trois quarts de la population en âge de travailler. Le taux de pauvreté et le nombre de pauvres continueront toutefois d’augmenter face à un taux de croissance démographique de 3,3 % par an, l’un des plus élevés au monde. Le nombre absolu de pauvres devrait croître de 4,7 millions à 6,3 millions entre 2012 et 2019. 52 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS Défis à relever Le Tchad doit impérativement financer ses déficits extérieurs et budgétaires compte tenu de la baisse escomptée des recettes publiques. Les perspectives à court terme sont plus difficiles en raison de la baisse des prix du pétrole et des volumes d’exportation et du remboursement des avances sur la vente du pétrole. Outre l’appui budgétaire prévu, le gouvernement doit sensiblement adapter ses dépenses et chercher à améliorer les liquidités en limitant les exemptions fiscales et douanières et en simplifiant le régime fiscal. À moyen terme, l’instabilité des recettes pétrolières complique la gestion budgétaire, la planification budgétaire et l’utilisation efficace des ressources publiques. Les fortes baisses de revenus enregistrées depuis 2014 ont entraîné des réductions sévères des dépenses, qui se sont révélées déstabilisantes et coûteuses. Il y a un manque de capacité fiscale efficace qui pourrait fournir un ensemble plus large et plus prévisible d’instruments pour assurer la durabilité du cadre macroéconomique face à la volatilité des prix du pétrole. Les principaux défis d’un agenda à plus long terme sont la diversification de la croissance et la transformation structurelle. En 2013, avant l’effondrement des prix du pétrole, le secteur pétrolier représentait environ 20 % du PIB national, soit environ 65 % des recettes publiques, et 90 % des exportations totales. Avec la crise actuelle, le gouvernement tchadien a appris que le manque de diversification économique expose l’économie nationale à des chocs exogènes. 53 S É L E C T I O N D ’ I N D I C AT E U R S É C O N O M I Q U E S ET FINANCIERS 2014 2015 2016 2017 2018 2019 ((p) (p) Revenu et prix nationaux PIB réel 6,9 1,8 -7,0 0,2 3,2 3,1 PIB pétrolier 5,7 32,2 -11,5 -0,6 9,6 6,0 PIB non pétrolier 7,1 -2,9 -6,0 0,3 2,0 2,5 Inflation des prix à la consommation 1,7 3,7 -1,1 0,0 1,6 3,0 (moyenne) Masse monétaire et crédit Crédit au gouvernement (a/) 18,0 25,3 20,7 -6,2 Crédit au secteur privé (a/) 17,3 0,3 -4,1 1,6 Masse monétaire (M2) 26,5 -4,7 -6,3 2,4 Secteur extérieur Volume exportations biens et services 5,9 29,2 -6,7 -1,2 8,4 5,2 Volume importations biens et services 9,4 -21,4 -13,1 0,0 5,9 2,9 Balance générale des paiements (% du PIB) -1,2 -6,9 -8,1 0,6 0,5 1,4 Solde extérieur courant (% du PIB) -8,8 -12,4 -8,8 -4,8 -5,2 -4,1 Dette extérieure (% du PIB) 29,1 25,0 29,7 29,8 28,1 26,2 (PIB non pétrolier en %, sauf indication contraire) Budget du gouvernement central Recettes et dons 23,2 17,1 15,5 18,7 19,2 19,1 Dépenses totales et montant net des prêts 29,4 22,9 18,0 19,7 19,2 19,2 Solde primaire non pétrolier (hors dons) -16,2 -9,7 -5,0 -5,9 -5,5 -4,7 Solde global (avec dons, liquidités) -4,4 -4,5 -4,6 -1,4 -0,4 -0,2 Dette totale (pourcentage du PIB) 40,9 46,3 57,0 53,4 51,2 49,2 Dette nationale 11,8 21,3 27,3 23,6 23,1 23,0 Postes pour mémoire: PIB nominal (milliards FCFA) 6,912 6,474 5,705 5,714 5,991 6,349 PIB nominal non pétrolier (milliards FCFA) 5,179 5,184 4,765 4,781 4,958 5,232 Source : Autorités tchadiennes, personnels du FMI et de la Banque, février 2017 54 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS GUINÉE L’économie guinéenne se rétablit lentement de la pandémie d’Ebola et du ralentissement des prix des produits de base, qui ont affecté le pays au cours des dernières années. Stimulée par l’exploitation minière et l’agriculture, la croissance est estimée à 5,2 % en 2016, contre 0,1 % en 2015. À moyen terme, la croissance devrait converger vers sa moyenne à long terme. Les principaux risques sont la persistance des prix bas des produits de base, les potentiels dérapages macroéconomiques et les défis liés à la protection des dépenses favorables aux pauvres. Évolutions récentes L’économie guinéenne se rétablit progressivement de la pandémie d’Ebola qui a frappé le pays en 2014 et 2015 lorsque l’économie a peu augmenté. La croissance économique est estimée à 5,2 % en 2016, contre 0,1 % en 2015. Les chocs positifs de l’offre dans le secteur minier, une forte récolte agricole et une hausse de l’approvisionnement en électricité soutiennent la reprise. Les services et la fabrication accusent malgré tout un retard. La baisse des prix des produits de base, en particulier le minerai de fer, a également affecté négativement l’économie guinéenne, notamment avec l’abandon par Rio Tinto du projet minier Simandou, évalué à 20 milliards USD. La politique budgétaire en 2016 a été vigoureuse afin d’ajuster les déséquilibres de 2015. Les recettes ont augmenté de 17,8 % du PIB en 2015 à 19,0 % en 2016, en raison de la hausse des recettes fiscales indirectes et directes, y compris des taxes sur les télécoms et de la TVA. Les dépenses totales en pourcentage du PIB ont diminué, passant de 28,3 % du PIB en 2015 à 21,3 % en 2016. L’ajustement budgétaire important s’explique par la nécessité de corriger les dépenses engagées lorsque la banque centrale (BCRG) a émis des garanties en 2014 et 2015 aux banques locales et étrangères pour le compte de sociétés privées exécutant des contrats de travaux publics afin de les aider à obtenir des prêts bancaires commerciaux. Le gouvernement a instauré un système de rationnement des espèces en 2016, limitant les dépenses au financement des dons et aux recettes disponibles. Les réductions dans les dépenses non prioritaires, notamment les dépenses en capital et les dépenses courantes, ont constitué l’élément clé de la stratégie d’assainissement budgétaire du gouvernement. Le déficit budgétaire a été ramené à 0,9 % du PIB en 2016, contre 8,9 % en 2015. La dynamique d’endettement de la Guinée restera viable tant que le gouvernement continuera à accorder la priorité aux prêts et dons extérieurs concessionnels. Le risque de surendettement extérieur est modéré, selon la dernière analyse de viabilité de la dette du FMI-BM. La politique monétaire est menée dans le but de reconstituer les réserves internationales et de réduire la prime du marché noir. La banque centrale a également réduit ses interventions sur le marché des changes, et les taux officiels et parallèles du marché ont été unifiés. Les réserves internationales de la Guinée équivalaient à 3 mois d’importations du pays en 2016. La Guinée maintient un change de flottement dirigé et une banque centrale indépendante dont le but est la stabilité des prix. Le taux d’inflation était de 8,1 % en 2016. Le taux de change effectif réel est concurrentiel sans être désaligné. Le déficit du compte courant s’est amélioré en 2016 à environ 12,2 % du PIB, contre 20,2 % PIB en 2015. Cette amélioration reflète principalement une forte croissance des exportations de bauxite. De plus, la reprise des prix internationaux de l’or et la reprise complète des exportations de diamants y ont également 55 contribué. L’augmentation des volumes d’importation, engendrée par une croissance économique plus élevée, a été compensée par la baisse des prix internationaux du pétrole. Le déficit a été financé en grande partie par l’IDE, d’un montant de 385 millions USD, dans le secteur extractif, notamment la bauxite et l’or. Le taux de pauvreté extrême, basé sur le seuil de pauvreté de 1,90 USD par jour (PPA, 2011), a été estimé à 35,3 % en 2012, contre plus de 60 % dans les années 1990. Depuis 2012, l’épidémie d’Ebola a entraîné une aggravation de la pauvreté et des niveaux de vie. Les simulations basées sur le recensement de 2014 suggèrent une augmentation probable de la pauvreté à près de 58 % en 2014 au niveau national, les zones urbaines et rurales étant plus durement touchées. En fait, une enquête post-Ebola réalisée en septembre 2015 par téléphone mobile auprès de 2 467 ménages a suggéré que la pauvreté pourrait avoir augmenté davantage. Perspectives À moyen terme, la Guinée devrait préserver la viabilité macroéconomique avec la mise en œuvre du programme de réformes et la reprise de l’investissement minier et de l’activité économique. Toujours à moyen terme, la croissance devrait atteindre plus de 4 % au cours de la période 2017-2019, grâce à l’essor de l’exploitation minière et agricole. Des entrées d’IDE dans le secteur minier sont envisagées dans les prochaines années avec l’apparition de nouveaux projets, notamment dans la bauxite et l’or. Le secteur des services devrait retrouver en trois ans sa performance pré-Ebola, tandis que l’expansion du secteur manufacturier continuera d’être entravée par de mauvaises infrastructures et le manque de financement aux entreprises. Le déficit budgétaire ne dépassera pas 2,5 % du PIB, ce qui correspond aux opportunités de financement, à la stabilité macroéconomique et à la croissance. Les autorités tentent d’atteindre la viabilité budgétaire à moyen terme, tout en augmentant la croissance des dépenses privées associées à une mobilisation accrue des revenus des impôts directs et indirects. L’orientation de la politique budgétaire des autorités sera étroitement alignée avec le financement disponible, et la monétisation du déficit par la banque centrale sera évitée. Sur le plan externe, l’objectif consiste à atteindre un déficit de compte courant viable (incluant les dons) inférieur à 15 %. Entre 2016 et 2019, la Guinée continuera à exporter de la bauxite et d’autres métaux, tout en important des matières premières et des biens d’équipement. Les risques peuvent également résulter de dérapages budgétaires et de déséquilibres macroéconomiques. Les perspectives de pauvreté pour la période post-2012 ont été négativement affectées par la crise d’Ebola. À vrai dire, le taux de pauvreté extrême, basé sur le seuil de pauvreté de 1,90 USD par jour (PPA, 2011), est passé de 35,3 % en 2012 à un sommet de 38,1 % en 2015. Il devrait diminuer progressivement pour atteindre 34,4 % en 2019, grâce au rétablissement économique post-Ebola. 56 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS Risques et défis à relever Le défi le plus important de la Guinée consiste à soutenir la croissance économique et à réduire davantage la pauvreté malgré un resserrement des conditions financières mondiales. Le secteur minier reste un problème, car le rebond projeté de la production minière dépendra de plusieurs facteurs, dont l’environnement réglementaire, les perceptions des investisseurs sur le marché et les perspectives des prix internationaux des métaux. Le projet minier de Simandou, d’un montant de 20 milliards USD, est actuellement abandonné en raison des prix élevés de l’infrastructure et de la faiblesse du prix du minerai de fer, mais il peut se concrétiser si les prix du minerai de fer rebondissent. Le deuxième défi pour l’économie guinéenne consiste à maintenir le rythme des réformes macroéconomiques et budgétaires et à améliorer l’efficacité des dépenses publiques. Le pays tentera de faire face à une situation financière difficile à moyen terme avec un budget visant à maintenir le déficit budgétaire à moins de 2,5 points de pourcentage du PIB grâce à une mobilisation accrue des revenus et une gestion prudente des dépenses. Le gouvernement devra continuer à protéger les secteurs sociaux, d’autant que la part de la santé dans les dépenses publiques totales passera de 2,5 % en 2015 à 5 % en 2016. Enfin, le gouvernement devra éviter de faire des emprunts imprudents pour ses projets d’infrastructure, notamment les routes et les barrages, et devra optimiser la part des dons de ses prêts. 57 G U I N É E : I N D I C AT E U R S É C O N O M I Q U E S C L É S , 2 0 1 4 - 1 9 2014 2015 2016 proj proj proj 2019 2017 2018 (variations annuelles en pourcentage) Comptes et prix nationaux PIB à prix constants 1,1 0,1 5,2 4,6 4,9 5,7 PIB à prix courants 10,9 7,6 15,6 13,6 11,6 11,4 Déflateur du PIB 9,8 7,5 9,9 8,6 6,4 5,4 Prix à la consommation Moyenne annuelle 9,7 8,2 8,1 8,4 7,0 5,5 Fin de période 9,0 7,3 8,7 8,1 6,0 5,0 Secteur extérieur Exportations (USD) 4,7 -18,5 23,5 14,2 22,3 10,9 Importations (USD) 26,1 -6,7 4,0 2,7 5,0 9,4 Masse monétaire et crédit Actifs étrangers nets -8,3 -11,0 7,4 9,9 7,3 3,5 Actifs nationaux nets 20,6 31,2 4,1 10,9 3,7 8,0 Créances nettes sur l’État 7,5 17,2 -0,6 1,9 0,4 -0,3 Crédit au secteur non gouvernemental 13,7 10,8 4,7 9,0 3,3 8,3 Masse monétaire 12,3 20,3 11,6 20,8 11,0 10,4 Réserves monétaires 14,5 2,6 10,4 16,2 12,2 4,4 Financement du gouvernement central (% du PIB) Total des recettes et dons 22,3 19,3 21,1 20,5 20,8 21,0 Recettes 18,2 17,8 19,0 18,1 18,3 18,5 Dons 4,1 1,5 2,1 2,4 2,5 2,5 Total dépenses et montant net des prêts 26,5 28,3 21,3 21,2 23,8 23,4 Dépenses courantes 17,9 18,4 15,6 15,8 15,5 15,3 Dépenses en capital 8,4 9,9 5,6 8,2 8,3 8,1 Solde budgétaire global Hors dons -8,3 -10,5 -2,3 -3,1 -5,5 -4,9 Avec dons -4,2 -8,9 -0,9 -0,6 -3,0 -2,4 Solde du compte courant Dont transferts officiels -17,6 -20,2 -12,2 -12,1 -10,3 -11,3 Hors transferts officiels -19,4 -20,4 -13,6 -12,6 -10,8 -11,8 Balance globale des paiements -0,9 -5,2 1,5 1,6 0,8 -0,6 Réserves officielles brutes (en mois d’importation) 3,7 2,2 3,0 3,2 3,4 3,7 Dette publique extérieure 25,9 25,8 27,1 28,3 30,4 31,8 Total dette publique 43,8 50,7 52,1 49,2 48,7 47,4 PIB nominal (milliards de GNF) 46,901 50,457 58,335 66,266 73,963 82,388 Source : Fonds monétaire international ; estimations et projections du personnel de la Banque. 58 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS MALI La croissance est restée forte en 2016, à 5,4 %, stimulée par l’augmentation des investissements publics et une performance solide dans tous les secteurs grâce à des conditions météorologiques favorables et des améliorations dans le climat des affaires. Les perspectives économiques sont positives, avec une forte croissance du PIB prévue, une baisse considérable des déficits du compte courant et fiscal, ainsi qu’une baisse de l’inflation. Elles sont néanmoins sujettes à des risques à la baisse liés principalement aux conditions de sécurité fragiles, aux problèmes de gouvernance et aux conditions climatiques. Évolutions récentes Depuis 2014, la croissance a été robuste. Elle a atteint 5,4 % en 2016, grâce à des performances solides dans tous les secteurs. Le secteur primaire a progressé de 5,4 % en raison des conditions météorologiques favorables, de l’accès élargi aux intrants et de l’extension des terres agricoles cultivées. Le secteur tertiaire a progressé de 6,3 %, stimulé par un essor des télécommunications. Après un ralentissement économique de 1,1 % en 2015, le secteur secondaire a rebondi de 4,5 % grâce aux activités dynamiques de l’agroalimentaire, tandis que l’exploitation aurifère a continué de baisser suite à la fermeture de deux mines. Du côté de la demande, la consommation privée et l’investissement public ont soutenu l’activité économique. La consommation privée a augmenté de 5,3 %, alimentée par les revenus dans les zones rurales et les prix stables des denrées alimentaires dans les zones urbaines. L’investissement public a atteint 36,6 % grâce aux efforts du gouvernement visant à combler les lacunes dans les infrastructures, notamment les investissements liés à l’accord de paix, et à l’augmentation des acquisitions d’équipements de défense. Un tiers des investissements publics a été financé par des partenaires au développement. À l’inverse, les investissements privés, principalement concentrés dans les secteurs des mines et des télécommunications, ont augmenté plus modérément, soit de 5,6 %. Le déficit du compte courant extérieur s’est détérioré davantage en 2016 pour s’établir à -7,7 % du PIB, étant donné que l’augmentation de l’investissement public et la consommation des ménages ont compensé une baisse des importations de carburant. Il a été financé en partie par des excédents de capitaux et de comptes financiers, principalement sous forme de dette (3,6 % du PIB), d’aide étrangère (1,4 % du PIB) et d’investissements directs étrangers (0,9 % du PIB). Les actifs étrangers nets du Mali à la banque centrale ont donc diminué de 18,7 % et sont maintenant équivalents à 1,5 mois d’importations. En 2016, le déficit budgétaire global s’est accentué, passant de -1,8 % du PIB à -4,3 %, en raison de l’augmentation significative de l’investissement public malgré des améliorations importantes des revenus intérieurs. Les recettes fiscales ont représenté 14,9 % du PIB, soit une hausse de 0,9 % du PIB par rapport à 2015. Les recettes fiscales sont néanmoins restées nettement inférieures au critère de convergence de l’UEMOA de 20 % du PIB et à la moyenne régionale. L’augmentation marquée des impôts provient principalement de la taxation accrue des carburants, de la mise en œuvre de réformes pour élargir l’assiette fiscale et de la réduction des exonérations fiscales. Toutefois, le ratio de la dette publique par rapport au PIB a légèrement diminué, passant de 30,9 % à 29,7 %, reflétant un risque modéré lié à la dette. 59 L’inflation est restée modérée à -1,9 %, soit bien en deçà du critère de convergence de l’UEMOA de 3 %, grâce à la bonne production agricole et la baisse des prix internationaux du pétrole, et ce malgré la dépréciation du franc CFA par rapport au dollar. Cela est également le fruit d’une gestion prudente des taux de change et de la politique monétaire régionale de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Durant cette dernière période, la BCEAO a adopté une politique accommodante en augmentant son refinancement auprès des banques commerciales afin de pallier la mauvaise performance du marché interbancaire et de promouvoir les prêts soutenant l’activité économique régionale. Cependant, en décembre 2016, la BCEAO a commencé à resserrer sa politique pour répondre aux déficits budgétaires et des comptes courants régionaux plus importants, afin d’assurer la cohérence de la parité du franc CFA avec l’Euro. Le ralentissement économique provoqué par les crises sécuritaires et politiques de 2012-2013 a entraîné une hausse de 2,6 points de pourcentage du taux de pauvreté extrême – à 50,4 % en 2013 – par rapport à 2011. Néanmoins, une croissance exceptionnelle de la production agricole depuis 2014, associée à l’expansion du secteur tertiaire, a entraîné une forte croissance du PIB par habitant et une baisse du taux de pauvreté, estimé à 43,9 % en 2016. De plus, les inégalités semblent avoir diminué puisque l’augmentation des revenus profiterait principalement aux ménages agricoles et du secteur tertiaire, qui sont les plus touchés par la pauvreté. Perspectives L’économie du Mali devrait augmenter d’environ 5 % par an de 2017 à 2019, reflétant un retour à la normalité et une diminution progressive de la récente augmentation de l’aide internationale. Tous les secteurs économiques devraient contribuer positivement à la croissance, bien qu’à des niveaux variables. Le secteur tertiaire devrait être le plus vigoureux, avec un taux de croissance moyen de 6,6  % grâce à l’essor des télécommunications. La croissance du secteur primaire atteindra environ 5  %, coïncidant avec le taux de croissance de l’économie dans son ensemble grâce à la bonne performance de l’agriculture (en particulier le riz irrigué), tandis que le taux de croissance du secteur secondaire devrait ralentir, passant de 5,0 % en 2016 à 2,2 % en 2019, en raison de la baisse continue de la production aurifère. Le déficit du compte courant devrait se réduire (mais il restera important), passant de -7,7 % en 2016 à -5,3 % en 2019 grâce à l’assainissement budgétaire et au soutien de la banque centrale régionale à la politique monétaire, qui devrait amortir les importations. De même, la position budgétaire devrait se renforcer, passant de -4,3 % du PIB en 2016 à -3,0 % en 2019, en raison de la mobilisation accrue des revenus intérieurs et du maintien d’une plus grande discipline dans les dépenses récurrentes. Par conséquent, la dette publique devrait augmenter progressivement à 31,6  % du PIB. L’inflation restera inférieure à 1 %, reflétant une croissance durable des cultures vivrières et une faible inflation mondiale. Le taux de pauvreté devrait également diminuer régulièrement. La poursuite de la solide expansion de l’économie malienne au cours de la période 2017-2019 entraînera une augmentation du PIB par habitant et une réduction concomitante du taux de pauvreté à 39,4 % environ en 2019. 60 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS Défis à relever Les solides perspectives économiques du Mali sont soumises à des risques négatifs importants et persistants. La lente mise en œuvre de l’accord de paix et du rétablissement de la sécurité dans tout le pays pourrait freiner la croissance de l’ensemble de l’économie, notamment l’amélioration du bien-être des ménages dans les zones touchées par le conflit et le retour et la réintégration des ménages déplacés et des réfugiés. De plus, les risques de gouvernance économique affectent l’efficacité de la gestion des finances publiques, l’aide des partenaires au développement et la création d’un climat commercial plus attrayant. Les chocs liés aux conditions météorologiques posent un grave risque pour la production agricole, et le réchauffement climatique pourrait intensifier cette menace au fil du temps. Enfin, toute baisse supplémentaire des prix mondiaux de l’or ou du coton pourrait déstabiliser les comptes extérieurs, puisque ces produits représentent l’essentiel des recettes d’exportation du Mali. 61 M A L I : S É L E C T I O N D ’ I N D I C AT E U R S É C O N O M I Q U E S ET FINANCIERS, 2014–2019   2014 2015 2016 2017 2018 2019 (variations annuelles, en %) Revenu et prix nationaux PIB réel 7,0 6,0 5,3 5,3 4,8 4,7 Déflateur du PIB 1,6 2,8 1,5 1,7 1,1 0,8 Inflation des prix à la consommation (moyenne) 0,9 1,4 -1,6 1,0 1,4 1,7 Masse monétaire et crédit (contribution à la croissance de la masse monétaire) Crédit au gouvernement 0,8 1,6 8,6 7,3 2,9 0,0 Crédit à l’économie 12,4 14,6 17,2 10,2 5,2 5,0 Masse monétaire (M2) 7,1 13,2 18,9 14,4 8,2 5,6 (en % du PIB, sauf indication contraire) Comptes nationaux Consommation privée 74,8 73,5 82,2 80,7 78,7 78,5 Consommation publique 16,3 16,2 17,1 17,2 16,9 16,9 Investissements privés 11,2 10,1 10,1 10,1 10,1 10,1 Investissements publics 6,5 7,3 9,3 9,6 9,4 9,3 Exportations de biens et services 22,5 22,0 21,7 22,1 21,3 20,7 Importations de biens et services 38,0 38,9 40,4 39,6 36,4 35,4 Financement du gouvernement central Solde global (ordres de paiement) -2,9 -1,8 -4,3 -4,1 -3,5 -3,0 Solde global (liquidités) -2,4 -3,2 -4,3 -4,1 -3,6 -3,0 Dette intérieure (fin de période) 6,3 7,5 6,8 7,0 7,0 7,0 Dette totale 27,3 30,9 29,7 30,0 30,7 31,6 Secteur extérieur (en % du PIB, sauf indication contraire) Solde extérieur courant, dont transferts officiels -4,7 -7,3 -7,7 -6,8 -5,3 -5,3 Solde extérieur courant, hors transferts officiels -12,7 -14,3 -17,0 -15,9 -13,3 -12,8 Exportations de biens et services (variations annuelles en -1,9 6,7 5,2 8,9 2,5 2,2 pourcentage) Importations de biens et services (variations annuelles en 3,4 11,5 11,2 4,9 -2,5 2,4 pourcentage) Service de la dette pour les exportations de biens et 3,5 6,3 4,1 5,2 3,8 4,3 services Dette extérieure (fin de période) 21,0 23,4 22,9 23,0 23,7 24,6 PIB nominal (en milliards FCFA) 7,114 7,748 8,285 8,870 9,401 9,923 Source : Autorités maliennes ; estimations des employés du FMI et de la Banque. 62 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS NIGER La croissance s’est accélérée en 2016 à un taux de 4,7 % en dépit des menaces sécuritaires, du prix toujours faible des produits de base et des chocs commerciaux. Malgré le renforcement de l’économie en 2016 et la baisse des déficits budgétaires et du compte courant extérieur, les problèmes persistent. Il s’agit de soutenir la croissance malgré les chocs tout en poursuivant le processus d’assainissement budgétaire. À moyen terme, la pauvreté déclinera modestement en raison d’une croissance modérée par habitant. Évolutions récentes L’économie du Niger se redresse progressivement, mais des chocs persistants se sont traduits par un très faible taux de croissance par habitant. La croissance économique est estimée à 4,7 % en 2016, contre 3,5 % en 2015, grâce à la bonne performance du secteur agricole. Du côté de la demande, l’impact de la baisse importante de l’investissement public, le choc persistant des prix des produits de base, les difficultés sécuritaires et les retombées de la crise nigériane ont maintenu la croissance en dessous du niveau de production potentiel. L’inflation est restée modérée à environ 2 % du PIB. Le déficit du compte courant extérieur a diminué en 2016 grâce aux réductions de l’investissement public à fort contenu d’importations. Le déficit est passé de 18,1 % en 2015 à 15,4 % du PIB, sachant que la baisse significative des importations a compensé la baisse des exportations d’uranium et des exportations nettes vers le Nigeria. Le déficit a été financé principalement par les investissements directs étrangers et l’aide (9,5  % du PIB). Les actifs nets étrangers du Niger restent à un niveau confortable, équivalant à 4,2 mois d’importations. Le gouvernement a ajusté les réductions des dépenses d’investissement d’environ 5 points de pourcentage du PIB en 2016. De ce fait, le déficit budgétaire (y compris les dons) s’est amélioré, passant de 9,1  % à 6,5  % du PIB entre 2015 et 2016, renversant de ce fait la tendance à la hausse des trois dernières années. Bien que le risque de surendettement du Niger soit encore considéré comme modéré (Analyse de soutenabilité de la dette en décembre 2016), la dette publique a atteint 47 % du PIB en 2016, contre 22,6 % en 2013. Le crédit intérieur au gouvernement a augmenté en 2016 à la suite d’une chute des recettes fiscales et du retard des paiements de l’aide extérieure. Cela a contribué à une décélération du crédit au secteur privé. La plupart des banques respectent les exigences prudentielles, mais les risques importants proviennent d’une exposition croissante au secteur public, à la fois par le biais des obligations de l’État et par la naissance d’arriérés nationaux. La part des prêts non productifs a augmenté de 17,5 % à 18,5 % du total des prêts entre 2015 et 2016, chiffre au-dessus de la moyenne de l’UEMOA qui était de 16 % en 2015. Le Niger est membre de l’UEMOA. Ces dernières années, le Niger a satisfait le critère de convergence de l’inflation de 3  % puisque sa politique monétaire est ancrée dans sa politique régionale. Le taux de change nominal est rattaché à l’Euro et le taux de change demeure largement en adéquation avec les fondamentaux, comme le suggère une méthodologie ABE-lite. La couverture régionale des réserves a diminué, se situant à moins de 4 mois pour la première fois en vingt ans, en raison du déficit grandissant du compte courant et du décalage de l’assainissement budgétaire. La BCEAO a décidé de limiter l’accès aux refinancements par les banques à un montant maximal correspondant à deux fois le capital d’une banque en décembre 2016. 63 En se fondant sur le seuil de pauvreté international (1,9 USD par jour, exprimé en PPA), le taux de pauvreté du Niger – de 50,3 % en 2011 – est descendu à 45,7 % en 2014. La pauvreté liée au revenu a diminué plus rapidement dans la ville de Niamey, capitale du Niger, et dans d’autres zones urbaines entre 2005 et 2014 grâce aux subventions des prix des produits alimentaires et aux vastes dépenses publiques liées aux projets d’investissement. Dans toutes les régions, les taux de croissance de la population sont élevés et, de ce fait, le nombre absolu de personnes vivant dans la pauvreté continue à grimper malgré une diminution de 10 points de pourcentage du taux de pauvreté durant ces dix dernières années. Pour la période 2016-2019, la pauvreté devrait diminuer de 1,5 point de pourcentage seulement. Perspectives Les perspectives économiques restent positives. Le taux de croissance devrait passer à 5,2 % en 2017 et à 5,5 % au cours de la période 2017-2019 grâce à l’expansion de l’agriculture irriguée, l’augmentation de la production de pétrole et de produits miniers de la mine Madaouela et au développement du secteur des télécommunications. L’inflation devrait se maintenir à 2 %, ancrée dans la politique régionale et soutenue par une production agricole positive. Le déficit budgétaire devrait diminuer entre 2017 et 2019. L’assainissement budgétaire devrait se poursuivre par une diminution de l’investissement public (sauf en 2017 pour financer les investissements déjà identifiés en matière d’infrastructures et dans les secteurs sociaux) et par les efforts réalisés par l’administration fiscale et douanière. Le déficit du compte courant extérieur devrait atteindre environ 18,6 % du PIB en 2017-2019, reflétant ainsi l’augmentation de l’investissement public en 2017 et les importations de biens d’équipement et de biens intermédiaires liés à l’IDE. Les réserves officielles brutes devraient se stabiliser à 4 mois d’importations de marchandises et de services, grâce à un soutien extérieur. Défis à relever Même si les perspectives sont globalement favorables, le Niger est confronté à des défis majeurs. Le premier défi concerne la diversification des sources de croissance du Niger. Le secteur de l’agriculture est le principal contributeur à la croissance et la première source de revenus pour la plupart des habitants et des personnes pauvres. Le Niger doit aussi renforcer sa base d’exportation et sa compétitivité, notamment par le développement d’infrastructures. Le deuxième défi consiste à maintenir l’assainissement budgétaire tout en s’assurant que les besoins de développement sont financés de manière adéquate. Du côté des recettes, le Niger doit renforcer sa capacité de mobilisation des recettes afin de prévoir une marge suffisante pour absorber l’impact des chocs sécuritaires et des prix des matières premières sur le budget. Dernièrement, les moins-values récurrentes sur les recettes ont creusé le déficit fiscal et la dette intérieure ou se sont traduites par des réductions importantes de l’investissement public, affectant ainsi les résultats de développement du pays. Des efforts accrus, visant à améliorer l’efficacité des dépenses, figurent aussi parmi les priorités du gouvernement puisque l’assainissement budgétaire implique la réduction de l’investissement public dans les années à venir. 64 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS S É L E C T I O N D ’ I N D I C AT E U R S É C O N O M I Q U E S E T F I N A N C I E R S , 2013–2020 2016 2017 2013 2014 2015 2018 2019 2020 Population et pauvreté Population totale (millions) 18,3 19,1 19,8 -- -- -- -- -- Seuil de pauvreté 1,9 USD/jour, exprimé en n 45,7 45,8 45,6 -- 45,4 44,9 -- PPA Inégalité — Revenus (coefficient de Gini) -- 33,9 34,0 -- -- Croissance de la population (% annuel) 4,0 4,0 4,0 -- -- -- -- -- Espérance de vie 60,8 61,4 -- -- -- Économie réelle (variation annuelle en %, sauf indication contraire) PIB réel 5,3 7,0 3,5 4,5 5,2 5,5 5,4 7,4 PIB hors ressources naturelles 4,2 7,9 4,1 4,3 5,0 5,6 5,5 6,0 PIB par habitant (méthode Atlas USD) 372,7 382,7 380,5 383,7 388,2 395,3 402,4 … Consommation 4,5 10,8 5,9 4,8 7,7 7,2 6,9 8,7 Consommation publique 24,5 14,8 20,7 -7,3 7,8 2,1 2,9 5,7 Consommation des ménages 2,6 10,4 4,0 6,6 7,7 7,8 7,3 9,1 Investissements 8,7 5,1 12,8 -3,0 14,3 9,9 7,9 1,7 Investissement public 31,6 28,9 8,7 -25,9 19,9 4,2 2,9 9,1 Investissement privé -0,3 -7,1 15,8 12,5 11,8 12,6 10,1 -1,4 Importations 6,1 6,8 10,3 -6,2 16,2 9,7 8,2 10,3 Exportations 10,6 -0,3 -7,8 -3,4 10,8 9,9 10,0 30,5 Hausse des prix à la consommation (moyenne) 2,3 -0,9 1,0 1,6 1,2 2,1 2,0 2,0 Comptes budgétaires (Pourcentage du PIB, sauf indication contraire) Dépenses 27,2 31,0 32,7 26,5 28,1 27,3 26,4 26,0 Recettes 16,6 17,5 18,1 15,3 16,1 16,8 17,5 19,1 - Balance générale (base des eng. y compris -2,6 -8,0 -9,1 -6,5 -7,4 -6,0 4,7 -2,9 dons) (Variation annuelle, % de la masse monétaire du début de la période) Comptes monétaires sélectionnés Volume des liquidités 10,1 25,7 3,6 14,4 9,4 9,7 11,5 9,6 Crédit au secteur non gouvernemental 2,5 6,1 6,8 7,5 4,2 4,3 3,9 4,6 Balance des paiements (Pourcentage du PIB, sauf indication contraire) Solde du compte courant (hors dons) -15,1 -15,4 -18,1 -15,4 -18,0 -18,5 -18,1 -15,4 Importations de biens et services, FOB. 26,3 26,2 27,5 25,3 26,7 27,3 27,7 28,1 Exportations de biens et services, FOB. 20,7 17,5 15,2 13,8 13,8 14,3 14,8 17,9 Investissements directs étrangers 8,1 8,9 6,9 7,7 8,8 10,5 10,9 8,9 Réserves brutes (Eq mois d’import.) 4,2 4,8 4,6 4,2 3,9 4,0 4,0 4,1 Dette publique totale 27,2 33,7 41,9 47,0 51,5 53,0 53,9 52,4 Dette publique extérieure 22,6 25,1 30,4 34,1 35,8 37,1 36,8 38,5 Dette publique intérieure 4,6 8,7 11,5 12,9 15,3 16,0 15,8 14 Aide extérieure 11,1 8,9 10,4 9,5 9,0 8,9 8,4 7,5 Termes de l’échange (variation en %) -3,1 -9,4 -7,5 11,0 -4,9 1,2 -4,7 -4,7 Taux de change (moyen) 494,2 536,8 596,9 596,9 596,9 … … … Postes pour mémoire : PIB (nominal-monnaie locale, milliards) 3 703 4 077 4 242 4 430 4 761 5 130 5 504 5 993 PIB (milliards USD prix courant) : Autorités nigériennes ; estimations des personnels du FMI et de la Banque mondiale, 2016. Source 65 BILAN ÉCONOMIQUE AFCW3 PROMOUVOIR LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE : quel rôle pour les réformes ? PRINTEMPS 2017